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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité parlementaire, bonjour.
Je m'appelle Brendan McKenna et je suis le porte-parole de la British Columbia Mounted Police Professional Associatiokn. Je participe aux activités de l'association depuis 22 ans. Je suis un membre fondateur de la British Columbia Mounted Police Professional Association, créée en 1994, ainsi que de l'Association canadienne de la police montée professionnelle, créée en 2010.
La B.C. MPPA est une association provinciale à but non lucratif. C'est le volet provincial de la MPPAC, l'association nationale.
J'ai servi pendant 30 ans au sein de la GRC, exclusivement en Colombie-Britannique, principalement dans des détachements — notamment dans le détachement le plus important du pays, celui de Surrey — dans des détachements de petite et moyenne taille dans le Nord. J'ai apporté un soutien à un poste isolé composé de trois personnes où le secours le plus proche était à plus de deux heures de voiture, de sorte que j'apporte un point de vue assez varié à toute cette question.
Je vais commencer par vous parler des préoccupations que suscite pour moi, l'absence d'éléments essentiels dans le projet de loi . Je vais principalement traiter de deux sujets: les facteurs à prendre en compte dans l'arbitrage des différends et les restrictions concernant les questions susceptibles de faire l'objet de négociations touchant le niveau des effectifs et l'équipement.
L'année dernière, la Cour suprême du Canada a déclaré que le droit de grève était protégé par la Constitution. Les membres de la GRC ne revendiquent pas le droit de faire la grève. Ils savent qu'ils accomplissent un travail essentiel. Ils revendiquent toutefois une alternative à la grève, à savoir l'arbitrage des différends selon un mécanisme équitable et indépendant.
Selon les termes actuels de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du projet de loi , le mécanisme d'arbitrage des différends applicable aux membres de la GRC est bien loin d'être équitable et indépendant. En fait, l'arbitre est tenu d'accorder une importance prépondérante à deux facteurs, notamment à la politique financière officielle du gouvernement. Cela déforme le mécanisme et favorise l'employeur. C'est tout l'opposé d'un organisme équitable et indépendant et cela va à l'encontre des droits que la Charte reconnaît aux membres de la GRC.
La British Columbia Mounted Police Professional Association invite le comité à amender le projet de loi pour autoriser l'arbitre à accorder une importance égale à tous les facteurs et pour qu'il ne soit pas tenu de prendre en compte la politique financière officielle du gouvernement.
Un autre aspect préoccupe la British Columbia Mounted Police Professional Association; ce sont les restrictions apportées au cadre de la négociation, en particulier pour ce qui est du niveau des effectifs et de l'équipement. Ces deux domaines ont un impact direct sur la santé et la sécurité au travail des agents de police de première ligne. Ils ont un effet direct sur la qualité du milieu de travail. Les agents de première ligne sont surchargés de travail, ils disposent de ressources insuffisantes et sont sous-équipés; on ne peut donc, raisonnablement, les obliger à fournir sans aucune interruption, le service de haute qualité qu'exige l'emploi et auquel s'attend la population canadienne.
On nous compare aux fonctionnaires visés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Un sondage effectué auprès des employés de la GRC par le gouvernement précédent a permis de constater que plus de 9 000 membres de la GRC voulaient être visés par une loi distincte qui concernerait uniquement la GRC et donc, par le projet de loi .
Nous savons que le gouvernement libéral s'est engagé à respecter l'arrêt de la Cour suprême du Canada , mais nous craignons que ce projet de loi ne permette pas d'atteindre cet objectif.
Tel que rédigé, le projet de loi ne répond ni à l'esprit ni à l'intention de la décision de la Cour suprême du Canada qui reconnaissait le droit des membres de la GRC de négocier collectivement. J'estime que la Cour avait l'intention de déclarer que les membres de la GRC devaient bénéficier des mêmes droits et privilèges que ceux que possèdent tous leurs autres Canadiens et tous leurs collègues policiers dans les différentes agences fédérales, provinciales et municipales.
Les restrictions que contient le projet de loi peuvent être comparées à l'idée de garantir à quelqu'un le droit de voter et de placer ensuite les bureaux de scrutin dans des endroits auxquels celui-ci n'a pas accès. Cela revient en réalité à violer ce droit.
Les restrictions que contient le projet de loi , tel que rédigé actuellement et s'il n'est pas modifié, interdisent aux membres de première ligne de la GRC de participer de façon efficace et véritable à deux domaines essentiels à la santé et la sécurité au travail. Cela vient du fait que le projet de loi C-7 ne contient pas de nombreux éléments fondamentaux que l'on retrouve dans les dispositions relatives aux négociations collectives dans d'autres organismes et qui reconnaissent le droit de se syndiquer au Canada.
Il y a au pays plusieurs associations de police qui ont conclu des conventions collectives qui touchent les niveaux minimaux d'effectifs, comme la Toronto Police Association, Sudbury, Windsor et la Durham Regional Police Association, pour n'en nommer que quelques-unes.
À titre d'exemple, je peux vous parler de ma propre expérience dans les activités de première ligne. Nos détachements ont habituellement un personnel insuffisant. Cela s'explique pour diverses raisons. Je pense que la raison principale est que les personnes qui n'ont pas le gros bout du bâton n'ont rien à dire. Les contrats sont négociés entre le gouvernement fédéral et les provinces ou les municipalités. Les considérations financières semblent être l'élément principal.
Les services de police sont coûteux. Pour de nombreuses municipalités, c'est le poste le plus important de leur budget; il est donc compréhensible qu'elles souhaitent contrôler le plus possible ces coûts. Cela s'est toutefois traduit par un manque chronique de personnel dans les détachements, ce qui a eu pour effet de laisser aux membres qui travaillent sur le terrain le soin d'assumer ce fardeau.
