La Chambre reprend l'étude, interrompue le 5 décembre 2017, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'être à la Chambre aujourd'hui pour parler du projet de loi . J'aimerais commencer par remercier le député d' de l'ardeur et des efforts qu'il déploie depuis toujours pour faire avancer les causes des Autochtones, et dans sa circonscription et à l'échelle du pays. Il défend les droits des Autochtones et les langues autochtones avec coeur. C'est un survivant du système des pensionnats indiens.
Ce fut un plaisir de travailler avec le député lorsque j'étais secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes, au cours de la législature précédente. Nous avons abordé ce sujet ensemble. Il avait présenté un projet de loi semblable à celui-ci, demandant au gouvernement du Canada de veiller à ce que les lois canadiennes tiennent compte de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Voici ce que j'avais dit alors:
Je tiens à dire d'emblée que le gouvernement est déterminé à protéger les droits des Autochtones au Canada. Le Canada jouit déjà d'un cadre législatif unique et solide qui protège les droits des Autochtones [...]
Loin de nous contenter de voeux pieux, nous avons inscrit les droits des peuples autochtones dans notre Constitution, ce que très peu de pays ont fait. Comme le savent sans doute les députés, les droits des Autochtones et issus des traités sont reconnus et confirmés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle et confirmés à nouveau dans la Charte des droits et libertés. Qui plus est, le gouvernement conservateur a également fait une déclaration d'appui à l'égard des principes du document même qui se trouve au coeur du projet de loi, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui cadre avec l'engagement que nous avons pris de continuer de travailler en partenariat avec les peuples autochtones afin d'améliorer le bien-être des Canadiens autochtones.
Cependant, nous avons également clairement affirmé d'entrée de jeu que, même s'il en appuie les principes généraux, le gouvernement nourrit de sérieuses réserves quant à plusieurs éléments de la déclaration, réserves qu'il a clairement fait connaître aux Canadiens et à la communauté internationale, surtout en ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause [...]
Il s'agit là du noeud du débat. Le concept de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est-il compatible avec l'article 35 de la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés? Pouvons-nous faire cadrer le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avec ce concept canadien qu'est l'obligation de consulter et d'accommoder, au besoin, qui a été conçu par des assemblées législatives canadiennes et des parlements canadiens au moyen de négociations et en se fondant sur la jurisprudence? Les deux concepts peuvent-ils se concilier ou est-ce que la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause l'emporterait sur le travail réalisé, surtout au cours des 15 dernières années, par les tribunaux et le gouvernement en vue d'établir l'obligation de consulter et d'accommoder? Il s'agit d'un concept que l'on améliore continuellement. Il est typiquement canadien et il est adapté aux circonstances particulières des Canadiens, dont l'article 35. Nous sommes l'un des seuls pays au monde qui décrit précisément les droits des Autochtones et qui les a inscrits dans sa Constitution.
Des gens craignent fortement la façon dont la convention des Nations unies interagira avec les lois canadiennes si celle-ci est simplement adoptée. C'est pour cette raison que le gouvernement précédent, tout en appuyant ses objectifs et ses principes sous-jacents, a qualifié la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de document aspiratoire qui devrait servir de cadre de référence et non de texte juridique.
Il s'agit d'une différence majeure entre la vision du NPD et celle du gouvernement actuel. Le gouvernement du Canada a signalé qu'il allait appuyer le projet de loi, ce qui signifie qu'il doit adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et harmoniser les lois canadiennes avec elle.
L'un des problèmes du député relativement aux propos que j'ai tenus et à la fonction que j'occupais lors de la dernière législature, vise la question de savoir si le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause constitue un droit de veto.
La déclaration des Nations unies comporte des articles précis qui portent sur l'exploitation des ressources naturelles, par exemple, sur les territoires traditionnels. Le député s'est profondément offusqué lorsque j'ai indiqué que cette disposition constituerait un droit de veto pour les communautés autochtones, mais je ne suis pas le seul à l'avoir dit. Pam Palmater, militante et commentatrice autochtone, a déclaré ceci, sans ambages, dans une entrevue donnée à la CBC:
Nous avons [...] légalement le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause [...] Les Premières Nations ne demandent rien. Elles ont le droit de donner leur consentement au préalable, librement et en connaissance de cause. Ce droit est garanti par la loi, ce qui en fait essentiellement un droit de veto. Si les Premières Nations disent non à un projet sur leur territoire, cela veut dire non. De plus, [le premier ministre] a déclaré très clairement que, lorsqu'on discute avec les Premières Nations, non c'est non. Son travail, c'est de trouver une façon d'obtenir leur accord de manière à [...] protéger l'environnement et [à] stimuler l'économie, sans pour autant que l'un ne profite aux dépens de l'autre.
Le 8 février 2017, dans un article intitulé « [Le premier ministre] a oublié les promesses qu'il avait faites aux Autochtones du Canada », elle a ajouté:
Pendant la campagne électorale de 2015, [le premier ministre] a dit aux Premières Nations que, si nous l'élisions, il respecterait scrupuleusement le droit légalement reconnu que nous avons d'opposer notre veto à tout projet de développement situé sur l'un de nos territoires. Pourtant, son gouvernement a approuvé deux grands projets de pipelines.
Nous n'avons pas le choix de contester les projets de pipelines du gouvernement canadien et de continuer à nous battre.
De toute évidence, certains universitaires autochtones estiment que le simple fait de souscrire aux principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones suffit pour conférer un droit de veto à ces derniers. Nous n'en sommes pas encore là. On ne peut pas brûler ainsi les étapes alors qu'on ne s'entend même pas sur le sens à donner à ces articles ou sur la manière de les appliquer au droit canadien.
J'aimerais maintenant citer les paroles de l'ex-juge à la Cour suprême Frank Iacobucci:
La consultation des peuples autochtones « dans le but d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » constitue l'un des principes fondamentaux de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les lois et les politiques publiques à venir de même que l'interprétation qui en sera faite par les tribunaux permettront de déterminer si ces principes divergent de manière substantielle de la jurisprudence canadienne sur l'obligation de consulter.
Quoi qu'il en soit, le principe voulant que les Autochtones doivent donner leur consentement préalable, librement et en connaissance de cause, et celui qui traite de l'obligation de consulter poursuivent un seul et même but: protéger les peuples autochtones, remédier à un désavantage historique et servir de fondement à l'établissement d'une relation plus respectueuse et mutuellement avantageuse.
C'est bien sûr aussi le but que poursuivent les parlementaires. Nous voulons faire en sorte que les lois et le système servent mieux les intérêts des peuples autochtones du Canada. Nous devons faire le nécessaire pour que les Autochtones voient les avantages associés à l'exploitation responsable des ressources. Il est déjà arrivé, tout le monde le sait, que le gouvernement fasse fi des communautés autochtones qui appuyaient ce principe. Dans le cas du pipeline Eagle Spirit Energy, par exemple, les Autochtones n'ont pas du tout pu donner leur point de vue sur le moratoire contre les pétroliers dans le Nord de la Colombie-Britannique. Le pipeline Northern Gateway, de son côté, a été annulé sans que soient consultées les communautés autochtones à qui les retombées du projet auraient pu rapporter 2 milliards de dollars. On ne sait même pas encore qui, au Canada, pourra agir au nom des Autochtones et donner officiellement leur consentement préalable, librement et en connaissance de cause, au sens où l'entend la déclaration des Nations unies.
Nous voulons tous cheminer ensemble sur la voie de la réconciliation. Les conservateurs ont agi en ce sens. C'est en effet le gouvernement conservateur qui a lancé la Commission de vérité et réconciliation. Toutefois, les conservateurs estiment que nous devrions respecter la jurisprudence et le droit canadiens, ainsi que l'obligation de consultation et d'accommodement. À notre avis, le projet de loi dont nous sommes saisis nous enliserait dans le doute, ce qui accentuerait le climat d'incertitude au Canada. Loin de favoriser la réconciliation, il susciterait plutôt davantage de craintes et de discorde. Selon nous, il ne faut pas seulement adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, mais aussi unir nos efforts afin de trouver une solution proprement canadienne. Il faut unir nos efforts et nous servir des outils constitutionnels et judiciaires dont nous disposons déjà.
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Monsieur le Président, je veux dès le départ rappeler que plus de 6 000 Canadiens ont comparu devant la Commission de vérité et réconciliation et que bon nombre d'entre eux ont réclamé l'adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je tiens en particulier à remercier notre collègue le député d' du dévouement dont il a fait preuve pendant le processus de création de la Déclaration ainsi que de sa détermination à faire inscrire ce document dans la loi canadienne.
C'est véritablement un honneur et un privilège d'exprimer mon appui au projet de loi . Cette mesure législative a été présentée par le porte-parole du NPD en matière de réconciliation, le député d'. Elle inscrit la Déclaration dans la loi canadienne et, ce faisant, lui reconnaît la valeur d'outil universel de protection des droits de la personne. Elle oblige aussi le gouvernement à faire tout ce qui s'impose, en collaboration avec les peuples autochtones du Canada, pour que le droit canadien soit conforme à la Déclaration. Elle exige enfin l'adoption, dans le cadre de ce même processus inclusif, d'un plan d'action visant à atteindre tous ces objectifs.
Dès 2006, l'ancien chef du NPD, Jack Layton, avait exprimé le soutien de notre parti à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, disant que c'était parce que nous croyions en la justice sociale et en l'égalité que nous soutenions la Déclaration. Des projets de loi et des motions à ce sujet ont été présentés lors des dernières législatures par l'ancienne députée néo-démocrate Denise Savoie et la députée de . Au cours de la législature précédente, un projet de loi semblable au projet de loi a été déposé par le député d', mais il a été rejeté par 17 voix à l'étape de la deuxième lecture.
Cette déclaration a été adoptée à une écrasante majorité par l'Assemblée générale de l'ONU en septembre 2007, après plus de 25 ans de délibérations et de débat. Tout le processus a été marqué par un sérieux travail de leaders autochtones canadiens respectés, parmi lesquels le député d' et le grand chef Wilton Littlechild, estimé commissaire à la Commission de vérité et réconciliation.
Comme l'a dit mon collègue, c'était la première fois que l'on permettait aux peuples autochtones titulaires de droits de jouer un rôle central dans la création d'un document reconnaissant leurs droits à l'échelle mondiale. La Déclaration affirme le droit des peuples autochtones à l'autodétermination pour tout ce qui touche leur vie. Elle souligne l'interdiction de la discrimination et des génocides en droit international.
Le projet de loi inscrira la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi canadienne. Il est important de souligner que le vote en faveur d'une déclaration des Nations unies n'est que la première étape en vue de démontrer notre engagement en tant que pays. L'étape essentielle suivante est l'adoption d'une loi afin d'affirmer ces principes dans la loi. Un plan d'action doit ensuite être élaboré et mis en oeuvre afin d'appliquer véritablement les principes. Par exemple, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique a été inscrite dans la loi canadienne par la Loi sur les espèces en péril. Cependant, la lutte continue pour s'assurer que les droits et les avantages accordés en vertu des traités séparés sont aussi respectés dans l'application de cette loi.
Il convient de noter que la Cour fédérale a conclu qu'une ancienne ministre fédérale de l'Environnement avait commis une erreur de droit, car elle n'avait pas tenu compte des droits accordés aux peuples autochtones, conformément au traité, pour le rétablissement du caribou des bois. Malheureusement, peu de choses ont changé, ce qui oblige les tribunaux et les agences de l'ONU de continuer à intervenir. Les dirigeants autochtones étudieront de près les mesures législatives à venir visant à réglementer l'évaluation environnementale, les grands projets énergétiques, le secteur des pêches et les eaux navigables, afin de vérifier qu'elles sont conformes à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nous avons été encouragés par le gouvernement libéral actuel qui s'est écarté de la position du gouvernement conservateur précédent selon laquelle la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est simplement « un document ambitieux ». En mai 2016, la ministre des Affaires autochtones et du Nord de l'époque annonçait que le gouvernement allait appuyer entièrement et sans réserve la Déclaration. Cependant, une confusion a persisté en raison des réserves continues à l'égard de cet appui et un refus permanent d'inscrire la Déclaration dans la loi fédérale.
Finalement, le dossier a débloqué en novembre dernier lorsque la a dit publiquement:
[...] notre gouvernement appuiera le projet de loi C-262, qui reconnaît l’application de la déclaration des Nations unies au Canada et demande l’harmonisation des lois du Canada avec la déclaration des Nations unies.
En enchâssant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans les lois canadiennes, à quoi s'engagera le gouvernement libéral? La Déclaration contient 46 articles décrivant les droits à accorder aux peuples autochtones pour qu'ils puissent affirmer leur autodétermination et pour mettre fin à la discrimination et au génocide. Elle fournit un cadre détaillé pour la justice et la réconciliation.
Le projet de loi s'accorde avec la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation que toutes les lois soient élaborées en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones.
Rappelons également que le s'est engagé à donner suite à l'ensemble des 94 appels à l'action lancés par la Commission de vérité et réconciliation. Plus précisément, les appels à l'action nos 43 à 52 demandent aux « gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de même qu’aux administrations municipales d’adopter et de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation ».
Le projet de loi donne suite à la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation d’élaborer un plan d’action et des mesures de portée nationale pour que toutes les lois fédérales s'accordent avec les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de publier un rapport annuel sur la situation des peuples autochtones dans lequel le gouvernement pourrait rendre des comptes et présenter ses intentions pour ce qui est de faire avancer le dossier de la réconciliation. En prenant cet engagement, le gouvernement du Canada s'est donc engagé à « élaborer un plan d’action et des stratégies de portée nationale de même que d’autres mesures concrètes » pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, y compris la promulgation d'une loi pour créer un conseil national de réconciliation.
Dans son rapport intérimaire, la Commission de vérité et réconciliation a recommandé que tous les gouvernements utilisent la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre de travail pour la mise en oeuvre du processus de réconciliation au Canada. Le conseil, maintenant établi, est dirigé par l'ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation et actuel grand chef du traité no 6, Wilton Littlechild. Comme il me l'a rappelé récemment, la Déclaration appelle également tous les États à honorer et à respecter les traités et les autres ententes conclus avec les peuples autochtones.
Pour conclure, je veux citer un message dont le grand chef Wilton Littlechild m'a fait part et qui était destiné aux signataires des traités nos 1 à 11. Le voici: « Comme l'aigle qui symbolise les Premières Nations a besoin de ses deux ailes pour voler, les traités que nous signons de bonne foi et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui représentent l'une et l'autre de ces ailes, sont nécessaires à notre essor. Il y a 40 ans, les chefs autochtones se sont mobilisés parce qu'on contrevenait aux traités. Ils ont uni leurs efforts pour que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soit rédigée et adoptée internationalement, pour que leurs traités soient enfin respectés. »
En appuyant le projet de loi , nous pouvons donner l'assurance que la Déclaration sera enfin inscrite dans la loi. Il faut toutefois demeurer vigilant et veiller à respecter ces droits. Il ne suffit plus de s'engager à concrétiser éventuellement les promesses relatives au respect des droits fonciers, des droits relatifs à l'autonomie gouvernementale, à la salubrité de l'eau potable, à des services et à une éducation comparables et au respect de la langue et de la culture.
Comme le député d' l'a indiqué: « La Déclaration est une proclamation puissante par laquelle les peuples autochtones disent qu’ils ont survécu, qu’ils survivront et qu’ils ont droit à un traitement juste et équitable de la part des gouvernements et des collectivités. La mise en œuvre de la Déclaration pourrait bien être un moment charnière de l’histoire mondiale. »
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui sur les terres jamais cédées du peuple algonquin au sujet du projet de loi .
Je tiens d'abord à remercier mon cher ami, le député d' de son leadership dans la présentation du projet de loi C-262. Lorsque nous avons parcouru ensemble le pays pour nos travaux du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, beaucoup des leaders des communautés autochtones ont exprimé leur appui pour le projet de loi et, tout particulièrement, pour l'acceptation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada.
Je tiens à remercier et à reconnaître le caucus autochtone, la , la et la , ainsi que leurs secrétaires parlementaires.
J'estime que le point de départ de ce débat est le simple fait que la majorité des lois du Canada ne tiennent pas compte des peuples autochtones, ne les respectent pas et ne les reconnaissent même pas. Au terme du 150e anniversaire de la Confédération, nous avons pu faire le bilan d'où nous en sommes et réfléchir à ce que cette fédération signifie pour nous. Pour bon nombre d'entre nous, le Canada est un pays en constante évolution, plein de paradoxes. Les personnes qui s'y sont établies, y compris moi et ma famille, ont tiré des bienfaits de ce pays, de ses ressources naturelles et de ses lois. Les lois m'ont protégé, et elles m'ont permis de trouver sécurité et refuge. Depuis les années 1600, des milliers d'autres personnes ont eu la même expérience.
En même temps — et simplement dit —, ces lois continuent de brimer les droits de nos frères et soeurs autochtones. Dans de nombreux cas, elles perpétuent l'oppression dont ils sont victimes. En fait, la Loi sur les Indiens, adoptée en 1876, demeure l'une des mesures législatives les plus régressives, racistes et colonialistes de l'histoire canadienne et, j'oserais même dire, mondiale. Malgré les nombreux progrès réalisés en matière de droits de la personne, les lois et les pratiques régressives qui empêchent l'épanouissement des peuples autochtones, et ce, dans pratiquement tous les aspects du développement social, sont inacceptables.
Le 10 décembre 2018, nous célébrerons le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Pourtant, au cours des 35 premières années suivant son adoption, il y a eu très peu de progrès en matière de droits autochtones au Canada. La Loi constitutionnelle de 1982 a reconnu, par l'article 35, les droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada. La revendication de ces droits au cours des 35 dernières années a mené à quelques timides percées réalisées au moyen d'un processus hautement litigieux qui a provoqué des changements graduels.
Grâce au travail de nombreux dirigeants autochtones du Canada, dont le chef Willie Littlechild, notre collègue d'Abitibi—Baie-James et d'autres personnes, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée par les Nations unies en 2007. Malheureusement, le gouvernement précédent n'en a pas fait autant.
En 2016, le gouvernement a adopté la Déclaration et, au printemps dernier, la , accompagnée de nombreux collègues, s'est rendue dans les bureaux des Nations unies à New York à l'occasion du 10e anniversaire du document pour affirmer l'appui inconditionnel du gouvernement canadien envers celui-ci.
Ces déclarations ont été accompagnées des mesures suivantes prises par le gouvernement: premièrement, l'établissement d'un groupe de travail de ministres, dont le mandat consiste à examiner les lois, les politiques et les pratiques opérationnelles relatives aux peuples autochtones; deuxièmement, l'adoption et la communication publique des 10 principes relatifs à la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones; troisièmement, la création de trois tribunes permanentes axées sur les distinctions avec l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami, ainsi que le Ralliement national des Métis et ses membres directeurs; quatrièmement, l'adoption de nouvelles stratégies de règlement des différends qui mettent l'accent sur la négociation plutôt que sur les recours judiciaires; cinquièmement, l'élaboration de mesures législatives en matière d'évaluation environnementale et de langues autochtones; sixièmement, l'établissement de plus de 50 tables de discussion sur la reconnaissance des droits des Autochtones et l'autodétermination.
Il s'agit de mesures importantes et nécessaires en vue de redéfinir la façon dont le gouvernement traite et travaille en partenariat avec les peuples autochtones. Cela dit, notre engagement à l'égard des peuples autochtones ne s'établira pas en fonction des mesures individuelles prises, mais plutôt en fonction des efforts constants et systématiques déployés en vue de faire avancer la réconciliation d'une façon axée sur la transformation. En conséquence, le gouvernement compte s'appuyer sur ces mesures initiales et poursuivre dans cette voie, de sorte que les relations soient réorientées en tenant compte des droits des Autochtones et de leur autodétermination.
La mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies constitue un volet important de ce travail. Le projet de loi prévoit davantage d'uniformité entre les normes établies dans la Déclaration des Nations unies et dans les lois fédérales, ainsi qu'un plan d'action national et des mécanismes de reddition de comptes en vue de sa mise en oeuvre. Il s'agit de l'appel à l'action no 43 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui demande au gouvernement de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies dans le cadre de la réconciliation. Tous deux demandent au gouvernement d'adopter des mesures visant à reconnaître les droits des peuples autochtones et à faire en sorte que les communautés autochtones soient en mesure de s'épanouir sur les plans social, économique et culturel. Voilà ce que signifie la réconciliation.
Comme point de départ, le gouvernement comprend qu'aucune réconciliation n'est possible sans reconnaissance. En effet, la reconnaissance est nécessaire avant que la réconciliation puisse réellement transparaître dans la vie des peuples autochtones, de tous les Canadiens et dans leurs relations. C'est pourquoi la prochaine étape fondamentale consiste à remédier au déni, qui est au coeur des lois et des politiques fédérales, et à le remplacer par la reconnaissance des droits des peuples autochtones.
Quand on parle de reconnaissance et de mise en oeuvre des droits, y compris ceux prévus dans les traités, tant historiques que modernes, on parle des droits des Autochtones tels qu'eux-mêmes les ont toujours définis, c'est-à-dire des droits inhérents, tenant compte du fait que les peuples autochtones disposaient de régimes législatifs gouvernementaux et qu'ils possédaient et utilisaient les terres qui formaient le Canada avant l'arrivée des Européens.
L'absence de reconnaissance des droits et les relations fondées sur le déni de ces droits ont contribué aux indicateurs socioéconomiques inacceptables pour les peuples autochtones. Ces indicateurs ont été exposés sans ambages par la ministre des Services aux Autochtones en janvier durant la réunion d'urgence sur les services à l'enfance et à la famille des Premières Nations, des Inuits et des Métis qui s'est tenue entre les gouvernements, les dirigeants autochtones et des experts. Par exemple, l'espérance de vie des Autochtones est jusqu'à 15 années inférieure à celle du reste des Canadiens, le taux de mortalité infantile chez les Premières Nations et les Inuits est deux ou trois fois plus élevé, le nombre de décès par surdose en Alberta et en Colombie-Britannique est jusqu'à trois fois supérieur chez les membres des Premières Nations, et le taux de tuberculose est 270 fois plus élevé chez les Inuits que chez le reste de la population.
Il faut absolument mettre en oeuvre un cadre de reconnaissance des droits pour supprimer l'écart socioéconomique, réduire la pauvreté, mettre fin au drame qu'est le suicide chez les jeunes, bâtir des familles, des communautés et des nations plus saines, et veiller à ce que toutes les générations futures d'enfants autochtones jouissent de perspectives, d'une prospérité et d'un bien-être toujours croissants.
Il est impératif que les Canadiens aient finalement une discussion sur la reconnaissance et la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones, non seulement parce que nous avons l'obligation constitutionnelle de reconnaître ces droits, mais aussi parce que les écarts socioéconomiques qui continuent d'exister entre les communautés autochtones et non autochtones constituent une honte nationale. Le moment est venu d'agir.
Il faudra prendre tout un tas de mesures, dont des mesures législatives, comme celles proposées dans le projet de loi , et d'autres encore, pour renverser le courant et changer les lois, les politiques et les méthodes opérationnelles afin de reconnaître les droits des peuples autochtones. Cette approche est entièrement conforme à l'article 38 de la Déclaration, qui reconnaît que la mise en oeuvre requiert une intervention de la part du gouvernement, qui doit prendre les mesures nécessaires, dont des mesures législatives, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, afin d'atteindre les objectifs de la Déclaration.
C'est pour cette raison que le gouvernement, en plus d'appuyer le projet de loi , continuera à travailler avec les peuples autochtones pour apporter d'autres changements législatifs et politiques afin de favoriser une relation basée sur la reconnaissance et la mise en oeuvre de leurs droits.
Les peuples, les dirigeants et les communautés autochtones doivent nécessairement faire partie de cette transition. Il est important de reconnaître que les peuples autochtones se sont longtemps battus pour faire reconnaître leurs droits tant au Canada qu'à l'étranger. L'engagement du gouvernement de renouer ses liens avec les peuples autochtones veut que nous écoutions et répondions enfin à leurs demandes.
Nous avons bien hâte de continuer à collaborer et à agir en partenariat avec eux. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas parce que nous avons pris de nombreuses mesures jusqu'à présent que nous considérons avoir rempli notre engagement. Au contraire, nous sommes d'avis que nous ne sommes qu'au début d'un engagement changeant et continu à l'égard d'une véritable réconciliation.
Nous avons l'occasion de poursuivre nos efforts, de prendre de l'élan et d'accélérer le progrès vers une relation meilleure et plus efficace. Comme l'a souligné le député d' quand le projet de loi a été débattu à la Chambre, en décembre dernier, le travail requis pour atteindre les objectifs comme la réconciliation et la reconnaissance des droits des peuples autochtones ne peut être réalisé que si nous travaillons tous ensemble.
Le gouvernement doit faire preuve de leadership dans ce dossier au même titre que chaque communauté et organisation des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que tous les Canadiens, y compris les jeunes, les femmes et les aînés.
Nous avons hâte de poursuivre cet important travail en collaboration et en coopération avec nos collègues, les peuples autochtones et tous les Canadiens.
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Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député d' d'avoir présenté le projet de loi d'initiative parlementaire . J'aimerais aussi souligner l'importance de cette mesure dans le débat sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Avant d'aborder le projet de loi d'initiative parlementaire, j'aimerais faire écho au commentaire émis par ma collègue de . Il vaut la peine qu'on le répète aujourd'hui: « L'article 35 de la Constitution et les lois existantes du Canada ont protégé dans le passé les droits des Autochtones au Canada et continueront de le faire à l'avenir. » C'est une déclaration d'une grande profondeur.
Aujourd'hui, je veux ajouter ma voix au débat sur cet important projet de loi.
Le projet de loi est important pour le Canada dans son ensemble, et il est essentiel de bien faire les choses. Ma prudence à ce sujet vient du fait qu'en tant que projet de loi d'initiative parlementaire, il ne sera pas passé au crible de la même manière qu'un projet de loi gouvernemental.
J'aimerais lire une question et sa réponse tirées du site Web des Nations unies: « Qu'est-ce que la Déclaration sur les droits des peuples autochtones? » Voici la réponse:
La Déclaration est un texte exhaustif sur les droits humains des peuples autochtones. Il a fallu vingt ans pour la rédiger et en débattre formellement avant qu’elle ne soit adoptée le 29 juin 2006 lors de la séance inaugurale du Conseil des droits de l'homme. Le document souligne le droit des peuples autochtones à maintenir et renforcer leurs propres institutions, cultures et traditions et à poursuivre librement leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins.
Il est évident que les États membres ont reconnu l'importance de cette déclaration puisqu'ils ont mis 20 ans à en débattre et à la rédiger. Le Canada est directement touché. Pourtant, nous ne trouvons même pas le temps d'interroger la ministre sur la loi, sans parler des spécialistes. En tant que membre du comité des affaires autochtones et du Nord, je veux pouvoir poser des questions et obtenir des réponses simples et complètes à mes questions.
Je donne un exemple. Dans son discours à l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, la a déclaré:
Nous présentons aujourd'hui la position du gouvernement du Canada concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je suis ici pour annoncer, au nom du Canada, que nous appuyons maintenant sans réserve la Déclaration. [...]
En adoptant et en mettant en oeuvre la Déclaration, nous donnons vie à l’article 35 que nous reconnaissons comme un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones au Canada.
Je représente la circonscription de Saskatoon—Grasswood en Saskatchewan. Ma province compte une population considérable de peuples autochtones vivant en réserve et hors réserve. J'aimerais que la précise quel serait cet ensemble complet de droits. J'aimerais également savoir si la communauté autochtone considère que ces droits sont aussi complets que la ministre le soutient.
Voici une autre question. S'il a fallu 20 ans pour que les 193 États membres des Nations unies finissent par adopter cette déclaration, n'incombe-t-il pas aux 338 législateurs canadiens de pleinement comprendre toutes les conséquences possibles de l'adoption de la mesure législative sur laquelle nous sommes appelés à voter?
Par ailleurs, une autre question me vient à l'esprit. Lors de son discours devant l'Assemblée des Premières Nations, le 12 juillet 2016, la a déclaré impraticable l'intégration au droit canadien de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
La ministre a même ajouté:
[...] l'intégration directe de la Déclaration aux lois nationales [constitue] une approche simpliste et impraticable pour protéger les droits des peuples autochtones au Canada.
Cependant, l'année suivante, soit le 25 juillet 2017, à Regina, la capitale de ma province, la Saskatchewan, la a déclaré au même groupe:
Comme beaucoup d’entre vous le savent, au fil des ans j’ai participé à l’Assemblée générale annuelle (AGA) de l’Assemblée des Premières Nations (APN) en diverses qualités: comme fille de mon père en sa compagnie, comme commissaire aux traités, comme conseillère élue de ma bande aux yeux de la Loi sur les Indiens, comme chef régional de la Colombie-Britannique et, au cours des deux dernières années, comme ministre de la Justice et procureur général du Canada.
Il ne fait aucun doute que la possède une vaste expérience, qu'elle est très instruite et que, à titre de ministre, elle est informée.
Elle a ajouté ceci:
Évidemment, si les rapports avaient été bons à l’époque de la fondation du Canada, les 150 premières années de l’histoire du pays auraient été soulignées de manière différente. Par conséquent, en toute connaissance du passé et en tirant des leçons de celui-ci, le défi actuel vise à nous assurer qu’aujourd’hui, pour les 150 prochaines années à venir et au-delà, nous donnons vie à une ère nouvelle et transformée de rapports entre les Autochtones et la Couronne.
La ministre a poursuivi en disant:
C’est la raison pour laquelle notre premier ministre a formé en février un groupe de travail composé de ministres fédéraux en vue d’examiner les lois, les politiques et les pratiques fonctionnelles, et ce, dans le but de s’assurer que le gouvernement du Canada remplit ses obligations constitutionnelles et met en œuvre ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, y compris la Déclaration des Nations unies.
Je suis très heureuse qu’on m’ait demandé de présider ce groupe de travail. Jamais dans le passé un gouvernement fédéral n’avait créé un groupe de ministres doté de cette flexibilité et de ce champ d’action uniques à l’échelle pangouvernementale.
Il y a là matière à une autre question. Le 12 juillet 2016, l'adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme loi canadienne n'était tout simplement « pas pratique » aux yeux de la . Voilà qu'un an plus tard, le 25 juillet 2017, elle était heureuse qu'on lui ait demandé de présider le groupe de travail chargé d'examiner les lois, les politiques et les pratiques fonctionnelles dans le but de s'assurer que le gouvernement du Canada respecte les engagements liés à la Déclaration.
Il a dû survenir tout un changement au cours de l'année pour que cela devienne pratique tout d'un coup. J'aimerais bien avoir la possibilité de lui demander lequel. Je suis certain que tout le monde ici aimerait connaître la réponse à cette question.
Quand la ministre a témoigné devant le comité des affaires autochtones et du Nord, le 30 novembre dernier, voici ce qu'elle a répondu à une question de ma collègue la députée de :
Je crois que nous avons été très clairs sur le fait que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ne constitue pas un veto. Cela signifie qu'il faut travailler très fort, au tout début d'un projet, pour tenter d'en arriver ensemble à un résultat mutuellement acceptable. C'est de cette façon que les groupes autochtones se perçoivent dans le projet.
Comment pouvons-nous le savoir? Peut-être que le chef national actuel ne considère pas qu'il s'agit d'un droit de veto, comme la ministre le laisse entendre, mais qu'en sera-t-il du prochain chef national? N'avons-nous pas le devoir de débattre de telles questions afin de les clarifier avant que le projet de loi ne soit adopté?
Enfin, en plus de toutes les questions laissées sans réponse au sujet de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il y a la mise à sac du ministère chargé des affaires autochtones et la soi-disant création de deux nouveaux ministères, l'un chargé des services aux autochtones et l'autre, des relations avec les communautés autochtones au Canada. Je suis très inquiet de voir le gouvernement créer autant de remous et appuyer ce projet de loi, qui pourrait avoir des répercussions étendues pour l'avenir du pays.
J'ai d'importantes réserves en raison de toutes les questions laissées sans réponse et de la possibilité qu'on n'obtienne les réponses qu'une fois qu'il sera trop tard et que tous les Canadiens, autochtones ou non, se retrouvent avec ce que les libéraux ont décidé — sans se soucier de l'avis des autres — qui était le mieux pour nous.
:
Monsieur le Président, comme c'est la première fois que j'interviens au cours de la présente session, je tiens à dire à quel point je suis ravie d'exercer mes nouvelles fonctions de whip adjointe. C'est aussi un honneur pour moi de poursuivre mon travail dans cette enceinte au nom des gens merveilleux de North Island—Powell River.
En décembre dernier, je devais être ici pour prononcer un discours en présence du remarquable député d'. Malheureusement, j'ai dû rentrer chez moi de toute urgence pour être au chevet de ma mère, qui venait de subir un AVC. Je m'excuse auprès du député d'avoir raté son discours important et je le remercie de sa gentillesse au cours d'une période qui a été très difficile pour ma famille et moi. Alors que ma mère se remet lentement sur pied, je songe aux nombreuses fois où les députés sont loin de chez eux. J'espère que nous prenons tous le temps d'apprécier à leur juste valeur les personnes qui nous aiment le plus.
Lorsque j'avais quatre ans, j'ai été adoptée alors que ma mère et moi faisions partie de la famille de mon père depuis deux ans. Ce n'est que lorsque j'avais près de neuf ans que j'ai appris que j'avais été adoptée. C'est important, car je peux maintenant dire que ma famille provient de la nation de Stellat'en, dont ma tante est la chef héréditaire, la Hatix-kuwa, ce qui signifie « paix entre les murs d'une maison ». C'est pour moi un très grand honneur de faire partie de cette famille et je suis extrêmement fière du travail remarquable et courageux qu'elle effectue.
Ma grand-mère, Minnie Mould, a fréquenté un pensionnat indien de l'âge de 4 ans jusqu'à l'âge de 16 ans. Les abus qu'elle a subis durant cette période ont eu une énorme incidence sur notre famille. Ma grand-mère est décédée il y a de nombreuses années, mais je peux garantir aux députés qu'elle n'aurait jamais imaginé qu'une de ses petites-filles prendrait la parole ici à la Chambre. Il y a des jours où je sens son esprit pousser des soupirs de soulagement. Elle m'a dit à maintes reprises que nous ne devions pas nous plaindre, car nous étions toujours présents.
La présence continue des peuples autochtones malgré de nombreuses tentatives d'assimilation représente la raison même pour laquelle nous débattons actuellement du projet de loi , Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Aujourd'hui, nous parlons de l'importance de ce projet de loi.
Le projet de loi fournirait des éclaircissements. Dans ma circonscription, North Island—Powell River, les collectivités et les entreprises demandent des précisions. Elles veulent savoir comment aller de l'avant. Elles me posent continuellement des questions sur le projet de loi et me demandent une définition ferme de « nation à nation ».
Le projet de loi engagerait le Canada dans cette direction en fournissant un cadre législatif qui commencerait à harmoniser les lois canadiennes avec la Déclaration des Nations unies. Nous avons besoin d'un nouveau cadre législatif pour abroger la Loi sur les Indiens.
Le 12 avril 2016, la a déclaré ceci à la Chambre des communes:
Il n'est pas facile de se libérer des chaînes que 140 ans d'application de la Loi sur les Indiens ont pu forger [...]
[La] Loi sur les Indiens n'est pas un système de gouvernement convenable. Elle n'est conforme ni aux droits enchâssés dans notre Constitution, ni aux principes énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ni aux appels à l'action formulés dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.
Alors que le Canada s'apprête à abroger la Loi sur les Indiens, il lui faut un nouveau cadre. Dans ma circonscription, la nation des Tlaamins a signé récemment un traité, à l'issue d'un parcours difficile qui s'est terminé par un vote très serré qui a mis la population locale à rude épreuve de bien des façons. Néanmoins, une célébration a fait consensus parmi les membres de cette nation. Tous ont applaudi lorsqu'on a brûlé la Loi sur les Indiens, qui ne s'applique plus à eux. Dans un geste de réconciliation et de solidarité, la population en général a été invitée à la cérémonie et y a assisté.
La réconciliation est en cours sur le terrain, à de nombreux endroits au Canada. C'est le cas dans beaucoup de collectivités de ma circonscription. Il est plus que temps que le gouvernement fédéral prenne ce virage en adoptant ce projet de loi.
Certaines objections se font entendre. La principale que j'ai pu voir porte sur l'idée que les populations autochtones bénéficient d'un droit de veto.
Le grand chef Edward John a résumé la question mieux que quiconque:
Malheureusement, les médias et ceux qui s'opposent à la déclaration contestent le tout en se demandant pourquoi on accorderait un veto aux Autochtones.
Je crois que l'on interprète mal ce concept de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. Il vaudrait mieux que l'on voit ce consentement... En fin de compte, le consentement est une décision prise à l'issue d'un exercice auquel se livrent tous les gouvernements. Les gouvernements des Premières Nations ne sont pas différents. Nous examinons à l'avance toute l'information disponible. Nous devrions être libres de toute contrainte. Nous devons être consultés avant que les décisions soient prises. On devrait prévoir un examen approfondi. Il est possible qu'une évaluation environnementale ou un autre processus soit requis pour permettre une décision éclairée.
Le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause est en fait au coeur du processus décisionnel des gouvernements. C'est ce que font les gouvernements de la Colombie-Britannique et des autres provinces, le fédéral, les gouvernements territoriaux et les administrations municipales lorsqu'ils ont des décisions à prendre.
Le projet de loi ne vise pas à accorder des pouvoirs, mais à s'assurer que tout le monde est à la table de négociations. Actuellement, dans ma circonscription, un problème qui persiste depuis très longtemps a commencé à prendre de l'ampleur alors que plusieurs communautés autochtones ont commencé à occuper des centres de pisciculture. Il s'agit d'une source de discorde depuis de nombreuses années. Que je sois bien claire: certaines communautés autochtones soutiennent la pisciculture et certaines s'y opposent. Au sein de ces mêmes communautés, certaines personnes travaillent pour les centres de pisciculture tandis que d'autres les occupent. Les communautés autochtones concernées demandent qu'on tienne des consultations. Le gouvernement fédéral ne s'est pas présenté. La semaine dernière, les communautés autochtones ont discuté avec le gouvernement provincial. Le gouvernement fédéral, particulièrement le , était invité, mais il ne s'est pas présenté. À vrai dire, deux employés de Pêches et Océans Canada se sont présentés, mais pas personne du cabinet du ministre.
Ce que j'espère, c'est que le gouvernement prenne au sérieux l'engagement prévu dans le projet de loi et qu'il veille à ce que tout le monde soit à la table de négociations afin qu'on prenne les meilleures décisions possible. Dans ma circonscription, les travailleurs et les communautés autochtones nagent dans l'incertitude, ce qui est malsain pour tout le monde. J'espère que le gouvernement respectera les droits des dirigeants autochtones afin qu'ils aient leur mot à dire sur ce qui se passe sur leur territoire et puissent prendre part au processus décisionnel.
Dans ma circonscription, le processus d'une relation de nation à nation est en cours. Il y a quelques étés, je me suis rendue à Tahsis pour une cérémonie de lever du drapeau. Les collectivités de Gold River, de Tahsis et de Mowachaht-Muchalaht ont signé une entente de principe concernant la façon de travailler ensemble. La levée du drapeau visait à ajouter le drapeau de la bande de Mowachaht-Muchalaht à côté des drapeaux canadien, provinciaux et municipaux. Le fait de savoir qu'elles sont solidaires est devenu une pierre angulaire de la prise de décisions économiques et sociales des collectivités.
Elles ne sont pas les seules à avoir signé des ententes. La collectivité des Tla'amin et celle de Powell River, la collectivité des K'ómoks et de Comox, le Village d'Alert Bay et la collectivité des 'Namgis sont quelques exemples dans la circonscription. Les responsables savent qu'ensemble, ils peuvent collaborer pour le mieux-être de leur population. Comme le disait toujours ma grand-mère, « nous sommes tous dans le même bateau ».
L'été dernier, j'ai eu l'honneur de participer à une discussion avec des représentants d'une école secondaire, des enseignants et du personnel de soins de ma circonscription au sujet des questions de la réconciliation. Beaucoup d'enseignants non autochtones ont demandé comment ils pouvaient aider alors qu'ils sont si inquiets de causer du tort sans le vouloir; une question admirablement sincère de gens qui manifestent un souci réel. Nous en sommes venus à cette conclusion simple: nous devons être francs concernant ce que nous savons et ce que nous ignorons. Il est impératif de créer un endroit sûr pour parler et pour obtenir des conseils des aînés. C'est la réconciliation en cours.
Il y a quelques semaines, un jeune autochtone de 19 ans s’est suicidé dans l’une de nos communautés. Cela a été douloureux, pour dire le moins. Dans trop de communautés autochtones de tout le Canada, nous perdons des jeunes. Nombre d’entre elles appellent à l’aide. Le projet de loi mettrait en lumière les réalités auxquelles font face beaucoup trop de communautés autochtones. Ces réalités découlent du colonialisme et ce projet de loi offrirait un cadre qui tiendrait compte des traumatismes intergénérationnels, de la grande pauvreté, de l’épidémie de suicides, des barrières associées à la santé mentale et physique, et d’un profond désespoir, autant de réalités qui méritent la plus grande attention. Cette situation nous touche tous et il est temps d’affronter l’histoire du Canada et d’en finir avec les reproches et la honte pour enfin s’attacher à la guérison. Nos enfants le méritent et ils ne peuvent plus attendre.
Paulo Freire a dit: « Toute situation dans laquelle des gens en empêchent d’autres d’enquêter participe de la violence. Les moyens importent peu; aliéner [des êtres humains] en les empêchant de décider pour eux-mêmes revient à les transformer en objets ». Pendant trop longtemps, les collectivités autochtones du pays tout entier ont été traitées comme des objets qui ne méritent pas le droit de prendre des décisions. Ce projet de loi est une étape vers la réconciliation, dans laquelle on passe de la parole aux actes.
Il y a tellement de choses que le Canada et cette assemblée peuvent apprendre des communautés autochtones. Dans ma circonscription, beaucoup de gens, autochtones ou pas, m’ont demandé si nous ne pouvions pas travailler ensemble pour changer la culture prévalente. Ne serait-il pas mieux si, au lieu de crier, on se parlait, on s’écoutait et on prenait des décisions plus raisonnables? J’espère que ce projet de loi nous amènera dans cette direction.
Je pense que dans la réconciliation, on doit aussi apprendre des Premières Nations de ce pays. Il y a tellement à apprendre.
:
Monsieur le Président, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones il y a plus d'une décennie, le 13 septembre 2007. Cette déclaration reconnaît les droits qui « constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde ».
L'adoption du projet de loi et sa promulgation sont des mesures importantes que doit prendre le gouvernement pour remplir sa promesse de donner suite à tous les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. La Commission qualifie la déclaration de l'ONU de « cadre pour la réconciliation » et la déclaration est mentionnée dans 16 appels à l'action. Le projet de loi fournit un cadre législatif pour la mise en oeuvre de la déclaration de l'ONU et affirmerait son importance dans le processus national de réconciliation. Sa mise en oeuvre soulignerait la nécessité d'harmoniser les lois fédérales pour qu'elles soient conformes à la déclaration de l'ONU. Elle montrerait que la déclaration a force de loi au Canada.
Le projet de loi demande que le gouvernement fédéral élabore un plan d'action national en collaboration avec des représentants autochtones de manière à tracer la voie pour la mise en oeuvre mais, surtout, il prévoit un rapport annuel sur les progrès réalisés.
Le projet de loi servirait essentiellement à jeter les fondements d'une démarche concrète accompagnée de mesures de reddition de comptes afin d'atteindre les objectifs ambitieux de la déclaration des Nations unies. On ne saurait trop souligner l'importance d'une telle initiative. Depuis bien trop longtemps, les gouvernements qui se sont succédé ont multiplié les déclarations ambitieuses. Nous savons cependant que nombre de leurs engagements n'ont été qu'une longue succession de promesses brisées. Nous avons tous entendu dire que le gouvernement actuel allait faire les choses différemment, qu'il allait traiter les peuples autochtones de façon équitable, qu'il allait mettre fin à la discrimination, qu'il allait remédier aux effets intergénérationnels des traumatismes subis, et qu'il allait rétablir l'importante relation de nation à nation. Trop souvent, hélas, ces affirmations sonnaient faux et n'ont pas été suivies par des mesures concrètes.
Comme nous le savons, il y a de nombreux exemples de discrimination systémique et d'inaction lorsqu'il s'agit de remédier aux injustices historiques qui ont été commises envers les peuples autochtones. Pour donner une idée plus précise de la situation, soulignons que, en date du 31 octobre 2017, 100 avis permanents d'ébullition de l'eau étaient encore en vigueur dans des collectivités des Premières Nations. Il est inimaginable que leur eau soit insalubre. Il y a également des avis à court terme dans 47 autres collectivités. Un nombre démesuré d'Autochtones sont sans abri. Ma collègue vient de parler du suicide chez les adolescents. Même si la situation était déjà critique lorsque nous en avons discuté ici, elle se poursuit toujours.
Au lieu d'engager des fonds pour ces initiatives extrêmement importantes, le gouvernement a dépensé 110 000 $ en frais judiciaires pour se battre devant les tribunaux contre une jeune Autochtone afin de s'opposer au paiement d'un traitement orthodontique de 6 000 $. Ce sont ces actions et ces inactions qui montrent la discrimination systémique exercée contre les peuples autochtones du Canada, et qui soulignent l'importance d'adopter le projet de loi et de prendre d'autres mesures pour donner suite aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
Le président de la Commission, l'honorable sénateur Murray Sinclair — anciennement le juge Murray Sinclair — a appuyé le projet de loi devant le Comité permanent du patrimoine canadien. Il a aussi présenté un point de vue éclairé sur le racisme systémique que subissent les peuples autochtones et d'autres groupes au Canada, lorsqu'il a déclaré:
[...] le racisme systémique est le racisme qui reste après qu'on s'est débarrassé des racistes. Une fois qu'on est débarrassé des racistes dans le système judiciaire, par exemple, celui-ci continuera de faire preuve de racisme parce qu'il suit certains processus, règles, procédures, lignes directrices, précédents et lois qui sont par nature discriminatoires et racistes parce que ces lois, ces politiques, ces procédures et ces croyances — y compris des croyances qui dictent la façon et le moment d'exercer sa discrétion — viennent d'une histoire de la common law, qui vient d'une autre culture, d'une autre façon de penser.
L'adoption du projet de loi , en plus de la déclaration des Nations unies et des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, nous poussera enfin à prendre des mesures pour nous attaquer à ce « racisme qui reste ».
Cindy Blackstock, une ardente partisane du projet de loi , a elle aussi témoigné devant le comité. Défenseure farouche et infatigable des droits des enfants autochtones du Canada, Mme Blackstock a parlé du sous-financement chronique et discriminatoire dont font l'objet les services d'aide à l'enfance chez les Premières Nations du pays. Elle a affirmé que, de nos jours, il y a plus d'enfants autochtones pris en charge par l'État qu'à tout autre moment de l'histoire, c'est-à-dire qu'il y a 10 ans, que durant la rafle des années 1960 ou qu'à l'apogée du système des pensionnats indiens.
Elle s'est clairement exprimé sur le sous-financement chronique et simplement inadmissible des services d'éducation chez les Premières Nations en déclarant:
À ceux qui diraient que cela coûterait trop cher ou que ce serait trop compliqué, je dis ceci: si notre pays est si pauvre que la seule façon dont nous pouvons financer la construction de centres sportifs ou de réseaux de métro, c'est en faisant de la discrimination raciale contre les enfants, qu'est-ce qui est plus important que les enfants? Qu'est-ce qui est le plus important pour nous, en tant que pays?
À ceux qui se demandent comment se traduira l'adoption du projet de loi , je réponds qu'il prépare le terrain pour que nous réfléchissions à nos aspirations profondes et que nous les concrétisions en vue d'abolir la discrimination systémique. Ainsi, le projet de loi trace la voie vers un but plutôt que de proposer une fin en soi.
Cessons de nous demander pourquoi il faut agir et mettons-nous au travail.
:
Monsieur le Président,
meegwetch.
[Le député s'exprime en cri.]
[Français]
Je tenais à adresser des remerciements d'abord et avant tout. Je remercie tous les députés qui ont pris la parole au sujet de ce projet de loi très important, même ceux qui ont exprimé des préoccupations par rapport à celui-ci. J'apprécie leurs commentaires. J'ai hâte que nous puissions étudier ce projet de loi à fond en comité, car je pense que certaines des questions soulevées et des préoccupations exprimées méritent d'être abordées.
[Traduction]
Je sais que je ne dispose que de cinq minutes, mais je tiens à répondre à quelques éléments qui ont été soulevés.
Il a été dit que la déclaration des Nations unies est un document ambitieux. Ce n'est pas la première fois que j'entends une telle chose. Je veux répondre à cette affirmation. On a aussi prétendu que la déclaration créera un certain climat d'incertitude dans le pays. C'est également important de répliquer à cela. Je rappelle aux députés que le projet de loi est la première mesure législative du pays à rejeter explicitement le colonialisme. Si nous voulons avancer sur la voie de la réconciliation, nous devons tourner le dos au colonialisme. Il est impossible de continuer dans ce cadre au Canada.
Voici ce que l'ancien secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a dit à propos de la déclaration:
La Déclaration est une mesure en avance sur son temps qui vise à garantir les droits de l’homme des populations autochtones [...] [et] offre aux États et aux populations autochtones une occasion capitale de renforcer leurs relations, de promouvoir la réconciliation et d’éviter que les problèmes du passé ne réapparaissent.
On a aussi dit à la Chambre aujourd'hui que le projet de loi pourrait être incompatible avec la Constitution canadienne telle qu'elle existe présentement. En 2008, en réponse à cette même préoccupation, plus de 100 experts, professeurs de droit, spécialistes internationaux des droits de la personne et universitaires ont affirmé ce qui suit:
La Déclaration fournit un cadre fondé sur des principes qui promet une vision de justice et de réconciliation. Après mûre réflexion, nous concluons qu'elle respecte la Constitution canadienne et la Charte et qu'elle joue un rôle fondamental dans la concrétisation de leur promesse.
Il est important de rappeler ce fait aux gens et de leur faire comprendre qu'il est inapproprié de lire les dispositions de la Déclaration hors contexte. Quand nous parlons de consentement préalable et donné en connaissance de cause, nous devons lire conjointement les dispositions. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones renferme 46 dispositions, et nous devons les combiner.
Selon le paragraphe 3 de l'article 46 de la déclaration des Nations unies:
Les dispositions énoncées dans la présente Déclaration seront interprétées conformément aux principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l’homme, d’égalité, de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi.
Je pense que l'une des raisons pour lesquelles l'article a été rédigé de cette façon est parce que nous devons concilier les droits des peuples autochtones qui sont inscrits dans la Déclaration avec les droits des autres. Il est important de s'en souvenir lors de l'examen de la Déclaration.
Je remercie tous les députés qui sont intervenus au sujet du projet de loi. J'attends avec impatience les travaux du comité à cet égard.