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Bonjour à tous et bienvenue à la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Nous entamons aujourd'hui notre examen du projet de loi , Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Avant de commencer, je tiens à informer le Comité et nos invités qu'en raison d'un malheureux problème administratif, les porte-noms n'ont pas été préparés et nous n'avons pas en main les documents, comme c'est normalement le cas. Le courrier doit toutefois arriver incessamment et les choses reprendront leur cours normal. Pour l'heure, je demanderai à chaque membre d'indiquer très distinctement son nom et ses fonctions, car ils ne figurent pas devant nous. Je demanderais aux membres d'écrire leurs noms, car nous n'aurons pas de porte-noms avant un certain temps.
Notre comité joue un rôle important quant à l'objectif de réconciliation et de vérité du Parlement. Si nous admettons que les terres où nous nous trouvons sont non cédées, ce n'est pas seulement par formalité, mais pour inciter les Canadiens à se demander à qui appartenaient les terres avant l'arrivée des colons. Comment l'histoire du Canada s'est-elle déroulée? Pourquoi sommes-nous encore aux prises avec de nombreux problèmes, alors que la colonisation remonte à 400 ans dans certaines régions? Il s'agit d'un processus important pour l'ensemble de la population canadienne, particulièrement ici, à Ottawa, pour ceux qui nous regardent.
Nous nous trouvons en territoire non cédé du peuple algonquin, que nous remercions pour tout ce qu'il a fait pour nous.
Passons maintenant aux exposés. Nous avons l'honneur de recevoir le ministre , qui lancera la discussion. Il prononcera son exposé, après quoi nous aurons l'occasion d'examiner le projet de loi en profondeur en lui posant des questions.
Quand vous serez prêt, monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous présenter l'équipe qui vous accompagne. Nous savons qui vous êtes, mais nous aimerions aussi connaître les autres témoins.
Nous vous cédons la parole.
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Merci, madame la présidente et chers collègues, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant votre comité afin de parler des changements importants et nécessaires aux services à l'enfance et à la famille pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Permettez-moi d'abord de reconnaître que nous sommes ici rassemblés en territoire traditionnel algonquin non cédé.
Aujourd'hui, je suis accompagné de mon équipe et nous serons heureux de pouvoir répondre à vos questions dans un instant.
Protéger et promouvoir le bien-être des enfants et des familles autochtones devraient être la priorité absolue du gouvernement fédéral et de tous les gouvernements du pays, mais cela n'a pas toujours été le cas.
Chaque jour au Canada, des enfants autochtones sont séparés de leur famille, de leur communauté, de leur langue et de leur culture. Trop d'enfants autochtones finissent dans un foyer d'accueil loin de leur communauté. Ces enfants déjà vulnérables sont arrachés de force de leur foyer sans le consentement de leurs parents et, trop souvent, sont privés de leur culture et de leur identité, ainsi que des soutiens communautaires qui assurent leur bien-être à long terme.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le système tel qu'il est actuellement ne fonctionne pas pour les familles et les enfants autochtones, et que nous ne pouvons pas perpétuer le statu quo dans le système des services à l'enfance et à la famille, que l'on a qualifié à juste titre de crise humanitaire. Le fait que les enfants autochtones représentent seulement 7,7 % de tous les enfants de moins de 15 ans, mais comptent pour 52 % des enfants pris en charge dans l'ensemble du pays, est extrêmement inquiétant.
Les politiques paternalistes gardent les enfants isolés de leurs êtres chers. Trop de jeunes vies ont été gravement touchées et même tragiquement perdues dans certains cas.
C'est exactement pourquoi le projet de loi adopte une approche totalement différente. Nous avons devant nous un projet de loi qui repose sur un ensemble de priorités nationales auquel le gouvernement et les groupes autochtones ont travaillé ensemble. Il s'agit de principes qui font passer l'enfant en premier; qui enchâssent l'importance de la culture, de la communauté, de la famille et du bien-être de l'enfant; et qui défendent la dignité de la famille et de l'enfant dans tous les échanges avec le système des services à l'enfance et à la famille.
Notre vision est celle d'un système où les peuples autochtones sont responsables de leurs propres services à l'enfance et à la famille. Nous reconnaissons maintenant que cela aurait dû être le cas depuis longtemps.
Le projet de loi inscrira dans la loi ce que les peuples autochtones de partout au pays demandent aux gouvernements depuis des décennies: que leurs compétences inhérentes soient reconnues et affirmées.
Si le projet de loi était adopté, les communautés autochtones pourraient exercer complètement ou partiellement leurs compétences dans le domaine des services à l'enfance et à la famille. Puisqu'une approche universelle ne fonctionne pas, il appartiendrait aux peuples autochtones d'adapter le système aux besoins de leurs communautés. De plus, nous nous engageons à travailler avec les communautés individuelles pour veiller à ce que ces services soient adaptés à leurs besoins.
Ce projet de loi est le fruit d'une période intensive de mobilisation auprès de dirigeants, de communautés et de particuliers des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que des provinces et des territoires.
Depuis la réunion d'urgence convoquée par ma prédécesseure en janvier 2018, il y a eu des réunions et des consultations approfondies dans tout le pays afin de bien mener ce projet. Même dans les semaines qui ont précédé la présentation de ce projet de loi, nous incorporions les suggestions des groupes autochtones et des partenaires provinciaux et territoriaux.
Pour moi, le véritable sens de nos efforts s'est exprimé dans une déclaration du , selon laquelle notre approche « devrait servir de modèle pour mettre en œuvre de façon significative et directe les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. »
Cela ne veut pas dire que la conversation s'arrête là. Il n'y a pas de portes closes pour nos partenaires autochtones, ou pour les provinces et les territoires. Ce projet de loi et les enfants qu'il vise à protéger ne sont servis que si nous collaborons et assurons leurs intérêts.
En outre, je ne prétends pas que cette loi est parfaite; je suis le premier à admettre qu'on peut faire mieux. J'invite donc le Comité à me faire part de sa rétroaction.
Le projet de loi repose sur ce que les peuples autochtones et les experts en développement de l'enfant nous ont dit qu'il fallait faire pour protéger les enfants et les aider à partir du bon pied dans la vie. En vertu de cette loi, les services à l'enfance et à la famille autochtones feront passer l'enfant en premier, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Cette loi prévoit des principes permettant de garantir que les enfants et les familles autochtones seront traités avec dignité et que leurs droits seront protégés. Par exemple, les enfants ne pourraient pas être pris en charge uniquement en fonction des conditions socioéconomiques, comme c'est souvent le cas actuellement. Au lieu de répondre uniquement aux crises, le projet de loi est axé sur la prévention. Il favorise entre autres les soins prénataux et le soutien aux parents. Les universitaires et les professionnels de première ligne nous ont dit que les soins préventifs sont le meilleur indicateur de réussite et de développement positif des enfants. Dans les cas où des interventions sont nécessaires, un enfant autochtone serait seulement pris en charge si c'est dans son intérêt, et un placement chez un membre de sa famille ou dans sa communauté immédiate serait privilégié.
En vertu du projet de loi , lorsqu'un groupe ou une communauté autochtone souhaite exercer sa compétence sur les services à l'enfance et à la famille et faire prévaloir sa loi sur les lois fédérales, provinciales et territoriales, le ministre des Services aux Autochtones et le gouvernement de chaque province ou territoire où il se trouve devront participer à une discussion tripartite concernant une entente de coordination. Si une entente est conclue dans les 12 mois suivant la demande, les lois du groupe ou de la communauté autochtone auront force de loi comme loi fédérale et prévaudront sur les lois fédérales, provinciales et territoriales des services à l'enfance et à la famille. Si aucune entente n'est conclue au cours de cette période, mais que des efforts raisonnables ont été déployés pour le faire, la loi autochtone aura également force de loi comme loi fédérale. En pratique, cela signifie que si un gouvernement n'agit pas de bonne foi durant la conclusion d'une entente de coordination après 12 mois de négociations, la loi des services à l'enfance et à la famille autochtones aura préséance sur la loi provinciale.
Afin de promouvoir une transition et une mise en œuvre en douceur du projet de loi , le Canada examinera la création de structures de gouvernance de transition fondées sur les distinctions. Les structures de gouvernance élaborées conjointement permettraient de trouver des outils et des processus pour accroître la capacité des communautés à assumer la responsabilité des services à l'enfance et à la famille. Nous savons également que le financement doit faire partie de l'équation pour optimiser les répercussions de cette loi. Nous ne pouvons pas présumer que les modèles de financement qui ont soutenu le système déficient actuel seront ceux que les groupes autochtones voudront utiliser dans l'exercice de leur compétence. Ces modèles et niveaux devraient être examinés et conçus dans le cadre du processus d'accord de coordination du projet de loi .
Nous sommes résolus à collaborer avec des partenaires pour cerner les besoins à long terme et les lacunes en matière de financement. Nous sommes déterminés à renforcer le projet de loi alors qu'il est examiné par le Parlement. Il est essentiel que nous collaborions de façon efficace pour y arriver. La nécessité de ce projet de loi va bien au-delà des considérations partisanes; je crois que nous le comprenons tous et que nous sommes tous d'accord. Ce qui compte, c'est que nous prenions enfin des mesures concrètes pour réformer le système en nous éloignant des échecs des politiques paternalistes du passé.
Le projet de loi témoigne concrètement de notre détermination collective à forger une relation renouvelée entre le Canada et les peuples autochtones, une relation basée sur le respect ainsi que sur la reconnaissance et l'affirmation des droits. Le projet de loi proposé est conçu de manière à offrir un avenir meilleur aux enfants autochtones, à leurs familles et aux communautés qu'il vise à appuyer et à protéger.