En 2009, j'ai été embauché pour travailler à notre quartier général provincial en Colombie-Britannique. Le poste consistait à diriger l'unité qui s'occupait de l'affectation des ressources policières aux détachements situés dans la province. Un des objectifs était d'examiner chaque détachement de la province tous les cinq ans pour veiller à ce qu'ils disposent des ressources nécessaires à la prestation des services de première ligne. Avant mon arrivée, l'unité venait de terminer une étude qui montrait que le détachement de l'île de Vancouver manquait tellement de personnel qu'il aurait fallu lui affecter 26 membres de première ligne pour combler la lacune.
L'unité des services au client devait comprendre deux sous-officiers chargés d'analyser les données, de préparer et présenter des conclusions et cinq fonctionnaires pour collecter et réunir les données des systèmes informatisés de gestion des dossiers. Un seul des cinq fonctionnaires a été embauché. Les autres postes ont été bloqués et les fonds réaffectés à un autre projet. Il est assez remarquable que l'unité chargée de veiller à ce que les effectifs des détachements soient adéquats manquait elle-même tellement de personnel qu'elle ne pouvait pas exécuter la mission qui lui était confiée. S'il avait eu une convention collective en vigueur, avec des dispositions exigeant des niveaux de dotation minimaux, il est peu probable qu'une telle situation aurait pu se produire.
Merci. Voilà qui termine mes remarques. Je vais donner la parole à Pat Mehain de la Colombie-Britannique.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je m'appelle Patrick Mehain. Je suis un dirigeant de la British Columbia Mounted Police Professional Association. J'ai participé aux activités de l'association pendant toute ma carrière qui a duré 18 ans. J'ai été le président de la B.C. MPPA pendant huit ans. J'ai également été membre de la direction de CPA et je suis un des membres fondateurs de la MPPAC. Je suis également un des déposants dans la contestation portée devant la Cour suprême.
Je vous remercie de me donner la possibilité de vous communiquer les préoccupations que suscitent pour moi les graves lacunes du projet de loi . Le gouvernement libéral est certes décidé à respecter l'arrêt de la Cour suprême, mais le projet de loi s'écarte du véritable esprit de la décision: l'absence d'une obligation fondamentale que l'on retrouve dans les documents relatifs aux négociations collectives dans d'autres organismes.
Les restrictions en matière de négociation que l'on retrouve dans le projet de loi et dans la LRTFP actuelle sont plus sévères que celles que l'on retrouve dans les autres services de police au Canada. De nombreuses conventions collectives traitent des promotions, de l'équipement, des transferts, des conflits en milieu de travail, etc. Mes collègues de la MPPAC ont déjà abordé ces points, mais je vais parler des ressources et des soins de santé.
Les ressources ont toujours posé un problème. Nos confrères et consœurs municipaux nous appellent toujours les « policiers Kmart » — nous faisons davantage avec moins. Si l'on compare les villes de Vancouver et de Surrey, on constate qu'il y a à Vancouver près de 1 340 policiers pour desservir 605 000 personnes, alors qu'à Surrey, il y a environ 800 policiers qui offrent leurs services à 500 000 personnes. Le niveau des ressources a un effet direct sur les congés des membres de la GRC, sur le niveau minimal des effectifs, sur les charges de travail et je dirais aussi sur la satisfaction au travail.
Nos membres souffrent d'épuisement professionnel; cela touche leur santé, physique et mentale. À cause de maladies de longue durée, des postes demeurent vacants, les postes des détachements ne sont pas comblés et les unités sont obligées de fonctionner avec un personnel insuffisant. Le Conseil du Trésor veut transformer quelque 4 000 membres civils en fonctionnaires. Si cela se fait, cela compromettra encore les ressources dont dispose la GRC, puisque nos membres civils exercent des fonctions que les fonctionnaires ne peuvent exercer.
Les régimes des accidents du travail et des soins de santé provinciaux diffèrent d'une province à l'autre. La GRC est un organisme unique qui exige que ces préoccupations soient réglées de façon uniforme. En C.-B., nous payons nos cotisations médicales de base alors que des membres d'autres divisions ne le font pas. Le Lower Mainland éprouve déjà de la difficulté à combler les postes vacants, mais les coûts supplémentaires associés aux changements apportés à nos prestations médicales ont aggravé la situation.
Ce n'est pas, bien entendu, l'unique raison pour laquelle il est difficile de combler les postes dans le Lower Mainland, mais cela y contribue certainement: la modification des ordonnances, la réduction des prestations, l'intervention injustifiée des services de santé dans le traitement des membres, ainsi que les atteintes à la vie privée des membres de la GRC commises récemment par la haute direction de la GRC sont des faits alarmants et préoccupants. Il est regrettable que trop souvent nos membres subissent des blessures qui entraînent une invalidité à long terme. Comment les commissions des accidents de travail vont régler ce problème? Faudra-t-il bloquer un transfert en Colombie-Britannique parce que le membre concerné est réputé inadmissible par la commission des accidents de travail de la province ou le contraire? Se contenter de faire relever tous les membres de la GRC des mécanismes en place ne donnera pas de bons résultats.
Depuis la décision de la Cour suprême du Canada, j'ai éprouvé des sentiments variés. La négociation collective est un des objectifs pour lequel j'ai lutté pendant 18 ans, mais le projet de loi laisse beaucoup à désirer. Sous sa forme actuelle, il ne fait pas grand-chose pour aménager une véritable négociation collective, qui est protégée par l'alinéa 2d) de la Charte des droits.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous communiquer les préoccupations que soulève le projet de loi , mais si on ne lui apporte pas des changements importants, nous allons continuer à avoir des relations de travail difficiles et nous constaterons une augmentation des contestations judiciaires; la GRC, en tant qu'organisme, continuera à compromettre son efficacité opérationnelle ainsi que le moral de ses troupes.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, membres du Comité, mesdames et messieurs.
