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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 avril 2017

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

[Français]

    À l'ordre, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Bienvenue à la 56e séance du Comité permanent des langues officielles.
    Souhaitons la bienvenue à M. Donnelly, Mme Dabrusin, M. Gerretsen et Mme Ratansi, qui se joignent à notre merveilleux groupe. Il est bon de voir de nouveaux visages autour de la table, quand nos membres permanents ne peuvent être présents.
    Ce matin, nous allons écouter nos deux témoins: MM. Thompson et Bergman. M. Thompson représente le Quebec Community Groups Network, et M. Bergman, l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec. Si j'ai bien compris, vous avez ensemble préparé des déclarations liminaires qui devraient durer 10 minutes en tout. À la suite de cela, nous allons passer aux questions des membres du Comité.
    Vous avez la parole pour 10 minutes.
    Bonjour à vous tous. Il y a de nouveaux visages, alors je vais vous préciser que le Quebec Community Groups Network est un organisme sans but lucratif qui représente les groupes minoritaires de langue anglaise au Canada, que nous appelons la communauté minoritaire anglophone du Québec. Nous sommes un peu plus de 1 million de Canadiens, et comme je l'ai dit, notre communauté de langue officielle en situation minoritaire se trouve au Québec.
    Bonjour, messieurs Nater et Donnelly, et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des langues officielles. Je suis désolé; je ne savais pas que M. Choquette serait absent.
    Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui pour témoigner dans le cadre de l'étude du Comité sur la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles dans le système de justice canadien. Nous sommes aussi ravis d'être accompagnés par l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec. Mon exposé sera très bref, ce qui permettra à Michael Bergman de présenter l'association et ses plans futurs.
    Notre communauté est très enthousiasmée par la promesse d'une capacité organique d'accès à la justice. Veuillez noter que le QCGN a soumis un mémoire détaillé qui contient des commentaires sur les sujets que le Comité étudie. Je vais mettre en évidence les points saillants du mémoire maintenant et serai ravi de répondre à vos questions plus tard.
    En ce qui concerne le processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada, le QCGN soutient un processus transparent, inclusif et responsable à l'égard des Canadiens. À cette fin, nous sommes aussi pour des mesures législatives qui feraient du bilinguisme fonctionnel, sans l'aide d'un interprète, une exigence pour la nomination des juges à la Cour suprême du Canada.
    Nous avons deux raisons principales de soutenir le bilinguisme dans toutes les cours canadiennes, ainsi que le bilinguisme des juges de la Cour supérieure et des cours d'appel. Premièrement, où les droits existent, il faut offrir un système où les juges peuvent instruire les causes et rendre des décisions dans les deux langues officielles. Deuxièmement, les compétences linguistiques des juges à cet échelon doivent être suffisantes pour qu'on puisse assurer le respect des décisions des tribunaux supérieurs dans le contexte de l'évolution du droit canadien. Me Bergman pourra en dire plus là-dessus.
    Nous avons trois réflexions au sujet de l'accès à la justice. Premièrement, avoir des droits et un système judiciaire bilingue a peu de valeur si l'infrastructure entourant l'accès à la justice n'est pas en mesure d'offrir des services dans les deux langues officielles. Deuxièmement, il faut une définition commune de l'accès à la justice, particulièrement lors des discussions visant l'élaboration d'une politique publique fondée sur des données probantes. Enfin, il faut que Justice Canada fournisse des capitaux de lancement stables pour favoriser l'expansion de l'association.
    Nous sommes très préoccupés par l'application de la Loi sur les langues officielles dans le système correctionnel au Canada. Une visite récente au Centre fédéral de formation du Service correctionnel du Canada, à Laval, nous a laissés perplexes. Il y avait apparence de violation de la loi, et nous avons toutes les raisons de croire que c'est une situation systémique qui affecte vraisemblablement les détenus de minorités francophones et anglophones dans d'autres établissements. Nos préoccupations sont décrites en détail dans notre mémoire et pourraient motiver une visite du Comité.
    Je suis ravi de vous présenter Me Michael Bergman, de l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec.
(1105)
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole.
    Je crois fermement qu'une organisation dont le nom comporte plus de trois mots est extrêmement importante. Vous avez donc devant vous deux témoins très importants.
    L'Association a vu le jour en août 2016. Nous en avons mis, du temps. Nos collègues du reste du pays — avocats et juristes de langue française — ont depuis fort longtemps des associations pour défendre leur milieu, exercer des pressions et faire de la recherche. La communauté anglophone du Québec ne s'est organisée que récemment, en partie à cause de la nature de cette communauté.
    Des collègues avocats et moi avons cofondé l'association il y a moins d'un an. Pour nous, il était clair qu'il y a au Québec un sérieux problème d'accès à la justice en anglais. L'accès diminue exponentiellement avec les années et continuera de diminuer. Le citoyen anglophone moyen du Québec a de plus en plus de difficulté à interagir en anglais avec le système à tous les échelons, y compris au fédéral. Si cela ne cesse pas, et si on ne trouve pas de moyens d'améliorer l'accès à la justice en anglais, le système de représentation de la population anglophone et la capacité du citoyen de s'adresser en anglais à une instance administrative ou à un tribunal au Québec vont graduellement disparaître.
    Il y a d'autres aspects à cela. La Cour d'appel du Québec est réputée pour ses décisions, notamment en droit constitutionnel, en droits de la personne et en droit administratif. Cependant, dans le reste du Canada, très peu d'avocats ou de juges savent ce que la Cour d'appel a dit parce que 94 % des décisions qu'elle a rendues sont en français et que 6 % seulement des décisions sont en anglais. Il n'y a pas de ressources financières et de services de traduction permettant de donner accès à ces décisions en anglais. Vous aurez donc des anomalies: une cour d'appel d'une autre province dira ceci, alors que la Cour d'appel du Québec a déjà dit cela. Ce n'est pas bon pour le pays.
    Vous remarquerez que l'Association ne vous a pas soumis de mémoire ce matin. C'est malheureux, mais ce n'est pas accidentel. La raison en est simple. Puisque nous démarrons, nous sommes un groupe de bénévoles. Nous sommes des avocats qui pratiquent le droit. Ce n'est que récemment, en janvier de cette année, que nous avons reçu du financement de programme de Justice Canada, soit 77 000 $. La plus grande partie de ce montant sert à la recherche préliminaire. La recherche est importante. Elle nous donne des données empiriques, des faits, et la capacité de baser notre travail de défense sur la vérité. Nous n'avons pas de financement de base. Nous ne pouvons embaucher un directeur général. Nous n'avons aucune structure permanente. Nous avons désespérément besoin de cela. Il faut un programme de financement de base pour l'Association et pour tout autre groupe de la même nature que nous. Cela ne se limite pas au Québec. Il faut cela partout dans notre formidable pays. Sans cela, nous sommes des bénévoles dévoués, mais nous n'avons qu'un nombre limité d'heures par jour, et je pense que les députés le savent trop bien.
    Quelle est la conséquence du déclin de l'utilisation de l'anglais dans le système de justice du Québec? C'est un déclin pernicieux. Il aura des incidences structurelles importantes qui se manifesteront sur plusieurs générations. S'il y a déclin de l'anglais comme langue officielle en situation minoritaire dans le système de justice du Québec, tôt ou tard, dans le reste du pays, on se posera la question: si un des piliers de notre dualité est en déclin, qu'en est-il de l'autre pilier, soit les francophones à l'extérieur du Québec? Petit à petit, sans le vouloir, nous évoluerons malheureusement et tragiquement vers un pays où la justice est rendue en français au Québec, et en anglais dans le reste du pays.
(1110)
    C'est mauvais. Il faut arrêter cela. Nous avons besoin de mesures législatives, et de plus de fonds. Il y a un rôle important à jouer dans cela pour le gouvernement fédéral et le Parlement du Canada. Ce n'est pas que symbolique. Il s'agit de mettre en oeuvre des programmes et des mesures législatives qui reconnaissent que dans une société moderne — au XXIe siècle — chaque citoyen a le droit, la liberté, l'individualité de s'adresser à la justice dans sa propre langue officielle. Si nous ne le faisons pas, nous négligeons nos compagnons et collègues à l'échelle du pays.
    Je serai ravi de répondre aux questions. Cinq minutes, c'est peu pour présenter beaucoup de mots et d'idées, mais comme je l'ai dit, le nom de notre association comporte plus de trois mots. Vous remarquerez que je n'ai dit que le mot « association », et non « Association des juristes d'expression anglaise du Québec ».
    Merci beaucoup.
    Merci, messieurs Bergman et Thompson. Nous vous remercions de vos observations jusqu'à maintenant.
    Nous allons passer aux questions, à commencer par M. Généreux pour le premier tour de six minutes.

[Français]

    Je remercie beaucoup les témoins d'être ici ce matin. C'est très intéressant.
    Monsieur Bergman, vous venez de me surprendre passablement en affirmant que l'accès à la justice en anglais à Montréal connaît un important déclin. Je suis vraiment surpris de cette affirmation. Voulez-vous dire que ce déclin s'est amorcé il y a longtemps? Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aujourd'hui l'accès à la justice en anglais à Montréal est moindre que ce qu'il a été dans le passé?
    Vous avez utilisé un mot très important: « Montréal ». En fait, je parle du Québec, de tout le Québec, de toutes les régions, y compris les grandes métropoles. Dans les régions, il est clair que l'utilisation de l'anglais devant les instances de justice est en net déclin, tout comme le bilinguisme des juges, des greffiers, des juges administratifs, des instances, des fonctionnaires et du personnel administratif des tribunaux. Même à Montréal, dans les tribunaux administratifs de Montréal, d'après mon expérience, il s'agit d'une matière de courtoisie.
    De courtoisie?
    Oui, de courtoisie. La plupart des juges administratifs nommés par le Québec ne sont pas bilingues. Même à la Cour supérieure, où les juges sont nommés par le fédéral, ils peuvent parler en anglais de temps en temps, mais tous les jugements sont en français. J'ai même des exemples où toutes les parties sont des anglophones, mais les jugements du tribunal sont en français. C'est dommage, car certaines personnes ne peuvent pas lire le jargon juridique en français. En effet, ce n'est pas la même chose que lorsque nous jasons entre nous dans un bar ou ailleurs. Il nous faut donc demander une traduction. Or, il faut au moins six mois pour que le système nous donne une traduction. C'est donc impossible. Je dois moi-même faire traduire les documents pour mes clients, à mes frais, et ce n'est pas une traduction officielle.
(1115)
    Monsieur Thompson, vous avez dit que vous étiez allé à un centre situé à Laval. Était-ce un centre de détention? Vous avez parlé plus tôt de Laval, mais j'ai mal compris à quel endroit vous étiez allé. Vous avez été à même d'y constater certaines choses.
    Il a fait une visite; ce n'est pas lui qui était incarcéré.
    Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

    Pas cette fois-là.

