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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 juin 2016

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Français]

     Monsieur le commissaire, je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à votre équipe. Ces gens étaient présents la dernière fois, mais vous pourriez quand même nous les présenter de nouveau, avant de commencer votre présentation.
    Nous allons procéder de la façon suivante. Dans la première heure, nous allons entendre votre présentation sur votre rapport annuel 2015-2016. Dans la deuxième heure, vous parlerez de votre rapport spécial sur Air Canada. Après chacune des présentations, il y aura, comme d'habitude, des tours de commentaires et de questions de la part des membres du Comité.
    Je rappelle à tout le monde que cette séance est télévisée.
    Monsieur le commissaire, c'est à vous.
    Je suis accompagné de Mme Mary Donaghy, commissaire adjointe, Direction générale des politiques et des communications, de Mme Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, Direction générale de l'assurance de la conformité, ainsi que de Mme Pascale Giguère, directrice et avocate générale, Direction générale des affaires juridiques.

[Traduction]

    Honorables membres du Comité, bonjour.

[Français]

    Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter un survol de mon 10e et dernier rapport annuel, que j'ai déposé au Parlement le 19 mai dernier.

[Traduction]

    Ce rapport annuel porte sur différents enjeux qui ont émergé ou qui ont été abordés au cours de la dernière année. Certains enjeux révèlent les progrès, ou les reculs, observés au cours des 10 dernières années, durant lesquelles j'ai été commissaire. Parmi ces enjeux, il y a l’immigration, l’égalité des services, le développement de la petite enfance et la portée du bilinguisme lors d'événements nationaux importants. Cependant, deux enjeux se démarquent particulièrement.

[Français]

    Tout d'abord, il est évident qu'il existe un problème persistant en ce qui concerne l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Les Canadiens qui veulent être entendus dans la langue officielle de leur choix devant nos tribunaux se heurtent à des obstacles parfois insurmontables. Les avocats se sentent souvent tenus d'avertir leurs clients que, s'ils insistent pour faire valoir leur droit d'être entendus dans leur langue officielle de préférence, les recours judiciaires seront plus longs et plus coûteux.
    Parmi les raisons expliquant cette situation, il y a le fait que la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures demeure problématique dans plusieurs provinces et territoires. On n'évalue pas les compétences linguistiques des candidats qui se déclarent eux-mêmes bilingues au moment de poser leur candidature à un poste de juge. Or, une fois qu'elles sont nommées juges, ces personnes découvrent souvent qu'elles sont incapables de présider un procès dans leur langue seconde.
    Le gouvernement fédéral précédent était récalcitrant à prendre des mesures pour mettre en oeuvre les recommandations que j'avais formulées dans une étude de 2013 sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, réalisée conjointement avec mes homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. C'est pourquoi la première recommandation, dans mon rapport annuel, demande au gouvernement actuel, et tout particulièrement à la ministre de la Justice, de se pencher sur cette question.

[Traduction]

    Le deuxième enjeu est une question soulevée de manière répétée par l'ancienne sénatrice Maria Chaput, ainsi que par plusieurs chefs de file de communautés. C'est dorénavant la sénatrice Claudette Tardif qui s'en charge, avec son projet de loi S-209. Pendant des décennies, les services fédéraux ont été fournis dans les deux langues officielles dans différentes régions du pays où la demande pour des services dans la langue de la minorité est importante.
    Une communauté minoritaire peut prospérer et croître. Cependant, si la croissance de la majorité est plus rapide, il y a perte de services. Cela est simplement injuste. La vitalité d'une communauté devrait aussi être prise en compte, pas seulement le taux de croissance de la communauté majoritaire. Le projet de loi S-209 prévoit une façon de remédier à cette injustice, tout comme le ferait une revue du Règlement sur les langues officielles.
    Dans 3 ans, nous célébrerons le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Nous devrions déjà commencer à planifier un examen de l'application de la partie IV de la Loi, qui porte sur les communications avec le public et la prestation de services à ce dernier. Dans mon rapport annuel, ma deuxième recommandation demande au gouvernement d'en faire une priorité.

[Français]

    Entretemps, dans le milieu de travail fédéral, en 2015-2016, les plaintes déposées en vertu de l'article 91 de la Loi sur les langues officielles, à propos des exigences linguistiques des postes au sein de la fonction publique, ont augmenté de 13 % par rapport à l'an dernier. Cela s'explique notamment par une mésentente de longue date entre le Commissariat aux langues officielles et le Secrétariat du Conseil du Trésor.
    Le Secrétariat informe les institutions qu'un profil linguistique BBB est approprié pour la plupart des postes de supervision. Pour ma part, je continue d'insister sur le fait que le profil CBC est le niveau minimal requis pour assurer une communication claire et efficace avec les employés dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail.

[Traduction]

    En plus de déposer mon rapport annuel au Parlement le 19 mai, j'ai dévoilé de nouveaux bulletins de rendement qui évaluent la conformité de 33 institutions fédérales à la Loi sur les langues officielles. J'ai aussi publié un rapport sur mon rôle devant les tribunaux au cours des 10 dernières années. Hier, le 7 juin, j'ai déposé un rapport spécial au Parlement, qui propose des options que le gouvernement fédéral devrait examiner afin de veiller à ce qu'Air Canada respecte avec efficacité ses obligations en matière de langues officielles. Je vous présenterai ce rapport tout à l'heure et je répondrai à vos questions.
(1550)
    Au cours des 10 années durant lesquelles j'ai occupé ce poste, j'ai prononcé 528 discours et je suis intervenu dans 23 causes judiciaires, y compris 9 affaires présentées à la Cour suprême du Canada. Le Commissariat a traité 7 156 plaintes.

[Français]

     Lorsque je regarde vers l'avenir, j'ai néanmoins une préoccupation. Parfois, j'ai l'impression qu'on pense que la politique linguistique va sans dire et que, par conséquent, on n'en parle pas. Cependant, il faut en parler. En adhérant à l'idée que cela va sans dire, on passe des choses sous silence, et ce qui est passé sous silence est souvent négligé ou oublié.
     Dans ce contexte, je m'en voudrais de ne pas dire à quel point je suis ravi de l'annonce du gouvernement que le Collège militaire royal de Saint-Jean retrouvera son statut d'université. Depuis plus de deux décennies, les Forces armées canadiennes souffrent de l'absence d'une université militaire francophone. Cette mesure vient résoudre un sérieux problème.

[Traduction]

    Cette année, je présenterai mon huitième Prix d'excellence, qui est remis annuellement, à Canadian Parents for French pour sa contribution remarquable à la promotion de la dualité linguistique. Je félicite l'organisme pour son travail exceptionnel, ainsi que pour son respect du français comme faisant partie intégrante du Canada.

[Français]

    Les célébrations de l'anniversaire de la Confédération, en 2017, offrent aussi une occasion unique de mettre en valeur la dualité linguistique. Plusieurs groupes, partout au pays, travaillent avec acharnement à organiser des activités qui marqueront notre 150e anniversaire. La dualité linguistique doit être un élément clé de tous les efforts déployés.

[Traduction]

