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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 146 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2019

[Enregistrement électronique]

(0835)

[Traduction]

    Bonjour à tous et bienvenue à la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    Nous entamons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
    Avant de commencer, je tiens à informer le Comité et nos invités qu'en raison d'un malheureux problème administratif, les porte-noms n'ont pas été préparés et nous n'avons pas en main les documents, comme c'est normalement le cas. Le courrier doit toutefois arriver incessamment et les choses reprendront leur cours normal. Pour l'heure, je demanderai à chaque membre d'indiquer très distinctement son nom et ses fonctions, car ils ne figurent pas devant nous. Je demanderais aux membres d'écrire leurs noms, car nous n'aurons pas de porte-noms avant un certain temps.
    Notre comité joue un rôle important quant à l'objectif de réconciliation et de vérité du Parlement. Si nous admettons que les terres où nous nous trouvons sont non cédées, ce n'est pas seulement par formalité, mais pour inciter les Canadiens à se demander à qui appartenaient les terres avant l'arrivée des colons. Comment l'histoire du Canada s'est-elle déroulée? Pourquoi sommes-nous encore aux prises avec de nombreux problèmes, alors que la colonisation remonte à 400 ans dans certaines régions? Il s'agit d'un processus important pour l'ensemble de la population canadienne, particulièrement ici, à Ottawa, pour ceux qui nous regardent.
    Nous nous trouvons en territoire non cédé du peuple algonquin, que nous remercions pour tout ce qu'il a fait pour nous.
    Passons maintenant aux exposés. Nous avons l'honneur de recevoir le ministre Seamus O'Regan, qui lancera la discussion. Il prononcera son exposé, après quoi nous aurons l'occasion d'examiner le projet de loi en profondeur en lui posant des questions.
    Quand vous serez prêt, monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous présenter l'équipe qui vous accompagne. Nous savons qui vous êtes, mais nous aimerions aussi connaître les autres témoins.
    Nous vous cédons la parole.
    Madame la présidente, je considère que le fait que je ne les connaisse tous que par leur prénom témoigne probablement fort bien de l'étroitesse de notre collaboration.
    D'accord. Eh bien, pourquoi ne commençons-nous pas par vous?
    Ah, Gros-Louis. C'est pour moi une révélation.
    Je suis la directrice générale responsable des services aux enfants et aux familles au ministère des Services aux Autochtones Canada.
    Je m'appelle Jean-François Tremblay, aussi appelé J.F. Je suis sous-ministre de Services aux Autochtones Canada.
    Je m'appelle Joanne Wilkinson et je suis sous-ministre adjointe de la Réforme des services aux enfants et aux familles de Services aux Autochtones Canada.
    Je m'appelle Laurie Sargent. Je suis sous-ministre adjointe du Portefeuille des affaires autochtones du ministère de la Justice du Canada.
    Bienvenue. Je pense que nous sommes prêts à vous entendre.
     Merci, madame la présidente et chers collègues, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant votre comité afin de parler des changements importants et nécessaires aux services à l'enfance et à la famille pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
    Permettez-moi d'abord de reconnaître que nous sommes ici rassemblés en territoire traditionnel algonquin non cédé.
    Aujourd'hui, je suis accompagné de mon équipe et nous serons heureux de pouvoir répondre à vos questions dans un instant.
    Protéger et promouvoir le bien-être des enfants et des familles autochtones devraient être la priorité absolue du gouvernement fédéral et de tous les gouvernements du pays, mais cela n'a pas toujours été le cas.
    Chaque jour au Canada, des enfants autochtones sont séparés de leur famille, de leur communauté, de leur langue et de leur culture. Trop d'enfants autochtones finissent dans un foyer d'accueil loin de leur communauté. Ces enfants déjà vulnérables sont arrachés de force de leur foyer sans le consentement de leurs parents et, trop souvent, sont privés de leur culture et de leur identité, ainsi que des soutiens communautaires qui assurent leur bien-être à long terme.
    Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le système tel qu'il est actuellement ne fonctionne pas pour les familles et les enfants autochtones, et que nous ne pouvons pas perpétuer le statu quo dans le système des services à l'enfance et à la famille, que l'on a qualifié à juste titre de crise humanitaire. Le fait que les enfants autochtones représentent seulement 7,7 % de tous les enfants de moins de 15 ans, mais comptent pour 52 % des enfants pris en charge dans l'ensemble du pays, est extrêmement inquiétant.
    Les politiques paternalistes gardent les enfants isolés de leurs êtres chers. Trop de jeunes vies ont été gravement touchées et même tragiquement perdues dans certains cas.
     C'est exactement pourquoi le projet de loi C-92 adopte une approche totalement différente. Nous avons devant nous un projet de loi qui repose sur un ensemble de priorités nationales auquel le gouvernement et les groupes autochtones ont travaillé ensemble. Il s'agit de principes qui font passer l'enfant en premier; qui enchâssent l'importance de la culture, de la communauté, de la famille et du bien-être de l'enfant; et qui défendent la dignité de la famille et de l'enfant dans tous les échanges avec le système des services à l'enfance et à la famille.
    Notre vision est celle d'un système où les peuples autochtones sont responsables de leurs propres services à l'enfance et à la famille. Nous reconnaissons maintenant que cela aurait dû être le cas depuis longtemps.
    Le projet de loi C-92 inscrira dans la loi ce que les peuples autochtones de partout au pays demandent aux gouvernements depuis des décennies: que leurs compétences inhérentes soient reconnues et affirmées.
    Si le projet de loi C-92 était adopté, les communautés autochtones pourraient exercer complètement ou partiellement leurs compétences dans le domaine des services à l'enfance et à la famille. Puisqu'une approche universelle ne fonctionne pas, il appartiendrait aux peuples autochtones d'adapter le système aux besoins de leurs communautés. De plus, nous nous engageons à travailler avec les communautés individuelles pour veiller à ce que ces services soient adaptés à leurs besoins.
    Ce projet de loi est le fruit d'une période intensive de mobilisation auprès de dirigeants, de communautés et de particuliers des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que des provinces et des territoires.
    Depuis la réunion d'urgence convoquée par ma prédécesseure en janvier 2018, il y a eu des réunions et des consultations approfondies dans tout le pays afin de bien mener ce projet. Même dans les semaines qui ont précédé la présentation de ce projet de loi, nous incorporions les suggestions des groupes autochtones et des partenaires provinciaux et territoriaux.
    Pour moi, le véritable sens de nos efforts s'est exprimé dans une déclaration du sénateur Murray Sinclair, selon laquelle notre approche « devrait servir de modèle pour mettre en œuvre de façon significative et directe les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. »
    Cela ne veut pas dire que la conversation s'arrête là. Il n'y a pas de portes closes pour nos partenaires autochtones, ou pour les provinces et les territoires. Ce projet de loi et les enfants qu'il vise à protéger ne sont servis que si nous collaborons et assurons leurs intérêts.
(0840)
    En outre, je ne prétends pas que cette loi est parfaite; je suis le premier à admettre qu'on peut faire mieux. J'invite donc le Comité à me faire part de sa rétroaction.
     Le projet de loi C-92 repose sur ce que les peuples autochtones et les experts en développement de l'enfant nous ont dit qu'il fallait faire pour protéger les enfants et les aider à partir du bon pied dans la vie. En vertu de cette loi, les services à l'enfance et à la famille autochtones feront passer l'enfant en premier, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Cette loi prévoit des principes permettant de garantir que les enfants et les familles autochtones seront traités avec dignité et que leurs droits seront protégés. Par exemple, les enfants ne pourraient pas être pris en charge uniquement en fonction des conditions socioéconomiques, comme c'est souvent le cas actuellement. Au lieu de répondre uniquement aux crises, le projet de loi C-92 est axé sur la prévention. Il favorise entre autres les soins prénataux et le soutien aux parents. Les universitaires et les professionnels de première ligne nous ont dit que les soins préventifs sont le meilleur indicateur de réussite et de développement positif des enfants. Dans les cas où des interventions sont nécessaires, un enfant autochtone serait seulement pris en charge si c'est dans son intérêt, et un placement chez un membre de sa famille ou dans sa communauté immédiate serait privilégié.
     En vertu du projet de loi C-92, lorsqu'un groupe ou une communauté autochtone souhaite exercer sa compétence sur les services à l'enfance et à la famille et faire prévaloir sa loi sur les lois fédérales, provinciales et territoriales, le ministre des Services aux Autochtones et le gouvernement de chaque province ou territoire où il se trouve devront participer à une discussion tripartite concernant une entente de coordination. Si une entente est conclue dans les 12 mois suivant la demande, les lois du groupe ou de la communauté autochtone auront force de loi comme loi fédérale et prévaudront sur les lois fédérales, provinciales et territoriales des services à l'enfance et à la famille. Si aucune entente n'est conclue au cours de cette période, mais que des efforts raisonnables ont été déployés pour le faire, la loi autochtone aura également force de loi comme loi fédérale. En pratique, cela signifie que si un gouvernement n'agit pas de bonne foi durant la conclusion d'une entente de coordination après 12 mois de négociations, la loi des services à l'enfance et à la famille autochtones aura préséance sur la loi provinciale.
    Afin de promouvoir une transition et une mise en œuvre en douceur du projet de loi C-92, le Canada examinera la création de structures de gouvernance de transition fondées sur les distinctions. Les structures de gouvernance élaborées conjointement permettraient de trouver des outils et des processus pour accroître la capacité des communautés à assumer la responsabilité des services à l'enfance et à la famille. Nous savons également que le financement doit faire partie de l'équation pour optimiser les répercussions de cette loi. Nous ne pouvons pas présumer que les modèles de financement qui ont soutenu le système déficient actuel seront ceux que les groupes autochtones voudront utiliser dans l'exercice de leur compétence. Ces modèles et niveaux devraient être examinés et conçus dans le cadre du processus d'accord de coordination du projet de loi C-92.
    Nous sommes résolus à collaborer avec des partenaires pour cerner les besoins à long terme et les lacunes en matière de financement. Nous sommes déterminés à renforcer le projet de loi alors qu'il est examiné par le Parlement. Il est essentiel que nous collaborions de façon efficace pour y arriver. La nécessité de ce projet de loi va bien au-delà des considérations partisanes; je crois que nous le comprenons tous et que nous sommes tous d'accord. Ce qui compte, c'est que nous prenions enfin des mesures concrètes pour réformer le système en nous éloignant des échecs des politiques paternalistes du passé.
    Le projet de loi C-92 témoigne concrètement de notre détermination collective à forger une relation renouvelée entre le Canada et les peuples autochtones, une relation basée sur le respect ainsi que sur la reconnaissance et l'affirmation des droits. Le projet de loi proposé est conçu de manière à offrir un avenir meilleur aux enfants autochtones, à leurs familles et aux communautés qu'il vise à appuyer et à protéger.
(0845)
     Finalement, c'est un avenir meilleur pour nous tous. J'espère pouvoir compter sur votre soutien à cet égard.
    Merci, madame la présidente.
    Merci.
    Nous allons entamer la période de questions en accordant la parole à M. Yves Robillard, pour le Parti libéral.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre, de votre témoignage et du travail que vous avez accompli quant à ce projet de loi.
    J'aimerais revenir sur le processus d'élaboration de ce projet de loi. Les représentants des communautés autochtones qui témoignent devant ce comité nous répètent souvent de ne pas prendre de décisions à propos d'eux sans eux. Pouvez-vous nous parler du processus de consultation qui a eu lieu avant la rédaction de ce projet de loi?

[Traduction]

    Nous avons tenu environ 65 réunions et entendu approximativement 2 000 personnes des quatre coins du pays afin de comprendre exactement les tenants et les aboutissants du dossier.
    La démarche se heurte souvent à l'incrédulité. J'ai passé bien du temps cette semaine au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. L'attitude à l'égard du projet de loi C-92 est mitigée. Il est juste de dire — et je regarde mon collègue, Robert — qu'au Manitoba, les gens semblent penser que nous n'irons pas de l'avant. Les Manitobains ne croient pas que nous appliquerons cette mesure législative.
    Nous avons certainement recueilli un appui plus fort en Colombie-Britannique. Cela nous a aidés dans nos démarches. C'est le projet de loi que les gens attendaient. Un grand nombre de provinces ont renforcé la capacité sur le terrain et attendaient déjà un projet de loi sur les services à l'enfance et à la famille dans leurs communautés. Ces dernières sont donc impatientes de bénéficier d'une mesure nationale qui les protégerait en vertu de la loi fédérale et qui permettrait à d'autres de constituer la même capacité que la leur.
    Dans d'autres régions où les provinces font davantage preuve d'autorité relativement aux services jeunesse et sociaux, comme le Manitoba et la Saskatchewan, les gens doutent davantage que la mesure soit réelle et sérieuse. Nous avons passé le plus clair de notre temps à leur garantir qu'elle l'est.
    Le Manitoba, par exemple, propose une loi sur le rapatriement des enfants. Nous encourageons les lois d'entrée de jeu quand il est question des services à l'enfance et à la famille, faisant remarquer aux provinces que les mesures que nous proposons dans le projet de loi C-92 fonctionneront concurremment avec les dispositions qu'elles veulent instaurer sur place. Ces dernières cadrent avec leur situation et avec ce que nous voulons accomplir à l'échelle nationale.
    Parfois, les femmes cries, confrontées au concept de services à l'enfance et à la famille et de retour dans les communautés, ont indiqué avec justesse qu'elles repartaient avec plus de questions qu'elles en avaient avant. Je considère que c'est un bon signe. Ces groupes ont établi leurs propres services à l'enfance et à la famille en fonction des désirs, des besoins et des capacités des communautés, et nous fournissons un abri dans le cadre fédéral.
    C'est exaltant, car ce sera plus efficace. Au cours des deux dernières années et demie, nous avons doublé le financement réservé aux services à l'enfance et à la famille, le portant à quelque 1,2 milliard de dollars. C'est une somme d'argent substantielle qui leur est réservée. L'ennui, c'est que 80 % des fonds que nous versons par l'entremise des provinces et de nos organismes sont affectés aux « services de protection », un nom ironique qui fait essentiellement référence à la sécurité et à tout ce qui concerne l'enlèvement d'enfants. Ainsi, 80 % du budget concerne l'enlèvement d'enfants et les coûts afférents, qui sont légion.
    Nous espérons que des fonds se libéreront sur le terrain, car les communautés elles-mêmes... Nous sommes déterminés à réduire le nombre d'enfants arrachés à leur famille et à mettre davantage l'accent sur les soins préventifs et prénataux au fil du temps afin de ne plus jamais nous retrouver dans cette position.
(0850)

[Français]

    Un aspect essentiel de ce projet de loi est le principe de l'intérêt de l'enfant.
    Pouvez-vous nous expliquer plus en détail de quoi il s'agit? Qu'est-ce que cela signifie dans le contexte du projet de loi, et comment ce principe sera-t-il appliqué?
    Le projet de loi énonce que le premier élément d'importance, c'est l'intérêt de l'enfant. C'est un concept tout à fait établi et compris par les provinces et ceux qui travaillent dans le domaine du bien-être des enfants. C'était primordial d'assurer que, dans la loi, la première chose qui y figurait était l'intérêt de l'enfant. C'est ce qu'on a entendu des groupes avec lesquels nous avons travaillé au cours des derniers mois.
    On a ajouté à cela les questions de la continuité culturelle, comme vous le savez, et celle de l'égalité réelle. L'important, c'est de savoir quels sont les intérêts premiers de l'enfant. Dans ce contexte, si l'on regarde l'article 16, par exemple, on y voit le processus. L'article précise que, dans l'intérêt de l'enfant, il est préférable qu'il soit près de sa famille et au sein de sa collectivité culturelle, et qu'il puisse profiter de l'accès à ses parents et à sa collectivité. C'est dans ce contexte que doit être compris l'intérêt de l'enfant.
    Madame Gros-Louis, voulez-vous ajouter quelque chose?
(0855)
    Oui.
    Je pense que c'est important de souligner aussi que ce concept est constitué de normes. Nous allons nous assurer que celles-ci seront adoptées par les provinces, les territoires et tous les peuples autochtones. Donc, nous nous reportons à ces normes nationales, et nous voulons nous assurer qu'au minimum, ces valeurs et ces normes seront appliquées d'un bout à l'autre du Canada, par tous.

[Traduction]

