:
Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à témoigner devant votre comité.
[Français]
La Loi électorale du Canada est l'une des quelques lois du Parlement que les Canadiens lisent et utilisent en grand nombre. Lors des élections, des milliers de Canadiens doivent être en mesure de comprendre cette loi, car elle établit les mesures à prendre pour l'inscription des électeurs, l'administration du vote et la conduite des campagnes électorales.
Il ne faut pas sous-estimer la taille et la portée de pareille opération. Lors de l'élection de mai 2011, il y avait 66 146 bureaux de scrutin, dont 1 669 étaient des bureaux mobiles. Cela signifie qu'environ 350 000 Canadiens bénévoles ont participé à ce processus.
Je suis d'avis que toute modification à la Loi électorale canadienne doit refléter les valeurs qui servent de fondement à la société canadienne et procéder des principes fondamentaux qui caractérisent une saine démocratie. Un de ces premiers principes est de garantir et de promouvoir le droit de vote des citoyens.
Au cours des années 1980, il était de bon ton au Canada de s'enorgueillir du fait que la proportion des citoyens qui participaient aux élections fédérales s'élevait en moyenne à 75 %, un taux supérieur à celui de plusieurs démocraties occidentales, y compris les États-Unis. Malheureusement, ce n'est plus le cas. La moyenne des taux de participation aux cinq élections fédérales tenues depuis l'an 2000 n'est que de 61,9 %, à peine plus élevée que le taux enregistré lors des élections présidentielles américaines. Ce faible taux de participation est honteux. Toute réforme bien comprise de nos lois et pratiques électorales doit viser, au premier chef, à corriger cette situation.
À cet égard, les dispositions du projet de loi qui prolongent la période de vote par anticipation visent cet objectif fondamental. Malheureusement, d'autres mesures, comme celle concernant l'utilisation de la carte d'information de l'électeur comme preuve d'identité et la preuve d'identité d'un électeur par un répondant, sont mal avisées. Cette dernière disposition est, sans aucun doute, contraire aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte n'est pas ambiguë à cet égard. Elle dit ceci: « Tout citoyen canadien a le droit de vote [...] ». Il est bien établi par la jurisprudence qu'un droit garanti par la Charte ne peut être restreint que dans la mesure où l'intérêt public supérieur est démontré et, dans ce cas, seulement dans la mesure où les restrictions imposées sont justifiées au sens de l'article premier de la Charte et qu'elle porte une atteinte minimale à un droit fondamental des citoyens canadiens.
Bannir pour des motifs spécieux ces pratiques qui n'ont pas soulevé jusqu'à présent de plaintes généralisées de la part des candidats partout au pays, et que le directeur général des élections estime essentielles pour permettre à des milliers de citoyens d'exercer leur droit de vote, ne respecte pas ce critère de proportionnalité et heurte le sens éthique qui doit prévaloir lorsqu'on considère ces questions qui portent sur les fondements de notre démocratie.
Un deuxième principe fondamental est d'assurer le caractère juste et équitable du processus électoral. Afin d'assurer le caractère juste et équitable du processus électoral, la Loi électorale du Canada impose des limites de dépenses à tous les participants aux campagnes électorales, y compris aux particuliers et aux groupes indépendants des candidats et des partis. Le projet de loi ne remet pas en question ces dispositions fondamentales dont le caractère juste et raisonnable a été confirmé par des jugements de la Cour suprême du Canada. Cependant, cet objectif est miné lorsque des dispositions ambiguës, qui invitent au contournement des règles et minent la capacité d'Élections Canada de vérifier et de confirmer que les pratiques adaptées ne contreviennent pas à la loi, sont incorporées au texte législatif. C'est le cas du paragraphe 376(3) du projet de loi C-23 qui permet d'exclure des dépenses électorales la valeur commerciale des services fournis à un parti enregistré afin de solliciter les contributions d'individus qui ont donné au moins 20 $ au cours des cinq années qui précèdent la date du scrutin.
Je ne nie pas l'intérêt d'un parti à solliciter des individus qui ont déjà appuyé un parti ou l'un de ses candidats. Cependant, si cette activité est trop onéreuse pour s'inscrire à l'intérieur du plafond des dépenses, il faudrait faire preuve de transparence et relever le plafond d'un montant raisonnable, plutôt que de saper la confiance des Canadiens dans notre système électoral par l'adoption de dispositions qui invitent à des comportements répréhensibles et à l'imposition de règles tatillonnes additionnelles à nos partis.
Le troisième principe est celui d'affermir la primauté des partis politiques dans le système politique canadien.
Les partis politiques remplissent une fonction essentielle au sein de notre démocratie parlementaire, notamment par l'influence profonde qu'ils exercent quant à l'accès à la Chambre des communes. L'effritement de la confiance que leur démontrent les Canadiens, qui se traduit, entre autres, par la difficulté de recruter de nouveaux adhérents, n'augure pas bien pour l'avenir. Bien que ces malaises reflètent des tendances sociales qui se manifestent à bien d'autres égards, les partis politiques n'aident pas leur cause en refusant de se conformer à des normes sociales perçues comme étant des exigences normales dans une société avancée.
Le projet de loi aurait fait une contribution utile à cet égard si des dispositions avaient été ajoutées afin de prévoir que les partis politiques sont tenus de produire des documents à l'appui de leurs rapports de dépenses. En 2011, environ 30 millions de dollars ont été versés aux partis. Il faudrait également que les partis politiques soient assujettis à des règles concernant la protection et l'utilisation des renseignements personnels. De telles exigences sont imposées aux sociétés commerciales, avec raison. Il n'existe aucun motif légitime pour exclure les partis politiques et leurs associations d'un régime similaire.
Enfin, il importe de renforcer la confiance des Canadiens dans l'intégrité du processus électoral. Les travaux de la commission royale avaient clairement cerné le besoin d'un mécanisme permettant au DGE d'établir des lignes directrices et des notes d'interprétation concernant l'application de la loi. Ce dispositif est incorporé à la loi électorale de plusieurs grandes démocraties et les avantages qui en découlent sont bien établis. Par conséquent, l'établissement d'un tel mécanisme par le projet de loi doit être salué.
Par ailleurs, en ce qui concerne les modalités détaillées, je crois que votre comité gagnerait à examiner l'expérience d'autres démocraties, celle du Royaume-Uni par exemple, dans la mise en oeuvre de telles dispositions.
Le projet de loi comble une autre lacune importante de la législation actuelle en ajoutant des dispositions concernant les services d'appels aux électeurs. Dans l'ensemble, les mesures proposées sont conformes aux recommandations des groupes d'experts qui ont étudié la question, notamment celles présentées par l'IRPP. Des suggestions visant à bonifier le nouveau régime vous ont déjà été formulées en ce qui a trait, entre autres, à la période de rétention des informations et à l'opportunité d'ajouter à la liste des informations qui doivent être conservées, comme les numéros de téléphone qui ont été contactés. Quoi qu'il en soit, il est crucial que le dispositif concernant les services d'appels aux électeurs soit en vigueur lors du prochain scrutin.
Le régime proposé n'empêche pas un tiers de conclure un accord avec un fournisseur de services d'appels aux électeurs; il ne fait qu'encadrer cette activité. Cela dit, je crois qu'il serait nettement préférable que le coût d'un tel service soit expressément reconnu dans la définition de dépenses de publicité électorale.
En conclusion, j'aimerais dire qu'il y a beaucoup d'autres aspects de notre régime démocratique qui sont abordés dans le projet de loi, mais les limites de temps étant ce qu'elles sont, nous pourrons en discuter lors de la période des questions, si vous le jugez opportun.
:
Je vous remercie de me permettre aujourd'hui de parler de ce très important projet de loi. Je suis particulièrement honoré de témoigner aux côtés de M. Lortie.
[Français]
Il faut que je pratique beaucoup mon français.
[Traduction]
Mon exposé renfermant de nombreux termes techniques, je vais le faire en anglais. Je répondrai ensuite avec plaisir à vos questions.
