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La 19
e séance du Comité permanent de la défense nationale est ouverte. Je crois qu'il y a quorum, alors commençons.
Nous nous pencherons aujourd'hui sur les soins offerts aux membres des Forces armées canadiennes malades ou blessés, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
Nos témoins proviennent du ministère de la Défense nationale. Ce sont le brigadier-général Jean-Robert Bernier, médecin-chef et commandant du groupe des services de santé des forces canadiennes, et Jacqueline Rigg, directrice générale des opérations de gestion des ressources civiles et sous-ministre adjointe des Ressources humaines — civils.
J'assume aujourd'hui le rôle du président en son absence. M. Kent ne peut pas être parmi nous.
Je crois que nous pouvons passer aux témoignages. M. Bezan pourra se joindre à nous lorsque cela lui conviendra.
Nous avons le mémoire du général Bernier.
Monsieur, je vous souhaite la bienvenue au comité, de même qu'à Mme Rigg. La parole est à vous, monsieur.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Chers membres du comité, bonjour.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous une fois de plus et, plus particulièrement, de votre intérêt constant envers la santé des membres des Forces armées canadiennes.
Le bien-être des personnes disposées à sacrifier leur vie pour protéger les Canadiens mérite toute votre attention, et l'engagement de votre comité à étudier à fond cette question envoie au personnel militaire un message positif qui rend les risques et les sacrifices qu'ils acceptent bien plus tolérables. Cela dit, je pense également à tout mon personnel médical, dont la plupart des membres ont participé à des missions outre-mer, ont été témoins de nombreux traumatismes en Afghanistan, plus que tout autre corps, alors que, tous les jours, ils soignaient des blessures horribles, et ont subi les pires souffrances physiques et mentales après les armes de combat. Puisque leur propre santé dépend directement de la qualité de leur travail personnel, ils sont immensément motivés à aller au-delà de l'accomplissement de leurs tâches et ils ressentent de la compassion pour les autres, ce qui les incite à exceller dans la prestation des soins, la recherche, les politiques et les programmes.
Je vous ai déjà expliqué, tout comme certains de mes médecins généraux, la nature exhaustive et unique en son genre des programmes de santé offerts aux membres des Forces armées canadiennes. Toutefois, je tiens à préciser que de nombreux changements ont été apportés depuis que je me suis adressé à vous la dernière fois, en novembre 2012, afin de vous parler de certains domaines qui pouvaient être améliorés.
Le plus pertinent dans le cas présent est peut-être la mise à niveau et le lancement, en automne dernier, de ma stratégie militaire en matière de santé mentale fondée sur une analyse approfondie de l'ensemble des expériences, des données, des leçons retenues et des recherches menées ces dernières années, analyse qui aura duré une année entière.
Le programme de santé mentale ayant alors cours chez les militaires avait été conçu en fonction de recherches et d'analyses importantes menées pendant plusieurs années, mais il datait de l'époque précédant les opérations de combat en Afghanistan. On l'a rehaussé progressivement à la suite d'examens annuels, mais il fallait mettre en place une stratégie à plus long terme et plus approfondie afin d'orienter et d'établir des priorités quant à nos efforts compte tenu de la fin des opérations en Afghanistan, de l'importante hausse du budget consacré à la santé mentale chez les militaires — passé de 38,6 millions de dollars à 50 millions de dollars —, des progrès cliniques et technologiques, d'un examen global des recommandations précédentes de votre comité et d'autres organismes externes ainsi que de notre meilleure compréhension de la santé mentale au sein des Forces armées canadiennes grâce à la surveillance, aux données et aux recherches accumulées en matière de santé.