     Nous accordons maintenant la parole à Mme Cathy McLeod.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de témoigner devant nous ce matin.
    Quand nous avons mis le projet de loi aux voix à la deuxième lecture, les conservateurs ont certainement convenu qu'il s'agit d'une question non partisane. Lorsque nous examinerons le projet de loi au cours des prochaines séances, nous nous intéresserons principalement à des préoccupations d'ordre technique et à des éclaircissements. Je tiens à souligner, aux fins du compte rendu, que pendant bien trop longtemps, la situation a été terriblement tragique dans un grand nombre de communautés. Nous espérons que la présente mesure législative offrira de la clarté si elle est élaborée adéquatement, sans se hâter.
    Avant de commencer à poser mes questions d'ordre technique, je voudrais traiter du mot « enlèvement ». Je sais que des travailleurs sociaux dévoués sont à l’œuvre dans les diverses régions du pays. Aux endroits où les communautés ont assumé la responsabilité des services de protection de l'enfance, les travailleurs ont, dans l'intérêt de l'enfant, confié les jeunes à d'autres services d'accueil. Je considère que le fait que vous employiez le mot « enlèvement » est une insulte pour les travailleurs sociaux et les organisations de services à l'enfance du pays. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous utilisez le mot « enlèvement » au lieu de parler de ce que les organismes tentent d'accomplir dans l'intérêt de l'enfant?
    Ce n'est pas un mot que j'utilise à la légère, étant donné que ma mère s'est retrouvée en pareille situation lorsque, étant infirmière dans le Nord, elle a dû arracher de force des enfants de leur famille.
    Vous la qualifiez de ravisseuse.
    Non, je dis...
    C'est le sens du mot « enlèvement ».
    J'en suis conscient. J'utilise ce mot en tout état de cause, car c'est ainsi que la famille voit les choses. Avec tout le respect que je dois à ma mère et à ces collègues infirmières, ce qui me motive à l'heure actuelle, c'est la famille et ce qu'elle considère comme un enlèvement.
    Monsieur le ministre, je vous ferais respectueusement remarquer que quand on emploie ce mot... Il est malheureusement arrivé que des enfants soient enlevés par le passé, mais je trouve que le fait de qualifier essentiellement les infirmières et les travailleurs sociaux de ravisseurs est très insultant.
    Quoi qu'il en soit, entrons dans les détails du projet de loi. Je pense que nous avons déjà discuté de la question; il est donc préférable d'utiliser un exemple. Disons qu'il se trouve en Alberta un enfant métis qui vit à Calgary et qui n'a aucun lien avec sa communauté, et qu'aucune entente n'est intervenue par le passé.
    Le présent projet de loi assujettit le gouvernement de l'Alberta à la loi fédérale, alors que ce dernier pourrait avoir des exigences différentes entre les enfants autochtones et les enfants non autochtones. Subitement, le gouvernement albertain devra respecter ce projet de loi, qui comprend des dispositions sur la manière de traiter les enfants métis qui pourraient vivre à Calgary. Vous avez même été jusqu'à prévoir les soins prénatals. Dans le cas d'une mère, comment le gouvernement de l'Alberta composera-t-il avec une loi fédérale qui stipule qu'il doit faire très attention à... Pouvez-vous m'expliquer quelle incidence cette disposition aura sur l'Alberta?
    La disposition sur les soins prénatals prévoit la fourniture de soins prénatals. Ici, je pense que nous pouvons tous être favorables aux services préventifs, ayant en tête l'intérêt de l'enfant avant sa naissance. La fourniture de ces services doit primer sur celle de tous les autres services. Qu'est-ce que la loi exigera de l'Alberta dans le cas d'une Métisse qui vit à Calgary?
(0900)
    Je répondrai à cette question avec plaisir. Cette disposition s'applique à titre volontaire, car de toute évidence, les services prénatals ne peuvent être imposés.
    Pardonnez-moi, mais il est question de l'incidence d'une loi. Si vous prévoyez une mesure volontaire, je ne vois le mot « volontaire » nulle part. Comment se fait-il alors que subitement, la mesure soit volontaire?
    Elle n'est pas volontaire pour le prestataire de services. Les services seront offerts à la mère, qui pourra les accepter ou non, selon sa volonté. Les services seront offerts à la mère.
    Quels services? Que devra faire l'Alberta en vertu du présent projet de loi qu'elle ne fait pas déjà?
    Elle offrirait du soutien prénatal. Une femme dépendante des drogues alors qu'elle est enceinte serait évidemment repérée dans le système, et on lui offrirait des services de lutte contre la dépendance pendant sa grossesse. C'est à ce moment-là que je parle d'acceptation volontaire. Les services ne peuvent être imposés à la personne. C'est à la mère que revient le choix d'accepter ou non les services proposés.
    Je n'ai pas d'objection à ce que les services soient volontaires, mais je suppose que je veux en arriver à ceci. En ce qui concerne les provinces, quand la question ne relève pas des communautés, est-il juste de dire que ces dispositions s'appliqueraient à la province?
    Oui.
    C'est juste. D'accord.
    Je comprends parfaitement ce qu'il en est quand une communauté a assumé la responsabilité des services à l'intérieur et à l'extérieur des réserves ou dans d'autres situations, mais dans le cas présent, la prestation de services de soins de santé relève clairement des provinces, tout comme les soins à l'enfance, d'ailleurs. Quand une communauté n'a pas assumé les services, toutes les provinces et tous les territoires devront décider ce que signifient les soins prénatals. Est-ce exact?
    Oui. D'après ce que nous comprenons, certaines provinces mènent des consultations dans le cadre desquelles ces questions sont déjà à l'étude. Dès qu'un cas est repéré dans le système, certaines provinces offriront à la mère des services intégrés, voire des services individualisés. C'est à cela que nous faisons référence.
    Je vais vous donner un exemple. Nous avons ajouté l'expression « normes minimales » dans la mesure législative précisément parce que certaines provinces ont dit qu'elles peuvent parfois passer par-dessus ces normes et offrir plus. Donc, elles ne considéraient pas cela comme étant forcément... Il y a également un système dans les provinces qui offre des services prénataux. Nous ne partons pas de zéro.
    Non, bien sûr que non. Premièrement, je connais très bien ce qui est offert dans les provinces au pays. Je me demande si cela respecte la Constitution. Pouvez-vous nous fournir des lettres du ministère de la Justice dans lesquelles il fait savoir que tout est compatible et conforme à la Constitution, que nous ne nous retrouverons pas devant les tribunaux comme c'est déjà arrivé dans d'autres situations dans le passé? Je crois fermement dans les services de prévention et les mesures de prévention appropriées. Ce sont là certainement des normes minimales, selon moi.
    C'est l'origine du droit.
    Mais vous contraignez les provinces d'une manière que je ne suis pas certaine que vous puissiez le faire sur le plan constitutionnel, plus particulièrement en ce qui concerne la prestation des services de santé. Avons-nous des lettres du ministère de la Justice dans lesquelles il affirme que c'est conforme à la Constitution?
(0905)
    Je dis que nous avons le pouvoir en vertu du paragraphe 91(24), et nous pensons que c'est également prévu à l'article 35 de la Constitution, mais j'aimerais que le ministère de la Justice réponde à cette question.
    Nous avons parmi nous un représentant du ministère de la Justice, mais nous n'avons plus de temps. L'un des autres membres pourra peut-être assurer un suivi sur votre importante question.
    Nous allons maintenant entendre la députée Rachel Blaney, du NPD.
    J'aimerais partager mon temps de parole avec Georgina. Je vais simplement poser une question ou deux avant.
    Je suis toujours contente de tenir une conversation sur la façon dont les enfants autochtones au pays sont importants. Je pense que c'est un sujet toujours important sur lequel le pays n'a certainement pas tenu suffisamment de conversations — et il en va de même pour les familles.
    Monsieur le ministre, j'appuie fermement le plan de l'Ourson Spirit, et je suis triste et déçue que ce gouvernement ne l'appuie pas. Il demande essentiellement au Canada de se conformer immédiatement à toutes les décisions du Tribunal canadien des droits de la personne. Si je ne m'abuse, il a relancé le gouvernement à sept reprises pour qu'il se conforme enfin aux décisions. Le gouvernement actuel ne l'a malheureusement pas fait.
    Il demande également au directeur parlementaire du budget de rendre publics les manques à gagner dans tous les services publics financés par le gouvernement fédéral offerts aux enfants, aux jeunes et aux familles des Premières Nations. De plus, il demande que le gouvernement consulte les Premières Nations pour élaborer conjointement un plan holistique de l'Ourson Spirit pour mettre fin à toutes ces inégalités — ce que cette mesure législative ne fait tout simplement pas — et que nous examinions l'enjeu fondamental, à savoir la discrimination systémique. Si nous discutons de cette question dans cette enceinte, nous devons tenir compte que nos systèmes ont été conçus dans un système colonial, dont nous en ressentons les répercussions de nos jours.
    Il demande également que les ministères gouvernementaux fassent l'objet d'une évaluation approfondie et indépendante pour relever toute idéologie, politique ou pratique discriminatoire et y donner suite. Enfin, il demande que tous les fonctionnaires, y compris ceux aux plus hauts échelons, reçoivent une formation obligatoire pour cibler et régler ces idéologies, politiques et pratiques.
    Je suppose que ma question comporte deux volets. Premièrement, si les enfants autochtones comptent au pays, pourquoi le gouvernement actuel n'appuie-t-il pas ce plan? Deuxièmement, pourquoi le Tribunal canadien des droits de la personne a-t-il relancé le gouvernement à sept reprises en raison du non-respect de l'entente et du jugement?
    Dans un premier temps, depuis que j'assume ce poste, je suis résolu à veiller à ce que nous venions en aide aux gens qui ont été touchés, et non pas les organismes qui les représentent parfois. Je souhaite davantage aider les gens plutôt que les organismes. Cela n'a pas été fait depuis quelque temps, mais je suis résolu à le faire.
    Cela n'explique pas pourquoi le gouvernement n'a pas obéi au Tribunal canadien des droits de la personne, ou pourquoi le Tribunal a relancé le gouvernement à sept reprises concernant son non-respect des décisions et que rien n'a encore été fait.
    Non, il est en train de le faire.
    Je vais laisser le soin à Joanne de répondre à cela.
    Merci.
    Je vais soulever quelques points. Nous poursuivons les discussions avec nos partenaires, qui incluent les parties aux ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne. Nous finançons le coût actuel des mesures de prévention des organismes des Premières Nations, par exemple. Le sous-ministre a mentionné que nous avons doublé le financement dans ce secteur. C'est un énorme investissement qui est versé directement aux organismes.
    Merci, je vais m'arrêter là.
    Georgina, vous pouvez poser une question.
    Je veux dire une chose. Principalement, le libellé que le gouvernement utilise paraît très bien et, par conséquent, je suis ouverte à l'appuyer. Toutefois, ce projet de loi comporte de nombreuses lacunes. Je suis très déçue en tant que femme autochtone qui se rend dans sa circonscription et voit la réalité sur le terrain des enfants métis et des Premières Nations dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci.
    Je parle des investissements requis pour les mères et les pères qui restent au foyer et obtiennent l'aide dont ils ont besoin par l'entremise des programmes de santé et de guérison, des programmes de formation et d'emploi et des investissements. Il y a ensuite les travailleurs sociaux, les médecins, le personnel infirmier et ceux qui offrent tous les soins médicaux, y compris la GRC, qui interviennent souvent parce qu'aucun travailleur social n'est disponible. Sans ces investissements, comment pouvons-nous dire que l'enfant est au centre de tout cela? Je pense que c'est la désinformation dont le gouvernement parle.
    Je suis en faveur que l'on accorde la priorité aux enfants. J'appuie leur bien-être. Je suis favorable à ce que les enfants aient des familles qui les aiment et les appuient et que les familles disposent du soutien dont elles ont besoin. Pourquoi le gouvernement induit-il les gens en erreur? Pourquoi n'y a-t-il aucun financement rattaché à ce projet de loi?
(0910)
    C'est un projet de loi qui porte sur les compétences, et non pas sur le financement. Il porte sur les compétences d'une manière inédite comme jamais auparavant...
    Je ne comprends pas lorsque vous avez dit...
    ... que les organismes nationaux...
    ... l'entente avec la province. Je ne comprends pas...
    ... l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'ITK, le Ralliement national des Métis et l'Assemblée des Premières Nations ont travaillé avec nous. Nous avons suivi leur exemple.
    Sauf votre respect, je ne conteste pas l'appui de ces organismes nationaux et le travail qu'ils ont fait. J'appuie entièrement le travail qu'ils ont fait, mais ils n'ont pas d'influence sur le terrain lorsque la mère, le père, la grand-mère, le grand-père, les tantes, les oncles ou les cousins prennent soin d'un enfant. Je comprends ce concept, mais je pense que le gouvernement passe à côté de la question.
    Vous êtes à côté de la plaque, car vous ne connaissez pas les réalités sur le terrain.
    Je n'ai rien dit.
    Lorsque vous voyez l'enfant, aucun financement n'est disponible pour que la mère ou le père puisse se faire traiter, présenter une demande pour suivre une formation ou puisse aller travailler.
    Ce n'est pas...
    Il n'y a pas de financement.
    Georgina, sauf votre respect...
    Non. Sauf votre respect, vous ne comprenez pas. Ne soyez pas condescendant. La réalité sur le terrain...
    Je ne suis pas condescendant à votre égard.
    Oui, vous l'êtes. C'est insultant.
    J'aimerais que toutes les personnes à cette table cessent d'adopter une attitude condescendante les unes envers les autres.
    Non. Vous faites fausse route, car lorsque je regarde ce qui se passe sur le terrain...
    Non, je ne fais pas fausse route. Je ne suis pas à côté de la plaque.
    Je demande à ce que nous utilisions tous un langage parlementaire.
    Oui, vous l'êtes.
    Les nations et les bandes détermineront cela elles-mêmes. Elles détermineront par elles-mêmes...
    Donc, en ce qui concerne les investissements...
    ... indépendamment de moi, indépendamment de vous, indépendamment de toutes les personnes à cette table.
    ... pour verser les montants dont les familles ont besoin, quelle aide le gouvernement peut-il fournir dans le cadre de ce processus?
    C'est exactement là où nous voulons être rendus si le projet de loi est adopté.
    Le temps de parole pour l'opposition est écoulé pour cette série d'interventions.
    Nous allons maintenant passer aux libéraux.
    Je vois que le prochain intervenant sur ma liste est le député Mike Bossio.
    Je vais partager mon temps de parole avec le député Ouellette.
    J'étais l'hôte d'une activité hier soir. C'était la projection d'un documentaire sur une personne, Eddie Gough, qui était un enfant autochtone qui a été séparé de sa famille, qui a été élevé par une autre famille et qui a subi des traumatismes. Heureusement, son parcours l'a ramené à ses origines familiales à l'île Manitoulin, où il a repris contact avec sa famille et renoué avec sa culture. Il a heureusement eu un dénouement heureux, contrairement aux histoires très tragiques de trop de jeunes et d'enfants autochtones au pays.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre comment cette mesure législative mettra fin, espérons-le, aux histoires que vivent des gens comme Eddie Gough au Canada, de sorte que les enfants grandissent dans leur milieu familial, dans leur culture et dans leur langue?
    Je ne veux pas présumer à quoi ressemblera le système. Je ne veux pas faire de suppositions condescendantes sur comment les choses vont se dérouler.
    Nous nous sommes entendus sur trois assez bons principes, le premier étant, bien entendu, le bien-être de l'enfant. Les droits des enfants passent avant tout.
    Deuxièmement — et c'est un point très important —, les traditions, la culture et la langue d'un enfant autochtone sont essentielles à sa santé.
    Troisièmement, en ce qui concerne le système, l'enfant et la famille qui s'occupe de l'enfant devraient toujours être traités dans la dignité.
    Pour ceux d'entre vous qui ont reçu un assez bon traitement dans les hôpitaux, cela semble être des choses assez fondamentales. Peu de gens seront touchés par cette mesure législative.
    Chacun d'eux a besoin de temps pour trouver une solution. Ceux qui déterminent qu'ils sont prêts, qu'ils veulent enfin prendre la situation en main, qu'ils ont attendu assez longtemps...
    La semaine dernière, j'ai soupé avec un groupe de femmes et d'aînées cries tout près de Winnipeg qui ne voulaient aucunement faire participer la province. Elles ont dit: « Réglons la question maintenant. » Nous avons dû les convaincre que certains travaux sont nécessaires.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que les Autochtones ont un an pour entamer des négociations avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour les aider à mettre sur pied leurs propres services à l'enfance et à la famille. Ils doivent en grande partie veiller à ce que l'enfant ait accès à toutes les ressources appropriées, à ce qu'ils connaissent et à leur famille élargie, qu'ils soient reconnus aux yeux de la loi, pas que ce soit nécessaire, mais qu'ils soient reconnus et habilités, et que les collectivités puissent trouver leur propre façon de gérer les situations, les enfants pris en charge.
(0915)
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre le député Robert-Falcon Ouellette.
    Merci, monsieur le ministre.
    Je mettrais simplement la dernière main à ce dossier.
    Si, après 12 mois, ces ententes de coordination ne sont pas conclues de bonne foi, la mesure législative qui a été élaborée par les groupes autochtones aura préséance sur la loi provinciale et fédérale.
    C'est en fait un bon enchaînement.
    Merci au ministre d'être venu.
    À mon arrivée au Parlement, mon premier discours portait sur le bien-être des enfants. Les statistiques sont alarmantes. Au Manitoba, 87 % des enfants qui sont pris en charge le sont en raison de négligence ou de problèmes causés par la pauvreté. Cela signifie qu'il y a des allégations de mauvais traitements dans seulement 13 % des cas et, de ce nombre, seulement 12 % sont des cas avérés de violence dans la province du Manitoba. La majorité des enfants ne sont pas retirés de leur foyer en raison de mauvais traitements; ils le sont en raison des graves problèmes dans la façon dont le système lutte contre la pauvreté. J'espère que cela enclenche un processus pour commencer à régler le problème des 11 000 enfants pris en charge.
    Nous parlons des lois. Comment allons-nous déterminer lorsqu'une loi est adoptée par une collectivité autochtone? Qu'est-ce qui constitue une collectivité autochtone? Qu'est-ce qui constitue une nation autochtone?
    Ces questions s'adressent peut-être au ministère de la Justice. Comment allez-vous déterminer que c'est une nation?
    Dans la loi, il y a une disposition qui porte sur l'obligation du ministre de publier la loi. Lorsqu'une loi entre en vigueur, le titre de la loi, le libellé de la loi et la date d'entrée en vigueur seront publiés sur le site Web du ministère. Ces renseignements seront également publiés dans la Gazette. C'est pour informer le public qu'une loi est entrée en vigueur.
    Par exemple, en ce qui concerne les Métis, le Ralliement national des Métis en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario adopterait-il une mesure législative quelconque, et comment deviendrait-elle une loi ensuite? Le gouvernement fédéral publierait-il cette loi dans la Gazette?
    Ce sont les détenteurs de droits visés à l'article 35 qui pourraient élaborer de telles lois. Comme le ministre l'a expliqué, il y a un processus pour présenter une demande afin de tenir une conversation avec la province ou le territoire où la collectivité est située. Après 12 mois de négociations, la loi entrerait en vigueur, puis nous aurions les outils de publication que je viens de vous mentionner.
    Si le territoire visé par le Traité 2, par exemple, décidait d'adopter une mesure législative, devrait-il le faire en vertu de la Loi sur les Indiens, en vertu des règlements ou...
    Non, c'est en vertu de ce cadre. Cette mesure législative crée le cadre en vertu duquel les entités et les groupes autochtones reconnus aux termes de l'article 35 pourraient élaborer leurs lois et les publier en vue de les mettre en oeuvre.
(0920)
    Comment feriez-vous pour déterminer si c'est un groupe constitué?
    Dans la disposition consacrée aux définitions, on décrit l'entité autochtone qui peut le faire. Il y a le mot « autorise ». L'organisme de gouvernance autochtone signifie un conseil, un gouvernement ou un autre organisme qui est autorisé à agir au nom d'un groupe, d'une collectivité ou d'un peuple autochtone qui détient des droits reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a différents mécanismes devant être autorisés.
    Certaines Premières Nations peuvent décider que la résolution viserait à fournir la preuve que l'organisme qui vient négocier est autorisé à le faire au nom d'une collectivité ou d'un groupe de collectivités.
    Si vous avez un groupe de collectivités qui viennent négocier et qui sont visées par le Traité 2, selon votre exemple, alors chaque collectivité aurait probablement un règlement ou un mécanisme qui autorise le groupe à collaborer avec le gouvernement provincial ou territorial pour discuter de la mise en œuvre de la loi.
    Monsieur Waugh.
    Merci, monsieur le ministre et mesdames et messieurs les fonctionnaires.
    Madame Wilkinson, avons-nous un avis juridique sur la question de la constitutionnalité dont nous discutons?
    Je vais demander à mon collègue du ministère de la Justice de vous en parler.
    C'est ce que tout le monde dans cette salle veut savoir.
    Comme toujours, le ministère de la Justice travaille en étroite collaboration avec nos collègues à Services aux Autochtones du Canada en lien avec ce projet de loi. Nous ne serons pas forcément en mesure de communiquer les avis juridiques, mais je me ferai un plaisir d'exposer les grandes lignes de certaines des décisions judiciaires pertinentes, si vous le voulez.
    Comme le sous-ministre Tremblay l'a dit, la conclusion du gouvernement du Canada est qu'il s'agit d'un exercice valide de la compétence fédérale en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, qui utilise l'ancien libellé « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Cette loi vise à traiter avec les enfants autochtones, ainsi qu'à répondre aux besoins des enfants, des collectivités et des familles autochtones et à leur offrir du soutien relativement à l'exercice de leurs droits prévus à l'article 35. Il y a un fondement constitutionnel pour la loi.
    Je vais reconnaître que les provinces et les territoires relevant de leur compétence, visés par le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle, exercent une compétence depuis longtemps dans ce secteur. D'une certaine manière, cette loi devrait plutôt être considérée comme étant un chevauchement fédéral, un « double aspect » — pour utiliser un terme constitutionnel —, qui vise surtout à soutenir l'exercice de la compétence autochtone dans ce secteur.
    C'est intéressant, monsieur le ministre, et notre porte-parole est d'accord. Aujourd'hui, en Saskatchewan, plus d'enfants sont pris en charge qu'à l'époque du système des pensionnats indiens. C'est très révélateur. Je sais que le gouvernement provincial de la Saskatchewan se sent exclu. Vous étiez à Saskatoon la semaine dernière, et vous n'avez pas rencontré le ministre. Vous étiez l'un des ministres présents dans la même pièce que les représentants de la FSIN.
    Vous intégrez l'aspect fédéral à l'aspect provincial. Pourquoi n'avez-vous pas accepté l'invitation du ministre des Services sociaux Paul Merriman de le rencontrer en tête-à-tête? Vous avez refusé. Pourquoi?
    J'ai refusé parce qu'il voulait parler de la mesure législative, et la mesure législative...
    N'est-ce pas son rôle?
    Oui, et j'aimerais beaucoup discuter de la mesure législative avec lui et avec les dirigeants de nos partenaires de codéveloppement qui étaient présents, soit ceux de l'Assemblée des Premières Nations, de l'ITK et du RNM. Trois bonnes personnes étaient présentes à certaines réunions, et nous avons été aussi accommodants que possible. Il ne voulait pas que je participe à la réunion officielle parce qu'il ne voulait pas que les autres soient présents. Nous avons donc ajouté une journée. C'était pour nous une bonne occasion d'en discuter.
    Je constate toutefois que le Manitoba et la Saskatchewan ont actuellement des réserves, parce que vous n'avez pas voulu rencontrer les dirigeants provinciaux. Cela relève de leur compétence et il est possible qu'ils aient voulu discuter avec vous en toute confidentialité et, à titre de ministre, vous devriez prendre le temps de les rencontrer. Je suis très déçu que vous ne l'ayez pas fait. Si vous voulez tenir des consultations, vous devriez commencer par les titulaires de droits — la province de la Saskatchewan —, ce que vous n'avez pas fait. Pourquoi?
    Je suis très déçu qu'ils ne m'aient pas rencontré. Je vais être direct: voilà à quoi ressemble la réconciliation. Ils l'ont écrit avec moi.
(0925)
    Je sais que la FSIN a participé à la rédaction de la mesure législative. J'en conviens, mais vous avez maintenant créé un problème avec ma province, la Saskatchewan...
    Vraiment?
    Oui; cela ne vous dérange pas?
    Oui, cela me dérange, mais c'est là où nous en sommes.
    Que comptez-vous faire?
    Continuer de négocier...
    Vous ne le faites pas.
    ... avec les provinces qui le veulent.
    Oh. Parce qu'il n'y a personne... Si Paul Merriman voulait vous rencontrer en personne, mais que vous vouliez que d'autres personnes soient présentes, vous ne le rencontreriez pas en tête-à-tête.
    Je suis prêt à lui parler au téléphone n'importe quand.
    Mais vous n'avez pas saisi l'occasion la semaine dernière.
    Je lui ai parlé à plusieurs reprises la semaine dernière.
    Vous voyez où je veux en venir. On parle d'un projet de loi qui est présenté...
    Vous voyez où moi je veux en venir...
    Oui, je sais.
    Je suis venu de Saskatoon en avion. J'ai assisté à une réunion un jour plus tôt, car il ne voulait pas que je sois présent à la réunion officielle. J'ai donc assisté à la réunion non officielle. Ensuite, ils n'ont pas voulu consigner ma présence au procès-verbal et non pas voulu y inscrire non plus les représentants des trois organismes qui m'accompagnaient.
    Je n'en fais pas une affaire personnelle. Je pense que ce sont des manœuvres politiques, à court terme. La question est de savoir si nous réussirons à long terme. J'en suis convaincu. Je pense que toutes les provinces donneront leur accord, car c'est tout à fait censé. Certes, il y aura des manœuvres, mais cela ne pose pas problème. C'est de la politique.
    Oui, mais pendant ce temps-là, des gens en subissent les conséquences.
    Je suis désolée. Les cinq minutes sont écoulées. Nous retournons aux libéraux.
    Monsieur Will Amos, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Les concitoyens autochtones de ma circonscription de Pontiac ont vécu plusieurs choses très troublantes en ce qui concerne leurs enfants. Le manque de services touche toute notre région, particulièrement la Vallée-de-la-Gatineau. Cela aura de graves conséquences sur l'avenir de ces enfants, de ces familles et de ces communautés.
    J'aimerais savoir quelle a été la réaction du nouveau gouvernement du Québec à ce projet de loi. Bien sûr, les problèmes observés sont récents, mais ils existaient avant l'élection de la CAQ.
    Pendant la période de consultation, nous avons rencontré des représentants des provinces et des territoires. Je peux dire que tous appuyaient le concept du projet de loi. La province de Québec ainsi que d'autres provinces ont mentionné que cela allait prendre un certain temps pour préparer la mise en oeuvre de certains articles du projet de loi. Même si le Québec appuie le concept du projet de loi, il aura besoin de temps pour former les gens qui donnent des services sur le terrain.
(0930)
    Merci de votre réponse, madame Gros-Louis.
    À part le temps nécessaire à l'application d'une toute nouvelle loi reposant sur un concept totalement différent qui reflète l'importance des communautés et la primauté de l'enfant autochtone, le nouveau gouvernement a-t-il soulevé des questions d'ordre constitutionnel ou juridique?
    Lors de la rencontre, ses représentants n'ont pas soulevé de tels soucis. Ils ont cependant reconnu qu'ils n'avaient pas eu le temps d'effectuer une analyse complète des questions de compétence et de celles liées à la Constitution et qu'il fallait qu'ils se penchent à nouveau là-dessus et en discutent.
    Merci beaucoup de vos réponses, madame Gros-Louis. C'est très intéressant.
    Je sais que la Vallée-de-la-Gatineau est très touchée, plus particulièrement les communautés algonquines de Lac-Rapide. J'imagine qu'elles ont accueilli la chose de façon très positive, mais il serait très intéressant d'entendre vos commentaires sur la réaction des communautés algonquines.
    Je n'ai pas nécessairement de commentaires à faire sur les communautés algonquines, mais je voudrais vous rappeler qu'il existe déjà des exemples très probants et positifs au Québec. Nous avons notamment entendu des groupes autochtones, en particulier la nation atikamekw, nous parler de la relation positive qu'ils ont avec le Québec dans des dossiers comme celui de la petite enfance.
    Nous utilisons les résultats du travail que le Québec effectue déjà avec les Autochtones, notamment sur les principes. Nous pourrions en fait nous retrouver avec des approches très positives au Québec, lesquelles ne seraient pas nécessairement modifiées par la Loi. En effet, cette dernière ne remet pas en question ce qui est positif, mais impose plutôt des normes minimales. Dans bien des cas, d'ailleurs, nous avons l'impression que ces normes sont déjà respectées, voire dépassées.
    D'accord.
    Vous semblez donc satisfait de vos relations intergouvernementales avec le Québec en ce qui concerne ce projet de loi. Il ne semble pas y avoir de ces jeux qui existent dans le cas d'autres provinces et dans d'autres secteurs.
    Effectivement, je suis très satisfait de nos relations avec toutes les provinces et tous les territoires.
    Je suis heureux de vous l'entendre dire.
    Merci, monsieur Tremblay.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Arnold Viersen.
    Je remercie le ministre d'être ici aujourd'hui.
    Ce qui me surprend, je suppose — et cela a semblé surprendre le ministre saskatchewanais —, c'est que l'identité du corps dirigeant autochtone semble soulever une multitude de questions liées à la compétence. Je sais qu'en Alberta, nous avons la Métis Nation of Alberta, mais aussi la Métis settlements of Alberta. Qui va « revendiquer », pour ainsi dire, la compétence sur ces enfants?
    Le fait que nous soyons ici, à quelques mois de la pause estivale, et qu'au cours de la dernière année de cette législature...
    Je suis désolée, mais je vous demanderais d'être très bref. L'horloge n'est pas à l'heure et je n'avais pas remarqué que nous avions dépassé le temps imparti. Je vous permets de donner une réponse courte, puis nous devrons arrêter là.
    D'accord.
    Essentiellement, je suis surpris que nous n'ayons pas réglé le problème de compétence entre la Métis Nation of Alberta et la Métis settlements of Alberta. La Saskatchewan ne semble pas très enthousiaste à l'égard de cette mesure législative. Voilà où nous en sommes. Quelle est la probabilité que ce projet de loi soit adopté et, le cas échéant, quelle est la probabilité qu'il fasse l'objet d'une contestation judiciaire?
    Pour revenir au début de votre question, j'ai fait le compte. Nous avons eu 22 rencontres avec les provinces et territoires à l'été et à l'automne 2018 pour discuter des options pour une éventuelle loi fédérale sur les services à l'enfance et à la famille pour les Autochtones. Je parle de 22 réunions aux échelons supérieurs, avec les sous-ministres.
    Ce qui expliquerait pourquoi nous en sommes ici aujourd'hui, mais...
(0935)
    Une question.
    ... si c'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui, je m'attendrais à ce que ces questions soient déjà réglées.
    Le mot de la fin revient au ministre. Ensuite, nous devrons le laisser partir.
    Pouvez-vous m'expliquer cela, monsieur le ministre?
    Eh bien, je dirais que nous serions ici quand même, peu importe que ces réunions aient été un succès ou non.
    Très bien.
    Le temps est écoulé. Je suis désolée d'interrompre la discussion, mais nous avons déjà dépassé le temps imparti. Je présente nos excuses à tous ceux qui attendaient.
    Merci beaucoup d'être venu. Nous avons entrepris notre étude du projet de loi, qui est l'une des plus importantes mesures législatives au Canada.
    Monsieur le ministre, merci d'être venu. Nous en sommes très reconnaissants.
    Meegwetch.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

(0935)