De l'avis de Démocratie en surveillance, le projet de loi , la pseudo-loi sur l'intégrité des élections, contient 10 mesures qui rendront les élections fédérales beaucoup moins impartiales. Je vais me concentrer sur les six priorités que nous avons dégagées, et que je vais vous résumer brièvement. Je vais aussi faire la liste des quelques mesures que le projet de loi aurait dû contenir pour rendre les élections fédérales plus justes.
Voici donc les six mesures prévues dans le projet de loi qui sont vraiment injustes.
Comme le disait M. Lortie, il y a d'abord l'interdiction de permettre qu'un électeur agisse comme « répondant » pour un autre électeur, ainsi que l'interdiction d'utiliser la carte d'information de l'électeur comme pièce d'identité. Ces changements se conjuguent pour rendre le vote plus difficile à des centaines de milliers d'électeurs, ils doivent donc être supprimés du projet de loi .
Il faudrait plutôt ajouter la carte d'information de l'électeur à la liste actuelle des pièces d'identité valables. Pour mettre fin aux irrégularités documentées en lien avec le recours à un répondant, il faudrait accorder à Élections Canada les pouvoirs et les fonds nécessaires pour embaucher et former le personnel électoral bien avant la tenue de chaque élection et produire une liste d'inscription des électeurs plus exacte. Je suis convaincu que l'on pourrait trouver un compromis permettant de supprimer les obstacles existants au lieu d'empêcher des centaines de milliers d'électeurs de voter. D'autres pays l'ont déjà fait.
Deuxièmement, Démocratie en surveillance s'inquiète de l'absence de mesures visant à démocratiser le système financier politique fédéral par une diminution des dons annuels et du plafond des prêts à un montant abordable pour l'électeur et de ce que le gouvernement refuse de ramener la formule des allocations annuelles par vote pour les partis, alors qu'il s'agissait de l'élément le plus démocratique du système financier politique, puisque le financement versé était proportionnel au nombre de votes exprimés.
Le projet de loi laisse ouvertes certaines échappatoires concernant les dons à certains types de candidats. L'augmentation, par le projet de loi , du plafond des dons annuels est beaucoup trop élevée, voire carrément antidémocratique dans certains cas. Le Canadien moyen ne peut pas se permettre de faire un don de 3 000 $. Si on combine les dons aux partis et aux associations de circonscription de chaque parti, on arrive pourtant à ce montant.
D'accord, de nombreux candidats n'auront pas les moyens de donner 5 000 $ à leur propre campagne — 25 000 $ dans le cas des candidats au leadership. Si on veut respecter le principe du « un électeur, un vote », les plafonds de dons doivent correspondre aux moyens du citoyen moyen; autrement, on permet aux riches d'utiliser leur argent pour influer indûment sur les partis et les candidats, au mépris de l'éthique et de la démocratie.
En ce qui concerne les prêts, même si les plafonds associés aux particuliers sont adéquats, permettre aux banques de faire des prêts illimités aux partis et aux candidats est dangereusement antidémocratique. Les banques sont de réglementation fédérale; elles pourront donc choisir les candidats à qui elles vont prêter. C'est un énorme avantage pour un candidat, même s'il va sans dire qu'il doit rembourser les sommes qu'il reçoit.
En effet, si le candidat en question est élu, le seul fait qu'il ait été financé par une banque le placera en conflit d'intérêts. Mieux vaut que tous les candidats puissent solliciter le plus grand nombre possible d'électeurs et se constituent démocratiquement une base de soutien au lieu d'être redevables aux riches et aux banques.
Troisièmement, Démocratie en surveillance s'inquiète du changement consistant à ne plus comptabiliser les sommes dépensées sur les communications à des fins de « levée de fonds » dans le montant total que les partis sont autorisés à dépenser au cours des campagnes électorales. M. Lortie en a lui aussi parlé.
C’est la première échappatoire qui a été créée depuis l’établissement du plafond des dépenses ou des dons, en 1974. Quarante ans se sont écoulés, et depuis, tout le monde a toujours cherché à mettre fin aux échappatoires. Or, cette échappatoire étant la plus ancienne de toutes, elle est tout à fait susceptible, comme toutes les autres échappatoires, de servir à dissimuler des millions de dollars de dépenses illégitimes.
L’omission de conférer à Élections Canada le pouvoir de désigner des vérificateurs pour tous les partis, les associations de circonscription et les candidats et le fait que le projet de loi permette au contraire à ces entités de choisir leurs propres vérificateurs constitue le quatrième problème. En fait, ce problème est lié à l’échappatoire sur les dépenses, puisque Élections Canada n’aura pas le droit d’exiger qu’on lui remette l’ensemble de la documentation requise pour s’assurer que personne n’a profité de l’échappatoire existante pour dépasser les limites de dépenses associées aux campagnes électorales. Essentiellement, les partis, les candidats et les associations de circonscription pourront ainsi procéder à leurs propres vérifications, ce qui, combiné à l’échappatoire sur les dépenses, constitue une recette toute désignée pour inciter à la corruption.
Cinquièmement, Démocratie en surveillance s’inquiète de l’omission de conférer à Élections Canada le pouvoir de désigner tous les travailleurs aux élections. En fait, le projet de loi élargit le pouvoir dangereusement contraire à l’éthique des partis politiques et des candidats qui ont remporté la dernière élection ou qui sont arrivés deuxièmes, obligeant les directeurs de scrutin à nommer encore plus d’employés électoraux de première ligne.
Sixièmement, Démocratie en surveillance s’inquiète de l’omission d’exiger que le commissaire aux élections fédérales ou le directeur des poursuites pénales divulgue les résultats des enquêtes et ses décisions à l’égard de toutes les plaintes. Au contraire, le projet de loi prévoit que ces renseignements seront tous gardés secrets. Dans ce contexte, il sera impossible de demander des comptes au commissaire ou au directeur s’ils prennent des décisions injustes, partiales ou inopportunes.
Même si ces six amendements étaient apportés, d’autres changements seraient nécessaires pour rendre les élections fédérales vraiment justes. Il faudrait inscrire l’honnêteté dans la loi afin que les politiciens cessent de faire miroiter toutes sortes de fausses promesses pour séduire l’électorat et qu’ils cessent à tout le moins de rompre leurs promesses une fois élus. Il faudrait que le mode de scrutin soit modifié afin qu’il soit plus juste et que le nombre de députés d’un parti donné corresponde aux appuis qu’il a réellement reçus. Il faudrait en outre encadrer les investitures, demander à Élections Canada d’animer les débats et, surtout, accroître et mieux définir les pouvoirs de tous les chiens de garde chargés d’assurer l’application de la loi et de faire enquête.
Je vais m’arrêter ici. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir sur ce très important projet de loi qui, hélas, comporte de nombreuses mesures qui rendront les élections fédérales moins justes et seulement quelques-uns — je pense entre autres au registre des appels automatisés, aux limites de prêts et à l’augmentation des amendes — qui les rendront plus justes. De nombreuses autres mesures rendent les élections fédérales moins justes et ne font rien pour corriger les lacunes qui caractérisent actuellement le régime électoral fédéral.
Merci beaucoup.
:
Je vais commencer par poser deux ou trois questions à M. Lortie, si vous permettez.
Je voudrais premièrement revenir à la page trois de votre allocution. Je pense que c'est le même numéro de page dans la version française. Vous citez l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Je vous le lis:
Droits démocratiques des citoyens
Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
Un débat a eu lieu à la Cour suprême, au fil de plusieurs décisions remontant aux années 1990, concernant le sens à donner à cet article. Fallait-il en faire une interprétation stricte ou large? Je crois que la juge en chef a essayé, à tort, d'en faire une interprétation stricte. Dans l'affaire Opitz contre Wrzesnewskyj, les juges ont décidé à la majorité qu'il fallait faire une interprétation large de l'article. Ils n'ont pas explicitement traité de la question constitutionnelle, mais ils ont indiqué que des violations purement techniques ou administratives de la Loi électorale du Canada ne suffisaient pas pour invalider un vote, ce qui implique que voter est un droit, et non un privilège, que le droit de vote ne peut pas être restreint pour des raisons administratives sans raison majeure et légitime. Je pense que c'est parfaitement conforme au critère énoncé dans l'arrêt Oakes, à savoir que nos droits constitutionnels doivent normalement être respectés intégralement, ce qui implique qu'il faut en faire une interprétation techniquement plutôt large que stricte.
