:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Honorables députés, merci. Je suis très heureuse d'être ici. Je livre un témoignage pour la première fois. Étant donné le temps qu'on m'alloue, je vais aborder le sujet directement.
Je viens de Montréal. Je représente la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes ainsi que le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec. Dans ma vie professionnelle, j'enseigne la sociologie de l'immigration à l'UQAM. Je suis donc sociologue.
Aujourd'hui, je voudrais parler de deux points. Le premier concerne le statut d'admission et les conséquences de certains statuts précaires sur les conditions de vie des femmes immigrantes. Le deuxième point est aussi lié à la question du statut: je parlerai de la précarité économique des femmes immigrantes et racisées.
Abordons le premier point, c'est-à-dire les conséquences du statut d'admission, et plus particulièrement du contexte du parrainage.
Tout d'abord, je dois dire que j'interviens aussi sur le terrain et que nous sommes en contact avec les femmes immigrantes. Aujourd'hui, mon témoignage se base sur le témoignage des femmes sur le terrain et sur certaines recherches qui nous ont permis de donner la parole aux femmes immigrantes. C'est de la pure réalité.
En octobre 2012, le gouvernement fédéral a annoncé l'introduction d'une période de résidence permanente conditionnelle de deux ans pour certains conjoints parrainés. À la suite de l'annonce de cette mesure, nous avons constaté que ces nouvelles règles d'immigration signifiaient que certains conjoints parrainés auraient deux ans de résidence permanente conditionnelle et qu'ils seraient exposés à l'expulsion s'ils ne vivaient pas avec leur conjoint pendant deux années complètes.
Pour la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et pour le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec, l'introduction d'une résidence permanente conditionnelle représente un recul pour la politique canadienne d'immigration. Cela amplifie les inégalités dans les relations conjugales et expose les femmes, en particulier, à un risque accru de violence, malgré une exemption pour les conjoints victimes de sévices.
Cette nouvelle disposition porte atteinte à la sécurité des femmes et, surtout, accorde beaucoup de pouvoir aux garants, qui pourraient exercer des pressions ou les menacer à tout moment de leur faire perdre leur résidence permanente si elles ne se plient pas à leurs exigences.
Nous considérons aussi que ce nouveau règlement constitue un recul pour toutes les femmes au Canada et pour les femmes immigrées, déjà surreprésentées dans les statuts d'immigration les plus précaires. Elles subissent de plein fouet de nouveaux règlements sexistes.
Malgré les exceptions prévues pour les conjoints qui subissent de mauvais traitements, selon nous, les femmes en particulier ne peuvent pas en bénéficier, car bon nombre d'entre elles n'ont pas une connaissance suffisante des lois canadiennes et, plus particulièrement, de l'exemption liée à cette période conditionnelle de deux ans. À notre avis, les conjoints victimes de sévices, et particulièrement les femmes, ne pourront pas bénéficier de l'exemption, à cause d'obstacles tels que le manque d'accès à l'information, la non-maîtrise de la langue, l'isolement, etc.
Plusieurs facteurs culturels entrent aussi en ligne de compte. Dénoncer la violence vécue dans le couple est mal vu dans certaines cultures. On trouve une sorte d'omerta, de loi du silence qui oblige les femmes à ne pas dénoncer cela, de peur d'être renvoyées de la famille ou rejetées par celle-ci, entre autres.
Par exemple, on peut penser aux mariages arrangés dans le cadre duquel une fille ne peut pas dénoncer la violence. Si elle le fait, elle risque de subir des conséquences assez négatives. D'ailleurs, l'année passée, on a assisté à certains crimes d'honneurs liés à cela, entre autres. Il y a aussi les mariages forcés.
Plusieurs raisons empêchent les femmes de dénoncer la violence. Il faut aussi que les femmes immigrantes connaissent et définissent comme il faut la violence. Certaines pensent que violence veut dire violence physique, alors que, comme vous le savez très bien, il y a différentes formes de violence: physique, psychologique, économique, etc.
Pour cette raison, nous pensons qu'il existe d'autres moyens de dissuader la fraude, qui constitue l'un des facteurs à l'origine de ces nouvelles mesures. On pourrait agir dans le pays d'origine pour vérifier la véracité des mariages, des unions, etc. Il y a différentes façon d'agir et de vérifier cela.
De plus, il ne faut plus se satisfaire de juger le garant selon le dossier qu'il dépose. Il faudrait le rencontrer, le voir, le regarder dans les yeux. C'est lui qui va parrainer la femme. Il ne faut pas se limiter au dossier pour se faire une idée sur le parrain.
Bon nombre de femmes immigrantes ne connaissent pas les lois et ne savent même pas ce que veut dire être parrainée. Il faudrait peut-être les informer dans leur pays d'origine des différents statuts d'admission, et particulièrement du contexte du parrainage. Dans les ambassades du Canada dans certains pays d'origine, on organise souvent, pour les candidats à l'immigration qui sont admis, des séances d'information sur le Canada, le Québec, etc. Il serait très intéressant d'organiser une séance d'information sur les lois relatives à l'immigration.
La violence faite aux femmes se produit dans toutes les cultures et toutes les religions, dans toutes les communautés ethniques et raciales, dans tous les groupes d'âge, et dans toutes les catégories de revenus. Les femmes immigrantes qui participent au programme de parrainage de conjoint sont plus vulnérables aux mauvais traitements ou à la violence conjugale en raison du déséquilibre de pouvoir qui est inhérent à leur relation avec leur parrain. Leur situation est aggravée par la dépendance économique, les obstacles linguistiques et culturels, les attitudes contrôlantes, les menaces formulées par leur parrain, qui les isolent délibérément du monde extérieur en leur enlevant leur passeport ou leurs documents d'immigration, par exemple.
Les craintes entretenues par une femme à l'égard de la sécurité et du bien-être de ses enfants, ainsi que l'incertitude liée à son statut de résidente permanente, la forceront à demeurer dans une relation violente. De plus, son manque de connaissance au sujet de ses droits prévus par la loi, de sa communauté et des services de soutien à la protection complique d'autant plus sa situation.
Les réfugiés qui arrivent au Canada et qui sont traumatisés par la guerre ou par des gouvernements répressifs sont beaucoup moins portés à dénoncer la violence physique ou sexuelle aux autorités, car ils craignent d'être victimisés davantage ou d'être déportés. Il arrive aussi que des femmes immigrantes parrainées soient victimes de violence aux mains des membres de la famille élargie de son parrain.