Je suis le sergent d'état-major Paul Dupuis. Je suis membre de la GRC depuis 35 ans. J'oeuvre au sein des relations de travail de la GRC depuis 1993, à titre de représentant des membres. Je fais partie de l'Association des membres de la police montée du Québec depuis 1981, et j'ai été élu président de cette association en 2015.
J'ai vécu des abus et j'ai été témoin d'abus de la part de gestionnaires de la GRC qui nécessitent un contrepoids. La protection contre les abus de pouvoir fait partie des conditions de travail des membres qui devront être régies par la négociation collective. J'ai le mandat de présenter le point de vue des membres de l'AMPMQ concernant le projet de loi .
Je vais d'abord vous offrir une vue d'ensemble.
Pendant des décennies, les membres de la GRC ont été activement privés de leur droit à la liberté d'association, c'est-à dire du droit de se syndiquer et de négocier collectivement. La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Association de la police montée de l’Ontario c. Canada, a statué que cette violation exigeait une mesure législative corrective. Le projet de loi crée un processus par lequel une association pourra obtenir le droit de négocier collectivement au nom des membres. Il prévoit aussi des dispositions régissant les négociations collectives. Toutefois, le projet de loi C-7 contient des lacunes à plusieurs égards.
Je vais maintenant parler du droit à un processus de véritable négociation collective.
La Cour suprême a décrit ce processus comme étant un processus « qui offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de les défendre ». Elle a rejeté l'actuel régime « qui ne leur permet pas de définir et de faire valoir leurs préoccupations professionnelles ».
Bien que le projet de loi fournisse un processus pour accréditer une association et pour avoir accès à un processus de négociation collective, il comporte des lacunes importantes, particulièrement en ce qui a trait aux restrictions sur le contenu de la négociation collective.
Le projet de loi exclut de la négociation collective d'importants sujets de préoccupations en matière de travail pour les membres de la GRC et, par conséquent, ne permet pas aux membres de promouvoir leurs intérêts à l'abri de l'influence de la direction. Ces exclusions de la négociation collective touchent directement l'essentiel des préoccupations des membres à l'égard du travail. De plus, on exclut les questions qui font précisément l'objet d'abus de la part de la direction.
Sur les plans de la santé et de la sécurité au travail, les techniques d'application des lois, y compris le matériel et les équipements de protection adéquats, sont extrêmement importantes pour les membres. Je rappelle les tragédies de Mayerthorpe et de Moncton. À la suite de ces tragédies, les enquêtes ont révélé le même manque d’équipement approprié et le même manque de communications, bien que ces deux tragédies soient survenues à neuf ans d'intervalle. La GRC a laissé tomber le public, les familles des membres et les membres eux-mêmes. Ce n’était pas la première fois qu’elle faillait à ses obligations en santé et sécurité.
Abordons la question du harcèlement.
Le harcèlement a toujours été, et demeure, un grave sujet de préoccupation au travail que la direction a été incapable de résoudre, ou réticente à le faire. Malgré les multiples études et rapports, le harcèlement est toujours aussi présent à la GRC. Par exemple, citons l’affaire Lebrasseur, les cas Delisle, Smith, Gosselin et Sulz, ainsi que deux recours collectifs en cours, plusieurs poursuites individuelles et de nombreuses plaintes d’abus à l’interne.
Passons maintenant aux abus de la direction et à la nécessité d'un équilibre.
Les tribunaux, incluant la Cour suprême, reconnaissent la longue histoire du recours au système disciplinaire et des pratiques déloyales utilisées par la GRC pour étouffer le mouvement syndical. D’ailleurs, j’ai été victime de l’utilisation du système de discipline de façon abusive par la GRC à cause de mes activités syndicales. J’ai été victime de représailles. La GRC a utilisé des procédures disciplinaires contre moi pendant 7 ans. Comme il a été établi que la cause disciplinaire contre moi était abusive de par sa lenteur et sa nature, le tribunal interne a déclaré un arrêt des procédures. En parallèle, j'ai aussi déposé des griefs. Dix ans plus tard, ces griefs ne sont toujours pas réglés.
Cette situation a eu un impact négatif sur ma carrière. En outre, les Canadiens ont perdu le bénéfice de mes compétences d'enquêteur en crimes financiers. Au cours de ma carrière, j'ai été témoin d'abus de la direction qui illustrent clairement la nécessité d'établir un équilibre.
Les procédures disciplinaires ont été utilisées à maintes reprises pour sanctionner des membres qui avaient exercé leurs droits fondamentaux, y compris la liberté d'association et d'expression. Relativement à plusieurs décisions des tribunaux concernant mon collègue Gaétan Delisle, la GRC a exercé des représailles contre lui. Vous avez entendu jeudi dernier le témoignage de M. Merrifield dont la cause est toujours devant les tribunaux.
Les rétrogradations, les congédiements, les transferts, les évaluations, les probations et les exigences de base sont tous des éléments de nos conditions de travail que les gestionnaires peuvent utiliser. Or ils le font de façon abusive pour se livrer à des représailles et à des abus d’autorité contre les membres qui font valoir leurs droits. Au cours des années où j'ai été représentant auprès des membres, j’ai vu toutes ces mesures prises contre des membres et les effets dévastateurs qu'elles avaient sur leur carrière. De plus, les rapports de Duxbury, Brown et Robichaud confirment ces abus.
Aucune preuve crédible n’a jamais été présentée pour justifier l'exclusion de ces préoccupations de la négociation collective et démontrer que les services de police seraient compromis sans ces exclusions. Au contraire, l’inclusion dans les négociations collectives des préoccupations des membres à l’égard de ces questions et l'établissement d'un équilibre seraient plus susceptibles d'améliorer la qualité des services de police. La Cour suprême a déclaré ce qui suit au sujet de la négociation collective pour les membres de la GRC:
[.. ] il n’est pas établi que l’autorisation d’un véritable régime de négociation collective pour les membres de la GRC perturbera la stabilité de cette force policière ou influencera la perception du public quant à sa neutralité.
