Que la Chambre (i) reconnaisse que le chef du groupe terroriste connu sous le nom d’État islamique de l’Irak et du Levant (EIIL) a demandé à ses membres de cibler le Canada et les Canadiens au pays et à l’étranger, (ii) reconnaisse, en outre, la menace claire et directe que l’EIIL présente pour les gens de la région, y compris les membres des minorités religieuses et ethniques vulnérables qui sont victimes d’une campagne soutenue de violence sexuelle brutale, de meurtre et d’intimidation barbare de la part de l’EIIL, (iii) accepte que, sans le déploiement d’une force puissante et directe, la menace que représente l’EIIL pour la paix et la sécurité internationales, y compris pour les communautés canadiennes, continuera de croître, (iv) affirme la volonté du Canada, conformément aux valeurs et aux intérêts du pays, à protéger les civils vulnérables et innocents de la région, y compris au moyen d’aide humanitaire d'urgence, (v) reconnaisse que le gouvernement irakien demande à la communauté internationale, y compris au gouvernement du Canada, de fournir un soutien militaire pour lutter contre l’EIIL, (vi) reconnaisse, en outre, la participation des amis et alliés du Canada, dont de nombreux pays du Moyen-Orient, à la vaste coalition internationale engagée à la lutte contre l’EIIL, (vii) note que le Conseil de sécurité des Nations Unies est maintenant saisi de la menace que constitue le terrorisme international avec l’adoption à l’unanimité de la Résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations Unies, et, par conséquent: a) appuie la décision du gouvernement [de fournir des ressources militaires canadiennes dans le cadre de la lutte contre l’EIIL et contre les terroristes associés à l’EIIL, y compris une capacité de frappes aériennes, pour une période pouvant atteindre six mois;] b) note que le gouvernement du Canada ne déploiera pas de militaires dans le cadre d’opérations de combat terrestre; c) continue à offrir son soutien ferme et sans réserve aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes qui se tiennent prêts à nous défendre tous.
Monsieur le Président, c’est un honneur pour moi d’ouvrir le débat sur un enjeu aussi important pour les Canadiens et pour la sécurité du monde entier.
Il est tout à fait approprié que tous les partis représentés à la Chambre aient la possibilité de se faire entendre. C’est la raison pour laquelle, lorsque je me suis rendu en Irak le mois dernier, j’étais accompagné des porte-parole de l’opposition. C’est la raison pour laquelle nous avons rappelé le comité plus tôt que prévu, avant la reprise des travaux du Parlement, afin de discuter du déploiement de conseillers militaires. C’est la raison pour laquelle le gouvernement s’est montré favorable à la tenue d’un débat d’urgence dès le lendemain de la reprise parlementaire. Enfin, c’est la raison pour laquelle nous présentons cette motion pour discuter d’une nouvelle phase des opérations.
La motion soulève d’importantes questions liées non seulement au processus mais aussi au principe qui est en jeu ici. Il convient de se pencher sur toutes ces questions avec le sérieux que les Canadiens attendent de nous, à juste titre d’ailleurs.
Je vais laisser mes collègues aborder certains aspects plus techniques. Le parlera tout à l’heure de la mission militaire en soi. Cependant, j’aimerais fournir quelques renseignements clés.
Combien de temps durera la mission? Six mois. Combien de CF-18 allons-nous déployer? Six. Allons-nous envoyer d’autres avions? Oui, un avion de ravitaillement et deux avions de surveillance. Combien de membres d'équipage allons-nous déployer dans un pays voisin? 600 militaires.
Nous demandons à nos vaillants soldats, hommes et femmes, de survoler l’Irak afin d’y confronter une nouvelle génération de terroristes. Notre pays est directement ciblé par cette menace.
J’espère qu’on ne va pas discuter interminablement de la nature du débat qu’on va avoir.
Le gouvernement a fait part de ses intentions. Le a exposé très clairement la direction qu’il entendait prendre. Combien de conseillers militaires allons-nous envoyer? Il y en aura un maximum de 69, qui aideront et conseilleront ceux qui doivent faire face aux forces de l’EIIL.
La motion dont la Chambre est saisie énonce clairement ce que nous allons faire et ce que nous n’allons pas faire. Elle décrit l’objectif de la mission. À chaque étape, j’ai tenu à ce que le Canada présente un front uni et fort dans son combat contre l’EIIL. Je crains, et je le déplore, que ce ne soit qu’un vœu pieux.
Certes, il arrive à tous les partis de la Chambre des communes de se livrer à des discussions plus animées qu’éclairées, mais l’enjeu auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est beaucoup plus important. Il transcende la Chambre des communes. Il transcende le Canada.
Nous l’avons déjà entendu dans cette enceinte: un grand pays ne doit pas avoir une vision réductrice. Nous devons au contraire voir grand, pour la génération actuelle et pour les générations futures.
Comme l’a dit un ancien député fort respecté, Bob Rae:
Il ne s'agit pas d'une question de paix ou de guerre. On parle ici de la capacité collective des gouvernements et des institutions internationales de lutter efficacement contre ceux qui commettent des actes de violence.
À l'heure actuelle, tout le monde connaît les méthodes brutales de l'EIIL. Il ne s'agit pas simplement d'un autre conflit. Nous ne luttons pas contre un État ou même un dictateur étranger. Nous luttons contre un groupe de terroristes qui commettent des viols et des massacres, qui se livrent à des pillages et qui s'attaquent à tous ceux qui s'opposent à eux.
Ces terroristes créent un proto-État, un endroit où ils peuvent se préparer à attaquer le Canada et le monde occidental. C'est là que des personnes courageuses et idéalistes comme Alan Henning, un travailleur humanitaire, se font décapiter devant la caméra. C'est là que des femmes et des filles sont vendues aux enchères comme esclaves et qu'on monte les têtes de membres des minorités sur des piquets pour les mettre bien en évidence sur les places publiques. C'est là que ceux qui ont adopté une mentalité moyenâgeuse s'opposent effrontément à la société civilisée.
Vendredi, j'ai lu le compte rendu de la situation fait par un commerçant de Makhmour, une ville kurde. Voici ce qu'il a déclaré:
Nous avons dû partir. Nous étions très nerveux, car tout le monde savait que les membres de l'EIIL avaient tué tous les gens qu'ils avaient trouvés dans certaines villes.
Les membres de ce groupe prétendent être des musulmans, mais ils ne pratiquent aucune religion. Tout ce qu'ils pratiquent, c'est le meurtre. C'est ça, leur croyance.
Grâce aux frappes aériennes ordonnées par l'administration Obama, la ville de cet homme a été récemment reprise des membres de l'EIIL. Voici ce qu'il a ensuite dit:
Je sais fort bien ce que le Canada veut faire.
Ce que les Canadiens feront bientôt en Irak aura des répercussions positives.
Mon homologue au sein du gouvernement régional kurde a fait écho à ce message d'appui.
[Français]
Nous ne pouvons prédire l'avenir, mais nous pouvons prendre conscience de la situation actuelle. Il y a tout juste trois ans, Al-Qaïda, en Irak, était sur la corde raide. Maintenant, son successeur contrôle de vastes territoires et un très grand nombre de ressources, créant ainsi les conditions propices au lancement d'attaques sophistiquées à l'étranger. Le week-end dernier, nous avons entendu parler d'un pacte de la mort entre les talibans du Pakistan et l'EILL.
Nous devons nous attaquer à ce fléau, et pour cause. Par ailleurs, le nouveau gouvernement unifié a demandé instamment qu'on lui vienne en aide.
[Traduction]
Notre gouvernement reconnaît qu'il y a plusieurs facettes à cette crise. Alors que nous tentons de stopper l’avancée de l’EIIL, quiconque a lu les nombreux reportages ou entendu certains des témoignages en Irak ne peut oublier le coût humain de cette marche impitoyable.
Il est vraiment difficile de bien saisir l’ampleur de la crise humanitaire. Pour avoir une idée de la tragédie humaine qui se joue, il suffit d’imaginer qu’un nombre de personnes supérieur à la population entière de Montréal, plus que tous les Montréalais, soient obligées de fuir leur maison dans la terreur. Cela représente 1,8 million de personnes, dont des femmes, des enfants, des personnes âgées et des membres de minorités religieuses ciblées.
Le Canada a réagi rapidement à cette crise au moyen d’une aide concrète. L’aide que nous apportons nous place déjà au septième rang des principaux donateurs dans le monde. Le chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l'Irak a d’ailleurs félicité le Canada pour sa collaboration.
J’aimerais aujourd’hui me concentrer sur un élément de la crise, un élément qui a reçu beaucoup trop peu d’attention jusqu’à maintenant.
La brutalité de l’EIIL n’a d’égale que sa dépravation. En effet, comme l’ont signalé les Nations Unies dans un rapport présenté dernièrement, les membres de cette organisation ont, au cours de l’été, enlevé et regroupé comme du bétail 150 femmes et jeunes filles, pour la plupart des chrétiennes et des yézidies, qu’ils ont envoyées en Syrie pour être données à des combattants de l’EIIL comme récompenses ou pour être vendues comme esclaves sexuelles. Les forces irakiennes qui ont pris des villages à l’EIIL ont rapporté avoir trouvé des femmes nues attachées à des arbres.
La violence sexuelle lors de conflits est un crime méprisable qui cible les personnes les plus vulnérables. Le Canada joue un rôle de leader dans la lutte contre ce problème et il en demeurera ainsi au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Nous devons toujours garder en tête le sort des femmes et des jeunes filles qui souffrent aux mains de l’EIIL. Nous veillerons donc à ce que leur protection demeure un objectif central des initiatives des Nations Unies et les pays du G7 pour les femmes, le maintien de la paix et la sécurité. Le Canada appuiera également la participation d’un spécialiste de la violence sexuelle contre les femmes à la mission du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en Irak; je peux d’ailleurs annoncer aujourd’hui que nous fournirons jusqu'à 5 millions de dollars pour aider les victimes de violence sexuelle en Irak à obtenir l’aide et les traitements dont elles ont besoin.