Il est très difficile de briser le cycle de la violence familiale. Il est également très complexe et ardu d'aider les femmes immigrantes parrainées à quitter une relation violente lorsque tout se dresse contre elle.
Il est important de reconnaître qu'il y a des systèmes en place. Le Canada a adopté des lois bien intentionnées pour protéger les femmes victimes de violence et des politiques en matière d'immigration pour empêcher les fraudes liées au parrainage. Toutefois, la mise en oeuvre de ces règlements a parfois créé des obstacles imprévus pour les femmes immigrantes qui se retrouvent dans des relations violentes. Par exemple, dès que le conjoint cesse le parrainage lorsque sa femme immigrante quitte le mariage ou tente de sortir d'une relation violente, cette dernière perd le statut juridique qui lui permet de rester au Canada.
Les organismes d'aide à l'établissement et les maisons de transition constatent qu'un plus grand nombre de mères se retrouvent sans statut juridique partout au pays. Dans certains cas, les demandes de parrainage sont incomplètes ou le processus n'a même pas encore commencé et le statut de la femme est expiré. Étant donné que la résidence principale de leurs enfants est au Canada, elles ne peuvent pas quitter le pays pour retourner dans leur pays d'origine avec leurs enfants sans obtenir d'abord le consentement de leur ancien partenaire. Cela signifie qu'elles doivent demeurer au Canada sans le statut approprié.
Par conséquent, notre système juridique n'aide pas vraiment les mères sans statut juridique lorsqu'elles font une demande de garde d'enfants ou lorsqu'il s'agit de décisions touchant l'accès. Si la mère amène l'enfant hors du pays ou l'éloigne d'un partenaire violent et qu'elle n'a pas de statut juridique, elle risque d'être accusée d'enlèvement d'enfant. Même lorsque les enfants peuvent rester avec elle dans une maison de transition en vertu d'une ordonnance de protection, l'accès aux enfants accordé au père dans un endroit neutre, notamment une maison de transition, mène parfois à la violence. Les femmes n'ont habituellement aucun moyen de faire en sorte qu'une tierce partie digne de confiance amène les enfants dans un endroit neutre pour respecter le droit d'accès du père.
L'YWCA a lancé une campagne nationale pour demander à CIC d'accélérer la première étape de l'approbation du statut juridique pour les mères sans statut juridique ou les femmes immigrantes qui quittent un partenaire violent et qui font une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, car elles sont en danger. Nous, les membres de S.U.C.C.E.S.S., convenons qu'il s'agit d'une solution essentielle qui permet d'améliorer, à court et à long terme, la qualité de vie de ces femmes immigrantes. Toutefois, le taux d'acceptation de ces demandes est généralement peu élevé, et l'ensemble du processus pour obtenir un statut juridique, qui s'étend sur deux à trois ans, est toujours trop long. On n'aide pas assez rapidement ces femmes immigrantes en temps de crise. Nous aimerions que le Parlement renforce et accélère la résolution de la question du statut juridique de ces femmes immigrantes parrainées qui se retrouvent dans une relation conjugale violente.
En ce qui concerne l'agresseur, nous sommes d'avis que le parrain violent devrait assumer ses responsabilités et les conséquences de ses actes.
Il faut que l'agresseur se rende compte que c'est lui le problème, et non sa conjointe. En effet, le problème cesse avec l'agresseur. Il est plus pratique de faire en sorte que l'agresseur paie ou doive au gouvernement les coûts entraînés par tous les services sociaux et les services de soutien gouvernementaux qui viennent en aide aux femmes immigrantes qui quittent une relation de parrainage violente pour rebâtir leur vie et le bien-être de leurs enfants grâce à l'indépendance économique. Le gouvernement pourrait même en faire une condition dans la demande de parrainage d'un conjoint en cas de rupture de l'engagement de parrainage liée à une situation violente.
Au-delà des services de soutien et des mesures de protection juridiques pour les femmes victimes de violence, il est important de se pencher sur la sécurité et la garde des enfants, les interventions en cas de crise effectuées par les maisons de transition, les services d'aide et de vulgarisation juridiques continus, les services de santé, les services en matière de santé mentale, les services de counselling, les logements abordables à long et à court termes, les services d'établissement, l'accès à l'éducation et à la formation linguistique, l'aide au revenu, les services de garde d'enfants, les services de transition offerts aux femmes immigrantes — il y en a trop pour tous les mentionner aujourd'hui.
Je suis heureuse d'apprendre que des outils sont actuellement mis au point par la BC Society of Transition Houses et l'AMSSA, l'Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of BC, un organisme-cadre pour tous les services d'établissement. Ils seront distribués par les ministères du gouvernement de la Colombie-Britannique pour former et aider les intervenants en établissement d'un secteur et les sensibiliser davantage à l'égard de cet enjeu, et pour qu'ils sachent comment régler ces problèmes et diriger ces personnes vers les ressources appropriées.
Permettez-moi de terminer en vous racontant deux cas réels observés par les travailleurs de première ligne en matière d'établissement de notre organisme.
Dans le premier cas, une immigrante chinoise parrainée par son conjoint était victime de violence verbale depuis le début du mariage. Son conjoint avait établi des règles sévères dans la maison et si elle ne s'y conformait pas, il avait recours à la violence verbale. Elle se disait qu'il était le pourvoyeur et qu'il travaillait fort à l'extérieur de la maison, et qu'elle devrait être capable de le supporter. Plus tard, elle est tombée malade et a appris qu'elle avait le cancer. La situation s'est dégradée. Même après les traitements de chimiothérapie et les traitements contre le cancer, qui l'avaient laissée très faible, elle devait cuisiner et nettoyer la maison pour son conjoint.
Ses parents sont venus de Chine pour l'aider. Ils ont découvert que leur fille était victime de violence et ont appelé la police à de nombreuses reprises, car les mauvais traitements devenaient plus fréquents. Mais en raison de la barrière linguistique, les parents de notre cliente ne pouvaient pas bien expliquer la situation à la police, et le conjoint, c'est-à-dire l'agresseur, qui parlait très bien anglais, disait toujours à la police qu'il s'agissait d'une chicane de famille et que ce n'était rien de grave. Les policiers quittaient donc les lieux sans prendre de mesures.
