Que la Chambre: a) demande au premier ministre de lever le secret professionnel auquel est assujettie l’ancienne procureure générale en ce qui concerne les allégations d’ingérence dans la poursuite visant SNC-Lavalin; b) exhorte le gouvernement à entreprendre une enquête publique en vertu de la Loi sur les enquêtes afin d’offrir aux Canadiens la transparence et la reddition de comptes promises par les libéraux lors de la campagne électorale de 2015.
— Monsieur le Président, comme toujours, c'est pour moi un grand honneur de prendre la parole à la Chambre à titre de représentant des gens de Timmins—Baie James et de porte-parole en matière d'éthique pour le Nouveau Parti démocratique.
Je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Cela fait maintenant deux semaines que les allégations explosives selon lesquelles le Cabinet du a tenté de mettre fin à une enquête légale sur un cas de corruption visant SNC-Lavalin sont sorties.
Hier, Gerry Butts, l'architecte de la révolution des voies ensoleillées qui a propulsé l'actuel à la fonction qu'il occupe, a été forcé de démissionner dans la honte. Cela nous montre que la crise engendrée par ce scandale et sa nature corrosive est en train de ronger le Cabinet du premier ministre et que le premier ministre doit maintenant dire la vérité aux Canadiens.
[Français]
Il faut que le premier ministre s'explique. Les allégations selon lesquelles son cabinet a essayé de mettre fin aux poursuites dans l'enquête contre la corruption sont extrêmement graves. Plus grave encore est le buffet ouvert pour les lobbyistes et la privatisation de services et biens publics à des compagnies comme SNC-Lavalin. Les Canadiens méritent des réponses crédibles. Il est nécessaire que le premier ministre leur assure que le gouvernement n'a pas caché ce scandale.
[Traduction]
Je vais commencer par soulever quatre problèmes très inquiétants liés à l'affaire SNC-Lavalin.
Le premier problème qui se pose est celui des allégations très graves qui pèsent contre le Cabinet du premier ministre voulant qu'il ait tenté de mettre fin aux poursuites dans l'affaire de corruption contre SNC-Lavalin. Si les allégations sont fondées, le n'aura plus aucune crédibilité morale auprès des Canadiens.
Le deuxième, qui est tout aussi grave et important, est la possibilité que l'ancienne ministre de la Justice, la toute première femme autochtone à occuper ces fonctions au pays, ait été rétrogradée et punie parce qu'elle n'a pas cédé aux pressions du Cabinet du premier ministre. De sordides rumeurs ont ensuite été véhiculées par des employés du Cabinet pour lui enlever toute crédibilité. Il faut lever le voile sur ces allégations.
Le troisième problème est celui de la puissance des lobbies au Canada. Les employés du Cabinet du premier ministre et des ministères clés sont intervenus aussitôt lorsque SNC-Lavalin a eu besoin d'eux. Est-ce en raison de ces efforts de lobbying que le gouvernement a décidé de modifier des lois canadiennes dans le cadre d'un projet de loi omnibus pour protéger SNC-Lavalin contre les conséquences juridiques qui l'attendaient?
Le quatrième problème est celui de la culture de l'accès privilégié favorisée par le actuel, qui permet aux lobbyistes de jouir d'un bar ouvert et préconise la privatisation des services publics au profit d'entreprises comme SNC-Lavalin et au détriment des contribuables canadiens.
Nous pouvons regrouper ces enjeux sous les trois C malsains de la vie politique: les allégations de corruption, pour lesquelles la population canadienne devra recevoir des comptes; le copinage, qui est l'apanage du Parti libéral depuis beaucoup trop longtemps; et finalement, l'effet corrosif que tout cela a sur la confiance de la population.
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour rétablir la confiance de la population et pour demander au de jouer franc jeu avec les Canadiens, de cesser de se cacher derrière le secret professionnel qui empêche l'ancienne ministre de la Justice de s'exprimer, et de consentir à une enquête indépendante, semblable aux travaux de la Commission Gomery. De cette façon, les réponses pourront être analysées et présentées à la population canadienne en toute crédibilité, et celle-ci sera en mesure de comprendre si le gouvernement a failli à ses obligations juridiques ou s'il est honnête. C'est ce que nous demandons au de faire.
Il y a à peine trois mois, SNC-Lavalin a organisé la plus importante rencontre de beaux parleurs à Ottawa. C'était l'activité parfaite pour avoir un accès privilégié à l'ensemble des principaux ministres libéraux. Ils obéissaient tous au doigt et à l'oeil de SNC-Lavalin. Les libéraux avaient demandé à la ministre des Affaires autochtones de promouvoir l'activité de SNC-Lavalin. Ils ont utilisé la photo de la ministre pour une activité organisée par cette société. Pourquoi se sont-ils réunis? Ce n'était assurément pas à des fins de réconciliation, étant donné que la relation la plus importante pour le n'est pas celle qu'il entretient avec les Autochtones. Ils se sont réunis pour discuter de la façon dont ils pourraient tirer profit de la privatisation des services publics.
Pensons-y un moment. Comment est-ce possible qu'une entreprise faisant l'objet d'une enquête criminelle pour avoir donné des pots-de-vin tant aux libéraux qu'aux conservateurs ait été en mesure d'organiser une activité à laquelle tous les principaux ministres et employés libéraux ont participé? Comment est-ce possible qu'une entreprise avec une longue et sombre histoire d'allégations de corruption en Algérie, au Bangladesh, au Cambodge et en Libye ait été en mesure d'organiser cette activité, quand on sait qu'elle pouvait défendre ses intérêts auprès des principaux libéraux qui y participeraient? Or, les libéraux n'ont rien vu de mal là-dedans. Le problème n'est pas que leur sens moral est faussé; ils n'en ont tout simplement pas. Il n'a jamais été question de la classe moyenne ni de ceux qui aspirent à en faire partie. Il a toujours été question des entreprises Fortune 500 et de celles qui sont dans le secret des dieux pour faire partie de ce palmarès. La relation la plus importante des libéraux n'a jamais été celle qu'ils entretiennent avec les Autochtones en vue d'une réconciliation; c'était celle visant à protéger leurs amis.
On nous dit maintenant que SNC est trop importante pour se retrouver en prison, trop importante pour sombrer. Or, on disait la même chose d'Arthur Porter, qui était au coeur de l'une des plus grosses enquêtes sur des cas de fraude de l'histoire du Canada. Sous l'ancien gouvernement, lequel était tout aussi de connivence avec SNC-Lavalin que le gouvernement actuel, Stephen Harper a nommé Arthur Porter pour superviser l'agence canadienne d'espionnage. Cela montre à quel point on peut vendre le Canada à ces initiés. On dit toujours « trop important pour aller en prison, trop important pour sombrer », mais Arthur Porter a fini par se retrouver en prison au Panama, et les Canadiens ne s'en portent pas plus mal parce qu'il a enfin été puni.
Il faut tirer les choses au clair, car le gouvernement parle maintenant des emplois. Je suis très inquiet pour tous les honnêtes gens qui travaillent chez SNC-Lavalin. Cependant, je suis tout aussi inquiet pour l'avenir de nombreux autres Canadiens qui perdent leur emploi, tels que les travailleurs de la centrale thermique ici même, dans la région de la capitale nationale. Ces personnes ont travaillé là pendant des années, mais leur emploi est compromis parce que le gouvernement souhaite privatiser le service et faire appel à SNC. Le gouvernement dit se soucier des emplois, mais ce n'était pas le cas lorsque les employés de Stelco et de Sears ont perdu leur pension. Pourquoi? Parce que c'était l'entreprise familiale du qui détenait le contrat pour liquider leur régime de retraite. Les libéraux se souciaient de la tranche de 1 % des Canadiens les plus riches. Ils ne sont pas prêts à défendre les droits de pension des travailleurs de Sears ou de Stelco, mais ils sont prêts à défendre les droits de Morneau Shepell. Le est le ministre du 1% le plus riche.
Parlons de KPMG, une firme qui a établi un stratagème frauduleux à l'étranger pour permettre à des multimillionnaires d'éviter de payer de l'impôt. Qu'a fait le gouvernement? Non seulement il a conclu une entente avec KPMG et lui a offert l'amnistie, mais il a également nommé trésorier du Parti libéral un représentant de la firme. Il n'a jamais été question de protéger la classe moyenne et ceux qui aspirent à en faire partie. Il n'a jamais été question de réconciliation. Pour le gouvernement et le , il s'agissait plutôt de défendre leurs proches pour qui ils étaient prêts à contourner les lois canadiennes. Ils prennent soin de leurs amis. Ils s'activent derrière des portes closes. Ils n'hésitent pas à transformer les services publics du Canada en une vache à lait pour leurs lobbyistes et leurs amis.
Les libéraux demandent maintenant de ne pas être négatifs et de parler des points positifs. Or, il n'y a rien de plus néfaste pour la vie publique canadienne que la corruption et le copinage. Tant que nous n'aurons pas clarifié la situation, tant que nous ne pourrons pas dire aux Canadiens que tout le monde aura une chance équitable, la population n'a aucune raison de nous accorder sa confiance. Par conséquent, je demande au de faire ce qui s'impose, de cesser de se cacher et d'expliquer pourquoi Gerry Butts a dû porter le blâme. J'appelle le premier ministre à voter en faveur de la motion demandant une enquête indépendante et à arrêter de se servir du secret professionnel comme prétexte pour ne rien faire.
:
Madame la Présidente, j'ai le plaisir de prendre la parole à la suite de mon collègue de afin de parler des importantes révélations qui ont été faites, dont certaines ont été connues la semaine dernière.
Nous sommes partis dans nos circonscriptions il y a plus d'une semaine et demie. La question d'une potentielle ingérence politique du Bureau du premier ministre et de lui-même dans la poursuite visant SNC-Lavalin nous préoccupait déjà. Il s'agit d'une poursuite criminelle très importante, puisque cette entreprise est impliquée dans de nombreuses affaires, pour le moins louches, de corruption à l'étranger. Plusieurs questions ont été soulevées à ce moment-là, et elles demeurent en suspens, puisque rien n'a été clarifié depuis la première fois que cette allégation a été soulevée il y a une semaine et demie.
Au contraire, plusieurs autres questions ont été soulevées depuis que nous avons quitté la Chambre le 8 février. À cette date, la ministre des Anciens Combattants était toujours en poste, mais elle a démissionné la semaine dernière. De plus, le secrétaire principal du premier ministre a lui aussi démissionné la semaine dernière.
Aujourd'hui, les libéraux vont nous faire croire qu'ils n'ont absolument rien à cacher, que le gouvernement est transparent et qu'il faut chercher des réponses ailleurs. Pourtant, tous ces événements se sont produits en une semaine. À cela, il faut ajouter que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a déclenché une enquête à ce sujet — ce qu'il fait seulement s'il a un doute sur la question portée à son attention. Aujourd'hui, je suis certain que le gouvernement va continuer d'essayer de nous faire croire qu'il n'a rien à voir dans cette affaire, mais c'est complètement faux.
