Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 099 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 7 juin 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la protection des consommateurs et la surveillance en ce qui concerne les banques de l’annexe I.
    Nous recevons aujourd'hui Sally Watson, à titre personnel. Les députés ont obtenu une copie de sa déclaration préliminaire, qui a été traduite.
    De plus, nous recevons M. Elford, également à titre personnel. Il a préparé une déclaration préliminaire, qui n'a pas été transmise aux membres du Comité parce qu'elle n'a pas été traduite.
    Nous recevons également Stan Buell, de l'Association pour la protection des petits investisseurs, par téléphone. Il nous dira bonjour lorsqu'il se joindra à nous.
    Nous allons commencer par Mme Watson.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, madame. Je crois que certains membres du Comité vous ont expliqué la procédure. Vous ferez une déclaration préliminaire, puis nous allons vous poser des questions. Vous avez la parole, madame.
    J’aimerais remercier le président de me donner l’occasion d’aborder un sujet aussi important.
    En 1974, j’ai été embauchée comme caissière à la CIBC, à Hamilton, en Ontario. J’y ai travaillé un an avant d’accepter un poste à la Banque Scotia, en 1975, toujours comme caissière.
    Les caissières étaient toujours payées un peu plus que le salaire minimum. Je tiens à préciser que j’ai uniquement travaillé pour ces deux banques, mais j’avais de nombreuses connaissances dans tout le système bancaire; je peux donc affirmer sans crainte que les pratiques dont il est question aujourd’hui étaient courantes dans toutes les grandes banques.
    J’étais une excellente caissière. Je n’ai eu aucun différend irrésolu et mes clients — qui étaient aussi mes voisins — me trouvaient amicale et accessible. Je suis éventuellement devenue chef caissière, caissière au guichet commercial et caissière responsable des grosses sommes d’argent. J’ai ensuite été mutée dans les bureaux, à l’arrière, comme commis-comptable. La banque justifiait le fait de payer des salaires plus bas aux employés de bureau sous prétexte qu’ils faisaient un travail moins stressant, puisqu’ils n’étaient pas en contact avec la clientèle.
    Pendant les quatre premières années, j’étais considérée comme une employée à temps partiel, même si je travaillais 40 heures par semaine. À cette époque, la succursale où je travaillais avait des heures d’ouverture prolongées, ce qui voulait dire que nous fermions à 20 heures les jeudis et à 18 heures les vendredis. Je commençais à 9 heures tous les jours et je travaillais jusqu’à la fermeture. On ne nous payait jamais d’heures supplémentaires. Cela n’existait tout simplement pas.
    Madame Watson, je dois vous interrompre un instant. Je crois que M. Buell vient de se joindre à nous.
    Nous vous entendons, monsieur Buell. J'espère que vous nous entendez également. Nous entendrons deux témoins avant vous, puis vous pourrez nous présenter votre exposé.
    C'est bien. Merci, Stan.
    Allez-y, madame Watson.
     On nous donnait 5 $ pour le souper. Je n’avais droit à aucun avantage marginal, puisque j’étais considérée comme une employée à temps partiel. Après des années de démarches pour obtenir le statut d’employée à temps plein, je me suis finalement adressée à la Commission des normes du travail du Canada, qui a appelé mon gestionnaire, après quoi j’ai eu le statut d’employée à temps plein. Je n’ai jamais été sûre d’avoir fait la bonne chose, car j’ai été étiquetée « fauteuse de troubles » à partir de ce jour-là.
    C’était également la norme, dans toutes les banques, que le personnel fasse des appels « bénévoles » en janvier et en février pour offrir des REER aux clients. Les personnes qui refusaient de rester après leurs heures de travail pour faire ces appels risquaient d’avoir une note ajoutée à leur dossier d’employé disant qu’elles n’avaient pas d’esprit d’équipe. En échange de ces trois soirées d’appels par semaine jusqu’à 20 heures, nous ne recevions, pour tout salaire, qu’une boisson gazeuse et une pointe de pizza que nous mangions en travaillant.
    Je suis restée 20 ans dans cette succursale. À cette époque, nous étions convaincus que nous étions redevables à la banque de nous avoir donné un emploi et que nous ne pourrions probablement pas trouver d’emploi ailleurs. Je suppose qu’il s’agit presque d’un cas de syndrome de Stockholm, lorsqu’on finit par se convaincre que notre existence dépend des personnes qui nous contrôlent.
    J’ai éventuellement été transférée à l’Unité centrale de comptabilité de l’Ontario, au centre-ville de Hamilton, pour fuir un superviseur abusif. Ma situation a alors commencé à s’améliorer, surtout parce que je n’avais pas d’objectifs de vente à atteindre.
    Les objectifs de vente sont un élément insidieux pour les employés de succursales. Le nombre de ventes croisées, de ventes incitatives et d’indications de clients pour des produits de crédit importants nécessaire pour obtenir une cote acceptable dans notre rapport annuel du rendement était absolument colossal. C’était tout simplement inatteignable pendant les heures de travail normales. Nous devions donc faire encore plus d’heures supplémentaires non payées... mais c’est une autre histoire.
    Je félicite les femmes de la CIBC et de la Banque Scotia qui ont réussi à déposer un recours collectif qui a permis à certains de leurs collègues de récupérer les salaires impayés auxquels ils avaient droit. Malheureusement, des centaines d’employés ne faisant pas partie du recours collectif ont été oubliés et ne seront probablement jamais payés pour les heures qu’ils ont travaillées.
    La pression pour atteindre les objectifs de vente n’obligeait pas seulement les employés à travailler gratuitement, elle les poussait également à vendre des produits dont les clients n’avaient pas besoin. Augmenter la limite des cartes de crédit, presser les gens à s’endetter pour acheter une voiture ou prendre un REER et les pousser à avoir une marge de crédit ou à faire préapprouver une protection de découvert étaient pratiques courantes. Celle qui me dérangeait le plus consistait à approuver des prêts hypothécaires beaucoup plus élevés que ce que les clients pouvaient s’offrir. Nous devions tout faire pour augmenter les profits de la banque, que le client soit en mesure de payer le produit ou non.
    Je me souviens très bien du jour où mon mari et moi avons été préapprouvés pour une hypothèque en vue de l’achat d’une maison. J’étais sidérée du montant d’argent qu’ils étaient prêts à nous prêter, même si nous avions sous-estimé le revenu de mon mari. J’ai vu le grand sourire de mon mari, mais quand nous sommes sortis de la banque, je lui ai annoncé la mauvaise nouvelle: nous ne pourrions payer qu’une hypothèque moitié moins élevée et il devrait baisser ses attentes. Je lui ai aussi dit que les temps seraient durs pour bien des gens, qui contractaient d’énormes hypothèques qu’ils ne seraient peut-être pas en mesure de payer. C’était en 1999.
    Merci.
(1535)
    Merci, madame Watson.
    Monsieur Elford, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur. Je suis reconnaissant au Comité de me donner l'occasion de me faire entendre.
    J'ai commencé à travailler dans le secteur financier au Canada en 1984. Dans les années 1990, la majorité des firmes d'investissement au Canada avaient été achetées par les grandes banques. J'ai travaillé dans ces firmes d'investissement pendant 20 ans et j'ai participé à l'un des premiers bureaux d'investissement situés dans une succursale de la Banque Royale à l'époque. Je connais très bien les pratiques de vente et les incitatifs pour les employés, de même que les codes de conduite et les systèmes de réglementation.
    Avant de commencer ma déclaration, je dois d'abord vous dire que j'estime que ce sujet est extrêmement important pour les Canadiens et pourrait être important pour les auditeurs.
    La raison pour laquelle je crois que ce sujet est important, c'est que le coût des pratiques malhonnêtes et préjudiciables systémiques des institutions financières à l'égard des Canadiens est aussi élevé que le coût de toutes les infractions criminelles commises au pays. Ce sont les actes criminels mesurés par le gouvernement du Canada et Statistique Canada. Si cette croyance se réalise, alors le sujet dont vous êtes saisis est beaucoup plus important pour le Canada que nous pourrions l'imaginer.
    Pour commencer, je dirais premièrement qu'aucun intervenant que j'ai connu dans le secteur financier n'avait l'intention de causer du tort à ses clients ou de les flouer financièrement. Deuxièmement, je sais que je ne me suis pas lancé dans le secteur financier pour causer des préjudices financiers à mes clients, et je ne m'attendais pas à ce que ce soit le cas.
    Je sais également que je n'ai pas joint les rangs d'une grande institution financière canadienne en sachant qu'elle m'obligerait à causer des torts financiers à mes clients d'aucune façon. Je ne me suis pas lancé dans ce secteur d'activité en pensant qu'une banque me causerait du tort en tant qu'employé si je refusais de flouer financièrement mes clients, si je refusais d'enfreindre les règles, qui exigeaient que je traite mes clients de façon honnête, équitable et en toute bonne foi. Je ne m'attendais pas à subir des torts de ma banque si je refusais de le faire.
    Pour terminer, si je pouvais éviter les deux premières pratiques, je ne me suis pas lancé dans le secteur financier au Canada pour garder le silence pendant que 70 à 80 % de mes associés aux ventes s'enrichissaient en flouant leurs clients financièrement.
    Toutes ces pratiques ont été utilisées et sont utilisées à l'heure actuelle pour enrichir les entreprises financières. Elles se déroulent en secret et ne sont pas repérées par toutes les tentatives actuelles de réglementer et de protéger les Canadiens contre ces torts.
    J'ai travaillé dans une succursale d'une banque. Cependant, j'ai oeuvré dans le secteur des investissements. Au début des années 1990, les plus grandes banques du Canada ont acheté 90 % des maisons de courtage au pays. Le secteur bancaire possède aussi la plus grande partie du secteur des investissements au Canada. C'est important, car mon ami camionneur à Taber me dit que nous ne parlons pas des gens riches; nous parlons des gens qui travaillent, économisent et espèrent investir pour pouvoir prendre leur retraite un jour — tous les Canadiens.
    Lorsqu'on a fait l'acquisition de ma firme, nous avions 1 000 associés aux ventes de produits de placement. Ils étaient détenteurs d'un permis en vertu de la loi jusqu'en 2009. La banque avait entre 12 000 et 15 000 gestionnaires de comptes. Je ne sais pas quel permis ils avaient. C'est un secteur différent. Ce que j'ai appris, c'est que l'objectif de la banque était de forcer ces 12 000 à 15 000 gestionnaires de banques à abandonner leur rôle habituel d'aider les gens et à devenir des associés aux ventes et à commencer à inciter les clients à acheter des produits de placement. Les profits pourraient monter en flèche si nous pouvions amener tous nos clients à acheter des produits de placement.
