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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mars 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le renforcement de la protection des femmes dans notre système d'immigration. Cette réunion est télévisée. Aujourd'hui, nous accueillons trois témoins.
    Nous avons Debbie Douglas, directrice générale du Conseil ontarien des organismes de service aux immigrants. Bonjour, madame Douglas.
    Nous accueillons également Queenie Choo, présidente-directrice générale de S.U.C.C.E.S.S., et Amel Belhassen, représentante, Volet femmes. Bonjour.
    Nous allons d'abord entendre Mme Belhassen. Vous avez huit minutes pour livrer votre exposé.

[Français]

    Honorables députés, merci. Je suis très heureuse d'être ici. Je livre un témoignage pour la première fois. Étant donné le temps qu'on m'alloue, je vais aborder le sujet directement.
    Je viens de Montréal. Je représente la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes ainsi que le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec. Dans ma vie professionnelle, j'enseigne la sociologie de l'immigration à l'UQAM. Je suis donc sociologue.
    Aujourd'hui, je voudrais parler de deux points. Le premier concerne le statut d'admission et les conséquences de certains statuts précaires sur les conditions de vie des femmes immigrantes. Le deuxième point est aussi lié à la question du statut: je parlerai de la précarité économique des femmes immigrantes et racisées.
    Abordons le premier point, c'est-à-dire les conséquences du statut d'admission, et plus particulièrement du contexte du parrainage.
    Tout d'abord, je dois dire que j'interviens aussi sur le terrain et que nous sommes en contact avec les femmes immigrantes. Aujourd'hui, mon témoignage se base sur le témoignage des femmes sur le terrain et sur certaines recherches qui nous ont permis de donner la parole aux femmes immigrantes. C'est de la pure réalité.
    En octobre 2012, le gouvernement fédéral a annoncé l'introduction d'une période de résidence permanente conditionnelle de deux ans pour certains conjoints parrainés. À la suite de l'annonce de cette mesure, nous avons constaté que ces nouvelles règles d'immigration signifiaient que certains conjoints parrainés auraient deux ans de résidence permanente conditionnelle et qu'ils seraient exposés à l'expulsion s'ils ne vivaient pas avec leur conjoint pendant deux années complètes.
    Pour la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et pour le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec, l'introduction d'une résidence permanente conditionnelle représente un recul pour la politique canadienne d'immigration. Cela amplifie les inégalités dans les relations conjugales et expose les femmes, en particulier, à un risque accru de violence, malgré une exemption pour les conjoints victimes de sévices.
    Cette nouvelle disposition porte atteinte à la sécurité des femmes et, surtout, accorde beaucoup de pouvoir aux garants, qui pourraient exercer des pressions ou les menacer à tout moment de leur faire perdre leur résidence permanente si elles ne se plient pas à leurs exigences.
    Nous considérons aussi que ce nouveau règlement constitue un recul pour toutes les femmes au Canada et pour les femmes immigrées, déjà surreprésentées dans les statuts d'immigration les plus précaires. Elles subissent de plein fouet de nouveaux règlements sexistes.
    Malgré les exceptions prévues pour les conjoints qui subissent de mauvais traitements, selon nous, les femmes en particulier ne peuvent pas en bénéficier, car bon nombre d'entre elles n'ont pas une connaissance suffisante des lois canadiennes et, plus particulièrement, de l'exemption liée à cette période conditionnelle de deux ans. À notre avis, les conjoints victimes de sévices, et particulièrement les femmes, ne pourront pas bénéficier de l'exemption, à cause d'obstacles tels que le manque d'accès à l'information, la non-maîtrise de la langue, l'isolement, etc.
    Plusieurs facteurs culturels entrent aussi en ligne de compte. Dénoncer la violence vécue dans le couple est mal vu dans certaines cultures. On trouve une sorte d'omerta, de loi du silence qui oblige les femmes à ne pas dénoncer cela, de peur d'être renvoyées de la famille ou rejetées par celle-ci, entre autres.
    Par exemple, on peut penser aux mariages arrangés dans le cadre duquel une fille ne peut pas dénoncer la violence. Si elle le fait, elle risque de subir des conséquences assez négatives. D'ailleurs, l'année passée, on a assisté à certains crimes d'honneurs liés à cela, entre autres. Il y a aussi les mariages forcés.
(1535)
    Plusieurs raisons empêchent les femmes de dénoncer la violence. Il faut aussi que les femmes immigrantes connaissent et définissent comme il faut la violence. Certaines pensent que violence veut dire violence physique, alors que, comme vous le savez très bien, il y a différentes formes de violence: physique, psychologique, économique, etc.
    Pour cette raison, nous pensons qu'il existe d'autres moyens de dissuader la fraude, qui constitue l'un des facteurs à l'origine de ces nouvelles mesures. On pourrait agir dans le pays d'origine pour vérifier la véracité des mariages, des unions, etc. Il y a différentes façon d'agir et de vérifier cela.
    De plus, il ne faut plus se satisfaire de juger le garant selon le dossier qu'il dépose. Il faudrait le rencontrer, le voir, le regarder dans les yeux. C'est lui qui va parrainer la femme. Il ne faut pas se limiter au dossier pour se faire une idée sur le parrain.
    Bon nombre de femmes immigrantes ne connaissent pas les lois et ne savent même pas ce que veut dire être parrainée. Il faudrait peut-être les informer dans leur pays d'origine des différents statuts d'admission, et particulièrement du contexte du parrainage. Dans les ambassades du Canada dans certains pays d'origine, on organise souvent, pour les candidats à l'immigration qui sont admis, des séances d'information sur le Canada, le Québec, etc. Il serait très intéressant d'organiser une séance d'information sur les lois relatives à l'immigration.

[Traduction]

    Il vous reste une minute, madame Belhassen.

[Français]

