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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de m'avoir invité aujourd'hui à prendre la parole dans le cadre de votre étude du projet de loi .
Je dois admettre que c'est une nouvelle expérience pour moi. J'ai déjà comparu devant le Comité, mais c'était toujours en tant que représentant d'un ministère du gouvernement. C'est la première fois que je comparais à titre personnel. Je vais vous présenter une très courte déclaration préliminaire et je serai ensuite heureux de répondre aux questions du Comité.
Je sais bien sûr que, dans le cadre de vos délibérations, vous avez déjà rencontré un certain nombre de témoins, y compris des experts de divers domaines, qui se sont pour la plupart dits favorables à la création d'un comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Permettez-moi d'exprimer moi aussi mon appui en affirmant que j'accueille positivement cet important ajout au sein de notre architecture d'examen de la sécurité nationale.
Je crois savoir que, dans son témoignage, le
a mentionné que ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble plus général de modifications nécessaires à notre cadre de sécurité nationale. En fait, les consultations que tient actuellement le gouvernement sont susceptibles d'entraîner un important débat public sur les capacités d'enquête, la protection des renseignements personnels et la responsabilité.
L'examen est bien sûr un élément critique de cet écosystème complexe. À de nombreux égards, le projet de loi marquera le début d'un débat plus général, et le comité des parlementaires, une fois sur pied, aura un rôle important à jouer pour définir l'avenir de la sécurité nationale au Canada.
Comme de nombreuses personnes l'ont dit, la version actuelle du projet de loi n'est pas parfaite. Vous avez déjà reçu des conseils utiles sur la portée du mandat, les exceptions et les exemptions, la coordination et d'autres clauses critiques.
Par conséquent, tandis que je comparais aujourd'hui, j'estime que le plus utile pour moi sera de formuler des commentaires du point de vue de quelqu'un qui a fait l'objet d'examens pendant 24 ans au SCRS. Bien sûr, j'apporte aussi le point de vue d'un dirigeant pendant un certain nombre d'années de l'Agence des services frontaliers du Canada, une organisation dont l'apparente absence de structures d'examen externe a suscité certaines critiques.
Par conséquent, je veux seulement porter deux enjeux à l'attention du Comité cet après-midi.
Le premier enjeu est en fait une question au sujet de la proposition de valeur pour les Canadiens. De quelle façon ce comité se différenciera-t-il des mécanismes actuels et de quelle façon définira-t-on la réussite dans quelques années?
Certains diront que le simple fait de créer ce nouveau comité est déjà un grand pas en avant. Peut-être, mais, selon moi, l'important, c'est moins de créer un nouvel organisme d'examen que de créer un nouveau mécanisme de responsabilisation, de transparence et de soutien. En fait, plus d'examens ne signifiera pas nécessairement que les examens sont de meilleure qualité, sauf si le comité comprend sa proposition de valeur et n'en déroge pas d'un poil.
Dans sa version actuelle, l'article 8 du projet de loi confirme l'objectif du comité de permettre un niveau accru de responsabilité et d'augmenter la confiance du grand public. Dans un témoignage précédent, Craig Forcese a souligné avec justesse que le Canada — contrairement au Royaume-Uni — n'a pas un bilan solide de responsabilisation à l'égard des événements, à part dans le cadre des rares comités d'enquête au cours des 10 dernières années. Je crois qu'il a raison, et que le nouveau comité permettra de combler cette importante lacune, particulièrement en raison de sa vaste portée horizontale.
Cependant, il ne faut pas oublier que la responsabilité s'applique également aux ministères et aux ministres, ce qui doit encadrer votre évaluation d'éventuelles modifications de l'article 16 du projet de loi.
Dans un même ordre d'idées, j'éviterais de céder à la tentation de dresser une liste des organisations qui relèveront du comité et je laisserais plutôt les éléments de preuve montrer le chemin, comme l'a suggéré le ministre .
Un élément crucial de la proposition de valeur doit aussi être ce que j'appelle le « soutien ». Un comité composé de parlementaires qui font preuve de maturité et d'expérience sera extrêmement utile pour déterminer si nos organismes responsables de la sécurité nationale ont les outils et les ressources appropriés pour assurer la sécurité des Canadiens.
Tandis que l'alinéa 8a) mentionne plusieurs éléments administratifs que le nouveau comité pourrait examiner, on ne mentionne pas le rendement, l'efficacité ou le caractère adéquat. Il n'est peut-être pas nécessaire de le mentionner explicitement, tant qu'on comprend implicitement cet aspect du mandat du comité.
Même si les organismes ne feront pas obstacle à une surveillance plus rigoureuse, ils apprécieront l'occasion qui leur est donnée d'expliquer leurs défis à un interlocuteur critique, mais réceptif, dont les points de vue peuvent définir les politiques en matière de sécurité nationale.
La proposition de valeur du comité est résumée dans les deux alinéas de l'article 8, qui précisent ce dont il s'agit sans vraiment en donner la raison d'être. Plus de précisions à cet égard seraient bénéfiques pour la plupart des intervenants et le seraient aussi pour les membres du nouveau comité, lorsqu'ils tenteront de se positionner.
Le deuxième enjeu que je veux aborder — et c'est l'aspect qui me préoccupe le plus —, c'est l'absence d'une architecture d'examen générale bien définie et la simplicité de la version actuelle de l'article 9. Franchement, je vois là un risque important, un risque qu'il ne faut pas laisser peser sur les comités d'examen qui prennent des mesures raisonnables pour travailler en coopération. Il ne fait aucun doute que la majeure partie des examens des organismes continueront à être réalisés par les organismes d'examen actuels.