Nous fournirons une autre somme de 5 millions de dollars à des partenaires, dont Justice Rapid Response, une initiative d’origine canadienne, pour enquêter sur les crimes de violence sexuelle commis dans les territoires contrôlés par l’EIIL et pour traduire les coupables en justice.
Nous avons également conclu un partenariat avec le Foreign and Commonwealth Office du Royaume-Uni et mon ancien collègue William Hague, qui a adopté cette cause importante, pour trouver des façons d’aller plus loin dans cette lutte. Voilà une cause dans laquelle je m’investis depuis quelques années.
Dans une crise humanitaire d’une telle ampleur, il y a toujours plus à faire, mais le Canada peut être fier des mesures qu’il prend actuellement. Cela dit, nous devons prendre soin de ne pas tracer une ligne de démarcation entre la sécurité et l’aide humanitaire. La distinction serait non seulement factice, mais également dangereuse. Il n’y a pas à choisir entre les deux. Envoyer un médecin, un avocat ou un travailleur humanitaire pour aider les gens est une excellente chose, mais cela n’empêchera pas ces gens de se faire tout d’abord massacrer et n’empêchera pas la crise humanitaire de s’amplifier.
Lorsque la maison est en feu, il faut appeler les pompiers et les ambulanciers. Le major Mariam al-Mansouri le sait. Elle est pilote de chasse pour les Émirats arabes unis et elle participe à la lutte contre les terroristes qui violent et assassinent d’innombrables femmes.
En somme, il s’agit de savoir quelle conception nous avons de notre pays. Comme les décapitations récentes nous l’ont rappelé, nous ne saurions rester en touche lorsque des travailleurs humanitaires de divers pays risquent d’être massacrés. Nous ne pouvons pas affronter un réseau de la mort, pour reprendre les termes du président Obama, avec pour seules armes des pansements, des déclarations creuses et des enquêtes.
Soutiendrons-nous des alliés proches comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la France et des pays comme la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas, sans oublier des pays arabes amis comme la Jordanie et les Émirats arabes unis, ou allons-nous rester en retrait alors qu’ils s’avancent à la ligne de front? Le Canada vaut mieux que cela.
Comme je l’ai dit et répété, j’estime que la lutte contre le terrorisme est le combat qui définira notre génération. Cela ne veut pas dire que cette mission durera pendant toute une génération, comme un collègue d’en face l’a prétendu, mais je crois que l’avenir nous jugera en fonction de notre décision: nous engagerons-nous dans ce combat ou allons-nous nous défiler?
Réfléchissons un instant à ce qui risque de se passer si nous ne faisons rien. Je ne chante peut-être pas très bien, mais lorsque je chante « Protégera nos foyers et nos droits », je donne tout leur poids à ces mots, à la fois comme citoyen et comme député qui voit là une des plus grandes responsabilités des parlementaires envers leurs électeurs. Si nous ne réglons pas le sort de l’EIIL et des gens de cet acabit, ils régleront le nôtre. Quiconque reconnaît que cette organisation menace notre sécurité tout en laissant à d’autres le soin de la combattre renonce à sa responsabilité morale et à son devoir de vigilance.
Je peux en tout respect être en désaccord avec un pacifiste pur et dur, mais si nous croyons que, le monde étant ce qu’il est, l’action militaire est parfois l’une des solutions qui s’imposent, alors tenons un débat sérieux.
C’est avec plaisir que j’ai constaté que, vendredi, la Chambre avait accordé du temps à la députée de . La thèse de la députée reposait davantage sur des principes plutôt que sur la dimension politique, car elle estime que l’action militaire est condamnable et contre-productive. Cette opinion n’est peut-être pas fondée, mais elle est sincère. D’autres, par contre, cherchent des raisons, n’importe quelles raisons, de refuser d’appuyer la mission du Canada.
Certains députés se sont demandé ce que nos meilleurs soldats d'élite pouvaient bien avoir à montrer aux forces irakiennes et kurdes. Ils ont remis en question l'efficacité et l'honneur de l'Aviation royale du Canada. Ils ont cherché à détourner l'attention sur toutes sortes d'autres endroits du monde où la situation est préoccupante.
Mais quoi qu'on en dise, nous savons qu'il est plus facile de prétendre qu'on a la réponse à tout que de respecter ses principes, qu'il est plus simple de se réfugier derrière des prétextes que de prendre ses responsabilités et qu'il est plus simple de dénoncer les risques qu'il y a à agir quand on sait qu'on ne sera pas blâmé si rien n'est fait. Or, tous les partis, qu'ils soient au pouvoir ou espèrent y accéder, devraient s'astreindre à des normes plus élevées que cela. À mon humble avis, le Canada devrait s'astreindre à des normes plus élevées que cela.
Je cite: « Le leadership ne se résume pas à prendre la décision la plus facile, celle qui semble aller de soir. Pour faire preuve de leadership, il faut agir selon ses valeurs et ses principes. » Ces paroles ne viennent pas du . Elles viennent de mon ami, le chef du Parti libéral, qui les a prononcées la semaine dernière, et j'invite les députés de son parti à y réfléchir aujourd'hui.
Le député de aime bien pontifier et expliquer à qui veut l'entendre ce que le Canada devrait faire. Eh bien, je tiens à lui rappeler que, de tout temps, le Canada auquel je m'identifie a toujours fait sa part pour défendre les idéaux et les valeurs grâce auxquelles il fait l'envie du monde.
Ce Canada répond « présent » quand on l'appelle à l'aide. Il protège les vulnérables de ce monde. Il résiste à l'agresseur. Il ne laisse pas les autres se taper toute la sale besogne. Il se relève les manches et fait ce qu'il a à faire. Il fut une époque où le Parti libéral y croyait, lui aussi.
Les nuages noirs de la terreur assombrissent le ciel de l'Irak et de la Syrie. Ils menacent de jeter leurs éclairs de l'Inde jusqu'à l'Espagne. Nous devons empêcher cette tempête de s'abattre sur le Canada, car c'est ce qui arrivera si nous n'intervenons pas. Quand le terrorisme nous menace, il faut lui tenir tête avec courage et faire tout en notre pouvoir pour le dénoncer.
Ces terroristes propagent leurs élucubrations malsaines au-delà des frontières et des fossés générationnels. J'exhorte tous les partis à se montrer solidaires des victimes de la brutalité, solidaires de ceux qui s'élèvent contre cette menace terrible et barbare.
Quand les députés se demanderont s'ils doivent appuyer cette motion, j'aimerais qu'ils pensent à ceci: que diraient-ils à ce commerçant kurde? Que diraient-ils aux femmes et aux jeunes filles qui craignent d'être les prochaines victimes de l'État islamique? Que diraient-ils au pilote de chasse qui a besoin d'une vigie?
Débattons des gestes qu'il faudrait poser, mais en montrant le Parlement à son meilleur, en montrant le Canada à son meilleur.
J'encourage vivement les députés à appuyer la motion.
:
Monsieur le Président, avant de livrer les remarques préparées en vue de la discussion sur la motion du gouvernement visant à envoyer nos militaires et nos avions de chasse en Irak pour une mission de combat, je tiens à relever quelques-uns des propos du ministre qui vient de parler.
[Traduction]
Je lui dirai d'abord que, même si sa réponse à mon collègue, le porte-parole de notre parti pour la défense, était habile, elle n'était pas exacte. Cette fin de semaine, le ministre a affirmé sur les ondes qu'il y avait une résolution unanime des Nations Unies en faveur de cette mission. C'est absolument faux. Cette résolution n'existe pas. Nous pouvons lire au complet la véritable résolution qui a été adoptée par les Nations Unies. Elle est très longue. Son préambule est très long. Les dispositions de la résolution sont énoncées. Il n'est tout simplement pas vrai que cette mission est une mission des Nations Unies.
Le ministre est bien trop intelligent, et il possède beaucoup trop d'expérience, pour croire cela. Pourtant, c'est ce qu'il a dit sur les ondes. Les gens pourront vérifier la transcription de l'entrevue et comparer ce qu'il y a dit aux propos qu'il a tenus aujourd'hui.
En outre, le ministre a affirmé plus tôt que le gouvernement avait énoncé clairement les raisons de cette mission, son objectif ultime et ce en quoi elle consistait. Ce n'est pas vrai, et je le montrerai en parlant en long et en large de toutes les versions des faits que le gouvernement nous a données.
Le a tenu des propos des plus choquants vendredi, dans cette enceinte, et j'ai hâte de l'entendre aujourd'hui. Il est important d'entendre le , mais le premier ministre devrait bien entendu se trouver à l'avant-scène dans ce débat.
Au sujet de l'EIIL, le ministre a affirmé que nos forces armées combattraient ce groupe parce qu'il viole, pille et massacre. Personne ne sous-estime les horreurs que nous avons vues. À l'ère où nous vivons, les images nous arrivent instantanément sur nos écrans de télé ou par d'autres médias.
Toutefois, contrairement à ce que le a déclaré dans son discours de vendredi, discours que le vient de répéter, ce dernier nous dit que le gouvernement n'est pas un ami d'Assad. Je suis tout à fait disposé à croire le ministre des Affaires étrangères sur parole, mais les gestes sont plus éloquents que les paroles. Or, le premier ministre a indiqué vendredi, dans son discours, qu'il répondrait favorablement si Assad nous demandait de bombarder la Syrie. Par conséquent, tous les Canadiens peuvent en déduire que le premier ministre du Canada accorde beaucoup de crédibilité à Bachar al-Assad et à son régime assassin et génocidaire. Dans mon parti, nous ne lui accordons aucune crédibilité.
Comment le gouvernement peut-il, d'une part, affirmer que le régime Assad ne mérite même pas qu'on le considère comme un interlocuteur valable et, d'autre part, nous dire qu'il répondra favorablement à une éventuelle demande de ce régime? Ces deux propositions sont incompatibles et révèlent l'incohérence de la pensée du gouvernement, qui manque aussi de rigueur et qui, franchement, fait preuve d'un sens de l'éthique discutable aux yeux de la communauté internationale.
Nous avons entendu le ministre dire tout à l'heure que seuls les pays qui participent à la mission de combat, c'est-à-dire aux bombardements, seraient autorisés à fournir de l'aide humanitaire.