Si je parle de cette affaire, c'est que je voudrais aborder le problème fondamental qui, selon moi, entoure la question du recours à un répondant. Je pense que nous souffrons d'un problème de base de données. Pour se conformer à la loi, Élections Canada est passé d'un mode de recensement des électeurs qui lui permettait de mettre à jour assez précisément sa base de données à un nouveau système qui devait nous permettre de suivre les déplacements des électeurs, mais qui n'a pas tenu ses promesses. Lorsque l'ancien système était employé, très peu de gens ayant déménagé ne pouvaient pas être inscrits à leur nouvelle adresse. Mais aujourd'hui, Élections Canada nous apprend que le taux d'erreurs dans 10 circonscriptions du pays dépasse 20 %. L'histoire ne dit pas, cependant, de quelles circonscriptions il s'agit. Pour l'ensemble du pays, le taux d'erreurs de la liste préliminaire des électeurs, concernant leurs adresses, est de 17 %. Et c'est la liste préliminaire qui est utilisée pour envoyer les cartes d'électeur. Nous pouvons en déduire que, dans une large mesure, Élections Canada ne sait pas où habitent les gens.
Comment peut-on résoudre ce problème?
Élections Canada est d'avis que le nombre d'électeurs qui iront voter frauduleusement ou par erreur à un bureau de vote où ils ne devraient pas être autorisés à voter est inférieur au nombre d'électeurs qui ont le droit de vote à un endroit, mais ne figurent pas sur la liste. Il est assez raisonnable de le penser. Par conséquent, nous essayons d'assouplir les règles autant que possible pour permettre à un aussi grand nombre d'électeurs que possible d'exercer leur droit de vote. Nous essayons de leur faciliter la tâche, et c'est la raison pour laquelle la liste des pièces d'identité admissibles est si longue. C'est aussi la raison pour laquelle il est proposé que les gens puissent utiliser la carte d'électeur comme carte d'identité partout au pays. En fin de compte, les électeurs n'ont qu'à se présenter au bureau de vote.
Mais il reste que le taux d'erreur sur les cartes d'électeur est de 17 % et qu'il est encore plus élevé dans certaines circonscriptions. Et il reste aussi que le recours à un répondant pose certains problèmes, notamment que les électeurs ne peuvent pas se servir de ce moyen à de nombreux endroits où ils sont peu susceptibles d'avoir une carte d'identité, comme les établissements de soins de longue durée.
Tout cela m'amène à croire qu'il faut trouver d'autres solutions que le recours à un répondant ou l'utilisation de la carte d'électeur pour s'identifier. Or, notre comité a entendu à quelques reprises des témoins lui parler d'une idée mise en pratique à certains endroits dans le monde. Il s'agit du modèle du Queensland, que l'on appelle ainsi, si je comprends bien, parce qu'il est utilisé dans l'État australien du Queensland. Si un électeur se présente sans pièce d'identité admissible, son vote est traité comme un vote par la poste. Le bulletin est placé dans une enveloppe ne portant aucune inscription, ce qui permet de garantir l'anonymat. Puis, l'enveloppe est placée dans une autre enveloppe, sur laquelle une déclaration d'identité est inscrite. Le personnel électoral s'occupe par la suite de vérifier si l'électeur est bel et bien admissible. Les gens ne détenant aucune pièce d'identité peuvent ainsi voter. On procède à une sorte de recensement postélectoral des personnes qui avaient été omises dans la liste. On s'assure ainsi que les gens ne votent pas frauduleusement ou accidentellement à un endroit où ils n'en ont pas le droit.
L'erreur est humaine. Je raconte à tout le monde qu'un jour, mon ex-femme s'est fait indiquer de voter dans un bureau de vote différent du mien, dans une autre circonscription, même si nous habitions dans la même maison.
Qu'est-ce que vous en pensez? Monsieur Conacher, vous pouvez répondre à ma question, vous aussi, quoique j'aie utilisé déjà pratiquement tout le temps qui m'était accordé. Pensez-vous qu'un tel système serait utile pour résoudre les problèmes qui surviendraient s'il n'était plus possible de s'identifier et de prouver qu'on habite bien à une certaine adresse au moyen d'un répondant ou de la carte d'électeur?
:
Je crois que la question du recours à un répondant n'a rien à voir avec celle de la carte d'information de l'électeur ou je ne sais quoi. Dans le premier cas, le répondant doit lui-même s'identifier et tout et tout. Au fond, n'importe quel dirigeant de commission électorale vous dirait essentiellement que le recours à un répondant, c'est quelque chose de très important.
À vrai dire, les candidats et les partis placent eux aussi des gens dans les bureaux de scrutin. Il s'agit d'un garde-fou, et on ne peut difficilement en faire abstraction lorsqu'on discute du déroulement des élections. Il y a pour ainsi dire toute une série de garde-fous autour du déroulement des élections.
Dans l'ensemble, je n'ai pas perçu de vague de protestation au Canada comme ce fut le cas pour les appels automatisés et le reste. Les Canadiens n'ont pas crié au scandale parce que des électeurs recourent à un répondant ou s'identifient avec la carte d'information de l'électeur. Il n'y a rien du genre. Au fond, les mesures d'ordre administratif ne pourront jamais l'emporter sur une charte qui dit que vous avez le droit de voter.
Affirmer qu'il y a une liste de 13 bouts de papier ou je ne sais quoi ne règle rien à ce chapitre. Avoir des garde-fous, c'est bien, mais il faut aussi s'assurer que le processus fonctionne.
L'un des problèmes avec le fait d'exiger beaucoup de documents, c'est que cela entrave le processus. Il est faux d'affirmer que tous les documents demandés sont nécessairement importants. D'ailleurs, vous dites même dans le projet de loi que vous ne voulez plus la date de naissance, mais seulement l'année. Est-ce vraiment pertinent de savoir que c'est en novembre plutôt qu'un autre mois?
Il est faux d'affirmer que tout ce qui est demandé et qui complique les choses est absolument nécessaire. Déjà, du moins en ce qui concerne le recours à un répondant, je doute que vous puissiez dire que vous éliminerez cette possibilité, et tant pis pour ceux qui ne pourront pas voter. Désolé, mais cela ne fonctionnera pas.
:
Je remercie les deux témoins. J'ai plusieurs questions et je vais les poser toutes à la fois; libre à vous de décider auxquelles vous répondrez.
[Français]
Monsieur Lortie, vous avez dit que le paragraphe 376(3) était problématique, car il invite au contournement des règles et mine la capacité d'Élections Canada de vérifier et de confirmer que les pratiques adoptées ne contreviennent pas à la loi. Vous avez aussi dit que ce paragraphe permet d'exclure des dépenses électorales la valeur commerciale des services fournis à un parti enregistré afin de solliciter des contributions d'individus qui ont contribué pour au moins 20 $ au cours des cinq années qui précèdent la date du scrutin.
Dans le projet de loi, pourquoi a-t-on choisi la formulation « au moins 20 $ »? En dessous de 20 $, on peut faire un don anonyme. La formulation choisie n'est pas « plus de 20 $ », mais « 20 $ ou plus ».
[Traduction]
Passons à ma deuxième question. Monsieur Lortie, dans le rapport exhaustif et extrêmement utile que vous avez publié à la fin des années 1980, on peut lire:
La Loi électorale du Canada ne doit pas empêcher l'utilisation de nouvelles techniques, au fur et à mesure de leur apparition, afin de permettre aux modalités de vote de rester conviviales et économiques. Mais on peut difficilement anticiper les prochaines découvertes dans ce domaine. La Loi doit maintenir l'intégrité du système électoral, mais elle ne devrait pas pour autant figer les modalités de vote en fonction des techniques actuelles.
J'ignore si vous le savez, mais le projet de loi mentionne expressément le vote électronique: ce sera l'unique nouveau processus de vote auquel Élections Canada ne pourrait recourir qu'avec l'agrément préalable et de la Chambre des communes, et du Sénat. Tous les autres processus sont soumis aux comités appropriés, c'est-à-dire celui-ci pour la Chambre ainsi qu'un comité sénatorial. C'est ce que prévoit actuellement la loi. En n'autorisant pas Élections Canada à effectuer ses propres essais, on érige un obstacle majeur par rapport à ce moyen précis de voter. Avez-vous des observations à ce sujet? Trouvez-vous qu'il est admissible d'ériger cet obstacle supplémentaire?
