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Madame la présidente, je vous remercie, ainsi que les autres membres du comité, de nous avoir invitées aujourd'hui à venir vous parler des défis auxquels doivent faire face les médias locaux.
Je suis Colette Watson, vice-présidente, Télévision et diffusion pour Rogers Média. Je suis accompagnée de Susan Wheeler, vice-présidente, Affaires réglementaires pour Rogers Média.
Pour Rogers, iI est primordial d'innover et de célébrer la culture canadienne. Cet engagement fait partie de notre héritage depuis que Ted Rogers a révolutionné le monde de la radio au Canada en exploitant la première station FM au pays. Nous permettons à une grande diversité de voix de s'exprimer en proposant aux Canadiens du contenu éclairant, pertinent et divertissant.
À l'échelle locale, nous exploitons la marque City dans sept marchés canadiens, soit Toronto, Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Montréal et la Saskatchewan, ainsi que 51 stations de musique, de nouvelles ou de radio parlée dans tout le pays.
Nous exploitons également cinq stations de télévision multiculturelles locales sous la marque OMNI à Toronto, à Vancouver, à Calgary et à Edmonton. La marque OMNI diffuse une programmation destinée à plus de 40 groupes ethniques et culturels distincts dans plus de 40 langues.
Dans le réseau de câblodistribution de Rogers en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, 41 chaînes de télévision communautaire offrent une couverture des événements et des enjeux locaux dans les deux langues officielles. En fait, dans 15 de ces 41 collectivités, TV Rogers représente l'unique source de nouvelles et d'informations locales télévisées, et près de 30 000 groupes communautaires ont contribué à créer ce contenu l'an dernier.
[Traduction]
Comme vous l'avez sans doute entendu au cours de ces audiences, l'industrie canadienne des médias se transforme depuis quelques années. Le modèle économique de la télévision locale subit une pression considérable, à mesure que les fonds publicitaires échappent aux plateformes linéaires au profit des plateformes numériques. Quant à nous, nous avons dû nous adapter aux nouvelles réalités de ce modèle économique en pleine évolution au cours des dernières années, non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour répondre aux demandes et aux tendances changeantes du public. Les Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de données du monde. Nous voulons consommer du contenu où nous le voulons, quand nous le voulons, au moyen de l'appareil de notre choix. Si on en doutait encore, le client se trouve résolument aux commandes.
En tant que diffuseurs, nous devons nous adapter à ces changements. Les entreprises qui le feront le plus rapidement seront celles qui prospéreront. Bien que l'industrie se trouve toujours dans un état de transition et que les nouveaux modèles d'affaires n'aient pas encore été établis avec certitude, nous croyons que le gouvernement et le pouvoir législatif sont en mesure d'entreprendre trois actions immédiates afin de faciliter la transition numérique.
Un: dédommager entièrement les diffuseurs locaux pour les coûts engendrés par le plan gouvernemental de réattribution de la bande de spectre de 600 MHz et créer un fonds pour la programmation locale financé par une partie des produits de la vente aux enchères.
Deux: moderniser les outils et programmes de financement du gouvernement de façon à ce qu'ils tiennent compte de la réalité numérique canadienne.
Trois: assurer le financement durable de la programmation d'émissions de nouvelles et d'information locales à la suite de la révision, par le CRTC, de sa politique à propos de la programmation télévisuelle locale et communautaire.
Tout d'abord, permettez-moi de vous donner un aperçu de la situation économique actuelle au sein de l'industrie de la diffusion. Selon le dernier rapport du CRTC présentant les données statistiques et financières relatives à la télévision traditionnelle, le secteur privé de la télévision en direct au Canada a reculé de 16 % au cours des quatre dernières années.
En 2014, le bénéfice avant intérêts et impôts, ou BAII, des stations de télévision locales privées a quant à lui chuté dans I'ensemble de l'industrie pour s'arrêter à -138,7 millions de dollars, si bien que la marge du BAII se chiffre à -7,7 %.
Et comme elles font partie du plus petit groupe de télévision traditionnelle, les chaînes de Rogers ont été touchées de façon disproportionnée par cette baisse, ce qui s'est traduit par une marge du BAII de -37,2 % en 2014.
Quant aux chaînes spécialisées comme OMNI, la situation est désastreuse. En effet, OMNI connaît une baisse cumulée de ses revenus de 74 % depuis 2011. Il s'agit d’une baisse marquée et insoutenable qui nous a forcés à réduire les coûts de nos activités afin que ces chaînes restent en ondes. Même si ces changements sont réels et importants, nous demeurons bel et bien déterminés à trouver un nouveau modèle d'affaires pour la production et la diffusion d'émissions de nouvelles et d'information locales. Ce modèle tiendra compte de la façon dont les Canadiens consomment le contenu qu'ils estiment fiable et digne de confiance, ainsi que du moment et de l'endroit où ils le font.
Le spectre de 600 MHz est actuellement utilisé par les stations de télévision en direct locales. En août dernier, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a rendu publique sa décision de réattribuer une grande partie de cette bande de spectre au service à large bande mobile.
Rogers appuie la réattribution de ce spectre, mais s'inquiète sérieusement de l'incidence qu'elle aura sur la télévision locale, comme nous l'avons exprimé directement au ministère et par la voix de notre association sectorielle, I'Association canadienne des radiodiffuseurs. Voyez-vous, les coûts associés au passage aux canaux nouvellement attribués seront importants et, dans certains cas, ils seront carrément prohibitifs pour les diffuseurs.
Seulement en ce qui nous concerne, nous estimons que le coût de la réattribution de nos stations s’élèvera à plus de 20 millions de dollars, et ce, à un moment où nous devons encore amortir les investissements majeurs que nous avons faits pour passer à la transmission numérique en 2011. À l'échelle de l'industrie, le coût d'une telle entreprise se situerait entre 520 millions de dollars et 1,25 milliard de dollars. Très franchement, le moment ne pourrait pas être plus mal choisi.
Étant donné la fragilité du secteur canadien de la télévision en direct et le fait que la vente aux enchères de ce spectre rapportera probablement plus de cinq milliards de dollars, nous pressons le gouvernement fédéral de dédommager intégralement les diffuseurs concernés pour les coûts liés à la réattribution et de créer un fonds pour la programmation télévisuelle locale qui serait financé par une partie des produits de cette vente aux enchères.