[...] Le gouvernement n’a produit aucun élément de preuve convaincant à cet égard. La recherche empirique tend plutôt à indiquer le contraire [...]
Plus récemment, devant ce comité, les promoteurs du projet de loi ont omis de fournir un argument convaincant quant aux exclusions proposées à la négociation collective. Ils n'ont pas assumé leur responsabilité consistant à justifier la limitation des droits fondamentaux des membres de la GRC.
J'aborde maintenant la partie de ma présentation où il est question de remédier au déséquilibre dans les relations de travail.
La Cour suprême a reconnu que les lois et les règlements qui restreignent les sujets susceptibles de faire l’objet de négociation peuvent perturber l'équilibre nécessaire pour assurer la poursuite véritable des objectifs liés au travail.
La Cour suprême a également reconnu une attitude hostile envers la syndicalisation au sein de la Gendarmerie, tant de la part de la direction de la GRC que des gouvernements qui se sont succédé, et ce, depuis longtemps.
En excluant de la négociation collective les grands sujets qui préoccupent les membres de la GRC au travail, non seulement le projet de loi nie aux membres le droit à un véritable processus de négociation collective, mais il perpétue de surcroît le déséquilibre entre les membres et la direction en préservant le pouvoir absolu de cette dernière sur ces questions.
Dans le passé, la direction n'a pas hésité à abuser du pouvoir absolu qu'elle exerçait sur les membres. Or le projet de loi , en faisant entrave à la négociation collective et en limitant l’accès aux recours contre les abus de la direction, ne parvient pas à assurer que le déséquilibre actuel dans la relation d'emploi sera traité et corrigé adéquatement.
Nous suggérons que tous les griefs des membres, même ceux qui ne sont pas régis par la convention collective, donnent accès à un arbitrage exécutoire.
Pour ce qui est de nos membres civils, ils partagent une communauté d'intérêts avec les membres réguliers, mais sont exclus du projet de loi . On devrait prévoir de les inclure.
Jeudi dernier, vous avez entendu les débats concernant la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État. La réforme des services médicaux des membres de la GRC telle qu'elle est proposée aux articles 40 et 42 du projet de loi ne devrait pas faire partie de ce projet de loi. Elle devrait plutôt être négociée à la table de négociation.
J'aborde maintenant la partie de ma présentation touchant ce qui doit être fait.
Nous vous demandons de retirer les exclusions de la négociation collective qui concernent des questions importantes liées au travail, soit les articles 238.19 et 238.22 proposés, comme cela a été précédemment mentionné, afin d'établir un véritable équilibre entre la direction de la GRC et ses membres.
Nous vous demandons d'inclure les membres civils dans le projet de loi et de supprimer les articles 40 et 42 du projet de loi.
Merci.
Je suis prêt à répondre aux questions.
Je pense qu'une partie de tout cela vient du fait que cette organisation a déployé des efforts importants et constants pour limiter les renseignements transmis à ses membres. Ce que vous mentionnez — un manque d'intérêt pour la syndicalisation — je crois que c'est une idée qui est appuyée par les cadres intermédiaires, les sous-officiers supérieurs qui ont progressé, qui ont commencé en même temps que moi ou peut-être avant, et qui pensent qu'il est déloyal de vouloir syndicaliser cette organisation.
Lorsque je me suis impliqué dans les activités de l'association et dans la fondation de l'association en Colombie-Britannique, on m'a considéré comme un radical, presque un communiste, et on disait que j'étais contre la direction et que je voulais détruire l'organisation. À cette époque, on décrivait régulièrement un scénario alarmiste selon lequel ce serait le chaos si les membres de la GRC obtenaient la parité avec les autres services de police canadiens qui ont leur mot à dire sur leur rémunération, sur leur pension de retraite, sur leurs avantages sociaux et sur leurs conditions de travail. Bien sûr, c'est beaucoup de palabres.
Je pense que la grande majorité des membres qui travaillent dans de petits détachements se retrouvent dans un environnement où le fait de ne pas être d'accord avec le sous-officier responsable ou de s'opposer à lui fait courir le risque — que ce risque soit réel ou non — d'être, si c'est un petit détachement qui comprend de cinq à six ou dix personnes, d'être mis à l'écart et de ne pas obtenir son congé au moment où on le souhaite, ou ne pas pouvoir suivre des stages ou ne plus avoir la faveur de la personne qui a un pouvoir direct sur votre vie quotidienne. C'est peut-être une partie de l'explication.
Je crois qu'après la publication de l'arrêt de la Cour suprême en janvier de l'année dernière, le bureau du commissaire et la haute direction ont déclaré que les membres seraient tenus au courant et qu'ils recevraient beaucoup d'information. Pratiquement aucune information n'a été fournie à qui que ce soit, si ce n'est qu'il était interdit d'utiliser des systèmes d'information, de tenir des réunions sur les lieux de travail sur tout ce qui concerne la syndicalisation.
Cette organisation compte tellement de membres qu'il est impossible de les réunir tous dans la même salle. C'est une des raisons pour laquelle il a fallu autant de temps pour en arriver au point où nous en sommes. Dans les villes, n'importe quel service de police peut réunir la plus grande partie de ses membres, alors que la police montée est dispersée dans l'ensemble du pays. Comment serait-il possible de rassembler tout le monde dans un même endroit et si cela même pouvait se faire, qui s'occuperait alors du pays; c'est impossible. Vous pouvez seulement constituer petits groupes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Mark Rowlinson, et je suis adjoint au directeur général, pour le Canada, du Syndicat des Métallos. J'exerce le droit du travail auprès de ce syndicat depuis une vingtaine d'années.