[Français]

    Rappelez-moi les faits.

[Traduction]

    C'est un problème très complexe. Je veux préciser en commençant que la direction du Service correctionnel dans la région du Québec a de façon proactive établi des liens avec notre communauté. Ils se préoccupent beaucoup de leurs responsabilités linguistiques et cherchent un moyen de s'en acquitter. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas le faire. Ils le veulent vraiment. Ils ne savent tout simplement pas comment s'y prendre.
    Nous parlons des établissements correctionnels fédéraux.
    Oui. Je vais vous donner des exemples de ce que nous avons vu. Nous avons visité un logement où aucun gardien ne parlait l'anglais. Les gardiens étaient absolument incapables de communiquer en anglais. Pensez à cela...
    Est-ce parce qu'ils ne le voulaient pas ou parce qu'ils...

[Français]

    Ils n'en étaient pas capables. Ce n'est pas une question de motivation. Ils n'en étaient tout simplement pas capables.

[Traduction]

    Seulement 2,9 % des employés de Service correctionnel Canada dans la région du Québec sont des Québécois de langue anglaise. Il est très difficile d'intéresser des anglophones à travailler dans les établissements. Surtout, ce qui nous préoccupe le plus, c'est qu'une fois que vous êtes un gardien, vous obtenez 800 $ par année comme prime de bilinguisme. Cependant, parce que les programmes destinés aux détenus anglophones sont si rares, la charge de travail de ces gardiens est nettement supérieure à celle des gardiens qui traitent avec les détenus francophones. Donc, les gardiens qui occupent des postes bilingues cherchent activement des postes unilingues. La prime de 800 $ n'en vaut pas la peine, par rapport à une charge de travail moindre. Il y a en fait des facteurs qui dissuadent les gardiens de travailler dans les deux langues officielles.
    Que suggérez-vous?
    Pour commencer, le système est très compliqué. Il y a des programmes au sein des établissements. Certains programmes sont offerts par Service correctionnel Canada. D'autres sont offerts par des collèges ou conseils scolaires de la localité. Bien des programmes sont fondés sur le bénévolat, comme les Alcooliques Anonymes, les Cocaïnomanes Anonymes, les activités sportives et autres activités de ce genre. Ce sont des bénévoles qui s'en occupent. Ils ne connaissent pas de bénévoles anglophones. Il n'y a pas de bénévoles anglophones pour s'occuper de ces services. C'est un problème très complexe.
    Ce que je suggère? Il faudrait une étude nationale et une approche nationale, pour que Service correctionnel Canada veille à s'acquitter de ses obligations en matière de langues officielles. Il y a un problème.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, monsieur Généreux.
    Madame Lapointe, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Bienvenue. Merci beaucoup de votre présence.
    Je vais poursuivre avec le même sujet que mon collègue, M. Généreux.

[Français]

    Quels sont les centres de détention de Laval que vous avez visités? Avez-vous visité l'établissement Leclerc ou le Centre fédéral de formation? Avez-vous visité l'établissement situé à Sainte-Anne-des-Plaines? Ce sont tous des centres de détention fédéraux.

[Traduction]

    C'est le Centre fédéral de formation.

[Français]

    À ce centre, y a-t-il beaucoup de détenus qui, parmi les deux langues officielles du Canada, ne parlent que l'anglais?

[Traduction]

    Ils ne nous ont pas donné ces chiffres. Ils ne nous ont pas donné les nombres précis de détenus selon la langue officielle. Je pense qu'ils ne savaient tout simplement pas combien, quand nous y sommes allés. Nous avons cependant rencontré plusieurs détenus anglophones. N'oubliez pas qu'il y a une importante population inuite, ou une population disproportionnée, alors l'établissement travaille en ce moment dans quatre langues: l'anglais, le français, l'inuktitut et le cri.
    On nous a parlé de détenus qu'il a fallu transférer d'établissements à sécurité minimale à des établissements à sécurité moyenne pour qu'ils puissent avoir accès aux programmes qu'il leur fallait avant de se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles.
    On nous a aussi parlé de détenus anglophones encore incarcérés même si leur date de libération conditionnelle était passée, parce qu'il n'y avait pas de place dans des maisons de transition où l'on parlait anglais à Montréal. Si c'est le cas à Montréal, vous pouvez imaginer la situation à Québec. Vous pouvez imaginer ce que c'est pour un détenu francophone de trouver une place en milieu francophone dans une maison de transition à Calgary ou Edmonton.
    SCC a des problèmes systémiques pour la gestion de ses engagements en matière de langues officielles.
(1120)

[Français]

    Je vous remercie.
    Vous avez mentionné tantôt que c'étaient tous les gardes qui ne parlaient pas les deux langues officielles. Est-ce le cas de tout le personnel des centres de détention? Vous avez dit que, au Québec, seulement 2,9 % des employés étaient anglophones.

[Traduction]

    Oui. Ce sont donc les nombres relevant de la partie VI que nous recevons du Conseil du Trésor du Canada. Je sais qu'au début de l'année passée, le Comité examinait les données relevant de la partie VI. Cela nous est venu du Conseil du Trésor. Nous les avons montrés à l'analyste. Nous savons que 2,9 % des membres de l'effectif de Service correctionnel Canada au Québec se disent anglophones.
    Le problème, c'est que la prime n'est pas suffisante.

[Français]

    C'est ce que vous dites.

[Traduction]

    Avez-vous quelque chose à suggérer pour résoudre ce problème?
    Si les services étaient offerts aux détenus anglophones, la charge de travail des agents correctionnels qui s'occupent d'eux et gèrent leurs cas ne serait pas si lourde.
    Le problème, en ce moment, c'est qu'étant donné l'absence de ces services, le travail avec un détenu anglophone représente une augmentation exponentielle de la charge de travail. Cela n'en vaut pas la peine pour eux. Les 800 $ de plus par année n'en valent pas la peine.

[Français]

    D'accord, merci beaucoup.
    Vous avez mentionné que le problème de l'accès à la justice en anglais comportait trois dimensions à considérer, notamment les infrastructures.

[Traduction]

    Quand vous allez en cour, avec tous les employés qu'il y a là, avez-vous de la difficulté à trouver un anglophone au tribunal?

[Français]

    Dans le cas des tribunaux qui sont de la compétence du Québec, la plupart des fonctionnaires sont unilingues francophones. De temps en temps, un fonctionnaire parle les deux langues et est en mesure de parler de façon fonctionnelle avec un citoyen anglophone. Je dirais cependant, d'après mon expérience, que la plupart des fonctionnaires parlent uniquement le français, même à Montréal, et que si un citoyen demande à être servi en anglais, il faut trouver une personne qui peut s'exprimer et tenir une conversation dans cette langue.
    Je veux corriger un point. Vous avez posé à M. Thompson une question qui laisse entendre certaines choses. Le fait qu'un anglophone arrive à parler le français facilement ou qu'il soit complètement bilingue n'est pas un motif pour nier son droit de s'exprimer en anglais.
    Je suis d'accord.
    De temps en temps, au Québec, les gens se demandent pourquoi une personne anglophone aurait besoin d'un service en anglais si elle peut facilement parler français. Les gens se disent que si tout le monde s'exprimait en français, comme je le fais maintenant, on n'aurait pas besoin d'investir d'autres fonds dans les services en anglais. Si la langue — je ne parle pas ici de la langue officielle, mais de la langue fonctionnelle — au Québec ou à d'autres endroits est le français, tout le monde parle français. Alors, quel est le problème?
    J'aimerais maintenant poser une question à M. Thompson.

[Traduction]

    Nous parlons des centres de détention, mais est-il facile d'obtenir des services en anglais de la GRC?
    Rien ne nous indique que c'est difficile. Cela ne semble pas être le cas, car nous n'avons aucune indication à cet effet de la part de notre communauté.

[Français]

    D'accord.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Donnelly, c'est à vous pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins de leur présence et de leurs témoignages.
    Monsieur Thompson, je vais commencer par vous. Vous savez que le gouvernement a créé le Comité consultatif indépendant sur la nomination des juges de la Cour suprême du Canada. L'un des critères de sélection des juges de la Cour suprême est la connaissance des deux langues officielles du Canada.
    J'aimerais que vous nous parliez de cela.
(1125)
    Comme nous l'avons dit précédemment, nous sommes pour une solution de nature législative qui aurait cet effet. Le problème avec le comité et l'établissement d'une série de critères, tel que nous le voyons, c'est que cela peut changer d'un gouvernement à l'autre. C'est un « souhait » administratif. Ce n'est pas une obligation légale. Il y a une différence pour nous.
    Nous sommes pour des mesures législatives qui exigeraient des juges de la Cour suprême d'être bilingues et de ne pas avoir besoin de l'aide d'un interprète.
    Je sens que ce que vous dites, c'est que cela ne va pas assez loin. Que souhaitez-vous? Quels ajouts ou changements recommandez-vous au gouvernement?
    Ce que nous avons dit à ce comité quand cette question a été soulevée au cours des précédentes législatures, c'est que nous sommes pour des mesures législatives qui exigeraient des juges de la Cour suprême d'être bilingues et de ne pas avoir besoin d'un interprète.
    Monsieur Bergman, croyez-vous que de se faire comprendre — tant oralement que par écrit — par un juge de la Cour suprême du Canada, sans aide, est un droit que les particuliers et les avocats devraient avoir? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous dire les mesures législatives et...
    Je le crois, mais disons que maintenant, et depuis la Confédération en 1867, nous avons la moitié de ces droits. Selon l'article 133 de la Loi constitutionnelle, de la version originale de la Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique, on peut s'adresser à la cour en anglais ou en français au Québec ou au fédéral. Cependant, cela ne veut pas dire que la personne qui écoute doit comprendre ce que la personne dit. Il est tout à fait possible — et j'ai vu cela dans certains cas au Québec — qu'une personne s'adresse à la cour en anglais, et que le juge, incapable de s'adresser au plaideur en anglais, le fasse en français.
    Il faut quelqu'un pour faire l'interprétation, la traduction. Généralement, dans la plupart des cas, ce sera l'avocat. Le juge me regarde et dit:

[Français]

« Maître Bergman, à l'intention de votre client, pouvez-vous faire l'interprétation de mes mots? »

[Traduction]

    Je suis soudainement l'avocat et l'interprète, et le procès se poursuit entretemps, ce qui signifie que je dois écouter ce qui se dit. Trois parties de mon cerveau sont sollicitées en même temps. Je peux peut-être mâcher de la gomme en marchant — c'est deux choses en même temps —, mais faire trois choses simultanément est extrêmement difficile. Ce qui se produit, du moins d'après mon expérience, c'est que la traduction en souffre, et il est ensuite très difficile de dire au juge,

[Français]

« Monsieur le juge, j'ai besoin d'une pause de quelques minutes pour résumer à mon client ce que vous avez dit. »

[Traduction]

    Entretemps, mon client, qui est assis et qui, à tort ou à raison, ne comprend pas le français ou le comprend mal, est comme un chevreuil qui fixe les phares d'une voiture, et il se demande ce qui arrive à sa cause. Il ne comprend pas et ignore si c'est bon ou mauvais. « Sommes-nous en train de gagner ou de perdre? »
    C'est inacceptable.
    Merci de vos explications.
    Pour approfondir un peu plus la question, c'est un problème systémique d'un bout à l'autre du pays. Nous parlons des hauts paliers de l'appareil judiciaire. De toute évidence, nous avons beaucoup de travail à faire ici. Comment pourrions-nous nous attaquer, en passant par d'autres paliers moins élevés, aux problèmes systémiques auxquels nous faisons face, que ce soit au Québec ou dans le reste du Canada?
    Je crois que le Parlement fédéral a le devoir de chercher des moyens d'élargir la portée de l'article 133 de la Loi constitutionnelle et de fournir des programmes adéquats pour former des juristes et du personnel judiciaire bilingues. Il a le devoir de verser l'argent, car la plupart des provinces, y compris le Québec, ne veulent pas le faire. Le Parlement fédéral a le devoir de reconnaître non seulement que c'est une obligation, mais aussi que les langues française et anglaise sont le fondement de l'ensemble de la structure de la fédération. Lorsqu'on affaiblit ce principe, il faut alors réexaminer ce qui nous unit.
    Nous pouvons servir d'exemple dans le monde. Nous sommes uniques. D'autres pays ont essayé d'en faire autant. Il y a des décennies, on disait souvent que c'était à titre expérimental. À mon avis, le Canada n'est pas une expérience. Le pays n'est pas un bébé-éprouvette ou une sorte de programme de laboratoire de chimie d'école secondaire. Il incombe toutefois au Parlement fédéral de trouver continuellement des solutions. J'en ai proposé quelques-unes, et je serais heureux de me pencher sur la question pour en proposer d'autres.
(1130)
    Merci, monsieur Donnelly.

[Français]

    Madame Dabrusin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un sujet qui me tient à coeur. Je suis née à Montréal. Je suis une avocate actuellement établie à Toronto.

[Traduction]

    Je suis bilingue, et je trouve très intéressant ce que vous dites. Merci à vous deux d'être ici.
    Je veux revenir en arrière. Au début de la séance, monsieur Thompson, vous avez parlé de l'accès naturel à la justice et aussi de trouver une définition commune de l'accès à la justice. Souhaitez-vous proposer une définition?
    Non, je n'ai pas de définition commune à proposer. Je vais toutefois mentionner que nous avons une analyse documentaire qui a été financée par Justice Canada. C'était le commencement d'un grand projet de recherche sur l'accès à la justice que l'association a pris en charge. L'un des objectifs du projet était de définir l'accès à la justice pour notre communauté.
    Dans notre témoignage d'aujourd'hui et dans notre mémoire, nous disons qu'il est vraiment difficile pour nous de discuter ensemble de l'accès à la justice sans avoir de définition commune. Dans tout ce que j'ai lu, on dit qu'il n'y a pas d'entente sur ce terme et on explique ce qu'on entend par là. L'Association du Barreau canadien pense que cela signifie une chose; Justice Canada a également son opinion; la FAJEF penche peut-être pour une certaine définition; nous pensons que cela veut peut-être dire autre chose.
    Comment peut-on élaborer une politique gouvernementale en matière d'accès à la justice quand on ne sait même pas de quoi il s'agit? Nous disons simplement qu'il serait bien que les intervenants s'entendent sur la signification du terme pour que nous ayons un lexique commun en vue de servir l'intérêt public.
    Je vous demande à vous deux, en tant que témoins qui nous font part de leurs conseils d'experts, quels sont les éléments de l'accès à la justice. Nous en avons abordé certains aujourd'hui, mais si vous deviez les décortiquer, quels seraient les principaux éléments que nous devrions examiner?
    Dans notre analyse documentaire, notre recherche ne se limitait pas aux tribunaux et aux avocats. C'est un problème quand nous parlons d'accès à la justice, car la première chose qu'on fait, c'est inviter des avocats pour en parler.
    Bien entendu, l'accès à la justice vise à réduire la pauvreté, à donner aux gens un accès à des mécanismes judiciaires non traditionnels et à des mécanismes de résolution des conflits. Cela prend la forme de mesures correctives. Cela signifie qu'il faut se pencher sur certains des obstacles qui empêchent les gens d'accéder à ces mécanismes, comme la discrimination fondée sur le sexe et, dans notre cas, les barrières linguistiques. C'est donc une question très vaste.
    Une fois de plus, nous revenons au fait qu'il n'y a pas de définition commune. Nous pouvons parler ou je pourrais parler toute la journée de ce qui représente les aspects de la question selon nous, car rien ne délimite la définition.
    Je vois.
    Monsieur Bergman.
    J'aimerais tenter ma chance. Tout d'abord, je tiens à signaler que vous et moi avons quelque chose en commun. Je viens de Montréal. C'est là que je vis et que j'exerce ma profession, mais je suis également membre du Barreau du Haut-Canada, et j'ai plaidé à Toronto, à Ottawa, à Kingston, à Brampton et dans d'autres parties de l'Ontario à tous les paliers de tribunaux, et c'est la même chose au Québec.
    L'accès à la justice est devenu un cliché. Revenons un peu en arrière et essayons de voir ce qu'on tente d'évoquer au moyen de ce cliché.
    Il n'y a pas si longtemps, toutes les lois du Canada, du gouvernement fédéral du Canada, pouvaient tenir sur une tablette de ma bibliothèque. Il me faudrait maintenant une bibliothèque qui touche le plafond...
(1135)
    Ou un bon ordinateur.
    ... ou un ordinateur. Je vous donne tout simplement l'exemple du support papier.
    Les règles qui servent à organiser notre société sont devenues extrêmement compliquées et nombreuses, ce qui fait en sorte que chaque citoyen, à un moment donné au cours de sa vie, fait face à la justice d'une certaine façon. Ce n'est peut-être pas présenté ainsi, mais on interagit avec le reste du monde en fonction d'une série de règles complexes qui n'existaient pas à une autre époque.
    En fait, on pourrait soutenir qu'à l'époque, le commun des mortels n'avait que très peu de contacts avec la justice. On vivait au ralenti. Ce n'est plus ainsi aujourd'hui. Le principe de l'accès à la justice tient compte du fait que, tous les jours, chaque Canadien a un certain contact avec le système de justice. Il n'est pas seulement question d'un système officiel; cela comprend tous les groupes de règles non officielles.
    Je vais intervenir, car mon temps s'écoule très rapidement, et je veux vous poser une autre question.
    Je suis porté à croire que vous êtes bien placé pour y répondre en tant qu'avocat. Un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-203, fait également l'objet de discussions. Que pensez-vous de la constitutionnalité du projet de loi à la lumière du renvoi concernant le juge Nadon?
    Beaucoup de problèmes difficiles émanent de la décision rendue dans l'affaire Nadon, et il y a des problèmes conceptuels.
    Avec tout le respect, je ne souscris personnellement pas à la décision rendue. Pour être franc, c'est une décision qui a été bien reçue à ce moment-là, mais elle ne tient pas compte des politiques à long terme nécessaires pour faire fond sur les exigences constitutionnelles relativement à ce qu'il nous faut pour avoir une Cour suprême ou un tribunal sain et adéquat.
    Je pense que tout ce qui modifie la décision de l'affaire Nadon, qui l'améliore, qui reconnaît qu'il y a une multitude de juristes qui sont peut-être en mesure de travailler dans le système et qui ne finissent pas par être lié par, à l'heure actuelle, une ancienne compréhension... Si nous posions la question aux gens qui se sont penchés là-dessus il y a 100 ans, il est probable qu'ils disent que cela n'a jamais été leur objectif.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Maître Bergman et monsieur Thompson, bienvenue.
    Maître Bergman, j'ai fait partie pendant des années de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick, qui a exactement les mêmes ambitions que votre nouvel organisme. Je suis chanceux, car cet organisme existait déjà au Nouveau-Brunswick quand je suis devenu avocat. J'ai donc eu la vie facile quant à la façon de formuler une demande afin de faire respecter les droits linguistiques et l'accès à la justice en français au Nouveau-Brunswick. Félicitations pour tout le bénévolat que vous et vos pairs faites au Québec dans le même sens.
    Cela dit, j'ai été surpris d'entendre ce que vous avez dit aujourd'hui. C'est la première fois que j'entends dire que les juges du Québec ne sont pas bilingues. Étant donné le nombre de témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent, je peux me tromper, mais j'ai cru comprendre que le problème résidait dans le fait qu'il n'y avait aucune publication ni traduction des documents juridiques en anglais. Toutefois, à l'oral, dans l'action d'une cour, les juges étaient en mesure de comprendre les deux langues et d'échanger dans les deux langues. Or, vous nous dites que ce n'est pas la réalité.
    Selon mon expérience, à l'extérieur du grand Montréal, c'est la réalité, point. À l'intérieur du grand Montréal, cela dépend. Il y a des juges qui sont parfaitement bilingues, tandis que d'autres disent qu'ils nous écoutent et nous comprennent, mais que pour discuter avec nous et exposer ce qu'ils ont en tête, ils doivent parler en français. C'est là le problème. Le plaideur parle anglais et le juge l'écoute en anglais; le juge parle français, le plaideur l'écoute en français. Il y a un entremêlement des langues et c'est difficile pour les justiciables de comprendre ce qui se passe dans le dossier.
    D'accord.
    Dans ma petite province officiellement bilingue, le Nouveau-Brunswick, nous avons également des juges qui sont unilingues anglais. Cela arrive. Toutefois, nous avons un système d'interprétation extrêmement efficace. Pour avoir pratiqué le droit dans des situations semblables, je ne vois pas de souci à cet égard.
    Comment se fait-il qu'au Québec, il n'y ait pas de loi qui permet ou qui oblige l'interprétation simultanée des procès qui se déroulent dans les deux langues?
(1140)
    Au Québec, dans les instances de compétence provinciale — je ne parle pas ici des instances fédérales —, il n'y en a pas. C'est zéro. La Charte de la langue française n'a aucune disposition qui permet l'interprétation comme celle que vous avez ici, dans cette salle, c'est-à-dire qui est instantanée, automatique et payée par le gouvernement.
    Parlez-vous de la loi 101?
    Oui.
    Je ne suis pas du Québec, mais j'ai une idée.
    Mais par-delà la loi 101, c'est le système.
    D'accord.
    Je vous pose une question en tant que député fédéral. Le rôle de notre comité est d'essayer de voir comment faire évoluer notre société.
    Quelle demande pouvez-vous nous adresser, à nous qui sommes députés fédéraux, pour trouver réponse à votre problème dans les cours du Québec qui sont de compétence provinciale?
    Nous demandons la mise en place d'un programme de financement pour rendre disponible l'interprétation dans chaque salle d'audience des palais de justice, comme c'est le cas dans cette pièce et comme ce l'est à la Cour fédérale et à la Cour suprême.
    Peut-être s'agit-il d'une dépense importante pour le Canada, mais il faut instaurer un tel programme partout au Canada. Chaque fois qu'il y a un processus d'audition en matière civile — en matière criminelle, c'est autre chose —, il faut avoir un service d'interprétation dans la salle d'audience. Avec la technologie du XXIe siècle, cela pourrait être disponible. C'est seulement une question d'investissements.
    Je m'attarde ici seulement aux tribunaux. L'accès à la justice comprend le milieu carcéral, les policiers et ainsi de suite, mais présentement je ne m'attarde qu'à la cour, sans oublier ces autres aspects.
    Votre organisme, qui est tout nouveau, a-t-il commencé à dialoguer avec le gouvernement provincial pour savoir s'il y avait une ouverture à cet effet?
    Pas encore. Il faut dire que nous sommes comme un bébé au pied de la jambe. Comme je vous le disais lors de ma présentation, nous ne recevons que 77 000 $ pour trois programmes, pour une durée de six semaines, et cela va se terminer d'ici quelques semaines. Ce sont uniquement des programmes visant à établir des éléments de base, et rien d'autre.
    Ce financement de 77 000 $ provient-il du fédéral?
    Il provient de Justice Canada.
    C'est vraiment intéressant. Je vous souhaite bon courage.
    Monsieur Thompson, êtes-vous juriste ou avocat, vous aussi?
    Non.
    J'aimerais justement avoir l'opinion d'une personne qui n'est pas juriste.
    Votre organisme existe depuis longtemps. Nous avons souvent rencontré de ses représentants ici. Ces gens sont bien organisés et bien informés.
    Je reviens à la charge en vous demandant comment on pourrait s'assurer, de façon législative, de nommer des juges bilingues, c'est-à-dire qui sont vraiment fonctionnellement bilingues, à la Cour suprême du Canada. Que suggère votre organisme à cet égard?