Au sud de la frontière, nous constatons que le Congrès américain a déjà accepté de dédommager les diffuseurs locaux pour l'ensemble des coûts assumés à cause de la réattribution. Cette décision a été confirmée aux diffuseurs locaux bien avant le début de la vente aux enchères qui a eu lieu en mars aux États-Unis. Malheureusement, nous n'avons pas encore reçu de réponse à nos demandes de dédommagement. Nous espérons que le Comité nous aidera à attirer I'attention sur ce qui risque de poser une menace sérieuse et immédiate à l'accès à une programmation télévisuelle locale au Canada.
Notre deuxième proposition est que, dans le cadre des prochaines consultations du ministre en matière de technologie numérique, le Comité recommande une révision complète de ses outils de financement et programmes de soutien culturels. En matière de politique publique, les objectifs du financement demeurent très pertinents, mais le cadre de travail est désuet et n'a pas suivi le rythme rapide des changements survenus dans l'industrie. Nous serions heureux d'avoir l'occasion de participer à une telle révision.
Enfin, notre troisième proposition a été présentée au CRTC dans le cadre de son instance publique sur la programmation télévisuelle locale et communautaire. À cette occasion, nous avons proposé un modèle qui permettrait aux entreprises comme Rogers, Québecor, Bell et Shaw/Corus, qui possèdent des chaînes de télévision câblées et locales, de réattribuer des fonds provenant des chaînes communautaires qu'elles exploitent dans des marchés principaux à des chaînes en direct ou communautaires dans de plus petites collectivités. Un tel modèle nous donnerait la possibilité, par exemple, de réattribuer des fonds provenant de notre chaîne TV Rogers de Toronto, marché bien desservi par des diffuseurs locaux comme City et OMNI, à un plus petit marché comme — disons — celui de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Bathurst est une collectivité bilingue qui n'est pas encore desservie par une chaîne locale en direct, et une telle réattribution procurerait à sa population un accès à des émissions de nouvelles et d'information locales en anglais et en français.
Nous reconnaissons que ces suggestions ne constituent pas des solutions à long terme aux défis actuels auxquels doit faire face la télévision locale, mais nous croyons qu'elles offrent aux diffuseurs locaux un moyen immédiat de traverser la période houleuse et financièrement difficile que vit actuellement le secteur des médias traditionnels.
Nous espérons que nos suggestions d'aujourd'hui alimenteront la discussion sur l'élaboration de politiques nouvelles et novatrices qui assureront la disponibilité de contenu local dans les petits et grands marchés, partout au Canada.
Merci.
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Merci, madame la présidente. Bonjour à toutes et à tous.
Je m'appelle Pascale St-Onge. Je suis la présidente de la Fédération nationale des communications, la FNC. Je suis accompagnée de mon collègue, M. Pierre Roger, secrétaire général et trésorier de la FNC. Nous vous remercions de bien vouloir nous entendre sur la question de l'information, plus particulièrement sur l'avenir de l'information régionale.
La FNC est une organisation syndicale affiliée à la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. Elle regroupe plus de 88 syndicats et environ 6 000 travailleuses et travailleurs issus du milieu des communications et de la culture. La FNC est présente dans la plupart des grands médias du Québec et représente la très grande majorité des journalistes salariés et des journalistes indépendants du Québec.
Nous avons également des syndicats en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Parmi quelques-uns des médias où nous sommes présents, citons entre autres Radio-Canada, La Presse, les journaux du Groupe Capitales Médias, Le Devoir, Le Journal de Montréal, Transcontinental, TVA, Cogeco, L'Acadie Nouvelle et bien d'autres. Nous représentons ces gens issus de la presse écrite, de la télévision, de la radio et, de plus en plus, des médias numériques.
Dans le mémoire que nous déposons, nous abordons les multiples enjeux auxquels est confronté le secteur de l'information. De façon structurelle, les médias traditionnels font face à des difficultés financières qui entravent leur mission première, qui est celle d'informer. Certes, l'arrivée d'Internet, associée aux changements technologiques, a facilité l'accès à l'information et offre l'occasion de multiplier les auditoires.
La tendance à utiliser les médias numériques et les réseaux sociaux, qui sont gratuits pour la plupart, est de plus en plus répandue. Néanmoins, ces sources d'information, qui privent les médias traditionnels d'une part importante de leurs revenus, sont surtout des plateformes de diffusion plutôt que des producteurs d'information.
Cette situation, qui remet en cause le modèle d'affaires des médias traditionnels, implique de toute évidence une crise de l'information qui risque, à terme, de se transformer en une crise démocratique.
Associées à ces profondes mutations, les stratégies de concentration et de convergence qui prédominent dans le secteur des médias, en renforçant la commercialisation de l'information, mettent en danger sa qualité et sa diversité. Trop souvent, ce sont les faits divers, l'anecdotique et le sensationnel qui ont la cote. Le but premier de cette information est de plaire. Il faut à tout prix accroître l'auditoire, seule capable d'augmenter les revenus.
Il va sans dire qu'un tel environnement précarise le travail du journaliste. Ce dernier, évoluant en mode multitâches et multiplateformes, assiste à un alourdissement de sa charge de travail. Quant au journaliste indépendant, avec cette forte concentration de l'industrie, il ne dispose d'aucun moyen de négocier ses conditions de travail. Son indépendance et son intégrité sont plus que jamais mises à rude épreuve.
Dans le cadre de cette consultation, la FNC invite nos dirigeants à redéfinir leur vision des médias. Comme la plupart des pays occidentaux le font actuellement, nos différents paliers de gouvernement ont l'obligation d'intervenir pour préserver et améliorer l'accessibilité, la qualité et la diversité de l'information.
Nous souhaitons vous présenter 10 recommandations qui, croyons-nous, apporteront le soutien nécessaire afin d'assurer que les médias pourront continuer de jouer leur rôle de quatrième pouvoir. Ces recommandations sont les suivantes:
Recommandation 1: La FNC croit que la mise en oeuvre de moyens pour financer la production d'une information de qualité et diversifiée est rendue nécessaire au Canada et au Québec. Toutes les hypothèses de financement doivent être mises sur la table. Nous privilégions particulièrement les crédits d'impôt sur la masse salariale. Une mesure de ce type permettrait aux entreprises médiatiques aux prises avec des difficultés économiques de maintenir les effectifs ou, mieux, d'embaucher des journalistes afin d'améliorer la pluralité et la diversité de l'information. De la même façon, ce genre de mesures permettrait également d'embaucher davantage de représentants publicitaires ou, encore, des spécialistes dans les nouvelles technologies.
