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Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 2 novembre 2018 et de la motion adoptée par le Comité le mardi 20 novembre 2018, le Comité reprend son étude de la motion M-192 sur les invalidités épisodiques. Aujourd'hui, le Comité entendra des témoins et fournira des directives aux analystes en prévision d'un rapport.
J'ai une annonce rapide à faire avant que nous commençions. Comme je l'ai mentionné à la réunion précédente, nous avions prévu rencontrer l'Association législative Canada-Chine. Cette rencontre a malheureusement été annulée en raison d'un problème d'obtention de visas. Les délégués n'ont pas été en mesure d'être ici à temps pour cette réunion.
Pour revenir à nos témoins, nous accueillons, à titre personnel, Adele Furrie, présidente-directrice générale d'Adele Furrie Consulting Inc.
Bienvenue, madame Furrie.
Du Conseil canadien de la réadaptation et du travail, nous accueillons Maureen Haan, présidente-directrice générale.
De l'Institute for Work and Health, nous recevons Monique Gignac, directrice scientifique associée et scientifique chevronnée, et Emile Tompa, scientifique chevronné.
Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux.
Ensuite, est-ce « Réalise »?
Bonjour. Merci à vous tous de l'invitation à faire partie de ce groupe de témoins.
Je vais vous donner un peu de contexte sur qui je suis et d'où je viens.
J'ai passé les 34 dernières années de ma carrière à travailler sur des enjeux auxquels sont confrontés les enfants, les adultes et les aînés qui ont des invalidités, ici au Canada et dans le cadre de consultations ailleurs dans le monde.
Les 12 premières années de ces 34 ans, je les ai passées à Statistique Canada, où j'étais responsable des deux premières enquêtes sur l'invalidité qui ont été menées et de la première enquête auprès des peuples autochtones qui a été effectué en tant qu'enquête postcensitaire.
Depuis 1996, j'ai ma propre entreprise de conseil de gestion. J'ai terminé avec succès plus de 90 projets, dont la majorité d'entre eux étaient axés sur l'invalidité. Dans un projet d'envergure qui a duré trois ans avec le Department of labour statistics des États-Unis, j'ai aidé à formuler les questions conformément à la définition qui se trouvait à l'époque dans l'ADA, l'Americans with Disabilities Act.
J'ai fait des consultations semblables — où il fallait essayer d'intégrer la définition dans une série de questions — en Corée du Nord, en Colombie et en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans le cadre de deux ateliers avec des pays en développement à Malte et en Hongrie.
Il y a trois principaux points que je veux aborder durant mes sept minutes.
Le premier est de vous informer au sujet des nouvelles données disponibles sur les invalidités épisodiques de l'Enquête canadienne sur l'incapacité de 2017. Vous les connaissez peut-être déjà.
Le deuxième est de décrire les recherches que mon entreprise a effectuées, en collaboration avec de nombreuses personnes, qui portent précisément sur les invalidités épisodiques.
Enfin, mon troisième point est de vous faire part de ma préoccupation quant à l'absence d'une définition commune d'« invalidité » dans les programmes de soutien actuels qui tient compte de l'évolution du concept, tant au Canada qu'à l'étranger.
Pour revenir à mon premier point, vous le savez peut-être déjà, mais je suis emballée de vous dire qu'une collaboration entre Statistique Canada, EDSC, Réalise et mon entreprise a permis d'ajouter des questions à l'Enquête canadienne sur l'incapacité de 2017 pour cibler les personnes qui ont des invalidités épisodiques. Ce n'était pas rien d'ajouter quelques questions au questionnaire. Nous pensions tous que c'était une possibilité incroyable, si bien que cela a valu la peine.
Les résultats initiaux ont été rendus publics le 28 novembre. Dans le document que je vous ai remis, j'ai fourni une copie d'un graphique et de quelques signets qui décrivent certains des principaux résultats. Cependant, ces résultats n'incluent aucune statistique sur les invalidités épisodiques. Je crois savoir que le personnel à Statistique Canada est disponible pour traiter toute demande spéciale. On m'a également dit que le dossier d'analyse sera disponible pour les projets de recherche approuvés par l'entremise des centres de données de recherches de Statistique Canada entre la mi-janvier et la fin janvier de l'année à venir.
Je vais maintenant passer à mon deuxième point.
Les invalidités épisodiques font partie de mes recherches depuis 2009. J'ai terminé cinq projets de recherche et je viens de signer un autre contrat pour mener un sixième projet dans le cadre duquel j'utiliserai les données de 2017. Pour les six projets, j'ai fait partie d'une équipe de chercheurs qui incluaient des universitaires, des chercheurs indépendants tels que Cameron Crawford et John Stapleton et divers fournisseurs de services et organismes.
Les clients ont été Emploi et Développement social Canada, le CRSH dans le cadre de deux subventions et le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les personnes handicapées. Malheureusement, aucun des rapports de recherche n'a été traduit, alors je n'ai pas pu en apporter des copies aujourd'hui.
Chacun des cinq projets qui ont été achevés a servi d'assise pour le suivant, pour aboutir au cinquième qui, je crois, est celui qui est le plus susceptible de vous intéresser.
En 2016, avec le financement offert par le Bureau de la condition des personnes handicapées et avec le soutien d'organismes représentant bon nombre des conditions de santé qui ont donné lieu à une invalidité épisodique, nous avons mené une enquête où nous avons interrogé 953 Canadiens qui vivaient avec une invalidité épisodique.
Contrairement aux enquêtes menées par Statistique Canada, ce n'était pas un échantillon probabiliste. Il incluait plutôt des personnes ayant vécu certaines expériences qui ont pris le temps de remplir un questionnaire en ligne. Le questionnaire était axé sur l'emploi mais incluait également trois questions ouvertes: que trouvez-vous le plus difficile du fait de vivre avec un problème de santé chronique? D'après vous, que pourrait-on faire pour améliorer votre qualité de vie? Avez-vous des remarques additionnelles sur votre expérience de vie avec une invalidité épisodique?
Il y avait de courtes réponses sur des questions telles que l'imprévisibilité, les douleurs et la fatigue, des employeurs qui offrent peu de soutien, le besoin de soutien financier pour les médicaments et les traitements, et il y avait des réponses plus longues qui mettaient en relief le soutien incroyable que certains recevaient ou le besoin déchirant d'avoir plus de soutien et de compréhension.
C'est une excellente ressource car elle donne l'expérience de 953 personnes qui ont dû vivre avec une invalidité épisodique.
Enfin, je veux parler de la définition d'« invalidité ».
Ce qui s'est passé à Statistique Canada lorsque nous avons commencé le programme de statistiques sur l'invalidité est que nous avons suivi l'évolution du concept d'invalidité. Les questions qui sont incluses dans l'enquête en tiennent compte. Le gouvernement fédéral a-t-il gardé cette évolution à l'esprit dans le cadre de son Programme de soutien aux personnes handicapées? Non. Par ailleurs — et c'est très bouleversant pour moi —, le POSPH, le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, semblait avoir une définition plus progressive qui incluait les invalidités épisodiques, et il revient maintenant à la définition plus restrictive, celle de la prestation d'invalidité du RPC.
Voilà qui met fin à mes déclarations. Ma dernière remarque était rapide.
Bonjour. Je suis Maureen Hann. Je suis la présidente-directrice générale du CCRT. Je veux vous remercier, dans un premier temps, de me recevoir ici et de me donner l'occasion de fournir des renseignements additionnels liés à l'employabilité des Canadiens touchés par des invalidités épisodiques dont j'ai été témoin au cours des six dernières années au CCRT et au cours des 25 années où j'ai travaillé auprès de la communauté des personnes handicapées.
Je vais tout d'abord vous parler un peu du CCRT.
Nous sommes le seul organisme de bienfaisance national dont l'unique mission est d'assurer l'emploi des personnes handicapées. En existence depuis plus de 40 ans, le CCRT fait la promotion avec succès de l'emploi de chercheurs d'emploi handicapés au Canada, comme le démontre le taux de succès de 73 % que nous avons obtenu au cours de notre année de financement 2016-2017.
Le CCRT a établi des relations fructueuses avec les chercheurs d'emploi handicapés et les employeurs pour s'assurer de répondre aux besoins de recrutement locaux. Avec huit modèles de programme efficaces dans 15 communautés canadiennes, le CCRT a mis en oeuvre des programmes d'emploi fructueux, en faisant ainsi basculer le taux de chômage de manière à favoriser le modèle de l’analyse de rentabilisation plutôt qu’un modèle caritatif lorsqu’il est question de l’embauche de personnes handicapées. Depuis six ans, je suis fière d'être la présidente-directrice générale du conseil, et je m'efforce chaque jour de faire avancer notre mission visant à promouvoir et à soutenir l'emploi enrichissant et équitable des personnes handicapées.
Malgré tout le succès que nous avons connu, nous avons été confrontés à des difficultés. On nous demande souvent de définir le terme « invalidité ». Comme vous le savez, il y a de nombreuses définitions qui se contredisent et qui amènent souvent les chercheurs d'emploi handicapés à se demander s'ils comptent — à savoir s'ils peuvent avoir accès à des services d'emploi et s'ils sont admissibles à des soutiens additionnels, que ce soit d'ordre financier ou autre.
Il peut être difficile de trouver les solutions car les programmes utilisent souvent des définitions et des critères divergents pour déterminer l'admissibilité. Les invalidités épisodiques présentent des défis uniques de par leur définition. Par exemple, une maladie dont les symptômes sporadiques et intermittents varient avec pratiquement aucun avertissement peuvent créer une invalidité pour la personne lorsque ces symptômes se manifestent. Avec une population vieillissante, nous observons une augmentation du nombre de Canadiens qui vivent avec des invalidités épisodiques visibles ou invisibles, y compris la sclérose en plaques, l'arthrite, le cancer, le VIH-sida, le diabète et certaines formes de maladie mentale.
Une distinction importante que je veux souligner est la notion d'imprévisibilité. Une invalidité épisodique se caractérise par des périodes instables et imprévisibles et des degrés de bien-être et d'invalidité. De plus, ces périodes de bien-être et d'invalidité sont souvent vécues différemment par les personnes qui ont le même diagnostic, ce qui fait en sorte qu'il est impossible de faire une généralisation quelconque selon le type d'invalidité.
Une participation au marché du travail imprévisible d'un employé peut présenter des défis pour les employeurs et les collègues de travail. Au mieux, les employeurs ne savent souvent pas comment gérer ces fluctuations et, au pire, ils remettent en question l'authenticité de l'invalidité d'un employé. Nous avons entendu de nombreuses histoires au CCRT de clients souffrant d'invalidités épisodiques qui, lorsqu'ils étaient au travail, leurs collègues ne les soutenaient pas et étaient même jaloux des mesures d'accommodement dont ils bénéficiaient. En ayant une définition acceptée d'« invalidité » qui inclut les invalidités épisodiques, on permettrait aux employés dont les capacités de travail sont intermittentes et à leurs collègues et superviseurs d'avoir une conversation ouverte et honnête sans crainte de représailles ou de préjugés.
Les politiques jusqu'à présent ont toujours mis l'accent sur des formes statiques d'invalidité qui, relativement parlant, facilitent l'élaboration, la surveillance et l'évaluation des politiques et des changements avec le temps. Dans le cas des invalidités épisodiques, l'évaluation devient plus compliquée et présente des défis pour les divers intervenants, notamment les organismes communautaires chargés d'élaborer et d'offrir des programmes et services en matière d'emploi à cette population mal desservie.
Les problèmes liés à l'admissibilité aux programmes peuvent compliquer les choses et soulever des questions quant à la subjectivité et à l'équité concernant les bénéficiaires, les fournisseurs et les conditions d'admissibilité. Qui décide si une personne est admissible à de tels services en raison de son invalidité?
Puisque la gravité des symptômes de l'invalidité épisodique d'une personne est susceptible de fluctuer, une personne doit être capable de s'y retrouver dans les systèmes et programmes de services sociaux, ce qui empirera vraisemblablement ses symptômes en raison du stress et de l'anxiété.
Par exemple, les préoccupations entourant la perte d'accès à des logements subventionnés ou à des régimes d'assurance-médicaments durant des périodes de mieux-être s'intensifient. Pour cette raison, les invalidités épisodiques doivent être reconnues dans la définition générale d'invalidité et prises en compte lorsque nous concevons des programmes et des services, y compris l'admissibilité au programme de soutien du revenu.
À l'heure actuelle, les définitions et les critères utilisés par les programmes provinciaux de soutien du revenu diffèrent grandement et laissent souvent les personnes souffrant d'invalidités épisodiques dans l'incertitude quant à savoir si elles sont admissibles aux prestations. À l'échelle fédérale, le terme « temporaire » est souvent utilisé pour désigner l'admissibilité à l'assurance-emploi, tandis que les termes « grave et prolongé » sont utilisés pour décrire le PPIRPC, le Programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il convient de noter que ces deux programmes font partie du volet de retour au travail et de réadaptation professionnelle dans les services. Il faut maintenant établir où les personnes qui souffrent d'invalidités épisodiques cadrent dans ce continuum. Leurs symptômes sont souvent temporaires, mais chroniques et peuvent être graves et prolongés durant toute une vie. À la lumière de changement dans la description traditionnelle des invalidités, les personnes qui souffrent d'invalidités épisodiques craignent souvent que leurs soutiens soient réduits avec peu ou pas de préavis ou qu'elles soient jugées comme étant non admissibles de façon prématurée ou injuste.
Il est important de tenir compte de la nature changeante des invalidités épisodiques lorsqu'on conçoit des programmes de soutien du revenu de même que des programmes de retour au travail ou de réadaptation professionnelle pour s'assurer d'encourager les gens à continuer de participer à la population active, ce qui crée une situation gagnante pour tout le monde.
En élargissant la définition juridique d'invalidités épisodiques et en en tenant compte, on assure l'équité et l'égalité de l'accès aux services et de la mise en oeuvre des politiques et on produira un résultat positif pour tous.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré et j'ai hâte d'entendre vos questions.
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Je vais commencer. Emile et moi allons partager le temps de parole.
Comme on l'a mentionné, nous sommes des scientifiques chevronnés à l'Institute for Work and Health, qui est un organisme de recherche indépendant sans but lucratif.
Je suis également professeure à l'Université de Toronto, où je mène des recherches dans le domaine depuis environ 20 ans. Je gère actuellement une importante subvention de partenariat accordée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherche en sciences humaines pour des recherches visant à améliorer la participation au marché du travail des personnes qui souffrent d'une invalidité épisodique et leur maintien au travail.
Je vais vous parler de deux enjeux importants dans le milieu de travail auxquels sont confrontées les personnes atteintes d'une invalidité épisodique.
Premièrement, il y a ce que j'appelle le risque accru de précipiter la décision qu'un travailleur qui souffre d'une invalidité épisodique a causé une contrainte excessive en raison de mesures d'adaptation au travail, ce qui peut mener à son congédiement.
Deuxièmement, il y a le processus selon lequel l'employeur devient au courant d'une invalidité épisodique et le fait qu'on considère une invalidité épisodique comme étant un problème de rendement qui nécessite des mesures disciplinaires progressives plutôt que des mesures de soutien positives axées sur la résolution des problèmes afin de favoriser le maintien au travail. Ces deux enjeux sont liés à la nature des invalidités épisodiques et procèdent des politiques relatives à la protection des renseignements personnels sur la santé et aux mesures d'adaptation.
Tout d'abord, je vais vous expliquer ce que j'entends par la nature des invalidités épisodiques. Comme l'a mentionné Maureen, ce terme met en évidence la nature intermittente de l'invalidité, mais très souvent deux autres caractéristiques ont une importance. Premièrement, un grand nombre des invalidités épisodiques sont invisibles aux yeux d'autrui. Si on regarde dans la salle, on ne peut pas dire qui peut souffrir de dépression, d'anxiété, du syndrome du côlon irritable, d'arthrite, de sclérose en plaques, du VIH, de la migraine et de bien d'autres maladies. Deuxièmement, comme l'a également mentionné Maureen, les crises sont souvent imprévisibles, même lorsqu'un état est bien géré grâce au système de soins de santé.
Il est important aussi de souligner que le soutien en milieu de travail est lié à la législation en matière de protection des renseignements personnels et à celle concernant la responsabilité d'offrir des mesures d'adaptation. Ces deux types de législation sont importants, et le Canada est considéré comme un chef de file à cet égard. La difficulté réside souvent dans l'application de la législation. Le travailleur et l'employeur peuvent déterminer ensemble les mesures de soutien et d'adaptation initiales. Toutefois, la nature épisodique de l'invalidité signifie souvent qu'il y a des hauts et des bas, alors, les plans concernant les mesures d'adaptation doivent habituellement être revus et modifiés. Le fait d'avoir à modifier ces plans fait en sorte que l'employeur qui ne connaît pas très bien les besoins d'une personne ou qui estime qu'un travailleur va bien peut avoir l'impression que la nature possiblement changeante et continue de l'invalidité constitue une contrainte excessive pour lui, et cela risque de précipiter la prise de mesures qui mènent au congédiement d'une personne.
En deuxième lieu, les travailleurs qui souffrent d'une invalidité épisodique ont souvent besoin de prendre des congés. Leur taux d'absentéisme est plus élevé que les autres employés. Lorsque nous nous adressons aux employeurs, ils nous disent souvent que les gens atteints d'une invalidité épisodique sont souvent visés par leur programme de gestion de l'assiduité. Ce genre de programme vise à mettre en place des mesures disciplinaires et contribue à faire voir l'invalidité comme un problème de rendement.
Les travailleurs se sentent parfois obligés de divulguer des renseignements sur leur santé lorsqu'ils ne sont pas prêts à le faire et qu'ils ne connaissent peut-être pas bien leurs droits et leurs obligations. Parfois, ils sont tellement préoccupés par la réaction de leur employeur, comme la stigmatisation ou même la perte de leur emploi, qu'ils continuent de refuser de divulguer l'information à propos de leurs besoins. Une fois qu'il a été déterminé qu'ils ont un problème de rendement, il est difficile pour toutes les parties concernées de penser autrement et d'adopter une approche plus positive. Souvent, il y a aussi un manque de confiance.
Que faut-il? Il faut qu'il y ait une meilleure compréhension de la nature particulière des invalidités épisodiques et de leurs répercussions sur des aspects comme la communication et le soutien au travail ainsi que des outils et des ressources pour aider les employeurs et les travailleurs. Certains des travaux qu'un grand nombre d'entre nous menons actuellement portent justement là-dessus.
Je veux faire écho aux commentaires d'Adele à propos de l'importance de l'Enquête canadienne sur l'incapacité de Statistique Canada et Emploi et Développement social Canada. Il s'agit effectivement d'une ressource très importante que nous devons maintenir et utiliser.
Je vais céder la parole à Emile.
En plus de travailler à l'Institute for Work and Health, je codirige le Centre de recherche sur les politiques en matière d'invalidité professionnelle. Je suis également professeur agrégé au Département d'économie de l'Université McMaster.
Nous avons entendu les autres témoins au sujet de la définition d'une invalidité épisodique. Il n'existe aucune définition généralement reconnue qui puisse être facilement appliquée. Ce que nous avons découvert dans le cadre de notre recherche, c'est que ce type d'invalidité peut varier d'une journée à l'autre, d'une semaine à l'autre et durant de longues périodes. Parfois, c'est très lié au contexte. Dans ce cas-ci, le contexte est le milieu de travail et les mesures d'adaptation qui y sont offertes. Le principal message que nous ont transmis les intervenants, c'est qu'il n'y a pas de solution unique. Il est très important que le milieu de travail offre de la souplesse et réponde de façon personnalisée aux besoins des différentes personnes qui souffrent de divers types d'invalidités épisodiques.
Dans mon domaine de recherche, nous travaillons notamment sur un projet pour la Commission de la santé mentale du Canada qui porte sur les mesures d'adaptation exemplaires qui s'adressent aux personnes qui font partie de ce que la Commission appelle « la main-d'oeuvre en quête d'emploi », les personnes qui souffrent d'un trouble de santé mentale grave. Nous avons découvert que, selon la culture organisationnelle et la qualité de la relation de travail, il peut s'avérer risqué pour des travailleurs qui font partie de la main-d'oeuvre en quête d'emploi de révéler qu'ils ont besoin de mesures d'adaptation au travail, particulièrement si l'invalidité fait l'objet d'une stigmatisation. Pour les troubles de santé mentale, c'est souvent le cas. Les personnes qui en souffrent comptent souvent sur les mesures de soutien offertes à l'ensemble des employés, notamment un horaire souple, le choix du lieu de travail et divers types de congés. Ce sont ce qu'on appelle parfois des mesures de soutien universelles, qui n'exigent pas que la personne divulgue son état à son superviseur ou gestionnaire. Les employeurs, y compris dans le secteur public, peuvent souvent offrir ces mesures de soutien universelles pour que les gens prennent leurs propres mesures d'adaptation.
Actuellement, je suis en train d'élaborer, avec l'Association canadienne de normalisation, une norme canadienne pour les systèmes de gestion des invalidités professionnelles. Nous avons constaté que, en général, les employeurs ne savent pas quelles mesures d'adaptation offrir aux travailleurs qui souffrent d'une invalidité. Ils trouvent encore plus difficile de le déterminer pour des employés atteints d'une invalidité invisible et épisodique. Il est vraiment nécessaire de développer les compétences des employeurs à cet égard, et cette norme permettra de le faire.
Les employeurs ont souvent des craintes, une méconnaissance de la maladie et ils sont incapables de faire fi de certaines caractéristiques qui ne sont pas pertinentes pour se concentrer sur le talent et les compétences du travailleur. L'un des principaux objectifs de la norme que nous sommes en train d'élaborer est de favoriser la confiance en soi malgré une invalidité et une culture d'inclusion.
Il est difficile également pour les employeurs de gérer les multiples programmes qui existent. Il y a en effet un gros problème. Il existe de nombreux programmes de soutien, mais ils n'offrent que très peu de souplesse et souvent ils ne prévoient pas beaucoup de mesures de soutien pour les personnes atteintes d'une invalidité épisodique.
Je participe aussi à un partenariat pancanadien sur l'invalidité et le travail au Canada. Maureen y participe également. Récemment, il y a eu une conférence de deux jours, en fait hier et avant-hier, ici même à Ottawa. Une convention des Nations unies et le projet de loi du gouvernement fédéral sont à la source de ce partenariat.
Nous avons établi quatre piliers sur lesquels doit reposer selon nous une stratégie pancanadienne.
Le premier pilier est la confiance en soi malgré une invalidité. La norme que nous sommes en train d'élaborer est axée sur cet aspect également.
Le deuxième pilier est l'élaboration de mesures de soutien complètes. Ce qu'il est très important de faire, c'est d'apporter des modifications aux programmes actuels de soutien du revenu qui pourraient permettre à des gens qui souffrent d'une invalidité épisodique d'entrer sur le marché du travail et d'en sortir au gré des fluctuations de leur capacité à travailler. Il est réellement important de réfléchir à certaines des définitions qui limitent la capacité de facilement entrer sur le marché du travail et en sortir et d'obtenir du soutien au moment opportun.
Un grand nombre des politiques concernant la main-d'oeuvre et les mesures de soutien aux personnes souffrant d'une invalidité, comme vous le savez peut-être, relèvent des provinces. Cela restreint véritablement la capacité du gouvernement fédéral d'apporter des modifications, mais des efforts sont déployés par le truchement des paiements de transfert du Fonds d'intégration d'Emploi et développement social Canada. Ces paiements de transfert pourraient servir à mettre davantage l'accent sur les mesures d'aide à l'emploi pour les personnes souffrant d'une invalidité.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, chers membres du Comité. Comme le président l'a mentionné, je m'appelle Tammy Yates et je suis la directrice exécutive de Réalise. Je suis originaire de Trinité-et-Tobago. Si vous connaissez des Trinidadiens, vous savez que nous parlons très rapidement, alors je vais faire de mon mieux pour ne pas parler trop vite. Je ne peux rien vous promettre, mais je vais faire du mieux que je peux.
Réalise gère le secrétariat du Forum sur les invalidités épisodiques. Au nom de tous les membres du Forum — dont un grand nombre sont présents dans la salle; on dirait une rencontre — j'aimerais remercier les membres du Comité de tenir cette importante discussion au sujet de la motion M-192, présentée par un député.
Le terme « invalidités épisodiques » a été utilisé pour la première fois il y a environ 15 ans par d'anciennes administratrices de notre organisme, à savoir Kelly O'Brien, Stephanie Nixon et la regrettée Elisse Zack, qui a été la première directrice exécutive et fondatrice de Réalise, qui s'appelait à l'époque le Groupe de travail canadien sur le VIH et la réinsertion sociale.
Je suis heureuse d'être de retour sur la Colline. Il y a environ cinq ans, Elisse Zack et moi-même — avant son départ pour l'autre monde — avons témoigné devant le Comité. C'était très différent à l'époque. Lorsque nous avions parlé des invalidités épisodiques, tout le monde dans la salle avait un regard interrogateur et très étrange. C'est extraordinaire pour moi d'être ici. Nous discutons tous des invalidités épisodiques et nous sommes tous sur la même longueur d'onde.
J'ai un peu d'information à vous donner au sujet de la définition des « invalidités épisodiques ». Le cadre pour les invalidités épisodiques qui avait été créé visait à refléter la vie des gens qui vivaient avec le VIH. Il était fondé sur le modèle social concernant les invalidités et il décrivait les maladies que bon nombre de mes collègues ont mentionnées. Comme les Canadiens vivent maintenant plus longtemps, un nombre accru de personnes vivent durant leur vie avec une maladie chronique, qui comporte des périodes d'invalidité. L'arthrite, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques, le cancer et les troubles de santé mentale en sont des exemples.
Lorsqu'on adopte une approche qui tient compte de tous les stades de la vie, on constate que de nombreux jeunes sont également aux prises avec des invalidités épisodiques. Je suis certaine que la plupart d'entre vous, voire tout le monde ici, connaît quelqu'un qui souffre d'une invalidité épisodique. Vous pouvez par conséquent comprendre à quel point ces épisodes bouleversent la vie d'une personne sur le plan de son inclusion et de sa participation à la société.
Peu de temps après avoir commencé nos activités de défense des intérêts et de sensibilisation à propos des invalidités épisodiques, nous avons pu compter sur les efforts d'organismes comme le Réseau d'action des femmes handicapées Canada, la Société canadienne de la sclérose en plaques et la Société arthrite. Ce sont les premiers organismes à avoir collaboré avec nous. Nous savions tous que ces groupes de personnes atteintes de ces maladies avaient un parcours similaire. Cependant, ces parcours étaient tout de même un peu différents, alors nous avons élaboré trois définitions, dont je vais vous faire part.
Une invalidité épisodique stable est caractérisée par des périodes où on se sent relativement bien, entrecoupées de crises imprévisibles et variables, comme des migraines intenses et des symptômes reliés au VIH, qui est maintenant considéré comme une infection chronique.
Une invalidité épisodique dégénérative est semblable à une invalidité épisodique stable au début, mais au fil du temps elle progresse, comme la maladie de Parkinson ou même, malheureusement, la sclérose en plaques parfois.
L'invalidité épisodique en rémission peut être au départ une invalidité épisodique stable, mais, dans certains cas, la personne s'en remet complètement ou est en rémission. C'est possible pour certains cancers ou troubles de santé mentale.
Je m'en voudrais de ne pas souligner le fait que le projet de loi , lorsqu'il deviendra une loi, sera la première mesure législative fédérale à inclure officiellement l'invalidité épisodique dans son libellé. Je peux vous dire qu'au travail, lorsque nous avons lu cela, on s'en est réjoui. Il a fallu 20 ans, mais nous y sommes parvenus.
Au cours de la dernière décennie, un nombre accru de recherches sur les invalidités épisodiques ont été menées en ce qui concerne diverses maladies. Un grand nombre d'universitaires qui sont nos partenaires et d'organismes qui ont comparu cette semaine ont fait part de certaines de ces recherches. Nous avons établi au moins 20 maladies qui peuvent être définies comme étant de nature épisodique. Mesdames et messieurs, cela représente un pourcentage considérable de la population canadienne.
Nous avons formulé un certain nombre de recommandations à votre intention. J'aimerais toutefois mentionner trois recommandations pour le long terme et trois recommandations pour le court terme.
La première recommandation pour le long terme est de mettre sur pied une entité nationale, qu'il s'agisse d'une commission ou d'un comité fédéral, pour superviser la coordination entre les programmes d'aide en cas d'invalidité et les services en matière d'emploi relevant des différents paliers de compétence, et en faire rapport, de façon à établir clairement les options qui s'offrent aux personnes souffrant d'une invalidité épisodique dans le cadre de ces programmes.
La deuxième recommandation est d'offrir davantage de souplesse en ce qui a trait aux prestations de maladie du régime d'assurance-emploi.
La troisième recommandation est de négocier, d'élaborer, de mettre à l'essai et finalement de mettre en oeuvre, en collaboration avec des partenaires gouvernementaux, un modèle de financement individualisé des mesures de soutien du revenu et de soutien social. Il existe dans certaines provinces des exemples de modèles de la sorte.
Pour ces trois recommandations, je n'ai pas mentionné un échéancier de cinq ou dix ans. Ce peut être dans 20 ans, mais ces recommandations correspondent à ce dont les personnes atteintes d'une invalidité épisodique ont besoin pour demeurer sur le marché du travail et participer pleinement à la société.
J'ai maintenant trois recommandations à formuler pour le court terme. Lorsque je dis « court terme », je parle de la prochaine année.
Premièrement, lorsque le projet de loi deviendra la Loi canadienne sur l'accessibilité, la définition d'invalidité qui figure dans cette mesure législative devrait être prise en compte dans les politiques et les programmes de toutes les provinces.
Deuxièmement, nous avons tous parlé des recherches communautaires et universitaires qui ont été menées au cours des 20 dernières années d'une façon morcelée. Nous recommandons qu'une partie des fonds soit consacrée aux recherches communautaires et universitaires, car il est impératif d'examiner les difficultés que posent les programmes et les politiques pour les femmes, les jeunes et les nouveaux immigrants qui souffrent d'une invalidité épisodique ainsi que les Autochtones et autres groupes racialisés qui, nous le savons, dans une perspective intersectionnelle, seront traités différemment et inéquitablement.
Enfin, étant donné qu'il gère le secrétariat du Forum sur les invalidités épisodiques, Réalise s'emploie à sensibiliser les gens aux invalidités épisodiques depuis près de 20 ans, comme je l'ai mentionné. Nous célébrons cette année notre 20e anniversaire. Nous sommes le seul organisme national qui compte un employé qui travaille uniquement sur les invalidités épisodiques. Il fait toutefois ce travail sans financement opérationnel. En collaboration avec des partenaires comme le Conseil canadien de la réadaptation et du travail, le Réseau d'action des femmes handicapées Canada, la Société canadienne de la sclérose en plaques, la Société arthrite, etc., qui sont membres du Forum sur les invalidités épisodiques, nous avons fait beaucoup de progrès, et c'est pourquoi nous sommes encore là, 20 ans plus tard. Alors, la dernière recommandation est... si nous avons pu faire cela sans financement opérationnel, pouvez-vous imaginer ce que nous pourrions faire avec un financement opérationnel?
La vie est imprévisible, mesdames et messieurs. Même si vous et moi ne vivons pas actuellement avec une invalidité épisodique, rien ne nous dit que plus tard notre vie ne changera pas, car on pourrait nous diagnostiquer une maladie de nature épisodique. Ainsi, les modifications aux politiques et aux programmes que nous avons tous proposées profiteront non seulement aux personnes qui souffrent actuellement d'une invalidité épisodique, mais aussi à tous les membres de la population canadienne.
J'ai dit « à tous les membres de la population canadienne » au lieu de simplement dire « aux Canadiens ». Dans trois jours, je vais célébrer mon premier anniversaire en tant que citoyenne canadienne. Auparavant, j'étais résidente permanente. Si je souffrais d'une invalidité épisodique et que j'avais lu dans un document que seuls les Canadiens sont admissibles, j'aurais été totalement exclue même en tant que contribuable.
Le Canada a toujours été un pays d'innovateurs et un exemple pour les autres pays. Nous sommes le chef de file en ce qui concerne les invalidités épisodiques. Ainsi, le gouvernement du Canada et vous tous avez la possibilité de faire en sorte que notre pays demeure le chef de file à cet égard. Nous sommes heureux d'appuyer le gouvernement et votre Comité.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Dans les témoignages qui ont été présentés au Comité ce matin sur la motion à l'étude, vous avez tous les cinq cerner trois problèmes dont le Comité doit traiter dans sa réponse à la motion. L'un d'eux est la définition du terme « invalidité épisodique », qui n'est pas claire. Le sujet a été abordé, mais on a peu parlé de la manière de définir les invalidités épisodiques.
Quel est le meilleur programme de soutien? On s'est concentré sur le RPC, qui ne semble pas être le bon choix parce qu'il a été conçu pour l'invalidité de longue durée. C'est son mandat, sa responsabilité principale, et la plus grande variante qu'on peut obtenir, c'est pour une invalidité de plusieurs années, après laquelle la personne doit réintégrer le milieu de travail.
La sensibilisation en milieu de travail a été soulevée à plusieurs reprises. Les employeurs doivent mieux comprendre les invalidités épisodiques.
Nous avons cerné trois problèmes majeurs auxquels se heurtent les personnes aux prises avec des invalidités épisodiques, mais je voudrais que vous nous donniez des instructions ou des observations précises par rapport à la définition.
Madame Furrie, j'aime le terme que vous avez employé lorsque vous avez dit qu'à l'heure actuelle, nous « opérationnalisons » le mot « handicap ». Il a une connotation bureaucratique.
Des voix: Ah, ah!
M. Robert Morrissey: Ce serait essentiel, et il faudrait ensuite trouver la meilleure mesure de soutien.
Aussi, je crois que c'est Mme Yates qui a dit qu'un groupe de travail interprovincial avait été mis sur pied pour étudier d'autres programmes de soutien que l'assurance-emploi. Tout le monde se concentre sur l'assurance-emploi, et dans une plus petite mesure, sur le RPC, parce que ce programme n'est pas géré par le gouvernement. Le gouvernement du Canada n'en contrôle qu'une très petite partie. Il est géré par les provinces, le secteur privé et les employeurs, et il est axé sur les pensions de retraite et d'invalidité de longue durée. Il y a ensuite l'assurance-emploi, et les seules autres formes d'appui sont les programmes de soutien du revenu gérés par les provinces.
Quelles recommandations feriez-vous au Comité pour que la notion d'invalidité épisodique soit définie plus clairement, de façon à l'opérationnaliser davantage? Je travaille beaucoup avec les définitions pour les crédits d'impôt, et la zone grise est grande. Même avec l'assurance-emploi, il y a une zone grise. Un médecin peut bien interpréter la définition et la personne est correcte, mais un autre peut l'interpréter autrement. C'est donc par cela que j'aimerais commencer.
Mon collègue a posé plusieurs questions sur l'assurance-emploi. Si la demande exercée sur le régime canadien d'assurance-emploi va augmenter, c'est à nous de déterminer d'où viendra l'argent. Certains renseignements sont satisfaisants. De très bons témoignages constructifs ont été présentés sur l'augmentation de la souplesse par rapport aux 15 semaines.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que ce n'était pas une question, mais j'ai écouté les témoignages. Ils sont très éloquents, mais je ne sais pas exactement ce que je pourrais recommander.