Notre analyse des examens techniques des suicides effectués par des professionnels de la santé, notre Étude sur les traumatismes liés au stress opérationnel et sur ses répercussions ainsi que les analyses en cours en lien avec le Sondage sur la santé et le style de vie de 2013 et l'Enquête sur la santé mentale de Statistique Canada permettront d'améliorer la mise en oeuvre de la stratégie au cours des cinq prochaines années. Cela nous aidera aussi à réévaluer de manière plus objective la composition et la capacité professionnelles de notre effectif visé de 452 employés dans le domaine de la santé mentale afin de déterminer si elles conviennent à nos besoins actuels et prévus en santé mentale. La stratégie et l'analyse à l'appui nous aideront à optimiser encore davantage notre utilisation des ressources et des données, non seulement pour gérer notre fardeau de problèmes de santé mentale liés aux opérations en Afghanistan, mais aussi pour traiter les problèmes routiniers de santé mentale, beaucoup plus variés, pouvant découler du stress lié au service militaire ou des sources de stress qui affectent les Canadiens en général. Au moins quatre des principaux organismes de santé mentale du Canada ont publiquement fait l'éloge de la stratégie comme modèle global.
[Français]
La stratégie et notre programme de santé mentale ont également reçu les éloges de représentants des plus importantes organisations nationales en santé mentale lors d'une réunion récente avec les ministres et les hauts fonctionnaires de la Défense nationale et d'Anciens Combattants Canada. Ils ont fait d'excellentes suggestions pour l'amélioration de nos programmes. Toutes leurs recommandations avaient déjà été mises en oeuvre ou faisaient partie de notre stratégie. Ils ont mis l'accent en particulier sur le besoin urgent de mesures de prévention et de traitement en santé mentale fondées sur des preuves solides.
[Traduction]
Les autres améliorations significatives incluent un plus grand succès dans le recrutement et l'embauche d'employés de la fonction publique oeuvrant dans le domaine de la santé mentale; ma collègue, Mme Riggs, pourra traiter de ce point plus en détail. Nous sommes maintenant beaucoup plus près de notre objectif de 452 employés en santé mentale, ce qui nous permettra de nous en remettre moins à du personnel en santé mentale contractuel et à notre réseau de renvoi à l'externe, qui peut compter jusqu'à 4 000 cliniciens.
Bien que nos temps d'attente pour obtenir une évaluation et des soins soient, en général, bien inférieurs à ceux qui prévalent dans tout autre système de soins de santé depuis longtemps, les améliorations contribuent à la réduction du nombre de situations locales dans lesquelles le temps d'attente dépasse mes ambitieux objectifs, de concert avec d'autres mesures pour améliorer l'efficacité grâce au réaménagement des effectifs, à la modification des processus, au recours à la télésanté mentale et d'autres méthodes encore. Malheureusement, l'atteinte et le maintien de nos niveaux de dotation cibles continueront de représenter un défi en raison du nombre insuffisant de professionnels en santé mentale à l'échelle nationale.
Depuis 2013, l'acquisition de technologies de télésanté mentale haute définition contribue aussi à l'accélération des soins aux endroits bénéficiant de peu de services ainsi qu'à la réduction du dérangement imposé aux patients devant voyager pour obtenir des soins. De plus, la technologie de réalité virtuelle utilisée pour la thérapie par exposition virtuelle dans le cadre du traitement de l'état de stress post-traumatique (ESPT) dont nous avons fait l'acquisition et l'essai se révèle prometteuse. Parallèlement à l'adaptation du logiciel de réalité virtuelle pour le Canada en partenariat avec la fondation True Patriot Love, nous envisageons de fournir la technologie à tous nos centres de soutien pour trauma et stress opérationnels.
[Français]
À partir de 2012, il y a également eu de nouveaux développements avantageux avec certains de nos autres partenaires extérieurs. Nous avons travaillé deux fois en partenariat avec Bell et sa campagne Cause pour la cause. Tout comme le font bon nombre d'autres efforts déployés par le chef d'état-major de la Défense et les chefs militaires supérieurs, cette campagne contribue à réduire davantage la stigmatisation entourant la maladie mentale dans la culture militaire.
L'Association des psychiatres du Canada a créé une section spéciale pour les militaires et les anciens combattants afin de soutenir ses membres civils et militaires s'intéressant à la santé mentale du personnel militaire actif et à la retraite.
[Traduction]
L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, créé à la demande de mon prédécesseur, a ajouté plusieurs universités à son réseau et reçoit également du soutien de la fondation Wounded Warriors et de la Légion royale canadienne sous la forme de bourses de recherche en santé mentale. La Légion étend aussi ses efforts pour diffuser dans tout le pays de l'information sur les programmes de soutien offerts par les ministères de la Défense et des Anciens Combattants, une initiative qui aidera à mieux informer les anciens combattants et les réservistes qui sont loin des bases militaires et des bureaux d'Anciens Combattants Canada.