Certains amis de la conjointe ont offert leur aide, mais le conjoint a refusé la plupart du temps. Il disait que c'était sa responsabilité de s'occuper d'elle et que si elle obtenait de l'aide de l'extérieur, cela signifiait qu'il n'avait pas bien fait son travail. Ses amis pouvaient seulement la visiter à la maison lorsque le conjoint était au travail.
Avec l'aide d'autres personnes, ses parents ont informé le ministère du Développement de l'enfance et de la famille que le conjoint avait battu leur petit garçon âgé de trois ans. Le ministère a envoyé un travailleur social pour une visite à domicile, mais encore une fois, aucune mesure n'a été prise. Les travailleurs sociaux qui travaillaient à l'hôpital étaient au courant de sa situation. Avec leur aide, elle a été placée en maison d'accueil pendant quelques jours, mais elle a été obligée de quitter cette maison, car on ne pouvait pas s'occuper d'une personne dans son état.
Ses parents ont essayé d'attirer l'attention des médias pour obtenir de l'aide, mais l'histoire a été publiée dans un journal chinois...
Queenie, je vous remercie de nous avoir raconté cette histoire. Je crois qu'elle met en évidence la façon dont les travailleurs de première ligne doivent faire face à ces situations tous les jours.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître. Je travaille pour l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, l'OCASI. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à l'étude entreprise par votre comité sur le renforcement de la protection des femmes dans notre système d'immigration.
L'OCASI est l'organisme-cadre du secteur des services aux immigrants et aux réfugiés en Ontario, et il compte plus de 230 agences partout dans la province. Plusieurs de nos agences membres fournissent un large éventail de services de mesures de prévention contre la violence, de logements d'urgence pour les femmes victimes de violence, de soutien à l'immigration, de soins de santé, de formation liée à l’emploi et à l'acquisition des compétences, parmi d'autres. Vous avez entendu certains d'entre eux et au cours des prochaines semaines, vous entendrez des représentants d'organismes tels le Centre des femmes de l'Asie du Sud et l'Association des femmes afghanes. Nous sommes très heureux que vous puissiez entendre parler du travail effectué en Ontario et de nos préoccupations.
Des représentants de l'OCASI ont comparu à de nombreuses reprises devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, ainsi que devant d'autres comités parlementaires et sénatoriaux pour vous parler de notre expertise et de notre expérience à l'égard des questions et des enjeux qui entraînent des répercussions sur les immigrants et les réfugiés.
Nous avons également eu l'occasion de contribuer à cette étude et à d'autres études menées par les comités sur des projets de loi et des lois en vigueur par l'entremise de mémoires écrits. Je dois m'excuser, car vous n'avez pas la version écrite de mon exposé aujourd'hui.
Au cours des quelques minutes à ma disposition, j'aimerais offrir certaines réflexions sur deux enjeux. Tout d'abord, la proposition qui vise à imposer une exigence en matière d'éducation et de compétences, ainsi qu'une exigence linguistique pour le parrainage de conjoint comme mesure de prévention. Ensuite, la résidence permanente conditionnelle de deux ans dont mes deux collègues ont également parlé.
Tout d'abord, permettez-moi de vous parler des exigences proposées.
Malheureusement, la violence contre les femmes au Canada est un phénomène très réel, et il se répand, peu importe la race, l'ethnie, la classe économique ou sociale, les compétences et l'âge. Je crois qu'il est juste de dire que dans pratiquement tous les cas, la violence faite aux femmes découle du patriarcat.
Dans son rapport, la Fondation canadienne des femmes a conclu que la moitié des femmes au Canada avaient été victimes d'au moins un incident lié à la violence physique ou sexuelle depuis l'âge de 16 ans, et que 67 % des Canadiens affirment qu'ils connaissent personnellement au moins une femme qui a été agressée sexuellement ou physiquement.
Les travailleurs de première ligne du secteur des services aux immigrants et aux réfugiés ont confié à l'OCASI que selon leur expérience, de nombreux cas de violence conjugale n'étaient pas signalés.
En 2009, l'étude de Statistique Canada intitulée « La violence familiale au Canada: Un profil statistique » a souligné que « pour de nombreuses victimes, il peut être difficile de dénoncer des actes de violence conjugale », et que « les affaires de violence conjugale ne sont pas toutes signalées à la police ». De plus, « moins de 3 victimes de violence conjugale sur 10 […] ont signalé la violence à la police ». L'étude souligne également que « d’autres formes de violence conjugale, comme la violence émotive, la violence psychologique et l’exploitation financière, ne sont pas […] des infractions qui peuvent faire l’objet d’accusations en vertu du Code criminel. […] Elles ne sont pas incluses dans la présente analyse ».
Comme je l'ai dit plus tôt, la violence faite aux femmes peut se produire dans toutes les collectivités, peu importe la culture, la religion, la langue, l'âge ou l'ethnie. Elle ne se limite pas aux femmes à faible revenu, aux femmes sans emploi, aux femmes peu éduquées ou aux femmes immigrantes et réfugiées.
Certaines femmes courent un risque plus élevé en raison d'autres facteurs, par exemple un manque de connaissance de leurs droits ou de leur capacité de les faire valoir, un manque d'accès aux services ou aux ressources, ou parce qu'elles sont victimes de discrimination raciale ou d'autres formes de discrimination lorsqu'elles tentent d'avoir accès à des mesures de protection ou à certains services.
Selon la Fondation canadienne des femmes:
Les femmes immigrantes peuvent être plus vulnérables à la violence conjugale, notamment en raison de leur dépendance économique, des barrières linguistiques et d'un manque de connaissance des ressources communautaires. Les nouvelles arrivantes au Canada qui ont été traumatisées par la guerre ou des gouvernements répressifs sont beaucoup moins portées à signaler la violence physique ou sexuelle aux autorités, car elles craignent d'être victimisées davantage ou même d'être déportées.
Un grand nombre de femmes racialisées font face à des obstacles lorsqu'elles tentent de signaler des incidents liés à des agressions physiques ou sexuelles ou lorsqu'elles demandent de l'aide. « Selon une étude menée auprès de jeunes femmes membres de minorités visibles à Toronto, une de ces femmes sur cinq est victime de racisme dans le système de soins de santé, notamment par l'entremise d'insensibilité culturelle, de propos racistes et de soins de piètre qualité ».
Cela concernait les jeunes femmes membres de minorités visibles qui avaient été victimes d'une agression sexuelle.
