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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 avril 2014

[Enregistrement électronique]

(1900)

[Traduction]

    Nous accueillons ce soir de nombreux témoins: Keith Lanthier, à titre personnel; Richard Bilodeau et Ann Salvatore, du Bureau de la concurrence et Marie-France Kenny, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
    M. Richards invoque le Règlement.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai très bref, parce que je veux consacrer le plus de temps possible à nos témoins de ce soir.
    Cependant, on a signalé, surtout dans les médias, qu'Élections Canada a signé des contrats, prévoyant paiements et rémunération, avec certains des témoins qui ont comparu devant notre comité dans le cadre de cette étude. Par exemple, Paul Thomas a témoigné devant nous la semaine dernière, soit lundi soir, si je ne m'abuse. Or, il n'a nullement été signalé, au cours de son témoignage ou autrement, qu'il avait signé un contrat avec Élections Canada, alors que selon moi, cela aurait dû être divulgué.
    On pourrait bien débattre du bien-fondé de la chose, mais prenons l'exemple des députés: nous divulguons tous nos intérêts financiers, en vertu du Code régissant les conflits d'intérêts des députés. Les témoins qui comparaissent devant un comité devraient donc aussi divulguer leurs intérêts financiers.
    Monsieur le président, je vous demande d'envoyer une lettre à M. Mayrand, directeur général des élections à Élections Canada, pour lui demander de divulguer tous les contrats conclus entre les témoins qui ont comparu devant le comité au sujet de ce projet de loi et Élections Canada, de même que la nature du travail effectué en échange d'une rémunération.
    M. Mayrand rend compte au Parlement par l'intermédiaire de notre comité, et nous avons le droit de savoir. Comme ces renseignements devraient être communiqués, je vous demande d'écrire à M. Mayrand pour qu'ils soient transmis au comité.
     Monsieur Christopherson, s'agit-il du même rappel au Règlement, ou d'un point différent?
    Non, il s'agit du même point.
    J'ai déjà abordé cette question, qui avait été mise de côté, ce qui nous convenait bien. Or, ils remettent la question sur le tapis: « Faites-vous ou avez-vous déjà fait partie de l'équipe du directeur général des élections? » En fait, si les députés ministériels veulent poser des questions aux témoins, quelles qu'elles soient, ils en ont tout à fait le droit, mais il n'incombe pas à la présidence de le faire. Cela fait partie des procédures.
    J'ai l'impression que vous me signalez que je devrais attendre un instant...
    Non, je n'ai fait que remarquer que M. Simms avait également levé la main. C'est un regard lourd de frustration que j'aimerais...
    Eh bien, nous pourrions en finir rapidement si vous déclariez que vous ne le ferez pas.
    J'aimerais entendre le point de vue de tous d'abord, puis je dirai...
    Alors cela ouvre la voie à toute une série de questions.
    C'est du côté du gouvernement qu'on a pris cette décision, puis d'imposer ce filtre aux témoins, mais ils peuvent leur poser n'importe quelle question. Le plus souvent, ils s'évertuent à écouler leur temps de toute façon, parce qu'ils n'aiment pas les réponses qu'ils obtiennent, mais de là à faire en sorte que cela fasse partie de la procédure habituelle et que le président de la séance... C'est bien différent. C'est presque comme faire prêter serment aux témoins, leur faire faire des pirouettes et divulguer certains renseignements avant même que la séance ne puisse commencer.
    Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
    Ce n'est pas tant la question qu'on pose, mais le fait qu'on vous demande de la poser, en tant que président, au nom de tous, et nous rejetons catégoriquement cette idée.
    Monsieur Simms, au sujet du même rappel au Règlement...
    D'après mon expérience, on tient toujours une discussion avant les témoignages en comité. On explique alors qui sont les témoins. Peut-être que c'est à ce moment-là qu'ils auraient dû aborder la question.
    En situation normale, cela aurait bien pu être le cas. Or, nous ne sommes pas vraiment rendu là.
    Monsieur Mayrand rend effectivement des comptes au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, et on demande au comité de procéder ainsi, mais je vais prendre la décision en délibéré pour ce soir.
    Allons-y avec les témoins.
    Monsieur Richards.
    Permettez-moi d'ajouter quelques mots brièvement. On a soulevé quelques points réfutant ce que je vous avais demandé de faire, mais au bout du compte, je crois bien que nous avons un exemple d'un témoin qui a comparu devant notre comité sans que ces renseignements soient révélés.
    Je ne crois pas qu'il incombe aux députés siégeant au comité d'étudier les antécédents des témoins. Je pense que cela...
    M. David Christopherson: Voulez-vous que je reprenne la parole? Je suis sûr que non. Il n'aura pas la parole et nous non plus. Alors monsieur le président... [Note de la rédaction: Inaudible].
    M. Blake Richards: Lorsqu'il existe de tels intérêts, cela devrait tout simplement être révélé. C'est la raison pour laquelle nous demandons à ce que...
    M. David Christopherson: Le président a tranché.
    Je comprends votre position, monsieur Richards.
    Monsieur Christopherson, souhaitiez-vous intervenir à nouveau?
    Je préférerais qu'on laisse tomber et qu'on passe à autre chose.
    Monsieur Reid, s'agit-il toujours du même rappel au Règlement?
    Oui. Je comprends et respecte les sentiments profonds et la passion de M. Christopherson. Cependant, certaines de ses analogies m'irritent. Il a établi une comparaison avec les audiences de McCarthy — « Êtes-vous ou avez-vous déjà été membre du Parti communiste? » —, et c'est tout à fait inapproprié. Il est question de déterminer s'il y a conflit d'intérêts, et non pas si quelqu'un satisfait à des critères de pureté choquants du genre de ceux imposés dans les années 1950 lors des audiences militaires de McCarthy.
    Merci, monsieur Reid.
    J'aimerais que nous reprenions tous notre calme et que nous passions aux témoins.
    Nous y reviendrons plus tard.
    Monsieur Lanthier, je vous invite à présenter vos remarques liminaires.
(1905)
    Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité à témoigner.
    On l'a dit, je m'appelle Keith Lanthier. J'habite dans la circonscription de South Shore—St. Margaret's, en Nouvelle-Écosse.
    Lorsque j'ai appris que le comité allait tenir des audiences à Ottawa seulement, je me suis dit que je devais faire quelque chose. J'aurais pu en parler à mon député, mais il n'y avait pas assez de temps, et je n'étais même pas sûr d'obtenir une réponse. Il était important pour moi d'exprimer mon point de vue.
    L'organisation d'élections justes est la pierre angulaire de n'importe quelle démocratie. Je dois admettre que je ne songeais pas beaucoup à cette question auparavant. J'avais très peu d'attentes à l'égard des élections. J'avais le sentiment du devoir accompli chaque fois que j'allais voter, mais c'était tout.
    Mon opinion a changé à partir de l'élection fédérale de mai 2011, marquée par le scandale des appels automatisés, et encore plus après la présentation du projet de loi C-23 au Parlement. Dans toutes les régions du pays, on discute de la loi sur l'intégrité des élections et on réfléchit à la fonction essentielle que des élections justes remplissent dans notre démocratie.
    Selon moi, deux grandes questions se posent: la Loi sur l'intégrité des élections renforcera-t-elle la démocratie canadienne en faisant en sorte que tous les Canadiens ayant le droit de vote soient capables d'exercer ce droit fondamental? Est-ce qu'elle assurera la tenue d'élections justes? Même s'il y a du bon dans le projet de loi, force est de constater, selon moi, que la réponse à ces deux questions est « non ».
    D'abord, le projet de loi prévoit éliminer deux options qui se sont révélées utiles pour les électeurs qui ne possèdent pas les pièces d'identité indiquant le nom et l'adresse, qui sont exigées normalement pour voter. Il s'agit de la carte d'information de l'électeur et du recours à un répondant.
    Lors de la dernière élection fédérale, plus de 100 000 Canadiens ont fait appel à un répondant pour pouvoir voter. Il y a bien des raisons pour lesquelles on peut ne pas avoir les pièces d'identité nécessaires. Chaque année, 13 % des Canadiens déménagent, et à peu près 4 millions de personnes n'ont pas de permis de conduire. La mise en oeuvre des modifications proposées nuirait à de nombreux groupes de gens.
    Le ministre a déclaré à maintes reprises que ces modifications sont nécessaires pour éviter la fraude électorale. Harry Neufeld a reconnu qu'il y avait eu des irrégularités dans 1,3 % des cas, mais que rien ne prouvait qu'il y avait eu fraude électorale. Il a aussi fait remarquer que ces erreurs administratives peuvent être causées par de multiples facteurs. M. Neufeld a fait un certain nombre de recommandations, mais aucune d'entre elles ne prévoyait éliminer l'utilisation du répondant ou de la carte d'information de l'électeur.
    Il est aussi extrêmement important que le processus électoral soit indépendant et transparent. L'un des problèmes du projet de loi C-23, c'est qu'il modifie les règles de sélection des fonctionnaires électoraux, dont les superviseurs de centres de scrutin. Il est à craindre que ces changements compromettent la nature non partisane de ces postes.
    De plus, le rôle du directeur général des élections est appelé à changer considérablement. Le projet de loi l'empêchera, lui et Élections Canada, de sensibiliser la population — notamment les enfants et les jeunes, qui forment la prochaine génération d'électeurs — à l'égard de notre système démocratique. Plus de 500 000 étudiants ont pourtant pris part au programme « Vote étudiant » lors de la dernière élection. Il est clair que le déclin du taux de participation aux élections est un problème, je crois que nous en convenons tous. Mais la solution ne consiste sûrement pas à cesser de sensibiliser la prochaine génération d'électeurs.
    Enfin, il faudrait que les mécanismes nécessaires soient en place pour qu'on puisse faire des enquêtes approfondies lorsqu'on soupçonne l'existence de fraude électorale. Mais le projet de loi C-23 prévoit seulement lancer une enquête indépendante lorsqu'il y a des motifs raisonnables de le faire. L'enquêteur n'aura toujours pas le pouvoir de contraindre une personne à témoigner. Voilà l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens ne savent toujours pas grand-chose sur l'utilisation irrégulière des appels automatisés durant la dernière campagne électorale.
    Le contraste est fort avec l'article 11 de la Loi sur la concurrence, qui autorise un juge à ordonner la présentation sous serment de preuves ou de documents s'il est convaincu que les renseignements en question sont pertinents à l'enquête.
    Ce ne sont là que quelques-unes des lacunes sérieuses du projet de loi que je peux signaler dans le temps dont je dispose. C'est pour ces raisons, et pour d'autres encore qui suscitent des craintes, que le projet de loi C-23 doit être retiré.
    Tous les Canadiens doivent contribuer au débat sur le sujet, et non seulement ceux qui ont pu présenter un mémoire ou témoigner devant le comité. La question ne devrait pas simplement faire l'objet d'une joute politique; elle est trop importante pour notre démocratie.
(1910)
    Je crois fermement que toute discussion sérieuse portant sur une réforme électorale doit comprendre la possibilité d'adopter une forme de représentation proportionnelle. De cette façon, tous les votes compteront. Les Canadiens doivent pouvoir s'exprimer dans ce débat. Dans ma région, il y en a beaucoup qui ont fait connaître leur avis, et il est nécessaire de le respecter. La légitimité est garantie par un processus exhaustif et consultatif.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bilodeau du Bureau de la concurrence.
    Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à nous faire entendre.

[Français]

     Je m'appelle Richard Bilodeau. Je suis sous-commissaire adjoint de la Direction générale des affaires civiles au Bureau de la concurrence.

[Traduction]

    Je suis accompagné d'Ann Salvatore, sous-commissaire adjointe par intérim de la Direction générale des affaires criminelles.
    J'aimerais décrire brièvement le mandat du Bureau de la concurrence et vous donner un aperçu des pouvoirs d'enquête dont il dispose en vertu de la Loi sur la concurrence.
    En tant qu'organisme d'application de la loi indépendant, le Bureau de la concurrence veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et novateur. Dirigé par le commissaire de la concurrence, le bureau est chargé d'assurer et de contrôler l'application de la Loi sur la concurrence, de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation — sauf en ce qui a trait aux aliments —, de la Loi sur l'étiquetage des textiles et de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux.

[Français]

    La Loi sur la concurrence accorde au commissaire le pouvoir d'enquêter sur les comportements anticoncurrentiels. La Loi sur la concurrence contient des dispositions civiles et criminelles et vise des comportements comme le trucage des offres, les indications fausses et trompeuses, la fixation des prix ou l'abus de position dominante dans un marché, entre autres.
    Le Bureau de la concurrence examine également les fusions dont la valeur dépense un certain seuil, afin de déterminer si elles sont susceptibles d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
    Le bureau est un organisme d'enquête qui n'exerce aucune fonction juridictionnelle. Si une affaire civile fait l'objet d'un litige, le commissaire peut s'adresser à un tribunal spécialisé, tel que le Tribunal de la concurrence, ou à d'autres tribunaux afin qu'une mesure corrective soit prise. Le commissaire peut, à tout moment d'une enquête, renvoyer une affaire criminelle au directeur des poursuites pénales pour que des poursuites soient intentées devant les tribunaux. Les affaires criminelles sont habituellement renvoyées lorsque le commissaire est d'avis que la preuve démontre qu'une infraction a été commise.
    Le commissaire de la concurrence peut entreprendre une enquête en se fondant sur des renseignements obtenus de diverses sources, comme des observations sur le marché, en réponse à des plaintes officielles ou encore à la suite de demandes d'immunité ou de clémence.