Comme un autre témoin l'a dit — si je ne m'abuse, c'était Ron Atkey —, le nouveau comité ne viendra pas remplacer la tenue d'examens détaillés. La relation entre les organismes d'examen — leur complémentarité, leur hiérarchie, le cas échéant, et leur lien de dépendance — doit être clairement définie.
Une harmonisation insuffisante en ce qui a trait à l'accès ainsi que l'incapacité des organismes d'examen actuels de suivre une piste horizontale crée inévitablement de la friction. Toute confusion, particulièrement les dédoublements, la redondance et le manque de coordination, aura de toute évidence un impact sur les organismes faisant l'objet d'un examen. Même si ces problèmes peuvent se régler d'eux-mêmes au fil du temps, il y a un réel risque que la capacité opérationnelle soit minée tandis que les organismes d'examen font valoir leur mandat respectif sans qu'il y ait de mécanisme d'arbitrage. Le gouvernement devrait probablement réexaminer les rôles et les mandats de chaque organisme, y compris ceux des comités parlementaires et sénatoriaux dont le mandat concerne la sécurité nationale et la protection civile.
En conclusion, le point de vue consensuel au sein du SCRS, c'était que l'existence du CSARS, depuis sa création, en 1984, avait, au bout du compte, permis d'améliorer le Service. Dans l'environnement de menaces d'aujourd'hui, vu les percées rapides dans les technologies, la diminution des capacités d'enquête et les pressions pour accroître la transparence et la responsabilité, ce nouveau comité de parlementaires doit rapidement trouver un juste équilibre entre des intérêts qui, à première vue, semblent contradictoires. Au bout du compte, sa valeur sera mesurée en fonction de sa contribution à l'amélioration de la sûreté et de la sécurité du Canada.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité. Je suis heureux d'être ici.
Plus particulièrement, je veux aborder la question avec vous du point de vue d'un avocat spécial — ce en quoi consiste une partie de ma pratique — relativement au projet de loi, le projet de loi . Ce texte législatif est crucial pour que le public ait confiance entre notre système du renseignement de sécurité.
C'est ce qu'a dit le commissaire Paulson le 1er novembre, lorsqu'il a affirmé qu'il était essentiel à la réussite de la GRC et à la réalisation de sa mission qu'elle jouisse de la confiance des Canadiens envers sa capacité de faire son travail. Michel Coulombe a dit la même journée qu'il était important de permettre une « discussion plus éclairée » afin que les gens comprennent « le contexte de menace au chapitre des renseignements classifiés ».
Quelle est la menace? Quelles sont les lacunes dans les outils auxquels nous avons accès? De l'ASFC, nous avons entendu que la confiance est absolument essentielle. Le CST a formulé des commentaires similaires et le centre a ajouté, plus précisément, que cela donnera au comité, notamment, une belle occasion pour le milieu de la sécurité du renseignement de parler d'une seule voix. En outre, le comité aura la possibilité de jeter un regard stratégique sur la communauté dans son ensemble.
Les gens estiment que ce comité pourrait combler ce que j'appelle un déficit de confiance... éventuellement. Il y a un déficit de confiance actuellement, et nous le savons en raison d'un certain nombre de décisions rendues par nos tribunaux au sujet du comportement de la GRC, du comportement du SCRS. Et, plus récemment, c'est ce qui a permis de constater le jugement du juge Noël, qui a dit ce qui suit:
[…] concernant l’obligation de franchise du SCRS, la Cour a conclu que le SCRS avait l’obligation, depuis 2006, de pleinement informer la Cour de l’existence de son programme de collecte et de conservation de données connexes. Le SCRS avait également l’obligation d’expliquer à la Cour exactement en quoi consistait ce programme. Le fait qu’il n’a rien dit [avant 2016] constitue un manquement à son obligation de franchise.
Selon moi, on ne peut pas avoir une situation où un organisme de renseignement ne dit pas ce qui se passe au tribunal pendant 10 ans. Ce comité pourrait, s'il est mis sur pied de façon appropriée, en faire déjà beaucoup pour combler ce déficit de confiance. Comment pouvons-nous y arriver?
Vous avez entendu mon collègue Kent Roach et M. Forcese. Ils ont cerné les trois composantes du processus général d'examen lié à la sécurité, le comité de parlementaires étant l'une de ces composantes. Une autre était la création d'un organe d'examen consolidé et amélioré composé d'experts, et vous avez entendu leur témoignage à ce sujet. Vous avez aussi entendu leur témoignage sur le besoin de créer un contrôleur indépendant des lois sur la sécurité nationale, fondé sur le modèle britannique ou australien. Cependant, aujourd'hui, je veux vous parler de trois aspects fondamentaux du projet de loi. Il y a trois composantes que, selon moi, vous devriez envisager. La première, c'est ce que j'appelle l'architecture du projet de loi. L'autre concerne les personnes qui seront membres du comité, et la troisième, le soutien dont doit bénéficier le comité.
Permettez-moi de commencer par l'architecture du projet de loi. De nombreux éléments qui figurent dans ce projet de loi ont jugé problématiques par des personnes ont témoigné devant vous. Ce qui est le plus frappant, de mon point de vue en tant qu'avocat spécial, c'est le fait qu'on peut refuser de fournir certains renseignements à ce comité habilité au niveau « très secret ». Nous avons ce genre de problèmes dans des causes de certificat de sécurité depuis le début, où le service ne nous a pas fourni l'information à laquelle nous avions droit. Il a fallu se rendre jusqu'à la Cour suprême dans les dossiers Harkat et Charkaoui numéro deux pour obtenir l'information appropriée.