L'hon. John Baird: Je n'ai pas dit cela.
L'hon. Thomas Mulcair: Monsieur le Président, regardez les pays qui sont proches de nous et que le gouvernement aime citer, mais qui ne participent pas à la mission de combat. L'Italie, l'Allemagne, la Norvège, tous des alliés membres de l'OTAN, fournissent de l'aide humanitaire, mais rejettent les frappes aériennes, comme le Canada devrait les rejeter.
Le ministre a également déclaré que les gens invoquent n'importe quelle raison pour s'opposer à la mission. Quelle façon hautaine et dédaigneuse de traiter les gens qui sont d'avis que les bombardements ne permettront pas de pacifier une région qui a déjà vu trop de guerres. Je souligne respectueusement que nous sommes en désaccord avec le gouvernement à ce sujet.
Des éditoriaux réfléchis publiés partout au pays disent le contraire. Je vais en lire seulement deux, mais ils valent la peine d'être lus. Je vais lire l'éditorial d'Agnès Gruda, publié dans La Presse du samedi 4 octobre. Je vais ensuite lire celui de Peggy Mason, publié hier, le dimanche 5 octobre, dans le Ottawa Citizen. Il est important de préciser que Peggy Mason est une ancienne ambassadrice au désarmement du Canada auprès des Nations Unies et une ancienne conseillère de Joe Clark, à l'époque où il était ministre conservateur des Affaires extérieures.
L'hon. John Baird: Progressiste.
M. Thomas Mulcair: Le ministre lance le mot « progressiste » comme si c'était une insulte. Oui, elle était progressiste conservatrice.
[Français]
Dans La Presse du samedi, 4 octobre 2014, Agnès Gruda a écrit un texte intitulé « Une guerre mal barrée »:
L'Australie l'a fait, la France, l'Arabie saoudite et la Turquie aussi. Une douzaine de pays ont déjà accepté de participer aux frappes aériennes américaines [pas des Nations Unies, des frappes aériennes américaines] contre le groupe armé État islamique (EI) en Syrie et en Irak. Et le Canada s'y joindra dès la semaine prochaine.
Le débat sur cet engagement militaire réveille de mauvais souvenirs, ceux de la guerre contre Saddam Hussein à laquelle le Canada avait eu la bonne idée de ne pas participer...
Mais l'Irak de 2014 est différent de celui de 2003. Nous ne faisons pas face, cette fois, à une menace imaginaire. Depuis qu'il a mis la main sur la deuxième ville d'Irak, Mossoul, il y a quatre mois, l'EI a eu largement le temps de montrer de quoi ses hommes sont capables.
Un rapport publié jeudi par l'ONU détaille les exactions qu'il a infligées aux civils irakiens au cours des quatre derniers mois. Exécutions sommaires, viols collectifs, enlèvements, pendaisons publiques: les hommes de l'EI massacrent sans l'ombre d'un scrupule.
Sur le terrain, les djihadistes menacent d'étendre leur territoire. La bataille pour la ville syrienne de Kobané, à la frontière de la Turquie, se poursuivait, d'ailleurs, hier.
Alors, oui, il y a d'excellentes raisons de vouloir stopper ces exaltés sanguinaires. Y compris, s'il le faut, par une offensive militaire internationale.
Mais pas n'importe quelle offensive. Or, l'opération dans laquelle se sont engagés les États-Unis, c'est, malheureusement, un peu n'importe quoi...
« Politiquement, les frappes ont eu jusqu'à maintenant un impact négatif », constate Robert Blecher, analyste à l'International Crisis Group, selon qui la coalition est en train de répéter les erreurs passées.
L'un des principaux risques soulevés par cette offensive, c'est qu'elle finisse par aliéner les populations mêmes que l'on prétend sauver des griffes des islamistes.
Robert Blecher cite l'exemple de villages syriens qui ont été bombardés un jour par l'armée américaine et, le lendemain, par le régime de Bachar al-Assad.
« Sur le terrain, il est très difficile de comprendre d'où exactement viennent les missiles. Et il est très difficile d'expliquer aux groupes rebelles dominants pourquoi Assad, lui, n'est pas bombardé. »
Ceux, parmi les rebelles, qui attendent de l'aide occidentale finissent par avoir l'impression d'être livrés en pâture au régime qu'ils combattent. Tandis que les civils ont le sentiment de se trouver sous le feu d'armes qui visent uniquement les sunnites. « Politiquement, ça crée une situation extrêmement difficile », selon Robert Blecher.
Et puis, qui vise-t-on au juste? Il y a deux semaines, les Américains ont bombardé une brigade affiliée à un autre groupe de rebelles djihadistes, le Front al-Nosra.
Or, ce groupe se bat sur deux fronts: contre Bachar al-Assad ET contre l'EI, son ennemi juré. En le soumettant à une pluie d'obus, on a donné un coup de main aux « méchants » que l'on veut anéantir. C'est assez paradoxal, merci.
Revenons à l'Irak. Là aussi, la ligne entre «gentils» et «méchants» n'est pas toujours étanche. Selon le rapport de l'ONU, l'armée irakienne et différentes milices chiites ne font pas non plus dans la dentelle.
Ici aussi, donc, les frappes aériennes peuvent entraîner des conséquences indésirables. Notamment en radicalisant ceux que l'on prétend protéger, dans la plus grande confusion.
« Personne ne sait quelle est au juste la stratégie poursuivie par la coalition », résume l'hebdomadaire allemand Spiegel dans une longue analyse.
Menée comme elle l'est actuellement, cette offensive soulève davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses. Est-ce qu'on combat seulement l'EI, ou tous les islamistes, y compris ceux du Front al-Nosra?
Sous-question: comment éviter d'aider Bachar al-Assad, et donc de s'aliéner les rebelles syriens les plus fréquentables?
De façon plus large: y a-t-il une stratégie politique pour l'après-guerre, tant en Irak qu'en Syrie? Et finalement, prend-on assez soin de s'assurer un soutien local à cette offensive, sans lequel elle est vouée à l'échec?
Quand le groupe État islamique a fait son apparition en Irak, au milieu des années 2000, la réponse n'est pas venue du ciel... mais des tribus sunnites locales qui ont réussi à le contenir.
Et s'il a pu prendre une telle expansion, cette année, c'est parce que ces mêmes tribus ne font plus confiance au pouvoir chiite de Bagdad. Finalement, pour venir à bout de la menace - bien réelle - que représente le groupe État islamique, il faut offrir une « solution politique aux sunnites irakiens et syriens », souligne Robert Blecher. Selon lui, cette solution existe, même en Syrie, où il y a encore des rebelles sunnites tout à fait fréquentables pour la communauté internationale.
Le problème, c'est que dans sa forme actuelle, la guerre contre l'EI risque de transformer ces éventuels alliés de l'Occident en ennemis...
Avec toutes ces couches de confessions, de tribus et de guerres fratricides, l'Irak et la Syrie présentent des situations d'une complexité extrême. Pour dire les choses simplement: oui, l'EI peut être combattue par les armes. Mais cette guerre-là est mal barrée. Et rien dans le discours [du Premier ministre] n'indique qu'il compte utiliser son pouvoir d'influence pour réaligner les choses.
Voilà un commentaire francophone d'Agnès Gruda de La Presse.
Peggy Mason, ancienne ambassadrice du Canada aux Nations Unies, spécifiquement responsable du désarmement, et conseillère spéciale de l'ancien ministre progressiste-conservateur des Affaires extérieures, Joe Clark, disait hier dans le Ottawa Citizen:
[Traduction]
Selon l'ancienne ambassadrice, « le plan d'intervention [du premier ministre] en Irak risque de jeter de l'huile sur le feu. »
[Le premier ministre] soumettra la mission militaire de combat proposée du Canada à un vote lundi. D'après de récents sondages, une faible majorité de Canadiens est en faveur de la mission de bombardement pour lutter contre la menace que pose l'organisation extrémiste appelée État islamique de l’Irak et du Levant (EIIL). Il n'est pas surprenant que les Canadiens veuillent aider et « faire quelque chose ».
Or, le plan du [premier ministre] d'envoyer des avions de guerre canadiens pour participer aux bombardements de la coalition, dirigée par les États-Unis, en Irak risque simplement de jeter de l'huile sur le feu.
[Le premier ministre] et ses alliés sous-estiment leurs opposants; ils pensent qu'il s'agit d'une bande d'extrémistes religieux déterminés à semer la destruction et la terreur. L'État islamique est peut-être brutalement impitoyable, mais il sait exactement ce qu'il fait.
Son noyau est composé de combattants expérimentés et motivés et d'un état-major extrêmement expérimenté qui était déjà aux commandes lors de la « sale guerre » menée par les forces spéciales américaines et britanniques en Irak entre 2006 et 2009.
Le moindre mouvement de l'EIIL a l'aspect stratégique d'une partie d'échecs, tandis que l'Occident joue plutôt une partie de tictacto.
L'EIIL n'est pas une seulement une organisation militaire, c'est un mouvement politique qui s'est doté d'une idéologie mûrement réfléchie, même si elle paraît odieuse à l'Occident. L'EIIL gouverne les vastes régions qu'il contrôle en Irak et en Syrie. Il élimine sans pitié ses opposants potentiels, mais il fournit aussi de l'électricité, de la nourriture et d'autres services essentiels aux gens ordinaires qui habitent dans les régions sous son contrôle.
C'est pour cette raison que les récentes frappes aériennes des États-Unis contre l'EIIL ont visé non seulement des installations pétrolières et gazières, mais aussi des silos à grains. Il s'agit toutefois d'un plan d'action fort contestable à la fois sur le plan juridique et sur le plan humanitaire, surtout si le conflit devait se prolonger.
Jusqu'à maintenant, les interventions militaires de l'Occident ont été dramatiquement contre-productives.
[Le premier ministre] dit que « nous » ne sommes pas responsables du chaos qui règne en Libye. Il est toutefois parfaitement clair que la victoire militaire de l'intervention dirigée par l'OTAN en Libye a été une victoire à la Pyrrhus et qu'elle a ouvert la voie à la guerre civile qui a suivi.