Mes deux dernières questions sont brèves.
Il est vrai que le projet de loi propose de politiser davantage la nomination du personnel pour le jour du scrutin, en particulier en confiant la nomination des superviseurs de centre de scrutin au parti ou au candidat arrivés en première place au cours des élections précédentes. On pourrait dire que le système actuel est ouvertement équitable puisque les scrutateurs et les greffiers du scrutin sont nommés conjointement par les partis arrivés en première et en deuxième place. Quelle raison peut bien justifier de maintenant confier une nomination de plus au parti qui a terminé premier, abstraction faite de ce que les partis politiques — je le reconnais volontiers — ne devraient même pas se mêler des nominations?
Enfin, monsieur Conacher, vous avez évoqué le fait de donner 5 000 $ à sa propre campagne, mais, au final, ce pourrait bien être 8 000 $ puisque, en plus de ces 5 000 $, quelqu'un aurait la possibilité de donner 1 500 $ à son association de circonscription et encore 1 500 $ à son parti national, des sommes qui, d'une manière ou d'une autre, pourraient lui revenir indirectement même si c'est techniquement interdit.
Voilà. Je vous prie tous les deux de répondre aux points de votre choix.
:
Je vais parler de la question concernant l'exclusion. Ce n'est pas le montant qui pose problème, mais le fait qu'une activité qui doit avoir lieu au cours d'une campagne électorale et qui est de nature essentiellement politique est exclue. C'est cela qui ne va pas. Étant donné qu'il est presque impossible de se limiter uniquement à cela, on ouvre la porte au contournement des règles, et c'est inacceptable. Si on a besoin d'argent, qu'on hausse le plafond, mais, pour l'amour du ciel, qu'on le fasse sans détour, sans inciter les gens à contourner les règles. Voilà pour la première question.
Pour ce qui est de la deuxième question, qui porte sur les candidats ou la recommandation de personnes, le fait est qu'une élection est une entreprise énorme à laquelle doivent travailler près de 2 000 personnes. À mon avis, il n'est pas raisonnable de penser qu'Élections Canada peut, à lui seul, disposer d'une telle liste et fournir autant de personnes. Je crois que ce n'est ni réaliste, ni vrai.
Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on a participé aux activités d'un parti qu'on est incompétent. Ce n'est pas parce qu'on s'engage en politique qu'on n'a pas de capacités ou de qualités. Élections Canada choisit les gens en fonction de leur compétence, et c'est très bien. Mais, fondamentalement, ce n'est pas correct, à mon avis, de dire qu'une personne n'est pas apte à exercer les fonctions liées à un poste parce que c'est un candidat qui l'a recommandée. Il faut donner à Élections Canada la possibilité de choisir, mais il est normal et, selon moi, légitime que les partis et les candidats puissent suggérer des personnes pour ces postes.
:
Monsieur Lortie, je dois dire que la question de nos lois électorales me passionne littéralement. Compte tenu de vos antécédents à la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, entre autres, j'imagine que vous êtes un homme de convictions et que vous avez à coeur le respect de la démocratie dans nos lois électorales.
Ce qui m'offusque le plus, à propos de ce projet de loi, c'est qu'une seule entité politique, le gouvernement actuel, ait décidé de modifier nos lois. Il n'y a pas eu de consultations. Aucun autre parti politique n'appuie ce qui se fait. L'actuel commissaire aux élections fédérales n'aime pas ce qu'il voit. Son prédécesseur a exprimé de sérieuses préoccupations à cet égard. Le commissaire aux élections fédérales dit qu'il devrait continuer d'être rattaché à Élections Canada.
Plus de cent politologues des quatre coins du pays condamnent ce projet de loi. C'est du jamais vu. Il me semble que personne n'adhère à ce projet de loi et n'en préconise l'adoption.
Je vous demande instamment de me répondre — mettons de côté pour l'instant ce qui se trouve dans le projet de loi —: pour modifier une loi électorale, procéderiez-vous ainsi, ou y a-t-il une meilleure façon de procéder? Que devrait-il se passer quand vient le temps de modifier une loi électorale? Selon vous, que faudrait-il faire?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur ce que vient d'aborder M. Opitz parce que je pense qu'il est important qu'on comprenne bien ce point.
Je cite ici une recommandation du directeur général des élections à la suite de la 40e élection générale:
Si les directeurs du scrutin n’étaient pas tenus de demander des noms aux candidats pour les postes de scrutateur, de greffier du scrutin et d’agent d’inscription, ils pourraient commencer leur recrutement plus tôt et auraient plus de temps pour former adéquatement le personnel.
Cela correspond tout à fait à ce qu'a soulevé M. Opitz. La recommandation principale du directeur général des élections et de plusieurs personnes qui comprennent bien les élections est de pouvoir engager ces gens plus tôt afin de leur donner une meilleure formation, ce qui réduirait de beaucoup les erreurs administratives mentionnées dans le rapport Neufeld et en général.
Selon moi, c'est une solution beaucoup plus appropriée pour améliorer le système, plutôt que d'annuler complètement le système de répondant et l'utilisation de la carte d'information de l'électeur.
Êtes-vous d'accord avec cette recommandation du DGE?
:
Comme je ne dispose que de quatre minutes, je ne peux malheureusement poser qu'un nombre restreint de questions.
J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit plus tôt, monsieur Lortie, à savoir s'il serait ou non pertinent de faire relever le commissaire aux élections fédérales non plus d'Élections Canada mais du directeur des poursuites pénales. De toute évidence, nous sommes favorables à ce changement. À notre avis, c'est une question d'indépendance.
Le point que je vais soulever, à l'instar d'autres témoins qui suivront, c'est que lorsqu'il a comparu devant le comité, le commissaire aux élections fédérales a affirmé qu'à l'heure actuelle, il est indépendant. Cependant, lorsque je l'ai interrogé, il a admis que le directeur général des élections l'avait embauché, a la capacité de le congédier et, en toute honnêteté, peut l'obliger à ouvrir une enquête.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord, monsieur Lortie, mais selon ma conception des choses, si quelqu'un peut m'embaucher, me congédier et me dire quoi faire, cette personne est mon patron et, par conséquent, je ne suis pas indépendant. Nous croyons qu'il est justifié de ne plus faire relever le commissaire du directeur général des élections, de lui accorder la pleine indépendance afin qu'il ait la capacité de prendre ses propres décisions concernant les enquêtes qu'il entend mener.
N'importe qui pourrait lui soumettre des demandes ou des appels, y compris le directeur général des élections, mais il pourrait déterminer de son propre chef s'il serait approprié ou non de mener une enquête. À mon avis, c'est ça, la véritable indépendance.
Je vous remercie de vos observations et je suis d'accord avec vous, monsieur Lortie, lorsque vous parlez de l'importance de maintenir une étroite communication entre les administrations, c'est-à-dire entre le directeur général des élections, Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales. S'ils souhaitent qu'une enquête soit menée, il est important que le commissaire sache le contexte dans lequel elle s'inscrit. Il doit connaître les renseignements pertinents. Il est clair que cela doit se faire et je crois que c'est ce qui se produirait. Cependant, selon nous, pour que le commissaire conserve son indépendance et pour maintenir la perception d'indépendance et d'absence d'ingérence, il faudrait que le commissaire ne soit plus dans la position où il se trouve actuellement, c'est-à-dire qu'il ne devrait plus être redevable — soyons francs — à Élections Canada. Il faudrait plutôt le placer dans une position où il serait vraiment indépendant.
J'aimerais, au cours des quelques instants qu'il nous reste, que vous me donniez votre avis à ce sujet.
[Français]
Bonjour à toutes et à tous .
Comme le président du comité l'a dit, je m'appelle Miriam Fahmy et je suis directrice de la recherche à l'Institut du Nouveau Monde. C'est un organisme non partisan et sans but lucratif qui est basé à Montréal et dont la mission est d'accroître et de soutenir la participation des citoyens à la vie démocratique.