    En 2007, l'École de gestion Rotman de l'Université de Toronto a fait des études sur les pensions menées par l'éminent spécialiste canadien, Keith Ambachtsheer. Elles ont permis de découvrir que des stratégies de marketing ingénieuses et des conseils financiers pas forcément bons flouaient les Canadiens plutôt que de leur rendre service — et je parle de l'escroquerie seulement — en leur prenant 25 milliards de dollars par année. C'était en 2007, les 25 milliards bénéficiaient les courtiers et causaient du tort aux investisseurs à l'époque. D'après ses calculs, les investisseurs particuliers payaient 3,8 % de plus pour des produits financiers qu'ils le devaient comparativement aux investisseurs professionnels ou aux institutions.
(1540)
    Si je mets à jour les chiffres de M. Ambachtsheer, je peux facilement estimer qu'en 2017, ce serait 40 à 50 milliards de dollars par année en torts financiers causés aux investisseurs. C'est à cause des abus de position dominante sur le marché qui permettent aux banques et à leurs courtiers de contrôler le marché au point de tromper les Canadiens et de leur causer des préjudices.
    Je répète que je ne parle pas d'un frais équitable de 1 % pour gérer l'argent. Je parle d'un trop-perçu ou d'un frais excessif que les clients ignorent, de sorte qu'ils paient des coûts supplémentaires sans bénéficier d'une valeur ajoutée.
    L'exemple des fonds mutuels de l'École de gestion Rotman n'est qu'un seul produit de placement et n'est qu'une tactique de marketing parmi des centaines d'autres. Il y a facilement une dizaine d'autres méthodes pour causer des torts aux Canadiens qui font que les torts financiers au Canada dépassent les torts causés par tous les autres crimes commis au pays. Une étude est en cours à ce sujet, et les résultats appuient la prémisse jusqu'à présent.
    Votre première question en tant que comité pourrait être, « Larry, nos organismes de réglementation ne devraient-ils pas obliger les institutions financières à traiter leurs clients seulement de façon juste, honnête et en toute bonne foi »? C'est ce que leurs représentants vous diront la semaine prochaine lorsqu'ils comparaîtront, et la réponse est évidemment que c'est ce qu'elles devraient faire, mais dans la pratique, elles ne le font pas.
    Un organisme de réglementation devrait obliger les institutions financières à traiter leurs clients de façon équitable, honnête et en toute bonne foi, comme l'exigent les règles, les lois, les codes de conduite auxquels sont assujettis tous les membres de l'industrie qui s'adresseront à vous, mais comme je l'ai dit, elles ne le font pas. Je n'ai encore jamais rencontré un organisme de réglementation qui n'a pas été payé par les institutions financières qui paient les salaires des responsables de la réglementation. Les responsables de la réglementation ont le pouvoir et sont payés par l'industrie qu'ils doivent réglementer. Je répète qu'ils sont payés par l'industrie qu'ils doivent réglementer. Puisque personne ne peut servir deux maîtres, ils ont la réputation d'ignorer l'intérêt public lorsque la sécurité de leur emploi est en jeu. La sécurité des emplois des responsables de la réglementation est aussi menacée que peut l'être la sécurité des emplois des gens qui travaillent dans les banques, et les responsables de la réglementation sont confrontés à des impasses éthiques semblables à celles auxquelles sont confrontés les employés des banques ou du système financier.
    L'emprise des parties réglementées au moyen de chèques de paie qui ne sont financés que par ceux qui sont réglementés est un système très maladroit et suspect. Ce n'est pas professionnel. Il semble presque être voué à l'échec, et s'il échoue, alors c'est un énorme succès pour l'industrie d'être un échec pour les investisseurs canadiens.
(1545)
    Si vous le permettez, et je déteste devoir faire cela, mais je sais que vous n'êtes qu'au milieu de votre déclaration. Nous essayons de ne pas dépasser cinq minutes pour les exposés liminaires, et vous êtes rendu à huit minutes, alors si vous pouviez souligner... Le problème, c'est que nous avons besoin de temps pour les questions. Si vous le pouvez, veuillez résumer vos observations le plus rapidement possible, mais n'oubliez pas les principaux points.
    Je vais accélérer les choses.
    Je vais résumer en vous citant une déclaration de David Dodge, l'ancien gouverneur de la Banque du Canada en 2005, qui a laissé entendre qu'il y a une perception dans les cercles financiers internationaux selon laquelle les marchés canadiens sont le « Wild West », ce qui nuit aux entreprises canadiennes lorsqu'elles essaient de recueillir des fonds à l'étranger. Comme il l'a dit, « C'est ce qu'on entend très souvent lorsque nous visitons des marchés à New York, à Boston, à Londres ou en Europe; les gens ont l'impression que c'est un peu le Wild West ici pour ce qui est des règles et des règlements qui sont appliqués ».
    Je tiens simplement à vous remercier de m'avoir écouté. Le Wild West s'applique au système de réglementation des investisseurs particuliers et a une incidence sur eux, au grand détriment de la société.
    Merci du temps que vous m'avez accordé.
    Merci, Larry.
    Il y a un autre point que vous voudrez peut-être aborder plus tard en réponse à une question, et c'est en lien à ce que vous avez dit sur les victimes de ces investissements. Vous pouvez y réfléchir entretemps.
    Au téléphone, nous avons M. Buell, de l'Association pour la protection des petits investisseurs. Monsieur Buell, la parole est à vous. Essayez, s'il vous plaît, de ne pas dépasser cinq ou six minutes, si possible.
    Bonjour. Je serai bref.
    L'APPI, ou l'Association pour la protection des petits investisseurs, est un organisme national sans but lucratif. Nous avons la chance de bénéficier de l'appui de nombreux bénévoles qui consacrent leur temps et leur énergie à notre travail alors que nous tentons de sensibiliser les Canadiens.
    Il y a trois décennies, j'ai perdu mes économies à cause de fraudes et d'actes répréhensibles d'une institution financière majeure. Comme la plupart des Canadiens, je fais confiance à ces institutions pour veiller à mes intérêts. Les répercussions ont été dévastatrices et ont bouleversé ma vie. Il a fallu 10 autres années avant que je soupçonne que quelque chose ne tournait pas rond. J'ai fait une enquête pendant six mois. Ce que j'ai découvert était bouleversant. Ce n'était pas inhabituel. C'était monnaie courante. J'ai découvert que mon conseiller avait fait l'objet de mesures disciplinaires et avait été mis à l'amende à plusieurs reprises. J'ai retracé cinq ou six de ses victimes. Ils ont tous reçu le même traitement. Il faisait la même chose depuis 15 ans.
    L'une de ses victimes est décédée durant les procédures judiciaires. Qui sait combien de personnes ont été victimisées? Lorsque je me suis entretenu avec sa veuve, Shirley, je savais que je devais agir pour essayer d'aider d'autres Canadiens. Elle est la raison pour laquelle l'APPI a été créée en 1998. Shirley et son époux avaient exploité une entreprise familiale pendant 25 ans. Il avait un cancer en phase terminale. Ils ont vendu l'entreprise et leur maison, et les recettes et toutes leurs économies ont été confiées aux soins de leur conseiller financier. Le montant s'élevait à environ un million de dollars au total. Cela semblait suffisant pour subvenir aux besoins d'une veuve âgée. Trois ans plus tard, elle a été convoquée à leur bureau et on lui a expliqué que son argent avait disparu. Ils étaient désolés, mais ne pouvaient rien faire.
    Depuis la création de l'APPI, j'ai discuté avec des centaines et des centaines de victimes. Leurs histoires sont toutes très semblables: des vies sont détruites, leur santé se détériore, des familles sont désunies, de nombreuses personnes parlent de s'enlever la vie, et certaines le font.
    Les émissions de radio et de télévision de la chaîne Go Public de CBC ont permis de sensibiliser davantage la population que l'APPI a pu le faire en deux décennies. Il y a une nouvelle prise de conscience qui se fait. Le gouvernement, lorsqu'il tient des commissions d'enquête, doit parler aux victimes pour entendre la vérité.
    Ce n'est pas le commis de banque qui incite à des ventes de gamme supérieure ou qui est obligé d'atteindre des objectifs de vente qui est le principal problème, mais cela reflète la culture et l'attitude des institutions financières qui imposent des règles à leurs conseillers financiers, qui sont motivés par des objectifs de vente et la nécessité de générer des commissions pour satisfaire les cibles. Les expressions apaisantes comme les codes d'éthique et les règles et les lignes directrices des organismes de réglementation ne font pas grand-chose pour protéger les Canadiens contre les préjudices. L'autoréglementation dans cette industrie ne fait pas grand-chose pour protéger les consommateurs canadiens. Au contraire, elle aggrave la déception qui encourage les Canadiens à faire confiance aux institutions financières.
    L'APPI a publié une série de rapports qui révèlent quelques-unes des facettes de cette déception stratégique insidieuse. On exhorte les membres du Comité à examiner certains de ces rapports. Cependant, il est très important que vous discutiez avec de nombreux témoins — la chaîne Go Public de CBC a recueilli le témoignage de milliers de personnes — et que vous tentiez par la suite de concilier ce que l'industrie vous dit et ce que les citoyens canadiens vous disent.
    Nous savons qu'il y a des instances de réglementation provinciales et fédérales, et nous croyons qu'il est essentiel que le gouvernement du Canada établisse un organisme national de protection des consommateurs qui travaillera avec tous les organismes de réglementation, mais qui a le pouvoir de réclamer la tenue d'enquêtes et de verser des dédommagements lorsqu'il juge approprié de le faire.
    Merci.
(1550)
    Merci beaucoup, monsieur Buell.
    Je ne sais pas si vous pouvez nous voir ou non, mais pour que vous ayez une idée de notre structure, nous avons cinq membres du parti au pouvoir, trois membres de l'opposition officielle et un membre du troisième parti, et ils prendront la parole à tour de rôle à la période des questions.
    Nous allons commencer nos questions par une série d'interventions de sept minutes.
    Monsieur Ouellette.
    Monsieur Elford, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
    Je me demandais si vous pourriez parler un peu du paiement des responsables de la réglementation. Vous avez mentionné que les responsables de la réglementation ont le pouvoir. Pourriez-vous dire les montants qui sont versés aux responsables de la réglementation par les banques? Ce n'est pas très clair pour moi.
    Je dois admettre que l'expérience que j'ai est dans le secteur des investissements de l'industrie bancaire. Par conséquent, je détenais un permis en vertu des Autorités canadiennes des valeurs mobilières, qui est l'organisme-cadre des 13 commissions des valeurs mobilières provinciales et territoriales. Ces commissions des valeurs mobilières ne sont pas financées par le gouvernement. Elles sont financées au moyen de frais exigés et de paiements versés par le secteur des investissements. Elles sont composées de membres du secteur des investissements, et leurs salaires peuvent aller jusqu'à 700 000 $ dans certaines des commissions des valeurs mobilières au pays.
    Sous les Autorités des valeurs mobilières, il n'y a que les organismes autoréglementés, et ils sont entièrement financés par l'industrie et autoprotégés. À mon avis, ils offrent un semblant de protection publique, qui est plus une façade, d'après mon expérience.