Il ne faut pas oublier comment nous en sommes arrivés là. À maintes reprises dans le passé, nous avons choisi de faire la guerre au lieu de négocier.
Penchons-nous sur les leçons apprises en Libye. Si nous n'y avions pas outrepassé le mandat de l'ONU (mandat qui excluait un changement de régime), nous aurions pu négocier une entente de partage des pouvoirs... qui aurait préconisé une réforme démocratique progressive au lieu de laisser au niveau du pouvoir un vide qui a été comblé par des extrémistes, notamment par l'EIIL.
Nous pouvons tirer exactement la même leçon de la situation en Syrie. Si l'Occident n'avait pas exigé le départ immédiat d'Assad et refusé que l'Iran participe aux négociations, l'entente de partage des pouvoirs proposée par Kofi Annan dans le cadre d'un gouvernement de transition aurait ouvert la voie à des réformes démocratiques progressives en Syrie, ce qui, une fois de plus, aurait laissé beaucoup moins de place à l'intervention de groupes extrémistes comme l'EIIL.
Un mandat de l'ONU qui privilégiait une gouvernance inclusive et des réformes démocratiques parallèlement à un soutien militaire vigoureux a grandement contribué aux progrès réalisés récemment en Somalie et au Mali. Un mandat de l'ONU pourrait aussi permettre une intervention efficace en Irak et en Syrie si tous les joueurs, y compris la Russie et l'Iran, participaient pleinement aux négociations, et si la Turquie, l'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe étaient au coeur de l'élaboration d'une stratégie politique au lieu de n'occuper qu'une place symbolique dans le processus.
Une approche globale, fondée sur un mandat de l'ONU et faisant l'objet d'un vaste appui a déjà trop tardé dans cette guerre contre la terreur qui, jusqu'ici, a été affreusement contre-productive. Nous devons fonder l'intervention canadienne en Irak et en Syrie sur cette approche éclairée.
Je rappelle que ce sont les propos de Peggy Mason, ancienne ambassadrice du Canada en matière de désarmement à l'ONU, qui était la conseillère du ministre des Affaires extérieures de l'époque, le progressiste-conservateur Joe Clark.
[Français]
Il y a 12 ans, le gouvernement du Canada a entrepris une mission de reconstruction de l'Afghanistan, un pays qui avait été ravagé par la guerre qui avait commencé en 1979 avec l'invasion de l'ancien Union soviétique.
L'objectif était d'amener stabilité et sécurité au nouveau gouvernement de Kaboul. Au cours des années, le gouvernement libéral a transformé radicalement cette mission. Ce qui était à la base une mission de reconstruction s'est vite transformée en mission de combat. L'arrivée des conservateurs au pouvoir n'a pas changé cela. Tout au contraire, la mission et les combats se sont prolongés.
Quelques douzaines de forces spécialisées dans une mission très restreinte dans le temps sont devenues 40 000 militaires canadiens dans la plus longue mission de combat de l'histoire de notre pays. On a dépensé au minimum 30 milliards de dollars de notre Trésor. Il y a eu 160 morts, des milliers de blessés, sans oublier, parce qu'on a tendance à les oublier, les milliers de femmes et d'hommes qui sont revenus marqués psychologiquement par le syndrome du stress post-traumatique. Les Forces canadiennes étaient rendues bien loin de la mission originale de reconstruction, qui était, d'abord et avant tout, du combat dorénavant.
Ce qui est intéressant — vous le savez, car vous étiez là aussi, monsieur le Président —, c'est que, malgré les attaques vicieuses à son endroit de la part des conservateurs, Jack Layton a eu le courage de faire ce qu'il fallait faire et de dire ce qu'il fallait dire.
[Traduction]
À l'époque, Jack Layton posait des questions difficiles au ministre de la Défense du gouvernement conservateur, poste qui était alors occupé par le député de . L'ancien ministre se souviendra peut-être de ces questions clés que Jack lui a posées:
Quels sont les objectifs de cette mission et en quoi recoupent-ils ceux de notre politique étrangère? Quel est le mandat concret de la mission et comment en assure-t-on l'application?
Quels sont les critères [que nous utiliserons pour évaluer les] progrès? Comment définit-on la réussite?
Est-ce que cela semble familier? Bien sûr que oui. Ce sont les mêmes questions qui sont posées aujourd'hui par le NPD au sujet du déploiement en Irak. D'ailleurs, les mêmes questions avaient été posées au gouvernement libéral à propos de la mission en Afghanistan, quelques mois seulement avant qu'on les pose au député conservateur de , et avec raison. Ce sont des questions légitimes auxquelles les Canadiens méritent d'obtenir une réponse.
[Français]
Le NPD a aussi forcé la tenue d'un débat et d'un vote à la Chambre des communes. À l'époque, le avait pu prolonger la mission en Afghanistan grâce à l'appui des députés libéraux. Les députés du NPD s'y étaient opposés, et j'en suis encore tellement fier aujourd'hui.
[Traduction]
Même si nous n'avons pas toujours été d'accord, il existe au Canada et à la Chambre une fière tradition de collaboration respectueuse lorsqu'il est question de guerre et de paix. Par exemple, en 1991, la chef du NPD, Audrey McLaughlin, fut assermentée comme membre du Conseil privé afin qu'elle puisse obtenir des renseignements classifiés sur la première guerre du Golfe. La même courtoisie a été accordée à Bill Blaikie, et à l'actuel lui-même, au début de la mission en Afghanistan lancée par le gouvernement libéral, et plus tard, à Jack Layton. Il n'est que justice de dire que le premier ministre a d'abord poursuivi la tradition, puisqu'il a informé Jack Layton au sujet de la mission en Libye et m'a tenu au courant du déroulement de la mission au Mali. Mais maintenant que le premier ministre envoie le Canada en guerre en Irak, le silence règne. Pire encore, les conservateurs ont tout fait pour empêcher la tenue d'un débat éclairé.
Le , avec l'appui des libéraux, nous a engagés dans une guerre en Irak en affirmant qu'il s'agissait d'une mission de 30 jours sans combat. Il a promis que la participation du Canada allait être réévaluée à la fin de ce premier déploiement. Le 15 septembre, le a dit qu'il y avait déjà 69 soldats canadiens sur le terrain. Le 26 septembre, le premier ministre a lui-même soutenu qu'il y avait « plusieurs dizaines de membres des Forces canadiennes en Irak. »
Toutefois, selon Radio-Canada, ces affirmations sont fausses. Les 26 premiers soldats canadiens ne sont arrivés en Irak que le 23e jour d’une mission de 30 jours. Le ne l’a pas nié lorsque je lui ai posé précisément la question la semaine dernière, à la Chambre. Comment pouvons-nous évaluer une mission alors que les soldats ne sont sur le terrain que depuis une semaine? J’en conclus que la promesse faite par le gouvernement de réévaluer notre présence militaire en Irak au bout d’un mois était malhonnête, que c’était même une imposture. Le gouvernement engageait ainsi le Canada dans une mission militaire de 30 jours, sans aucun débat ou vote au Parlement, et ensuite, nous étions pris dans l’engrenage.
Et le gouvernement continue de refuser de nous donner des informations claires et honnêtes sur la mission. Le refuse de dire où les avions canadiens seront stationnés, au motif que c’est un détail opérationnel qu’il ne peut pas divulguer.
Or, les gouvernements étrangers ont révélé l’endroit où leurs les avions seraient stationnés. Et lors de conflits antérieurs, le Canada a toujours indiqué où ses avions étaient stationnés. Pourquoi alors le gouvernement refuse-t-il de nous fournir cette information aujourd’hui?
Tantôt le affirme que les Forces canadiennes seront placées sous le commandement du chef d’état-major de la défense de notre pays, tantôt il déclare, lors d’une entrevue ultérieure, qu’elles « seront placées sous le commandement des États-Unis ». Que doit-on en conclure?
Tout comme le qui a refusé de nous donner des informations précises sur la mission, le ministre est incapable d’en énoncer les objectifs précis. Nous sommes loin de ses fanfaronnades du début de son intervention.
Le 30 septembre, quand on lui a demandé par quoi se traduirait, selon lui, une victoire en Irak, le a dit que l’EIIS planifiait des attaques « contre de vastes populations de la région » et « contre notre pays », c’est-à-dire le Canada. Il a ajouté que le Canada collaborerait « à une opération de contre-terrorisme avec nos alliés afin de faire en sorte que cette organisation ne soit pas en mesure de s'attaquer ainsi à nous ».
Toutefois, dans son discours à la Chambre vendredi dernier, le revenait déjà sur ce qu’il avait dit au sujet des objectifs de la mission. Il a déclaré qu’il fallait seulement « compromettre gravement les capacités de l’EIIL », notamment en ce qui concerne le mouvement de troupes à grande échelle ou encore l’exploitation de bases au grand jour.
Au cours de la fin de semaine, le a réduit encore plus les attentes en disant que, si on réussissait à contenir le problème, à l’empêcher de s’aggraver, ce serait déjà une excellente chose.
La divulgation d’informations inexactes et d’objectifs incertains sont les caractéristiques de la guerre américaine en Irak depuis le début de l’invasion.
Il ne faut pas oublier que les États-Unis sont enlisés dans ce conflit depuis plus de 10 ans. Ça fait plus de 10 ans qu’ils luttent contre l’EIIS, quel que soit son nom. En effet, depuis 2004, l’EIIS s’est appelé Al Qaïda en Irak, le Conseil traditionnel des moudjahidines, l’État islamique d’Irak, et al-Sham, en Syrie. C’est pratiquement toujours le même groupe de rebelles que les États-Unis combattent depuis plus de 10 ans. Pourquoi le pense-t-il qu’une intervention militaire va lui permettre de réussir ce que d’autres essaient en vain de faire depuis 2003?
Le a affirmé à deux reprises à la Chambre que la mission ne deviendrait pas un « bourbier ». C’est le mot qu’il a employé, et qu’il emploie toujours depuis, qu’il ne laissera pas la situation se transformer en « bourbier ». Quand on entend le premier ministre employer à tout bout de champ le mot bourbier alors que la mission a à peine commencé, très franchement, ça augure mal.