Plusieurs questions doivent obtenir des réponses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le NPD demande aujourd'hui la tenue d'une commission d'enquête publique indépendante. De plus, grâce à sa majorité libérale, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a tout simplement refusé de faire la lumière sur la question d'ingérence politique du Bureau du auprès de l'ancienne procureure générale du Canada dans la poursuite visant SNC-Lavalin. Il s'agit d'une question fondamentale qui mérite des réponses. Vu que le Comité a refusé de faire la lumière là-dessus, nous demandons la tenue d'une enquête publique. De toute évidence, la majorité libérale n'a aucune intention de faire la lumière sur cette question.
En réalité, les libéraux essaient de nous distraire en voulant faire témoigner des personnes qui ne sont pas concernées par cette question. Ils tentent de créer des distractions afin que l'on détourne le regard. Ils ont manifestement quelque chose à cacher. Je ne peux pas croire qu'une ministre et que le secrétaire principal du premier ministre démissionnent au moment où un scandale est dévoilé alors qu'ils n'ont rien à cacher. C'est la raison pour laquelle il faut faire la lumière sur tout ce scandale.
La question d'ingérence politique doit faire l'objet d'une enquête publique, puisque le fondement de notre système de justice repose sur l'indépendance du système judiciaire et du Service des poursuites pénales du Canada. Cette indépendance est prévue dans la loi. Le procureur général ne peut pas donner de telles directives de n'importe quelle façon. Il ne peut pas le faire au moyen d'un simple appel téléphonique. Le procureur général doit suivre des procédures claires pour donner des directives au Service des poursuites pénales du Canada afin d'influencer la conduite des poursuites pénales et criminelles.
Ces protections existent pour une raison: les lois visent à éviter toute ingérence politique dans le processus judiciaire, afin qu'il n'y ait aucun doute lié à la politisation du système de justice. Le fondement de notre système repose sur cette indépendance. Aujourd'hui, l'indépendance du système judiciaire est remise en cause parce que le , son bureau et son secrétaire principal ont voulu faire, ont tenté de faire ou ont fait — c'est ce que l'enquête publique vise à déterminer — de l'ingérence politique. Pour l'instant, nous ne savons pas pourquoi le secrétaire principal du premier ministre a remis sa démission, mais je pense que cela justifie la tenue d'une enquête publique indépendante.
Il faut aussi penser aux employés de SNC-Lavalin, ce que le NPD fait. À la suite de ce scandale d'ingérence politique, ils sont inquiets quant à leur avenir, et je les comprends.
C'est pour cette raison que, aujourd'hui, la cible n'est pas SNC-Lavalin, c'est le gouvernement du premier ministre. C'est son bureau lui-même qui a mis en doute l'indépendance judiciaire de notre pays. C'est cela qui est en cause, et non SNC-Lavalin, qui est effectivement aux prises avec des problèmes judiciaires et des irrégularités dans l'octroi de certains contrats de gouvernements étrangers. Cela soulève donc des doutes, bien sûr, mais les employés, de bonne foi, travaillent pour nourrir leurs familles et font de leur mieux au quotidien.
Ce sont vraiment les dirigeants de SNC-Lavalin qui sont visés. C'est pourquoi il est important de s'assurer que ces dirigeants, qui étaient à l'époque responsables de cette corruption installée au plus haut niveau de la compagnie, seront traduits en justice. C'est malheureux de voir aujourd'hui, à cause des lenteurs administratives dans le système de justice, que ces dirigeants sont en train de s'échapper sans aucune peine et sans avoir passé une seule minute en prison, malgré les crimes graves qu'ils ont commis.
Je peux comprendre que les Canadiens soient inquiets de voir une compagnie s'en tirer aussi facilement dans un dossier aussi terrible de corruption de gouvernements étrangers. C'est pour cela qu'il faut absolument faire toute la lumière sur cette question, sur l'ingérence politique dans notre système judiciaire. C'est extrêmement important pour s'assurer la confiance du public. En effet, de plus en plus, les Canadiens ont l'impression de voir un gouvernement qui s'intéresse seulement aux intérêts des plus grands de ce pays, c'est-à-dire aux intérêts des entreprises et à ceux de leurs dirigeants. Ceux-ci semblent trouver une oreille très attentive au gouvernement lorsqu'ils font des demandes. Que ce soit dans cette affaire de SNC-Lavalin ou dans l'affaire KPMG, par exemple, ils semblent trouver une oreille tout aussi attentive de la part du gouvernement libéral lorsque sont remises en question certaines pratiques de leurs entreprises.
SNC-Lavalin en est un bon exemple. KPMG en est un également. Quand vient le temps de se préoccuper des travailleurs, comme dans le cas de Sears ou de GM, les libéraux vont toujours donner priorité à l'intérêt de l'entreprise. Ils se foutent des employés. C'est pourquoi, aujourd'hui, il faut penser à eux. Il faut s'assurer que, dans toutes les décisions de notre gouvernement, les employés et l'intérêt public sont au cœur de nos discussions et de nos préoccupations. De toute évidence, dans plusieurs dossiers, le gouvernement n'en a que pour ses petits amis qui leur donnent des centaines de milliers de dollars. Parfois même, par le passé, il y a eu des dons illégaux de la part de certaines compagnies, qui semblent avoir une oreille extrêmement attentive de la part de ce gouvernement.
L'autre partie du problème dont je veux parler, c'est l'influence politique qu'a eue SNC-Lavalin dans le débat du projet de loi . J'étais au Comité permanent des finances lorsque le projet de loi a été étudié. J'ai posé une question à la fonctionnaire, toute seule et un peu dépourvue relativement aux nombreuses questions de l'opposition et du gouvernement — le député de a posé plusieurs questions, notamment sur la section 20 du projet de loi — pour savoir d'où venait cette idée d'accord différé en matière de poursuite criminelle. Bien que je lui ai demandé quels dossiers et quels cas avaient pu influencer la rédaction d'un tel projet de loi, cette fonctionnaire ne pouvait citer aucun cas précis. Elle tentait évidemment d'éluder la question, alors qu'il y avait manifestement anguille sous roche.
Cette partie du projet de loi semble avoir été rédigée pour un cas particulier, qui s'appelle SNC-Lavalin. Elle le demandait certainement depuis de nombreuses années, et elle a continué à le demander jusqu'à ce qu'elle l'obtienne. Lorsqu'elle l'a obtenu, dans le projet de loi, elle a continué de faire du lobbying pour tenter de faire adopter ce projet de loi et pour faire en sorte que la procureure générale lui donne cet accord différé.
Cet accord différé n'a pas été donné jusqu'à maintenant, et c'est peut-être la raison pour laquelle la précédente ministre de la Justice a démissionné de ses fonctions. C'est extrêmement impératif d'adopter aujourd'hui cette motion pour faire toute la lumière dans cette affaire, et pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'ingérence politique et qu'il n'y en aura plus sous le prochain gouvernement.
Je propose:
Que la motion soit modifiée en ajoutant par adjonction, après le mot « enquêtes », de ce qui suit:
« et à déposer le rapport en Chambre au plus tard le 31 mai 2019, »
:
Madame la Présidente, je suis heureux d’avoir l’occasion d’aborder les principes du secret professionnel de l’avocat dans un contexte gouvernemental.
[Traduction]
Selon les auteurs Ronald Manes et Michael Silver, le droit au secret professionnel de l'avocat remonte à l'Angleterre des Tudor et repose sur le principe voulant que l'avocat honore son engagement à protéger la confidentialité de ses communications avec ses clients. À l'origine, cette règle s'appliquait seulement à l'obligation de témoigner. L'avocat ou le client pouvait refuser de témoigner en cour au sujet des communications confidentielles. Plus tard, lorsque le droit du privilège a évolué au fil du temps, la règle de confidentialité s'est étendue à tous les avis juridiques qui sont communiqués dans le cadre des procédures judiciaires.
La confidentialité des communications entre l'avocat et le client est devenue la norme. On croyait que le fait de ne pas garantir la confidentialité de la consultation entre le client et l'avocat pouvait décourager le client de parler avec franchise avec son avocat, et qu'il était alors plus difficile pour l'avocat de bien conseiller son client.
Au cours des dernières décennies, en droit canadien, le secret professionnel de l'avocat, d'abord une simple règle de preuve, est devenu une règle de droit cruciale, ainsi qu'un principe de justice fondamentale qui se reflète dans l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême du Canada a dit qu'il s'agissait d'un « principe de justice fondamentale et droit civil de la plus haute importance en droit canadien ».
[Français]
La Cour suprême du Canada reconnaît aujourd’hui une grande importance et une place exceptionnelle au secret professionnel de l’avocat dans notre système juridique. Le secret professionnel de l’avocat n’est rien de moins qu’une pierre d’assise de notre système juridique, peu importe la nature ou le contexte de l’avis juridique sollicité.
[Traduction]
Quelle est la raison d'être du secret professionnel? Notre système juridique est très complexe. En effet, ses règles et ses procédures sont d'une telle complexité que, de l'avis même de la Cour suprême, on risque de s'y perdre si l'on n'est pas guidé par un expert. Il y va de l'intérêt public d'encourager cette libre communication des avis juridiques. Si j'insiste là-dessus, c'est que c'est très important. Il est dans l'intérêt du public d'encourager la libre communication des avis juridiques entre les avocats et leurs clients.
L'intégrité de l'administration de la justice dépend du rôle unique que joue l'avocat lorsqu'il fournit des avis juridiques à ses clients. Ce principe est d'une telle importance que la Cour suprême a souvent rappelé que le secret professionnel, qui est la pierre angulaire de notre système juridique, ne doit pas être entravé à moins d'absolue nécessité. Ce n'est qu'à de très rares exceptions que ce principe peut être assoupli. En conséquence, la Cour suprême du Canada a adopté des normes rigoureuses pour garantir sa protection.
Les gardiens du secret professionnel sont les avocats eux-mêmes. Ils sont tenus par leur code de déontologie de respecter l'information privilégiée appartenant à leurs clients. Qu'est-ce qui est précisément assujetti à cette catégorie rigoureusement protégée du secret professionnel? C'est le caractère confidentiel de toute communication entre un avocat et son client visant à fournir ou à recevoir un conseil juridique.
[Français]
La nature privilégiée d’un document ou de l’information qu’il contient ne dépend pas de la catégorie à laquelle le document appartient, mais plutôt de son contenu et de ce qu’il peut révéler sur la relation et les communications entre un client et son notaire ou avocat. Toutes les communications entre un avocat et son client qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques sont protégées, de même que celles considérées comme faisant partie d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils.
Selon la Cour fédérale, le continuum des communications protégées par le secret professionnel touche notamment « les questions de tous ordres, à des stades divers, [...] y compris les conseils sur les mesures raisonnables et prudentes à prendre dans le contexte juridique en cause », et d’autres sujets « directement liés à l’exécution par l’avocat de ses obligations professionnelles à titre de conseiller juridique du client ».