[Traduction]

    Le programme d'immunité est l'un des outils les plus efficaces dont dispose le Bureau de la concurrence pour déceler les activités anticoncurrentielles interdites par la Loi sur la concurrence et faire enquête à leur sujet. Conformément à ce programme, le Directeur des poursuites pénales peut accorder l'immunité à la première partie qui dénonce une infraction que le bureau n'a pas encore décelée ou qui fournit une preuve menant au dépôt d'accusations, à la condition que cette partie coopère avec le bureau.
    En vertu du programme de clémence, le bureau peut recommander au Directeur des poursuites pénales que les personnes ayant enfreint les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives au cartel qui se montrent coopératives et qui ne sont pas admissibles à l'immunité puissent néanmoins bénéficier de la clémence au moment de la détermination de leur peine.

[Français]

    Lorsque le bureau a des raisons de croire qu'il y a eu une infraction à la Loi sur la concurrence, le commissaire peut ouvrir une enquête officielle, en vertu de l'article 10 de la loi.
     Lorsqu'une enquête officielle est ouverte, le bureau peut recueillir des renseignements de différentes façons, volontairement ou par l'exercice de pouvoirs d'enquête officiels conférés par la loi et le Code criminel.
    Le bureau part du principe que la majorité des entreprises canadiennes souhaitent se conformer à la loi et aux règlements en matière de concurrence. Le bureau reconnaît ce vif désir de se conformer et met en place des programmes de promotion, de sensibilisation, d'information, d'encouragement, de mobilisation et autres sur la conformité, de sorte que les entreprises saisissent très clairement ce que la loi attend d'elles.
    Toutefois, si les entreprises qui exercent une emprise sur le marché appliquent des pratiques anticoncurrentielles, le bureau utilisera toute la rigueur de la loi pour assurer la conformité.

[Traduction]

    Les pouvoirs d'enquête officiels conférés au bureau par les articles 11, 15 et 16 s'appliquent aux enquêtes civiles et criminelles. Dans le cas d'affaires criminelles, le bureau a également accès à des pouvoirs additionnels conférés par le Code criminel.
    En vertu de l'article 11, le commissaire peut demander des ordonnances exigeant une déposition orale, une déclaration écrite, ou la présentation de documents utiles à l'enquête. En vertu des articles 15 et 16, le commissaire peut demander des ordonnances lui permettant de procéder à des perquisitions et de saisir des renseignements pertinents. Dans les affaires criminelles, le commissaire peut demander des mandats ou des ordonnances en vertu du Code criminel lui permettant d'obtenir des renseignements, de procéder à des perquisitions ou de mener des écoutes électroniques. Le bureau doit toujours demander une autorisation judiciaire pour utiliser ses pouvoirs d'enquête officiels.
(1915)

[Français]

    Je vous remercie de votre attention.
    Ce sera un plaisir pour nous de répondre à toutes vos questions.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Salvatore, avez-vous une déclaration liminaire?
    Merci.
    Madame Kenny.

[Français]

    J'aimerais prendre quelques instants pour préciser quelque chose, et j'espère que mon temps de parole de cinq minutes ne s'en trouvera pas réduit.
    Je suis l'unique propriétaire de deux entreprises, dont une de consultation qui a déjà eu des contrats d'Élections Canada. Quand j'ai accédé à la présidence de la FCFA, j'ai confié la gestion de mes deux entreprises à un tiers. Par conséquent, je ne pourrais pas vous dire si l'entreprise a encore des contrats d'Élections Canada à l'heure actuelle. Cependant, je me ferai un plaisir de vous donner toute l'information nécessaire. Si le comité le souhaite, je pourrais fournir une copie des contrats précédents ou actuels.
    Cela dit, je suis ici aujourd'hui à titre de présidente de la FCFA du Canada, et ce sont ses propos que je vous apporte aujourd'hui.
    Je vous remercie d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada à comparaître devant vous aujourd'hui.
    La FCFA est le principal porte-parole des 2,6 millions de Canadiens et Canadiennes qui parlent français dans neuf provinces et trois territoires. La fédération vise à promouvoir la vitalité des communautés francophones et acadienne, à appuyer la promotion de la dualité linguistique partout au pays et à faire valoir les droits des Canadiens et Canadiennes de langue française vivant en situation minoritaire. Elle joue également le rôle de chef de file du réseau de concertation des organismes et des institutions de la francophonie canadienne.
    À notre connaissance, personne à ce jour n'a examiné le projet de loi C-23 dans l'optique des obligations de la Loi sur les langues officielles. Ce sera notre propos d'aujourd'hui. À cet égard, deux éléments du projet de loi C-23 nous préoccupent au plus haut point.
    Parlons tout d'abord de l'article 7 du projet de loi.
    Les modifications proposées mettraient fin au pouvoir du directeur général des élections de communiquer avec le public pour mieux faire connaître le processus électoral. Pour nos communautés, cela signifierait que le directeur général des élections n'aurait plus la capacité de mettre en place des programmes d'information visant à favoriser la participation au processus démocratique des citoyens francophones vivant en situation minoritaire.
    Ce rôle d'éducation civique et d'information du public reviendrait maintenant aux partis politiques. Or ceux-ci, contrairement au directeur général des élections, ne sont pas assujettis à la Loi sur les langues officielles. Donc, dans les régions où nos communautés sont dispersées ou très minoritaires, comment fera-t-on la promotion du vote auprès des francophones? Prendra-t-on la peine de s'en soucier?
    En limitant la capacité du directeur général des élections de communiquer avec les communautés francophones en situation minoritaire, on va à l'encontre de l'esprit de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cette partie engage le gouvernement à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
    La FCFA s'oppose donc aux modifications prévues à l'article 7 du projet de loi. En fait, si on voulait modifier l'article 18 de la Loi électorale du Canada, il faudrait plutôt renforcer les obligations du directeur général des élections envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cela pourrait prendre la forme de l'ajout d'une disposition indiquant clairement le rôle du directeur général des élections de favoriser l'engagement civique de ces communautés en ce qui a trait à l'exercice de leurs droits démocratiques. C'est ce que nous recommandons à ce comité.
    Les modifications proposées par les articles 18, 19, 21 et 44 du projet de loi nous préoccupent également.
    À l'heure actuelle, la Loi électorale du Canada stipule que les scrutateurs et les greffiers sont nommés à partir de listes fournies par les candidats dont le parti s'est classé premier ou deuxième dans la circonscription lors de l'élection précédente. Avec la loi actuelle, cet état de fait cause déjà des problèmes importants relativement à la capacité des citoyens francophones de recevoir des services dans la langue officielle de leur choix au bureau de scrutin.
    Or loin de régler ce problème, les modifications proposées élargissent cette façon de procéder à d'autres postes, notamment les superviseurs de centres de scrutin, et ajoutent les associations de parti et les partis politiques à la liste des entités qui peuvent recommander des personnes pour ces postes. Ni les candidats, ni les associations de parti, ni les partis politiques eux-mêmes n'ont d'obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Cela signifierait donc qu'Élections Canada, une entité assujettie à des obligations de prestation de services dans les deux langues officielles, n'aurait pas les moyens de s'assurer que les personnes se trouvant dans les listes de candidats à des postes de fonctionnaires électoraux seront capables de respecter ces obligations.
    Comment fera-t-on, alors, pour éviter que la situation n'empire, dans un contexte où Élections Canada ne peut répondre de la capacité des fonctionnaires électoraux à offrir le service dans les deux langues officielles?
(1920)
     La FCFA s'oppose donc aux mesures proposées dans les articles 18, 19, 21 et 44 du projet de loi C-23.
    Elle propose également que les postes qui sont pourvus selon ces mêmes processus prévus dans l'actuelle Loi électorale du Canada soient également pourvus par Élections Canada, et non pas au moyen d'une liste soumise par les candidats, qui ne sont pas assujettis à la loi.
    Les droits démocratiques garantis par la Charte incluent non seulement le droit de voter, mais aussi le droit à une représentation effective et le droit de jouer un rôle significatif dans le processus électoral. À notre avis, le projet de loi C-23, dans sa forme actuelle, porte atteinte à la capacité des électeurs des communautés francophones et acadienne d'exercer ces droits.
    Je vous remercie. Je suis prête à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux rondes de questions.
    Monsieur Reid, vous disposez de sept minutes. Allez-y s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Ma première question s'adresse à Mme Kenny.
    La loi actuelle prévoit-elle un droit de voter et de communiquer avec Élections Canada dans les deux langues officielles n'importe où au pays? Y a-t-il des limites pour les personnes qui habitent dans une région presque totalement francophone ou anglophone?
    Aux termes de la loi, dans les régions désignées bilingues, par exemple les régions où au moins 5 % de la population est composée de francophones, Élections Canada a l'obligation d'offrir des services en français.
    Je vais vous parler de ma situation personnelle. Je suis une électrice du comté de M. Tom Lukiwski, que je salue. Lors de la dernière élection, j'ai voté par anticipation. Quand je me suis présentée à mon bureau de scrutin, il n'y avait pas de services en français. Il y a eu tout un branle-bas de combat pour voir comment on allait me servir. Ce sont les gens sur place et qui attendaient leur tour qui m'ont aidée à voter en français.
    C'est un problème qui empirera si davantage de postes sont pourvus à partir de listes dressées par les partis, les associations et les candidats.
    Je ne sais pas si les candidats dans mon comté ont une liste de gens bilingues. M. Lukiwski pourra peut-être répondre à cette question. Dans des endroits comme Regina, Lethbridge ou Port au Port, à Terre-Neuve-et-Labrador, il est possible que les candidats ne puissent pas soumettre des noms de personnes capables de remplir leur fonctions en français.
    Le directeur général des élections a l'obligation, en vertu de la loi, de soumettre un rapport après chaque élection générale. A-t-il utilisé ce rapport pour démontrer qu'il avait fourni le service dans les deux langues officielles, dans la pleine mesure de sa capacité à respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles?
    Je vais être tout à fait franche avec vous: je n'ai pas lu le dernier rapport du directeur général des élections.
    Comme presque tous les Canadiens.
    En effet.
    Je peux cependant vous parler de la réalité qui est la nôtre. Je vous ai parlé de ma situation. Par contre, on a accès à des services en français dans plusieurs bureaux. Parfois on fait des efforts, mais ce n'est pas toujours le cas. Cela dépend de la région où l'on se trouve.
    Si une institution assujettie à la loi a déjà de la difficulté à pourvoir des postes, je ne peux pas imaginer comment elle y parviendra à partir de listes qui auront été dressées par des personnes ou des entités n'ayant pas d'obligations en vertu de la loi. C'est le propos d'aujourd'hui.
    Dans certaines régions, il y a des problèmes. Cela varie d'une élection à l'autre et selon les différentes circonscriptions.
(1925)
    Passons à autre chose.
    L'article 7 du projet de loi C-23 propose de remplacer l'article 18 de la Loi électorale du Canada par ce qui suit:
    18. (1) Le directeur général des élections ne peut communiquer au public, au Canada ou à l’étranger, que des renseignements sur :
a) la façon de se porter candidat;
b) la façon pour les électeurs de faire ajouter leur nom à une liste électorale [...];
c) la façon dont les électeurs peuvent, en vertu de l’article 127, exercer leur droit de vote et les lieux, dates et heures pour le faire;
d) la façon pour les électeurs d’établir leur identité et leur résidence [...];
e) les mesures visant à aider les électeurs ayant un handicap à avoir accès à un bureau de scrutin ou à un bureau de vote par anticipation [...]
    Peut-être avons-nous besoin d'un autre alinéa indiquant que le directeur général des élections a l'obligation de communiquer aux Canadiens leurs droits linguistiques dans le cadre des élections et à l'égard d'Élections Canada. Il pourrait communiquer des renseignements leur indiquant, par exemple, les endroits où ils ont le droit de voter dans la langue de leur choix ainsi que les droits qu'ils ont.
    Je pense que c'est une très bonne idée que de s'assurer que les citoyens francophones savent qu'ils ont le droit de voter en français partout au Canada, ou du moins dans les régions désignées bilingues.
    Au-delà de ça, Élections Canada a conçu certains outils qui, je le sais, sont utilisés par nos communautés. Entre autres, il existe un guide intitulé « Je peux voter! », à l'intention des gens ayant le français pour langue seconde. Par exemple, un nouvel arrivant du Maroc dont le français est la langue seconde, ou qui a un niveau d'alphabétisation peu élevé, peut consulter ces outils conçus par Élections Canada. Ces outils sont destinés aux gens dont le niveau d'alphabétisation est peu élevé, et ils sont utilisés.
    Je sais que des trousses sont utilisées dans les écoles francophones d'un peu partout pour amener les jeunes à former un conseil étudiant, par exemple. Ces outils forment nos jeunes au sujet du processus électoral.
    Je prends toujours l'exemple de mon comté. Je suis désolée, monsieur Lukiwski, mais je me trouve à être une électrice de votre comté. Cela dit, je n'ai jamais vu une affiche électorale bilingue dans mon comté. Tout ce que j'ai vu de bilingue dans mon comté, c'était ce que produisait Élections Canada. C'étaient des produits que l'on voyait en arrivant au bureau de scrutin. Je n'ai jamais vu une affiche électorale demandant en français qu'on vote pour un tel. Monsieur Lukiwski, vous pouvez me corriger si je me trompe, mais je n'ai jamais vu cela d'aucun parti.