Je remercie le comité de nous avoir invités à témoigner au sujet du projet de loi , Loi sur l'intégrité des élections.
Je vous donnerai maintenant quelques informations sur l'INM.
L'INM organise des débats publics auxquels les citoyens ordinaires sont invités à participer. Ces activités contribuent à renforcer les compétences civiques et les connaissances des citoyens sur les enjeux de société. L'INM organise aussi des écoles de la citoyenneté pour les jeunes d'âge collégial et pour les jeunes adultes dans la vingtaine.
Depuis 2012, l'institut collabore avec le Directeur général des élections du Québec, afin de concevoir et de diffuser des campagnes de promotion de la participation électorale pour les jeunes et pour le grand public.
Enfin, l'INM tient une veille des travaux de recherche portant sur la vie démocratique notamment sur la participation électorale. Plusieurs aspects du projet de loi inquiètent l'Institut du Nouveau Monde, mais à la lumière de nos pratiques et de notre expertise en éducation civique, je me prononcerai aujourd'hui sur un seul aspect, à savoir la modification proposée à l'article 18 de la Loi électorale du Canada retirant à Élections Canada son mandat d'effectuer de l'éducation populaire.
Comme vous le savez tous sans doute déjà, le déclin de la participation électorale des Canadiens est une tendance lourde et profonde. Toutefois, un phénomène encore plus grave s'observe depuis les années 1980, soit la diminution constante et significative du taux de participation électorale initiale, c'est-à-dire le taux de participation des membres d'une nouvelle cohorte d'électeurs qui sont appelés à voter pour la première fois. Ce taux est passé de 70 % dans les années 1960, à 50 % dans les années 1980 et à 40 % dans les années 1990. Depuis le tournant des années 2000, ce taux reste sous la barre des 40 %.
Toutes les études démontrent que les électeurs qui ne votent pas la première fois qu'ils en ont le droit risquent fortement de ne pas voter plus tard. Étant donné qu'aujourd'hui les nouveaux électeurs sont si peu nombreux à voter au moment où ils atteignent la majorité, on doit s'attendre à ce que le taux de participation générale continue de diminuer. Il ne fait aucun doute, selon les experts, que la diminution de la participation aux élections fédérales est principalement due à la diminution du taux de participation initiale.
C'est pourquoi l'INM soutient qu'une stratégie globale, dont l'objectif est de renverser cette tendance dangereuse pour la légitimité du processus électoral, doit viser prioritairement les jeunes âgés de 16 à 24 ans, c'est-à-dire les jeunes sur le point d'acquérir le droit de vote ou de voter pour la première fois.
Élections Canada, tout comme l'Institut du Nouveau Monde, a mené des recherches afin de comprendre pourquoi les jeunes ne votent pas. Les résultats de ces sondages montrent que c'est principalement à cause d'un manque d'intérêt envers la politique. Lorsqu'on demande aux jeunes comment il faudrait susciter leur intérêt, ils répondent que l'éducation civique est le moyen le plus sûr.
Élections Canada a pris acte de ce fait et a commencé à agir afin de renverser cette tendance. En collaboration avec des organismes de la société civile, Élections Canada pilote des programmes d'éducation citoyenne, des activités novatrices de simulation du vote dans les écoles et des campagnes de promotion de la participation électorale.
Toute ces initiatives visent précisément à répondre aux besoins d'éducation civique non partisane nécessaire pour stimuler le vote des jeunes. Pourtant, la modification à l'article 18 proposée dans le projet de loi , plutôt que de renforcer le rôle d'éducateur non partisan d'Élections Canada, lui retire ce mandat.
[Traduction]
À la lumière de cette information, l'Institut du Nouveau Monde recommande que le projet de loi soit modifié afin de maintenir et de renforcer le rôle et la responsabilité d'Élections Canada dans la mise en place de programmes d'éducation civique et de campagnes de sensibilisation publique.
Nous croyons que davantage d'études doivent être menées pour mieux comprendre ce qui incite les jeunes à voter, que les programmes d'éducation actuels doivent être prolongés le plus longtemps possible, et que des nouvelles initiatives devraient être mises au point pour cibler les enjeux mis en évidence par les recherches.
Toutes les mesures visant à encourager les jeunes à aller voter devraient être encouragées et renforcées, et non éliminées.
Je serais heureuse de répondre à toutes vos questions.
Merci.
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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie.
Je suis ici aujourd’hui en tant que membre du conseil d’administration du Conseil des Canadiens et à titre de conseiller juridique de huit électeurs canadiens qui se sont adressés à la Cour fédérale en 2012 en vue d’obtenir une ordonnance annulant les résultats des élections fédérales de mai 2011 dans six circonscriptions du pays, car chacun d’eux était la victime visée d’une fraude électorale.
J'ai préparé une déclaration écrite, qui, je crois, a été traduite et remise à chacun d'entre vous. Par conséquent, je ne vais pas vous en faire la lecture. Je tiens toutefois à souligner certains des points les plus importants que nous souhaitons communiquer au comité et au gouvernement fédéral.
J'aimerais vous parler d’un aspect du projet de loi sur l’intégrité des élections qui n’a guère attiré l’attention, mais qui, selon nous, est essentiel à la préservation de l’intégrité du processus électoral et du droit de vote démocratique des Canadiens. Je fais référence à l’article 524 de la Loi électorale du Canada — et non du projet de loi —, qui habilite tout électeur à protéger son droit de vote garanti par la Constitution.
J'ai reproduit dans notre mémoire le libellé de l'article 524, qui habilite un électeur ou un candidat — et seulement un électeur et un candidat, pas le directeur général des élections, le commissaire ou tout autre responsable — à présenter une demande à la Cour fédérale pour faire annuler une élection dans certaines circonstances. Il s'agit notamment des circonstances figurant à l'alinéa 524(1)b) de la loi, à savoir des allégations d'irrégularité, de fraude, de manoeuvre frauduleuse ou d'acte illégal ayant influé sur le résultat de l'élection.
Bien que le comité s'intéresse beaucoup au rôle joué par le commissaire aux élections fédérales dans l’exécution de la loi, soit celui de poursuivre en justice les auteurs d’une fraude électorale, seul un candidat ou un électeur, comme je l'ai fait remarquer, peut demander au tribunal de rendre une ordonnance annulant le résultat d’une élection remportée frauduleusement.
Chaque électeur a le droit de protéger son droit de vote démocratique. Selon nous, c’est sans doute le moyen de dissuasion le plus fort contre la fraude électorale. C'est une chose de se lancer à la poursuite d'un fraudeur comme Pierre Poutine, de l'arrêter et de lui imposer de graves sanctions, mais c'en est une autre de retirer un gain mal acquis, lequel, dans certains cas, peut prendre la forme d'un siège au Parlement qui a été remporté frauduleusement.
Les membres du comité savent probablement que, le 23 mai 2013, le juge Mosley de la Cour fédérale a rendu sa décision relativement aux demandes présentées par mes clients et fait les constatations qui suivent. J'ai retranscrit dans mon mémoire certaines des constatations clés figurant dans sa décision, mais j'aimerais simplement attirer votre attention sur deux ou trois d'entre elles.
Il a constaté ce qui suit: « [...] on a délibérément tenté de supprimer des voix pendant l’élection de 2011. » Il a ajouté que les appels visant à diriger des gens vers les mauvais bureaux de scrutin avaient « ciblé les électeurs ayant exprimé plus tôt une préférence pour un parti d’opposition (ou tout autre parti que celui au pouvoir) [...] »
Il a aussi constaté qu'une ou des personnes ayant accès à la base de données du SGIC avaient consenti des efforts concertés pour supprimer des votes lors de la campagne électorale de 2011. Vous savez tous ce qu'est la base de données du SGIC. En outre, il a dit qu'il était convaincu qu’une ou des personnes actuellement inconnues à la cour avaient accédé à cette fin à la base de données du SGIC tenue et contrôlée par le Parti conservateur du Canada et que celle-ci était la source des renseignements utilisés pour frauder des électeurs canadiens.
Enfin, il a conclu que, durant le litige, les députés conservateurs défendeurs s’étaient livrés à une guerre de tranchées et qu'ils avaient eu recours à toutes les tactiques possibles et imaginables pour empêcher que l'affaire soit entendue par la cour.