Pour déterminer où s’arrête le continuum des communications protégées, il s’agit de se demander si une communication fait « partie de cet échange nécessaire de renseignements dont l’objet est la prestation de conseils juridiques ».
Si la réponse à cette question est affirmative, les renseignements appartiennent au continuum des communications protégées. En d'autres termes, la divulgation de la communication risque-t-elle de nuire à l'objectif qui sous-tend le secret professionnel, soit de permettre aux avocats et à leurs clients d'échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence?
Par exemple, lorsque le directeur d'un ministère reçoit un avis juridique sur le déroulement de certaines procédures et qu'il donne des instructions à cet effet à ceux qui dirigent ces procédures, ces instructions, qui sont tirées pour l'essentiel de l'avis juridique, font partie du continuum des communications et sont protégées. La divulgation d'une telle communication nuirait à la capacité du directeur de demander librement et ouvertement des conseils juridiques.
[Traduction]
Un avocat du secteur public est lié par le même secret professionnel qu'un juriste d'entreprise. Dans le cas des avocats du gouvernement, le client est la Couronne, soit le pouvoir exécutif. La Cour suprême du Canada a reconnu que le secret professionnel de l'avocat s'applique aux communications entre les employés du gouvernement et les avocats du gouvernement, dont un grand nombre font partie du ministère de la Justice.
Comme l'a déclaré la Cour fédérale: « Le procureur général et les personnes qui travaillent pour lui [ou elle] en tant que conseillers juridiques sont des avocats qui conseillent l'organe exécutif du gouvernement du Canada. »
Il faut aussi mentionner la nature permanente du secret professionnel de l'avocat dans le secteur public. Le privilège appartient au client et non à l'avocat. Les tribunaux ne permettent pas à un avocat de divulguer les renseignements qu'un client lui a communiqués confidentiellement. Compte tenu du rôle fondamental que joue ce principe dans le fonctionnement efficace de notre système juridique, et ce, depuis des siècles, le secret professionnel de l'avocat occupe un rang des plus élevés parmi les privilèges reconnus. Les avocats doivent pouvoir conseiller librement leurs clients; il est dans l'intérêt public de favoriser le respect de ce principe et de le protéger. Comme l'a souligné la Cour suprême du Canada en 2008 dans sa décision dans l'affaire du Blood Tribe Department of Health: « Autrement, l'accès à la justice et la qualité de la justice dans notre pays seraient sérieusement compromis. »
[Français]
Comme mentionné précédemment, le secret professionnel de l'avocat s'applique aux communications entre l'avocat et son client, communications qui se rapportent à une consultation ou à un avis juridique et que les parties considèrent comme étant confidentielles.
[Traduction]
Dans le contexte gouvernemental, le client est la Couronne. Déterminer qui peut renoncer à ce privilège au gouvernement est une question complexe. Les décisions des tribunaux sur cette question varient. Les critères sont toutefois plus cohérents quand il s'agit de déterminer quand on peut considérer qu'il y a eu renonciation au privilège, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public.
[Français]
La renonciation au privilège du secret professionnel de l'avocat est établie lorsque le titulaire de ce privilège est au courant de son existence et exprime volontairement l'intention d'y renoncer.
[Traduction]
Pour qu'il puisse y avoir renonciation, la divulgation doit se faire de façon volontaire. Les tribunaux reconnaissent une renonciation, implicite ou explicite, seulement s'ils considèrent qu'un examen objectif de la conduite du client montre l'intention de renoncer au privilège. Par exemple, lorsque la communication privilégiée est transmise à un tiers ou lorsque cette communication sert à asseoir la demande ou la défense d'une partie. Une divulgation sous la contrainte de la loi n'est pas faite de façon volontaire et ne constitue donc pas une renonciation au secret professionnel de l'avocat. Dans le jargon juridique, on parle parfois d'exception de renonciation limitée. Il ne faut pas confondre celle-ci avec la doctrine de la renonciation partielle, dont je vais maintenant parler.
Lorsqu'un client renonce au secret concernant une communication, il ne faut pas présumer qu'il renonce au secret entourant toutes les autres communications. Les clients, détenteurs du privilège, peuvent décider de renoncer au secret pour toutes les communications confidentielles qu'ils ont eues avec leur avocat, pour certaines d'entre elles ou bien aucune d'entre elles. Lorsqu'ils sont appelés à déterminer si une renonciation partielle, soit une renonciation volontaire concernant une communication privilégiée en particulier, a entraîné une renonciation plus étendue, les tribunaux tiennent compte de l'ensemble des faits et des circonstances.
La réponse n'est jamais évidente. Comme dans le cas des renonciations partielles, les divulgations n'entraînent pas nécessairement une renonciation au secret professionnel de l'avocat. Par exemple, le privilège fondé sur l'intérêt commun permet à des parties ayant des intérêts communs de s'échanger des renseignements sans que cela implique de renoncer au droit au secret. L'exemption de renonciation liée au privilège d'intérêt commun prend sa source dans le contexte des litiges, lorsque la communication de renseignements concernant un litige raisonnablement prévisible n'entraîne pas de renonciation au secret relatif au litige en tant que tel.
Certains tribunaux ont aussi étendu au contexte des transactions commerciales la notion de l'intérêt en common law qui ne s'applique pas aux litiges. Les parties qui ont un intérêt commun dans la réussite d'une transaction donnée peuvent être en mesure d'échanger des documents protégés par le secret professionnel de l'avocat sans qu'il soit nécessaire de renoncer à celui-ci. Comme dans les cas traditionnels touchant le secret professionnel de l'avocat, la communication entre les parties partageant un intérêt commun doit être faite sous le sceau de la confidentialité.
Je viens de faire allusion à ce qu'on appelle le privilège relatif au litige. Celui-ci protège contre la divulgation forcée de communications et de documents dont l'objet principal est la préparation d'un litige. S’il se distingue du secret professionnel de l’avocat à plusieurs égards, le privilège relatif au litige en partage néanmoins certains traits communs. Les exemples classiques d’éléments couverts par ce privilège sont le dossier de l’avocat et les communications verbales ou écrites entre un avocat et des tiers, par exemple des témoins ou des experts, qui sont préparés dans le contexte d'un litige raisonnablement prévisible.
Le privilège relatif au litige est une règle de common law d'origine anglaise. Au cours du XXe siècle, cette règle a été introduite au Canada comme un privilège lié au secret professionnel de l’avocat, alors considéré comme une règle de preuve nécessaire pour la bonne marche des procès et des procédures judiciaires. En raison de ces origines, le privilège relatif au litige a parfois été confondu avec le secret professionnel de l'avocat, mais les deux sont véritablement distincts, même si, à l'occasion, ils ont certains traits en commun.
Cependant, depuis que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans la cause Blank c. Canada en 2006, il est établi en droit que le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige sont distincts. Dans Blank c. Canada, la Cour suprême déclare: « Ces privilèges coexistent souvent et on utilise parfois à tort le nom de l’un pour désigner l’autre, mais leur portée, leur durée et leur signification ne coïncident pas. »
Dans cette décision, la Cour suprême du Canada mentionne les différences suivantes entre les deux concepts. Le secret professionnel de l’avocat a pour objet de protéger une relation, tandis que le privilège relatif au litige vise à garantir l’efficacité du processus contradictoire. Le secret professionnel de l’avocat est permanent, tandis que le privilège relatif au litige est temporaire et prend fin en même temps que le litige. Contrairement au secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif au litige s’applique à des documents non confidentiels. Il ne concerne pas les communications entre l’avocat et le client comme telles.
La Cour suprême du Canada ajoute ceci: « Contrairement au secret professionnel de l’avocat, il n’est ni absolu quant à sa portée, ni illimité quant à sa durée. »
S’il est vrai que dans Blank c. Canada, la Cour suprême du Canada relève de nettes différences entre le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat, elle reconnaît aussi qu’ils ont certaines caractéristiques en commun. La Cour souligne, par exemple, que les deux privilèges « servent une cause commune: l’administration sûre et efficace de la justice conformément au droit ».
Plus précisément, le privilège relatif au litige sert cette cause en garantissant « l’efficacité du processus contradictoire » et en maintenant « une zone protégée destinée à faciliter, pour l’avocat, l’enquête et la préparation du dossier en vue de l’instruction contradictoire ».
:
Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
[Français]
Je remercie le député de d'avoir présenté cette motion aujourd'hui. Je suis fier de dire que l'opposition officielle va l'appuyer à l'unanimité.
Avant de parler de l'importance d'une enquête publique, j'aimerais dire pourquoi cette affaire compte pour notre pays. Nous sommes et nous avons toujours été un pays régi par la primauté du droit. Par définition, cela veut dire qu'en tant que parlementaires, quand nous adoptons une loi au nom des gens qui nous ont élus, nous ne sommes pas au-dessus de cette loi.
[Traduction]
Nous sommes tous assujettis à la primauté du droit. Nous sommes tous égaux devant la loi. Nous sommes liés par ses conventions, et notre statut politique ou social ne nous donne droit à aucun traitement particulier, qui que nous soyons. Ces principes essentiels de la primauté du droit doivent être respectés pour que la démocratie fonctionne. Comme l’histoire nous l’a montré, dès lors qu’on porte atteinte à la primauté du droit, qu’on la bafoue ou qu’on la corrompt, les conséquences peuvent être extrêmes. Nous ne saurions affirmer que notre pays est régi par la primauté du droit lorsque des desseins politiques peuvent dicter le cours de la justice, et c’est précisément de cela que le et son cabinet sont accusés.
Pour comprendre la gravité de ces allégations, que le n’a toujours pas réfutées de façon crédible, nous devons remonter à 2015. SNC-Lavalin, grande entreprise de construction canadienne, a été accusée d’avoir versé des pots-de-vin au gouvernement libyen dirigé par le dictateur Mouammar Kadhafi. Soucieuse d’éviter des poursuites, l’entreprise a mené pendant deux ans une campagne de lobbying massive auprès du nouveau gouvernement libéral afin d’obtenir une procédure judiciaire spéciale qui la tirerait d’affaire. Le lobbying a porté ses fruits. Le mécanisme pour obtenir cette décision a été glissé dans un projet de loi budgétaire omnibus de 800 pages et est dorénavant inscrit dans la loi.
Jusque-là, on n’avait enfreint aucune loi. Le lobbying intense et les manoeuvres législatives qui ont suivi étaient certainement suspects, mais pas illégaux. Cependant, tout cela a changé lorsqu’on a demandé d’accorder à SNC-Lavalin un traitement spécial et que cette demande s’est heurtée à des réticences au ministère de la Justice.
[Français]
La directrice des poursuites pénales, après avoir soigneusement étudié l'affaire de SNC-Lavalin, a décidé d'entamer une poursuite criminelle. C'est là que les agents politiques du Cabinet du premier ministre se sont activés.
Selon le Globe and Mail, le Cabinet du premier ministre aurait fait pression sur la procureure générale de l'époque pour infirmer la décision de la directrice des poursuites pénales et accorder à SNC-Lavalin l'entente spéciale que l'entreprise recherchait depuis longtemps.