Finalement, c'est un avenir meilleur pour nous tous. J'espère pouvoir compter sur votre soutien à cet égard.
Merci, madame la présidente.
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Nous avons tenu environ 65 réunions et entendu approximativement 2 000 personnes des quatre coins du pays afin de comprendre exactement les tenants et les aboutissants du dossier.
La démarche se heurte souvent à l'incrédulité. J'ai passé bien du temps cette semaine au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. L'attitude à l'égard du projet de loi est mitigée. Il est juste de dire — et je regarde mon collègue, Robert — qu'au Manitoba, les gens semblent penser que nous n'irons pas de l'avant. Les Manitobains ne croient pas que nous appliquerons cette mesure législative.
Nous avons certainement recueilli un appui plus fort en Colombie-Britannique. Cela nous a aidés dans nos démarches. C'est le projet de loi que les gens attendaient. Un grand nombre de provinces ont renforcé la capacité sur le terrain et attendaient déjà un projet de loi sur les services à l'enfance et à la famille dans leurs communautés. Ces dernières sont donc impatientes de bénéficier d'une mesure nationale qui les protégerait en vertu de la loi fédérale et qui permettrait à d'autres de constituer la même capacité que la leur.
Dans d'autres régions où les provinces font davantage preuve d'autorité relativement aux services jeunesse et sociaux, comme le Manitoba et la Saskatchewan, les gens doutent davantage que la mesure soit réelle et sérieuse. Nous avons passé le plus clair de notre temps à leur garantir qu'elle l'est.
Le Manitoba, par exemple, propose une loi sur le rapatriement des enfants. Nous encourageons les lois d'entrée de jeu quand il est question des services à l'enfance et à la famille, faisant remarquer aux provinces que les mesures que nous proposons dans le projet de loi fonctionneront concurremment avec les dispositions qu'elles veulent instaurer sur place. Ces dernières cadrent avec leur situation et avec ce que nous voulons accomplir à l'échelle nationale.
Parfois, les femmes cries, confrontées au concept de services à l'enfance et à la famille et de retour dans les communautés, ont indiqué avec justesse qu'elles repartaient avec plus de questions qu'elles en avaient avant. Je considère que c'est un bon signe. Ces groupes ont établi leurs propres services à l'enfance et à la famille en fonction des désirs, des besoins et des capacités des communautés, et nous fournissons un abri dans le cadre fédéral.
C'est exaltant, car ce sera plus efficace. Au cours des deux dernières années et demie, nous avons doublé le financement réservé aux services à l'enfance et à la famille, le portant à quelque 1,2 milliard de dollars. C'est une somme d'argent substantielle qui leur est réservée. L'ennui, c'est que 80 % des fonds que nous versons par l'entremise des provinces et de nos organismes sont affectés aux « services de protection », un nom ironique qui fait essentiellement référence à la sécurité et à tout ce qui concerne l'enlèvement d'enfants. Ainsi, 80 % du budget concerne l'enlèvement d'enfants et les coûts afférents, qui sont légion.
Nous espérons que des fonds se libéreront sur le terrain, car les communautés elles-mêmes... Nous sommes déterminés à réduire le nombre d'enfants arrachés à leur famille et à mettre davantage l'accent sur les soins préventifs et prénataux au fil du temps afin de ne plus jamais nous retrouver dans cette position.
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J'aimerais partager mon temps de parole avec Georgina. Je vais simplement poser une question ou deux avant.
Je suis toujours contente de tenir une conversation sur la façon dont les enfants autochtones au pays sont importants. Je pense que c'est un sujet toujours important sur lequel le pays n'a certainement pas tenu suffisamment de conversations — et il en va de même pour les familles.
Monsieur le ministre, j'appuie fermement le plan de l'Ourson Spirit, et je suis triste et déçue que ce gouvernement ne l'appuie pas. Il demande essentiellement au Canada de se conformer immédiatement à toutes les décisions du Tribunal canadien des droits de la personne. Si je ne m'abuse, il a relancé le gouvernement à sept reprises pour qu'il se conforme enfin aux décisions. Le gouvernement actuel ne l'a malheureusement pas fait.
Il demande également au directeur parlementaire du budget de rendre publics les manques à gagner dans tous les services publics financés par le gouvernement fédéral offerts aux enfants, aux jeunes et aux familles des Premières Nations. De plus, il demande que le gouvernement consulte les Premières Nations pour élaborer conjointement un plan holistique de l'Ourson Spirit pour mettre fin à toutes ces inégalités — ce que cette mesure législative ne fait tout simplement pas — et que nous examinions l'enjeu fondamental, à savoir la discrimination systémique. Si nous discutons de cette question dans cette enceinte, nous devons tenir compte que nos systèmes ont été conçus dans un système colonial, dont nous en ressentons les répercussions de nos jours.
Il demande également que les ministères gouvernementaux fassent l'objet d'une évaluation approfondie et indépendante pour relever toute idéologie, politique ou pratique discriminatoire et y donner suite. Enfin, il demande que tous les fonctionnaires, y compris ceux aux plus hauts échelons, reçoivent une formation obligatoire pour cibler et régler ces idéologies, politiques et pratiques.
Je suppose que ma question comporte deux volets. Premièrement, si les enfants autochtones comptent au pays, pourquoi le gouvernement actuel n'appuie-t-il pas ce plan? Deuxièmement, pourquoi le Tribunal canadien des droits de la personne a-t-il relancé le gouvernement à sept reprises en raison du non-respect de l'entente et du jugement?
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Je ne veux pas présumer à quoi ressemblera le système. Je ne veux pas faire de suppositions condescendantes sur comment les choses vont se dérouler.
Nous nous sommes entendus sur trois assez bons principes, le premier étant, bien entendu, le bien-être de l'enfant. Les droits des enfants passent avant tout.
Deuxièmement — et c'est un point très important —, les traditions, la culture et la langue d'un enfant autochtone sont essentielles à sa santé.
Troisièmement, en ce qui concerne le système, l'enfant et la famille qui s'occupe de l'enfant devraient toujours être traités dans la dignité.
Pour ceux d'entre vous qui ont reçu un assez bon traitement dans les hôpitaux, cela semble être des choses assez fondamentales. Peu de gens seront touchés par cette mesure législative.
Chacun d'eux a besoin de temps pour trouver une solution. Ceux qui déterminent qu'ils sont prêts, qu'ils veulent enfin prendre la situation en main, qu'ils ont attendu assez longtemps...
La semaine dernière, j'ai soupé avec un groupe de femmes et d'aînées cries tout près de Winnipeg qui ne voulaient aucunement faire participer la province. Elles ont dit: « Réglons la question maintenant. » Nous avons dû les convaincre que certains travaux sont nécessaires.
Ce qu'il faut retenir, c'est que les Autochtones ont un an pour entamer des négociations avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour les aider à mettre sur pied leurs propres services à l'enfance et à la famille. Ils doivent en grande partie veiller à ce que l'enfant ait accès à toutes les ressources appropriées, à ce qu'ils connaissent et à leur famille élargie, qu'ils soient reconnus aux yeux de la loi, pas que ce soit nécessaire, mais qu'ils soient reconnus et habilités, et que les collectivités puissent trouver leur propre façon de gérer les situations, les enfants pris en charge.
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Nous ne travaillons pas uniquement avec l'Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l'Inuit Tapiriit Kanatami. Nous organisons aussi des rencontres trilatérales à l'échelle régionale. Nous avons des discussions avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits d'un bout à l'autre du pays.
Comme je l'ai déjà mentionné, ce n'est pas ce que cette mesure législative essaie de faire, et pour répondre à votre question, je dois résister à la tentation de décider ce que la prévention doit être. Il faudrait que cela vienne des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ce que fait ce projet de loi, c'est ouvrir cette porte et créer cet espace où une discussion à ce sujet aurait lieu.
À l'heure actuelle, nous payons des frais. Nous payons pour le système des Premières Nations. Nous ne donnons pas nécessairement de moyens aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis pour décider quel type de système ils veulent. C'est ce que nous voulons maintenant forcer, pour amorcer le dialogue, mais il faudra que cela vienne des Premières Nations, des Inuits et des Métis. S'il n'est question que du transfert des responsabilités du système actuel, nous risquons de reproduire ce que nous avons déjà reproduit.
Ce n'est pas le problème des travailleurs sociaux. Ce n'est pas leur faute individuellement. Le système repose là-dessus, et ils tiennent compte des règles du jeu, qui les amènent à prendre des décisions qui sont parfois à court terme, mais qui ont d'importantes répercussions à long terme sur les enfants et les familles.
Quelle est la solution magique pour la prévention? Je pense vraiment qu'avec toute l'approche novatrice en matière de prévention et de sensibilisation, au bout du compte, mis à part les principes qui doivent exister pour tout le monde, la solution viendra des collectivités et des nations.
Le cas de Nelson House est intéressant parce qu'il est différent, mais j'ai donné des exemples de collectivités qui travaillent pleinement avec les organismes pour examiner les meilleures façons de répondre aux besoins des enfants et ne s'occuper de protection qu'à la dernière minute, ou en dernier recours.
Je ne sais pas si vous voulez en dire plus.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour à tous les membres du Comité ainsi qu'à toutes les personnes ici présentes.
Je suis le chef national Robert Bertrand du Congrès des Peuples Autochtones. Je suis accompagné de M. Jim Devoe, notre chef de la direction. Il est avec moi aujourd'hui parce qu'il a travaillé pendant une quinzaine d'années dans le secteur de l'aide à l'enfance.
Je suis heureux d'être des vôtres et je tiens à souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin et de ses descendants.