Permettez-moi de réitérer qu'en dépit de ces conclusions, les femmes ne sont pas plus susceptibles d'être victimes de violence ou de mauvais traitements lorsqu'elles sont peu éduquées ou lorsqu'elles n'ont pas accès au marché du travail.
Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives souligne que 70 % des femmes canadiennes qui ont signalé une expérience de violence conjugale ont un emploi, et 71 % détiennent un diplôme universitaire ou collégial.
Nous doutons donc fortement que l'imposition d'exigences en matière d'éducation et de compétences, ainsi que des exigences linguistiques à l'égard d'un conjoint parrainé, contribue à diminuer la violence conjugale. Nous pensons plutôt que cela pourrait devenir un autre facteur de vulnérabilité pour le conjoint parrainé.
Actuellement, la seule exigence liée au mariage imposée par la plupart des provinces et des territoires canadiens est la limite d'âge qui vise à protéger les mineurs. J'aimerais ajouter que nous appuyons la proposition en vue d'augmenter l'âge du parrainage de conjoint de 16 à 18 ans. Le conseil appuie absolument ce changement.
Toutefois, nous pensons qu'il est extrêmement troublant que le gouvernement du Canada envisage maintenant de dicter aux Canadiens qui ils peuvent marier ou ne pas marier en imposant des exigences liées à la langue, à l'éducation et aux compétences. C'est comme si le gouvernement devenait une agence matrimoniale pour les conjoints canadiens.
Qu'arrivera-t-il à un Canadien qui s'est marié à l'étranger avec une personne qui ne répond pas à ces exigences? Les conjoints devront-ils vivre séparément? S'attend-on à ce que le parrain canadien divorce de son conjoint ou de sa conjointe et trouve une nouvelle personne qui correspond mieux aux exigences de CIC? Même si ces affirmations peuvent sembler tirées par les cheveux, c'est le type de questions qui sont soulevées lorsque nous envisageons d'imposer ce type d'exigences aux conjoints admissibles au parrainage dans notre pays.
De plus, étant donné que la violence conjugale et la violence faite aux femmes sont des enjeux qui entraînent des répercussions sur toutes les femmes canadiennes, peu importe leur statut d'immigration et leur lieu de naissance, nous sommes réellement étonnés qu'on propose de s'attaquer à ce problème très grave en passant par le secteur de l'immigration. Nous croyons que ces propositions ne régleront pas le problème et pénaliseront plutôt certains Canadiens et certains immigrants.
Nous devons investir dans une campagne nationale de sensibilisation et d'information pour prévenir la violence à l'endroit des femmes, et empêcher les mariages forcés. Il faudrait notamment investir dans la sensibilisation des fournisseurs de services au sens large, une définition qui inclut ceux qui travaillent auprès des immigrants et des réfugiés dans les foyers et maisons d'hébergement, les travailleurs de la santé, les services de police, l'immigration, les services communautaires et les autres travailleurs sociaux.
Nous devons investir dans les services destinés aux femmes, et notamment les services spécialisés pour les femmes autochtones, les réfugiées et les immigrantes, les femmes handicapées et les aînées, afin de pouvoir les aider à rompre l'isolement et à cheminer vers l'indépendance économique.
Nous avons besoin d'une stratégie nationale qui permettra notamment d'offrir un logement abordable ainsi que des services d'hébergement d'urgence et de transition à toutes les femmes qui en ont besoin.
Enfin, il nous faut une stratégie nationale en matière de garde d'enfants pour que les femmes puissent s'intégrer librement au marché du travail.
Je me réjouis à la perspective de pouvoir discuter de ces recommandations avec vous.
:
Merci. C'est ce que j'avais cru comprendre.
J'aimerais également revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la difficulté d'accès à la protection ou aux services. Je pense que vous en avez toutes trois parlé. Un peu plus tôt, mon collègue a dit que le premier réflexe d'une femme serait probablement d'appeler la police. C'est faux. Compte tenu de la situation propre à certains pays ou du vécu de certaines personnes, celles-ci n'auront pas le réflexe d'appeler la police.
J'ai entre les mains le document d'information de CIC donné aux personnes parrainées lorsqu'elles le demandent. Dans ce document, on mentionne que si l'on veut une exemption pour la résidence permanente conditionnelle, dans le cas où il y aurait des mauvais traitements, on peut appeler au Télécentre de CIC, dont on fournit le numéro de téléphone.
Cependant, un témoin a dit que le Télécentre de CIC n'était pas adapté, qu'il pouvait y avoir de longs temps d'attente et que parfois quelqu'un devait rappeler la femme qui avait appelé. Les femmes qui vivent une situation de violence ne peuvent pas toujours laisser un numéro ou attendre longtemps au téléphone.
Que pensez-vous de ce genre d'affirmations? Quels services pourraient faciliter la vie aux femmes qui veulent dénoncer quelqu'un ou chercher de l'aide?
La question s'adresse à vous trois.
:
Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'invitation. C'est la directrice de l'organisme, Mme Aoura Bizzarri, qui m'a déléguée pour représenter l'organisme dans le cadre de votre étude.
Le Collectif des femmes immigrantes du Québec a été fondé en 1983 par des intervenantes de différentes origines. La mission de l'organisme est de soutenir les femmes immigrées et leur famille ainsi que les femmes des minorités visibles et des communautés culturelles dans leur intégration à la société québécoise et au marché du travail.
Je vais vous donner une idée du travail fait par le collectif. L'année dernière, le Collectif des femmes immigrantes du Québec a mis en oeuvre, à son centre de femmes, 12 services distincts qui ont profité à 2 685 femmes, pour un total de 12 375 visites. De plus, 2 400 personnes, dont 900 femmes, ont été inscrites dans les 11 projets d'intégration socioprofessionnelle.
Le Collectif des femmes immigrantes du Québec possède l'expertise sur deux des points qui sont couverts par votre étude, soit l'intégration en emploi des immigrantes et l'isolement des femmes immigrantes. Je vais commencer par vous entretenir de l'intégration en emploi des femmes immigrantes.
Les femmes immigrantes font face à de nombreux défis qui sont communs au statut d'être immigrant. Ces défis sont le manque de connaissance du marché du travail et des cultures organisationnelles, les compétences essentielles exigées dans les milieux de travail, l'apprentissage du français et de l'anglais, et l'obligation de devoir rebâtir son réseau professionnel. Ces défis sont liés au statut des nouveaux arrivants, hommes comme femmes.