[Traduction]
Lorsque la ne l'a pas fait, sans doute en raison de son attachement au principe de la primauté du droit, qu'elle avait le devoir de protéger, le l'a congédiée. Elle a alors déclaré par écrit: « Il est fondamental pour la démocratie que le système de justice soit totalement dénué d'ingérence politique et qu'il maintienne la pleine confiance du public. »
Nous l'ignorions à ce moment-là, mais cette déclaration annonçait ce qui allait être révélé plus tard, c'est-à-dire l'alarmante possibilité que le Cabinet du ait usé de son pouvoir pour influencer l'administration de la justice ou, pour dire les choses autrement, que le Cabinet du premier ministre ait refusé d'accepter que le ministère de la Justice dise non à SNC-Lavalin.
Beaucoup ont tenté de faire comprendre la profonde gravité de ces allégations, mais personne n'y est mieux arrivé que l'ancien procureur général libéral de l'Ontario Michael Bryant, qui a indiqué que si un politicien lui avait téléphoné à propos de poursuites qu'il avait engagées, il aurait raccroché et appelé la police.
Depuis que ces allégations ont fait surface, le et son cabinet se sont livrés à d'évidentes manoeuvres de camouflage. Le premier ministre refuse de lever le secret professionnel de l'avocat comme l'ont fait avant lui d'autres premiers ministres lorsque l'intérêt du public l'exigeait. Ce faisant, il permettrait à l'ancienne procureure générale de présenter aux Canadiens sa version des faits. Il choisit toutefois de se protéger lui-même en lui imposant le silence.
La semaine dernière, les libéraux siégeant au comité de la justice ont voté en bloc pour empêcher la vérité de voir le jour et rejeter une motion réclamant que de hauts responsables du Cabinet du premier ministre et de la fonction publique, y compris l'ancienne procureure générale, témoignent devant tous les Canadiens.
[Français]
Le premier ministre continue de changer sa version des faits et de se cacher derrière les autres. Il blâme tout le monde, du personnel de son propre bureau à Scott Brison, en passant par l'ancienne procureure générale elle-même, pour le gâchis dans lequel il se retrouve. Ce n'est pas comme cela qu'un premier ministre qui n'a rien à cacher agirait. S'il croit que la démission de son conseiller politique le plus proche et le plus fiable va régler la question, il est dans l'erreur.
Je vais donc répéter ma demande: que le premier ministre lève immédiatement le secret et laisse enfin l'ancienne procureure générale parler.
[Traduction]
La façon dont l'histoire se dévoile — le qui change sa version des faits d'un jour à l'autre, les haut placés qui démissionnent, les campagnes de salissage confiées à des fournisseurs anonymes et les manoeuvres de camouflage coordonnées — laisse croire qu'il ne s'agit pas d'un scandale politique ordinaire. Quelque chose de plus sinistre se trame.
L'article 139 du Code criminel traite de l'entrave à la justice. J'attire l'attention de la Chambre sur le paragraphe (2), qui dit:
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque volontairement tente de quelque manière, autre qu’une manière visée au paragraphe (1), d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice.
[Français]
Ce sera à la police de décider si ce qui s'est passé entre le Cabinet du premier ministre et l'ancienne procureure générale est criminel. Je m'attends à ce que cette affaire soit bientôt portée à son attention, si ce n'est pas déjà fait.
J'ai toujours dit que toutes les options étaient possibles, et si un crime a été commis, les responsables doivent être punis en conséquence.
[Traduction]
Aujourd'hui, je suis fier de me joindre à mes collègues pour appuyer la motion à l'étude, qui exhorte le à lever le secret professionnel dans ce cas. Les Canadiens sont fatigués de l'entendre parler au nom de l'ancienne procureure générale. Il est temps que les Canadiens entendent l'ancienne procureure générale elle-même.
:
Madame la Présidente, c’est une joie pour moi que de pouvoir prendre la parole à la Chambre pour parler de cette question aujourd’hui, mais c’est aussi avec grande tristesse que je le fais, parce que nous nous trouvons dans une situation où, en notre qualité de parlementaires, nous essayons de forcer le gouvernement à faire une chose qu’il aurait dû déjà faire avec ouverture et honnêteté.
Comme l’a signalé si bien le , la sordide saga de ce qui s’est passé ici jusqu’à présent en est une qui mérite une enquête publique. Elle mérite une enquête par le comité de la justice. En fait, elle mérite clairement d’être mise sous la loupe pour que nous puissions comprendre exactement ce qui s’est passé, y compris savoir s’il y a effectivement eu des agissements criminels et s’il y a effectivement eu ingérence politique dans une affaire de poursuite pénale.
C’est avec grande joie et honneur que j’ai pu participer au comité de la justice la semaine dernière tandis que nous discutions, en public, de nos préoccupations à ce sujet et dressions une liste des témoins que nous aimerions entendre sur la question. Malheureusement, comme tout le monde le sait, ceci n’a pas été accepté par la majorité des libéraux au comité. En fait, il y a eu des commentaires très troublants formulés au cours de cette réunion du comité de la justice qui font ressortir encore plus l’importance d’avoir une enquête publique.
Tout d’abord, un député qui siège au comité a dit que tout cela n'était qu'une tempête dans un verre d'eau. De plus, un autre a déclaré que ce n’était qu’une chasse aux sorcières. Nous avons tous entendu ce qui se passe chez nos voisins du Sud, et ça ne semble pas très bien fonctionner aux États-Unis; par conséquent, je ne comprends pas pourquoi ils choisissent de faire de l’expression « chasse aux sorcières » leur slogan ici.
Surtout, le président du comité de même que tous les députés libéraux qui y siègent ont affirmé sans équivoque croire le et son cabinet et qu'aucune de ces allégations n'était fondée. Voilà pourquoi ils ont choisi d’avoir une conférence juridique très étroite sur certains des principes de droit, un peu comme celle que le nous a lue ce matin pour expliquer pourquoi le gouvernement ne veut pas d'enquête publique.
Nous demandons aujourd’hui qu'une telle enquête publique soit menée parce que, à dire franchement, nous avons pris les bonnes mesures. Durant le remaniement ministériel à la fin janvier et au début février, il était intéressant de constater que l’ancienne avait produit une déclaration écrite de 2 000 mots, non seulement détaillant ses réalisations, mais aussi présentant un avertissement. Cet avertissement portait sur la nécessité de dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir, et sur le fait qu’elle avait dit la vérité à ceux qui sont au pouvoir. Cachée à la fin d'un paragraphe de la déclaration, ce que j’ai trouvé fort intéressant, était la mention disant qu’elle s’attendait à ce que ce rôle se poursuive.
Pourquoi l’ancienne aurait-elle dit dans une lettre que des événements mondiaux au cours desquels l’ingérence politique l’emportait sur la politique publique l’inquiétaient si elle n’avait pas elle-même quelque chose à dire au sujet de ce qui se passait dans son parti et au sein de son cabinet?
Nous avons procédé comme il se doit. Nous avons posé des questions à la Chambre. Il y a eu deux questions: mon collègue de Durham a posé une question, et mon collègue de Victoria a demandé pourquoi la députée a été congédiée de son poste de procureure générale.
La réponse a été tout à fait inadéquate, mais ce qui a été encore plus inadéquat a été le fait que le n’a pas saisi cette occasion pour remercier la ministre de son travail ou formuler un quelconque compliment sur son bilan en tant que ministre. C’était, à bien y penser, une omission flagrante et un manque de classe incroyable.
Nous avons posé des questions au comité de la justice pour obtenir des renseignements après que le Globe and Mail a rapporté des allégations. Les membres du comité nous ont dit qu'il fallait passer outre aux allégations. Ils ont remis en question le fondement de celles-ci, puisqu'elles venaient de sources anonymes.
Il est très intéressant de constater aujourd'hui que nous sommes dans une situation où les allégations de ces sources anonymes ont mené à la démission de deux membres extrêmement importants du Cabinet et de l'administration interne du Cabinet du premier ministre. Il y a sûrement quelqu'un qui prend ces allégations au sérieux, quand bien même ce seraient M. Butts et l'ancienne .
Pourquoi faut-il tenir une enquête publique? D'abord et avant tout, dans une enquête publique, on reçoit les preuves et on tient les audiences sur une tribune publique, en mettant en lumière une situation très précise. Je ne peux penser à aucun autre exemple, au cours des 11 années que j'ai passées à la Chambre, où nous ayons eu davantage besoin de faire toute la lumière sur une situation aussi capitale pour assurer la primauté du droit.
La question a fait l'objet d'une large couverture médiatique. Le fait que l'information se soit rendue dans les salons et les cuisines des Canadiens est important parce que cela nous oblige, à titre de députés, à faire la lumière sur cette question pour que nous puissions rentrer dans notre circonscription et dire à nos concitoyens exactement ce qui s'est passé, ce qui est en train de se produire, et avoir autre chose à leur dire que « c'est une opération de camouflage ».
Enfin et surtout, pourquoi les députés devraient-ils voter en faveur de cette motion en dépit de leur allégeance? Dans à peine sept mois et demi, voire avant si nous faisons notre travail adéquatement, nous ferons du porte-à-porte pour demander une fois de plus à nos concitoyens de nous faire confiance pour les représenter à la Chambre des communes. J'insiste sur le mot « confiance ».
Je me demande si les députés, particulièrement ceux qui siègent du côté ministériel, sont, de façon individuelle, troublés par le voile de mystère qui flotte actuellement — parce que nos concitoyens le sont. Les députés ne sont-ils pas troublés par la campagne de salissage que le Cabinet du a lancée contre l'ancienne procureure générale? Nos concitoyens sont troublés.
Les députés ne sont-ils pas troublés par le fait que, jour après jour, le raconte des histoires pour éviter de lever le secret professionnel, si bien qu'on a eu droit à un discours de 20 minutes à la Chambre des communes sur la définition du secret professionnel?
Les députés ne sont-ils pas troublés qu'il y ait eu deux démissions très médiatisées en moins de 11 jours depuis le début de cette affaire? Les électeurs de ma circonscription sont troublés.
Lorsque les députés libéraux se présenteront aux portes des électeurs, quelle sera leur réponse? Diront-ils qu'il faut faire confiance au et à son équipe? Est-ce que ce sera suffisant? Que répondront ces députés lorsqu'on leur posera la question fondamentale qui, je le sais, sera posée parce qu'elle l'est déjà: pourquoi l'ancienne procureure générale n'a-t-elle pas le droit de parler? Quelle sera leur réponse?
Pour conclure, je tiens à souligner que le caucus libéral compte 40 députés spéciaux, 40 députés qui, comme moi-même et plusieurs de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, ont prêté serment lorsqu'ils sont devenus avocats au Canada. L'un des principaux éléments de ce serment consiste à s'engager à défendre la primauté du droit. Ces 40 députés ont donc une responsabilité encore plus importante que les autres, puisqu'ils se doivent de défendre la primauté du droit, une tâche absolument cruciale dans la société canadienne.
