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Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi , la mesure législative qui porte sur la réforme de la loi sur l'accès à l'information. Je suis très déçu de devoir m'opposer à cette initiative au nom du NPD. Je suis néanmoins content d'entendre le reconnaître qu'en comité, il est possible que cette mesure législative soit améliorée afin de lui apporter une certaine crédibilité.
S'il m'est permis d'entrée de jeu de faire une déclaration personnelle, j'aimerais dire que l'accès à l'information représente une de mes passions. J'ai travaillé là-dessus pendant mes études supérieures. Dans le domaine du droit, j'ai travaillé avec le gouvernement de la Colombie-Britannique sur la rédaction de cette mesure là-bas ainsi qu'au Yukon. Au début des années 1980, j'ai essayé au nom de l'Association du Barreau canadien de faire adopter la première loi d'accès à l'information de manière crédible. L'ancien député conservateur de Peace River Jed Baldwin m'a remis un prix d'excellence de la part de la Chambre pour mon travail sur le droit d'accès à l'information. J'apporte donc ici ma passion pour ce sujet.
Il faut trois choses pour pouvoir rédiger une loi crédible. Nous reconnaissons tous que, après 34 ans d'attente, il est temps de moderniser la Loi sur l’accès à l’information. Je félicite le gouvernement d'avoir finalement fait quelque chose à cet égard. Premièrement, le projet de loi doit préciser clairement que l'accès à l'information est un droit. Deuxièmement, la divulgation d'information doit être refusée seulement quand il est démontré qu'elle causerait du tort. Troisièmement, on doit pouvoir faire appel à un arbitre, une personne neutre, qui peut ordonner à un gouvernement qui ne souhaite pas communiquer des renseignements de les divulguer. Toute réforme doit satisfaire à ces trois exigences. Malheureusement, ce n'est pas le cas du projet de loi dont nous sommes saisis.
Lorsqu'on parle de l'accès à l'information, les yeux des gens deviennent parfois vitreux, ce qui met habituellement fin à la conversation. Les gens passent à autre chose. Cependant, je veux faire comprendre aux Canadiens qui nous regardent l'importance de ce sujet. Combien de fois avons-nous lu un article qui commence par les mots « l'information a été obtenue aujourd'hui en vertu de la Loi sur l'accès à l'information »? Disons-le, souvent.
C'est grâce à la Loi sur l'accès à l'information que le Globe and Mail a pu révéler, en avril 2016, dans le cadre de sa série d'enquêtes « Unfounded », que la police rejetait une plainte d'agression sexuelle sur cinq parce qu'elle les jugeait infondées. Il lui a fallu un an pour obtenir cette information. C'est tout simplement ridicule, mais j'y reviendrai. C'est néanmoins l'outil que le journal a dû utiliser pour que les Canadiens apprennent ce que les policiers du pays font — ou pas — avec les dossiers d'agression sexuelle.
Encore la semaine dernière, CBC nous apprenait que les vacances controversées du aux Bahamas avaient coûté plus de 215 000 $ aux Canadiens, soit bien plus que ce qui a d'abord été communiqué au Parlement. C'est grâce à un document divulgué en application de la Loi que nous l'avons appris.
Hier matin, j'ai appris en me levant qu'après un an, les journalistes ont finalement obtenu le contrat d'origine du système de paye Phénix, qui a causé le fiasco que l'on sait. Là encore, c'était grâce à la Loi.
La transparence est importante. Il s'agissait d'un des thèmes principaux du Parti libéral pendant la campagne électorale de 2015. En fait, on peut remonter plus loin encore, puisque le premier ministre lui-même est à l'origine du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information. J'invite tous les Canadiens à aller voir ce que le premier ministre voulait faire avec son projet de loi et à comparer le tout avec ce qu'on nous propose aujourd'hui. Je crois que la différence va tout de suite leur sauter aux yeux. Il avait alors déclaré que « le système d'accès à l'information d'un pays est au coeur d'un gouvernement ouvert », et il avait bien raison.
La Cour suprême a aussi conclu que le sujet dont il est question aujourd'hui est de nature quasi constitutionnelle. Il ne s'agit pas d'une loi comme les autres. De l'avis des tribunaux, il s'agit au contraire d'une caractéristique essentielle d'une démocratie ouverte et moderne.
Le Nouveau Parti démocratique a présenté un très grand nombre de projets de loi d'initiative parlementaire pour moderniser cette loi, alors je ne les nommerai pas tous, mais disons simplement que nous avons déjà tenté de régler le problème en 2006, en 2008, en 2011 et en 2014. Chaque fois, les conservateurs et les libéraux ont voté contre nos initiatives.
En mars 2015, la commissaire à l'information a formulé 85 recommandations pour moderniser la Loi sur l'accès à l'information. J'invite les Canadiens à y jeter un coup d'oeil et à constater par eux-mêmes ce qu'il en reste aujourd'hui.
La seule chose à ne pas perdre de vue, comme l'a souligné le président du Conseil du Trésor, c'est qu'il y a un problème et qu'il faut le régler.
Lorsqu'on a présenté ce projet de loi au début des années 1980, les ordinateurs étaient loin d'être une chose courante, les courriels n'existaient pas vraiment dans la fonction publique et la tenue de dossiers était très différente de ce qu'elle est aujourd'hui. De toute évidence, il est grand temps de moderniser la loi. Il est regrettable que le gouvernement n'ait pas profité de l'occasion pour faire le travail convenablement. Presque tous les groupes de la société civile qui ont étudié le projet de loi ont ouvertement exprimé leur opposition, certains avec colère, mais la plupart étaient simplement tristes et déçus que nous nous retrouvions avec une telle mesure législative.
Je vais parler de ce que le gouvernement n'a pas fait. C'est de cette façon que nous devons évaluer l'exercice. Les exceptions à la règle relative à la communication d'information, soit la liste d'éléments que le gouvernement peut choisir de ne pas divulguer, sont très mal rédigées, elles revêtent un caractère très discrétionnaire et elles n'ont même pas à prouver qu'elles causent du tort. Or, une des exceptions est différente des autres.
À l'époque où le projet de loi a été présenté, sous le régime de l'ancien premier ministre Trudeau, le gouvernement avait décidé de supprimer une catégorie de documents nommée « documents confidentiels du Cabinet ». L'exception ne s'applique même pas aux documents confidentiels du Cabinet. Quiconque a déjà étudié ce dossier affirme qu'il s'agit d'une disposition extrêmement vague. En fait, certains des commentaires les plus amusants soutiennent qu'il s'agit d'un « blanchiment de Cabinet ». Tout ce que le gouvernement doit faire s'il ne veut pas divulguer un document, c'est de le glisser dans le cahier d'information du Cabinet, et le tour est joué: c'est le trou noir. On ne verra jamais le document. Le document n'est même pas assujetti à la loi. On aurait cru que, après 34 ans, la priorité aurait été d'en parler. Cette disposition n'est même pas mentionnée. Le trou noir perdure. Le blanchiment de Cabinet peut continuer.