Recommandation 2: Le gouvernement fédéral doit travailler à la mise en place d'un fonds permanent pour la programmation et la production locales et régionales, afin de permettre aux médias d'accentuer leur présence en région. Des fonds doivent être dédiés à la production d'informations régionales.
Recommandation 3: CBC/Radio-Canada doit être mise à contribution dans la production d'une information locale et régionale de qualité. La société d'État doit accentuer sa présence régionale. Pour ce faire, elle doit bénéficier d'un financement beaucoup plus soutenu et, surtout, d'une direction beaucoup plus engagée et sensible à la réalité régionale.
Recommandation 4: Pour faire en sorte que la population ait plus facilement accès à cette information de qualité et diversifiée, particulièrement dans les régions éloignées des grands centres, le service haute vitesse doit être reconnu comme un service essentiel.
Recommandation 5: Le gouvernement doit mettre en oeuvre des programmes de subvention afin de soutenir les innovations sur les plateformes numériques. Des programmes semblables existent déjà pour les entreprises culturelles. Nombre de petits médias n'ont pas les ressources financières pour développer de meilleures applications en ligne. Alors que le public migre de plus en plus vers le Web, les médias doivent pouvoir les retrouver par l'entremise de plateformes alléchantes, novatrices et performantes.
Recommandation 6: Cette tourmente dans laquelle se trouvent nos entreprises médiatiques commande à nos dirigeants de constituer un groupe de travail sur la réglementation des multinationales du Web. Il s'agit de trouver les outils adéquats pour protéger, à l'ère du numérique, notre production de contenus locaux. Nos dirigeants ont en outre l'obligation d'exiger de ces géants, qui exploitent des marchés publicitaires lucratifs, locaux et nationaux, qu'ils contribuent au financement de la production ainsi que de la diffusion d'une information de qualité et diversifiée liée à ces marchés. Ils doivent également se soumettre aux règles fiscales des pays dans lesquels ils exercent leurs activités.
Recommandation 7: Le gouvernement fédéral et ceux des provinces ont la responsabilité de s'attaquer sans tarder au problème de la concentration et de la convergence dans l'industrie des médias. Des contraintes claires doivent être imposées aux entreprises médiatiques afin de limiter l'ampleur de certaines de leurs stratégies qui mettent à mal la qualité et la diversité de l'information. Il est en outre important de mettre en oeuvre un meilleur encadrement des médias et de leur responsabilité d'informer. Autrement dit, tant au niveau local que régional ou national, nos dirigeants doivent répondre à l'urgence de protéger la diversité des voix.
Recommandation 8: La FNC-CSN croit qu'il est nécessaire de revoir en profondeur le rôle et la gouvernance du CRTC. À notre avis, les règles de nomination des conseillers doivent être revues. Les gens qui siègent au CRTC ne devraient pas s'y retrouver par partisanerie politique. L'intervention directe du gouvernement Harper, lorsque des gens de l'industrie ont demandé au CRTC de réglementer les géants du Web, a été particulièrement disgracieuse. Le CRTC doit s'assurer que les détenteurs de licences se conforment aux conditions qui leur sont imposées, particulièrement pour ce qui est de l'information. Le CRTC doit également être mis à contribution quant à la réflexion qui se fait sur la façon de légiférer et de réglementer le Web et se pencher sur les moyens à mettre en oeuvre pour protéger l'industrie médiatique locale et nationale.
Recommandation 9: Nous pensons que les divers ordres de gouvernement doivent faire un effort pour investir en premier lieu leurs budgets publicitaires dans les médias canadiens et québécois. Nous sommes conscients qu'il est possible de rejoindre un vaste public grâce aux réseaux sociaux, mais à notre avis, il est insensé que l'argent de nos taxes et de nos impôts se retrouvent entre les mains de multinationales qui refusent de se soumettre aux règles fiscales et qui ne contribuent ni à l'information ni à la production de contenus culturels canadiens et québécois de quelque façon que ce soit.
Recommandation 10: Alors que les réseaux sociaux prennent de plus en plus d'ampleur, nous croyons que le gouvernement fédéral doit travailler avec ses partenaires provinciaux afin de mettre sur pied des programmes d'éducation sur les médias. Les citoyens doivent être en mesure de faire la différence entre les nouvelles provenant de sources fiables et les fausses nouvelles qu'on retrouve un peu partout sur les réseaux sociaux. Ils doivent également pouvoir distinguer le contenu publicitaire ou promotionnel qui franchit de plus en plus les limites du contenu rédactionnel. Bref, vu l'éclatement des frontières sur le Web, le rôle des journalistes professionnels doit être expliqué et mis en évidence.
Vous devez savoir que nous avons discuté de ces pistes de solutions avec plusieurs patrons d'entreprises médiatiques au Québec ainsi qu'avec nos dirigeants syndicaux et nos membres. Bien qu'il soit impossible d'obtenir l'unanimité sur les approches à adopter, nous sentons qu'un consensus clair émerge du milieu. Il est maintenant urgent d'agir. Plusieurs mesures, particulièrement celles de nature économique, peuvent être envisagées de manière temporaire afin de permettre aux entreprises de prendre entièrement le virage numérique et de bâtir de nouveaux modèles d'affaires qui assureront la pérennité de l'information.
Alors que nos sociétés se complexifient de plus en plus et que les réseaux sociaux participent à la polarisation des idées, nos médias doivent être en mesure de continuer à produire une information de grande qualité sur des plateformes attrayantes afin de s'assurer que les citoyens sont exposés à une pluralité de points de vue.
Nous vous remercions de nous avoir écoutés et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Les témoins ont raison, ce sont des enjeux incroyables. Les gens qui font le plus d'argent actuellement sont des Américains qui ne perçoivent pas de taxe de vente pour leurs contrats publicitaires. C'est tout à fait odieux, et je fais partie des clients qui consomment de la publicité auprès de Facebook. Beaucoup de gens le font sans même s'en rendre compte. C'est la vie moderne, mais c'est très problématique.