[Traduction]

    Vous pouvez répondre en anglais si vous le voulez.
    Merci. Je vais exercer mon droit de m'exprimer dans la langue de mon choix.
    La réponse à cette question semble plutôt simple. Une loi oblige les juges nommés par le gouvernement fédéral à avoir atteint un certain niveau de bilinguisme. On leur fait passer un test linguistique. Cela fait partie du processus.
    Pour revenir à ce que M. Donnelly a dit plus tôt, vous mettez l'accent sur les juges. Vous allez régler le problème auprès des juges et ils seront tous bilingues au Canada. Imaginez la situation. Cela n'aurait pas d'importance, car le greffier ne serait pas bilingue ni les gens qui entourent le juge, et les décisions des cours d'appel ne sont pas traduites dans les deux langues officielles.

[Français]

    Ce ne sont pas seulement les juges, mais c'est le système.

[Traduction]

    Il faut tenir compte du système dans lequel les juges évoluent. C'est l'aspect que votre comité pourrait vouloir examiner.
    Je vais seulement mentionner que Justice Canada, par exemple, finance actuellement la formation linguistique des juges nommés par les gouvernements provinciaux. Les provinces, y compris le Québec, souhaitent donc que le gouvernement fédéral appuie la formation linguistique dans les champs de compétence des provinces, même les tribunaux provinciaux. C'est déjà commencé, mais il faut élargir la portée de la formation en incluant le personnel de soutien des tribunaux.
(1145)

[Français]

    Merci, monsieur Arseneault.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Bonjour, messieurs. Je suis très heureuse que vous soyez parmi nous.
    Nous venons d'entendre un nouveau son de cloche.
    Je viens du Québec. Lorsque je travaillais pour le ministre de la Sécurité publique de l'époque, on me considérait comme la personne la plus bilingue, alors que je disais « Hello » et « One moment, please ». À Québec, c'est comme cela.
    L'existence de la loi 101 au Québec a-t-elle des conséquences sur tous les autres appareils, comme la justice ou la santé? Est-ce que cela fait en sorte de nous empêcher d'avancer dans le reste de la communauté?
    L'esprit au Québec est que la langue anglaise est une langue secondaire, mais il est préférable de parler français. Si vous voulez un service efficace, il faut parler français.
    Je vais vous donner un exemple, qui est peut-être un peu extrême. J'étais dans une salle d'audience d'un palais de justice. Mon adversaire, le juge et moi étions tous anglophones. Il n'y avait aucun client, il ne s'agissait que d'un plaidoyer sur un point de droit. Or, tout le monde a parlé français. De plus en plus, la langue de Shakespeare ne fonctionne plus au Québec.
    Est-ce une question de politesse pour la majorité? Est-ce la crainte que, si je parle anglais, personne ne va m'écouter, m'offrir un meilleur service ou autre chose du genre? C'est difficile à dire.

[Traduction]

    La sagesse conventionnelle

[Français]

veut que si vous voulez vraiment quelque chose, par exemple un service attentif, vous devez parler français.
    Oui. On reçoit les mêmes commentaires.

[Traduction]

    J'aimerais juste dire que c'est probablement la même chose pour les francophones à l'extérieur du Québec. C'est ce que vivent les minorités.
    Il y a quelques années, j'ai reçu une contravention pour excès de vitesse et je me suis rendu à la cour municipale de Mont-Saint-Hilaire. J'étais nerveux. Je voulais contester la contravention, car j'étais d'avis qu'elle n'était pas justifiée. J'étais nerveux parce que je voulais me défendre. Je voulais comparaître devant un juge et dire que je n'avais pas commis l'infraction, que je n'étais pas là au moment de l'infraction. Je me suis rendu sur place et j'étais très nerveux, car je ne parlais pas assez français ou ne connaissais pas les bons mots pour m'expliquer.
    Je suis arrivé sur place et tous les panneaux étaient en français. Tout était en français. J'ai trouvé la procureure de la Couronne. Ma femme m'avait fait répéter ce que je devais dire en français, et j'ai fait de mon mieux. La procureure m'a dit: « Arrêtez, monsieur; vous avez le droit de parler anglais. » Avez-vous une idée du soulagement que j'ai éprouvé lorsque j'ai appris que je pouvais parler anglais?
    Je suis conscient que c'est exactement le même soulagement que ressentent les francophones à l'extérieur du Québec. C'est la même chose. Je ne pense pas que mettre l'accent sur ce qui est différent ici ou différent là-bas... Nous pourrions nous concentrer sur ce qui est différent, mais il est peut-être mieux de mettre l'accent sur ce qui est pareil. L'expérience vécue par les minorités linguistiques est la même, peu importe l'endroit.
    J'ai été déclaré coupable. C'était une injustice.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est la première fois que nous en entendons parler.
(1150)

[Français]

    Beaucoup de gens qui témoignent ici sont des francophones qui vivent cette même situation. Par contre, nous entendons peu de témoignages d'anglophones du Québec qui vivent la même situation que les francophones hors Québec. Aujourd'hui, c'est une première pour moi, et je vous remercie de nous faire part de vos réflexions.
    Vous avez dit une autre chose très importante. Vous avez dit que les juges étaient bilingues, mais que le système qui les entourait n'était pas nécessairement bilingue. On demande que les juges soient bilingues, en effet, et tout le monde est pour la vertu. Or, si le juge est bilingue, mais que tout l'appareil judiciaire qui l'entoure ne l'est pas, ce n'est pas très utile. Il faudrait s'employer à rendre l'appareil judiciaire bilingue à un niveau fonctionnel.
    Trouvez-vous que mes propos ont du sens?

[Traduction]

    Oui, madame.