(0935)
    Nous reprenons. Les fonctionnaires sont restés avec nous. Nous pouvons maintenant examiner le projet de loi. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
    Je vais recommencer en haut de la liste. Comptez-vous faire un autre exposé, ou simplement répondre à des questions?
    Ce sera uniquement des questions. Nous commençons par le Parti libéral, pour sept minutes. Qui commence?
    Nous commençons par M. Robert-Falcon Ouellette.
    J'aimerais parler de l'alinéa 9(3)e), concernant le principe de Jordan. Cela vous convient-il? Excellent.
    L'alinéa 9(3)e) se lit comme suit:
dans le but de promouvoir l’égalité réelle entre les enfants autochtones et les autres enfants, aucun conflit de compétence ne doit occasionner de lacune dans les services à l’enfance et à la famille fournis à l’égard des enfants autochtones.
    Le concept lié à un conflit de compétence reflète l'appel à l'action no 3 de la Commission de vérité et de réconciliation, qui demande à tous les ordres de gouvernement de mettre en œuvre intégralement le principe de Jordan.
    Nous avons mis en œuvre bon nombre de mesures. Le financement a été accru, avec quelque 1,2 milliard de dollars pour le principe de Jordan. J'aimerais toutefois savoir si vous avez eu des discussions avec des groupes autochtones sur le financement futur à cet égard? Pourquoi cet alinéa figure-t-il dans le projet de loi, et en quoi est-ce si important?
    Pouvez-vous nous dire pourquoi cela figure dans le projet de loi? Vous avez participé à la séance de consultation.
    En effet.
    Cet article — et il y en a d'autres qui touchent au principe de Jordan — a été expressément inclus dans ce projet de loi à la demande des participants à la séance de consultation. Bien que nous ne renvoyons pas directement au principe de Jordan, le principe qui le sous-tend se reflète dans l'alinéa auquel vous faites référence.
    Nous ne renvoyons pas directement au principe de Jordan parce que le projet de loi est beaucoup plus large. Néanmoins, nous voulions nous assurer, surtout dans cette partie, que l'absence de lacunes dans la prestation des services vise les services à l'enfance et à la famille. Voilà pourquoi cette disposition précise a été ajoutée.
(0940)
    Supposons que dans deux ans, pendant la mise en œuvre, un groupe autochtone visé par le Traité no 4 ou le Traité no 1 dise qu'il a adopté une mesure législative quelconque. Les communautés pourront alors créer leurs propres règlements sur la façon dont elles veulent les mettre en œuvre. Ensuite, elles détermineront quels types de services offrir aux enfants. Que feront-elles pour obtenir le financement nécessaire pour éviter toute lacune dans la prestation des services et pour veiller à satisfaire aux besoins de la collectivité, soit s'occuper des enfants pour les voir réussir et atteindre leur plein potentiel?
    Nous devrons en discuter avec eux. Vous avez parlé du financement lié au principe de Jordan. Comme vous le savez, plus de 200 000 cas ont été traités en vertu du principe de Jordan. Le budget à cet égard dépasse probablement les 400 millions de dollars par année, actuellement.
    L'important, dans un cas comme celui que vous avez mentionné, c'est d'examiner les ressources qui existent et, ensuite, de déterminer exactement quels sont les besoins, les types de services et les compétences, et comment ils veulent exercer leur compétence. À ce moment-là, s'il y a un écart entre le financement disponible et le financement nécessaire, il faudra alors que les gouvernements en discutent sérieusement.
    Actuellement, comme nous l'avons indiqué, le projet de loi ne traite pas nécessairement de chacune de ces questions, mais cela ferait partie des discussions. Nous ne nous attendons pas à ce que la situation soit identique partout. Il faudra aussi prendre cela en considération.
    Selon moi, un des problèmes observés au Manitoba a été le transfert des responsabilités ou des pouvoirs administratifs aux collectivités autochtones, alors qu'il y avait, au nord et au sud, des autorités censées exercer un contrôle, techniquement. Or, avec le temps, la province a créé de plus en plus de règlements qui se chevauchaient, probablement par crainte que des enfants soient blessés ou tués pendant qu'ils sont aux soins de l'État. Les statistiques sont terrifiantes: au cours des huit dernières années, plus de 400 enfants ont été tués alors qu'ils étaient pris en charge par la province.
    Qu'est-ce qui garantit que le gouvernement fédéral ne commencera pas à imposer de plus en plus de règlements et n'essaiera pas d'orienter les Premières Nations dans l'exercice des responsabilités qu'elles considèrent avoir en matière de garde d'enfants?
    Oui, vous avez raison de le souligner. C'est une discussion que nous avons eue avec les dirigeants des Premières Nations du Manitoba. On me dit parfois que nous avons inclus les Premières Nations dans le système. Nous n'avons pas modifié le système manitobain; il fonctionne comme avant. Comme vous l'avez dit, cela a été renforcé par certains cas, ce qui a créé une sorte d'incitatif à prendre en charge un nombre accru d'enfants.
    Ce qui nous semble différent ici, ce sont les principes, auxquels s'ajoute une reconnaissance de la compétence. La compétence des Premières Nations, des Inuits et des Métis est reconnue et ils peuvent l'exercer. Si un gouvernement provincial fait preuve de mauvaise foi, ils peuvent utiliser le processus et adopter leurs propres lois.
    Il s'agit d'un changement très important, et nous espérons que les principes de continuité culturelle, par exemple, l'égalité réelle dont nous avons parlé et l'intérêt supérieur de l'enfant seront garantis. Nous jetterons ainsi les bases d'un système évolutif au lieu de renforcer le système existant.
    À quel point a-t-il été difficile de conclure un accord avec tant de communautés autochtones différentes? Nous parlons des Métis, des Inuits et des Premières Nations, qui sont aussi très diversifiées. Vous savez, nous parlons d'une démarche fondée sur les distinctions, l'idée que nous sommes tous différents et que nous avons des caractéristiques qui nous distinguent.
    Dans quelle mesure a-t-il été difficile d'obtenir un accord? Habituellement, lorsque nous traitons de projets de loi au Parlement, ils visent davantage un groupe précis. Il s'agit souvent de projets de loi précis, comme la Loi sur l'éducation des Mi'kmaq, les ententes tripartites de la Colombie-Britannique ou l'entente sur l'autonomie gouvernementale de la Première Nation des Dakota. Ce sont toutes des mesures très ciblées. À quel point a-t-il été difficile d'obtenir un accord à ce sujet?
(0945)
    Je pense que nous avons essayé de nous concentrer sur les points qui faisaient l'objet d'un consensus entre les parties, et nous avons convenu de la nécessité de prendre des mesures pour empêcher que des enfants soient traités comme ils le sont actuellement, à certains endroits. C'était un point important qui fait l'unanimité partout au pays.
     L'autre élément était la reconnaissance de la compétence. Plutôt qu'une mesure législative visant à mettre en place un système — ce qui n'est pas nécessairement mauvais —, ce que les Premières Nations, les Inuits et les Métis feront probablement à l'avenir, ce sera de décrire ce qu'ils veulent. Cette mesure législative n'est pas détaillée à ce point, mais elle permet aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis d'occuper cet espace.
    C'est ce qu'il a fallu faire pour obtenir le consensus le plus large possible entre les parties. Comme le ministre l'a indiqué, il ne s'agissait pas de déterminer une solution d'avance, mais plutôt de préparer le terrain pour que ces discussions aient lieu. Ce projet de loi a favorisé l'amorce d'une discussion. Ce sera une discussion à l'échelle nationale, régionale et locale qui ne se limitera aucunement au centre-ville d'Ottawa, si je puis dire, avec tout le respect que je vous dois.
    Quatre minutes; c'est excellent. Merci de votre concision.
    Je me demandais simplement en quoi ce projet de loi, le projet de loi C-92, est conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En quoi correspond-il à la DNUDPA et favorise-t-il sa mise en œuvre? Cela se reflète-t-il dans ce projet de loi?
    C'est dans le préambule, si je me souviens bien.
    La DNUDPA a une bien plus grande portée que ce projet de loi, et vous en parlez peut-être parce qu'elle a été mentionnée dans le projet de loi C-91. Cependant, dans le projet de loi C-91, la DNUDPA est liée aux langues en particulier. Elle ne fait pas mention des enfants et des familles en particulier. C'est pourquoi elle n'est pas mentionnée dans le projet de loi que vous étudiez.
    Il vous reste une minute.
    Madame Sargent?
    Oui. Je veux simplement préciser que cela se trouve évidemment dans le préambule du projet de loi comme étant un engagement primordial du Canada à mettre en œuvre la déclaration des Nations unies. J'aimerais nuancer cette réponse en précisant que la déclaration elle-même — c'est bien vrai — ne traite pas particulièrement des services à l'enfance et à la famille. Il y a bien sûr de nombreuses dispositions touchant les enfants et les familles en général ainsi que le principe de l'autodétermination, et le projet de loi s'appuie dans une grande mesure là-dessus. Cependant, comme Mme Gros-Louis l'a dit, ce n'est pas tout à fait aussi précis que pour ce qui concerne la langue.
    Quand vous parlez d'autodétermination, qu'est-ce que cela signifie, pour que le Canadien moyen comprenne? Qu'est-ce que cela signifie exactement dans ce projet de loi et pourquoi est-ce important?
    Veuillez fournir une réponse très claire et précise, je vous prie.
    C'est le pouvoir d'un groupe de décider de son propre destin et de tracer sa propre voie.
    Et cela se trouve dans le projet de loi?
    D'accord.
    Oui.
    M. Robert-Falcon Ouellette: Je veux simplement que cela figure au compte rendu.
    C'est maintenant au tour de la députée Cathy McLeod.
    Je pense que j'aimerais que nous revenions là où nous en étions avec Mme Sargent. Pour commencer, vous avez parlé de divers cas de jurisprudence. Si vous pouvez transmettre cela au Comité, ce serait très utile.
    Si je comprends bien, vous utilisez le paragraphe 91(24) et ce n'est pas complètement défini. Ce que je perçois, c'est que ce projet de loi définit les pouvoirs. Est-ce que c'est juste?
    Ce projet de loi reconnaît certainement un domaine de compétence lié aux gouvernements autochtones, aux organismes de gouvernance essentiellement, ce qui relève de l'article 35 visant les droits des peuples autochtones. Je dirais que le projet de loi en soi se fonde sur le paragraphe 91(24) en ce qui concerne la compétence fédérale dans ce domaine.
    Les droits qui relèvent de l'article 35 ont généralement été définis par la jurisprudence. Pourriez-vous aussi fournir au Comité les mesures législatives qui ont été adoptées par les parlements et qui ont défini les droits relevant de l'article 35, par opposition aux procédures judiciaires qui les ont définis? Est-ce que cela s'est produit souvent? Pouvez-vous éclaircir cela?
(0950)
    Je dirais que c'est nouveau. Ce projet de loi et le projet de loi sur les langues autochtones sont probablement les deux premiers cas où le Parlement a décidé de traiter de la reconnaissance des droits autochtones relevant de l'article 35; cela découle effectivement de l'approche prise par le présent gouvernement qui est de reconnaître les droits sans attendre la prise de décisions judiciaires.
    En ce qui concerne la jurisprudence, je serai ravie de vous transmettre quelques décisions différentes, mais au bout du compte, aucune décision ne porte directement là-dessus.
    Il y a une ressource que je peux vous recommander parce que je pense qu'elle vous serait d'une grande utilité, et c'est un article de l'honorable juge Sébastien Grammond qui a été publié en 2018 dans le Journal of Law and Social Policy. Il est facile à trouver en ligne, mais je serai ravie de vous le transmettre également, par l'intermédiaire du ministère des Services aux Autochtones, car il fait un excellent survol du droit existant et de ce qui justifie des mesures législatives provinciales dans ce domaine, et qu'il traite des aspects liés au paragraphe 91(24) et à l'article 35. C'est une excellente compilation qu'il est préférable de consulter plutôt que de simplement lire les cas individuels.
    Merci. Ce serait vraiment très apprécié et probablement très utile.
    Monsieur Tremblay, je parcours ce projet de loi et je trouve quelque chose d'assez intéressant. J'ai parlé de la question des soins prénataux compte tenu du fait que leur prestation est manifestement de compétence provinciale. L'une des lacunes est qu'on ne dit absolument rien des gens au fur et à mesure qu'ils vieillissent. Nous savons que les défis sont importants à cet égard. J'aurais pensé qu'il serait plus approprié de cerner et d'intégrer cela dans une partie de la loi autre que dans l'article dont je viens de parler. Nous savons que nos jeunes, et je pense bien que je crois encore… J'ai déjà pensé qu'on était adulte à 18 ans, mais plus je vieillis…
    Votre point de vue change. Je sais de quoi vous parlez.
    Mais nous savons qu'il y a vraiment une lacune. Nous savons que les jeunes de 18 ans et de 19 ans rencontrent de grandes difficultés. Pourquoi rester complètement silencieux à cet égard dans le projet de loi?
    J'aimerais dire d'entrée de jeu que ce projet de loi ne corrige pas tout. C'est un projet de loi qui fait partie d'un processus général de réforme des services à l'enfance et à la famille et qui répond aux besoins des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ce n'est pas la seule chose que nous faisons. Ce que le projet de loi fait très bien, c'est mettre en place un cadre juridique. Le cadre juridique fait ce qu'il doit faire, notamment reconnaître la compétence alors que cela n'aurait pas été possible sans cela, à notre point…
    Vous approfondissez la question des soins prénataux, mais vous ne le faites pas pour…
    Nous regardons tous ces aspects, mais nous croyons aussi que pour bon nombre de ces enjeux, il vaudrait mieux en discuter avec les détenteurs des droits et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Il n'y a pas d'approche universelle à l'échelle du pays concernant les services à l'enfance et à la famille. Ce serait toute une tour de Babel, si nous essayions de résumer cela en un projet de loi.
    La meilleure chose à faire, comme je l'ai mentionné précédemment, est de mettre en place le cadre qui permettra à ces discussions d'avoir lieu. Mais ce n'est pas la fin d'un processus; c'est le début d'un processus. C'est un cheminement que nous entamons.
    Ce sont les bonnes questions à poser, mais ce sont des questions qui ne peuvent pas trouver de réponses dans une loi adoptée par Ottawa. Cela va se faire au cours du processus.
    Je peux penser à un organisme de prestations de services en Colombie-Britannique qui a des fonctions déléguées. Cet organisme offre ses services dans les réserves et hors réserve. L'entente a été signée il y a de nombreuses années.
    Techniquement, qu'est-ce qui va leur arriver à la prochaine étape? Qu'est-ce que ce projet de loi va changer pour cet organisme qui le fait déjà dans les réserves et hors réserve?
    La différence se situerait plutôt du côté de la discussion. Si l'organisme fait de l'excellent travail et que les Premières Nations qui coopèrent avec lui disent qu'il fait de l'excellent travail, je ne m'attends pas à bien des changements.
    L'exercice d'une compétence ne signifie pas que vous allez adopter une loi demain. Regardez les lois des Premières Nations en situation d'autonomie gouvernementale. Elles ont compétence en éducation, en santé et dans de nombreux domaines, mais elles n'adoptent pas nécessairement de lois visant toutes ces questions. À bien des égards, elles utilisent les lois ou les règles que les provinces ont déjà adoptées.
    Ce sera la même chose ici. Vous devez amener les Premières Nations, les Inuits et les Métis à se demander ce qui convient le mieux pour leurs enfants. Dans certains cas, ils vont travailler avec les agences qu'ils aiment.
(0955)
    C'est un organisme des Premières Nations.
    D'accord. Dans ce cas, si l'organisme est bien perçu par la Première Nation elle-même, je ne crois pas qu'elle va nécessairement faire des changements.
    C'est la Première Nation qui a créé l'organisme.
    Le but n'est pas nécessairement de remplacer les bonnes pratiques. Le but est d'aider ceux qui veulent faire quelque chose différemment pour qu'ils aient les outils qu'il leur faut.
    Quand cet organisme des Premières Nations a, en de rares occasions, déterminé qu'il était dans l'intérêt d'un enfant de le prendre en charge et pris la très difficile décision de le retirer de son milieu familial, est-ce juste le ministre, ou est-ce que le ministère aussi appelle cela un « enlèvement »?
    Le ministre a parlé de cas mentionnés quand il était question uniquement de conditions socioéconomiques. Ce sont les cas que nous appelons parfois des « alertes à la naissance », au Manitoba, ou les cas d'enfants qui sont pris en charge à la naissance sans que du travail ait nécessairement été fait. Comme le ministre et nous l'avons appris de la part des Premières Nations, des Métis et des Inuits, il est arrivé que des enfants soient pris en charge uniquement sur la base du profil de la mère — de ce qu'elle était dans le passé — et non de ce qu'elle est au moment de la naissance. C'est de cela qu'ils parlent.
    Quand vous parlez avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ils reconnaissent tous qu'il y a des moments où la protection est requise. Personne n'est contre la protection des enfants ici. C'est la raison pour laquelle les intérêts des enfants sont si importants. Cependant, les mesures de protection ne devraient être prises qu'une fois que les autres méthodes et outils ont été utilisés.
    Bien.
    C'est maintenant au tour de la députée Rachel Blaney.
    Je vous remercie infiniment de votre présence aujourd'hui.
    J'ai quelques questions à poser. Quand le ministre a comparu devant nous, il a dit certaines choses pour lesquelles j'aimerais obtenir des éclaircissements si vous le pouvez.
    Il a dit qu'il incombe aux collectivités autochtones de faire les adaptations selon leurs besoins. Il a également parlé de faire ce travail en fonction des capacités de la collectivité.
    Je représente une vaste circonscription de la Colombie-Britannique qui compte de nombreuses collectivités autochtones de très petite taille. Quand nous parlons de la capacité de faire ce travail, certaines de ces collectivités ont les capacités alors que d'autres sont très limitées.
    Je me demande si la capacité de base de la nation va l'empêcher, avec ce projet de loi, d'accomplir cette tâche.
    C'est un excellent exemple. Comme vous l'avez dit, vous savez autant que moi sinon mieux que la Colombie-Britannique est un bon exemple pour les collectivités qui décident de se rassembler parfois pour exercer la compétence et assumer le contrôle de leurs propres affaires.
    Dans ma circonscription, des efforts ont été déployés à cette fin, mais on leur a refusé la possibilité parce qu'on les considérait toujours, malgré le regroupement de petites collectivités, comme n’étant pas assez importantes pour le faire.
    Je veux juste m'assurer que cela va être prévu dans le projet de loi quand il va entrer en vigueur, car nous savons qu'il sera adopté, puisqu'il s'agit d'un projet de loi du gouvernement.
    Les problèmes de capacité peuvent être associés à diverses raisons. La petite taille d'une collectivité en est une. Ce n'est pas la seule. Il se peut que ce soit à cause d'autres problèmes auxquels une collectivité fait face.
    Il faudra s'attaquer au problème de la capacité. Si votre collectivité est vraiment petite, il peut être difficile de gérer un système global. Cela ne signifie pas que vous ne devriez pas faire partie d'un regroupement ou qu'il n'y a pas de façon de gérer cela.
    Je parlais des nations autonomes. Elles sont nombreuses à ne pas avoir opté pour la loi ou à avoir décidé de ne pas se soumettre à la loi parce qu'elles estimaient ne pas nécessairement avoir les économies d'échelle pour la gestion d'un système de santé, par exemple. C'est la raison pour laquelle en Colombie-Britannique, vous avez une autorité sanitaire des premières nations, comme vous le savez, qui offre des services de soins de santé à toutes les Premières Nations à l'échelle de la province.
    En pareil cas, il est difficile d'émettre une hypothèse au cas par cas, mais le but n'est pas d'exclure quelque collectivité que ce soit en raison de sa taille. Ce n'est pas là le but. Elles ont toutes les mêmes droits et elles doivent toutes être respectées de la même manière. Cependant, d'un point de vue pratique, c'est le type de discussion qu'elles vont devoir avoir, à savoir quels sont les moyens qu'il leur faut pour réaliser leurs ambitions. Dans certains cas, cela signifiera peut-être qu'elles devront travailler avec d'autres si elles trouvent que c'est la meilleure façon d'obtenir la capacité nécessaire à cette fin.
    L'une des choses, c'est qu'on demande aux collectivités autochtones de se fier à l'esprit de ce projet de loi pour avoir la garantie d'obtenir les ressources nécessaires pour faire le travail. Nous savons que dans le budget 2018-2019, il n'y a pas un sou pour la mise en œuvre de cela. Je me demande comment je peux dire aux collectivités autochtones de ce pays d'avoir confiance.
(1000)
    La confiance, oui. Le projet de loi fait une chose très novatrice, comme on l'a mentionné. On ne reconnaissait pas les compétences comme on le fait dans le projet de loi. C'est donc quelque chose de très exceptionnel.
    Nous avons discuté de services à l'enfance et à la famille avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis bien avant de proposer ce projet de loi. Comme quelqu'un l'a dit, il y a eu la réunion extraordinaire en janvier 2018. Même pour ce qui concerne le financement, nous avons presque doublé le budget pour le système existant. Cependant, on a aussi mentionné, lors d'une discussion au Tribunal canadien des droits de la personne, qu'il fallait également réformer le système, et cela fait partie de la réforme. Même maintenant, si vous regardez du côté de l'autonomie gouvernementale, il y a des négociations à l'échelle du pays. Parce que nous avons en fait mis l'accent sur les services à l'enfance et à la famille, au cours des dernières années, de plus en plus de Premières Nations ou de groupes autochtones qui négocient en vue de leur autonomie gouvernementale se concentrent sur les services à l'enfance et à la famille, et des ressources sont prévues pour ces négociations. Nous ne sommes donc pas sans ressources en ce moment. Nous faisons des choses, et nous investissons plus d'argent dans le système.
    Si une collectivité autochtone se présentait à la table en ce moment et disait vouloir ajouter cela au processus de négociation, le gouvernement ne ferait pas qu'appuyer cela, mais il y consacrerait également des ressources?
    Sous le régime de l'autonomie gouvernementale, en ce moment, il y en a un nombre important en fait, oui.
    J'ai une autre question. Pourquoi utilise-t-on le terme anglais « apprehension », qui est traduit par « prise en charge » en français? C'est très dépassé. En ce moment, les expressions les plus souvent utilisées en anglais sont « child removal » et « placement in alternative care ». Je me demande pourquoi on a choisi cette expression.
    Je vais laisser quelqu'un d'autre expliquer pourquoi on utilise « apprehension » en anglais plutôt qu'autre chose.
    La question a été soulevée, et c'est essentiellement pour utiliser le même langage que dans les autres lois. Le terme « apprehension » est utilisé en ce moment. C'est ce que nous utilisons dans ce projet de loi par souci d'uniformité.
    D'accord.
    L'une des autres choses que j'ai remarquées, c'est que le projet de loi ne traite pas vraiment de la nécessité d'une collecte de données techniques. Certaines collectivités ont de la capacité alors que d'autres en ont très peu. Je veux avoir la certitude que le soutien est là avant et après… Je crois que c'est aussi important: il faut s'assurer qu'elles ont le soutien technique avant, pour l'établissement de ces mesures législatives internalisées. Elles ont besoin de ce soutien ainsi que de la collecte de données. Je me demande pourquoi cela n'a pas été inclus du tout.
    Comme je l'ai mentionné précédemment, ce projet de loi fait partie d'un plan général. Il y a six points. Les données font partie de ce plan. Nous travaillons avec les partenaires, mais également avec les provinces et territoires, car cela aura un effet important sur eux. C'est une discussion que nous devons avoir avec eux. Ces questions font donc l'objet de discussions et on s'en occupe. Ce n'est pas dans le projet de loi, car comme je l'ai mentionné, la loi se concentre sur ce qu'il est préférable de résoudre et sur les choses pour lesquelles il y avait un important consensus. Il est question de la compétence, et il est question de la protection des peuples autochtones dans le système existant.
    Cela fait partie de la réforme générale. Le projet de loi est un outil que nous avons pour résoudre une partie du casse-tête, si vous le voulez, mais pas tout ce qui doit être résolu. Cependant, nous reconnaissons que ce sera un défi et que nous devrons nous y attaquer.
    Voilà qui met fin à l'intervention de Mme Blaney. Nous allons passer à M. Yves Robillard.