En fin de semaine, à l'émission The West Block, animée par Tom Clark, le envisageait déjà de demander à la Chambre des communes de prolonger encore la mission à l'échéance des six mois. Il planifie une intensification de la mission de combat canadienne alors qu'elle n'a pas encore été officiellement déclarée puisque le Parlement ne s'est pas encore exprimé.
Je cite Robert Fowler, qui a eu les plus longs états de service comme ambassadeur du Canada à l'ONU et qui a conseillé trois premiers ministres en matière de politique étrangère: « La mission de la coalition s'embourbera inévitablement [...] les bombardements s'intensifieront sans relâche [...] les prédateurs élargiront leur rayon d'action et frapperont avec de moins en moins de discernement [...] nous ferons autrement plus de morts et de blessés parmi les civils innocents que le califat pourra jamais espérer, dans ses rêves les plus fous, en décapiter. »
D'ailleurs, le a déjà admis être prêt à étendre les bombardements jusqu'en Syrie. Il a même fixé une norme aussi incongrue que répugnante: si le régime du brutal dictateur Bachar al-Assad le lui demande, il lancera des frappes aériennes contre les cibles relevant de l'EIIS en Syrie. Or, Assad a lui-même commis une longue liste d'actes quasi innommables. Il nous apparaît répréhensible que le premier ministre lui accorde la moindre crédibilité et encore plus qu'il lui donne voix au chapitre sur la manière dont les braves soldats des Forces armées canadiennes défendent notre pays.
Voyons la liste de ces atrocités, telles que les répertorient des sites officiels. Assad attaque sans relâche. Selon les Nations Unies, les forces fidèles au dictateur ont perpétré 29 massacres en 2014 seulement.
Des armes chimiques ont été utilisées. L'attaque qui a eu lieu à la Ghouta, dans la région de Damas, constitue le plus important cas confirmé d'utilisation d'armes chimiques contre des civils depuis 1988 et le pire cas de recours à des armes de destruction massive du XXIe siècle. Selon les États-Unis, un peu moins de 1 500 civils y ont été tués.
Des bombes-barils ont été utilisées sans tenir compte des zones où elles étaient lancées. Les forces syriennes ont lâché des bombes-barils sur des quartiers civils où il y avait notamment des hôpitaux et des écoles, ce qui a eu des conséquences désastreuses. Certains pensent que les bombes utilisées lors de huit incidents d'avril 2014 contenaient du chlore.
Des tireurs d'élite ont ouvert le feu sur des enfants et des femmes enceintes. On s'en est pris à des médecins, des infirmières, des ambulanciers, des hôpitaux, des ambulances et des pharmacies.
Des détenus ont été systématiquement torturés et tués. Pas moins de 11 000 personnes emprisonnées ont été tuées de mars 2011 à août 2013. Les forces du régime Assad ont systématiquement arrêté les blessés qui étaient soignés dans les hôpitaux d'État et les ont interrogés, souvent sous la torture, concernant leur participation alléguée à des manifestations de l'opposition ou à des activités armées.
Il y a eu des exécutions sommaires et extrajudiciaires, notamment lors du massacre de Houla, pendant lequel 100 civils, dont la moitié sont des enfants, ont été tués, et des familles entières ont été exécutées à leur domicile.
Certains ont eu recours à la violence sexuelle pour avilir et humilier des femmes, des hommes et des enfants détenus. Des femmes et des enfants ont été agressés sexuellement lors de raids et d'opérations terrestres.
La famine a été utilisée comme arme de guerre. Ainsi, en 2014, au moins 128 civils sont morts de faim dans un camp de réfugiés assiégé situé près de Damas. Au printemps, 60 % des personnes se trouvant dans ce camp, qui compte entre 18 000 et 20 000 civils, souffraient de malnutrition.
Dans le discours qu'il a prononcé à la Chambre vendredi, le du Canada a déclaré que si la personne responsable de ces atrocités nous demande d'intervenir, lui, le du Canada, accédera à sa demande. À notre avis, c'est honteux.
C'est entre autres pour cette raison que bon nombre de nos alliés ont exprimé des inquiétudes à propos de nombreux aspects de cette mission, qui n'a pas été mandatée par l'ONU ou par l'OTAN. Le et le ministre des Affaires étrangères ont nommé certains de nos alliés traditionnels qui participent à la mission, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et le Danemark. Cependant, la Grande-Bretagne et le Danemark refusent de bombarder la Syrie, même si Bachar al-Assad le leur demande. L'Italie et l'Allemagne ont refusé de participer à la mission de combat.
Le a cherché à camoufler les sérieuses réserves qui ont été exprimées à propos de cette mission. En fin de semaine, il a déclaré ceci:
[...] le Conseil de sécurité a été saisi de cette question et il a adopté à l'unanimité une résolution portant sur la mission en Irak.
Il est incontestable que cette déclaration est carrément fausse.
Pour ne citer qu'une seule source — et la résolution mérite d'être lue, même si elle est plutôt longue —, le 27 septembre, dans le New York Times, on pouvait tout simplement lire que la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Irak et la Syrie n'autorise aucun pays à mener quelque forme d'intervention militaire que ce soit.
C'est la conclusion à laquelle tout le monde est arrivé, car c'est ce qu'on peut lire dans la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. On ne peut pas lui faire dire quelque chose qu'elle ne dit pas.
Ici comme à l'étranger, tous s'entendent pour dire que nous devons lutter contre les horreurs perpétrées par l'EIIS. Cependant, personne ne s'entend sur le fait qu'une intervention militaire occidentale est la solution.
Il y a presque trois semaines, le quotidien israélien Haaretz indiquait déjà que l'EIIS avait recruté plus de 6 000 nouveaux combattants depuis que les États-Unis avaient entrepris leurs frappes aériennes en août. Au moins 1 300 de ces combattants viennent de l'étranger.
Alexander Panetta, de la Presse Canadienne, a signalé ce qui suit:
[...] l'Observatoire syrien des droits de l'homme, un groupe dont le siège social est situé à Londres, indique que cinq civils ont été tués par les frappes aériennes visant les raffineries de pétrole, que deux travailleurs ont perdu la vie dans un moulin situé à Manbij et que six civils de sexe masculin ont été tués dans les régions rurales du sud, à al-Hasakah. Le groupe indique également qu'il sait qu'au moins 73 personnes se sont jointes à l'EIIL dans la région d'Alep, après les premières frappes aériennes menées par les États-Unis.
L'ancienne ambassadrice au désarmement du Canada auprès des Nations Unies, dont j'ai abondamment cité les propos un peu plus tôt, avait ceci à dire:
[Le premier ministre] et ses alliés sous-estiment leurs opposants en les considérant comme une bande d'extrémistes religieux qui ne cherchent qu'à semer la terreur et la destruction sans discernement [...]
L'EIIL est en train de jouer une partie d'échecs hautement stratégique, calculant chacun de ses mouvements, alors que, de son côté, l'Occident joue à l'équivalent du tic-tac-toe militaire [...]
Jusqu'ici, les frappes militaires occidentales se sont révélées tout ce qu'il y a de contre-productives.
Robert Fowler, qui, comme je le disais, est le plus ancien ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies — il a conseillé trois premiers ministres différents —, avait ceci à dire:
Sur le plan de la propagande, [l'EIIS] sait à quel point il est avantageux de provoquer les Américains, notamment en décapitant des Occidentaux [...] L'EIIS sait pertinemment que les incursions occidentales en « terres musulmanes » ont été désastreuses pour nous, notamment parce qu'elles étaient aussi bancales que mal exécutées, et il ne rêve que d'une chose: nous pousser à faire d'autres folies. Il est convaincu que, ce faisant, sa capacité de recrutement, son autorité de même que la portée et l'incidence de son mouvement vont se démultiplier. Mais surtout, il se contrefiche de ses propres pertes. En fait, pour les membres de l'EIIS, ces pertes sont considérées comme une bénédiction [...]
Bref, nous avons réagi précisément de la manière dont l'EIIS espérait que nous allions réagir.
[Français]
« Personne ne sait quelle est au juste la stratégie poursuivie par la coalition », résume l'hebdomadaire allemand Der Spiegel.
Voici l'avis de Robert Blecher, analyste à l'international:
Politiquement, les frappes ont eu jusqu'à maintenant un impact négatif [...] Sur le terrain, il est très difficile de comprendre d'où exactement viennent les missiles. Et il est très difficile d'expliquer aux groupes rebelles dominants pourquoi Assad, lui, n'est pas bombardé. [...] Politiquement, ça crée une situation extrêmement difficile [...]
[Traduction]
Pourtant, les frappes militaires ne sont pas notre seule option. Les néo-démocrates ont pressé le gouvernement d'augmenter considérablement l'aide humanitaire en Irak, qui ne dépassait pas 28 millions de dollars aux dernières nouvelles. Je dois cependant admettre que j'ai été ravi d'entendre le gouvernement annoncer une somme précise, comme nous le réclamions. Il a été question de 5 millions de dollars pour les victimes de violence sexuelle. C'est une bonne nouvelle que le gouvernement nous transmet aujourd'hui. Nous tenons de notre côté à féliciter clairement — et publiquement — le gouvernement pour cette portion de l'annonce qu'il a faite aujourd'hui.
Dans un rare élan de collaboration avec les autres partis, le a invité ses collègues de l'opposition à l'accompagner en Irak. Or, ce que les dirigeants irakiens nous ont demandé, c'est de l'aide humanitaire, pas des frappes aériennes.
Nous pourrions aider les forces présentes là-bas à mieux se préparer à affronter l'EIIS. Le Canada contribue déjà à l'acheminement d'armes aux forces kurdes d'Irak. Et il a raison de le faire, puisque c'est justement dans ce sens-là que va la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies: il faut donner aux Irakiens les moyens de se défendre.
La priorité, pour le Canada, devrait consister à déterminer quels groupes sont dignes de confiance, exactement. Quoi qu'on en dise, la solution à ce conflit tragique devra venir de ceux qui habitent dans la région et de la communauté internationale au grand complet; pas seulement de l'Occident. Voilà où les excellents diplomates canadiens peuvent jouer un rôle clé.