    Honorables membres de ce Comité, je vous félicite pour vos efforts continus visant à promouvoir et à protéger nos langues officielles.
    Je vous remercie de votre attention et je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation, monsieur le commissaire.
    Puisque l'heure avance, nous allons commencer immédiatement par Mme Boucher.
    Monsieur Fraser, mesdames qui l'accompagnez, bonjour. C'est toujours un honneur de parler avec vous.
     Je vous remercie d'abord du très bon travail que vous faites pour les langues officielles.
     J'ai siégé à ce comité par le passé et je constate qu'on en revient souvent aux mêmes questions. On s'aperçoit que pas grand-chose n'a bougé, puisqu'on en parle encore aujourd'hui.
     Je voudrais savoir une chose. Pour promouvoir le bilinguisme partout au pays, on s'aperçoit que cela doit commencer par nos institutions fédérales d'abord et avant tout. C'est un commentaire qu'on entend souvent.
    Dans votre rapport, on constate que Radio-Canada devrait combler certaines lacunes en ce qui concerne le temps de réponse aux courriels en français. En effet, le temps de réponse est deux fois plus long que pour les courriels en anglais.
     D'après moi, les institutions fédérales auraient dû commencer à nous rendre des comptes il y a longtemps. Je pense qu'on en parle depuis plusieurs années aussi.
    Tout comme vous l'avez suggéré dans votre rapport en ce qui concerne Air Canada, pensez-vous que des pénalités devraient être imposées pour que les gens et les institutions comprennent le message?
    Hier, nous avons envoyé aux Présidents des deux Chambres un rapport spécial au Parlement. On y mentionne une série d'options en ce qui a trait à Air Canada. Je discuterai de ce sujet plus en détail plus tard, quand je vous présenterai ce rapport. On y propose une série de mesures incitatives dont vous pourrez discuter. C'est une question complexe. Il y a toute une série d'options, allant d'ententes jusqu'à des amendes.
     Je pense que je vais reporter cette discussion à plus tard, lorsque nous traiterons de notre rapport sur Air Canada.
(1555)
     Je vois aussi qu'il y a beaucoup de problèmes de communication depuis l'institution jusqu'à la personne qui reçoit le service, en passant par l'employé fédéral.
    Oui.
    Depuis 2006, les résultats des bulletins d'évaluation sont en chute constante: les deux tiers obtiennent une note entre 0 % et 50 %.
    D'après vous, quelle mesure devrait être mise en place pour améliorer les services en ce qui a trait aux employés fédéraux et à ceux qui reçoivent les services?
    Revenons aux évaluations que nous avons faites des 33 institutions. Nous avons vu une amélioration chez certaines et un recul chez d'autres. Une seule institution a eu un rendement que nous avons considéré comme faible. Aucune institution n'a été exemplaire, mais il y a eu une légère amélioration.
    Hier, j'assistais à un événement. Une employée d'une institution fédérale m'a dit à quel point elle avait apprécié la cote que son institution avait reçue. C'était un B. Elle a dit qu'il y avait 10 ans, son institution avait obtenu un E, que maintenant elle avait mérité un B et qu'elle avait énormément travaillé pour y parvenir.
    Je me suis rendu compte, encore une fois, que des fonctionnaires, des champions des langues officielles, des responsables de la coordination des langues officielles, prennent leurs responsabilités vraiment au sérieux. La clé est le leadership. Cela veut dire que quelqu'un, à la tête d'une institution, envoie le bon message. Ce fut le cas à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Quand j'ai entrepris mon premier mandat, le rendement était faible. À l'époque, le ministre et le sous-ministre ont tous deux considéré cette évaluation comme inacceptable. Ils ont pris des mesures, adopté un plan d'action et nous avons constaté du progrès.
    Vous avez dit que vous reveniez à ce comité après une certaine pause, que vous avez l'impression de revenir aux mêmes enjeux et que cela tourne en rond. Je vous répondrai que cela exige un travail continuel. Comme je l'écris dans mon rapport annuel, les majorités, presque par définition, ne sont pas sensibles aux besoins des minorités. C'est une réalité. C'est parfois triste, mais il faut reconnaître cette réalité. C'est pour cela que, même au sein des institutions fédérales, le travail continue d'être très important.
    Monsieur Samson, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Fraser. C'est toujours un plaisir de vous revoir, accompagné bien sûr. Nous l'apprécions beaucoup, d'autant plus que c'est probablement votre dernière comparution officielle à titre de commissaire aux langues officielles. Dix années, c'est énorme.
    J'ai trois questions très rapides, mais avant de poser la première, j'aimerais reprendre le mot que vous avez prononcé, le mot « leadership ». Selon moi, on sait qu'on a un bon leader quand la situation sur le terrain est meilleure au moment de son départ que lorsqu'il a été engagé. Il est facile de juger si aucun progrès n'a été fait. Je crois que dans certains cas, comme vous l'avez mentionné, le leader en question n'a pas bien rempli sa tâche d'améliorer la situation.
    Comme j'ai maintenant peu de temps pour poser mes trois questions très brèves, je vais vous les poser et nous allons pédaler rapidement pour toutes les étudier.
    La première concerne le défi de l'immigration, comme vous le mentionnez dans votre rapport.
    La deuxième a trait au projet de loi S-209.
    La troisième porte sur l'offre active de service.
    En ce qui concerne l'immigration, vous dites qu’à l’extérieur du Québec, moins de 2 % des immigrants sont d’expression française. Selon vous, comment peut-on améliorer cette situation? Je vous donne une minute pour répondre, si cela vous convient.
(1600)
     Il faut que le gouvernement fasse preuve de détermination et de volonté pour s'assurer que les immigrants sont conscients de l'existence des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de l'aide qu'ils peuvent recevoir de la part d'organisations d'accueil sur le terrain.
    Souvent, les organisations d'appui et d'accueil ne savent même pas qu'il y a des écoles, des cliniques et des services français. Des gens d'institutions dans une communauté minoritaire m'ont dit que, un ou deux ans après leur arrivée, des immigrants francophones leur avaient indiqué qu'ils auraient aimé savoir qu'il y avait une école française ou une clinique offrant des services en français. Maintenant que leurs enfants s'étaient fait des amis, qu'ils avaient un médecin, c'était bien dommage, mais il était trop tard pour changer. Il est donc très important qu'on les informe de l'existence de ces services à leur point d'arrivée.
    D'accord.
    Ma deuxième question découle de la première.
    Si seulement 2 % des immigrants francophones s'installent dans les communautés minoritaires et qu'il y a davantage d'assimilation, le projet de loi S-209 devient problématique, si on garde les mêmes critères. Il faut y apporter des améliorations.
    M. Brison, président du Conseil du Trésor, est venu témoigner au Comité il y a quelques semaines. Il a dit être ouvert à l'idée de changer la réglementation pour répondre, en principe, à l'ensemble des objectifs du projet de loi S-209.
    Que pensez-vous de cette idée?
    L'important, c'est que cela fonctionne. S'il est plus efficace de changer la réglementation, je ne suis pas contre cette idée.
    Actuellement, des gens au Conseil du Trésor font un travail de bénédictin après un recensement sur deux. Donc, tous les 10 ans, ils passent en revue chaque district de recensement pour voir si la communauté minoritaire est toujours à 5 % ou si ce pourcentage a diminué. Qu'on mette fin à cela par règlement ou par projet de loi, cela importe peu. Ce qui importe, c'est d'utiliser les critères de vitalité dans la communauté pour maintenir ou accroître le niveau de services.
    Merci. J'apprécie votre réponse. Il est important de savoir si on peut atteindre un objectif au moyen des règlements.
    Ma dernière question concerne l'offre active de service, que vous mentionnez dans votre rapport. Selon vous, quelles sont les lacunes auxquelles on pourrait le plus facilement remédier?
    Nous sommes en train de terminer une étude sur l'offre active de service. Entretemps, je vous recommande de consulter le rapport sur l'offre active qui a été publié par mon homologue ontarien, François Boileau. Ce rapport fait l'historique de l'offre active et compare les obligations du gouvernement fédéral en la matière à celles de quelques autres provinces.
    Pour notre part, plutôt que de simplement nous dire que cela ne se fait pas et que c'est épouvantable, nous nous demandons quelles sont les barrières à l'offre active dans les institutions fédérales. Je pense que vous allez trouver les réponses intéressantes.
    La Nouvelle-Écosse, bien sûr, offre des services en français. Cette province a des affiches où on peut lire « Ici, on parle français », « Bilingue » ou « Bonjour ». À elles seules, ces affiches font en sorte que 80 % plus de gens demandent des services en français. C'est pas mal impressionnant.
    Quels sont vos commentaires à ce sujet?
    Vous avez tout à fait raison.
    Dans l'étude de François Boileau, j'ai tiré une définition intéressante de l'offre active et de son importance. L'offre active veut dire que le service devrait être visible, audible, accessible, présent et de qualité égale à celui en anglais. Ces cinq critères sont assez intéressants.
    Comme vous l'avez dit, quand il y a un message visuel, il y a une augmentation de la demande de services en français. Quand il n'y a pas d'indication qu'on peut utiliser la langue minoritaire, il y a une tendance naturelle à utiliser la langue majoritaire, surtout dans les communautés minoritaires où les gens bilingues la parlent sans accent.
(1605)
     Nous aurons d'autres questions lors de la prochaine série. Merci.
    Monsieur Choquette, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Fraser, à vous et à votre équipe, d'être ici aujourd'hui.
    Je tiens à me joindre à vous pour féliciter Canadian Parents for French pour le bon travail que ses membres accomplissent. Je les ai rencontrés moi aussi et je sais qu'ils sont passionnés pour l'immersion française. C'était très intéressant à voir.