[Traduction]

    Il est probablement temps pour moi d'invoquer le Règlement pour faire savoir à Mme Kenny qu'à l'issue du remaniement des circonscriptions électorales, je ne représenterai plus Regina. Je commence à croire que cela sera une bonne chose pour moi.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    Et moi qui m'attendais à voir une affiche de vous en français, monsieur Lukiwski.

[Traduction]

    Si je puis me permettre d'en décider, cette intervention ne constitue pas un rappel au Règlement.
    Madame Latendresse, vous avez la parole. Je ne sais pas comment se répartit le temps de parole, alors dites-le-moi.

[Français]

    Pas de problème. Je vais commencer rapidement.
    En fait, j'ai simplement quelques petites questions à poser à Mme Kenny aussi.
    Tout d'abord, je vous remercie d'avoir appuyé le projet de loi que j'ai présenté pour faire en sorte que les agents du Parlement soient bilingues. Il a été appuyé par tous les parlementaires. Il serait agréable que le présent projet de loi fasse l'unanimité lui aussi. C'est tout aussi important dans ce cas-ci de pouvoir nous entendre et d'atteindre le consensus.
    Pouvez-vous nous donner des exemples d'actions entreprises par Élections Canada auprès des citoyens de votre communauté précisément en matière de promotion du droit de vote et de la participation électorale?
    D'abord, l'outil dont j'ai parlé, destiné aux gens dont le niveau d'alphabétisation est faible, a été largement utilisé dans nos communautés, particulièrement par les organismes venant en aide aux nouveaux arrivants ou qui travaillent à l'alphabétisation. C'est un outil de sensibilisation. Il aide les gens à bien comprendre le processus électoral. Les outils comme celui-là ont une portée beaucoup plus large que ce qui est prévu dans le projet de loi.
    Deuxièmement, il y a les outils d'information destinés aux jeunes dans nos communautés. Vous savez, les jeunes dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire ne disposent pas de beaucoup d'outils. Or, maintenant, ils ont des outils pour les aider à organiser des activités dans leur école. À notre avis, ces outils sont importants. Ils sont largement utilisés dans nos écoles.
(1930)
    Merci beaucoup.
    Il est très intéressant de parler du projet de loi sous l'angle des langues officielles. Vous êtes la première à parler de cet aspect.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Scott.

[Traduction]

    Monsieur Scott, il vous reste environ cinq minutes.
    Je vous remercie d'être venus.
    J'ai d'abord quelques questions pour nos invités du Bureau de la concurrence. La première porte sur l'article 11 de la Loi sur la concurrence, qui prévoit la possibilité d'une ordonnance exigeant une déposition orale. Donc, le Bureau de la concurrence peut essentiellement... Nous avons largement discuté de la possibilité de prévoir des ordonnances permettant de contraindre une personne à témoigner en vertu de la Loi électorale.
    J'aimerais savoir s'il y a des garanties procédurales relatives à cette disposition qui permettrait d'empêcher les abus si une personne est forcée de témoigner? Croyez-vous que ces dispositions sont ou pourraient être adéquates, peut-être compte tenu de nouveaux éléments dans la jurisprudence? Si nous en venions à rédiger dans la Loi électorale une disposition similaire à l'article 11 de la Loi sur la concurrence, y aurait-il des garanties à y ajouter qui constitueraient une amélioration?
    Je ne peux me prononcer que sur la façon dont le Bureau de la concurrence a recours à l'article 11, qui se divise en trois parties. L'alinéa 11(1)a) permet au commissaire de forcer une personne à témoigner sous serment. L'alinéa 11(1)b) donne les mêmes pouvoirs concernant la production de documents par des sociétés ou des particuliers, et l'alinéa 11(1)c) porte sur les renseignements fournis en réponse à des questions écrites formulées à des particuliers ou à des sociétés et prévoit que ces réponses constituent des déclarations écrites faites sous serment.
    Par conséquent, avant de pouvoir obtenir une ordonnance conformément à l'article 11, le commissaire doit lancer ce que nous appelons une enquête en vertu de l'article 10. Il doit avoir des motifs de croire qu'une infraction a été commise en vertu de la loi ou d'une ordonnance du tribunal de la concurrence, par exemple, et qu'elle aurait trait à la partie VIII ou à la partie VII.1 de la loi. Ce n'est qu'à ce moment, au cours d'une enquête, que nous pouvons demander à un tribunal d'émettre une ordonnance en vertu de l'article 11. Or, pour faire ce que nous faisons...
    Donc il faut pouvoir invoquer des motifs raisonnables?
    En fait, nous devons respecter le seuil établi en vue d'obtenir une ordonnance relativement à l'article 11. Nous devons présenter une demande auprès du tribunal. Essentiellement, il s'agit d'un affidavit qui énonce les motifs justifiant une ordonnance en vertu de l'article 11. Il y a à la base deux critères à respecter: il faut que nous soyons en cours d'enquête et que les instances visées par l'ordonnance en vertu de l'article 11 disposent de renseignements pertinents pour l'enquête. Donc, les renseignements recherchés doivent être reliés à l'enquête en cours. Ce n'est qu'à ce moment-là que le tribunal peut envisager d'émettre une ordonnance en vertu de l'article 11.
    Au moment de rédiger l'ordonnance en vertu de l'article 11 —, car nous rédigeons l'ordonnance ainsi que les questions permettant d'obtenir des documents, des dossiers écrits ainsi que des réponses sous forme de déclarations faites sous serment — nous faisons très attention de ne demander que les renseignements dont nous avons besoin dans le cadre de notre enquête. Nous devons par conséquent à la fois répondre au besoin de notre enquête et se montrer prudent pour que les questions que nous posons ne ratissent pas trop large.
    Les garanties procédurales inscrites dans la disposition comprennent le recours à une immunité, c'est-à-dire que tout renseignement fourni dans le cadre d'un témoignage forcé ne peut être utilisé devant un tribunal, et d'après la Cour suprême, l'immunité accordée contre l'utilisation d'une preuve dérivée s'appliquerait également.
    Essentiellement, vous ne pouvez pas obtenir de renseignements d'un témoin pour en trouver un autre que vous pourrez présenter comme preuve sans être en mesure de montrer que vous auriez pu trouver cette preuve autrement, n'est-ce pas?
    D'après la Loi sur la concurrence et s'agissant d'une personne qui fait une déposition orale en vertu de l'alinéa 11(1)a), nous ne pouvons employer les renseignements fournis contre cette personne. La loi prévoit également que nous ne pouvons employer les renseignements visés par l'article 11(1)c) qui sont en fait les réponses à des questions écrites... Nous ne pouvons utiliser ces renseignements contre la personne. Or, ce serait tout à fait différent s'il s'agissait d'une société qui répond aux questions.
    D'après vous, l'article 11 s'est-il avéré utile dans vos enquêtes? Par exemple, si cet article devait être abrogé, cela aurait-il une grande incidence sur vos enquêtes?
    Il m'est difficile de spéculer sur l'incidence de l'abrogation d'un article. Ce que je peux vous dire, c'est que nos enquêtes sont assez complexes. Parfois, elles ont trait à des comportements anticoncurrentiels qui ont des répercussions sur de grands pans de notre économie, et par conséquent, tous les outils à notre disposition, qu'il s'agisse de l'article 11 ou du pouvoir d'effectuer une perquisition, sont tout aussi importants. Quelle que soit l'enquête, nous avons recours à quelques-uns de ces outils, ou à un seul, ou parfois à un nombre restreint...
(1935)
    Avez-vous recours à l'article 11?
    Nous avons recours à l'article 11. Il s'agit d'un outil important dans notre arsenal. Nous y avons effectivement recours.
    Très bien. Monsieur Lortie a dit plus tôt aujourd'hui qu'il n'arrivait pas à comprendre pourquoi une disposition qui s'est avérée si utile et qui permet de s'attaquer à un type de criminalité systémique dans notre économie n'était pas prévue dans le contexte de ce qui pourrait être l'une des lois les plus fondamentales de notre société, c'est-à-dire la loi électorale. Il importe donc que nous sachions quels outils se sont avérés importants, du moins dans votre domaine.
    Enfin, j'aimerais m'adresser à M. Lanthier. Vous considérez-vous comme un citoyen ordinaire?
    Oui, c'est ce que je crois.
    Vous n'appuyez pas vraiment ce projet de loi. Connaissez-vous d'autres citoyens ordinaires qui n'appuient pas ce projet de loi?
    Je tiens à répéter ce que j'ai dit durant ma déclaration d'ouverture, c'est-à-dire que le projet de loi génère beaucoup de discussions, que ce soit dans les médias ou simplement dans le milieu où je vis. Ce projet de loi, je le sais, engendre un débat polarisant, et les gens ont des points de vue divergents à son égard. Au sein même de ce comité, les avis divergent.
    Mes préoccupations se divisent en deux parties. Premièrement, les Canadiens en parlent et les Canadiens doivent se faire entendre. Il faut qu'il y ait un processus qui en tienne compte, car de la façon dont les choses se déroulent actuellement, à mon avis, la légitimité du projet de loi sera gravement remise en question. Les Canadiens veulent faire partie de la démarche.
    Merci.
    Monsieur Scott, je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Simms pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé si j'ai l'air de répéter les propos de mes collègues, mais je passe en troisième place, et c'est difficile parfois de produire des questions totalement nouvelles.
    J'aimerais commencer en m'adressant à Mme Kenny...
    M. David Christopherson:[Note de la rédaction: Inaudible]
    M. Scott Simms: Vous savez, je vous entends.
    Vous avez réfléchi tout haut, monsieur Christopherson.
    Oui, je vous présente mes excuses.
    Qu'il réfléchisse tout haut ou en son for intérieur, ce à quoi il pense est tout aussi mauvais. J'en ai l'habitude.
    Madame Kenny, il y aura une nouvelle règle qui fera en sorte que le superviseur de scrutin pourra obtenir son emploi de la même façon qu'un greffier du scrutin ou qu'un scrutateur, il me semble que cela est un petit peu excessif. Déjà qu'il y a deux personnes au bureau de scrutin qui sont visées, si l'on ajoute à cela le fait que le superviseur est entièrement bilingue, cela ne serait-il pas avantageux dans les régions où le service bilingue est au-delà du seuil de 5 %?

[Français]

    En fait, non. Nous maintenons que cette mesure rendra les choses encore plus difficiles. Nous proposons qu'on supprime les modifications qu'on veut apporter. Qui plus est, nous proposons que la Loi électorale du Canada, puisqu'on veut la modifier, stipule dorénavant que cette façon de pourvoir les postes ne s'applique plus aux autres postes, comme celui de greffier du scrutin et celui de scrutateur.
    Il y a autre chose dont on n'a pas parlé. La partie VI de la Loi sur les langues officielles garantit aux citoyens francophones et anglophones du pays un accès équitable à des postes. Dans une ville comme Falher, en Alberta, comment fait-on pour dresser une liste de candidats possibles, peu importe qui la soumet, afin que les francophones et les anglophones du pays aient un accès équitable à un poste de fonctionnaire fédéral?
    Les postes sont habituellement affichés. Vous remarquerez que lorsque la fonction publique affiche un poste, elle doit le faire simultanément en anglais et en français, afin qu'il soit accessible aux anglophones et aux francophones. Si une liste de noms est soumise par une entité quelconque, cette dernière ne sera pas assujettie aux obligations prévues à la partie VI de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

    Cela va au coeur même de ce que vous considérez être une mesure qui va à l'encontre de tout droit relatif aux langues officielles dont vous, ou votre groupe, jouissez. N'est-ce pas?