Cependant, les femmes doivent également concilier le travail ou la recherche d'emploi avec la famille. La majorité des femmes immigrantes sont issues de sociétés traditionnelles où la division des rôles selon le sexe est beaucoup plus marquée qu'ici, au Canada. Les femmes sont généralement responsables des tâches domestiques et du soin des enfants. Or, dans leur pays d'origine, elles pouvaient compter sur un réseau d'entraide large, et souvent, elles avaient des domestiques même si elles n'étaient pas riches. Pour pouvoir s'intégrer au marché du travail ici, elles doivent rebâtir un réseau d'entraide personnel en plus du réseau professionnel.
Pour la première fois de leur vie, les femmes se retrouvent souvent seules à porter sur leurs épaules l'ensemble des tâches domestiques, la planification et la préparation des repas et les soins à prodiguer aux enfants. C'est beaucoup de choses en même temps. Certains hommes ne veulent pas partager ces tâches. D'autres sont prêts à contribuer, mais ne savent pas comment, puisqu'ils ne l'ont pas appris. Peu importe la situation, cette réalité influe sur la dynamique de l'équilibre familial et amène des changements et des frictions dans la relation entre les conjoints.
Je voudrais m'attarder aux obstacles auxquels font face les femmes immigrantes et qui n'ont rien à voir avec leurs efforts d'intégration et d'adaptation. En fait, la levée de ces obstacles relève davantage de la société d'accueil.
Le premier obstacle est le manque de place dans les garderies subventionnées. Évidemment, un manque de place les empêche d'entreprendre des démarches d'intégration en emploi. Plus elles tardent à intégrer le marché du travail, plus il leur est difficile de faire reconnaître leurs compétences.
Les services non adaptés constituent un autre obstacle. Il est indispensable d'offrir des services adaptés. Il faut absolument prendre en considération le processus migratoire et le statut de la personne. Comme vous le savez, cela influe sur l'accès aux services. Vivre une perte de repères importante engendrée par le processus migratoire, se retrouver dans un environnement où les règles du jeu sont différentes, où les codes sont nouveaux et souvent implicites, où les réseaux professionnels et personnels sont inexistants, tout cela commande un accompagnement différent afin que les femmes immigrantes puissent déployer de nouveau leur autonomie. Et Dieu sait que l'autonomie est une caractéristique très valorisée dans notre société.
Les normes des programmes et des services publics d'intégration en emploi sont un autre obstacle. En ce qui concerne le Québec, je vise particulièrement Emploi-Québec. Souvent, ces services publics ont pour objectif de diminuer le nombre de prestataires de l'assistance-emploi, c'est-à-dire de l'aide sociale. Or, les femmes parrainées n'ont pas droit à l'assistance-emploi, tandis que les nouvelles immigrantes de la catégorie économique n'y ont pas droit pendant les trois premiers mois. Par conséquent, il est fréquent que l'on refuse à ces sans-chèques une participation à un service d'aide à l'emploi ou à une formation, puisque cela ne poursuit pas directement l'objectif de diminuer le nombre de prestataires de l'assistance-emploi. Ce refus retarde également l'entrée sur le marché du travail ou encore le recours à une formation d'appoint.
Également, trop souvent, les employeurs exigent d'avoir une expérience de travail au Canada. Nous avons donc du travail à faire pour rendre notre communauté accueillante aux immigrants et immigrantes.
Un autre obstacle qui se pose est la reconnaissance des acquis et des compétences. Il s'agit d'un sujet très complexe. Faute de temps, je n'entrerai pas dans les détails. Je tiens toutefois à souligner que, à petite échelle, des projets pilotes prennent en compte les cursus scolaires et les compétences acquises dans le cadre d'une expérience de travail qui peut être celle du pays d'accueil. Ces projets hors normes servent de laboratoire, permettent une meilleure évaluation de la situation et favorisent l'intégration au marché du travail. Cependant, même si ces projets donnent de bons résultats, leur pérennité est trop souvent problématique du fait qu'ils sont hors normes. Ainsi, lorsqu'on cherche un financement adéquat, on revient au problème de l'adaptation des services, des normes et des programmes.
En ce qui concerne les employeurs, l'entreprise Deloitte a tenu, en 2011, des tables rondes auprès d'une centaine d'employeurs. Ces tables rondes organisées dans différentes villes canadiennes avaient pour titre « Parlons de la diversité ». Il est ressorti de ces tables rondes que les employeurs ont une aversion au risque et qu'ils associent ce risque à l'embauche de personnes immigrantes et à la difficulté de comprendre les titres de compétence étrangers. Donc, plutôt que de courir un risque, ils s'abstiennent.
Il y a aussi un manque de sensibilisation aux nuances culturelles. Il y a un travail de fond à faire auprès des petites entreprises.
:
Bonjour. Merci de m'avoir invitée à présenter un témoignage et à partager nos expériences de travail auprès des filles et des femmes immigrantes au Canada.
[Traduction]
Il est clair que les filles et les femmes immigrantes, dont celles qui participent au programme de parrainage de conjoints, rencontrent divers problèmes et éprouvent des tensions considérables dans leurs efforts pour jeter des ponts entre de multiples cultures, vivre dans un nouveau contexte et affronter la discrimination et les obstacles qui empêchent de saisir les occasions. Ces filles et ces femmes ont de grandes aspirations, des compétences dans la négociation culturelle et un excellent potentiel de leadership.
Selon des données recueillies il y a quelques années, les filles et les jeunes femmes de moins de 25 ans représentaient 38 % des immigrantes au Canada.
Les filles et les jeunes femmes sont particulièrement vulnérables en raison de facteurs convergents comme la race, la classe sociale, l'âge et le sexe. Elles se retrouvent prises entre deux cultures, la leur étant souvent dévalorisée, et doivent surmonter bien des difficultés pour s'intégrer à la nouvelle culture. Il faut comprendre leurs expériences et répondre à leurs besoins précis pour prévenir la violence contre elles et l'abus du système d'immigration.
Bien des filles ou des jeunes femmes sont placées dans une situation particulièrement vulnérable à cause des processus d'immigration et d'asile, y compris les conjointes parrainées ou celles qui parrainent leurs conjoints qui immigrent au Canada. Elles ont besoin de notre soutien.