    En ce qui a trait au deuxième point, de nouvelles mesures sont en cours, toujours dans le contexte du parrainage. On exige de la personne qui va être parrainée, l'époux ou l'épouse, qu'elle connaisse l'anglais ou le français et qu'elle ait une compétence professionnelle. On exige aussi du conjoint ou de la conjointe d'avoir un revenu suffisant pour la parrainer. Nous pensons que de telles mesures posent des obstacles au regroupement familial. Quand on prend un mari, on prend un pays. Généralement, les femmes parrainées par les époux n'ont pas choisi d'immigrer; elles suivent leur mari à l'étranger. Nous ne voyons pas à quoi cela va servir d'exiger d'elles d'avoir des compétences professionnelles, puisque les personnes ici souffrent déjà de la non-reconnaissance de leurs compétences.
    Merci beaucoup.
(1540)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Choo, c'est votre tour. Vous avez huit minutes.
    La violence faite aux femmes se produit dans toutes les cultures et toutes les religions, dans toutes les communautés ethniques et raciales, dans tous les groupes d'âge, et dans toutes les catégories de revenus. Les femmes immigrantes qui participent au programme de parrainage de conjoint sont plus vulnérables aux mauvais traitements ou à la violence conjugale en raison du déséquilibre de pouvoir qui est inhérent à leur relation avec leur parrain. Leur situation est aggravée par la dépendance économique, les obstacles linguistiques et culturels, les attitudes contrôlantes, les menaces formulées par leur parrain, qui les isolent délibérément du monde extérieur en leur enlevant leur passeport ou leurs documents d'immigration, par exemple.
    Les craintes entretenues par une femme à l'égard de la sécurité et du bien-être de ses enfants, ainsi que l'incertitude liée à son statut de résidente permanente, la forceront à demeurer dans une relation violente. De plus, son manque de connaissance au sujet de ses droits prévus par la loi, de sa communauté et des services de soutien à la protection complique d'autant plus sa situation.
    Les réfugiés qui arrivent au Canada et qui sont traumatisés par la guerre ou par des gouvernements répressifs sont beaucoup moins portés à dénoncer la violence physique ou sexuelle aux autorités, car ils craignent d'être victimisés davantage ou d'être déportés. Il arrive aussi que des femmes immigrantes parrainées soient victimes de violence aux mains des membres de la famille élargie de son parrain.
    Il est très difficile de briser le cycle de la violence familiale. Il est également très complexe et ardu d'aider les femmes immigrantes parrainées à quitter une relation violente lorsque tout se dresse contre elle.
    Il est important de reconnaître qu'il y a des systèmes en place. Le Canada a adopté des lois bien intentionnées pour protéger les femmes victimes de violence et des politiques en matière d'immigration pour empêcher les fraudes liées au parrainage. Toutefois, la mise en oeuvre de ces règlements a parfois créé des obstacles imprévus pour les femmes immigrantes qui se retrouvent dans des relations violentes. Par exemple, dès que le conjoint cesse le parrainage lorsque sa femme immigrante quitte le mariage ou tente de sortir d'une relation violente, cette dernière perd le statut juridique qui lui permet de rester au Canada.
    Les organismes d'aide à l'établissement et les maisons de transition constatent qu'un plus grand nombre de mères se retrouvent sans statut juridique partout au pays. Dans certains cas, les demandes de parrainage sont incomplètes ou le processus n'a même pas encore commencé et le statut de la femme est expiré. Étant donné que la résidence principale de leurs enfants est au Canada, elles ne peuvent pas quitter le pays pour retourner dans leur pays d'origine avec leurs enfants sans obtenir d'abord le consentement de leur ancien partenaire. Cela signifie qu'elles doivent demeurer au Canada sans le statut approprié.
     Par conséquent, notre système juridique n'aide pas vraiment les mères sans statut juridique lorsqu'elles font une demande de garde d'enfants ou lorsqu'il s'agit de décisions touchant l'accès. Si la mère amène l'enfant hors du pays ou l'éloigne d'un partenaire violent et qu'elle n'a pas de statut juridique, elle risque d'être accusée d'enlèvement d'enfant. Même lorsque les enfants peuvent rester avec elle dans une maison de transition en vertu d'une ordonnance de protection, l'accès aux enfants accordé au père dans un endroit neutre, notamment une maison de transition, mène parfois à la violence. Les femmes n'ont habituellement aucun moyen de faire en sorte qu'une tierce partie digne de confiance amène les enfants dans un endroit neutre pour respecter le droit d'accès du père.
    L'YWCA a lancé une campagne nationale pour demander à CIC d'accélérer la première étape de l'approbation du statut juridique pour les mères sans statut juridique ou les femmes immigrantes qui quittent un partenaire violent et qui font une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, car elles sont en danger. Nous, les membres de S.U.C.C.E.S.S., convenons qu'il s'agit d'une solution essentielle qui permet d'améliorer, à court et à long terme, la qualité de vie de ces femmes immigrantes. Toutefois, le taux d'acceptation de ces demandes est généralement peu élevé, et l'ensemble du processus pour obtenir un statut juridique, qui s'étend sur deux à trois ans, est toujours trop long. On n'aide pas assez rapidement ces femmes immigrantes en temps de crise. Nous aimerions que le Parlement renforce et accélère la résolution de la question du statut juridique de ces femmes immigrantes parrainées qui se retrouvent dans une relation conjugale violente.
    En ce qui concerne l'agresseur, nous sommes d'avis que le parrain violent devrait assumer ses responsabilités et les conséquences de ses actes.
(1545)
    Il faut que l'agresseur se rende compte que c'est lui le problème, et non sa conjointe. En effet, le problème cesse avec l'agresseur. Il est plus pratique de faire en sorte que l'agresseur paie ou doive au gouvernement les coûts entraînés par tous les services sociaux et les services de soutien gouvernementaux qui viennent en aide aux femmes immigrantes qui quittent une relation de parrainage violente pour rebâtir leur vie et le bien-être de leurs enfants grâce à l'indépendance économique. Le gouvernement pourrait même en faire une condition dans la demande de parrainage d'un conjoint en cas de rupture de l'engagement de parrainage liée à une situation violente.
    Au-delà des services de soutien et des mesures de protection juridiques pour les femmes victimes de violence, il est important de se pencher sur la sécurité et la garde des enfants, les interventions en cas de crise effectuées par les maisons de transition, les services d'aide et de vulgarisation juridiques continus, les services de santé, les services en matière de santé mentale, les services de counselling, les logements abordables à long et à court termes, les services d'établissement, l'accès à l'éducation et à la formation linguistique, l'aide au revenu, les services de garde d'enfants, les services de transition offerts aux femmes immigrantes — il y en a trop pour tous les mentionner aujourd'hui.
    Je suis heureuse d'apprendre que des outils sont actuellement mis au point par la BC Society of Transition Houses et l'AMSSA, l'Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of BC, un organisme-cadre pour tous les services d'établissement. Ils seront distribués par les ministères du gouvernement de la Colombie-Britannique pour former et aider les intervenants en établissement d'un secteur et les sensibiliser davantage à l'égard de cet enjeu, et pour qu'ils sachent comment régler ces problèmes et diriger ces personnes vers les ressources appropriées.
    Permettez-moi de terminer en vous racontant deux cas réels observés par les travailleurs de première ligne en matière d'établissement de notre organisme.
    Dans le premier cas, une immigrante chinoise parrainée par son conjoint était victime de violence verbale depuis le début du mariage. Son conjoint avait établi des règles sévères dans la maison et si elle ne s'y conformait pas, il avait recours à la violence verbale. Elle se disait qu'il était le pourvoyeur et qu'il travaillait fort à l'extérieur de la maison, et qu'elle devrait être capable de le supporter. Plus tard, elle est tombée malade et a appris qu'elle avait le cancer. La situation s'est dégradée. Même après les traitements de chimiothérapie et les traitements contre le cancer, qui l'avaient laissée très faible, elle devait cuisiner et nettoyer la maison pour son conjoint.
    Ses parents sont venus de Chine pour l'aider. Ils ont découvert que leur fille était victime de violence et ont appelé la police à de nombreuses reprises, car les mauvais traitements devenaient plus fréquents. Mais en raison de la barrière linguistique, les parents de notre cliente ne pouvaient pas bien expliquer la situation à la police, et le conjoint, c'est-à-dire l'agresseur, qui parlait très bien anglais, disait toujours à la police qu'il s'agissait d'une chicane de famille et que ce n'était rien de grave. Les policiers quittaient donc les lieux sans prendre de mesures.
    Certains amis de la conjointe ont offert leur aide, mais le conjoint a refusé la plupart du temps. Il disait que c'était sa responsabilité de s'occuper d'elle et que si elle obtenait de l'aide de l'extérieur, cela signifiait qu'il n'avait pas bien fait son travail. Ses amis pouvaient seulement la visiter à la maison lorsque le conjoint était au travail.
    Avec l'aide d'autres personnes, ses parents ont informé le ministère du Développement de l'enfance et de la famille que le conjoint avait battu leur petit garçon âgé de trois ans. Le ministère a envoyé un travailleur social pour une visite à domicile, mais encore une fois, aucune mesure n'a été prise. Les travailleurs sociaux qui travaillaient à l'hôpital étaient au courant de sa situation. Avec leur aide, elle a été placée en maison d'accueil pendant quelques jours, mais elle a été obligée de quitter cette maison, car on ne pouvait pas s'occuper d'une personne dans son état.
    Ses parents ont essayé d'attirer l'attention des médias pour obtenir de l'aide, mais l'histoire a été publiée dans un journal chinois...
    Nous devons avancer, madame Choo. Je suis désolé. Vous avez déjà eu une minute supplémentaire.
    D'accord.
    Elle est décédée à l'âge de 30 ans. Elle n'a pas obtenu l'aide dont elle avait besoin.
(1550)
    Je suis désolé. C'est une histoire importante, mais nous devons avancer.
    Madame Douglas, vous avez la parole. Merci d'être venue.
    Queenie, je vous remercie de nous avoir raconté cette histoire. Je crois qu'elle met en évidence la façon dont les travailleurs de première ligne doivent faire face à ces situations tous les jours.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître. Je travaille pour l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, l'OCASI. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à l'étude entreprise par votre comité sur le renforcement de la protection des femmes dans notre système d'immigration.
    L'OCASI est l'organisme-cadre du secteur des services aux immigrants et aux réfugiés en Ontario, et il compte plus de 230 agences partout dans la province. Plusieurs de nos agences membres fournissent un large éventail de services de mesures de prévention contre la violence, de logements d'urgence pour les femmes victimes de violence, de soutien à l'immigration, de soins de santé, de formation liée à l’emploi et à l'acquisition des compétences, parmi d'autres. Vous avez entendu certains d'entre eux et au cours des prochaines semaines, vous entendrez des représentants d'organismes tels le Centre des femmes de l'Asie du Sud et l'Association des femmes afghanes. Nous sommes très heureux que vous puissiez entendre parler du travail effectué en Ontario et de nos préoccupations.
    Des représentants de l'OCASI ont comparu à de nombreuses reprises devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, ainsi que devant d'autres comités parlementaires et sénatoriaux pour vous parler de notre expertise et de notre expérience à l'égard des questions et des enjeux qui entraînent des répercussions sur les immigrants et les réfugiés.
    Nous avons également eu l'occasion de contribuer à cette étude et à d'autres études menées par les comités sur des projets de loi et des lois en vigueur par l'entremise de mémoires écrits. Je dois m'excuser, car vous n'avez pas la version écrite de mon exposé aujourd'hui.
    Au cours des quelques minutes à ma disposition, j'aimerais offrir certaines réflexions sur deux enjeux. Tout d'abord, la proposition qui vise à imposer une exigence en matière d'éducation et de compétences, ainsi qu'une exigence linguistique pour le parrainage de conjoint comme mesure de prévention. Ensuite, la résidence permanente conditionnelle de deux ans dont mes deux collègues ont également parlé.
    Tout d'abord, permettez-moi de vous parler des exigences proposées.
    Malheureusement, la violence contre les femmes au Canada est un phénomène très réel, et il se répand, peu importe la race, l'ethnie, la classe économique ou sociale, les compétences et l'âge. Je crois qu'il est juste de dire que dans pratiquement tous les cas, la violence faite aux femmes découle du patriarcat.
    Dans son rapport, la Fondation canadienne des femmes a conclu que la moitié des femmes au Canada avaient été victimes d'au moins un incident lié à la violence physique ou sexuelle depuis l'âge de 16 ans, et que 67 % des Canadiens affirment qu'ils connaissent personnellement au moins une femme qui a été agressée sexuellement ou physiquement.
    Les travailleurs de première ligne du secteur des services aux immigrants et aux réfugiés ont confié à l'OCASI que selon leur expérience, de nombreux cas de violence conjugale n'étaient pas signalés.
    En 2009, l'étude de Statistique Canada intitulée « La violence familiale au Canada: Un profil statistique » a souligné que « pour de nombreuses victimes, il peut être difficile de dénoncer des actes de violence conjugale », et que « les affaires de violence conjugale ne sont pas toutes signalées à la police ». De plus, « moins de 3 victimes de violence conjugale sur 10 […] ont signalé la violence à la police ». L'étude souligne également que « d’autres formes de violence conjugale, comme la violence émotive, la violence psychologique et l’exploitation financière, ne sont pas […] des infractions qui peuvent faire l’objet d’accusations en vertu du Code criminel. […] Elles ne sont pas incluses dans la présente analyse ».
    Comme je l'ai dit plus tôt, la violence faite aux femmes peut se produire dans toutes les collectivités, peu importe la culture, la religion, la langue, l'âge ou l'ethnie. Elle ne se limite pas aux femmes à faible revenu, aux femmes sans emploi, aux femmes peu éduquées ou aux femmes immigrantes et réfugiées.
    Certaines femmes courent un risque plus élevé en raison d'autres facteurs, par exemple un manque de connaissance de leurs droits ou de leur capacité de les faire valoir, un manque d'accès aux services ou aux ressources, ou parce qu'elles sont victimes de discrimination raciale ou d'autres formes de discrimination lorsqu'elles tentent d'avoir accès à des mesures de protection ou à certains services.
    Selon la Fondation canadienne des femmes:
Les femmes immigrantes peuvent être plus vulnérables à la violence conjugale, notamment en raison de leur dépendance économique, des barrières linguistiques et d'un manque de connaissance des ressources communautaires. Les nouvelles arrivantes au Canada qui ont été traumatisées par la guerre ou des gouvernements répressifs sont beaucoup moins portées à signaler la violence physique ou sexuelle aux autorités, car elles craignent d'être victimisées davantage ou même d'être déportées.
Un grand nombre de femmes racialisées font face à des obstacles lorsqu'elles tentent de signaler des incidents liés à des agressions physiques ou sexuelles ou lorsqu'elles demandent de l'aide. « Selon une étude menée auprès de jeunes femmes membres de minorités visibles à Toronto, une de ces femmes sur cinq est victime de racisme dans le système de soins de santé, notamment par l'entremise d'insensibilité culturelle, de propos racistes et de soins de piètre qualité ».
    Cela concernait les jeunes femmes membres de minorités visibles qui avaient été victimes d'une agression sexuelle.
    Permettez-moi de réitérer qu'en dépit de ces conclusions, les femmes ne sont pas plus susceptibles d'être victimes de violence ou de mauvais traitements lorsqu'elles sont peu éduquées ou lorsqu'elles n'ont pas accès au marché du travail.
(1555)
    Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives souligne que 70 % des femmes canadiennes qui ont signalé une expérience de violence conjugale ont un emploi, et 71 % détiennent un diplôme universitaire ou collégial.
    Nous doutons donc fortement que l'imposition d'exigences en matière d'éducation et de compétences, ainsi que des exigences linguistiques à l'égard d'un conjoint parrainé, contribue à diminuer la violence conjugale. Nous pensons plutôt que cela pourrait devenir un autre facteur de vulnérabilité pour le conjoint parrainé.
    Actuellement, la seule exigence liée au mariage imposée par la plupart des provinces et des territoires canadiens est la limite d'âge qui vise à protéger les mineurs. J'aimerais ajouter que nous appuyons la proposition en vue d'augmenter l'âge du parrainage de conjoint de 16 à 18 ans. Le conseil appuie absolument ce changement.
    Toutefois, nous pensons qu'il est extrêmement troublant que le gouvernement du Canada envisage maintenant de dicter aux Canadiens qui ils peuvent marier ou ne pas marier en imposant des exigences liées à la langue, à l'éducation et aux compétences. C'est comme si le gouvernement devenait une agence matrimoniale pour les conjoints canadiens.
    Qu'arrivera-t-il à un Canadien qui s'est marié à l'étranger avec une personne qui ne répond pas à ces exigences? Les conjoints devront-ils vivre séparément? S'attend-on à ce que le parrain canadien divorce de son conjoint ou de sa conjointe et trouve une nouvelle personne qui correspond mieux aux exigences de CIC? Même si ces affirmations peuvent sembler tirées par les cheveux, c'est le type de questions qui sont soulevées lorsque nous envisageons d'imposer ce type d'exigences aux conjoints admissibles au parrainage dans notre pays.
    De plus, étant donné que la violence conjugale et la violence faite aux femmes sont des enjeux qui entraînent des répercussions sur toutes les femmes canadiennes, peu importe leur statut d'immigration et leur lieu de naissance, nous sommes réellement étonnés qu'on propose de s'attaquer à ce problème très grave en passant par le secteur de l'immigration. Nous croyons que ces propositions ne régleront pas le problème et pénaliseront plutôt certains Canadiens et certains immigrants.
    Il vous reste moins d'une minute, madame Douglas.
    Le comité examine également la question des mariages forcés. J'aimerais souligner qu'il s'agit d'une question très grave, qui soulève de profondes inquiétudes non seulement au sein de votre comité, mais au sein de tous les ministères fédéraux, surtout à Condition féminine Canada. Un témoin de la South Asian Legal Clinic of Ontario qui a mené une étude sur les mariages forcés vous a dit que selon les recherches, ce type de mariage entraînait des répercussions sur un grand nombre de Canadiens, et que ce problème n'était pas confiné à une région géographique ou à une culture particulière, et que nous devions nous y attaquer en tant que nation.
    Avant de terminer, j'aimerais formuler trois ou quatre recommandations clés qui, à notre avis, s'attaqueront aux problèmes dont mes collègues ont parlé, surtout en ce qui concerne le parrainage d'une durée deux ans, dont je n'ai pas le temps de parler, ainsi que les problèmes généraux liés à la violence faite aux femmes.
    Nous avons un problème, madame Douglas. Les huit minutes sont écoulées, et vous entamez seulement vos résumés.
    Puis-je avoir une minute?
    D'accord. Vous avez une minute.
    Merci.
    Nous devons investir dans une campagne nationale de sensibilisation et d'information pour prévenir la violence à l'endroit des femmes, et empêcher les mariages forcés. Il faudrait notamment investir dans la sensibilisation des fournisseurs de services au sens large, une définition qui inclut ceux qui travaillent auprès des immigrants et des réfugiés dans les foyers et maisons d'hébergement, les travailleurs de la santé, les services de police, l'immigration, les services communautaires et les autres travailleurs sociaux.
    Nous devons investir dans les services destinés aux femmes, et notamment les services spécialisés pour les femmes autochtones, les réfugiées et les immigrantes, les femmes handicapées et les aînées, afin de pouvoir les aider à rompre l'isolement et à cheminer vers l'indépendance économique.
    Nous avons besoin d'une stratégie nationale qui permettra notamment d'offrir un logement abordable ainsi que des services d'hébergement d'urgence et de transition à toutes les femmes qui en ont besoin.
    Enfin, il nous faut une stratégie nationale en matière de garde d'enfants pour que les femmes puissent s'intégrer librement au marché du travail.
    Je me réjouis à la perspective de pouvoir discuter de ces recommandations avec vous.
    Un grand merci à vous trois pour vos exposés.
    Les membres du comité ont maintenant des questions à vous poser.
    Monsieur Menegakis.
    Merci à tous nos témoins pour les observations très éclairantes qu'elles nous ont présentées cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Choo.
    Votre organisation reçoit-elle des demandes d'assistance de personnes qui sont forcées à se marier? Le cas échéant, quelles mesures leur suggérez-vous?
    Nous sommes une organisation de services aux immigrants et nous offrons donc de l'information en fonction des directives et des règles de l'immigration pour aider ces femmes pour lesquelles la langue représente bien souvent une barrière. Nous les aidons à comprendre le système. Nous leur donnons accès aux outils à leur disposition.
    Il faut toutefois reconnaître que la situation de certains ménages est fort complexe et particulièrement difficile. Beaucoup de ces femmes rentrent chez elles pour se retrouver aux prises avec la même problématique. C'est un cercle vicieux en quelque sorte.
(1600)
    Dans les situations de mariage forcé, constatez-vous que les victimes sont au fait de leurs droits et des possibilités qui s'offrent à elles au Canada?
    Je ne pense pas que toutes ces femmes comprennent leurs droits de même que les responsabilités associées à leur présence au Canada. C'est justement la raison pour laquelle nous faisons valoir la nécessité de tenir ces séances d'information pour les aider à mieux saisir ces droits et responsabilités.
    Lors de sa comparution devant le comité, Chantal Desloges a indiqué qu'elle croyait nécessaire de porter de 16 à 18 ans l'âge minimum pour un parrainage. Êtes-vous du même avis?
    Pour ce qui est de l'âge, dans la mesure où nous pouvons rester raisonnables et éviter d'imposer des obstacles supplémentaires aux gens, je crois que cela pourrait aider les femmes vulnérables à accéder à l'indépendance économique.
    Madame Douglas, bienvenue encore une fois. Nous sommes heureux de vous revoir.
    Certains témoins nous ont parlé de la résidence permanente conditionnelle. Nous savons que si une femme peut faire la preuve qu'elle est dans une situation de mariage forcé ou marqué par la violence, le statut proposé ne sera plus applicable.
    À votre avis, quels éléments de preuve peuvent être invoqués pour établir qu'il y a eu mauvais traitements ou négligence?
    En l'absence de contusions ou de témoins des mauvais traitements, il peut être difficile de prouver qu'il y a eu violence.
    D'après ce que nous ont dit nos intervenants de première ligne qui travaillent auprès de ces femmes, même lorsqu'elles disposent de tels éléments de preuve et essaient de se renseigner davantage au sujet des répercussions sur leur statut d'immigrante, bon nombre de nos bureaux de la citoyenneté n'ont pas l'information qu'elles recherchent et ne sont pas au fait de l'exemption. Ces femmes reçoivent donc des renseignements erronés et souvent contradictoires.
    Le problème est exacerbé par le fait que, bien souvent, les femmes qui composent le numéro 1-800 de CIC n'ont pas droit à la réponse directe d'un agent. Elles ne peuvent donc pas obtenir l'information qui leur aurait permis de savoir qu'elles peuvent effectivement, étant donné qu'elles sont victimes de mauvais traitements, quitter leur foyer en ne risquant pas de faire l'objet d'une ordonnance d'expulsion ou d'être accusées de manquer à la condition exigeant deux années de vie commune avec leur conjoint. Nous préconisons donc une plus grande sensibilisation, non seulement des conjoints parrainés, mais aussi des travailleurs de l'immigration et des autres agences de services de telle sorte que les femmes soient bien renseignées quant aux répercussions sur leur statut d'immigrante.
    Logiquement, la première chose à faire en cas de mauvais traitements serait d'appeler la police. Le numéro 1-800 de CIC ne serait pas la première chose qui viendrait à l'esprit. Mais je comprends ce que vous essayez de nous dire et je le respecte tout à fait.
    Avez-vous eu des cas où les éléments de preuve produits ont été rejetés?
    Non, nous n'avons pas eu d'exemples semblables. Il faut toutefois dire que l'on ne déploie pas d'efforts particuliers pour recueillir des renseignements à ce sujet depuis la mise en oeuvre des nouvelles règles en octobre 2012. Je sais que notre conseil n'a pas commencé à le faire en Ontario, et je pense que c'est la même chose pour nos homologues des autres régions du pays, comme l'AMSSA ou la table de concertation au Québec.
    J'ai une question pour vous, madame Belhassen.
    D'après vous, est-ce qu'une manière générale les femmes craignent de présenter leurs éléments de preuve lorsqu'elles sont victimes de mauvais traitements? Elles se retrouvent ici au Canada et sont très vulnérables. Il y a certaines choses évidentes pour la Canadienne moyenne qui peuvent leur échapper. Pensez-vous qu'elles ont tendance à craindre de présenter leurs éléments de preuve en pareil cas?