    Vous avez également mentionné la séparation entre les banques et les sociétés d'investissement. Pourquoi est-ce important? Pourquoi avons-nous besoin d'une séparation entre les banques et les sociétés d'investissement?
    Je ne sais pas si nous avons nécessairement besoin d'une séparation, mais nous avons besoin d'un organisme de protection indépendant qui surveille les comportements des banques à l'égard de leurs clients investisseurs, car il est question des économies des Canadiens.
    Si le professeur à l'Université de Toronto a raison et que c'est 3,8 % des économies des investisseurs... Les Canadiens ont 1 billion de dollars d'investissements dans des fonds mutuels. Si les banques peuvent prendre 3,8 % de ce montant, ou même 2 % si les chiffres étaient trop élevés, ces 2 % réduisent de moitié l'épargne-retraite de chaque Canadien. Ces 2 % sur 35 ans réduisent de moitié le mode de vie des Canadiens à la retraite. Les chiffres de M. Ambachtsheer ont révélé que les coûts des fonds mutuels en 2007 étaient 3,8 % plus élevés. On saigne à blanc les membres de la société à la retraite.
    J'ai une question pour M. Buell et Mme Watson.
    Monsieur Buell, vous avez parlé de la culture. Nous avons entendu parler dans les médias des employés qui abonnent des gens à des services dont ils n'ont pas vraiment besoin, notamment des comptes bancaires additionnels, mais ces services s'accompagnent de frais accessoires de 3 $ ici et là, ou peut-être de 30 $.
    Quelle est l'incidence sur la culture au sein d'une institution? Quel type de culture cela crée-t-il à long terme? Quels sont les risques pour cette culture et pour la société canadienne si les gens ne respectent pas vraiment ces règlements et ces règles d'une façon appropriée?
(1555)
    Cette question est-elle pour moi?
    Pour vous et pour Stan aussi.
    Nous allons commencer avec Mme Watson, puis nous céderons la parole à M. Buell.
    Quelle est la question exactement, en résumé? Voulez-vous que je vous explique l'incidence sur les employés, qui doivent vendre tous ces produits pour amasser tous ces frais de service supplémentaires?
    Oui, essentiellement. Quelle est l'incidence globale? Pas sur leur santé, mais si vous vendez un produit jour après jour et que vous ne faites que contourner la loi quelque peu — vous abonnez une personne à un service et personne ne peut vraiment vérifier —, quel type de culture cela crée-t-il dans une institution ou une entreprise?
    Ce n’est pas super, car c’est très compétitif. Tout le monde s’arrache les nouveaux clients dès qu’ils franchissent la porte. On vous oblige à leur vendre des produits.
    Ce sont les mêmes clients qui viennent à la succursale tous les jours. Combien de fois pouvez-vous tenter de vendre un produit à la même personne? Il vient un moment où vous n’avez rien de nouveau à offrir. Et, c'est là que les choses se compliquent pour vous, car si vous n’atteignez pas les objectifs de vente fixés, comme un nombre x de comptes par mois ou par semaine, et parfois par jour, vous êtes dans le pétrin. Des notes sont mises à votre dossier selon lesquelles vous n’êtes pas à la hauteur, vous ne pouvez pas faire le travail ou vous ne jouez pas en équipe. Vous n’avez droit à aucune prime associée à votre évaluation de rendement. Rien. Après deux ou trois fois, c’est la porte.
    Cela crée beaucoup de tension et de pression. Dès mes premiers jours à la Banque Scotia, il y a 40 ans, j’ai changé le code de 100 comptes bancaires pour les transformer en comptes 59er, des comptes pour personnes retraitées offrant des avantages supplémentaires aux personnes âgées. J’obtenais des points pour la vente de ces comptes. Tout ce que j’ai fait a été de changer le code de ces comptes dans le système. C’est une chose que je pouvais faire sans me sentir coupable, car ce compte était avantageux pour les clients. Mais, j’obtenais des points pour la vente de ce nouveau produit.
    C’est le genre d’équilibre que je tentais de trouver: poser de tels gestes et avoir la conscience tranquille.
    Vous étiez jeune à l’époque. Lorsque les gens vieillissent et montent les échelons au sein d’une grande institution, selon vous, cela a-t-il un impact sur la perception qu’ils ont de leur emploi?
    Absolument. Les gens appréhendent leur journée en raison des gestes horribles qu’ils doivent poser pour faire leur travail. Ils vont devoir vendre à un client une hypothèque ou un prêt automobile qu’il n’a pas les moyens de rembourser.
    Est-ce que cela crée des directeurs incapables de voir que c'est problématique, puisqu’ils ont réussi à monter les échelons dans ce système?
    Les directeurs ne voient aucun problème, car il y a ce que l’on appelle la campagne annuelle. Elle se déroule habituellement au printemps. Dans le cadre de cette campagne, les succursales ont trois mois pour vendre le plus de produits possible. C’est une compétition. La succursale gagnante voit son nom publier dans la revue trimestrielle de la banque, le Scotiabanker, et le directeur de la succursale gagnante gagne un voyage dans les tropiques. Le premier jour de la campagne, notre directeur sortait de son bureau et disait: « Mesdames, envoyez-moi dans le sud! » Autrement dit, faites le plus de ventes possible pour que je puisse aller dans le sud.
    Monsieur Buell, auriez-vous quelque chose à ajouter?
    À mon avis, le problème, c’est que les employés de banque sont surpris par cette culture de vente. Ils croient offrir un service bancaire qui convient aux clients et que la plupart des Canadiens font confiance aux banques et institutions financières. Toutefois, les exigences des postes ont changé; les succursales fonctionnent davantage comme des magasins de vente au détail.
    Je n’ai pas parlé à beaucoup d’employés de banque, mais je me suis beaucoup entretenu avec des conseillers financiers qui m’utilisaient un peu comme un directeur de conscience en m’expliquant comment ils avaient profité d’une veuve de 75 ans, par exemple. Ils me disaient toutes les choses négatives qu’ils avaient faites, mais je n’ai pas pris de notes. Tout s’est fait par téléphone.
    Ce que ces centaines de conversations m’ont appris, c’est qu’il existe une culture de vente que les employés doivent respecter. Ils sont payés à la commission. Donc, ils font tout pour accroître leur revenu, car ils doivent nourrir leur famille. Ils sont obligés d’agir de la sorte, mais c’est contre leur nature. C’est ce que vivent les caissières et caissiers.
    Je sais qu’après avoir accepté un emploi à la banque, des gens ont été poussés à faire certaines choses. Par exemple, un jeune homme m’a dit avoir proposé à un client d’ouvrir une marge de crédit pour payer sa carte de crédit et ainsi redresser ses finances. Le lendemain, le jeune homme s’est fait réprimander par son gestionnaire, car la banque fait plus d’argent avec les cartes de crédit qu’avec les marges de crédit. Le jeune homme a quitté son emploi et s’est trouvé du boulot dans une autre organisation.
(1600)
    Merci, monsieur Buell.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, bienvenue à votre Chambre des communes.
    Madame Watson, j’ai lu votre déclaration et j’ai écouté votre exposé. Sincèrement, ce que vous avez vécu me touche beaucoup. Vous nous avez parlé de comment c’était au début de votre carrière, il y a 40 ans, et de votre expérience personnelle.
    Savez-vous si les employés des autres institutions financières à Hamilton ou ailleurs vivent la même chose?
    Oui, absolument. C’est la même chose partout.
    Discutez-vous avec d’autres employés de banque?
    Absolument. Je m’entretenais régulièrement avec des employés d’autres institutions financières, surtout lorsque je suis allée travailler pour l’unité responsable de la comptabilité centralisée en Ontario. En raison de la nature de mon travail, je m’entretenais souvent avec des employés de beaucoup de succursales des différentes banques. On parlait de la réalité sur le terrain. C’est sensiblement la même chose partout.
    Ai-je raison de dire qu’à l’époque, c’était la structure de l’institution financière et non celle d’une succursale en particulier… ?
    C’était une culture générale. La campagne dont je parlais plus tôt se déroulait à l’échelle de l’institution. Ce ne sont pas seulement les succursales canadiennes de la Banque Scotia qui y participaient; c'était toutes les succursales de l’institution un peu partout dans le monde. Les employés de toutes ces succursales devaient participer à cette campagne annuelle de vente de produits. C’était une période très stressante. Tous les lundis, la journée commençait par une réunion pour nous encourager à vendre des produits. Tous les jours, notre directeur nous disait de l’envoyer dans le sud. Il voulait que sa succursale enregistre le plus de ventes pour gagner son voyage.
    Tous les produits étaient bons: produits d’investissement ou de crédit, des comptes, tout. C’était de plus en plus difficile, surtout pour quelqu’un qui… Je vis dans une petite ville. Je connais tous les clients. Ce sont tous mes amis, mes voisins, des membres de ma famille. On me demandait de vendre de nouveaux comptes et de nouveaux produits à ma famille. C’était extrêmement démoralisant et gênant.
    Notamment parce que, comme vous l’avez souligné, vous étiez caissière il y a 40 ans, à l’époque où les guichets automatiques et autres outils n’existaient pas.
    Exactement.
    Les gens allaient à la banque chaque semaine, habituellement le jeudi soir, pour encaisser des chèques et retirer de l’argent liquide pour ensuite aller faire les courses. Vous connaissiez tout sur tout le monde.
    Aucune caissière ne s’attend à faire de la vente — enfin, c’était ainsi à l’époque où j’ai été embauché. Elles ne s’attendent pas à cela. C’est un peu un choc culturel. Au début, vous faites votre travail de caissière, puis, graduellement, vous êtes transformée en vendeuse. Vous avez des objectifs de vente à atteindre.
    Après avoir accepté un emploi dans l’arrière-guichet, où je n’avais plus de contact direct avec les clients, je n’avais plus d’objectifs de vente à atteindre. J’avais maintenant des objectifs de référence. Je devais recommander des clients au personnel de première ligne et proposer des idées de vente.
    J’avais encore des objectifs à atteindre. Ils étaient différents, mais très élevés. Ils étaient absolument impossibles — impossibles — à atteindre dans une journée de huit heures.
    Comme vous l’avez dit dans votre exposé et le document que vous nous avez remis, c’était difficile, surtout en ce qui a trait au logement et aux emprunts. Vous deviez parfois pousser les clients à accepter un produit sachant qu’ils n’avaient pas les moyens de les rembourser.
    C’est drôle, car j’en parlais à mon conjoint. Puis, lorsque nous sommes allés à la banque pour notre prêt hypothécaire, il a été complètement stupéfait de voir combien la banque était prête à nous accorder. Il m’a demandé: « Vraiment? » Je lui ai dit: « Non, nous n’avons pas les moyens de rembourser une telle somme. C’est ce que la banque veut que nous empruntions, mais non, nous n’en avons pas les moyens. »
    C’était en 1999. Je lui ai dit à l’époque que le château de cartes allait s’effondrer et c’est exactement ce qui s’est produit.