Pour ce qui est de la question qui n'a pas été résolue, je pense que, compte tenu des conclusions du juge de la Cour fédérale, un chroniqueur national bien connu a parfaitement résumé la situation en disant: « Nous avons maintenant la preuve irréfutable d'une fraude électorale; nous ne savons tout simplement pas qui en est l'auteur. » Toutefois, les gens qui contrôlent la base de données du SGIC savent qui aurait pu télécharger, dans les jours précédant les élections, les listes de personnes qui n'appuient pas le Parti conservateur. En outre, la cour a conclu que, effectivement, la base de données avait été utilisée à cette fin.
Que prévoit à ce sujet le projet de loi dont vous êtes saisis? Rien. Il n'impose pas une plus grande reddition de comptes aux gestionnaires de ce genre de bases de données — pas seulement celle du Parti conservateur, mais celles de tous les partis politiques — s'ils les utilisent à mauvais escient.
En fait, tel qu'il est, le projet de loi fera en sorte que les électeurs auront davantage de difficulté à présenter le genre de requêtes que mon client a présentées. En effet, il est improbable que les électeurs découvrent qu'une fraude électorale a eu lieu pendant des élections en particulier, puisqu'on empêchera le commissaire et le directeur général des élections de déposer des plaintes publiques concernant des cas de fraude électorale qui sont portés à leur attention.
J'ai également présenté dans notre mémoire les amendements au projet de loi qui, selon nous, s'attaqueraient au problème de la fraude électorale et rendraient celle-ci moins probable au cours de futures élections fédérales.
Merci beaucoup de m'avoir accordé du temps aujourd'hui.
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Mon nom est Simon Rowland. Je suis le fondateur de Direct Leap Technologies, une firme de techniques de télécommunications et de communication avec les électeurs. Au fil des ans, nous avons créé une grande quantité de matériel de télécommunications.
La première chose que je veux dire, c'est que la portée des actes criminels en matière de fraude électorale à l'échelle nationale est époustouflante, un élément qu'il est important de ne pas perdre de vue lorsqu'on envisage des réformes à la Loi électorale canadienne.
J'ai quelques points à soulever. Le fait d'engager une firme de communication avec les électeurs qui n'est pas enregistrée doit constituer une infraction, afin que la responsabilité de vérifier l'enregistrement d'une firme incombe aussi aux clients. Les messages texte, les messages dans Facebook ainsi qu'une longue liste d'autres technologies de communication ne sont pas réglementés de façon adéquate en tant que moyen de communication avec les électeurs. Cette liste de technologies évoluera avec le temps à mesure que la communication avec les électeurs s'éloigne du démarchage électoral en personne et passe d'une technologie à l'autre. Cependant, les messages texte ne sont essentiellement pas réglementés du tout.
Élections Canada doit disposer d'un moyen beaucoup plus simple de demander des registres téléphoniques. Imaginez si Revenu Canada devait fournir des preuves dans un dossier de 50 pages pour avoir accès à la simple comptabilité et aux reçus afin d'entreprendre une vérification. Le processus actuel visant l'obtention des registres d'appels numériques pour une activité essentiellement publique, une communication publique, est le même que les détectives sont tenus de suivre pour entrer chez quelqu'un par la force. Étant donné que les enquêtes modernes porteront souvent sur des appels téléphoniques, il faut que les enquêteurs aient les mêmes pouvoirs que le CRTC pour demander simplement les registres aux fournisseurs ou, dans le même ordre d'idées, qu'ils aient le droit de demander les registres des bases de données du renseignement qui correspondent aux plaintes des électeurs.
Ces moyens, semblables à ceux utilisés par le CRTC pour demander les registres d'appels, facilitent la vérification des données fournies par les firmes de communication avec les électeurs, car il suffit de demander aux fournisseurs auxquels ces firmes acheminent les appels de présenter les registres correspondants. Si un centre d'appels qui fait l'objet d'une enquête présente un tableau d'appels comme preuve, comme l'a fait par exemple RMG pendant les poursuites intentées devant la Cour fédérale, ce serait bien de pouvoir vérifier facilement qu'aucun appel ne manque à la liste. La possibilité de faire facilement des recoupements entre ces registres rehausserait l'utilité de ces dossiers informatiques en tant que preuve.
La plainte d'un électeur doit être suffisante pour extraire les registres téléphoniques pertinents et demander aux principaux fournisseurs de déterminer si les appels visés ont transité par leur réseau. Cela permet de remonter la piste de ces appels jusqu'à leur centre d'appel d'origine au moyen des dossiers de facturation. Il faut modifier la loi pour qu'Élections Canada puisse réclamer plus facilement les registres téléphoniques. Comme le CRTC, Élections Canada mène maintenant ses activités au XXIe siècle et est essentiellement un organisme de réglementation des télécommunications.
Les enquêtes finiront par exiger la collaboration d'organismes d'application de la loi du monde entier, ce qui doit être facilité à l'avance.
Il pourrait être nécessaire de déclarer que la fraude électorale à une échelle industrielle est suffisamment importante pour être considérée comme une priorité de sécurité nationale afin d'autoriser la coopération internationale et permettre de retracer les appels frauduleux et leurs auteurs. En effet, ce statut est habituellement exigé pour que d'autres pays acceptent de traiter nos assignations.
Imaginez qu'un centre d'appels étranger diffuse des renseignements erronés afin d'influencer le résultat des élections dans un autre pays, ou qu'il altère simplement l'intégrité du processus. Des infractions qu'on peut facilement imaginer peuvent être très graves et il faut prévoir un cadre adéquat pour les enquêteurs.
Un autre élément à considérer est que tous les appareils de télécommunications sont conçus pour recueillir les registres d'appels en temps réel puisque ceux-ci sont nécessaires aux fins de facturation. Les registres des firmes de communication avec les électeurs devraient être acheminés vers une installation d'archivage sécurisé des registres à Élections Canada, comme partie intégrante du Registre de communication avec les électeurs. Communiquer un message politique à des électeurs est essentiellement une activité publique, et le fait de mettre automatiquement ces registres à la disposition d'Élections Canada aux fins d'enquête ou de vérification et d'archivage relève simplement d'un souci de transparence qui permettrait aux enquêteurs de retrouver facilement un appel correspondant à la plainte d'un électeur.
Nous pouvons faire beaucoup de choses pour faciliter l'enquête sur la fraude électorale par téléphone. Par exemple, les entreprises qui offrent des services d'appels aux électeurs devraient essentiellement faire l'objet de vérifications, car elles accomplissent des activités d'intérêt public. Il faudrait donner à Élections Canada le pouvoir de vérifier l'infrastructure technique et les dossiers financiers de ces entreprises. On pourrait tout simplement commencer par vérifier chaque entreprise qui fait des appels aux électeurs et qui a fait de tels appels au cours de la dernière campagne électorale.
Je trouve étrange qu'après que le Parlement a décidé à l'unanimité de confier de nouveaux pouvoirs à Élections Canada à la suite des révélations selon lesquelles il y aurait eu fraude électorale à grande échelle lors de la dernière campagne, ce projet de loi prévoit plutôt lui retirer certains pouvoirs pertinents.
Merci, monsieur le président.
:
Je suis désolé. J'ai dit que ce sont surtout les partis politiques qui devraient avoir la responsabilité de motiver les jeunes à voter. Il nous incombe, en tant que candidats, d'inciter et de motiver les jeunes à voter.
Cependant, un autre problème se pose pour les jeunes. Mes propos sont fondés sur les données d'Élections Canada. Après les dernières élections, Élections Canada a étudié les raisons pour lesquelles les jeunes ne votent pas et a déterminé qu'ils ne le font pas surtout en raison de problèmes logistiques et parce qu'ils manquent d'information. Par exemple, certains ne savaient pas où aller voter; 25 % des jeunes ont signalé ce problème. En outre, 26 % des jeunes ont mentionné qu'ils ne savaient pas quand ils devaient aller voter, tandis que 19 % ont indiqué qu'ils ne savaient pas comment voter; ces facteurs ont joué un rôle dans leur décision.