Retarder la communication de l'information équivaut à la refuser. Tous les journalistes du pays le comprennent. Une journaliste m'a abordé sur la rue, l'autre jour, et m'a dit que, lorsqu'elle demande de l'information, elle doit attendre la fin de la période de 30 jours avant d'obtenir une réponse. Le 29e jour, on lui dit qu'elle devra attendre encore et que le gouvernement veut obtenir une prolongation du délai. Si elle porte plainte au commissariat à l'information, celui-ci lui répond qu'il est débordé et qu'elle devra peut-être attendre des mois avant d'être en mesure de publier son article. De surcroît, le commissariat prévient la journaliste que le gouvernement peut lui refuser l'information s'il ne veut pas coopérer.
Retarder la communication de l'information équivaut à la refuser. Ce projet de loi ne corrigera aucunement ce problème.
Par ailleurs, nous vivons dans une culture de l'oral. L'un de mes collègues la qualifie même de « culture des Post-it ». Je m'explique. Si un député ministériel a en main un document qui pourrait être accessible en vertu de la loi, il apposera peut-être une languette adhésive Post-it dessus pour indiquer où se trouvent les passages compromettants. C'est une pratique qui existe. Je sais que le Président sera étonné de l'apprendre.
L'obligation de consigner l'information étayant les décisions ne fait même pas partie du projet de loi. J'ai parlé tout à l'heure des ordinateurs, où il est possible de supprimer les documents temporaires et les autres documents du genre. Quoi qu'il en soit, la culture de l'oral est bien vivante à Ottawa.
Je passe maintenant à la teneur du projet de loi. Quel effet aurait le projet de loi et pourquoi refusons-nous de l'appuyer? Je cite premièrement le Centre for Law and Democracy:
On remarque bien plus ce qui est absent du projet de loi [...]
Il n'étend pas la portée de la loi. Il oblige divers acteurs à publier leurs documents sans attendre qu'on l'exige d'eux — notamment les cabinets du premier ministre et des ministres [...], mais il ne soumet pas ces personnes aux dispositions normales de la loi.
Certains renseignements, comme les frais de déplacement et les marchés de plus de 10 000 $, sont rendus publics depuis des années en vertu d'une politique. Ces informations sont donc accessibles depuis longtemps. Le gouvernement souhaite recevoir une médaille pour avoir inclus cela dans le projet de loi. Je ne sais pas trop pourquoi.
Je cite encore une fois le Centre for Law and Democracy:
Certes, la divulgation proactive est toujours une bonne chose, mais, comme le savent tous ceux qui ont utilisé la loi, elle ne remplace nullement le droit de demander l'accès aux informations qui nous intéressent auprès des autorités publiques.
Je crois que c'est clair.
Aujourd'hui, le ministre fait grand cas des pouvoirs de rendre des ordonnances que prévoirait le projet de loi. Pour dire vrai, lorsqu'on y regarde de près, on constate que tout cela n'est que chimère, pour reprendre les mots d'un collègue. Le projet de loi ne le fait pas vraiment.
Voyons comment les choses fonctionnent dans les provinces. Prenons la Colombie-Britannique. Le commissaire à l'information rend une ordonnance au gouvernement: « Divulguez ce document. Vous ne voulez pas le faire, mais, compte tenu des exceptions, il ne serait pas légitime de le refuser. » Un point, c'est tout. Le gouvernement peut demander que la décision fasse l'objet d'un contrôle judiciaire.
Comparons cette situation au pouvoir de rendre des ordonnances décrit de façon alambiquée dans le projet de loi et dont le ministre était si fier. Ce qu'on comprend, c'est que, si le gouvernement est d'accord avec la décision du commissaire quant à la publication d'un document, alors le document sera publié; et après? Si le gouvernement n'est pas d'accord avec la décision du commissaire, il peut alors le traîner devant la Cour fédérale. Il n'est pas difficile d'imaginer à quel point ce processus sera procédurier et coûteux. Le gouvernement vient de créer ce que je considère être un système lourd, inutile et onéreux.
J'aurais voulu avoir le temps d'aborder en détail l'article qui traite de cette question. Il décrit la possibilité de rendre des ordonnances, mais comme j'ai peu de temps, je dirai simplement qu'il s'agit d'un processus compliqué au possible qui ne pourra vraisemblablement pas fonctionner. Il ne permettra pas d'accomplir ce que le ministre prétend qu'il accomplira. J'aurais voulu que les libéraux prennent exemple sur le processus beaucoup plus simple que la plupart des provinces ont adopté.
Même s'il y aura bien divulgation proactive de certains types de renseignements de la part des cabinets des ministres, le problème est que les Canadiens ne pourront toujours pas demander les renseignements qu'ils désirent aux cabinets, qu'ils ne pourront faire appel des décisions devant le commissaire et qu'ils ne pourront obtenir d'ordonnance de divulgation. Le projet de loi ne le prévoit simplement pas. La promesse électorale voulant qu'il y ait plus d'ouverture de la part des cabinets et que les gens puissent obtenir les renseignements qu'ils veulent ne se concrétisera pas. C'est très décevant.
Les libéraux ont aussi parlé de l'examen quinquennal qui est inscrit de façon permanente dans la loi. Heureusement que c'est le cas. Ce n'est pas nouveau. Toutefois, cette loi n'est pas comme la Loi sur les banques, par exemple, en vertu de laquelle la mesure législative devient caduque si l'examen n'a pas lieu au moment attendu. Qui sait combien de temps il faudra pour que l'examen promis ait lieu? Cela est drôlement différent de ce qui avait été promis dans le programme électoral.
Les libéraux ont parlé aujourd'hui de quelque chose de nouveau. En effet, ils ont parlé du refus de donner suite aux demandes qui sont faites de mauvaise foi ou qui sont volumineuses, frivoles et vexatoires. Il s'agit plus d'une nouvelle restriction que d'un changement positif. Je comprends pourquoi cette restriction est nécessaire, et, oui, elle existe à l'échelle provinciale, mais voici ce qui cloche: le projet de loi donnera au gouvernement le droit de déterminer si la demande est trop volumineuse ou trop frivole. Partout ailleurs, bien évidemment, c'est le commissaire qui décide. Les députés se rappellent-ils quand j'ai parlé du caractère neutre de l'arbitre du jeu? Je ne pense pas qu'un ministre qui ne veut pas que l'information soit rendue publique soit le mieux placé pour prendre ce genre de décision. Je ne peux pas croire que les libéraux pensent qu'il s'agit d'une réforme importante dont ils devraient être fiers.