[Français]

    Pour de nombreux enfants, la fourniture de soins se fait actuellement dans un cadre non autochtone. Comment ce projet de loi va-t-il les toucher?
    Madame Gros-Louis, voulez-vous répondre?
    Cette situation est abordée à l'article 16 du projet de loi. On demande que chaque cas soit réévalué régulièrement. Dans le cadre de cet exercice, on examine la situation et on encourage en tout temps la réunification des enfants avec leur propre famille. Dans le projet de loi, on veut assurer que la situation de ceux qui se trouvent présentement dans des foyers d'accueil est évaluée régulièrement et que, lorsque c'est dans l'intérêt supérieur de l'enfant, celui-ci peut réintégrer sa famille.
(1005)
    L'Assemblée des chefs du Manitoba a déclaré que ce projet de loi...

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. J'ai remarqué le timbre. Nous aimerions certainement avoir le consentement unanime pour continuer. Nous pourrions peut-être surveiller l'heure et nous accorder 10 minutes pour nous rendre à la Chambre.
    J'allais dire que je pense que nous pouvons poursuivre pendant 20 minutes. Je pense que c'est légitime; nous sommes dans le même immeuble que la Chambre.
    C'est pour cela que nous sommes ici.
    Oui, exactement. C'est donc parfait.
    Allez-y, monsieur Ouellette.
    J'ai remarqué dans l'horaire que la plage de 12 h 30 à 13 h 30 est à déterminer.
    Je suis désolée. J'ai essayé de condenser la journée, mais sans succès. Je saisis l'occasion pour dire au Comité que nous devons rester pour la dernière plage horaire, car une de nos délégations ne peut pas venir à 11 h 30, et nous allons siéger jusqu'à 13 h 30.
    Veuillez prendre note dans votre horaire que cela n'a pas été possible. Nous pensions pouvoir...
    Est-il possible d'être certain que ces fonctionnaires — car je crois que c'est la partie la plus technique, qui est très importante — peuvent rester un peu plus longtemps, si nous faisons une pause pour voter? Ce sont des questions très importantes, et si nous n'avons qu'un seul groupe de témoins, ils peuvent parler longuement d'une question, mais...
    Ils pourraient revenir à 12 h 30.
    Nous essayerons d'être le plus efficaces possible.
    Allez-y, madame McLeod.
    La motion vise à obtenir le consentement unanime pour ne partir que 10 minutes avant le vote, car le timbre sonne.
    Je pense que, par égard aux autres rendez-vous pris, nous devrions poursuivre et leur donner le plus de temps possible.
    Merci.
    Oui. Nous allons rester...
    Savons-nous l'heure à laquelle...
    Nous avons 28 minutes avant le vote, et nous pouvons donc rester encore 15 ou 18 minutes.
    Nous sommes dans le même immeuble.
    Très bien.
    Est-ce que cela convient à tout le monde? D'accord.
    Où en sommes-nous?
    Vous avez la parole, monsieur Robillard.

[Français]

    Les représentants de l'Assemblée des chefs du Manitoba ont déclaré que ce projet de loi ne faisait que maintenir le statu quo et qu'il laissait le contrôle entre les mains des provinces.
    Comment voyez-vous cela? Comment ce projet de loi les appuierait-il?
    Nous ne voyons pas le projet de loi de cette façon. Ce n'est pas dans cette optique qu'il a été rédigé. Ce n'est pas non plus ce que les Premières Nations de bien d'autres régions ont vu et lu dans ce projet de loi. Je peux toujours comprendre qu'il y ait des craintes au Manitoba, compte tenu surtout qu'il y a eu une volonté de dévolution au cours des 10 dernières années et que cela n'a pas nécessairement produit de résultats.
    Comme je l'ai mentionné déjà, certains éléments du projet de loi répondent, d'après moi, aux attentes des Premières Nations du Manitoba. D'abord, une de leurs ambitions est d'aller de l'avant avec leur propre loi. Celle-ci leur offre l'occasion de le faire. Les standards minimums qui s'y trouvent n'existeront que si les Premières Nations, les Inuits et les Métis ne créent pas d'autres standards. Si l'Assemblée des chefs du Manitoba décide d'aller de l'avant avec sa loi et ses propres standards, elle sera appuyée. Cela procurera à l'Assemblée un appui du fédéral sur le plan juridique qu'elle n'aurait pas obtenu autrement.
    De plus, contrairement à ce qui s'est fait dans le passé, cette loi s'applique aussi à l'extérieur des réserves. Cela aide beaucoup les Premières Nations qui sont surtout liées à des traités historiques. Elles pourront effectivement élaborer une approche qui touchera toute leur population, et pas seulement celle qui vit dans les réserves. Nous sommes plus qu'heureux de poursuivre le dialogue avec les Premières Nations du Manitoba. Nous pensons vraiment que cette loi servira à soutenir l'élaboration de leur propre loi. Le but n'est pas de remplacer la volonté d'autodétermination exprimée par les Premières Nations du Manitoba.
(1010)

[Traduction]

    Je vais partager mon temps, madame.
    Nous avons quatre minutes. Je vais saisir l'occasion, si c'est possible.
    Bien sûr. Je vous en prie.
    Malheureusement, le Manitoba a tenté — je suis parfaitement d'accord — de confier le pouvoir aux organismes. À l'époque, j'étais ministre au sein du gouvernement. Je pense qu'on a tenté de faire la bonne chose, et le système a échoué. Des enfants sont décédés; les chiffres ont grimpé.
    Il est bon d'entendre que de nouveaux modèles sont mis de l'avant. Un de ceux sur lesquels j'aimerais vraiment qu'on fasse le point est celui qui a été mis en oeuvre à Nelson House. À la Première Nation de Nelson House, j'ai cru comprendre qu'on a mis en place un nouveau modèle dans lequel les enfants sont la priorité et peuvent rester à la maison, aller à l'école et être dans leur collectivité lorsque de l'aide est donnée aux parents.
    Un de vos fonctionnaires peut peut-être faire le point pour nous, décrire ce qui a été mis en oeuvre et parler du fait que toutes sortes de personnes qui observent les progrès réalisés vous félicitent.
    Je demanderais à Joanne d'en parler. Je ne veux pas brosser qu'un portrait sombre de la région. Au Manitoba, j'ai vu des organismes qui ont considérablement réduit le nombre d'enfants pris en charge en travaillant avec les collectivités et en essayant de trouver des solutions qui diffèrent de celles du système existant. Des personnes tentent de faire les choses différemment, et la mesure législative vise tout simplement à exploiter ce potentiel.
    Nelson House est un excellent exemple. Il y a beaucoup d'endroits d'un bout à l'autre du pays où de nouveaux modèles sont essayés. L'exemple dont vous avez parlé où les enfants sont ceux qui restent à la maison alors que les parents en entrent et en sortent est également étudié dans d'autres régions du pays. Ce modèle a connu du succès.
    Toutefois, comme l'a dit la sous-ministre, cela montre vraiment que tout dépend du champ de compétence et que les réponses sont dans les collectivités. Elles ne sont pas ici, mais dans les collectivités, car celle-ci, Nelson House, et d'autres ont trouvé des solutions qui fonctionnent pour elles. C'est vraiment le but ici, c'est-à-dire être en mesure d'ouvrir la porte pour que les collectivités puissent avoir cette discussion, que les familles aident à cerner les difficultés et les lacunes, à déterminer comment examiner de nouveaux modèles et mettre cette information en commun au sein des nations, et être en mesure de garantir que les gens apprennent au fur et à mesure.
    Cela met fin à nos sept minutes.
    Nous allons passer à M. Kevin Waugh.
    Je n'arrive toujours pas à croire que le ministre a employé le mot « enlèvement ». Avec tout le respect, les travailleurs sociaux qui s'occupent d'enfants autochtones au pays ainsi que les dirigeants provinciaux et territoriaux méritent une excuse.
    Je viens tout juste de lire un article du StarPhoenix de ma ville, Saskatoon, qui parle de « prévention plutôt que d'arrestations ». J'aurais souhaité que le ministre emploie ce terme plutôt que de parler d'« enlèvement ».
    Comment allons-nous prévenir cela en partie? Quand j'ai regardé le projet de loi sur le cannabis déposé par le gouvernement, j'ai vu qu'on ne prévoyait d'abord que peu de sensibilisation ou aucune. Par exemple, on ne prévoyait pas de se rendre dans les écoles. On avait beaucoup d'argent, mais on ne prévoyait pas s'adresser au principal groupe touché dans cette mesure législative.
    Par conséquent, comment allez-vous faire de la prévention? Où allez-vous commencer et quel sera le montant dépensé à cette fin?
    Je suis d'accord avec les députés présents qui disent qu'il est bien de parler de l'Assemblée des Premières Nations, des Inuits et des Métis, mais il faut que cela passe par la population locale. Beaucoup d'aspects de ce projet de loi me posent problème, car j'ai vu comment le gouvernement adopte des mesures législatives sans passer par la population locale, et nous avons alors des problèmes majeurs.
    Commençons par la prévention. Avez-vous fait le tour de la question?
    Nous ne travaillons pas uniquement avec l'Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l'Inuit Tapiriit Kanatami. Nous organisons aussi des rencontres trilatérales à l'échelle régionale. Nous avons des discussions avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits d'un bout à l'autre du pays.
    Comme je l'ai déjà mentionné, ce n'est pas ce que cette mesure législative essaie de faire, et pour répondre à votre question, je dois résister à la tentation de décider ce que la prévention doit être. Il faudrait que cela vienne des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ce que fait ce projet de loi, c'est ouvrir cette porte et créer cet espace où une discussion à ce sujet aurait lieu.
    À l'heure actuelle, nous payons des frais. Nous payons pour le système des Premières Nations. Nous ne donnons pas nécessairement de moyens aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis pour décider quel type de système ils veulent. C'est ce que nous voulons maintenant forcer, pour amorcer le dialogue, mais il faudra que cela vienne des Premières Nations, des Inuits et des Métis. S'il n'est question que du transfert des responsabilités du système actuel, nous risquons de reproduire ce que nous avons déjà reproduit.
    Ce n'est pas le problème des travailleurs sociaux. Ce n'est pas leur faute individuellement. Le système repose là-dessus, et ils tiennent compte des règles du jeu, qui les amènent à prendre des décisions qui sont parfois à court terme, mais qui ont d'importantes répercussions à long terme sur les enfants et les familles.
    Quelle est la solution magique pour la prévention? Je pense vraiment qu'avec toute l'approche novatrice en matière de prévention et de sensibilisation, au bout du compte, mis à part les principes qui doivent exister pour tout le monde, la solution viendra des collectivités et des nations.
    Le cas de Nelson House est intéressant parce qu'il est différent, mais j'ai donné des exemples de collectivités qui travaillent pleinement avec les organismes pour examiner les meilleures façons de répondre aux besoins des enfants et ne s'occuper de protection qu'à la dernière minute, ou en dernier recours.
    Je ne sais pas si vous voulez en dire plus.
(1015)
    Je ne vais mentionner qu'une autre chose sur la mise en oeuvre.
    Le ministre l'a brièvement mentionné, mais nous travaillons avec des partenaires pour examiner des modèles de gouvernance axés sur les caractéristiques distinctes en ce qui a trait à la transition. Comme on l'a dit, ce n'est pas une chose qui changera du jour au lendemain dans chaque collectivité. L'idée est de faire fond sur les tables de discussion trilatérale qui existent partout au pays, mais d'avoir une structure de gouvernance axée sur les caractéristiques distinctes pour examiner ces questions de mise en oeuvre et de transition, y compris le financement — comment faire fond sur ce que nous avons maintenant pour en venir à une nouvelle méthode de financement. C'est le genre de choses que ces comités pourraient examiner.
    Je vous remercie de ces démarches, car beaucoup de bandes dans ma province entretiennent une rancoeur contre la fédération des nations autochtones souveraines, la FSIN, et c'est très axé sur la FSIN. C'est en grande partie ainsi. On a fait un grand travail dans ce dossier. Quand je parle aux bandes, elles sont nombreuses à me dire: « C'est la FSIN. C'est nous maintenant. »
    Le conseil tribal de Meadow Lake, par exemple, est un peu en désaccord avec la FSIN et il voit les choses différemment. Je ne pense pas que nous ayons enlevé assez de pelures à l'oignon pour arriver jusqu'à ces groupes locaux, si c'est ce que vous voulez m'entendre dire.
    Cela dit, je vois que dans ma province, comme je l'ai dit au ministre, on ne parle que d'emplois. Le ministère des Services sociaux parle maintenant des emplois qui viennent avec ce ministère. Vont-ils disparaître? Quel est le problème maintenant pour ce qui est des emplois dans la province? Je vois cela comme un énorme problème alors que le vice-chef David Pratt de la FSIN s'en prend au gouvernement provincial.
    À l'Assemblée législative à Regina, si je peux me permettre de le dire, on met maintenant trop l'accent sur l'emploi au détriment des enfants. Je ne pense pas que nous ayons enlevé assez de pelures à l'oignon pour parvenir à la population locale.
    Vous pouvez tout simplement dire à ces groupes que le projet de loi ne leur impose pas le système en place. Nous ne disons pas que le système en Saskatchewan devrait être géré par la FSIN ou une autre organisation. Nous disons que les titulaires de droits peuvent trouver la solution au problème auquel nous faisons face. Il leur revient de trouver les solutions au niveau souhaité.
    Nous allons terminer avec M. Mike Bossio.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup de votre présence. Il y a eu d'excellents témoignages, d'excellentes explications et d'excellentes précisions sur la mesure législative.
    Je voulais souligner une chose. J'ai eu la chance de participer aux consultations sur ce projet de loi à Toronto, où tous les chefs de la province ont été consultés. À mon avis, on a consulté la population locale, et on a tenu très sérieusement compte de leurs observations dans l'élaboration du projet de loi.
    Plus tôt, vous avez dit que des transferts aux provinces d'une valeur de 1,2 milliard de dollars sont en cours pour ce qui est des soins. Du point de vue du financement, alors que nous faisons la transition vers cet autre modèle, plutôt que de transférer l'argent aux provinces pour qu'elle s'en occupe, cette enveloppe ne pourrait-elle plutôt servir aux collectivités qui se chargent dorénavant des services à l'enfance?
(1020)
    Cela fait partie de la discussion. Des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont mentionné que l'enveloppe actuelle croissante sert surtout à la protection. Par conséquent, si vous réduisez la protection, peut-on prendre ces fonds pour faire plus de prévention? De toute évidence, ce sont des discussions que nous aurons avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
    Comme Joanne l'a mentionné, nous assumons les frais des organismes tant pour la protection que pour la prévention. Cet argent ne va pas disparaître, et il est donc question du financement du système que les Premières Nations, les Inuits et les Métis veulent. Je ne dis pas qu'il n'y a rien de bon dans le système actuel. Tout ce que je dis, c'est que ceux qui sont dans ce système devraient avoir leur mot à dire sur ce qu'ils veulent.
    Vous avez expliqué très clairement l'importance d'avoir une loi créée par les Autochtones, axée sur eux et orientée par eux. Nous parlons de la multitude de règlements qui pourraient s'ajouter et nuire à ce processus. Au bout du compte, si je lis bien vos observations précédentes, c'est la loi autochtone qui aura préséance et, par conséquent, le régime réglementaire connexe l'emportera sur les règlements fédéraux ou provinciaux.
    Des dirigeants de Premières Nations nous ont dit que des familles et des enfants forts font une nation forte. Cela signifie que cela part de là; c'est au coeur de leur identité — avec la langue, bien entendu, et quelques autres éléments.
    Dans ce cas-ci, cela fait partie du processus de décolonisation. Comment faire en sorte que les Premières Nations, les Inuits et les Métis décident comment ils veulent régler la situation? Cela ne signifie pas que les solutions seront radicalement différentes à certains égards; cela signifie qu'elles leur appartiendront, que ce seront les leurs. Ils pourront procéder ainsi.
    Comme vous le savez, c'est un objectif général au sein du ministère. J'ai l'habitude de dire à mon personnel que nous devrions être une espèce en péril qui cherche à causer sa propre extinction, car au bout du compte, les services doivent être offerts par ceux qui en ont besoin. Pour qu'ils soient adaptés aux besoins de la population, ils doivent être offerts par les gens sur le terrain. Cela fait partie de cette approche.
    Ce que cela procure et la force de ce projet de loi, c'est un cadre. Ce n'est pas une approche universelle; chaque région du pays aurait une solution différente qui pourrait être proposée pour régler le dossier.
    Nous ne sommes jamais parvenus à un consensus, y compris entre nous, lorsque nous avons tenté de définir à quoi devrait ressembler le système. Nous avons de l'expérience en la matière, à savoir la Loi sur les Indiens. Ce n'était pas l'objectif. L'objectif est de dire, si vous voulez prendre le contrôle, que c'est possible, car c'est votre champ de compétence.
    La seule chose que nous disons dans la mesure législative, c'est que si vous ne prenez pas le contrôle, nous voulons être certains que les enfants continueront d'être protégés d'une meilleure façon à l'avenir. En revanche, si vous prenez le contrôle, nous voulons être certains qu'il y a des échanges avec d'autres administrations, car nous sommes une fédération. Nous savons qu'il y a des problèmes de chevauchement de compétences, et il faut les régler dans la mesure du possible.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous devons suspendre la séance. Nous allons probablement revenir vers 10 h 50, et nous commencerons alors l'autre partie de la séance. Les membres peuvent-ils réfléchir à la façon dont nous allons probablement devoir modifier notre processus de manière à avoir une période de temps raisonnable pour nos témoins et la période de questions.
    Monsieur Ouellette, êtes-vous satisfait?
    Je voulais juste demander pour le compte rendu quelles seront les conséquences à l'intérieur et à l'extérieur des réserves pour les enfants, mais les fonctionnaires pourraient peut-être faire parvenir l'information.
    Vous devrez attendre à la prochaine fois. Ils auront peut-être l'amabilité de présenter quelque chose. Nous en serions reconnaissants.
    Merci. Nous allons voter.
(1020)