Tout d'abord, je remercie tout les témoins d'être ici parmi nous ce matin. J'aimerais poser une question aux représentantes de Rogers.
J'apprécie particulièrement le fait que vous abordiez la question sous deux angles, soit l'angle réglementaire et l'angle de la télévision. Je constate de plus en plus que tous les intervenants de l'industrie — les artisans, les producteurs, les diffuseurs et les distributeurs — trouvent que le système commence à être boiteux. Des gros joueurs sortent de nulle part avec de gros camions qui créent des ornières dans l'asphalte.
Peut-on compter sur les gros joueurs, comme Rogers, pour déléguer des représentants des différents secteurs, comme celui de la production, celui de la distribution et celui de l'Internet maison et de l'Internet sans fil? Lorsque la ministre fera ses fameuses consultations, on aura besoin de connaître le point de vue de tous les « chapeaux » et pas seulement celui d'un gros « chapeau » prudent qui dit tout et rien en même temps parce qu'il ne veut pas compromettre ses affaires. Croyez-vous qu'on peut espérer que Rogers va déléguer tous ces représentants pour contribuer au débat?
J'ai constaté à maintes reprises ce même malaise chez d'autres joueurs. Théoriquement, le chiffre de 600 mégahertz est à l'avantage de certaines de vos compagnies qui peuvent faire plus d'Internet santé, mais pour vous, en tant que productrice et en tant que diffuseur, c'est un gros problème. Croyez-vous qu'on peut espérer que chacun scinde son chapeau?
La même question s'adresse aux représentants de Bell et de Québécor.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je pense qu'il est juste de dire que les Canadiens entretiennent une relation ambivalente avec Rogers. Ils apprécient les belles réussites canadiennes. Pour l'essentiel, ils aiment le produit, mais ils trouvent parfois certains volets ou gestes de l'entreprise déplorables. Je pense que c'est probablement vrai pour bien des employés de Rogers aussi.
Cela dit, compte tenu de la réussite de l'entreprise, nous souhaitons qu'elle continue à prospérer. J'ai remarqué une chose lorsqu'il est question de nouvelles imprimées. Par exemple, nous entendons de plus en plus souvent dire que dans l'empire du Torstar, les journaux locaux ont du succès, continuent à générer des revenus et se portent bien, ce qui permet de subventionner le vaisseau mère.
Vous nous dites toutefois l'inverse. J'en ai constaté la preuve dans ma chaîne Rogers locale. Les gens ont pris des mesures quelque peu hésitantes pour diffuser des nouvelles locales en parallèle. Nous avons des émissions de débat politique très convaincantes auxquelles participent des gens comme nous. Nous les trouvons excellentes, bien sûr, mais je doute qu'elles plaisent autant à la collectivité.
Par exemple, dans ma propre municipalité de quelque 40 000 à 50 000 habitants, j'ai constaté ce qui semble être le début d'un effort visant à diffuser des nouvelles locales sur la chaîne communautaire Rogers, mais ces mesures semblent toujours être timides. Quels obstacles techniques, réglementaires ou autres vous empêchent de passer à l'étape suivante et de diffuser le même genre de nouvelles que nos journaux locaux, mais à la télévision?
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Je tiens à remercier le Comité de nous accueillir aujourd'hui.
Je m'appelle François Olivier, et je suis le président de Transcontinental inc., une société ouverte canadienne qui est cotée à la Bourse de Toronto. Nous comptons deux entreprises.
Avant de commencer, je tiens à préciser que nous n'allons pas diviser exactement le temps en deux, mais que nous parlerons tout de même du même enjeu.
Transcontinental compte deux entreprises. Dans le secteur manufacturier, nous sommes la plus grande imprimerie au Canada. Nous imprimons de tout, y compris les circulaires de tous les détaillants au pays, le Globe and Mail et bien d'autres choses. Nos recettes s'élèvent à 1,5 milliard de dollars dans le secteur manufacturier, et à 575 millions de dollars dans le secteur des médias, dont 235 millions sont attribuables aux médias locaux et au contenu local.
Nous produisons dans cinq provinces: au Québec, dans la région de l'Atlantique et en Saskatchewan. Nous possédons 159 journaux communautaires dans ces provinces. Nous avons aussi 143 sites Web qui viennent compléter le produit de papier. Nous produisons également beaucoup de contenu numérique local.
Dans ces provinces, nous avons plus de 1 700 employés qui travaillent à ce contenu local, y compris plus de 1 000 au Québec. Nous produisons Le Courrier du Sud dans la circonscription de M. Nantel. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons le Telegram, et à Granby, le Journal L'Express. Nous possédons donc un journal dans la plupart de vos circonscriptions, et couvrons vos activités.
Je vais laisser Benoît présenter son entreprise et dire qui il représente.
Je me présente. Je suis Benoit Chartier, président et éditeur de DBC Communications.
Aujourd'hui, je suis ici à double titre, car je préside également Hebdos Québec, un regroupement d'éditeurs indépendants au Québec.
D'abord, laissez-moi vous parler de DBC Communications. C'est un groupe de presse qui publie trois journaux et un mensuel agricole. Un des journaux célèbres de DBC Communications est le Courrier de Saint-Hyacinthe, qui est le doyen de la presse française en Amérique. Le journal en est à sa 164e année d'existence. DBC Communications est un groupe de presse qui comprend une centaine d'employés, une vingtaine de journalistes et nous sommes très engagés dans notre communauté dans la région de Saint-Hyacinthe.
À présent, laissez-moi vous parler d'Hebdos Québec. C'est un regroupement d'éditeurs indépendants, comme je le suis moi-même. Nous sommes une vingtaine d'éditeurs qui représentons une trentaine de journaux. Nous sommes tous indépendants. Nous n'appartenons à aucune chaîne de journaux. Nous publions un million d'exemplaires par semaine. Nous avons 1,5 million de lecteurs par semaine et 800 000 visiteurs uniques par mois sur nos sites Web. Les recettes publicitaires sont évaluées à 52 millions de dollars. Nous avons 400 employés, dont 111 journalistes et 33 photographes.
En somme, au Québec, TC et Hebdos Québec ont des liens avec 99,9 % des hebdomadaires de la province.
