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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 084 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 juin 2015

[Enregistrement électronique]

(0915)

[Traduction]

    Conformément à l’ordre de renvoi du lundi 25 mai 2015, le Comité permanent des finances tient sa 84e séance afin de poursuivre l’étude du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
     Chers collègues, nous avons le grand plaisir d’accueillir de nombreux témoins, ce matin. Je vous présente d’abord M. Jonathan Champagne, directeur exécutif de l’Alliance canadienne des associations étudiantes, et Mme Claire Seaborn, la présidente de l’organisation. Ensuite, nous avons M. Tim Gleason, partenaire de Dewart Gleason LLP. Nous avons également M. John Farrell, directeur administratif des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, et M. Graham Henderson, président et chef des opérations de Music Canada. Finalement, nous accueillons Mme Suzanne Legault, commissaire à l’information du Canada — je vous souhaite la bienvenue au comité —, et Mme Nancy Bélanger, avocate générale du Commissariat — je vous souhaite également la bienvenue.
    Chaque témoin a cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Cette période sera suivie de questions venant des membres du comité.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Champagne.
    Je tiens d’abord à vous saluer, monsieur le président, ainsi que ces dames et ces messieurs du comité, les autres témoins et les personnes présentes en ces lieux.
    Le paysage éducatif du Canada a considérablement changé ces dernières années. Les étudiants et les employeurs ont peut-être des attentes différentes envers les études postsecondaires, mais tous conviennent que l’employabilité est devenue un aboutissement de plus en plus important.
    En réponse à ces changements, étudiants et établissements font de l’apprentissage en milieu de travail une partie intégrante de l’expérience éducative. La sphère étendue des formations en alternance, des stages et autres formules du genre montre l’évolution que connaît le secteur des études postsecondaires. De nos jours, étudiants et jeunes gens souhaitent pouvoir terminer leurs études en possession non seulement de connaissances théoriques acquises en classe, mais également de l’expérience du terrain. Tant les étudiants que les employeurs reconnaissent la valeur d’avoir acquis cette expérience, car elle facilite le passage dans la main-d’œuvre active.
    L’Alliance canadienne des associations étudiantes, l’ACAE, milite pour que les étudiants et les jeunes gens reçoivent une protection et un traitement équitable en entreprise. Nous intervenons dans ce dossier depuis quelque temps déjà; la dernière fois a fait suite au dépôt du projet de loi d’initiative parlementaire de Mme Laurin Liu et aux commentaires peu judicieux du gouverneur de la Banque du Canada, M. Poloz, où nous avons protesté bruyamment.
    L’ACAE collabore avec le gouvernement et avec l’opposition pour favoriser la protection des jeunes Canadiens et Canadiennes. C’est la raison pour laquelle nous sommes heureux que le gouvernement annonce dans le budget 2015 qu’il se propose de modifier le Code canadien du travail afin d’assurer une meilleure protection des stagiaires. De plus, il y a la mesure budgétaire visant à éliminer l’impôt sur le revenu gagné pendant les études comme critère d’évaluation du besoin d’un prêt étudiant. Ces deux éléments prouvent que le gouvernement juge prioritaire de soutenir les jeunes gens dans leur travail et leurs études.
    Nous pouvons certainement tous convenir de l’importance de protéger les étudiants et les jeunes gens contre les mauvais traitements et l’exploitation durant leur passage en entreprise. Ils doivent être traités équitablement et, en ce qui concerne les stagiaires, être en mesure d’acquérir une expérience qui leur sera utile dans une future carrière.
    Cela dit, l’ACAE croit que les modifications au Code canadien du travail proposées manquent de clarté et laissent toujours les stagiaires vulnérables à l’exploitation et à de possibles abus. L’obligation d’offrir aux stagiaires des mesures de protection en matière de santé et de sécurité est indéniable. Ces changements à eux seuls ne suffisent pas, cependant, et d’autres mesures sont nécessaires pour assurer une protection suffisante de tous les stagiaires. Les modifications proposées n’accordent pas aux stagiaires les mêmes droits et protections que ceux des autres salariés à l’emploi d’employeurs sous réglementation fédérale. En admettant que les stagiaires ont des besoins particuliers qui relèvent d’exceptions, nous croyons que la meilleure protection possible serait conférée en les plaçant dans la catégorie des employés au sens du Code canadien du travail.
    Du point de vue de l’intérêt public, les modifications proposées ne garantissent pas la protection totale dont les stagiaires ont besoin. Si l’on cherche à protéger les stagiaires, alors on doit leur donner les mêmes droits que ceux des employés en vertu du code du travail tout en prenant acte soigneusement des exceptions qui sont particulières aux stagiaires. Pourquoi ajouter à l’ambiguïté et à la confusion lorsqu’une autre option sans risques est possible?
    En l’absence de modalités additionnelles, le projet de loi comporte de nombreuses zones qui placent les stagiaires en situation de vulnérabilité face à l’exploitation des employeurs.
    Il est possible que les stagiaires et les secteurs industriels sous réglementation fédérale se retrouvent dans une position où le travail ne sera ni reconnu ni rémunéré, que ce soit sous la forme d’une paie, de crédits universitaires ou d’une sorte de certificat. Ainsi, les stagiaires se retrouveraient sans rien pour montrer le résultat de leur travail.
    De plus, si le nombre de stages consécutifs n’est pas limité, on craint que les étudiants et les jeunes gens ne se retrouvent engagés dans une spirale de stages soit peu soit pas du tout rémunérés.
    Finalement, bien que le nombre d’heures par période de travail soit limité, parce que les stagiaires ne sont pas des employés, le nombre d’heures travaillées dans une journée ou une semaine ne comporte pas de limite et les heures supplémentaires de travail ne sont pas rémunérées en conséquence.
(0920)
    Il vous reste une minute.
    Je veux bien faire comprendre que cette question, pour l’ACAE et ses membres, n’est pas un enjeu partisan mais une affaire de bonne politique et d’équité.
    Des acteurs du secteur privé ont affiché leur intention de profiter de l’ambiguïté de la réglementation en place et de créer des postes où le travail est dangereux, sous-payé ou non salutaire pour les jeunes.
    Des progrès ont permis d’améliorer les conditions de travail, mais il est fort à parier que seule une intervention gouvernementale saura mettre un terme à ces pratiques. Nous sommes heureux que cette question fasse l’objet de débats et nous croyons que c’est là le signe que les étudiants et les jeunes gens sont importants pour le marché du travail d’aujourd’hui. Nous croyons qu’il est possible de trouver un juste équilibre entre la protection des stagiaires et l’offre sans réserves d’occasions d’apprentissage valables.
    Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Nous vous remercions pour votre exposé.
    Nous allons maintenant entendre l’exposé de Mme Seaborn, si vous voulez bien.
    Je m’appelle Claire Seaborn et je suis la présidente de l’Association canadienne des stagiaires. Je viens de terminer mon droit à l’Université d’Ottawa. L’Association veut discuter des modifications au Code canadien du travail proposées à la section 7 du projet de loi d’exécution du budget.
    Avant tout, j’aimerais féliciter le gouvernement pour la modification qui accorderait aux travailleurs non rémunérés, dont les étudiants, les protections en matière de santé et de sécurité au travail inscrites à la partie II du code. C’est une avancée importante pour les jeunes et autres travailleurs vulnérables qui ne bénéficient pas de ces protections à l’heure actuelle.
    Aujourd’hui, je vais axer mon exposé sur deux enjeux.
    D’une part, les modifications proposées n’offrent pas la protection du Code canadien du travail aux travailleurs non rémunérés à plusieurs égards, et notamment les protections liées à la durée du travail, aux accidents et maladies professionnels, au harcèlement sexuel et au dépôt d’une plainte. Nous recommandons certaines modifications des plus simples qui assureront les protections de base en milieu de travail aux stagiaires non rémunérés et aux étudiants.
    D’autre part, les modifications proposées créent une exception qui permet aux employeurs sous réglementation fédérale d’embaucher des travailleurs pour une période de 4 à 12 mois sans les payer, même si le poste occupé n’est pas rattaché à un programme scolaire. Nous recommandons que les stages non payés dans les secteurs sous régie fédérale soient autorisés à la condition expresse d’être associés à un établissement d’enseignement agréé. Je vais consacrer les prochaines minutes à développer ces recommandations et je serai heureuse également d’élaborer pendant la période de questions.
    La section 7 du projet de loi d’exécution du budget cherche à réglementer les stagiaires non rémunérés et les étudiants dans le secteur sous régie fédérale. Les modifications proposées introduisent des exceptions qui ciblent les travailleurs les plus vulnérables, précaires et marginalisés du Canada. Bien qu’elles assurent des mesures de protection de la santé et de la sécurité, elles n’incluent pas les travailleurs non rémunérés pour les protections assurées en vertu de la partie III du code, soit celle liée à la durée du travail, section I, celle liée aux accidents et maladies professionnels, section XIII, celle liée au harcèlement sexuel, section XV.1, et celle liée au dépôt d’une plainte sous le régime du Programme du travail du Canada, section XVI. Une simple modification au projet de loi actuel étendrait ces protections aux stagiaires non rémunérés et aux étudiants. En particulier, des événements tels que la mort tragique d’Andy Ferguson en Alberta et celle d’Aaron Murray en Ontario auraient pu être évités s’il y avait eu les mesures de protection telles que la durée maximale du travail.
    La seconde recommandation dénonce l’approche autorisant des stages non rémunérés de 4 à 12 mois qui ne sont pas associés à un établissement d’enseignement. Il s’ensuit qu’un étudiant, pendant ses études universitaires, pourrait trouver un emploi non rémunéré auprès d’une entreprise de messageries le premier été et un autre emploi non rémunéré auprès d’un média national d’information l’été suivant, et, une fois son diplôme en poche, travailler pour une banque ou une société aérienne canadiennes encore une fois sans être rémunéré pendant plusieurs mois. Cette exception crée un cycle sans fin d’emplois non rémunérés où l’employeur peut faire travailler des jeunes gens sans les payer en échange d’un peu de formation.
    De plus, les stagiaires ne sont pas seulement de jeunes Canadiens: il y a aussi des immigrants, des mères de famille qui réintègrent le marché du travail ou des travailleurs qui changent de carrière à la suite d’une blessure. À l’heure actuelle, les stagiaires sont des employés au sens du code, même s’ils reçoivent une formation. De telles exceptions légaliseraient le travail non rémunéré pour la première fois chez les grands employeurs souvent les plus rentables du Canada et elles porteraient atteinte au salaire minimum. L’exception est formulée suivant un ensemble de conditions qui sont vagues et impossibles à appliquer, ce qui entraînera une conformité non uniforme chez les employeurs.
    Tim Gleason va évoquer plus longuement la définition en common law d’un employé et la raison pour laquelle les stagiaires sont en fait considérés comme des employés.
    Les établissements d’enseignement, par exemple, les écoles secondaires, les collèges, les universités et les écoles professionnelles, sont les mieux placés pour veiller à ce que les stagiaires et les étudiants fassent des apprentissages utiles, aient en main des mécanismes pour porter plainte au besoin, ne prennent pas la place d’employés débutants et aient accès aux programmes de prêts étudiants.
    Nous recommandons que l’exception permettant les stages de 4 à 12 mois soit retirée et que l’exception visant les stages associés à un établissement d’enseignement soit maintenue.
(0925)
    Il vous reste une minute.
    Finalement, je réitère deux points déjà communiqués au comité dans le passé. Le premier, c’est qu’il y a un manque énorme de données sur le volume de travail non rémunéré qui est effectué au Canada et sur les caractéristiques des personnes qui font ce travail, ce qui fait obstacle à une véritable décision. Le Programme du travail du Canada, Statistique Canada et l’Agence du revenu du Canada devraient commencer à recueillir des données. Pour s’attaquer au travail non rémunéré illégal, ces organismes doivent également adopter des stratégies proactives d’application de la loi.
    Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous.
    Nous vous remercions pour votre exposé.
    Nous allons maintenant entendre M. Gleason.
    La discussion porte sur qui doit et qui ne doit pas être payé pour son travail. Elle se déroule dans le cadre d’une loi visant à protéger les droits des employés, en particulier les plus vulnérables au Canada. Ce débat touche principalement les jeunes gens et les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, sont amenés à fournir leurs services gratuitement à des employeurs. On parle ici de travailleurs. Le débat n’est pas là.
    La définition juridique d’un employé repose sur le contrôle. C’est le motif de la protection des employés en droit. La loi cherche toujours une légitimité et vous devez justifier ce que vous faites avec cette loi. Parce que les employeurs contrôlent la vie active des gens et parce que les personnes actives sont dépendantes et vulnérables dans cette relation, le droit assure la protection des droits fondamentaux des employés.
    Si la justification de la protection se trouve dans le contrôle et la vulnérabilité, où est la justification de l’exclusion de ces protections? Les entrepreneurs indépendants sont le plus souvent exclus en droit. La common law les exclut de la définition d’un employé parce qu’il y a absence de contrôle et de dépendance. Par conséquent, en principe, il n’y a pas lieu d’assurer leur protection.
    Pourtant, nous acceptons que les stagiaires, par exemple, soient protégés contre les lieux de travail non sécuritaires dans la partie III du code. Pourquoi? Parce que c’est l’employeur qui contrôle le lieu de travail et que les stagiaires sont dépendants et vulnérables. Ce sont les motifs des protections légales des employés et le même motif s’applique dans la partie III du code.
    La loi que vous envisagez aujourd’hui réalise deux choses importantes pour notre groupe de jeunes gens. Elle les inclut expressément dans les employés aux fins de la protection liée à la santé et à la sécurité et elle les exclut expressément de ce groupe pour les autres protections de base. Il y a lieu de se demander pourquoi.
    Rien ne saurait expliquer que les travailleurs non rémunérés soient forcés d’admettre des lieux de travail non sécuritaires. Ce serait adopter une position indéfendable. Ils ont la même relation avec l’employeur que les autres travailleurs à l’emploi de ce dernier car ils sont l’objet d’un contrôle, ils sont vulnérables et ils sont dépendants. Donc comment justifie-t-on leur exclusion des mesures de protection assurées par la partie III du code?
    On peut regrouper les protections assurées par la partie III en quatre catégories. Les trois premières semblent aller de soi, et on s’explique mal pourquoi les stagiaires devraient en être exclus, et notamment la protection contre une durée de travail excessive, la garantie de certains congés, la protection contre le congédiement injuste et la protection contre le harcèlement sexuel. Exclure les stagiaires de ces protections serait une position indéfendable. Pourtant, cette loi prétend le faire, à moins qu’une règlementation quelconque leur applique ces protections.
    Il reste le salaire minimum. C’est ce qui nous pose le plus de problèmes. Et c’est parce que les stagiaires, par contrat, ont convenu de fournir du travail gratuit et que le travail gratuit est illégal. Donc ces modifications du code visent à retirer aux stagiaires toutes ces protections que je viens de vous lire et la protection contre le travail gratuit.
    Comment peut-on justifier cela? Nous n’autorisons pas les autres employés à négocier des normes de travail et un salaire inférieurs aux minimums établis. Nous décidons qu’une société juste ne peut autoriser cela, du moins depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948.
    Nous avons refusé de permettre aux employeurs d’exploiter le désespoir des travailleurs vulnérables. Lorsque nous ajoutons le chômage à ce mélange, le chômage chez les jeunes étant le double de la moyenne nationale, dans une économie où le travail précaire se rapproche de la normale de façon alarmante, ce désespoir, qui est l’objet du code, est plus inquiétant que jamais. Nos jeunes gens n’ont jamais été aussi vulnérables. Ils sont prêts à travailler pour rien sans les protections de base à la dignité humaine dans le faible espoir d’un emploi rémunéré dans le futur. C’est ce qu’on appelle le désespoir et c’est la raison pour laquelle la partie III du code existe.
    Je vous demande encore une fois de vous demander ce qui pourrait justifier d’exclure nos jeunes gens de ces mesures de protection.
    S’il me reste un instant, j’aimerais conclure en vous citant le rapport du commissaire Arthurs de 2006, intitulé « Équité au travail », qui étudiait le Code canadien du travail. Dans un chapitre, M. Arthurs s’est penché sur les études et arguments visant le salaire minimum et a trouvé que ces arguments étaient inappropriés. Il a néanmoins tiré la conclusion suivante:

Ultimement toutefois, l’argument en faveur d’un salaire minimum national n’a rien à voir avec la politique ou l’économie. C’est une question de décence. Au même titre que nous rejetons la plupart des formes de travail infantile pour des raisons d’ordre moral, quels que soient leurs avantages économiques, nous reculons devant l’idée que dans une société nantie comme la nôtre, des personnes travaillant dur doivent vivre dans la pauvreté la plus abjecte.
    Aujourd’hui, je vous dirai moi aussi que la décence devrait nous empêcher d’exclure ce groupe de jeunes travailleurs vulnérables des protections que nous jugeons depuis longtemps nécessaires pour toutes les personnes qui travaillent.
    Je vous remercie.
(0930)
    Nous vous remercions pour votre exposé.
    Monsieur Farrell, c’est votre tour.
    Je m’appelle John Farrell. Je suis le directeur administratif des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, l’ETCOF, qui représente la plupart des gros employeurs sous réglementation fédérale du Canada. Une liste des membres forme l’annexe A jointe à ma déclaration écrite; je crois que vous pourrez vous la procurer ultérieurement en vous adressant à la greffière du comité.
    Mon organisation est heureuse de vous faire part de son opinion sur les modalités du projet de loi d’exécution du budget visant les révisions proposées au Code canadien du travail portant sur l’embauche de stagiaires par les entreprises dont les activités relèvent de la compétence fédérale.
    Les membres de l’ETCOF croient que les stages revêtent une grande importance pour améliorer les choix et les résultats des Canadiens en quête d’un emploi. Les stages valorisent en offrant une expérience pratique du milieu du travail pour couronner les études, les expériences de vie et de travail et se préparer à l’emploi. Les stages permettent aux éducateurs et aux entreprises d’établir un lien entre eux et d’améliorer la compréhension des besoins de chacun pour améliorer les perspectives d’emploi des Canadiens. Ils aident à trouver de nouvelles occasions d’acquérir une précieuse expérience professionnelle.
    Les membres de l’ETCOF croient que les stagiaires doivent être traités avec équité. L’embauche de stagiaires a pour objectif premier d’accentuer le développement personnel pour le bénéfice de la personne elle-même.
    Lorsque l’ETCOF a appris que le gouvernement envisageait de légiférer les stages en janvier dernier, elle a décidé de sonder ses membres pour mieux connaître l’étendue de l’emploi de stagiaires dans les entreprises membres.
    Voici ce que nous avons appris. Quelque 80 % des membres de l’ETCOF ont une sorte de programme de stages. Environ 83 % des membres de l’ETCOF qui embauchent des stagiaires le font dans le cadre d’accords officiels d’alternance travail-études avec des établissements d’enseignement reconnus. Environ 42 % des membres de l’ETCOF offrent également des contrats ponctuels de stage dont la durée est souvent plus courte et qui est moins structuré que le stage des programmes officiels d’alternance travail-études. Une partie des stagiaires sont rémunérés. Sous la réglementation fédérale et chez les entreprises membres de l’ETCOF participantes, la plupart des stagiaires sont rémunérés.
    Donc, les accords qui s’appliquent aux stagiaires varient d’une entreprise à l’autre; de plus, nous serions prêts à convenir que nous ne croyons pas que les données existantes permettent de saisir l’ampleur de l’usage fait des stagiaires à la grandeur du pays, ce qui explique pourquoi nous avons effectué notre propre étude de la question auprès de nos membres.
    Passons maintenant à l’étude de la législation proposée.
    Les modifications proposées à la partie II du Code canadien du travail accordent aux stagiaires une entière protection liée à la santé et à la sécurité au travail. L’ETCOF appuie complètement ce besoin. Toutefois, nous croyons qu’ils jouissent déjà de cette protection et que les employeurs ont déjà l’obligation générale de veiller à la santé et à la sécurité de toutes les personnes s’occupant de leurs locaux ou terrains et de leurs opérations, selon le code. Nous ne nous opposons pas néanmoins à préciser les protections accordées par la partie II du code.
    La législation proposée introduit des modalités précisant les circonstances dans lesquelles il sera possible de ne pas rémunérer un stagiaire. Dans le premier cas, le stage qui fait partie d’un programme offert par un établissement d’enseignement secondaire ou postsecondaire ou par une école de formation professionnelle n’est pas nécessairement rémunéré. Nous sommes d’accord avec cela.
    Dans le second cas, le stage qui répond à un ensemble de six critères n’est pas lui non plus nécessairement rémunéré. Je ne réciterai pas les critères — je crois qu’ils sont clairement énoncés dans le projet de loi — mais ces modalités nous semblent logiques parce qu’elles donnent l’occasion de fixer assez clairement les conditions de travail du stagiaire.
    En ce qui concerne la limitation de la durée d’un stage, que ce soit 4 mois d’emploi à plein temps ou l’équivalent réparti sur 12 mois…
(0935)
    Il vous reste une minute.
    … nous recommandons que les stages puissent durer 12 mois. Il sera ainsi plus facile pour le stagiaire d’acquérir une expérience plus approfondie là où il serait bon de le faire.
    Le projet de loi prévoit l’adoption de règlements visant les normes du travail s’appliquant aux stagiaires non rémunérés en vertu de la partie III du code canadien du travail. L’ETCOF convient que d’autres consultations seront nécessaires pour mieux comprendre les accords visant les stagiaires actuels et ainsi adopter des normes du travail adéquates.
    Nous appuyons la consultation des parties intéressées.
    Nous vous prévenons que les modalités de la partie III s’appliquant aux stagiaires doivent mettre l’accent sur les protections de base en entreprise, par exemple la durée du travail et les congés sans solde pour maladie ou décès.
    Les stagiaires ne sont pas des employés, mais ils ont le droit d’être traités avec équité et un juste équilibre est nécessaire. Une surréglementation des stagiaires pourrait avoir l’effet involontaire de réduire le nombre de programmes de stage existants.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Farrell.
     Monsieur Henderson; c’est à vous.
    Je remercie le Comité permanent des finances, son président et mesdames et messieurs les députés, de m’avoir invité aujourd’hui.
    Je m’appelle Graham Henderson et je suis le président de Music Canada, une association professionnelle qui représente Sony Music Entertainment, Universal Music et Warner Music Canada.
    Je suis là pour remercier le gouvernement et l’opposition officielle d’avoir publiquement appuyé cette modification qui fait passer de 50 ans à 70 ans la durée de protection du droit d’auteur applicable à la musique enregistrée. Le premier ministre Harper et le gouvernement du Canada montrent qu’ils ont compris l’importance du secteur de la musique pour l’économie canadienne. Merci.
    La législation soumise à ce comité met en oeuvre la prolongation de la durée de protection des enregistrements sonores d’une manière qui répond adéquatement aux besoins de l’industrie de la musique. La protection du droit d’auteur pendant au moins 70 ans est devenue la norme à l’échelle mondiale. Dans plus de 60 pays, les enregistrements sonores sont protégés par le droit d’auteur pendant au moins 70 ans à partir du moment de l’enregistrement; il n’y a aucune raison pour que les artistes canadiens soient limités par rapport aux artistes d’ailleurs.
    Prenons un artiste qui enregistre et diffuse une chanson. Sans cette modification, dans 50 ans, n’importe qui pourra utiliser cet enregistrement à n’importe quelle fin sans rémunérer l’artiste. Contrairement au compositeur de la chanson, dont l’oeuvre est protégée pendant 50 ans après son décès, l’artiste-interprète voit autrui profiter de la vente ou de l’utilisation publicitaire de ses enregistrements sans lui demander la permission et sans lui verser une rémunération. Un enregistrement produit à un jeune âge n’enlève pas à l’artiste, 50 ans plus tard, l’obligation de continuer d’enregistrer pour gagner sa vie. C’est la situation que vivent beaucoup d’artistes-interprètes de nos jours, et c’est pourquoi cette modification est si importante à nos yeux.
    Vous avez mon mémoire en main. Vous pouvez donc prendre connaissance des exemples de Leonard Cohen et de Buffy Sainte-Marie. Paul Anka, un artiste qui est originaire d’Ottawa, a interprété des oeuvres emblématiques, par exemple, Put Your Head on My Shoulder, une chanson produite en 1964 qui n’est déjà plus protégée par le droit d’auteur et qui est tombée dans le domaine public. Personne n’en profite: ni le public, ni les créateurs, ni les gens qui investissent dans le talent canadien. Et cela est aussi nuisible à l’économie canadienne.
    D’autres enregistrements emblématiques canadiens par des artistes tels que Gordon Lightfoot, The Guess Who, Anne Murray et April Wine, pour n’en nommer que quelques-uns, vont vite tomber dans le domaine public si cette modification à la Loi sur le droit d’auteur n’est pas adoptée. Les artistes n’auront alors aucun contrôle absolu sur les enregistrements qu’ils ont effectués de leur vivant. Ils ne pourront décider qui peut les reproduire, les utiliser ou les distribuer et qui est rémunéré pour cela.
    Une protection du droit d’auteur d’une durée de 70 ans permettra aux artistes de continuer de recevoir le produit de leurs activités pendant leurs vieux jours. Pour les artistes plus jeunes, les bénéfices supplémentaires obtenus par les détenteurs de droits sur les vieux enregistrements seront réinvestis dans le développement d’artistes, et eux aussi pourront se réjouir à l’avance du moment où la protection de leurs enregistrements leur permettra de profiter de la vie.
    Aucune autre industrie que celle de la musique ne réinvestit autant dans le nouveau talent: 28 % de ses revenus y ont été consacrés en 2014. Comme le révèle le plus récent rapport de la Fédération internationale de l’industrie phonographique, intitulé Investing in Music, c’est plus que ce que les industries de la pharmaceutique, de la biotechnologie, des logiciels informatiques ou du matériel de haute technologie investissent dans la recherche et développement.
    Cette mesure peut représenter une faible part de la Loi sur le droit d’auteur, mais c’est beaucoup aux yeux des artistes et de l’industrie de la musique. Le site Web de Music Canada contient les réactions de 24 artistes qui témoignent de l’importance de cette mesure législative et du fait qu’ils y sont sensibles, et l’immense impact qu’elle aura dans leur vie. J’aimerais vous faire part de deux de ces messages.
     Les Arkells, un jeune groupe de musique rock de Hamilton, disent ceci:

En tant que groupe canadien, nous sommes reconnaissants que notre gouvernement tienne compte de la valeur des enregistrements musicaux sur les plans culturel et économique, et qu’il protège cette valeur en prolongeant la durée de protection du droit d’auteur s’appliquant à ceux qui produisent ces enregistrements.
    Anne Murray, quant à elle, dit ceci:
J’applaudis les efforts de notre gouvernement visant à prolonger la durée de protection du droit d’auteur s’appliquant aux artistes-interprètes. Ce n’est que justice qu’ils continuent de récolter la récompense de leur travail de création jusqu’à un âge avancé, une période où ils en ont le plus besoin.
    Je ne vais pas tous les lire.
    Nous sommes extraordinairement reconnaissants de cette modification. L’industrie de la musique a dû relever bien des défis ces 15 dernières années. Le produit des enregistrements musicaux à l’échelle mondiale a diminué de 70 %, si l’on tient compte de facteurs tels que l’inflation, mais nous nous mettons vigoureusement aux nouvelles réalités du numérique et nous sommes déterminés à réussir dans cet environnement.
(0940)
    La prolongation de la durée du droit d’auteur pour les enregistrements sonores aidera certainement et j’espère être en mesure de répondre aux questions que vous pourriez avoir sur cet aspect du projet de loi d’exécution du budget.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Henderson.

[Français]

     Madame Legault, vous pouvez commencer votre présentation.
    Mesdames et messieurs les députés, j'ai été invitée à comparaître devant le comité afin de discuter de la section 18 du projet de loi C-59, et plus particulièrement des articles 230 et 231. Cette section propose de modifier la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule — la LARA — en vue d'empêcher l'application de la Loi sur l'accès à l'information, et ce, rétroactivement à compter du 25 octobre 2011, qui est la date du dépôt de la LARA au Parlement.
    Afin d'aider les parlementaires à comprendre l'impact de ce projet de loi, j'ai déposé, le 14 mai, un rapport spécial au Parlement intitulé Enquête sur une demande d’accès à l’information concernant le registre des armes d’épaule. J'ai aussi exposé les faits pertinents dans la chronologie qui est devant vous ce matin.
    Étant donné le temps limité qui m'est alloué, je ne répéterai pas ces faits. Il suffit simplement de rappeler qu'en avril 2012, la LARA est devenue loi. Encore à ce jour, la LARA n'évince pas l'application de la Loi sur l'accès à l'information. En vertu de l'article 4 de la Loi sur l'accès à l'information, celle-ci s'applique nonobstant toute autre loi fédérale.
    Comme vous le savez, monsieur le président, j'ai de très sérieuses réserves à l'égard de la section 18 du projet de loi C-59.

[Traduction]

    Premièrement, la section 18 rend caduque la Loi sur l’accès à l’information, avec effet rétroactif au 25 octobre 2011, soit avant même l’entrée en vigueur de la LARA. Quelqu’un doit bien se poser des questions…
    Deuxièmement, la section 18 soustrait à l’application de la Loi sur l’accès à l’information un plus vaste éventail de fichiers que la LARA ne l’a jamais fait. Elle vise non seulement les registres et fichiers relatifs à l’enregistrement des armes à feu, comme le fait la LARA, mais également tous les fichiers relatifs à la destruction de ces fichiers. Il en découlera probablement que personne ne pourra demander l’accès à des documents pour savoir si la GRC a véritablement supprimé les renseignements personnels le ou la concernant dans le registre ou pour savoir combien la destruction du registre a coûté aux contribuables canadiens. En effet, personne ne sera en mesure d’établir ce qui a transpiré relativement à la destruction des fichiers en cause dans mon enquête. Ça dépasse tout, et au-delà, ce que le Parlement a pu rechercher dans la LARA en 2012. Quelqu’un doit bien se poser des questions…
    Troisièmement, si la section 18 est adoptée, elle pourra annuler la demande qui a fait l’objet de mon enquête, annuler la plainte faite à mon bureau, annuler toute l’enquête, incluant les ordres de communication de documents — quelque 30 000 fichiers —, les interrogatoires sous serment et leur transcription, annuler mes recommandations au ministre de la Sécurité publique et le renvoi au procureur général du Canada, annuler la demande dont j’ai saisi la Cour fédérale au nom du demandeur, annuler l’enquête policière référée à la Police provinciale de l’Ontario, annuler la responsabilité administrative, civile et pénale potentielle de toutes les parties concernées, et essentiellement annuler le droit du demandeur dans cette affaire. Quelqu’un doit bien se poser des questions…
    Les changements proposés, monsieur le président, pourraient rétroactivement éliminer le droit d’accès des Canadiens et les obligations du gouvernement en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, et ce en remontant jusqu’au moment où, en fait, la LARA n’existait pas. Ainsi, effectivement, monsieur le président, on réécrira l’histoire.
    Monsieur le président, la section 18 du projet de loi C-59 ne peut être considérée comme une tentative de colmater une brèche. Elle ne peut représenter qu’une tentative de créer un véritable trou noir.

[Français]

    Compte tenu de l'importance fondamentale du droit d'accès à l'information et de la règle de droit au Canada, j'exhorte sincèrement le comité à supprimer la section 18 et les articles 230 et 231 de ce projet de loi.
(0945)
     Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.
    
    Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons faire des rondes de six minutes. Je vous demanderai de vous en tenir de très près au temps alloué et de laisser aux témoins assez de temps pour répondre à vos questions.
    Nous commencerons par M. Cullen, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui. Je poserai des questions aussi brèves que possible.
    Madame Seaborn et monsieur Champagne, en repensant à la dernière observation de M. Farrell, il semblerait qu'il suggère que si, conformément à cette troisième partie du Code du travail, nous protégeons les stagiaires d'un nombre excessif d'heures de travail, du harcèlement sexuel et du congédiement arbitraire, nous risquons en fait de réduire les occasions qu'ont les jeunes Canadiens de faire un stage. Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous partage cette inquiétude?
    Madame Seaborn, vous pourriez peut-être répondre en premier.
    Je ne m'inquiète pas du fait qu'en accordant une protection de base dans les milieux de travail on risque de réduire les occasions qu'auraient les jeunes Canadiens d'acquérir de l'expérience au travail. Selon moi, les employeurs sont responsables de former les jeunes travailleurs, et les stagiaires eux-mêmes trouveront des moyens de s'offrir des stages.
    Les modifications dont nous discutons aujourd'hui, ce qui comprend la protection contre le harcèlement sexuel et le nombre d'heures de travail, sont des protections de base dans les lieux de travail. Elles ne devraient pas inciter les employeurs à ne pas offrir des postes de stagiaires.
    Monsieur Champagne.
    Si les règlements ou les modifications que l'on propose ici pour fixer dans les lieux de travail des normes de sécurité en matière d'heures de travail, de protection contre un congédiement injuste et contre le harcèlement sexuel, sont trop difficiles à respecter pour un employé qui devrait protéger ses stagiaires, alors je pense que nous devrions élargir la portée de notre examen. Les organismes devraient examiner leurs pratiques commerciales pour déterminer les raisons pour lesquelles il est nécessaire d'imposer ces règlements.
    D'accord. Merci beaucoup à tous les deux.
    Madame Seaborn, vous avez contribué à faire de ce problème un enjeu national. Je pense que c'est important. Comme on nous l'a expliqué ici, le contexte du marché de l'emploi a très évidemment beaucoup changé, et les jeunes Canadiens en sont particulièrement touchés. On dirait bien que le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de maintenir une norme moderne et acceptable pour les postes de stagiaires.
    Monsieur Gleason, je pense qu'il est également important de considérer ce problème comme un manque de décence.
    Madame Legault, je vais m'adresser à vous pendant quelques instants. Je trouve que vous nous avez présenté un excellent document sur la chronologie de ce qui s'est passé. Avions-nous déjà vu cela dans la loi canadienne?
    Je ne l'ai jamais vu.
    Ce que nous n'avions jamais vu est cette application rétroactive de la loi pour essentiellement rendre légal un acte qui ne l'était pas. Est-ce que je décris la situation correctement?
(0950)
    Eh bien, il y a des jurisprudences qui permettent l'application rétroactive des lois; je n'avais jamais vu un cas comme celui-ci en particulier, parce que la rétroactivité dans ce cas s'étend même jusqu'à une date où la loi que l'on applique rétroactivement n'existait même pas. Le Parlement n'en avait même pas voté l'adoption. Les faits particuliers de cette affaire font suite à une enquête.
    Permettez-moi de vous arrêter ici. Le gouvernement a soutenu que c'était la volonté du Parlement. Il soutient qu'il existait un détail de procédure auquel on n'avait pas pensé et qu'il corrige ainsi cette question de procédure. Il soutient que c'est la raison pour laquelle il a dû retourner dans le temps pour corriger la situation. Vous nous dites que cette modification apportée en vertu de ce projet de loi omnibus retourne à une date où le Parlement n'avait pas adopté cette loi pour légaliser une chose qui à l'époque était illicite. C'est ça que vous nous dites?
    Si je comprends bien les lois qui sont encore en vigueur aujourd'hui, la LARA s'applique en même temps que la Loi sur l'accès à l'information. La LARA n'a jamais eu préséance sur la Loi sur l'accès à l'information. Cette dernière s'applique nonobstant toutes les autres lois du Parlement, et le gouvernement doit honorer ses obligations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
    Cette partie de la Loi sur l'accès à l'information, qu'a-t-elle de si important? Pourquoi est-elle si cruciale? Je passe outre la question du registre pour souligner l'importance de tenir ou de ne pas tenir des dossiers gouvernementaux, de détruire ou de ne pas détruire des dossiers gouvernementaux. Pourquoi est-ce si important dans une démocratie libre?
    C'est important parce qu'il s'agit du régime que nous avons établi dans la Loi sur l'accès à l'information. Nous avons accordé aux gens le droit de faire des demandes d'information auprès de leurs gouvernements. Nous avons créé un système comprenant un processus de plainte, un processus d'enquête au premier palier, et ensuite un processus qui donne aux gens le droit de s'adresser à la Cour fédérale pour obtenir une mesure réparatoire. Cette modification rétroactive annule ce processus tout entier.
     C'est ce que je tiens à souligner — que le droit qu'ont les citoyens de demander des documents à leurs gouvernements est un droit fondamental et un moyen de responsabiliser le gouvernement.
    Vraiment?
    La Cour suprême du Canada a même affirmé que l'alinéa 2b) de la Charte stipule un droit dérivé à la liberté d'expression.
    Il vous reste une minute.
    Alors c'est un droit en vertu de la Charte. La liberté d'expression permet de demander de l'information au gouvernement. J'essaie d'appliquer cela à d'autres problèmes que l'on a présentés aux Canadiens. Je pense au scandale des commandites ou aux autres situations dans lesquelles il a été ultimement important de chercher à obtenir de la documentation pour révéler une méconduite ou un cas de corruption du gouvernement.
    Est-ce que nous créons ici un précédent qui permettrait au gouvernement, quand il se trouve dans une situation fâcheuse, de retourner dans le passé afin de permettre la destruction rétroactive de documents?
    Comme je l'ai dit en public en parlant de cette affaire, je pense que nous créons un précédent dangereux dans l'histoire du Canada et pour la démocratie canadienne. Il n'y a pas d'autre façon de décrire cela.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    Nous passons maintenant la parole à M. Saxton.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Mes premières questions portent sur les stages offerts ici au Canada.
    Certaines personnes pensent que les stages à des fins éducatives sont tout aussi importants, sinon plus importants, que l'enseignement en classe pour préparer les étudiants à faire carrière dans le marché du travail.
    Monsieur Champagne, êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui.
    Madame Seaborn, êtes-vous d'accord vous aussi?
    Je suis tout à fait d'accord. Les stages sont très utiles pour les stagiaires et pour les étudiants. D'un autre côté, un grand nombre des stages dont nous parlons aujourd'hui sont en fait des emplois. Les employés de premier échelon sont utiles, et le travail des jeunes gens est aussi utile, et les employeurs dont nous parlons aujourd'hui — de grands employeurs régis par le gouvernement fédéral — sont en mesure non seulement d'offrir les protections inhérentes au milieu de travail, mais aussi de les rémunérer.
    Notre gouvernement reconnaît aussi l'importance des stages. C'est pourquoi nous pensons que les stagiaires devraient recevoir les avantages sociaux et les protections inhérents aux lieux de travail afin de ne pas se faire exploiter. Mais il faut agir avec doigté, parce que selon moi, si l'on agit de façon trop sévère envers les employeurs, ils annuleront complètement les programmes de stage. C'est ce que disait M. Farrell tout à l'heure.
    Êtes-vous d'accord vous aussi, monsieur Champagne, qu'il faut agir avec doigté?
    À mon avis, il faut que nous examinions la question pour déterminer quels règlements sont supposément trop difficiles à respecter. Si un employeur ne peut pas embaucher un stagiaire ou un employé en lui offrant une protection contre le harcèlement sexuel ou contre un nombre d'heures de travail excessif, ou toute autre protection qu'il fournit aux autres employés, alors je pense que ces organismes ou ces entreprises régis par le gouvernement fédéral devraient examiner leurs pratiques commerciales pour déterminer exactement les raisons pour lesquelles ces règlements sont trop difficiles à respecter pour embaucher un stagiaire.
    Je ne pense pas qu'on leur en demande trop.
(0955)
    Nous sommes d'accord avec vous, et c'est pourquoi ces protections entreront en vigueur. Je veux qu'on inscrive dans le compte rendu que ces normes réglementaires du milieu de travail s'appliqueront à la situation exceptionnelle des stagiaires non rémunérés et qu'on les rédige avec la collaboration des intervenants. On s'attendra au moins à ce que les stagiaires non rémunérés soient protégés par un nombre maximal d'heures de travail, qu'ils puissent prendre des congés de deuil et de maladie non rémunérés et qu'ils soient protégés contre le harcèlement sexuel.
    Nous pouvons supposer que ces protections seront adoptées. Nous allons maintenant plus loin que cela. Si ces protections entrent en vigueur, convenez-vous qu'il faudra agir avec doigté, que si nous traitons les employeurs avec trop de rigueur, les occasions de stage diminueront?
    Je pense bien évidemment qu'il faudra agir avec doigté, et c'est pourquoi je pense qu'il faut accorder certaines exceptions aux programmes de stages. Par exemple, fournir un crédit universitaire au lieu de... quelque chose comme le salaire minimum, c'est un type d'exception que nous pourrions accorder. Évidemment, la durée d'emploi dans le cadre d'un programme de stage serait une autre exception qu'il faudrait accorder aux stagiaires. Alors bien sûr, il y a certaines exceptions.
    Et bien sûr, il faudra chercher à établir un bon équilibre entre les occasions que l'on offre aux stagiaires d'acquérir une expérience précieuse qui leur servira quand ils se lanceront dans leur carrière, et la souplesse à accorder aux employeurs qui embauchent ces stagiaires pour leur permettre d'acquérir des connaissances et une expérience qui leur serviront pour le restant de leurs jours.
    Pensez-vous que notre gouvernement établit cet équilibre en apportant ces modifications à la Loi d'exécution du budget?
    D'après ce que nous avons vu au moins dans la première partie — la création d'exceptions pour les stagiaires —, il est clair que le gouvernement a pris une mesure d'envergure. Il reconnaît à quel point il est important de fournir ces protections aux stagiaires — tout au moins c'est ce que j'ai vu, et je ne suis pas l'avocat de ce groupe d'experts. Il y a d'autres dispositions et, comme vous l'avez dit, si elles s'avèrent efficaces, alors je serai convaincu qu'on aura pris les mesures nécessaires pour protéger ces stagiaires.
    Si ces protections fondamentales dont vous avez parlé plus tôt et que je viens de mentionner entrent en vigueur, pensez-vous aussi que le gouvernement aura établi l'équilibre nécessaire?
    Je ne trouve pas que nous ayons établi un équilibre, quel qu'il soit.
    Et pourquoi donc?
    Nous recommandons de n'autoriser le travail non rémunéré que s'il est surveillé par un établissement d'enseignement accrédité. Le projet de loi actuel permettrait une période de travail de 4 à 12 mois hors de l'établissement d'enseignement. Il n'y aura donc aucune surveillance. Le stagiaire ne disposera d'aucun processus lui garantissant une formation réelle. Les conditions prévues dans l'exemption de 4 à 12 mois ne permettent aucunement aux stagiaires de faire valoir leurs droits. En fait, on les exempte ainsi du système de plaintes.
    Si les stagiaires pensent qu'ils ne reçoivent pas assez de formation pendant leur stage non rémunéré de 4 à 12 mois en dehors de l'établissement d'enseignement, ils ne peuvent pas déposer de plainte. Ils devraient par exemple engager un avocat ou trouver un système quelconque qui leur permette de faire valoir leurs droits.
    La seule manière de corriger la situation serait de ne permettre la non-rémunération du travail que lorsque celui-ci est surveillé par un établissement d'enseignement.
    Monsieur Farrell, si les employeurs pensent qu'on les traînera en justice si un étudiant trouve qu'il ne reçoit pas la formation qu'il escomptait, est-ce qu'ils risquent éventuellement de ne plus offrir de stages?
    Vous savez que vous ne pouvez pas empêcher les gens de prendre les mesures qu'ils croient adéquates, mais je ne pense pas que nous devions nous inquiéter des recours en justice.
    À notre avis, les employeurs et les stagiaires bénéficieront d'un système équilibré qui fournira la formation nécessaire pour acquérir des connaissances et de l'expérience au travail.
    Le gouvernement a-t-il établi cet équilibre en apportant ces changements, oui ou non?
    Je considérerai cela comme un oui.
    Monsieur Easter, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et bienvenue à tous nos témoins.
    J'aimerais beaucoup poser des questions sur les stages, mais je ne siège pas habituellement à ce comité. Nous nous préoccupons énormément de la loi budgétaire et des observations présentées par une agente du Parlement, la commissaire à l'information, sur ce qui constitue essentiellement une violation à la loi sur la destruction des dossiers dans notre pays.
    Au Comité de la sécurité publique, nous avons essayé d'inviter la commissaire à l'information à comparaître avec le commissaire de la GRC et avec le ministre de la Sécurité publique, et cette motion a été rejetée. C'est là que cette discussion devrait avoir lieu.
    Je vais donc poursuivre la série de questions de M. Cullen.
    Vous avez dit dans votre allocution que cette section 18 de la loi budgétaire octroie une immunité en matière administrative, civile ou pénale en lien avec la destruction des dossiers mentionnés.
    Comme il s'agit d'un précédent que l'on n'a encore jamais vu, est-ce que cela signifie qu'on peut vraiment revenir dans le temps, étouffer l'affaire et en fait légaliser un acte illicite, ou annuler un acte qui était illégal à ce moment-là?
(1000)
    Oui, c'est possible. Si ce projet de loi était adopté, il effacerait la responsabilité de toutes les personnes impliquées. Je crois qu'il faut que les gens comprennent que cette question comporte deux éléments.
    Le premier est l'enquête visant à déterminer si la GRC a vraiment remis tous ses dossiers aux personnes qui en ont fait la demande. J'ai conclu qu'elle ne l'avait pas fait. Cette affaire se trouve maintenant devant la Cour fédérale. Le gouvernement n'est pas d'accord avec moi.
    Le deuxième élément est le fait que quand l'enquête s'est terminée, j'ai envoyé cette affaire au vérificateur général du Canada parce que j'avais des preuves indiquant qu'un délit criminel avait probablement été commis. Mon enquête n'a pas porté là-dessus. J'ai envoyé cette question au vérificateur général pour qu'il l'examine.
    Ce projet de loi efface tout cela. Il efface tout. Je ne sais pas ce qui arrivera à tous les dossiers qui se trouvent présentement dans mon bureau, parce que ce projet de loi annule le fait que ces choses se sont produites. Je ne suis même pas sûre de ce qu'il adviendra du rapport spécial que j'ai déposé devant le Parlement. C'est un dossier créé en lien avec une chose que tout d'un coup ce projet de loi va effacer.
    Que va-t-il advenir de tous ces dossiers, de ces hansards? Allons-nous soudainement oublier que tout cela s'est produit en adoptant un projet de loi qui va s'appliquer rétroactivement même avant que nous n'ayons reçu cette demande d'accès à l'information? C'est ce que nous faisons ici.
     C'est absolument incroyable. Ce gouvernement prétend appuyer le maintien de l'ordre public et respecter la loi. Quand on s'engage à maintenir l'ordre public, on ne peut pas choisir les lois que l'on va respecter ou non. J'ai bien l'impression que c'est ce qui se passe ici.
    Cette accusation est extrêmement grave. Lorsqu'une agente du Parlement suggère au vérificateur général que la GRC, notre service de police national, a en fait enfreint la loi et qu'elle demande qu'on dépose une accusation, l'affaire est extrêmement grave. Il serait encore plus grave que le budget annule toute l'affaire pour les personnes qui ont enfreint la loi.
    Savez-vous qui a ordonné ces choses? Quel milieu politique a ordonné que l'on détruise ces dossiers? Et avez-vous une idée des personnes qui les ont détruits? Si nous ne pouvons pas le découvrir maintenant, alors une fois que ce projet de loi aura été adopté, nous les Canadiens, aurons-nous un moyen de le découvrir?
    Il y a deux choses. D'abord, permettez-moi de préciser que je n'ai pas demandé que l'on porte accusation contre la GRC. Je n'en ai pas le pouvoir. J'ai renvoyé cette affaire au vérificateur général du Canada pour qu'il mène une enquête. Ces questions sont complexes.
    En ce qui concerne tous les dossiers liés à la destruction des documents — comme le registre des armes d'épaule a été détruit, vous comprenez bien — s'il s'agit ici de l'échappatoire que nous cherchons à corriger, le registre des armes d'épaule n'existe plus, donc nous n'avons pas besoin de corriger cette échappatoire. Mais en ce qui concerne tous les dossiers en lien avec tout cela, si quelqu'un désire savoir qui a ordonné cela, quand et sous quelle direction, nous ne le saurons jamais si ce projet de loi est adopté.
    Je pense que c'est vraiment important, monsieur le président, parce que j'ai déjà occupé le poste de solliciteur général, et il est censé y avoir un cloisonnement de l'information entre le monde politique et la GRC. Si une entité politique a influencé la GRC pour l'inciter à détruire ces documents, c'est une question extrêmement grave, parce que les entités politiques ne devraient pas influencer le travail quotidien du gouvernement du Canada.
    Pouvez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet?
(1005)
    Répondez brièvement, s'il vous plaît.
    Comme vous le savez, mes enquêtes sont confidentielles. S'il faut divulguer des dossiers dans le cadre d'une procédure juridique, c'est ainsi que cela se fera. J'ai renvoyé cette affaire au vérificateur général parce que nous pensions sérieusement qu'il y a lieu de mener une enquête indépendante sur une violation possible de la loi. Cette enquête n'aura pas lieu si l'on adopte ce projet de loi.
    Merci.
    Merci. Merci, monsieur Easter.
    Nous allons donner la parole à Mme Bateman, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins ce matin. Nous apprécions tous vos témoignages.
    J'aimerais commencer pas M. Champagne, si vous le voulez bien. Je suis mère de deux enfants de 23 et 17 ans. Quels sont les avantages pour les stagiaires?
    Dans l'enseignement postsecondaire aujourd'hui, on met beaucoup l'accent sur l'apprentissage intégré au travail et sur la possibilité d'appliquer au milieu de travail certaines compétences apprises en classe. Il y a les compétences techniques, apprendre à utiliser des logiciels, de l'équipement ou des machines et des outils, mais également des compétences générales — responsabilité, arriver à l'heure, rendre des comptes, etc. — qui peuvent être utiles toute la vie.
    Et qui sont tellement importantes.
     De votre point de vue, monsieur, de quelles protections bénéficiaient les stagiaires avant le projet de loi C-59 et quelles seront-elles après son adoption?
    Avant le projet de loi C-59, les protections étaient relativement limitées pour les stagiaires car il n'y avait pas de réelle définition ou classification des stagiaires. On ne savait donc pas trop ce qu'étaient ces protections.
    Je comprends.
    Je veux maintenant m'adresser à M. Farrell pour équilibrer les points de vue. Des témoins précédents nous ont dit à quel point les stages étaient importants pour les jeunes.
    Vous représentez, monsieur, 400 000 personnes. Vous représentez un grand nombre d'employeurs. Il faut un équilibre pour que les choses fonctionnent. Quels sont les avantages de ces programmes de stages pour les employeurs? J'aimerais que vous me disiez, s'il vous plaît, quelles sont les protections prévues dans le projet de loi C-59 pour les jeunes stagiaires, qui, je crois, sont importantes? J'espère que c'est le cas, mais j'aimerais vous l'entendre dire.
    J'aimerais d'abord apporter une précision.
    Nous sommes conscients de l'intérêt des stages pour les étudiants et pour les personnes qui sont associées à des établissements d'enseignement reconnus. Nous pensons également qu'il existe un aspect très important des programmes de stages qui devrait s'appliquer à ceux qui ne suivent pas nécessairement des études dans des établissements d'enseignement, mais qui doivent acquérir une expérience de travail. Par exemple, des entreprises membres de notre groupe, à titre de service communautaire, permettent à de nouveaux immigrants de travailler dans leur organisation pour les habituer à travailler dans un environnement canadien et de comprendre comment on travaille au Canada. Il s'agit d'un programme à court terme.
    Ce genre de programme vise à bénéficier à la communauté en général. Nous croyons important que chacun ait la possibilité de comprendre comment on travaille au Canada.
    En ce qui concerne les stages, les entreprises sont heureuses d'y participer. Elles estiment qu'il est très important pour ceux qui veulent améliorer leur capacité d'avancer au travail d'équilibrer les expériences scolaire et pratique. Les employeurs sont prêts à fournir une expérience pratique, à donner aux employés une orientation, à superviser leurs capacités et à transmettre des connaissances qu'ils ne pourraient pas acquérir autrement en milieu scolaire ni en dehors d'un stage dans le cas où ils ne sont pas associés à un établissement d'enseignement.
    Une importante valeur est rattachée à l'organisation et au maintien d'un programme de stages solide au Canada. Nous croyons que c'est un élément très important de la politique publique qui permettra aux établissements d'enseignement de collaborer avec les intervenants qui représentent les intérêts de ceux qui ont besoin d'accéder à la formation et à la connaissance. Nous devons tout faire pour encourager les stages.
    Si la réglementation des stagiaires devient si lourde au point qu'ils soient considérés comme des employés, on risquerait de voir le nombre de programmes de stages diminuer. Les employeurs choisiront simplement d'engager des employés plutôt que de faire l'effort de former et de développer des personnes qui ne resteront pas nécessairement dans leur organisation.
    Il y a là un équilibre très important à maintenir. Nous savons que nous avons des responsabilités à l'égard de ceux qui se trouvent chez nous et nous allons honorer ces obligations, mais nous voulons que cela se fasse de la bonne manière pour que les employeurs soient davantage enclins à engager des stagiaires.
    Merci.
(1010)
    Merci beaucoup.
     Pensez-vous que le projet de loi C-59 va y contribuer?
    Une courte réponse, s'il vous plaît.
    Oui, je pense qu'il va dans la bonne direction.
    Vous avez 10 secondes.
    Mme Joyce Batemen: Madame Legault...
    Le président: Malheureusement, madame Bateman, je dois continuer. Merci de cette série de questions.
    Nous allons passer à M. Cash.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord poser une question à M. Gleason.
    Avant de déposer notre projet de loi C-636, Bell Mobilité, une des plus grosses et des plus rentables entreprises de télécommunications du Canada, a eu un programme de stages non rémunérés qui exploitait des centaines de stagiaires non universitaires et non rémunérés.
    Le projet de loi actuel, celui dont nous parlons maintenant, mettra-t-il fin à ces énormes programmes non rémunérés ou les facilitera-t-il?
    La réponse est oui et non.
    Il y mettrait fin s'ils dépassaient la période de 12 mois, ou dans certains cas quatre mois, mais s'ils durent moins de quatre mois, le projet de loi ne changerait rien.
    D'accord.
    Je dois mentionner ce qui a été dit du côté du gouvernement sur l'inclusion éventuelle de mesures pour que les stagiaires relèvent de la partie 3 du code. Mais je ne suis pas sûr si ces mesures seront inscrites dans la loi ou dans un règlement.
    Ce que je veux savoir tout d'abord, c'est s'il existe une raison logique pour laquelle le gouvernement n'aurait pas inclus ces mesures dans le projet de loi pour commencer.
    Eh bien, je ne vois pas de raison logique. Certains ont parlé d'équilibre ici aujourd'hui et ont dit que l'équilibre nécessaire exige que ces personnes soient exclues de ces protections. Je ne comprends pas. Nous savons depuis longtemps que nous ne permettrons pas aux employeurs de descendre en dessous d'un certain niveau et que ce niveau correspond à la partie 3 du Code canadien du travail.
    Si on les exclut du code et si on envisage de traiter cette question par un règlement, on donne toute discrétion au cabinet, sans examen du Parlement. Rien n'indique que c'est une solution envisagée. Je pense que l'un des membres du comité a dit que l'on peut supposer que cela se produira, mais je ne vois pas comment on peut faire cette supposition quand on exclut expressément ces personnes des protections prévues dans le code. Ce sont des travailleurs comme les autres.
    Par extrapolation, si ces mesures — comme vous le dites, le niveau de protection des stagiaires non rémunérés — sont prévues dans un règlement ou sont comprises dans une sorte d'initiative du cabinet qui échappe à la surveillance du Parlement, est-suffisant? Ou est-ce ouvrir la porte à un autre genre de réduction des protections des stagiaires?
    Eh bien, ce pourrait être suffisant. Ce serait suffisant si le règlement était rédigé correctement et reflétait exactement ce qui est prévu dans le code ou même mieux, mais encore une fois, on ne sait pas ce que sont ces plans, et ces règlements peuvent être modifiés à volonté, au gré du cabinet.
    Du côté du gouvernement, on aime présenter l'argument fallacieux des employés qui poursuivent les grandes sociétés. Imaginez. Imaginez un jeune stagiaire non rémunéré poursuivre Bell? C'est plutôt effrayant, non, pour Bell?
    Pourquoi le gouvernement voudrait-il présenter ces arguments pour justifier de ne pas établir ce niveau minimum? D'ailleurs, pas un seul d'entre nous dans cette salle ne voudrait mettre ses enfants dans ce genre de situation. Pourquoi le gouvernement le ferait-il?
(1015)
    Je ne peux pas répondre pour le gouvernement, bien que la question posée plus tôt était, me semble-t-il, curieuse. Rien dans la loi n'empêche les stagiaires de poursuivre un employeur pour la violation d'un accord entre eux. Cette loi ou une autre ne les empêcherait pas d'entamer des poursuites et je ne comprends donc pas la question posée par l'autre membre du comité.
    Cela dit, votre observation sur le niveau en dessous duquel nous ne soumettrions pas nos enfants est valable. J'ai des enfants en âge de travailler et je peux dire que j'ai les moyens de subventionner mes enfants pour qu'ils travaillent gratuitement, mais quand j'avais leur âge, je n'aurais pas pu me le permettre. Quand j'ai fait mon stage de droit pour devenir avocat, j'étais payé, mais maintenant en Ontario, il va y avoir des stages non rémunérés pour les stagiaires en droit. Je ne serais pas avocat aujourd'hui si nous avions eu ces stages lorsque je suis sorti de l'école de droit. Je n'aurais pas pu me permettre de travailler pendant 12 mois gratuitement.
    En excluant les internes de ces protections, nous réservons la promotion — toutes les bonnes choses qu'apportent les stages selon le gouvernement — aux enfants des riches.
    Vous avez une minute, monsieur Cash.
    Je tiens à préciser cette question rapidement car nous entendons aussi le gouvernement parler de l'intérêt des stages, mais nous devons faire une distinction entre les stages rémunérés et les stages qui ne le sont pas. Ce sont des choses très différentes.
    Enfin, je voudrais simplement dire que notre projet de loi a été inspiré en partie par la mort d'Andy Ferguson, un stagiaire de 22 ans qui travaillait des heures excessives. Il est monté dans sa voiture à 5 heures du matin, après avoir travaillé toute la nuit et s'est endormi au volant en rentrant à la maison. Il s'est écrasé et il est mort. Les mesures incluses dans ce projet de loi...? Puisque nous ne prévoyons pas actuellement de limites pour les heures de travail, leur inclusion aurait-elle un effet positif sur les jeunes?
    Une courte réponse, monsieur Gleason.
    Oui, ces protections auraient un effet profond sur les jeunes.
    Merci.
    Merci, monsieur Cash.
    Nous passons à M. Cannan, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à nos témoins et merci d'être présents.
    Je représente la circonscription de Kelowna—Lake Country dans l'Okanagan, où nous avons le UBC Okanagan et le Collège Okanagan, c'est pourquoi je comprends bien ce que nos étudiants apportent à notre communauté et à notre pays.
    Je n'ai qu'une ou deux questions rapides, monsieur Champagne.
    En ce qui concerne le plan d'action économique, c'est un budget axé vers l'avenir et qui veut aider nos étudiants. Il est question de faire en sorte que les prêts étudiants aident les familles. Je me demande si vous pourriez parler des trois initiatives proposées pour les prochaines années.
    Elles comprennent un financement de 119 millions de dollars sur quatre ans, à partir de 2016-2017, pour réduire les contributions parentales prévues dans le cadre du processus d'évaluation des besoins du programme canadien de prêts aux étudiants. Il est également proposé de fournir 116 millions de dollars sur quatre ans pour éliminer le revenu des étudiants en cours d'études du processus d'évaluation des besoins du programme canadien de prêts aux étudiants. Enfin, pour étendre l'admissibilité aux bourses canadiennes pour étudiants, le budget propose d'accorder 184 millions de dollars sur quatre ans pour étendre aux programmes de courte durée l'admissibilité aux bourses canadiennes pour étudiants.
    Pourriez-vous nous parler de ces trois initiatives qui visent à aider nos étudiants au Canada?
    Ces trois annonces du budget de 2015 représentent probablement le plus gros investissement dans l'aide financière aux étudiants depuis 2008. Je pense qu'elles représentent une étape très positive et un signe très fort du gouvernement concernant l'investissement dans les jeunes et leur éducation.
    Merci. Je comprends, ainsi que la question des stages. Je pensais à mes jeunes années quand j'ai fini par gérer une épicerie et finalement posséder un dépanneur avec une station d'essence. J'ai acquis cette expérience à l'école en travaillant pour 1 $ l'heure, dans un programme d'expérience de travail. Je suis d'accord que l'on doit toujours renforcer la réglementation et la protection.
    Pour revenir sur ce qu'a dit M. Saxton qui n'a pas eu le temps de terminer, les règlements qui ont été proposés sont-ils appropriés par rapport à la question de l'équilibre, au moment où nous allons examiner les règlements qui sont mis en place?
    Je voulais également aborder rapidement la question de l'équilibre.
    En dehors des stages et de l'éducation coopérative, notre société, notre gouvernement et notre pays ont déjà établi un équilibre en ce qui concerne la protection des employés en général, que ce soit avec le salaire minimum, la sécurité au travail ou toutes les autres protections. Je pense qu'avec le secteur privé et les lois et les règlements appropriés, nous avons atteint un équilibre qui permet aux gens de travailler et de gagner leur vie sans craindre d'être licenciés sans raison, par exemple.
    Avoir cet équilibre pour les employés, d'une part, et pour une raison quelconque, apporter un changement aussi considérable pour les personnes non rémunérées d’autre part soulève des questions. Nous devons veiller à maintenir autant que possible cet équilibre.
(1020)
    Merci beaucoup.
    Je vais passer à vous, madame Legault, et vous demander si vous pouviez nous parler de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule de 2011?
     Je pense que c'est à un député que vous devriez poser la question sur l'intention initiale de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule. Je suppose que c'était la destruction de tous les dossiers du registre des armes d'épaule.
    Exact. Tous les dossiers. D'accord. Je comprends.
    Je vais m'adresser à M. Henderson pour les quelques minutes qui me restent.
    À titre de musicien amateur et non de professionnel comme M. Cash et quelques autres à la Chambre des communes, je comprends la culture et la valeur que les musiciens et les artistes canadiens apportent à notre pays. Je me demandais si vous pourriez nous en dire un peu plus sur la durée du droit d'auteur au Canada auparavant, par rapport à d'autres pays dans le monde, et la durée actuelle.
    Notre protection du droit d'auteur durait 50 ans, plutôt que 70, de la date de publication de l'enregistrement en question. Il y avait une différence de 20 ans.
    Les auteurs et les compositeurs ont déjà une protection du droit d'auteur à vie, non? Je pense que les récents changements visent à faire en sorte qu'aucun artiste ne puisse entendre un jour son travail sans en être le propriétaire. Est-ce bien la justification?
    Oui, et il y a une distinction entre les interprètes — ou les exécutants — et les maisons de disque et les auteurs-compositeurs. Ce ne sont pas toujours les mêmes. Anne Murray, par exemple, dans ses premiers enregistrements, n'était pas l'auteur-compositeur. Elle était l'interprète. L'auteur-compositeur de ces premières interprétations est protégé par la Loi sur le droit d'auteur pour la vie, plus 50 ans supplémentaires au Canada et 70 ans dans d'autres pays. Il y a là une protection du compositeur, mais l'interprète, Anne Murray et bien d'autres — pensez aux Beatles et au fait que Paul McCartney et John Lennon ont écrit ces chansons, pas Ringo ni George nécessairement... Notre intention est de protéger les interprètes sur l'enregistrement. C'est où le risque était très important et immédiat.
    Vous avez 30 secondes.
    Il y a 31 ans ce mois-ci, je me suis marié et j'ai utilisé une chanson d'Anne Murray. Je vais donc rendre hommage aux artistes canadiens.
    C'était l'été 1969 et les yeux de ce vieil homme seul qui pensait à sa vie, assis sous des lanternes de patio, portant des lunettes de soleil le soir sous la pleine lune, ont vu un oiseau des neiges. Tout en imaginant ce que je ferais avec un million de dollars, tout en rêvant encore du modèle K, je me suis dit, « Mon coeur continuera ». J'ai demandé ensuite à ma femme si elle voulait mettre sa tête sur mon épaule et si je pouvais avoir cette danse pour le reste de ma vie et elle a dit, « Ne jamais dire jamais ».
    Voilà mon hommage aux artistes canadiens. Merci.
    D'accord. Merci.
    Merci, monsieur Cannan.
    Des voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Le président: Silence, silence.
    Vous avez suffisamment démontré pourquoi vous êtes un musicien amateur.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est aussi un grand talent canadien. Et voilà.
     Madame Liu, s'il vous plaît pour six minutes.
    Je pense que nous allons laisser les talents artistiques par ici.
     Au début de cette année, nous avons découvert grâce à une demande d'accès à l'information que le gouvernement fédéral n'avait embauché que 22 de ses 1 000 stagiaires depuis 2008. Nous savons que les stages ne donnent pas souvent lieu à un emploi rémunéré et contribuent également à un cycle de sous-emploi et de chômage chez les jeunes. Contrairement au projet de loi que le NPD a proposé, le projet de loi C-636, Loi modifiant le Code canadien du travail (formation sans rémunération), la loi d'exécution du budget proposée ne limite pas réellement les stages non universitaires.
    Claire, pourriez-vous nous parler des risques associés aux stages universitaires non rémunérés et des effets éventuels sur la main-d'oeuvre et le marché du travail?
    La première chose que je voudrais dire c'est que ces amendements mettraient les stagiaires, les étudiants et les travailleurs débutants dans une situation pire que celle qu'ils connaissent actuellement en vertu du Code canadien du travail. Les stagiaires sans expérience et les travailleurs débutants qui sont en formation ont actuellement droit à un certain nombre de protections du travail, y compris en ce qui concerne les salaires, la possibilité de déposer des plaintes et les protections contre le harcèlement sexuel.
    Aujourd'hui, nous avons proposé que la solution la plus simple, l'amendement le plus simple, consiste à n'autoriser les stages non rémunérés que dans le cadre des établissements d'enseignement. Ces établissements sont chargés de veiller à ce que les stagiaires puissent éventuellement porter plainte s'ils ne reçoivent pas une formation axée sur leur travail. Une fois qu'ils sont diplômés, ils doivent commencer à recevoir un salaire pour les heures de travail qu'ils effectuent en plus de leur emploi d'été.
(1025)
    Alors que répondriez-vous à ceux qui disent que les nouveaux Canadiens, par exemple, devraient pouvoir travailler gratuitement pour des employeurs, madame Seaborn?
    Monsieur Gleason, si vous avez quelque chose à ajouter, allez-y, je vous prie.
    M. Gleason a fait une excellente remarque, à savoir que seuls les jeunes Canadiens les plus riches ont les moyens de faire des stages non rémunérés. Résultat: tous les autres se heurtent à des obstacles pour accéder à toutes sortes de professions et de métiers allant du journalisme aux arts, en passant par la politique et, de plus en plus, par les métiers du droit et du travail social. Il existe beaucoup de professions et de secteurs au Canada où l'on exige des jeunes de travailler durant des mois sans rémunération, ce que beaucoup de Canadiens ne peuvent tout simplement pas faire.
    Qu'en est-il des néo-Canadiens? Pensez-vous qu'ils devraient être obligés de travailler gratuitement pour acquérir une expérience professionnelle?
    Absolument. Nous recevons souvent des courriels d'immigrants au Canada qui acceptent du travail non rémunéré en désespoir de cause. En fait, tous les Canadiens acceptent du travail non payé en désespoir de cause. Les employeurs régis par le gouvernement fédéral se prévaudraient de ces exceptions pour profiter de ce désespoir afin d'obtenir le travail qui leur est utile. Ces employeurs offrent des formations, mais il est clair qu'ils font travailler les gens sans les payer et sans vraiment avoir à rendre de comptes en échange.
    Monsieur Champagne, êtes-vous d'accord avec cela?
    Je crois que l'idée de fournir un travail communautaire pour permettre aux nouveaux immigrants de travailler gratuitement est un prétexte et que cela ne devrait pas être toléré.
    Merci.
    Pour en revenir au problème du harcèlement sexuel, qui n'est pas pris en compte dans la Loi d'exécution du budget, nous savons que les stagiaires non rémunérés sont souvent très jeunes et très vulnérables à l'exploitation et nous savons aussi que les femmes sont plutôt surreprésentées dans les stages non rémunérés. En prenant cela en compte, je voudrais vous lire pour mémoire la définition du harcèlement sexuel telle qu'elle est citée dans le Code canadien du travail. Le harcèlement sexuel y est défini comme:
tout comportement, commentaire, geste ou contact, à caractère sexuel
a) susceptible d'offenser ou d'humilier un employé, ou
b) qui pourrait raisonnablement être perçu par cet employé comme imposant une condition de nature sexuelle à son emploi ou à toute possibilité de formation ou de promotion.
    Y a-t-il une raison, quelle qu'elle soit, pour que les protections contre le harcèlement sexuel ne fassent pas l'objet d'un amendement à la Loi d'exécution du budget plutôt que d'un règlement?
    Monsieur Gleason vous avez fait des remarques à ce sujet tout à l'heure.
    Madame Seaborn, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je rencontre régulièrement des stagiaires qui ont connu le harcèlement sexuel. C'est fréquent au Canada et rarement signalé. Les stagiaires qui ont été harcelés sexuellement ne veulent pas parler de leurs stages. Ce projet de loi ne leur apporterait aucune protection. Si, pour le moins, on permettait aux établissements d'enseignement de superviser les stages, les stagiaires pourraient signaler les situations où ils sont victimes de harcèlement sexuel. Bien sûr, les stagiaires devraient être couverts par les dispositions sur le harcèlement sexuel du code et ils pourraient aussi avoir d'autres recours. Mais tel que les choses se présentent pour le moment, c'est tout à fait inadapté et cela dénote une méconnaissance totale de ce que vivent beaucoup de jeunes stagiaires.
    Il vous reste une minute.
    Monsieur Champagne?
    Je ne comprends pas bien pourquoi, à ce stade, ces dispositions particulièrement liées au harcèlement sexuel ne sont pas comprises dans la loi d'origine.
    Monsieur Farrell, merci pour votre témoignage d'aujourd'hui. Seriez-vous d'accord pour dire que le harcèlement sexuel devrait faire partie d'un amendement à la Loi d'exécution du budget, plutôt que d'apparaître sous forme de réglementation?
    Tout d'abord nous préférerions que la plupart des sujets traités dans ce projet de loi soient dans la loi plutôt que dans la réglementation, parce que cela préciserait immédiatement les choses.
    Nous jugeons important de mener une consultation sur les sujets qui seraient dûment inclus dans la réglementation, si ce projet de loi finit par aboutir à cela, car nous croyons que toutes les parties intéressées ont avantage à exprimer leurs vues sur ce qui devrait se trouver dans cette loi.
    Le harcèlement sexuel...
(1030)
    Soyez bref, je vous prie, monsieur.
    ... est pris en compte, puisque tous les employeurs sont tenus, selon la partie III du Code canadien du travail, de produire une politique en la matière.
    Tous les employeurs de compétence fédérale prennent ce sujet très au sérieux. Nous ne pouvons tolérer le harcèlement sexuel, qu'il soit le fait d'une personne directement employée par l'employeur de régie fédéral ou d'une personne se trouvant sur les lieux de travail. Nous nous en chargerons.
    Merci.
    D'accord. Merci.

[Français]

     Merci, madame Liu.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Van Kesteren, pour cette série de questions. Je vous en prie, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous pour votre présence ici.
    Pour préciser les choses, je voudrais parler des amendements au Code canadien du travail dans deux cas de figure: premièrement, le cas où le stage est formellement intégré dans un programme agréé par une école reconnue — nous en avons parlé pour les établissements secondaires et postsecondaires — et deuxièmement, lorsque le stage remplit les six critères spécifiques.
    Je voudrais les lire, pour mémoire: le stage n'excède pas quatre mois consécutifs ou l'équivalent au cours d'une période d'un an; les avantages découlant de l'activité profitent principalement à la personne qui les exerce; l'employeur supervise les activités; les activités ne constituent ni une condition préalable à un futur emploi ni la promesse d'un tel emploi, la personne ne remplace pas un employé; la personne est avisée par écrit qu'elle ne sera pas rémunérée.
    Je me tourne vers M. Farrell. J'ai écouté la discussion qui a fait ressortir de bons arguments me semble-t-il, et je dirais que nos deux intervenants représentant des établissements d'éducation se sont exprimés avec passion. Mais, monsieur Farrell, vous représentez le secteur public, qui a la possibilité de payer — ou qui, si le gouvernement le lui en donne la consigne, pourra le faire. Avez-vous songé au secteur privé et à sa réaction à quelque chose qui irait plus loin que ce que le gouvernement propose pour le moment.
    Pour clarifier, l'ETCOF représente surtout des employés du secteur privé. Certaines entreprises qui sont des sociétés d'État participent aussi à l'ETCOF. Nous représentons les employeurs du secteur privé.
    Nous pensons qu'établir ces critères dans ce projet de loi aidera les stagiaires et nécessitera que les employeurs suivent certaines procédures pour garantir que ces stagiaires soient embauchés pour participer en tant que stagiaires, ce qui ne les place pas dans une relation employé-employeur, d'une façon qui va leur être profitable. Nous pensons donc que les critères qui ont été établis vont nécessiter que les employeurs fassent en sorte d'engager des stagiaires dans leurs organisations selon des exigences appropriées.
    À diverses occasions dans ce comité nous avons traité, par exemple, de réglementation appliquée aux banques, pour les cartes de crédit — nous avions suggéré l'autosurveillance et cela a bien fonctionné. Est-ce envisageable ici, peut-être?
    Madame Seaborn, vous avez parlé des avocats, par exemple. Très franchement, pour embarrasser ces organisations, s'il n'y a pas de justification pour ce qu'elles font, si elles profitent de leur supériorité... Est-ce envisageable? Est-ce une idée à laquelle le gouvernement voudrait donner suite?
    Je ne suis pas sûre de comprendre votre question relative à la soi-disant autosurveillance.
    Nous avons demandé que le secteur bancaire applique un régime d'autosurveillance. Est-ce envisageable ici? Devrions-nous peut-être suivre cette voie? Je pourrais peut-être demander aussi à Mme Seaborn et à M. Champagne pour voir s'ils pensent cela possible. Je suis simplement inquiet pour le secteur privé. Nous voulons tous mettre fin à de mauvaises pratiques qui exploitent les stagiaires ou qui leur nuisent. Du même coup nous aurions cet équilibre.
    Pourriez-vous tous réagir à ce sujet?
(1035)
    Tout ce que je peux dire c'est que tous les employeurs qui sont membres de l'ETCOF reconnaissent qu'ils ont le devoir et l'obligation de traiter les gens de façon juste. Quant à cette idée d'une sorte de processus d'autosurveillance, je ne comprends pas comment cela pourrait fonctionner. Je crois que les employeurs ont l'obligation de protéger leurs intérêts, ceux de leurs employés et de quiconque se trouve sur les lieux de travail.
    Donc vous êtes tout à fait satisfait de la législation telle qu'elle est présentée.
    Je suis satisfait de l'orientation de ce texte. Nous préférerions, je pense, que tout ne soit pas forcément établi dans le cadre d'un processus réglementaire, car cela pourrait donner lieu à de l'incertitude en fin de compte, mais nous croyons à l'importance de mener un dialogue avec toutes les parties intéressées qui participeront à l'amélioration des conditions des stages au Canada.
    Les conditions que vous venez d'énumérer sont totalement inapplicables. Nous ne pouvons pas compter sur les employeurs régis par le gouvernement fédéral pour garantir que ces conditions seront remplies pour chaque stagiaire. Si les stagiaires ont l'impression qu'en ce qui les concerne, ces conditions ne sont pas remplies, comment vont-ils procéder? Ils ne pourront pas déposer une plainte en vertu du Code canadien du travail. Ils ne pourront pas se tourner vers un établissement d'enseignement parce qu'ils ne seront pas sous sa supervision, ils n'auront d'autre choix que de se tourner vers un avocat, avocat qu'ils n'auront pas les moyens de se payer et s'ils en ont les moyens, cela deviendra un scandale public aux dépend de l'employeur. La solution idoine consiste à se débarrasser de ces conditions qui sont sources d'ambiguïté, d'imprécision et potentiellement de litiges, pour apporter un peu de clarté et n'autoriser que les stages supervisés par un établissement d'enseignement.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Kesteren.
    Nous allons passer à M. Adler. Je vous en prie.
    Merci beaucoup monsieur le président.
    Merci à tous les témoins, merci pour votre contribution aujourd'hui.
    Je voudrais commencer par Mme Legault. Êtes-vous d'accord avec le principe de souveraineté du Parlement?
    Oui.
    D'accord, merci.
    Vous avez dit tout à l'heure qu'il n'y a pas de précédents de loi rétroactive?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y en avait. J'ai dit que je n'ai jamais vu un cas spécifique comme celui-ci couvert par une loi rétroactive.
    D'accord, parce qu'il y a de nombreux exemples de...
    Je suis d'accord.
    Comme en droit fiscal.
    Mme Suzanne Legault: Je suis d'accord.
    M. Mark Adler: Je voudrais vous lire quelque chose pour avoir votre avis. Les tribunaux ont reconnu qu'il existe une présomption de longue date dans la loi canadienne voulant que la législation n'a pas d'effets rétroactifs, sauf si c'est explicitement exprimé dans la promulgation ou si cela découle obligatoirement du libellé. Ce principe a été invoqué à maintes reprises, s'il est explicitement dit dans la loi que son application sera rétroactive. Dans le cas contraire, ce principe ne s'applique pas. Ce principe s'est appliqué dans des dizaines de causes qui ont été entendues devant la Cour suprême du Canada.
    Et votre question?
    Vous et l'opposition partez du principe qu'il n'y a pas de rétroactivité. Cependant, il y a rétroactivité si cela est inscrit dans la loi, en toute logique. Et ici nous avons le principe d'une application rétroactive inscrit dans cet amendement. N'est-ce pas?
    Je peux vous assurer que je suis d'accord pour dire que les lois rétroactives peuvent être légales. Je ne suis pas sûre que celle-ci le soit. C'est pourquoi mon cabinet continue d'explorer les possibilités qui lui sont offertes. J'estime en effet que les faits relatifs à cette question et l'application rétroactive de ce projet de loi en particulier pourraient très bien soulever des questions de constitutionnalité liées à la liberté d'expression et à la primauté du droit au Canada.
    Nous verrons.
(1040)
    Quoi qu'il en soit, le principe de rétroactivité est établi de longue date dans le droit canadien et il a été réaffirmé par la Cour suprême à maintes reprises. Le principe de souveraineté du Parlement est lui aussi établi depuis fort longtemps au Canada et dans notre tradition parlementaire venant de Grande-Bretagne.
    Les 308 députés ont tous été élus par voie de scrutin populaire et envoyés ici pour voter des lois au nom du peuple canadien; c'est exactement ce que nous avons fait ici.
    Chaque Canadien a la possibilité d'attaquer une loi qu'il juge inconstitutionnelle devant la Cour suprême, mais encore une fois, c'est basé sur l'opinion de personnes en particulier.
    Est-ce exact?
    Eh bien, monsieur le président, je suis d'accord pour dire que la volonté du Parlement est souveraine. Vraiment.
    Voilà la situation qui se présente à moi: il y a la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule, qui existe depuis avril 2012. Cette loi n'a jamais réduit le champ d'application de la Loi sur l'accès à l'information; elle a réduit le champ d'application de diverses dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais elle ne dit rien au sujet de la Loi sur l'accès à l'information, qui est aussi une loi du Parlement que je suis mandatée pour appliquer. Je suis mandatée pour recevoir et examiner des plaintes sous l'égide de la Loi sur l'accès à l'information. Les institutions gouvernementales sont contraintes de respecter leurs obligations dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information.
    C'est la volonté du Parlement aujourd'hui et ça l'était en 2012, et tant que cela n'est pas modifié, c'est la volonté du Parlement.
    Il vous reste une minute.
    La volonté du Parlement est exprimée par le Parlement.
    N'est-ce pas?
    Qu'il s'agisse de la Loi sur l'accès à l'information ou de la LARA, je ne peux spéculer sur le fait que le Parlement a décidé que la Loi sur l'accès à l'information ne devait pas s'appliquer si ce n'était pas spécifiquement mentionné.
    Vous vous interrogez sur sa constitutionnalité, n'est-ce pas?
    Je ne sais pas ce qu'une cour dirait de la constitutionnalité de ce projet de loi rétroactif.
    Donc toutes vos affirmations sont fondées sur des suppositions à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
    Elles sont fondées sur...
    Vos propres suppositions.
    Non, elles sont basées sur l'examen...
    Parce qu'aucune cour n'a statué pour le moment, n'est-ce pas?
    Non et cela devra être déterminé par la magistrature sauf si les parlementaires choisissent de ne pas adopter ce projet de loi.
    D'accord, une question courte et une réponse brève, je vous prie.
    D'accord. Merci.
    Êtes-vous d'accord pour dire que lorsque le Parlement vote des lois, il ne le fait pas pour créer des échappatoires — et encore une fois c'est une vieille tradition du droit canadien — mais pour les combler?
    Une semaine après l'entrée en vigueur de la LARA en avril 2012, j'ai écrit au ministre Toews, qui était ministre de la Sécurité publique, pour l'alerter sur le fait que la Loi sur l'accès à l'information s'appliquait. Bien sûr, j'ai vu qu'il y avait un problème; j'avais une demande valable et une plainte recevable. J'ai alerté le ministre en avril 2012 sur le fait que la Loi sur l'accès à l'information s'appliquait. Le ministre m'a répondu — et c'est dans mon rapport spécial — qu'il respecterait le droit d'accès dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information.
    Le gouvernement, qui avait la majorité à l'époque, aurait pu dire, « mince, il faut modifier la loi ». Hélas, ça n'a pas été fait, une enquête a donc été menée et nous voilà confrontés à cette situation.
    Je suis d'accord avec vous, je ne sais vraiment pas ce qu'une cour déciderait au sujet de ce projet de loi. Je suis très inquiète et je ne crois pas que la loi s'établit sur des faits comme ceux-là.
    J'exhorte les parlementaires à examiner cela de près pour voir s'il convient davantage de dire: laissons à la Cour fédérale le soin de déterminer si la réponse est appropriée à partir des faits. C'est déjà devant la Cour fédérale. Laissons la police faire ses propres enquêtes. Peut-être qu'elle se rendra compte qu'il n'y a pas de problème. Nous verrons bien, mais voilà la situation dans laquelle nous sommes. Il faut que cela suive son cours.
    Merci.
    Malheureusement le temps est épuisé et le président ne peut plus poser de questions.
     Au nom du comité, je tiens à remercier tous les témoins de leur présence ici ce matin et de leur participation à nos délibérations sur le projet de loi C-59. Nous apprécions votre participation.
    Mes chers collègues, vous avez sous les yeux un budget très modeste. Quelqu'un veut-il bien présenter une motion pour adopter ce budget?
(1045)
    Je la présente, monsieur le président.
    D'accord.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: D'accord. Merci.
    On se retrouve cet après-midi avec le ministre Oliver.
    La séance est levée.
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