:
Monsieur le Président, le 15 mai 1939, plus de 900 Juifs allemands sont montés à bord d'un navire appelé le
Saint Louis. Ces passagers avaient été dépouillés de leurs biens, expulsés de leurs maisons, chassés de leurs écoles et bannis de leurs professions par leur propre gouvernement. Leurs synagogues avaient été incendiées, leurs commerces, ravagés et leurs vêtements, marqués d'une étoile jaune. Ils avaient été contraints d'ajouter les noms « Israël » ou « Sarah » aux noms qu'ils avaient portés pendant toute leur vie.
Ces femmes et ces hommes qui avaient tant contribué à leur pays étaient dorénavant considérés comme des étrangers, des traîtres et des ennemis, et étaient traités en conséquence: persécutés, volés, emprisonnés et tués en raison de qui ils étaient. L'Allemagne nazie leur avait refusé leur citoyenneté et leurs droits fondamentaux. Pourtant, lorsque le Saint Louis a quitté le port de Hambourg en ce lundi fatidique, les plus de 900 passagers apatrides à son bord considéraient qu'ils avaient de la chance. Chacun d'entre eux avait en main un visa d'entrée à Cuba, une occasion unique de fuir la tyrannie du régime nazi d'Adolf Hitler.
Cependant, lorsque le navire a jeté l’ancre dans le port de La Havane, la situation s’est détériorée. Le gouvernement cubain a refusé d’accepter leurs visas d’entrée, et quelques passagers seulement ont été autorisés à débarquer. Même après avoir menacé de commettre un suicide collectif, hommes, femmes et enfants se sont vu refuser l’entrée au pays.
C’est ainsi que s’est poursuivie leur quête de sécurité longue et tragique. Ils ont demandé asile auprès de l’Argentine, de l’Uruguay, du Paraguay et du Panama. Tous les ont refusés. Le 2 juin, le MS Saint Louis fa été forcé de quitter La Havane sans aucune assurance que ses passagers seraient accueillis ailleurs.
Et lorsque les Américains ont refusé d’entendre leur appel, ils ont cherché refuge au Canada. Cependant, le gouvernement libéral de Mackenzie King est resté insensible au sort de ces réfugiés. Malgré le plaidoyer désespéré de la communauté juive canadienne, malgré les appels répétés des deux députés juifs qui siégeaient au gouvernement, malgré les nombreuses lettres de Canadiens concernés de différentes confessions, le gouvernement a choisi de tourner le dos à ces innocentes victimes du régime d'Hitler.
À cette époque, le Canada comptait à peine 11 millions d'habitants, dont seulement 160 000 étaient Juifs.
[Français]
Pourtant, c'était encore trop pour un bon nombre de Canadiens, y compris pour Frederick Charles Blair, qui était alors responsable de l'immigration au gouvernement. Dans une lettre datée de septembre 1938, le ministre a écrit:
La pression exercée par les Juifs pour être admis au Canada n'a jamais été aussi grande qu'aujourd'hui, et je suis heureux d'ajouter qu'après 35 années d'expériences à ce poste, ce dossier n'a jamais été si rigoureusement contrôlé qu'il ne l'est maintenant.
[Traduction]
Aucun réfugié juif ne devait mettre le pied en sol canadien, ni encore moins s'y établir.
Le MS Saint Louis et ses passagers n'ont eu d'autre choix que de retourner en Europe, où le Royaume-Uni, la Belgique, la France et la Hollande ont accepté d'accueillir les réfugiés. Après la conquête de la Belgique, de la France et de la Hollande, beaucoup d’entre eux seraient tués dans les horribles camps et les chambres à gaz du Troisième Reich.
L'histoire du Saint Louis et de ses occupants n'est pas un incident isolé. Le gouvernement du Canada était indifférent face à la souffrance des juifs bien avant que le Saint Louis mette les voiles sur le port d’Halifax et, malheureusement, bien après qu’il soit retourné en Europe.
[Français]
Dans la foulée de la Grande Dépression, les législateurs canadiens avaient commencé à resserrer les restrictions entourant l'immigration en adoptant des politiques sélectives tant sur le plan économique que sur le plan ethnique.
Pour le gouvernement de l'époque, les Juifs comptaient parmi les immigrants les moins souhaitables. Il fallait donc limiter leur présence sur notre territoire. Le gouvernement a ainsi décidé d'imposer des quotas rigoureux et de dresser une liste toujours plus longue d'exigences visant à dissuader l'immigration juive.
Alors que les nazis intensifiaient leurs attaques contre les Juifs d'Europe, le nombre de demandes de visa augmentait rapidement. La parenté qui vivait alors au Canada, le personnel des ambassades, les agents d'immigration, les dirigeants politiques, tous étaient inondés d'appels à l'aide.
Des hommes d'affaires riches qui promettaient de créer des emplois, des parents vieillissants qui juraient de devenir des agriculteurs, des femmes enceintes qui demandaient grâce, des médecins, des avocats, des universitaires, des ingénieurs et des scientifiques imploraient les fonctionnaires et le gouvernement de mettre leurs talents au service de notre pays. Ils offraient tout ce qu'ils possédaient et promettaient de se conformer à chacune de nos demandes.
[Traduction]
Ces réfugiés auraient fait de ce pays un pays plus fort, et la fierté de ses citoyens, mais le gouvernement a tout mis en oeuvre pour que leurs appels à l'aide restent sans réponse, car le Canada les considérait comme indignes d’un foyer et de notre aide.
En 1938, le monde était aux prises avec une crise des réfugiés de plus en plus grave. Lorsque les dirigeants de tous les pays se sont réunis à Évian pour discuter de l'avenir des Juifs en Europe, aucun pays n’a manifesté l’intention d’augmenter radicalement ses quotas. Les Juifs étaient une menace à éviter plutôt que les victimes d'une crise humanitaire.
À leur retour d'Évian, les législateurs canadiens se sont servis de leur pouvoir pour resserrer encore davantage les règles entourant l'immigration juive, légitimant ainsi le sentiment antisémite qui prenait racine au pays et à l'étranger. Un profond ressentiment à l’égard des Juifs était enchâssé dans nos politiques — les mêmes politiques que les fonctionnaires de l’immigration allaient invoquer plus tard pour justifier leur réaction insensible face au Saint Louis et à ses passagers.
Parmi tous les pays alliés, le Canada sera celui qui admettra le moins de Juifs entre 1933 et 1945. Il a accueilli beaucoup moins que le Royaume-Uni et considérablement moins par personne que les États-Unis. Et parmi ceux qu’il a laissés entrer, pas moins de 7 000 ont été désignés comme étant des prisonniers de guerre et ont été emprisonnés à tort aux côtés des nazis. En ce qui concernait les Juifs, aucun, c’était déjà trop.
Pendant les années qui ont précédé la guerre, Hitler a mis à l’épreuve la détermination du monde. Il a pris bonne note lorsque pays après pays s’est montré indifférent face au sort des réfugiés juifs. Il nous a regardés rejeter leurs visas, ignorer leurs lettres et leur refuser l’entrée en notre territoire. Avec chaque décret, il a mis à l’épreuve le courage politique de nos dirigeants et l’empathie de ceux qui les avaient élus. Avec chaque pogrom, il a évalué les limites de notre humanité et la mesure de notre solidarité. Le gouvernement canadien a lamentablement échoué au test d'Adolf Hitler.
Cette semaine marque malheureusement le 80e anniversaire de la Kristallnacht, un point déterminant de la politique raciale d’Hitler, et le début de l’Holocauste. La Kristallnacht est survenue à la suite de cette conférence d’Évian, là où le monde avait consolidé son indifférence et son antipathie à l’égard des Juifs. Il ne fait aucun doute que notre silence a permis aux nazis d’élaborer leur propre solution, une « solution finale » au soi-disant problème juif.
[Français]
Alors que le Canada entrait en guerre contre l'Allemagne, alors que nous nous battions pour la démocratie à l'étranger, nous étions en train d'abandonner les victimes d'Hitler chez nous. Ce que nous étions prêts à faire là-bas, nous n'étions pas prêts à le faire chez nous.
Ni la situation tragique du Saint Louis ni les rapports alarmants venus de partout en Europe ou encore les détails horrifiants d'un effort coordonné visant à éliminer les Juifs n'ont entraîné un changement politique majeur. Lorsque les alliés ont appris l'existence des camps de concentration, ils n'ont ni bombardé les voies ferrées menant à Auschwitz ni agi concrètement pour secourir ce qui restait de la communauté juive d'Europe.
À la fin de la guerre, le Canada et les puissances alliées ont saisi l'ampleur et l'horreur de l'Holocauste. Nous nous sommes joints au reste du monde pour condamner avec la plus grande fermeté les camps de la mort d'Hitler et les abominables cruautés de ses gestes. Pourtant, même le meurtre collectif et systématique de 6 millions de Juifs n'a pas donné lieu à un changement majeur à notre politique d'immigration.
[Traduction]
Il faudrait attendre encore trois ans pour que le Canada ouvre ses portes, trois ans avant que nous acceptions d’accueillir les réfugiés juifs au même rythme que les ressortissants allemands non juifs à la fin de la guerre. Il faudra un nouveau gouvernement, un nouvel ordre mondial et la création de l'État d'Israël, une patrie pour le peuple juif, pour que le Canada modifie ses lois et commence à démanteler les politiques qui avaient légitimé et propagé l'antisémitisme.
Adolf Hitler n'a pas, à lui seul, déterminé le sort des passagers du Saint Louis et des Juifs d'Europe. Nourrir une telle haine et une telle indifférence à l'égard des réfugiés, c'était partager la responsabilité morale de leur mort. Et même si des dizaines d’années se sont écoulées depuis que nous avons tourné le dos aux réfugiés juifs, le temps n'a ni effacé la culpabilité du Canada, ni allégé le poids de sa honte.
J'interviens aujourd'hui à la Chambre des communes pour présenter des excuses attendues depuis longtemps aux réfugiés juifs que le Canada a refusés. Nous offrons nos excuses aux 907 Juifs allemands qui étaient à bord du MS Saint Louis et à leur famille. Nous présentons également des excuses aux autres qui ont payé le prix de notre inaction, ceux que nous avons condamnés à l'horreur suprême des camps de la mort. Nous nous sommes servis de nos lois pour masquer notre antisémitisme, notre antipathie et notre ressentiment. Nous sommes désolés de la réponse insensible du Canada, et nous sommes désolés de ne pas nous être excusés plus tôt.
Nous offrons nos excuses aux mères et aux pères des enfants que nous n'avons pas sauvés, aux filles et aux fils des parents que nous n'avons pas aidés, aux réfugiés juifs qui ont été emprisonnés et forcés de revivre leur traumatisme aux côtés de leurs bourreaux.
Nous offrons nos excuses aux scientifiques, aux artistes, aux ingénieurs, aux avocats, aux gens d'affaires, aux infirmières, aux médecins, aux mathématiciens, aux pharmaciens, aux poètes et aux étudiants, à tous les Juifs qui cherchaient un refuge au Canada, qui ont fait la file pendant des heures et écrit d'innombrables lettres. Nous avons refusé de les aider alors que nous aurions pu le faire. Nous avons contribué à sceller le cruel destin de beaucoup trop d'entre eux dans des endroits comme Auschwitz, Treblinka et Belzec. Nous les avons laissés tomber. Et nous en sommes désolés.
Enfin, nous présentons nos excuses aux membres de la communauté juive du Canada dont les voix n'ont pas été entendues, dont les appels sont restés sans réponse. Nous avons vite oublié les nombreuses contributions qu'ils avaient apportées à notre pays depuis sa fondation. Nous avons vite oublié qu'ils étaient nos amis et nos voisins, qu'ils avaient enseigné à nos jeunes, soigné nos malades et habillé nos pauvres. À la place, nous avons laissé l'antisémitisme s'enraciner dans nos communautés et devenir notre politique officielle. Nous n'avons pas hésité à rejeter leur participation, à limiter leurs opportunités et à nier leurs talents. Nous voulions qu'ils se sentent comme des inconnus dans leurs propres foyers, des étrangers dans leur propre pays. Nous leur avons refusé le respect que chaque Canadien, que chaque être humain mérite de la part de son gouvernement et de ses concitoyens — peu importe ses origines, peu importe sa religion.
Lorsque le Canada a tourné le dos aux Juifs d'Europe, nous avons tourné le dos aux Canadiens de confession juive aussi. C'était inacceptable à l'époque et ça l'est encore aujourd'hui.
[Français]
Nous devrions avoir honte de l'histoire du Saint Louis et du mauvais traitement qu'ont subi les Juifs avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale; honte parce que ces gestes vont à l'encontre de la promesse de notre pays. Ce n'est pas le Canada que nous connaissons aujourd'hui, un Canada beaucoup plus généreux, accueillant et compatissant qu'il ne l'était dans le temps. C'est un endroit où la citoyenneté est d'abord définie par des principes et des idéaux, pas par la race ni par la foi.
Ce changement d'attitude et cette transformation de nos politiques ne sont pas les fruits du hasard. C'est l'oeuvre de Canadiens et de Canadiennes qui ont dédié leur vie à faire de notre pays un endroit plus juste et plus égal. C'est grâce à ces femmes et ces hommes qui comptaient parmi eux des enfants de l'Holocauste, des réfugiés juifs ou encore des descendants de personnes opprimées.
[Traduction]
Ces hommes et ces femmes de confession juive ont pris part aux luttes sociales pour l’égalité, la justice et les droits de la personne. Au pays, ils ont fait avancer les grandes causes canadiennes qui ont façonné ce pays, des causes qui ont bénéficié à tous les Canadiens. À l'étranger, ils se sont battus pour la démocratie et la primauté du droit, pour l'égalité et la liberté. Nous devrions non seulement reconnaître la portée de leurs contributions, mais la célébrer. Ils étaient des scientifiques et des militants; des ministres et des chanteurs; des physiciens et des philanthropes. Ils étaient et sont encore fièrement Juifs et fièrement Canadiens. Ils ont aidé à ouvrir les yeux des Canadiens face aux souffrances des plus vulnérables. Ils nous ont enseigné le principe de tikkun olam, la responsabilité que nous avons de réparer le monde.
[Français]
Lorsque le Canada a choisi de tourner le dos aux réfugiés il y a plus de 70 ans, le gouvernement n'a pas seulement omis d'aider les plus vulnérables, il nous a tous nui. Les Canadiens de confession juive ont contribué énormément à notre pays, comme tous les immigrants qui ont choisi et continuent de choisir le Canada.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous constatons non seulement tout le chemin que nous avons parcouru, mais aussi tout le chemin qu'il nous reste à parcourir. En cette Semaine de l’éducation sur l'Holocauste, il est d'autant plus difficile d'ignorer les obstacles et les injustices auxquels les Juifs font face encore aujourd'hui dans ce pays.
Selon les données les plus récentes, 17 % de tous les crimes haineux au Canada ciblent des Juifs. C'est un taux par personne beaucoup plus élevé que n'importe quel autre groupe. Des gens qui nient l’Holocauste existent encore. L'antisémitisme est encore trop présent. Des établissements et des quartiers juifs sont encore vandalisés avec des svastikas. Des étudiants juifs se sentent encore mal accueillis ou mal à l'aise dans certains de nos collèges et universités parce qu'ils subissent de l'intimidation liée au mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions. Et dans notre communauté de nations, c’est Israël dont le droit d’exister est le plus souvent — et à tort — remis en cause.
La discrimination et la violence contre les Juifs au Canada et ailleurs dans le monde continuent dans une proportion alarmante. Il y a moins de deux semaines, pas très loin d'ici, un homme a ouvert le feu sur des fidèles à la synagogue Tree of Life à Pittsburgh. Il a tué onze personnes et en a blessé six autres. Parmi les blessés, il y avait quatre policiers qui étaient accourus sur les lieux pour défendre les membres de la congrégation. Ces fidèles étaient rassemblés dans la paix pour pratiquer leur foi. Ils ont été assassinés dans leur sanctuaire, le jour du sabbat, parce qu'ils étaient Juifs.
C'était un geste de violence haineux et antisémite, motivé par la haine, visant à faire souffrir des gens et à alimenter la peur dans la communauté juive. Cet attentat brutal contre la communauté juive et ses valeurs a révolté les Canadiens. À travers le Canada, des gens ont organisé des vigiles en l'honneur des victimes. Ils se sont montrés solidaires de leurs frères et sœurs juifs et ont fait résonner un sentiment partagé d'un océan à l'autre: que l'antisémitisme et toute forme de xénophobie n'ont pas leur place dans notre pays, ni ailleurs dans le monde. Le Canada et les Canadiens continueront de se tenir aux côtés de la communauté juive et de dénoncer la haine qui a mené à ces gestes odieux.
En fin de compte, ces événements tragiques témoignent du travail qu'il nous reste à faire, un travail qui commence par l'éducation, qui est notre outil le plus puissant contre l'ignorance et la cruauté qui ont alimenté l'Holocauste. Parce que, malheureusement, la fin de la Deuxième Guerre mondiale n'a pas mis un terme à ces maux. Le Canada et tous les Canadiens doivent dénoncer les mentalités xénophobes et antisémites qui existent encore dans nos communautés, nos écoles et nos milieux de travail. Nous devons protéger nos communautés et nos institutions contre les maux qui ont pris racine dans le cœur de tant de gens, il y a plus de 70 ans, parce que ces maux n'ont pas disparu à la fin de la Guerre.
À la suite de l'attentat atroce qui a eu lieu récemment à Pittsburgh, les Canadiens de confession juive à travers le pays se sentent vulnérables, et nous les comprenons. Nous savons qu'ici, au Canada, nous ne sommes pas à l'abri des crimes haineux fondés sur l'antisémitisme. Notre gouvernement et les députés travaillent avec la communauté juive pour mieux protéger leurs communautés contre la menace que représente l'antisémitisme. Les lieux de culte sont des lieux sacrés, et ils devraient représenter des sanctuaires pour les gens de toutes les confessions. Des appels clairs nous demandent d'en faire plus dans le cadre du Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité pour protéger les synagogues et d'autres endroits qui pourraient être ciblés par des crimes haineux. Et je vous en fais la promesse maintenant: nous ferons plus.
Aujourd'hui, nous devons nous engager non seulement à nous souvenir, mais à donner suite à cette histoire tragique. Nous devons léguer à nos enfants et à nos petits-enfants un monde où ils pourront réussir sans jamais faire face à des doutes ou des attaques en raison de leur identité. Malheureusement, ce monde-là n'est pas encore le nôtre.
Trop de gens — de toutes les confessions, de tous les pays — sont victimes de persécution. Leurs vies sont en danger simplement en raison de leur façon de prier, des vêtements qu'ils portent ou de leur nom de famille. Ils sont forcés de fuir leur foyer et d'entreprendre des voyages dangereux pour trouver refuge et avoir un avenir. C'est ainsi le monde dans lequel nous vivons, et c'est donc notre responsabilité commune.
J'espère sincèrement qu'en présentant ces excuses attendues depuis trop longtemps, nous pourrons mettre en lumière ce chapitre douloureux de notre histoire et nous assurer de ne jamais oublier ses leçons. L'histoire que nous avons du mal à imaginer est celle que les passagers du MS Saint Louis, les victimes de l'Holocauste et leurs descendants n'oublieront jamais.
Aucun mot ne pourra jamais effacer leur douleur, mais nous espérons sincèrement que ces excuses les aideront à guérir, qu'elles leur apporteront la paix, qu'elles raffermiront l'engagement indéfectible du Canada à se tenir aux côtés de la communauté juive au pays et à travers le monde dans la lutte contre l'antisémitisme, la communauté juive au Canada et à l'étranger étant toujours l'une des premières à s'opposer à l'intolérance et à la haine sous toutes leurs formes.
Il y a plus de 70 ans, le Canada leur a tourné le dos. Mais aujourd'hui, les Canadiens disent, maintenant et pour toujours, plus jamais.
:
Monsieur le Président, je prends la parole pour joindre ma voix à celles de mes collègues dans le cadre de l'activité solennelle d'aujourd'hui. Je suis touché et honoré par la présence de certaines des personnes qui ont été lésées par le gouvernement canadien il y a près de 80 ans lorsqu'il a pris la décision terrible et fatidique de refuser l'asile aux passagers du MS
Saint Louis qui cherchaient à fuir l'Allemagne dHitler.
La capacité d'examiner clairement l'histoire et de voir les périodes éclairées et sombres, afin de célébrer nos réalisations et de pleurer nos échecs, est le signe d'une société saine. En tant que pays, il n'y a pas de honte à reconnaître les actions honteuses de notre passé. Ce qui serait vraiment honteux, c'est de les oublier et de ne pas en tirer des leçons.
[Français]
Et s'il est vrai que les excuses ne peuvent pas changer le passé, des occasions comme celle-ci marquées par le souvenir, la réflexion et le regret peuvent aider à guider notre avenir.
[Traduction]
L'horreur unique de l'Holocauste, qui a coûté la vie à plus du quart des passagers du MS Saint Louis, a donné naissance au cri de ralliement « Plus jamais ». Ce n'est pas un espoir passif; c'est un appel à l'action. Il exige que nous nous rappelions comment, du vivant de certaines personnes dans cette enceinte, une société moderne civilisée a succombé à une peur primitive et a utilisé ses prouesses industrielles tant vantées contre ses citoyens juifs et ses voisins.
Le cri de ralliement « Plus jamais » nous oblige maintenant à évaluer nos actions, non pas à l'égard des pires atrocités commises à cette époque, mais à l'égard du processus de déshumanisation graduel qui l'a précédé et a rendu l'Holocauste possible. Le processus de déshumanisation insidieux ne s'est pas limité à l'Allemagne ou même à l'Europe. Il a motivé les Canadiens, jusqu'à ceux des plus hauts niveaux du gouvernement, à refuser l'asile aux passagers désespérés du MS Saint Louis et à les repousser vers la guerre qui menaçait à l'horizon de l'autre côté de l'océan Atlantique.
[Français]
Il est probable que les hommes qui ont refusé le MS Saint Louis n'avaient pas prévu toute l'ampleur du génocide qui était sur le point de se dérouler en Europe.
[Traduction]
Toutefois, les nouvelles lois discriminatoires, la flambée des actes de terrorisme contre des citoyens juifs et l'antisémitisme incessant et obsessionnel du régime nazi, qui ont forcé les passagers du MS Saint Louis à tenter de trouver refuge de l'autre côté de l'Atlantique, ne peuvent justifier, autant rétrospectivement qu'à l'époque, que le Canada n'ait pas tenu compte de la grave menace qui planait sur ces gens.
L'historien Irving Abella a souligné la cruelle ironie suivante:
Pour les Juifs condamnés d'Auschwitz, le Canada avait une signification particulière. C'était en effet le nom que l'on donnait aux baraquements où étaient entreposés or, bijoux et vêtements pris aux prisonniers. Ces lieux représentaient la vie, le luxe et le salut. Ils étaient aussi isolés et inaccessibles, comme le Canada des années 1930 et 1940.
Pour les passagers du MS Saint Louis, toutefois, le Canada n'était pas isolé sur le plan géographique et il n'était pas inaccessible. Ces gens se trouvaient au large de la Nouvelle-Écosse, à la recherche d'un refuge. Ce n'est pas le pays qui était isolé, mais plutôt la mentalité qui prévalait à l'époque. Les coeurs étaient inaccessibles.
[Français]
Nous nous excusons d'avoir fermé nos coeurs, nos esprits et nos rivages aux plus de 900 passagers juifs du MS Saint Louis.
[Traduction]
Leur malheureux périple a été appelé le « voyage des damnés », et le Canada a choisi de refuser l'entrée aux passagers.
Le Canada n'a pas été le seul pays à le faire. Cuba et les États-Unis avaient également refoulé le Saint Louis avant qu'il ne se dirige vers le Canada. Cependant, leur insensibilité n'excuse aucunement la nôtre. On ne peut pas diminuer l'importance de la culpabilité individuelle dans un tel échec partagé. Le gouvernement du Canada a été entièrement responsable de l'inhumanité officielle, froide et délibérée dont il a fait preuve.
Il est réconfortant de penser, aujourd'hui, que nous avons tiré des leçons de la tragédie du MS Saint Louis, mais ces excuses ne doivent pas nous permettre de mieux nous sentir à l'égard du passé. Au contraire, elles devraient nous secouer. Elles devraient déclencher une alarme qui nous secoue dans notre routine quotidienne et qui exige que nous voyions le monde d'aujourd'hui à travers le prisme de cette expérience.
Il est vrai que le Canada n'est plus le même pays qu'il était en 1939. Nous avons accueilli plus de gens, venant de plus de parties du monde, que le gouvernement de l'époque aurait pu imaginer, notamment 40 000 Juifs européens, pendant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Notre pluralisme paisible actuel n'admet pas la discrimination, et l'antisémitisme ouvert ou insidieux qui existait à l'époque n'a plus sa place dans nos lois ni dans nos coutumes.
Cependant, cela ne veut pas dire que l'antisémitisme et d'autres formes virulentes d'intolérance n'existent plus chez nous. L'antisémitisme n'est pas une relique des années 1930, et n'a pas été éradiqué avec la défaite des nazis. Malheureusement, il est très répandu encore aujourd'hui.
[Français]
Au Canada, les crimes antisémites représentent de loin la plus grande part des crimes de haine à motivation religieuse, et le nombre global a augmenté ces dernières années.
[Traduction]
Sur les médias sociaux, pendant les parades et les manifestations publiques, même sur les campus universitaires, nous avons constaté une résurgence inquiétante et même une normalisation du discours antisémite. Des événements douloureux nous ont appris que la violence contre les Juifs est une conséquence de la tolérance de l'antisémitisme. L'attaque meurtrière dans la synagogue Tree of life de Pittsburgh, il n'y a pas si longtemps, nous le rappelle cruellement.
Nous l'observons aussi à l'étranger, où des régimes répressifs utilisent toujours le discours antisémite, comme les accusations de meurtres rituels et de conspirations, pour faire oublier leurs propres échecs et monter leur population contre les Juifs et l'État juif d'Israël. Les Israëliens vivent donc sous une menace constante.
[Français]
En 2011, sous notre gouvernement conservateur précédent, ces événements ont été commémorés par le dévoilement d'un monument commémoratif au Musée canadien de l'immigration du Quai 21, à Halifax.
[Traduction]
Daniel Libeskind, qui est également l'architecte du Monument national de l'Holocauste, à quelques coins de rue de la Chambre, a conçu la roue de la conscience, une roue en acier inoxydable poli constituée de quatre engrenages appelés antisémitisme, xénophobie, racisme et haine. Chaque engrenage active l'autre, ce qui démontre leur lien inextricable.
L'antisémitisme a toujours été le premier réflexe des démagogues, et les tyrans s'en servent abondamment. Il prend plusieurs formes. Par exemple, il peut s'agir de caricatures grossières qui rappellent la propagande nazie, ou d'un nouvel antisémitisme sophistiqué qui cible Israël entre tous les pays du Moyen-Orient pour le condamner de façon disproportionnée. Voilà pourquoi les synagogues, les écoles juives et les centres communautaires juifs de l'Europe et du monde entier sont de nouveau forcés d'utiliser les services de gardes armés et de décourager leurs membres de porter des habits ou des symboles pouvant les identifier.
Cette fois-ci, nous ne devons pas demeurer impassibles face à la montée de l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérances et de discriminations. Nous ne devons pas être des témoins silencieux alors que de vieux préjugés se transforment en de nouvelles violences.
À peine quatre mois avant que le gouvernement de M. King décide de refuser l'accès au paquebot Saint Louis, un député de la Chambre avait présenté une pétition contenant plus de 127 000 signatures pour protester contre l'immigration juive au Canada.
Même en 1939, de nombreux Canadiens savaient que les arguments qui semblaient logiques masquaient une crainte irrationnelle. Ils savaient quelle était la bonne réponse à la question morale posée par la situation critique du MS Saint Louis. Certains, comme l'historien George Wrong, ont fait valoir leur opinion courageusement, prenant la défense des passagers auprès du gouvernement. Toutefois, beaucoup d'autres n'ont pas eu le courage d'exprimer ce que leur dictait leur conscience.
[Français]
Nous sommes ici aujourd'hui parce qu'à ce moment crucial, quand le Canada a été jugé, il a été reconnu fautif. Chaque génération fait face à son propre test. Chaque génération doit se confronter à elle-même et à la tentation de l'intolérance.
[Traduction]
Comment réagirons-nous lorsque nous subirons ce test? Que ferons-nous pour protéger ceux qui fuient des menaces réelles de persécution violente aujourd'hui? Jusqu'où irons-nous pour défendre la liberté de religion de nos concitoyens ici même au Canada?
Samedi dernier, les Canadiens se sont rassemblés dans les synagogues partout au pays dans le cadre de la campagne #ShowUpForShabbat. Juifs ou non, tous étaient accueillis par une communauté qui a élu domicile au Canada plus d'un siècle avant la Confédération. C'était une manifestation d'appui chaleureuse, prouvant à nos amis et voisins juifs que nous défendrons leurs intérêts lorsqu'ils sont à leur état le plus vulnérable.
C'était également une expression tangible de notre engagement souvent répété au chapitre de la liberté et de la primauté du droit. Toutefois, si cet engagement est réel, si les excuses présentées aujourd'hui ne sont pas que de simples paroles creuses, nous devons faire preuve de la même volonté de défendre les intérêts de la communauté juive, non seulement contre la violence, mais aussi contre la haine, l'intolérance et toutes les violations des droits fondamentaux de la personne.
Compte tenu de ces leçons tirées du passé qui sont fraîches à notre esprit, nous n'avons aucune excuse pour ne pas donner voix à nos convictions et faire de notre conscience, et non de l'opportunisme, notre boussole morale.
Le Canada aurait dû être guidé par cet esprit en 1939. Il aurait dû offrir l'asile aux passagers du MS Saint Louis. Or, comme nous ne l'avons pas fait à l'époque, nous appuyons aujourd'hui les excuses présentées par le gouvernement. Que plus jamais on ne dise « aucun, c'est déjà trop ».
:
Monsieur le Président, le 7 juin 1939, le Canada a dit non à des réfugiés juifs. Aujourd'hui, le Canada s'excuse et exprime ses regrets.
Je tiens d'abord à saluer tous les survivants et toutes les survivantes qui sont ici avec nous.
[Traduction]
Shalom, vous êtes les bienvenus à la Chambre. Votre présence est des plus significatives, étant donné nos gestes passés. Il est important que vous soyez ici aujourd'hui afin d'entendre les excuses que le Canada présente aux membres de la communauté juive pour avoir refusé l'asile à nombre des leurs qui fuyaient l'horrible persécution dont ils étaient victimes en Europe et qui voulaient trouver la paix ici, à l'aube de la Seconde Guerre mondiale.
L'histoire du Saint Louis s'inscrit dans une très longue série d'événements malheureux qui ont façonné l'antisémitisme dans le monde, depuis les années 1930 jusqu'à aujourd'hui. Le sort des passagers du Saint Louis est un sombre chapitre de l'histoire canadienne.
[Français]
Le navire de croisière MS Saint Louis a quitté le port d'Hambourg, en Allemagne, le 13 mai 1939. À son bord, 937 personnes, presque toutes de confession juive, qui voulaient fuir la violence et l'antisémitisme qui sévissaient en Europe et dans l'Allemagne nazie d'Adolf Hitler, qui était au pouvoir depuis déjà six ans.
Le 2 juin, le navire est forcé de quitter La Havane, où seulement quelques passagers ont réussi à descendre à quai. Le navire longe alors les côtes américaines dans l'espoir d'une réponse favorable des autorités pour accueillir les 907 passagers restants.
Malgré l'appel du capitaine Gustav Schröder, d'organisations et de célébrités américaines, le président Franklin Delano Roosevelt refuse les réfugiés. Le navire poursuit sa route vers le nord, espérant maintenant une réponse favorable des autorités canadiennes.
Le 7 juin, alors que le bateau se trouve à seulement deux jours de mer du port d'Halifax, 41 citoyens influents de Toronto réclament du premier ministre Mackenzie King que l'asile soit accordé aux réfugiés du Saint Louis. La réponse viendra du ministre de la Justice Ernest Lapointe et de Frederick Charles Blair, responsable de l'immigration au gouvernement canadien.
M. Blair fera valoir que les réfugiés sont disqualifiés par les lois d'immigration canadienne de l'époque, lois qu'il avait lui-même créées. Il dira: « Aucun pays ne peut ouvrir assez grand ses portes pour accueillir les centaines de milliers de Juifs qui veulent quitter l’Europe: il faut fixer une limite quelque part. »
Ce sont des mots qui résonnent malheureusement encore dans l'actualité aujourd'hui. Refusés par les autorités cubaines, américaines et canadiennes, les 907 réfugiés du Saint Louis devront rebrousser chemin, traverser de nouveau l'océan et retourner vers la guerre qui s'éveillait, les yeux remplis d'espoirs déçus, la peur au ventre et avec leur valise comme unique résumé de leur vie.
[Traduction]
Les passagers du Saint Louis se sont dispersés en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais nombre d'entre eux, capturés par les nazis, ont péri dans les camps de concentration. Ils sont 254 à avoir été assassinés, comme six millions d'autres juifs victimes de la Shoah. Ces 254 personnes qui étaient à bord du Saint Louis espéraient pouvoir fuir la mort, et elles auraient pu être sauvées si le Canada les avait accueillies.
Le Canada a abandonné des innocents qui sont devenus des victimes de la haine hitlérienne. Les passagers du Saint Louis voulaient fuir l'antisémitisme, sans savoir qu'il avait déjà traversé l'océan.
Encore aujourd'hui, l'antisémitisme continue de faire des morts. Le 27 octobre, à Pittsburgh, un tireur a abattu 11 personnes à la synagogue Tree of Life. Onze personnes sont mortes et six autres ont été blessées en raison de leur foi. C'est l'attaque antisémite la plus grave de l'histoire de l'Amérique du Nord.
Parmi les victimes, il y avait une femme de 97 ans qui avait survécu aux horreurs de l'Holocauste, mais qui a péri aux mains d'un tueur habité par la même haine abjecte, un homme qui disait vouloir « tuer tous les juifs ».
Saluons l'incroyable sens du devoir du personnel de l'hôpital général Allegheny qui a soigné les blessures du tueur. L'équipe de médecins et d'infirmières comptait trois personnes juives. Par leur professionnalisme, elles ont témoigné de toute la richesse des valeurs humanistes de la communauté juive. Elles se sont montrées dignes du principe qu'en sauvant une vie, on sauve un univers.
[Français]
En 2016, 1 409 crimes haineux ont été rapportés par la police au Canada. C'est sans compter tous les crimes qui ne sont pas rapportés et dont les victimes souffrent encore en silence. Parmi ces crimes haineux rapportés en 2016, 460 ciblaient l'appartenance religieuse des victimes et la moitié visait exclusivement la communauté juive, signe que l'antisémitisme n'est pas une histoire du passé. Seulement dans la dernière année, 14 synagogues au Canada ont reçu des menaces appelant à la disparition de la communauté juive.
La violence verbale et physique, le vandalisme, l'intimidation dans la rue, le harcèlement sur le Web, c'est encore aujourd'hui le quotidien des concitoyens et des concitoyennes de confession juive. C'est intolérable.
[Traduction]
Du Saint Louis au massacre de Pittsburgh, l'antisémitisme perdure. En fait, nous voyons malheureusement des démons du passé alimenter aujourd'hui la peur de l'autre. L'extrémisme est en hausse, tout comme le sont l'homophobie, la misogynie, la xénophobie, l'islamophobie et l'antisémitisme. L'intolérance n'a pas sa place ici, que ce soit hier, aujourd'hui ou demain.
[Français]
Tous les survivants et les survivantes qui sont avec nous aujourd'hui nous rappellent l'importance pour tous les pays d'accueillir celles et ceux qui prennent de grands risques pour demander l'asile, qui prennent de grands risques pour vivre dans la paix, qui prennent de grands risques pour bâtir un meilleur avenir pour leurs enfants.
La situation des réfugiés fait encore aujourd'hui couler beaucoup d'encre et de sang. Chaque jour, des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants cherchent à fuir la violence, la guerre, la famine, la sécheresse et les bouleversements climatiques, dans l'espoir de bâtir une vie meilleure ailleurs, en toute sécurité.
Alors que l'accueil de réfugiés syriens, notamment, a été la source de tensions ici et ailleurs, puissent les excuses nationales d'aujourd'hui susciter une réflexion chez ceux et celles qui alimentent encore une hostilité anti-immigrants.
[Traduction]
Au moment où le Canada présente ses excuses officielles pour avoir refusé d'accueillir les réfugiés juifs à bord du Saint Louis et avoir maintenu la même approche pendant la majeure partie de la Deuxième Guerre mondiale, nous réaffirmons aujourd'hui notre engagement à dénoncer le discours anti-immigration, le racisme systémique et la violence motivée par la haine à l'égard d'une communauté, quelle qu'elle soit.
Nous devons nous concentrer tout particulièrement sur la lutte contre la propagande haineuse sur Internet. Comme les horribles événements survenus récemment à Pittsburgh l'ont démontré, les virulents propos antisémites tenus en ligne peuvent inciter — et incitent — des personnes à commettre des actes d'une violence sans nom, y compris le meurtre.
Le Canada a fermé ses portes aux réfugiés juifs à bord du Saint Louis en 1939 et pour la majeure partie de la Deuxième Guerre mondiale. Nous devons nous engager à ne plus jamais commettre une telle erreur.
Ces enfants, ces femmes et ces hommes ne demandent qu'à être accueillis, à poser leurs valises afin de pouvoir continuer leur vie ici. Ils ne cherchent qu'à vivre en sécurité, à nourrir leurs espoirs et à réaliser leurs rêves, tout en contribuant à la société canadienne.
Mués par l'antisémitisme, nous avons refusé l'asile aux passagers du Saint Louis. C'est au nom de mon parti que je m'associe aux excuses officielles présentées aujourd'hui.
Le 7 juin 1939, le Canada a refusé d'accueillir des réfugiés juifs. Aujourd'hui, il s'excuse et exprime ses regrets. Les erreurs du passé ne doivent jamais plus se reproduire. Nous devons tous unir nos efforts pour combattre l'antisémitisme sous toutes ses formes, partout dans le monde.
Le NPD se range de tout coeur du côté de la communauté juive du Canada pour lutter contre l'antisémitisme ici, au pays, et ailleurs dans le monde. Aucune communauté ne devrait faire face seule à une telle haine. Travaillons ensemble pour changer le cours de l'histoire.
:
Monsieur le Président, c'est avec humilité que je prends aujourd'hui la parole au nom du Bloc québécois en réponse aux excuses du Canada aux passagers du paquebot MS
Saint Louis.
En 1939, à l'aube de la Deuxième Guerre mondiale, alors que l'Allemagne est en plein règne nazi, le Canada a refusé d'accueillir 907 réfugiés de confession juive en provenance de Hambourg. Ces 907 personnes quittaient leur pays pour fuir une persécution qui, visiblement, n'allait que s'accentuer.
Six mois plus tôt, ils avaient traversé la Nuit de cristal, lors de laquelle les troupes d'Adolf Hitler ont brûlé des centaines de synagogues et des milliers de commerces appartenant à des Juifs, tué 91 personnes et arrêté 30 000 autres pour les acheminer vers ce qui allait devenir des camps de concentration.
À bord du navire qui devait leur sauver la vie, ces 907 personnes ont d'abord accosté à Cuba. Cuba a refusé de les aider. Le navire a donc mis le cap vers la Floride. Les États-Unis leur ont refusé l'asile. En dernier recours, les 907 passagers ont tenté leur chance vers Halifax. Le Canada leur a refusé l'asile. En fait, le Canada ne s'est pas contenté de dire non. Questionné à savoir combien de réfugiés juifs il serait prêt à accueillir, le gouvernement fédéral, par la bouche de son ministre de l'Immigration de l'époque, répondait « None is too many ». Ces 907 personnes juives ont donc été refoulées vers l'Europe avec la certitude d'un sombre destin. De fait, à peine quelques mois plus tard, les deux tiers des passagers vivaient dorénavant sous occupation nazie, et 254 d'entre eux ont été tués dans des camps de la mort.
Nous saluons aujourd'hui leur mémoire ainsi que celle de tous les passagers. Nous saluons la décision du gouvernement canadien de s'excuser pour le rôle qu'il a joué dans leur vie, dans leur mort et dans celles de leurs proches.
Il s'agit de l'un des pires exemples imaginables de manque de compassion et d'inhumanité. Il s'agit d'antisémitisme. C'est un mot extrêmement lourd, mais c'est malheureusement celui qui décrit le mieux ce qui s'est produit.
La valeur de la vie de centaines de personnes a été niée, exclusivement en raison de leur appartenance religieuse. La haine de l'autre, fondée sur la religion, n'a pas épargné le Canada. L'antisémitisme n'a, à notre grand regret, pas épargné le Québec non plus. Dans un Québec à l'époque écrasé sous la chape de plomb de l'église, l'antisémitisme a trouvé, chez nous aussi, un terreau fertile.
C'est essentiel aujourd'hui d'en prendre acte. C'est essentiel de nous souvenir que nous n'avons pas toujours été du bon côté de l'histoire, que nous ne sommes pas immunisés contre les dérives. C'est essentiel de garder en vie la mémoire de ceux et celles que notre aveuglement a condamnés à mort en 1939. C'est la meilleure garantie que nous saurons rester vigilants et vigilantes devant l'intolérance.
En terminant, j'aimerais m'adresser plus directement aux concitoyennes et aux concitoyens de confession juive.
À moins de deux semaines d'un crime antisémite horrible à Pittsburgh, je tiens à les assurer qu'ils peuvent compter sur le soutien de notre formation politique et sur la solidarité des Québécoises et des Québécois. Chez nous, nous restons unis contre les moindres manifestations de haine. Nous nous serrons les coudes. C'est comme cela que nous allons nous assurer que des tragédies comme celle qu'ont vécue les passagers du MS Saint Louis n'auront jamais lieu chez nous, plus jamais.
:
Monsieur le Président, j'ai le grand honneur de prendre la parole pour répondre à ces discours vraiment tristes et touchants.
Je remercie grandement le de son leadership en ce qui concerne ces excuses officielles. C'est vraiment important. Il est trop tard pour agir, mais il n'est jamais trop tard pour faire de grande chose comme celle-là. Je remercie également , le député de et le député de .
[Traduction]
Les faits ont été énoncés de manière éloquente et émouvante par tous mes collègues, qui ont fort bien résumé la réalité de ce qui s'est passé. Cependant, je veux prendre le temps de remercier les historiens qui veillent à ce que nous soyons conscients de nos péchés d'antan. Le Canada a fait preuve d'une cruauté, d'un aveuglement et d'une froideur insupportables et indescriptibles, et ce crime nous a tous entachés. Je ne sais pas si nous aurions su ce qui était arrivé sans les historiens Irving Abella et Harold Troper. Ils ont tous les deux écrit l'ouvrage None is too many, ce dont je les remercie. Cela a dû être une tâche très difficile. Mark Twain a déjà affirmé que l'histoire repose sur des préjugés à l'état pur. Cependant, quand elle est fondée sur la vérité, cela permet de démasquer les préjugés. Nous savons maintenant que, à l'époque où ce malheureux événement s'est produit, le Canada affichait le pire bilan de tous les pays accueillant des réfugiés. Il est difficile de nous reconnaître dans ce Canada d'autrefois, ainsi que dans le Canada qui a arraché des enfants autochtones à leur famille, les a placés dans des pensionnats autochtones et ne s'est pas soucié du sort des membres de cette communauté pendant des générations.
Étant donné que tant de choses ont été dites de façon si touchante, je tiens à me concentrer sur un aspect particulier de cette tragédie. Ce n'est pas une coïncidence, j'en suis sûre, si le gouvernement du Canada a choisi de présenter des excuses aujourd'hui. C'est le 80e anniversaire de la Nuit de cristal. Ce soir, à la synagogue Kehillat Beth Israel, et demain, à la congrégation Emanu-El, à Victoria, des gens se rassembleront pour commémorer la Nuit de cristal. Ce fut la première réelle manifestation de la cruauté de l'Allemagne nazie. Des synagogues, des commerces et des résidences appartenant à des Juifs ont été ciblés et vandalisés partout en Allemagne ce soir-là.
C'est seulement six mois plus tard que les 907 Juifs allemands sont montés à bord du Saint Louis pour s'enfuir. C'est six mois après la Nuit de cristal que le Saint Louis a quitté le port. Comment avons-nous pu être si aveugles et insensibles? Cela n'empêche pas que nous l'avons été et que c'était seulement il y a 80 ans. Nous avons tous dit que cela ne se produirait plus jamais, que l'antisémitisme nous répugne, comme le racisme sous toutes ces formes.
Puis il y a eu l'horrible attentat qui a eu lieu à la synagogue Tree of Life à Pittsburgh. Je crois que nous sommes revenus à la case départ; il existe un climat de haine et d'intolérance qui n'a vraisemblablement pas encore été éradiqué. Ce n'est pas parce qu'il détestait les Juifs que le tireur fou a visé la synagogue Tree of Life, mais parce qu'il détestait les Juifs qui aident les réfugiés. La synagogue Tree of Life comportait un chapitre très actif de la Hebrew Immigrant Aid Society, qui contribuait à récolter des fonds pour la réinstallation immédiate, en 2018, de réfugiés. C'est pourquoi le tireur a publié des messages avant les activités entourant le sabbat organisées à l'intention des réfugiés par les synagogues comme Tree of Life.
La Hebrew Immigrant Aid Society existe depuis des décennies. Son PDG actuel, Mark Hatfield, a dit: « Nous aidons les réfugiés aujourd'hui non pas parce qu'ils sont Juifs, mais parce que nous le sommes. »
La Torah nous oblige à intervenir, à faire cesser ce genre de chose que le gouvernement fait en notre nom. La lumière qui brille dans les synagogues est celle du code moral des juifs, qui nous demande d'obéir aux commandements, d'accomplir une bonne oeuvre émanant d'un devoir religieux et de faire le travail qui est le nôtre. Cette lumière peut nous guider et, à titre de politiciens, nous ne devons jamais détourner le regard lorsque l'un d'entre nous cherche à tirer un avantage électoral en courtisant ne serait-ce qu'un instant les tenants de la suprématie blanche, les néo-nazis et tous les autres qui voudraient reprendre leur flambeau et dont la cause se nourrit de haine et de peur.
Nous assistons de nos jours à l'apparition d'autres prétendus dirigeants. Comme mon ami du NPD l'a dit, l'intolérance se répand. C'est le cas au Brésil et aux États-Unis. Certaines personnes ont mis dans la tête du tireur de Pittsburgh l'idée d'une certaine acceptabilité. Quand nous disons « plus jamais », ce n'est pas en référence au passé; c'est plutôt à propos du présent.
Nous sommes solidaires des fidèles de la synagogue Tree of Life, de Pittsburgh, tout comme nous sommes solidaires des 907 citoyens allemands de confession juive qui ont été refoulés, ce qui restera à jamais pour nous un sujet de honte. Nous aimerions remonter le temps et nous trouver dans le port d'Halifax, à bord d'un million de petits bateaux d'où nous dirions à ces gens: « Sautez et venez nous rejoindre. Nous vous aimons. » Aujourd'hui, tout ce que nous pouvons faire dans cette enceinte, c'est de dire que nous regrettons infiniment ce qui s'est passé.