Je cède de nouveau la parole à M. Olivier.
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Nous allons entrer tout de suite dans le vif du sujet. Ce matin, nous voulons vous parler des difficultés éprouvées par notre industrie depuis 2009-2010.
Je veux vous expliquer comment fonctionne notre industrie. En gros, les entreprises comme la nôtre, ou les entreprises indépendantes comme celle de Benoit, vivent exclusivement de leurs revenus publicitaires. Elles doivent payer pour le contenu, les journalistes, les vendeurs, l'impression, et pour la distribution; dans notre cas, la majorité de nos produits sont distribués à la grandeur du marché. Nous distribuons des journaux à tous les foyers, et il n'y a pas de frais d'abonnement. Les lecteurs n'ont rien à débourser pour le contenu. Nous dépendons exclusivement de la vente d'espaces publicitaires dans nos journaux locaux.
Certains de nos quotidiens du Canada atlantique tirent entre 20 et 25 % de leurs revenus des abonnements ou des ventes en kiosque, mais comme vous le savez sans doute, la majeure partie de l'industrie dépend de la vente de publicités. Depuis de nombreuses années, des décennies, les annonceurs soutiennent le contenu local dont bénéficient les citoyens.
Qui sont les annonceurs et les entreprises qui achètent de la publicité? Ce sont des entreprises locales et régionales, pas les grands détaillants ni les détaillants nationaux. Ces derniers distribuent des circulaires à l'échelle du pays et ont moins tendance à s'annoncer dans les journaux hebdomadaires. Nos annonceurs sont des entreprises locales et nos lecteurs sont aussi des consommateurs locaux.
Pour revenir à la raison de notre présence ici aujourd'hui, ce que nous avons fait est très bien illustré à la page 5. Depuis 2005, Internet a... À un moment donné, les revenus publicitaires se chiffraient à environ 500 millions de dollars, et en 2014, ils s'élevaient à 3,8 milliards. Internet enlève des revenus publicitaires à la télévision traditionnelle, aux chaînes spécialisées, à la radio, aux quotidiens et aux journaux communautaires.
Les journaux communautaires, qui offrent beaucoup de contenu local, ont été moins touchés que les autres médias, mais les choses ont changé au cours des deux dernières années. Si on enregistrait une baisse de l'ordre de 2, 3 ou 4 % il y a trois ou quatre ans, aujourd'hui, ces chiffres se rapprochent de ce qu'enregistraient les quotidiens à l'époque, soit des pertes publicitaires de 10 à 15 %.
La barre bleue du graphique correspond au marché publicitaire pour tous les journaux communautaires du Canada. Vous constaterez qu'au plus fort des revenus publicitaires, en 2009, tous nos journaux — le nôtre, ceux de Metroland et tous les journaux indépendants du pays — enregistraient des ventes de 1,2 milliard de dollars, mais les ventes ont commencé à ralentir en 2010. En 2014, nous avions perdu 36 % de nos revenus publicitaires.
Je peux vous dire ce qui en est pour 2015, et c'est moi qui dirige l'entreprise en 2016. Pour faire un chiffre rond, je peux vous dire que nous avons perdu 50 % de nos revenus.
Une entreprise qui dépend exclusivement des revenus publicitaires et qui en perd 50 % se doit de réagir, qu'on parle de l'industrie des médias ou de toute autre industrie. Impossible de perdre la moitié de ses revenus et de conserver le même modèle d'affaires.
Où va cet argent? Il va à des gens qui ne produisent absolument aucun contenu local; on parle de Facebook, Google, et du reste. Ce sont des agrégateurs de contenu et des joueurs qui donnent dans les médias sociaux, ou dans les discussions de perron d'église, comme on dit. Il ne s'agit pas de cela, ni de contenu organisé. Ces grands joueurs ne produisent pas de contenu, mais ils récoltent beaucoup de revenus publicitaires.
Qu'a fait l'industrie? Rassurez-vous, nous ne sommes pas ici pour vous demander de faire notre travail. Nous multiplions les efforts depuis cinq ans. Quand on perd la moitié de ses revenus, il y a deux choses à faire: d'abord, on essaie de surfer sur la vague numérique. Nous avons donc investi massivement dans les médias numériques et lancé de nombreux produits numériques, certains axés sur le contenu et d'autres pas, et d'autres encore axés sur la publicité.
Environ 10 % des revenus de Transcontinental sont tirés des produits numériques. Sur des revenus de 240 millions de dollars, 24 millions proviennent des produits numériques. Nos produits numériques sont très populaires auprès de la population, mais le rapport demeure évident. Nous avons perdu 50 % de nos revenus et nous avons tenté de suivre la mode du numérique pour en générer de nouveaux, mais nous n'avons réussi à en récolter que 10 %. Il reste un manque à gagner important.
Ensuite, nous avons examiné nos coûts. S'il nous est impossible de récupérer tous nos revenus, nous devons tâcher de réduire nos coûts. Transcontinental étant une entreprise de groupage, nous avons pu réduire grandement nos coûts grâce à des économies d'échelle et à l'échange de pratiques exemplaires, entre autres choses.
En un sens, le fait que nous soyons un grand groupe a permis de sauver beaucoup de journaux qui n'auraient pas survécu s'ils avaient été laissés à eux-mêmes, n'ayant pas les moyens d'une grande entreprise. Nous avons réduit les coûts d'impression, de distribution, d'administration et de vente. Le seul endroit où nous ne pouvons pas faire de coupes, c'est dans le contenu, car le contenu est au coeur de nos activités. Couper dans le contenu signifierait de perdre notre produit. Ce serait la fin pour nous.
Beaucoup d'obstacles se dressent à l'horizon...
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Juste une minute, d'accord.
Je crois que je vais conclure mon exposé lors de la période de questions. En gros, nous sommes passés d'une organisation produisant un seul produit sur papier, à une organisation qui vend plusieurs produits très complexes sur Internet. La transition est on ne peut plus ardue.
Aussi, bon nombre de nos journaux hebdomadaires ont dû se réinventer. Alors qu'ils avaient une semaine — une semaine — pour produire du contenu, c'est-à-dire une semaine pour rédiger les articles et beaucoup de temps pour mener les entrevues, ils doivent maintenant offrir du contenu à toute heure du jour. C'est un défi de taille et une tâche énorme pour nos journalistes.