    J’aimerais en venir à ma principale question. Il y a 30 ou 40 ans, c’était la situation. Selon vous, est-ce la même chose aujourd’hui?
(1605)
    C’est bien pire que ce ne l’était à l’époque.
    Bien pire?
    Oui, bien pire qu’avant.
    Il y a un petit festival de rue à Dundas, où j’habite. J’y étais samedi dernier et j’y ai rencontré une ancienne collègue. Elle travaillait à la banque à mes débuts, à la même succursale que moi, et y travaille encore. Je lui ai dit que je venais ici aujourd’hui et elle m’a dit: « Oh, Sally, aussi pire que c’était à l’époque, c’est mille fois pire aujourd’hui. Je n’arrive presque plus à le supporter. » Nous étions assis à une table à pique-nique pour manger un hot dog. Son conjoint était assis devant moi et m’a dit que c’était le message qu’il fallait transmettre. Les gens tombent malades. Ils prennent une retraite anticipée. Ils quittent leur emploi sans indemnité de départ. On a menacé mon conjoint de lui retirer son indemnité de départ alors qu’il y avait droit.
    C’est tout simplement terrible, même horrible. Mon ancienne collègue m’a dit que c’est bien pire que je ne peux l’imaginer, même quelqu’un comme moi qui a travaillé dans ce milieu pendant 33 ans.
    Merci, madame.
    Merci, monsieur Deltell.
    Je tiens à rappeler aux membres que si vous avez des questions à poser à M. Buell, il est en ligne et disponible.
    Monssieur Dusseault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d’avoir accepté notre invitation.
    Ma première question s’adresse à vous, madame Watson, et concerne aussi les objectifs de vente. Comment ces objectifs sont-ils fixés? Qui fixe les objectifs pour la campagne annuelle.
    Je crois qu’ils sont fixés par le siège social en fonction du rendement de capitaux propres, le RCP. Les dirigeants visent un certain RCP chaque année. C’est ainsi que les banques font leurs profits. Tout revient à la valeur de l’action et au bonheur des actionnaires. Ils sont établis en fonction du RCP.
    Il y a aussi la prime au rendement annuelle. Si la banque n’atteint pas le RCP fixé, les employés ne touchent aucune prime au rendement. C’est un peu comme une prime de Noël. Elle s’élève habituellement à 1 % ou 2 % du salaire. Si la banque n’atteint pas le RCP fixé, les employés ne touchent pas de prime au rendement.
    Aussi, comme je l’ai dit, si les employés n’atteignent pas leurs objectifs de vente, on menace de les congédier. C’est assez difficile à accepter pour quelqu’un qui travaille pour la banque depuis 20 ou 25 ans.
    Est-ce différent selon la succursale? Les cibles sont-elles différentes ou sont-elles les mêmes pour l’ensemble des succursales du pays?
    Les cibles sont fixées pour l’ensemble des succursales du pays et varient selon la succursale en fonction du nombre de clients et d’employés. Les cibles dépendent de la taille de la succursale.
    Selon votre expérience, les cibles augmentaient-elles d’une année à l’autre?
    Oui. Elles devenaient de plus en plus irréalistes, si c’est ce que vous voulez dire.
    Vous dites que des prix sont décernés lorsque les directeurs atteignent leurs cibles.
    Oui, le directeur reçoit un prix.
    Y a-t-il des conséquences pour les employés qui n’atteignent pas leurs cibles? Si oui, de quel genre de conséquence avez-vous été témoin? Y a-t-il , par exemple, des listes noires d’employés qui seront éventuellement congédiés s’ils n’atteignent pas leurs cibles?
    Exactement. Des notes sont ajoutées à votre dossier si vous n’atteignez pas vos cibles. Vous avez une rencontre avec votre directeur qui vous dit: « Que puis-je faire pour vous aider à atteindre vos cibles? » Mais, il n’y a rien à faire, car les cibles sont impossibles à atteindre. On ne peut pas aider quelqu’un à faire l’impossible. Le directeur peut se cacher derrière le fait qu’il a proposé à l’employé des solutions pour l’aider à atteindre ses cibles, mais ces cibles ne sont jamais atteignables.
    Monsieur Elford, j’aimerais vous poser la même question concernant les cibles.
    Dans le secteur de services bancaires d’investissement, est-ce aussi pratique courante de fixer des cibles de vente de moyens d’investissement, des cibles qui augmentent d’une année à l’autre?
(1610)
    Je crois que oui.
    Il y a deux ans, la Banque TD a fait ajuster sa grille de paiement de commission. Si vous étiez vendeur à la Gestion du patrimoine de TD et que vous ne produisiez pas plus de 2 000 $ par jour en frais ou commissions, votre paye allait être réduite de 60 %.
    C'est le genre de choses qui sont arrivées, ces deux dernières années, à tous les employés de la Gestion du patrimoine. Ce que je retiens de la politique — et c'est en ligne ou accessible, parce que c'est une politique publique —, c'est « Voici: soit vous produisez 2 000 $ par jour, soit... » Je paraphrase. Je pense que le montant qu'il fallait produire annuellement était de 400 000 $ pour avoir un certain degré de paiement. Quiconque ne produit pas cela ne vaut rien. Vous êtes fini. « Vos frais, vos commissions sont réduits? Désolé. Votre paiement est réduit de 60 % par rapport à ce qu'il était. »
    L'année passée seulement, deux ou trois personnes que je connais, dans ma collectivité, qui étaient à la Banque Scotia ont été reçues sans ménagement à 8 heures, au bureau, et se sont fait dire qu'elles n'avaient plus d'emploi, parce qu'elles ne produisaient pas un minimum de 500 000 $. C'était le niveau à l'échelle du Canada. Je ne sais pas combien, mais on m'a dit qu'entre 50 et 100 personnes à l'échelle du Canada avaient été congédiées de la Banque Scotia. Encore là, je n'ai pas les détails, sauf que je connais trois personnes de ma collectivité qui ne produisaient pas 500 000 $ et qu'on a remerciées.
    Mon autre question est liée aux frais. Vous avez dit que quand vous vendez un produit d'investissement, un véhicule d'investissement, il y a des frais liés à cela, ou une rétribution, ou d'autres genres de frais.
    Pouvez-vous nous parler du cadre de réglementation pour l'établissement de ces frais? Le client est-il censé connaître les frais? D'après votre expérience, est-ce qu'il y a eu des cas où il y aurait eu des frais dont le client n'aurait pas su le montant exact, pour ces produits d'investissement?
    Oui, dans de nombreux cas, les frais sont aussi opaques ou cachés que le permis de la personne qui se dit un conseiller. Depuis que je suis dans ce domaine, le permis reste caché derrière les représentants. Personne dans l'industrie ne veut vous dire qu'ils sont des vendeurs. Personne ne veut divulguer cela. Ils disent: « Je suis un gestionnaire de patrimoine. Je suis un conseiller financier. Je suis un spécialiste des retraites. Je suis un spécialiste de la planification des successions. » Ils vont utiliser tous les noms possibles pour ne pas avoir à vous dire: « Je suis désolé. Je ne suis qu'un vendeur et je n'ai pas à accorder la priorité à vos intérêts. »
    La dissimulation s'applique également aux frais. Il y a bien des façons de faire payer une personne deux fois ou trois fois, de travailler ses comptes pour qu'elle paie des frais aujourd'hui, puis déplacer leurs investissements dans six mois pour leur faire payer encore des frais.
    La tendance la plus récente et la plus importante, dans le secteur des banques et des services financiers, c'est de placer tous les clients du volet investissement dans un compte-conseil s'accompagnant de frais de consultation de 1 % ou de 2 % de plus par dollar, dans chaque compte client, chaque jour, pour le reste de ses jours. Cela se fait, que la personne ait un conseiller détenant un permis ou pas, alors c'est une plutôt belle récolte.
    En 2001, les chiffres de RBC englobaient un montant de 35 milliards de dollars pour ce processus — des frais chaque jour, pour chaque compte, sur chaque dollar.
    Je sais que vous êtes au courant du témoignage de l'ACFC et de l'Association des banquiers canadiens. Que pensez-vous de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, de sa façon d'établir la réglementation et de protéger les consommateurs, et du travail qu'elle a accompli dans le passé? Que pensez-vous de ce qu'ils ont dit lundi?
    Je crains de ne pas avoir beaucoup de compliments à faire. Je suis dans l'industrie depuis 1984, et je n'avais pas vraiment entendu parler de l'ACFC ni remarqué des choses qu'elle avait faites avant la présente audience. Je n'avais jamais entendu dire qu'elle s'était exprimée afin de protéger les investisseurs jusqu'à ce que la CBC se penche sur elle dans une émission. Je n'avais pas entendu parler de rapports sur les banques, sauf en 2016, quand elle a sorti un rapport élogieux sur notre système bancaire, disant à quel point il fonctionnait bien.
    CBC a démontré que c'était faux, malheureusement, et l'ACFC fait peut-être partie des organismes de réglementation auxquels on ferait ceci en Alberta — et Ron peut renchérir là-dessus: on l'échangerait contre un chien jaune ayant une patte cassée, on apporterait le chien sur la ferme de mon frère Norman, et on le libérerait de sa misère. Pardonnez-moi mes propos graphiques.
    Merci.
(1615)
    Merci à vous deux.
    Monsieur Fergus.
    Premièrement, merci beaucoup.
    Merci, monsieur Buell, de votre participation par téléphone.
    J'aimerais explorer cet aspect des choses, sans m'arrêter toutefois au tableau saisissant que vous avez brossé, monsieur Elford. Tous vos témoignages font ressortir qu'il y a beaucoup de pression interne pour l'atteinte de certaines cibles de ventes sans quoi les évaluations du rendement sont faibles et, dans plusieurs cas, c'est la cessation d'emploi.
    Je veux ajouter à cela un autre aspect. Quel est l'effet de cette pression sur vous, que ce soit du côté des investissements ou des services à la caisse? Quel est l'effet sur la façon dont vous traitez vos clients? Autrement dit, comment atteignez-vous ces cibles en vous servant de vos clients? Est-ce que vos clients comprennent les produits qu'ils achètent ou dans lesquels ils s'engagent? Est-ce que leur consentement est éclairé? Est-ce que les efforts ne visent qu'à faire la vente?
    Personnellement, je n'atteignais pas mes cibles de vente. Je n'essayais même pas. Comme je l'ai dit, à un moment donné, j'ai modifié les codes d'un paquet de comptes pour qu'ils tombent dans la catégorie des comptes d'aînés après avoir parcouru les profils de tout le monde pour déterminer leur âge.
    J'ai quitté les opérations en succursale pour aller à la comptabilité centrale, afin d'éviter les cibles de ventes et les objectifs de ventes, mais je connais beaucoup de personnes qui deviennent très malades. Elles ne peuvent tout simplement pas y arriver.