[Français]

    Oui, tout à fait. Selon notre expérience et les rencontres que nous avons eues avec plusieurs femmes qui ont sollicité notre aide, elles ont peur de dénoncer leur conjoint ou leur mari. Elles ont peur non seulement de leur conjoint, mais aussi de la communauté, parce que c'est mal vu.
    De plus, certaines femmes qui avaient des bleus ne voulaient pas faire de dénonciation. D'autres ne comprennent pas qu'il n'y a pas que la violence physique, mais qu'il y a aussi la violence psychologique. Quand elles racontent leur situation et que les professionnels leur disent qu'il s'agit d'un cas de violence psychologique, elles demandent ce que signifie cette expression.
    Tout à l'heure dans ma présentation, j'ai dit qu'il faudrait prévenir ces situations. Il ne faut pas attendre qu'elles arrivent. Il faudrait informer ces femmes des droits qui ont cours ici, au Canada, des valeurs d'ici et de l'égalité entre les hommes et les femmes. Il faudrait les en informer avant même qu'elles viennent au Canada.
    Bref, comme je le disais tout à l'heure, il faudrait des séances d'information pour qu'elles sachent quel est le contexte de parrainage et ce qu'il implique de la part de leur conjoint et d'elles-mêmes. Figurez-vous que plusieurs maris et conjoints jouent sur ce contexte.
(1605)

[Traduction]

    Monsieur Sandhu.
    Merci à nos témoins de votre présence aujourd'hui
    J'aimerais d'abord parler de l'organisation S.U.C.C.E.S.S. et du travail que vous accomplissez dans nos collectivités. Je sais que vous êtes établis à Vancouver et que vous offrez d'excellents services aux gens de la vallée du bas Fraser. Je connais certaines organisations qui collaborent avec vous et des personnes de ma circonscription qui ont recours à vos services. Je tiens donc à vous remercier vivement de votre présence et des services que vous dispensez à notre collectivité.
    Vous fournissez notamment des services d'interprétation. Vous n'aidez pas seulement les gens en français et en anglais, mais aussi dans d'autres langues. Vous avez des bénévoles qui assurent ce service. Dans combien de langues pouvez-vous ainsi aider les gens?
    Nous offrons nos services dans plus d'une vingtaine de langues, avec le concours notamment de la banque linguistique. Nous voulons ainsi nous assurer que chaque personne comprend bien le but visé de même que ses droits et responsabilités, peu importe sa provenance et la langue qu'elle parle.
    Vous êtes en train de me dire que la langue n'est pas un obstacle à la transmission de l'information ou aux interactions avec vos clients de la vallée du bas Fraser.
    Dans la mesure où ces gens-là savent comment accéder à nos services et ce qui leur est offert.
    À partir du moment où une personne s'adresse à S.U.C.C.E.S.S., elle peut interagir avec vous dans la langue de son choix?
    Oui.
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Une personne qui arrive de l'étranger ne connaît pas nécessairement nos lois et nos règlements.
    C'est exact.
    C'est vrai peu importe sa langue, sa maîtrise du français ou de l'anglais.
    Oui.
    Vous nous dites que la langue n'influe pas sur la compréhension de nos lois et de nos règlements. Nous avons parlé de la nécessité d'offrir plus d'information, plus de ressources aux femmes victimes de violence. Lorsqu'elles s'adressent à vous, êtes-vous en mesure de leur fournir cette information et cette aide dont elles ont besoin dans leur langue maternelle?
    Disons que l'interprétation des lois est déjà chose difficile pour n'importe quel profane. Je voulais vous donner des exemples, mais je n'ai pas eu le temps de vous parler du deuxième. Même une personne qui maîtrise bien la langue du pays ne va pas nécessairement comprendre la loi et ses répercussions. Il y a une chose importante dont nous devons prendre conscience en tant que gouvernement, qu'agence de prestation des services. Nous avons la responsabilité et l'obligation d'aider ces personnes vulnérables, non seulement en leur fournissant l'information dans une langue qu'elles comprennent, mais aussi en leur permettant de bien saisir les répercussions de la loi ainsi que les responsabilités et les droits qui en découlent pour elles.
    La barrière linguistique n'est-elle pas la principale raison pour laquelle ces personnes ne connaissent pas nos lois et les droits dont elles bénéficient dans notre pays?
     Je pense que nous coupons les cheveux en quatre. Si une personne ne possède pas de compétences linguistiques de base, elle ne pourra pas comprendre même les propos les plus anodins. Certaines nouvelles arrivantes avaient atteint un niveau d'alphabétisation minimal ou étaient même totalement analphabètes dans leur pays d'origine. En pareil cas, on ne peut certes pas s'attendre à ce qu'elles maîtrisent l'anglais. Même lorsqu'on s'adresse à elles dans leur langue maternelle, il faut s'assurer d'utiliser un niveau de langue qu'elles sont en mesure de comprendre et ne surtout pas s'imaginer qu'on peut leur expliquer les lois et les règlements du Canada.
(1610)
    Madame Belhassen, vous avez parlé de mariages arrangés. J'ai l'impression que vous confondez peut-être mariage arrangé et mariage forcé. Vous avez parlé de la violence dont sont victimes certaines femmes dans une situation de mariage arrangé. Peut-être vouliez-vous parler de mariage forcé? Pourriez-vous nous expliquer la distinction que vous faites entre mariage arrangé et mariage forcé?

[Français]

    Généralement, un mariage arrangé se décide entre les deux partenaires du couple. Parfois, les familles interviennent aussi pour arranger ce mariage. Dans le cas du mariage forcé, j'imagine que la conjointe, la femme, est forcée de choisir ce genre de mariage. Elle ne le choisit pas; elle est contrainte de l'accepter.
    Cela dit, dans les deux cas, nous avons remarqué l'existence de certains genres de violence. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faudrait prévenir toutes les situations qui amènent et exacerbent cette violence.
    Je vais prendre le reste du temps de parole de mon collègue.
     Revenons sur une chose que Mme Belhassen a dite. J'aimerais savoir si vous avez chacune un bref commentaire à faire à ce sujet.
    Vous avez parlé de l'importance d'agir avant que les personnes parrainées n'arrivent au Canada et de s'assurer qu'on leur transmet l'information. Vous n'êtes pas le premier témoin qui nous parle de cela. On a déjà parlé du fait de les informer de leurs droits et des ressources qui peuvent les aider si elles en ont besoin, ou même de les aider à signer elles-mêmes les documents relatifs à leur parrainage dans leur langue d'origine.
    Mme Douglas et Mme Choo sont-elles favorables à une proposition semblable pour prévenir les mauvais traitements?