Certaines filles et femmes immigrantes subissent des violences à la maison, mais ont peu ou pas de moyens de se protéger en raison de divers facteurs. Je n'irai pas dans le détail, car certaines participantes en ont parlé juste avant moi. Pour ne citer que quelques facteurs, il y a le manque d'information, la méfiance envers la police et les services, la barrière des langues, ainsi que la peur de l'expulsion et de l'isolement. Tout un éventail de facteurs les rend plus vulnérables. Ceux qui commettent les violences pensent aussi qu'ils vont échapper aux sanctions, si les victimes sentent qu'elles ne peuvent pas se permettre de les dénoncer. En général, les victimes sont des filles et des femmes.
Je vais vous parler un peu de la Fondation filles d'action et de notre approche. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui aide les filles et les jeunes femmes à s'épanouir pleinement en tant que futures leaders et agentes de changement. Nous travaillons partout au pays à l'aide de notre réseau de plus de 340 groupes membres établis dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous offrons aux membres des outils, des ressources et de la formation afin de les aider à mettre sur pied des programmes pour les filles, dont certains s'adressent aux filles qui s'inscrivent dans des contextes particuliers, comme les immigrantes et les nouvelles arrivantes.
Nous soutenons plus de 100 initiatives partout au Canada pour bâtir un mouvement national de jeunes femmes et d'organisations actives et engagées.
Nous adoptons une approche axée sur les ressources à l'égard des filles et des femmes immigrantes, car elles possèdent de nombreuses qualités et compétences et travaillent fort. Ces filles et ces femmes portent un fardeau plus lourd que les autres Canadiens et elles constituent des ambassadrices culturelles qui jettent des ponts entre deux cultures. Elles sont souvent celles qui aident leurs familles à comprendre les services et à y accéder. Au cours de ce processus, elles développent des compétences en matière de sensibilité culturelle, de communication et de débrouillardise, qui s'avèrent des atouts précieux pour toute la collectivité.
Les filles et les jeunes femmes qui immigrent au Canada seront plus portées à poursuivre et à terminer leurs études que les autres Canadiens. Il faut donc les voir, notamment celles qui viennent à titre de conjointes parrainées, comme des atouts et des agentes de changement, pas comme des victimes ou des bénéficiaires qui ne font qu'attendre notre intervention.
Nous travaillons beaucoup avec les filles et les jeunes femmes immigrantes et nous constatons que certaines pratiques prometteuses fonctionnent. Ces pratiques aident à renforcer les compétences, l'estime de soi et les liens avec leurs collectivités, ainsi qu'à réduire l'isolement. Elles permettent également de donner du soutien, surtout de la part des pairs, d'offrir des espaces réservés aux filles et aux femmes, où elles peuvent s'exprimer plus librement, et de présenter des modèles à suivre, y compris dans leurs propres familles et leurs communautés, pour leur montrer qu'elles sont capables elles aussi de devenir des leaders au Canada.
Nous avons des recommandations pour réduire la violence et la maltraitance et pour aider les communautés, les filles et les femmes à lutter contre la violence.
Il importe tout d'abord de comprendre qu'une approche globale est nécessaire pour reconnaître la diversité des besoins, pour fournir toutes sortes de services sociaux et pour consolider les liens entre les différents services.
Les services doivent couvrir tous les besoins. Ils doivent aider les jeunes femmes sur le plan personnel à améliorer leurs compétences et leurs connaissances, pour leur permettre de participer activement à la société et de contrer les problèmes comme la violence lorsqu'ils se présentent.
Il faut donner un soutien axé sur les familles pour réduire leur niveau de stress, surtout celles qui immigrent ensemble ou dont le statut financier change en raison de l'immigration, et pour les aider à se soutenir mutuellement et à prendre des mesures communes.
Des services doivent aider les collectivités d'accueil durant l'adaptation des nouvelles arrivantes, surtout les conjointes parrainées particulièrement vulnérables. Ils doivent inclure la sensibilisation culturelle et la formation des fournisseurs de services, qui doivent venir de milieux divers et être en mesure de comprendre les jeunes femmes, une meilleure collaboration entre les centres communautaires, les refuges, la police et les représentants de la justice, ainsi que de la transmission continue d'information sur les droits et les services juridiques offerts aux femmes immigrantes, surtout les conjointes parrainées.
Nous devons fournir des programmes sur la santé, le mieux-être et le renforcement des compétences qui comportent une approche féministe et interculturelle. Il faut commencer tôt, parce que notre société a besoin d'outiller les filles et les garçons pour qu'ils deviennent des femmes et des hommes actifs qui ne commettent pas de violences ou de mauvais traitements, mais qui savent comment réagir s'ils y sont confrontés.
Les politiques et les programmes gouvernementaux doivent être proactifs et mettre en priorité les femmes immigrantes dès le départ, au lieu d'en tenir compte après coup. Ils doivent être collaboratifs et souples, s'adapter aux divers besoins et réalités des femmes et reconnaître le rôle que les immigrantes jouent dans leurs familles, les communautés et la société en général. Si les femmes reçoivent le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour développer leurs compétences en leadership, elles peuvent devenir des atouts majeurs, pas seulement pour les jeunes filles des communautés mais pour la société en général, car elles peuvent servir de modèles et aider les jeunes femmes.
Enfin, je souligne de nouveau qu'il ne faut pas négliger les réalités et les difficultés spécifiques auxquelles les filles ou les jeunes femmes sont confrontées. Ces dernières sont particulièrement vulnérables à cause de facteurs comme la race, la classe sociale, l'âge et le sexe. Il faut leur porter une attention particulière pour réduire leur vulnérabilité.
Merci beaucoup.
:
Aujourd'hui, je ne traiterai que de deux sujets concernant le programme de parrainage: la résidence conditionnelle pour deux ans et son incidence sur les femmes victimes de violence conjugale, ainsi que la proposition d'exiger que les femmes parrainées maîtrisent une des nos deux langues officielles.
L'objectif du gouvernement de protéger les femmes de crimes barbares est louable. Toutefois, en imposant aux femmes l'exigence de parler une langue officielle, on ne s'attaque pas à la source du problème. Cette nouvelle exigence aura malheureusement des conséquences disgracieuses et discriminatoires pour certaines femmes provenant de certains pays. De plus, elle séparera des familles, empêchera des femmes en âge de fertilité de commencer une famille et, dans certains cas, d'en avoir une.