Notre industrie subit de grands changements. Je vais vous parler du contenu plus tard. Nous demandons essentiellement de l'aide pour passer à travers cette période de transition. Nous maintenons le cap depuis cinq ans, mais nous avons atteint un point où nous devons couper dans le contenu, autrement, certains produits devront disparaître, car nous manquons de temps pour assurer cette transition vers Internet.
À la dernière page, nous demandons le soutien de diverses organisations du gouvernement pour traverser cette période de transition. Je crois que le mot clé ici est « transition ». Nous ne voulons pas d'une aide permanente. Nous savons que nous devons rester indépendants, mais nous pensons que Patrimoine canadien pourrait peut-être nous aider pendant une période de trois à cinq ans, de façon à soutenir les organisations qui emploient des journalistes, qui produisent du contenu et qui soutiennent les régions, qui devront prendre le temps qu'il faut pour opérer cette transition. Sinon, j'ai peur que les produits papier seront appelés à disparaître.
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Bonjour, madame la présidente, honorables députés. Merci d'avoir invité le Centre pour la défense de l'intérêt public, ou le CDIP, à venir discuter avec vous ce matin des médias et des communautés locales. Je m'appelle Alysia Lau et je suis conseillère juridique au CDIP; je suis accompagnée de Geoff White, conseiller juridique externe du CDIP.
Le CDIP est un organisme à but non lucratif qui offre des services juridiques et de recherche en vue de défendre les intérêts des consommateurs, y compris des consommateurs vulnérables. En fait de politique de communications, le CDIP fait la promotion d'un accès juste et abordable à une variété de programmes qui répondent aux besoins des Canadiens. Le CDIP a participé activement aux audiences du CRTC concernant la politique sur la radiodiffusion et différentes questions relatives à l'attribution de licences et aux acquisitions, particulièrement dans le monde de la télévision.
Le CDIP a un message clé à transmettre au comité aujourd'hui. La télévision locale est importante et elle peut encore être florissante. Pour y arriver, le CDIP a trois recommandations précises à faire.
Un: les radiodiffuseurs privés doivent respecter leur promesse d'offrir une programmation locale, notamment des nouvelles locales. Tout financement devrait être accordé de manière responsable; il faut donner la priorité aux petites stations indépendantes, et mettre l'accent sur les mesures incitant les stations locales à adopter des modèles d'affaires viables.
Deux: la CBC/Radio-Canada doit être un radiodiffuseur solide qui a le mandat de s'engager auprès des communautés locales et même de leur offrir des services lorsque c'est nécessaire.
Trois: l'importance des médias communautaires sans but lucratif doit être reconnue par les politiques et soutenue par le financement.
Malgré l'évolution de la façon dont les Canadiens consomment la programmation locale et les nouvelles locales, la télévision locale demeure importante pour les Canadiens. C'est particulièrement vrai pour bon nombre de communautés rurales qui n'ont peut-être pas accès à une connexion à large bande. La télévision locale continue d'être un lien vital vers le reste du pays.
Selon une enquête commandée en 2014 par le CRTC, 81 % des Canadiens croient que les nouvelles locales sont un type important de programmation télévisuelle, et 53 % estiment que la programmation locale en général est importante.
Aux États-Unis, une étude menée en 2015 par le Pew Research Center a démontré que près de 9 résidents sur 10 suivaient les nouvelles locales de près, et que la télévision locale était toujours la principale source d'informations locales dans les trois villes étudiées. La majorité des répondants avaient accès aux nouvelles locales à la télévision locale, en complément ou non de sites Web ou de plateformes de réseautage social.
Malgré l'essor des sources de nouvelles en ligne, les nouvelles produites par les médias dits traditionnels, comme les médias imprimés et la télévision, jouaient encore un rôle prédominant dans la responsabilisation des institutions démocratiques. Même les plus grands sites Web de nouvelles au Canada sont des versions électroniques des médias traditionnels, comme la CBC et CTV.
Au cours des 15 dernières années, on a assisté à une concentration de la propriété dans le marché télévisuel canadien, et 79 % des revenus de la télévision commerciale sont aujourd'hui contrôlés par quatre radiodiffuseurs privés à intégration verticale. Il sont d'ailleurs plusieurs à aussi contrôler d'importants groupes de stations de radio. Et pourtant, les grands radiodiffuseurs, même s'ils continuent d'exploiter de lucratifs médias télévisuels, laissent tomber les communautés locales en dehors des grands centres urbains, ainsi que les communautés marginalisées au sein des marchés urbains.
Ils ont considérablement réduit leurs effectifs, surtout dans les stations locales. Bell Media a supprimé 380 postes en novembre dernier. Rogers Media en a supprimé 200 en janvier. Shaw a adopté un modèle qui mise sur la centralisation de la production de tous les bulletins de nouvelles à un seul endroit, soit à Toronto. Rogers a complètement éliminé les bulletins de nouvelles bilingues de toutes ses stations Omni, retirant ainsi des ondes toutes les nouvelles multilingues à l'intention des communautés ethnoculturelles, et ce, après avoir reconnu lors des audiences de renouvellement des licences devant le CRTC, en 2014, que ces programmes jouaient un rôle important pour les communautés desservies par Omni.
Le CDIP reconnaît que les revenus publicitaires des stations conventionnelles ont effectivement chuté au cours des dernières années. Parallèlement, d'autres stations payantes ou disponibles par abonnement et qui appartiennent aux mêmes radiodiffuseurs nationaux vont très bien. Souvent, ces radiodiffuseurs font l'acquisition de stations locales, en promettant de mettre à profit l'envergure, la portée, l'expertise et la diversité de leurs médias en matière de diffusion et de distribution, afin de maintenir les investissements dans la télévision locale. Ce n'est généralement pas ce qui arrive. Les radiodiffuseurs nationaux, privés et traditionnels devraient toujours avoir l'obligation de produire et de diffuser de la programmation locale, en particulier des nouvelles locales.
Le CDIP reconnaît les difficultés auxquelles sont confrontées les petites stations locales indépendantes, et si un fonds devait être créé pour soutenir les stations locales, il faudrait donner la priorité aux stations indépendantes et aider l'ensemble des stations à élaborer des modèles d'affaires viables. La création d'un tel fonds pourrait être soutenue par les recettes générées par la réaffectation et la vente aux enchères des fréquences de la bande de 600 mégahertz, un exercice qui déplacera bon nombre de stations locales qui diffusent des signaux en direct.