[Français]

    Merci.
    Merci, madame Boucher.
    Monsieur Samson, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir livré votre présentation, que j'ai trouvée très intéressante. Vous avez pu donner des exemples très précis. Je dois dire, pour être honnête, que j'ai bien apprécié cela.
    Vous avez dit tantôt que lorsqu'on était bilingue, les gens s'attendaient à ce qu'on parle la langue de la majorité. Je l'ai souvent constaté en Acadie. Étant donné que nous, les Acadiens, parlons les deux langues, on s'attend à ce que nous n'ayons pas besoin d'être servis en français. En réalité, nous avons besoin de services en français et nous pouvons le demander. C'est un droit que nous avons.
    J'ai également aimé votre commentaire sur l'interprétation. Pour ma part, j'aimerais beaucoup plaider et interpréter; honnêtement, ce serait plus facile pour moi. Je vous dis cela à la blague.
    Ce que je veux souligner, c'est l'influence des cultures dans la société. C'est ce qui m'inquiète. Je veux dire par là que si un plaidoyer ou un jugement n'est pas traduit dans l'autre langue, l'influence de cette culture dans la société est perdue, selon moi, et cela m'inquiète énormément.
    Pouvez-vous nous parler davantage de cette situation?
    La question s'adresse-t-elle à nous deux ou seulement à l'un de nous deux?
    C'est votre choix, mais si vous répondez tous les deux, cela va prendre trop de temps.

[Traduction]

    Je serai très bref et je céderai ensuite la parole à Michael.
    Le Comité a également étudié les définitions — et je pense que vous en parlez, pas directement, mais d'une certaine façon — ainsi que ce que signifie la prestation de services du gouvernement fédéral dans une langue officielle.
    L'un des sujets que vous abordez et que vous aborderez certainement l'année prochaine, lorsque le Comité sera saisi des nouvelles règles du Conseil du Trésor, est l'incidence de la technologie. Les gens diront qu'un anglophone de la Basse-Côte-Nord qui reçoit des services en anglais à partir de Vancouver se fait servir en anglais. C'est formidable ce que Skype, la technologie, rend possible. Tout le monde est servi dans sa langue officielle. C'est fantastique, n'est-ce pas? Non, car la personne à qui vous parlez à Vancouver parle votre langue, mais n'a pas la moindre idée de ce que signifie vivre en Basse-Côte-Nord, au Québec; elle n'en a absolument aucune idée.
    Qu'entend-on par service égal? Cela ne signifie pas seulement un service dans sa propre langue; cela veut dire que vous parlez à quelqu'un qui comprend d'où vous venez. Vos enfants jouent peut-être au baseball ensemble, ou peut-être pas, mais vous avez au moins une chose en commun dont vous pouvez parler. Vous communiquez verbalement, mais aussi à un niveau beaucoup plus élevé.
    Ce n'est pas une traduction.

[Français]

    Exactement.

[Traduction]

    L'aspect culturel des services de traduction ne se rapporte pas seulement à la partie IV. Il est également question de la partie VI, à savoir ne pas seulement parler à quelqu'un qui parle français, mais à un francophone, pas seulement à quelqu'un qui parle anglais, mais à un anglophone.
    Allez-y, Michael.
    Je suis avocat au Québec depuis 40 ans. Non, je ne suis pas vieux. J'ai également été avocat en Ontario depuis 37 ans, ce qui m'a peut-être donné un coup de vieux. Tous les quelques mois, un client vient me voir pour me dire qu'il doit poursuivre le gouvernement du Québec, une ville ou un organisme gouvernemental de la province et qu'il a besoin de mes services parce que j'ai une excellente réputation — je me fais un peu de promotion en passant. Il me dit toutefois qu'il hésite beaucoup parce qu'il affrontera une institution francophone et qu'il serait mieux servi par un avocat francophone, car le juge, le gouvernement, les autres avocats, le système, les fonctionnaires ou le greffier lui en tiendront rigueur parce qu'il est anglophone et qu'il a engagé un avocat anglophone.
    C'est la réalité sur le terrain. Je réponds toujours au client, à ce genre de personne, qu'il se trompe, que c'est faux, que cela n'a pas d'importance que je sois anglophone, francophone ou Martien. Cela n'a pas d'importance, car je suis avocat, mais les gens perçoivent leur environnement ainsi. Je suis persuadé que cela se produit couramment d'un bout à l'autre du pays, que ce soit en anglais ou en français.
(1155)
    Merci.
    Je vais poser rapidement une deuxième question et je vais ensuite céder la parole à mon collègue.
    Pour en venir à ma deuxième question, nous savons

[Français]

que c'est un droit. L'accès à la justice dans la langue de son choix, que ce soit le français ou l'anglais, est en effet un droit.
    Au Québec, des efforts sont-ils faits en matière de promotion ou de formation pour que les gens sachent qu'ils ont ce droit, que ces services sont disponibles et qu'il est possible d'y avoir accès?
    Pour ce qui est des instances qui relèvent du gouvernement du Québec, la réponse est non, à mon avis. Cela se fait de manière plutôt timide. Dans les instances qui relèvent du fédéral, il y a des fonds à cet effet et les fonctionnaires sont bilingues, mais y a-t-il pour autant un désir réel de participer à la culture de la minorité? La réponse est non.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Samson.
    Je remercie nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs points de vue.
    Me Michael Bergman: Merci beaucoup.
    Le vice-président (M. John Nater): Nous allons suspendre la séance quelques minutes pendant que le deuxième groupe de témoins s'installe. Nous allons ensuite reprendre.
(1155)

(1200)

[Français]