(1055)
    Merci de votre patience. Nous sommes désolés d'avoir dû nous absenter et de ne pas commencer à temps, mais nous sommes maintenant impatients de nous y mettre.
    Une fois de plus, nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin. Nous étudions le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ce qui est, de toute évidence, extrêmement important pour tous les Canadiens.
    Devant nous, nous avons le chef Robert Bertrand, qui représente le Congrès des Peuples Autochtones, ainsi que Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada.
    Selon mes notes, Robert sera le premier à prendre la parole, mais si vous avez changé l'ordre, cela ne me pose aucun problème.
    Excusez-moi; nous aurons moins de temps, donc...
    Allez-y, madame McLeod.
    Madame la présidente, si nous pouvions prendre une minute — sans empiéter sur le temps consacré à nos témoins — pour décider comment nous allons nous y prendre?
    Nous avons un autre vote qui s'en vient à 11 h 48. Si nous poursuivons avec ces témoins jusqu'à 11 h 40, cela nous laissera huit minutes pour monter jusqu'à la Chambre.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: Oui.
    Il faudra peut-être ensuite faire les ajustements nécessaires relativement à nos quatre derniers témoins. Peut-être pourrions-nous établir un plan pendant que nous entendons ces témoins-ci.
    Merci.
    Oui.
    Allons-nous tout de même laisser 10 minutes à chaque témoin pour son exposé ou le Comité souhaite-t-il plutôt réduire le temps alloué à cette fin?
    Des députés: Non, non.
    La présidente: Vous avez 10 minutes chacun, après quoi nous déciderons si nous voulons des tours à cinq ou à sept minutes.
    Des députés: Cinq minutes.
    La présidente: Nous aurons des tours où chacun aura droit à cinq minutes. Voilà, nous avons un plan.
    À vous la parole.
    Je tiens à mes sept minutes. C'est le seul moment où je peux poser mes questions. Vous avez plusieurs chances de le faire, mais j'ai seulement mes sept minutes.
    Écoutons d'abord les exposés de nos témoins.
    Nous en discuterons un peu plus tard.
    À vous la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour à tous les membres du Comité ainsi qu'à toutes les personnes ici présentes.
    Je suis le chef national Robert Bertrand du Congrès des Peuples Autochtones. Je suis accompagné de M. Jim Devoe, notre chef de la direction. Il est avec moi aujourd'hui parce qu'il a travaillé pendant une quinzaine d'années dans le secteur de l'aide à l'enfance.
    Je suis heureux d'être des vôtres et je tiens à souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin et de ses descendants.
    Merci de nous avoir invités à comparaître pour vous parler du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Nous avons de sérieuses appréhensions concernant ce projet de loi qui ne répond pas aux besoins particuliers des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves et en milieu urbain et qui va de ce fait marginaliser encore davantage nos membres.
    J'aimerais d'abord et avant tout vous dire un mot du Congrès des Peuples Autochtones (CPA). Depuis plus de 48 ans, notre organisation nationale défend les droits et les intérêts des Indiens inscrits ou non inscrits vivant hors des réserves et des Métis de tout le Canada ainsi que des Inuits du sud du Labrador.
    Selon notre vision des choses, tous les Autochtones du Canada devraient bénéficier de la meilleure qualité de vie qui soit grâce à la reconstruction de nos nations. Tous les citoyens autochtones ont le droit d'être traités avec respect, dignité, intégrité et équité. Nous devons nous assurer que cette vision demeure au cœur de nos priorités au bénéfice de nos enfants et de nos jeunes.
    Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, plus de 70 % des Autochtones au Canada vivent aujourd'hui à l'extérieur des réserves, en milieu urbain ou dans des régions rurales ou éloignées. Nous savons que cette situation est en grande partie attribuable à la dissolution des familles autochtones en raison des placements dans les pensionnats indiens, des interventions de la protection de la jeunesse, des incarcérations et des autres formes d'institutionnalisation.
    Nous devons en partie ce projet de loi à l'initiative des communautés des Premières Nations et aux efforts inlassables de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. En faisant en sorte que la loi s'applique également aux membres des Premières Nations, aux Métis et aux Inuits vivant à l'extérieur des réserves, on cherche à répondre aux besoins de ceux et celles qui sont représentés par le Congrès des Peuples Autochtones.
    J'aimerais maintenant vous présenter la position du CPA concernant le projet de loi  C-92.
    Nous savons que le système canadien d'aide à l'enfance est dans son ensemble déficient et que certaines de ces lacunes risquent d'être reproduites dans ce projet de loi. Nous craignons que l'on impose aux communautés autochtones le système d'aide à l'enfance dans sa forme actuelle en espérant obtenir un résultat différent. Avant de transférer cette responsabilité, il nous faut revoir complètement la manière dont nous offrons les services et les programmes d'aide à l'enfance. Ce transfert ne devrait pas marquer la fin de toute responsabilité de l'État à l'égard de nos enfants, de nos familles et de nos communautés.
    Nous estimons nos membres tout à fait capables d'administrer leurs propres systèmes d'aide à l'enfance et nous voulons nous assurer qu'ils profitent du soutien nécessaire pour surmonter les difficultés associées à un tel mandat. Cette loi ne devrait pas servir à transférer le fardeau du colonialisme intergénérationnel sur le dos des communautés autochtones. S'il n'est pas assorti d'un financement suffisant et d'une prise de conscience du contexte politique et socioéconomique, ce projet de loi ne permettra pas une pleine prise de contrôle par les Autochtones.
    Je vais maintenant vous faire part de nos réserves concernant certains aspects précis de la loi proposée.
    Le paragraphe 9(1) et l'article 10 traitent du principe de l'intérêt de l'enfant. Ce principe est profondément ancré dans le système colonial et témoigne d'une compréhension non autochtone des concepts de communauté, de famille et de place d'un individu dans la société.
    Nous pouvons voir une opposition inhérente entre les droits de l'enfant en tant que personnes suivant la définition de l'État et les droits collectifs des peuples autochtones. Un enfant s'inscrit dans une lignée ancestrale marquée par des relations complexes et représente l'avenir de la communauté. Nous croyons que la loi devrait permettre aux communautés autochtones de déterminer elles-mêmes quel est l'intérêt supérieur de l'enfant et quelles limites il convient d'imposer à l'application de ce concept.
(1100)
    Il faut que des précisions soient apportées quant à la façon dont le gouvernement définit ce qu'on entend par corps dirigeant autochtone. Selon la définition actuellement utilisée, il s'agit d'un conseil, d'un gouvernement ou d'une autre entité autorisé à agir pour le compte d'un groupe, d'une collectivité ou d'un peuple autochtone titulaire de droits reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous voudrions que l'on précise si les fournisseurs de services et les organisations autochtones en milieu urbain sont considérés comme des corps dirigeants autochtones. Qui confère des pouvoirs à ces organisations et qui fournira des services à tous les Autochtones en milieu urbain?
    L'article 15 du projet de loi tient compte des considérations socioéconomiques. Le plus souvent, les enfants sont à risque en raison des politiques coloniales, de la discrimination systémique et des traumatismes intergénérationnels. Tous les ordres de gouvernement doivent faire le nécessaire afin que les collectivités et les familles bénéficient du soutien dont elles ont besoin pour assurer le mieux-être des enfants avant que l'on ne s'en remette à des interventions comme la prise en charge.
    Cette loi ne devrait pas imposer aux fournisseurs de services d'aide à l'enfance tout le fardeau des conséquences du colonialisme. Le gouvernement doit être tenu d'éradiquer les causes profondes de la dégradation des communautés autochtones et de la vulnérabilité des enfants avant même que l'on songe à faire appel aux services d'aide à l'enfance. La loi devrait obliger le gouvernement à offrir aux communautés et aux familles des services extrajudiciaires adaptés.
    Le paragraphe 18(1) du projet de loi offre aux corps dirigeants autochtones la possibilité de collaborer avec les provinces pour prendre la responsabilité des services d'aide à l'enfance. On ne précise pas quelles pourraient être les répercussions pour les Indiens non inscrits, les Autochtones vivant à l'extérieur d'une réserve et les Métis de toutes les régions du Canada. À titre d'exemple, quels pourraient être les impacts pour un enfant métis vivant dans la région d'Ottawa si lui et sa famille ne sont pas des membres inscrits du Ralliement national des Métis et appartiennent à une communauté autochtone en milieu urbain? Auraient-ils droit à des services à l'enfance et à la famille adéquats, appropriés et adaptés à leur culture?
    On ne sait pas non plus si des problèmes de compétence pourraient opposer les fournisseurs de services provinciaux ou territoriaux et les corps dirigeants autochtones relativement au traitement des familles non affiliées. Le projet de loi devrait préciser clairement la marche à suivre pour aiguiller des enfants et des familles d'Autochtones vivant hors réserve, d'Indiens non inscrits, de Métis et d'Inuits vers les agences d'aide à l'enfance autochtones capables de leur offrir l'assistance nécessaire.
    Enfin, le projet de loi ne prescrit aucune obligation précise quant aux fonds à investir pour combler les lacunes actuelles quant aux services offerts aux Autochtones vivant hors réserve, aux Indiens non inscrits et aux Métis. Parmi les besoins de financement au titre desquels le projet de loi devrait prévoir des mesures concrètes, notons ceux qui visent le développement par les organisations autochtones des lois, de l'expertise et des ressources nécessaires en matière d'aide à l'enfance; les arrangements de prise en charge par la parenté, qui doivent être assortis d'un soutien complet ne se limitant pas à des allocations mensuelles; la mise à disposition hors réserve de ressources pour les fournisseurs de service à l'enfance et à la famille autochtones, métis et inuits qui s'efforcent de mettre en place les mesures nécessaires pour les membres de leur communauté; et le soutien aux fournisseurs de services à l'enfance et à la famille autochtones, métis et inuits afin qu'ils puissent continuer à offrir des soins et des services aux enfants et aux familles qui déménagent de manière à maintenir une relation d'aide continue via des ententes avec d'autres fournisseurs de services à l'enfance et à la famille.
    Nous ne pouvons pas passer sous silence l'ampleur des répercussions néfastes des ratés du système de l'aide à l'enfance sur nos membres.
    En conclusion, je tiens à souligner que le Congrès des peuples autochtones et ses 10 organisations affiliées n'ont pas été consultés dans le cadre du processus conjoint d'élaboration de ce projet de loi. Il s'agit là d'une très grave omission, car cette mesure législative semble avoir pour but de répondre aux besoins de ceux-là mêmes que nous représentons, à savoir les Autochtones vivant hors réserve, les Métis et les Inuits.
(1105)
    Je serais ravi de répondre à toutes vos questions.
    Meegwetch. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à notre deuxième témoin, Mme Cindy Blackstock.
    Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je tiens à souligner moi aussi que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
    Je veux également saluer Jordan River Anderson qui sera honoré le 10 mai prochain à l'occasion de ce que nous appelons la Journée de l'ourson témoin. J'ose espérer que tous les parlementaires se joindront à nous pour honorer la mémoire de ce garçon très spécial qui nous a légué un héritage qui commence à bénéficier à de nombreux enfants canadiens.
    Comme je ne suis pas titulaire de droits, je ne vais pas me prononcer dans un sens ou dans l'autre relativement à ce projet de loi. Je suis travailleuse sociale et je suis active dans ce domaine depuis plus de 30 ans. Je travaille pour la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, une organisation autochtone nationale qui s'emploie à offrir les meilleurs conseils spécialisés possibles et, dans le contexte du Tribunal canadien des droits de la personne, les ressources nécessaires pour que les Premières Nations puissent faire valoir leur droit de s'occuper de leurs enfants comme bon leur semble.
    Je veux avant tout faire ressortir deux éléments importants. Il y a d'abord le fait que ce projet de loi ne traite pas du financement. Je veux faire valoir que l'on aurait tort d'établir ainsi une distinction entre les questions de compétence et de financement. C'est selon moi une grave erreur. Je ne vais pas vous demander d'inclure un montant d'argent dans ce projet de loi, mais je vous encouragerais à y enchâsser les principes de financement permettant de satisfaire aux exigences établies en la matière par le Tribunal canadien des droits de la personne.
    Dans un deuxième temps, j'aimerais vous parler de la façon dont les choses se passent dans la pratique. Je crois que ce serait une bonne idée que vous revoyiez certaines composantes du projet de loi dans ce contexte, y compris l'utilisation du terme « apprehension » dans la version anglaise. Ce terme n'est vraiment plus employé. On ne le retrouve pas dans la loi de la Colombie-Britannique, pas plus que dans celle de l'Ontario et celle de la Nouvelle-Écosse. Je peux en tout cas vous assurer qu'il n'est pas utilisé par ceux qui comme moi travaillent dans ce domaine depuis de nombreuses années.
    Avant de traiter plus à fond de ces deux questions, j'aimerais aborder quelques aspects concernant plus particulièrement le gouvernement fédéral. Lorsqu'on l'a interrogé concernant le plan de l'Ourson Spirit visant à mettre fin aux iniquités dans la prestation de services publics pour les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, le ministre a indiqué qu'il n'écoutait pas les associations et qu'il ne les consultait pas. Je respecte sa position, mais je tiens tout de même à préciser une chose. Tous les chefs de l'Assemblée des Premières Nations ont adopté le plan de l'Ourson Spirit en décembre 2017. C'était la résolution no 92. C'est donc une mesure qui est appuyée par les titulaires de droits qui considèrent que c'est un pas important vers l'atteinte de l'objectif d'une accessibilité égale aux services pour toutes les familles.
    Je veux aussi glisser un mot sur la continuité de l'aide à l'âge adulte. Il ne s'agit pas d'une mesure optionnelle. C'est une exigence législative pour les systèmes d'aide à l'enfance, et je dirais même que c'est une obligation morale. Les enfants qui ont grandi dans le giron de l'aide à l'enfance ont besoin de cette passerelle vers le début de l'âge adulte sous la forme de mesures de soutien à la formation et à l'éducation postsecondaire et de services de santé mentale. J'ai eu le privilège et l'honneur de travailler directement auprès des Premières Nations pendant environ 25 ans, et je n'ai jamais entendu un de leurs membres soutenir que les services devraient être interrompus une fois qu'un enfant atteint l'âge de la majorité. J'ai entendu le ministre et ses collaborateurs parler des consultations tenues si bien que je suis étonnée que l'on s'interroge encore au sujet de la pertinence de maintenir les services à l'âge adulte. Je suis d'accord avec le réseau Youth in Care pour dire que ces services devraient être inclus.
    J'en arrive maintenant au cœur de mon exposé.
    Au paragraphe 212 de la décision historique du Tribunal canadien des droits de la personne qui a jugé inéquitable le financement offert par le Canada au titre de l'aide à l'enfance et discriminatoire son manquement à mettre en application le principe de Jordan, on cite une déclaration faite en 2012 par Michael Wernick, alors sous-ministre d'Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. Il parlait du rapport de la vérificatrice générale qui avait souligné le manque d'équité dans les services d'aide à l'enfance offerts aux Premières Nations. Il a alors dit quelque chose qui m'apparaît concerner directement la question du financement. Je vais simplement vous lire ce bref paragraphe. Voici ce qu'il a déclaré: « Un des aspects vraiment importants du rapport de la vérificatrice générale tient à ce qu'il indique l'existence de quatre conditions gagnantes ou perdantes. » Ces conditions sont énumérées au paragraphe précédent: fondement législatif, niveaux de service, résultats que le gouvernement tente de réaliser à ce chapitre et mécanismes de financement. Je reprends ma lecture de la décision:
On pourrait choisir l'une ou l'autre de ces conditions, par exemple une législation sans financement, ou un financement sans législation, et ainsi de suite, et cela pourrait se traduire par quelques résultats, mais ceux-ci seraient probablement, à notre avis, de nature temporaire. Si l'on veut un changement structurel durable, il faut combiner ces outils.
    Et il ajoute:
Avec tout le respect possible, je veux transmettre le message que si le Parlement exige de meilleurs résultats, il doit fournir de meilleurs outils.
(1110)
    Nul autre que Michael Wernick, qui était jusqu'à tout récemment greffier du Conseil privé au sein de ce gouvernement, établissait un lien entre le financement et la loi. L'un de ces éléments vous offre les pouvoirs nécessaires pour agir comme bon vous semble dans l'intérêt de vos enfants, alors que l'autre vous permet de concrétiser le tout.
    À mes yeux, le projet de loi C-92 dans sa forme actuelle confronte les Premières Nations à un véritable pacte avec le diable. Ou bien on accepte ce projet de loi imparfait en devant se contenter d'un simple espoir de financement ou l'on risque de voir cette fenêtre qui nous est offerte se refermer, et ce, peut-être pour de bon. Les droits inhérents des Premières Nations ainsi que la sécurité et le bien-être de leurs enfants, de leurs jeunes et de leurs familles ne devraient jamais être remis en question de cette manière. Le gouvernement fédéral doit en faire davantage pour se conformer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et à la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Je pense que nous pouvons tous convenir que nous recherchons ce qu'il y a de mieux pour les enfants des Premières Nations, des Métis et des Inuits et qu'il ne faut surtout pas se contenter de la médiocrité, un vestige du colonialisme.
    Je ne vais pas consacrer beaucoup de temps à la question des compétences, car je sais que vous allez recevoir les gens du Yellowhead Institute, lequel peut compter sur cinq professeurs de droit émérites qui ont procédé à une excellente analyse de ces enjeux. Je vais simplement vous dire que notre organisation adhère aux points de vue découlant de cette analyse. Nous souhaiterions bien sûr que les Premières Nations assument la responsabilité de l'aide à l'enfance, mais nous avons certaines réserves quant au libellé du projet de loi à cet égard.
    Je vais maintenant vous parler de financement. Dans sa formulation actuelle, le projet de loi reconnaît simplement qu'un financement est requis. C'est tout. On indique dans la partie traitant de la coordination que les Premières Nations devraient s'asseoir avec le gouvernement fédéral et les provinces en vue de négocier un accord de financement dans un délai d'un an. Si l'on ne parvient pas à conclure un tel accord, la loi va entrer en vigueur sans qu'il ne soit possible, faute d'argent, de mettre en œuvre les mesures qu'elle prévoit.
    Au fil des 12 dernières années, j'ai intenté, de concert avec l'Assemblée des Premières Nations, différentes poursuites contre le gouvernement du Canada afin d'obtenir un financement équitable pour l'aide à l'enfance. Nous étions encore devant le Tribunal canadien des droits de la personne, pas plus tard que la semaine dernière. Nous y serons à nouveau la semaine prochaine. Nous voulons seulement que l'aide à l'enfance soit financée adéquatement. Nous pouvons maintenant faire valoir pas moins de sept — et peut-être même huit — ordonnances légales contre le gouvernement du Canada dans nos efforts pour obtenir un financement équitable de l'aide à l'enfance au sein des Premières Nations.
    Nous disposons donc de certaines bases nous permettant d'espérer que ces négociations puissent se dérouler rapidement et permettre de progresser vers l'équité dans une mesure semblable à ce qu'il nous a été possible de réaliser par la voie des tribunaux. Nous voudrions que le Canada inscrive dans les articles exécutoires de la loi, et pas seulement dans son préambule, les principes clés établis par le Tribunal canadien des droits de la personne quant aux exigences de financement.
    L'égalité réelle est le premier de ces principes. Le tribunal a indiqué très clairement qu'il ne suffit pas au Canada d'offrir le même montant de financement pour les enfants autochtones que pour les autres, car l'iniquité qui perdure en matière de financement de l'aide à l'enfance a été à l'origine d'une situation particulièrement difficile créant des besoins plus criants pour les enfants autochtones, sans compter le fardeau des torts causés aux générations antérieures qui pèse sur eux. Pour que ces enfants bénéficient de chances égales dans la vie, il faut investir davantage pour leur venir en aide.
    Comme second principe, il faut tenir compte de la diversité des besoins des enfants et des familles selon la communauté où ils vivent. Comme vous avez pu le constater vous-mêmes dans vos circonscriptions respectives, les enfants des différentes communautés des Premières Nations ont des besoins qui leur sont propres. Il faut que le financement vise à servir au mieux l'intérêt des enfants, non pas dans un sens colonial, mais en souscrivant à l'observation générale du Comité des droits de l'enfant des Nations unies concernant les enfants autochtones et leurs droits. Cette observation offre un bon cadre pour interpréter la notion de l'intérêt des enfants dans une optique autochtone, en tenant pleinement compte des besoins culturels et linguistiques de l'enfant ainsi que du contexte particulier de sa communauté. Ce sont donc des principes de base qui devraient être enchâssés dans le projet de loi C-92.
    Je veux aussi demander aux membres du Comité d'envisager sérieusement la possibilité d'intégrer à ce projet de loi des mesures qui iraient un peu dans le sens du plan de l'Ourson Spirit. Sans cela, je crains que certaines des dispositions les plus importantes ne puissent tout simplement pas s'appliquer. Je vous explique pourquoi.
    Il y a dans ce projet de loi, une section traitant de la condition socioéconomique. On y indique qu'un enfant ne peut pas être pris en charge en raison de la pauvreté de sa famille, mais il faut savoir qu'il n'est d'ores et déjà pas possible de le faire au Canada. Aucune de nos lois en matière d'aide à l'enfance ne le prévoit. La pauvreté ne fait pas partie des motifs justifiant le retrait d'un enfant à sa famille; c'est seulement une condition sous-jacente à une telle prise en charge. Pas moins de 21 États américains en plus du district de Columbia reconnaissent le rôle joué par la pauvreté dans la problématique de l'aide à l'enfance. Leurs lois prévoient explicitement des mesures en ce sens, mais on va même plus loin. On ne se contente pas d'affirmer que la pauvreté est l'un des motifs pouvant mener à la prise en charge d'un enfant; on oblige également l'État à agir pour mettre fin à cette pauvreté.
(1115)
    Si vous appliquez le projet de loi C-92, mais en continuant de laisser traîner la crise du logement chez les Premières Nations et de tolérer le sous-financement des programmes destinés à la première enfance et ceux de lutte contre les toxicomanies, des Premières Nations pourront progresser, mais pas comme il le faut vraiment pour améliorer les conditions de vie et assurer l'épanouissement des enfants dans ces conditions.
    L'autre article important concerne les soins prénatals. Je sais que Mme McLeod, de votre comité, y tenait particulièrement. Nous soulignons absolument l'importance de ces soins, mais il faut les offrir à tous les membres de la famille. C'est indispensable.
    Votre temps est écoulé.
    Bon. J'attends vos questions.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Les premières questions viendront de M. Robillard.
(1120)

[Français]

    Je vous remercie de votre témoignage.
    Ma première question s'adresse au chef national Robert Bertrand.
    Dans un nouveau modèle de services à l'enfance et à la famille, préféreriez-vous que le financement soit prescrit dans le projet de loi à l'avance ou devrait-il se fonder sur les besoins des communautés et être déterminé en coordination avec les gouvernements fédéral et provinciaux?
    C'est assez difficile de déterminer le montant dont on a besoin si l'on ne connaît pas les besoins.
    La deuxième façon que vous avez mentionnée serait la façon la plus logique de procéder quant à ce projet de loi. Cela dit, j'ai mentionné au tout début que 70 % des Autochtones vivent maintenant hors réserve. Il faut aller voir ces gens-là et déterminer quels sont leurs besoins en ce qui concerne les enfants.
    À la lecture de ce projet de loi, on constate qu'il manque des éléments. Certains groupes ont été consultés et cela a été mentionné ce matin. Cependant, je peux vous assurer qu'une large majorité des gens n'a pas été consultée. Je crois sincèrement qu'on devrait consulter ces gens vivant à l'extérieur de la réserve si l'on veut avoir un bon portrait du problème.
    D'accord.
    J'espère que j'ai répondu à votre question, monsieur Robillard.
    Oui. Je vous remercie.
    Madame Blackstock, les normes nationales minimales qui sont énoncées répondent-elles aux besoins des enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans le système des services à l'enfance et à la famille?

[Traduction]

    Les membres du Comité sont censés avoir reçu la version annotée dans laquelle nous proposons des révisions au libellé du projet de loi. C'est la raison pour laquelle je vous l'ai envoyée.
    Il vous importe de savoir que, même si je reconnais vraiment l'avantage qu'offre la continuité culturelle, elle ne sera réalisable que si elle se double de mesures de financement. C'est vraiment une autre paire de manches, quand il faut du financement pour assurer la continuité culturelle, particulièrement pour des enfants séparés de leurs familles par leur envoi dans un pensionnat, la rafle des années 1960 et, maintenant, le système de protection de l'enfance. Maintenant adultes, ces enfants ont besoin d'être réunis avec leurs familles et leur communauté.

[Français]

    Le sénateur Murray Sinclair a qualifié le processus de codéveloppement autour de ce projet de loi de modèle pour la mise en oeuvre des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
    Pouvez-vous nous parler davantage de l'engagement relativement à ce projet de loi?

[Traduction]

    Je ne peux parler que de ma propre expérience. J'ai assisté à certaines séances de mobilisation. Chaque fois, j'ai entendu les chefs des Premières Nations réclamer du financement pour ce projet de loi. Cela ne fait pas partie, encore, de sa terminologie.
    Même s'il faut se réjouir que le gouvernement soit venu à la rencontre des gens, il importe vraiment de comprendre que, malgré la constance et la cohérence des messages, non seulement en ce qui concerne l'article sur l'engagement, mais à l'égard des Premières Nations, depuis des décennies, le projet de loi n'en parle pas toujours, pour des raisons qui nous échappent.
    Voilà pourquoi il serait vraiment utile de comprendre comment l'information a été rassemblée pendant les séances de mobilisation, comment on a décidé avec qui la mobilisation aurait lieu et, ensuite, comment on ferait la synthèse de l'information. Bien sûr, aussi, qui a décidé de ce qu'on conserverait et ce qu'on retrancherait?

[Français]

    Madame...

[Traduction]

    Avez-vous terminé? Y a-t-il autre chose?
    Ai-je encore le temps?
(1125)
    Il vous reste deux minutes.

[Français]