[Traduction]

    Absolument, c'est un besoin qui a été cerné par notre secteur partout au Canada. Il y a certains services qui sont financés par Citoyenneté et Immigration Canada avant l'arrivée au pays. Nous estimons essentiel d'avoir une discussion ou des modules d'information traitant de la violence faite aux femmes, du parrainage conditionnel et des exemptions, des lois canadiennes, tout particulièrement dans le contexte de l'égalité entre les sexes, et des autres enjeux qui touchent les femmes.
    Il y a donc un mécanisme en place à cet effet. Notre secteur, en incluant Citoyenneté et Immigration Canada, envisage une expansion des services offerts avant l'arrivée au pays. Les recherches démontrent que les immigrants bien informés avant leur arrivée au Canada parviennent à s'établir plus facilement. Il est primordial que les services que nous dispensons avant l'arrivée au pays traitent notamment des problèmes de violence à l'encontre des femmes et des autres enjeux liés aux droits et aux responsabilités des femmes.
    Merci.
    Monsieur McCallum.
    Merci, monsieur le président.
    Une voix: J'aimerais...
    Nous pouvons la laisser poursuivre si vous le désirez, mais c'est votre temps qui va s'écouler.
    Alors elle poursuivra à un autre moment, car j'ai déjà très peu de temps.
    Un grand merci à vous trois pour votre présence aujourd'hui et le travail que vous accomplissez.
    J'aimerais d'abord parler des tests linguistiques pour les conjoints.
    Il y a plus de 30 ans, j'ai marié une femme originaire de la Malaisie et j'aurais été vraiment offusqué si le gouvernement de l'époque m'avait dit que cette femme ne pourra devenir mon épouse que si elle réussit un test linguistique ou un test de scolarité, ou que si elle satisfait à n'importe quel autre critère autre que ceux de l'âge et de l'absence de casier judiciaire. J'aurais trouvé cette mesure digne d'Orwell et de 1984, et pensé que le gouvernement outrepassait nettement son rôle.
    Mme Douglas a été très claire à ce sujet. J'aimerais que nos deux autres témoins nous indiquent, sans trop entrer dans les détails, si elles sont d'accord ou non avec l'imposition de tests linguistiques pour les conjoints.
    Nous sommes d'accord avec le point de vue exprimé par Mme Douglas à ce sujet.
    Merci.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, madame Belhassen?
    J'y suis favorable aussi. Il faut que ces personnes connaissent un peu l'une des deux langues du pays où elles vont s'installer.
(1615)
    Vous n'êtes donc pas d'accord avec les autres. Vous pensez que les époux doivent subir un test linguistique.
    Il ne faut pas que ce soit une condition pour qu'elles soient parrainées. D'après les nouvelles mesures, le parrainage est conditionnel au fait qu'elles maîtrisent l'une des deux langues et qu'elles aient des compétences professionnelles. Théoriquement, il est important de connaître la langue, mais il ne faut pas que cela devienne conditionnel.
     Ce ne doit pas être une condition, n'est-ce pas?
    C'est exact.

[Traduction]

    Alors, vous convenez que le test linguistique ne devrait pas être une condition à remplir, n'est-ce pas? D'accord.
    Ma deuxième question porte sur l'exigence de cohabitation pendant une période de deux ans. Mme Belhassen a indiqué très clairement qu'elle s'y opposait, notamment parce qu'elle ne pensait pas que cela pouvait aider à atténuer les problèmes de violence.
    J'aimerais simplement savoir ce que nos deux autres témoins pensent de cette règle conditionnelle.
    J'ai déjà profité de ma présence devant votre comité pour soulever toute la problématique qui découle de cette règle. Nous avons déjà indiqué publiquement être défavorables à cette condition de cohabitation pendant deux ans imposée pour le parrainage.
    Je n'en ai pas traité dans mes observations d'aujourd'hui. Nous estimons que...
    D'accord. Je suis désolé, mais je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition et j'ai une autre question à aborder.
    Madame Choo.
    L'exemple que j'ai donné montrait bien que cette condition peut être nuisible dans les situations de maltraitance.
    Je vous remercie. Nous avons l'unanimité sur ces deux questions.
    J'aimerais aborder un troisième élément dans une perspective plus positive. L'une d'entre vous a proposé une idée qui m'a beaucoup plu. J'estime en effet raisonnablement envisageable que le processus juridique puisse être accéléré de telle sorte que les mères victimes de mauvais traitements puissent savoir à quoi s'en tenir quant à leur séjour au Canada sans avoir à attendre pendant très longtemps.
    J'aimerais savoir, et c'est ma dernière question, si nos deux autres témoins estiment que c'est une proposition valable qui pourrait être mise en application. J'y suis pour ma part tout à fait favorable.
    Oui, et il m'apparaît logique que ces femmes puissent demeurer au Canada avec leurs enfants, plutôt que d'en être séparés parce qu'il se trouve que le père de ces enfants est Canadien, comme on l'a indiqué ici.

[Français]

    Je partage cette opinion et je l'appuie. C'est important qu'elles restent ici avec leurs enfants.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je crois que nous avons l'unanimité sur ces trois points.
    Monsieur Leung.
    Merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Madame Choo, l'étude de cas que vous nous avez présentée comme premier exemple m'a beaucoup intéressé. Je vais vous laisser une ou deux minutes pour nous parler de votre second exemple. Je prendrai le temps qu'il restera pour poser mes questions.
    Le second exemple est celui d'une cliente arabophone qui était parrainée par son mari. Elle a été maltraitée psychologiquement par son époux qui lui avait menti quant à ses conditions de vie au Canada. Il lui avait dit que sa situation était tout à fait enviable. Ce n'était pas le cas. Il vivait dans un appartement minuscule et n'avait qu'un emploi saisonnier; c'était donc tout le contraire.
    Il y avait aussi le fait qu'il la surveillait sans cesse, ce qui l'empêchait de sortir pour travailler. Elle ne pouvait pas communiquer avec d'autres personnes et se faire des amis. Elle était à toutes fins utiles isolée du point de vue social et victime de mauvais traitements sur le plan psychologique. Le mariage s'est donc révélé un échec. Il est bien certain qu'elle voulait retourner dans son pays d'origine.
    Toutefois, il la menaçait et lui disait que si elle rentrait au pays, il mettrait fin au parrainage. Elle faisait l'objet de nombreuses menaces tant du point de vue psychologique que matériel. Elle est tombée malade. Elle n'a pu obtenir les traitements médicaux dont elle avait besoin parce que son mari a refusé d'en assumer les coûts.
    Je résume, mais compte tenu de toutes les circonstances, elle a décidé de le quitter parce qu'elle comprenait... C'était une femme instruite capable de s'exprimer dans notre langue. Elle avait tout de même besoin d'aide pour connaître ses droits. Elle a quitté son mari et s'est affranchie de ce mariage qui l'avait amenée au Canada.
(1620)
    À la lumière de ce que vous nous avez dit toutes les trois, vous semblez juger important que l'on fournisse de l'information aux éventuelles conjointes avant leur arrivée au Canada de manière à ce qu'elles connaissent nos lois et sachent où s'adresser pour obtenir de l'aide.
    Par ailleurs, je peux aussi convenir du fait que le gouvernement ne devrait pas imposer la connaissance d'une langue comme condition pour pouvoir se marier. Dans ce contexte, comment pouvons-nous transmettre l'information voulue à ces éventuelles conjointes, qui sont parfois analphabètes dans leur propre langue ou qui ne maîtrisent ni le français ni l'anglais, quant à la façon dont elles peuvent obtenir de l'aide et connaître leurs droits? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    En fait, cet exemple montre à quel point il est important de communiquer l'information avant l'arrivée au pays. Il est nécessaire qu'elles comprennent le système canadien dans le contexte de leur relation. Elles doivent savoir ce qu'elles peuvent faire en cas de mauvais traitements, comment elles peuvent obtenir de l'aide et à quelle forme d'assistance juridique elles pourront avoir accès.
    Cela témoigne même de la nécessité de transmettre de l'information à tous les intéressés, et non seulement à la conjointe elle-même, avant l'arrivée au pays. Il faut en effet fournir les mêmes renseignements aux époux afin qu'ils puissent convenir des différentes conditions et modalités applicables avant l'approbation du parrainage.
    L'information préalable est donc primordiale. Bon nombre de ces femmes peuvent mieux se tirer d'affaire, car elles possèdent les compétences linguistiques de base. Il y en a toutefois bien d'autres qui n'ont pas cette chance. Il importe donc de savoir à quoi s'en tenir à la lumière des deux études de cas que je vous ai présentées.
    Madame Douglas, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je pense que cela montre bien qu'il faut fournir de l'information pour faire connaître les services disponibles.
    Le Canada offre sans doute des services d'établissement et d'intégration parmi les plus sophistiqués au monde. C'est un fait qui est assurément reconnu à l'étranger comme en témoigne le grand nombre de visiteurs qui viennent observer notre système. Les nouveaux arrivants sont toutefois nombreux à en ignorer l'existence. Dans le cadre de l'étude «Making Ontario Home», un de nos propres chercheurs indiquait que plus de 30 % des immigrants n'utilisaient pas nos services parce qu'ils n'en connaissaient pas l'existence. Il faut donc transmettre l'information aux immigrants avant leur départ et au moment de leur arrivée au Canada pour qu'ils sachent bien quels services sont offerts, où ils peuvent se les procurer et quelles mesures de soutien sont accessibles quand ils en ont besoin...
    Nous devons donc fournir ces informations dans près de 190 langues avant l'arrivée. Nous pourrions avoir à le faire pour toutes les principales langues qui existent dans le monde.
    J'essaie de me rappeler dans combien de pays actuellement nous offrons des services au préalable. Le bureau du Royaume-Uni s'occupe sans doute d'une vingtaine de pays. L'Asie, la Chine, les Philippines et l'Inde en particulier sont couvertes. En général, le bureau du Royaume-Uni se charge de l'Afrique et du Moyen-Orient. Nous établissons l'infrastructure nécessaire pour donner ces services à l'étranger. Nous examinons où nous devons investir. Je répète qu'il faut être en mesure de communiquer l'information sans difficulté avant et après l'arrivée au Canada.
    Madame Belhassen, voulez-vous commenter la façon de transmettre l'information et de tenir compte des gens analphabètes ou dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français?

[Français]

    Il est vrai que c'est un peu compliqué, d'autant plus que, comme on vient de le dire, les femmes ou les immigrants sont hétérogènes. Par exemple, dans le cas des femmes immigrantes, certaines sont citadines, tandis que d'autres vivent en milieu rural et ont plus difficilement accès à l'information. Certaines d'entre elles ne sont jamais allées à l'école et ne savent ni lire ni écrire.
    Comment peut-on leur transmettre l'information? Je crois que ça devrait être ajusté en fonction des candidats à l'immigration. Des personnes sur place, dans les pays d'origine, peuvent leur transmettre là-bas l'information dans la langue du pays.
(1625)

[Traduction]

    Merci.
    Je suis désolé, monsieur. Votre temps est écoulé.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Madame Belhassen, j'aimerais continuer la discussion afin de m'assurer de bien comprendre. Vous ne dites pas qu'il faut sélectionner les personnes parrainées selon leur éducation ou leur langue, mais bien qu'il faut adapter la façon dont on transmet l'information. Si l'information ne peut être lue, on pourrait la leur donner en personne dans une langue qu'elles comprennent bien, et ce, en s'adaptant à leur niveau d'éducation et à leur niveau de langue, plutôt que de mettre une barrière. Est-ce bien ce que vous dites?
    Il ne faut pas les sélectionner. Il faut adapter tout cela aux groupes.
    Merci. C'est ce que j'avais cru comprendre.
    J'aimerais également revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la difficulté d'accès à la protection ou aux services. Je pense que vous en avez toutes trois parlé. Un peu plus tôt, mon collègue a dit que le premier réflexe d'une femme serait probablement d'appeler la police. C'est faux. Compte tenu de la situation propre à certains pays ou du vécu de certaines personnes, celles-ci n'auront pas le réflexe d'appeler la police.
    J'ai entre les mains le document d'information de CIC donné aux personnes parrainées lorsqu'elles le demandent. Dans ce document, on mentionne que si l'on veut une exemption pour la résidence permanente conditionnelle, dans le cas où il y aurait des mauvais traitements, on peut appeler au Télécentre de CIC, dont on fournit le numéro de téléphone.
    Cependant, un témoin a dit que le Télécentre de CIC n'était pas adapté, qu'il pouvait y avoir de longs temps d'attente et que parfois quelqu'un devait rappeler la femme qui avait appelé. Les femmes qui vivent une situation de violence ne peuvent pas toujours laisser un numéro ou attendre longtemps au téléphone.
    Que pensez-vous de ce genre d'affirmations? Quels services pourraient faciliter la vie aux femmes qui veulent dénoncer quelqu'un ou chercher de l'aide?
    La question s'adresse à vous trois.
    Premièrement, comme vous venez de le dire, les outils existent. Il y a entre autres la police et les services du ministère. Cependant, le rapport de l'immigrante à ces institutions et à la police est délicat. Il faudrait que les organismes d'ici expliquent aux femmes immigrantes ce que fait la police. Il s'agirait de démystifier et de déconstruire les rapports qu'elles ont apportés avec elles du pays d'origine.
    Bref, il y a du travail à faire en amont, avant leur arrivée ici, puis beaucoup de travail de sensibilisation à faire une fois qu'elles sont ici.