Ce genre — comment dirais-je — d'approche passive agressive du Service ne peut pas être acceptable en présence de ce comité. Les membres de ce comité, ceux d'entre vous qui en feront peut-être partie, bénéficieront d'une habilitation au niveau « très secret ». On peut vous fournir cette information en toute confiance. Ce n'est absolument pas différent de ce qu'a dit la Cour suprême du Canada dans le dossier Harkat au sujet des avocats spéciaux. La Cour a dit: « Les avocats spéciaux [...] ont la capacité de faire la différence entre [les renseignements] publics et confidentiels ». Elle a ajouté que « le juge devrait adopter une approche libérale lorsqu’il est question d’autoriser les communications ». En d'autres mots, on peut faire confiance aux avocats spéciaux. On peut aussi faire confiance aux membres du comité.
Quelle est la différence, franchement, si vous êtes du côté du gouvernement à la Chambre et que vous êtes membre de ce comité, puis, une semaine plus tard, le premier ministre vous nomme ministre de la Sécurité publique? Le jour avant que cela ne se produise, vous n'avez accès à rien, et le lendemain, c'est bar ouvert. Mais vous êtes la même personne: vous êtes capable de garder un secret.
Selon moi, cette notion selon laquelle le ministre et ces organismes peuvent refuser de donner des renseignements à ce comité devrait être rejetée.
Je peux citer l'exemple donné par Michel Coulombe dans son témoignage. C'est intéressant, parce que les questions qui lui ont été posées concernaient l'« atteinte à la sécurité nationale ». L'exemple qu'il a donné était de nature très opérationnelle. À titre d'information, le passage est tiré de la réunion du 1er novembre. À la page 17, il a dit ce qui suit:
Je pourrais fournir un exemple.
[…] Prenons par exemple ce qui est arrivé le 10 août. Si cela avait duré trois ou quatre journées et qu'il s'était agi d'une enquête antiterroriste — à un rythme accéléré avec beaucoup de ressources impliquées — et qu'il avait fallu affecter des ressources pour transmettre des documents au comité, cela aurait eu un effet de distraction sur l'opération […]
Je suis d'accord. Au beau milieu d'une opération, la dernière chose qu'on veut, c'est d'avoir à interagir avec un comité d'examen. Le rôle du comité d'examen, c'est de regarder ce qui s'est passé, alors je n'ai aucun problème avec le fait de retarder la communication de renseignements pour des raisons opérationnelles, mais le critère, cette notion d'« atteinte à la sécurité nationale » a une signification précise en droit, et elle est plus générale que cela. De plus, elle s'applique lorsqu'une opération est terminée.
Ce peut être pour protéger des agences étrangères. Ce peut être pour protéger des sources. Une des tâches du Comité pourrait être de poser des questions sur la gestion des sources par le service et le caractère approprié de ce traitement, et vous devriez pouvoir le faire. Il y a une différence entre ce que vous apprenez derrière des portes closes... et ce que vous mettez dans un rapport public. Selon moi, les parlementaires — ceux qui sont habilités au niveau « très secret », sont capables de faire cette distinction, tout comme les avocats spéciaux.
Le prochain point que je veux aborder, c'est la question des personnes qui feront partie de ce comité. Croyez-moi, ce n'est pas un travail prestigieux. J'ai participé à beaucoup de ce genre de dossiers liés à la sécurité nationale, tant du côté du SCRS que relativement aux accréditations de sécurité et lorsque j'ai été avocat auprès de la Commission durant les travaux sur la tragédie de Air India. C'est dur, c'est laborieux et il faut avoir une attitude particulière pour pouvoir regarder tout ça de près, puis prendre du recul. Lorsque vous choisirez les membres du comité, vous avez besoin de ce genre de personnes, des personnes rigoureuses, qui font preuve de diligence et qui ont une aptitude pour ce qui est selon moi du travail non prestigieux et plutôt intellectuel.
Passons enfin à la question du soutien dont bénéficiera le comité. C'est une question cruciale. Ce comité de parlementaires ne peut pas faire son travail sans un secrétariat approprié, et je le crois vraiment. Vous êtes toutes des personnes occupées. Vous avez d'autres choses à faire. Vous avez vos électeurs. Vous avez plein de choses qui se passent en même temps. Vous devez pouvoir vous appuyer sur un secrétariat qui vous informera de façon appropriée et qui vous dira quelles pierres retourner, pour le dire de façon populaire.
Comment y arriver? Eh bien, vous avez besoin pour ce secrétariat — je crois bien que c'est ainsi qu'on l'appelle — d'un directeur compétent et hautement qualifié, puis vous devez embaucher les bonnes personnes. Comment choisir les bons employés? Ce ne peut pas être des avocats du gouvernement — évidemment — alors vous choisissez des gens qui ont relativement peu d'expérience, mais de bonnes compétences, qui sont habilités au niveau « très secret », pour faire ce que j'appelle le sale boulot. Puis, je vous suggère de trouver deux ou trois avocats principaux qui sont aussi habilités au niveau « très secret » et qui peuvent diriger les enquêtes, leur donner orientation et forme. En outre, vous devez vous assurer que vos employés font ce que vous leur demandez de faire.