    D'accord.
    Est-ce que je peux répondre à cette question moi aussi?
    Bien sûr.
    J'aurais tellement aimé pouvoir vous dire ce matin ce que j'ai entendu à ces séances, mais malheureusement, le Congrès des peuples autochtones n'a jamais été consulté. On ne nous a jamais demandé notre opinion sur le projet de loi. Nous avons 10 organisations affiliées partout au Canada. Ces dernières représentent les Autochtones vivant à l'extérieur de la réserve. Je trouve un peu déplorable que le gouvernement fédéral n'ait pas consulté le Congrès des peuples autochtones ou ses organisations affiliées, qui sont dans toutes les provinces canadiennes, d'un océan à l'autre.
    Si nous avions été consultés, j'aurais pu vous dire quels sont les besoins et les souhaits de nos membres, mais malheureusement, nous ne l'avons pas été. Je le déplore énormément, monsieur Robillard.
    Merci.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Viersen.
    Je remercie nos invités de s'être déplacés.
    Je suppose que parfois on se retrouve dans la position étrange où on se fait demander de réparer quelque chose qui nous est mis sous le nez. Je suppose que je voudrais essentiellement que, vous tous, vous me disiez que vous approuvez ou rejetez ce projet de loi, sans autre réponse possible.
    Madame Blackstock, vous avez fait de l'excellent travail en proposant 88 amendements, environ, mais ils ne s'adressent pas nécessairement à des aspects fondamentaux. Si c'était le projet de loi à proposer, l'auriez-vous vous-même proposé? Ou auriez-vous entrepris un projet complètement différent? Vaste question! Essentiellement, dites seulement si vous l'approuvez ou le rejetez.
    Madame Blackstock, vous, pour commencer.
    D'accord.
    Encore une fois, je ne peux pas prendre cette décision en ma qualité de titulaire de droits.
    M. Arnold Viersen: D'accord.
    Mme Cindy Blackstock: Je sais que certaines Premières Nations rejettent ce projet de loi, d'autres l'approuvent et d'autres encore disent qu'il a besoin de modifications majeures.
    Madame Blackstock, depuis même avant mon entrée en politique, je trouve vos opinions intéressantes. Voudriez-vous vous débarrasser de toutes les casquettes que vous portez et nous dire, simplement à titre personnel, si vous approuvez ou non le projet de loi?
    Je suis prête à dire que les amendements que nous proposons pour le financement, les conditions socioéconomiques à éclairer pour qu'elles soient vraies et la modifications des compétences, nous les considérons comme essentiels à la réussite du projet de loi.
    Vous laissez donc entendre que c'est un projet de loi convenable, à ne pas abandonner.
    J'ai déjà dit que j'en appuie absolument l'objectif...
    M. Arnold Viersen: Excellent!
    Mme Cindy Blackstock: ... mais j'estime que le texte n'est pas à la hauteur.
    Et vous, chef Bertrand.
    Je devrais le rejeter, parce que nous n'avons jamais été consultés.
    J'ai, sous les yeux, quelques statistiques: près de la moitié — 49 % — des enfants des Premières Nations vivant hors réserve sont de familles à faible revenu contre 18 % des enfants non autochtones. Au Manitoba, par exemple, 90 % des enfants pris en charge, 10 550 enfants, sont autochtones. En Saskatchewan, 5 930 enfants autochtones sont pris en charge. En Colombie-Britannique, c'est un enfant sur cinq.
    Le problème est profond, mais je ne crois pas... C'est une première étape, elle est magnifique, mais il y a tellement d'aspects négligés. On n'a fait que gratter la surface. Je regarde ces statistiques. Le législateur a trouvé une solution pour seulement un très petit nombre de cas. Le projet de loi aurait dû ratisser plus large... Il aurait dû inclure beaucoup plus de personnes.
    Je vois que vous portez une épinglette de député. Vous savez donc, dans une certaine mesure, comment ça marche ici.
    Oui. Je la porte pour ne pas passer par la sécurité.
    Des voix: Oh, oh!
    Je sais comment ça marche.
    Je sais que, dans certains cas... J'ai fait inscrire au Feuilleton des projets de loi d'initiative parlementaire. Pour certains autres, cette inscription avait été précédée d'une espèce de tour d'horizon et elle visait à connaître les réactions. Est-ce le cas pour ce projet de loi?
    Vu le délai précédant les élections, il me semble que si le gouvernement avait tenu mordicus au projet de loi, il l'aurait déposé il y a deux ans et demi. C'est curieux que nous soyons ici à l'étudier sans que rien ait été fait pour résoudre les problèmes de consultation ou obtenir l'accord des provinces. Qu'en pensez-vous?
(1130)
    Je ne m'explique pas le choix du moment... Vous savez, il aurait été mieux de le faire, comme vous dites, il y a deux ou trois ans. Actuellement, tout ce que tente le gouvernement se fonde sur des distinctions, et l'article 35, quant à lui, ne dit rien des distinctions. La Constitution parle d'Indiens, de Métis et d'Inuits. Elle ne fait aucune allusion aux Premières Nations. Je veux dire que ça parle de la création du gouvernement canadien, mais cela devrait être plus inclusif.
    Je me souviens que, à l'arrivée du gouvernement au pouvoir, le mot-clé était inclusion. Au Congrès des Peuples Autochtones, nous étions si heureux de l'entendre, mais l'inclusion ne s'étend qu'à certains groupes de peuples autochtones. Nous, nous voulions inclure aussi les Autochtones hors réserve, les inscrits comme les non-inscrits.
    Je suis certain que vous savez déjà que, dès 2016, le Congrès des Peuples Autochtones a remporté une bataille très décisive devant la Cour suprême, grâce à l'arrêt Daniels, mais, jusqu'ici, le gouvernement fédéral n'y a donné aucune suite concrète. Nous avons signé, en décembre, un accord politique. L'un des éléments sur lequel il portait était les conséquences de l'arrêt Daniels, mais rien ne bouge.
    Pour revenir à votre question — pourquoi avoir attendu si longtemps? —, je n'en ai aucune idée. Je ne peux pas répondre. Il faudra le demander au premier ministre.
    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Blaney.
    Merci, madame la présidente.
    Je cède la parole à Mme Jolibois.
    Merci beaucoup.
    Allons droit au but.
    Le projet de loi ne fait pas siens les principes du Tribunal des droits de la personne. Madame Blackstock, quelles sont, d'après vous, les conséquences de leur absence du projet de loi?
    Je pense que cela risque de ramener les enfants des Premières Nations en arrière dans le temps. Grâce à ce tribunal et au travail des Premières Nations de partout dans notre pays, nous recevions, jusqu'en 2018, du financement pour les coûts réels de la prévention. Je dois préciser qu'aucun financement n'est prévu pour les dépenses en capital. En soi, c'est un problème. Nous pourrions mettre sur pied un programme de prévention et peut-être l'héberger dans une Première Nation, mais il n'y a pas d'argent pour construire les programmes. C'est encore un objet de litige.
    Si ces principes ne sont pas intégrés dans ce projet de loi, ce sera en quelque sorte l'anarchie pour les accords de financement. Cela m'inquiète, parce que je crois que la décision du tribunal nous fait enfin faire des progrès.
    Ces principes, je crois, devraient transcender les divisions politiques. Chacun devrait pouvoir les appuyer pour les enfants. J'ignore pourquoi c'est controversé de les inclure dans le projet de loi, pour dire les choses franchement. Ce sont des principes fondamentaux qui régissent le traitement que nous devrions accorder à tous les enfants du Canada.
    Vous avez parlé des courants sous-jacents de la pauvreté. Je parle souvent aussi de ces expériences, parce que j'en constate l'existence bien réelle dans ma circonscription et partout en Saskatchewan, quand je visite les réserves et les communautés métisses.
    Comment pouvons-nous, à l'échelle nationale et au niveau fédéral, y réfléchir? Comment pouvons-nous continuer de soulever ces questions? Cela ne concerne pas seulement le logement et la fin des avis d'ébullition de l'eau. Il s'agit de réparer tout le système pour que la réserve dispose quotidiennement d'eau potable, et la liste ne s'arrête pas là.
(1135)
    Voilà pourquoi je pense que le plan de l'Ourson Spirit est tellement essentiel. Il faut notamment proclamer, et c'est important aussi, que, en 153 ans, depuis que le Canada existe, il n'y a jamais eu de plan exhaustif pour réduire les inégalités qu'affrontent les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations. Jamais!
    Le plan de l'Ourson Spirit était la réponse à cette lacune. C'était presque un plan exhaustif, comme le plan Marshall. Pour les férus de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés, au retour de la paix, ont élaboré conjointement un plan exhaustif pour reconstruire l'Europe. Nous prétendons que c'est exactement ce dont nous avons besoin ici. Nous devons créer une plateforme d'équité adaptée aux différences culturelles, qui donnera aux familles, aux enfants et aux jeunes la possibilité de s'épanouir.
    Mon objectif est d'avoir des enfants en pleine santé — c'est ce que je veux voir —, fiers de ce qu'ils sont, qu'ils peuvent grandir dans leur famille et obtenir une bonne éducation. Je pense que le plan de l'Ourson Spirit est essentiel à cette fin. Faute de plan, la tendance des 153 dernières années se poursuivra. C'est le résultat de la lutte contre les inégalités par les gouvernements, programme par programme, miette par miette. Cela n'a pas marché. Des inégalités subsistent dans les programmes. Nous avons besoin du plan de l'Ourson Spirit.
    Merci beaucoup, madame Blackstock. Je tiens à reconnaître le travail formidable que vous avez réalisé depuis si longtemps au nom des enfants autochtones. Aux systèmes, il faut appliquer le plan de l'Ourson Spirit, qui prévoit notamment l'éradication du racisme systémique. Je pense que cela pose l'une des plus grandes difficultés, parce que, vu que ce racisme existe depuis si longtemps, on le considère comme normal, son éradication est vraiment difficile.
    Je me demande si vous pouvez nous dire ce que cela signifierait vraiment, de manière générale, non seulement dans ce projet de loi, mais, fondamentalement, dans la relation entre les communautés autochtones et le Canada.
    Nous entendons notamment beaucoup parler de la détermination pour la réconciliation. Je ne la remets pas en question. Je pense que beaucoup de bonnes personnes de tous les partis politiques et de tous les horizons sont déterminées à favoriser la réconciliation.
    Mais, comme vous dites, toute cette notion de discrimination, cette séparation de la société canadienne entre sauvages et civilisés, qui sert de fondement au colonialisme, tout cela se trouve dans l'ADN du gouvernement canadien ainsi que dans celui des gouvernements des provinces et des territoires.
    Devant la poursuite des procès, par le ministère des Affaires indiennes et ses descendants — maintenant Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones Canada — contre les enfants, au Tribunal canadien des droits de la personne, malgré les engagements pris pour mettre en œuvre leurs appels à l'action, nous devons nous demander comment nous pouvons amener ces ministères à révéler ce racisme structurel, de manière à y mettre fin. Je ne critique pas les employés. Je dis seulement que c'est dans le système.
    Le plan de l'Ourson Spirit réside dans une évaluation indépendante et tous azimuts du ministère. Cela n'a jamais été fait dans l'histoire de notre pays, malgré son rôle dans les pensionnats, la rafle des années 1960 et la protection de l'enfance aujourd'hui. Faites-la faire, puis collaborez avec les fonctionnaires du ministère et d'autres peuples autochtones et réétalonnez la doctrine et les méthodes du ministère et, de façon plus générale, de l'administration fédérale. Espérons que les administrations provinciales et territoriales suivront, pour que nous puissions placer cette relation sur une nouvelle base.
    À moins d'une intervention extérieure dans l'examen du ministère... Le ministère a déjà prouvé qu'il ne peut pas se réformer lui-même, même s'il le voulait.
    Merci.
    Je n'ai que quelques secondes, mais y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter sur cette question, chef Bertrand? Je pense que sa réponse était très éloquente.
    Elle est la spécialiste.
    La pauvreté sous-jacente compte... parce qu'il s'agit d'appuyer la famille, compte tenu du besoin de ressources supplémentaires, uniquement pour s'approcher de l'équité.
    Merci.
    Merci beaucoup d'être ici et d'avoir fait un exposé.
    Je suis désolée, au nom de tous les députés, pour le temps qu'on nous enlève pour poursuivre nos questions, mais nous sommes convoqués à un vote.
    Je vous remercie. Meegwetch
    La séance est suspendue.
(1135)