[Traduction]

    De notre point de vue en tant qu'organisme qui fournit des services, il est maintenant encore plus important et essentiel de donner l'information nécessaire aux immigrantes vulnérables pour qu'elles sachent à qui parler et ne soient pas laissées à elles-mêmes dans des situations désespérées et en cas de crise. Il importe de mieux les préparer à ce qui pourrait survenir.
    Les organismes doivent leur fournir ces services. Nous devons investir dans ces services pour que les femmes battues ne soient pas prises dans un cercle vicieux.
    Je vais faire écho aux commentaires de Mme Choo. Nous devons continuer d'investir dans les services d'établissement, la sensibilisation et la formation nécessaires pour que les praticiens de première ligne posent les bonnes questions et que les immigrantes puissent y répondre.
    Je crois que Mme Belhassen a parlé du besoin de renforcer la confiance avant que l'immigrante se dise victime de violence dans sa relation, surtout pour les réfugiées traumatisées par leurs régimes oppresseurs. On peut difficilement s'attendre à ce qu'elles fassent confiance aux institutions, comme la police ou même les services d'établissement. Au fond, les organismes de services sont gouvernementaux pour ces femmes; elles ne font pas la différence entre les ONG indépendantes et le gouvernement. Je crois qu'il faut rehausser la sensibilisation des immigrantes qui arrivent au Canada, mais aussi des organismes d'établissement de première ligne, des services de police, des bureaux d'immigration et des gens qui travaillent dans les centres d'appel.
(1630)
    Au nom du comité, je vous remercie toutes les trois d'être venues et de nous avoir fait part de vos connaissances et de votre expérience. Cette séance nous sera très utile pour produire notre rapport à la Chambre des communes.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants.
(1630)

(1635)
    Mesdames et messieurs, nous allons commencer avec deux témoins. L'avocate de Montréal qui devait témoigner en premier aurait des problèmes de transport. Si elle arrive à temps, elle pourra prendre part à la séance. Entretemps, nous allons commencer avec deux témoins.
    Nous accueillons Saman Ahsan, de la Fondation filles d'action. Bienvenue. Elle est ici parmi nous, à Ottawa.
    Nous recevons aussi Marie-Josée Duplessis, adjointe à la direction, qui vient de Montréal.
    Nous allons commencer par vous, madame Duplessis. Vous avez huit minutes pour présenter votre exposé au comité.

[Français]

    Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'invitation. C'est la directrice de l'organisme, Mme Aoura Bizzarri, qui m'a déléguée pour représenter l'organisme dans le cadre de votre étude.
    Le Collectif des femmes immigrantes du Québec a été fondé en 1983 par des intervenantes de différentes origines. La mission de l'organisme est de soutenir les femmes immigrées et leur famille ainsi que les femmes des minorités visibles et des communautés culturelles dans leur intégration à la société québécoise et au marché du travail.
    Je vais vous donner une idée du travail fait par le collectif. L'année dernière, le Collectif des femmes immigrantes du Québec a mis en oeuvre, à son centre de femmes, 12 services distincts qui ont profité à 2 685 femmes, pour un total de 12 375 visites. De plus, 2 400 personnes, dont 900 femmes, ont été inscrites dans les 11 projets d'intégration socioprofessionnelle.
    Le Collectif des femmes immigrantes du Québec possède l'expertise sur deux des points qui sont couverts par votre étude, soit l'intégration en emploi des immigrantes et l'isolement des femmes immigrantes. Je vais commencer par vous entretenir de l'intégration en emploi des femmes immigrantes.
    Les femmes immigrantes font face à de nombreux défis qui sont communs au statut d'être immigrant. Ces défis sont le manque de connaissance du marché du travail et des cultures organisationnelles, les compétences essentielles exigées dans les milieux de travail, l'apprentissage du français et de l'anglais, et l'obligation de devoir rebâtir son réseau professionnel. Ces défis sont liés au statut des nouveaux arrivants, hommes comme femmes.
    Cependant, les femmes doivent également concilier le travail ou la recherche d'emploi avec la famille. La majorité des femmes immigrantes sont issues de sociétés traditionnelles où la division des rôles selon le sexe est beaucoup plus marquée qu'ici, au Canada. Les femmes sont généralement responsables des tâches domestiques et du soin des enfants. Or, dans leur pays d'origine, elles pouvaient compter sur un réseau d'entraide large, et souvent, elles avaient des domestiques même si elles n'étaient pas riches. Pour pouvoir s'intégrer au marché du travail ici, elles doivent rebâtir un réseau d'entraide personnel en plus du réseau professionnel.
    Pour la première fois de leur vie, les femmes se retrouvent souvent seules à porter sur leurs épaules l'ensemble des tâches domestiques, la planification et la préparation des repas et les soins à prodiguer aux enfants. C'est beaucoup de choses en même temps. Certains hommes ne veulent pas partager ces tâches. D'autres sont prêts à contribuer, mais ne savent pas comment, puisqu'ils ne l'ont pas appris. Peu importe la situation, cette réalité influe sur la dynamique de l'équilibre familial et amène des changements et des frictions dans la relation entre les conjoints.
    Je voudrais m'attarder aux obstacles auxquels font face les femmes immigrantes et qui n'ont rien à voir avec leurs efforts d'intégration et d'adaptation. En fait, la levée de ces obstacles relève davantage de la société d'accueil.
    Le premier obstacle est le manque de place dans les garderies subventionnées. Évidemment, un manque de place les empêche d'entreprendre des démarches d'intégration en emploi. Plus elles tardent à intégrer le marché du travail, plus il leur est difficile de faire reconnaître leurs compétences.
    Les services non adaptés constituent un autre obstacle. Il est indispensable d'offrir des services adaptés. Il faut absolument prendre en considération le processus migratoire et le statut de la personne. Comme vous le savez, cela influe sur l'accès aux services. Vivre une perte de repères importante engendrée par le processus migratoire, se retrouver dans un environnement où les règles du jeu sont différentes, où les codes sont nouveaux et souvent implicites, où les réseaux professionnels et personnels sont inexistants, tout cela commande un accompagnement différent afin que les femmes immigrantes puissent déployer de nouveau leur autonomie. Et Dieu sait que l'autonomie est une caractéristique très valorisée dans notre société.
    Les normes des programmes et des services publics d'intégration en emploi sont un autre obstacle. En ce qui concerne le Québec, je vise particulièrement Emploi-Québec. Souvent, ces services publics ont pour objectif de diminuer le nombre de prestataires de l'assistance-emploi, c'est-à-dire de l'aide sociale. Or, les femmes parrainées n'ont pas droit à l'assistance-emploi, tandis que les nouvelles immigrantes de la catégorie économique n'y ont pas droit pendant les trois premiers mois. Par conséquent, il est fréquent que l'on refuse à ces sans-chèques une participation à un service d'aide à l'emploi ou à une formation, puisque cela ne poursuit pas directement l'objectif de diminuer le nombre de prestataires de l'assistance-emploi. Ce refus retarde également l'entrée sur le marché du travail ou encore le recours à une formation d'appoint.
(1640)
    Également, trop souvent, les employeurs exigent d'avoir une expérience de travail au Canada. Nous avons donc du travail à faire pour rendre notre communauté accueillante aux immigrants et immigrantes.
    Un autre obstacle qui se pose est la reconnaissance des acquis et des compétences. Il s'agit d'un sujet très complexe. Faute de temps, je n'entrerai pas dans les détails. Je tiens toutefois à souligner que, à petite échelle, des projets pilotes prennent en compte les cursus scolaires et les compétences acquises dans le cadre d'une expérience de travail qui peut être celle du pays d'accueil. Ces projets hors normes servent de laboratoire, permettent une meilleure évaluation de la situation et favorisent l'intégration au marché du travail. Cependant, même si ces projets donnent de bons résultats, leur pérennité est trop souvent problématique du fait qu'ils sont hors normes. Ainsi, lorsqu'on cherche un financement adéquat, on revient au problème de l'adaptation des services, des normes et des programmes.
    En ce qui concerne les employeurs, l'entreprise Deloitte a tenu, en 2011, des tables rondes auprès d'une centaine d'employeurs. Ces tables rondes organisées dans différentes villes canadiennes avaient pour titre « Parlons de la diversité ». Il est ressorti de ces tables rondes que les employeurs ont une aversion au risque et qu'ils associent ce risque à l'embauche de personnes immigrantes et à la difficulté de comprendre les titres de compétence étrangers. Donc, plutôt que de courir un risque, ils s'abstiennent.
    Il y a aussi un manque de sensibilisation aux nuances culturelles. Il y a un travail de fond à faire auprès des petites entreprises.
    Madame Duplessis, il ne vous reste qu'une minute.
    Enfin, ce que je tiens à souligner, c'est que les entreprises ont besoin d'un soutien pour évaluer les compétences. Les organismes pourraient jouer un rôle fort important dans l'accompagnement, de manière à favoriser une meilleure compréhension et une meilleure intégration des immigrantes dans les milieux de travail.
    Il me restait encore beaucoup de points à traiter. J'invite donc les membres du comité à me poser leurs questions durant la période qui suivra. Merci.
(1645)

[Traduction]

    Merci.
    Notre troisième témoin est arrivé. Bienvenue à Mme Molina, de Montréal. Reprenez votre souffle. Nous allons maintenant entendre Mme Ahsan.

[Français]

    Bonjour. Merci de m'avoir invitée à présenter un témoignage et à partager nos expériences de travail auprès des filles et des femmes immigrantes au Canada.

[Traduction]