Puis, vous serez informés. Je ne crois pas qu'il soit approprié pour les avocats d'interroger les témoins. Je crois que ce sont les membres du comité qui devraient le faire. Vous serez informés, puis vous prendrez vos décisions stratégiques quant à savoir ce que vous voulez examiner. Il y aura peut-être 10 dossiers, et vous déciderez d'examiner les quatre premiers, mais vous aurez été informés par des experts et vous pourrez donner suite aux questions.
Le plus important, c'est que vos travaux ne seront pas détournés par les agences. Vous ne vous laisserez pas faire. C'est une préoccupation majeure, parce qu'elles viendront et elles vous parleront du niveau de menace et de tout ce qu'elles doivent faire. Vous devez vous protéger. Vous accepterez peut-être une partie de ce qu'elles vous diront, mais pas toujours, mais vous devez faire preuve de scepticisme dans le cadre de vos examens. Vous pouvez vous rappeler ce que le juge Noël a dit au sujet du manquement à l'obligation de franchise pendant 10 ans. Ce genre de choses peut se produire, mais vous pouvez y mettre un frein. Vous pouvez régler ce déficit de confiance du public.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être là.
Monsieur Portelance, je vous remercie de votre travail au sein de notre fonction publique. C'est bien que vous soyez ici à titre personnel, vous pouvez ainsi parler librement et sans contraintes.
Je veux poursuivre pas mal dans la direction que vous avez tous les deux empruntée, pour voir si vous pouvez aider le Comité à réunir un certain nombre d'intentions, d'idées et de notions différentes évoquées au cours des témoignages que nous avons entendus, ici.
Je veux commencer par le paradigme du ministre , c'est-à-dire, essentiellement, que nous garantissons aux membres du public le respect des droits garantis par la Charte qu'ils chérissent et nous veillons à leur sécurité, et ce qui nous préoccupe, si je peux le dire ainsi, c'est la tension fondamentale entre ces deux éléments équilibrés.
Vous avez tous les deux parlé de la confiance du public à l'égard du gouvernement. Je crois vraiment que c'est l'essentiel de la valeur qu'ajoute ce comité, mais, en même temps, il faut protéger l'efficience du processus et offrir un bon niveau de sécurité. Pour ces deux raisons, le public soutiendra ou rejettera ce comité.
Nous avons beaucoup parlé de l'élimination des chevauchements entre les organismes d'examen et on en a beaucoup entendu parler durant les témoignages. Cet organisme serait tout nouveau au sein du processus, et il devra trouver sa propre voie culturelle.
Monsieur Kapoor, vous avez parlé avec justesse de la façon d'y arriver et de la façon de prévenir le détournement de la réglementation. Je crois que c'est une composante très importante, et j'aimerais que vous nous en parliez un peu plus.
Des témoins nous ont aussi parlé de la tension entre les experts et les parlementaires. Le président lui-même a souligné que bon nombre de ces genres de comités sont composés d'anciens parlementaires, alors peut-être sous-estimons-nous le rôle que jouerait un parlementaire une fois nommé à ce comité. Il aura peut-être une plus grande expertise que nous l'imaginions. J'aimerais que vous nous en disiez tous les deux un peu plus à ce sujet.
En dernier lieu, il y a la question du niveau d'accès et du niveau d'examen. Je crois que bon nombre d'entre nous estiment que nous devrions au moins avoir un accès général et de grande envergure, mais il y a aussi la question du niveau d'examen. Et qu'en est-il des exemptions qui sont créées? Et qu'en est-il de la définition d'« atteinte à la sécurité nationale »?
Je veux vous renvoyer ces tensions pour voir si vous pouvez nous expliquer — grâce à un exercice de pensée — de quelle façon ce comité pourrait fonctionner s'il était mis sur pied demain. J'aimerais aussi que vous nous précisiez chacun quelles sont, selon vous, les lacunes fondamentales qu'il faut vraiment combler dans le cadre du processus que nous réalisons actuellement ici.
Des voix: Oh, oh!
M. Luc Portelance: Je vais essayer de répondre en vous expliquant ce que vous pourriez faire dès le premier jour.
L'une des questions intéressantes, c'est la comparaison avec le Royaume-Uni et les États-Unis et certains des mécanismes d'examen actuels dans ces pays. Je crois que vous constaterez, surtout au Royaume-Uni et aux États-Unis, qu'il y a une longue tradition de ce genre d'examens de surveillance, une maturité, et qu'on constate un genre de passation des pouvoirs d'une ère à l'autre, qu'on parle de parlementaires ou de membres du congrès, peu importe le terme utilisé.
Je prévois que, dans un premier temps, ce comité précis tentera tout simplement de s'éduquer. Je crois qu'il lui faudra un certain temps pour y arriver. Ce processus devra être structuré et réfléchi, et je crois qu'Anil en a parlé. Le comité ne commencera pas tout de suite son travail d'enquête dès sa mise sur pied. Je dirais que le comité tentera de déterminer où est la valeur ajoutée, en déterminant quel est le plan de match du CSARS et de certains autres comités d'examen. Je comprends qu'il n'y a pas vraiment de mécanismes permettant d'harmoniser tout cela, mais les premiers jours seront consacrés à l'éducation, l'apprentissage et la détermination des prochaines étapes.