Je vais de nouveau de citer Peggy Mason, l'ancienne ambassadrice pour le désarmement auprès des Nations Unies, qui a déclaré ce qui suit:
Nous devons nous rappeler comment nous en sommes arrivés là. À maintes reprises dans le passé, nous avons choisi la guerre plutôt que les négociations [...]
Les progrès récents réalisés en Somalie et au Mali sont attribuables au mandat des Nations Unies qui privilégie la gouvernance inclusive et les réformes démocratiques, ainsi qu'un soutien militaire solide. Un mandat des Nations Unies nous permettra également d'intervenir efficacement en Irak et en Syrie si tous les intervenants nécessaires, dont la Russie et l'Iran, sont inclus dans les négociations et si la Turquie, l'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe ne sont pas considérés comme de simples intervenants symboliques mais se trouvent au contraire au coeur de la stratégie politique.
Une approche exhaustive recevant un large appui et autorisée par les Nations Unies est attendue depuis longtemps dans cette guerre contre la terreur, qui s'est avérée résolument contre-productive jusqu'à présent. Faisons en sorte qu'une telle approche éclairée serve de fondement à la mission canadienne en Irak et en Syrie.
[Français]
Toujours selon Robert Blecher, pour venir à bout de la menace, il faut offrir une « solution politique aux sunnites irakiens et syriens ».
[Traduction]
Si l'EIIS s'est aussi bien implanté en Irak et en Syrie, c'est parce que ces pays ne peuvent pas compter sur un gouvernement stable et fonctionnel capable de maintenir la paix et de garantir la sécurité sur son propre territoire.
Le Canada devrait d'abord utiliser toutes les ressources diplomatiques, humanitaires et financières à sa disposition pour réagir à cette tragédie humaine sans précédent et renforcer les institutions politiques de ces deux pays. Fort de la crédibilité qu'il a acquise en rejetant cette entreprise discutable que fut la première invasion en Irak, le Canada est bien placé pour s'acquitter de cette tâche.
La tragédie qui se déroule en Irak et en Syrie ne prendra pas fin parce que le monde occidental envahit une fois de plus une partie de cette région. Cette tragédie se terminera lorsque nous aiderons la population de l'Irak et de la Syrie à se doter des institutions politiques et des capacités de sécurité dont elle a besoin pour lutter elle-même contre ces menaces.
Pour ces raisons, je propose:
Que l’Affaire émanant du gouvernement no 13 soit modifiée:
a) par substitution, à l’alinéa (iii), de ce qui suit:
« (iii) accepte que, à moins qu’elle ne soit enrayée par des mesures fortes et directes prises par des forces locales capables et habilitées, la menace que représente l’EIIL pour la sécurité et la paix internationale, ainsi qu’aux communautés canadiennes, ne fera qu’empirer, »;
b) par substitution, aux mots suivant les mots « par conséquent », de ce qui suit:
« a) exhorte le gouvernement à contribuer à la lutte contre l’EIIL, y compris par l’affectation de ressources militaires au transport d’armes pour une période d’au plus trois mois;
b) exhorte le gouvernement à augmenter l’aide humanitaire dans les domaines où elle peut sauver des vies immédiatement, notamment en appuyant la construction de camps de réfugiés préparés pour l'hiver; et en investissant de manière à répondre aux besoins en eau, en hygiène, en soins de santé et en éducation des personnes déplacées par les combats;
c) exhorte le gouvernement à aider à ce que les crimes de guerre commis fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites;
d) exhorte le gouvernement à ne pas déployer les Forces canadiennes dans le cadre d’opérations de combat;
e) exhorte le gouvernent à soumettre à l’approbation de la Chambre toute prolongation de la mission ou utilisation des Forces canadiennes en Syrie;
f) exhorte le gouvernement à faire rapport des coûts de la mission chaque mois au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international;
g) continue d’offrir son appui inconditionnel aux courageux hommes et femmes des Forces armées canadiennes, qui protègent chacun d’entre nous. ».
:
Monsieur le Président, je partagerai aujourd'hui mon temps de parole avec ma collègue la députée de .
La question que nous débattons aujourd'hui est la suivante: devrions-nous envoyer nos militaires en Irak pour une mission de combat?
En tant que députés, nous devons tous faire une analyse en profondeur des enjeux devant nous avant de prendre une décision éclairée et extrêmement sérieuse.
Les conséquences de notre décision seront énormes et de longue durée. Nous parlons d'aller en guerre. Inutile de dire que les 308 députés de la Chambre vivront avec les conséquences de cette décision par vote que nous prendrons bientôt.
[Traduction]
Le Parti libéral approuve de nombreux points qui se retrouvent dans la motion du gouvernement: le mal qu’incarne l’État islamique, la nécessité d’une large coalition pour s’attaquer à l’État islamique, la nécessité d’accorder une aide humanitaire plus importante aux victimes déplacées par la progression de l’État islamique et dont le nombre dépasse le million et la nécessité que le Canada contribue à la coalition. Aucun parti ne peut prétendre à quelque supériorité dans la condamnation de l’État islamique. Tous, nous condamnons avec véhémence ce groupe odieux et barbare de terroristes. Cela ne fait aucun doute.
Une question se pose: que doit faire le Canada pour contribuer le mieux possible à l’effort collectif déployé pour infliger la défaite à l’État islamique?
Poser cette question, c’est faire surgir une autre question connexe fondamentale: devrions-nous contribuer à une mission de combat ou à un autre type de mission? Voilà l’enjeu du débat d’aujourd’hui.
Je dirai d’emblée que le n’a pas su montrer clairement pourquoi le Canada devrait participer au combat maintenant. Il nous fait franchir le Rubicon en décidant qu’il s’agira d’une mission de combat. Une fois qu’un pays a pris cette décision, impossible de revenir en arrière.
[Français]
Quand le gouvernement a annoncé la première mission en Irak, l'envoi de soldats des Forces spéciales, pour conseiller et former les forces kurdes, mon parti a donné son appui. Nous reconnaissions clairement le besoin de faire quelque chose pour venir en aide à l'Irak. Nous croyons à la doctrine de la responsabilité de protéger qui reconnaît plusieurs différentes façons dont un pays peut contribuer, au-delà d'une mission de combat, afin de protéger les citoyens d'un autre pays.
Ayant moi-même visité la région kurde de l'Irak, au début de septembre, j'ai pu avoir une idée de la complexité du défi militaire, ainsi que de l'ampleur de la catastrophe humanitaire. Le Canada ne peut pas ne rien faire. Il faut non seulement contribuer beaucoup plus que les 29 millions de dollars déjà envoyés en aide humanitaire, mais aussi aider par d'autres façons. Je suis très heureux de savoir que le gouvernement vient de fournir une nouvelle contribution de 10 millions de dollars. Cela nous amène à la contribution que le a annoncée vendredi dernier.
[Traduction]
Le a choisi, comme pièce maîtresse de la contribution canadienne, l'envoi de six avions d'attaque CF-18. Il choisit donc de donner au Canada un rôle de combat, ce qui soulève automatiquement une question: la mission canadienne a-t-elle été définie clairement? Non, elle n'a pas été définie.
Pour définir une mission, il ne suffit pas de dresser la liste des ressources qui seront utilisées et de fixer une échéance. La participation à une guerre représente une entreprise d'une extrême complexité, qui mérite une réflexion approfondie.
J'aimerais donner un exemple à la Chambre. Quand George W. Bush a décidé d'envahir l'Irak en 2003, il n'a pensé qu'à la première étape, soit la prise de Bagdad. Il n'a pas pensé à ce qui arriverait ensuite et ne comprenait pas l'ensemble de la situation. Nous avons pu voir les conséquences de ce manque de réflexion.
À l'heure actuelle, les États-Unis dirigent la coalition et élaborent une stratégie globale qui permettra à la coalition de venir à bout de l'État islamique. Ce mandat a été confié au général Allen. Cette entreprise extrêmement complexe repose sur l'idée que les forces irakiennes devront, tôt ou tard, mener une campagne terrestre pou déloger et vaincre l'État islamique. Dans ce contexte, le Canada devrait-il s'empresser d'offrir une mission aérienne de combat? La réponse est non.
Lancer une mission de combat peut sembler simple, mais il est ensuite beaucoup plus difficile de s'en sortir. Une stratégie bien pensée n'amènerait sûrement pas le gouvernement à dire que le Canada enverra des avions de chasse en Irak, mais pourrait se retirer des combats dans six mois. Une stratégie bien pensée suppose qu'on examine soigneusement les buts visés avant d'envoyer nos militaires dans une situation dangereuse. Le gouvernement n'a pas fait cette analyse.
Il y a toutefois des gestes que nous pourrions poser dès maintenant. Le Canada peut jouer des rôles importants sans prendre part aux combats. Je trouve choquant d'entendre que notre contribution n'aura aucune valeur si nous n'avons pas de mission de combat.
La coalition compte une soixantaine de partenaires, qui ont choisi diverses façon de contribuer à la lutte contre l'État islamique. Certains fournissent des armes, d'autres fournissent des bases, un transport aérien stratégique, de l'aide humanitaire, de la surveillance ou d'autres activités renseignements, ou offrent des conseils et de la formation. Chacune de ces contributions a son importance.
Certains soutiennent que, pour partager le fardeau de l'intervention militaire, il faut être prêts à sacrifier des vies. Vendredi dernier, le a affirmé que « faire cavalier seul vaudra [au Canada] de ne pas être pris au sérieux ».
Je m'élève contre cette déclaration, car elle sous-entend que, si nous contribuons à l'effort de guerre par d'autres moyens, nous optons pour la solution de facilité.
[Français]
Le a-t-il vraiment dit, vendredi dernier, que le Canada ne serait pas pris au sérieux s'il contribuait à la coalition par des moyens autres qu'une mission de combat par frappes aériennes?
La majorité des partenaires de cette coalition sont-ils moins engagés ou, pour reprendre le mot du , moins nobles, parce qu'ils choisissent de contribuer à la défaite de l'État islamique par d'autres moyens?
[Traduction]
Je m'oppose aussi à la prétention du selon laquelle les frappes aériennes sont difficiles à mener et que, par conséquent, les autres rôles que nous pourrions jouer sont faciles ou nécessitent moins de courage.