Merci de nous avoir invités à comparaître pour vous parler du projet de loi . Nous avons de sérieuses appréhensions concernant ce projet de loi qui ne répond pas aux besoins particuliers des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves et en milieu urbain et qui va de ce fait marginaliser encore davantage nos membres.
J'aimerais d'abord et avant tout vous dire un mot du Congrès des Peuples Autochtones (CPA). Depuis plus de 48 ans, notre organisation nationale défend les droits et les intérêts des Indiens inscrits ou non inscrits vivant hors des réserves et des Métis de tout le Canada ainsi que des Inuits du sud du Labrador.
Selon notre vision des choses, tous les Autochtones du Canada devraient bénéficier de la meilleure qualité de vie qui soit grâce à la reconstruction de nos nations. Tous les citoyens autochtones ont le droit d'être traités avec respect, dignité, intégrité et équité. Nous devons nous assurer que cette vision demeure au cœur de nos priorités au bénéfice de nos enfants et de nos jeunes.
Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, plus de 70 % des Autochtones au Canada vivent aujourd'hui à l'extérieur des réserves, en milieu urbain ou dans des régions rurales ou éloignées. Nous savons que cette situation est en grande partie attribuable à la dissolution des familles autochtones en raison des placements dans les pensionnats indiens, des interventions de la protection de la jeunesse, des incarcérations et des autres formes d'institutionnalisation.
Nous devons en partie ce projet de loi à l'initiative des communautés des Premières Nations et aux efforts inlassables de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. En faisant en sorte que la loi s'applique également aux membres des Premières Nations, aux Métis et aux Inuits vivant à l'extérieur des réserves, on cherche à répondre aux besoins de ceux et celles qui sont représentés par le Congrès des Peuples Autochtones.
J'aimerais maintenant vous présenter la position du CPA concernant le projet de loi .
Nous savons que le système canadien d'aide à l'enfance est dans son ensemble déficient et que certaines de ces lacunes risquent d'être reproduites dans ce projet de loi. Nous craignons que l'on impose aux communautés autochtones le système d'aide à l'enfance dans sa forme actuelle en espérant obtenir un résultat différent. Avant de transférer cette responsabilité, il nous faut revoir complètement la manière dont nous offrons les services et les programmes d'aide à l'enfance. Ce transfert ne devrait pas marquer la fin de toute responsabilité de l'État à l'égard de nos enfants, de nos familles et de nos communautés.
Nous estimons nos membres tout à fait capables d'administrer leurs propres systèmes d'aide à l'enfance et nous voulons nous assurer qu'ils profitent du soutien nécessaire pour surmonter les difficultés associées à un tel mandat. Cette loi ne devrait pas servir à transférer le fardeau du colonialisme intergénérationnel sur le dos des communautés autochtones. S'il n'est pas assorti d'un financement suffisant et d'une prise de conscience du contexte politique et socioéconomique, ce projet de loi ne permettra pas une pleine prise de contrôle par les Autochtones.
Je vais maintenant vous faire part de nos réserves concernant certains aspects précis de la loi proposée.
Le paragraphe 9(1) et l'article 10 traitent du principe de l'intérêt de l'enfant. Ce principe est profondément ancré dans le système colonial et témoigne d'une compréhension non autochtone des concepts de communauté, de famille et de place d'un individu dans la société.
Nous pouvons voir une opposition inhérente entre les droits de l'enfant en tant que personnes suivant la définition de l'État et les droits collectifs des peuples autochtones. Un enfant s'inscrit dans une lignée ancestrale marquée par des relations complexes et représente l'avenir de la communauté. Nous croyons que la loi devrait permettre aux communautés autochtones de déterminer elles-mêmes quel est l'intérêt supérieur de l'enfant et quelles limites il convient d'imposer à l'application de ce concept.
Il faut que des précisions soient apportées quant à la façon dont le gouvernement définit ce qu'on entend par corps dirigeant autochtone. Selon la définition actuellement utilisée, il s'agit d'un conseil, d'un gouvernement ou d'une autre entité autorisé à agir pour le compte d'un groupe, d'une collectivité ou d'un peuple autochtone titulaire de droits reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous voudrions que l'on précise si les fournisseurs de services et les organisations autochtones en milieu urbain sont considérés comme des corps dirigeants autochtones. Qui confère des pouvoirs à ces organisations et qui fournira des services à tous les Autochtones en milieu urbain?
L'article 15 du projet de loi tient compte des considérations socioéconomiques. Le plus souvent, les enfants sont à risque en raison des politiques coloniales, de la discrimination systémique et des traumatismes intergénérationnels. Tous les ordres de gouvernement doivent faire le nécessaire afin que les collectivités et les familles bénéficient du soutien dont elles ont besoin pour assurer le mieux-être des enfants avant que l'on ne s'en remette à des interventions comme la prise en charge.
Cette loi ne devrait pas imposer aux fournisseurs de services d'aide à l'enfance tout le fardeau des conséquences du colonialisme. Le gouvernement doit être tenu d'éradiquer les causes profondes de la dégradation des communautés autochtones et de la vulnérabilité des enfants avant même que l'on songe à faire appel aux services d'aide à l'enfance. La loi devrait obliger le gouvernement à offrir aux communautés et aux familles des services extrajudiciaires adaptés.
Le paragraphe 18(1) du projet de loi offre aux corps dirigeants autochtones la possibilité de collaborer avec les provinces pour prendre la responsabilité des services d'aide à l'enfance. On ne précise pas quelles pourraient être les répercussions pour les Indiens non inscrits, les Autochtones vivant à l'extérieur d'une réserve et les Métis de toutes les régions du Canada. À titre d'exemple, quels pourraient être les impacts pour un enfant métis vivant dans la région d'Ottawa si lui et sa famille ne sont pas des membres inscrits du Ralliement national des Métis et appartiennent à une communauté autochtone en milieu urbain? Auraient-ils droit à des services à l'enfance et à la famille adéquats, appropriés et adaptés à leur culture?
On ne sait pas non plus si des problèmes de compétence pourraient opposer les fournisseurs de services provinciaux ou territoriaux et les corps dirigeants autochtones relativement au traitement des familles non affiliées. Le projet de loi devrait préciser clairement la marche à suivre pour aiguiller des enfants et des familles d'Autochtones vivant hors réserve, d'Indiens non inscrits, de Métis et d'Inuits vers les agences d'aide à l'enfance autochtones capables de leur offrir l'assistance nécessaire.
Enfin, le projet de loi ne prescrit aucune obligation précise quant aux fonds à investir pour combler les lacunes actuelles quant aux services offerts aux Autochtones vivant hors réserve, aux Indiens non inscrits et aux Métis. Parmi les besoins de financement au titre desquels le projet de loi devrait prévoir des mesures concrètes, notons ceux qui visent le développement par les organisations autochtones des lois, de l'expertise et des ressources nécessaires en matière d'aide à l'enfance; les arrangements de prise en charge par la parenté, qui doivent être assortis d'un soutien complet ne se limitant pas à des allocations mensuelles; la mise à disposition hors réserve de ressources pour les fournisseurs de service à l'enfance et à la famille autochtones, métis et inuits qui s'efforcent de mettre en place les mesures nécessaires pour les membres de leur communauté; et le soutien aux fournisseurs de services à l'enfance et à la famille autochtones, métis et inuits afin qu'ils puissent continuer à offrir des soins et des services aux enfants et aux familles qui déménagent de manière à maintenir une relation d'aide continue via des ententes avec d'autres fournisseurs de services à l'enfance et à la famille.
Nous ne pouvons pas passer sous silence l'ampleur des répercussions néfastes des ratés du système de l'aide à l'enfance sur nos membres.
En conclusion, je tiens à souligner que le Congrès des peuples autochtones et ses 10 organisations affiliées n'ont pas été consultés dans le cadre du processus conjoint d'élaboration de ce projet de loi. Il s'agit là d'une très grave omission, car cette mesure législative semble avoir pour but de répondre aux besoins de ceux-là mêmes que nous représentons, à savoir les Autochtones vivant hors réserve, les Métis et les Inuits.
Je serais ravi de répondre à toutes vos questions.
Meegwetch. Merci beaucoup.
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Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je tiens à souligner moi aussi que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
Je veux également saluer Jordan River Anderson qui sera honoré le 10 mai prochain à l'occasion de ce que nous appelons la Journée de l'ourson témoin. J'ose espérer que tous les parlementaires se joindront à nous pour honorer la mémoire de ce garçon très spécial qui nous a légué un héritage qui commence à bénéficier à de nombreux enfants canadiens.
Comme je ne suis pas titulaire de droits, je ne vais pas me prononcer dans un sens ou dans l'autre relativement à ce projet de loi. Je suis travailleuse sociale et je suis active dans ce domaine depuis plus de 30 ans. Je travaille pour la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, une organisation autochtone nationale qui s'emploie à offrir les meilleurs conseils spécialisés possibles et, dans le contexte du Tribunal canadien des droits de la personne, les ressources nécessaires pour que les Premières Nations puissent faire valoir leur droit de s'occuper de leurs enfants comme bon leur semble.
Je veux avant tout faire ressortir deux éléments importants. Il y a d'abord le fait que ce projet de loi ne traite pas du financement. Je veux faire valoir que l'on aurait tort d'établir ainsi une distinction entre les questions de compétence et de financement. C'est selon moi une grave erreur. Je ne vais pas vous demander d'inclure un montant d'argent dans ce projet de loi, mais je vous encouragerais à y enchâsser les principes de financement permettant de satisfaire aux exigences établies en la matière par le Tribunal canadien des droits de la personne.