Le gouvernement va probablement se féliciter de ce projet de loi. Il proclamera sans doute: « Nous avions promis de l'ouverture et de la transparence, et une culture d'ouverture par défaut, et voilà ce que nous avons livré. » Dans les faits, les choses sont différentes. Je veux bien être optimiste — j'essaie toujours de l'être — et donner au gouvernement le bénéfice du doute. Le ministre a pris la parole à la Chambre et il a déclaré que le gouvernement serait ouvert aux amendements à l'étape de l'étude en comité. Nous essaierons certainement de lui donner l'occasion de rendre cela croyable, car ce ne l'est pas actuellement. C'est un peu comme en 2015, quand les libéraux ont promis que les élections de 2015 seraient les dernières organisées selon un scrutin majoritaire uninominal à un tour. C'était une promesse différente. C'était à une autre époque.
Pendant la campagne électorale, le est venu dans ma circonscription et il a affirmé qu'un examen complet du projet d'oléoduc de Kinder Morgan serait effectué. Les députés se souviennent-ils de cette promesse? Cela ne s'est jamais vraiment produit non plus. Il y a aussi eu une promesse à propos de la livraison du courrier. Je crois que c'était que le gouvernement serait ouvert à discuter de la livraison du courrier. C'était une autre promesse.
Les Canadiens méritent mieux que ce projet de loi. C'est un début, dans la mesure où il prévoit des exceptions, mais il ne prévoit pas des exceptions ou des changements importants. Les députés m'ont entendu parler des documents confidentiels du Cabinet, mais que dire des conseils stratégiques destinés aux ministres? Ils n'y ont pas touché. Ils n'ont qu'à verser tous les documents dans un dossier qu'ils remettent au ministre et cela devient des conseils stratégiques au gouvernement. Cette échappatoire énorme subsiste.
Encore une fois, nous jugeons de leur réforme par ce qu'ils ont omis de faire. Concrètement, elle ajoute une échappatoire qui permettrait à un ministère de refuser de traiter une demande s'il juge qu'elle est trop vague, qu'elle constitue une ingérence abusive dans le fonctionnement du gouvernement ou qu'elle est faite de mauvaise foi. Il est assez remarquable que les libéraux se congratulent. Si on compare ce projet de loi aux autres lois du pays, il ressort nettement qu'il est inacceptable.
Le projet de loi ne tient pas compte non plus d'un grand nombre des recommandations de la commissaire à l'information, comme je l'ai mentionné, et de celles du comité de l'éthique, qui s'est aussi penché sur cette mesure législative. On dirait que le gouvernement ne les a même pas lues. Comme le gouvernement Harper, les libéraux continuent de faire fi des recommandations faites par cet observateur non partisan. On ne peut que plaindre Mme Legault, qui, au fil des ans, a déployé des efforts herculéens pour amener les deux côtés de la Chambre, les conservateurs et les libéraux, à prendre au sérieux le droit de savoir des citoyens. Je salue ses efforts, même s'ils n'ont pas donné grand-chose jusqu'à maintenant.
Pour conclure, je veux dire que les néo-démocrates préconisent depuis longtemps de donner à la commissaire à l'information de réels pouvoirs de surveillance et pouvoirs exécutoires. Nous estimons que la divulgation proactive est importante et nous félicitons le gouvernement d'avoir inclus dans une mesure législative ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, mais je signale que la commissaire n'a pas de pouvoir de surveillance en la matière. Je suppose donc qu'il faut croire le gouvernement sur parole.
Même si les libéraux étaient bien intentionnés, n'oublions pas que nous faisons des lois qui s'appliquent aux futurs Canadiens, aux futures générations de Canadiens. Combien de temps a-t-il fallu attendre avant qu'un nouveau projet de loi ne soit présenté à la Chambre? Il a fallu attendre 34 ans. Nous devons bien faire les choses. On ne peut pas se fier qu'un examen sera fait dans cinq, six ou sept ans, car rien n'oblige le gouvernement à le faire. C'est toujours la même histoire, sauf dans le cas de la Loi sur les banques.
Nous devons mieux nous y prendre. Nous le pouvons, et je ne suis pas le seul à le dire. Le Centre for Law and Democracy, qu'on a déjà cité, dit la même chose. Démocratie en surveillance a expliqué la chose. Le professeur Mark Weiler, le bibliothécaire en expérience usager et web qui a témoigné, a écrit au porte-parole de notre parti, le député de , au sujet de ce dossier. Il a dit: « Je crains sincèrement que le projet de loi C-58 ne diminue la capacité des Canadiens d'accéder à des documents non publiés détenus par le gouvernement. La Loi sur l'accès à l'information est censée accroître cette capacité. [...] Or, le projet de loi C-58 rendrait plus difficile le recours à cette loi. »
Qu'allons-nous faire pour régler cela? Revenons à l'essentiel et commençons par prendre fermement position en faveur du droit à l'information. Or, il y a quelques notions creuses à cet effet dans la nouvelle loi. Les exceptions doivent avoir une portée restreinte et se rapporter à des préjudices. Elles ne doivent pas se limiter à un type de dossiers, comme les conseils stratégiques. Il faut qu'il soit démontré que la divulgation des renseignements demandés porterait atteinte aux intérêts du gouvernement. Ce n'est pas ce qu'ont fait les libéraux; ils n'ont pas abordé ces questions. Ils ont seulement ajouté une disposition.
Troisièmement, il faut que le pouvoir de rendre des ordonnances force bel et bien le gouvernement à corriger la situation lorsque le juge-arbitre ne lui donne pas raison. Lorsque ce pouvoir a été instauré en Colombie-Britannique, cela n'a pas été la fin du monde. Depuis l'adoption de cette disposition, environ 90 % des affaires se règlent par la médiation, sans qu'il faille avoir recours à une audience officielle. Il faut très, très rarement s'adresser aux tribunaux; le nombre de cas est statistiquement négligeable.
Beaucoup de précédents justifient qu'on fasse bien les choses. Le pouvoir de rendre des ordonnances qui est prévu dans le projet de loi dépasse l'entendement. Il sera onéreux et complètement inutile. Pourquoi faudrait-il que ce soit aussi compliqué alors que le principe coule de source et qu'il existe déjà de nombreux précédents au Canada?