Fort de 225 000 membres, le Syndicat des Métallos est un des plus importants syndicats industriels au Canada. Ses membres canadiens font partie d'un syndicat international dont l'effectif rassemble plus de 800 000 membres en Amérique du Nord. Nous représentons un effectif diversifié dans presque tous les éléments du secteur privé ainsi que des milliers de travailleurs du secteur public dans des hôpitaux, des maisons de soins infirmiers et des universités. Nous militons également pour plus de 100 000 membres retraités du syndicat et leurs familles au Canada.
Bien que bon nombre de ses membres relèvent de régimes provinciaux de droit du travail, le Syndicat des Métallos représente quelque 25 000 membres de compétence fédérale, notamment des travailleurs du transport, de la sécurité aéroportuaire, de l'énergie et des télécommunications.
La législation du travail dans tous les territoires et provinces au Canada est importante pour notre syndicat, comme pour toutes les organisations syndicales de notre pays. De plus, nous nous opposons à toute loi qui entrave les droits fondamentaux des travailleurs, notamment le droit de se joindre à des syndicats et de négocier collectivement.
Nous sommes très reconnaissants de pouvoir comparaître aujourd'hui, car nous nous inquiétons de la façon dont le gouvernement du Canada réagit à l'arrêt important que la Cour suprême du Canada a rendu il y a un peu plus d'un an dans l'affaire APMO.
L'arrêt APMO, qui s'inscrit dans une série de jugements rendus par la plus haute cour du Canada, clarifie la portée de la liberté d'association et des droits de négociation collective que confère la Charte des droits et libertés. Le Syndicat des Métallos était un plaignant dans la cause de la Fédération du travail de la Saskatchewan dont l'issue a été connue une semaine après arrêt APMO, et il s'intéresse depuis longtemps à l'interaction entre la Charte et les régimes de droit du travail au Canada.
Comme le Comité le sait sans doute, dans l'affaire APMO, la Cour suprême a soutenu que la liberté d'association protège le droit de se joindre à des associations et d'en former, de le faire pour affirmer des droits constitutionnels, et le droit de se joindre à d'autres pour affronter le pouvoir et la force des employeurs à armes un peu plus égales.
Si je puis me permettre une pause, je vais vous lire un extrait de l'arrêt dans lequel la Cour suprême fait remarquer, et j'y reviendrai:
Les employés, agissant individuellement, ne disposent habituellement pas du pouvoir de négocier et de poursuivre des objectifs relatifs à leurs conditions de travail avec un employeur plus puissant. Seul le regroupement en association en vue de négocier collectivement — qui augmente ainsi leur pouvoir de négociation — permet à des employés de poursuivre véritablement leurs objectifs relatifs à leurs conditions de travail.
Ce sont précisément ces droits qui sont protégés par l'alinéa 2d) de la Charte.
La Cour suprême enchaîne: « Le droit a un processus véritable de négociation collective constitue donc un élément nécessaire du droit de poursuivre collectivement et de manière véritable des objectifs relatifs au travail. » Et encore: « le mécanisme », ou la loi, je dirais, « qui porte substantiellement atteinte à un processus véritable de négociation collective en réduisant le pouvoir de négociation des employés ne respecte pas la liberté d’association garantie par l’al. 2d) » de la Charte.
Nous sommes ici aujourd'hui pour formuler quelques observations sur le projet de loi et pour exprimer notre crainte que, à certains égards, le projet de loi , tout en accordant aux employés et agents de la GRC le droit de syndicalisation et de négociation collective, ne rogne sur ce droit en limitant le droit d'association et la portée de la négociation
Je voudrais passer en revue quelques points qui nous inspirent des préoccupations, étant donné la genèse du projet de loi .
Il y a d'abord la configuration de l'unité de négociation. Le Comité n'est pas sans savoir que, dans sa forme actuelle, le projet de loi exclut de l'unité de négociation les membres civils de la GRC. Selon nous, rien ne justifie cette exclusion d'employés du même employeur, si ce n'est le souci d'affaiblir la position de négociation collective du syndicat. Dans les administrations fédérale et provinciales de tout le Canada, les commissions des relations de travail privilégient depuis des décennies des unités larges qui réunissent tous les groupes d'employés.
Certes, nous acceptons que le projet de loi écarte les officiers en leur qualité de membres de la direction, mais la liste des rangs dont les membres sont considérés comme des officiers est établie par le gouverneur en conseil. Vu le nombre d'officiers de chaque rang qui sont exclus par le Conseil du Trésor, l'employeur a pour ainsi dire le pouvoir exclusif de décider qui fait partie ou non de l'unité de négociation comme officier. Il s'agit là d'une exception à la règle normale des régimes de relations de travail au Canada, qui veut que les exclusions de postes de direction et autres exclusions de l'unité de négociation soient établies par des commissions des relations de travail qui sont indépendantes.
Deuxièmement, et c'est peut-être le point sur lequel je veux insister le plus ce matin, le projet de loi impose des limites très vagues et générales à l'affiliation.
Aux termes du projet de loi , pour être accréditée, une organisation d'employés doit, entre autres choses, ne pas « être affiliée à un agent négociateur ou à une autre association n'ayant pas pour mission principale de représenter des officiers de police ».
Nous respectons et comprenons tout à fait la limite selon laquelle l'agent de négociation lui-même doit être une organisation qui se consacre avant tout à la représentation d'officiers de police, mais nous n'arrivons pas à comprendre cette contrainte très générale et vague selon laquelle l'agent de négociation ne doit avoir aucun lien d'affiliation avec quelque autre organisation. Nous soutenons que c'est là une grave atteinte à la liberté d'association et qu'il existe des façons moins contraignantes de traiter les questions d'indépendance de l'agent négociateur.