L'apprentissage d'une langue n'est ni facile, ni simple, ni rapide. Je vous soumets que cette nouvelle exigence viole notamment la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. De plus, elle constitue une attaque envers la famille et le droit des femmes.
De fait, plusieurs femmes provenant de pays maghrébins où il existe des crimes d'honneur et des mariages forcés ne seront nullement touchées par cette nouvelle loi, puisque nombre d'entre elles parlent déjà le français.
De plus, aucune étude ne démontre que le fait de parler l'anglais ou le français met une femme à l'abri de la violence conjugale. Ce qu'il faut mettre en place, ce sont des ressources pour venir en aide aux femmes.
Au cours de mes années de pratique en tant qu'avocate, j'ai vu beaucoup de femmes victimes de violence conjugale. Beaucoup d'entre elles provenaient des États-Unis, du Canada et même de la France, pour ne nommer que quelques pays. Ces femmes étaient souvent très instruites et avaient une carrière. Pourtant, elles avaient des problèmes d'isolement, de la difficulté à trouver de l'aide et à s'aider elles-mêmes.
La violence est un problème complexe qui ne saurait se régler par l'apprentissage d'une langue officielle.
Par ailleurs, il est incontestable que les femmes latines, asiatiques ou européennes, qui ne parlent pas une de nos deux langues officielles et qui proviennent de pays où les mariages forcés et les crimes d'honneur n'existent pas, se verront séparées de leur famille et discriminées inutilement en raison de cette nouvelle exigence proposée.
On peut aussi concevoir que certaines femmes subiront d'énormes pressions de leur époux ou de leur conjoint pour qu'elles apprennent une langue rapidement afin d'être parrainées. Cela pourrait donner lieu à des disputes de famille et rendre les femmes encore plus vulnérables.
Si l'objectif est de lutter contre le barbarisme, pourquoi ne pas le faire d'une façon ciblée? Je propose que le gouvernement se penche directement sur la source du problème. Quelles sont les femmes victimes de crimes d'honneur qui sont les plus à risque? Quels programmes de soutien et d'information sont offerts à ces femmes lorsqu'elles arrivent au Canada ou avant qu'elles soient parrainées?
Le gouvernement peut-il prévenir la violence conjugale en sensibilisant les hommes et les femmes à ce que constitue la violence envers les femmes en vertu de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes adoptée en 1993? Selon cette déclaration, la violence peut être verbale et ne laisser aucune trace.
Dans le cadre d'un parrainage conditionnel de deux ans, on ne devrait pas forcer les femmes à formuler des plaintes à la police et à se mettre ainsi en danger alors qu'elles se trouvent déjà dans des situations très vulnérables. La résidence conditionnelle de deux ans fait augmenter la vulnérabilité des femmes victimes de violence conjugale, malgré l'exception mise en place par le gouvernement. En effet, on demande souvent à ces femmes de fournir des preuves de la violence conjugale qu'elles subissent. L'objectif du gouvernement va parfois contribuer à faire aggraver la violence et la vulnérabilité des femmes.
L'exception prévue dans la loi devrait être interprétée d'une façon très large afin de respecter la définition de la violence donnée dans la déclaration de 1993 et d'inclure la violence psychologique et verbale. L'article 1 de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes de l'Assemblée générale des Nations Unies soutient ce qui suit:
[...] les termes “violence à l'égard des femmes“ désignent tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.
Une femme ne devrait pas avoir à tolérer les cris, les insultes et les mauvais traitements psychologiques et verbaux, et ne devrait pas avoir à faire la preuve de ces sévices pour demeurer au Canada. La présente loi met la femme parrainée entre l'arbre et l'écorce.
Ce problème existait avant la mise en place d'une résidence conditionnelle de deux ans. En effet, des femmes en processus de parrainage pouvaient souvent être victimes de violence conjugale. Elles pouvaient alors demander de rester au Canada pour des motifs humanitaires ou avoir droit à une exception. J'ai eu de ces femmes comme clientes. Elles devaient faire la preuve qu'elles avaient porté plainte à la police ou qu'elles présentaient des marques physiques de violence. C'est très compliqué et traumatisant pour elles.
De façon réaliste, il faut savoir qu'une dénonciation à la police peut parfois empirer la violence envers certaines femmes. Au Québec, j'ai vu des cas de maris violents qui, à la suite de plaintes à la police, ont pourchassé des femmes jusque dans les centres pour femmes victimes de violence, pourtant supposés être anonymes et secrets.
Cela dit, je conclus que la résidence conditionnelle empêche les époux de se donner une chance de se réconcilier et de suivre une thérapie, et ne protège pas nécessairement l'institution du mariage au même titre que le font les juges qui laissent aux couples le temps de changer d'avis. Dans la vie réelle, parfois les couples se disputent. Certaines femmes pardonnent des actes de violence qui ne se reproduisent plus.
Pour terminer, je soumets que les familles, dans le cas de parrainage, méritent autant de protection par le législateur que les autres familles. J'ai reçu dans mon bureau un jeune couple avec un nouveau-né. La mère avait fait une dépression post-partum.
:
Je vous remercie de votre question, monsieur Menegakis.
En effet, je connais bien le texte que vous avez entre les mains, puisque c'est moi qui l'ai écrit. Cependant, j'avais bien précisé d'entrée de jeu que mon témoignage ne portait pas nécessairement sur les femmes parrainées, mais davantage sur l'expertise de l'organisme que je représente, soit le Collectif des femmes immigrantes du Québec.
En ce qui concerne les femmes parrainées, je peux souligner qu'on les voit beaucoup moins dans les organismes puisque, étant donné qu'elles sont parrainées, un réseau les prend en charge à leur arrivée. Il en résulte un effet pervers. Les conseils qui leur sont donnés en matière d'intégration au marché du travail ne sont souvent pas fondés. Par exemple, on va dire à une femme d'oublier sa carrière passée et de recommencer au bas de l'échelle, ou de suivre une formation comme préposée aux bénéficiaires pour qu'elle trouve facilement un emploi. Si cette dame s'était présentée dans un organisme qui avait pu faire un bilan de ses compétences qui tient compte de ses acquis scolaires et de ses expériences professionnelles, elle aurait probablement pu être dirigée vers un domaine de travail plus valorisant et plus épanouissant. Le fait que, généralement, les personnes parrainées ne fréquentent pas beaucoup les services d'intégration de la société d'accueil pose problème et limite souvent leurs perspectives d'avenir.