    Nous allons continuer.
    Nous recevons deux témoins cet après-midi: M. Michel Doucet, qui est professeur titulaire et directeur de l'Observatoire international des droits linguistiques de l'Université de Moncton, et Mme Caroline Pellerin, qui est directrice d'Infojustice Manitoba.
    Vous disposerez de 10 minutes chacun pour faire votre présentation.
    Nous allons commencer par Mme Pellerin.
(1205)
    Mesdames et messieurs, ma présentation portera surtout sur la question de l'accès à la justice dans les deux langues officielles. J'aborderai plutôt le côté concret de l'accès à la justice et je laisserai mon collègue aborder le côté théorique. Je parlerai plus précisément de l'accès à la justice en français au Manitoba.
    Je suis directrice d'Infojustice Manitoba, un centre d'information juridique situé à Winnipeg. Infojustice Manitoba est une initiative de la Société franco-manitobaine, un organisme à but non lucratif qui veille à l'épanouissement de la communauté franco-manitobaine et qui revendique le respect des droits de celle-ci. Infojustice Manitoba a été mis sur pied afin de promouvoir l'accès à la justice en français au Manitoba.
    Infojustice Manitoba obtient son financement du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles. En 2013, le gouvernement fédéral a créé deux piliers dans le cadre du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, soit le pilier de l'information et le pilier de la formation. Infojustice Manitoba obtient son financement du pilier de l'information, puisqu'il sert à encourager la sensibilisation, l'information et la formation quant aux droits linguistiques et aux questions d'accès à la justice au Manitoba.
    Les centres d'information juridique font partie d'une initiative nationale qui vise à promouvoir l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Il existe donc au Canada plusieurs autres centres d'information juridique, notamment en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta. Selon les réalités linguistiques de chaque province, certains centres sont désignés bilingues, tandis que d'autres offrent des services surtout en français. Au Manitoba, puisqu'il existe déjà des centres d'information juridique anglophones, les services d'Infojustice Manitoba sont offerts uniquement en français.
    Évidemment, comme vous le savez, malgré les obligations législatives et constitutionnelles existantes, il existe encore aujourd'hui, au Manitoba et dans plusieurs autres provinces et territoires, des lacunes en matière d'accès aux tribunaux et à de l'information juridique en français. Infojustice Manitoba cherche donc à assurer un accès égal à de l'information juridique en français par rapport à l'information disponible en anglais.
    Une part importante de la population manitobaine est vieillissante et une autre est nouvellement arrivée au pays. Cette clientèle a des besoins particuliers sur le plan des services juridiques en français. La communauté francophone du Manitoba est composée d'une clientèle aînée qui est souvent plus à l'aise en français ainsi que d'une clientèle immigrante qui ne maîtrise pas l'anglais.
    L'aide juridique au Manitoba offre des services bilingues. Toutefois, la plupart des individus qui font face à un problème juridique ne sont pas admissibles. Par conséquent, ces individus doivent se représenter devant les tribunaux et faire face à leurs problèmes juridiques avec peu ou pas d'information en français. Lorsque le service n'est pas disponible en français, l'individu doit accéder aux services disponibles en anglais ou avoir recours à une tierce personne qui l'aidera à naviguer dans le système juridique en anglais.
    Il est important de noter que l'accès à la justice ne touche pas uniquement la possibilité de s'exprimer en français devant les tribunaux, mais touche surtout la possibilité de recevoir des avis ou des informations dans la langue officielle de son choix. La majorité des causes ne se rendent pas devant les tribunaux, et la plupart des causes sont réglées à l'aide d'avis juridiques ou de renseignements juridiques fournis aux justiciables. Par conséquent, afin d'assurer un accès à la justice en français, il est important que les individus puissent obtenir des avis ou des renseignements juridiques en français.
    Infojustice Manitoba cherche à offrir des services en français non seulement aux Franco-Manitobains, mais aussi aux gens qui choisissent de s'exprimer en français. Il existe au Manitoba plusieurs centres d'information juridique en anglais avec lesquels Infojustice Manitoba collabore, tels que le Legal Help Centre et la Community Legal Education Association. Cette collaboration permet à Infojustice Manitoba de rejoindre tous les Manitobains et assure vraiment la promotion du français sur la scène juridique au Manitoba.
    Malgré la création d'un centre d'information juridique en français, à l'heure actuelle, il existe toujours au Manitoba un sérieux déséquilibre entre l'information juridique offerte en français et celle offerte en anglais. Ainsi, nous demandons que le gouvernement fédéral s'engage, dans le prochain plan d'action pour les langues officielles, à appuyer les projets d'information juridique en français dans les provinces et les territoires.
(1210)
    Je vous remercie. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Doucet, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.
    Je remercie le Comité de m'accueillir aujourd'hui pour que je vous parle du bilinguisme judiciaire au Canada. J'ai préparé un texte, mais après avoir écouté les groupes qui m'ont précédé, j'ai décidé d'y aller a capella, c'est-à-dire de sortir de mon texte et de traiter de certains sujets qui ont été soulevés par le groupe représentant les avocats du Québec.
    Dès le départ, je veux détruire le mythe selon lequel on peut parler de bilinguisme judiciaire à l'échelle canadienne. Il est vrai que l'article 18 de la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît l'égalité des deux versions des lois au Canada. Il est vrai également que chacun a le droit d'avoir accès aux tribunaux canadiens dans la langue officielle de son choix. Il est vrai aussi que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 garantit la même chose, tout comme l'article 23 de la Loi sur le Manitoba de 1870 garantit ces mêmes droits. Il s'agit du droit au bilinguisme judiciaire, sauf que parfois l'appareil judiciaire canadien fonctionne comme s'il n'existait qu'une seule langue officielle. C'est le cas au Québec, comme on l'a entendu tout à l'heure, mais également dans plusieurs autres provinces canadiennes. Autrement dit, nous n'avons pas un système de bilinguisme judiciaire, mais plutôt une certaine dualité en matière judiciaire.
    Plusieurs avocats et tribunaux interprètent les lois fédérales adoptées dans les deux langues officielles en ne regardant qu'une version de la loi, c'est-à-dire la version anglaise dans certaines provinces. Plusieurs juges interprètent les lois fédérales et même les lois provinciales dans le cas du Nouveau-Brunswick en n'étant en mesure que d'en lire une seule version. Ils ne regardent jamais l'autre côté, soit la version de la loi adoptée en français. Pourtant, tous les juristes qui pratiquent dans un système de bilinguisme judiciaire savent très bien qu'il arrive très souvent que les deux versions d'une même loi ne disent pas la même chose et que, pour comprendre un texte dont les deux versions ont une valeur égale, il faut absolument être en mesure de lire et de comparer les deux versions.
    Cette situation m'inquiète souvent lorsque j'analyse les interprétations de certaines dispositions alors qu'une seule version a été prise en compte. À un moment donné, on risque de se retrouver dans un courant judiciaire où, selon la version lue, la loi ne dit pas la même chose et n'est pas appliquée de la même façon.
    Sur ce plan, je crois qu'il est important de nommer un plus grand nombre de juges bilingues, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du territoire canadien.
    Il faut également sensibiliser le monde judiciaire, à commencer par les facultés de droit, au bilinguisme juridique canadien pour s'assurer que, au bout du compte, les justiciables canadiens peuvent parler d'un véritable bilinguisme judiciaire où il est possible d'utiliser la langue officielle de son choix sans jamais être défavorisé du fait de la langue utilisée.
    Il a également beaucoup été question tout à l'heure de la traduction des jugements. J'appuie totalement les commentaires de mes collègues qui disaient qu'un plus grand nombre de décisions canadiennes devaient être traduites dans l'autre langue officielle. Cependant, cela aussi soulève la question de la valeur égale des deux versions, parce que lorsqu'une décision est traduite, il se peut très bien que le texte original et sa traduction ne disent pas exactement la même chose.
    Je viens de rédiger un livre sur les droits linguistiques au Nouveau-Brunswick, dans lequel je donne des exemples clairs de décisions judiciaires où le texte en anglais ne dit pas la même chose que le texte en français. Pour être en mesure de s'en apercevoir, encore faut-il avoir les compétences pour lire les textes dans les deux langues.
    Dans un régime de bilinguisme judiciaire, il est inquiétant d'avoir une interprétation fondée sur une version d'une décision qui ne dit pas exactement la même chose que le texte original de la décision.
    Il faut absolument trouver le moyen de mieux sensibiliser les avocats, les juges et l'appareil judiciaire canadien à la réalité du bilinguisme judiciaire canadien, en commençant par les facultés de droit du Canada, comme je l'ai dit un peu plus tôt.
    Cela m'amène à parler du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.
(1215)
    Je suis très heureux de l'initiative prise pour s'assurer que les juges qui seront nommés à la Cour suprême dorénavant seront effectivement bilingues. Par contre, tout comme mes collègues qui m'ont précédé, j'irais plus loin. Je crois qu'il est essentiel que cette obligation soit inscrite également dans une loi.
    J'ai personnellement eu l'occasion à plusieurs reprises de plaider des dossiers en français devant des juges de la Cour suprême du Canada qui n'étaient pas en mesure de suivre le débat. Quand un juge unilingue anglais écoute une plaidoirie en français, qu'il y a un échange rapide entre le banc et l'avocat qui plaide, que des termes techniques sont utilisés en français et que les parties parlent à un rythme trop rapide — comme je le fais probablement maintenant —, je peux comprendre qu'il devienne difficile pour les interprètes de suivre le débat.
    Ce n'est pas la même chose qu'au Parlement canadien. À cet endroit, on peut écouter l'interprétation. Même si parfois on oublie ou on n'interprète pas bien ce qu'un député ou un ministre a dit, cela n'a peut-être pas la même importance que cela en aurait devant un tribunal, où chaque mot est important.
    Au cours d'une soirée où j'avais de la difficulté à dormir, j'ai allumé le téléviseur à la chaîne CPAC et j'ai écouté une plaidoirie qui était interprétée de façon simultanée. Je me suis dit que cet avocat devait avoir de la difficulté, car l'interprète disait très souvent « cannot follow », c'est-à-dire que l'interprète n'arrivait pas à suivre, ou ne traduisait pas nécessairement ce que l'avocat était en train de plaider. J'ai réalisé que l'avocat, c'était moi. À ce moment, on se pose des questions sérieuses et on se demande si on sert bien ses clients en plaidant un dossier dans sa langue devant un juge qui ne comprend pas directement la langue qui est utilisée.
    C'est pour cela que j'appuie fortement l'idée d'apporter une modification à la Loi sur les langues officielles, c'est-à-dire une modification visant à retirer de l'article 16 l'exception relative aux juges de la Cour suprême. La Loi sur les langues officielles prévoit que tous les juges fédéraux doivent être en mesure d'entendre les débats dans la langue officielle utilisée par les parties sans l'aide de l'interprétation, et c'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Or, on a fait une exception pour la Cour suprême, et je crois que cette exception devrait être enlevée.
    De plus, on devrait ajouter une disposition à la Loi sur la Cour suprême précisant que la compétence dans les deux langues est une exigence normale, puisque ces juges seront appelés à interpréter des lois dont les deux versions ont une valeur égale. Je n'ai aucune crainte quant à la valeur constitutionnelle d'une telle disposition. C'est totalement différent de l'affaire du juge Nadon, où il était question de la composition de la Cour. Je serais d'ailleurs prêt à répondre à des questions à ce sujet. Dans le cas qui nous occupe, il n'est pas question de la composition de la Cour, mais de la compétence de celle-ci.
    Je suis d'accord sur ce que mon collègue M. Sébastien Grammond a dit au Comité, quelque temps au mois de mars, lors d'une séance à laquelle je devais comparaître en même temps que lui. Il a dit que si on avait des doutes, on pouvait toujours faire un renvoi à la Cour suprême du Canada.
    En terminant, je vais brièvement parler des associations de juristes d'expression française. Ma collègue a parlé de l'information juridique. Tout à l'heure, on parlait avec M. Bergman du financement de ces associations. L'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick va remettre sous peu à ce comité un mémoire dans lequel elle expliquera les problèmes de financement que ces associations vivent aujourd'hui. En vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles, qui lui a donné raison. Le Commissariat a demandé à Justice Canada de rencontrer les représentants de cette association pour discuter de son financement de base. Or jusqu'à ce jour, c'est demeuré lettre morte.