Concluons sur une note plus optimiste. Le a dit tout à l'heure qu'il fallait moderniser la loi, qu'il s'agit d'un processus en évolution et que nous n'en sommes qu'à la première étape. Il a dit être ouvert aux rapports du comité et aux amendements. J'espère que le gouvernement est sérieux en disant cela.
Le gouvernement peut me croire: nous proposerons de nombreux amendements. Il est possible d'améliorer la mesure législative. Nous nous devons de faire mieux pour nos concitoyens.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de .
Je suis fier de prendre la parole à la Chambre au sujet du projet de loi , une loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le gouvernement a été élu parce qu'il a promis de renforcer la confiance du public en notre démocratie. Depuis notre arrivée au pouvoir, nous traduisons nos paroles en gestes concrets. Par exemple, nous sommes en train de réformer les lois régissant le financement des campagnes électorales pour rendre l'une des démocraties les plus respectées au monde encore plus transparente. Nous avons présenté un projet de loi visant à rendre la démocratie canadienne plus accessible à l'ensemble des Canadiens. Le débat d'aujourd'hui porte sur un autre concept fondamental de toute démocratie moderne.
Nous savons que les Canadiens ne peuvent participer réellement à la démocratie s'ils ne sont pas informés. L'accès aux données du gouvernement est crucial. Sans lui, ni le public ni les médias ne peuvent exiger des comptes du gouvernement. Voilà pourquoi le gouvernement a promis de raffermir l'un des principaux piliers de notre démocratie: l'accès à l'information.
Nous avons dit aux Canadiens que les renseignements seraient accessibles par défaut, dans des formats modernes et simples à utiliser. Comme les Canadiens paient pour les renseignements colligés par le gouvernement du Canada, pourquoi n'y auraient-ils pas accès? Cette plus grande ouverture permettra d'accroître la confiance en notre démocratie. C'est la raison pour laquelle le gouvernement met tant l'accent sur la modification de la Loi sur l'accès à l'information au moyen du projet de loi .
Il s'agit de la première réforme en profondeur de ce régime depuis que nos prédécesseurs ont voté en faveur de la loi actuelle dans cette enceinte, il y a 35 ans. Cette réforme était donc attendue depuis longtemps.
La Loi sur l'accès à l'information a été adoptée par le Parlement en 1982 et est entrée en vigueur l'année suivante, soit bien avant la venue d'Internet. À cette époque, les gouvernements comptaient beaucoup plus d'administrateurs et de commis que maintenant, car il fallait classer et consigner beaucoup plus de documents. Il n'était pas possible d'utiliser le courrier électronique pour envoyer simplement un message écrit à un collègue. Si l'on souhaitait envoyer un article intéressant à un homologue d'un autre ministère, on ne pouvait pas simplement lui transmettre un lien. Parmi les quelques options disponibles, on pouvait utiliser un télécopieur ou avoir recours aux services d'un messager.
Aujourd'hui, la technologie a radicalement changé le fonctionnement des gouvernements, et nous devons harmoniser nos lois afin de tenir compte de la nouvelle réalité. Il est de notre devoir de faciliter l'accès à l'information et de veiller à ce qu'elle soit présentée dans des formats faciles à utiliser lorsque les Canadiens l'obtiennent. On peut penser aux étudiants de cycles supérieurs, comme ceux de l'Université Dalhousie ou de l'Université Saint Mary's dans ma circonscription, Halifax, qui mènent des recherches de pointe, mais qui doivent respecter des échéances serrées. Nous souhaitons qu'ils soient capables, dans la mesure du possible, d'obtenir une version électronique des documents gouvernementaux afin qu'ils puissent parcourir et analyser ceux-ci plus facilement. On a qu'à penser au temps qu'ils épargneront s'ils n'ont pas à parcourir des centaines de pages pour trouver ce qu'ils cherchent.
Le projet de loi contient de nombreux éléments, mais, pour l'instant, je tiens à mettre l'accent sur les répercussions qu'il a sur les institutions parlementaires. Je parle ici de la Bibliothèque du Parlement, du Bureau du directeur parlementaire du budget, du Service de protection parlementaire, du Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, du Bureau du conseiller sénatorial en éthique, de l'Administration du Sénat et de l'Administration de la Chambre des communes. Ces institutions sont des éléments essentiels de notre démocratie, et le projet de loi propose de les assujettir à la Loi sur l’accès à l’information pour les obliger à rendre davantage de comptes. La mesure législative proposée exigera que ces institutions publient leur frais de déplacement et de réception à chaque trimestre et qu'elles divulguent tout contrat d'une valeur supérieure à 10 000 $ en suivant le même échéancier.
Un autre élément important du projet de loi , ce sont les nouveaux pouvoirs qu'il accorderait au commissaire à l’information. Cet élément m'intéresse tout particulièrement, tant à titre de Secrétaire parlementaire de la ministre des Institutions démocratiques qu'en tant que député d'Halifax.
Il n'y a pas très longtemps, j'ai rencontré des représentants d'un groupe d'Halifax, le Centre for Law and Democracy, qui s'est donné pour mission de:
[...] promouvoir, protéger et faire avancer les droits de la personne à la base de la démocratie, y compris la liberté d'expression, le droit de vote et le droit de participer à la gouvernance, le droit d'accès à l'information ainsi que la liberté de réunion et la liberté d'association.
Certains députés sont peut-être au fait du travail acompli par le centre dans le domaine de l'évaluation de l'accès à l'information, mise au point en collaboration avec Access Info Europe, pour déterminer l'efficacité des lois sur le droit à l'information des pays et leur attribuer une note.
J'ai abordé le sujet du commissaire à l'information avec des représentants de ce groupe à mon bureau, lors d'une réunion ce printemps. Comme moi et le gouvernement, ils croient que le commissaire à l'information devrait pouvoir ordonner la communication de documents, autrement dit « rendre des ordonnances ». Je suis fier de dire que le projet de loi donnerait ce pouvoir au commissaire à l'information. J'aimerais féliciter et remercier le Centre for Law and Democracy d'avoir défendu ce point de vue avec vigueur et pour les efforts constants qu'il déploie au Canada et dans le monde pour renforcer les institutions démocratiques.
Il est important de souligner que la mesure législative donnerait aussi aux institutions fédérales la possibilité de refuser d'accéder à des demandes trop vagues ou à des demandes d'information qui se trouve déjà dans le domaine public.
Les ressources du gouvernement ne sont pas illimitées, et cette disposition laissera plus de temps aux institutions gouvernementales pour répondre aux autres demandeurs. Bien sûr, les demandeurs dont la demande est refusée pour cette raison pourront loger une plainte auprès du commissaire à l'information.