[Français]

    Tout à fait. Quand je vais voter, je ne veux pas me sentir mal à l'aise de vouloir le faire en français. Je veux avoir les mêmes droits que n'importe quel autre citoyen.
    La dernière fois que je suis allée voter, les citoyens qui faisaient la file avec moi étaient mal à l'aise. Finalement, je n'ai pas eu d'accompagnement en français. Tout s'est fait en anglais, dans mon cas.
    Merci, madame Kenny.

[Traduction]

    Monsieur Bilodeau, j'aimerais aborder la question de l'article 11 qui m'intéresse beaucoup, car je crois manifestement qu'il s'agissait d'une occasion en or qui a été manquée. Il s'agit de ma position politique, et vous n'avez pas à réagir à cette affirmation, bien sûr. D'après vous, est-il juste d'affirmer que dans le milieu des affaires, le recours à l'article 11 constitue une mesure dissuasive assez efficace et que les gens ont tendance à s'y conformer? L'objectif général, c'est d'obtenir une conformité avant que vous ne transmettiez le dossier au directeur des poursuites pénales. Manifestement, le milieu des affaires est au courant de l'article 11, et les membres de ce milieu savent qu'ils seront forcés de produire un témoignage. Par conséquent, croyez-vous que vous n'avez pas recours à l'article 11 pour cette raison?
(1940)
    L'article 11 constitue un outil d'enquête. C'est une façon d'obtenir des renseignements nous permettant de déterminer s'il y a eu ou non infraction à la loi.
    À quelle fréquence avez-vous recours à cet article?
    Nous y avons recours fréquemment. Par exemple, au cours du dernier exercice, soit 2013-2014, nous avons demandé et obtenu 26 ordonnances en vertu de l'article 11 du...
    C'est plus que je ne le croyais.
    C'est un outil d'enquête. Dans le cadre d'une enquête, nous avons de nombreux moyens de recueillir des renseignements. Les tiers qui ne sont pas concernés par l'enquête donnent plus volontiers de l'information et cette information nous suffit. Par contre, des entreprises ont des renseignements sensibles — quelquefois protégés par des dispositions de confidentialité — qu'elles ne veulent pas ou ne peuvent pas nous transmettre sur une base volontaire. En l'occurrence, l'article 11 est un outil utile. Dans un contexte civil, nous recourons par défaut à l'article 11 pour obtenir rapidement des renseignements qui sont complets.
    Je peux peut-être vous expliquer brièvement ce que nous faisons de ces renseignements, puisque vous avez fait mention du directeur des poursuites pénales.
    Je céderai la parole à ma collègue...
    C'était justement ma prochaine question. Je veux savoir quelle est votre relation avec le directeur des poursuites pénales.
    Allez-y.
    Je demanderai à ma collègue de répondre à cette question.
    Bien sûr.
    Le commissaire de la concurrence enquête sur des cas d'inconduite en matière de concurrence en vertu de la loi, tant au civil qu'au criminel. En matière criminelle, dès que le commissaire a monté un dossier, la preuve est transmise au service des poursuites pénales du Canada, au SPP, qui décidera ensuite si des poursuites seront intentées.
    C'est donc à cette étape que le service des poursuites pénales intervient dans l'enquête?
    Il nous conseille tout au long de l'enquête, on peut obtenir des conseils en matière de poursuite, mais à la toute fin, c'est à lui de décider si des accusations seront portées ou non et si une poursuite sera intentée. Nous formulons des recommandations au sujet de la détermination de la peine, de l'immunité ou de la clémence, mais la décision finale lui appartient.
    L'article 11 contribue donc largement à recueillir la preuve dont vous disposez.
    Je suis désolé, monsieur Bilodeau, vous vouliez intervenir?
    Je voulais ajouter que cette démarche s'effectue au criminel. Il y a également des dispositions relatives à la justice civile dans la loi. Dans le contexte civil, ce sont les avocats du ministère de la Justice, et non pas ceux du service des poursuites pénales, qui s'occupent de nos causes et qui les portent devant les tribunaux. La relation est donc différente, car nous sommes les clients du ministère de la Justice dans le cadre de ces affaires au civil.
    C'est intéressant. Merci.
    Monsieur Lanthier, dites-moi si vous êtes d'accord avec ce que je vais dire.
    Si les gens savaient à quel point les choses vont mal aller, la grogne serait-elle encore plus forte?
    Je crois que les gens sont au courant. Je crois que les Canadiens sont très informés. Quant à moi, ce témoignage est la seule façon de me faire entendre, à part d'écrire une lettre à un journal. Je suis l'un de ces Canadiens des quatre coins du pays qui... d'après moi comprennent ce qui se passe. Que ce soit dans la presse écrite, dans les médias ou dans les reportages, le sujet est bien couvert, de sorte que les Canadiens sont au courant.
    Merci beaucoup.
    Le temps de parole passera maintenant à quatre minutes, je vous demanderais donc de faire attention pour que tout le monde puisse prendre la parole.
    Monsieur Richard, vous avez la parole pendant quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lanthier, j'aimerais commencer par vous. Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que certains points du projet de loi vous préoccupaient, mais vous avez toutefois mentionné brièvement qu'il y avait des mesures positives. C'est sur ces mesures que j'aimerais que vous élaboriez.
    Mas je vais vous poser des questions précises. S'agissant par exemple de la journée additionnelle de vote par anticipation qui est prévue, est-ce une mesure que vous pourriez appuyer? Croyez-vous qu'elle soit bonne?
(1945)
    Je n'ai pas vraiment d'avis sur le sujet. Le système actuel ne m'a jamais empêché de voter, donc personnellement cela n'a aucune incidence pour moi.
    Très bien. Mais je présume que vous convenez que c'est une bonne idée d'offrir aux électeurs des dates de vote additionnelles...
    Je crois qu'il est important que les Canadiens qui désirent voter puissent le faire. Par contre, si vous proposez une mesure qui encourage en quelque sorte le vote alors que vous en proposez quatre à cinq autres qui le découragent, je crois que c'est sur ces dernières que nous devons nous concentrer et pas sur la première.
    Oui, mais nous ne sommes pas nécessairement d'accord pour affirmer que ces mesures décourageraient les électeurs. En fait, nous croyons que les 39 pièces d'identité permises présentent beaucoup de possibilités.
    Personnellement, je crois que l'un des problèmes a trait à la communication. Par exemple, pour ce qui est du vote anticipé, vous avez indiqué que vous n'avez vous-même jamais eu de difficulté à voter le jour des élections. C'est bon, mais pour d'autres Canadiens, manifestement, la situation est différente. Pour certaines raisons, ces personnes ne pourront pas être là le jour de l'élection. Je crois que parfois les gens ne comprennent pas qu'ils ont d'autres options.
    Nous avons entendu à un certain nombre de reprises dans ce comité des témoins affirmer qu'il n'est pas possible de voter. Ce n'est pas précisément ce dont nous discutons, c'est-à-dire le vote anticipé, mais manifestement c'est l'un de ces aspects. Je crois qu'Élections Canada a fait un meilleur travail de communication de ces options, comme le vote anticipé ou le vote par bulletin spécial, entre autres. Je crois que cela contribuerait grandement à accroître la participation. Je me demande ce que vous en pensez.
    Puis-je répondre à cette question?
    Bien sûr.
    Comme je l'ai dit, on ne m'a jamais empêché de voter. Chaque fois que j'ai voulu le faire, j'ai été en mesure de le faire. Personne dans mon entourage non plus ne s'est vu empêché de voter.
    D'après moi, c'est là où le bât blesse. Les Canadiens, comme je l'ai dit, débattent de cet enjeu. Lorsque le Canada négocie un accord de libre-échange, il faut y mettre des années. Vous négociez les détails de part et d'autre. Or, pour une raison qui m'échappe, lorsqu'il s'agit de la Loi sur l'intégrité des élections, il faut absolument que cette loi soit adoptée en six mois. Pour une raison ou pour une autre, c'est incontournable.
    D'après moi, on vole aux Canadiens une occasion de s'exprimer. Je suis ici aujourd'hui, mais si 50 autres personnes pouvaient s'asseoir dans ce fauteuil et exprimer leur point de vue sur les mêmes enjeux, elles le feraient. Nous ne sommes peut-être pas d'accord, mais ce qui me préoccupe, c'est la façon de procéder. Les processus doivent être justes, et je ne crois pas que ce soit le cas.
    Je vous comprends, et je vous remercie d'être venu. Je crois qu'il est important de pouvoir faire entendre son point de vue.
    M. Keith Lanthier: Merci.
    M. Blake Richards: Je crois que l'étude qu'a entreprise le comité en est justement l'occasion.
    J'ai une autre question à vous poser. Une mesure a été proposée qui vise à interdire le recours aux dettes impayées, soit des prêts politiques non remboursés. Nous avons constaté que certains candidats ont eu recours à ce type de dettes par le passé, en particulier lors de courses à la direction d'un parti, entre autres processus de nomination. Ces candidats ont eu recours à ce type d'emprunt pour obtenir des dons au-delà de la limite permise. Nous allons donc modifier les règles pour les rendre plus strictes.
    D'après vous, s'agit-il d'une bonne mesure?
    Je dirais deux choses.
    D'abord, je n'ai pas l'expertise nécessaire pour en parler.
    Très bien. Soit.
    Mais, je dirais que dans les dernières élections, il y avait des exemples clairs de dépenses excessives. Je pense que pour avoir des élections équitables, tous doivent se retrouver sur un même pied d'égalité.
    Donc, ce serait une bonne chose d'éclaircir les règles...
    Tout ce qui peut être fait en matière de transparence et de responsabilité, et bien honnêtement, ce n'est pas ce que j'ai constaté dans les dernières élections.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Scott pendant quatre minutes.
    Je m'adresse aux représentants du Bureau de la concurrence. Je me demandais tout simplement si selon la loi ou votre façon de faire vous êtes obligé ou vous sentez obligé de transmettre un avis écrit indiquant qu'une personne ou une entreprise fait l'objet d'une enquête.
    Nous suivons effectivement un processus.
    Je vais laisser ma collègue répondre à cette question.
    Je vais commencer par expliquer quelles sont nos dispositions en matière de confidentialité.
     Aux termes de l'article 29, elles sont très strictes et limitent la divulgation d'information, sauf auprès d'organismes d'application de la loi ou pour l'administration et l'application de la loi. Nous devons aussi mener nos enquêtes en privé. Toutefois, à l'intérieur de ces limites, pour ce qui est de cibler nos enquêtes, nous permettons aux personnes visées d'entamer un dialogue avec le bureau. En fonction des circonstances, ces personnes peuvent être avisées qu'elles font l'objet d'une enquête et de la nature de cette enquête.
    Êtes-vous obligé de les informer?
    Non, nous ne sommes pas obligés de le faire, mais nous les informons dans certaines circonstances, en fonction du dossier ou de la disposition de la loi qui a mené à l'enquête. Cela leur donne aussi peut-être l'occasion d'assumer leur responsabilité. Voilà ce qui a trait aux cibles.
    Pour ce qui est du grand public, si l'enquête débouche sur une poursuite ou une procédure civile, elle devient publique, et est versée au dossier public, et dans la plupart des cas nous diffusons un communiqué. Dans d'autres circonstances, si l'enquête est réglée aux termes d'une entente négociée, si nous croyons que les résultats de cette enquête pourraient orienter le public sur la façon dont nous appliquons la loi, s'il y a un nouvel enjeu auquel nous avons dû faire face, eh bien il se peut que nous présentions un énoncé de position.
(1950)
    Très bien. Merci beaucoup.
    À l'heure actuelle, le projet de loi C-23 exigerait de la part du commissaire de présenter un avis écrit à l'effet qu'une personne fait l'objet d'une enquête, et il a la possibilité de décider « de ne pas agir ainsi », mais la principale obligation exige qu'il le fasse. Mais, il existe aussi une disposition indiquant clairement que le commissaire ne peut divulguer d'information après l'enquête, semblable au résumé qui, comme vous le dites, peut occasionnellement être publié par la commission dans l'intérêt du public. C'est en fait interdit par l'article 510.1 qui est proposé.
    Ce qui est aussi très intéressant, c'est la norme établie dans le projet de loi C-23 pour qu'un commissaire entame une enquête. J'espère que le ministre demeure ouvert aux modifications. L'article stipule essentiellement que le commissaire peut mener une enquête s'il estime qu'en raison de « motifs raisonnables » une infraction a été commise. À ma connaissance, du moins en fonction d'autres lois, cette norme est beaucoup plus élevée, comparativement, par exemple, à ce qu'on a l'habitude de voir en droit criminel, quant aux éléments déclencheurs d'une enquête. Je comprends de votre exposé que le simple fait de constater une fluctuation dans les conditions du marché serait suffisant pour que vous entamiez une enquête.
    Vous baseriez-vous sur une norme reposant sur des motifs raisonnables, ou bien votre seuil de déclenchement est-il beaucoup moins élevé? Il ne s'agit pas ici de contraindre un témoin à comparaître ou quelque chose du genre, c'est tout simplement pour entamer une enquête.
    Ce ne serait pas approprié pour moi d'entrer dans ces détails. Je ne suis pas avocat. Je ne suis pas conseiller juridique pour le ministère de la Justice. Je ne voudrais pas entrer dans les aspects légaux de ce que signifie « croire pour des motifs raisonnables. »
    Mais pour être clair s'agissant de déclencher une enquête, le commissaire a ce pouvoir. Il ne le fait pas simplement en raison des conditions du marché, mais s'il estime qu'une entreprise a un comportement anticoncurrentiel. On doit constater un certain comportement dans le marché.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Scott.
    Je cède maintenant la parole à M. Lukiwski pendant quatre minutes, ce qui terminera cette série de questions.
    Merci beaucoup.
    J'ai des questions pour les représentants du Bureau de la concurrence.
    J'essaie d'obtenir des éclaircissements, parce que certains membres de l'opposition nous ont dit tout au long de l'examen du projet de loi C-23 qu'ils estiment que le commissaire aux élections devrait avoir le pouvoir de contraindre un témoin à témoigner, pouvoir dont vous disposez déjà au Bureau de la concurrence.
    Voici où je veux en venir. Le pouvoir de contraindre à l'égard d'un particulier que le commissaire aux élections tente d'obtenir devant les tribunaux ne pourrait jamais être utilisé parce que le témoignage découlant de cette contrainte ne pourrait pas ensuite être accepté en cour.
    Si je comprends bien, dans votre cas particulier, ce pouvoir de contraindre à témoigner ne sert que pour des questions administratives. Est-ce une bonne évaluation de la situation? Ou bien, avez-vous utilisé ce pouvoir pour forcer un particulier à témoigner?
    Nous avons utilisé ce pouvoir pour obtenir une ordonnance de la cour forçant un particulier à témoigner.
    Vous avez raison de dire que si nous obtenons un témoignage d'un particulier, nous ne pouvons pas ensuite le retenir contre lui.
    Nous y avons eu recours lorsque certains documents exigent des explications. Si cette personne est visée par des obligations de confidentialité, nous avons alors recours à une ordonnance pour obliger cette personne à témoigner aux termes de l'alinéa 11(1)a). Nous y avons déjà eu recours dans des situations où il se peut que... Par exemple, si des entreprises font partie d'un cartel illégal aux termes de la Loi sur la concurrence, bien souvent les gens ne couchent pas sur papier ce genre d'ententes de sorte qu'un témoignage oral est une façon pour nous d'obtenir les preuves nécessaires pour le dénoncer. C'est un outil que nous utilisons, mais vous avez raison, nous ne pouvons pas utiliser ce témoignage contre ceux qui ont témoigné.
(1955)
    Merci pour ces explications.
    La raison pour laquelle je soulève cette question c'est, bien sûr, parce que l'opposition déclare constamment, et je l'ai également entendu de la part de témoins, que si le commissaire aux élections avait le pouvoir de contraindre à témoigner nous aurions pu avoir le fin mot de l'histoire sur le dossier Pierre Poutine en obligeant tout simplement des témoins à comparaître. Mais, nous ne pourrions pas utiliser cette information en cour par la suite. C'est pourquoi nous n'aurions jamais recours à ce pouvoir. Je suis heureux que vous l'ayez confirmé.
    Cette question est peut-être injuste, mais je vais quand même la poser. Si vous analysiez le projet de loi C-23 de façon comparative, soit en ce qui touche la capacité de contraindre à témoigner, estimez-vous que le pouvoir dont vous disposez actuellement améliorerait la capacité du commissaire aux élections de recevoir le type d'information dont il aurait besoin dans le cadre d'une enquête, ou bien n'avez-vous pas d'opinion là-dessus?
    Je ne peux pas vous dire ce dont les autres organismes auraient besoin ou non pour mener à bien leurs enquêtes.
    Comme je l'ai dit, c'est une question injuste mais j'apprécie votre réponse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons nous arrêter là-dessus et remercier nos témoins pour l'heure de témoignages qu'ils nous ont accordée.
    Merci d'être venus.
    Nous allons suspendre nos activités pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
(1955)