    En effet, c'est ce que j'entends de la part des employés. J'essaie de comprendre l'effet sur les clients, sur les gens, sur les Canadiens comme moi qui ne sont pas dans le secteur bancaire et qui font confiance à leur banque. J'essaie simplement de comprendre cela.
    J'essaie de comprendre comment les personnes qui sont restées dans le secteur — pas vous — ont réussi à atteindre leurs cibles. Est-ce que ces personnes font des ventes forcées?
    Ce sont dans une grande mesure des ventes forcées.
    Dans ma succursale en particulier, qui est située très près d'une université, ils ont vendu des centaines de cartes de crédit à des étudiants diplômés. Les étudiants diplômés ne devraient pas avoir de cartes de crédit. La plupart des étudiants diplômés vous le diront. Ils leur accordent des plafonds de crédit très élevés. Des étudiants diplômés ont obtenu des plafonds de crédit de 10 000 $ sans le demander.
    Ils regardaient leur profil, voyaient que c'était un étudiant diplômé et leur disaient: « Venez: nous vous accordons ce crédit ». Ce n'est pas bon.
    Je peux vous dire que cela m'est arrivé.
    Monsieur Elford, quelle expérience avez-vous de cela?
    Merci. C'est une excellente question.
    Les clients ne savent pas qu'on leur fait du tort. Les frais, les commissions et les frais d'administration — toutes ces choses ne sont pas équitablement et entièrement divulguées. Encore là, c'est comme le permis que j'avais quand j'étais à la banque. Au cours de mes 20 années à la banque, il n'y avait aucune divulgation relative à mon permis, à mes frais d'agence et à mon devoir de diligence. Si on dissimule cela, naturellement, il est facile de s'y perdre avec les méthodes de dissimulation des frais, des commissions et des droits. Les clients ne savent rien, et ils sont contents.
    Il y a une différence entre la fraude et le vol. Quand il y a fraude, on vous a enlevé quelque chose: vous n'en êtes pas conscient et vous êtes content. Quand il y a vol, on vous a enlevé quelque chose: vous le savez, et vous en êtes triste. Les types de supercherie possibles dans le secteur financier correspondent à un genre de fraude dont personne n'est au courant.
    En ce qui concerne les effets sur les vendeurs, les employés, ils subissent du stress. Ils subissent des pressions. On leur dit qu'ils doivent abuser de leurs clients ou subir eux-mêmes des abus à cause des cibles de ventes et ce genre de choses.
    C'est ce que je cherche à savoir. Je comprends le stress des employés. Encore une fois, j'essaie de voir par quoi cela se traduit pour les Canadiens ordinaires qui sont les clients des banques.
    Permettez-moi de vous raconter quelque chose. Un été, quand j'avais 17 ans je crois, je n'arrivais pas à me trouver un emploi d'été. La saison était avancée, alors je suis allé travailler dans le centre d'appel d'un journal montréalais qui n'existe plus. Je vous assure que nous devions vendre; il fallait juste que nous vendions. Nous vendions à des personnes qui ne parlaient même pas l'anglais ou le français. Nous arrivions à leur vendre.
(1620)

[Français]

    des abonnements. J'ai oublié le terme anglais.

[Traduction]

    Des abonnements, oui. Merci.
    Le consentement n'était pas éclairé. J'y ai travaillé deux semaines.
    Est-ce qu'il s'agit du même genre de tactiques visant à exercer de fortes pressions sur les Canadiens — les clients de ces banques —, qui ne savent pas en fait ce qu'ils obtiennent? On leur vend des produits et des services dont ils n'ont pas besoin et qui ne leur offrent aucun avantage. En fait, cela va leur coûter de l'argent.
    Récemment...
    Allez-y, je vous prie.
    Récemment, je suis allée voir mon propre profil bancaire, et j'ai constaté qu'il y avait une MasterCard, dans mon profil. Je n'avais pas de MasterCard, et je n'en avais pas demandé. Je ne savais rien de MasterCard. J'avais une Visa pour les employés. J'ai communiqué avec la banque et j'ai demandé pourquoi j'avais cette MasterCard. Ils m'ont dit: « C'est gratuit. » Ce à quoi j'ai répondu: « Ça ne me dérange pas. Le solde est à zéro. Elle n'a jamais servi. Retirez-la de mon profil. » Ils m'ont dit: « Mais c'est bon pour votre profil. C'est bon pour votre profil de crédit, de l'avoir. » J'ai dit: « Non, non et non. Je n'ai pas demandé cette MasterCard. Retirez-la. »
    Ce matin, j'ai discuté avec quelqu'un à qui il est arrivé la même chose qu'à moi. La banque avait acheté une liste de détenteurs de la carte de crédit Sears. Il y a cinq ans, j'avais une carte Sears depuis trois semaines, et soudainement, elle a apparu sur mon profil de la Banque Scotia comme étant une carte de crédit active. Je n'avais jamais rien signé pour cela et je ne la voulais pas. Il a fallu trois mois pour qu'ils la retirent de mon profil. J'ai demandé à la banque de rédiger une lettre déclarant qu'ils avaient placé cette carte sur mon profil à mon insu et sans ma permission, mais ils ont refusé de mettre cela par écrit. Ils refusaient de communiquer avec moi par courriel. Ils n'acceptaient que de parler avec moi au téléphone.
    Je me demande si M. Buell aurait des observations à ce sujet, en ce qui concerne l'investissement.
    Absolument.
    Ce que j'entends, c'est la vérité. Voici ce que nous avons dit au Comité: vous devez parler aux témoins pour découvrir la vérité, car si vous vous fiez aux organismes de réglementation, en fait, les règles et les règlements ne sont pas appliqués. Le problème, c'est essentiellement qu'ils vendent des produits financiers. Ils ne conseillent pas les clients et ne veillent pas à leurs intérêts supérieurs. Cela va à l'encontre des sentiments des Canadiens ordinaires. C'est la raison pour laquelle l'obligation de le faire les angoisse.
    J'ai parlé à de nombreux conseillers financiers au téléphone. Ils m'ont confessé — pour ce que cela vaut — s'être tournés vers l'alcool et la drogue pour pouvoir faire le travail qu'ils sont obligés de faire pour profiter des clients. À mes yeux, c'est un problème sociologique, quand les employés sont traités de cette manière. C'est bien que notre société soit fondée sur la confiance, mais malheureusement, des gens sont obligés de faire des choses qui vont à l'encontre de leurs sentiments intimes. Cela cause beaucoup d'angoisse chez les gens. Comme Sally l'a dit, cela rend les gens malades et cause bien des problèmes. Je pense que le Comité devrait se pencher là-dessus et envisager sérieusement de recommander au gouvernement de prendre des mesures immédiates.
    Monsieur Fergus.
    J'ai une très courte question, pour vous trois peut-être.
    Lundi, nous avons entendu les témoignages de l'ACFC et de l'Association des banquiers canadiens. Ils ont indiqué que les banques ont toutes des codes de conduite et qu'elles veulent toutes favoriser une culture appropriée.
    D'après votre expérience, est-ce qu'il y a eu de la formation au code de conduite ou des lignes directrices officielles visant l'exécution de votre travail d'une façon éthique?
    Veuillez donner des réponses brèves, je vous prie.
    D'accord.
    Les seuls codes de conduite que j'ai en mémoire — et c'était dans mes points de discussion —, quand j'étais à la Banque Scotia, où j'ai travaillé pendant 33 ans, c'était premièrement un code de conduite visant la confidentialité relative aux clients. Il fallait absolument se conformer à cela, sans quoi vous étiez congédié, ce qui était tout à fait pertinent. Il y avait un code de conduite concernant les règles de prévention du blanchiment d'argent. Il fallait s'asseoir et regarder des vidéos chaque année, puis subir des examens. Nous savions très bien comment prévenir le blanchiment d'argent. Il y avait aussi un code de conduite sur la discrimination dans le milieu de travail. C'était aussi très strict.
    Je ne me souviens d'aucun code de conduite concernant la façon de vendre les produits. Il y en avait peut-être un, mais je n'en ai jamais été mise au courant en 33 ans. Je n'ai jamais eu de formation ni regardé de vidéo à ce sujet. Nous n'avons jamais eu de réunion là-dessus. On vous donnait vos objectifs et on vous disait de les atteindre.
(1625)
    Monsieur Buell ou monsieur Elford.
    Nous avons récemment regardé du côté de l'ACFC et constaté qu'elle avait établi des règles et des lignes directrices, puis dit aux banques de s'autoréglementer.
    Après avoir parlé avec des centaines et des centaines de personnes, on constate qu'elles nous disent tout le contraire de ce qu'on peut lire dans les codes de déontologie et dans les règles et règlements que les organismes de réglementation fournissent. Il y a une énorme différence entre les deux. J'ai tendance à croire davantage ce que les gens disent que ce que j'entends de la part des organismes de réglementation.
    D'accord.
    C'est maintenant au tour de M. Albas. Nous amorçons le tour de cinq minutes, et tout le monde pourra poser des questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup nos trois invités pour leurs témoignages. C'est une étude très importante, et je vous sais gré de vos réponses franches et honnêtes.
    Je vais commencer par Mme Watson.
    J'ai pu siéger à un comité spécial sur l'équité en matière d'emploi. L'un des aspects à l'examen était l'équité salariale pour les femmes, mais nous avons aussi examiné les normes du travail fédérales sur le marché réglementé par le gouvernement fédéral. D'après notre point de vue, les banques ont réellement resserré leurs efforts pour veiller à ce que les gens soient convenablement rémunérés pour tout le temps et le travail, et il y a maintenant de meilleurs mécanismes grâce à la mise en oeuvre de nouvelles normes diverses relevant du Code du travail.
    Je vais vous parler à tous les trois en général, puis je vais demander à chacun de vous de vous prononcer. De toute évidence, dans le secteur bancaire, il y a plus de concurrence que jamais. Les clients peuvent très rapidement opter pour une banque dont les frais sont modiques ou pour une banque virtuelle. S'ils veulent acheter des fonds mutuels, ils peuvent choisir eux-mêmes leurs solutions grâce à une organisation distincte tout en continuant de profiter du côté pratique des services bancaires en ligne. Pour bien des gens, il incombe aux banques de traiter leurs clients... si elles veulent les garder.
    Je suis d'accord pour dire qu'il y aura des cas particuliers, par exemple, votre compte MasterCard mystérieux. Il y a des codes de conduite établis par le gouvernement fédéral pour veiller au consentement éclairé et à l'utilisation d'un langage clair. Je veux simplement souligner que, d'après moi, une entreprise peut offrir un service supplémentaire à un client. Il n'y a rien de mal à cela. Quand vous allez chez le concessionnaire, le vendeur va essayer de vous vendre des options. C'est au client de prendre la décision. Ce que je trouve inacceptable, c'est quand il y a des comportements comme ceux que vous avez décrits, madame Watson. Quand on n'a pas demandé quelque chose. De même, je pense que nous devons examiner les régimes d'incitatifs et les effets qu'ils peuvent produire.