Dans un deuxième temps, j'aimerais vous parler de la façon dont les choses se passent dans la pratique. Je crois que ce serait une bonne idée que vous revoyiez certaines composantes du projet de loi dans ce contexte, y compris l'utilisation du terme « apprehension » dans la version anglaise. Ce terme n'est vraiment plus employé. On ne le retrouve pas dans la loi de la Colombie-Britannique, pas plus que dans celle de l'Ontario et celle de la Nouvelle-Écosse. Je peux en tout cas vous assurer qu'il n'est pas utilisé par ceux qui comme moi travaillent dans ce domaine depuis de nombreuses années.
Avant de traiter plus à fond de ces deux questions, j'aimerais aborder quelques aspects concernant plus particulièrement le gouvernement fédéral. Lorsqu'on l'a interrogé concernant le plan de l'Ourson Spirit visant à mettre fin aux iniquités dans la prestation de services publics pour les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, le a indiqué qu'il n'écoutait pas les associations et qu'il ne les consultait pas. Je respecte sa position, mais je tiens tout de même à préciser une chose. Tous les chefs de l'Assemblée des Premières Nations ont adopté le plan de l'Ourson Spirit en décembre 2017. C'était la résolution no 92. C'est donc une mesure qui est appuyée par les titulaires de droits qui considèrent que c'est un pas important vers l'atteinte de l'objectif d'une accessibilité égale aux services pour toutes les familles.
Je veux aussi glisser un mot sur la continuité de l'aide à l'âge adulte. Il ne s'agit pas d'une mesure optionnelle. C'est une exigence législative pour les systèmes d'aide à l'enfance, et je dirais même que c'est une obligation morale. Les enfants qui ont grandi dans le giron de l'aide à l'enfance ont besoin de cette passerelle vers le début de l'âge adulte sous la forme de mesures de soutien à la formation et à l'éducation postsecondaire et de services de santé mentale. J'ai eu le privilège et l'honneur de travailler directement auprès des Premières Nations pendant environ 25 ans, et je n'ai jamais entendu un de leurs membres soutenir que les services devraient être interrompus une fois qu'un enfant atteint l'âge de la majorité. J'ai entendu le ministre et ses collaborateurs parler des consultations tenues si bien que je suis étonnée que l'on s'interroge encore au sujet de la pertinence de maintenir les services à l'âge adulte. Je suis d'accord avec le réseau Youth in Care pour dire que ces services devraient être inclus.
J'en arrive maintenant au cœur de mon exposé.
Au paragraphe 212 de la décision historique du Tribunal canadien des droits de la personne qui a jugé inéquitable le financement offert par le Canada au titre de l'aide à l'enfance et discriminatoire son manquement à mettre en application le principe de Jordan, on cite une déclaration faite en 2012 par Michael Wernick, alors sous-ministre d'Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. Il parlait du rapport de la vérificatrice générale qui avait souligné le manque d'équité dans les services d'aide à l'enfance offerts aux Premières Nations. Il a alors dit quelque chose qui m'apparaît concerner directement la question du financement. Je vais simplement vous lire ce bref paragraphe. Voici ce qu'il a déclaré: « Un des aspects vraiment importants du rapport de la vérificatrice générale tient à ce qu'il indique l'existence de quatre conditions gagnantes ou perdantes. » Ces conditions sont énumérées au paragraphe précédent: fondement législatif, niveaux de service, résultats que le gouvernement tente de réaliser à ce chapitre et mécanismes de financement. Je reprends ma lecture de la décision:
On pourrait choisir l'une ou l'autre de ces conditions, par exemple une législation sans financement, ou un financement sans législation, et ainsi de suite, et cela pourrait se traduire par quelques résultats, mais ceux-ci seraient probablement, à notre avis, de nature temporaire. Si l'on veut un changement structurel durable, il faut combiner ces outils.
Et il ajoute:
Avec tout le respect possible, je veux transmettre le message que si le Parlement exige de meilleurs résultats, il doit fournir de meilleurs outils.
Nul autre que Michael Wernick, qui était jusqu'à tout récemment greffier du Conseil privé au sein de ce gouvernement, établissait un lien entre le financement et la loi. L'un de ces éléments vous offre les pouvoirs nécessaires pour agir comme bon vous semble dans l'intérêt de vos enfants, alors que l'autre vous permet de concrétiser le tout.
À mes yeux, le projet de loi dans sa forme actuelle confronte les Premières Nations à un véritable pacte avec le diable. Ou bien on accepte ce projet de loi imparfait en devant se contenter d'un simple espoir de financement ou l'on risque de voir cette fenêtre qui nous est offerte se refermer, et ce, peut-être pour de bon. Les droits inhérents des Premières Nations ainsi que la sécurité et le bien-être de leurs enfants, de leurs jeunes et de leurs familles ne devraient jamais être remis en question de cette manière. Le gouvernement fédéral doit en faire davantage pour se conformer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et à la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Je pense que nous pouvons tous convenir que nous recherchons ce qu'il y a de mieux pour les enfants des Premières Nations, des Métis et des Inuits et qu'il ne faut surtout pas se contenter de la médiocrité, un vestige du colonialisme.
Je ne vais pas consacrer beaucoup de temps à la question des compétences, car je sais que vous allez recevoir les gens du Yellowhead Institute, lequel peut compter sur cinq professeurs de droit émérites qui ont procédé à une excellente analyse de ces enjeux. Je vais simplement vous dire que notre organisation adhère aux points de vue découlant de cette analyse. Nous souhaiterions bien sûr que les Premières Nations assument la responsabilité de l'aide à l'enfance, mais nous avons certaines réserves quant au libellé du projet de loi à cet égard.
Je vais maintenant vous parler de financement. Dans sa formulation actuelle, le projet de loi reconnaît simplement qu'un financement est requis. C'est tout. On indique dans la partie traitant de la coordination que les Premières Nations devraient s'asseoir avec le gouvernement fédéral et les provinces en vue de négocier un accord de financement dans un délai d'un an. Si l'on ne parvient pas à conclure un tel accord, la loi va entrer en vigueur sans qu'il ne soit possible, faute d'argent, de mettre en œuvre les mesures qu'elle prévoit.
Au fil des 12 dernières années, j'ai intenté, de concert avec l'Assemblée des Premières Nations, différentes poursuites contre le gouvernement du Canada afin d'obtenir un financement équitable pour l'aide à l'enfance. Nous étions encore devant le Tribunal canadien des droits de la personne, pas plus tard que la semaine dernière. Nous y serons à nouveau la semaine prochaine. Nous voulons seulement que l'aide à l'enfance soit financée adéquatement. Nous pouvons maintenant faire valoir pas moins de sept — et peut-être même huit — ordonnances légales contre le gouvernement du Canada dans nos efforts pour obtenir un financement équitable de l'aide à l'enfance au sein des Premières Nations.
Nous disposons donc de certaines bases nous permettant d'espérer que ces négociations puissent se dérouler rapidement et permettre de progresser vers l'équité dans une mesure semblable à ce qu'il nous a été possible de réaliser par la voie des tribunaux. Nous voudrions que le Canada inscrive dans les articles exécutoires de la loi, et pas seulement dans son préambule, les principes clés établis par le Tribunal canadien des droits de la personne quant aux exigences de financement.
L'égalité réelle est le premier de ces principes. Le tribunal a indiqué très clairement qu'il ne suffit pas au Canada d'offrir le même montant de financement pour les enfants autochtones que pour les autres, car l'iniquité qui perdure en matière de financement de l'aide à l'enfance a été à l'origine d'une situation particulièrement difficile créant des besoins plus criants pour les enfants autochtones, sans compter le fardeau des torts causés aux générations antérieures qui pèse sur eux. Pour que ces enfants bénéficient de chances égales dans la vie, il faut investir davantage pour leur venir en aide.
Comme second principe, il faut tenir compte de la diversité des besoins des enfants et des familles selon la communauté où ils vivent. Comme vous avez pu le constater vous-mêmes dans vos circonscriptions respectives, les enfants des différentes communautés des Premières Nations ont des besoins qui leur sont propres. Il faut que le financement vise à servir au mieux l'intérêt des enfants, non pas dans un sens colonial, mais en souscrivant à l'observation générale du Comité des droits de l'enfant des Nations unies concernant les enfants autochtones et leurs droits. Cette observation offre un bon cadre pour interpréter la notion de l'intérêt des enfants dans une optique autochtone, en tenant pleinement compte des besoins culturels et linguistiques de l'enfant ainsi que du contexte particulier de sa communauté. Ce sont donc des principes de base qui devraient être enchâssés dans le projet de loi .
Je veux aussi demander aux membres du Comité d'envisager sérieusement la possibilité d'intégrer à ce projet de loi des mesures qui iraient un peu dans le sens du plan de l'Ourson Spirit. Sans cela, je crains que certaines des dispositions les plus importantes ne puissent tout simplement pas s'appliquer. Je vous explique pourquoi.
Il y a dans ce projet de loi, une section traitant de la condition socioéconomique. On y indique qu'un enfant ne peut pas être pris en charge en raison de la pauvreté de sa famille, mais il faut savoir qu'il n'est d'ores et déjà pas possible de le faire au Canada. Aucune de nos lois en matière d'aide à l'enfance ne le prévoit. La pauvreté ne fait pas partie des motifs justifiant le retrait d'un enfant à sa famille; c'est seulement une condition sous-jacente à une telle prise en charge. Pas moins de 21 États américains en plus du district de Columbia reconnaissent le rôle joué par la pauvreté dans la problématique de l'aide à l'enfance. Leurs lois prévoient explicitement des mesures en ce sens, mais on va même plus loin. On ne se contente pas d'affirmer que la pauvreté est l'un des motifs pouvant mener à la prise en charge d'un enfant; on oblige également l'État à agir pour mettre fin à cette pauvreté.