    Il est clair que les filles et les femmes immigrantes, dont celles qui participent au programme de parrainage de conjoints, rencontrent divers problèmes et éprouvent des tensions considérables dans leurs efforts pour jeter des ponts entre de multiples cultures, vivre dans un nouveau contexte et affronter la discrimination et les obstacles qui empêchent de saisir les occasions. Ces filles et ces femmes ont de grandes aspirations, des compétences dans la négociation culturelle et un excellent potentiel de leadership.
    Selon des données recueillies il y a quelques années, les filles et les jeunes femmes de moins de 25 ans représentaient 38 % des immigrantes au Canada.
    Les filles et les jeunes femmes sont particulièrement vulnérables en raison de facteurs convergents comme la race, la classe sociale, l'âge et le sexe. Elles se retrouvent prises entre deux cultures, la leur étant souvent dévalorisée, et doivent surmonter bien des difficultés pour s'intégrer à la nouvelle culture. Il faut comprendre leurs expériences et répondre à leurs besoins précis pour prévenir la violence contre elles et l'abus du système d'immigration.
    Bien des filles ou des jeunes femmes sont placées dans une situation particulièrement vulnérable à cause des processus d'immigration et d'asile, y compris les conjointes parrainées ou celles qui parrainent leurs conjoints qui immigrent au Canada. Elles ont besoin de notre soutien.
    Certaines filles et femmes immigrantes subissent des violences à la maison, mais ont peu ou pas de moyens de se protéger en raison de divers facteurs. Je n'irai pas dans le détail, car certaines participantes en ont parlé juste avant moi. Pour ne citer que quelques facteurs, il y a le manque d'information, la méfiance envers la police et les services, la barrière des langues, ainsi que la peur de l'expulsion et de l'isolement. Tout un éventail de facteurs les rend plus vulnérables. Ceux qui commettent les violences pensent aussi qu'ils vont échapper aux sanctions, si les victimes sentent qu'elles ne peuvent pas se permettre de les dénoncer. En général, les victimes sont des filles et des femmes.
    Je vais vous parler un peu de la Fondation filles d'action et de notre approche. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui aide les filles et les jeunes femmes à s'épanouir pleinement en tant que futures leaders et agentes de changement. Nous travaillons partout au pays à l'aide de notre réseau de plus de 340 groupes membres établis dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous offrons aux membres des outils, des ressources et de la formation afin de les aider à mettre sur pied des programmes pour les filles, dont certains s'adressent aux filles qui s'inscrivent dans des contextes particuliers, comme les immigrantes et les nouvelles arrivantes.
    Nous soutenons plus de 100 initiatives partout au Canada pour bâtir un mouvement national de jeunes femmes et d'organisations actives et engagées.
    Nous adoptons une approche axée sur les ressources à l'égard des filles et des femmes immigrantes, car elles possèdent de nombreuses qualités et compétences et travaillent fort. Ces filles et ces femmes portent un fardeau plus lourd que les autres Canadiens et elles constituent des ambassadrices culturelles qui jettent des ponts entre deux cultures. Elles sont souvent celles qui aident leurs familles à comprendre les services et à y accéder. Au cours de ce processus, elles développent des compétences en matière de sensibilité culturelle, de communication et de débrouillardise, qui s'avèrent des atouts précieux pour toute la collectivité.
    Les filles et les jeunes femmes qui immigrent au Canada seront plus portées à poursuivre et à terminer leurs études que les autres Canadiens. Il faut donc les voir, notamment celles qui viennent à titre de conjointes parrainées, comme des atouts et des agentes de changement, pas comme des victimes ou des bénéficiaires qui ne font qu'attendre notre intervention.
    Nous travaillons beaucoup avec les filles et les jeunes femmes immigrantes et nous constatons que certaines pratiques prometteuses fonctionnent. Ces pratiques aident à renforcer les compétences, l'estime de soi et les liens avec leurs collectivités, ainsi qu'à réduire l'isolement. Elles permettent également de donner du soutien, surtout de la part des pairs, d'offrir des espaces réservés aux filles et aux femmes, où elles peuvent s'exprimer plus librement, et de présenter des modèles à suivre, y compris dans leurs propres familles et leurs communautés, pour leur montrer qu'elles sont capables elles aussi de devenir des leaders au Canada.
    Nous avons des recommandations pour réduire la violence et la maltraitance et pour aider les communautés, les filles et les femmes à lutter contre la violence.
    Il importe tout d'abord de comprendre qu'une approche globale est nécessaire pour reconnaître la diversité des besoins, pour fournir toutes sortes de services sociaux et pour consolider les liens entre les différents services.
    Les services doivent couvrir tous les besoins. Ils doivent aider les jeunes femmes sur le plan personnel à améliorer leurs compétences et leurs connaissances, pour leur permettre de participer activement à la société et de contrer les problèmes comme la violence lorsqu'ils se présentent.
(1650)
    Il faut donner un soutien axé sur les familles pour réduire leur niveau de stress, surtout celles qui immigrent ensemble ou dont le statut financier change en raison de l'immigration, et pour les aider à se soutenir mutuellement et à prendre des mesures communes.
    Des services doivent aider les collectivités d'accueil durant l'adaptation des nouvelles arrivantes, surtout les conjointes parrainées particulièrement vulnérables. Ils doivent inclure la sensibilisation culturelle et la formation des fournisseurs de services, qui doivent venir de milieux divers et être en mesure de comprendre les jeunes femmes, une meilleure collaboration entre les centres communautaires, les refuges, la police et les représentants de la justice, ainsi que de la transmission continue d'information sur les droits et les services juridiques offerts aux femmes immigrantes, surtout les conjointes parrainées.
    Nous devons fournir des programmes sur la santé, le mieux-être et le renforcement des compétences qui comportent une approche féministe et interculturelle. Il faut commencer tôt, parce que notre société a besoin d'outiller les filles et les garçons pour qu'ils deviennent des femmes et des hommes actifs qui ne commettent pas de violences ou de mauvais traitements, mais qui savent comment réagir s'ils y sont confrontés.
    Les politiques et les programmes gouvernementaux doivent être proactifs et mettre en priorité les femmes immigrantes dès le départ, au lieu d'en tenir compte après coup. Ils doivent être collaboratifs et souples, s'adapter aux divers besoins et réalités des femmes et reconnaître le rôle que les immigrantes jouent dans leurs familles, les communautés et la société en général. Si les femmes reçoivent le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour développer leurs compétences en leadership, elles peuvent devenir des atouts majeurs, pas seulement pour les jeunes filles des communautés mais pour la société en général, car elles peuvent servir de modèles et aider les jeunes femmes.
    Enfin, je souligne de nouveau qu'il ne faut pas négliger les réalités et les difficultés spécifiques auxquelles les filles ou les jeunes femmes sont confrontées. Ces dernières sont particulièrement vulnérables à cause de facteurs comme la race, la classe sociale, l'âge et le sexe. Il faut leur porter une attention particulière pour réduire leur vulnérabilité.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Ahsan.
    Madame Molina, merci de votre détermination pour venir à Ottawa.
    Nous avons hâte de vous entendre. Vous avez huit minutes pour présenter votre exposé.

[Français]

    Aujourd'hui, je ne traiterai que de deux sujets concernant le programme de parrainage: la résidence conditionnelle pour deux ans et son incidence sur les femmes victimes de violence conjugale, ainsi que la proposition d'exiger que les femmes parrainées maîtrisent une des nos deux langues officielles.
    L'objectif du gouvernement de protéger les femmes de crimes barbares est louable. Toutefois, en imposant aux femmes l'exigence de parler une langue officielle, on ne s'attaque pas à la source du problème. Cette nouvelle exigence aura malheureusement des conséquences disgracieuses et discriminatoires pour certaines femmes provenant de certains pays. De plus, elle séparera des familles, empêchera des femmes en âge de fertilité de commencer une famille et, dans certains cas, d'en avoir une.
    L'apprentissage d'une langue n'est ni facile, ni simple, ni rapide. Je vous soumets que cette nouvelle exigence viole notamment la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. De plus, elle constitue une attaque envers la famille et le droit des femmes.
    De fait, plusieurs femmes provenant de pays maghrébins où il existe des crimes d'honneur et des mariages forcés ne seront nullement touchées par cette nouvelle loi, puisque nombre d'entre elles parlent déjà le français.
    De plus, aucune étude ne démontre que le fait de parler l'anglais ou le français met une femme à l'abri de la violence conjugale. Ce qu'il faut mettre en place, ce sont des ressources pour venir en aide aux femmes.
     Au cours de mes années de pratique en tant qu'avocate, j'ai vu beaucoup de femmes victimes de violence conjugale. Beaucoup d'entre elles provenaient des États-Unis, du Canada et même de la France, pour ne nommer que quelques pays. Ces femmes étaient souvent très instruites et avaient une carrière. Pourtant, elles avaient des problèmes d'isolement, de la difficulté à trouver de l'aide et à s'aider elles-mêmes.
    La violence est un problème complexe qui ne saurait se régler par l'apprentissage d'une langue officielle.
    Par ailleurs, il est incontestable que les femmes latines, asiatiques ou européennes, qui ne parlent pas une de nos deux langues officielles et qui proviennent de pays où les mariages forcés et les crimes d'honneur n'existent pas, se verront séparées de leur famille et discriminées inutilement en raison de cette nouvelle exigence proposée.
    On peut aussi concevoir que certaines femmes subiront d'énormes pressions de leur époux ou de leur conjoint pour qu'elles apprennent une langue rapidement afin d'être parrainées. Cela pourrait donner lieu à des disputes de famille et rendre les femmes encore plus vulnérables.
    Si l'objectif est de lutter contre le barbarisme, pourquoi ne pas le faire d'une façon ciblée? Je propose que le gouvernement se penche directement sur la source du problème. Quelles sont les femmes victimes de crimes d'honneur qui sont les plus à risque? Quels programmes de soutien et d'information sont offerts à ces femmes lorsqu'elles arrivent au Canada ou avant qu'elles soient parrainées?
    Le gouvernement peut-il prévenir la violence conjugale en sensibilisant les hommes et les femmes à ce que constitue la violence envers les femmes en vertu de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes adoptée en 1993? Selon cette déclaration, la violence peut être verbale et ne laisser aucune trace.
    Dans le cadre d'un parrainage conditionnel de deux ans, on ne devrait pas forcer les femmes à formuler des plaintes à la police et à se mettre ainsi en danger alors qu'elles se trouvent déjà dans des situations très vulnérables. La résidence conditionnelle de deux ans fait augmenter la vulnérabilité des femmes victimes de violence conjugale, malgré l'exception mise en place par le gouvernement. En effet, on demande souvent à ces femmes de fournir des preuves de la violence conjugale qu'elles subissent. L'objectif du gouvernement va parfois contribuer à faire aggraver la violence et la vulnérabilité des femmes.
(1655)
    L'exception prévue dans la loi devrait être interprétée d'une façon très large afin de respecter la définition de la violence donnée dans la déclaration de 1993 et d'inclure la violence psychologique et verbale. L'article 1 de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes de l'Assemblée générale des Nations Unies soutient ce qui suit:
[...] les termes “violence à l'égard des femmes“ désignent tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.
    Une femme ne devrait pas avoir à tolérer les cris, les insultes et les mauvais traitements psychologiques et verbaux, et ne devrait pas avoir à faire la preuve de ces sévices pour demeurer au Canada. La présente loi met la femme parrainée entre l'arbre et l'écorce.
    Ce problème existait avant la mise en place d'une résidence conditionnelle de deux ans. En effet, des femmes en processus de parrainage pouvaient souvent être victimes de violence conjugale. Elles pouvaient alors demander de rester au Canada pour des motifs humanitaires ou avoir droit à une exception. J'ai eu de ces femmes comme clientes. Elles devaient faire la preuve qu'elles avaient porté plainte à la police ou qu'elles présentaient des marques physiques de violence. C'est très compliqué et traumatisant pour elles.
    De façon réaliste, il faut savoir qu'une dénonciation à la police peut parfois empirer la violence envers certaines femmes. Au Québec, j'ai vu des cas de maris violents qui, à la suite de plaintes à la police, ont pourchassé des femmes jusque dans les centres pour femmes victimes de violence, pourtant supposés être anonymes et secrets.
    Cela dit, je conclus que la résidence conditionnelle empêche les époux de se donner une chance de se réconcilier et de suivre une thérapie, et ne protège pas nécessairement l'institution du mariage au même titre que le font les juges qui laissent aux couples le temps de changer d'avis. Dans la vie réelle, parfois les couples se disputent. Certaines femmes pardonnent des actes de violence qui ne se reproduisent plus.
    Pour terminer, je soumets que les familles, dans le cas de parrainage, méritent autant de protection par le législateur que les autres familles. J'ai reçu dans mon bureau un jeune couple avec un nouveau-né. La mère avait fait une dépression post-partum.
(1700)

[Traduction]

    Veuillez terminer, madame Molina.
    Merci.

[Français]

    C'est bien.
    Au cours des disputes qui ont suivi, dans un acte impulsif, le jeune mari a appelé Immigration et Citoyenneté Canada pour retirer le parrainage. Le processus a dû être recommencé à zéro, vers la fin du traitement. Cette histoire a bien fini: le couple s'est réconcilié et la résidence permanente a été accordée. Toutefois, combien d'histoires finissent aussi bien?

[Traduction]

    Monsieur Menegakis.
    Merci aux témoins de leurs exposés aujourd'hui.

[Français]