Nous renvoyons le Comité à la Loi sur les services policiers de l'Ontario, qui aborde la question sous un angle différent en ce sens que, pour les syndicats de policiers dans la province, la seule limite à l'affiliation s'applique aux membres à titre individuel et les empêche de se joindre à un autre syndicat sans en avoir reçu l'approbation. Toutefois, la loi ontarienne semble leur permettre, à juste titre, de collaborer avec les membres d'autres syndicats ou d'autres organisations syndicales et de s'y affilier.
Cela semblerait donc, par exemple, permettre aux membres de l'éventuel syndicat de la GRC qui sont affiliés à d'autres organisations de fournir à ce syndicat des conseils, un soutien, etc., et autoriser le syndicat de policiers à faire partie d'un mouvement plus large et à demander l'aide d'autres organisations. Nous ne croyons pas que cela menace de quelque façon l'indépendance de l'éventuel syndicat de la GRC, et, selon nous, il s'agit d'un droit important pour ces syndiqués. Cela pourrait prendre la forme d'un soutien ponctuel à une campagne ou à une initiative données. Par exemple, les syndicats de policiers de tout le Canada ont été très importants dans la campagne portant sur le projet de loi , présenté par l'ancien gouvernement, et ils ont travaillé dans le cadre d'un large mouvement à des enjeux de cette nature.
Nous estimons que cette restriction imposée à l'affiliation est, là encore, extrêmement générale et qu'elle sera très difficile à comprendre pour quelqu'un de l'extérieur de l'organisation ou du mouvement syndical plus large.
Ainsi, notre syndicat a toute une gamme de relations différentes avec divers syndicats. Nous avons des alliances stratégiques avec certains, nous collaborons avec d'autres et nous fournissons des ressources, qu'il s'agisse de l'utilisation de nos immeubles ou de la collaboration ou de la formation avec d'autres organisations. Là encore, nous ne voyons pas en quoi une aussi large restriction est nécessaire.
Le troisième point que je veux commenter, mais très brièvement, est celui des limites à la portée de la négociation collective prévues dans le projet de loi . Le Comité a déjà beaucoup entendu parler des limites imposées par le projet de loi à la portée de la négociation collective. Je ne vais donc pas insister et je vais me contenter de dire que limiter la portée de la négociation collective comme ce texte le fait, de façon aussi large et envahissante, constitue une atteinte importante, selon nous, aux droits des agents de la GRC garantis par l'alinéa 2d) de la Charte. Pour nous, le projet de loi va trop loin en interdisant de négocier au sujet des mutations, des promotions, des licenciements et des rétrogradations, de la conduite, y compris le harcèlement, des droits fondamentaux à l'égard de l'exercice des fonctions d'un officier et des questions d'équipement.
De plus, bien sûr, le projet de loi limite les résultats de l'arbitrage obligatoire. Nous comprenons et appuyons l'idée que les conventions collectives doivent se régler par arbitrage obligatoire, mais, là encore, le fait que l'arbitre ne puisse se saisir d'une large gamme d'enjeux renforce les contraintes et le risque de dérogation à l'alinéa 2d) de la Charte. Nous soutenons que c'est là une atteinte importante aux droits de négociation collective
La quatrième question que je tiens à signaler est celle des facteurs du régime d'arbitrage obligatoire prévus pour les officiers de la GRC. Ici, le projet de loi prévoit essentiellement que les facteurs déjà définis dans la LRTFP pour guider le conseil arbitral qui doit imposer une convention collective s'appliqueront aussi à l'éventuel syndicat de la GRC.
Plus particulièrement, l'article 148 de la LRTFP, qui a été modifié et appliqué par le gouvernement fédéral précédent, exige que le conseil arbitral tienne compte des facteurs suivants:
a) la nécessité d'attirer et de maintenir au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues afin de répondre aux besoins des Canadiens;
b) la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires énoncées.
Ces dispositions de la LRTFP ont été introduites par le gouvernement précédent, je le répète, et le fait que le gouvernement actuel les ait maintenues dans le projet de loi est inquiétant. Le fait que la loi exige de l'arbitre qu'il accorde une importance prépondérante à ces deux facteurs compromet sensiblement son indépendance et introduit un parti pris intrinsèque dans le processus, essentiellement en exigeant que l'arbitre, au lieu d'agir en toute indépendance, applique ce qui constitue en fait la politique gouvernementale.
Le projet de loi impose une autre contrainte au processus d'arbitrage: le conseil doit tenir compte des « conséquences de la décision sur l'efficacité opérationnelle de la Gendarmerie royale du Canada » en imposant les conditions d'une convention collective.
Cette exigence est unique au projet de loi et n'est imposée à aucun autre employé de la fonction publique fédérale. Étant donné que les membres de la GRC n'ont pas le droit de grève et que les impasses en négociation doivent être résolues par l'arbitrage, le nouveau facteur fausse le processus d'arbitrage de façon inutile et inacceptable, selon nous, en faveur de l'employeur.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les membres et le président du Comité de l'occasion qu'ils me donnent d'aider le Comité à examiner ce très important projet de loi qui confère le droit de syndicalisation et de négociation collective aux membres de la GRC. Il constitue, à sa façon, une étape marquante. Depuis plus de 50 ans, des membres de la GRC, hommes et femmes, s'efforcent de se syndiquer, et les gouvernements en place ont toujours refusé. Le moment est venu, pour les officiers de la GRC, d'exercer leurs droits à la liberté d'association. Voilà pourquoi le projet de loi est très important.
Pour que vous sachiez où je me situe, je dirai que je suis avocat en pratique privée, en droit du travail, et que j'ai eu le grand honneur de représenter au fil des ans de nombreux officiers de la GRC un peu partout au Canada pour des différends dans toutes les provinces, ou divisions, comme on dit à la GRC. Je me suis occupé de questions disciplinaires, d'affaires de promotion, de harcèlement et de dénonciation, d'accidents du travail, de questions d'obligation d'adaptation et d'affaires de discrimination raciale et sexuelle, tout cela dans le contexte de la GRC. Cette expérience me donne une bonne idée, je crois, des recours prévus dans la Loi sur la GRC, qui sont à la disposition de tous les membres. Je voudrais vous donner mon opinion sur ces recours.