Si vous appliquez le projet de loi , mais en continuant de laisser traîner la crise du logement chez les Premières Nations et de tolérer le sous-financement des programmes destinés à la première enfance et ceux de lutte contre les toxicomanies, des Premières Nations pourront progresser, mais pas comme il le faut vraiment pour améliorer les conditions de vie et assurer l'épanouissement des enfants dans ces conditions.
L'autre article important concerne les soins prénatals. Je sais que Mme McLeod, de votre comité, y tenait particulièrement. Nous soulignons absolument l'importance de ces soins, mais il faut les offrir à tous les membres de la famille. C'est indispensable.
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Nous entendons notamment beaucoup parler de la détermination pour la réconciliation. Je ne la remets pas en question. Je pense que beaucoup de bonnes personnes de tous les partis politiques et de tous les horizons sont déterminées à favoriser la réconciliation.
Mais, comme vous dites, toute cette notion de discrimination, cette séparation de la société canadienne entre sauvages et civilisés, qui sert de fondement au colonialisme, tout cela se trouve dans l'ADN du gouvernement canadien ainsi que dans celui des gouvernements des provinces et des territoires.
Devant la poursuite des procès, par le ministère des Affaires indiennes et ses descendants — maintenant Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones Canada — contre les enfants, au Tribunal canadien des droits de la personne, malgré les engagements pris pour mettre en œuvre leurs appels à l'action, nous devons nous demander comment nous pouvons amener ces ministères à révéler ce racisme structurel, de manière à y mettre fin. Je ne critique pas les employés. Je dis seulement que c'est dans le système.
Le plan de l'Ourson Spirit réside dans une évaluation indépendante et tous azimuts du ministère. Cela n'a jamais été fait dans l'histoire de notre pays, malgré son rôle dans les pensionnats, la rafle des années 1960 et la protection de l'enfance aujourd'hui. Faites-la faire, puis collaborez avec les fonctionnaires du ministère et d'autres peuples autochtones et réétalonnez la doctrine et les méthodes du ministère et, de façon plus générale, de l'administration fédérale. Espérons que les administrations provinciales et territoriales suivront, pour que nous puissions placer cette relation sur une nouvelle base.
À moins d'une intervention extérieure dans l'examen du ministère... Le ministère a déjà prouvé qu'il ne peut pas se réformer lui-même, même s'il le voulait.
Bonjour, honorables membres du Comité. Kwe natuptut. Nous sommes honorés d'être sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
Je m'appelle Paul Prosper. Je suis chef de la nation Mi'kmaw Paqtnkek. Je comparais au nom de l'Assemblée des chefs mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, une institution de gouvernance pour les 13 bandes micmaques de la Nouvelle-Écosse. Au nom de l'Assemblée, j'ai également été responsable du portefeuille de la justice et j'ai travaillé sur plusieurs questions liées à la protection de l'enfance pendant cette période.
Le territoire traditionnel micmac s'appelle Mi'kma'ki et il englobe environ cinq des provinces de l'Atlantique. Nous avons une longue et riche histoire. Nous avons un récit de la création et de nombreuses légendes. Notre structure de gouvernance traditionnelle est le Sante' Mawio'mi, le Grand conseil des Micmacs. À titre de Micmacs, nous avons des droits ancestraux et des droits issus de traités existants et en suspens. Ils ont été reconnus par les plus hauts tribunaux du pays. Tout au long de notre longue et riche histoire, qui s'étend de la période des traités jusqu'aux proclamations de scalpation en passant par les lois adoptées avant et après la Confédération, notamment la Loi sur les Indiens, les pensionnats et les politiques subséquentes du gouvernement fédéral et des choses comme la centralisation, nous sommes toujours là. Nous continuons de prospérer au sein de Mi'kma'ki, parfois en dépit des bonnes intentions du gouvernement fédéral qui n'ont rien donné.
Avant l'arrivée des Européens, nous étions des nations indépendantes gouvernées par nos propres coutumes, valeurs et traditions. Nous menions nos activités par l'entremise de kisult ou Niskam, notre Créateur, qui nous nous apprenait comment vivre à titre d'être humain selon des instructions originales. Nous avons un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ce droit est indépendant de tout texte législatif. Il est également enchâssé dans le cadre constitutionnel de notre pays par l'entremise de l'article 35.
En ce qui concerne le projet de loi , l'Assemblée appuie les dispositions du projet de loi qui reconnaissent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Toutefois, nous aimerions préciser certains changements fondamentaux qui s'imposent. Il s'agit surtout de questions liées au financement et à la transition, sur lesquelles mes homologues vous donneront plus de détails.
J'aimerais vous parler un peu de notre expérience en Nouvelle-Écosse. En 2014, la Province de la Nouvelle-Écosse a révisé sa loi sur les services aux enfants et aux familles, intitulée Children and Family Services Act; elle a fait l'objet d'une refonte en profondeur. Nous avons joué un rôle important dans ce processus avec le gouvernement provincial. Cela a mené à environ 25 modifications qui visaient les Micmacs de la Nouvelle-Écosse. En effet, auparavant, cette loi ne faisait aucune mention des Micmacs. Nous avons élaboré une approche provisoire et une approche à long terme. L'approche provisoire visait à obtenir une certaine reconnaissance par l'entremise de la loi provinciale. L'approche à long terme visait à adopter une loi micmaque pour les enfants micmacs, ce qui est certainement conforme au projet de loi.
Les modifications que nous avons apportées en 2017 nous ont permis d'obtenir des résultats positifs. Par exemple, il y a moins de placements en famille d'accueil et on suit davantage le modèle fondé sur la responsabilité traditionnelle. Nous avons reconnu la concertation des familles, une mesure de prévention issue des traditions micmaques qui nous permet de tenir compte de la situation existante avant qu'il soit impossible de revenir en arrière. Cela dit, nous ne voulons certainement pas que ce projet de loi fédéral nuise aux gains importants que nous avons réalisés à l'échelle provinciale.
En ce qui concerne mon expérience, j'aimerais simplement faire un commentaire au sujet des liens et du rôle de la collectivité. À titre de dirigeants et de chefs, nous en avons souvent assez de voir des enfants, des familles et des collectivités être déchirés par un système qui ne fonctionne pas.
Dans mon rôle, nous reconnaissons certainement la nécessité d'avoir des éléments de base liés à l'esprit et au bien-être de nos peuples et de nos nations, notamment l'identité, la culture, la langue et les traditions. Les gens ont besoin d'établir des liens et de créer un sentiment d'appartenance, et les membres de la collectivité ont le droit fondamental de vivre en santé dans un environnement sain. Nous reconnaissons que les solutions à nos problèmes relatifs à la protection de l'enfance doivent venir de l'intérieur. Les solutions qui permettront de résoudre ces problèmes doivent provenir de nos collectivités respectives.
Il faut créer un environnement particulier, car nous savons tous trop bien que, parfois, les lois et les politiques provinciales ne reflètent pas les réalités de nos collectivités. Nous reconnaissons que l'autonomie gouvernementale peut créer un mécanisme qui offre des façons traditionnelles et pratiques de prendre soin des enfants et des familles, et il existe certainement plusieurs exemples à cet égard.
Pour aborder brièvement le financement et la transition, nous reconnaissons que les lois, à elles-seules, ne suffisent pas pour engendrer les changements nécessaires. Il faut donc adopter aussi des approches axées sur l'éducation, le renforcement des capacités, la gouvernance, l'infrastructure, le financement stable et l'établissement de relations dans le cadre d'une initiative stratégique globale en matière de justice.
C'est ce qui termine ma déclaration. J'aimerais maintenant laisser la parole à mes collègues.
Merci.
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Je m'appelle Jennifer Cox. Je suis une avocate micmaque. Je travaille dans la province de la Nouvelle-Écosse, mais j'ai également travaillé pendant quelques années en Saskatchewan. En juin prochain, il y aura 24 ans que je pratique le droit.
J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de la protection de l'enfance. En fait, M. Morris et moi-même sommes chacun à une extrémité différente du dossier de la protection de l'enfance. Aujourd'hui, nous voulons non seulement vous faire part de nos commentaires au sujet du projet de loi , mais également vous parler de notre expérience liée à l'établissement de cette relation. Habituellement, on ne verrait pas des avocats qui sont du côté opposé d'une affaire travailler ensemble, mais nous avons établi cette relation et elle nous a permis d'apporter certains des changements qu'on peut observer aujourd'hui en Nouvelle-Écosse.
Les observations que je communiquerai aux membres du Comité concernent les dispositions de fond du projet de loi . Nous avons préparé un mémoire et nous vous l'avons envoyé. Malheureusement, il n'a pas été traduit, et vous ne l'avez donc pas en main.
Comme le chef l'a indiqué, selon les directives que j'ai reçues, nous appuyons le projet de loi , mais nous tenons à suggérer quelques changements à apporter. En raison de notre expérience avec les changements législatifs qui ont été apportés en Nouvelle-Écosse, nous ne sommes pas sans savoir que ces choses se déroulent très rapidement et qu'il y a peu d'occasions de participer au processus. Dans une certaine mesure, je pense que les membres du Comité doivent tenir compte de cela lorsqu'ils examinent les motivations qui ont poussé le gouvernement à présenter cette mesure dans un délai aussi court. Il nous est certainement difficile de participer au processus, car nous avons très peu de temps pour le faire, mais en même temps, il n'est pas inhabituel qu'un gouvernement présente une telle mesure et tente d'accélérer son adoption.