    Ma première question s'adresse à Mme Duplessis.
    Madame, j'ai lu votre article intitulé « Le regard de ROSINI sur l'immigration », dans lequel vous avez écrit ceci:
    Nous considérons l’intégration comme un processus complexe puisque multidimensionnel (linguistique, économique, social, culturel, politique, religieux) et bidirectionnel, car il engage la personne immigrante et sa famille ainsi que les membres et les institutions de la société d’accueil. De plus, ce processus est graduel, continu, individuel (selon le rythme et l’histoire de chacun) et encadré par le sociétal et le familial.
    Pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, comment l'intégration est en corrélation avec les femmes qui sont parrainées?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Menegakis.
    En effet, je connais bien le texte que vous avez entre les mains, puisque c'est moi qui l'ai écrit. Cependant, j'avais bien précisé d'entrée de jeu que mon témoignage ne portait pas nécessairement sur les femmes parrainées, mais davantage sur l'expertise de l'organisme que je représente, soit le Collectif des femmes immigrantes du Québec.
     En ce qui concerne les femmes parrainées, je peux souligner qu'on les voit beaucoup moins dans les organismes puisque, étant donné qu'elles sont parrainées, un réseau les prend en charge à leur arrivée. Il en résulte un effet pervers. Les conseils qui leur sont donnés en matière d'intégration au marché du travail ne sont souvent pas fondés. Par exemple, on va dire à une femme d'oublier sa carrière passée et de recommencer au bas de l'échelle, ou de suivre une formation comme préposée aux bénéficiaires pour qu'elle trouve facilement un emploi. Si cette dame s'était présentée dans un organisme qui avait pu faire un bilan de ses compétences qui tient compte de ses acquis scolaires et de ses expériences professionnelles, elle aurait probablement pu être dirigée vers un domaine de travail plus valorisant et plus épanouissant. Le fait que, généralement, les personnes parrainées ne fréquentent pas beaucoup les services d'intégration de la société d'accueil pose problème et limite souvent leurs perspectives d'avenir.
    Dans la déclaration que vous avez lue, il est question justement d'un processus d'intégration bidirectionnel entre la société d'accueil et les nouveaux immigrants. Ce processus bidirectionnel est plus difficile dans le cas des femmes parrainées, parce que souvent, leur port d'attache est la communauté, et parfois ça demeure la communauté. Il y a donc souvent absence de ce rôle de pont que jouent les services publics ou communautaires.
     Cela répond-il à votre question?
    Oui, merci beaucoup.
    Pourriez-vous nous dire comment, à votre avis, les services d'établissement devraient soutenir les femmes?
    Oui, je l'ai précisé plus tôt. Il s'agit entre autres de prendre en considération le processus migratoire, l'expérience dans son ensemble, la perte de repères et le fait que plusieurs de ces femmes se retrouvent pour la première fois responsables de tout dans la famille, soit les tâches domestiques, l'éducation des enfants, l'équilibre familial, en plus de devoir trouver un emploi et composer avec la dynamique familiale qui est ébranlée.
     Souvent, les services offerts dans le réseau des femmes appliquent l'approche féministe, qui valorise la prise en main personnelle et l'autonomie de l'individu. Je ne dis pas que l'approche féministe est mauvaise, mais dans le cas des femmes immigrantes, on doit absolument prendre en compte leur rôle central, essentiel, et ce que représentent pour elles la famille et la communauté. On ne peut donc pas faire une intervention qui soit axée uniquement sur l'autonomie de l'individu.
     Il est important de prendre en considération l'environnement, la communauté et la famille. C'est ce que fait le Collectif des femmes immigrantes du Québec dans ses activités. Il s'agit vraiment de travailler à partir du point où la personne est rendue. Tranquillement, les choses évoluent par la suite. Les nouveaux immigrants s'adaptent beaucoup plus vite qu'on ne le croit. Beaucoup de changements s'opèrent, mais la société d'accueil voit uniquement le chemin qu'il reste à parcourir plutôt que celui qui a été parcouru.
    Il s'agit donc de travailler avec la personne en partant de là où elle se situe à son arrivée et d'évoluer peu à peu en prenant en compte l'environnement ainsi que le cadre de référence qu'elle porte en elle. Il se peut que ce cadre soit différent de celui qui est valorisé au Canada. Il faut donc peu à peu faire en sorte que ces deux réalités se rencontrent et faire les médiations nécessaires pour que la transition se fasse. Il ne s'agit pas ici de perdre sa culture d'origine, mais plutôt de voir quels compromis peuvent être faits, quels changements sont acceptables et lesquels le sont moins, et de travailler petit à petit à l'intégration à tous ces égards.
(1705)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'ai une question brève pour Mme Ahsan.
    Les mariages par procuration sont légaux, à l'heure actuelle. Les couples mariés par téléphone ou même par télécopieur sont admissibles au programme de parrainage de conjoints. J'ai l'impression que cette pratique pourrait mener à davantage de mariages forcés.
    Quoi qu'il en soit, devons-nous empêcher cette pratique, à votre avis? Faut-il interdire les mariages par procuration dans le programme de parrainage de conjoints?
    Me posez-vous la question?
    Oui.
    Je n'ai pas étudié le droit; je ne suis pas avocate. Je travaille pour une ONG qui aide les filles et les jeunes femmes à s'émanciper, mais je comprends que les mariages par procuration pourraient poser des problèmes. J'ai vu des cas tout à fait valables, mais il existe un risque d'abus du système. Je ne sais pas si les mariages par procuration devraient être interdits, mais des protections sont nécessaires pour s'assurer que les mariages sont légitimes et qu'ils ne servent pas à des fins d'immigration.
    Excellente réponse. Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

     Ma première question s'adresse à Mme Duplessis et à Mme Ahsan.
     Vous nous avez démontré à quel point les services de première ligne étaient importants et pouvaient contribuer à la protection des femmes parrainées. Cependant, comme on le sait, beaucoup de femmes ne s'adressent pas à ces organismes. Même, ce sont souvent les plus vulnérables qui ne savent pas comment recourir à des ressources extérieures ou trouver ces services.
     Selon vous, comment devrait-on diriger les femmes parrainées les plus vulnérables vers des services de première ligne? Plus précisément, comment le gouvernement pourrait-il s'assurer que ces femmes ont recours aux services de première ligne dont elles ont besoin?

[Traduction]

    Je suis immigrante. À mon arrivée, j'ai reçu beaucoup d'aide pour trouver un emploi. Emploi-Québec m'a aidée même avant mon arrivée. J'ai participé à des téléconférences qui portaient sur mon expérience, mes compétences et la façon de les mettre à profit lorsque je serais ici.
    La personne qui immigre à titre de conjoint ou de conjointe devrait bénéficier de ce genre de services et de séances qui donnent de l'information très simple sur ses droits et le contexte juridique au Canada.
    Le gouvernement peut produire des documents et des guides simples pour aider les immigrantes à comprendre les lois qui s'appliquent à elles et à savoir quoi faire si elles sont victimes de maltraitance et si leurs droits sont bafoués. Seront-elles renvoyées dans leurs pays d'origine, si elles signalent ces violences? Nous devons répondre à ce genre de questions pour les jeunes femmes qui immigrent au Canada.
    Il faut un processus continu dans lequel les fournisseurs de services sociaux gardent contact avec les immigrantes, tissent des liens avec elles et les aident à acquérir les compétences nécessaires pour s'exprimer, à apprendre la langue et à trouver des soutiens locaux. En général, les femmes aiment trouver du soutien dans leurs collectivités, mais il faut les aider dans cette démarche et leur indiquer où elles peuvent l'obtenir en cas de besoin.

[Français]

    Madame Duplessis, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Lorsqu'on parle d'isolement, c'est un pléonasme que de dire que le principal objectif est de rejoindre ces femmes. Le Collectif des femmes immigrantes du Québec est un petit organisme qui travaille beaucoup dans la rue. Nous distribuons des renseignements sur nos services dans le métro et aux arrêts d'autobus. Nous abordons également des groupes religieux et communautaires pour leur expliquer nos services. Je dirais aussi que nous...
(1710)
    Permettez-moi de vous interrompre. Je veux simplement m'assurer que vous avez bien compris le sens de ma question.
    Je cherche à savoir si vous croyez que le gouvernement pourrait jouer un rôle pour faciliter la connexion entre les femmes vulnérables et un organisme comme le vôtre. Le gouvernement pourrait-il faire quelque chose pour vous aider à entrer en contact avec les femmes vulnérables?
    Je vous remercie de me mettre sur la bonne piste.
    En effet, le gouvernement pourrait faire quelque chose. Par exemple, lorsque les aides familiales arrivent au pays, on leur remet une liste des ressources disponibles en ce qui concerne les normes du travail et les associations qui peuvent les soutenir et les aider. On pourrait faire quelque chose du genre pour les femmes parrainées.
    Au Québec, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui est responsable de l'intégration des immigrants, offre des séances de groupe dont l'une est intitulée « Premières démarches d'installation » et l'autre, « Objectif Intégration — Pour comprendre le monde du travail québécois ». Ces séances abordent différents thèmes.
    Le problème est que les participants doivent s'inscrire eux-mêmes à ces séances. À l'heure actuelle, lorsque les personnes passent au guichet de l'immigration à l'aéroport, on leur présente le service et on les invite à consulter le site Web pour s'y inscrire.
    Auparavant, c'était l'agent d'immigration qui inscrivait les nouveaux arrivants à ces séances. On disait donc aux personnes immigrantes, ce qui inclurait aujourd'hui les personnes parrainées, de se présenter tel jour à tel organisme pour la séance d'information « Premières démarches d'installation » et tel autre jour de la semaine suivante à la séance « Objectif Intégration — Pour comprendre le monde du travail québécois », une formation d'une durée de 24 heures.
    Si l'on procédait de cette façon, les nouveaux immigrants seraient mis en contact avec des services communautaires et ils pourraient même développer entre eux un réseau d'entraide.
    Il ne faut donc pas se contenter de donner l'information aux niveaux immigrants, mais également les inscrire auprès des ressources. Lorsqu'on vient d'arriver, qu'on retrouve un membre de la famille, il y a tant de nouvelles choses à se dire et à faire qu'on oublie de s'inscrire. On considère que ce n'est pas important et on se fie au conjoint ou à la famille pour nous guider à notre arrivée.
    Merci beaucoup. C'était très intéressant.
    Madame Molina, j'aimerais vous poser quelques questions.
    Vous avez parlé de la langue et de l'éducation. Un peu plus tôt, un des témoins a dit que la langue et l'éducation ne devraient pas constituer une barrière ou une exigence, mais que le gouvernement devrait plutôt s'y adapter afin d'arriver à communiquer adéquatement l'information. Par exemple, il pourrait changer de langue ou tenir des rencontres individuelles, plutôt que de communiquer par écrit.
    Êtes-vous favorable à de telles suggestions?
    J'y suis tout à fait favorable. Je pense que c'est une très bonne idée.
    J'aimerais vous poser une question liée au délai de traitement des dossiers de parrainage d'époux ou d'épouse.
    Un des témoins a laissé entendre que ce délai était possiblement un facteur qui pouvait rendre les femmes vulnérables. Il a dit que si l'épouse devait attendre trois ans, par exemple, avant de rejoindre son époux au Canada, elle risquait alors de devenir plus vulnérable dans son pays d'origine.
     En tant qu'avocate, avez-vous une opinion sur cette question?
    Oui. Cela peut poser problème, tout dépendant des scénarios du pays d'origine de la femme.
     Le droit de la femme d'avoir une famille est un droit protégé, sacré et fondamental en droit international. Les femmes ont aujourd'hui tendance à avoir des enfants lorsqu'elles sont plus âgées, par exemple dans la trentaine ou après leurs études. Or lorsque mes clientes se marient, elles sont souvent très pressées d'avoir des enfants. Le processus d'immigration devient un obstacle. Certaines de mes clientes deviennent très stressées. Elles se demandent quand elles auront leur assurance médicale et quand elles pourront commencer à planifier leur grossesse. Avoir un enfant, c'est le projet de leur vie, et lorsque ce projet devient conditionnel, c'est assez dramatique. À mon avis, cet aspect a été négligé par le gouvernement. Je pense qu'il faudrait que le gouvernement se penche là-dessus.

[Traduction]

    Monsieur McCallum.
(1715)

[Français]

    Merci.
    Je vous remercie d'être parmi nous.
    J'aimerais commencer par une question portant sur les règles que prévoit imposer le gouvernement concernant le test de langue destiné aux époux et épouses. Je pense que Mme Molina en a parlé.
    Êtes-vous ou non en faveur de ce test imposé aux époux? Pour ma part, je m'y oppose totalement. À mon avis, ce n'est pas au gouvernement de dire à quelles personnes les Canadiens devraient se marier. Cela dit, j'aimerais vous poser la question à toutes les trois.
    Madame Ahsan, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je défends les droits de la personne et la justice sociale. Je suis contre ce genre de test.
    Excellente réponse, merci.

[Français]

    Qu'en pensez-vous, madame Duplessis?
    Je suis contre cela. Je ne suis pas d'accord pour que ce soit un facteur de sélection. Cependant, il est important d'offrir des services de francisation lorsque la personne arrive au pays.
    Je suis tout à fait d'accord sur l'importance d'apprendre l'une ou l'autre des deux langues, mais je considère que ce n'est pas une bonne idée d'imposer cela comme condition d'entrée.

[Traduction]

    Ma deuxième question porte sur le nouveau système qui s'applique depuis novembre 2012, si je ne me trompe pas. Le couple doit vivre ensemble pendant deux ans pour que le conjoint ou la conjointe puisse immigrer ici. Nous en avons discuté à la dernière séance. Au moins une personne a affirmé que cette mesure ne réduit pas le risque de violence et que c'est une mauvaise idée.
    Ma question s'adresse à vous trois. Cette condition d'entrée du nouveau système, qui force le couple à vivre ensemble deux ans, aide-t-elle à réduire la violence envers les femmes, ou s'agit-il d'une mauvaise idée?
    Je pense que c'est une très mauvaise idée qui ne met pas les conjoints sur un pied d'égalité. C'est très malsain pour la relation et très arbitraire d'être convaincu qu'après deux ans, le mariage ou la relation n'est pas de mauvaise foi. En vérité, les couples vont souvent se disputer au début de la relation, surtout s'ils viennent d'avoir des enfants et si un des partenaires immigre et doit s'adapter au nouveau pays. Je pense que cette mesure est irréaliste.
    Merci. Je ne veux pas vous presser, je veux simplement que les deux autres aient le temps de répondre.
    Je suis d'accord, et j'ajoute que cette condition n'aura pas pour effet de prévenir la violence.