    En ce moment, j'entends des préoccupations sur la façon dont l'ACFC mène une enquête, et je ne vais pas porter préjudice à cela, mais on se demanderait qui doit être tenu responsable. Tenez-vous la personne qui joue votre rôle responsable? Tenez-vous le gérant responsable? Tenez-vous la haute direction responsable, notamment le chef de la direction, pour les systèmes de rémunération qui sont adoptés? Tenez-vous les administrateurs de l'entreprise responsables de cela?
    L'un des plus importants enjeux, d'après moi, c'est que vous avez peut-être un employé qui a trouvé le moyen d'accroître sa prime au rendement ou d'autres options, sans que la direction ou le chef de la direction ou les administrateurs en soient complices.
    Commençons par cela. Si le système doit être amélioré sur le plan de la surveillance, qui d'après vous doit être tenu responsable en premier?
    Ce serait le PDG, sans aucun doute. Ce serait le PDG.
    Monsieur Elford.
    Ce serait la direction, les directeurs des ventes de niveau supérieur, jusqu'au dernier échelon du système. Ils reçoivent tous des primes et des incitatifs en fonction de leurs déplacements. Il y a aussi les responsables de la réglementation qui prétendent protéger les Canadiens, tandis que dans les faits, ils protègent les banques et les courtiers en valeurs mobilières contre...
    Une fois de plus, nous devons dire que nous avons déjà entendu beaucoup de ces choses. La dernière fois, M. Liepert a très clairement mentionné que nous avons entendu parler d'allégations dans différentes émissions, comme Marketplace, mais il est bon pour nous de parler de ce genre de cas de façon générale.
    Je vais passer à ma prochaine question, qui porte sur les gens et leur comportement. Lorsque quelqu'un agit de manière contraire à l'éthique en créant des comptes pour lesquels les gens n'ont pas signé ou paraphé, pour lesquels il n'y a pas eu de consentement, selon moi, il faudrait que cette personne soit tenue responsable. Vous dites toutefois que c'est le système qui est responsable des agissements de cette personne.
    Qu'en est-il également de l'autorisation accordée à la personne? Si elle a reçu une certaine autorisation de la province, n'y a-t-il pas un code de conduite ou un code d'éthique qui s'applique comme pour les autres professionnels qui possèdent un titre de compétence?
(1630)
    Je dirais que c'est un problème systémique. Si c'est ce que font les gens, si des centaines d'employés dans un établissement ont recours à de faux documents, ou qu'ils demandent aux gens de signer pour la mauvaise chose, je crois que les problèmes systémiques dans le genre ne sont jamais punis, car il est très profitable de faire signer des centaines et des milliers de clients. Si cela nuit aux profits de la banque, la pratique sera condamnée. Si une banque trouve une pomme pourrie, elle punira cette personne, mais cela ne sera pas considéré comme une infraction si la pratique est généralisée, systémique et profitable.
    Je dois dire que je suis un peu sceptique à l'égard des fonds communs de placement et d'autres produits, tout simplement parce que le consommateur doit prendre garde lorsqu'il est question d'investissements. De toute évidence, la personne qui achète une action s'attend à ce que ce soit avantageux. Cela dit, lorsqu'une personne agit malicieusement, je crois qu'il devrait y avoir un recours contre elle.
    J'aimerais mettre l'accent sur l'ACFC. Vous avez dit plus tôt que vous pensez que dans le système visé par l'enquête de l'Agence, les rapports sont trop étroits. Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire? Une fois de plus, je signale que nous exerçons ici le privilège absolu, monsieur le président, mais je pense vraiment que c'est important que nous agissions tous de façon responsable dans nos échanges. Pourriez-vous donc tout simplement expliquer un peu plus cette observation?
    Je vais essayer, merci.
    Il y a un certain nombre d'organismes de réglementation. Quand je faisais un documentaire en 2004, Breach of Trust. The Unique Violence of Systemic White Collar Crime, j'ai fait des recherches pour connaître le nombre d'organismes de réglementation, d'organismes d'autoréglementation, d'ombudsmans, d'entités. J'en ai trouvé plus de 100 au Canada, dont une majorité d'organismes payés par l'industrie qu'ils prétendent réglementer. À mon avis, leur rôle consiste davantage à protéger l'industrie plutôt que vos concitoyens. Ils protègent l'industrie pour qu'elle ne soit pas tenue responsable de problèmes systémiques très rentables.
    Vous avez mentionné le processus de l'ombudsman. Certaines banques choisissent d'avoir leur propre ombudsman, ce qui est possible, et des mesures de protection sont évidemment mises en place. D'autres banques choisissent plutôt un ombudsman tiers, et d'après l'ACFC, les renseignements lui sont transmis directement.
    Avez-vous des recommandations pour améliorer cette façon de procéder, ou pensez-vous que les gens connaissent suffisamment bien leurs droits pour recourir aux services d'un ombudsman?
    C'est une bonne question. Je pense que cela confirme ce que j'avance.
    L'ombudsman des banques donnait des recommandations de règlement qui étaient plutôt favorables et justes pour les clients. La Banque Royale et la Banque TD l'ont donc renvoyé cavalièrement en disant qu'elles n'auraient plus recours à ses services même si c'est ce qu'elles avaient convenu de faire. Elles ont plutôt engagé leur propre ombudsman. C'est un exemple parfait d'embauche à un autre niveau d'une personne responsable, pour ainsi dire, de la réglementation dans le but de se protéger et d'éviter d'avoir à rendre des comptes. Elles ont engagé leur propre personnel et moins d'un an plus tard, l'ombudsman, l'OSBI, qui faisait du bon travail, s'est fait dire de ne pas se pencher sur les problèmes systémiques, de ne pas mener d'enquête là-dessus, de ne pas y toucher. Dans les cas qui ont coûté des milliards de dollars à des Canadiens partout au pays, la consigne était de ne pas regarder — on n'a d'ailleurs pas dénoncé une seule pomme pourrie, un seul type corrompu à Mississauga.
    C'est mon message le plus fort.
    Merci, Dan. Je regrette de vous interrompre, mais vous avez d'autant plus dépassé le temps alloué. J'ai tout simplement décidé de vous laisser terminer vos questions à ce sujet.
    Monsieur Sorbara, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour tout le monde. Stan, je vous souhaite la bienvenue par téléconférence.
    Je vais poser deux questions, et je vous prie d'être ensuite à l'aise de répondre comme bon vous semble.
    À propos de l'ACFC, l'Agence a annoncé un examen complet des pratiques commerciales des banques et des entités sous réglementation fédérale, pour être techniquement exact, et j'aimerais savoir quels résultats vous aimeriez voir à la suite de cet examen.
    Ma deuxième question porte sur les connaissances financières. Novembre est le Mois de la littératie financière au Canada. Une députée de notre caucus en fait la promotion, et je la félicite de ses efforts. Par ailleurs, l'Ontario exigera, à compter de septembre 2018, que les élèves suivent un cours de culture financière à l'école secondaire. Je veux savoir ce que vous en pensez, car je crois que c'est un processus de sensibilisation qui doit se poursuivre auprès des consommateurs de produits financiers, ce qui, je crois, ne s'est pas fait depuis longtemps.
    Je peux vous donner un exemple. Vous pouvez acheter des parts d'un fonds commun de placement et payer une partie du ratio des frais de gestion, ou vous pouvez plutôt acheter des parts d'un fonds négocié en bourse. La majorité des gens ne savent pas qu'il est moins coûteux d'avoir des parts d'un fonds négocié en bourse. Votre rendement augmentera beaucoup plus rapidement si vous contribuez à un fonds négocié en bourse d'un établissement financier plutôt qu'à un fonds commun de placement.
    Donc, qu'avez-vous à dire sur les connaissances financières ainsi que sur le vaste examen commencé par l'ACFC? Auriez-vous chacun l'obligeance de me répondre?
(1635)
    Je ne suis pas au courant du vaste examen de l'ACFC, et je ne peux donc pas en parler, mais je peux parler des connaissances financières.
    Je pense que les banques offrent maintenant tellement de produits qu'il est pratiquement impossible de sensibiliser le public à chacun de ces produits, surtout lorsqu'ils ne cessent de changer. Personne ne reçoit une lettre qui dit que le taux d'intérêt, le barème tarifaire ou le solde minimal exigé d'un certain produit a changé. Le public n'est tout simplement pas informé de ces choses. Pour demeurer à jour, il faudrait réapprendre tous les six mois en quoi consistent tous ces produits.
    J'ai travaillé au même établissement financier que vous, madame Watson, et je connais bien, pas la vente au détail, mais une autre activité. Je crois que les banques envoient de l'information et qu'elles sont tenues de le faire. Je vais m'excuser si je me trompe. Quand des changements sont apportés au barème tarifaire, les consommateurs en sont informés. On leur envoie l'information. Par exemple, lorsque le solde minimal ou les frais de service changent, ou qu'un chèque sans provision est déposé, les banques informent leurs clients.
    Je suis au courant de ce que vous avez dit à propos des cours sur le blanchiment d'argent et ainsi de suite. J'ai dû suivre les mêmes cours que vous. Tous les employés de la banque devaient les suivre. Ils sont instructifs. Je suis d'accord avec vous.
    Les clients des banques sont toutefois informés des changements apportés aux frais de service de leurs produits. Je suis parfaitement au courant.
    Eh bien, ce n'est pas le cas en ce qui me concerne. Je suis cliente d'une banque depuis 41 ans. Je n'ai jamais reçu d'information concernant mes produits. Pour certains de ces produits, parce que je suis considérée comme « membre du personnel », je ne paye pas de frais de service, même si je suis officiellement à la retraite. Je ne paye donc pas beaucoup de frais de service. Il y a toutefois d'autres changements structurels aux comptes dont je ne suis jamais informée.
    Avez-vous d'autres observations sur la question des connaissances financières, s'il vous plaît?
    À ce sujet, parlez-vous de faire en sorte que le public comprenne tous les tenants et aboutissants de l'ensemble de leurs produits financiers?
    Oui.
    Eh bien, je suppose que la seule façon pour une personne d'être vraiment bien informée est de tout faire par l'entremise d'un conseiller financier. Les gens doivent se rendre à la succursale, prendre rendez-vous, et discuter avec un conseiller pour obtenir toute l'information dont ils ont besoin pour prendre une décision éclairée.
    En même temps, des pressions sont exercées sur les conseillers financiers pour qu'ils vendent aux clients des produits dont ils n'ont pas besoin. Les clients font confiance au conseiller financier, et il arrive effectivement parfois qu'ils donnent de très mauvais conseils.
    Monsieur Buell, je crois que vous avez essayé d'intervenir il y a un instant.