Les changements législatifs apportés en Nouvelle-Écosse ont été très rapides. Nous avons eu environ deux mois pour réagir. Nous avons fait de notre mieux. Nous avons présenté quelques suggestions. Certaines de ces suggestions ont donné lieu à des changements très positifs, et M. Morris vous parlera du nombre d'enfants pris en charge et des résultats beaucoup plus positifs pour les familles.
Cette réussite est attribuable à l'établissement de ces relations. Puisque nous avons un organisme dans la province, nous entretenons de bonnes relations avec la Province de la Nouvelle-Écosse. Nous avons l'Assemblée des chefs mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse et manifestement, le chef Prosper est un champion efficace. De nombreux éléments expliquent la réussite de la Nouvelle-Écosse; elle n'est pas seulement fondée sur la législation.
Je vais aborder les dispositions de fond du projet de loi qui, à notre avis, doivent faire l'objet d'un examen. De plus, je pense qu'il est important que les membres du Comité sachent que nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une corédaction, car nous n'avons eu qu'une seule occasion d'intervenir dans le projet de loi . En effet, une séance de mobilisation a eu lieu en octobre 2018, mais nous ne voyons pas cela comme une corédaction. Comme je l'ai déjà indiqué, je ne crois pas non plus que l'adoption d'une loi soit le seul agent de changement. Il faudra aussi établir des relations, prévoir du financement, bâtir l'infrastructure nécessaire, faire la transition et toutes sortes d'autres choses.
Nous demandons l'ajout de dispositions sur le financement au préambule. Je pense que le mot « demande » doit être remplacé par le mot « besoin ». Encore une fois, toutes ces dispositions de fond vous seront fournies, afin que vous puissiez examiner le libellé. Nous vous demandons également d'intégrer les dispositions du préambule à l'article 18. Il s'agit des dispositions relatives à la compétence. Nous ne demandons pas de modifier le libellé, à l'exception de l'insertion du mot « besoin »; nous utilisons le libellé du préambule déjà proposé par le gouvernement du Canada.
Nous demandons à ce que l'alinéa 20(2)c) contienne également des dispositions sur les principes de financement — pas des formules, seulement des principes. Si ces principes de financement ne sont pas inclus dans la loi, il nous sera très difficile de négocier des ententes de coordination.
Nous demandons d'inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au paragraphe 18(1) à titre d'outil de reconnaissance. Ainsi, ce paragraphe mentionnerait non seulement l'article 35 de la Loi constitutionnelle, mais aussi la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nous demandons que le principe de Jordan soit expressément mentionné à l'alinéa 9(3)e).
Nous avons quelques suggestions liées à l'intérêt supérieur de l'enfant au paragraphe 10(3) qui laisseront une certaine place aux normes juridiques et communautaires autochtones inhérentes. C'est un élément assez important du projet de loi. Je pense qu'il est vraiment important de donner aux collectivités autochtones l'espace nécessaire à l'interprétation de leurs propres normes et traditions communautaires pendant la rédaction de leur propre loi.
Bon nombre de ces dispositions ne s'appliqueront pas si elles ont leur propre loi, mais entre-temps, il y aura une période de transition et il faudrait permettre à ces normes juridiques et communautaires de jouer un rôle.
L'alinéa 10(3)g) nous préoccupe. Honnêtement, je pense qu'il est au mauvais endroit. Habituellement, dans les lois provinciales, on considère que la violence familiale est un motif de retrait de l'enfant, et il n'est pas dans la partie sur « l'intérêt supérieur ». Nous recommandons l'élimination de cet alinéa, car il pourrait créer de la confusion.
La définition de « fournisseur de soin » semble malheureusement permettre aux parents d'accueil d'avoir la qualité pour agir dans une procédure judiciaire. Ce n'est pas ce qu'on voit habituellement. En fait, les provinces et les territoires du Canada, à l'exception du Manitoba, n'accordent pas aux parents d'accueil la qualité pour agir dans une procédure judiciaire, car cela cause de nombreux problèmes et retards. Voilà donc nos préoccupations au sujet de la définition. Nous vous avons fourni le libellé qui permet de la modifier.
Une voix: De quel article s'agit-il?
Mme Jennifer Cox: Il s'agit de la définition de « fournisseur de soin », et c'est donc dans la partie sur les définitions. Nous avons suggéré des modifications précises.
En ce qui concerne le paragraphe 31(1), c'est-à-dire la disposition sur l'examen quinquennal, nous vous demandons d'envisager de prévoir plutôt une période de trois ans, car un certain nombre d'éléments différents doivent être examinés dans ce cas-ci.
Nous avons formulé quelques suggestions sur les dispositions relatives à l'avis, à l'article 12. Notre formulaire contient un avis de bande qui a été élaboré conjointement avec la Province de la Nouvelle-Écosse. Nous vous avons fourni des exemplaires de cet avis et de la réponse que les bandes peuvent remplir. Nous pensons que cela pourrait être utile en ce qui concerne l'article 12 et ce que nous pouvons faire lorsque nous avons la possibilité de participer. La Province de la Nouvelle-Écosse et les tribunaux de la famille de cette province nous ont donné l'occasion de participer à ce type de processus, et c'est ce que nous pouvons accomplir lorsque nous travaillons ensemble.
C'est ce qui termine ma déclaration.
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Merci, madame la présidente et membres du Comité, de m'avoir invité à me joindre à vous à la dernière minute.
Je travaille dans le domaine de la protection de l'enfance depuis 20 ans. Je suis conseiller juridique à l'interne chez Mi'kmaw Family and Children Services depuis trois ans et demi. Cet organisme était mon principal client avant que je devienne conseiller à l'interne.
Je présume que le chef m'a demandé de participer à la réunion d'aujourd'hui et de me joindre aux témoins pour vous parler notamment de certains des changements qui ont été apportés, car on a apporté certaines modifications importantes aux lois de la Nouvelle-Écosse, mais elles ne remontent qu'au 1er mars 2017. Ces changements ne sont donc qu'aux premières étapes, mais au cours des 20 années pendant lesquelles j'ai travaillé dans le domaine des litiges en matière de protection de l'enfance, j'ai certainement observé un changement au sein de l'organisme en Nouvelle-Écosse.
À titre de renseignement pour ceux qui ne le savent pas, lorsque je parle de « l'organisme », je parle des Mi'kmaw Family and Children's Services of Nova Scotia qui a été créé en Nouvelle-Écosse à la suite d'une entente tripartite entre la province, le gouvernement fédéral et les 13 chefs. Cet organisme fournit tous les services aux enfants et aux familles micmaques qui habitent dans les collectivités de la Nouvelle-Écosse. Il y a donc, dans cette province, un organisme qui fournit des services liés à la protection de l'enfance, mais il fournit actuellement ces services dans le cadre d'un mandat provincial. En effet, notre organisme n'a pas son propre manuel de politiques; nous utilisons le manuel des services de protection de l'enfance de la Province de la Nouvelle-Écosse.
Au départ, et certainement lorsque j'ai commencé ces activités, la mise en œuvre était assez rigide et cela entraînait souvent des interventions plus importantes, ce qui créait plus de situations de prise en charge. C'était en grande partie attribuable aux placements prolongés dans une famille et aux politiques en œuvre, qui exigeaient de mener des vérifications avant de placer des enfants dans des familles, ainsi que des situations où, même s'il n'y avait eu aucun problème au cours des cinq dernières années pendant lesquelles un enfant avait vécu dans un foyer, il existait une condamnation au criminel qui remontait à sept ans et qui faisait en sorte qu'on ne pouvait pas envisager un placement prolongé chez cette personne pour les enfants qui ne pouvaient pas habiter avec une autre famille.
Même sans la loi, les intervenants de la province ont coopéré avec notre organisme pour présenter des demandes de financement à AINC ou au ministère précédent, car notre organisme était sous-financé et le nombre de dossiers par travailleur dépassait la moyenne provinciale. On a donc considérablement augmenté le nombre de nos employés, ce qui a permis à notre organisme, selon moi, d'offrir des services moins intrusifs, mais plus nombreux et plus adaptés aux familles desservies. Cela a permis aux travailleurs de prendre le temps d'envisager le placement chez un membre de la famille avant la prise en charge d'un enfant. Lorsque je parle de « temps », il s'agit souvent seulement de trois ou quatre heures ou d'un après-midi. C'est ce que nous faisons actuellement, au lieu de devoir terminer une intervention rapidement en plaçant les enfants en milieu familial et de suivre ensuite un processus long et laborieux pour vérifier les placements et permettre à ces enfants de revenir à la maison.
Les pratiques et les politiques en œuvre ont modifié la façon dont les services en matière de protection de l'enfance et les services aux enfants et aux familles étaient fournis dans les collectivités. Lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine à la fin des années 1990 ou au début des années 2000, la majorité des dossiers pour lesquels je devais me présenter devant le tribunal étaient liés aux services de garde temporaire et à la garde. L'enfant avait été pris en charge et l'organisme fournissait les services nécessaires pour régler ces questions avant que l'enfant puisse retourner à la maison. S'il s'agissait d'une période plus longue, il pouvait falloir attendre des semaines ou des mois avant que les placements dans la famille soient approuvés. Lorsqu'on a augmenté le nombre de travailleurs, le financement et le niveau de service, l'organisme a été en mesure de se concentrer sur la meilleure façon de répondre aux besoins des familles et des enfants qu'il desservait, de trouver une façon de laisser les enfants vivre avec leur famille et dans leur collectivité, et de tenter de réduire le nombre de retraits d'enfants de leur foyer.
J'ai compilé les chiffres. Mes données ne remontent pas au début de mon travail, car j'étais l'un des avocats subalternes qui travaillaient sur les dossiers que m'attribuait l'avocat avec lequel je travaillais.