L'une des choses qu'il faut se demander, c'est s'il est préférable de définir dès aujourd'hui la relation entre les organismes d'examen pour définir la valeur ajoutée ou s'il est préférable d'attendre que tout cela se fasse de façon organique, et c'est ce qui a été recommandé si je ne m'abuse. Je suis un peu entre deux chaises à ce sujet. J'aimerais qu'on utilise le texte pour forcer une certaine coopération, parce que ma crainte serait que ça devienne la petite chose brillante, vous savez, ou, en d'autres mots, l'enjeu du jour. Comme Michel Coulombe l'a mentionné, il faudrait peut-être réunir le CSARS, d'autres comités parlementaires et ce nouveau comité parlementaire, et, soudainement, tout le monde regarde dans la même direction.
Selon moi, il faut définir une certaine hiérarchie d'examens. C'est un peu ce qu'avait dit Anil. Il faut beaucoup de ressources et d'expertise pour mener efficacement des examens, parce qu'il faut comprendre l'environnement, il faut savoir où regarder et il faut avoir les bonnes conversations.
Il faudra un certain temps pour que ce comité atteigne vraiment ce niveau de maturité. Entretemps, quels genres de relations peuvent exister avec des organisations comme le CSARS, ces organisations qui continuent de réaliser la majorité des examens, et de quelle façon le nouveau comité se positionnera-t-il, peut-être, de façon plus stratégique?
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Je crois qu'il faut accroître la confiance du public à l'égard des activités de l'ASFC. J'ai formulé deux ou trois commentaires à ce sujet.
Souvent, les gens incluent l'ASFC dans une conversation sur le SCRS, la GRC et le CSTC. La première chose qu'il faut comprendre, c'est que l'ASFC n'est pas ce que j'appellerais une organisation de sécurité nationale de premier niveau. Elle ne recueille pas de renseignements. Elle ne génère pas de renseignements. Elle utilise les renseignements produits principalement par le SCRS, la GRC et ainsi de suite.
Lorsqu'on regarde bien l'ASFC, on constate qu'il y a un certain nombre d'organismes d'examen et de surveillance et ce genre de choses. Lorsque je suis passé du CSRS à l'ASFC en 2008, la différence la plus frappante, c'était l'exposition publique aux activités de l'Agence. On ne peut absolument rien cacher du point de vue de l'AIPRP, parce que, franchement, ça ne respecte pas les critères. Tout ce qu'on fait est assez exposé.
Je crois que le seul domaine sur lequel il pourrait être approprié de se pencher, c'est tout ce qui touche les plaintes du public. Les plaintes du public qui sont actuellement générées font l'objet d'enquêtes internes au sein de l'Agence. J'ai toujours cru qu'une organisation comme la Commission des plaintes du public contre la GRC serait un genre d'organisme d'examen approprié, mais je crois que la bonne façon de le faire, c'est de regarder tout ce que fait l'ASFC et de vraiment cibler un domaine.
Le dernier point que j'aimerais soulever, c'est que certaines des initiatives que j'ai vues dans le passé rapprochaient beaucoup, d'un point de vue organisationnel, l'ASFC d'une entité comme le CSTC et y associaient ce même genre d'exigences en matière d'examen. Ce n'est tout simplement pas le cas. Il ne s'agit pas d'une organisation de sécurité nationale de premier niveau.
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De façon générale, si on réfléchit à la création du comité, eh bien ce nouveau comité viendra s'ajouter à ce que nous pouvons appeler une architecture qui est déjà en place depuis assez longtemps. De toute évidence, le CSARS fonctionne d'une certaine façon depuis maintenant plus de 30 ans.
Je crois que la question a été abordée lorsque des représentants du CSARS ont comparu devant le Comité. Au bout du compte, le CSARS est dirigé par un président à temps partiel, des membres à temps partiel et du personnel professionnel. Cela ressemble à la structure du nouveau comité parlementaire: des membres à temps partiel appuyés par du personnel professionnel.
Si on réfléchit à ce nouveau comité et à ce que les organismes d'examen actuels font, tout cela est fait sans tenir compte des autres choses qui pourraient bien se produire dans l'environnement d'examen. On suit des pistes. Par exemple, la capacité pour certaines de ces organisations de poursuivre leurs examens au-delà des murs de l'organisation dont elle a la responsabilité est un problème dont on parle depuis des années. La Commission sur la tragédie d'Air India l'a mentionné. Je crois que c'est un problème fondamental.
Si nous greffons ce nouveau comité sans définir une architecture permettant de nous assurer qu'il y aura une certaine coordination et une certaine collaboration... Le dernier point que je formulerais, c'est que, à une certaine époque, il y avait deux organismes d'examen qui se penchaient sur les activités du SCRS: l'inspecteur général et le CSARS. Le poste d'inspecteur général a été éliminé il y a quelques années, mais je peux vous dire que, lorsque je menais des opérations pour le SCRS, il n'était pas inhabituel que ces deux intervenants se penchent sur les mêmes enjeux. La coordination semblait être une responsabilité qui revenait au SCRS, parce que les deux organismes d'examen disaient: « nous avons un mandat et nous ferons ce que nous voulons ».
Une de mes craintes, ce serait le retour de ces genres d'activités redondantes ou non coordonnées entre les entités. C'est ce que je voulais dire lorsque je parlais d'une architecture.
[Français]
L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui regroupe 36 000 juristes, dont des avocats et avocates, des notaires, des professeurs de droit ainsi que des étudiants et étudiantes en droit dans l'ensemble du Canada.