[Français]

    J'aimerais parler de justice. Vous me connaissez et vous savez que j'ai une passion pour l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
    Quand le président du Conseil du Trésor, M. Scott Brison, a comparu devant le Comité, je lui ai demandé où en était rendu l'examen de la gouvernance pangouvernementale de la Politique sur les langues officielles. Il m'a répondu qu'il ne s'occupait pas de ce dossier et que c'était la responsabilité de Patrimoine canadien.
     Quel rôle avez-vous joué à l'égard de l'examen de la gouvernance pangouvernementale de la Politique sur les langues officielles, qui a commencé en 2014 et qui se poursuit encore, selon ce que j'ai compris? Quelle a été votre participation? Comment avez-vous vécu cela? Comment se déroule l'examen actuellement? Vous parlez un peu de la gouvernance dans votre rapport, mais vous ne parlez pas de cette étude, et je m'interroge sur son rôle.
    À titre d'agent du Parlement, je garde une certaine distance entre le gouvernement et moi relativement au développement de ce genre d'étude. Je ne peux donc pas vous en parler en détail.
    En ce qui a trait à la question de la gouvernance, il y a neuf ans, le gouvernement a accordé au Conseil du Trésor la responsabilité de veiller à ce que les institutions fédérales et les ministères respectent les langues officielles. En effet, on voulait limiter le nombre d'activités centralisées au Conseil privé. On avait donc tendance à donner ces responsabilités aux ministères. J'avais une certaine préoccupation, car je craignais qu'il n'y ait une réduction de l'importance accordée à la question des langues officielles.
    Au même moment, le comité des sous-ministres sur les langues officielles, où on n'avait pas le droit d'être remplacé, a été remplacé par un comité de sous-ministres adjoints, avec droit de remplacement.
    J'étais donc préoccupé par ces deux changements.
    Nous avons...
    Monsieur le commissaire, je suis désolé, mais je vais devoir vous interrompre, parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Je comprends toutefois ce que vous dites sur la gouvernance.
     Je vais passer tout de suite à votre rapport de 2013 sur l'accès à la justice, puisque la première recommandation de votre dernier rapport traite de ce sujet. Ce rapport, malheureusement, a été mis sur une tablette lorsqu'il a été déposé en 2013-2014. Aujourd'hui, le gouvernement semble faire preuve d'ouverture. Vous lui donnez jusqu'à la fin du mois d'octobre 2016 pour le mettre en application.
     Quelles recommandations de ce rapport doivent absolument être mises en avant? Avez-vous de bons échanges avec le ministère du Patrimoine canadien ou le ministère de la Justice dans ce dossier?
    Nous avons de bons échanges.
     Les trois recommandations les plus importantes sont les suivantes: premièrement, faire une évaluation réelle des besoins dans les provinces; deuxièmement, faire une évaluation de la compétence linguistique de ceux qui veulent devenir juge; troisièmement, établir une entente avec les juges en chef dans les provinces pour mener ce genre d'évaluation.
    Mme Giguère pourra me le dire s'il y a d'autres éléments clés que je devrais mentionner. J'ai toujours peur de négliger des points importants.
    En effet, j'ai eu une discussion avec la ministre de la Justice et j'ai parlé également avec le sous-ministre. Nous avons des contacts réguliers avec le ministère sur des questions de langues officielles. J'ai fortement l'impression qu'il y a, comme vous le dites, une ouverture. On avait retiré le rapport de la tablette pour l'étudier en profondeur. Il n'est pas garanti que nous obtiendrons les résultats souhaités, mais j'ai été très rassuré par ce renouveau d'intérêt.
(1610)
     Vous avez parlé de l'affichage de postes de superviseurs.
    Si ma mémoire est bonne, vous avez dit avoir envoyé une lettre au premier ministre pour exprimer votre inquiétude. Avez-vous reçu une réponse?
    Il y a eu deux lettres différentes. Il y a celle au premier ministre au sujet de la nomination du gouverneur en conseil, et une autre au président du Conseil du Trésor au sujet de la classification des postes au sein de la fonction publique.
    Dans les deux cas, non, je n'ai pas encore reçu de réponse.
    Madame Lapointe, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci d'être parmi nous. Félicitations pour les 10 années que vous avez consacrées aux langues officielles. C'est grandement apprécié.
    Au Québec, la minorité linguistique est anglophone. Dans ma circonscription, il y a des communautés de langue minoritaire anglophone. Devrions-nous appliquer le même principe, par effet miroir, aux communautés anglophones du Québec dans le cadre du plan d'action en matière de langues officielles en milieu minoritaire?
    Vous savez, c'est une question assez délicate.
    Je suis d'accord.
    Cette question préoccupe la minorité anglophone, en partie parce qu'elle a déjà souffert d'une asymétrie dans la Constitution.
    À l'article 23 de la Charte, qui touche les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, l'alinéa 23(1)a) stipule que toute personne « dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité anglophone ou francophone » peut faire instruire ses enfants dans cette langue. Par contre, plus loin, à l'article 59, il est dit que l'article 23(1)a) ne peut entrer en vigueur qu’après une résolution de l’Assemblée nationale. C'est un élément de la Constitution. Les anglophones qui n'ont pas été éduqués en anglais au Canada n'ont pas accès à l'école anglaise au Québec au même titre que les francophones qui vont vivre ailleurs au pays peuvent avoir accès à l'école française.
    Devant cette asymétrie, « chat échaudé craint l'eau froide ». D'un côté, il y a une nervosité considérable face à l'idée qu'on n'a pas besoin d'offrir à la minorité anglophone les mêmes droits que ceux réservés à la minorité francophone. De l'autre côté, dans le projet de loi S-209, si on définit largement ce que constitue une communauté minoritaire, on risque de considérer des francophones bilingues comme membres de la communauté minoritaire alors que ce n'est vraiment pas le cas.
    On est un peu pris entre l'arbre et l'écorce. Ce qui est important, selon moi, c'est d'avoir un système qui prenne en compte les besoins réels de la communauté.
    Il y a certaines situations où, en effet, on devrait appliquer un effet miroir, et d'autres où l'asymétrie est peut-être appropriée. Je ne crois pas qu'il doive y avoir une règle absolue qui dicte comment cela doit fonctionner, parce que les besoins sont tellement différents dans les communautés minoritaires du pays.
(1615)
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Plus tôt, vous avez mentionné qu'on demandait le niveau de bilinguisme B aux fonctionnaires fédéraux qui tenaient un rôle de supervision. Je veux m'assurer de bien comprendre. Ceux qui obtiennent un E comme résultat sont exemptés indéfiniment de subir d'autres tests linguistiques. C'est le plus haut niveau de compétence, n'est-ce pas?
     Oui.
    Si on a le niveau A, on n'est pas bilingue. Si on a le niveau B, on se débrouille. Si on a le niveau C, ça s'en vient. Le niveau D n'existe pas. Ensuite, il y a le niveau E.
    Est-ce exact?
    C'est exact.
    Ceux qui veulent un poste de supervision ont besoin du niveau B.
    En fait, au Conseil du Trésor, il s'agit d'une description de poste générique où on recommande un niveau B pour des postes de supervision, même pour des postes désignés bilingues.
    Selon notre expérience, le niveau B n'est pas suffisant pour gérer des personnes ou pour faire des évaluations de rendement.
    Vous avez parlé de l'effet miroir. Je me demande s'il n'y aurait pas une différence entre un francophone de niveau B et un anglophone de niveau B qui travaillent tous deux dans un milieu où l'anglais est majoritaire. Pour l'anglophone, cela voudrait probablement dire qu'il a réussi son test, mais qu'il n'utilise pas le français. Dans ce cas, son français connaît un certain déclin naturel après l'examen. Par contre, pour un francophone de niveau B dans la même situation, il est probable qu'il parle anglais souvent, mais mal. Les erreurs deviennent donc ancrées. Il est difficile de réussir le test même si cette personne se sent assez à l'aise en anglais, car elle répète les mêmes erreurs.
    Je pense qu'il y a une injustice...
    Je voudrais simplement terminer par un commentaire. Mon frère a travaillé pendant plus de 20 ans dans la fonction publique. Il occupait un poste important. Il avait commencé par un niveau B et, en dernier, il avait un niveau E. Vous avez donc raison. En dernier, il était exempté.
    Merci, madame Lapointe.
    Monsieur Lefebvre, vous disposez de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur le commissaire.
    Dans le document Protéger les droits linguistiques: Bilan des interventions du commissaire devant les tribunaux 2006-2016, on peut lire ceci, entre autres:
[...] Il est donc parfaitement compréhensible pour toute personne ou pour tout groupe estimant que ses droits linguistiques ont été lésés d’avoir recours aux tribunaux pour en exiger le respect. Ce qui ne l’est pas, c’est le nombre de recours qui doivent encore être entrepris en matière de droits linguistiques près de 35 ans après l’adoption de la Charte, et près de 30 ans après la modification de la Loi en 1988.
    Je suis Franco-Ontarien et j'ai pu faire mon cours primaire, mon cours secondaire et mon cours universitaire en français grâce au Programme de contestation judiciaire, qui existait à l'époque.
    Croyez-vous que le rétablissement du Programme de contestation judiciaire serait pertinent aujourd'hui?
(1620)
    Tout à fait.
    Une des choses dont je suis fier, c'est d'avoir fait une enquête sur les plaintes que nous avions reçues sur l'abolition du Programme de contestation judiciaire au tout début de mon mandat. Notre rapport d'enquête était le seul document devant les tribunaux lorsque la FCFA a amené cette affaire en cour. Nous avons pu participer à une entente hors cour qui a mené à la création du Programme d'appui aux droits linguistiques.
    Nous souhaitons qu'avec le rétablissement du Programme de contestation judiciaire, la définition soit élargie pour couvrir des interventions devant les tribunaux relatives à notre loi, et non pas uniquement des causes constitutionnelles.
    C'est très bien.
    Par ailleurs, vous avez écrit que seule une très faible proportion des recours intentés au cours du dernier quart de siècle, notamment dans le cadre du Programme de contestation judiciaire, avait mené à l’adoption de projets de loi visant à clarifier les obligations linguistiques des institutions fédérales ou l’élaboration de lignes directrices visant à mettre en œuvre un jugement.
    Pourriez-vous nous donner des exemples de projets de loi que vous préconisez ou que vous pourriez suggérer?
     Je suis un peu à court d'idées. Je vais demander à Pascale s'il y a des exemples de projets de loi. Elle me fait signe que oui. Nous allons certainement en parler plus en détail.
    Il y a quatre projets de loi touchant Air Canada qui sont morts au Feuilleton, mais cela ne concerne pas le Programme d'appui aux droits linguistiques.
    Aussi, un élément que j'ai mentionné dans ce rapport m'a un peu déçu. Il s'agit du nombre de fois où des communautés de langue officielle en situation minoritaire se sont retrouvées devant les tribunaux contre une province ou contre un territoire et ont trouvé que le ministère de la Justice n'était pas de leur côté. Je ne sais pas s'il faut qu'il y ait une décision du gouvernement, un règlement ou un projet de loi, mais je trouve regrettable que le gouvernement fédéral intervienne pour s'opposer à des revendications d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire.
    Monsieur Généreux, vous avez trois minutes.
    Monsieur Fraser, à la page 2 de la version française de votre présentation, vous parlez du nombre de causes judiciaires dans lesquelles vous êtes intervenu et du nombre de plaintes traitées par votre commissariat. C'est la 18e fois que vous comparaissez devant le Comité aujourd'hui. Dans la dernière partie du paragraphe, vous dites ceci:
Parfois, j'ai l'impression que l'attitude envers la politique linguistique est que « cela va sans dire » [...]
    Les mots « cela va sans dire » signifient que c'est maintenant acquis et qu'on n'a donc plus besoin d'en parler. Cela fait 10 ans que vous êtes en poste. Vous avez vécu des expériences au cours de ces années. Vous dites être inquiet que les gens croient qu'on n'a plus besoin de parler du fait français, puisque c'est déjà acquis. En fait, j'aimerais savoir à qui vous faites référence: s'agit-il des parlementaires, des Canadiens?
    Je vous offre une belle occasion de vous exprimer en vous accordant le reste de mon temps de parole.
    D'une certaine façon, les interventions des ministres et du premier ministre me portent à le croire. Avec l'arrivée du nouveau gouvernement, je me suis demandé s'il n'y avait pas un risque que cela ne soit pas un enjeu pour le premier ministre et certains de ses ministres, dans la mesure où ils sont parfaitement bilingues.
    C'est cela.
    Pour eux, c'est inhérent, c'est un réflexe. Ils n'y pensent pas, puisqu'ils sont bilingues depuis leur petite enfance. Ils ne doivent pas avoir une discipline personnelle pour y penser, contrairement à quelqu'un qui a appris l'autre langue à l'âge adulte et qui doit se discipliner pour y penser et en être toujours conscient.
(1625)
    Comme M. Boissonnault.
    Dans ma présentation, j'ai mentionné cela pour rappeler diplomatiquement que même les ministres et les députés qui sont parfaitement bilingues doivent prendre cet enjeu au sérieux.
    Monsieur Vandal, vous avez trois minutes.
    Premièrement, je tiens à vous féliciter pour vos 10 ans de bon travail.
    Vous avez sans doute voyagé d'un océan à l'autre. Je viens de Saint-Boniface, une communauté francophone en milieu minoritaire que vous connaissez probablement un peu.
    Oui.
    Quel élément clé pourrait assurer la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire? Quels sont les enjeux prioritaires pour les cinq prochaines années?
     Je dirais qu'il y a plusieurs défis.
    Entre autres, il y a le défi de l'immigration. Quand je parle d'immigration, je cite souvent l'exemple du Manitoba, où il y a une forte collaboration entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, la province du Manitoba et la Société franco-manitobaine. Avec la création de l'organisation Accueil francophone, on a connu de très bons succès dans l'accueil et l'accompagnement d'immigrants et de réfugiés francophones. L'Université de Saint-Boniface a joué un rôle très important, mais aussi ces organisations que j'ai mentionnées.
    C'est un dossier dont j'ai discuté avec le ministre. Il est très conscient de l'importance de l'immigration pour les communautés minoritaires.
    Il y a aussi la question des médias sociaux et de la technologie. Un virage se fait actuellement. Les vieilles technologies de communication deviennent désuètes. Nous entrons dans une nouvelle ère de communication technologique.
    Dans la lettre que j'ai rédigée à l'intention de la personne qui me succédera et incluse dans mon rapport annuel, je parle de la distinction entre un réseau linguistique et un espace linguistique. Il est très important pour les communautés d'avoir des espaces où la langue est visible, audible et utilisée. Les réseaux sont importants aussi, mais c'est aux individus qu'ils profitent. La possibilité d'utiliser le français pour soumettre une demande de passeport ou de pension, réserver un billet d'avion ou obtenir une passe d'embarquement au comptoir de l'aéroport, c'est excellent pour les individus, mais cela n'apporte pas grand-chose à la communauté.
    Je pense que le défi est le suivant. Tout d'abord, comment peut-on faire en sorte que les institutions des communautés minoritaires aient accès aux nouvelles technologies pour faire ce virage tout en appuyant la communauté? Également, comment peut-on utiliser ces technologies pour appuyer la collectivité, et pas seulement les individus?
    Merci, monsieur Fraser.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes. Après la pause, nous allons commencer l'étude du rapport spécial sur Air Canada.
(1625)

(1635)
    Chers amis, nous reprenons la séance. Le commissaire aux langues officielles est toujours parmi nous. Il pourra nous parler de son rapport spécial au Parlement sur la conformité d'Air Canada à la Loi sur les langues officielles.
    D'entrée de jeu, je dois vous féliciter pour ce rapport spécial, monsieur le commissaire.
    Nous vous écoutons, monsieur le commissaire.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'ai fait remettre hier matin au bureau du Président de la Chambre des Communes et à celui du Sénat mon rapport spécial En route vers une conformité accrue d'Air Canada grâce à un régime d'exécution efficace. Le rapport décrit les moyens que mes prédécesseurs et moi avons pris pour nous assurer qu'Air Canada applique pleinement les obligations linguistiques découlant de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Il contient également des options permettant au Parlement de moderniser le régime d'exécution applicable à Air Canada. Je réitère la nécessité de combler certains vides juridiques qui perdurent depuis la restructuration d'Air Canada en 2003-2004.
    Finalement, le rapport contient une seule recommandation adressée au Parlement, laquelle vise à ce que le rapport soit confié pour étude à l'un des deux comités permanents des langues officielles.

[Traduction]

    Créée par le Parlement en 1937, Air Canada a toujours été perçue comme un symbole de l'identité canadienne, d'une part, parce qu'elle a été bâtie à même les deniers publics, et d'autre part, parce qu'elle porte le nom de notre pays et l'emblème de la feuille d'érable.
    La société est assujettie depuis près de 50 ans à I'ensemble de la Loi sur les langues officielles, d'abord à titre de société d'État en vertu de la Loi sur les langues officielles de 1969, puis en vertu de l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, lors de sa privatisation en 1988.

[Français]

     Depuis sa privatisation, Air Canada a subi de nombreuses transformations sur les plans financier et commercial. Cependant, en tant que transporteur aérien national qui a été bâti à même les revenus de l'État, Air Canada se doit de refléter le caractère bilingue du pays et de continuer à respecter ses obligations en matière de langues officielles.
    Après 10 ans en tant que commissaire, il me paraît important de faire état du problème récurrent que constitue le niveau de conformité d'Air Canada à la Loi sur les langues officielles, et d'attirer l'attention du Parlement sur cette question.

[Traduction]

    Parmi les institutions assujetties à la Loi, Air Canada a toujours été, et demeure, l'une de celles qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes annuellement traitées par le Commissariat aux langues officielles. En matière de service au public, plusieurs de nos enquêtes ont montré que les services en vol et au sol ne sont pas toujours de qualité égale dans les deux langues officielles à tous les points de service et pour tous les trajets bilingues.

[Français]

    Ainsi, malgré les années et les interventions répétées des commissaires aux langues officielles successifs, la situation a peu évolué. Certaines de ces infractions concernent des trajets au cours desquels offrir un service bilingue semble l'évidence même, comme Montréal-Bathurst ou Toronto-Québec.
    Après des centaines d'enquêtes et de recommandations, après une vérification exhaustive et après deux recours, dont l'un jusqu'en Cour suprême du Canada, force est de constater que mes multiples interventions, tout comme celles de mes prédécesseurs, n'ont pas donné les résultats souhaités.

[Traduction]

    De 2005 à 2011, quatre projets de loi successifs ont tenté de résoudre les problèmes d'application engendrés par la restructuration d'Air Canada en 2003-2004. Malheureusement, tous sont morts au Feuilleton.

[Français]

    Ce n'est que la seconde fois dans l'histoire du Commissariat qu'un commissaire aux langues officielles dépose un rapport spécial au Parlement. J'ai jugé cette question suffisamment importante pour qu'elle soit traitée séparément de mon rapport annuel. De plus, je voulais exposer clairement aux parlementaires nos efforts constants et multiples depuis de nombreuses années. II ne s'agit pas d'un enjeu exclusif à cette année. Je devais également faire état de nombreux autres sujets dans le cadre de mon rapport annuel, y compris deux recommandations importantes au gouvernement.

[Traduction]

    Je suis d'avis qu'aujourd'hui, il ne suffit plus de faire des recommandations au terme d'enquêtes et de vérifications ni de rapporter le degré de conformité d'Air Canada dans les rapports annuels déposés au Parlement — d'où la nécessité de déposer au Parlement ce rapport spécial, qui est le dernier outil dont je dispose. II revient maintenant au Parlement d'apporter les changements législatifs nécessaires. Le statu quo ne fonctionne pas.
(1640)

[Français]

    Par conséquent, je recommande au Parlement de confier l'étude de ce rapport spécial, de façon prioritaire, à l'un des deux comités permanents des langues officielles. J'y propose différentes options pour moderniser le régime d'exécution applicable à Air Canada qui pourront guider les comités des langues officielles dans leur examen du rapport.
    Il faudrait notamment modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada afin de maintenir les droits linguistiques du public voyageur et des employés d'Air Canada dans la structure actuelle de la société, et renforcer le régime d'exécution de la Loi sur les langues officielles afin d'assurer une meilleure conformité d'Air Canada à la Loi.

[Traduction]

    Selon Air Canada, ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles la désavantagent par rapport aux autres transporteurs aériens concurrents. La solution serait donc, d'après elle, d'assujettir l'ensemble des transporteurs aériens à la Loi.
    Pour ma part, mon expérience me porte à croire qu'un régime d'exécution de la Loi plus vigoureux et mieux adapté à la réalité d'Air Canada serait un meilleur gage de succès. Toutefois, malgré nos différends, Air Canada et moi sommes d'accord sur un point: le gouvernement doit agir.

[Français]

    Avant de quitter mes fonctions à titre de commissaire, il me semble important de porter ce problème à l'attention du Parlement et d'établir des pistes de solution. II revient maintenant aux parlementaires de se pencher sur ce dossier.
    Ce rapport spécial démontre clairement que, malgré les interventions des commissaires aux langues officielles depuis 1969, les problèmes persistent.

[Traduction]

    Je demande donc au gouvernement d'accorder à ce dossier une très haute priorité afin de protéger les droits linguistiques du public voyageur et des employés d'Air Canada.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation, monsieur le commissaire.
    Nous allons entreprendre immédiatement un premier tour de questions et de réponses.
    La parole va d'abord à M. Généreux.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur le commissaire, en ce qui concerne Air Canada, vous recommandez qu'un des deux comités des langues officielles du Parlement fasse une autre étude. Pourtant, depuis 45 ou 50 ans, on ne compte plus le nombre d'études qui ont été faites sur Air Canada.
    Ne serait-il pas plus judicieux de passer à l'action maintenant, sans que nous ayons besoin d'étudier encore une fois la question? La meilleure décision ne serait-elle pas que le Comité adopte une motion pour demander au gouvernement d'agir immédiatement?
    Disons que s'il y a un projet de loi, il devra être soumis au Comité pour que celui-ci en débatte. Si vous décidez quelle voie choisir parmi celles que j'ai proposées, il faut que le Comité en discute.
    Je ne demande pas une étude. Ce comité devrait prendre des décisions. J'ai été très heureux de voir que la ministre du Patrimoine canadien et le ministre des Transports avaient indiqué leur intérêt à se pencher sur cette étude. La ministre a pris la peine de préciser qu'elle voulait faire cela en collaboration avec le Comité.
    Je pense que les enjeux sont suffisamment complexes pour mériter au moins la discussion d'un projet de loi. Quatre projets de loi à ce sujet sont déjà morts au Feuilleton. La situation a évolué depuis le premier projet de loi. Il y a le projet de loi qui a été présenté par le député M. Stéphane Dion lors de la dernière législature, qui est lui aussi mort au Feuilleton. Il y a certainement de la matière.
(1645)
    M. Dion fait maintenant partie du gouvernement.
    Les dernières propositions contenues dans son projet de loi étaient-elles efficaces et judicieuses?
    Je crois que oui. Je pense que c'était une réponse à un problème qu'il avait constaté. En tant qu'ancien ministre, il trouvait que l'interprétation de la Cour suprême ne correspondait pas aux intentions du gouvernement quand celui-ci a voté la Convention de Montréal. Jamais le gouvernement n'avait pensé que la Convention de Montréal aurait préséance sur la Loi sur les langues officielles. Son projet de loi visait donc à s'assurer que la Loi sur les langues officielles pouvait avoir préséance sur la Convention de Montréal.
    Nous avions fait part de notre position à cet égard. Nous considérions qu'en tant que loi quasi constitutionnelle, elle avait déjà préséance, mais la Cour suprême était majoritairement de l'avis contraire. Elle a dit que la Convention de Montréal avait, en tant qu'entente internationale, préséance.
    Son projet de loi se voulait une réponse à cette décision, et cette réponse correspondait à la position que nous avions défendue devant la Cour suprême.
    Un peu plus tôt, alors que nous discutions de votre rapport général, je vous ai posé une question concernant votre inquiétude face au fait français qui semble être considéré comme acquis. Croyez-vous qu'Air Canada considère que c'est acquis pour elle, que c'est réglé et que nous n'avons plus besoin d'en parler? Quelle perception avez-vous de ce qu'Air Canada estime être non seulement son obligation, mais sa réalité quotidienne? Soyons clairs: j'ai bien lu le chiffre de 40 millions de passagers par année, ou 20 millions, je ne suis pas sûr exactement.
    C'est 42 millions, selon le...
    Vous parlez de 42 millions, et la compagnie a reçu environ 50 plaintes. Je pose la question très naïvement: considérez-vous que c'est un très bon score ou un très mauvais score?
     J'hésite toujours à utiliser le nombre de plaintes comme seule indication du rendement.
    C'est plutôt autre chose qui m'a frappé. En 2010, nous avons fait une vérification des services offerts dans les deux langues officielles par Air Canada aux voyageurs. En 2015, nous avons fait un suivi des recommandations formulées à la suite de cette vérification, or nous avons découvert que seulement une de nos douze recommandations avait été mise en oeuvre.
    Je ne peux pas parler au nom d'Air Canada, mais je peux vous faire part de mes constatations.
    Tout d'abord, il y a eu un investissement considérable et un effort réel pour assurer un service dans les deux langues officielles à bord de tous les vols d'Air Canada à destination de Vancouver lors des Jeux olympiques, peu importe le point de départ des voyageurs. J'avais espoir que cet investissement et cet effort allaient grandement améliorer le service. Or, notre vérification nous a permis de découvrir que les employés pensaient que cette règle s'appliquait seulement lors des Jeux olympiques et qu'ils n'avaient plus besoin de l'appliquer après les Jeux olympiques. Quand j'en ai discuté avec les membres du conseil d'administration, ils ont dit qu'ils n'avaient jamais dit cela. C'était pourtant le message que les employés avaient compris. Je pense qu'il y a un manque de communication.
    Parfois, on manifeste du dédain, du mépris ou un manque de respect envers les gens qui demandent un service en français, et c'est souvent ce manque de respect qui déclenche un processus de plainte. La plupart des gens vont hausser les épaules et se dire que c'est comme cela, et la situation continue d'être la même. Par contre, quand ils sont injustement traités, ils cherchent à réagir.
    Dans le communiqué d'Air Canada, on fait référence à un sondage qui démontre que 94 % des clients sondés étaient satisfaits du degré de bilinguisme de ses services. Comme je l'ai dit, j'hésite toujours à utiliser des pourcentages. Pour sa part, Air Canada a voulu utiliser ces pourcentages. Sur un total de 42 millions de passagers, un taux de 6 % signifie que 2,5 millions de passagers n'étaient pas satisfaits. Le sondage ne mentionne pas si l'on a interrogé des francophones ou des personnes bilingues. On ne le dit pas. Selon les propres chiffres avancés par Air Canada, un nombre considérable de passagers ne sont pas satisfaits du degré de bilinguisme du service.
(1650)
    Monsieur le commissaire, avec votre permission, nous allons passer à la question suivante.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de vos explications. Selon ce que vous dites à propos des Jeux olympiques, Air Canada devait être heureuse d'apprendre que Québec n'accueillerait pas les Jeux olympiques d'hiver. Les gens d'Air Canada devaient s'en réjouir en cachette.
    Des voix: Ah, ah!
    Mme Linda Lapointe: Ce qui me choque, c'est que le siège social est à Montréal, une ville bilingue. C'est principalement au Québec qu'on parle français. Cela me choque de voir que, depuis 1969, les recommandations que vos prédécesseurs et vous avez faites n'ont pas été prises au sérieux. Vous disiez plus tôt qu'en 2014-2015, vous aviez découvert que, parmi vos douze recommandations, seulement une avait été prise au sérieux. Je suis vraiment déçue.
    Je suis une cliente d'Air Canada et je m'efforce de me faire servir en français, mais je pars toujours de Montréal, donc c'est facile.
    À part de se faire taper sur les doigts, quelles sont les conséquences lorsqu'on ne prend pas en compte le fait français?
    Effectivement, nous avons utilisé plusieurs outils.
    Il n'y a pas d'amendes. Ordinairement, les gens comprennent qu'on exige un montant de 5 000 $ pour une première infraction, puis l'amende augmente à 10 000 $, puis à 15 000 $, puis à 20 000 $. Quand l'amende est rendue à 100 000 $, les actionnaires commencent à parler.
    Effectivement, une des options que nous présentons dans ce rapport est la possibilité d'imposer des amendes.
    Il doit y avoir des conséquences. Dans la vie, quand on ne respecte pas les consignes, il y a une conséquence.
     En effet, il y a un éventail de possibilités, y inclus des amendes. Également, nous suggérons des ententes entre le Commissariat et Air Canada. Une entente protégerait Air Canada de possibles recours aux tribunaux durant une certaine période. Cependant, si l'entente n'était pas respectée, un recours serait alors possible. Il y a donc un éventail d'options que nous vous proposons d'examiner. Chacune a des avantages et des désavantages.
    Étant donné qu'au Canada, il y a deux langues officielles, suggérez-vous d'appliquer la Loi sur les langues officielles à toutes les compagnies aériennes canadiennes, ou à toutes celles qui font affaire au Canada?
    Cette proposition a été présentée par Air Canada. Elle a pris le soin d'élaborer quasiment une ébauche de projet de loi. Si vous croyez que nous devrions imposer des obligations linguistiques à tous les transporteurs aériens, libre à vous de le suggérer. Personnellement, j'ai hésité à faire cette recommandation. Je me suis dit que s'il est difficile pour Air Canada de se plier à la Loi, il le sera davantage pour d'autres transporteurs aériens.
    Le fait que le quartier général d'Air Canada soit à Montréal représente déjà un atout. Il y a déjà une clientèle bien définie au Québec. VIA Rail, un autre transporteur qui a des obligations linguistiques, a vraiment agi pour faire en sorte que l'offre active ou la capacité de servir les clients dans les deux langues officielles soit une valeur de la compagnie. Je crois que d'étendre l'application de la Loi poserait certains problèmes.
    Air Canada prétend qu'elle a fait du progrès. Cela est vrai lorsqu'on compare le nombre de plaintes formulées il y a 20 ans à leur nombre actuel. Par contre, il est malheureux de constater qu'au lieu de prendre notre vérification et nos plaintes comme un outil d'amélioration de rendement, Air Canada se montre plutôt réfractaire à l'idée qu'il s'agit là d'un problème systémique. Les employés avec qui nous faisons affaire collaborent avec nous. Nous obtenons une forte collaboration de leur part, mais nous pouvons deviner la position d'Air Canada dans le ton de la réponse de son avocat, que nous avons incluse dans notre rapport.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Il est à souhaiter que nous tiendrons des Jeux olympiques bilingues dans quelques années à Québec. Peut-être qu'alors, Air Canada sera rentrée dans le rang et offrira un service bilingue.
    Merci, madame Lapointe.
    Je cède maintenant la parole à M. Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fraser, en ce qui concerne le rapport sur Air Canada, je dois vraiment vous féliciter. Non seulement vous avez produit un rapport extrêmement bien étoffé, mais, en plus, vous offrez des solutions concrètes aux législateurs. Merci beaucoup de ce rapport, qui est vraiment très bien rédigé.
    Vous avez mentionné, dans votre déclaration aux médias, que votre « travail [pouvait] s’apparenter au fait de tenter de gravir à contresens un escalier roulant »: vous vous arrêtez un moment et vous commencez à redescendre. Il en va de même pour Air Canada.
    J'aime le fait que vous ne compariez pas Air Canada à d'autres compagnies aériennes, mais plutôt à VIA Rail, une autre société d'État qui a été privatisée. Cette dernière, par contre, s'en sort très bien en ce qui concerne le respect de la Loi sur les langues officielles.
    Au début de votre rapport spécial, il y a une citation de l'ancien commissaire Keith Spicer: « Il n’existe pas un seul problème, technique ou administratif, posé par la réforme linguistique que la Société Air Canada ne pourrait résoudre si son attitude était autre. » C'était en 1976.
    Le Comité tente de faire comparaître le président d'Air Canada lundi prochain. Ce dernier ne semble pas vouloir se présenter devant les parlementaires. Comment réagissez-vous à cela?
     En ce qui a trait à cette position du président qui ne voudra peut-être pas comparaître, je pense que vous avez le pouvoir d'obliger les gens concernés par vos travaux à comparaître. Je pense que vous pouvez utiliser ce pouvoir pour vous assurer de leur comparution.
    Merci beaucoup.
    Je veux clarifier une chose. D'autres personnes ont mentionné que le temps n'était plus à l'étude et qu'il était maintenant temps d'agir. C'est absolument vrai. Votre rapport ne recommande pas une longue étude sur la situation d'Air Canada, mais plutôt une étude sur la meilleure recommandation ou sur l'ensemble des recommandations. En effet, nous pouvons appliquer plusieurs de vos recommandations.
    Vous avez bel et bien mentionné le projet de loi de Stéphane Dion, mais il ne s'attaquait qu'à une seule dimension du problème, soit les vols internationaux.
    C'est exact.
    Cela dit, cela demeure très important.
    Oui.
    J'aimerais revenir sur votre première recommandation, qui porte sur les ententes exécutoires. Pourquoi est-ce si important? Je ne pense pas seulement à VIA Rail, mais aussi à plein d'autres situations. Par exemple, la FCFA recommandait que le commissaire ait plus de pouvoirs pour qu'on s'assure d'une meilleure application de vos recommandations.
    Pouvez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
    Pour les détails sur les ententes exécutoires, je vais demander à Mme Pascale Giguère, l'experte dans le domaine, d'y répondre.
    En ce qui a trait à la demande d'un accroissement des pouvoirs, on m'a souvent posé cette question. J'ai toujours répondu que je voulais utiliser tous les outils dans la loi existante avant de déclencher une discussion sur de nouveaux pouvoirs. Je voulais aussi mettre la table pour la personne qui allait me succéder. Je pense qu'avec l'arrivée d'un nouveau commissaire, le temps est propice pour en discuter.
    Madame Giguère, pouvez-vous parler des ententes exécutoires, s'il vous plaît?
(1700)
    En ce moment, quand nous faisons une enquête sur Air Canada, le commissaire lui recommande de prendre certaines mesures. Air Canada peut aussi, dans le cadre de nos vérifications, déposer des plans d'action où la compagnie s'engage à adopter certaines mesures.
    Une entente exécutoire est, comme son nom l'indique, une entente où il est obligatoire pour l'organisation d'arriver aux résultats sur lesquels on s'est entendu. Dans le cadre d'une entente exécutoire, l'institution accepterait donc de prendre certaines mesures. Si elle ne respectait pas ses engagements, les modifications législatives pourraient prévoir les conséquences. Celles-ci seraient, fort probablement, que la cour pourrait rendre une ordonnance obligeant l'institution à réaliser les engagements qu'elle a pris dans l'entente exécutoire.
    Merci beaucoup.
    Sauf erreur, monsieur Fraser, vous avez fait vos dernières recommandations à Air Canada en 2010. Vous me corrigerez si je me trompe.
    Nous avons fait une vérification en 2010, en effet.
    Je crois qu'il y avait 11 recommandations.
    Il y en avait 12, mais nous n'étions pas satisfaits de la mise en oeuvre de 11 recommandations. Nous n'étions satisfaits que d'une seule réponse aux 12 recommandations.
    C'est ce qui explique pourquoi vous êtes intervenus aussi souvent.
    Oui.
    C'était parce qu'une seule réponse était satisfaisante.
    Oui.
    C'est pour cela que vous suggérez, entre autres, des ententes exécutoires. Vous souhaitez ainsi avoir plus de mordant dans des situations où on semble être devant une organisation qui ne veut pas respecter la Loi.
    Après les ententes exécutoires, vous suggérez l'option B, soit les dommages-intérêts légaux. Pouvez-vous nous expliquer quelles seraient les conséquences pour le Comité et pour les législateurs d'aller dans ce sens?
    Encore une fois, je vais demander à Mme Giguère d'expliquer le détail de ces options.
    À l'heure actuelle, quand un plaignant s'adresse à la Cour fédérale du Canada, celle-ci a, bien sûr, le pouvoir d'accorder des dommages-intérêts, mais le plaignant doit prouver qu'il a subi un préjudice à la suite de la violation de ses droits linguistiques.
    C'est un exercice assez rigoureux qui peut décourager un certain nombre de gens. La loi prévoit un mécanisme permettant que certaines violations entraînent le versement de dommages-intérêts de façon automatique. Il y aurait alors une fourchette qui serait prévue. Certaines violations seraient punies en fonction d'une fourchette financière. Le plaignant n'aurait pas à faire la preuve d'un préjudice à la suite d'une violation de ses droits linguistiques. Aussitôt que la violation serait démontrée, la cour pourrait octroyer des dommages-intérêts.
    C'est donc un mécanisme plus puissant que celui qui est actuellement prévu par la loi.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Arseneault, c'est à vous.
    Je m'adresse à M. Fraser, ou à Mme Giguère, qui est juriste.
    Comme je n'ai pas beaucoup de temps, pouvez-vous me résumer en une minute ce qui a été débattu devant la Cour suprême du Canada et la décision de cette cour?
    La cause qui s'est rendue devant la Cour suprême concernait un service à un voyageur canadien lors d'un vol international. La cour de première instance a décidé qu'il y avait lieu d'accorder un montant au plaignant. La Cour d'appel fédérale a invalidé cette décision.
    La Convention de Montréal est une entente internationale sur les montants versés aux gens qui font des recours judiciaires contre des lignes aériennes qui limitent leur possibilité de faire appel devant les tribunaux concernant des vols internationaux. La Cour suprême a statué que cette convention, dont le Canada est signataire, avait préséance sur la Loi sur les langues officielles.
    Il y a eu un jugement minoritaire selon lequel, étant donné que la Loi sur les langues officielles est quasi constitutionnelle, les Canadiens ne devraient pas perdre leurs droits linguistiques quand ils prennent un vol à l'extérieur du pays. Vous comprendrez que c'est également notre position. Cependant, la majorité des juges de la Cour suprême n'a pas adopté notre position, mais celle d'Air Canada, en stipulant que la Convention de Montréal avait préséance.
    Madame Giguère, voulez-vous corriger ce que je viens de dire?
(1705)
    Non, je n'ai rien à corriger. Ce que le commissaire a dit est tout à fait exact. Je peux cependant ajouter que c'était la première fois dans l'histoire du Canada qu'il fallait décider si c'était la Convention de Montréal ou une loi quasi constitutionnelle qui avait préséance.
    C'était la première fois que la Cour suprême se penchait sur la Convention de Montréal, mais elle s'était déjà penchée deux fois auparavant sur la convention précédente, la Convention de Varsovie. La Cour suprême s'est beaucoup fiée à des décisions de toutes sortes de tribunaux étrangers, dont la Cour suprême des États-Unis, qui avaient étudié l'application de la Convention de Montréal dans le contexte de leur régime juridique. Cependant, aucune décision ne mettait en cause une loi quasi constitutionnelle comme celle en l'espèce. Il y avait une sorte de vide juridique.
    D'accord.
    Donc, la Convention de Montréal a préséance sur la Loi sur les langues officielles. Dans cette cause, s'agissait-il d'un vol international ou d'un vol intérieur?
    C'était un vol international.
    Je n'ai pas lu cette décision, mais je vais le faire plus tard.
    Selon les arguments, la Convention de Montréal ne s'applique pas aux vols intérieurs.
    C'est exact.
    D'accord.
    Je ne veux pas vous poser les mêmes questions que MM. Choquette et Généreux.
    En 2009, Air Canada a eu 10 millions de voyageurs; en 2015, elle en a eu 42 millions et elle a reçu seulement 52 plaintes. Si le président d'Air Canada était devant moi maintenant — j'espère qu'il pourra venir au Comité très prochainement. —, que pourrais-je répondre à cet argument?
    Selon...
    Il y a eu 52 plaintes pour 42 millions de voyageurs. Comment pourrais-je insister, dans ce cas, pour qu'Air Canada respecte mes droits?
     D'après les chiffres que la compagnie utilise dans ses communiqués, 6 % des voyageurs étaient insatisfaits. Ce sondage n'indique pas le nombre de francophones qui ont été sondés. Toutefois, sur 42 millions de passagers, un taux de 6 % représente une masse critique de 2,5 millions de passagers qui n'ont pas été satisfaits des services.
    Pour ma part, je poserais des questions. Pourquoi les recommandations qui ont suivi la vérification n'ont-elles pas été mises en oeuvre, même des années plus tard? Comment se fait-il que l'offre active à l'aéroport ne se fasse pas? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas une culture d'entreprise qui fasse en sorte que les politiques qui sont bien acceptées par la direction soient bien communiquées aux employés qui offrent des services directement aux voyageurs?
    Comme députés qui voyagent, vous pouvez témoigner de vos propres expériences sur la nature du service. D'une part, il y a des employés d'Air Canada qui fournissent un service exemplaire et qui, de toute évidence, en sont fiers. D'autre part, certains employés ne savent absolument pas comment faire appel à un collègue bilingue dans une autre partie de l'avion pour répondre à une demande de service en français. Il semble y avoir non seulement un vide juridique, mais également un vide de communication, une marge entre des politiques qui semblent appropriées et la mise en oeuvre de celles-ci.
(1710)
    Merci, monsieur le commissaire.
    Monsieur Lefebvre, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Vous dites que c'est la seconde fois dans l'histoire du Commissariat qu'un commissaire aux langues officielles dépose un rapport spécial au Parlement. Évidemment, votre rapport dit que, dans les 45 dernières années, tous les commissaires qui ont étudié le dossier d'Air Canada se sont répétés, répétés, répétés. Vous ne dites rien de nouveau au Parlement. C'est la même chose qu'il y a 45 ans.
    Je radote, quoi.
    Vous radotez, mais en même temps vous remettez cela sur le tapis et vous démontrez que c'est encore un problème, 45 ans plus tard.
    Vous parlez de modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, dont l'article 10 traite de la question des langues officielles. Quelles sont vos propositions de modification de cette loi? S'agit-il d'imposer des conséquences ou des amendes, ou d'obtenir des dommages-intérêts légaux? Vous suggérez également des ententes exécutoires. Est-ce à cet endroit dans la loi que vous suggérez d'apporter cette modification?
    C'est un élément, mais un autre élément est plus important encore: il faut rappeler que, après la restructuration d'Air Canada en 2003-2004, quatre projets de loi qui touchaient l'ensemble d'Air Canada sont morts au Feuilleton.
    Par exemple, Jazz n'est pas assujettie à la Loi, mais, compte tenu de la participation d'Air Canada dans la compagnie Jazz et du fait que Jazz agit comme tierce partie pour Air Canada dans certaines régions du pays, c'est Air Canada qui a la responsabilité de veiller à ce que Jazz respecte ses propres obligations linguistiques.
    Souvent, des restructurations d'entreprises ont fait perdre aux employés leur droit de travailler en français.
    Donc, on veut s'assurer que, en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, cela s'appliquera également aux filiales d'Air Canada. Ce serait un amendement que nous pourrions y apporter.
    Je veux revenir sur VIA Rail, pour bien comprendre. Est-ce que VIA Rail est assujettie à la Loi sur les langues officielles?
    Oui.
    Elle est donc assujettie complètement à la Loi. Pourquoi dirait-on que c'est moins un problème pour VIA Rail que pour Air Canada?
     Je me pose la question.
    Parmi les mécanismes mis en place par VIA Rail, lesquels Air Canada pourrait-elle reproduire? Comment pourrait-on appliquer les meilleures pratiques de VIA Rail à Air Canada?
    Il faudrait poser la question à VIA Rail.
    Récemment, j'ai eu une conversation informelle avec quelqu'un qui a passé une partie de sa carrière comme avocate à VIA Rail. Je lui ai fait un compliment en lui disant que nous recevions très rarement des plaintes, malgré les nombreux passagers, et que c'était une performance exemplaire. Elle m'a alors dit que les gens chez VIA Rail travaillaient très fort pour qu'il en soit ainsi.
    C'est donc une priorité pour cette société.
    Oui.
    La société VIA Rail est quasi indépendante, puisqu'elle n'a pas de concurrente. Elle pourrait faire ce qu'elle veut. Par contre, Air Canada a de la concurrence. C'est un peu différent de ce côté-là.
    Oui.
    Avais-je trois minutes ou six minutes?
    Six minutes.
    D'accord. Je vais céder la parole à mon ami.
    Monsieur Samson, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui, s'il me le permet. Merci beaucoup. Il y a plusieurs bons collègues sur la Colline.
     Tant qu'on partage.
    J'ai quelques questions.
    Dans votre rapport, vous parlez d'un vide juridique à la suite de la restructuration d'Air Canada. Pourriez-vous en parler davantage?
    Je vais essayer.
    Certains éléments dans la nouvelle structure d'Air Canada lui permettent de se soustraire à la loi. C'est ainsi que je le comprends.
    Madame Giguère, vous pouvez peut-être donner plus de détails.
(1715)
    Oui.
    En 2003-2004, la structure d'Air Canada a changé considérablement. Certains services qui étaient offerts par Air Canada, dont plusieurs vols intérieurs, ont par la suite été assurés par d'autres transporteurs comme Jazz. Beaucoup de bases un peu partout au pays ont été fermées et sont maintenant exploitées par Jazz. Par conséquent, un certain nombre d'employés sont passés d'Air Canada à Jazz. Des pilotes, des bagagistes ou des employés de ces bases avaient des droits linguistiques en matière de langue de travail, qu'ils ont perdus à la suite de la restructuration. La restructuration a causé un vide juridique, qu'il aurait fallu combler en apportant des modifications législatives afin que les droits linguistiques soient maintenus dans la nouvelle structure d'Air Canada.
    C'est la même chose pour les voyageurs. Auparavant, ils avaient des droits linguistiques à l'intérieur de la structure d'Air Canada, mais ils les ont perdus une fois la compagnie morcelée. En 2005, à la suite de la restructuration, le gouvernement s'était engagé à maintenir les droits linguistiques tant des voyageurs que des employés d'Air Canada.
    Encore...
    Du jour au lendemain, à cause d'un changement organisationnel apporté à un niveau beaucoup plus haut, des employés qui faisaient le même travail et au même endroit et qui avaient le même superviseur ont perdu leur droit de travailler en français.
    Exactement. On en revient donc à la question du leadership et de l'attitude.
    Oui.
    Selon moi, il devrait être sous-entendu que les règles du jeu sont les mêmes en matière de langues officielles. Supposons que je sois un plombier qui vienne de remporter un contrat important et que je donne en sous-traitance une partie de la plomberie de l'édifice à une autre compagnie qui, elle, n'est pas tenue de respecter les permis et les règles du jeu. Cela ne fonctionnerait pas. Ils seraient tous en prison.
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Je vais vous voler cette comparaison pour mes entrevues futures. Je pense que c'est un très bon exemple.
    Mon père était plombier et mon frère l'est également. L'exemple de la plomberie me vient facilement.
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Me permettez-vous de poser une autre question?
    Nous reviendrons peut-être à vous pour quelques minutes tantôt, mais nous passons immédiatement à Mme Boucher.
     Bonjour, monsieur Fraser.
    Je suis toujours étonnée de la situation à Air Canada. Plus tôt, je vous ai dit que j'étais revenue en tant que députée à la Chambre après quatre ans et demi d'absence et que j'avais l'impression que rien n'avait bougé, surtout dans le cas d'Air Canada. Depuis que je siège au Comité permanent des langues officielles, nous n'entendons parler que d'Air Canada.
    Monsieur Samson, vous êtes mon nouveau Yvon Godin de la langue française.
    Des députés: Ah, ah!
    Mme Sylvie Boucher: Je devais vous le dire. C'est un compliment que je vous fais, parce que M. Godin se battait beaucoup pour ses idées.
    Monsieur Fraser, je vais vous raconter une brève anecdote. Je suis allée à Vancouver, il y a deux semaines, pour notre congrès. Nous sommes partis de Montréal. À bord de l'avion, les agentes de bord étaient unilingues anglaises. L'un de mes confrères me disait aujourd'hui qu'il avait demandé un verre d'eau à l'une d'elles et qu'elle avait répondu: « I'm sorry, I don't understand. » C'était au cours d'un vol entre Montréal et Vancouver. Au retour, c'était tout le contraire. Entre Vancouver et Ottawa, les agentes de bord étaient trilingues. Celle qui s'occupait de la section où je me trouvais parlait trois langues.
    Que faut-il faire pour régler le problème à Air Canada? Faut-il changer d'attitude face au transporteur, agir de façon plus proactive? Que nous conseillez-vous?
    Les gouvernements ont déposé, les uns après les autres, des motions à ce sujet, nous avons élaboré des projets de loi, vous avez vous-même rédigé des rapports: quantité de gestes ont été posés. Nous avons l'impression que chaque fois que nous parlons de langues officielles à Air Canada, celle-ci se sent attaquée. Quelle serait, selon vous, la meilleure façon de travailler proactivement avec le transporteur pour qu'il comprenne enfin le message? Cela suffit, cela dure depuis 45 ans. Il est temps que nous fassions quelque chose pour changer la situation.
    Air Canada devrait-elle payer des amendes? Faut-il que le gouvernement et tout le Parlement lui impose des conditions et lui ordonne de s'y conformer?
(1720)
     En fait, je vous renvoie la balle. Je constate que vos fonctions de députés font de vous de grands voyageurs. Vous êtes donc à même d'observer la situation.
    Parfois, nous voyons des effets du côté de la planification. Par exemple, l'année dernière, je suis allé aux Jeux du Canada à Prince George. Évidemment, le vol régulier de Vancouver à Prince George n'est pas désigné comme un vol bilingue, puisqu'il n'y a pas suffisamment de personnes francophones qui utilisent ce vol pour justifier la demande d'un service en français. Cependant, les gens de la compagnie aérienne ont prévu qu'un nombre substantiel de francophones se rendraient à Prince George lors des Jeux du Canada. Ils ont donc pris des mesures pour que les vols de Vancouver à Prince George comptent des agents de bord bilingues.
    Cet exemple, de même que celui des Jeux olympiques, nous enseigne que lorsqu'il y a une planification stratégique, on réussit. Autrement, il s'agit d'un échec de planification, selon moi, surtout quand ce sont des vols Montréal-Québec, Toronto-Québec ou Montréal-Bathurst.
    Je demanderais d'abord quelles sont les stratégies de planification mises en oeuvre pour s'assurer qu'il y a suffisamment d'agents de bord bilingues. Il faudrait savoir aussi quelle est la formation offerte aux agents de bord unilingues. En fait, ils n'ont pas besoin d'un certificat d'études de la Sorbonne pour savoir ce que « verre d'eau » veut dire. Également, s'ils savent que la personne demande un service en français, mais qu'ils ne comprennent pas, ils doivent savoir quoi faire, par exemple demander à un collègue.
    Il est ressorti des plaintes que des agents de bord unilingues ne savaient absolument pas comment faire affaire avec quelqu'un qui demandait un service en français. Nous n'avons jamais exigé d'une institution assujettie à la Loi sur les langues officielles que tout son personnel soit bilingue. L'important est qu'il y ait un système en place pour que le service soit disponible et qu'il y ait suffisamment de personnel qui puisse venir en aide à des employés qui ne sont pas capables d'offrir ce service.
    Merci beaucoup.
    Je cède la parole à M. Samson pour une dernière question.
    Bref, c'est toujours une question de leadership.
    Si vous voulez poser une dernière question à ma place, monsieur Arseneault, allez-y.
    Merci, monsieur Samson.
    J'ai une question juridique peut-être un peu naïve. J'imagine que la Loi sur les langues officielles ne vous donne pas le pouvoir de poursuivre une institution pour bris de contrat, mais je vais tenter de vous poser la question quand même.
    On sait qu'Air Canada était d'abord une société d'État, puis elle est devenue une société publique. C'est l'unique raison pour laquelle elle est soumise aux obligations de la Loi sur les langues officielles, ce qui n'est pas le cas des autres compagnies aériennes du Canada, puisqu'elles étaient, dès le départ, des compagnies privées.
    Avez-vous évalué la possibilité de poursuivre Air Canada pour bris de contrat ou d'entente? Avez-vous cette possibilité?
    Je ne suis pas avocat. Je ne pourrais donc pas vous expliquer la distinction entre une intervention devant les tribunaux pour un non-respect de la Loi sur les langues officielles et une intervention pour un bris de contrat.
    Toutefois, comme vous pouvez le voir, le rapport contient la liste de toutes les interventions que tous mes prédécesseurs et moi avons faites devant les tribunaux à propos du non-respect de la Loi sur les langues officielles.
    En ce qui concerne un bris de contrat, je ne sais pas si ce serait une façon de faire.
(1725)
     Je me suis peut-être mal exprimé. Je comprends ce que vous dites: c'était toujours des arguments en vertu de la Loi sur les langues officielles.
    L'obligation d'Air Canada de se soumettre à la Loi sur les langues officielles était une contrepartie lui permettant de se privatiser.
    Si le contrat avait été conclu entre le gouvernement et Air Canada, puisque c'est bien le gouvernement qui a soumise celle-ci à sa loi habilitante, malheureusement le Commissariat n'aurait pas le pouvoir d'entamer des poursuites pour bris de contrat.
    Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    Cela met fin à votre comparution, monsieur le commissaire. Toutes mes félicitations pour votre courage et pour votre vision dans l'élaboration de solutions possibles. Au nom du Comité, je vous remercie énormément.
    La séance est suspendue, le temps de passer à huis clos.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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