Lorsque j'ai compilé les chiffres l'an dernier, 49 % de nos dossiers étaient des ordonnances de surveillance, ce qui signifie que les enfants vivent toujours avec l'un des parents ou les deux. Vingt-six pour cent étaient des ordonnances de surveillance de soins conformes aux traditions, c'est-à-dire que les enfants n'étaient pas pris en charge, mais placés avec un autre membre de la famille élargie. Treize pour cent des enfants qui avaient été pris en charge étaient placés avec un membre de la famille. Encore une fois, c'était habituellement lié à un problème de financement, par exemple les membres de la famille élargie n'avaient pas les moyens de s'occuper de l'enfant dans le cadre d'une ordonnance de surveillance, car cette ordonnance ne s'accompagne d'aucun financement. En effet, un financement est seulement versé si les enfants sont pris en charge. Ensuite, l'an dernier, 12 % des enfants étaient en placement temporaire véritable dans des foyers d'accueil sans membre de leur famille.
C'était presque un revirement complet comparativement à il y a 20 ans, lorsque j'ai commencé à travailler dans ce domaine et que 75 à 85 % de mes dossiers concernaient des placements et des gardes temporaires. Maintenant, 75 % des dossiers concernent des placements dans la famille, et la moitié des placements temporaires et des gardes se font avec un membre de la famille.
Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion de faire reconnaître certains droits. Le financement sera un élément essentiel, car c'est la prestation de services aux familles qui engendrera des changements véritables pour ces familles. Cela peut se faire par l'entremise de l'adoption de politiques et de lois.
Je crois que mes sept minutes sont écoulées, et je m'arrêterai donc ici.
Je pense que la principale raison pour laquelle on m'a invité à participer à la réunion d'aujourd'hui était de fournir ces renseignements.
Merci beaucoup.
:
Merci, madame la présidente et membres du Comité. Je m'excuse auprès des autres témoins de faire irruption dans leur présentation, mais je vous remercie de me donner cette occasion de comparaître.
Je tenterai d'être aussi bref que possible. Je vous ai fait parvenir une partie de ma déclaration il y a quelques semaines. Je ne m'étais pas rendu compte que je parlerais de sujets différents au même Comité.
Comme la présidente l'a mentionné, je m'appelle Duane Smith. C'est du moins mon nom anglophone. Je suis président et chef de la direction de la Société régionale Inuvialuit, qui représente la région complètement au nord-ouest du Canada, à la frontière de l'Alaska. La région que je représente couvre un peu moins d'un million de kilomètres carrés, dont les deux tiers sont un plan d'eau.
Je vais aller droit au but pour certaines choses, afin de pouvoir consacrer du temps à certains autres points. Comme vous le savez déjà, nous avons signé une entente — quand je dis nous, je parle du Canada et de notre organisme — pour mettre en œuvre les dispositions sur lesquelles nous nous étions mis d'accord dans l'entente intitulée la Convention définitive des Inuvialuit, conclue en 1984. C'est le deuxième plus ancien traité moderne que nous avons au Canada.
Comme je l'ai déjà dit — et je le répète —, la CDI appartient non seulement aux Inuvialuit, mais aussi au Canada. C'est en partie la raison pour laquelle je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui, car nous devons travailler avec le Canada sur des enjeux comme celui dont je vous parlerai aujourd'hui, c'est-à-dire la façon dont nous pouvons améliorer et mettre en œuvre nos obligations issues de ce traité.
La région désignée des Inuvialuit comprend six collectivités. Je vais sauter des bouts de cette partie. Je m'excuse auprès des interprètes, car j'élimine certaines parties et j'en ajoute d'autres, car mon témoignage a été intégré à cette partie. Nous avons de 6 300 à 6 400 Inuvialuit dispersés dans l'ensemble du pays, mais la plupart d'entre eux se trouvent dans notre région.
Avant d'aborder la partie sur le soutien aux enfants inuvialuit, j'aimerais mentionner que j'étais assis à l'arrière pour écouter la présentation micmaque. Je tiens à exprimer tout mon soutien pour les commentaires et les recommandations que ces intervenants ont formulées jusqu'ici, car j'ai entendu des recommandations semblables d'autres parties, y compris d'autres organismes inuits.
J'aimerais maintenant vous parler de certaines des mesures que nous avons prises pour tenter d'offrir du soutien à nos enfants, à nos jeunes et à nos familles qui vivent dans la région désignée des Inuvialuit, ou la RDI. L'un des trois objectifs principaux de la Convention définitive des Inuvialuit, la CDI, est de préserver l'identité culturelle et les valeurs des Inuvialuit dans une société nordique en évolution. Il est essentiel d'avoir des familles et des collectivités saines dans lesquelles les enfants et les jeunes se sentent acceptés et appuyés pour préserver cette identité culturelle et ces valeurs.
Comme la plupart d'entre vous le savent sûrement, depuis 2014, le vérificateur général du Canada a cerné des lacunes considérables dans la prestation des services aux enfants et aux familles des Territoires du Nord-Ouest et dans les structures de soutien à la prestation de ces services. Ces conclusions touchent de façon disproportionnée les enfants autochtones qui vivent dans le territoire, car plus de 90 % des enfants pris en charge sont autochtones. À l'époque, le vérificateur général avait aussi déclaré que le gouvernement ne savait même pas où se trouvaient certains de ces enfants.
L'an dernier, en 2018, le vérificateur général a produit un autre rapport. Selon les constatations de base contenues dans ce rapport, la situation s'est aggravée. Je ne sais pas comment cela peut être pire qu'une situation dans laquelle le gouvernement ne sait même pas où sont certains enfants pris en charge, mais la situation actuelle est encore plus grave.
Les intervenants de la Société régionale Inuvialuit font ce qu'ils peuvent pour gérer ces lacunes, afin que des enfants ne passent pas entre les mailles du filet.
Par exemple, nous fournissons ce que nous appelons des travailleurs de soutien aux élèves et aux familles. On a établi que les écoles avaient besoin de ces travailleurs pour créer des liens avec les familles et les collectivités, et j'ai accordé la priorité à cette initiative lorsque j'ai été élu pour la première fois en 2016. Nous utilisons les fonds que nous recevons pour maintenir un employé en poste dans chaque collectivité. Ces personnes travaillent dans les écoles et fournissent de l'aide aux élèves et à leur famille pour veiller à ce que les enfants inuvialuit fréquentent l'école et reçoivent du soutien pendant leurs années de fréquentation scolaire.
J'ai un autre exemple. Depuis que je suis président, nous essayons de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour veiller à ce que les enfants qui sont pris en charge par le gouvernement ou qui sont adoptés par des familles non inuvialuit aient la chance de s'enregistrer et, au bout du compte, de s'inscrire avec nous. Dans certains cas, des enfants inuvialuit sont retirés de leur famille et envoyés dans des endroits à partir desquels il est très difficile et très dispendieux de revenir dans la région désignée des Inuvialuit.
Une fois que nous avons trouvé l'enfant dans le système, nous tentons de communiquer avec eux et de leur fournir des documents sur les trois dialectes inuvialuktun, sur l'histoire de la région et sur nos activités traditionnelles. Lorsque nos dossiers indiquent qu'un enfant est sur le point d'avoir 18 ans, nous veillons à ce qu'il reçoive les formulaires nécessaires pour faire une demande à la Fiducie inuvialuit. Nos employés demeurent disponibles pour répondre aux questions des tuteurs sur la Société régionale Inuvialuit, la région désignée des Inuvialuit et nos collectivités inuvialuit.
J'aimerais faire une parenthèse pour que vous compreniez comment fonctionne le système gouvernemental. Lorsqu'un enfant atteint l'âge de 18 ans, on le loge à l'hôtel pendant un certain temps et on le laisse ensuite se débrouiller seul sans lui donner les compétences de base qui lui permettraient de réussir. Nous faisons donc face à un problème.
Avant la réunion d'urgence de la et la rédaction du projet de loi , qui a permis d'attirer l'attention sur les problèmes auxquels faisaient face les enfants, les jeunes et les familles autochtones, il était très difficile d'obtenir la collaboration de certains gouvernements provinciaux et territoriaux. Malgré les bonnes intentions des membres du personnel, le cadre qui visait à obtenir la participation des organisations inuvialuit et à leur transmettre des renseignements n'était pas suffisant.
Le projet de loi n'est pas parfait, mais il représente une étape importante. Nous espérons qu'il orientera le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest alors qu'il se penche sur le nombre croissant de lacunes cernées par le vérificateur général.
J'aimerais maintenant formuler des commentaires sur quelques éléments clés du projet de loi.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, la transmission de notre culture et de notre langue, ainsi que de nos connaissances sur notre région, sont des éléments essentiels pour préserver l'identité culturelle et les valeurs des Inuvialuit dans une société nordique en évolution. Les principes énoncés dans l'article 9 du projet de loi accordent l'importance voulue à ces éléments. Plus précisément, nous considérons que l'alinéa 9(3)d), qui reconnaît que les organisations autochtones ont un rôle à jouer, est essentiel.
L'article 12 du projet de loi, qui exige que le fournisseur de services avise le parent ou le fournisseur de soins de l'enfant, ainsi que le corps autochtone dirigeant qui agit au nom du groupe autochtone, de la prise d'une mesure, contribuera grandement au travail que nous tentons d'accomplir au nom des enfants inuvialuit, peu importe où ils se trouvent.