Il est difficile, sur le terrain, de former et conseiller les forces, d'aider les réfugiés, de fournir des soins médicaux, de faire de la surveillance aérienne, d'effectuer du transport aérien stratégique et de fournir de l'aide humanitaire. Bien qu'il ne s'agisse pas de missions de combat, ces tâches sont tout de même importantes, et bon nombre d'entre elles doivent être accomplies par l'armée canadienne.
Je m'oppose aussi à la déclaration du premier ministre selon laquelle nous laisserions en quelque sorte tomber nos alliés si nous décidions de ne pas mener de frappes aériennes. Personne n'a accusé le Canada de ne pas faire sa juste part au cours des 20 dernières années; en fait, ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du pays.
C'est sur le terrain que l'EIIL pourra être vaincu. Le Canada peut contribuer de manière importante à la lutte contre l'EIIL sans prendre part au combat.
En conclusion, il existe une ligne très nette entre la participation et la non participation au combat. Si le veut que le Canada franchisse cette ligne, il doit en expliquer les raisons aux Canadiens.
Le ne nous a donné aucune raison de croire que, une fois que nous aurons commencé les combats, le gouvernement sera capable de limiter notre rôle. À partir du moment où nous aurons franchi la ligne et que nous aurons mené des missions de combat, ce qu'entend faire le gouvernement, il sera difficile de faire marche arrière. Nous savons tous qu'il est probable que ce conflit s'éternise.
Selon les circonstances, il pourrait être très difficile de se retirer des combats après six mois, et des pressions seront exercées pour que nous poursuivions nos missions. Voilà pourquoi le Parti libéral du Canada n'appuiera pas la motion du , qui prévoit que le Canada participe à des missions de combat en Irak. Le fait de déclarer que nous réévaluerons notre rôle dans six mois ne constitue aucunement une stratégie de sortie.
Nous avons les moyens de prêter main-forte efficacement dans un rôle de non-combat, au sein d'une mission internationale bien définie.
[Français]
Il y a d'autres options que les deux extrêmes: l'extrême qui ne veut aucun rôle militaire et celui qui veut que le Canada se précipite tête première dans le combat sans en avoir compris toutes les conséquences.
Il nous appartient de prendre la bonne décision lorsque nous voterons sur cette mission.
:
Monsieur le Président, je prends la parole pour participer au débat relativement à la décision du gouvernement d'emmener le Canada en guerre en Irak et possiblement en Syrie. Je souligne fièrement que le chef du parti libéral a expliqué en détail la position du parti vendredi dernier. Malheureusement, une décision a déjà été prise et les premiers effectifs militaires ont déjà été déployés pour le combat.
Le chef et les députés libéraux maintiennent le principe voulant que toute participation à une guerre, quelle qu'elle soit, doit être justifiée de manière ouverte et transparente et fondée sur des faits clairs et fiables. Les militaires et l'ensemble des Canadiens ne méritent rien de moins. Pour inspirer confiance dans les mesures qu'il prend et les motifs qui les justifient, le gouvernement doit dire toute la vérité aux Canadiens et aux parlementaires, mais il n'en est rien. Il n'a pas démontré que le Canada doit participer au combat.
Il y a un mois, les libéraux ont appuyé la mission consultative sans combat d'une durée de 30 jours ordonnée par le gouvernement pour contribuer à la lutte contre le groupe radical meurtrier EIIL, car le Canada a un rôle à jouer lorsqu'il s'agit de faire face aux crises humanitaires et aux menaces à la sécurité dans le monde. Cela constitue également un principe libéral. On ne peut fermer les yeux sur le progrès brutal de l'EIIL en Irak et en territoire kurde, ni sur le massacre d'opposants et de civils innocents ni sur la décapitation publique de journalistes et de travailleurs humanitaires occidentaux.
La réputation du Canada pour ses interventions face aux menaces à la sécurité et aux crises humanitaires sur la scène internationale ne date pas d'hier.
[Français]
Sur les champs de bataille des guerres mondiales et de celle de Corée, et ensuite grâce à nos efforts courageux de maintien de la paix, notre réputation a été durement gagnée. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, le leadership du Canada a aidé à bâtir des organismes internationaux pour réduire la violence, pour promouvoir la paix, pour protéger les victimes de génocide et pour tenir responsables les criminels de guerre internationaux.
[Traduction]
Ces relations internationales solides ont été forgées par le récipiendaire du prix Nobel de la paix Lester Pearson, développées par Pierre Trudeau et les progressistes-conservateurs Joe Clark et Brian Mulroney, et solidifiées par Jean Chrétien et Paul Martin. Les sacrifices des membres et instructeurs des forces armées que le Canada a déployés en Afghanistan ont contribué à la réalisation d'une première historique dans ce pays: la récente transition pacifique et démocratique de son gouvernement.
Oui, le Canada a bel et bien un rôle à jouer lorsqu'il s'agit de faire face aux crises humanitaires et aux menaces à la sécurité afin de contribuer à bâtir un monde meilleur.
La question que les libéraux se posaient le mois dernier était: quelle sera la prochaine étape au terme de la mission de 30 jours? Les interventions de l'Occident comme la guerre en Irak en 2003, le bombardement de la Libye en 2011, et d'autres, ont échoué. Elles ont créé de l'instabilité, et cela a permis à une douzaine de groupes djihadistes de prendre le pouvoir dans de vastes parties de la région. En quoi est-ce que ce sera différent cette-fois? Comment le Canada et la coalition contre l'EIIL s'assureront-ils que leur participation ne dégénère pas en une guerre prolongée et meurtrière, et qu'elle n'aggravera pas la situation? Nous devons veiller à ce que les Canadiens, lorsqu'ils considéreront l'instant présent en rétrospective, ne se disent pas: « Comment le gouvernement a-t-il pu se tromper à ce point? »
Le gouvernement conservateur n'a même pas tenté de présenter des arguments clairs et réfléchis pour justifier la guerre en Irak ni de convaincre tous les partis. La décision d'envoyer des hommes et des femmes dans une mission dangereuse ne doit jamais se prendre à la légère, et le fait de manifester son indignation ne saurait remplacer la considération des leçons du passé.
Après avoir consulté des experts militaires et diplomatiques, examiné les options et tenu des discussions approfondies et franches au sein du caucus, les libéraux ont recommandé que le Canada joue un rôle sans participer aux combats.
Les opérations de combat menées par les Occidentaux dans la région nourriront les rivalités religieuses profondes qui perdurent depuis plusieurs siècles ainsi que le conflit ethnosectaire, vieux de 98 ans, qui remonte à la création de ces pays après la Première Guerre mondiale.
Même si les Canadiens sont, à juste titre, consternés par ces meurtres brutaux commis par les islamistes radicaux extrémistes, les beaux discours du ministre des Affaires étrangères du Canada, voulant qu'il s'agit simplement de « méchants qui veulent faire des mauvais coups », font fi des nombreuses complexités géopolitiques en jeu.
Le gouvernement Maliki, arrivé au pouvoir après la guerre en Irak, a gouverné au profit de l'une des sectes religieuses, au détriment des Sunnites et des Kurdes. Il s'est servi des services de base, des institutions de l'État, du partage des revenus et même du système de justice pour réprimer et désavantager les Irakiens sunnites, entre autres. Cette gouvernance désastreuse et cette polarisation a permis à l'EIIL sunnite de s'emparer rapidement de vastes territoires et de beaucoup d'actifs. Le déploiement de combattants occidentaux et la mort de civils pourrait resserrer les liens entre les Sunnites modérés et leurs frères radicaux et alimenter la flambée djihadiste.
L'International Crisis Group, dirigé jusqu'au mois dernier par Louise Arbour, ancienne juge à la Cour suprême du Canada, considère qu'il faudrait s'attaquer en priorité aux problèmes politiques à l'origine de l'insurrection.
Voilà pourquoi il est essentiel d'appuyer l'approche inclusive et impartiale du nouveau gouvernement de Bagdad. Autrement dit, il faut renforcer le nouveau gouvernement irakien et ses forces armées. Renforçons la capacité humanitaire afin de protéger les populations brutalisées. Aidons les peshmergas à défendre les Kurdes dans leur foyer et sur leurs terres. Assurons l'entraînement des forces de sécurité irakiennes afin qu'elles puissent défendre leur État sur le terrain. Nouons le dialogue avec les tribus sunnites modérées afin qu'elles rejettent les terroristes au lieu de se joindre à eux. Bloquons l'accès de l'EIIL aux communications stratégiques et aux actifs financiers.
Les libéraux sont d'avis que, lorsque le gouvernement envoie nos militaires au combat, la mission et le rôle du Canada doivent être clairement définis. Étant donné que la coalition de 60 pays qui se bat contre l'EIIL n'a pas encore de mission de combat claire pour contrer l'EIIL, le Canada n'a pas de mission de combat claire à l'heure actuelle.
Hier, le général John Allen, chef de la coalition mondiale formée pour contrer l'EIIL, a déclaré qu'il se déplacerait dans la région au cours du prochain mois afin de rassembler la coalition, de décider quel genre d'effort est nécessaire et de commencer à attribuer un mandat à chaque membre de la coalition en fonction de ses capacités.
Non, la mission de combat et les objectifs du Canada ne sont pas encore clairs. Par conséquent, quelle devrait être la contribution de notre pays?
Le secrétaire d'État John Kerry a dit devant l'ONU que « chaque pays a un rôle important à jouer dans la lutte contre l'EIIL ». Cela signifie que chacun doit participer en fonction de ses capacités propres. C'est un homme d'État qui a dit cela.
Ces propos contrastent avec ceux du ministre des Affaires étrangères qui a dit que le Canada avait le choix entre assumer une mission de combat ou « rester sur la touche et laisser un autre pays faire le travail ingrat ». Prétendre que si nous n'allons pas en guerre nous serons des profiteurs est faire preuve d'une étroitesse d'esprit indigne qui sème la discorde.
Un principe libéral fondamental prévoit que le rôle du Canada doit refléter le large éventail des capacités uniques de notre pays sur les plans financier, humanitaire, diplomatique, démocratique et militaire. Par conséquent, ne nous lançons pas dans une guerre sans réfléchir sérieusement à la meilleure façon d'apporter notre contribution.