Le projet de loi obligera également les députés et les sénateurs à rendre publics leurs frais d'accueil, les dépenses afférentes à leurs déplacements et les montants des contrats de service qu'ils accordent. Dans ces trois cas, l'information concernée devra être publiée tous les trois mois.
Nous savons que, en vertu des règles internes de chaque Chambre, les sénateurs et les députés rendent déjà publics leurs frais d'accueil et les dépenses afférentes à leurs déplacements, que les sénateurs divulguent l'information relative aux contrats de service et que les députés en publient le coût total.
Actuellement, les députés doivent déjà fournir certains détails supplémentaires concernant leurs contrats de service et les dépenses afférentes à leurs déplacements, mais, fait à souligner, le projet de loi officialisera cette pratique en l'inscrivant dans la loi.
La mesure législative prévoit que la Loi sur l'accès à l'information fera l'objet d'un examen tous les cinq ans à compter de 2019. Les Canadiens pourront ainsi s'attendre à d'autres améliorations.
Selon nous, le Canada peut aspirer à une démocratie transparente, ouverte et responsable, et nos efforts ne commencent pas plus qu'ils ne se terminent avec les modifications proposées à la Loi sur l'accès à l'information.
Nous n'avons ménagé aucun effort, depuis que nous avons été élus, pour trouver d'autres moyens d'améliorer notre démocratie. Par exemple, le projet de loi modifiera la Loi électorale du Canada de manière à accroître la participation électorale et à renforcer l'intégrité du régime électoral. S'il est adopté, le projet de loi modifiera quant à lui en profondeur la même loi afin de rendre le financement politique plus ouvert et plus transparent. Nous prenons en outre des mesures contre les cybermenaces et le danger qu'elles font planer sur le régime électoral.
Nous vivons dans l'une des démocraties les plus respectées du monde, mais le gouvernement s'attaquera inlassablement à toute faille. Le projet de loi contribue directement à cet effort, et je suis fier de pouvoir travailler à sa réalisation, en collaboration avec la . Sur ce, je répondrai avec plaisir aux questions de mes collègues.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du projet de loi , qui est un ensemble exhaustif de modifications à la Loi sur l'accès à l'information qui permettra au gouvernement de respecter une de ses principales promesses, soit améliorer l'ouverture et la transparence au sein de l'appareil gouvernemental. Si ce projet de loi est adopté, les modifications qu'il contient permettront de mieux harmoniser la loi canadienne sur l'accès à l'information aux avancées en matière de communication des 30 dernières années.
[Français]
La Loi n'a pas été véritablement mise à jour depuis qu'elle est entrée en vigueur il y a 34 ans, alors que les télécopieurs étaient à la fine pointe de la technologie et que l'information était conservée dans les immenses salles de classement. Cependant, comme nous le savons tous, le monde a considérablement évolué depuis. Aujourd'hui, il est question de téléphone intelligent et de médias sociaux, de données massives et d'Internet haute vitesse.
[Traduction]
Les Canadiens cherchent de l'information par voie électronique, et le gouvernement peut maintenant interagir avec le public grâce au Web et aux médias sociaux. En outre, le volume d'information géré par le gouvernement a augmenté de façon astronomique.
[Français]
Je pense que nous pouvons tous convenir que la Loi actuelle doit être mise à jour.
[Traduction]
C'est certainement un point qui a été soulevé jusqu'à présent dans le débat qui nous occupe.
[Français]
C'est pourquoi le gouvernement s'est engagé à réformer le programme d'accès à l'information. Nous avons pris des mesures, assez tôt dans le cadre de cette modernisation, pour améliorer l'accès à l'information.
[Traduction]
En mai 2016, le a publié une directive provisoire mettant en place le principe d'accessibilité par défaut. Il a éliminé tous les frais, hormis les frais de traitement de 5 $, et il a demandé à ce que les renseignements détenus par le gouvernement soient, dans la mesure du possible, publiés dans des formats faciles à utiliser. Les frais de traitement des demandes volumineuses pouvaient s'élever à des centaines ou des milliers de dollars et pouvaient parfois décourager les gens de soumettre une demande d'accès à l'information.
Ces mesures étaient un pas dans la bonne direction. Aujourd'hui, nous maintenons cette élimination des frais, et nous proposons des mesures substantielles pour améliorer l'accès des Canadiens aux renseignements détenus par le gouvernement.
[Français]
Je me permets de commencer avec un des éléments les plus novateurs de notre projet de loi. Pour la toute première fois, le poste de commissaire à l'information aurait le pouvoir de rendre des ordonnances. Aucun régime d'accès à l'information ne serait complet sans un véritable pouvoir de surveillance. Nous avons promis aux Canadiens que nous trouverions des façons d'habiliter le Commissariat à l'information pour qu'il puisse exiger la divulgation d'informations gouvernementales.
[Traduction]
C'est précisément ce que ferait le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. C'est l'un des changements nécessaires qui ont été soulignés à maintes reprises au cours du débat, et nous apportons maintenant ce changement. Cela renforcerait le rôle du commissaire, qui passerait d'un rôle d'ombudsman à un rôle d'autorité dont les pouvoirs, conférés par la loi, lui permettrait d'ordonner aux institutions gouvernementales de divulguer de l'information.
Par ailleurs, le projet de loi propose d'inscrire dans la loi, pour les gouvernements actuels et futurs, l'obligation de publier de façon proactive une foule de renseignements selon des échéances prévisibles et sans que personne n'ait à soumettre une demande d'accès à l'information.
[Français]
Les modifications créeraient une nouvelle partie à la loi, portant sur la publication proactive qui s'inspire des pratiques exemplaires actuelles, qui garantit une application cohérente des exigences à l'échelle pangouvernementale et qui tire avantage des possibilités de l'ère numérique.
Ces modifications entraîneraient la publication proactive des données clés partout au gouvernement.
[Traduction]
C'est un processus qui serait adopté par des centaines de bureaux et de ministères dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Ces mesures contribueraient à mieux informer les citoyens au sujet des activités du gouvernement et à mieux gérer les fonds publics.
Voici une autre proposition sans précédent. En inscrivant ce système de divulgation proactive obligatoire dans la loi, le projet de loi permettrait d'inclure, pour la toute première fois, le Cabinet du , les institutions qui appuient le Parlement, les institutions administratives qui appuient les tribunaux ainsi que plus de 1 100 juges des cours supérieures.
[Français]
Ce système de publication proactive obligatoire met beaucoup l'accent sur l'augmentation du nombre de données qui sont ouvertes par défaut, et sur le fait de rendre accessible, gratuitement sur le Web, de l'information d'intérêt pour les Canadiens.