J'encourage donc les députés de , de , de , de , de , de , de , de , de , de , de , de , de , de , d', d', d', de , le , le , les députés de , de , d', d', d', d', de , de , de , de , de , de , de , de , de , d', de , de et de à respecter le serment qu'ils ont prononcé lorsqu'ils sont devenus avocats au Canada.
Je les encourage à voter en faveur de la tenue d'une enquête publique, comme il se doit, dans le but de faire la lumière sur ce qui pourrait être une affaire criminelle. Je les invite à poser ce geste nécessaire aujourd'hui même.
:
Madame la Présidente, c’est un honneur pour moi de prendre la parole sur une question aussi fondamentale pour notre démocratie, à savoir l’indépendance du procureur général, qui est un principe constitutionnel. Contrairement à certains députés, qui ont laissé entendre que la question n’intéresse pas les électeurs, je garantis pour ma part qu'elle intéresse les gens de ma circonscription.
Certes, ce n’est peut-être pas pour tout le monde une question aussi prioritaire que les changements climatiques ou la crise du logement, et cela se comprend. C’est en effet un principe tellement fondamental pour notre régime démocratique que les Canadiens le tiennent pour acquis — ce n'est pas acquis dans des pays comme la Chine ou dans les républiques bananières — et ils s'attendent tout naturellement à ce que le procureur général puisse agir en toute indépendance, comme il se doit. Je me propose d’expliquer, au cours de mon intervention, ce que ce principe suppose, avant de demander aux députés si, oui ou non, la question justifie la tenue d’une enquête.
La motion du NPD que j’ai présentée aujourd’hui comporte deux parties. La première concerne le secret professionnel. Le gouvernement voudrait nous faire croire que c’est une notion trop compliquée pour les Canadiens et les parlementaires. Je vais essayer de démontrer le contraire.
La deuxième partie de la motion vise à exhorter le gouvernement à entreprendre une enquête publique en vertu de la Loi sur les enquêtes afin d’offrir aux Canadiens la transparence et la reddition de comptes qu'il avait promises pendant la campagne électorale de 2015. Il s'agit de déterminer ce qui s'est passé réellement et si la population canadienne a le droit de le savoir: voilà pourquoi la question est aussi fondamentale.
Je dirai pour commencer que nous sommes en présence d’allégations d’ingérence indue. Comme la plupart des Canadiens, j’ignore tout de ce qui s’est passé. Or, nous avons le droit de savoir quelles circonstances précises ont conduit à la démission de deux personnes, à savoir le principal conseiller politique du , au sein de son cabinet, et l'ancienne procureure générale.
Les Canadiens veulent savoir ce qui s’est passé et pourquoi c’est important. J’espère que, grâce au comité de la justice, dont j’ai l’honneur d’être le vice-président, ils réussiront au moins à savoir si des actes inappropriés ont été commis. Je ne dis pas qu’il y en a eu; je dis simplement que les Canadiens ont le droit d'obtenir des réponses et que le comité de justice est l'endroit propice où les obtenir, tout au moins au début.
Il faut aussi, pour des raisons que je vais expliquer, organiser une enquête selon la Loi sur les enquêtes, comme la Commission Gomery. Cette enquête a permis de révéler certains faits et a changé le cours de l'histoire politique au pays. On ne sait pas si le cas qui nous occupe est aussi grave, mais c'est précisément pour cela qu'il faut faire la lumière sur cette affaire.
La question du secret professionnel de l'avocat n'est pas aussi complexe que le gouvernement voudrait nous le faire croire. Toute personne raisonnable peut comprendre les principes juridiques. À la question de savoir si le gouvernement, qu'il s'agisse du premier ministre ou du gouvernement en général — autrement dit le gouverneur en conseil —, peut lever le secret professionnel, on peut répondre sans le moindre doute qu'il peut effectivement le faire. En effet, nombre d'éminents juristes que j'ai consultés m'ont dit que le gouvernement a déjà renoncé à ce privilège, puisque le nous a répondu qu'il n'a pas demandé à l'ancienne procureure générale de faire quoi que ce soit à l'égard de l'accord de réparation concernant SNC-Lavalin. Par conséquent, certains sont d'avis que le secret est déjà levé.
Que ce soit le cas ou non, il y a des principes fondamentaux à respecter. Il se pourrait que l'on soit allé à l'encontre de la doctrine Shawcross, dont je vais parler plus tard. J'ignore si c'est le cas, mais c'est précisément pour cela qu'il faut tenir une enquête. Nous devons d'abord renvoyer la question au comité de la justice et tenir une enquête publique en bonne et due forme afin que les Canadiens puissent alors voir dans quel état se trouve leur démocratie.
Les allégations sont évidemment bien connues. Selon les reportages des médias, qui reposent sur des sources anonymes — peut-être des sonneurs d'alerte — le ou un proche collaborateur de son bureau aurait exercé des pressions sur l'ancienne procureure générale pour qu'elle s'ingère dans la décision du Service des poursuites pénales, une entité indépendante, de ne pas conclure avec SNC-Lavalin un accord sur la suspension des poursuites — ce qu'on appelle parfois un accord de réparation — à l'égard des accusations de corruption ou de fraude liées à des pots-de-vin que l'entreprise a versés à des représentants du régime libyen de Kadhafi, il y a de nombreuses années.
La première stratégie que le a employée pour se défendre a été de dire qu'il n'avait pas demandé à l'ancienne procureure générale de faire quoi que ce soit. Or, bien entendu, là n'est pas la question. Il s'agit plutôt de savoir si on a exercé sur elle des pressions inappropriées.
Ensuite, la population canadienne veut savoir pourquoi la ministre a démissionné et pourquoi elle a décidé de faire une chose plutôt inhabituelle, voire sans précédent, soit d'écrire une lettre aux habitants de sa circonscription et aux Canadiens en général où elle indiquait qu'elle disait actuellement la vérité aux gens qui sont au pouvoir et affirmait l'importance de l'indépendance du procureur général. Puis, quelques semaines plus tard, elle a même démissionné du poste de ministre qui lui avait été confié, soit celui de ministre des Anciens Combattants.
Les Canadiens veulent savoir pourquoi. Pourquoi a-t-elle senti le besoin de dire cela et pourquoi a-t-elle fini par démissionner? Pourquoi, hier, le secrétaire principal, le plus important collaborateur du , a dit lui aussi qu'il se devait de démissionner? Il a dit qu'il démissionnait pour ne pas être une source de distraction. On ne peut pas nier qu'il en était une.
Le l'a relevée de sa fonction de ministre de la Justice, ce qui soulève des questions importantes. Le professeur Craig Forcese a rédigé un article très utile sur l'aspect droit public de cette affaire. Il commence par dire que divers degrés d'influence peuvent être exercés sur un procureur général par un gouvernement.
Il n'y a absolument rien de mal à demander conseil à des collègues du Cabinet. Au contraire, comme lord Simon l'a dit, au Royaume-Uni, il serait parfois même insensé de ne pas le faire. Cependant, une personne traverse la ligne magique du principe de Shawcross, qui a été établi dans les années 1950 et qui est aussi devenu loi au Canada — il s'agit même d'une convention constitutionnelle — lorsqu'elle exerce des pressions ou une influence indue sur le procureur général. Au bout du compte, le procureur général doit dire: « Il m'est revenu à moi seul de décider d'intenter ou non une poursuite, de même que de négocier ou non un accord de réparation et d'ordonner ou non au directeur des poursuites pénales de le faire. »
De toute évidence, quelqu'un pense qu'il y avait un problème, y compris l'ancienne procureure générale, qui a été démise de ses fonctions et qui a ensuite démissionné. Les Canadiens veulent savoir pourquoi.
Pourquoi le gouvernement, qui s'est ouvertement engagé à être transparent et à rendre des comptes, ne souhaite-t-il pas vivement que l'ancienne procureure générale et M. Butts, le secrétaire principal, donnent leur version des faits afin d'éclaircir la situation? Il se peut que le gouvernement n'ait rien à se reprocher, mais le fait qu'il ne veuille pas connaître leur version des faits porte les Canadiens raisonnables à s'inquiéter et à poser des questions.
Cette motion ne vise qu'un seul objectif: prier le gouvernement de renoncer à tout privilège qu'il pense posséder et que l'ancienne procureure générale pense peut-être avoir, et de laisser celle-ci s'exprimer. Laissons-la raconter sa version des faits, et prenons aussi connaissance du point de vue de l'autre partie, l'autre acteur présumé dans cette affaire, M. Butts. Écoutons également le point de vue d'autres employés du Cabinet du qui travaillaient pour lui. Pourquoi le gouvernement n'est-il pas favorable à cette proposition? Son refus d'obtempérer est déconcertant et ne fait à vrai dire qu'envenimer les choses.
Comme le professeur Forcese l'a indiqué, il existe plusieurs degrés d'influence, et il importe de comprendre si des pressions ont été exercées ou si des directives ont été données. Les Canadiens se demandent sans doute pourquoi cet enjeu est important et pourquoi nous en faisons autant de cas; c'est parce que nous ne pouvons permettre aucune considération d'ordre partisane ou politique influencer l'encadrement des poursuites. Ces considérations n'ont tout simplement pas lieu d'être si nous souhaitons maintenir le principe de poursuite indépendante et conserver le rôle du procureur général, un conseiller juridique de l'État qui travaille de manière indépendante.
Au sein de certaines démocraties, comme le Royaume-Uni, le procureur général joue un rôle distinct. En effet, dans ce système, les fonctions de notre ministre de la Justice sont occupées par un secrétaire de l'Intérieur, car il est primordial que le procureur général paraisse protégé de toute influence politique. Cette conception du rôle du procureur général est présente dans plusieurs pays.
Nous avons pu observer chez nos voisins du Sud ce qui est ressorti du conflit entourant M. Trump et M. Comey. Au Canada, nous avons toujours été fiers, et à juste titre d'ailleurs, de l'indépendance de notre Service des poursuites pénales. Les gens veulent savoir s'il y a eu des problèmes dans le cas qui nous occupe.
En 2002, la Cour suprême a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Krieger c. Law Society:
Il existe un principe constitutionnel voulant que les procureurs généraux de notre pays agissent indépendamment de toute considération partisane lorsqu’ils exercent leur pouvoir souverain délégué d’intenter ou de continuer des poursuites ou encore d’y mettre fin.
Voilà pourquoi c'est si grave. La ligne à ne pas franchir établie par le principe de Shawcross l'a-t-elle été? Comme la chef adjointe de l'opposition, qui est également porte-parole de l'opposition en matière de justice, l'a dit elle-même de façon éloquente, au fond, c'est la primauté du droit qui est en jeu.
La procureure générale a une obligation de loyauté absolue envers la primauté du droit et non pas envers le gouvernement en poste. C'est un principe constitutionnel fondamental au pays, et nous espérons sincèrement qu'il n'a pas été enfreint dans des circonstances où on aurait exercé des pressions pour qu'un accord soit conclu afin de suspendre les poursuites, alors que la directrice des poursuites pénales, une mandataire indépendante, n'estimait manifestement pas que c'était justifié. Il semble que la procureure générale n'ait pas non plus estimé que c'était justifié, mais, comme par hasard, elle a subséquemment été démise de ses fonctions au sein du Cabinet à cet égard.