    Oui, j'aimerais faire une observation générale sur la sensibilisation des investisseurs. Comme il a été dit, l'industrie est complexe, tout comme le système de réglementation. Il existe une myriade de produits et, dans les faits, les gens ont besoin d'un conseiller.
    Nous avons besoin de conseillers dignes de confiance. Les organismes de réglementation prétendent protéger les investisseurs. La plupart des Canadiens pensent qu'ils peuvent faire confiance à l'industrie. Dans les faits, les gens doivent se méfier, mais ils ne peuvent pas vraiment en apprendre assez sur l'investissement pour réellement se protéger et prendre toutes les décisions. Ils ont besoin de conseils financiers.
    Je pense que le gouvernement doit le reconnaître, qu'il doit s'assurer que les gens qui donnent des conseils sont qualifiés et qu'ils ont des comptes à rendre. À mon avis, c'est ce qui est nécessaire.
(1640)
    Merci à tous. Le temps est également écoulé pour cette série de questions.
    Monsieur Liepert, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Au point où nous en sommes, la plupart des questions ont déjà été posées, et on y a répondu. Je n'ai que quelques questions brèves, et je vais donc donner une partie du temps que mes collègues se sont arrogé sans vergogne.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Ron Liepert: Monsieur Elford, si je vous ai bien compris, je pense que vous avez laissé entendre que vous ne faisiez pas confiance aux enquêtes internes. Considérez-vous l'examen de l'ACFC sur la question comme une enquête interne?
    Non, je ne connais pas très bien la capacité de l'ACFC.
    Pour répondre à votre question, je dirais toutefois que je n'ai rien vu, de 1984 à 2017, et y compris dans le témoignage de lundi, qui me permet même de croire, pour répondre à votre question précédente, que l'ACFC comprend ou examine le fait qu'il y a un problème systémique qui coûte plus cher aux Canadiens que tous les crimes commis au pays.
    À la page 4 de mon mémoire, il y a un exemple de cas de problème systémique où un montant de 100 milliards de dollars a été pris dans les poches des investisseurs. Ce n'est qu'un cas parmi 14 000 que la recherche a permis de trouver. À ma connaissance, l'ACFC n'est même pas au courant de ce genre de problème systémique. Je suis scandalisé.
    Eh bien, j'espère qu'elle s'en rendra compte. C'est son travail.
    J'espère également qu'elle s'en rendra compte.
    Monsieur Buell, pouvez-vous vous prononcer à ce sujet?
    Si je comprends bien, vous êtes un client et vous, une employée, ou une ancienne employée de banque. Vous représentez une association de consommateurs, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    Donc, l'ACFC ne devrait pas avoir de difficulté à étudier vos allégations.
    Nous nous sommes concentrés sur le secteur des valeurs mobilières tout simplement parce que la plupart des Canadiens possèdent des parts de fonds commun de placement, et comme Larry l'a signalé, les gens perdent ainsi des milliards de dollars.
    Le problème au Canada, c'est que nous avons plusieurs organismes de réglementation, pas un seul. Au Québec, on est un peu plus près de la vérité, car il n'y a qu'un seul organisme auquel les clients ou les consommateurs peuvent s'adresser. Au Canada, nous avons 13 organismes de réglementation provinciaux dans le domaine des valeurs mobilières. Nous avons un secrétariat à Montréal, mais il dirige les gens vers des organismes de réglementation provinciaux. Il n'y a donc pas de guichet unique auquel les gens peuvent se rendre.
    Cela dit, le vrai problème, c'est que le secteur repose sur la vente de produits, ce qui est aussi le cas maintenant dans les banques, qui misent sur la vente de produits plutôt que d'être des établissements dignes de confiance où les consommateurs se rendent pour recevoir les meilleurs conseils qui soient. C'est le problème fondamental. Elles vendent des produits plutôt que d'aider les consommateurs en leur donnant de bons conseils.
    L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés en tant que comité, c'est que malgré nos audiences et tous les témoignages que nous entendons, je m'attends — sans vouloir discréditer ce qu'on s'apprête à nous dire — à ce que les représentants de banque qui comparaîtront devant nous affirment qu'ils ont enquêté sur certaines de ces préoccupations — ce sont mes propos, pas les leurs —, qu'il y a déjà eu des pommes pourries dans le système et qu'ils en sont débarrassées et que ce n'est plus le cas maintenant.
    C'est une des difficultés que nous avons en tant que comité, à savoir essayer de déterminer qui dit vrai alors que nous sommes coincés au centre. C'est la raison pour laquelle j'espère que l'enquête qui est actuellement menée par l'ACFC fera davantage la lumière sur cette affaire que nous pouvons le faire en tant que comité parlementaire.
    Monsieur le président, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire.
    Merci, monsieur Liepert.
    Madame O'Connell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Buell, ma question s'adresse à vous.
    J'ai lu certains des rapports sur le site Web de votre association. J'ai devant moi le rapport intitulé « Above the Law », dans lequel on aborde la question des conseillers financiers.
    Mon collègue et moi avons posé des questions à ce sujet aux gens de l'ACFC. Nous savons que l'ACFC ne réglemente pas les investissements. Cependant, on a dit — et je vais certainement paraphraser, car je n'ai pas la transcription du témoignage sous les yeux — que peu importe le titre d'un employé, sa façon de l'épeler, s'il vend un certain type d'investissement, il est visé par la réglementation.
    Ce n'est pas ce que nous avons entendu ou lu à certains endroits. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
(1645)
    Si les règles et les règlements ont été suivis, et si les codes d'éthique ont été respectés, je ne vois pas où est le problème.
    À mon avis, le problème, c'est que toute l'information est rendue publique, et les gens pensent donc qu'ils peuvent faire confiance aux établissements financiers. Cependant, dans les faits, les gens perdent des millions de dollars par année lorsqu'ils font confiance à ces établissements. C'est la raison pour laquelle j'ai recommandé au comité d'entendre certains témoins, et je crois qu'il devrait recommander au gouvernement de faire une enquête publique, pas seulement pour entendre un, deux ou une demi-douzaine de témoins, mais des centaines.
    Je suis au courant parce que j'ai parlé à des milliers de personnes de l'industrie, au sein des organismes de réglementation et dans la population. Je viens tout juste de parler à un monsieur de 75 ans qui apprend à se servir de l'Internet, et il trouve maintenant l'information. Il avait une marge de crédit de 70 000 $ qu'il avait contractée il y a des années pour aider son fils. Il s'est rendu à la banque pour dire qu'il ne s'en servait plus, qu'il n'en avait plus besoin et qu'il voulait l'annuler parce que c'était considéré comme une obligation liée à sa maison. Il n'a pas d'hypothèque et n'avait plus besoin de la marge de crédit. Il voulait l'annuler, mais la banque lui a dit qu'il devait d'abord payer des frais d'annulation de 200 $. C'est déraisonnable.
    Pour le Canadien ordinaire qui cherche à qui s'adresser pour obtenir des réponses, recommandez-vous — corrigez-moi si je me trompe puisque j'ai essayé d'écrire rapidement — un organisme national de réglementation de la consommation qui… compte tenu de tous les vases clos qui existent… Des témoins nous ont également parlé d'enjeux constitutionnels relatifs à la compétence. S'il y a une sorte d'organisme national de surveillance qui veille à…
    Votre proposition vise-t-elle à ce que les organismes de réglementation, comme M. Elford l'a dit, s'attardent bel et bien à ce qu'ils doivent réglementer?
    Et bien, je ne suis pas contre l'existence de différents vases clos en matière de réglementation. Ce que je veux dire, c'est que je crois que le gouvernement canadien devrait être responsable du bien-être de tous les Canadiens. Je trouve qu'il devrait être chargé de veiller à ce que tous les Canadiens soient protégés, et à ce que l'organisme ou l'autorité travaille avec l'ensemble des différents vases clos de la réglementation. L'objectif n'est pas de les remplacer, mais simplement de protéger les Canadiens, car trop de gens perdent leurs économies.
    Merci.
    S'il me reste du temps, j'aimerais poser deux ou trois questions à M. Elford. D'une part, vous avez mentionné la politique de TD entourant les 2 000 $ de frais par jour, en précisant que l'information est publique. J'ai fait une petite recherche sur Google, et je n'ai pas pu trouver l'information. Si vous y avez accès, pourriez-vous envoyer la source à la greffière du Comité?
    Oui, sans problème.
    Merci.
    Par ailleurs, une des questions ou des préoccupations à laquelle je songe, même pour moi ou les membres de ma famille, c'est que lorsqu'une personne entre dans une banque… Il est possible de faire affaire avec une des grandes banques, si elles sont accessibles, mais je sais que ce n'est pas le cas dans certaines collectivités. C'est donc ici que les coopératives de crédit entrent en jeu.
    Lorsque nous parlons plus particulièrement des banques, celles-ci s'accompagnent d'un certain niveau de confiance et de protection, somme toute. Lorsque vous y placez votre argent, vous savez que vous pourrez le retirer lorsque vous en aurez besoin. Le problème, c'est qu'il s'agit pratiquement d'un avantage indu, en ce qui concerne la confiance que les fonds seront protégés, et l'assurance que votre argent sera là.
    De quelle protection bénéficient les Canadiens qui choisissent de ne pas investir dans une grande banque? J'ai fait des recherches, et je connais l'existence du Fonds canadien de protection des épargnants. Cependant, tout dépend de la connaissance. Comment les Canadiens connaissent-ils vraiment leurs options? Ont-ils seulement l'impression que la banque est leur seule option et que ces frais font simplement partie des activités? Si les Canadiens souhaitent devenir des investisseurs, même de petits investisseurs, ce sont les options qui s'offrent à eux.
    Monsieur Elford, c'est une question que je tente de régler. Quelle est l'expérience des Canadiens ordinaires, aux yeux d'une personne comme vous qui a eu affaire à des clients et à ce genre de choses? Peut-on supposer que certains Canadiens s'en préoccupent?
(1650)
    Les Canadiens sont amenés à croire, au moyen de publicités, de marketing, de promesses et de tous les messages diffusés, qu'ils doivent consulter un conseiller financier et faire confiance à ses conseils. En cas d'événements qui bouleversent leur vie, ils doivent aussi consulter leur conseiller financier. En fait, on trouve aujourd'hui 120 000 représentants autorisés et inscrits au Canada sur la page de recherche des Autorités canadiennes en valeurs mobilières. D'après cette même page de recherche, il n'y aurait que 4 000 conseillers autorisés au pays, de sorte que tous les vendeurs au pays, même à l'époque où je travaillais dans l'industrie, prétendent être des conseillers financiers. La plupart des vendeurs ne le savent même pas, car ils n'ont jamais tenu leur permis entre leurs mains. Je n'ai jamais vu le permis d'un vendeur de produits financiers ni celui d'un conseiller financier, même si j'ai travaillé dans le milieu pendant 20 ans.