    Je préfère m'arrêter ici et répondre aux questions des membres du Comité sur mon exposé, s'il y a lieu.
    Merci.
    Merci, monsieur Doucet et madame Pellerin.
    Nous commençons le premier tour par M. Généreux.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Doucet, vous vous inscrivez dans la même ligne de pensée que M. Grammond. Nous ne sommes pas contre la vertu et nous pensons tous qu'il faut que les juges nommés soient bilingues. Ce que j'entends aujourd'hui m'incite à croire que le projet de loi aurait dû étendre l'exigence de bilinguisme à tous les juges, sans exception.
(1220)
    Ce serait idéal.
    En effet.
    Selon la conception du gouvernement, pour être considéré comme un juge bilingue, ce dernier doit être fonctionnellement bilingue. Selon la définition du gouvernement, c’est un juge qui est capable de comprendre des débats dans l’autre langue, mais qui n’a pas besoin de s’exprimer dans cette langue.
    Personnellement, je considère qu’il y a une différence fondamentale entre quelqu’un qui est fonctionnellement bilingue et quelqu’un qui est parfaitement bilingue.
    La difficulté potentielle de trouver des juges parfaitement bilingues dans des provinces anglophones du Canada est-elle à ce point différente de celle de trouver des juges fonctionnellement bilingues, c’est-à-dire des juges qui peuvent parler l’anglais et le français de façon fonctionnelle? Voyez-vous là une dichotomie?
    Vous venez d’expliquer la difficulté découlant du fait que les jugements ne sont pas exactement les mêmes en anglais et en français, qu’ils ne sont pas toujours traduits, compris ou interprétés de la même façon. Il faut prendre en considération les interventions orales qui ont eu lieu au départ entre les parties, les avocats et le juge.
    J’ai de la difficulté à concevoir qu’on veuille enchâsser dans une loi l’exigence d’avoir des juges qui sont fonctionnellement bilingues, et non parfaitement bilingues.
    Y voyez-vous aussi un problème?
    Absolument, j'y vois un problème.
    Je crois aussi qu'un des problèmes actuellement, c'est que les capacités linguistiques d'un juge ne sont pas vraiment évaluées avant sa nomination. Il s'agit plutôt d'une autoévaluation. Je pourrais vous parler d'une situation qui s'est passée récemment au Nouveau-Brunswick, mais je n'irai pas plus loin.
    Effectivement, je crois qu'un juge de la Cour suprême du Canada devrait être en mesure de comprendre les échanges, de participer au débat avec les avocats et de lire les documents dans les deux langues. Il doit donc y avoir une évaluation de ses capacités linguistiques. Il ne suffit pas d'être bilingue dans un contexte social. Le juge doit être suffisamment bilingue pour comprendre un débat juridique sans l'aide de la traduction ou de l'interprétation simultanée. Je crois que ce niveau de bilinguisme nécessite une évaluation.
    On dit qu'on a de la difficulté à trouver des juges qui satisfont à cette exigence dans les différentes provinces. Or, j'ai eu l'occasion de plaider dans plusieurs provinces canadiennes et je dois avouer que j'ai souvent été surpris de réaliser que, dans des provinces où on croyait qu'il n'y en avait pas, on trouvait des juges qui avaient cette capacité. Prenons l'exemple de la récente nomination du juge Rowe, qui est originaire de Terre-Neuve-et-Labrador. À un moment donné, plusieurs personnes nous disaient qu'il était impossible de trouver un juge ou un avocat parfaitement bilingue dans cette province. Pourtant, on en a trouvé un, en l'occurrence le juge Rowe.
    Il est donc possible de le faire, mais il faut commencer la formation très tôt. C'est pour cela que je parlais des facultés de droit.
    Je veux absolument traiter de l'accessibilité au poste de juge. Des avocats qui sont bilingues pourraient potentiellement avoir accès à cette fonction.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant de la nouvelle façon de trouver des juges, mais dans le nouveau formulaire, il est indiqué que les candidats doivent avoir plaidé devant telle ou telle cour, par exemple devant la Cour supérieure dans le cas du Québec.
    Évidemment, le Canada est un grand pays composé de plusieurs régions. Cette semaine, le bâtonnier du Barreau du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, M. Clément Massé, m'a écrit, ainsi qu'à plusieurs députés de la région, au sujet du processus de sélection des juges. Il a dit que les avocats qui pratiquent en région vont plaider dans différents types de cours, mais pas nécessairement dans les cours supérieures ou les cours d'instance supérieure. Par conséquent, ils ne satisfont pas nécessairement aux exigences du nouveau formulaire.
    Je ne sais pas si vous avez été mis au courant de cette situation. Ce doit être la même chose au Nouveau-Brunswick et partout au pays. À partir du moment où des avocats pratiquent en région — et je ne veux pas les qualifier de régionalistes ou de régionaux —, ils ont moins d'occasions de plaider devant des cours supérieures.
    Est-ce quelque chose qui est venu à vos oreilles?
    Ce n'est pas quelque chose que j'ai vu au Nouveau-Brunswick. Les candidats doivent avoir au moins 10 ans d'expérience au Barreau. La plupart des avocats qui ont une telle expérience ont plaidé au moins une ou deux fois devant des cours supérieures. On parle quand même ici d'une cour de première instance.
    On sait qu'au Nouveau-Brunswick, tout est beau. René Arseneault nous le dit souvent.
    Ah, non!
    Sur le plan judiciaire, c'est vraiment la perfection absolue, au Nouveau-Brunswick. Vous n'êtes pas tout à fait d'accord, à ce que je peux voir. On commence à connaître M. Arseneault. Il fait toujours paraître les choses plus belles et il en fait plus que ce que le client demande.
    Cela dit, je vais mettre de côté ce point, car je veux absolument revenir sur le financement.
    Madame Pellerin, vous avez parlé du financement pour aider les organismes à donner de l'information et de la formation. Vous en avez aussi parlé, monsieur Doucet, tout comme M. Bergman avant vous. Avez-vous une idée des sommes que cela nécessiterait au Canada ou par province? J'imagine que ce doit être fait de façon équilibrée ou équitable, à tout le moins.
(1225)
    Je peux parler surtout du Manitoba. Je ne connais pas nécessairement le financement que reçoivent les autres provinces, par exemple l'Ontario.
    Quel montant recevez-vous de Justice Canada?
    Nous avons reçu approximativement 300 000 $ pour mettre sur pied le centre d'information juridique.
    Est-ce un montant annuel récurrent?
    Non, c'était pour la période de 2013 à 2018. Pour notre part, nous avons commencé nos activités un peu plus tard, alors ce montant couvre en réalité la période de 2016 à 2018.
    Vous disposez donc de 300 000 $ pour une période d'environ trois ans. Cela correspond à environ 100 000 $ par année.
    C'est exact.
    Vous consacrez-vous beaucoup à l'information?
    Recevez-vous du financement d'ailleurs, par exemple de la province?
    Pour l'instant, nous n'en recevons que du gouvernement fédéral. Évidemment, nous espérons que la Manitoba Law Foundation va nous accorder une petite somme. Pour l'instant, ce sont les deux organismes qui peuvent nous fournir du financement.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Arseneault.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Pellerin, monsieur Doucet, je vous remercie d'être parmi nous, de nous faire part de vos connaissances et de nous informer davantage des défis que comporte le système judiciaire.
    Je voudrais profiter de cette tribune publique pour vous féliciter. M. Bergman nous parlait plus tôt de ses activités de bénévolat. Ce que je dis s'adresse à tous ces gens également. Tout le travail que vous faites bénévolement pour le bien de la société et de vos communautés respectives, sans demander de comptes à qui que ce soit, vaut de l'or et des diamants. Merci beaucoup.
    Sur ce, je vais poser une question à M. Doucet.
    M. Bergman, qui a témoigné ce matin, nous a parlé de cet organisme nouvellement créé au Québec, l'Association des juristes d'expression anglaise du Québec. Au Nouveau-Brunswick, il y a une association équivalente pour les Acadiens, soit l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick, l'AJEFNB. Maître Doucet, je crois que vous en êtes le fondateur ou l'un des fondateurs. Si ma mémoire est bonne, l'Association existe depuis plus de 25 ans.
    Nous parlions de financement. L'association manitobaine reçoit du financement pour ses activités d'information, mais pour l'Association des juristes d'expression française, quels sont les défis au Canada, en général?
     Mme Pellerin parlait tout à l'heure du service d'information. Pour ma part, je vais parler de l'Association des juristes d'expression française, qui n'est pas un service d'information. Plus tôt, vous avez félicité M. Bergman pour son travail de revendication. Vous avez dit qu'il fallait des organismes comme l'AJEFNB qui font des revendications pour assurer l'égalité des deux langues officielles. Malheureusement, comme le financement semble maintenant être axé sur l'information, le financement de base qui appuie la revendication en vue d'obtenir l'accès égal à la justice dans les deux langues n'existe pratiquement plus. M. Bergman parlait de 77 000 $. Or je pense que l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick n'en reçoit même pas autant, en ce moment. Elle a un directeur général à temps partiel, qui travaille également pour moi.
    Comme je l'expliquais tout à l'heure, il n'y a pas très longtemps, l'AJEFNB a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles pour contester, en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, l'absence de financement. Le Commissariat lui a donné raison. Cela se trouve dans un rapport qui a été remis assez récemment. L'AJEFNB devrait normalement entamer des discussions avec Justice Canada pour obtenir un financement de base qui lui permettrait de faire le travail auquel vous avez fait allusion. C'est un travail qui se faisait à l'époque où vous étiez avocat au Nouveau-Brunswick. Cependant, une nouvelle philosophie qui favorise davantage l'information juridique ne permet malheureusement plus aux AJEF de faire ce travail de base de revendication.
    En fait, une partie du travail de revendication est ce que j'appellerais un travail de policier. Corrigez-moi si je me trompe, mais il s'agit de surveiller les droits, de déterminer à quels endroits il faut faire des percées et de rappeler aux gouvernements concernés qu'il y a des droits et des lois à respecter. C'est un peu cela, le devoir des associations de juristes.
    L'AJEFNB et d'autres organismes également jouaient beaucoup ce rôle. Par exemple, ces organismes devaient s'assurer que suffisamment de juges bilingues étaient nommés et que les gouvernements tenaient compte des deux communautés linguistiques dans l'élaboration de mesures visant l'accès égal à la justice dans les deux langues, de sorte que le bilinguisme judiciaire n'accuse pas de recul. C'était en effet une partie importante de leur travail.
    Notre comité représente le gouvernement fédéral. Selon vous, si notre comité devait faire une recommandation, ce serait que le financement soit rétabli ou augmenté.
    Il ne s'agit pas seulement d'augmenter le financement, mais également de revenir à ce financement de base. L'information juridique est très importante et on peut maintenir le financement pour cela. Toutefois, il faut aussi donner aux associations de juristes qui veulent faire ce travail la possibilité d'assurer l'égalité d'accès à la justice et le bilinguisme judiciaire. À l'heure actuelle, elles n'ont pas les ressources nécessaires. Vous parliez plus tôt de bénévolat. Ces associations fonctionnent de cette façon. Elles n'ont même pas d'employés à temps plein.
(1230)
    Lorsqu'il s'agit de faire des contestations judiciaires, comment cela fonctionne-t-il?
    C'est effectué de façon bénévole. Nous comptions beaucoup sur le Programme d'appui aux droits linguistiques. Maintenant, nous allons beaucoup compter sur le Programme de contestation judiciaire. Je sais que beaucoup de groupes sont aux portes actuellement et attendent la mise sur pied du Programme de contestation judiciaire pour pouvoir y faire appel afin de financer des recours en justice. Évidemment, le citoyen justiciable ne peut pas financer de lui-même un recours en justice dans un dossier d'intérêt public qui porte sur les droits linguistiques.
    Merci. C'est bien intéressant.
    Madame Pellerin, au Manitoba, il y a une association de revendication des droits linguistiques ou de l'accès à la justice en français. Avez-vous les mêmes problèmes financiers? Le manque d'argent se fait-il autant sentir?
    L'Association des juristes d'expression française du Manitoba fait face aux mêmes problèmes financiers. L'association du Nouveau-Brunswick a un employé; au Manitoba, il n'y a même pas d'employé, il n'y a qu'un conseil d'administration bénévole. En ce qui touche ces associations, c'est un sérieux problème au Manitoba. C'est pour cette raison que c'est la Société franco-manitobaine qui a entrepris le projet du centre d'information juridique, par rapport à l'Association des juristes d'expression française du Manitoba.
    Un instant, s'il vous plaît. Je pense que j'entends la sonnerie d'appel, alors j'aimerais vous faire une suggestion.
    Pouvons-nous nous entendre pour continuer encore 10 minutes? Avons-nous l'unanimité?
    Attendez un instant.