[Français]

    Madame Duplessis, quel est votre avis?
    Je pense que dans les cas où il peut y avoir de la violence et des mauvais traitements, l'imposition de ces deux ans comme condition d'entrée maintiendra certaines femmes dans une situation intenable, peut-être justement par peur de ne pas être acceptées au pays. J'ai l'impression que dans une situation précaire où il peut y avoir de la violence, ça ne peut que faire en sorte de réduire les recours de la femme.
    Donc, vous vous opposez toutes les trois à une telle règle. Est-ce exact?
    C'est exact. Je ne favorise pas une telle règle.
    Merci.

[Traduction]

    D'après les deux séances que nous avons eues, nous sommes unanimes sur ces deux points, donc on peut considérer notre rapport écrit.
    Pour le temps qu'il nous reste, j'aimerais vous interroger sur une proposition plus positive qui a été faite, qui me semble une excellente idée.
    L'un des grands problèmes des mères victimes de violence, c'est que si elles fuient leur relation, elles risquent d'être déportées, à moins d'interjeter appel. Le processus d'appel peut prendre un an, deux ans, parfois plus, et dans l'intervalle, elles se trouvent en situation très précaire. Ne serait-il pas avisé, dans ce contexte, d'accélérer le processus pour que les femmes touchées sachent beaucoup plus vite si elles pourront oui ou non rester au Canada avec leurs enfants?
    Assurément, je suis d'accord avec vous.
    Très bien. Je ne veux pas afficher de biais dans les réponses que je privilégie, mais c'est une bonne réponse.
    Je pense que l'alinéa 4f) de la Déclaration de l'ONU sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes est éclairante pour répondre à la question que vous venez de poser. Si je ne me trompe pas, elle incite le gouvernement à faire preuve de prudence lorsqu'il adopte des lois, comme c'est le cas ici, afin qu'elles n'aient pas pour effet d'augmenter la violence à l'égard des femmes, alors que l'objectif est de la réduire. Je pense que c'est justement le cas ici.
(1720)
    On l'appelle parfois la loi des conséquences involontaires.
    Oui, des conséquences involontaires.
    Votre temps est écoulé, monsieur McCallum. Merci.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président. Par votre entremise, je remercie tous les témoins présents aujourd'hui. Les exposés étaient excellents.
    Pour commencer, je dois dire que cela me rappelle une parole du bienheureux Jean-Paul, qui a dit que tout homme a le devoir de préserver la dignité de toute femme. Je crois que nous pouvons tous nous en inspirer.
    Je vais m'adresser d'abord à vous, madame Ahsan. Cette question a été posée au dernier groupe de témoins, mais j'aimerais connaître votre avis.
    Le 4 mars, Chantal Desloges a mentionné que l'âge minimal pour être parrainé devrait selon elle être porté de 16 à 18 ans. Êtes-vous d'accord avec cette idée?
    Je suis fortement d'accord.
    Pouvez-vous vous expliquer?
    Je pense qu'à 16 ans, une personne est trop jeune pour se marier, quelle que soit la situation, et qu'elle est bien jeune pour faire l'objet d'un parrainage. Je crois donc que partout dans le monde, toute personne de 16 ans devrait être jugée trop jeune pour se marier.
    J'ai aimé votre témoignage, soit dit en passant. Je crois que vous faites preuve d'un bon leadership dans le développement des jeunes et des filles et que vous leur offrez de belles possibilités. En tant qu'ancien instructeur de l'armée, j'aime faire la même chose dans ma circonscription. Cela fait partie intégrante de mon expérience personnelle.
    Avec combien de communautés immigrantes travaillez-vous?
    Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais comme je l'ai dit, notre réseau compte environ 340 groupes d'un peu partout au Canada. Environ les deux tiers d'entre eux travaillent auprès de communautés immigrantes ou racialisées.
    Très bien.
    Parlez-nous des cas de mariages forcés que vous avez observés.
    Je n'ai pas vraiment observé de cas de mariage forcé dans le cadre de mon travail avec la Fondation Filles d'action. Nous rencontrons des filles qui nous mentionnent en cours de route que ce sont leurs parents qui vont leur trouver un mari dans leur pays d'origine. Cela arrive, mais je n'ai jamais observé directement de cas de mariage forcé. Lorsque des filles nous en parlent, notre travail consiste à les aider à développer leur pensée critique et leurs compétences en communications afin qu'elles puissent s'exprimer elles-mêmes à leurs parents. Nous les mettons en lien avec les services d'aide qui existent dans leur entourage, avec d'autres membres de leur communauté, avec des modèles à qui elles peuvent s'adresser lorsqu'elles sont confrontées à ce genre de situation.
    Notre travail n'est pas le même que celui d'un travailleur social qui interviendrait le cas échéant, nous sommes plutôt axés sur la prévention.
    Considéreriez-vous certains mariages arrangés comme des mariages forcés?
    Je pense qu'il y a...
    Je sais que ce sont deux choses différentes. C'est pourquoi je vous pose la question. Pouvez-vous m'expliquer la différence?
    Un mariage forcé se fait contre la volonté de la personne. Les filles qui grandissent dans des familles immigrantes grandissent souvent avec l'idée que c'est leur famille qui va choisir leur mari, si bien que cela leur semble assez naturel et qu'elles ne s'y opposent pas nécessairement. Tout dépend de la situation. Habituellement, les parents souhaitent le mieux pour leur fille, donc ils essaient de trouver quelqu'un qui va en prendre soin, mais ce n'est pas toujours le cas, ce qui est très décevant. Il arrive que la famille choisisse une personne qui ne prendra pas soin de la fille, mais ce n'est pas le cas de la plupart des familles.
    On parle de mariage arrangé quand c'est la famille qui trouve le conjoint et que les jeunes acceptent le mariage.
    On parle de mariage forcé lorsque les jeunes ne sont pas d'accord ou qu'ils se sont rencontrés ou ont entendu parler de l'autre et qu'ils ne veulent pas de ce mariage.
    Merci.
    Certains témoins à ce comité ont abordé le thème de la résidence permanente conditionnelle. Nous savons que si les femmes prouvent qu'elles ont été mariées de force ou qu'elles sont victimes de violence conjugale, la condition proposée cesse de s'appliquer dès qu'il y a preuve de violence ou de négligence. Avez-vous déjà été témoin de cas de violence ou de négligence?
    Personnellement, oui. J'ai une amie qui a vécu ce genre de situation. Elle est arrivée après un mariage arrangé, pas un mariage forcé. Elle n'avait jamais rencontré son mari avant, mais elle était d'accord avec sa famille pour se marier à cette personne et venir au Canada. Lorsqu'elle est arrivée ici, elle a vécu diverses formes de violence physique, émotionnelle et économique. Elle fait une bonne étude de cas, parce qu'elle a fini par recevoir des services grâce auxquels elle a pu, avec son enfant, fuir son mari. Elle a eu accès à beaucoup de formation et de développement des compétences. Elle a commencé par suivre une formation en enseignement de l'anglais au centre communautaire qu'elle fréquentait, puis elle a fini par obtenir son diplôme de droit, si bien qu'elle est aujourd'hui avocate et qu'elle défend des victimes de violence conjugale.
    J'ai donc été témoin d'une histoire qui s'est assez bien terminée.
    Tant mieux pour elle. Quel genre de preuve a-t-elle présentée?
(1725)
    Son histoire est intéressante, parce qu'elle avait intériorisé la violence qu'elle vivait, qu'elle n'en parlait pas. Elle était au téléphone avec son médecin lorsque son mari s'est mis à la violenter. Le médecin l'a entendue et a envoyé des travailleurs sociaux chez elle. Ils ont jugé qu'elle était victime de violence et qu'elle devrait être séparée de la famille, ils l'ont donc conduite dans un refuge. Après beaucoup d'aide psychologique, elle a finalement réussi à raconter la violence qu'elle avait vécue. Ils avaient des preuves, parce que les travailleurs sociaux ont pu se rendre chez elle dès que le médecin a signalé avoir entendu des signes de violence. Ils ont été témoins de violence, mais sur le coup, elle a nié et a prétendu être tombée dans les escaliers.
    Avait-elle peur de le dénoncer par crainte de perdre son statut de résidente permanente, aussi? Est-ce que c'était l'une des raisons en cause?
    Elle n'avait aucune idée de ses droits ou de son statut. Elle n'avait pas son passeport. C'était ses beaux-parents qui l'avaient. Elle n'avait aucune idée de ce qui arriverait, et ils la menaçaient sans cesse.
    Est-ce que c'est tout, monsieur le président?
    Vous avez eu sept minutes. Il vous reste un peu de temps, une minute et demie, en fait.
    Ah! Quand vous avez dit que j'avais encore sept minutes, je me suis dit: wow!
    Non, il ne vous reste que quelques minutes.
    Le temps a passé très vite.
    Madame Duplessis, votre organisme essaie d'entrer en contact avec des femmes isolées, ce qui peut évidemment être compliqué, parce que l'homme voudra clairement la couper de tout contact avec l'extérieur ou l'empêcher de recevoir de l'aide. Avez-vous déjà entendu parler d'histoires où l'homme s'est rendu compte que la femme cherchait à obtenir de l'aide et où la situation s'est aggravée?
    Par exemple, si une épouse...
    Allez-y, je m'excuse.

[Français]

    Merci, monsieur Opitz.
    Je ne veux pas m'avancer sur un terrain que je ne connais pas. Notre organisme ne travaille pas auprès des femmes violentées. Je préfère donc laisser la parole aux deux autres témoins, qui ont peut-être davantage d'information à ce sujet.
    Je vous remercie tout de même de la question.

[Traduction]

    Je pense que mon temps est écoulé, mais je tenais à souligner que les exigences linguistiques ont été imposées par les libéraux dans la première mouture de la loi. Sur ce, je crois que mon temps est écoulé.
    Madame Molina, j'ai une question à vous poser. Je l'ai déjà posée aux bureaucrates lorsque nous les avons accueillis.
    La situation est la suivante, et elle n'est pas hypothétique: l'homme prétend s'être fait frauder. Sa femme l'a quitté et elle le fraudait. La femme affirme que c'est faux, qu'elle était victime de violence physique et psychologique.
    Il y a là trois éléments différents. Il peut y avoir poursuite criminelle en cas de violence physique. Il s'agit alors d'une agression, qui doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. Il y a ensuite le tribunal de juridiction matrimoniale. Je n'ai aucune idée de ce qui est écrit dans le Code civil, mais je présume que c'est un peu comme en Ontario, c'est-à-dire qu'il faut établir, selon la prépondérance des probabilités, qui dit la vérité. Il y a ensuite la question de l'immigration, qui ne relèverait même pas d'une décision judiciaire, d'après ce que je comprends. Il revient alors à une autorité administrative de décider qui dit la vérité, ce serait une décision administrative.
    Y voyez-vous un problème? J'y vois un étrange conflit juridique.
    Les décisions pourraient même diverger. Une entité pourrait déterminer que c'est le mari qui dit la vérité, alors que l'autre déterminerait que c'est la femme qui dit la vérité.
    Je n'ai jamais vu de cas ressemblant à ces trois scénarios. J'ai vu des femmes qui vivent un stress énorme, des situations traumatisantes, puis qui sont scrutées au microscope par des gens qui ne les croient pas. Elles doivent prouver qu'elles sont victimes de violence. C'est assez traumatisant. En plus de souffrir de la violence elle-même, elles doivent subir tout ce stress.
    Je pense que le gouvernement devrait mettre en place des mesures pour traiter les femmes avec plus de gentillesse.
    D'accord.
    Madame Blanchette-Lamothe, vous aviez une question à poser, très brièvement. Je vous remercie de m'avoir laisser prendre de votre temps.
    Aucun problème.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Ahsan.
     J'aimerais revenir sur une suggestion de Mme Duplessis, à savoir que le gouvernement inscrive automatiquement les femmes parrainées qui arrivent au pays à des séances d'information, afin de s'assurer que chacune d'entre elles, même les plus isolées ou les plus vulnérables, a un premier contact avec des services de première ligne.
     Qu'en pensez-vous?
(1730)
    Oui, je suis tout à fait d'accord. Cependant, je dois ajouter une chose.

[Traduction]

    Je vais passer à l'anglais si vous voulez bien m'en excuser.
    Les services et les fournisseurs de services doivent être sensibles aux différences culturelles, et il est toujours préférable que la personne soit mise en contact avec une personne qui parle sa langue ou qui provient de la même communauté. Cela dit, cela aiderait beaucoup les femmes qui arrivent ici.
    Merci. Notre temps est écoulé.
    Je vous remercie toutes les trois d'être venues présenter votre point de vue sur tous ces enjeux différents au comité. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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