J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner quelques-uns des autres éléments de la réforme que nous appliquerons à notre régime d'accès à l'information.
[Traduction]
Outre la publication proactive dont nous venons de parler et qui est essentielle pour réaliser le principe d’ouverture par défaut, je tiens à souligner quelques autres éléments que contient le projet de loi.
Nous allons élaborer un nouveau guide en langage simple qui offrira aux demandeurs des définitions claires des exemptions et des exclusions. Les motifs d’exclusion seront précisés, et ces motifs seront dans l’intérêt du public.
Nous pourrions investir dans des outils pour rendre plus efficace le traitement de l’information, ce qui est important pour combler l’une des principales lacunes du système, soit le nombre de demandes d’accès à l’information auxquelles on ne répond pas en temps opportun.
Par souci d’efficacité et pour gagner du temps, le projet de loi permettrait aux institutions fédérales relevant du même ministre de mettre en commun les services de traitement des demandes. Le tout serait assorti d’une formation. Il y a bien des choses que nous ferions.
Je fais remarquer que nombre des changements que nous avons proposés découlent des recommandations du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique.
[Français]
Ce genre de décision serait assujetti à la surveillance de la commissaire à l'information. Si un ministère décidait de refuser de donner suite à une demande, le demandeur aurait le droit d'adresser une plainte à la commissaire à l'information, et celle-ci pourrait utiliser son nouveau pouvoir de rendre des ordonnances pour régler le problème.
[Traduction]
Ce nouveau pouvoir pourrait améliorer considérablement le système, mais il convient de le mettre en oeuvre avec prudence.
Nous sommes prêts à débattre de façon réfléchie des clauses proposées avec les parlementaires. Tous ces changements ont été conçus pour répondre aux critiques des Canadiens qui se plaignent des retards et des incohérences du système actuel fondé sur les demandes, et ils découlent des recommandations des intervenants, tels que la commissaire à l’information et nos collègues du comité de l'éthique.
[Français]
Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir complaisants en ce qui concerne l'ouverture et la transparence. C'est pourquoi les réformes dont il est question aujourd'hui constituent la première phase d'un examen et d'une modernisation continus de la loi.
[Traduction]
Comme je l’ai mentionné, le projet de loi prévoirait un examen de la loi tous les cinq ans. Le premier examen serait amorcé au plus tard un an après la sanction royale. Le processus d’amélioration serait donc vraiment permanent. Ces examens quinquennaux seraient l’outil idéal pour que les Canadiens aient leur mot à dire sur les droits d’accès, nous permettant ainsi de leur garantir un système adapté à leurs besoins.
[Français]
Ces examens nous permettront de voir ce qui fonctionne et de comprendre pourquoi cela fonctionne, ainsi que de faire en sorte que la loi ne devienne jamais aussi dépassée. Aujourd'hui, je suis fière de faire partie du premier gouvernement à apporter d'importants changements à la Loi sur l'accès à l'information depuis sa création il y a plus de 30 ans.
[Traduction]
J’encourage tous les députés à appuyer ces travaux et ce projet de loi, pour nous permettre ainsi de faire de grands progrès dans la mise à jour de la Loi sur l’accès à l’information.
[Français]
J'ai hâte de continuer à travailler avec le Parlement, avec la commissaire à l'information, le commissaire à la vie privée et d'autres intervenants pour renforcer davantage notre régime d'accès à l'information.
:
Monsieur le Président, les Canadiens méritent d'être dirigés par un gouvernement responsable et ouvert. Pour que cela soit possible, les Canadiens doivent avoir accès à l'information sur les décisions et les pratiques du gouvernement, afin de demander à celui-ci de rendre des comptes. Bien que le gouvernement libéral prononce de belles paroles au sujet de l'ouverture et de la reddition de comptes, il n'a pas réussi à mettre ces principes en pratique. Nous avons pu le constater dans divers domaines, malgré la déclaration du au sujet d'un gouvernement ouvert et responsable.
L'objectif déclaré du projet de loi , c'est de mettre à jour la Loi sur l'accès à l'information en apportant les modifications qui s'imposent. Cependant, comme c'est le cas pour de nombreuses promesses libérales, ces modifications n'ont pas été apportées. À maintes reprises au cours de la présente législature, les libéraux ont prononcé de belles paroles, ont utilisé des termes à la mode et ont fait des déclarations pompeuses plutôt que de prendre de véritables mesures. À bien des égards, ce projet de loi ne fait pas exception, et je vais en parler.
Lorsqu'un gouvernement est ouvert et responsable, les citoyens doivent avoir accès à l'information sur les décisions prises par le Parlement et les institutions gouvernementales. Depuis que la première Loi sur l'accès à l'information a été présentée en 1983, les Canadiens peuvent demander des renseignements à leur sujet ou au sujet de décisions ayant sur eux des répercussions. Cependant, les technologies de l'information ont beaucoup changé, tout comme les opérations gouvernementales. Beaucoup de temps s'est écoulé. La loi n'a pas été remaniée de façon significative depuis qu'elle a été présentée la première fois, et des porte-parole des divers partis ont souligné qu'une réforme s'impose.
Les conservateurs ont avancé l'idée d'un gouvernement ouvert par défaut au cours de la législature précédente. C'est un gouvernement libéral qui a présenté la loi en 1983. Cependant, les gouvernements conservateurs et libéraux successifs ont omis de la mettre à jour comme il se doit. Je suppose qu'on devrait féliciter le gouvernement libéral actuel d'avoir entrepris cette tâche, mais le projet de loi présenté comporte de nombreuses lacunes. Le projet de loi ne règle pas adéquatement les nombreuses lacunes qui ont été relevées dans le régime canadien actuel sur l'accès à l'information et dont on a entendu parler en détail à l'étape du comité.
Quand je siégeais au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, celui-ci a mené une étude approfondie de la loi et des questions connexes. Nous avons entendu de nombreux témoins, des chiens de garde de la reddition de comptes aux représentants du bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels dans des ministères, en passant par la commissaire à l'information du Canada en plus d'autres personnes. Nous avons étudié le rapport complet de la commissaire sur l'état de l'accès à l'information au pays et nous avons adopté un grand nombre de ses recommandations principales dans notre rapport. Les députés des trois partis qui formaient le comité ont uni leurs forces pour rédiger un rapport réfléchi qui incluait des recommandations sensées sur la réforme de l'accès à l'information. Or, la réponse du gouvernement au rapport est décevante en plus de venir tard. Les libéraux ont promis que la première étape de l'examen ministériel sur le régime d'accès à l'information du Canada serait terminée à temps pour présenter un projet de loi au début de 2017. Nous voilà maintenant à la fin de septembre, et nous ne commençons qu'aujourd'hui à débattre du projet de loi, qui, selon de nombreux détracteurs, n'est qu'une demi-mesure.