En ce qui concerne la recherche, plusieurs projets en collaboration avec nos partenaires nous permettent d'avoir de nouvelles perspectives et de découvrir des applications technologiques qui permettront d'améliorer la compréhension et le traitement, notamment deux projets actuels de collaboration portant sur l'utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne pour le traitement des troubles mentaux, une étude de validation de notre programme de formation et de résilience en santé mentale En route vers la préparation mentale, des études sur la neuroimagerie incluant la magnéto-encéphalographie et l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, de même qu'un symposium civilo-militaire tenu le mois dernier par le centre de recherche sur l'utilisation de la neuroimagerie à des fins de diagnostic et de traitement de l'ESPT et des traumatismes cérébraux, de l'hôpital pour enfants de Toronto. Le médecin général adjoint du Canada continue de présider le comité de recherche en santé de l'OTAN et d'assurer le mentorat de son groupe de travail pour la recherche sur le suicide chez les militaires; les Canadiens assument toujours un rôle de leadership dans presque toutes les activités de recherche en matière de santé mentale, et il y a un an, l'OTAN a demandé à un expert du Service de santé royal canadien de coprésider son symposium international sur les pratiques exemplaires en matière de réadaptation au retour du combat et de réinsertion des patients souffrant de dommages physiques et mentaux.
Malgré la nécessité de nous concentrer sur l'amélioration continue de nos programmes de santé mentale, je dois aussi maintenir et continuer d'accroître nos capacités dans tous les domaines nécessaires pour préserver la santé et la vie dans les opérations humanitaires et de combat, de même que dans les soins de routine au pays. À cette fin, l'un des médecins sous mes ordres, le colonel Homer Tien, continue de diriger le principal centre de traumatologie du Canada, en plus d'être titulaire d'une chaire de recherche sur les traumatismes liés au service militaire à l'hôpital Sunnybrook de Toronto.
En 2013, j'ai aussi établi une nouvelle chaire de recherche sur les soins intensifs aux militaires associée à l'Université Western. Le titulaire de cette chaire est le capitaine de vaisseau Ray Kao, l'un des plus grands chercheurs du monde en matière de soins intensifs. D'autres chaires de recherche sur la santé des militaires sont actuellement envisagées. Grâce à la formation, à la collaboration avec nos alliés et à d'autres mesures, nous avons aussi pu améliorer nos capacités et notre état de préparation en ce qui concerne les soins médicaux et les soins intensifs pendant les déploiements, ainsi que nos défenses médicales contre les menaces chimiques, biologiques et radiologiques, et les soins de santé pendant les opérations dans l'Arctique ainsi que les opérations humanitaires et spéciales.
En ce qui a trait aux soins assurés par le système de soins de santé au pays, nous avons reçu l'automne dernier, après une évaluation de trois ans, un « agrément avec distinction » d'Agrément Canada, l'autorité nationale en matière de qualité des soins de santé. Nous avons aussi récemment mis sur pied un programme d'assurance de la qualité et de la sécurité des patients mieux conçu en collaboration avec l'Institut canadien pour la sécurité des patients.
Je n'ai mentionné que quelques exemples d'améliorations et de manifestations de reconnaissance des autorités nationales et internationales dans le domaine de la santé pour souligner le leadership du Canada en matière de médecine militaire et de santé mentale. La plus grande reconnaissance et le plus rare des honneurs nous sont venus de notre souveraine en octobre dernier lorsque la Princesse Anne a remis une bannière royale au Service de santé royal canadien pour souligner la valeur, le sacrifice et l'excellence clinique de ses membres au cours d'une décennie d'opérations en Afghanistan. Il ne s'agissait que de la troisième bannière royale à être remise à un élément des Forces armées canadiennes depuis la Confédération; la deuxième bannière royale avait également été remise au Service de santé et lui avait été présentée par Sa Majesté la Reine-Mère.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie, en votre nom, les témoins d'être venus aujourd'hui.