Le CDIP soutient la création d'un fonds voué à aider ces stations qui seront réaffectées. Vu l'importance des enjeux soulevés dans le cadre de l'étude du Comité, le fonds pourrait aussi servir à la production de programmation locale, notamment des nouvelles locales.
En ce qui a trait à la CBC/Radio-Canada, le radiodiffuseur public a un rôle très important à jouer, et le CDIP croit que la proposition budgétaire du gouvernement fédéral, soit d'investir 675 millions de dollars dans la CBC/Radio-Canada sur cinq ans, est un pas dans la bonne direction pour le Canada s'il veut se doter d'un solide radiodiffuseur public national. Cependant, le CDIP croit que cet investissement et tout autre plan stratégique pour la CBC/Radio-Canada ne devraient pas miser exclusivement sur la transition vers les médias numériques. Il faut également s'assurer que les communautés locales sont bien servies par les stations de Radio-Canada, surtout aux endroits qui ne bénéficient pas d'une connexion à large bande qui est accessible, fiable et abordable.
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Malgré la popularité des médias numériques, les médias communautaires indépendants sans but lucratif jouent encore un rôle crucial dans l'information, l'engagement et l'autonomisation des communautés locales et des groupes marginalisés. C'est particulièrement vrai au Canada, où bon nombre de communautés n'ont pas de station locale de télédiffusion en direct.
Lors de l'examen récent de la télévision locale et communautaire par le CRTC, bon nombre de groupes et d'associations ont décrit avec passion les moyens qu'ils emploient pour tenter d'offrir de la programmation qui a pour but d'informer et d'engager leurs communautés. Des stations de radio indépendantes, communautaires et universitaires ont vu le jour et ont pris de l'expansion à l'échelle du Canada; il y avait en effet 105 stations communautaires et 46 stations universitaires en activité en 2014. Cependant, dans l'univers télévisuel, plus d'espace doit être aménagé pour permettre l'établissement et la croissance de stations communautaires sans but lucratif qui comprennent les besoins de leurs communautés et qui sont en mesure d'y répondre.
Le CDIP recommande que le Comité reconnaisse et soutienne l'importance continue des médias communautaires indépendants sans but lucratif, tant sur le plan des politiques que du financement. Cela pourrait se traduire par une étude du patrimoine sur les médias communautaires, une stratégie nationale en matière de médias communautaires, des ressources qui offrent de la formation et du soutien administratif aux stations communautaires, et des initiatives qui fourniraient du financement continu aux stations communautaires.
En résumé, la télévision locale est importante et peut encore être florissante. Même en cette ère numérique, les communautés locales devraient être en mesure d'accéder à des programmes qui répondent à leurs besoins par l'entremise d'une multitude de plateformes, dont la télévision locale traditionnelle. Pour cela, il faudra que les radiodiffuseurs publics, privés et communautaires adoptent une approche qui misera sur leurs forces et leurs ressources, afin de répondre à tous les besoins des communautés canadiennes.
Merci de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Je vais utiliser l'exemple du
Courrier de Saint-Hyacinthe, qui compte une dizaine de journalistes sur le territoire et qui raconte l'histoire de la ville depuis 164 ans.
À mon avis, un journal régional sert de pilier à la démocratie pure et simple. La progression rapide de la digitalisation de la publicité depuis 24 mois, comme le mentionnait M. Olivier, met ce rôle en péril et menace la puissance de la force journalistique en région. Sans cette puissance journalistique, tout est remis en question. Comme l'a dit le député O'Regan, les possibilités de faire des enquêtes et d'aller au fond des choses peuvent être amoindries. Cela peut nous empêcher de découvrir qu'un terrain du voisinage dont le zonage va être modifié est la propriété d'un ami du maire. Le fondement de la démocratie est donc en partie lié à la liberté de presse, et cette liberté de presse doit exister aussi en région. Elle doit exister partout au Canada, mais surtout en région.
En raison d'une baisse des revenus publicitaires, les éditeurs de journaux se retrouvent dans une tourmente, une spirale, qui va peut-être bientôt provoquer la fermeture de certains journaux. Lorsque des journaux disparaissent dans une région, la couverture de l'actualité s'en trouve grandement diminuée. Les politiciens locaux, qu'il s'agisse du député provincial, du député fédéral ou du maire, ne font plus parler d'eux. Ce n'est ni Facebook, ni Google, ni Yahoo qui vont faire ce travail, parce ces réseaux sont établis à San Francisco et partout dans le monde. Ils détournent les revenus publicitaires à l'extérieur du pays.
À mon avis, l'heure est grave. Il faut s'interroger en profondeur quant au défi posé par la digitalisation de la publicité. Il nous faudra probablement beaucoup d'aide de la part du gouvernement pour soutenir le journalisme et la couverture des nouvelles en région.
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Oui. Nous formons une grande entreprise. Je peux vous dire qu'en ce moment, nous soutenons plusieurs journaux qui fonctionnent à perte. Nous ne parlons pas de dizaines ou de centaines de dollars, mais bien de millions.
En tant que partenaire citoyen, l'entreprise a un rôle social à jouer, mais elle a aussi des actionnaires à qui elle doit rendre des comptes. Je dirige une société publique. Ainsi, quand rien ne va plus, il faut affronter la situation. Nous essayons donc de regrouper des titres. Par exemple, un journal qui desservait une ville en particulier va devoir en desservir deux ou trois à la fois.
Nous nous retrouvons dans une période de transition. Il est vrai que la vente de la publicité sur papier apporte de très bons résultats, parce que cela fait 40 ans que nous en faisons et que nous améliorons nos pratiques. Il faut nous donner le temps de nous adapter à l'Internet. Les consommateurs veulent de notre produit. Les citoyens et les lecteurs réclament du contenu local. Ils nous appellent pour nous dire qu'il n'y en a pas suffisamment. La demande est donc là, mais il faut se donner le temps de devenir une entreprise numérique, et je crois que nous pouvons y arriver. Les gens nous suivent. Ils nous suivent sur la version papier, sur le site Web, sur des applications pour tablettes et mobiles. Une nouvelle business est en train d'être inventée, ce qui pose des défis. Auparavant, nous gérions des entreprises de nouvelles et il faut maintenant, d'une certaine manière, devenir des entreprises de technologie.