Parmi les principales lacunes soulevées par les témoins devant le comité, il y avait la culture du secret, qui est répandue dans l'ensemble du gouvernement. Une telle culture entre en contradiction avec les promesses libérales et les initiatives conservatrices. La question va au-delà des allégeances politiques. Par exemple, les conservateurs soutiennent que le gouvernement du Canada devrait être ouvert par défaut. Pendant la dernière législature, le gouvernement conservateur a publié une étude intitulée « Plan d'action du Canada pour un gouvernement ouvert », dans laquelle les conservateurs ont reconnu ce qui suit:
Le principal défi pour les gouvernements consiste à savoir comment passer à un environnement où les données et les informations sont publiées ouvertement au public par défaut, tout en respectant les restrictions de protection des renseignements personnels, de sécurité et de confidentialité.
Un tel contexte représente un changement fondamental dans la culture gouvernementale, qui requiert une orientation pangouvernementale pour encadrer la publication de l’information du gouvernement fédéral et faire progresser les objectifs généraux de transparence, de responsabilisation et de mobilisation des citoyens.
Un tel contexte de divulgation serait aux antipodes de ce que les témoins devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique ont décrit comme une culture du secret au sein des entités gouvernementales.
D'après des témoins comme Sean Holman, le vice-président de l'Association canadienne des journalistes, l'attitude générale de la fonction publique est de dissimuler les renseignements plutôt que de les divulguer; et d'être circonspect plutôt qu'ouvert. Cette attitude découle de la loi et du Cabinet. M. Holman l'a bien expliqué lorsqu'il a dit:
Nous avons un problème culturel lorsqu'il s'agit du secret. [...] En apportant des amendements à la Loi sur l'accès à l'information, nous ne ferons que régler un aspect du problème. [...] [L]e problème, lorsque la Loi sur l'accès à l'information a été adoptée, c'est qu'elle s'est greffée sur un système politique cachottier. Nous n'avons pas réglé le problème véritable; nous avons plutôt adopté une loi qui était conforme au système existant.
Il parlait de la première loi mise en place en 1983, qui est demeurée pratiquement inchangée depuis.
Il ne s'agit pas de critiquer les fonctionnaires du Canada, puisqu'ils reçoivent leurs instructions de la direction. Ceux qui entrent à la fonction publique doivent composer avec une culture qui existait avant leur arrivée. Mettre en place une culture d'ouverture par défaut exige l'adhésion des ministres, du , des sous-ministres et de la haute direction de tous les ministères. La culture ne peut pas changer du jour au lendemain par la simple adoption d'un nouveau projet de loi au Parlement.
L'ouverture et la reddition de comptes commandent des réponses en temps opportun. Au comité, des témoins ont critiqué amèrement les retards par rapport aux normes de services visant le traitement des demandes d'accès à l'information. Ils ont indiqué que les reports à répétition peuvent, dans certains cas, entraîner des délais de traitement de plus d'un an. Cela réduit d'autant la valeur de l'information pour les journalistes qui cherchent des données récentes. Dans certaines circonstances, des gens doivent mettre leur vie en suspens lorsque les renseignements sont d'une importance cruciale, ce qui n'est pas sans rappeler l'adage disant que justice différée est justice refusée.
Le projet de loi tient compte de certaines recommandations du comité, la principale étant le fait d'accorder au commissaire le pouvoir de rendre une ordonnance ayant force exécutoire pour la publication de certains renseignements. Même si ce pouvoir d'ordonnance devrait faciliter l'accès de la population à l'information, ce n'est pas un remède miracle à la culture du secret. Par ailleurs, même si cette proposition figure dans les recommandations finales du comité, elle n'avait pas l'assentiment de tous les témoins.
Le comité a entendu divers témoins dont Michel Drapeau, professeur, colonel à la retraite et avocat spécialiste de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée. Il a fait valoir qu'il était inutile d'adopter un modèle exécutoire, puisque le problème vient de la culture gouvernementale, c'est-à-dire que les agents responsables des demandes d'accès à l'information évoluent et travaillent dans un contexte marqué par le manque d'ouverture.
Si les agents d'accès à l'information d'un ministère et d'autres membres de la fonction publique avaient pour culture et pour mentalité de communiquer ouvertement des renseignements et de s'assurer, dès le départ, qu'ils soient communiqués en temps opportun, nous n'aurions pas à nous demander s'il faut adopter un modèle exécutoire pour forcer la divulgation. Le problème le plus marqué est peut-être celui du temps de réponse, et on ne le réglera pas en donnant au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances.
Nous nous réjouissons que le projet de loi exige que le ministre entreprenne l’examen de la loi dans l’année qui suit la sanction royale et, par la suite, tous les cinq ans. Avec un peu de chance, on évitera ainsi qu'il s'écoule encore 34 ans avant le prochain examen de la loi. Il s'agit d'une exigence importante, puisque la technologie, notamment la technologie de l'information, évolue très rapidement. Si la volonté politique demeure et que les gouvernements souhaitent revoir cette loi dans les années à venir, il est bon que la loi contienne une disposition à cet effet.
Les dispositions du projet de loi qui exigent la publication proactive de documents qui concernent le Parlement, les bureaux de ministre, les cours supérieures et d'autres institutions sont un heureux ajout au régime d'accès à l'information et elles devraient encourager un climat d'ouverture par défaut. Toutefois, il y a manifestement loin de la coupe aux lèvres.
Certes, la divulgation proactive d'informations recherchées devrait accroître la responsabilité démocratique et devancer beaucoup de demandes. Toutefois, voir diverses entités parlementaires et gouvernementales divulguer des renseignements de leur propre initiative et étendre la portée de la Loi sur l'accès à l'information afin de viser ces entités constituent deux choses distinctes. Ni le comité ni la commissaire n'ont fait cette recommandation. Ce n'est pas ce que les libéraux avaient promis dans leur plate-forme électorale de 2015 et cela ne fait pas partie du mandat que le a confié par écrit au .
La lettre de mandat du ministre lui enjoint de diriger un examen de la Loi et de mettre en oeuvre certaines réformes afin « que la Loi s’applique de façon appropriée au Cabinet du premier ministre et aux cabinets des ministres ainsi qu’aux institutions administratives à l’appui du Parlement et des tribunaux ».
Pour que la Loi s'applique au bureau du premier ministre et aux cabinets ministériels, il faudra plus que la publication proactive d'une liste restreinte de renseignements utiles. Cela dit, cette recommandation n'est pas la seule que le projet de loi ignore ou ne suit que partiellement.