J'aimerais souligner que la mise en œuvre de règlements sera importante dans le cadre de cet article. Mon personnel m'a informé que les procédures d'accueil de la province ou du territoire responsable représentent un obstacle dans la communication de renseignements aux organisations autochtones. En effet, le formulaire de certaines provinces n'a même pas de case d'identification des Inuits que le travailleur social peut cocher. Tous les enfants sont simplement « Premières Nations », et nous avons donc un problème d'identification. La catégorisation des enfants autochtones dans les différentes bases de données devra être plus précise. C'est la seule façon de permettre aux travailleurs sociaux de mettre l'enfant en contact avec l'organisation autochtone appropriée, afin d'envoyer un avis.
L'article 16 du projet de loi concerne les facteurs auxquels on accorde la priorité dans le placement des enfants. Compte tenu de la situation géographique éloignée, ce qui complique les visites des enfants dans leur collectivité d'origine lorsqu'ils ont été retirés de leur famille, les Inuivialuit aimeraient qu'on accorde la priorité à la proximité géographique dans les placements. Si c'est impossible, nous aimerions qu'on adopte une disposition qui permettrait de maintenir des liens entre l'enfant et sa collectivité ou sa région d'origine.
Enfin, pendant que nous tentons de régler certains défis qui se posent dans nos négociations liées à l'autonomie gouvernementale, nous soulignons l'importance des dispositions sur les accords de coordination prévues dans l'article 20 du projet de loi. En effet, ces dispositions permettraient à la Société régionale Inuvialuit de demander un accord de coordination avec le gouvernement relativement à l'exercice de la compétence législative sur, premièrement, la prestation de services d'urgence pour assurer la sécurité et le bien-être des enfants autochtones, deuxièmement, le soutien aux mesures qui permettront aux enfants autochtones de faire valoir leurs droits efficacement, troisièmement, des accords financiers liés à l'exercice efficace de la compétence législative et, enfin, toute autre mesure de coordination liée à l'exercice efficace de la compétence législative.
La capacité d'exercer notre gouvernance traditionnelle sur les services aux enfants et aux familles, comme on les appelle à l'époque moderne, est essentielle pour veiller à donner à nos enfants un sentiment d'identité et d'appartenance.
En terminant, nous avons hâte de travailler avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de règlements qui aideront à la mise en œuvre de cette de loi lorsqu'elle entrera en vigueur.
Je vous remercie de votre attention et de votre intérêt. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Nakurmiik
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Je n'estime pas nécessairement que cela créera des problèmes entre la province et nous. Le problème, selon nous, je crois, c'est que nous avons dans les modifications, les avis envoyés aux bandes. Lorsque notre organisme fait une demande, j'avise la bande que nous intervenons: le type d'intervention et chez qui l'enfant est placé.
D'après ce que je vois, dans le cadre du projet de loi fédéral, un avis sera donné, mais pas des renseignements d'identification. J'essaie de déterminer comment je fais en sorte que la bande puisse intervenir et commencer à aider. Dans bien des cas, lorsque nous avisons la bande, elle peut communiquer avec la famille et déterminer si c'est une question de logement ou de finance, par exemple, pour commencer à intervenir. C'est seulement une chose qui est préoccupante.
L'autre a été mentionnée par Mme Cox concernant la définition de « fournisseur de soins ». Dans le libellé actuel de la loi de la Nouvelle-Écosse, il est clairement indiqué qu'un parent de famille d'accueil n'a pas la qualité pour agir dans une procédure. Le but est de régler la question de la protection et de réintégrer l'enfant chez le fournisseur de soins d'origine, le membre de la famille.
Alors que cette question a été réglée à la satisfaction de l'organisme, de la famille et du tribunal, cela nous inquiéterait si un parent de famille d'accueil visé par la définition de « fournisseur de soins » avait soudainement la qualité pour agir, un problème qui se pose dans d'autres provinces qui n'ont pas adopté de mesures législatives stipulant qu'un parent de famille d'accueil n'a pas la qualité pour agir dans ces procédures.
Voilà deux exemples d'éléments qui sont inquiétants, des exemples où ces mesures législatives fédérales l'emporteraient sur une loi provinciale en cas d'incompatibilité entre les deux.
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Concernant le paragraphe 10(3), nous demandons seulement qu'on ajoute un peu plus de marge de manoeuvre au début. Le paragraphe commence comme suit:
Pour déterminer l’intérêt de l’enfant autochtone,
À notre avis, il devrait être inscrit par la suite « tout facteur lié à la situation de ce dernier doit d'abord être déterminé selon les normes juridiques et communautaires autochtones inhérentes ». C'est à cet égard que je dis qu'on doit donner une certaine marge de manoeuvre aux communautés pour faire en sorte que leurs normes soient directement reconnues dans la partie qui porte sur l'intérêt.
Concernant l'égalité réelle et la continuité culturelle, ce sont de bons principes, mais ils ne figurent pas dans la partie qui porte sur l'intérêt. Ils devraient y figurer, car l'intérêt a préséance ici; on accorde de l'importance à l'intérêt dans le projet de loi . Puisque la continuité culturelle et l'égalité réelle sont de bons principes, on devrait les intégrer dans la partie plus substantielle, soit celle qui porte sur l'intérêt.
Enfin, l'autre problème dont j'ai parlé concerne la partie qui porte sur la violence familiale, car elle ne figure pas au bon endroit. Je ne sais quoi dire de plus, sauf que lorsque nous examinons des dossiers de protection des enfants, nous examinons les raisons pour lesquelles on doit retirer un enfant des soins de ses parents. La violence familiale est habituellement l'une des raisons. On ne parle pas d'une question d'intérêt, mais de préoccupations relatives à la protection de l'enfant. Ces dispositions figurent dans les lois partout au Canada. Nous n'avons pas besoin d'ajouter quoi que ce soit sur ce facteur.
Il va sans dire que les enfants devraient vivre sans avis d'ébullition de l'eau, sans violence familiale, sans certains de ces facteurs de protection, et cela ne figure donc tout simplement pas au bon endroit.
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Je vous remercie de la question.
Pour vous donner une idée, je dis toujours qu'il faut faire un voyage de neuf heures en jet pour se rendre dans ma communauté sans même sortir du pays. Je crois que ce serait vraiment utile si, régulièrement, des gens comme vous se rendaient dans différentes régions du pays, de sorte qu'on prenne conscience de son immensité et des questions que le Canada doit entreprendre à cette échelle.
Dans ma région, le centre de service initial est ma communauté, mais si je ne peux y recevoir de services, alors j'irai à 800 kilomètres de là, au sud, voire plus loin, à Yellowknife, qui est la capitale. La capacité de fournir divers services y est limitée et par la suite, la personne qui a besoin d'un service de santé est envoyée à Edmonton, qui se trouve à 3 200 kilomètres de chez moi vers le sud.
Certains de ces enfants dont nous parlons — soyons francs — souffrent peut-être d'un trouble du spectre de l'alcoolisation foetale ou d'autre chose, et ils ne pourront pas obtenir de services spécialisés, par exemple, dans de petites communautés comme la mienne. À tout le moins, on devrait déterminer comment on peut les garder plus près de chez eux. Pour les enfants que l'on retire de leur famille parce que leur mère et leur père ont eu une prise de bec et que le travailleur social ne croit pas qu'ils sont capables de s'occuper d'eux, c'est à cet égard que le système ne nous donne pas ce que nous sommes en droit d'attendre, que nos droits ne sont pas reconnus ou respectés, indépendamment de cette mesure législative.
Ce droit et cette reconnaissance existent déjà dans la Convention définitive des Inuvialuit. C'est seulement que les gouvernements, tant fédéral que territorial, ne les respectent pas. Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter comme nous le faisons aujourd'hui de l'élaboration de meilleurs processus qui reflètent notre culture, nos façons de régler de tels problèmes. Il faut que nous ayons la possibilité de nous occuper de nos propres enfants pour qu'au moins, ils demeurent dans un environnement culturel, de sorte qu'ils comprennent qui ils sont et qu'ils soient en contact avec la culture.
Sur le plan géographique, c'est une échelle différente.
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Je pense qu'il faut regarder les notes qui ont été préparées. Nous vous les avons d'ailleurs remises, pour votre information, et vous les recevrez dès qu'elles auront été traduites.
Quand il y a corédaction, on s'assoit ensemble pour étudier les ébauches. Nous avons donc tous travaillé ensemble, nous avons posé des questions, nous avons pu demander que les éléments auxquels nous tenions soient inclus, particulièrement le formulaire que la bande doit remplir et ce qu'il contient, parce que nous voulions qu'il soit accepté par la communauté et que les bonnes questions y soient posées pour que les membres de la communauté sachent ce que la cour veut savoir et ce qu'elle peut leur offrir. Cela a été une belle occasion de corédaction, parce que nous avons pu examiner les documents au préalable et que nous avons tous eu l'occasion de collaborer à la réflexion pour déterminer ce que nous voulions y voir.
En revanche, l'ébauche du projet de loi nous a été remise une semaine à l'avance. Nous y travaillons tous un peu à temps perdu, mais je ne peux pas y consacrer tellement d'attention compte tenu de tout ce que j'ai à faire d'autre tout le temps. Nous devons travailler tard le soir pour examiner le projet de loi . Ce n'est pas très propice à une pleine participation. Nous aurions pu faire quelques recommandations comme celles que nous faisons maintenant, qui auraient peut-être pu aider.
Ce serait bien qu'on nous donne un mois ou deux pour bien examiner un projet de loi, y réagir et faire des recommandations, parce que nous pourrions avoir de bonnes idées, nous pourrions trouver une forme de consensus ou au moins avoir l'impression d'avoir été entendus et non bousculés. Ce n'est pas seulement... Il n'y a rien de parfait. Nous sommes tous sous pression, mais nous voudrions avoir l'occasion de nous asseoir, d'examiner des documents, de présenter nos commentaires, c'est tout ce que nous demandons. Ce serait plus près de la corédaction.