Bien entendu, je crois que les obligations d'Élections Canada, qui consistent à veiller à ce que les jeunes disposent de renseignements sur l'endroit et le moment où aller voter ainsi que sur la façon de le faire... Je crois que l'un des aspects les plus importants, qui a été signalé par un grand nombre de témoins, est le fait qu'ils ne savent pas quelles sont les pièces d'identité exigées, ou quelles sont celles qui figurent sur la liste des 39...
Pensez-vous qu'on inciterait plus de jeunes à aller voter si on exigeait qu'Élections Canada se concentre davantage sur ce rôle, qui consiste à communiquer de l'information?
:
Je vous remercie. Je pense qu'il y a plusieurs questions dans ce que vous venez de dire.
Tout d'abord, je suis favorable à ce que tous les efforts nécessaires soient déployés systématiquement pour que les jeunes sachent où et comment voter. S'il y a de nouvelles stratégies plus efficaces à mettre en oeuvre, je crois qu'elles devraient l'être. Cela dit, ce n'est pas mon domaine d'expertise et donc je ne pourrai pas vous dire dans quelle mesure quelles stratégies devraient être privilégiées plutôt que d'autres.
Par contre, ce que vous nous dites, c'est que vous considérez que c'est la responsabilité des partis de répondre à la question de la motivation des jeunes. La deuxième raison pour laquelle les jeunes ne vont pas voter, qui n'est pas d'ordre logistique mais de l'ordre de la motivation, doit être considérée par les partis politiques, comme vous l'avez bien dit. Je partage votre avis. C'est une des responsabilités des partis de susciter de l'intérêt chez les électeurs et les futurs électeurs pour les idées qu'ils veulent promouvoir en démocratie. Cela fait partie du processus démocratique.
Cela étant dit, je crois qu'Élections Canada a également un rôle à jouer. C'est un rôle différent qui lui incombe du fait qu'il est un agent non partisan qui est au service du Parlement et au service des Canadiens. Ce rôle distinct lui permet donc de parler autrement aux jeunes et de susciter lui aussi de l'intérêt.
J'ai envie de vous dire que l'un n'exclut pas l'autre. Tous les efforts possibles devraient être mis en oeuvre.
:
Je suis désolé. L'acoustique de la salle laisse à désirer, je sais.
La question porte sur les étudiants qui poursuivent des études postsecondaires loin de chez eux. Dans ce cas, l'étudiant peut manifestement décider quel sera son lieu de résidence en vue de l'exercice de son droit de vote. Si j'ai bien compris la loi, un étudiant est censé exercer son droit de vote dans la circonscription où il considère avoir son lieu de résidence. C'est un choix qu'il fait lorsqu'il établit son lieu de résidence.
Il a le choix de voter dans la circonscription d'où il vient, là où habitent ses parents, s'il a l'intention de retourner vivre là-bas et s'il considère que c'est son lieu de résidence. S'il choisit cette option, il peut naturellement voter par bulletin spécial sans avoir à retourner chez lui. S'il choisit de voter dans la circonscription de l'université où il étudie, il dispose alors d'une variété d'options. Par exemple, s'il vit en résidence, il peut se procurer une attestation de résidence de la résidence étudiante.
Je suis curieux. Savez-vous combien d'étudiants vivent en résidence parmi ceux qui décident de déclarer l'université comme étant leur lieu de résidence? Connaissez-vous le pourcentage ou le nombre d'étudiants qui vivent en résidence, loin de chez eux?
Je voulais souligner le rôle que le Conseil des Canadiens a joué, sous l'action du processus judiciaire, dans la révélation publique du peu que nous savons. Je tiens à vous remercier de vos efforts. Grâce à ceux-ci, l'un des principaux juges du pays, le juge Mosley, a rendu une décision concluant que, comme vous l'avez indiqué, « une ou des personnes ayant accès à la base de données du SGIC ont consenti des efforts concertés pour supprimer des votes lors de la campagne électorale de 2011 ». Nous savons qu'il s'agit de la base de données des conservateurs, laquelle de l'avis du juge était la source la plus probable des renseignements utilisés pour procéder aux appels trompeurs.
Votre détermination à obtenir une décision mérite d'autant plus nos remerciements que le juge a indiqué que vous avez été confrontés à une « guerre de tranchées ». Il a mentionné les tentatives de « faire obstacle par tous les moyens à la présente procédure » et de « faire échouer » l'affaire, mises en branle par les avocats du Parti conservateur représentant les députés, qui, dois-je ajouter, n'avaient sans doute pas un mot à dire sur la façon dont leur affaire était menée.
Vous avez également indiqué ici — et à mon avis c'est fort important — combien la base de données était cruciale. J'aurai des questions à ce sujet pour M. Rowland. Vous avez indiqué avec quelle rapidité les personnes ayant accès à la base de données du Parti conservateur pouvaient déterminer qui avait téléchargé la base de données, à quel moment et, soyons francs, de quel endroit. Récemment, nous avons appris qu'on avait retracé l'origine d'un téléchargement jusqu'à un haut responsable du Parti conservateur — un certain M. Soudas —, avec pour résultat que le l'a libéré de ses fonctions. Pourtant, on n'arrive pas à trouver qui a téléchargé les données en 2011.
Monsieur Rowland, vous avez laissé entendre sans équivoque, d'après ce que j'ai compris, que le système prévu dans le projet de loi pour contrôler les appels automatisés est, au mieux, minimaliste, et qu'il ne pourra pas détecter une fraude comme celle des appels automatisés en 2011. Qu'en pensez-vous?
:
En effet. Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les chiffres. Vous avez dit que 174 circonscriptions auraient été touchées. Si on considère qu'il y a, au total, 308 circonscriptions, on voit que les abus commis pendant les dernières élections ont atteint une ampleur incroyable, sans oublier que, d'après ce que j'ai compris, plus de 30 000 Canadiens ont communiqué avec Élections Canada à ce sujet.
De toute évidence, les appels automatisés sont au coeur du problème. Ce sont vraiment ces appels qui ont déchaîné la colère de nombreux citoyens d'un bout à l'autre du pays. Le projet de loi à l'étude a été grandement motivé par cette affaire, je crois.
Monsieur Shrybman, pendant votre exposé, il a été question d'obtenir justice pour toute cette histoire, qui trouve sa source, selon moi, dans la base de données... On parle de dizaines de milliers d'appels frauduleux, certains faits tard le soir pour contrarier les gens et les amener peut-être à ne pas voter pour un certain parti, d'autres faits pendant des journées inappropriées, ou d'autres encore, placés le jour même des élections, qui disaient aux gens d'aller voter à un autre endroit... Ces appels visaient tous le même but: empêcher les gens de voter.
D'après les documents juridiques — et comme vous l'avez montré pendant votre exposé — il semble que la base de données du Parti conservateur était liée à la base de données qui aurait, fort probablement, été utilisée pour placer ces appels. Nous ne savons pas qui a fait ces appels, mais êtes-vous relativement certain...? Vous avez déposé un document qui cite le juge Mosley. Pourriez-vous expliquer davantage pourquoi on peut affirmer avec une telle assurance que c'est la base de données du Parti conservateur qui semble avoir été utilisée pour placer ces dizaines de milliers d'appels?
:
Eh bien, je crois que c'est le juge Mosley qui a formulé ces conclusions à propos de la base de données et de l'utilisation du système des conservateurs, le CIMS. En plus de conclure que le CIMS était au coeur de cette affaire, le juge Mosley a conclu que la campagne — une campagne qui, d'après ses conclusions, s'est déroulée en 2011 — était organisée par quelqu'un qui avait accès à la base de données et disposait de l'autorité requise pour réaliser, avec ces données, une manoeuvre beaucoup plus vaste que celle menée dans Guelph par M. Poutine, quel que soit son vrai nom.
Je crois, comme vous, que tout tourne autour de la base de données. Il serait possible d'utiliser des méthodes très simples pour faire en sorte que les gens qui maintiennent ces bases de données aient à répondre de leur utilisation. L'une de ces méthodes consisterait à donner au commissaire aux élections fédérales le pouvoir d'exiger qu'on lui soumette les dossiers de la base de données.
L'autre méthode, qui m'apparaît tout aussi importante, serait d'autoriser des électeurs individuels à intenter une poursuite en vertu de l'article 524, à nommer comme accusé un parti politique précis, et à procéder par voie de procès plutôt que par requête, ce qui leur procurerait un droit d'examen et d'interrogatoire. Autrement dit, dans ce cas précis, nous aurions pu nommer comme accusé le Parti conservateur du Canada en plus de certains députés, obliger le parti à soumettre les dossiers de sa base de données, et contre-interroger ceux qui en ont la responsabilité. Nous aurions alors pu savoir qui a appuyé sur le bouton.
:
Madame Fahmy, j'aimerais reprendre là où j'étais rendu tout à l'heure. J'ai manqué de temps pour le dernier point dont j'aimerais discuter avec vous.
Vous avez indiqué que les étudiants universitaires ne sont pas nécessairement votre spécialité, mais lorsque vous encouragez les gens à participer à la démocratie et aux élections, je sais que vous cibler particulièrement les jeunes. Ce faisant, vous acquérez de toute évidence certaines connaissances. J'aimerais me concentrer brièvement là-dessus.
Voici où je voulais en venir essentiellement lorsque je vous ai demandé si vous connaissiez le nombre vivant en résidence. Lorsqu'une personne quitte son domicile pour aller étudier à l'université, quelques options s'offrent à elle. Tout dépend de l'endroit qu'elle détermine être son lieu de résidence, car c'est là qu'elle doit voter. La personne qui a l'intention de retourner vivre chez ses parents l'été peut considérer que son lieu de résidence est le domicile de ses parents. Le cas échéant, elle devra voter dans la circonscription correspondante, qui peut être différente de celle où elle habite en ce moment. Une telle situation peut également se présenter pour d'autres raisons, notamment le travail.
Bien entendu, des dispositions prévoient que les gens puissent voter dans la circonscription où se situe ce qu'il considère être leur lieu de résidence et où ils ont l'intention de retourner. Entre autres, la personne peut demander un bulletin spécial de vote par correspondance. Je connais des gens qui ont voté de cette façon. Le processus est assez simple. Je crois également — et qu'on me corrige si j'ai tort, mais je suis pratiquement certain de ne pas me tromper — qu'une personne peut se présenter à un bureau d'élection n'importe où au pays et demander de voter par correspondance dans sa circonscription, pour autant qu'elle prouve qu'elle y réside. Il y a donc des options disponibles.
Nous avons convoqué d'autres témoins à comparaître devant nous pour parler précisément de la situation étudiante, et je crois comprendre que la difficulté n'est généralement pas de prouver son identité. Habituellement, cela ne pose pas problème. On nous a plutôt indiqué que la difficulté est de prouver son adresse. On veut nous faire croire que ceci est attribuable au fait tout probable que ces étudiants font acheminer tout leur courrier à l'adresse domiciliaire de leurs parents. Or, si c'était le cas, il est tout probable, selon moi, qu'ils considéreraient l'adresse de leurs parents comme étant leur lieu de résidence, auquel ils devraient voter en utilisant la procédure de bulletin spécial par correspondance.
Cela dit, l'étudiant qui considère que son lieu de résidence se situe là où il fréquente l'université a des options. C'est l'une des raisons pour lesquelles je vous ai demandé si vous aviez une idée du nombre d'étudiants qui vivent en résidence. Il peut demander une attestation du lieu de résidence à l'établissement d'enseignement ou présenter d'autres pièces d'identité. Si la personne considère que l'endroit où elle habite pour la durée de ses études est son lieu de résidence permanent, elle peut produire un état de compte de carte de crédit, une facture de service public, un exemple de correspondance émise à son intention par l'établissement d'enseignement, un relevé des prestations gouvernementales touchées, un avis lié à l'impôt sur le revenu, une politique d'assurance, voire un relevé de bail ou d'hypothèque. Même un étudiant qui ne vit pas en résidence n'a qu'à montrer son bail. Je sais qu'il y a des situations où les étudiants sont plusieurs à cohabiter. Dans ce cas, ils peuvent certainement faire ajouter leur nom au bail.
Ma question est la suivante: serait-il utile, pour Élections Canada, de pouvoir mieux communiquer aux gens que ces options sont disponibles, que ce soit le bulletin de vote spécial par correspondance, ou les autres formes de pièces d'identité qu'ils peuvent fournir? Est-ce que cela vous aiderait si Élections Canada vous donnait ces renseignements pour que ces personnes puissent être plus en mesure de connaître les options qui s'offrent à elles pour voter?
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse plus spécifiquement à Mme Fahmy.
Élections Canada a, avec le temps, adopté différentes mesures et vous avez proposé des idées qui sont selon moi très intéressantes pour favoriser le vote initial.
J'ai beaucoup aimé votre présentation parce qu'il est vrai que toutes les études prouvent que quelqu'un qui va voter à la première occasion, soit dès qu'il a plus de 18 ans, va avoir beaucoup plus de chances de retourner voter à toutes les élections subséquentes.
J'aimerais connaître votre opinion sur deux mesures dont vous n'avez pas parlé au cours de votre présentation. Compte tenu de la loi actuelle, Élections Canada ne peut pas, présentement, entrer en contact avec quelqu'un qui n'est pas déjà un électeur canadien. Cela veut dire qu'Élections Canada ne peut pas communiquer avec une personne qui est âgée de moins de 18 ans. Permettre à Élections Canada de le faire serait-il une bonne mesure? Dans le cas d'une élection à date fixe, comme c'est le cas présentement, Élections Canada sait très bien qui aura 18 ans le jour de l'élection et pourrait s'assurer qu'ils sont inscrits sur la liste électorale et qu'ils sont en mesure de voter.
L'autre mesure serait d'encourager au maximum l'embauche de jeunes entre 16 et 18 ans pour travailler le jour de l'élection. De cette façon, en étant sur place et en travaillant pour Élections Canada, ils auraient un accès direct au système et cela pourrait les intéresser davantage.
Pourriez-vous me donner votre avis sur ces deux mesures spécifiques?
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Je vous remercie tous d'être présents ici.
Je mettrai encore l'accent sur le vote des jeunes et des étudiants dans mes observations et mes questions. Bien des témoins ont souligné que certains jeunes n'ont tout simplement pas les pièces d'identité nécessaires pour voter et qu'il s'agit d'une bonne raison pour que les électeurs puissent continuer à avoir recours aux répondants et à la carte d'information de l'électeur pour confirmer leur lieu de résidence.
Je tiens à rappeler à tout le monde, et surtout à mes collègues, que je suis membre de ce comité depuis maintenant 10 ans et qu'en 2006 — je m'en souviens — nous avons eu une très longue discussion sur le recours aux répondants et à la carte d'information de l'électeur. Presque tous les membres du comité, et surtout les libéraux, croyaient fermement à l'époque qu'il ne faudrait pas que les cartes d'information de l'électeur soient utilisées. Le directeur national du Parti libéral, M. MacKinnon, a comparu et il a dit que les électeurs devraient présenter des pièces d'identité valables et que le recours aux répondants et à la carte d'information de l'électeur devrait être interdit. Il est donc intéressant de voir comment les libéraux en particulier ont changé leur fusil d'épaule afin de faire des gains politiques.
Voici où je veux en venir. Comme vous l'avez mentionné dans vos observations, les électeurs peuvent utiliser 39 pièces d'identité pour confirmer leur identité et leur lieu de résidence. C'est Élections Canada qui a dressé cette liste, pas le gouvernement. Ce ne sont pas les conservateurs qui ont déterminé qu'il s'agissait des 39 pièces d'identité satisfaisant les exigences en matière d'identification.
Puisque c'est Élections Canada qui a dressé cette liste, votre organisation a-t-elle envisagé de lui envoyer une lettre pour que les étudiants qui ne peuvent pas voter à l'heure actuelle puissent utiliser d'autres pièces d'identité? Comme en 2006, nous sommes d'avis que le caractère sacré du vote est aussi important que le droit des Canadiens d'exercer leur droit de vote.
J'essaie de trouver une façon de concilier ces deux éléments qui semblent parfois contradictoires. Envisageriez-vous de mener une recherche et de peut-être formuler des recommandations à Élections Canada en vue d'élargir la liste des 39 pièces d'identité admissibles?