Les principaux objectifs de l'Association comprennent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Le mémoire qui a été fourni au Comité a été préparé par les sections du droit de l'immigration, du droit pénal, de la taxe à la consommation, des douanes et du commerce, du droit militaire ainsi que du droit de la vie privée et de l'accès à l'information de l'ABC.
[Traduction]
Comme en témoigne le nombre important de sections de l'Association du Barreau canadien ayant pris part à la préparation de ce mémoire, les préoccupations liées à la sécurité nationale dans le contexte juridique sont larges. Nous appuyons de façon générale la création d'un comité parlementaire investi d'un mandat relatif à l'examen et à la surveillance de la sécurité nationale; cela dit, il importe d'envisager la chose dans le contexte du cadre global et du cadre existant.
Il y a encore des lacunes ou des problèmes majeurs, et nombre de ces discussions se déroulent dans le contexte du livre vert. Il est un peu difficile, d'une certaine façon, de formuler des commentaires sur la composition actuelle du comité sans être au courant de la vision globale du cadre de mécanismes de surveillance de la sécurité nationale.
Le rôle du comité aurait deux volets, et ce qu'il importe de retenir à l'égard de ces deux aspects [Note de la rédaction: difficultés techniques] les représentants qui siègent au comité en ce qui concerne les parlementaires eux-mêmes. Le deuxième aspect concerne le cadre institutionnel. Comme les parlementaires ne sont pas des experts de longue date — ou, du moins, les membres du comité ne seraient pas tous des experts de longue date — ni ne se consacreraient à temps plein à l'examen, la définition des aspects institutionnels du comité d'examen parlementaire est de toute évidence importante. Il importera également de financer convenablement les activités du comité afin qu'il puisse compter sur le savoir institutionnel et les capacités requises pour réaliser son mandat.
Je vais vous présenter mes observations sur le mandat ainsi que sur les outils qui sont à la disposition du comité.
En ce qui concerne le rôle du comité, les parlementaires qui siègent au comité s'intéresseraient aux enjeux globaux et généraux touchant l'infrastructure de sécurité nationale, envisagés sous l'angle des politiques et du droit. À notre avis, il serait très difficile pour le comité de se pencher sur les détails de plaintes ou d'aspects précis concernant une organisation donnée. Par conséquent, il demeure important de veiller à ce que les organismes qui ne font pas actuellement l'objet d'une surveillance indépendante... l'Agence des services frontaliers du Canada est un bon exemple de cela: nous avons affaire à une organisation s'application de la loi de grande taille qui intervient fortement dans le contexte de la sécurité nationale et qui ne fait l'objet d'absolument aucune surveillance à l'extérieur de la hiérarchie ministérielle.
En outre, au sujet de la coopération entre ces organismes, nous avons observé une forte expansion de l'échange de renseignements entre les organismes, en particulier sous le régime de la loi sur la communication d'information créée par le projet de loi , qui a permis d'accroître la coopération entre les organismes en ce qui concerne l'échange d'information, mais nous continuons de voir les aspects qui restreignent la capacité de ces organismes de communiquer les uns avec les autres.
Dans le projet de loi dont il est question ici, nous voyons aussi un maintien de cet effet de cloisonnement, dans la mesure où le comité ne peut communiquer aux organismes de surveillance des renseignements auxquels ils n'auraient pas accès autrement. Cela crée un problème, encore une fois: si le comité sait quelque chose qui pourrait s'avérer utile au CSARC, mais que le CSARC n'aurait pas autrement accès à cette information, le comité n'a pas le droit de lui en parler.
Il y a des préoccupations à l'égard de la façon dont le cadre global va fonctionner et de la place du comité dans ce cadre. Nous sommes heureux de continuer à présenter des observations et à fournir de l'aide aux fins de l'élaboration de ce cadre, mais à la lumière de l'information que nous avons actuellement et du cadre dans lequel nous évoluons actuellement, nous avons des préoccupations à l'égard du projet de loi.
La première préoccupation concerne le mandat. Il est question de la « sécurité nationale » dans le mandat, mais on ignore la définition du terme ainsi que sa portée. Il y a deux définitions en particulier, celles qui figurent dans la Loi sur le SCRS, qui est utilisée de façon assez générale à l'égard d'autres enjeux touchant la sécurité nationale; et celle qu'on retrouve dans la Loi sur la communication d'information, qui est considérablement plus large. Nous ignorons si les législateurs ou les rédacteurs envisagent la sécurité nationale selon son acception plus large. On présume que c'est le cas, mais il serait utile de clarifier cet aspect, même si vous avez déjà pris connaissance de nos commentaires relativement à la Loi sur la communication d'information, où nous avons fait part de nos préoccupations au sujet de la définition trop large de la sécurité nationale et des raisons pour lesquelles cela pose problème.
Le mandat suscite une deuxième préoccupation. En effet, il est très important de susciter la confiance du public en établissant un mandat clair pour le comité des parlementaires. Lorsqu'on évolue dans le contexte de la sécurité nationale, où beaucoup de choses se font dans le secret et ne sont pas accessibles au public, il importe de veiller à ce que le public soit persuadé que le comité peut et va effectivement faire son travail. Nous avons formulé des commentaires au sujet de la composition et du fonctionnement du comité, mais je ne vais pas insister sur ceux-ci Je vous renvoie au contenu de notre mémoire sur ces aspects.