(2000)
    Nous nous apprêtons donc à entamer cette portion de la séance.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, membres du comité, nous entamons notre deuxième heure.
    Nous accueillons maintenant l'honorable Preston Manning et Mme Fraser ainsi que M. Borys Wrzesnewskyj.
    Monsieur Manning, vous serez le premier à prendre la parole. Nous aimons toujours commencer par les témoins qui comparaissent grâce à la technologie au cas où nous perdrions le signal. Si vous avez une déclaration d'ouverture, allez-y.
    D'abord, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de vous faire part de mes observations. Je veux signaler que je parle uniquement en mon propre nom et en celui du Manning Centre for Building Democracy. Je ne parle pas au nom du Comité consultatif du directeur général des élections dont je fais partie. J'aimerais restreindre mes observations à quatre points. Et je pense que vous avez reçu un mémoire d'une page que je vous ai transmis.
    D'abord, à mon avis, le projet de loi C-23 est une initiative démocratique louable, en particulier parce qu'il cherche à éliminer certaines pratiques comme les appels robotisés qui jettent le discrédit sur les élections, les partis et les candidats qui y sont associés. Voilà le premier point que je voulais faire valoir.
    Deuxièmement, je crois qu'il y a lieu de séparer l'administration des élections de l'application de la loi électorale. J'estime ainsi que cela permettrait au directeur général des élections de se consacrer uniquement à l'administration des élections et permettrait au commissaire indépendant de mettre uniquement l'accent, et de façon indépendante, sur l'application de la loi.
    Il y a toutefois un volet où j'aimerais proposer que le projet de loi soit amélioré, et je sais que vous avez entendu de nombreuses recommandations en matière d'amélioration. J'aimerais que le rôle d'Élections Canada et du directeur général des élections soit renforcé relativement aux activités de promotion et d'éducation visant à accroître la participation électorale. Il me semble que le plus gros défi à relever relativement au système électoral canadien n'est pas son manque d'équité, même s'il faut se pencher sur cette question, mais plutôt le recul constant de la participation électorale en général. Si nous nous déclarons démocrates, peu importe notre idéologie ou les divisions de parti, nous devons tous — Élections Canada, les partis, les candidats, les ONG, les citoyens en général — multiplier nos efforts pour accroître ce taux de participation.
    C'est pourquoi je propose d'ajouter à la loi un article contenant uniquement les sujets sur lesquels le directeur général des élections peut fournir de l'information au public. Je propose l'ajout d'une cinquième disposition stipulant des programmes d'information et d'éducation du public visant à mieux faire connaître le processus électoral à la population et à accroître la participation électorale, cela devrait être une de ses tâches.
    Voici mon dernier point. Comme certains d'entre vous le savent, depuis que j'ai quitté le Parlement, j'ai fermement défendu la nécessité de mieux préparer et former les personnes cherchant à se faire élire, et il en va de même pour le personnel des organisations de circonscription, des gestionnaires de campagne et de quiconque participe activement dans le processus électoral. L'idée selon laquelle on peut apprendre en faisant le travail a été la norme depuis trop longtemps. Je pense que cela ne fonctionne tout simplement plus en cette époque de communication rapide.
    J'ai participé à des initiatives visant à convaincre les gens de suivre une formation s'ils comptent se lancer dans l'arène politique. Quand on rencontre des candidats et des gestionnaires de campagne potentiels, il y a une certaine confusion à savoir si des investissements dans la formation avant de se lancer en élection pourraient être considérés comme une dépense électorale ou une contribution en nature.
    Pour dissiper cette confusion, je propose d'amender le projet de loi pour préciser que les dépenses de formation, y compris les dépenses engagées pour renseigner le public sur la loi ou les campagnes électorales ne sont pas des dépenses électorales, des dépenses personnelles ou des dépenses engagées aux fins de campagne électorale aux termes de la loi.
    Je pense que ce changement rendrait les choses très claires. À l'heure actuelle, nos avocats affirment qu'il ne s'agit pas de dépenses, mais c'est très flou. Je pense que ce seul changement rendrait les choses claires comme l'eau de roche.
    Voilà donc, monsieur le président, les quatre points que je voulais soulever. Je ne m'y attarderai pas plus longtemps et je serai heureux de les expliquer davantage ou de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
(2005)
    Excellent. Merci, monsieur Manning. Nous vous poserons des questions sous peu.
    Mais d'abord, nous allons céder la parole à Mme Fraser.
    Voulez-vous nous présenter votre déclaration?

[Français]

    Je suis heureuse d'être parmi vous. Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer sur le projet de loi C-23.
    J'aimerais d'abord souligner qu'il s'agit de commentaires personnels et qu'ils ne représentent pas l'opinion du directeur général des élections, d'Élections Canada ou du comité consultatif dont je suis la coprésidente.
    À des fins de transparence, je tiens à mentionner au comité que, jusqu'à maintenant, j'ai reçu 2 450 $ pour ma participation à ce comité consultatif. J'ai également travaillé à titre de membre du jury de sélection pour divers postes à Élections Canada. Pour ces services, j'ai reçu 976 $ cette année et 3 240 $ en 2012.

[Traduction]

    Comme vous le savez, j'ai eu le privilège de servir à titre de vérificatrice générale du Canada pendant un mandat de 10 ans, lequel s'est terminé il y a près de trois ans. Le vérificateur général est l'un des sept agents du Parlement qui jouent un rôle très important dans notre système démocratique.
    Le Bureau du Conseil privé dit ceci au sujet de ces agents:
Les agents du Parlement forment un groupe unique de titulaires de charge indépendante dont le rôle est de surveiller de près les activités du gouvernement et d'en rendre compte directement au Parlement, plutôt qu'au gouvernement ou à un ministère particulier. À ce titre, leur fonction est de servir le Parlement dans le contexte du rôle de surveillance qui lui incombe. Normalement, les agents remettent au Parlement un rapport dans lequel ils rendent compte de leurs propres activités et typiquement, les administrateurs généraux de ces institutions sont nommés par l'adoption de résolutions spéciales à la Chambre des communes et au Sénat. L'influence exercée par le pouvoir exécutif du gouvernement est réduit au minimum, ce qui permet de maintenir leur autonomie.

[Français]

    L'indépendance des agents du Parlement, tant concrète qu'apparente, est essentielle à leur crédibilité et à leur capacité de mener à bien le mandat qui leur est confié. J'ai été très heureuse que le gouvernement reconnaisse l'importance de cette indépendance en 2007-2008, lorsqu'il a modifié un certain nombre de politiques administratives.
    En vertu de ces modifications, on a confié la responsabilité de la mise en oeuvre et du respect de ces politiques aux agents du Parlement, responsabilité qui était auparavant assumée par un ministre. À titre d'exemple, certaines exigences de la politique de communication du gouvernement ne s'appliquent pas aux agents du Parlement. À l'époque, le Secrétariat du Conseil du Trésor avait travaillé en étroite collaboration avec les agents pour répondre à nos préoccupations.

[Traduction]

    À la lumière de ces renseignements, je suis très inquiète au sujet de deux dispositions du projet de loi, car elles toucheraient à l'indépendance du directeur général des élections et de son organisation.
    La première disposition porte sur l'article 18, qui restreint les communications du directeur général des élections avec le public et ne permet que la communication de renseignements déterminés. Seraient désormais interdites les activités de sensibilisation, les communications visant à encourager les gens à voter ainsi que les initiatives pédagogiques. Un agent du Parlement indépendant devrait pourtant être en mesure d'attirer l'attention du public et du Parlement sur les questions qu'il considère importantes.
    La deuxième disposition est l'article 20 qui exige que le directeur général des élections obtienne l'approbation du Conseil du Trésor pour « fixer et payer la rémunération et les frais » lorsqu'il retient temporairement les services « d'experts ou de spécialistes techniques ». Cette disposition porte clairement atteinte à l'indépendance du directeur général des élections.
    En comparaison, la Loi sur le vérificateur général établit pourtant de façon explicite que le vérificateur général n'a pas besoin de l'approbation du Conseil du Trésor. De surcroît, la politique d'attribution de contrats du gouvernement exempte précisément les agents du Parlement d'obtenir l'approbation du Conseil du Trésor.
    Je crains aussi que l'adoption de cet article puisse créer des difficultés opérationnelles pour Élections Canada et la gestion des élections, étant donné que la tenue d'élections nécessite l'aide spécialisée de centaines de personnes.