Les principaux problèmes que je veux aborder sont les exclusions, dont vous avez beaucoup entendu parler, mais je vais vous donner mon idée là-dessus également et sur le système de griefs prévu dans le projet de loi. L'acheminement des griefs est une question très complexe en ce moment. Est-ce une question disciplinaire? Une question de convention collective, de promotion? Il faut suivre des avenues différentes, ce qui rend les recours très difficiles.
Je peux vous dire que, même avant le projet de loi, c'était l'un des régimes de relations de travail les plus complexes dont j'aie eu à m'occuper. Je représente toutes sortes de travailleurs du secteur public fédéral et de partout, de tous les ministères imaginables. Je représente des agents du SCRS, du CSTC... J'ai donc une petite idée, et je peux dire que la Loi sur la GRC est déjà très complexe.
La dernière question est celle de l'indemnisation des travailleurs. J'ai des opinions à ce sujet et je voudrais vous en faire part. J'allais l'aborder en dernier, mais je vais plutôt commencer par là, puisque les autres témoins ont beaucoup parlé des exclusions.
En ce moment, comme d'autres exposés vous l'auront appris, les membres de la GRC ont droit à leur pleine rémunération lorsqu'ils sont en congé de maladie, peu importe la cause. Qu'il s'agisse d'un accident en milieu de travail ou d'une maladie quelconque, ils ont leur plein salaire. Le projet de loi propose, à l'article 40, de confier tous les membres de la GRC aux différends régimes d'indemnisation provinciaux de tout le Canada.
Disons une chose tout de suite. Si vous apportez des modifications au projet de loi ou recommandez des modifications, c'est à ce sujet qu'il faut le faire. Cela ne tient pas debout, et voici pourquoi.
J'ai revu ce que les ministres vous ont dit la semaine dernière: les approches des diverses provinces sont raisonnablement uniformes et il n'y a pas de grandes différences entre elles. Ils vous ont dit aussi que ce système semble bien fonctionner pour les fonctionnaires fédéraux, qui sont régis par les régimes provinciaux d'indemnisation en fonction de la province où ils travaillent.
La GRC est très différente, pour trois raisons.
Premièrement, les officiers de la GRC ont plus de travail physique à faire que d'autres employés fédéraux de la fonction publique et ils sont plus exposés aux accidents de travail. Nous pouvons tous le comprendre.
Deuxièmement, la mobilité est inhérente au travail des officiers de la GRC. Ils sont affectés à des postes un peu partout au Canada et sont réaffectés à divers endroits à répétition. Bien des officiers de la GRC, en seulement 20 ou 25 ans de service, ont travaillé dans deux ou trois provinces, parfois plus, au cours de leur carrière. C'est fort différent de la situation des fonctionnaires fédéraux, qui travaillent le plus souvent à un seul endroit toute leur vie et qui, de surcroît, peuvent exercer des choix. Si vous postulez un emploi à Ottawa dans n'importe quel service, par exemple l'ARC, ou au ministère des Pêches et des Océans à Vancouver, vous savez quel sera votre régime d'indemnisation.
L'officier de la GRC n'a pas le droit de choisir son lieu de travail et il ne sait pas quel sera son régime d'indemnisation. Il peut être déplacé, et c'est le cas d'un grand nombre d'entre eux, dans diverses provinces pendant toute sa carrière. Ce sont des conditions de travail fondamentalement différentes de celles des fonctionnaires fédéraux, et c'est pourquoi la mesure proposée est injuste.
Voici la troisième et dernière raison de retirer ces dispositions du projet de loi: la fluctuation de la couverture au Canada. C'est un assemblage hétéroclite. Il n'y a pas d'uniformité raisonnable.
Les régimes d'indemnisation des accidentés prévoient une couverture maximale. Les travailleurs sont protégés à hauteur d'un certain niveau de revenu, et ce niveau varie beaucoup: de 51 000 $ de revenu annuel à l'Île-du-Prince-Édouard à 119 000 $ au Manitoba.
Un gendarme au sommet de l'échelle gagne 82 000 $ par année. Seulement trois des 10 provinces couvriraient l'intégralité du revenu de ce gendarme s'il se blesse au travail et doit s'absenter. Un exemple frappant... Comme je suis originaire de la Saskatchewan, j'aime toujours les exemples qu'on peut tirer de cette province. Ils sont très instructifs pour le Canada. Comme vous êtes nombreux à le savoir, Lloydminster est à cheval sur la ligne de démarcation entre l'Alberta et la Saskatchewan. C'est une ville fascinante pour une foule de raisons, mais elle a aussi deux détachements de la GRC, à deux kilomètres l'un de l'autre: l'un sur la 47e avenue, en Saskatchewan, et l'autre sur la 44e rue, en Alberta.
En Saskatchewan, la couverture maximale pour ce membre de la GRC est de 54 000 $ par année. En Alberta, elle est de plus de 90 000 $. Il pourrait très bien arriver qu'un incident très grave se produise et que des officiers des deux détachements soient appelés à un certain endroit. Un accident terrible se produit et deux agents sont blessés. Si vous faites relever ces agents des régimes provinciaux d'indemnisation, ces deux agents qui travaillent côte à côte, pour le même incident, ne recevront vraiment pas la même chose. Celui qui est affecté au détachement de la Saskatchewan va recevoir, si je calcule approximativement, environ 1 000 $ de moins par mois que son collègue affecté dans l'autre province.
Je tenais à souligner ce fait. C'est une mauvaise idée, et elle est injuste pour les membres de la GRC. Au strict minimum, c'est une très mauvaise idée d'apporter cette modification au moment où il y aura syndicalisation et où une association voudra discuter de la question avec l'employeur et négocier.