Quels rôles militaires et non militaires importants de non-combat le Canada peut-il jouer? Quelles sont les formes d'aide humanitaire dont l'Irak a désespérément besoin? N'oublions pas non plus le renseignement électromagnétique, la capacité de transport aérien militaire, la surveillance, le soutien médical, la protection des civils et des travailleurs humanitaires, ainsi que la formation militaire que notre pays peut fournir.
Nos dévoués militaires n'ont rien à envier aux autres dans le monde et ils peuvent apporter une contribution de multiples façons.
Hier, le général Allen a dit avoir l'intention de « faire largement appel aux forces de la coalition pour former les forces de sécurité irakiennes ». Le Canada est dans une position idéale pour s'acquitter de cette responsabilité.
En 2009, des troupes canadiennes d'élite ont amorcé une mission de formation intensive de quatre ans en Afghanistan. Près de 1 000 soldats canadiens, envoyés par rotation, étaient sur place pour former l'armée nationale afghane, la force aérienne et la police nationale. Le dernier contingent canadien est rentré au pays le printemps dernier. Ces hommes et femmes en uniforme ont contribué énormément à la stabilité de l'Afghanistan et ils pourraient en faire autant en Irak.
Les Canadiens craignent que la mission de combat de notre pays ne prenne de l'ampleur. Le chef d'état-major de la Défense au Canada, le général Tom Lawson, a dit ceci au gouvernement en novembre dernier:
Ne pas à tout le moins maintenir le niveau de financement actuel aura des conséquences directes sur l'état de préparation opérationnelle des flottes d'aéronefs, de bateaux et de véhicules de l'armée, ce qui aura une incidence globale sur la formation et la préparation.
Toutefois, les compressions budgétaires et les mesures de récupération ont continué. Par conséquent, comment le financement de la nouvelle mission sera-t-il assuré?
En terminant, afin de respecter l'intérêt des Canadiens et les principes de confiance et de responsabilité, je demande au gouvernement: premièrement, d'adopter la recommandation du groupe Manley sur l'Afghanistan, qui prévoit la présentation au Parlement de mises à jour trimestrielles sur la mission; deuxièmement, de faire sienne la pratique en vigueur aux États-Unis qui consiste à faire donner des séances d'information par des officiers supérieurs; troisièmement, de définir clairement ses règles d'engagement relativement aux frappes aériennes et de préciser si ce sont les États-Unis qui vont avoir la responsabilité des cibles; quatrièmement, d'accepter qu'un comité parlementaire étudie les objectifs stratégiques de la campagne anti-EIIL; cinquièmement, d'exiger du conseiller à la sécurité nationale qu'il informe le comité de la défense de l'utilisation des capacités de renseignement du Canada dans la campagne menée contre l'EIIL.
Jusqu'ici, il y a eu un manque de transparence et d'honnêteté. Je demande au gouvernement de corriger la situation au cours des semaines et des mois à venir, alors que nos braves militaires vont s'engager dans cette mission difficile.
:
Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le .
Je suis heureux d'intervenir à la Chambre pour parler de l'évolution de la situation en Irak et du rôle que joueront les Forces armées canadiennes dans ce pays.
[Français]
Que ce soit clair pour tous, l'existence continue du soi-disant État islamique en Irak et au Levant constitue une menace pour la paix et la stabilité locale, régionale et internationale.
[Traduction]
L'EIIL est responsable d'une grave crise humanitaire et d'une atteinte à la sécurité en Irak et dans les pays voisins. Il s'est emparé de territoires et a causé le déplacement de plus d'un million d'Irakiens. Il persécute des minorités ethniques et religieuses et assassine des milliers d'innocents, hommes, femmes et enfants. Il a aussi assassiné de façon horrible des journalistes et des travailleurs humanitaires.
Nous croyons que, si elle n'est pas repoussée, la menace que pose l'EIIL continuera de grandir, ce qui déstabilisera encore davantage le Moyen-Orient et créera une recrudescence de la haine et de la violence entre les religions. Qui plus est, il est évident que ces militants radicaux constituent également une menace directe pour le Canada et ses alliés. En effet, la semaine dernière, les dirigeants de l'EIIL ont demandé spécifiquement que les Canadiens soient ciblés. L'Australie a déjà déjoué un complot ourdi par des sympathisants qui visaient à commettre des actes terroristes dans les rues de Sydney.
Il va sans dire que nous devons lutter contre cette menace à sa source même. C'est pourquoi le Canada a déjà pris des mesures.
Depuis le 28 août, les Forces armées canadiennes ont transporté par avion du matériel militaire essentiel destiné aux forces irakiennes, dont des munitions données par l'Albanie et la République tchèque. Plus de 1,5 million de livres de matériel militaire ont été livrées grâce à 25 vols effectués par un avion de transport Hercules et à l'utilisation d'un appareil de transport stratégique Globemaster.
Lors du sommet de l'OTAN tenu au pays de Galles, le a annoncé le déploiement de plusieurs dizaines de membres des forces d'opérations spéciales chargés de conseiller et d'aider les forces irakiennes. Ces militaires fournissent des conseils stratégiques et tactiques. Leur but est d'accroître l'efficacité des troupes irakiennes et kurdes dans leurs opérations contre l'EIIL. Le déploiement de ces forces prévu à l'origine pendant une période de 30 jours est en voie d'être prolongé. Aujourd'hui, le gouvernement expliquera à la Chambre comment le Canada continuera de participer aux efforts.
Au cours du dernier mois, une vaste coalition internationale composée de plus de 40 pays et dirigée par les États-Unis a été mise sur pied pour lutter contre l'EIIL. Les États-Unis viennent d'intensifier leur campagne aérienne. L'Australie a fourni un soutien militaire direct, se composant notamment de 600 soldats et de 8 chasseurs F-18 Super Hornet. Le Royaume-Uni et la France ont également procédé à des frappes aériennes. En outre, 10 pays arabes se sont engagés à participer aux efforts de la coalition, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Jordanie et le Bahreïn participant déjà aux raids aériens.
L'EIIL étend ses tentacules du Nord de la Syrie au Nord de l'Irak, en passant par le Kurdistan, et il continue de gagner du terrain. Il est maintenant temps d'agir. Nous devons aider à repousser cette menace avant qu'elle provoque un raz-de-marée fondamentaliste dans l'ensemble de la région.
Il faut comprendre que notre décision ne relève pas de l'automatisme et n'est pas irréfléchie. On connaît le danger de l'inaction lorsque les gouvernements se cantonnent dans une politique isolationniste qui permet à la haine de s'envenimer et aux terroristes de s'organiser et de planifier des attaques. Il faut éviter de déstabiliser encore plus le Proche-Orient, une région instable où règnent déjà le chaos, la violence et les conflits religieux. On ne peut pas laisser la répression, la haine et les effusions de sang s'intensifier encore plus, surtout lorsque les Canadiens font directement l'objet de menaces, lorsque nos alliés sont visés et qu'il est nettement dans l'intérêt du Canada d'agir.
Il s'agit d'une intervention sensée et mûrement réfléchie qui correspond à la volonté du Canada de contribuer concrètement à la paix et à la sécurité dans le monde. De plus, notre plus fidèle allié, les États-Unis, a directement demandé au Canada de participer plus activement aux mesures visant à freiner la propagation de EIIL. Il faut assumer notre part du fardeau.
C'est pourquoi le gouvernement du Canada prendra les mesures suivantes:
Six chasseurs CF-18 Hornet, ainsi que leurs membres d'équipage et le soutien logistique connexe, seront déployés, en collaboration avec nos partenaires de coalition, pour mener des attaques aériennes contre certaines cibles de l'EIIL, en Irak. De plus, un avion de ravitaillement en vol CC-150 Polaris et un ou deux appareils de surveillance aérienne CP-140 Aurora seront déployés dans le cadre d'une mission clé de reconnaissance et de soutien.
Cette force habilitante comprendra également des capacités de transport aérien ainsi qu'une équipe de soutien composée de plusieurs centaines de personnes, qui apporteront leur concours au chapitre de la connaissance de la situation, du commandement et du contrôle ainsi que du soutien logistique, en plus d'appuyer les combats aériens de la coalition. En outre, l'actuelle mission de consultation et d'assistance relativement aux opérations spéciales sera prolongée.
Je rappelle ce que le a signalé vendredi à la Chambre des communes: le gouvernement du Canada déploiera ces actifs pendant un maximum de six mois. Nous collaborerons de près avec nos alliés pour évaluer la réussite de la mission élargie.
Comme peuvent donc le constater les députés, le Canada prend des mesures concrètes et décisives pour contrer la menace que l'EIIL fait planer sur l'Irak et sur le Canada, des mesures qui sont au diapason de celles de la coalition internationale, des mesures auxquelles consent le gouvernement de l'Irak, des mesures qui témoignent des profondes inquiétudes que le déferlement meurtrier de l'EIIL inspire à la communauté internationale.
Je répète que le groupe terroriste menace notre sécurité et notre stabilité à tous. Ses chefs prônent des attaques sur l'Occident, désignant expressément le Canada comme cible.
Appelons un chat, un chat: des menaces très concrètes planent sur les Canadiens, à la fois au pays et à l'étranger. Voilà pourquoi le Canada se joindra à la coalition contre l'EIIL.
Il va de soi que cette participation peut impliquer des risques pour nos soldats sur le terrain. Cependant, j'assure aux députés que les membres des Forces armées canadiennes sont prêts à faire face à tous les enjeux. Ils sont entraînés et équipés selon les normes les plus sévères et ils relèveront toujours du chef d'état-major de la Défense.
[Français]
Nous demandons au Parlement d'appuyer la décision du gouvernement. Nous travaillerons en étroite collaboration avec nos alliés et les pays partenaires, afin de nous assurer que l'Irak reçoit le soutien dont il a besoin.
[Traduction]
Les Canadiens s'attendent à ce que le Parlement intervienne lorsqu'une crise internationale survient, à plus forte raison lorsque celle-ci menace directement le Canada. Nous réclamons l'appui unanime des députés, qui devraient nous l'accorder.