Nous avons deux demandes à formuler. D'une part, nous avons besoin d'un soutien temporaire pour la production de contenus et, de l'autre, d'encouragements financiers pour investir dans la technologie, pour créer de nouveaux emplois dans ce domaine et pour acheter des logiciels.
Est-ce qu'une partie de nos dépenses peut nous être remboursée sous forme de crédits d'impôt? Nous essayons de nous transformer pour garder l'information locale vivante. Nous ne voulons aucun dollar que nous ne sommes pas prêts à investir nous-mêmes.
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Je vais donc porter mon attention sur vos recommandations.
Vous avez bien raison de dire, à la page 8, que, selon vous, il incombe à Patrimoine canadien de vous soutenir au moyen d'incitatifs financiers pouvant couvrir plus de 50 % des coûts de production et de contenu. Vous faites une requête à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui constitue en général votre soutien en matière de recherche-développement. Vous revenez ensuite sur une demande que nous avons souvent entendue, à savoir que tous les ministères et institutions gouvernementales aient recours à vos services pour ce qui est de la publicité.
Cette idée me paraît très pertinente, d'autant plus que cela a un effet de levier. Si une publicité est exécutée par un graphiste professionnel d'un ministère, cela rehausse le contenu et donne une belle page. La fruiterie d'à côté est heureuse d'annoncer ses ananas, qui ne sont pas chers, parce que cela augmente la masse critique de publicité.
Il faut se demander ce que seraient nos communautés sans le babillard des activités communautaires figurant dans ces journaux. On en serait réduit à annoncer au magasin IKEA, qui se trouve à 300 kilomètres d'un endroit, une partie de balle-molle organisée au profit d'une association de jeunes. Votre média est extrêmement important, et la réflexion qui se fait ici est selon moi très saine.
Je vous remercie d'avoir abordé cette situation de façon aussi unanime du côté du Québec et de l'Est de l'Atlantique.
[Français]
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. C'est vraiment très apprécié.
Je voudrais continuer dans la même veine que mes collègues M. Nantel et Mme Sansoucy.
Dans ma circonscription, qui se trouve dans la région de Granby, presque 100 % de la population est rejointe grâce à trois journaux que vous représentez, soit le Granby Express, le Journal de Chambly et La Pensée de Bagot. Comme ma circonscription se trouve en région, je suis moi aussi extrêmement préoccupé par l'avenir de ces journaux. Je considère que leur présence et celle de vos médias dans notre collectivité est une richesse.
Je suis totalement d'accord avec ce que mes collègues ont dit. Qui va couvrir le conseil municipal de Rougemont si vos journaux disparaissent? Qui va parler du Festi-Val en neige ou d'autres activités régionales? Plus personne ne va le faire. Outre le fait qu'ils sont une richesse dans nos municipalités, vos médias sont vraiment très rassembleurs. Il est pertinent et logique que vous soyez présents. Quand j'entends parler de fermetures possibles, je trouve cela préoccupant, non seulement pour moi évidemment, mais aussi pour l'ensemble de la population de mon comté.
Vous nous présentez des demandes et vous nous proposez des mesures. Comme on en a parlé à tour de rôle, je sais qu'elles se trouvent à la page 8.
À prime abord, je suis plutôt favorable à ce que vous nous présentez, mais j'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur chacune de vos propositions.
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Le gouvernement pourrait nous appuyer de deux façons.
Il pourrait créer des programmes qui nous accorderaient des crédits d'impôt ou des subventions pour nous aider à relever les défis auxquels nous faisons face.
Dans cette période de transition, notre défi est de maintenir la quantité et la qualité de l'information. À cette fin, nous aurions besoin d'une aide transitoire quant au contenu, ce qui relèverait de Patrimoine canadien. Si on dépensait 150 000 $ pour payer des gens qui créent du contenu dans une région donnée, on pourrait recevoir de l'aide sous forme de crédits d'impôt ou de subventions sur le contenu, qui est le nerf de cette business.
Il y aussi le fait que nous ne pouvons pas toujours venir ici pour demander de l'aide. Il faut devenir autosuffisants dans notre façon de faire. Nous y arriverons uniquement si nous déployons notre contenu sur des plateformes numériques. C'est un grand défi de passer d'une organisation papier à une organisation numérique. Nous devons investir. Au cours des quatre dernières années, Transcontinental a investi 40 millions de dollars pour faire la conversion vers le numérique. Nos ventes se chiffrent à 24 millions de dollars et il faudra beaucoup de temps avant d'avoir un retour sur notre investissement. À un moment donné, il faudra obtenir de l'aide. Le deuxième niveau d'aide concernerait l'innovation et la science.
Si nous investissons, le gouvernement pourra-t-il nous accorder un crédit d'impôt sur nos investissements? Pour tous les programmes fédéraux ou provinciaux, la compagnie Transcontinental est considérée comme étant une trop grande entreprise pour pouvoir bénéficier d'une aide quelconque. Y a-t-il quelqu'un qui pourrait se pencher là-dessus? Des ministres, des premiers ministres, des maires et des députés m'appellent pour me dire que nous n'avons pas le droit de fermer des journaux. C'est notre deuxième demande. C'est l'une des façons que le gouvernement pourrait nous appuyer.
Voici une autre façon que le gouvernement pourrait nous appuyer.
Le gouvernement est un grand annonceur sur nos plateformes papier et numérique. La réduction de 50 % s'applique aux gouvernements fédéral, québécois et aux villes qui achètent moins de publicité. Évidemment, il faudrait que quelqu'un dise à l'ensemble des ministères que, étant donné l'importance que revêt le contenu local au Canada, de l'aide sera fournie dans les trois ou quatre prochaines années. Ces organisations de nouvelles canadiennes ont des produits papier et numériques innovateurs. Les acheteurs de tous les ministères pourraient-ils faire un petit effort et être plus stratégiques afin d'appuyer ces gens avec les dollars publicitaires du gouvernement? Ce serait une autre façon de nous aider. En ce moment, il n'y a aucune stratégie à ce sujet.