Est-ce un problème? Je l'ignore. Certaines choses m'échappent.
Le professeur Craig Forcese conclut comme suit:
Sauf erreur monumentale, on peut supposer que les employés du cabinet de [la procureure générale] ont jugé qu'une certaine ligne avait été franchie. Après tout, il fallait une source au Globe [and Mail pour le reportage à l'origine de tout ce remue-ménage]. Or, du moment que le principe de Shawcross avait été enfreint, [la procureure générale] devait démissionner.
Ce n'est évidemment pas ainsi que les choses se sont passées au début, mais c'est la tournure qu'elles ont fini par prendre.
Les ministériels nous ont dit à quel point le secret professionnel peut être contraignant et combien il peut être difficile de maintenir l'indépendance des poursuivants. Le regretté juge Rosenberg, de la Cour d'appel de l'Ontario, a défini ce qu'il considérait comme les cinq composantes du principe de Shawcross:
[Le] procureur général doit tenir compte de tous les faits pertinents [pour décider s'il y a lieu d'intenter des poursuites], y compris l'effet sur l'opinion et l'ordre publics, que le procès mène à une condamnation ou non.
Bref, ces facteurs doivent être pris en compte, c'est tout à fait légitime.
M. Rosenberg ajoute ceci:
Deuxièmement, le procureur général n'est pas tenu de consulter ses collègues du Cabinet, mais il en a le droit.
Ce n'est pas un problème. Je continue:
Troisièmement, l'aide reçue des collègues du Cabinet doit prendre uniquement la forme de conseils et non de directives.
C'est sans doute ce qui explique qu'au début, le ait parlé de manière aussi catégorique de directives.
M. Rosenberg poursuit:
Quatrièmement, la responsabilité d’une décision incombe uniquement au procureur général, et celui-ci ne doit pas être sujet à des pressions de la part du gouvernement à cet égard.
Voilà l'argument que nous essayons de faire valoir.
Cinquièmement, le procureur général ne peut pas faire porter la responsabilité de la décision au cabinet.
J'irais même jusqu'à dire qu'il ne peut faire porter la responsabilité de la décision à n'importe qui d'autre.
Maintenant que nous avons expliqué le principe de Shawcross et indiqué aux Canadiens la raison pour laquelle le dossier dont nous sommes saisis est aussi important, nous pouvons maintenant discuter des mesures requises pour remédier à ce problème.
Les députés de l'opposition officielle, et je me joins à eux, ont demandé que le comité de la justice entende les principaux intéressés dans cette affaire. Nous devrions inviter notre collègue, l'ancienne ministre des Anciens Combattants et l'ancienne procureure générale, la députée de , à venir nous raconter sa version des faits.
Thomas Cromwell, ancien juge éminent de la Cour suprême, lui prodigue actuellement des conseils, et nous espérons que ces conseils lui procureront l'assurance nécessaire pour venir présenter sa version des faits aux Canadiens.
C'est ce que nous avons demandé et, malheureusement, cela ne s'est pas encore produit. Pour une quelconque raison, les ministériels qui siègent à ce comité pensaient qu'il ne s'agissait que d'une question de politique et que le sujet était clos. Ils ont peut-être raison, mais pourquoi diable refuseraient-ils de nous laisser aller au bout de l'affaire afin que nous ayons l'esprit en paix? Évidemment, les ministériels au sein du comité nous accusent de partisanerie lorsque nous tentons de faire notre travail de parlementaires.
Qu'avons-nous appris d'autre? Nous savons qu'il y a eu des efforts considérables de lobbying de la part de cette entreprise. C'est une firme d'ingénierie, alors je ne m'étonnerais pas qu'elle fasse du lobbying au sujet des ponts et des routes et d'autres ouvrages du genre, mais elle faisait du lobbying au sujet de la justice et de l'application de la loi, ce qui est quelque peu inhabituel pour une firme d'ingénierie. La firme a rencontré des responsables du Cabinet du 14 fois sur une période d'environ deux ans, 12 fois avec le secrétaire principal, M. Butts, et avec le conseiller principal du premier ministre pour le Québec, Mathieu Bouchard.
Tout ce que nous demandons, c'est que ces personnes puissent raconter ce qui s'est passé. Allons-nous trop loin? Demander à savoir serait-il un comportement irresponsable?
Les circonstances sont particulières, puisque, ô surprise, peu de temps après, un projet de loi omnibus contenant des dispositions relatives aux « accords sur la suspension des poursuites » était présenté. Je ne dis pas que ces accords sont épouvantables et qu'il ne faudrait jamais y avoir recours — ce n'est pas cela. Ils peuvent probablement avoir un rôle utile, et je suis convaincu que cela a été porté à l'attention du directeur des poursuites pénales.
Néanmoins, Transparency International et d'autres ont fait pression pour que, si nous ajoutions cet article dans le Code, l'intérêt économique national ne puisse pas être pris en compte. L'intérêt économique national n'est une raison ni pertinente ni légitime pour suspendre des poursuites. On peut donc se demander si un accord de suspension des poursuites serait même approprié dans les présentes conditions. Je l'ignore, et c'est une question dont les tribunaux sont encore saisis, d'une certaine manière, je crois.
Puis le a changé de discours et déclaré qu'il n'avait donné aucun ordre à l'ancienne ministre et que, si le président du Conseil du Trésor d'alors n'avait pas démissionné, elle serait toujours .
C'est un peu bizarre, dans les circonstances actuelles, de prétendre que c'est cette démission soudaine qui a déclenché tout cela. En plus, hier, le conseiller principal du premier ministre a décidé de présenter sa démission.
Je tire mon chapeau au professeur Donald Savoie de l'Université de Moncton, qui a beaucoup écrit sur le fait que le pouvoir est centralisé au Cabinet du . On se demande si c'est en quelque sorte le conseil d'administration du Canada qui décide des choses, c'est-à-dire le conseil des ministres — c'est ce qu'on pensait avant —, ou bien si c'est plutôt le Cabinet du premier ministre. Je ne pense pas qu'une entreprise aussi développée et importante que SNC-Lavalin aurait fait du lobbying auprès du Cabinet du premier ministre de si nombreuses fois si ses dirigeants n'avaient pas eu aussi le sentiment d'avoir beaucoup de poids dans des affaires comme celle-là.
Il est bien possible que cet accord de suspension des poursuites soit légitime, mais il est bien étrange que cette personne ne fasse plus partie du conseil des ministres et que cette autre personne ne fasse plus partie du Cabinet du premier ministre.
Étant donné tous ces éléments, je pose de nouveau la question: pourquoi le gouvernement ne nous appuie-t-il pas pour exiger qu'on fasse la lumière sur cette affaire? Évidemment, quand les rôles étaient inversés, autrement dit quand ils formaient l'opposition, les libéraux réclamaient impatiemment que le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique fasse enquête sur la situation liée au sénateur Duffy. Ils avaient alors présenté au gouvernement une motion exigeant que le comité examine l'intervention du Cabinet du dans le remboursement des dépenses du sénateur Duffy, que le premier ministre soit tenu de témoigner sous serment pendant trois heures et que les audiences soient télévisées.
Il est plutôt intéressant de voir que, maintenant qu'ils sont au pouvoir, les libéraux estiment qu'une telle demande est radicale et inappropriée. Quoi qu'il en soit, je tiens à souligner aux Canadiens que c'est uniquement lorsqu'ils formaient l'opposition qu'ils comprenaient la raison d'être de l'opposition. Si la démocratie est mise à mal et s'il y a une possible violation d'une convention constitutionnelle, je m'attends à ce que les Canadiens demandent aux parlementaires de se réunir pour aller au fond des choses, en faisant abstraction de toutes considérations partisanes.
:
Monsieur le Président, le Canada est un pays régi par la primauté du droit. Cet axiome fondamental se trouve dans le texte de notre Constitution, mais aussi dans le comportement des acteurs politiques et dans la structure de nos institutions dans les domaines exécutif, législatif et judiciaire, de même que dans les relations qui existent entre eux.
Le respect de la Constitution exige non seulement le respect de la loi suprême du pays, comme le prévoient les dispositions de notre Constitution, mais aussi des règles et des pratiques qui reflètent et soutiennent les valeurs constitutionnelles.
En tant que député du Québec et en tant que personne ayant travaillé dans le domaine juridique dans plusieurs territoires, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou au Québec — surtout au Québec —, j'ai trouvé très troublant de voir certains députés et certaines sources médiatiques suggérer que le Québec respectait moins la règle de droit que les autres provinces. Cette affirmation est entièrement fausse et entièrement honteuse.
[Traduction]
Dans notre système parlementaire, nous devons adhérer à des principes et à des conventions constitutionnels bien établis et les respecter. Parmi ces principes et conventions, arrive en premier le principe de la séparation des pouvoirs, que la Cour suprême a souligné comme étant un principe indispensable au bon fonctionnement du Parlement et des tribunaux. Ce principe requiert que chaque branche du gouvernement reconnaisse le rôle des autres branches et respecte les limites de son propre rôle.
Comme l'a écrit en 1993 la juge McLachlin, devenue plus tard juge en chef de la Cour suprême, dans l'arrêt New Brunswick Broadcasting:
Pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du gouvernement, il est essentiel que toutes ces composantes jouent le rôle qui leur est propre. Il est également essentiel qu’aucune de ces branches n’outrepasse ses limites et que chacune respecte de façon appropriée le domaine légitime de compétence de l’autre.
En 2005, le juge Binnie a observé que c'était suivant un principe d'une grande sagesse que les tribunaux et le Parlement s'efforcent de respecter leurs rôles respectifs dans la conduite des affaires publiques. Il a ajouté:
Le Parlement s'abstient de commenter les affaires dont les tribunaux sont saisis conformément à la règle du sub judice. Les tribunaux, quant à eux, prennent soin de ne pas s'immiscer dans le fonctionnement du Parlement.
[Français]
Nous avons insisté, ici à la Chambre, sur le respect du privilège parlementaire. Comme le fait ressortir le juge Binnie, « [l]e privilège parlementaire constitue l’un des moyens qui permettent d’assurer le respect du principe fondamental de la séparation constitutionnelle des pouvoirs. »
Par contre, nous devons également nous rappeler que la séparation des pouvoirs exige le respect du principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature, et qu’il faut nous abstenir de nous immiscer directement ou indirectement — il faut le préciser — dans la fonction décisionnelle des tribunaux. Cela s’applique particulièrement aux tribunaux saisis de poursuites criminelles et d’affaires connexes.
[Traduction]
L'une des façons pour nous, à la Chambre, de protéger les principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire est de respecter la règle du sub judice. Cette règle est formulée dans une convention constitutionnelle qui nous est chère.
Le concept de gouvernement démocratique dans une société de droit est attaqué depuis quelque temps ici et à l'étranger. L'une des façons dont notre culture politique contribue à une démocratie parlementaire moderne qui est également en phase avec les valeurs chéries par les Canadiens, y compris celle de l'indépendance des tribunaux et du droit à un juste procès, consiste à veiller au respect des conventions constitutionnelles.
[Français]
De la même manière, nous devons respecter la convention relative aux affaires en instance parce qu’elle contribue au respect des principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la magistrature, fait fondamental dans toute démocratie pluraliste.
Il nous faut maintenir un équilibre entre les pouvoirs, les rôles et les fonctions attribués à l’exécutif, au législatif et au judiciaire, et cette convention de longue date constitue l’un des moyens importants dont nous disposons pour maintenir cet équilibre.
La convention relative aux affaires en instance devrait être bien connue des parlementaires. On en a assez parlé.
Ainsi, elle est longuement décrite dans le guide faisant autorité sur les rouages de la Chambre des communes intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes — j’espère que tout le monde l’a lu — comme « un exercice [...] de la part de la Chambre, où des restrictions sont imposées à la liberté de parole des députés pour leur interdire de faire allusion, pendant un débat, à des affaires en instance. De même, les affaires en instance ne peuvent pas non plus faire l’objet de motions, de pétitions ou de questions à la Chambre. »
Ce guide fait ensuite ressortir que « [c]ette restriction sert à protéger un accusé ou une autre partie à des poursuites en justice ou à une enquête judiciaire de tout effet préjudiciable découlant d’une discussion publique de la question. En l’appliquant, la Chambre reconnaît qu’il ne lui appartient pas de juger des affaires individuelles, ce rôle revenant aux tribunaux. »
Par ailleurs, il est également intéressant de signaler que la convention « a régulièrement été appliquée [...] à toutes les questions relatives à des affaires criminelles. »
[Traduction]
Au sein du système parlementaire canadien, le fait de formuler des commentaires sur une question qui se trouve devant les tribunaux, en particulier s'il s'agit d'une affaire criminelle et des procédures connexes, risque d'influer sur l'issue du procès et de nuire à l'application régulière de la loi, y compris la présomption d'innocence accordée aux accusés dans notre société.
Je dirai ceci. Au cours des derniers jours, certains députés de l'opposition ont porté un jugement hâtif sur le dossier et s'en sont servi à des fins politiques. Loin de moi l'idée de trouver des excuses à SNC-Lavalin — en fait, cette société est tout à fait capable de se défendre elle-même —, mais je trouve très troublant que certains collègues soient prêts à la condamner sur-le-champ pour se faire du capital politique.
Lorsque je rencontre des lobbyistes — un mot presque à proscrire de nos jours —, j'obtiens des renseignements très utiles sur ce qui se passe dans la société canadienne. Je choisis soigneusement les personnes que je rencontre. Il ne s'agit pas d'un monologue, mais bien d'un véritable dialogue. Je leur demande ce qu'ils peuvent faire pour les citoyens canadiens.
Comme nous qui avons été élus à la Chambre le savons, notre devoir ici consiste à représenter nos électeurs, pas seulement ceux qui ont voté pour nous, mais tous les électeurs de nos circonscriptions, et à nous en faire les porte-parole. Cela ne veut pas dire qu’on peut ignorer ce que les entreprises nous disent, parce qu’elles emploient beaucoup de gens dans nos circonscriptions. Au centre de Montréal, elles donnent de l’emploi à beaucoup de gens qui ne sont pas nécessairement capables de voter pour quelqu’un comme moi, parce qu’ils sont répartis autour des 14 stations de métro de ma circonscription. Cela ne veut pas dire que je ne défendrai pas ces gens, les employés, dans des situations qui touchent leur famille, qu’ils aient choisi ou non de voter pour moi.
Mon travail n’est pas de protéger les entreprises, mais bien de protéger les gens de ma circonscription, leurs valeurs prévues dans la Charte, leur gagne-pain et, d’abord et avant tout, leur intégrité physique et leur droit d’avoir des emplois rémunérateurs et de contribuer à l’économie du pays. Par conséquent, lorsqu’une entreprise, grande ou petite, s’installe dans ma circonscription, mon objectif principal, c’est de veiller à ce que les employés demeurent dans ma circonscription et à ce que des emplois de qualité y soient offerts aux Canadiens.
La Charte canadienne des droits et libertés garantit constitutionnellement le droit d’une personne accusée d’une infraction d’être présumée innocente jusqu’à preuve du contraire, conformément à la loi, lors d’une audience publique et équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Je suis certain que personne dans cette enceinte ne voudrait miner ce droit constitutionnel fondamental en discutant d’une question qui relève à juste titre de la compétence de la cour et dont elle est saisie en attendant une décision.
Dans le cas qui nous occupe, il est raisonnable de se poser la question suivante: une fois qu’on a bien comptabilisé les crimes en col blanc, que les acteurs sont punis et que des amendes sont imposées, que reste-t-il? Cela revient à ce que j’ai dit plus tôt. La réponse, la plupart du temps, c’est que ce sont les employés qui risquent de voir leur famille et leur gagne-pain menacés par d’autres poursuites. En ce sens, et je tiens à souligner que je n’ai aucune preuve directe de ce qui s’est dit, le Cabinet du premier ministre aurait été négligent de ne pas demander conseil à la procureure générale de l’époque, et la procureure générale de l’époque aurait été négligente de ne pas donner ce conseil.
Je veux également rendre hommage pendant un instant à l’ex-ministre de la Justice pour les efforts déployés afin de faire progresser des éléments clés de notre plateforme. Qu’il s’agisse de la légalisation du cannabis ou de l’aide à mourir, ces éléments touchent les valeurs morales et vont au-delà de la législation. Je tiens à rendre hommage au travail qu’elle a accompli dans l’avancement des valeurs de la société canadienne.
Elle m’a aussi aidé personnellement à traiter de questions que je connais très peu. En ce sens, je fais référence aux questions autochtones, qui sont prioritaires pour le gouvernement. Je tiens à la remercier de son travail dans ce domaine.
[Français]
Cela nous ramène à la raison de la règle, qui est de protéger non seulement les droits constitutionnels des accusés, mais aussi les principes constitutionnels de l'indépendance de la magistrature et de la séparation des pouvoirs.
À la Chambre, où ces principes ainsi que le constitutionnalisme et la primauté du droit sont respectés, nous devons faire tout notre possible pour éviter l'ingérence, voire la perception d'ingérence, dans l'application courante de la loi, des grands principes de justice fondamentale et dans l'exercice du rôle impartial des tribunaux.
[Traduction]
Je vais m’étendre un peu sur ce concept. Comme je l’ai dit, les députés doivent s’abstenir de présenter leurs opinions sur des causes en litige. On appelle cela la convention du sub judice. C’est un terme latin savant que nous utilisons pour désigner les causes en instance.
Beauschene décrit très clairement cette convention dans sa Jurisprudence parlementaire: « Les députés s'entendent pour ne pas évoquer les affaires dont un tribunal ou une cour d'archives sont saisis ».
Pourquoi dire cela? C’est que jusqu’à présent, nous avons lu et entendu de nombreux reportages dans les médias qui ne contenaient que des allégations non fondées. Nous avons assisté à deux démissions très médiatisées, mais nous ne savons pas vraiment quelles en sont les causes. Je sais que plusieurs de nos collègues se lèveront pour exiger d’en savoir plus. Les propos que je viens de tenir sont en soi une réponse éloquente.
En fait, la motion déposée aujourd’hui est prématurée, tout à fait prématurée, car elle ne contient que très peu de faits corroborés. Les députés d’en face, parmi lesquels se trouvent des juristes de grande renommée que je respecte profondément, voudraient que l'on renonce au secret professionnel de l’avocat. Nous pourrions débattre longuement quant à savoir si on y a déjà renoncé ou pas.
L’hon. Erin O'Toole: On y a renoncé.
M. Marc Miller: Je remercie notre collègue de de souligner cela. Nous avons travaillé dans le même cabinet d'avocats, mais pas en même temps. Il suggère que nous y avons déjà renoncé. Il se permet de parler pour d’autres juristes. Je vous assure cependant qu’il est très humble de nature.
Le secret professionnel liant l’avocat à son client est un principe fondamental de notre démocratie, surtout dans les tribunaux de common law. Dans le cadre de la relation entre le Cabinet du premier ministre et le procureur général, cette notion présente certaines nuances juridiques. Le principe fondamental demeure cependant le même. Le client, en l’occurrence le gouverneur en conseil ou le Cabinet du premier ministre, quelle que soit la manière de le désigner, peut ainsi recevoir des conseils judicieux et éclairés sur des questions d’importance capitale. L’avocat, de son côté, se sent libre de donner des conseils précieux sans restriction aucune.
Évidemment, comme l’ont souligné plusieurs députés, le client peut renoncer au secret professionnel. Il reste à voir s’il serait sage de le faire, puisqu’il s’agit de questions complexes qui, comme nous l’avons constaté la semaine dernière, ont été hautement politisées et qui sont fondées sur des rapports qui à ce nous sachions, sont, jusqu'ici, non corroborés.
Les députés auront sans doute des avis différents à l'égard de cette motion. En fait, même au sein de notre caucus et des autres partis de la Chambre, les députés prendront différentes positions. Il n’en faut pas moins reconnaître que le dépôt de cette motion est très prématuré.
J’ai entendu ici diverses opinions à ce sujet aujourd’hui. J’étudie la motion, et mes collègues l’examinent aussi en profondeur. Nous allons devoir mûrement réfléchir à l’orientation à prendre. Ces enjeux sont devant les tribunaux. Comme je l’ai dit, il ne me revient pas de défendre l’une des plus grandes sociétés canadiennes et je ne devrais pas devoir le faire. Cette entreprise est déjà très bien représentée.
Oui, certains emplois risquent de disparaître dans différentes provinces. Je n’ai pas la preuve absolue qu'il y ait eu des discussions entre le Cabinet du et la procureure générale qui était en poste alors, mais si il y en a eu, elles ont dû être très ardues. Toutefois, je suis sûr qu’elles s'imposaient dans les circonstances et que, de ce fait, on a dû tenir compte des conseils de la procureure générale. Il serait impudent de soumettre cette affaire à une enquête hautement politisée au cours de laquelle les députés pourraient, volontairement ou non, compromettre les positions judiciaires devant les tribunaux, ce qui risquerait d’entraîner de graves conséquences, surtout en présence d’éléments de preuve non corroborés.
Je reconnais que nous n’en savons pas assez. En fait, il faut établir si nous avons le droit d’en savoir plus. Voici ce qui nous en empêche: le secret professionnel liant l’avocat à son client, un principe fondamental de toute démocratie pluraliste, ainsi que divers niveaux de confidentialité qu'on pourrait reconnaître. Le fondement même de notre culture et de notre démocratie repose sur le respect du partage des pouvoirs, du processus judiciaire et du droit à la présomption d'innocence jusqu’à preuve du contraire devant un tribunal.