[Traduction]

    Nous allons juste vérifier si c'est 30 ou 15 minutes.

[Français]

    C'est 30 minutes.

[Traduction]

    Nous allons poursuivre pendant...
    Nous avons besoin du consentement unanime pour continuer la séance pendant que le timbre sonne. Avons-nous le consentement unanime?
    Un député: Oui.
    Le vice-président (M. John Nater): Nous allons poursuivre pendant 15 minutes. Nous allons ensuite interrompre la séance pour répondre à l'appel du timbre.
    Cela fonctionne tout autant, ou même davantage.

[Français]

    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Oui, il vous reste 30 secondes.
    Je vous remercie.
    Si les juristes du Manitoba avaient une demande à faire au gouvernement fédéral relativement au financement, quelle serait-elle?
    Ce serait de restaurer un financement de base. Cela nous donnerait davantage de ressources afin d'entreprendre des projets, soit pour la profession juridique, soit pour l'accès des justiciables à la justice.
    J'aimerais corriger une erreur que j'ai commise relativement au financement. Il s'agit d'un montant de 300 000 $ par année, c'est-à-dire 300 000 $ pour 2016-2017 et, par la suite, encore 300 000 $ pour 2017-2018. Je veux m'assurer de vous transmettre la bonne information.
    Pendant combien d'années recevez-vous ce financement?
    Nous l'avons obtenu pour deux ans, pour un total de 600 000 $.

[Traduction]

    Monsieur Donnelly, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je tiens à remercier les témoins de leur présence.
    Monsieur Doucet, vous avez dit qu'il est nécessaire de tenir compte des décisions dans les deux langues officielles. Il arrive parfois qu'elles ne disent pas la même chose.
    Cela arrive parfois.
    Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Est-ce un problème de traduction ou d'interprétation ou un autre problème?
    C'est peut-être les deux. Je parle non seulement du jugement, mais aussi de la loi. Même si une loi est accessible dans les deux langues officielles, cela ne veut pas nécessairement dire que les deux versions disent exactement la même chose. Il en va de même pour la traduction d'une décision.
    Si nous disons que les deux versions font autorité, les gens doivent pouvoir les lire. Et en cas de divergence entre deux versions, les gens doivent pouvoir comparer les deux. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs prévu une façon d'y arriver.
    Le problème est le même dans le cas des décisions qui sont traduites en français ou en anglais. Les traducteurs font un excellent travail, mais il arrive qu'une nuance se perde lors de la traduction. J'ai des exemples tirés des livres que j'ai écrits, où les versions françaises et anglaises ne disent pas exactement la même chose. Or, il faut lire les deux versions pour le remarquer. Si une personne est incapable de le faire, elle ne va rien constater. En fonction de la version qui est employée, il se pourrait éventuellement que l'interprétation d'une loi soit différente si on se sert du français ou de l'anglais.
    Il y a même des décisions de la Cour suprême du Canada dont les deux versions ne disent pas exactement la même chose. Si l'égalité est favorisée dans le système judiciaire, il est de plus en plus important que les avocats et les juges comprennent, lorsqu'ils interprètent des lois fédérales, ou même des lois du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, du Québec ou de l'Ontario, qu'ils doivent pouvoir lire les deux versions pour donner un avis juridique complet à leur client plutôt que de faire le travail à moitié.
(1235)
    Dans le système de justice, les juges de la cour fédérale déclarent eux-mêmes leur niveau de bilinguisme, sans se soumettre à une évaluation uniforme ou réalisée par un tiers.
     J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus là-dessus.
    C'est un problème. Si j'évaluais moi-même mes compétences en espagnol, je dirais probablement que je parle couramment la langue, mais je doute qu'un hispanophone soit de cet avis.
    Je crois qu'il doit y avoir un tiers… Si nous réalisons des évaluations dans la fonction publique, nous devrions aussi le faire dans le système judiciaire. Avant de nommer un juge, nous devrions évaluer sa capacité de fonctionner en français et en anglais, de même que ses compétences orales, écrites et de compréhension.
    Devrait-il y avoir une procédure uniforme?
    Oui, il devrait bel et bien y avoir une évaluation uniforme.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Madame Pellerin, vous avez parlé d'un plan d'action. Quelles devraient selon vous être les grandes priorités du Canada ou du gouvernement fédéral en matière d'accès à la justice dans le prochain plan d'action? Vous pourriez nous parler des trois plus importantes.
     Dans mon travail, un des principaux domaines d'intérêt doit être le financement visant à permettre aux gens d'obtenir de l'information sur tout ce qui se rapporte à la justice. Il peut s'agir de simples renseignements pour les orienter dans leur cheminement jusqu'au tribunal, ou encore d'informations relatives à leurs problèmes en particulier.
    Au Manitoba, nous offrons énormément d'informations et de ressources aux anglophones. À mon avis, les anglophones du Manitoba n'ont aucun problème d'accès à la justice. Des centres juridiques, de l'aide juridique et toutes sortes de ressources en anglais sont à leur disposition. Le problème dans le cas des francophones, c'est qu'il faut s'adapter pour leur offrir les mêmes renseignements qu'à un anglophone. Si un francophone se présente à un centre d'aide juridique, il devra peut-être revenir la semaine suivante pour voir quelqu'un qui parle français. Il devra peut-être aller cogner à d'autres portes pour trouver le même feuillet d'information en français, ou devra simplement imprimer la version PDF étant donné que le centre n'a aucune version française.
    Un des principaux problèmes qu'il faut régler dans le prochain plan, c'est de veiller à ce que les francophones aient accès aux mêmes ressources que les anglophones. C'est vrai pour les avocats, les centres, les ressources, les feuillets d'information, et ainsi de suite. Il faut simplement faire en sorte que les gens ont accès aux mêmes renseignements.
    En résumé, vous avez parlé d'offrir à tout le monde un financement adéquat, l'information nécessaire et des ressources particulières. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter? Est-ce que c'est tout?
    C'est à peu près tout. En ce qui concerne les centres d'information, je ne veux pas parler au nom d'autres organismes, mais c'est un des principaux domaines qu'il faut cibler à mes yeux, et aux yeux du centre d'information du Manitoba.
    Merci beaucoup.

[Français]

    C'est M. Samson qui va terminer le tour de table.
    Vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour ne pas perdre de temps, je vais poser toutes mes questions à la file. J'ai trois questions: deux s'adressent à M. Doucet et une à Mme Pellerin.
    Tout d'abord, madame Pellerin, que demande la communauté francophone en situation minoritaire du Manitoba sur le plan des services en français?
    Monsieur Doucet, ici, au Parlement, nous avons accès à beaucoup de formation pour nous aider à devenir bilingues. Avec les représentants du Bureau de la traduction, nous avons discuté de l'importance de la formation pour aider les gens à devenir bilingues. Il a aussi été question de mettre sur pied des programmes coop dans les universités afin de préparer la relève. Si cela se fait, cela ne devrait-il pas se faire aussi pour les avocats et les juges, compte tenu de l'importance du bilinguisme pour l'avenir?
    Par ailleurs, monsieur Doucet, supposons que vous deveniez premier ministre demain matin pour un mandat de cinq ans. Quelles seraient les deux ou trois mesures que vous mettriez en oeuvre durant votre mandat pour assurer d'ici cinq ans un accès plus facile à la justice?
    Je vous écoute.
(1240)
    Me donnez-vous deux heures pour répondre?
    Allez-y.
    Je vais répondre en premier, puis je vais laisser M. Doucet répondre aux questions à plus long développement.
    Les francophones du Manitoba demandent l'accès à des services en français, depuis le début des procédures, c'est-à-dire l'étape de l'information, jusqu'à la fin. Infojustice Manitoba est la porte d'entrée pour ceux qui s'engagent dans une procédure judiciaire et qui cherchent de l'information. Il s'agit d'avoir un endroit où les francophones peuvent s'adresser pour obtenir de l'information et des services en français, sans qu'on leur demande de revenir le mardi suivant, par exemple, alors qu'un stagiaire francophone sera disponible. Malgré cela, les services auxquels ont accès les francophones ne sont pas toujours égaux à ceux auxquels les anglophones ont généralement accès. Nous intervenons donc dès le début des procédures.
    En ce qui concerne l'accès à la jurisprudence ou à des modèles d'actes de procédure, certains sites Web en présentent en français, mais la majorité sont en anglais. Il y a donc un problème pour la personne qui veut s'outiller et se représenter seule. C'est là qu'intervient Infojustice Manitoba.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Doucet, vous pouvez répondre.
    Concernant la formation des juges, un très bon programme est offert au Nouveau-Brunswick, au campus de Shippagan, sous la direction de la juge Finn. Ce programme est offert aux juges sur le plan national. Les juges anglophones y viennent pour vivre une immersion totale en français. C'est un bon programme. Si j'étais au gouvernement fédéral, je multiplierais les programmes de ce type et je fournirais du financement à cette fin.
    Si j'étais premier ministre demain matin, du côté juridique, j'adopterais une loi afin que les juges de la Cour suprême du Canada soient bilingues dès leur nomination. Cela assurerait la pérennité de cette exigence.
    Je ferais également en sorte que plus de formation soit donnée aux auxiliaires de justice et aux juges dans les deux langues officielles, afin que le système judiciaire canadien soit effectivement bilingue et non dualiste.
    Enfin, je donnerais du financement aux facultés de droit. Je prêche un peu pour ma paroisse, ici, même si je prends ma retraite de la Faculté de droit le 1er juillet et que je ne serai plus là. Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral devrait donner du financement aux facultés de droit pour qu'elles soient mieux à même de sensibiliser leurs étudiants aux droits linguistiques. Dans plusieurs facultés de droit, ce n'est jamais enseigné. Ce financement servirait aussi à donner une formation à ces futurs juristes qui appliqueront les lois canadiennes afin qu'ils soient en mesure de mieux comprendre les deux régimes canadiens, francophone et anglophone, et qu'ils deviennent bilingues. Ce serait une belle initiative du gouvernement fédéral que d'accorder un tel financement pour favoriser la dualité juridique au Canada.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Merci aux témoins.

[Traduction]

    J'aimerais rappeler aux membres du Comité que nous ne nous rencontrerons pas jeudi, puisque c'est l'horaire du vendredi qui s'applique et qu'il n'y a pas de réunion. Notre prochaine séance sera le 2 mai.

[Français]

    La séance est levée.
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