Ma première question s'adresse au médecin-chef. Je vais citer votre stratégie 2012 pour la santé mentale.
L’exposition au combat et l’exposition à des atrocités sont des facteurs de risque de maladie mentale post-déploiement. Cependant, le déploiement ne représente qu’une part relativement faible du fardeau global des troubles mentaux au sein des FAC. Les militaires sont exposés à pratiquement tous les risques non opérationnels de maladie mentale auxquels sont exposés leurs homologues civils, et ils peuvent être tout aussi vulnérables qu’eux.
Je me demande si vous pourriez nous expliquer pourquoi? Je veux surtout parler du changement de type de combat que les Forces armées canadiennes sont appelées à livrer, plus particulièrement en Afghanistan et récemment ailleurs dans le monde. La différence est que, par la passé, l'ennemi portait un uniforme et vous étiez protégés, en quelque sorte, du fait que quelqu'un était déjà passé par les routes que vous empruntiez. Or, en Afghanistan, n'importe qui pouvait être l'ennemi. Nos militaires se trouvaient à l'avant-garde quand ils traversaient des villes et des villages et la campagne. Toute personne qu'ils voyaient pouvait être un ennemi. Nous avons entendu des histoires de membres en service dans cette région qui ont raconté des anecdotes montrant que cela se traduisait par un lourd fardeau lorsqu'ils retournaient à la vie civile et qu'il n'y avait pas eu de décompression, je suppose.
De plus, ils ne savaient jamais sur quelles routes une bombe avait pu être posée ou vous ne saviez pas quelle rue... Je me demande donc juste ce qui vous fait dire ce que vous avez dit, étant donné... Au fond, je demande si vous pouvez nous expliquer cela.
Nous parlons du nombre de personnes atteintes de maladie mentale. Un Canadien sur quatre ou cinq sera touché par la maladie mentale au cours de sa vie selon la Commission de la santé mentale du Canada. Ce sont simplement les chiffres.
La fréquence de la maladie mentale est la même dans les Forces canadiennes. La seule étude que nous avons, qui date de 2002, montre que le risque de dépression chez les membres des Forces canadiennes, qu'elle soit liée ou non aux opérations militaires, est du double. Donc, d'un point de vue purement quantitatif, nous avons beaucoup plus de cas de maladie mentale à traiter, qui ne sont pas liés aux opérations de combat ou de déploiement.
Il y a un risque accru, toute proportion gardée, chez ceux qui participent à des opérations, surtout les opérations de combat où ils risquent de perdre la vie et où ils courent un danger non seulement pour eux-mêmes, mais, surtout, comme vous l'expliquez, lorsqu'ils ne peuvent pas réagir lorsque des atrocités sont commises. Il y a donc un consensus dans le milieu de la santé mentale pour dire que les risques courus lorsqu'on est affecté à des opérations dans lesquelles il y a des règles d'engagement et un mandat qui permettent d'intervenir lorsque des innocents sont attaqués sont moins stressants que lors d'opérations où des règles d'engagement sont imposées, par exemple par les autorités des Nations Unies, dans le but de maintenir la neutralité et l'apparence de neutralité. C'est plus stressant lorsque les soldats ne peuvent pas intervenir, sauf pour protéger leur propre vie.
C'était donc un grand facteur de stress pour ceux qui ont participé aux opérations dans les années 1990, surtout dans les cas où les règles d'engagement étaient très difficiles. Un cas particulier, par exemple, est celui du commandant hollandais du bataillon à Srebrenica, le bataillon des Pays-Bas en Bosnie qui était chargé de protéger la population musulmane qui a été massacrée, lorsque l'armée serbe est arrivée. Cette personne avait pour directive... Il est bien documenté que bien des soldats à l'époque ont souffert de maladie mentale parce qu'ils ne pouvaient pas... en fait, ils avaient pour consigne de ne pas intervenir.
Donc, vous avez absolument raison, l'incapacité d'intervenir lorsque des atrocités sont commises contre des innocents est un facteur de stress extrême.
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Dans toutes les études que nous réalisons — et nous en faisons beaucoup —, nous incluons expressément les réservistes. Jusqu'à présent, toutes les études ont systématiquement révélé que le taux de prévalence de la maladie mentale chez les réservistes, que celle-ci soit ou non associée à un déploiement, était inférieur à celui observé au sein de la Force régulière. De 50 % dans le cas d'une étude; le taux de prévalence de certaines maladies mentales était de 50 % inférieur.
Les réservistes courent cependant un risque accru parce qu'ils ne bénéficient pas du soutien social lorsqu'ils sont démobilisés au retour d'un déploiement. C'est particulièrement le cas de ceux qui appartiennent à une unité où ils étaient la seule personne déployée dans le cadre d'une mission donnée, ou encore à une unité qui ne se trouve pas à proximité d'une base militaire où ils auraient accès à une clinique militaire et au contexte social, au soutien social, qui les aideraient à régler leurs problèmes ou qui les inciteraient à aller chercher les soins dont ils ont besoin.
C'est pourquoi nous avons les équipes de liaison médicale de l'ambulance de campagne ou les ambulances de campagne de la réserve, dont la tâche consiste à faire de la sensibilisation ainsi qu'à cerner ces personnes et à les convaincre d'obtenir des soins.
Le travail de sensibilisation se fait auprès de toute la chaîne de commande pour la même raison. Nous avons conclu un partenariat avec la Légion royale canadienne parce qu'elle compte 2 400 ou 1 400 — je ne me souviens plus — centres à l'échelle du pays, essentiellement dans chaque collectivité. Elle a accepté de servir de façade pour tous les programmes offerts. Elle le faisait déjà dans une certaine mesure, mais elle va étendre cette fonction à l'ensemble des programmes offerts par les forces armées et Anciens Combattants Canada pour que les membres, notamment ceux qui sont libérés de la Force de réserve, puissent s'en prévaloir.
Nous sommes conscients qu'il s'agit d'une vulnérabilité spéciale à laquelle nous devons prêter une attention particulière, et nous avons mis en oeuvre des mesures pour faire en sorte que le message se rende jusqu'aux réservistes, pour les inciter à venir se faire soigner et, au besoin, pour assurer leur transport. Nous leur permettons d'obtenir des soins locaux si nécessaire, mais l'idéal, c'est qu'ils se rendent aux centres militaires de soins spécialisés en matière de santé mentale.
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Absolument, nous avons eu de la difficulté à pourvoir ces postes. Nous avons constaté qu'il fallait combler 54 postes, et nous avons travaillé très fort pour trouver des gens.
Il y a peu de professionnels de la santé disponibles au Canada, c'était l'une de nos premières difficultés. Voilà pourquoi le problème est si répandu. La Défense nationale doit elle aussi surmonter ce problème lorsqu'elle tente de trouver les bons professionnels qualifiés.
Qui plus est, certains postes à combler se trouvent dans des endroits isolés ou en dehors des centres urbains, ce qui complique les choses. Par exemple, il est très difficile de trouver des gens qui sont prêts à déménager à Cold Lake, en Alberta, ou à Shilo, au Manitoba.
De plus, nous sommes en concurrence avec le secteur privé. Même si les détenteurs de ces postes ont droit aux échelons supérieurs de la fourchette salariale, nous ne pouvons pas vraiment faire concurrence avec les salaires que le privé offre. Nous savons qu'il faut des stratégies compensatoires afin d'assurer l'embauche de professionnels dans ces endroits, et nous avons recours à des mécanismes particuliers pour y parvenir.
Nous collaborons avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et avec la Commission de la fonction publique. Nous avons présenté une demande au Secrétariat du Conseil du Trésor afin d'augmenter l'indemnité de réinstallation que nous accordons aux gens que nous embauchons à l'externe. Cela constituait souvent un obstacle. Auparavant, nous pouvions seulement offrir 5 000 $. Nous avons été capables de faire augmenter cette somme, et jusqu'au 31 mars 2015, nous pouvons accorder jusqu'à 40 000 $. Nous pensons que cette mesure nous aidera à combler les postes dans les endroits isolés, car il s'agissait d'un obstacle de taille.
La Commission de la fonction publique exige, avant de pouvoir embaucher quelqu'un, que nous vérifiions si des bénéficiaires de priorité sont disponibles. Nous avons établi ensemble un processus accéléré: puisque nous avons une telle pénurie dans ce domaine, la commission nous renvoie tout bénéficiaire de priorité ayant les compétences nécessaires et nous les embauchons immédiatement. En outre, puisque nous ne pouvons pas attendre plus longtemps, nous avons demandé à la commission de trouver un moyen d'accélérer le processus d'autorisation en matière de priorité, processus qu'il faut suivre avant d'envoyer une lettre d'offre.
Pendant que nous attendions quelques renseignements, nous avons envoyé un grand nombre de lettres d'offre conditionnelle à la réussite des tests linguistiques et médicaux. Nous estimons qu'ainsi les gens qui recevront d'autres offres y penseront à deux fois avant de l'accepter pendant que nous nous organisons.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, d'ici le début de l'année 2015, nous nous attendons à recevoir les résultats de l'Enquête sur la santé mentale de Statistique Canada et du Sondage sur la santé et le style de vie, qui nous donneront de meilleures données générales pour assurer la répartition optimale et déterminer les besoins optimaux.
Nous possédons déjà de bonnes données. L’Étude sur l’incidence du cumulatif des blessures de stress opérationnel nous permet de prévoir, sur une période d'approximativement 10 ans, ce à quoi nous pouvons nous attendre pour les traumatismes liés au stress opérationnel spécifiques à la mission en Afghanistan. Cependant, ce n'est pas suffisant. Nous tentons maintenant de mettre à jour ce que nous avons fait en 2002 et en 2003 pour répondre à l'exigence globale des Forces canadiennes. Comme je l'ai mentionné, les traumatismes liés au stress opérationnel spécifiques à la mission en Afghanistan représentent seulement une minorité de tous nos problèmes de santé mentale.
Au cours des années, nous avons réévalué notre objectif d'embauche de professionnels en santé mentale de 447 à 452, en fonction de notre évaluation du succès du programme En route vers la préparation mentale et de diverses évaluations, y compris l'étude sur l’incidence du cumulatif des blessures de stress opérationnel. Cependant, ce sont des évaluations partielles et des modifications mineures fondées sur des données limitées. Nous avons passé la dernière année, avant d'élaborer cette stratégie, à examiner toutes les données disponibles. Nous n'attendons maintenant que ces deux éléments manquants, ces études approfondies, pour nous donner tous les renseignements dont nous avons besoin afin de pouvoir déterminer le mieux possible la répartition à l'avenir, le nombre de professionnels requis, et le volume de soins.
Notre nombre de cliniciens de la santé mentale est déjà le double, en moyenne, de celui de la population civile, par habitant, et nous avons aussi le plus haut ratio de cliniciens de la santé mentale au sein de l'OTAN. Mais est-ce suffisant, ou est-ce trop? Et est-ce que la technologie nous permettra de changer les choses parce que la situation n'est plus la même?
Désolé, madame Murray, votre temps est écoulé. En fait, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Notre réunion se termine bientôt et je doute que nous ayons le temps pour une autre série de questions, car comme lors de la première série de questions, il y aurait quatre intervenants. Puisque nous manquons de temps, je vais mettre fin aux séries de questions. Comme le veut la tradition, il y a une prérogative selon laquelle le président peut poser quelques questions et j'aimerais m'en prévaloir.
Colonel Bernier, tout d'abord, je m'intéresse à votre évaluation de la santé mentale globale des membres des Forces armées canadiennes. Vous avez laissé entendre que, dans la population générale, une personne sur quatre ou sur cinq souffrira d'un épisode de maladie mentale au cours de sa vie.
Premièrement, n'est-il pas vrai que les gens ne servent pas toute leur vie dans les forces armées, mais, disons, de 18 à 40 ou 45 ans? Deuxièmement, il semblerait que, lorsque les militaires s'enrôlent, vous évaluez s'ils présentent des signes de troubles de santé mentale. Vous n'évaluez donc pas les troubles de santé mentale chez les aînés. Donc, a priori, le nombre de militaires qui risquent de souffrir d'un épisode de maladie mentale est inférieur au nombre de gens dans la population générale qui risquent d'en souffrir. Ai-je raison?