    C'est comme si nous demandions à 10 millions de Canadiens, qui est le nombre moyen d'investisseurs dans la population, de faire confiance à un médecin qui n'en est pas un, mais qui possède un cours de premiers soins offert par l'Ambulance Saint-Jean. C'est ce que fait l'industrie bancaire lorsqu'elle demande de faire confiance à ses conseillers. C'est une publicité-leurre. Les banques imposent sans relâche leurs vendeurs à leurs clients, qui sont 120 000 plutôt que 4 000. Voilà qui représente de nombreux vendeurs insistants qui doivent tous exercer des pressions pour vendre le produit. Ils doivent vendre et performer, sans quoi ils devront quitter leur poste.
    La lettre que j'ai reçue dans les années 1980 me demandait de performer ou de quitter mes fonctions. La même lettre a été remise l'année dernière à mes anciens collègues de ScotiaMcLeod: ils doivent performer ou quitter la banque.
    Je vous remercie tous les deux.
    Monsieur Dussault, vous avez environ deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur une question que j'ai posée lundi à propos du concept visant à nommer et dénoncer les banques qui sont trouvées coupables de quoi que ce soit, et du fait que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, ou ACFC, devrait plus souvent pointer du doigt la banque en défaut.
    Si je prends l'exemple du secteur agroalimentaire, la dernière chose qu'une entreprise souhaite, c'est d'être reconnue comme étant une mauvaise entreprise et de devoir rappeler des produits. Dans le secteur de l'automobile, les entreprises ne veulent pas non plus ce genre de choses et que leur nom se retrouve dans les journaux. Croyez-vous qu'une des solutions consiste à recommander de faire plus d'enquêtes, d'approfondir davantage les investigations et, au bout du compte, de faire en sorte que les banques qui n'agissent pas dans l'intérêt supérieur des consommateurs soient pointées du doigt, pour que les gens sachent qui elles sont et puissent choisir la banque avec laquelle ils feront affaire à la lumière de ces enquêtes?
    Monsieur Elford, puis madame Watson.
    Merci. Je serai bref.
    Depuis 1984, je n'ai jamais vu l'ACFC dénoncer qui que ce soit. En fait, avant d'entendre parler de votre comité, je n'avais jamais eu vent que l'Agence a fait grand-chose. L'Ombudsman des services bancaires et d'investissement, ou OSBI, qui est l'ombudsman officiel des services bancaires, a pour sa part pointé du doigt des entreprises, mais il s'est fait taper sur les doigts pour l'avoir fait. Certaines entreprises ont congédié l'Agence de façon unilatérale, sous prétexte qu'elles ne veulent pas faire affaire avec l'ombudsman officiel des services bancaires. Elles ont ensuite embauché leur propre arbitre qui donne des avis favorables sans dénoncer qui que ce soit. C'est l'exemple de la double contrainte avec laquelle les organismes de réglementation doivent composer. C'est exactement dans cette situation que les employés des banques sont placés: soit ils font ce qu'on leur dit, soit ils sont mis à la porte.
    L'ombudsman officiel des services bancaires a été neutralisé, ou renvoyé, après quoi l'ACFC a pris le relais comme si elle pouvait le faire et qu'elle attendait cela depuis 33 ans.
    Merci.
(1655)
    Ma dernière question porte sur la culture.
    Madame Watson, d'après votre expérience, la culture des banques est-elle vraiment celle que prétend l'Association des banquiers canadiens, à savoir que les clients sont toujours à l'avant-plan et passent même avant le profit? À votre avis, quelle est la culture des banques? Le profit passe-t-il devant quoi que ce soit d'autre, ou est-ce le service à la clientèle qui est prépondérant?
    Il va sans dire que le profit passe avant qui que ce soit. La culture n'a assurément rien à voir avec le service à la clientèle, comme je l'ai constaté lors de mes dizaines d'années à la Banque Scotia. Je pense aussi qu'il commence à y avoir des dénonciations, car nous ne serions pas ici sans la banque Wells Fargo et ses employés qui ont finalement raconté leur histoire.
    Je pense que c'est ce qui a incité les employés du secteur bancaire canadien à commencer à raconter leurs histoires à CBC/Radio-Canada, ce que j'ai découvert parce que je suis à l'affût des nouvelles. Je regarde tout le temps CBC/Radio-Canada, et j'ai lu l'information en ligne. C'est donc ainsi que j'ai appris l'existence de la commission. J'ai trouvé cela intéressant parce que toutes ces personnes parlent des choses qui se sont produites au cours des cinq à dix dernières années. J'ai donc communiqué avec la journaliste de CBC/Radio-Canada pour lui dire que je l'ai vécu il y a 40 ans. Elle a trouvé que c'était scandaleux. Je pense que ce qui est sidérant, c'est de savoir que la situation perdure depuis aussi longtemps sans que personne n'en parle. Je pense qu'il est temps de faire du tapage. C'est pourquoi je suis d'avis que la commission est une excellente initiative.
    Bien, merci.
    Nous sommes un comité, pas une commission, Sally.
     Je vais revenir sur la question de M Liepert.
    Je pense que l'une des difficultés avec lesquelles certains d'entre nous sont aux prises est de déterminer ce que nous pouvons vraiment faire au bout du compte. Il y a un peu plus d'un an, je crois, le gouvernement a essayé d'intégrer la protection des consommateurs au budget d'un point de vue fédéral — j'ai oublié de quel projet de loi il s'agissait. Les instigateurs ont dû le retirer puisqu'il existe 13 systèmes différents au pays, comme vous l'avez dit, monsieur Elford. Avons-nous le pouvoir constitutionnel à cette fin? C'est un dilemme.
    Je vous pose la question à tous les trois, y compris à M. Buell, à l'Île-du-Prince-Édouard. Si nous devions formuler une recommandation, avez-vous des suggestions quant à l'orientation du gouvernement fédéral à ce chapitre?
    Je vais commencer par vous, monsieur Buell.
    J'ai dit il y a plusieurs années que je ne pouvais pas envisager un organisme national de réglementation au Canada, et je suis encore de cet avis. Je n'ai pas de solution. J'espérais que le gouvernement puisse prendre des mesures pour protéger les Canadiens en collaboration avec les vases clos réglementaires déjà en place.
    Il n'existe aucune solution rapide, mais je pense bel et bien qu'une enquête publique s'impose. À l'heure actuelle, les Canadiens savent mieux que jamais ce qui se passe grâce à Go Public de CBC/Radio-Canada. D'après les commentaires que nous recevons du public, les gens semblent être de plus en plus conscients, et je crois que le gouvernement doit agir. Il ne suffit pas d'attendre que les organismes de réglementation disent: « Nous avons des codes de conduite, ainsi que toutes sortes de règles et de règlements, et nous croyons que les investisseurs doivent être protégés. » Il ne suffit pas d'affirmer cela. Les gestes sont plus éloquents que les paroles, et des milliers de témoins se sont prononcés. Ce que Sally vous a dit aujourd'hui est très révélateur.
     Je pense que le gouvernement doit approfondir la question. Je conviens que vous auriez pu faire votre défi. Comme je l'ai dit, je ne vous envie pas, Wayne. Votre tâche est impossible, mais le Comité devrait recommander très fortement au gouvernement de lancer une enquête publique.
    Le gouvernement doit écouter les milliers de témoins qui se sont manifestés. Il ne fait aucun doute que la plupart d'entre eux disent la vérité.
     Il ne fait aucun doute non plus que les organismes de réglementation tentent de camoufler la situation et utilisent beaucoup de mots fantaisistes qui n'ont vraiment aucune incidence sur la protection de la population canadienne.
    Madame Watson, avez-vous quelque chose à ajouter, ou des suggestions à soumettre au Comité pour la suite des choses?
(1700)
    J'aimerais simplement dire que je suis d'accord avec tout ce que M. Buell a dit. Il l'a fort bien expliqué, et je ne pense pas pouvoir y ajouter grand-chose. C'est une excellente idée de lancer une enquête, mais les médias doivent rester au fait de la situation. Ils doivent continuer de dénoncer les entités, comme dans le cas de Wells Fargo et de la façon dont tout a commencé avec Erica Johnson et la CBC/Radio-Canada.
    Monsieur Elford, vous pourriez peut-être ajouter une chose à votre réponse. Vous avez parlé de l'ombudsman. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? J'avoue que je trouve difficile quand un ombudsman interne travaille au sein de l'organisation même qu'il est censé surveiller. Ce n'est pas exactement un mécanisme de surveillance indépendant, à mes yeux. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Bien sûr. Je vais citer ma chère amie Debra McFadden, de LaSalle, en Ontario, qui dit qu'un homme ne peut pas servir deux maîtres, ce que nos organismes de réglementation tentent justement de faire. Ils essaient de dire qu'ils protègent et favorisent des marchés publics équitables et efficaces tout en protégeant les citoyens, alors que la plupart de nos régulateurs sont uniquement payés que par ces marchés publics. Ils essaient de servir deux maîtres et ont un double mandat qu'ils ne peuvent pas remplir.
    Elle dirait — et je ne vais pas parler pour elle — qu'il faut créer des organismes fédéraux de protection des investissements, ce qui outrepasse le débat constitutionnel visant à savoir de qui relève la question entre le fédéral ou le provincial, ou qui est responsable, car c'est un cheval de Troie qui pourrait bafouer les investisseurs pendant encore 10 ans. Il faut créer un organisme de protection des investisseurs qui n'a rien à voir ni avec la réglementation financière et ni avec les questions constitutionnelles. Il faut offrir une protection des consommateurs en matière financière, puis laisser la réglementation et l'argument connexe à ceux qui se disputent la compétence. Il suffit de protéger les gens sans laisser l'industrie affirmer qu'elle s'occupera des deux, et qu'il ne faut pas s'inquiéter puisque les deux côtés de la médaille sont pris en compte.
    Cela ne fonctionne pas, monsieur.
    Je vous remercie tous.
    Pour ceux qui s'intéressent également à la question, je sais qu'il y a eu plusieurs demandes visant à entendre d'autres témoins. Lorsque nous avons entamé ces délibérations, nous voulions nous limiter à trois séances, et c'est ce qui se trouve dans la motion. Pour ceux qui veulent s'exprimer — et je sais que la greffière et les membres du Comité ont reçu des demandes —, si vous allez sur le site Web du Comité permanent des finances, vous y trouverez l'information. La date limite pour le dépôt des mémoires est le vendredi 9 juin, à minuit. Je peux vous assurer que si vous nous soumettez vos idées dans votre mémoire, elles seront lues et évaluées. Je ne pense pas que nous prolongerons les trois journées prévues, mais j'encourage les gens à se faire entendre en nous soumettant des mémoires avant la date limite.
    Lundi, nous entendrons également le témoignage de six des principales banques à l'annexe I, après quoi le Comité devra poursuivre.
    Je remercie les témoins et les membres du Comité.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU