:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis accompagné de Mme Mary Donaghy, commissaire adjointe, Direction générale des politiques et des communications, de Mme Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, Direction générale de l'assurance de la conformité, ainsi que de Mme Pascale Giguère, directrice et avocate générale, Direction générale des affaires juridiques.
[Traduction]
Honorables membres du Comité, bonjour.
[Français]
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter un survol de mon 10e et dernier rapport annuel, que j'ai déposé au Parlement le 19 mai dernier.
[Traduction]
Ce rapport annuel porte sur différents enjeux qui ont émergé ou qui ont été abordés au cours de la dernière année. Certains enjeux révèlent les progrès, ou les reculs, observés au cours des 10 dernières années, durant lesquelles j'ai été commissaire. Parmi ces enjeux, il y a l’immigration, l’égalité des services, le développement de la petite enfance et la portée du bilinguisme lors d'événements nationaux importants. Cependant, deux enjeux se démarquent particulièrement.
[Français]
Tout d'abord, il est évident qu'il existe un problème persistant en ce qui concerne l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Les Canadiens qui veulent être entendus dans la langue officielle de leur choix devant nos tribunaux se heurtent à des obstacles parfois insurmontables. Les avocats se sentent souvent tenus d'avertir leurs clients que, s'ils insistent pour faire valoir leur droit d'être entendus dans leur langue officielle de préférence, les recours judiciaires seront plus longs et plus coûteux.
Parmi les raisons expliquant cette situation, il y a le fait que la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures demeure problématique dans plusieurs provinces et territoires. On n'évalue pas les compétences linguistiques des candidats qui se déclarent eux-mêmes bilingues au moment de poser leur candidature à un poste de juge. Or, une fois qu'elles sont nommées juges, ces personnes découvrent souvent qu'elles sont incapables de présider un procès dans leur langue seconde.
Le gouvernement fédéral précédent était récalcitrant à prendre des mesures pour mettre en oeuvre les recommandations que j'avais formulées dans une étude de 2013 sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, réalisée conjointement avec mes homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. C'est pourquoi la première recommandation, dans mon rapport annuel, demande au gouvernement actuel, et tout particulièrement à la , de se pencher sur cette question.
[Traduction]
Le deuxième enjeu est une question soulevée de manière répétée par l'ancienne sénatrice Maria Chaput, ainsi que par plusieurs chefs de file de communautés. C'est dorénavant la sénatrice Claudette Tardif qui s'en charge, avec son projet de loi . Pendant des décennies, les services fédéraux ont été fournis dans les deux langues officielles dans différentes régions du pays où la demande pour des services dans la langue de la minorité est importante.
Une communauté minoritaire peut prospérer et croître. Cependant, si la croissance de la majorité est plus rapide, il y a perte de services. Cela est simplement injuste. La vitalité d'une communauté devrait aussi être prise en compte, pas seulement le taux de croissance de la communauté majoritaire. Le projet de loi prévoit une façon de remédier à cette injustice, tout comme le ferait une revue du Règlement sur les langues officielles.
Dans 3 ans, nous célébrerons le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Nous devrions déjà commencer à planifier un examen de l'application de la partie IV de la Loi, qui porte sur les communications avec le public et la prestation de services à ce dernier. Dans mon rapport annuel, ma deuxième recommandation demande au gouvernement d'en faire une priorité.
[Français]
Entretemps, dans le milieu de travail fédéral, en 2015-2016, les plaintes déposées en vertu de l'article 91 de la Loi sur les langues officielles, à propos des exigences linguistiques des postes au sein de la fonction publique, ont augmenté de 13 % par rapport à l'an dernier. Cela s'explique notamment par une mésentente de longue date entre le Commissariat aux langues officielles et le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Le Secrétariat informe les institutions qu'un profil linguistique BBB est approprié pour la plupart des postes de supervision. Pour ma part, je continue d'insister sur le fait que le profil CBC est le niveau minimal requis pour assurer une communication claire et efficace avec les employés dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail.
[Traduction]
En plus de déposer mon rapport annuel au Parlement le 19 mai, j'ai dévoilé de nouveaux bulletins de rendement qui évaluent la conformité de 33 institutions fédérales à la Loi sur les langues officielles. J'ai aussi publié un rapport sur mon rôle devant les tribunaux au cours des 10 dernières années. Hier, le 7 juin, j'ai déposé un rapport spécial au Parlement, qui propose des options que le gouvernement fédéral devrait examiner afin de veiller à ce qu'Air Canada respecte avec efficacité ses obligations en matière de langues officielles. Je vous présenterai ce rapport tout à l'heure et je répondrai à vos questions.
Au cours des 10 années durant lesquelles j'ai occupé ce poste, j'ai prononcé 528 discours et je suis intervenu dans 23 causes judiciaires, y compris 9 affaires présentées à la Cour suprême du Canada. Le Commissariat a traité 7 156 plaintes.
[Français]
Lorsque je regarde vers l'avenir, j'ai néanmoins une préoccupation. Parfois, j'ai l'impression qu'on pense que la politique linguistique va sans dire et que, par conséquent, on n'en parle pas. Cependant, il faut en parler. En adhérant à l'idée que cela va sans dire, on passe des choses sous silence, et ce qui est passé sous silence est souvent négligé ou oublié.
Dans ce contexte, je m'en voudrais de ne pas dire à quel point je suis ravi de l'annonce du gouvernement que le Collège militaire royal de Saint-Jean retrouvera son statut d'université. Depuis plus de deux décennies, les Forces armées canadiennes souffrent de l'absence d'une université militaire francophone. Cette mesure vient résoudre un sérieux problème.
[Traduction]
Cette année, je présenterai mon huitième Prix d'excellence, qui est remis annuellement, à Canadian Parents for French pour sa contribution remarquable à la promotion de la dualité linguistique. Je félicite l'organisme pour son travail exceptionnel, ainsi que pour son respect du français comme faisant partie intégrante du Canada.
[Français]
Les célébrations de l'anniversaire de la Confédération, en 2017, offrent aussi une occasion unique de mettre en valeur la dualité linguistique. Plusieurs groupes, partout au pays, travaillent avec acharnement à organiser des activités qui marqueront notre 150e anniversaire. La dualité linguistique doit être un élément clé de tous les efforts déployés.
[Traduction]
Honorables membres de ce Comité, je vous félicite pour vos efforts continus visant à promouvoir et à protéger nos langues officielles.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.
:
Monsieur Fraser, mesdames qui l'accompagnez, bonjour. C'est toujours un honneur de parler avec vous.
Je vous remercie d'abord du très bon travail que vous faites pour les langues officielles.
J'ai siégé à ce comité par le passé et je constate qu'on en revient souvent aux mêmes questions. On s'aperçoit que pas grand-chose n'a bougé, puisqu'on en parle encore aujourd'hui.
Je voudrais savoir une chose. Pour promouvoir le bilinguisme partout au pays, on s'aperçoit que cela doit commencer par nos institutions fédérales d'abord et avant tout. C'est un commentaire qu'on entend souvent.
Dans votre rapport, on constate que Radio-Canada devrait combler certaines lacunes en ce qui concerne le temps de réponse aux courriels en français. En effet, le temps de réponse est deux fois plus long que pour les courriels en anglais.
D'après moi, les institutions fédérales auraient dû commencer à nous rendre des comptes il y a longtemps. Je pense qu'on en parle depuis plusieurs années aussi.
Tout comme vous l'avez suggéré dans votre rapport en ce qui concerne Air Canada, pensez-vous que des pénalités devraient être imposées pour que les gens et les institutions comprennent le message?
:
Revenons aux évaluations que nous avons faites des 33 institutions. Nous avons vu une amélioration chez certaines et un recul chez d'autres. Une seule institution a eu un rendement que nous avons considéré comme faible. Aucune institution n'a été exemplaire, mais il y a eu une légère amélioration.
Hier, j'assistais à un événement. Une employée d'une institution fédérale m'a dit à quel point elle avait apprécié la cote que son institution avait reçue. C'était un B. Elle a dit qu'il y avait 10 ans, son institution avait obtenu un E, que maintenant elle avait mérité un B et qu'elle avait énormément travaillé pour y parvenir.
Je me suis rendu compte, encore une fois, que des fonctionnaires, des champions des langues officielles, des responsables de la coordination des langues officielles, prennent leurs responsabilités vraiment au sérieux. La clé est le leadership. Cela veut dire que quelqu'un, à la tête d'une institution, envoie le bon message. Ce fut le cas à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Quand j'ai entrepris mon premier mandat, le rendement était faible. À l'époque, le ministre et le sous-ministre ont tous deux considéré cette évaluation comme inacceptable. Ils ont pris des mesures, adopté un plan d'action et nous avons constaté du progrès.
Vous avez dit que vous reveniez à ce comité après une certaine pause, que vous avez l'impression de revenir aux mêmes enjeux et que cela tourne en rond. Je vous répondrai que cela exige un travail continuel. Comme je l'écris dans mon rapport annuel, les majorités, presque par définition, ne sont pas sensibles aux besoins des minorités. C'est une réalité. C'est parfois triste, mais il faut reconnaître cette réalité. C'est pour cela que, même au sein des institutions fédérales, le travail continue d'être très important.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Fraser. C'est toujours un plaisir de vous revoir, accompagné bien sûr. Nous l'apprécions beaucoup, d'autant plus que c'est probablement votre dernière comparution officielle à titre de commissaire aux langues officielles. Dix années, c'est énorme.
J'ai trois questions très rapides, mais avant de poser la première, j'aimerais reprendre le mot que vous avez prononcé, le mot « leadership ». Selon moi, on sait qu'on a un bon leader quand la situation sur le terrain est meilleure au moment de son départ que lorsqu'il a été engagé. Il est facile de juger si aucun progrès n'a été fait. Je crois que dans certains cas, comme vous l'avez mentionné, le leader en question n'a pas bien rempli sa tâche d'améliorer la situation.
Comme j'ai maintenant peu de temps pour poser mes trois questions très brèves, je vais vous les poser et nous allons pédaler rapidement pour toutes les étudier.
La première concerne le défi de l'immigration, comme vous le mentionnez dans votre rapport.
La deuxième a trait au projet de loi .
La troisième porte sur l'offre active de service.
En ce qui concerne l'immigration, vous dites qu’à l’extérieur du Québec, moins de 2 % des immigrants sont d’expression française. Selon vous, comment peut-on améliorer cette situation? Je vous donne une minute pour répondre, si cela vous convient.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Fraser, à vous et à votre équipe, d'être ici aujourd'hui.
Je tiens à me joindre à vous pour féliciter Canadian Parents for French pour le bon travail que ses membres accomplissent. Je les ai rencontrés moi aussi et je sais qu'ils sont passionnés pour l'immersion française. C'était très intéressant à voir.
[Français]
J'aimerais parler de justice. Vous me connaissez et vous savez que j'ai une passion pour l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
Quand le président du Conseil du Trésor, , a comparu devant le Comité, je lui ai demandé où en était rendu l'examen de la gouvernance pangouvernementale de la Politique sur les langues officielles. Il m'a répondu qu'il ne s'occupait pas de ce dossier et que c'était la responsabilité de Patrimoine canadien.
Quel rôle avez-vous joué à l'égard de l'examen de la gouvernance pangouvernementale de la Politique sur les langues officielles, qui a commencé en 2014 et qui se poursuit encore, selon ce que j'ai compris? Quelle a été votre participation? Comment avez-vous vécu cela? Comment se déroule l'examen actuellement? Vous parlez un peu de la gouvernance dans votre rapport, mais vous ne parlez pas de cette étude, et je m'interroge sur son rôle.
:
Cette question préoccupe la minorité anglophone, en partie parce qu'elle a déjà souffert d'une asymétrie dans la Constitution.
À l'article 23 de la Charte, qui touche les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, l'alinéa 23(1)a) stipule que toute personne « dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité anglophone ou francophone » peut faire instruire ses enfants dans cette langue. Par contre, plus loin, à l'article 59, il est dit que l'article 23(1)a) ne peut entrer en vigueur qu’après une résolution de l’Assemblée nationale. C'est un élément de la Constitution. Les anglophones qui n'ont pas été éduqués en anglais au Canada n'ont pas accès à l'école anglaise au Québec au même titre que les francophones qui vont vivre ailleurs au pays peuvent avoir accès à l'école française.
Devant cette asymétrie, « chat échaudé craint l'eau froide ». D'un côté, il y a une nervosité considérable face à l'idée qu'on n'a pas besoin d'offrir à la minorité anglophone les mêmes droits que ceux réservés à la minorité francophone. De l'autre côté, dans le projet de loi , si on définit largement ce que constitue une communauté minoritaire, on risque de considérer des francophones bilingues comme membres de la communauté minoritaire alors que ce n'est vraiment pas le cas.
On est un peu pris entre l'arbre et l'écorce. Ce qui est important, selon moi, c'est d'avoir un système qui prenne en compte les besoins réels de la communauté.
Il y a certaines situations où, en effet, on devrait appliquer un effet miroir, et d'autres où l'asymétrie est peut-être appropriée. Je ne crois pas qu'il doive y avoir une règle absolue qui dicte comment cela doit fonctionner, parce que les besoins sont tellement différents dans les communautés minoritaires du pays.
:
Je dirais qu'il y a plusieurs défis.
Entre autres, il y a le défi de l'immigration. Quand je parle d'immigration, je cite souvent l'exemple du Manitoba, où il y a une forte collaboration entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, la province du Manitoba et la Société franco-manitobaine. Avec la création de l'organisation Accueil francophone, on a connu de très bons succès dans l'accueil et l'accompagnement d'immigrants et de réfugiés francophones. L'Université de Saint-Boniface a joué un rôle très important, mais aussi ces organisations que j'ai mentionnées.
C'est un dossier dont j'ai discuté avec le . Il est très conscient de l'importance de l'immigration pour les communautés minoritaires.
Il y a aussi la question des médias sociaux et de la technologie. Un virage se fait actuellement. Les vieilles technologies de communication deviennent désuètes. Nous entrons dans une nouvelle ère de communication technologique.
Dans la lettre que j'ai rédigée à l'intention de la personne qui me succédera et incluse dans mon rapport annuel, je parle de la distinction entre un réseau linguistique et un espace linguistique. Il est très important pour les communautés d'avoir des espaces où la langue est visible, audible et utilisée. Les réseaux sont importants aussi, mais c'est aux individus qu'ils profitent. La possibilité d'utiliser le français pour soumettre une demande de passeport ou de pension, réserver un billet d'avion ou obtenir une passe d'embarquement au comptoir de l'aéroport, c'est excellent pour les individus, mais cela n'apporte pas grand-chose à la communauté.
Je pense que le défi est le suivant. Tout d'abord, comment peut-on faire en sorte que les institutions des communautés minoritaires aient accès aux nouvelles technologies pour faire ce virage tout en appuyant la communauté? Également, comment peut-on utiliser ces technologies pour appuyer la collectivité, et pas seulement les individus?
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'ai fait remettre hier matin au bureau du Président de la Chambre des Communes et à celui du Sénat mon rapport spécial En route vers une conformité accrue d'Air Canada grâce à un régime d'exécution efficace. Le rapport décrit les moyens que mes prédécesseurs et moi avons pris pour nous assurer qu'Air Canada applique pleinement les obligations linguistiques découlant de la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Il contient également des options permettant au Parlement de moderniser le régime d'exécution applicable à Air Canada. Je réitère la nécessité de combler certains vides juridiques qui perdurent depuis la restructuration d'Air Canada en 2003-2004.
Finalement, le rapport contient une seule recommandation adressée au Parlement, laquelle vise à ce que le rapport soit confié pour étude à l'un des deux comités permanents des langues officielles.
[Traduction]
Créée par le Parlement en 1937, Air Canada a toujours été perçue comme un symbole de l'identité canadienne, d'une part, parce qu'elle a été bâtie à même les deniers publics, et d'autre part, parce qu'elle porte le nom de notre pays et l'emblème de la feuille d'érable.
La société est assujettie depuis près de 50 ans à I'ensemble de la Loi sur les langues officielles, d'abord à titre de société d'État en vertu de la Loi sur les langues officielles de 1969, puis en vertu de l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, lors de sa privatisation en 1988.
[Français]
Depuis sa privatisation, Air Canada a subi de nombreuses transformations sur les plans financier et commercial. Cependant, en tant que transporteur aérien national qui a été bâti à même les revenus de l'État, Air Canada se doit de refléter le caractère bilingue du pays et de continuer à respecter ses obligations en matière de langues officielles.
Après 10 ans en tant que commissaire, il me paraît important de faire état du problème récurrent que constitue le niveau de conformité d'Air Canada à la Loi sur les langues officielles, et d'attirer l'attention du Parlement sur cette question.
[Traduction]
Parmi les institutions assujetties à la Loi, Air Canada a toujours été, et demeure, l'une de celles qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes annuellement traitées par le Commissariat aux langues officielles. En matière de service au public, plusieurs de nos enquêtes ont montré que les services en vol et au sol ne sont pas toujours de qualité égale dans les deux langues officielles à tous les points de service et pour tous les trajets bilingues.
[Français]
Ainsi, malgré les années et les interventions répétées des commissaires aux langues officielles successifs, la situation a peu évolué. Certaines de ces infractions concernent des trajets au cours desquels offrir un service bilingue semble l'évidence même, comme Montréal-Bathurst ou Toronto-Québec.
Après des centaines d'enquêtes et de recommandations, après une vérification exhaustive et après deux recours, dont l'un jusqu'en Cour suprême du Canada, force est de constater que mes multiples interventions, tout comme celles de mes prédécesseurs, n'ont pas donné les résultats souhaités.
[Traduction]
De 2005 à 2011, quatre projets de loi successifs ont tenté de résoudre les problèmes d'application engendrés par la restructuration d'Air Canada en 2003-2004. Malheureusement, tous sont morts au Feuilleton.
[Français]
Ce n'est que la seconde fois dans l'histoire du Commissariat qu'un commissaire aux langues officielles dépose un rapport spécial au Parlement. J'ai jugé cette question suffisamment importante pour qu'elle soit traitée séparément de mon rapport annuel. De plus, je voulais exposer clairement aux parlementaires nos efforts constants et multiples depuis de nombreuses années. II ne s'agit pas d'un enjeu exclusif à cette année. Je devais également faire état de nombreux autres sujets dans le cadre de mon rapport annuel, y compris deux recommandations importantes au gouvernement.
[Traduction]
Je suis d'avis qu'aujourd'hui, il ne suffit plus de faire des recommandations au terme d'enquêtes et de vérifications ni de rapporter le degré de conformité d'Air Canada dans les rapports annuels déposés au Parlement — d'où la nécessité de déposer au Parlement ce rapport spécial, qui est le dernier outil dont je dispose. II revient maintenant au Parlement d'apporter les changements législatifs nécessaires. Le statu quo ne fonctionne pas.
[Français]
Par conséquent, je recommande au Parlement de confier l'étude de ce rapport spécial, de façon prioritaire, à l'un des deux comités permanents des langues officielles. J'y propose différentes options pour moderniser le régime d'exécution applicable à Air Canada qui pourront guider les comités des langues officielles dans leur examen du rapport.
Il faudrait notamment modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada afin de maintenir les droits linguistiques du public voyageur et des employés d'Air Canada dans la structure actuelle de la société, et renforcer le régime d'exécution de la Loi sur les langues officielles afin d'assurer une meilleure conformité d'Air Canada à la Loi.
[Traduction]
Selon Air Canada, ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles la désavantagent par rapport aux autres transporteurs aériens concurrents. La solution serait donc, d'après elle, d'assujettir l'ensemble des transporteurs aériens à la Loi.
Pour ma part, mon expérience me porte à croire qu'un régime d'exécution de la Loi plus vigoureux et mieux adapté à la réalité d'Air Canada serait un meilleur gage de succès. Toutefois, malgré nos différends, Air Canada et moi sommes d'accord sur un point: le gouvernement doit agir.
[Français]
Avant de quitter mes fonctions à titre de commissaire, il me semble important de porter ce problème à l'attention du Parlement et d'établir des pistes de solution. II revient maintenant aux parlementaires de se pencher sur ce dossier.
Ce rapport spécial démontre clairement que, malgré les interventions des commissaires aux langues officielles depuis 1969, les problèmes persistent.
[Traduction]
Je demande donc au gouvernement d'accorder à ce dossier une très haute priorité afin de protéger les droits linguistiques du public voyageur et des employés d'Air Canada.
[Français]
Je vous remercie.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.
:
J'hésite toujours à utiliser le nombre de plaintes comme seule indication du rendement.
C'est plutôt autre chose qui m'a frappé. En 2010, nous avons fait une vérification des services offerts dans les deux langues officielles par Air Canada aux voyageurs. En 2015, nous avons fait un suivi des recommandations formulées à la suite de cette vérification, or nous avons découvert que seulement une de nos douze recommandations avait été mise en oeuvre.
Je ne peux pas parler au nom d'Air Canada, mais je peux vous faire part de mes constatations.
Tout d'abord, il y a eu un investissement considérable et un effort réel pour assurer un service dans les deux langues officielles à bord de tous les vols d'Air Canada à destination de Vancouver lors des Jeux olympiques, peu importe le point de départ des voyageurs. J'avais espoir que cet investissement et cet effort allaient grandement améliorer le service. Or, notre vérification nous a permis de découvrir que les employés pensaient que cette règle s'appliquait seulement lors des Jeux olympiques et qu'ils n'avaient plus besoin de l'appliquer après les Jeux olympiques. Quand j'en ai discuté avec les membres du conseil d'administration, ils ont dit qu'ils n'avaient jamais dit cela. C'était pourtant le message que les employés avaient compris. Je pense qu'il y a un manque de communication.
Parfois, on manifeste du dédain, du mépris ou un manque de respect envers les gens qui demandent un service en français, et c'est souvent ce manque de respect qui déclenche un processus de plainte. La plupart des gens vont hausser les épaules et se dire que c'est comme cela, et la situation continue d'être la même. Par contre, quand ils sont injustement traités, ils cherchent à réagir.
Dans le communiqué d'Air Canada, on fait référence à un sondage qui démontre que 94 % des clients sondés étaient satisfaits du degré de bilinguisme de ses services. Comme je l'ai dit, j'hésite toujours à utiliser des pourcentages. Pour sa part, Air Canada a voulu utiliser ces pourcentages. Sur un total de 42 millions de passagers, un taux de 6 % signifie que 2,5 millions de passagers n'étaient pas satisfaits. Le sondage ne mentionne pas si l'on a interrogé des francophones ou des personnes bilingues. On ne le dit pas. Selon les propres chiffres avancés par Air Canada, un nombre considérable de passagers ne sont pas satisfaits du degré de bilinguisme du service.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Fraser, en ce qui concerne le rapport sur Air Canada, je dois vraiment vous féliciter. Non seulement vous avez produit un rapport extrêmement bien étoffé, mais, en plus, vous offrez des solutions concrètes aux législateurs. Merci beaucoup de ce rapport, qui est vraiment très bien rédigé.
Vous avez mentionné, dans votre déclaration aux médias, que votre « travail [pouvait] s’apparenter au fait de tenter de gravir à contresens un escalier roulant »: vous vous arrêtez un moment et vous commencez à redescendre. Il en va de même pour Air Canada.
J'aime le fait que vous ne compariez pas Air Canada à d'autres compagnies aériennes, mais plutôt à VIA Rail, une autre société d'État qui a été privatisée. Cette dernière, par contre, s'en sort très bien en ce qui concerne le respect de la Loi sur les langues officielles.
Au début de votre rapport spécial, il y a une citation de l'ancien commissaire Keith Spicer: « Il n’existe pas un seul problème, technique ou administratif, posé par la réforme linguistique que la Société Air Canada ne pourrait résoudre si son attitude était autre. » C'était en 1976.
Le Comité tente de faire comparaître le président d'Air Canada lundi prochain. Ce dernier ne semble pas vouloir se présenter devant les parlementaires. Comment réagissez-vous à cela?
:
Bonjour, monsieur Fraser.
Je suis toujours étonnée de la situation à Air Canada. Plus tôt, je vous ai dit que j'étais revenue en tant que députée à la Chambre après quatre ans et demi d'absence et que j'avais l'impression que rien n'avait bougé, surtout dans le cas d'Air Canada. Depuis que je siège au Comité permanent des langues officielles, nous n'entendons parler que d'Air Canada.
Monsieur Samson, vous êtes mon nouveau Yvon Godin de la langue française.
Des députés: Ah, ah!
Mme Sylvie Boucher: Je devais vous le dire. C'est un compliment que je vous fais, parce que M. Godin se battait beaucoup pour ses idées.
Monsieur Fraser, je vais vous raconter une brève anecdote. Je suis allée à Vancouver, il y a deux semaines, pour notre congrès. Nous sommes partis de Montréal. À bord de l'avion, les agentes de bord étaient unilingues anglaises. L'un de mes confrères me disait aujourd'hui qu'il avait demandé un verre d'eau à l'une d'elles et qu'elle avait répondu: « I'm sorry, I don't understand. » C'était au cours d'un vol entre Montréal et Vancouver. Au retour, c'était tout le contraire. Entre Vancouver et Ottawa, les agentes de bord étaient trilingues. Celle qui s'occupait de la section où je me trouvais parlait trois langues.
Que faut-il faire pour régler le problème à Air Canada? Faut-il changer d'attitude face au transporteur, agir de façon plus proactive? Que nous conseillez-vous?
Les gouvernements ont déposé, les uns après les autres, des motions à ce sujet, nous avons élaboré des projets de loi, vous avez vous-même rédigé des rapports: quantité de gestes ont été posés. Nous avons l'impression que chaque fois que nous parlons de langues officielles à Air Canada, celle-ci se sent attaquée. Quelle serait, selon vous, la meilleure façon de travailler proactivement avec le transporteur pour qu'il comprenne enfin le message? Cela suffit, cela dure depuis 45 ans. Il est temps que nous fassions quelque chose pour changer la situation.
Air Canada devrait-elle payer des amendes? Faut-il que le gouvernement et tout le Parlement lui impose des conditions et lui ordonne de s'y conformer?
:
En fait, je vous renvoie la balle. Je constate que vos fonctions de députés font de vous de grands voyageurs. Vous êtes donc à même d'observer la situation.
Parfois, nous voyons des effets du côté de la planification. Par exemple, l'année dernière, je suis allé aux Jeux du Canada à Prince George. Évidemment, le vol régulier de Vancouver à Prince George n'est pas désigné comme un vol bilingue, puisqu'il n'y a pas suffisamment de personnes francophones qui utilisent ce vol pour justifier la demande d'un service en français. Cependant, les gens de la compagnie aérienne ont prévu qu'un nombre substantiel de francophones se rendraient à Prince George lors des Jeux du Canada. Ils ont donc pris des mesures pour que les vols de Vancouver à Prince George comptent des agents de bord bilingues.
Cet exemple, de même que celui des Jeux olympiques, nous enseigne que lorsqu'il y a une planification stratégique, on réussit. Autrement, il s'agit d'un échec de planification, selon moi, surtout quand ce sont des vols Montréal-Québec, Toronto-Québec ou Montréal-Bathurst.
Je demanderais d'abord quelles sont les stratégies de planification mises en oeuvre pour s'assurer qu'il y a suffisamment d'agents de bord bilingues. Il faudrait savoir aussi quelle est la formation offerte aux agents de bord unilingues. En fait, ils n'ont pas besoin d'un certificat d'études de la Sorbonne pour savoir ce que « verre d'eau » veut dire. Également, s'ils savent que la personne demande un service en français, mais qu'ils ne comprennent pas, ils doivent savoir quoi faire, par exemple demander à un collègue.
Il est ressorti des plaintes que des agents de bord unilingues ne savaient absolument pas comment faire affaire avec quelqu'un qui demandait un service en français. Nous n'avons jamais exigé d'une institution assujettie à la Loi sur les langues officielles que tout son personnel soit bilingue. L'important est qu'il y ait un système en place pour que le service soit disponible et qu'il y ait suffisamment de personnel qui puisse venir en aide à des employés qui ne sont pas capables d'offrir ce service.