Notre rapport suggère plusieurs enjeux sur lesquels le gouvernement devrait se pencher ou mener des consultations pendant la deuxième étape de son examen. Je serais heureux de savoir si le gouvernement a tenu compte de ces suggestions et si les consultations avancent bien.
Pour qu'un gouvernement soit ouvert et responsable, il doit disposer d'un régime qui permet de répondre en temps opportun aux demandes d'accès à l'information. Cela s'applique à tous les secteurs d'activité du gouvernement du Canada, à quelques importantes exceptions près, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de protéger le privilège parlementaire, les documents confidentiels du Cabinet ou la sécurité nationale. Ainsi, les entités gouvernementales ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations de divulgation. C'est pourquoi le comité a recommandé que le ministre consulte les personnes qui appuient le Parlement, comme les greffiers du Sénat et de la Chambre des communes et le bibliothécaire parlementaire, afin de déterminer comment protéger adéquatement le privilège parlementaire et mettre en place un processus d'examen indépendant des dispositions à ce chapitre.
Afin d'améliorer le temps de réponse aux demandes d'accès à l'information, nous avons recommandé d'uniquement prolonger les délais lorsque c'est absolument nécessaire et, même alors, seulement pour un maximum de 30 jours. Nous avons aussi recommandé de supprimer les exclusions prévues dans la Loi sur l’accès à l’information et de les remplacer, au besoin, par des exceptions. Comme Ken Rubin l'a mentionné au comité, en réponse à une question, nous ne pouvons pas nous attendre à changer la culture du secret simplement en conférant au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances, surtout pas si toutes les exclusions demeurent en vigueur du fait du maintien d'une longue liste d'exceptions.
Le fait de supprimer des exclusions, qui sont des domaines précis que la Loi ne couvre pas, pour les remplacer par des exceptions permettrait aux entités gouvernementales de refuser des demandes pour des motifs précis et d'assurer ainsi une meilleure surveillance du régime d'accès à l'information du Canada. Cela aurait aussi comme avantage de faire évoluer la culture de la fonction publique dans le sens de l'ouverture par défaut.
Afin de protéger le travail essentiel de gouvernance du Parlement, le comité a proposé que l'on ajoute une exception obligatoire pour les documents confidentiels du Cabinet lorsque la communication de l'information pourrait révéler la substance des délibérations, sauf s'il s'agit de discussions couvrant des faits établis ou des renseignements généraux sur une période donnée et qu'il y a consentement sur la communication de l'information, ce genre de choses.
Afin de simplifier les choses, de réduire le nombre de demandes reçues et de créer une culture d'ouverture par défaut, le comité a également proposé que les institutions répondent aux demandes d'accès à l'information en fournissant les renseignements dans des formats de fichiers ouverts, réutilisables et accessibles, comme PDF, Word, Excel et d'autres formats similaires, plutôt que dans des formats peu connus ou hautement spécialisés.
Bien que les mesures proposées par le comité soient foncièrement utiles, elles ne suffiront pas à créer un régime d'accès complet à l'information, puisqu'une grande part des entités gouvernementales ne sont pas assujetties à la loi.
Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables, a dit au comité que « la loi fédérale sur l'accès à l'information devrait s'appliquer à l'ensemble du gouvernement fédéral, y compris aux secteurs contrôlés et financés par le gouvernement ». Le principe en jeu ici est relativement simple: dès que l'on dépense de l'argent des contribuables, la population mérite qu'on lui rende des comptes en toute transparence.
Pour déterminer quelle devrait être la portée exacte de la Loi, la commissaire à l'information a affirmé ceci: « L’utilisation des critères pour déterminer les organismes qui doivent être assujettis à la Loi constitue une approche rationnelle à la portée, car elle favorise la prévisibilité quant aux organismes assujettis à la Loi. » Cette façon de faire garantit en outre que toutes les institutions dont les fonctions sont semblables y seront assujetties. Les critères de la commissaire visent notamment les institutions relevant en tout ou en partie du gouvernement, les institutions dotées d'une fonction publique à l'échelon fédéral du fait qu'elles peuvent prendre des règlements et établir des normes en application d'une loi fédérale ou qu'elles sont chargées d'appliquer une politique fédérale, les institutions constituées en vertu d'une loi fédérale ainsi que les nombreuses institutions assujetties à la Loi sur la gestion des finances publiques.
Le gouvernement a entrepris l'examen du régime canadien d'accès à l'information et il en est à sa première tentative pour actualiser la loi. Nous sommes déçus que le ait fait fi de bon nombre des recommandations du comité. Ce qui aurait pu être un bon point de départ pour un projet intéressant se révèle plutôt une déception pour les députés, les témoins et la commissaire à l'information elle-même, qui a contribué à une étude approfondie sur le sujet. Le président du Conseil du Trésor semble s'attendre à ce qu'on l'applaudisse à tout rompre pour ces quelques demi-mesures qui ne feront rien, à première vue, pour régler les nombreux problèmes d'un régime d'accès à l'information que ses détracteurs qualifient volontiers de vicié.
Ce matin, le ministre a fait comme si le projet de loi allait transformer instantanément le Canada en chef de file mondial en matière d'accès à l'information. Or, ce n'est tout simplement pas le cas. De nombreux problèmes demeureront. En comparaison, prenons un pays comme la Serbie, qui n'était même pas un État souverain en 1983, quand notre loi a été adoptée, puisqu'elle faisait partie d'une fédération sous dictature communiste. Ce pays a devancé le Canada selon des observateurs internationaux. Ce n'est pas à l'honneur du régime actuel. Nous pouvons aussi nous comparer à un pays comme la Suède, qui dispose de lois sur l'accès à l'information depuis 250 ans. Des témoins n'arrivaient pas à croire qu'au Canada cela pouvait prendre des mois pour obtenir des renseignements qu'on obtiendrait normalement en 24 heures dans des pays comme ceux-là.
Le gouvernement essaie de s'attribuer beaucoup trop de mérite pour cette réforme. J'exhorte le ministre à revoir le projet de loi et à corriger ses nombreuses lacunes. J'encourage tous les nouveaux membres du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique à profiter de l'étape de l'examen pour l'amender. Le Canada mérite un gouvernement ouvert et responsable qui dispose d'un régime complet et raisonnable d'accès à l'information. Nous méritons mieux que le projet de loi C-58.
Je n'appuierai pas ce projet de loi, car l'appuyer reviendrait à récompenser le gouvernement pour avoir manqué à ses promesses électorales et s'être fait gloire d'un écran de fumée qu'il qualifie de grande solution globale.