[Français]

    En 2005, le Bureau du vérificateur général a réalisé une vérification de gestion relativement aux activités d'Élections Canada. À l'époque, nous avions conclu qu'Élections Canada planifiait, gérait et administrait bien le processus électoral fédéral, tout en respectant les autorisations pertinentes, et jouait un rôle essentiel en veillant à ce que l'élection soit équitable et transparente.
    J'encourage le comité à veiller à ce que le projet de loi ne vienne pas saboter ces acquis.
(2010)

[Traduction]

    En terminant, monsieur le président, je tiens à remercier la greffière du comité et le personnel de la Chambre de m'avoir aidée à me préparer pour cette audience.
    C'est avec plaisir que je répondrai maintenant aux questions que pourraient avoir les membres du comité. Je vous remercie.
    Je me fais l'écho de vos remerciements auprès de la greffière sans qui nous aurions également été perdus.
    Nous allons maintenant passer à M. Wrzesnewskyj pendant cinq minutes ou moins avant d'entamer la période de questions.
    Merci, monsieur le président et membres du comité.
    J'aimerais parler de la prévention des fraudes électorales. On ne peut plus supposer que la fraude électorale organisée, c'est quelque chose qui se produit dans des pays où nous envoyons des observateurs, mais pas chez nous, au Canada. Selon le rapport Neufeld dans Etobicoke-Centre, les juges ont convenu qu'en dépit de la présence d'irrégularités, il n'y avait aucune preuve de fraude ou que des électeurs inadmissibles aient obtenu un bulletin de vote.
    J'appuie toutes les recommandations du rapport Neufeld, toutefois, la déclaration précédente aurait été plus juste si on y avait ajouté qu'il y a des limites juridiques à la Loi électorale du Canada et à la Loi sur la protection des renseignements personnels faisant en sorte qu'il est presque impossible de rendre admissibles des éléments de preuve en cour ou de prouver une fraude devant les tribunaux — en fait, c'est impossible. À titre d'exemple, à l'annexe C, le rapport Neufeld indique qu'aux termes de l'analyse statistique de trois élections partielles, l'incidence de bulletins de vote ayant été donnés à des personnes ne figurant pas sur la liste électorale et pour lesquelles aucun certificat d'inscription n'a été rempli s'est produit dans 0,4 %, 0,5 % et 3,8 % des cas. Malgré cela, dans l'échantillonnage des tribunaux portant sur 10 postes de scrutin dans Etobicoke-Centre, le taux d'incidences se situait à 48,2 %, soit près de 1 000 % supérieur.
    J'ai participé à des missions d'observation électorale à l'étranger et j'en ai même organisé au nom d'ONG, du Canada et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, depuis 1991. Lorsque nous avons trouvé de tels taux d'anomalie statistique, nous avons conclu qu'il y avait possibilité de fraude. Toutefois, la Loi électorale du Canada n'admet pas les résultats statistiques en matière de fraude. La norme consiste à prouver que les bulletins de vote individuels étaient frauduleux. Par contre, la Loi électorale du Canada et la Loi sur la protection des renseignements personnels nous empêchent d'interroger les électeurs ayant voté et d'obliger à comparaître le personnel électoral pour qu'il réponde à des questions — c'est donc une situation juridique sans issue.
    En juin 2011, après avoir reçu un tuyau anonyme à l'effet que des bulletins de vote étaient distribués dans un poste de scrutin sans que les gens ne présentent de pièces d'identité, nous avons fait une analyse statistique de tous les postes de scrutin d'Etobicoke-Centre. Les résultats étaient troublants. Au bureau de vote 31, par exemple, le taux de participation a connu une augmentation de 70 %, tandis que le taux de pourcentage des voix accordées aux conservateurs a augmenté de 50 %. Lorsque les documents du bureau de scrutin 31 ont été examinés dans les installations de sécurité d'Élections Canada, 20 % de tous les bulletins de vote avaient été accordés grâce à un certificat d'inscription, soit 1 sur 5, tandis que pour l'ensemble d'Etobicoke-Centre et l'ensemble du Canada, les moyennes étaient de 5 %, soit 1 sur 20. La majorité des gens concernés par les 86 certificats d'inscription ne vivaient pas dans la circonscription du bureau de vote. Aux termes de l'audience de la Cour supérieure, Élections Canada a déposé des courriels dans lesquels le scrutateur et l'agent au registre du bureau de vote 31 ont fait des déclarations fausses et contradictoires sur le fait que des électeurs non admissibles aient pu voter ou non. Élections Canada a-t-il fait enquête sur ces responsables?
    Il y a eu un nombre considérable de bureaux de vote présentant des problèmes semblables. Pour conserver la confiance du public à l'égard de ceux qui remportent des élections avec une très faible majorité et que cela reflète fidèlement la volonté de la population, il faudrait admettre comme preuve les résultats statistiques et il faudrait modifier la norme juridique pour accepter les preuves selon la prépondérance des probabilités plutôt que de devoir prouver sans l'ombre d'un doute.
    En outre, je ne pense pas que le Bureau du commissaire aux élections fédérales perde son indépendance si on le met sous la houlette d'un ministère gouvernemental. Toutefois, je crois aussi qu'une unité d'enquête indépendante devrait être prévue dans la loi lorsqu'il y a des allégations sérieuses de défaillance administrative ou de fraude à l'égard des représentants d'Élections Canada. Les deux organismes d'enquête doivent disposer des pouvoirs d'assigner à comparaître. Je propose aussi qu'il y ait obligation légale de résoudre les dossiers dans un délai d'un an plutôt que de permettre de rendre une décision cinq ans ou plus après les faits, de sorte qu'elle n'est plus pertinente puisqu'à ce moment-là d'autres élections fédérales auront eu lieu.
    Dans Etobicoke-Centre, des votes auraient été ajoutés dans une atmosphère de suppression de votes, y compris la perturbation et la fermeture de deux des bureaux de scrutin où le vote libéral était le plus élevé par des membres d'équipes électorales conservateurs, y compris le gestionnaire de campagne. Il faut appliquer des peines conséquentes dans les cas directs de suppression du vote. Les membres de campagnes électorales qui s'adonnent à de telles tactiques doivent voir le résultat des élections de leur candidat refusé. Dans une démocratie, le contrat social fondamental accorde à chacun d'avoir une voix. Que les électeurs soient jeunes ou vieux, chacun a droit à une voix. Riche ou sans-abri, une personne, un vote. Blanc ou Autochtone, un électeur, un vote.
(2015)
    Si les règlements entourant l'acte de voter sont trop restrictifs, la nature représentative du gouvernement est remise en cause. Si les règlements ne sont pas suivis par les responsables parce qu'il manque de ressources ou de formation, nous n'avons pas confiance dans les résultats. Si les règles sont violées en raison de suppression ou d'ajout de votes, c'est la légitimité d'un gouvernement qui est remise en question. Si le gouvernement dépose le projet de loi C-23 sans amendements sérieux, il aura facilité tout ce qui précède.
    Merci, monsieur Wrzesnewskyj.
    Nous entamons maintenant une série de questions de sept minutes.
    Monsieur Lukiwski, c'est vous qui allez commencer ce soir.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Manning, madame Fraser et monsieur Wrzesnewskyj d'être parmi nous.
    Mes premières questions s'adressent tant à M. Manning qu'à Mme Fraser, et elles portent sur les dispositions du projet de loi C-23 visant à retirer le commissaire aux élections d'Élections Canada pour le placer sous la responsabilité du Bureau du directeur des poursuites pénales, parce que nous soutenons que cela lui donnerait beaucoup plus d'indépendance.
    À l'heure actuelle, même si le commissaire estime qu'il est indépendant, lorsque je l'ai questionné au moment de sa comparution, il a été établi qu'en fait le directeur général des élections — en d'autres mots, Élections Canada — peut embaucher ou mettre à pied le commissaire aux élections. C'est Élections Canada qui contrôle le budget du commissaire aux élections. Élections Canada peut obliger le commissaire aux élections à mener des enquêtes même si ce dernier ne souhaite pas le faire, et le directeur général des élections, d'Élections Canada, peut ordonner de mettre fin à une enquête en cours. Pour moi, ce n'est absolument pas cela qu'être indépendant.
    Ce que nous proposons, c'est de retirer le commissaire aux élections de cet environnement afin qu'il puisse avoir, premièrement, la capacité de contrôler son propre budget pour embaucher son propre personnel et déterminer quelles enquêtes il souhaite diriger, sans y être obligé. Je pense que quiconque fait preuve de sens commun constaterait clairement que cela donne au commissaire aux élections beaucoup plus d'indépendance qu'il n'en a actuellement.
    Monsieur Manning, je sais que vous avez dit apprécier ces dispositions du projet de loi C-23 et je pense, madame Fraser, que vous êtes en désaccord, j'aimerais donc savoir ce que nos deux témoins en pensent, pourquoi l'un appuie cette position tandis que l'autre rejette la position du gouvernement dans le projet de loi C-23.
    Monsieur Manning, vous d'abord.
    À propos, monsieur Manning, je devrais commencer par poser une question. Mme Fraser a volontairement divulgué le fait qu'elle est rémunérée parce qu'elle siège au conseil consultatif d'Élections Canada, je vous pose donc la même question. Monsieur Manning, êtes-vous rémunéré par Élections Canada?
    Je pense qu'il y a un contrat qui stipule que je le suis, mais je n'ai pas reçu de chèque et je n'ai pas envoyé de facture. En fait, je n'ai participé qu'à une téléconférence. J'ai l'intention de ne pas facturer Élections Canada pour les conseils que je pourrais lui donner.
    Pour ce qui est de votre question, c'est l'aspect de fonctionnalité qui m'a intéressé plutôt que celui de l'indépendance. J'estime que plus le directeur général des élections peut mettre l'accent uniquement sur l'administration des élections, plus cela renforcerait ses fonctions de sorte que cette séparation est une bonne idée.
    Si les gens sont préoccupés par l'indépendance du commissaire en vertu de ce nouvel arrangement, je pense qu'il y a des moyens de la renforcer. Si je me souviens bien, dans les statuts qui établissent la fonction du directeur des poursuites pénales, il existe un certain nombre de dispositions garantissant son indépendance du procureur général. Au besoin, on pourrait examiner ce statut pour voir comment renforcer son indépendance.
    Madame Fraser, vos observations...
    L'écueil le plus important qui a été mentionné en faisant relever le commissaire du directeur des poursuites pénales est la question de l'échange d'information. Il est très important que le commissaire travaille de concert avec Élections Canada afin d'obtenir toute l'information nécessaire pour mener ses enquêtes. Dans la législation actuelle en matière de protection des renseignements personnels, entre autres, aucune des dispositions ne permettrait cet échange d'information.
    Voulez-vous dire que le commissaire aux élections ne pourrait pas recevoir d'information d'Élections Canada?
    Je crois savoir qu'il serait effectivement difficile pour le commissaire d'obtenir de l'information d'Élections Canada. Il existe au sein du gouvernement toute une série d'exigences législatives relatives à l'échange d'information entre les ministères. Si le comité continue sur sa lancée, c'est un sujet qu'il pourrait certainement examiner.
    Je soumets qu'il est généralement accepté dans les organismes de réglementation que les fonctions d'administration ou d'enquête vont de pair. C'est le cas à l'Agence de revenu du Canada, de même qu'à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui en fait ont d'autres fonctions qui vont jusqu'à l'arbitrage.
    Permettez-moi de vous lire un extrait du rapport annuel du Service des poursuites pénales. On y dit ce qui suit:
Le SPPC intente les poursuites relatives aux infractions portées à la suite d'une enquête par un organisme d'application de la loi. Le SPPC n'est pas un organisme d'enquête et il ne mène pas d'enquêtes. La distinction entre l'application de la loi et la fonction de poursuite est un principe bien établi dans le Système canadien de justice pénale.
    Ce serait donc une nouvelle fonction pour ce service.
    Si on s'inquiète de l'indépendance du commissaire par rapport au directeur général des élections, cette indépendance pourrait être renforcée en ajoutant à la loi certaines dispositions relatives à la nomination et au mandat.
(2020)
    Cette indépendance est à mon avis extrêmement importante, car comme je l'ai dit précédemment, à l'heure actuelle — d'après ce que je peux constater actuellement du moins — le commissaire n'a aucune indépendance puisque tout est contrôlé par Élections Canada.
    Supposons par exemple que le commissaire aux élections doive faire enquête sur Élections Canada ou sur un membre de son personnel. Que se passerait-il? J'estime qu'il existe là actuellement un énorme conflit, car comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, le directeur général des élections peut non seulement donner ordre d'entamer une enquête — que le commissaire aux élections le veuille ou non, il serait obligé de le faire — mais le DGE peut aussi mettre fin à une enquête.
    Il y a là un conflit, du moins perçu. Cela ne devrait pas être permis.
    Je ne connais pas tous les détails de la loi. Je n'ai jamais vu dans la loi électorale de dispositions qui permettent au directeur général des élections de mettre fin à une enquête. Je ne peux me fonder que sur le témoignage du commissaire, qui a indiqué très clairement qu'il dispose de toute l'indépendance nécessaire pour faire son travail.
    Mais si vous voulez parler de perception, je ne crois pas qu'il vaille mieux qu'on pense que le commissaire soit indirectement redevable à un ministre du gouvernement.
    Monsieur Christopherson, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être venus.
    Madame Fraser, je vous avoue que de vous voir au bout de cette table de comité c'est un peu comme regarder au sommet de la crête et voir la cavalerie arriver pour nous sauver. J'apprécie vraiment que vous vous soyez manifestée.
    Des voix: Oh, oh!
    M. David Christopherson: C'est un grand bonheur de passer du temps avec Sheila Fraser.
    J'apprécie que vous veniez témoigner devant nous, car à mon avis, vous êtes probablement la Canadienne en qui on a le plus confiance dans ce pays. Un grand nombre de gens comptent sur vous pour connaître toute la vérité.
    J'ai des questions très directes à vous poser. Je suis sûr que vous suivez nos audiences au moins en partie. J'ai trouvé très troublant que le directeur général des élections soit décrit comme, au mieux, un simple interlocuteur et, au pire, comme un ennemi des meilleures lois électorales dont nous disposons. Et pourtant, son poste est égal à celui que vous occupiez en votre qualité de vérificatrice générale, puisque c'est aussi un poste d'agent du Parlement.
    Pourriez-vous commenter l'importance de considérer le directeur général des élections de la même façon que le poste de vérificatrice générale que vous occupiez — poste qu'occupe actuellement M. Ferguson — c'est-à-dire un poste de défenseur de la population canadienne plutôt que celui d'un simple interlocuteur qui essaie de profiter le plus possible de la situation, selon l'image que donne le gouvernement du directeur général des élections du Canada. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, madame...
    Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, les agents du Parlement jouent un rôle très important dans notre démocratie. Nous n'occupons pas ces postes pour gagner des concours de popularité. Nous faisons notre travail avec objectivité. Je sais qu'après certaines vérifications — je ne sais pas vraiment comment l'exprimer, mais je suis certaine que je ne figure pas sur la liste des envois de Noël de certaines personnes après avoir fait certaines vérifications. Nous faisons notre travail. Nous respectons nos mandats et nous nous en acquittons de façon objective et équitable. Je suis très troublée, et je dirais même bouleversée — d'avoir entendu certains commentaires qui ont été faits — et je vais le dire bien franchement — par le ministre, aujourd'hui, au comité, pour s'attaquer personnellement au directeur général des élections. Ses commentaires ne rendent service à personne. Il mine la crédibilité de ces institutions et, en fin de compte, si cela continue, nous en paierons tous le prix, car plus personne ne fera confiance au gouvernement, au directeur général des élections ou au système démocratique.
    Nous pouvons avoir des divergences d'opinions. La démocratie nous permet de les exprimer librement. Les agents du Parlement devraient pouvoir expliquer au Parlement les problèmes qu'il constate dans les projets de loi proposés. Je suis certaine que si ce projet de loi est adopté, le directeur général des élections le respectera et en appliquera les dispositions. Mais j'estime qu'il est totalement mal avisé de l'attaquer parce qu'il exprime ses préoccupations.
(2025)
    Merci, madame.
    Personne n'aurait pu expliquer cette question de meilleure façon, aussi appuyée ou avec plus de crédibilité. Je vous en remercie.
    Permettez-moi de passer maintenant à certains détails.
    Dans vos remarques, vous avez indiqué que l'une de vos préoccupations était la nécessité que le directeur général des élections obtienne désormais des approbations du Conseil du Trésor. Pour revenir à votre poste de vérificatrice générale à des fins de comparaison, c'est une chose que vous n'avez, vous, jamais eu besoin de faire.
    Pourriez-vous élaborer un peu sur les observations que vous avez faites, s'il vous plaît?
    Si on revient en arrière, on constate que, dans les politiques administratives du gouvernement, les agents du Parlement étaient considérés sur le même pied que tous les autres ministères et organismes. Les politiques administratives s'appliquaient à nous tous sans égard à l'indépendance qui était nécessaire aux agents du Parlement dans la gestion de leur service.
    Nous avons commencé à discuter de cette question avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, et nous avons dit que certaines dispositions étaient inopportunes, qu'elles ne reconnaissaient pas l'indépendance nécessaire. Le secrétariat s'est en fait montré très coopératif et a travaillé avec nous avec diligence. On a ainsi modifié un grand nombre de politiques concernant notamment l'approbation des contrats et des communications par les ministres ou, par exemple, par des organismes centraux.
    Le député se rappellera, j'en suis sûr, que nous avons comparu devant le Comité des comptes publics sur la question de la politique de communication et sur le fait que, techniquement, tous les communiqués du vérificateur général devaient être approuvés par le Bureau du Conseil privé. Nous étions tout à fait contre. On ne nous l'a jamais imposé, mais telle était la politique administrative. Nous avons examiné tout cela et toutes ces politiques ont été modifiées. Il est maintenant très clair dans la politique relative aux contrats que les agents du Parlement n'ont pas besoin de l'approbation du Conseil du Trésor.
    Je me souviens aussi de la menace qui existait, Sheila. Cela en était un élément important.
    Il me reste un peu plus d'une minute.
    Au Comité des comptes publics, nous avons passé de nombreuses années ensemble à examiner vos rapports et vos constatations. Vous avez consacré beaucoup de temps à examiner les procédés et les méthodes qu'il faut appliquer et vous reconnaissiez l'importance de faire les choses convenablement. Étant donné que ni le directeur général des élections, ni le commissaire aux élections, ni aucun parti de l'opposition, ni non plus la population canadienne n'ont été consultés... en fait, personne en dehors du Parti conservateur du Canada n'a été consulté au sujet de ce projet de loi avant son dépôt à la Chambre, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que l'on présente une réforme complète de la loi électorale sous la forme d'un projet de loi sur le manque d'intégrité des élections sans avoir tenu quelque consultation que ce soit? J'aimerais savoir ce que vous en pensez dans l'optique de l'intérêt public.
    Monsieur le président, je ne peux vraiment répondre qu'à partir de ma propre expérience. À l'époque où j'étais vérificatrice générale, on a présenté des modifications à la Loi sur le vérificateur général à trois ou quatre reprises. Chaque fois, nous avons été consultés. On nous demandait notre avis. On nous demandait si les modifications proposées pourraient avoir des conséquences imprévues et si les amendements permettraient d'atteindre les objectifs visés. J'ai toujours trouvé que c'était une bonne façon de procéder. J'aurais pensé qu'on tiendrait des consultations élargies sur un sujet aussi important que la loi électorale.
(2030)
    C'est le moins qu'on puisse dire.
    Merci, madame.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Simms, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais lire quelque chose aux fins du compte rendu. Il s'agit d'un extrait d'un blogue d'un certain M. James Sprague, qui a occupé divers postes, plus spécialement à Élections Canada. Voici ce qu'il dit, qui pourrait dissiper certains mythes:
À l'heure actuelle, le seul pouvoir que la loi confère au directeur général des Élections en ce qui a trait à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du commissaire en matière d'enquêtes et de poursuites est celui d'exiger que le commissaire entreprenne une enquête relativement à cinq situations qui touchent des aspects importants de la conduite des élections. Ce pouvoir ne lui permet pas de déterminer comment une telle enquête, une fois entreprise, doit être menée, non plus que d'y mettre fin une fois qu'elle est en cours.
    C'est aussi l'impression que nous ont donnée M. Corbett et M. Côté, un ancien commissaire et le commissaire actuel.
    À mon avis, l'échange d'information est un élément essentiel dans ce cas particulier. Pour être bien honnête, cette initiative vise plus à isoler qu'à rendre indépendant. L'indépendance souhaitée aurait pu être réalisée au sein même d'Élections Canada.
    Le seul point de vue sympathique que j'ai entendu au sujet de cette dissociation est probablement celui de M. Manning, qui en a expliqué les fonctions. Mais parallèlement, il semble y avoir un tel fossé entre le DGE et le commissaire qu'il serait particulièrement difficile pour le DGE de trop s'ingérer dans cette situation.
    Dans les journaux, ce soir, on a même vu un député conservateur déclarer que la séparation de ces postes tient davantage aux fuites. C'est ce qu'a déclaré  M. Jay Aspin dans le Hill Times.
    Je vous soumets néanmoins ce commentaire et vous pouvez nous dire si vous le voulez et ce que vous en pensez. Mais au cours des séances du Sénat aujourd'hui, il semblait y avoir une certaine confusion sur la question de savoir si, dans vos fonctions de vérificatrice, vous aviez le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître.
    Le vérificateur général possède les pouvoirs de commissaire aux termes de la Loi sur les enquêtes, ce qui signifie que le vérificateur général peut assigner des témoins à comparaître. Il n'a pas à demander à un tribunal de rendre une ordonnance à cet effet. Le vérificateur général peut l'ordonner lui-même.
    Je ne sais pas si cette disposition a déjà été utilisée dans les faits, mais elle existe. Je crois qu'elle se trouve à l'article 13 — je vérifierai ce soir.
    Pourrait-on dire que vous n'avez jamais eu à l'utiliser parce que tout le monde savait que vous disposiez de cet outil?
    Je n'en suis pas certaine. J'ai l'impression que déclarer publiquement que quelqu'un refusait de nous parler était parfois plus dommageable pour lui que le fait de nous parler.
    Des voix: Oh, oh!
    Bien compris.
    Monsieur Manning, pardonnez-moi d'avoir utilisé une partie de votre témoignage. Voulez-vous faire des commentaires?
    Plus particulièrement, j'aimerais savoir ce que vous pensez du pouvoir d'assigner des témoins à comparaître qui a été demandé par le DGE et par le commissaire.
    Je ne peux que répéter ce que j'ai dit auparavant.
    Mon point de vue sur la séparation des deux postes est qu'elle vise davantage à permettre au directeur général des élections de se concentrer uniquement sur les aspects administratifs des élections. Cette séparation ne me pose pas le même grand problème qu'à d'autres. En fait, je ne crois que ce soit un grand problème.
    Mais pour ce qui est du pouvoir d'assigner des témoins à comparaître, croyez-vous que ce serait un outil efficace, par exemple dans l'affaire des appels automatisés? Croyez-vous que cela aurait permis de recueillir plus de preuves et que cela aurait abouti à des résultats plus concluants?
    Oui, je crois que cette proposition a un certain mérite, mais je ne crois pas que ce soit la seule façon ou même la façon principale de corriger le problème de ces abus électoraux.
    L'une des choses qui m'inquiètent... Tous ceux qui sont élus ont entendu rumeurs après rumeurs, sur le fait que certaines personnes commettent des actes illégaux ou limites qui influencent les élections en faveur de leur opposant. Tous les partis ont lancé des rumeurs de ce genre au fil des ans, et ce, dans différentes circonscriptions. C'est en grande partie des ouï-dire et en grande partie des rumeurs après le fait.
    Je ne sais pas quelle est la solution, mais il devrait à mon avis y avoir une façon de faire la lumière sur de telles accusations car elles semblent persister éternellement. Elles finissent par faire partie des légendes urbaines ou des légendes qui entourent certaines circonscriptions.
    Comme notre pays envoie des observateurs électoraux indépendants dans d'autres pays pour vérifier que les élections sont justes et qu'il n'y a pas de fraude, je me demande si nous ne devrions pas nommer ici des agents spéciaux chargés de surveiller certaines circonscriptions où de telles rumeurs ont fait surface au fil des ans.
(2035)
    Cela serait fort utile, surtout si ces agents étaient dotés d'outils spéciaux d'enquête semblables à ceux qui existent dans notre Bureau de la concurrence ou au Bureau du vérificateur général.
    Eh bien, ils auraient les mêmes outils que les observateurs électoraux indépendants que nous envoyons dans d'autres pays.
    Mais dans ce cas, l'indépendance est manifestement... C'est une chose d'être indépendant, c'en est une autre d'être efficace, ne trouvez-vous pas?
    Oui, effectivement.
    Madame Fraser, vous avez abordé la question de l'efficacité et j'aimerais y revenir car je trouve que c'est un élément très important pour la légitimité des élections et pour le pouvoir d'enquêter, comme l'a dit M. Wrzesnewskyj. J'ai l'impression que l'on est obnubilé par la question de l'indépendance et par l'efficacité des personnes chargées de faire enquête sur des fraudes éventuelles, si je puis dire, mais aussi par les irrégularités en cause.
    Un bon nombre de ces irrégularités ne sont effectivement que des irrégularités, et elles sont traitées comme des fraudes. Pour cette raison, le pays ne sera pas bien servi par l'abandon du système de vote par répondant, alors qu'il existe des solutions de rechange qui permettraient d'améliorer ce système.
    Je vais vous demander à tous les deux, monsieur Wrzesnewskyj et madame Fraser, vos commentaires à ce sujet.
    Dans les 20 secondes qui restent...
    En ce qui concerne le vote par répondant, cela faisait en fait partie de ma contestation. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec l'élimination du vote par répondant. Si cette fonction est bien administrée, le vote par répondant permet à plus de gens d'exercer leur droit de vote, alors que son élimination privera ces mêmes personnes de ce droit, surtout dans les groupes démographiques plus vulnérables. Ces groupes seront privés de leur voix.
    En ce qui concerne les irrégularités et la fraude, de même que la façon dont les enquêtes sont menées, M. Lukiwski a fait valoir un argument très important. Que se produirait-il si ce sont les fonctionnaires d'Élections Canada eux-mêmes qui devaient faire l'objet de l'enquête? Je crois que le commissaire aux élections ne devrait pas relever du gouvernement. Mais dans de tels cas particuliers, il devrait y avoir une unité spéciale d'enquête chargée qui ferait toute la lumière, comme l'a dit M. Manning.
    Si de telles situations persistent pendant des années, elles deviennent intenables, et il faut qu'il y ait des échéances pour la tenue de telles enquêtes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Simms, votre temps est écoulé. Nous allons passer à M. Lukiwski pendant quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    J'ai quelques petites remarques pour Mme Fraser. J'ai lu ce que vous avez dit dans votre témoignage aujourd'hui au comité sénatorial, et je suppose que ces commentaires sont exacts. Vous avez parlé des dispositions du projet de loi et vous avez dit qu'aux termes des dispositions actuelles du projet de loi, votre fille ne serait pas en mesure de voter.
    Si j'ai bien compris vos observations, votre fille étudie à l'université et elle vit à la maison. Elle reçoit toute sa correspondance, ses factures de services publics, etc., par courriel. J'ai deux observations. Il reste 18 mois avant les prochaines élections. Je suppose qu'elle pourrait se procurer d'ici là les cartes d'identité nécessaires ou du moins une confirmation de son adresse. Deuxièmement, même si elle reçoit toute son information par courriel, je sais qu'il est possible de demander à l'université de fournir des relevés de note sur papier. Ces relevés seraient envoyés chez elle par la poste, n'est-ce pas? Ne serait-elle pas ainsi en mesure de respecter les règles énoncées dans le projet de loi C-23?
    Vous dites qu'elle ne serait pas en mesure de voter, mais malgré tout le respect que je vous dois, je ne peux pas être d'accord avec cette affirmation, car il existe des moyens pour elle de pouvoir exercer son droit de vote. Il lui suffirait de faire l'effort de demander un document sur papier plutôt qu'un document électronique.
    Je suis d'accord avec vous. Ce que j'ai dit aujourd'hui, c'est que si des élections étaient déclenchées demain, compte tenu de l'information dont elle dispose actuellement, elle n'aurait pas les documents nécessaires pour prouver son adresse de résidence et...
    L'une des choses que nous avons... désolé.
    ... et je crois que c'est beaucoup demander. Si ma fille allait obtenir ce document, c'est parce que sa mère la pousserait dans le dos pour qu'elle le fasse. Pour bien des jeunes, ce serait... ce serait trop compliqué. Pour bien des gens — des gens d'une certaine catégorie de Canadiens — ce serait très difficile de le faire. Alors ce qui m'inquiète, c'est que certaines personnes ne pourront pas se rendre aux urnes parce que, plus spécialement, elles ne pourront pas fournir une preuve de leur résidence.
(2040)
    Oui. Ce que je voulais dire, c'est que nous avons entendu bien des gens déclarer que c'est trop difficile, qu'ils pourraient probablement obtenir l'information mais que c'est trop difficile. Franchement, j'estime que si quelqu'un veut aller voter et estime en avoir le droit, quel que soit l'effort nécessaire pour produire les cartes d'identité attestant de leur résidence et de leur adresse, puisque les deux sont nécessaires pour voter, je ne crois pas que ce soit trop demander aux Canadiens.
    Un dernier commentaire, puisque nous manquons de temps. On a parlé précédemment de la collaboration que vous estimez nécessaire entre Élections Canada et le commissaire aux élections. Vous avez dit que les dispositions du projet de loi ne permettraient pas cette collaboration si le commissaire aux élections ne relève plus d'Élections Canada. Existe-t-il dans le projet de loi des dispositions qui, à votre avis, empêcheraient Élections Canada de parler des enquêtes et de participer à un tel dialogue?
    Non, mais d'après ce que je sais de la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'autres mesures, il est interdit de communiquer de l'information sans une approbation expresse. Vous devriez peut-être consulter le commissaire à la protection de la vie privée à ce sujet, mais je crois qu'il doit y avoir une disposition spéciale à cette fin.
    Je vous poserais la question autrement. D'après tous les indices, tant le commissaire que le DGE voudraient fournir autant d'information que possible pour s'entraider. Si le problème que vous prévoyez était résolu, changeriez-vous d'opinion?
    Je pense qu'on peut déplacer le commissaire. J'entends par là qu'il sera en mesure de mener des enquêtes. Il y a la question de l'échange des renseignements et de l'efficacité, et le commissaire en a soulevé d'autres, mais il est certain que, selon moi, l'échange de renseignements et la coopération entre les deux organismes est le noeud du problème.
    Je pourrais vous laisser aborder un autre sujet, mais alors que je prononce ces mots, votre temps s'épuise.
    Passons à Mme Latendresse, pendant quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui afin de nous aider dans notre étude du projet de loi C-23.
    J'aimerais aborder un aspect particulier des pouvoirs d'enquête et qui n'a pas encore été abordé ce soir. Il y a une autre disposition qui a été ignorée dans le projet de loi C-23. Le DGE et plusieurs experts demandent depuis longtemps qu'on ait le pouvoir de demander aux partis politiques de fournir les documents liés aux dépenses électorales pour s'assurer qu'elles respectent la Loi électorale du Canada.
    Actuellement, Élections Canada peut demander ces documents aux candidats des partis politiques, aux candidats à l'investiture et aux candidats dans une course à la direction d'un parti. Par contre, il ne peut pas les demander aux partis politiques.
    Il a été démontré qu'une mesure comme celle réclamée par plusieurs experts pourrait aider concrètement Élections Canada à combattre la fraude et, en général, à faire des enquêtes sur différentes situations.
    Avez-vous une idée de la raison pour laquelle cette disposition n'est pas dans le projet de loi C-23?
    Non. C'est une question qu'il faudrait poser au gouvernement, évidemment.
    Je crois qu'une telle disposition est nécessaire. Les partis politiques reçoivent des sommes assez importantes en remboursements, de l'ordre de 33 millions de dollars. Or on demande une reddition de comptes pour des sommes bien moindres. Nous vivons à une ère de reddition de comptes et de transparence, et il me semble qu'il serait logique que le DGE ait cette possibilité.
    De plus, si l'on permet aux partis politiques de solliciter des fonds pendant une période électorale, comment le DGE pourrait-il s'assurer qu'il s'agit bien d'appels de sollicitation de fonds et non d'appels pour encourager les personnes à voter? Il faudrait qu'il ait le pouvoir de consulter ces documents, de demander des informations et de vérifier cet aspect. Il faudrait qu'il ait cette possibilité.
    C'est un très bon commentaire. Il est vrai qu'on a déjà montré du doigt la disposition selon laquelle les partis politiques qui prendront contact avec d'anciens donateurs n'auront pas à déclarer ces dépenses. Cela s'applique à ceux qui ont donné 20 $ ou plus. On déplore le fait que ce montant ne soit pas plus élevé. Donc, quelqu'un qui a donné 20 $ pourrait rester anonyme. Théoriquement, cela pourrait s'appliquer à presque n'importe quelle personne avec laquelle un parti politique prendrait contact. Le directeur général des élections a été très clair en disant qu'il n'y aurait pas de façon de faire un suivi pour s'assurer que ce genre de mesure a été appliquée.
    Monsieur Manning, cette mesure concerne un montant d'environ 33 millions de dollars qui est donné aux partis politiques sans qu'ils aient aucune justification à donner ni aucune documentation à produire. Qu'en pensez-vous? Cela devrait-il figurer dans le projet de loi actuel?
(2045)

[Traduction]

    Je pense qu'il est opportun d'assurer la plus grande transparence possible, mais celle-ci ne doit pas concerner que les contributions en argent, mais aussi, et surtout, celles en nature et en main-d'oeuvre, souvent faites par les groupes d'intérêts, les syndicats et les entreprises. Je pense qu'il convient de favoriser la plus grande transparence possible, mais il ne faut pas tenir compte uniquement des contributions pécuniaires aux partis politiques.

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord.
    Je vais céder le reste de mon temps, s'il en reste.

[Traduction]

    Il vous reste 15 secondes. Vous alliez être charitable et en faire don à vos collègues, n'est-ce pas?
    Je laisse plutôt la parole à M. Reid.
    Merci. Est-ce que j'ai aussi ces 15 secondes?
    Vous les aviez; vous ne les avez plus.
    Bien, merci.
    Puisque tous semblent animés du souci de transparence complète, j'admets avoir déjà travaillé pour M. Manning. J'ai été embauché il y a environ 20 ans comme recherchiste pour le caucus du Parti réformiste.
    Monsieur Manning, les années passées à travailler pour vous ont été pour moi très formatrices; un vrai plaisir.
    Monsieur Manning, en ce qui concerne les changements proposés à l'article 18, soit les restrictions imposées à Élections Canada en matière de publicité, j'espère que vous comprendrez le problème auquel j'achoppe.
    Élections Canada, et d'autres autorités électorales, notamment Élections Québec — j'ai récemment vu l'une de ces annonces sur le flan d'un autobus — affichent des publicités pour inciter au vote. Il s'agit notamment d'affiches et de publicités télévisées pour encourager les gens à voter, ou pour leur rappeler que c'est leur devoir. Je n'ai jamais vu de preuves démontrant que cela permet effectivement d'accroître la participation électorale, et je n'ai de rapport d'aucune de ces autorités électorales démontrant une telle efficacité. En toute justice, je n'ai pas fait de recherche scientifique.
    Il me semble que la meilleure façon, et la plus efficace, d'encourager les gens à aller voter, c'est d'essayer d'éliminer les obstacles fondamentaux auxquels ils sont confrontés. Il peut s'agir notamment de personnes handicapées qui ne peuvent sortir de chez elles, de gens qui ne connaissent pas l'existence de scrutins anticipés ou du vote par la poste, ou les gens confinés chez eux.
    J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, étant donné que de nombreuses personnes réclament qu'on donne à l'organisme un pouvoir qu'il n'a pas été en mesure d'exercer efficacement, à mon avis.
    Je suis d'accord avec vous: si les efforts déployés par Élections Canada ou les bureaux d'élection des provinces afin d'accroître le taux de participation consistent tout simplement à mener des campagnes publicitaires et à présenter l'évidence alors que cela n'interpelle pas les gens, si on ne peut en faire davantage, c'est insuffisant. Je pense que la plupart des bureaux d'élection en conviennent, et par conséquent je pense qu'il faut accroître et intensifier nos efforts pour augmenter le taux de participation.
    Davantage d'études scientifiques doivent être effectuées pour comprendre les raisons pour lesquelles les gens ne participent pas au processus. Je pense que les bureaux d'élection pourraient se charger en partie de cette tâche, mais que tous les acteurs — Élections Canada, les partis et les candidats — ont intérêt à accroître le taux de participation. Si je suis d'accord pour qu'on limite le vote par voie de répondant, c'est que je crois qu'il faut inciter les gens à ajouter leur nom à la liste plutôt que de faciliter le vote pour ceux dont le nom n'y figure pas. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses provinces ne permettent pas le vote par voie de répondant.
    Ceux d'entre nous qui avons été candidats à des charges publiques savent que la façon la plus facile et la plus crédible d'être à l'esprit des électeurs, c'est de faire du porte-à-porte et de demander aux gens si leur nom figure sur la liste électorale. S'ils ne le savent pas, ou s'ils n'y figurent pas, nous prenons le temps de les y inscrire, qu'ils nous aiment en tant que candidat ou non. Tous les efforts pour accroître le nombre de noms sur la liste électorale comptent.
    En outre, dans le cadre du mouvement pour la défense des droits civiques aux États-Unis, les efforts d'inscription des électeurs se sont révélés particulièrement efficaces pour intégrer au processus les gens marginalisés, les membres de groupes minoritaires. Inscrivez-vous, ajoutez votre nom à la liste. Comme vous l'avez dit, je pense que ce serait une bonne chose que de permettre à Élections Canada de viser cet objectif, mais en ayant recours à des moyens plus efficaces que par le passé.
    Je me suis aussi dit que le gouvernement pourrait présenter une demande légitime de propositions assortie de financement pour savoir si quelqu'un au pays peut trouver une façon d'accroître le taux de participation aux élections. On pourrait permettre à Élections Canada de présenter une proposition, puis on les étudierait toutes. Le groupe du Vote étudiant, qui à mon avis a bien réussi auprès des jeunes, pourrait présenter une autre solution pour régler ce problème.
(2050)
     Merci, monsieur Manning.
    Je vous remercie tous. Merci à tous les témoins d'avoir été ici ce soir. Nous allons clore la séance. Merci beaucoup.
    Je vous revois tous ici même demain.
    La séance est levée.
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