(1210)
    Bonjour. Soyez les bienvenus au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes.
    Nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin, ici, à Ottawa. Je viens du territoire visé par le Traité no 1 et de la patrie du peuple métis.
    La raison d'être de notre action est de toujours nous rappeler pourquoi nous éprouvons de si gros problèmes comme celui de la prise en charge des enfants et des familles ou d'autres personnes. Le nombre d'enfants autochtones pris en charge par rapport au nombre des autres enfants qui le sont aussi est révélateur d'un problème systémique, et le Parlement cherche des solutions.
    Notre comité souhaite la bienvenue à nos experts. Si j'ai bien compris, la liste a été modifiée. Trois témoins feront un exposé et chacun d'eux disposera d'environ sept minutes.
    Si d'autres témoins se présentent à temps, nous les inviterons à se joindre à nous. C'était une petite mesure administrative pour que ça marche. Commençons.
    Chef Prosper, voulez-vous commencer puis nous dire comment tout cela marchera?
    Certainement. Merci.
    Bonjour, honorables membres du Comité. Kwe natuptut. Nous sommes honorés d'être sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
    Je m'appelle Paul Prosper. Je suis chef de la nation Mi'kmaw Paqtnkek. Je comparais au nom de l'Assemblée des chefs mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, une institution de gouvernance pour les 13 bandes micmaques de la Nouvelle-Écosse. Au nom de l'Assemblée, j'ai également été responsable du portefeuille de la justice et j'ai travaillé sur plusieurs questions liées à la protection de l'enfance pendant cette période.
    Le territoire traditionnel micmac s'appelle Mi'kma'ki et il englobe environ cinq des provinces de l'Atlantique. Nous avons une longue et riche histoire. Nous avons un récit de la création et de nombreuses légendes. Notre structure de gouvernance traditionnelle est le Sante' Mawio'mi, le Grand conseil des Micmacs. À titre de Micmacs, nous avons des droits ancestraux et des droits issus de traités existants et en suspens. Ils ont été reconnus par les plus hauts tribunaux du pays. Tout au long de notre longue et riche histoire, qui s'étend de la période des traités jusqu'aux proclamations de scalpation en passant par les lois adoptées avant et après la Confédération, notamment la Loi sur les Indiens, les pensionnats et les politiques subséquentes du gouvernement fédéral et des choses comme la centralisation, nous sommes toujours là. Nous continuons de prospérer au sein de Mi'kma'ki, parfois en dépit des bonnes intentions du gouvernement fédéral qui n'ont rien donné.
    Avant l'arrivée des Européens, nous étions des nations indépendantes gouvernées par nos propres coutumes, valeurs et traditions. Nous menions nos activités par l'entremise de kisult ou Niskam, notre Créateur, qui nous nous apprenait comment vivre à titre d'être humain selon des instructions originales. Nous avons un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ce droit est indépendant de tout texte législatif. Il est également enchâssé dans le cadre constitutionnel de notre pays par l'entremise de l'article 35.
    En ce qui concerne le projet de loi C-92, l'Assemblée appuie les dispositions du projet de loi qui reconnaissent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Toutefois, nous aimerions préciser certains changements fondamentaux qui s'imposent. Il s'agit surtout de questions liées au financement et à la transition, sur lesquelles mes homologues vous donneront plus de détails.
    J'aimerais vous parler un peu de notre expérience en Nouvelle-Écosse. En 2014, la Province de la Nouvelle-Écosse a révisé sa loi sur les services aux enfants et aux familles, intitulée Children and Family Services Act; elle a fait l'objet d'une refonte en profondeur. Nous avons joué un rôle important dans ce processus avec le gouvernement provincial. Cela a mené à environ 25 modifications qui visaient les Micmacs de la Nouvelle-Écosse. En effet, auparavant, cette loi ne faisait aucune mention des Micmacs. Nous avons élaboré une approche provisoire et une approche à long terme. L'approche provisoire visait à obtenir une certaine reconnaissance par l'entremise de la loi provinciale. L'approche à long terme visait à adopter une loi micmaque pour les enfants micmacs, ce qui est certainement conforme au projet de loi.
    Les modifications que nous avons apportées en 2017 nous ont permis d'obtenir des résultats positifs. Par exemple, il y a moins de placements en famille d'accueil et on suit davantage le modèle fondé sur la responsabilité traditionnelle. Nous avons reconnu la concertation des familles, une mesure de prévention issue des traditions micmaques qui nous permet de tenir compte de la situation existante avant qu'il soit impossible de revenir en arrière. Cela dit, nous ne voulons certainement pas que ce projet de loi fédéral nuise aux gains importants que nous avons réalisés à l'échelle provinciale.
    En ce qui concerne mon expérience, j'aimerais simplement faire un commentaire au sujet des liens et du rôle de la collectivité. À titre de dirigeants et de chefs, nous en avons souvent assez de voir des enfants, des familles et des collectivités être déchirés par un système qui ne fonctionne pas.
(1215)
    Dans mon rôle, nous reconnaissons certainement la nécessité d'avoir des éléments de base liés à l'esprit et au bien-être de nos peuples et de nos nations, notamment l'identité, la culture, la langue et les traditions. Les gens ont besoin d'établir des liens et de créer un sentiment d'appartenance, et les membres de la collectivité ont le droit fondamental de vivre en santé dans un environnement sain. Nous reconnaissons que les solutions à nos problèmes relatifs à la protection de l'enfance doivent venir de l'intérieur. Les solutions qui permettront de résoudre ces problèmes doivent provenir de nos collectivités respectives.
    Il faut créer un environnement particulier, car nous savons tous trop bien que, parfois, les lois et les politiques provinciales ne reflètent pas les réalités de nos collectivités. Nous reconnaissons que l'autonomie gouvernementale peut créer un mécanisme qui offre des façons traditionnelles et pratiques de prendre soin des enfants et des familles, et il existe certainement plusieurs exemples à cet égard.
    Pour aborder brièvement le financement et la transition, nous reconnaissons que les lois, à elles-seules, ne suffisent pas pour engendrer les changements nécessaires. Il faut donc adopter aussi des approches axées sur l'éducation, le renforcement des capacités, la gouvernance, l'infrastructure, le financement stable et l'établissement de relations dans le cadre d'une initiative stratégique globale en matière de justice.
    C'est ce qui termine ma déclaration. J'aimerais maintenant laisser la parole à mes collègues.
    Merci.
(1220)
    Très bien.
    Madame Cox, vous avez sept minutes. Allez-y.
    Je m'appelle Jennifer Cox. Je suis une avocate micmaque. Je travaille dans la province de la Nouvelle-Écosse, mais j'ai également travaillé pendant quelques années en Saskatchewan. En juin prochain, il y aura 24 ans que je pratique le droit.
    J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de la protection de l'enfance. En fait, M. Morris et moi-même sommes chacun à une extrémité différente du dossier de la protection de l'enfance. Aujourd'hui, nous voulons non seulement vous faire part de nos commentaires au sujet du projet de loi C-92, mais également vous parler de notre expérience liée à l'établissement de cette relation. Habituellement, on ne verrait pas des avocats qui sont du côté opposé d'une affaire travailler ensemble, mais nous avons établi cette relation et elle nous a permis d'apporter certains des changements qu'on peut observer aujourd'hui en Nouvelle-Écosse.
    Les observations que je communiquerai aux membres du Comité concernent les dispositions de fond du projet de loi C-92. Nous avons préparé un mémoire et nous vous l'avons envoyé. Malheureusement, il n'a pas été traduit, et vous ne l'avez donc pas en main.
    Comme le chef l'a indiqué, selon les directives que j'ai reçues, nous appuyons le projet de loi C-92, mais nous tenons à suggérer quelques changements à apporter. En raison de notre expérience avec les changements législatifs qui ont été apportés en Nouvelle-Écosse, nous ne sommes pas sans savoir que ces choses se déroulent très rapidement et qu'il y a peu d'occasions de participer au processus. Dans une certaine mesure, je pense que les membres du Comité doivent tenir compte de cela lorsqu'ils examinent les motivations qui ont poussé le gouvernement à présenter cette mesure dans un délai aussi court. Il nous est certainement difficile de participer au processus, car nous avons très peu de temps pour le faire, mais en même temps, il n'est pas inhabituel qu'un gouvernement présente une telle mesure et tente d'accélérer son adoption.
    Les changements législatifs apportés en Nouvelle-Écosse ont été très rapides. Nous avons eu environ deux mois pour réagir. Nous avons fait de notre mieux. Nous avons présenté quelques suggestions. Certaines de ces suggestions ont donné lieu à des changements très positifs, et M. Morris vous parlera du nombre d'enfants pris en charge et des résultats beaucoup plus positifs pour les familles.
    Cette réussite est attribuable à l'établissement de ces relations. Puisque nous avons un organisme dans la province, nous entretenons de bonnes relations avec la Province de la Nouvelle-Écosse. Nous avons l'Assemblée des chefs mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse et manifestement, le chef Prosper est un champion efficace. De nombreux éléments expliquent la réussite de la Nouvelle-Écosse; elle n'est pas seulement fondée sur la législation.
    Je vais aborder les dispositions de fond du projet de loi qui, à notre avis, doivent faire l'objet d'un examen. De plus, je pense qu'il est important que les membres du Comité sachent que nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une corédaction, car nous n'avons eu qu'une seule occasion d'intervenir dans le projet de loi C-92. En effet, une séance de mobilisation a eu lieu en octobre 2018, mais nous ne voyons pas cela comme une corédaction. Comme je l'ai déjà indiqué, je ne crois pas non plus que l'adoption d'une loi soit le seul agent de changement. Il faudra aussi établir des relations, prévoir du financement, bâtir l'infrastructure nécessaire, faire la transition et toutes sortes d'autres choses.
    Nous demandons l'ajout de dispositions sur le financement au préambule. Je pense que le mot « demande » doit être remplacé par le mot « besoin ». Encore une fois, toutes ces dispositions de fond vous seront fournies, afin que vous puissiez examiner le libellé. Nous vous demandons également d'intégrer les dispositions du préambule à l'article 18. Il s'agit des dispositions relatives à la compétence. Nous ne demandons pas de modifier le libellé, à l'exception de l'insertion du mot « besoin »; nous utilisons le libellé du préambule déjà proposé par le gouvernement du Canada.
    Nous demandons à ce que l'alinéa 20(2)c) contienne également des dispositions sur les principes de financement — pas des formules, seulement des principes. Si ces principes de financement ne sont pas inclus dans la loi, il nous sera très difficile de négocier des ententes de coordination.
    Nous demandons d'inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au paragraphe 18(1) à titre d'outil de reconnaissance. Ainsi, ce paragraphe mentionnerait non seulement l'article 35 de la Loi constitutionnelle, mais aussi la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Nous demandons que le principe de Jordan soit expressément mentionné à l'alinéa 9(3)e).
    Nous avons quelques suggestions liées à l'intérêt supérieur de l'enfant au paragraphe 10(3) qui laisseront une certaine place aux normes juridiques et communautaires autochtones inhérentes. C'est un élément assez important du projet de loi. Je pense qu'il est vraiment important de donner aux collectivités autochtones l'espace nécessaire à l'interprétation de leurs propres normes et traditions communautaires pendant la rédaction de leur propre loi.
(1225)
    Bon nombre de ces dispositions ne s'appliqueront pas si elles ont leur propre loi, mais entre-temps, il y aura une période de transition et il faudrait permettre à ces normes juridiques et communautaires de jouer un rôle.
    L'alinéa 10(3)g) nous préoccupe. Honnêtement, je pense qu'il est au mauvais endroit. Habituellement, dans les lois provinciales, on considère que la violence familiale est un motif de retrait de l'enfant, et il n'est pas dans la partie sur « l'intérêt supérieur ». Nous recommandons l'élimination de cet alinéa, car il pourrait créer de la confusion.
    La définition de « fournisseur de soin » semble malheureusement permettre aux parents d'accueil d'avoir la qualité pour agir dans une procédure judiciaire. Ce n'est pas ce qu'on voit habituellement. En fait, les provinces et les territoires du Canada, à l'exception du Manitoba, n'accordent pas aux parents d'accueil la qualité pour agir dans une procédure judiciaire, car cela cause de nombreux problèmes et retards. Voilà donc nos préoccupations au sujet de la définition. Nous vous avons fourni le libellé qui permet de la modifier.
    Une voix: De quel article s'agit-il?
    Mme Jennifer Cox: Il s'agit de la définition de « fournisseur de soin », et c'est donc dans la partie sur les définitions. Nous avons suggéré des modifications précises.
    En ce qui concerne le paragraphe 31(1), c'est-à-dire la disposition sur l'examen quinquennal, nous vous demandons d'envisager de prévoir plutôt une période de trois ans, car un certain nombre d'éléments différents doivent être examinés dans ce cas-ci.
    Nous avons formulé quelques suggestions sur les dispositions relatives à l'avis, à l'article 12. Notre formulaire contient un avis de bande qui a été élaboré conjointement avec la Province de la Nouvelle-Écosse. Nous vous avons fourni des exemplaires de cet avis et de la réponse que les bandes peuvent remplir. Nous pensons que cela pourrait être utile en ce qui concerne l'article 12 et ce que nous pouvons faire lorsque nous avons la possibilité de participer. La Province de la Nouvelle-Écosse et les tribunaux de la famille de cette province nous ont donné l'occasion de participer à ce type de processus, et c'est ce que nous pouvons accomplir lorsque nous travaillons ensemble.
    C'est ce qui termine ma déclaration.
    Monsieur Paul Morris, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente et membres du Comité, de m'avoir invité à me joindre à vous à la dernière minute.
    Je travaille dans le domaine de la protection de l'enfance depuis 20 ans. Je suis conseiller juridique à l'interne chez Mi'kmaw Family and Children Services depuis trois ans et demi. Cet organisme était mon principal client avant que je devienne conseiller à l'interne.
    Je présume que le chef m'a demandé de participer à la réunion d'aujourd'hui et de me joindre aux témoins pour vous parler notamment de certains des changements qui ont été apportés, car on a apporté certaines modifications importantes aux lois de la Nouvelle-Écosse, mais elles ne remontent qu'au 1er mars 2017. Ces changements ne sont donc qu'aux premières étapes, mais au cours des 20 années pendant lesquelles j'ai travaillé dans le domaine des litiges en matière de protection de l'enfance, j'ai certainement observé un changement au sein de l'organisme en Nouvelle-Écosse.
    À titre de renseignement pour ceux qui ne le savent pas, lorsque je parle de « l'organisme », je parle des Mi'kmaw Family and Children's Services of Nova Scotia qui a été créé en Nouvelle-Écosse à la suite d'une entente tripartite entre la province, le gouvernement fédéral et les 13 chefs. Cet organisme fournit tous les services aux enfants et aux familles micmaques qui habitent dans les collectivités de la Nouvelle-Écosse. Il y a donc, dans cette province, un organisme qui fournit des services liés à la protection de l'enfance, mais il fournit actuellement ces services dans le cadre d'un mandat provincial. En effet, notre organisme n'a pas son propre manuel de politiques; nous utilisons le manuel des services de protection de l'enfance de la Province de la Nouvelle-Écosse.
    Au départ, et certainement lorsque j'ai commencé ces activités, la mise en œuvre était assez rigide et cela entraînait souvent des interventions plus importantes, ce qui créait plus de situations de prise en charge. C'était en grande partie attribuable aux placements prolongés dans une famille et aux politiques en œuvre, qui exigeaient de mener des vérifications avant de placer des enfants dans des familles, ainsi que des situations où, même s'il n'y avait eu aucun problème au cours des cinq dernières années pendant lesquelles un enfant avait vécu dans un foyer, il existait une condamnation au criminel qui remontait à sept ans et qui faisait en sorte qu'on ne pouvait pas envisager un placement prolongé chez cette personne pour les enfants qui ne pouvaient pas habiter avec une autre famille.
    Même sans la loi, les intervenants de la province ont coopéré avec notre organisme pour présenter des demandes de financement à AINC ou au ministère précédent, car notre organisme était sous-financé et le nombre de dossiers par travailleur dépassait la moyenne provinciale. On a donc considérablement augmenté le nombre de nos employés, ce qui a permis à notre organisme, selon moi, d'offrir des services moins intrusifs, mais plus nombreux et plus adaptés aux familles desservies. Cela a permis aux travailleurs de prendre le temps d'envisager le placement chez un membre de la famille avant la prise en charge d'un enfant. Lorsque je parle de « temps », il s'agit souvent seulement de trois ou quatre heures ou d'un après-midi. C'est ce que nous faisons actuellement, au lieu de devoir terminer une intervention rapidement en plaçant les enfants en milieu familial et de suivre ensuite un processus long et laborieux pour vérifier les placements et permettre à ces enfants de revenir à la maison.
    Les pratiques et les politiques en œuvre ont modifié la façon dont les services en matière de protection de l'enfance et les services aux enfants et aux familles étaient fournis dans les collectivités. Lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine à la fin des années 1990 ou au début des années 2000, la majorité des dossiers pour lesquels je devais me présenter devant le tribunal étaient liés aux services de garde temporaire et à la garde. L'enfant avait été pris en charge et l'organisme fournissait les services nécessaires pour régler ces questions avant que l'enfant puisse retourner à la maison. S'il s'agissait d'une période plus longue, il pouvait falloir attendre des semaines ou des mois avant que les placements dans la famille soient approuvés. Lorsqu'on a augmenté le nombre de travailleurs, le financement et le niveau de service, l'organisme a été en mesure de se concentrer sur la meilleure façon de répondre aux besoins des familles et des enfants qu'il desservait, de trouver une façon de laisser les enfants vivre avec leur famille et dans leur collectivité, et de tenter de réduire le nombre de retraits d'enfants de leur foyer.
    J'ai compilé les chiffres. Mes données ne remontent pas au début de mon travail, car j'étais l'un des avocats subalternes qui travaillaient sur les dossiers que m'attribuait l'avocat avec lequel je travaillais.
(1230)
    Lorsque j'ai compilé les chiffres l'an dernier, 49 % de nos dossiers étaient des ordonnances de surveillance, ce qui signifie que les enfants vivent toujours avec l'un des parents ou les deux. Vingt-six pour cent étaient des ordonnances de surveillance de soins conformes aux traditions, c'est-à-dire que les enfants n'étaient pas pris en charge, mais placés avec un autre membre de la famille élargie. Treize pour cent des enfants qui avaient été pris en charge étaient placés avec un membre de la famille. Encore une fois, c'était habituellement lié à un problème de financement, par exemple les membres de la famille élargie n'avaient pas les moyens de s'occuper de l'enfant dans le cadre d'une ordonnance de surveillance, car cette ordonnance ne s'accompagne d'aucun financement. En effet, un financement est seulement versé si les enfants sont pris en charge. Ensuite, l'an dernier, 12 % des enfants étaient en placement temporaire véritable dans des foyers d'accueil sans membre de leur famille.
    C'était presque un revirement complet comparativement à il y a 20 ans, lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine et que 75 à 85 % de mes dossiers concernaient des placements et des gardes temporaires. Maintenant, 75 % des dossiers concernent des placements dans la famille, et la moitié des placements temporaires et des gardes se font avec un membre de la famille.
    Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion de faire reconnaître certains droits. Le financement sera un élément essentiel, car c'est la prestation de services aux familles qui engendrera des changements véritables pour ces familles. Cela peut se faire par l'entremise de l'adoption de politiques et de lois.
    Je crois que mes sept minutes sont écoulées, et je m'arrêterai donc ici.
    Je pense que la principale raison pour laquelle on m'a invité à participer à la réunion d'aujourd'hui était de fournir ces renseignements.
    Merci beaucoup.
(1235)
    Merci.
    J'aimerais particulièrement souligner la présence de Duane Smith, président et chef de la direction de la Société régionale Inuvialuit.
    Vous êtes venu un peu plus tôt, et nous vous avons donc intégré à ce groupe de témoins. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous vous offrons les 10 minutes au complet pour faire votre déclaration, si vous voulez.
    Merci, madame la présidente et membres du Comité. Je m'excuse auprès des autres témoins de faire irruption dans leur présentation, mais je vous remercie de me donner cette occasion de comparaître.
    Je tenterai d'être aussi bref que possible. Je vous ai fait parvenir une partie de ma déclaration il y a quelques semaines. Je ne m'étais pas rendu compte que je parlerais de sujets différents au même Comité.
    Comme la présidente l'a mentionné, je m'appelle Duane Smith. C'est du moins mon nom anglophone. Je suis président et chef de la direction de la Société régionale Inuvialuit, qui représente la région complètement au nord-ouest du Canada, à la frontière de l'Alaska. La région que je représente couvre un peu moins d'un million de kilomètres carrés, dont les deux tiers sont un plan d'eau.
    Je vais aller droit au but pour certaines choses, afin de pouvoir consacrer du temps à certains autres points. Comme vous le savez déjà, nous avons signé une entente — quand je dis nous, je parle du Canada et de notre organisme — pour mettre en œuvre les dispositions sur lesquelles nous nous étions mis d'accord dans l'entente intitulée la Convention définitive des Inuvialuit, conclue en 1984. C'est le deuxième plus ancien traité moderne que nous avons au Canada.
    Comme je l'ai déjà dit — et je le répète —, la CDI appartient non seulement aux Inuvialuit, mais aussi au Canada. C'est en partie la raison pour laquelle je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui, car nous devons travailler avec le Canada sur des enjeux comme celui dont je vous parlerai aujourd'hui, c'est-à-dire la façon dont nous pouvons améliorer et mettre en œuvre nos obligations issues de ce traité.
    La région désignée des Inuvialuit comprend six collectivités. Je vais sauter des bouts de cette partie. Je m'excuse auprès des interprètes, car j'élimine certaines parties et j'en ajoute d'autres, car mon témoignage a été intégré à cette partie. Nous avons de 6 300 à 6 400 Inuvialuit dispersés dans l'ensemble du pays, mais la plupart d'entre eux se trouvent dans notre région.
    Avant d'aborder la partie sur le soutien aux enfants inuvialuit, j'aimerais mentionner que j'étais assis à l'arrière pour écouter la présentation micmaque. Je tiens à exprimer tout mon soutien pour les commentaires et les recommandations que ces intervenants ont formulées jusqu'ici, car j'ai entendu des recommandations semblables d'autres parties, y compris d'autres organismes inuits.
    J'aimerais maintenant vous parler de certaines des mesures que nous avons prises pour tenter d'offrir du soutien à nos enfants, à nos jeunes et à nos familles qui vivent dans la région désignée des Inuvialuit, ou la RDI. L'un des trois objectifs principaux de la Convention définitive des Inuvialuit, la CDI, est de préserver l'identité culturelle et les valeurs des Inuvialuit dans une société nordique en évolution. Il est essentiel d'avoir des familles et des collectivités saines dans lesquelles les enfants et les jeunes se sentent acceptés et appuyés pour préserver cette identité culturelle et ces valeurs.
    Comme la plupart d'entre vous le savent sûrement, depuis 2014, le vérificateur général du Canada a cerné des lacunes considérables dans la prestation des services aux enfants et aux familles des Territoires du Nord-Ouest et dans les structures de soutien à la prestation de ces services. Ces conclusions touchent de façon disproportionnée les enfants autochtones qui vivent dans le territoire, car plus de 90 % des enfants pris en charge sont autochtones. À l'époque, le vérificateur général avait aussi déclaré que le gouvernement ne savait même pas où se trouvaient certains de ces enfants.
    L'an dernier, en 2018, le vérificateur général a produit un autre rapport. Selon les constatations de base contenues dans ce rapport, la situation s'est aggravée. Je ne sais pas comment cela peut être pire qu'une situation dans laquelle le gouvernement ne sait même pas où sont certains enfants pris en charge, mais la situation actuelle est encore plus grave.
    Les intervenants de la Société régionale Inuvialuit font ce qu'ils peuvent pour gérer ces lacunes, afin que des enfants ne passent pas entre les mailles du filet.
    Par exemple, nous fournissons ce que nous appelons des travailleurs de soutien aux élèves et aux familles. On a établi que les écoles avaient besoin de ces travailleurs pour créer des liens avec les familles et les collectivités, et j'ai accordé la priorité à cette initiative lorsque j'ai été élu pour la première fois en 2016. Nous utilisons les fonds que nous recevons pour maintenir un employé en poste dans chaque collectivité. Ces personnes travaillent dans les écoles et fournissent de l'aide aux élèves et à leur famille pour veiller à ce que les enfants inuvialuit fréquentent l'école et reçoivent du soutien pendant leurs années de fréquentation scolaire.
(1240)
    J'ai un autre exemple. Depuis que je suis président, nous essayons de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que les enfants qui sont pris en charge par le gouvernement ou qui sont adoptés par des familles non inuvialuit aient la chance de s'enregistrer et, au bout du compte, de s'inscrire avec nous. Dans certains cas, des enfants inuvialuit sont retirés de leur famille et envoyés dans des endroits à partir desquels il est très difficile et très dispendieux de revenir dans la région désignée des Inuvialuit.
    Une fois que nous avons trouvé l'enfant dans le système, nous tentons de communiquer avec eux et de leur fournir des documents sur les trois dialectes inuvialuktun, sur l'histoire de la région et sur nos activités traditionnelles. Lorsque nos dossiers indiquent qu'un enfant est sur le point d'avoir 18 ans, nous veillons à ce qu'il reçoive les formulaires nécessaires pour faire une demande à la Fiducie inuvialuit. Nos employés demeurent disponibles pour répondre aux questions des tuteurs sur la Société régionale Inuvialuit, la région désignée des Inuvialuit et nos collectivités inuvialuit.
    J'aimerais faire une parenthèse pour que vous compreniez comment fonctionne le système gouvernemental. Lorsqu'un enfant atteint l'âge de 18 ans, on le loge à l'hôtel pendant un certain temps et on le laisse ensuite se débrouiller seul sans lui donner les compétences de base qui lui permettraient de réussir. Nous faisons donc face à un problème.
    Avant la réunion d'urgence de la ministre Jane Philpott et la rédaction du projet de loi C-92, qui a permis d'attirer l'attention sur les problèmes auxquels faisaient face les enfants, les jeunes et les familles autochtones, il était très difficile d'obtenir la collaboration de certains gouvernements provinciaux et territoriaux. Malgré les bonnes intentions des membres du personnel, le cadre qui visait à obtenir la participation des organisations inuvialuit et à leur transmettre des renseignements n'était pas suffisant.
    Le projet de loi C-92 n'est pas parfait, mais il représente une étape importante. Nous espérons qu'il orientera le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest alors qu'il se penche sur le nombre croissant de lacunes cernées par le vérificateur général.
    J'aimerais maintenant formuler des commentaires sur quelques éléments clés du projet de loi.
    Comme je l'ai indiqué plus tôt, la transmission de notre culture et de notre langue, ainsi que de nos connaissances sur notre région, sont des éléments essentiels pour préserver l'identité culturelle et les valeurs des Inuvialuit dans une société nordique en évolution. Les principes énoncés dans l'article 9 du projet de loi accordent l'importance voulue à ces éléments. Plus précisément, nous considérons que l'alinéa 9(3)d), qui reconnaît que les organisations autochtones ont un rôle à jouer, est essentiel.
    L'article 12 du projet de loi, qui exige que le fournisseur de services avise le parent ou le fournisseur de soins de l'enfant, ainsi que le corps autochtone dirigeant qui agit au nom du groupe autochtone, de la prise d'une mesure, contribuera grandement au travail que nous tentons d'accomplir au nom des enfants inuvialuit, peu importe où ils se trouvent.
    J'aimerais souligner que la mise en œuvre de règlements sera importante dans le cadre de cet article. Mon personnel m'a informé que les procédures d'accueil de la province ou du territoire responsable représentent un obstacle dans la communication de renseignements aux organisations autochtones. En effet, le formulaire de certaines provinces n'a même pas de case d'identification des Inuits que le travailleur social peut cocher. Tous les enfants sont simplement « Premières Nations », et nous avons donc un problème d'identification. La catégorisation des enfants autochtones dans les différentes bases de données devra être plus précise. C'est la seule façon de permettre aux travailleurs sociaux de mettre l'enfant en contact avec l'organisation autochtone appropriée, afin d'envoyer un avis.
    L'article 16 du projet de loi concerne les facteurs auxquels on accorde la priorité dans le placement des enfants. Compte tenu de la situation géographique éloignée, ce qui complique les visites des enfants dans leur collectivité d'origine lorsqu'ils ont été retirés de leur famille, les Inuivialuit aimeraient qu'on accorde la priorité à la proximité géographique dans les placements. Si c'est impossible, nous aimerions qu'on adopte une disposition qui permettrait de maintenir des liens entre l'enfant et sa collectivité ou sa région d'origine.
(1245)
    Enfin, pendant que nous tentons de régler certains défis qui se posent dans nos négociations liées à l'autonomie gouvernementale, nous soulignons l'importance des dispositions sur les accords de coordination prévues dans l'article 20 du projet de loi. En effet, ces dispositions permettraient à la Société régionale Inuvialuit de demander un accord de coordination avec le gouvernement relativement à l'exercice de la compétence législative sur, premièrement, la prestation de services d'urgence pour assurer la sécurité et le bien-être des enfants autochtones, deuxièmement, le soutien aux mesures qui permettront aux enfants autochtones de faire valoir leurs droits efficacement, troisièmement, des accords financiers liés à l'exercice efficace de la compétence législative et, enfin, toute autre mesure de coordination liée à l'exercice efficace de la compétence législative.
    La capacité d'exercer notre gouvernance traditionnelle sur les services aux enfants et aux familles, comme on les appelle à l'époque moderne, est essentielle pour veiller à donner à nos enfants un sentiment d'identité et d'appartenance.
    En terminant, nous avons hâte de travailler avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de règlements qui aideront à la mise en œuvre de cette de loi lorsqu'elle entrera en vigueur.
    Je vous remercie de votre attention et de votre intérêt. Je serai heureux de répondre à vos questions.
     Nakurmiik
    Nous passons maintenant aux questions. Nous entendrons d'abord M. Dan Vandal.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leurs excellentes déclarations et je tiens à leur souhaiter la bienvenue à Ottawa.
    Ma première question s'adresse à Duane Smith, car sa déclaration est la plus récente.
    En général, je pense que vous avez dit que le projet de loi n'est pas parfait, mais que vous l'appuyez. J'aimerais donc savoir qui est responsable, actuellement, de l'administration des services de protection de l'enfance dans votre territoire. Est-ce le gouvernement fédéral?
    Non. Nous sommes un territoire, et cette responsabilité revient donc au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
    D'accord. Vous avez été très clair. Pour une raison quelconque, cela m'avait échappé. Je suis sûre que vous l'avez mentionné, mais je ne l'ai pas entendu.
    Chef Prosper, d'après ce que je comprends, vous avez fait partie du groupe de travail législatif de l'Assemblée des Premières Nations qui a travaillé sur ce projet de loi. Est-ce exact et si oui, pouvez-vous me parler de cette expérience?
    Oui, l'Assemblée m'avait nommé membre de ce groupe de travail législatif. D'après ce que je comprends, c'est un groupe formé de représentants autochtones et de représentants des Premières Nations de partout au pays. Nous avons organisé quelques réunions pour discuter du projet de loi.
    J'aimerais me faire l'écho des commentaires de Mme Cox, c'est-à-dire que ce n'était pas une corédaction. En ce qui concerne la formulation de commentaires liés au projet de loi, il y a eu une réunion au cours de laquelle des enjeux ont été présentés de façon constructive aux divers représentants gouvernementaux et à ma connaissance, il n'y a pas eu d'autres occasions.
    Je crois que Mme Cox, qui est membre de ce groupe, pourrait vous donner d'autres détails.
    Madame Cox, faisiez-vous aussi partie de ce groupe?
    Oui.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus du processus?