Dans la déclaration que vous avez lue, il est question justement d'un processus d'intégration bidirectionnel entre la société d'accueil et les nouveaux immigrants. Ce processus bidirectionnel est plus difficile dans le cas des femmes parrainées, parce que souvent, leur port d'attache est la communauté, et parfois ça demeure la communauté. Il y a donc souvent absence de ce rôle de pont que jouent les services publics ou communautaires.
Cela répond-il à votre question?
:
Oui, je l'ai précisé plus tôt. Il s'agit entre autres de prendre en considération le processus migratoire, l'expérience dans son ensemble, la perte de repères et le fait que plusieurs de ces femmes se retrouvent pour la première fois responsables de tout dans la famille, soit les tâches domestiques, l'éducation des enfants, l'équilibre familial, en plus de devoir trouver un emploi et composer avec la dynamique familiale qui est ébranlée.
Souvent, les services offerts dans le réseau des femmes appliquent l'approche féministe, qui valorise la prise en main personnelle et l'autonomie de l'individu. Je ne dis pas que l'approche féministe est mauvaise, mais dans le cas des femmes immigrantes, on doit absolument prendre en compte leur rôle central, essentiel, et ce que représentent pour elles la famille et la communauté. On ne peut donc pas faire une intervention qui soit axée uniquement sur l'autonomie de l'individu.
Il est important de prendre en considération l'environnement, la communauté et la famille. C'est ce que fait le Collectif des femmes immigrantes du Québec dans ses activités. Il s'agit vraiment de travailler à partir du point où la personne est rendue. Tranquillement, les choses évoluent par la suite. Les nouveaux immigrants s'adaptent beaucoup plus vite qu'on ne le croit. Beaucoup de changements s'opèrent, mais la société d'accueil voit uniquement le chemin qu'il reste à parcourir plutôt que celui qui a été parcouru.
Il s'agit donc de travailler avec la personne en partant de là où elle se situe à son arrivée et d'évoluer peu à peu en prenant en compte l'environnement ainsi que le cadre de référence qu'elle porte en elle. Il se peut que ce cadre soit différent de celui qui est valorisé au Canada. Il faut donc peu à peu faire en sorte que ces deux réalités se rencontrent et faire les médiations nécessaires pour que la transition se fasse. Il ne s'agit pas ici de perdre sa culture d'origine, mais plutôt de voir quels compromis peuvent être faits, quels changements sont acceptables et lesquels le sont moins, et de travailler petit à petit à l'intégration à tous ces égards.
:
Je vous remercie de me mettre sur la bonne piste.
En effet, le gouvernement pourrait faire quelque chose. Par exemple, lorsque les aides familiales arrivent au pays, on leur remet une liste des ressources disponibles en ce qui concerne les normes du travail et les associations qui peuvent les soutenir et les aider. On pourrait faire quelque chose du genre pour les femmes parrainées.
Au Québec, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui est responsable de l'intégration des immigrants, offre des séances de groupe dont l'une est intitulée « Premières démarches d'installation » et l'autre, « Objectif Intégration — Pour comprendre le monde du travail québécois ». Ces séances abordent différents thèmes.
Le problème est que les participants doivent s'inscrire eux-mêmes à ces séances. À l'heure actuelle, lorsque les personnes passent au guichet de l'immigration à l'aéroport, on leur présente le service et on les invite à consulter le site Web pour s'y inscrire.
Auparavant, c'était l'agent d'immigration qui inscrivait les nouveaux arrivants à ces séances. On disait donc aux personnes immigrantes, ce qui inclurait aujourd'hui les personnes parrainées, de se présenter tel jour à tel organisme pour la séance d'information « Premières démarches d'installation » et tel autre jour de la semaine suivante à la séance « Objectif Intégration — Pour comprendre le monde du travail québécois », une formation d'une durée de 24 heures.
Si l'on procédait de cette façon, les nouveaux immigrants seraient mis en contact avec des services communautaires et ils pourraient même développer entre eux un réseau d'entraide.
Il ne faut donc pas se contenter de donner l'information aux niveaux immigrants, mais également les inscrire auprès des ressources. Lorsqu'on vient d'arriver, qu'on retrouve un membre de la famille, il y a tant de nouvelles choses à se dire et à faire qu'on oublie de s'inscrire. On considère que ce n'est pas important et on se fie au conjoint ou à la famille pour nous guider à notre arrivée.
[Traduction]
D'après les deux séances que nous avons eues, nous sommes unanimes sur ces deux points, donc on peut considérer notre rapport écrit.
Pour le temps qu'il nous reste, j'aimerais vous interroger sur une proposition plus positive qui a été faite, qui me semble une excellente idée.
L'un des grands problèmes des mères victimes de violence, c'est que si elles fuient leur relation, elles risquent d'être déportées, à moins d'interjeter appel. Le processus d'appel peut prendre un an, deux ans, parfois plus, et dans l'intervalle, elles se trouvent en situation très précaire. Ne serait-il pas avisé, dans ce contexte, d'accélérer le processus pour que les femmes touchées sachent beaucoup plus vite si elles pourront oui ou non rester au Canada avec leurs enfants?
:
Madame Molina, j'ai une question à vous poser. Je l'ai déjà posée aux bureaucrates lorsque nous les avons accueillis.
La situation est la suivante, et elle n'est pas hypothétique: l'homme prétend s'être fait frauder. Sa femme l'a quitté et elle le fraudait. La femme affirme que c'est faux, qu'elle était victime de violence physique et psychologique.
Il y a là trois éléments différents. Il peut y avoir poursuite criminelle en cas de violence physique. Il s'agit alors d'une agression, qui doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. Il y a ensuite le tribunal de juridiction matrimoniale. Je n'ai aucune idée de ce qui est écrit dans le Code civil, mais je présume que c'est un peu comme en Ontario, c'est-à-dire qu'il faut établir, selon la prépondérance des probabilités, qui dit la vérité. Il y a ensuite la question de l'immigration, qui ne relèverait même pas d'une décision judiciaire, d'après ce que je comprends. Il revient alors à une autorité administrative de décider qui dit la vérité, ce serait une décision administrative.
Y voyez-vous un problème? J'y vois un étrange conflit juridique.
Les décisions pourraient même diverger. Une entité pourrait déterminer que c'est le mari qui dit la vérité, alors que l'autre déterminerait que c'est la femme qui dit la vérité.