En ce qui concerne la capacité de mener des études, l'article 8 impose des restrictions inutiles et accorde énormément de pouvoir aux ministres aux alinéas 8b) et 8c). Autrement dit, il ne semble pas y avoir de restriction à l'égard des enjeux législatifs et stratégiques généraux envisagés à l'alinéa 8a), mais les alinéas 8b) et 8c) semblent accorder un pouvoir considérable aux ministres sur les sujets ou les questions que le comité peut examiner. Nous ne comprenons pas trop pourquoi ces dispositions seraient nécessaires. De fait, elles devraient être supprimées.
L'autre aspect du travail du comité qui nous préoccupe particulièrement est l'accès du comité à l'information. Ces problèmes découlent des articles 14 et 16 du projet de loi.
Je ne vais pas passer en revue les alinéas de l'article 14, mais nous nous expliquons mal pourquoi, d'un côté... soit on fait confiance au comité... il est clair — il n'y a aucun doute — que le comité doit pouvoir compter sur la confiance du public comme des dirigeants du milieu de la sécurité nationale, ou des gens qui évoluent dans ce milieu. Si ces organismes et les gens qui travaillent pour eux n'ont pas confiance, cela va forcément miner l'efficacité du travail du comité. Cela dit, si le comité est investi d'un mandat clair et qu'on fait confiance au comité et à la structure même, il est difficile de comprendre en quoi ces types de restrictions à l'égard de l'accès à l'information sont nécessaires ou même souhaitables, car soit nous avons un comité digne de confiance, soit nous n'en avons pas. Si nous ne pouvons lui faire confiance, celui-ci ne devrait tout simplement pas faire ce travail; et si on peut lui faire confiance, alors les restrictions ne font que miner la confiance du public en la capacité du comité d'accomplir son mandat, puisque les ministres ont beaucoup de pouvoir à l'égard du mandat et des sujets, mais aussi de l'information que le comité peut obtenir.
Sur ce, je crois avoir utilisé la majeure partie de mes 10 minutes. Je serai ravi de répondre à vos questions. Je vous remercie de l'invitation.
Merci beaucoup de m'accueillir parmi vous aujourd'hui. Je suis particulièrement heureux de pouvoir vous parler d'un sujet auquel j'ai réfléchi au fil des ans.
Je crois que le temps est venu pour le Parlement de jouer un rôle efficace au chapitre de la sécurité nationale. Même si ce nouveau rôle ne va pas susciter l'entière confiance du public en la matière, je soupçonne que — grâce à l'apport des organes d'examen, des tribunaux et des médias — le Canada sera sur la bonne voie.
J'affirmerais catégoriquement qu'une confiance importante du public à l'égard du travail des entités vouées à la sécurité nationale est nécessaire à l'efficacité du travail de celle-ci. Et ce n'est pas seulement nécessaire pour le public et pour le Parlement: si les organismes voués à la sécurité nationale ne jouissent pas de la confiance du public, alors ils ne peuvent pas accomplir leur travail non plus. À mon avis, le projet de loi serait vraiment utile à ce chapitre.
De façon générale, je dirais que le projet de loi est un bon document. Autrement dit, si j'étais l'un des vôtres, j'aurais voté « pour » avec plaisir à la deuxième lecture.
Cela dit, j'aimerais formuler quelques commentaires. En tant que personne ayant travaillé à la sécurité nationale et en tant que personne ayant nourri des inquiétudes à l'égard de questions touchant la reddition de comptes et l'appareil gouvernemental — envisagé sous l'angle des structures —, j'avancerais qu'il nous faut non pas une surveillance continue des activités liées à la sécurité nationale, mais plutôt un examen après les faits. Nous oublions parfois que la surveillance est une caractéristique du système de gouvernance américain, et l'adoption de cette façon de faire ici ne devrait pas être prise à la légère. Ce n'est pas quelque chose que nous faisons couramment au Canada, et nous ne devrions pas commencer à le faire simplement parce que les Américains le font.
Il est clair maintenant que le travail du comité s'étendrait aux activités. Je soulignerais que ce n'est pas le cas en Australie. En outre, au Royaume-Uni, on a mis plusieurs années avant de permettre au comité équivalent de se pencher sur les activités. Mon conseil serait de procéder lentement et de voir comment le comité se tire d'affaire.
Il faut se rappeler que les seules personnes au Canada qui savent vraiment beaucoup de choses au sujet de la sécurité nationale sont les ministres et les responsables. C'est un domaine très complexe et compliqué. À mon avis, il serait un peu risqué de demander à un comité de commencer dès le début à se pencher sur tous les aspects de la législation jusqu'aux activités. J'avancerais que, dans la mesure où vous permettez au comité de se pencher sur les activités, il serait utile d'établir une sorte de déclaration selon laquelle le travail du comité ne devrait pas influer sur l'efficacité du travail des divers comités.
Le projet de loi maintient les organes d'examen et maintient aussi le rôle des tribunaux. Bien que je comprenne que le fardeau varierait entre les trois ou quatre principaux organismes voués à la sécurité nationale et ceux qui évoluent en périphérie, j'estime qu'il serait utile de réfléchir au fardeau qui est imposé. Les ministères et organismes voués à la sécurité nationale sont là pour assurer la sécurité nationale, pas pour offrir des occasions de surveillance, d'examen, d'évaluation et de vérification. Je plaisante un peu, mais il n'y a pas toujours de quoi rire lorsqu'une multiplicité d'organismes étudient la même chose, parfois au même moment.
Je pense que le Comité devrait songer à intégrer au projet de loi des directives supplémentaires à l'intention du comité et des organismes de surveillance quant à la nature de leur relation. Si je me rappelle bien, même M. , lorsqu'il s'est adressé à vous, a laissé entendre qu'il s'agissait d'un aspect potentiellement problématique. On pourrait préciser dans le projet de loi que les rapports annuels des organismes de surveillance doivent être présentés au comité, que les présidents de ces comités sont susceptibles d'être appelés à comparaître devant le comité et que les programmes respectifs de ces comités doivent être communiqués à tous les autres.
Si je dis cela, c'est en partie parce que j'ai souvent eu affaire, au fil des ans, à des titulaires d'une charge créée par une loi. Ces personnes ont tendance à prendre leurs obligations d'origine législative passablement au sérieux, et un ordre général de collaborer, même s'il est animé de bonnes intentions, pourrait occasionner des difficultés sur le plan des relations entre le comité d'examen et les organismes.
Mon dernier point concerne la protection des « renseignements opérationnels spéciaux » au sens où l'entend la Loi sur la protection de l'information. Le projet de loi autorise le ministre à refuser de divulguer de tels renseignements. Selon moi, ces renseignements opérationnels spéciaux — dont une large proportion provient de nos alliés — sont de nature tellement délicate que la protection devrait être inversée de façon à prévoir que ces renseignements ne devraient être communiqués qu'avec l'autorisation expresse du ministre. Ces renseignements, qui sont de nature technique, concernent non pas tant ce qui est fait, mais comment les choses sont faites. Je ne suis pas convaincu que le comité aurait toujours besoin de ces renseignements.
Quoi qu'il en soit, il importe que le comité — comme des témoins précédents l'ont dit — jouisse non seulement du soutien du Parlement, du public et des organismes, mais aussi des alliés. Nous devons nous assurer que les organismes des pays avec lesquels nous échangeons de l'information sont absolument certains qu'il s'agit d'un projet de loi raisonnable et que leurs renseignements seront protégés.
Comme je l'ai dit au début de mon allocution, j'estime qu'il s'agit d'un bon projet de loi dans l'ensemble. Il sera bénéfique non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les ministères et les organismes voués à la sécurité nationale.
J'espère que mes commentaires seront utiles. Je répondrai avec plaisir à toute question que vous me poserez.
Merci.
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Monsieur le président, c'est exactement la question.
Je pars du principe que, à l'exception des trois ou quatre entités de base de la sécurité nationale, toutes les autres qui figurent sur la liste prévue dans l'annexe de la loi oeuvrent dans le domaine de la sécurité nationale à temps partiel. Il s'agit selon moi de quelque chose qu'il importe de se rappeler. Cela signifie que le comité parlementaire n'effectuera que des interventions fugaces à l'ASFC, car une grande part de ce que fait l'agence n'a absolument rien à voir avec la sécurité nationale.
Je crois avoir dit pendant ma déclaration que je crois que l'une des lacunes du projet de loi actuel, c'est qu'il ne prévoit pas un plein échange de renseignements entre les organismes d'examen et le comité parlementaire. Je crois que si vous, la Chambre — et le Sénat, éventuellement —, ajoutez une disposition visant à assurer cela, les articles 14 et 16 n'auront plus autant d'importance. Cela veut dire que le comité pourra utiliser les organismes d'examen existants, qui ont pleinement accès à tout. Je pense qu'une personne a mentionné le projet de loi et la communication d'information. Tant que des renseignements sont communiqués et proviennent de l'un des organismes de base de la sécurité nationale, je pense que les organismes d'examen et le comité parlementaire devraient avoir accès à ces renseignements.
C'est un genre de réponse détournée, car je ne pense pas qu'il y ait de réponse parfaite à votre question.
Après l'incident Bibeau survenu sur la Colline du Parlement il y a un certain temps, trois ou quatre organismes policiers ont mené des enquêtes. Aucune d'entre elles n'a vraiment été rendue publique. Aucun comité du Parlement ne les a vraiment étudiées. La situation est un peu analogue. Beaucoup de ces choses peuvent être étudiées à huis clos — je le pense, en tout cas —, pas même en secret. Selon moi, il y a une distinction importante à faire. Lorsque quelque chose se produit en public, une grande part de ce qui arrive et la réaction des divers organismes peuvent être examinés sans que les gens soient assermentés au niveau très secret. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un aussi gros problème dans les circonstances que vous avez décrites, car ce pourrait être le cas s'il était question d'espionnage ou de la prolifération d'armes nucléaires, par exemple.
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Je ne suis pas ici comme avocat, et il est quand même un peu difficile de contredire un ancien juge.
Tout ce que je peux dire, c'est que dans les lois canadiennes, il y a plusieurs cas où la protection du secret professionnel est presque absolue, mais il y en a aussi d'autres où elle est moins absolue. À mon avis, cela va dépendre de la façon dont les gens essaient d'appliquer cet article de la loi.
À une question antérieure, j'allais répondre que c'est souvent possible de répondre à une question en changeant un peu le niveau de détails dans une réponse, tout en fournissant le fondement de la réponse.
En anglais on dit aggregate up.
C'est aussi le cas avec le secret professionnel. Tout dépendant qu'on soit au Québec, en Ontario ou en Nouvelle-Écosse et de la profession en cause, il est toujours possible de manipuler un peu les réponses pour permettre à l'organisme de révision de recevoir l'essentiel des renseignements requis sans pour autant, j'espère, se retrouver pendant plusieurs mois à la Cour supérieure pour un débat constitutionnel.
Je reconnais que je ne réponds pas tout à fait à votre question, mais je suis un peu limité.