Je passe aux autres points que je voulais aborder en commençant par les exclusions. On vous en a beaucoup parlé. Je ne vais traiter que des points qui me paraissent les plus importants, soit les promotions et les transferts, et les affaires de harcèlement. Ces exclusions ne sont pas seulement un gros problème à cause de l'absence d'une négociation collective libre et sérieuse, mais aussi parce que les membres sont ainsi poussés vers un système de recours très complexe. Dans de nombreux cas, lorsqu'on exclut ces questions de la négociation collective, les membres n'ont pas droit à un arbitrage indépendant.
Aux termes de l'article 31 de la Loi sur la GRC, il faut recourir aux mécanismes internes de règlement des griefs. Il y a des arbitres, mais ce sont des officiers brevetés, un surintendant ou un surintendant principal. Lorsque le grief porte sur les actes d'un sous-commissaire ou d'un commissaire — et je m'occupe le plus souvent des affaires assez sérieuses comme celles-là —, il faut s'adresser au surintendant principal et lui demander d'annuler telle décision de tel commissaire. On ne peut pas obtenir gain de cause très souvent.
Le texte législatif est ainsi conçu que seules les questions relevant de la convention collective seront soumises à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Ajoutons à cela toutes les exclusions et il faut conclure que cette commission ne sera saisie que des questions de rémunération et d'indemnisation. Certaines des conditions de travail les plus importantes pour les membres de la GRC ne feront pas l'objet d'un arbitrage indépendant. C'est là un gros problème, à mon avis.
À propos des promotions... Les examens et études des 20 dernières années ont conclu les unes après les autres que les membres de la GRC estiment que le système de promotion de la GRC manque de transparence et d'équité. Le rapport Brown de 2007, Rétablir la confiance, disait « qu'on juge presque à l'unanimité (le système de promotion) inefficace, injuste et opaque. »
Le rapport Brown de 2007 citait l'arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire APMO.
La GRC a rédigé elle-même un autre rapport récemment, Examen comparatif entre les sexes, publié en 2012. Elle a fait un examen et mené un sondage auprès des membres, qui ont dit que l'un de leurs plus graves problèmes était « un processus de promotion qui manque d'équité et de transparence. » Pourtant, les processus de promotion restent complètement en dehors de la négociation collective ou du système d'arbitrage indépendant des griefs auquel les membres auraient droit auprès de la CRTEFP. Ils doivent continuer de porter leurs griefs plus haut.
Les promotions sont perçues, d'après mon expérience qui s'échelonne sur des années, comme des récompenses pour ceux qui appartiennent à un club, à ceux qui sont vus comme loyaux, à ceux qui appartiennent à certaines cliques qui acquièrent de l'influence dans la force. Et je dirai honnêtement que, si vous amenez n'importe quel membre, et même un officier breveté prendre un café ou une consommation et si vous lui posez la question, il dira la même chose: c'est comme ça que ça marche.
Les promotions dépendent de la loyauté plus que de quoi que ce soit d'autre, et non de l'équité ou du mérite.
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Il est probable que la raison de certaines de ces exclusions, comme celles concernant les mutations, est que la GRC souhaite demeurer une organisation paramilitaire. Si on vous dit que vous êtes en affectation à un poste de première ligne ou dans une collectivité éloignée, c'est là que vous allez. Nous avons besoin d'effectifs à cet endroit-là. Nous ne voulons pas de réplique. Voilà ce qui se passe.
Je suis d'avis que c'est la raison, mais je ne crois pas que ce processus devrait susciter des craintes au sein de la GRC. Par exemple, voici à quoi pourrait ressembler une clause de convention collective. La GRC pourrait déclarer que, dans le cas d'une affectation d'un membre, elle tiendra compte des intérêts du membre, de ses aspirations professionnelles et des questions touchant sa famille. Toutefois, en raison d'exigences opérationnelles, le membre pourrait être envoyé en affectation à n'importe quel endroit, en fonction des besoins de l'organisation. Dans ce contexte, si vous êtes sur le banc des punitions... Les gens se souviennent d'une des premières remarques du commissaire Paulson concernant le harcèlement.
C'est pourquoi je soulève ce point. Si les griefs ne peuvent être tranchés par un arbitrage indépendant, ces affectations pourraient être utilisées pour harceler des personnes, finalement. Vous pourriez déposer un grief et refuser en disant il n'y a aucune raison pour vous de rejoindre cette affectation, et demander quelle exigence opérationnelle cela justifie. Ensuite, la GRC devrait fournir des éléments de preuve et montrer à un décideur indépendant qu'il existe des exigences opérationnelles, qu'il n'y a que ce nombre de personnes à tel endroit et il y a ce nombre à tel autre endroit, qu'il manque de personnel à un endroit et que cette personne doit être envoyée en affectation là-bas. Si les responsables peuvent faire cela, tant mieux, ils gagnent le grief. S'ils ne réussissent pas, et si le cas donne à penser d'une certaine façon qu'un officier tente d'exercer un contrôle sur ce membre, de le traiter de façon inéquitable ou de le reléguer au banc des punitions, alors les arbitres en relations de travail peuvent déceler rapidement ce genre de choses. Ils cerneraient la situation et refuseraient; ils diraient qu'il s'agit d'une affectation qui n'est pas équitable et que cette personne ne doit pas être affectée à l'endroit en question.
Voilà la façon dont je crois que ce type de grief serait réglé. De toute évidence, la prérogative de la direction quant aux affectations et la compréhension des exigences opérationnelles de la GRC seraient essentielles ou de première importance. Je persiste à croire que le droit de déposer des griefs, ou au moins de négocier collectivement les éléments qui y seraient liés, demeure quelque chose que la GRC ne devrait pas craindre.