    Essentiellement, nous avons fait de notre mieux dans le court délai dont nous disposions. Nous avons rencontré tous les intervenants et nous avons échangé des renseignements. Chaque participant a présenté son opinion sur les directives concernant la rédaction du projet de loi C-92, et après nous avoir fourni le projet de loi de consultation, on nous a donné environ une semaine. Il nous a été fourni avant d'être déposé, et on nous a donné environ une semaine pour l'examiner.
    C'est le mieux que nous pouvions faire, compte tenu du délai très court. Je présume que ce processus a été assez efficace étant donné le peu de temps dont nous disposions.
(1250)
    Je crois que vous avez signalé tous les trois — madame Cox, chef Prosper et monsieur Morris — que le financement est un problème. Ce que dit le ministère, c'est que nous essayons essentiellement de repenser le système de protection de l'enfance et qu'il serait peut-être prématuré de parler de financement maintenant et que nous devrions plutôt voir quels sont les types de modèles.
    Ma question s'adresse à chacun de vous, je crois. Lorsque vous parlez de « financement », parlez-vous de montants précis ou vous dites que les principes de financement devraient être inscrits dans le projet de loi? Je pose la question au chef Prosper d'abord.
    Je crois comprendre qu'il ne s'agit pas d'un montant précis, mais de principes de financement, en quelque sorte, qui orienteraient, plus tard, la prestation de services et de programmes qui conviennent.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, Paul?
     Non. Je suis d'accord avec le chef Prosper à cet égard. À mon avis, inscrire un montant dans le projet de loi ne serait pas une bonne idée. Je crois que les formules peuvent aussi poser problème. L'important, c'est de s'assurer qu'il y a une obligation claire de fournir des fonds de sorte que nous ne nous retrouvions pas avec une disposition prévoyant un service que les gens ne peuvent pas offrir.
    Il est dommage que vous n'ayez pas le mémoire. Nous y faisons des suggestions concernant le libellé. Nous retirons du préambule le libellé sur le financement pour l'intégrer dans le texte du projet de loi. Ce ne sont que les principes découlant principalement de la décision sur les droits de la personne concernant l'égalité durable. Ce ne sont que les principes. Nous ne voulons rien de spécifique, mais parce que le texte du projet de loi ne contient rien sur le financement, c'est ce qui nous préoccupe.
    D'accord.
    Vous avez tous les trois parlé également des nouvelles mesures législatives qui ont été présentées par la province. Il semble que c'est une bonne initiative. Pourriez-vous nous parler du rôle que joue la province dans ces mesures et nous dire comment évolueront les choses selon vous? Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, je crois que nous avons de bonnes relations de travail avec la province, ce qui a facilité le processus que nous avons suivi pour la Children and Family Services Act. Nous avons discuté avec la province avant de venir comparaître devant votre comité. Ces relations se poursuivent. Essentiellement, nous sommes conscients des progrès que nous avons réalisés dans le cadre de mesures législatives provinciales. Certains volets du projet de loi auront des répercussions là-dessus. Nous sommes prêts à les décrire, et nous l'avons fait, mais c'est l'une des préoccupations que nous voulions exprimer.
    Nous devons maintenant passer à la députée Cathy McLeod.
    Merci. Je remercie tous les témoins. J'ai beaucoup de questions à poser, mais je veux revenir sur ce que vous venez de dire, chef Prosper.
    Quels éléments pourraient engendrer des problèmes? Nous savons tous que la situation varie beaucoup d'une province à l'autre. Qu'est-ce qui, dans le projet de loi, pourrait causer des problèmes dans vos relations avec le gouvernement provincial?
    Je vous remercie de la question. Je céderais peut-être la parole à M. Morris, qui peut certainement l'expliquer mieux que moi.
    Je n'estime pas nécessairement que cela créera des problèmes entre la province et nous. Le problème, selon nous, je crois, c'est que nous avons dans les modifications, les avis envoyés aux bandes. Lorsque notre organisme fait une demande, j'avise la bande que nous intervenons: le type d'intervention et chez qui l'enfant est placé.
    D'après ce que je vois, dans le cadre du projet de loi fédéral, un avis sera donné, mais pas des renseignements d'identification. J'essaie de déterminer comment je fais en sorte que la bande puisse intervenir et commencer à aider. Dans bien des cas, lorsque nous avisons la bande, elle peut communiquer avec la famille et déterminer si c'est une question de logement ou de finance, par exemple, pour commencer à intervenir. C'est seulement une chose qui est préoccupante.
    L'autre a été mentionnée par Mme Cox concernant la définition de « fournisseur de soins ». Dans le libellé actuel de la loi de la Nouvelle-Écosse, il est clairement indiqué qu'un parent de famille d'accueil n'a pas la qualité pour agir dans une procédure. Le but est de régler la question de la protection et de réintégrer l'enfant chez le fournisseur de soins d'origine, le membre de la famille.
    Alors que cette question a été réglée à la satisfaction de l'organisme, de la famille et du tribunal, cela nous inquiéterait si un parent de famille d'accueil visé par la définition de « fournisseur de soins » avait soudainement la qualité pour agir, un problème qui se pose dans d'autres provinces qui n'ont pas adopté de mesures législatives stipulant qu'un parent de famille d'accueil n'a pas la qualité pour agir dans ces procédures.
    Voilà deux exemples d'éléments qui sont inquiétants, des exemples où ces mesures législatives fédérales l'emporteraient sur une loi provinciale en cas d'incompatibilité entre les deux.
(1255)
    Merci.
    Vous avez dit, je crois, que cela relève des communautés de la province. S'agit-il seulement des réserves, ou...?
     Il s'agit des réserves.
    Pensez-vous qu'il serait possible dans le cadre des mesures législatives de permettre qu'une partie du travail se fasse à l'extérieur des réserves?
    Je crois que l'objectif à long terme de l'initiative lancée en Nouvelle-Écosse, c'est que ce soit le cas, et cela nous ramène à la question du financement et de la main-d'oeuvre, puisque la main-d'oeuvre actuelle ne nous permet de le faire que dans les réserves.
    Je crois qu'environ la moitié de la population micmaque vit à l'extérieur des réserves. Sur le plan géographique, je ne crois pas que ce soit un problème, car nous sommes partout dans la province de toute façon. Ce n'est donc pas que nous dépendons du ministère des Services communautaires de la Nouvelle-Écosse sur le plan géographique. Le problème, ce serait le nombre de dossiers et d'autres choses du genre.
    Il faudrait nous assurer que nous avons le financement nous permettant de modifier l'organisation et l'infrastructure de manière à pouvoir fournir ces services.
    Merci.
    Madame Cox, vous avez parlé de l'intérêt de l'enfant, sujet dont nous avons beaucoup discuté un peu plus tôt. J'ignore si vous étiez ici et si vous avez entendu la conversation.
    Il semble y avoir des problèmes à ce chapitre. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui vous inquiète au sujet des dispositions qui portent sur l'intérêt de l'enfant dans leur forme actuelle?
    Concernant le paragraphe 10(3), nous demandons seulement qu'on ajoute un peu plus de marge de manoeuvre au début. Le paragraphe commence comme suit:
Pour déterminer l’intérêt de l’enfant autochtone,
    À notre avis, il devrait être inscrit par la suite « tout facteur lié à la situation de ce dernier doit d'abord être déterminé selon les normes juridiques et communautaires autochtones inhérentes ». C'est à cet égard que je dis qu'on doit donner une certaine marge de manoeuvre aux communautés pour faire en sorte que leurs normes soient directement reconnues dans la partie qui porte sur l'intérêt.
    Concernant l'égalité réelle et la continuité culturelle, ce sont de bons principes, mais ils ne figurent pas dans la partie qui porte sur l'intérêt. Ils devraient y figurer, car l'intérêt a préséance ici; on accorde de l'importance à l'intérêt dans le projet de loi C-92. Puisque la continuité culturelle et l'égalité réelle sont de bons principes, on devrait les intégrer dans la partie plus substantielle, soit celle qui porte sur l'intérêt.
    Enfin, l'autre problème dont j'ai parlé concerne la partie qui porte sur la violence familiale, car elle ne figure pas au bon endroit. Je ne sais quoi dire de plus, sauf que lorsque nous examinons des dossiers de protection des enfants, nous examinons les raisons pour lesquelles on doit retirer un enfant des soins de ses parents. La violence familiale est habituellement l'une des raisons. On ne parle pas d'une question d'intérêt, mais de préoccupations relatives à la protection de l'enfant. Ces dispositions figurent dans les lois partout au Canada. Nous n'avons pas besoin d'ajouter quoi que ce soit sur ce facteur.
    Il va sans dire que les enfants devraient vivre sans avis d'ébullition de l'eau, sans violence familiale, sans certains de ces facteurs de protection, et cela ne figure donc tout simplement pas au bon endroit.
    Vous avez dit qu'on vous avait fourni le projet de loi une semaine avant qu'il soit présenté. S'agissait-il de la version complète du projet de loi?
    On nous a dit qu'il s'agissait d'une ébauche de consultation. Elle ne correspond pas nécessairement exactement à la version actuelle du projet de loi C-92. Des changements y ont été apportés cette semaine-là, mais on y a également ajouté des éléments que nous n'avions jamais vus auparavant. Il y a par exemple l'alinéa 10(3)g), soit la disposition qui porte sur la violence familiale, dont ne faisait pas du tout mention l'ébauche de consultation.
(1300)
    Monsieur Smith, c'est un mystère que des choses puissent... Le vérificateur général soulève quelque chose et la situation se détériore.
    Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles les choses continuent d'aller de mal en pis? En règle générale, les gouvernements prennent les rapports du vérificateur général très au sérieux.
    Je ne dirige pas mon secteur. Je ne peux répondre à votre question, mais les observations et les recommandations figurent dans les rapports du vérificateur général.
    Si nous appuyons le projet de loi actuellement, c'est que nous voulons que nos droits soient enfin reconnus pour nous occuper de nos enfants dans un processus sur lequel nous pouvons nous entendre. Cela inclurait l'infrastructure et les investissements dans notre organisme nous permettant de procéder, encore une fois, dans le cadre d'un processus auquel nous pouvons travailler ensemble, car à tout le moins, je ne crois pas que nous puissions faire pire. Nous arrivions très bien à élever nos enfants il y a 150 ans, et je pense donc qu'il y a une occasion ici de faire de la réconciliation une partie très importante quant à la façon dont le Canada progresse au sujet de nos obligations de mettre en oeuvre la Convention définitive des Inuvialuit, à tout le moins, en ce qui a trait au bien-être des enfants de ma région.
    Nous devons maintenant passer à la députée Rachel Blaney.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous de votre présence et de vos témoignages.
    On nous a beaucoup parlé des préoccupations concernant le financement aujourd'hui.
    Cindy Blackstock a comparu un peu plus tôt et elle a recommandé d'examiner les principes du Tribunal canadien des droits de la personne au sujet des enfants autochtones et de l'équité à leur égard par rapport à tous les enfants canadiens.
    Je me demande si vous avez un point de vue quant à l'idée d'inclure directement quelque chose comme cela dans le projet de loi.
    À mon avis, l'égalité réelle dont il est question dans la décision du Tribunal canadien des droits de la personne est bien reconnue dans le préambule.
    Nous n'avons pas beaucoup de réserves à l'égard du libellé du projet de loi. Nous proposons une modification au préambule qui porte sur le financement. Il s'agit simplement d'intégrer cela dans le texte même du projet de loi.
    Le préambule n'a pas le même poids du point de vue légal que le projet de loi en tant que tel. Nous demandons que ce soit intégré dans les dispositions relatives à la compétence, la reconnaissance du droit inhérent, car on a besoin de financement pour faire valoir son droit et également lorsqu'il s'agit de négocier son accord de coordination. Ainsi, lorsqu'on assume la responsabilité et qu'on négocie avec les gouvernements territoriaux et provinciaux, on inclut la disposition sur le financement qui se fonde sur cette égalité réelle.
    Dans le mémoire que nous avons préparé, nous avons suggéré un texte à ce sujet.
    Merci. Je crois qu'il est important que les gens comprennent que si cela figure dans le préambule, il ne s'agit pas de la loi. C'est la plus grande lacune que vous nous indiquez.
    J'aimerais revenir à M. Smith.
    Vous avez parlé de la région géographique, de l'article 16, en ce qui concerne le placement des enfants, et de la région géographique dans laquelle ils seront placés.
    Je me demande si vous pouvez en parler. Je crois qu'il est important que ce soit consigné au compte rendu. Je représente une communauté rurale et éloignée, mais il s'agit d'un tout autre niveau par rapport à ma région. Bien des gens ne comprennent pas à quel point la distance peut être grande et ce que cela signifie sur le plan de l'accès à la communauté et à d'autres membres de la famille.
    Pourriez-vous en parler et nous dire pourquoi c'est aussi important dans le cadre de ce projet de loi?
    Je vous remercie de la question.
    Pour vous donner une idée, je dis toujours qu'il faut faire un voyage de neuf heures en jet pour se rendre dans ma communauté sans même sortir du pays. Je crois que ce serait vraiment utile si, régulièrement, des gens comme vous se rendaient dans différentes régions du pays, de sorte qu'on prenne conscience de son immensité et des questions que le Canada doit entreprendre à cette échelle.
    Dans ma région, le centre de service initial est ma communauté, mais si je ne peux y recevoir de services, alors j'irai à 800 kilomètres de là, au sud, voire plus loin, à Yellowknife, qui est la capitale. La capacité de fournir divers services y est limitée et par la suite, la personne qui a besoin d'un service de santé est envoyée à Edmonton, qui se trouve à 3 200 kilomètres de chez moi vers le sud.
    Certains de ces enfants dont nous parlons — soyons francs — souffrent peut-être d'un trouble du spectre de l'alcoolisation foetale ou d'autre chose, et ils ne pourront pas obtenir de services spécialisés, par exemple, dans de petites communautés comme la mienne. À tout le moins, on devrait déterminer comment on peut les garder plus près de chez eux. Pour les enfants que l'on retire de leur famille parce que leur mère et leur père ont eu une prise de bec et que le travailleur social ne croit pas qu'ils sont capables de s'occuper d'eux, c'est à cet égard que le système ne nous donne pas ce que nous sommes en droit d'attendre, que nos droits ne sont pas reconnus ou respectés, indépendamment de cette mesure législative.
    Ce droit et cette reconnaissance existent déjà dans la Convention définitive des Inuvialuit. C'est seulement que les gouvernements, tant fédéral que territorial, ne les respectent pas. Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter comme nous le faisons aujourd'hui de l'élaboration de meilleurs processus qui reflètent notre culture, nos façons de régler de tels problèmes. Il faut que nous ayons la possibilité de nous occuper de nos propres enfants pour qu'au moins, ils demeurent dans un environnement culturel, de sorte qu'ils comprennent qui ils sont et qu'ils soient en contact avec la culture.
    Sur le plan géographique, c'est une échelle différente.
(1305)
    Merci beaucoup.
    Voici ma dernière question. Chef Prosper et madame Cox, vous parliez un peu plus tôt du fait que ce projet de loi n'avait pas été corédigé. Je me demande si vous pouvez nous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire et peut-être utiliser l'exemple de ce que vous avez fait dans votre province pour nous indiquer comment nous pourrions procéder pour mieux vous aider.
    Je pense qu'il faut regarder les notes qui ont été préparées. Nous vous les avons d'ailleurs remises, pour votre information, et vous les recevrez dès qu'elles auront été traduites.
    Quand il y a corédaction, on s'assoit ensemble pour étudier les ébauches. Nous avons donc tous travaillé ensemble, nous avons posé des questions, nous avons pu demander que les éléments auxquels nous tenions soient inclus, particulièrement le formulaire que la bande doit remplir et ce qu'il contient, parce que nous voulions qu'il soit accepté par la communauté et que les bonnes questions y soient posées pour que les membres de la communauté sachent ce que la cour veut savoir et ce qu'elle peut leur offrir. Cela a été une belle occasion de corédaction, parce que nous avons pu examiner les documents au préalable et que nous avons tous eu l'occasion de collaborer à la réflexion pour déterminer ce que nous voulions y voir.
    En revanche, l'ébauche du projet de loi C-92nous a été remise une semaine à l'avance. Nous y travaillons tous un peu à temps perdu, mais je ne peux pas y consacrer tellement d'attention compte tenu de tout ce que j'ai à faire d'autre tout le temps. Nous devons travailler tard le soir pour examiner le projet de loi C-92. Ce n'est pas très propice à une pleine participation. Nous aurions pu faire quelques recommandations comme celles que nous faisons maintenant, qui auraient peut-être pu aider.
    Ce serait bien qu'on nous donne un mois ou deux pour bien examiner un projet de loi, y réagir et faire des recommandations, parce que nous pourrions avoir de bonnes idées, nous pourrions trouver une forme de consensus ou au moins avoir l'impression d'avoir été entendus et non bousculés. Ce n'est pas seulement... Il n'y a rien de parfait. Nous sommes tous sous pression, mais nous voudrions avoir l'occasion de nous asseoir, d'examiner des documents, de présenter nos commentaires, c'est tout ce que nous demandons. Ce serait plus près de la corédaction.
    Merci beaucoup.
    À partir de maintenant, les interventions seront limitées à cinq minutes. Non, je m'excuse, il nous reste une intervention de sept minutes pour M. Robert-Falcon Ouellette.
    Je vous remercie infiniment d'être ici aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
    J'aimerais souligner le témoignage que nous avons entendu de Laurie Sargent, de Justice Canada. Elle a affirmé que c'était la toute première fois de l'histoire canadienne que le gouvernement apportait des changements aussi substantiels à la loi et s'attaquait autant à l'article 35, pour combler les lacunes et y apporter une bouffée d'air frais.
    J'ai quelques questions à vous poser très rapidement. Je sais que... Je vais seulement essayer de vous les poser rapidement.
    Qui devrait être responsable de ceux qui vivent hors de la communauté? Quand une personne ne vit pas dans la communauté ou dans la réserve, qui en est responsable?
(1310)
    Je veux juste vérifier une chose, vous parlez bien du peuple micmac, par exemple?
    Oui, bien sûr. Je parle de vous, en votre qualité de titulaires de droits du peuple micmac. Si un Micmac vit à Toronto ou à Halifax plutôt que dans votre communauté, qui devrait être responsable de lui offrir des services?
    Nous croyons que le pouvoir des dirigeants de notre peuple ne s'applique pas qu'à l'intérieur des limites physiques de nos communautés, mais sur tout notre territoire traditionnel, ce qui comprend nécessairement les personnes vivant hors réserve. Nous présumons donc que ces personnes relèvent de nous.
    Si tel est le cas, quel serait le processus législatif privilégié dans votre communauté? Beaucoup de Micmacs déménagent dans les diverses provinces. Avez-vous un processus législatif qui vous permet d'adopter des lois pour insuffler du dynamisme à la gestion des services à la communauté, à vos citoyens?
    Oui, collectivement, en Nouvelle-Écosse, nous avons l'assemblée, mais il y a aussi diverses structures de gouvernance connexes. L'une de ces structures fait intervenir un processus propre à la Nouvelle-Écosse, qui nous amène à négocier avec les gouvernements fédéral et provincial sur les questions de droit. Tout cela est régi par un accord-cadre, qui s'applique notamment à la protection de l'enfance.
    Pour les projets de loi de cette nature, cela accélérerait vraiment le processus et nous permettrait d'imposer des lois à nos propres membres. Nous avons beaucoup progressé dans des domaines comme la gestion des orignaux et ce genre de choses, pour remplir le vide législatif.
    D'après ce que je comprends, cela pourrait renforcer l'autonomie gouvernementale du peuple micmac.
    Sans aucun doute.
    C'est très bien.
    Monsieur Smith, j'aimerais que nous parlions un peu de l'adoption coutumière. Manifestement, les Autochtones ont longtemps eu recours à l'adoption coutumière. Beaucoup de peuples des régions du Sud du Canada n'utilisent pas cette forme d'adoption parce qu'il est très difficile de la faire valider par les tribunaux. Aucune loi canadienne n'en fait mention. Si l'on mentionnait la chose dans cette loi, cela permettrait-il d'accélérer le processus pour les Inuits qui utilisent toujours l'adoption coutumière.
    Dans les faits, nous faisons toujours de l'adoption coutumière. Si les grands-parents souhaitent s'occuper de l'un des enfants de leurs enfants, ils le font. C'est convenu, parce qu'ils ont l'impression d'avoir de meilleures compétences de vie à ce moment-là pour offrir une bonne éducation à l'enfant. Je fais partie des enfants qui l'ont vécu, vous savez.
    Le droit fondé sur la coutume est reconnu par mon gouvernement, mais il n'y a pas recours, donc nous le forçons à le faire à l'occasion.
    Vous forcez les tribunaux à l'accepter?
    Nous forçons le gouvernement à l'accepter. Nous espérons ne jamais avoir besoin de nous adresser aux tribunaux, mais quand nous devons insister parce qu'une famille souhaite exercer un droit fondé sur la coutume, il faut en discuter plutôt que ce soit le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement responsable dans ma région, qui intervienne auprès de la famille.
    Ce droit existe. Il n'est tout simplement pas bien mis en pratique.
    J'ai quelques autres questions à vous poser sur les tribunaux.
    Madame Cox, vous avez mentionné que vous deviez vous adresser aux tribunaux. Ce projet de loi empêcherait-il le peuple micmac ou la Société régionale inuvialuit d'établir leur propre système judiciaire pour les services à l'enfance et à la famille si vous adoptiez une loi établissant des règles en ce sens? Ils n'utiliseraient alors pas les tribunaux, mais créeraient leur propre forme de tribunal pour juger de ces questions entre eux.
(1315)
    Non. Le projet de loi C-92 permettrait d'établir ce genre de structure en soi, y compris un tribunal, mais il resterait un fossé entre le système actuel et ce qu'on pourrait établir si l'on réussissait à mettre toutes les ressources et les lois en place. Il faudrait aussi tenir compte de la période de transition. Je dis qu'il faut faire mention d'une instance judiciaire dans le projet de loi C-92, parce qu'il y aura des écarts. Certaines communautés n'arriveront pas à se doter de lois aussi vite que d'autres. Certaines en adopteront très vite, parce qu'elles en ont pratiquement déjà. Elles n'attendent que leur reconnaissance.
    Je ne vois rien dans le projet de loi C-92 qui l'interdirait.
    Monsieur Smith, pour les enfants qui sont trop vieux... nous avons parlé un peu des soins prénataux. Cela a été mentionné dans les questions un peu plus tôt. Faudrait-il mentionner quelque chose comme « jusqu'à l'âge de 21 ans »? Je sais qu'AANC ou Services aux Autochtones considère souvent que l'éducation va jusqu'à l'âge de 21 ans. Devrait-il y avoir des dispositions spéciales pour les jeunes de 18 à 21 ans, pour qu'ils puissent continuer de se construire, puis qu'ils réussissent comme adultes à cette période cruciale de leur vie?
    La réponse est oui. Je vous répondrai aussi qu'il n'y a aucun processus qui couvrira tout, d'après moi, parce que chaque cas sera unique. Il faut reconnaître qu'il devrait y avoir un mécanisme pour venir en aide aux jeunes pendant cette période de transition, parce qu'il ne faudrait pas non plus que les choses traînent pendant trois ans de plus, sans que rien ne change. Si un jeune a des troubles de santé mentale ou quelque chose du genre, il aura besoin d'aide. On ne peut pas seulement l'abandonner parce qu'il a atteint un certain âge.
    Les interventions seront désormais de cinq minutes chacune. Nous sommes généreux. Nous avons franchi la barre d'une heure, mais nous avons un groupe de témoins particulièrement chevronné. J'espère que vous pourrez tous adapter votre horaire en conséquence.
    Je proposerais peut-être deux séries de questions de plus, de cinq minutes chacune, si vous êtes d'accord, après quoi nous pourrions conclure.
    Je donne la parole à M. Kevin Waugh.
    Merci, madame la présidente.
    Vous avez mentionné que ce projet de loi n'avait pas été corédigé. Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas vraiment eu de discussions en amont sur le financement ou y en a-t-il eu?
    Vous pouvez peut-être me répondre, madame Cox.
    Il y a eu des discussions, parce que le gouvernement a sollicité toutes sortes de renseignements lors de ses diverses séances de mobilisation. Il y en a toute une liste. Je n'ai pas participé à toutes ces séances, mais cela a été mentionné à chacune de ces séances. Tout le monde y a parlé de financement. C'est un enjeu central, parce que le financement est la principale préoccupation de toutes les Premières Nations.
    Avons-nous mentionné que nous voulions que le projet de loi contienne des dispositions sur le financement? Sans contredit.
    Quand nous avons vu l'ébauche du projet de loi une semaine avant qu'il ne soit déposé, nous avons évidemment demandé à ce qu'il y soit question de financement. Rien n'y a été ajouté en ce sens.
     Il a été un peu question de la situation hors réserve. Quels seront les effets de ce projet de loi sur vos membres qui vivent à l'extérieur des réserves?
    Pour les dirigeants et l'assemblée, ils font partie de la communauté, où qu'ils vivent. Une personne ne cesse pas d'être micmaque dès qu'elle sort des frontières de la réserve. Comme je l'ai déjà dit, nous voulons pouvoir exercer un certain pouvoir sur nos membres hors réserve. Évidemment, cela devra faire l'objet de discussions avec notre homologue, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, mais aussi au sein de notre propre organisation et avec les diverses organisations au service des régions urbaines, ce genre de choses.
(1320)
    Avez-vous les ressources pour cela? Dans certaines régions du pays, ce n'est pas possible. Elles n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires.
    Il y a un lien étroit entre les pouvoirs et le financement, sous réserve de ce que j'ai déjà mentionné. Comme nous l'avons appris de notre expérience avec la province, c'est une chose que d'avoir une loi et c'en est une autre que de la mettre en oeuvre. Tout dépend des ressources, il faut avoir un financement approprié, des mécanismes de soutien et toute une infrastructure pour que les lois adoptées prennent vie.
    C'est la mise en garde que je ferais.
    Ce projet de loi est passé entre les mains de deux ministres. Il a changé passablement depuis le premier jour. Vous avez fait des recommandations. En avez-vous d'autres à faire?
    Les Micmacs sont très organisés. Je n'ai pas peur de le dire. Je regarde ce qui se fait dans d'autres régions. Madame Cox, vous avez dit à un moment donné que vous veniez de la Saskatchewan. Nos problématiques, en Nouvelle-Écosse, sont différentes des vôtres, comme vous le savez. D'après ce que je comprends de ce projet de loi, et cela m'inquiète, il y a des régions qui sont tout à fait capables de prendre le projet de loi et de passer immédiatement à l'action, alors que d'autres, et elles sont probablement majoritaires au Canada, resteront loin derrière sous le régime de ce projet de loi.
    Qu'en pensez-vous?
    Quand nous parlons de reconnaissance des différences au Canada, nous soulignons toujours dans nos mémoires l'importance d'établir de bonnes relations. Il y a eu beaucoup d'éléments pivots dans l'histoire des Micmacs, non seulement dans l'Atlantique, mais dans le contexte de la Nouvelle-Écosse, qui ont facilité l'établissement d'une relation tripartite entre les gouvernements fédéral, provincial et micmac, dans toutes sortes de domaines. Il y a beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts. Nous avons connu des contestations judiciaires, comme les autres peuples. Nous avons gagné diverses batailles judiciaires. Nous participons à un processus de négociation tripartite et évidemment, nos traités de paix et d'amitié font beaucoup ressortir l'idée qu'il faut unir nos forces et trouver le moyen de composer avec nos différences.
    Je ne vous le dis que pour vous donner un exemple, et j'espère vraiment que nos homologues du reste du pays pourront trouver une façon de composer avec leurs différences pour leurs générations futures aussi.
    Je vous remercie, chef.
    Ce sera maintenant au tour de M. Amos de poser des questions.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins. Je vous suis très reconnaissant de vos observations réfléchies.
    Monsieur Smith, je suis content de vous revoir. La première fois où nous avons interagi, c'était dans le contexte de la revue des exigences en matière de forages extracôtiers dans l'Arctique, dans votre communauté d'Inuvik, en 2011, et j'ai pu constater, de cette expérience, à quel point les Inuvialuit sont indépendants d'esprit et à quel point il est important pour eux d'avoir le contrôle sur leurs services de protection de l'enfance.
    Pouvez-vous nous parler un peu de la nécessité de pouvoir recueillir des données et de faire tout le travail de terrain nécessaire pour appuyer l'approche des Inuvialuit concernant la protection de l'enfance?
    C'est une excellente question. Nous avons commencé. Nous travaillons avec notre commission scolaire régionale à compiler toutes sortes de données sur les élèves pour déterminer comment ils s'en sortent sur tel et tel plan pour pouvoir concentrer nos ressources limitées sur leurs besoins et les aider à s'améliorer.
    Mais pour faire le lien avec la question de M. Waugh aussi, cela témoigne du fait qu'on ne peut pas avoir de ressources avant d'avoir mené des recherches et de vouloir adopter une loi. On ne peut pas avoir de ressources avant d'avoir quelque chose avec quoi travailler. Selon nous, c'est une impasse. Nous avons besoin de ce projet de loi pour avancer, mais en même temps, nous n'en avons pas besoin, comme je l'ai dit, parce que selon notre entente finale, nous avons tous deux l'obligation de travailler ensemble, et si le système que le gouvernement fédéral a mis en place avec le gouvernement territorial, qui est comme un organe administratif du gouvernement fédéral, ne fonctionne pas, alors il faut repenser le système, à tout le moins dans ma région.
    Donc oui, il faut recueillir des données, et vous devez travailler avec nous pour déterminer comment le faire ou comment nous pouvons améliorer les services et le bien-être des enfants. Nous attendons cela depuis longtemps.
(1325)
    Seriez-vous d'accord pour dire que comme ce projet de loi se veut un cadre, il ouvre la porte à un changement de paradigme, si l'on veut, il nous permettrait de tourner la page sur les anciennes façons de faire pour laisser la place à une approche conçue par les Inuvialuits pour la protection de l'enfance?
    Par ce projet de loi, le Canada reconnaît effectivement son obligation de nous faire participer plus adéquatement à la conception du système, et je reconnais aussi que c'est un cadre. Je considère que ce projet de loi, comme tous les projets de loi, est loin d'être parfait, mais qu'il faut mettre quelque chose en place et travailler à l'améliorer, parce que quoiqu'on fasse, il n'y aura jamais de solution unique pour tous.
    Nous aurons nos propres besoins et nos propres opinions, dans notre région, et ils seront différents de ceux des autres régions, donc oui, il faut nous mettre au travail, en gros.
    C'est très utile. Je pense que cela reflète bien les observations que nous avons entendues des Micmacs de la Nouvelle-Écosse. Je ne suis pas certain d'avoir entendu des réflexions détaillées des Inuvialuits sur le financement. C'est une question qui revient à répétition, donc j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Dans le contexte d'une loi-cadre conçue pour ouvrir la porte à toutes sortes de façons de faire différentes pour la protection de l'enfance dans les communautés autochtones, qui mettent vraiment l'accent sur les enfants autochtones et leurs familles elles-mêmes, leurs communautés, aspireriez-vous à des règles plus prescriptives en matière de financement, qui seraient prescrites par la loi, ou croyez-vous qu'il faut des solutions sur mesure, établies hors du cadre de la loi, selon les souhaits de chaque communauté ou chaque groupe autochtone?
    Cela revient à ma réponse précédente. Je pense que ce projet de loi est aussi clair et aussi vague que possible pour nous permettre de gérer tout cela région par région. Pour ce qui est des ressources, oui, il faudra investir dans l'infrastructure, parce que comme je l'ai dit, pour l'instant, ce n'est qu'une solution temporaire, parce que si le gouvernement qui administre le système ne peut pas trouver de parents d'accueil, l'enfant sera envoyé au loin, et il est alors très peu probable qu'il revienne dans la communauté avant l'âge adulte.
    C'est l'un des problèmes, dans notre système, donc nous aimerions avoir une infrastructure qui nous permette de fonctionner de la façon qui nous convient, qui ferait notamment en sorte que les enfants restent dans la communauté ou au moins, dans la région.
    Merci.
    Ce sont des mots très sages. Je pense que c'est ce que nous souhaitons tous. Je tiens à vous dire que nous vous sommes tous reconnaissants de votre patience et de votre souplesse.
    Paul, ce fut un plaisir de vous accueillir.
    Duane, je vous remercie de vous être joint au groupe.
    Vos témoignages feront partie du compte rendu public. Nous les prenons très au sérieux et nous vous remercions sincèrement de votre coopération et de votre participation au processus. Meegwetch.
    La séance est levée.
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