Je suggère respectueusement à la Chambre de faire preuve de prudence et d’éviter de discuter de ces questions pour ne pas impliquer une entreprise ou, surtout, une personne. Il est crucial d’agir ainsi non seulement pour protéger les parties, mais aussi pour que les débats de la Chambre, notamment les hypothèses qui pourraient y être avancées, n’influencent pas le procès.
[Français]
Je demande à mes collègues de la Chambre que nous réfléchissions tous à l'importance de maintenir le respect de la convention relative aux affaires en instance et des grands principes constitutionnels qui ont été conçus pour protéger, tout particulièrement, ce qui a trait aux affaires criminelles et aux procédures connexes.
:
Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever dans cette nouvelle Chambre pour la première fois, si on ne compte pas la période des questions, afin de faire un discours sur une question extrêmement importante. Je partagerai mon temps de parole avec la députée d'.
La plupart des débats qu'on a entendus sur cette question — du moins ceux de ce côté-ci de la Chambre — reflètent l'importance pour nous, les parlementaires, de privilégier la transparence et la reddition de comptes à l'endroit du public canadien. C'est le rôle de tous les parlementaires, peu importe leur couleur politique.
La motion de l'opposition déposée aujourd'hui par mon collègue de vise en premier lieu à demander au de lever le secret professionnel qui le lie à l'ancienne ministre de la Justice, qui a été rétrogradée et qui a changé de responsabilités le 14 janvier. Cela a été surprenant de la voir passer du ministère de la Justice au ministère des Anciens Combattants, mais ce qui a été encore plus surprenant, c'est qu'elle ait rédigé une déclaration concernant ce changement de responsabilités. J'ai trouvé une phrase particulièrement intéressante, et je vais la citer en anglais. L'ancienne ministre de la Justice et députée de a mentionné ceci:
[Traduction]
Le procureur général du Canada a comme responsabilités particulières de défendre la primauté du droit et de soutenir l'administration de la justice, ce qui exige un certain degré d'indépendance fondée sur des principes. Il est fondamental pour la démocratie que le système de justice soit totalement dénué d'ingérence politique et qu'il maintienne la pleine confiance du public.
[Français]
Ces mots ont été surprenants, car il est rare de voir une ministre à qui l'on demande de changer sa responsabilité écrire une telle déclaration. Ce sont des mots surprenants parce qu'ils étaient sans contexte jusqu'à tout récemment. Beaucoup de députés, d'experts, de journalistes et de Canadiens se sont gratté la tête à savoir pourquoi l'ancienne procureure générale avait senti le besoin d'écrire une telle chose. Évidemment, tout ce qui s'est passé depuis a donné le contexte de cette déclaration. L'existence du secret professionnel a fait qu'elle ne peut toujours pas parler ou décrire les circonstances qui ont mené à son insatisfaction et, peu après, à sa démission du Cabinet.
Nous n'avons pas tous les détails ou toute l'information, et c'est la raison pour laquelle le secret professionnel doit être levé. On nous parle de l'état de droit. Je pense qu'il n'y a aucun député à la Chambre qui ne reconnaît pas que le Canada est un pays qui respecte la règle de droit. En ce sens, la levée du secret professionnel ne mine en rien l'État de droit.
Dans une relation privilégiée entre un avocat et son client, il s'agirait d'une permission donnée par un client à son avocate, dans ce cas-ci, de divulguer des éléments. Cette permission peut être donnée librement par le premier ministre. C'est ce que nous lui demandons aujourd'hui afin d'éclaircir les situations troubles qui ont mené à deux semaines de confusion et d'imbroglio et enfin, hier, à une démission surprise, soit celle du conseiller principal du .
Nous devons avoir la vérité sur ce qui s'est passé parce que , comme je le disais, nous avons cette règle de droit. Nous sommes dans un État un droit. Certains journalistes ont mentionné le fait que cette règle de droit et cette façon de faire est ce qui nous distingue de pays comme la Libye, où la règle de droit n'est pas mise en avant.
Nous devons avoir une transparence et une apparence de justice. Nous devons nous assurer qu'il n'y a pas d'obstruction politique dans un processus judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous demandons, par cette motion, que le premier ministre lève le secret professionnel et permette à l'ancienne procureure générale de donner sa version des faits. C'est une version qui a été avancée de la perspective du premier ministre et de plusieurs députés du gouvernement sans qu'elle ait la possibilité d'y répondre.
Même cette fin de semaine, le et la ont dit avoir besoin de l'entendre. Nous avons besoin de l'entendre. C'est ce que nous avons essayé en proposant une motion au Comité permanent de la justice et des droits de la personne afin de l'inviter comme témoin, ainsi que l'ancien conseiller principal du premier ministre.
Cette motion a été rejetée par la majorité des membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne qui est, évidemment, composé d'une majorité de députés libéraux. Les libéraux ont proposé une résolution tentant de faire témoigner des gens qui, au bout du compte, n'ont rien à voir avec la situation, afin de nous parler de la relation qui pourrait exister.
Cette semaine, nous aurons le même scénario au Comité permanent de la justice et des droits de la personne où une motion sera déposée pour en savoir davantage sur le processus de poursuite suspendue ou différée. Or ce n'est pas la question devant nous présentement. La question qui est devant nous est la suivante: y a-t-il eu, oui ou non, obstruction politique dans des décisions qu'a dû prendre l'ancienne procureure générale et ministre de la Justice?
Le fait que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ne puisse pas faire son travail présentement justifie pleinement et entièrement la deuxième requête de cette journée de l'opposition qui est d'avoir une enquête publique et indépendante sur ce qui s'est passé. Il est clair que la majorité libérale siégeant au Comité permanent de la justice et des droits de la personne ne veut pas d'une enquête publique et indépendante. Elle refuse de faire venir les témoins qui pourraient jeter de la lumière sur cette situation complexe. Si le Comité en est incapable, nous devons trouver un autre mécanisme pour le faire et ce mécanisme serait une enquête publique et indépendante.
Mon collègue de a dit qu'il faut faire attention à la question de la relation privilégiée entre un avocat ou une avocate et son client. Cette relation est sacrée et on ne peut pas la mettre en danger. De plus, il faut faire attention lorsque nous avons des cas en instance judiciaire. La fameuse convention du sub judice nous force à nous taire et à faire attention, comme parlementaires, de ne pas influer sur un processus judiciaire.
Voici un exemple où la convention du sub judice a été utilisée au Comité permanent des finances. On se souviendra que nous avions effectué une étude sur la relation de KPMG et des actions qui auraient été commises à l'île de Man. C'étaient des actions qui au bout du compte équivalaient ou pouvaient être interprétés comme étant de la fraude fiscale ou encore une incitation à la fraude fiscale.
Nous avons tenté d'enquêter sur KPMG de la même manière que les comités américains ont enquêté sur KPMG. Dans le même genre de situation aux États-Unis, les comités n'ont pas craint d'utiliser toute la puissance et tout le pouvoir dont ils disposaient pour faire en sorte qu'au bout de compte des membres de la direction de KPMG sont allés en prison aux États-Unis.
Il n'y a pas eu de crainte de la convention du sub judice. Le pouvoir législatif se disait qu'il avait le devoir d'aller au bout de la situation en utilisant ses pouvoirs. Nous n'avons pas fait cela. Pourtant, nous avons sensiblement les mêmes pouvoirs, dans les comités du Parlement, ici, au Canada, qu'ils en ont au Congrès américain.
Nous refusons de nous donner ces pouvoirs d'enquêter parce que la convention du sub judice est interprétée de manière beaucoup trop large et de façon à mettre un terme à toutes questions pertinentes si le gouvernement décide lui-même de poursuivre et d'utiliser un tribunal — la Cour fédérale — ou si KPMG décide de faire appel à la Cour canadienne de l'impôt pour essayer de rendre conforme son stratagème à l'île de Man.
La convention du sub judice, honnêtement, est utilisée de façon beaucoup trop large dans le contexte de notre Parlement canadien et dans les comités et cela nous empêche de faire notre travail.
Cela a été le cas au Comité permanent des finances. Ce dont j'ai été témoin au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, la semaine dernière, et ce que je m'attends à voir mercredi font que le Comité ne joue pas son rôle plein et entier, qui consiste à chercher la vérité dans les situations touchant le fonctionnement de notre État de droit et la manière dont nous appliquons la règle de droit.
Au bout du compte, nous sommes dans une situation où le gouvernement se défend d'avoir fait quoi que ce soit de mal, même s'il y a des soupçons assez profonds à cause de propos tenus par l'ancienne ministre de la Justice. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons des questions sur des allégations très sérieuses qui méritent, au nom de la transparence et du respect de la règle de droit, d'avoir des réponses.
C'est la raison pour laquelle je suis fier d'appuyer cette motion qui demande la levée du secret professionnel et la tenue d'une enquête publique et indépendante sur les faits qui sont allégués.
:
Monsieur le Président, en tant que députée d'Essex, je suis fière de prendre la parole au sujet de la motion présentée par mon parti aujourd'hui. Je tiens à remercier le député de de son excellent travail.
La motion veut que la Chambre demande au de lever le secret professionnel auquel est assujettie l' en ce qui concerne les allégations d'ingérence dans la poursuite visant SNC-Lavalin et exhorte le gouvernement à entreprendre une enquête publique sur ce scandale. C'est important de le répéter parce que bien des gens d'Essex m'ont demandé ce qu'il se passait vraiment. Ils méritent d'avoir des réponses, et c'est le but de la motion.
C'est toute une semaine que nous venons de passer, après les reportages alléguant que le ou de hauts responsables de son cabinet auraient exercé des pressions sur l' pour qu'elle intervienne à la suite de la décision du Service des poursuites pénales du Canada de refuser à SNC-Lavalin un accord de suspension des poursuites pour des accusations de corruption et de fraude concernant des pots-de-vin versés à des responsables de la Libye de Kadhafi entre 2001 et 2011. Cette saga a fait les manchettes nationales et c'était coup de théâtre après coup de théâtre cette semaine, alors que l'histoire prenait de l'ampleur, de jour en jour, pour devenir de plus en plus bizarre et incroyable.
Les Canadiens ont maintenant toutes les raisons de croire que le a congédié la première femme autochtone ministre de la Justice au Canada pour avoir dit la vérité aux autorités parce qu’elle ne protégerait pas les présumés criminels en cravate de SNC-Lavalin. Elle a par la suite quitté le poste qu’elle occupait au Cabinet et a rapidement sollicité un avis juridique. L’histoire qui a suivi a changé plus souvent que celles que me racontent mes enfants lorsqu’ils ont des problèmes et qu’ils essaient de s’en sortir.
Le Parti libéral n’arrête pas de s’embrouiller. Le a nié ces allégations et s’est servi du fait que demeurait au sein du Cabinet pour prouver que rien ne s’était produit, ce qui devrait nous amener à nous demander pourquoi elle a démissionné et demandé un avis juridique.
Pour les Canadiens, il est clair que les libéraux montrent qui leur tient vraiment à cœur. Ce ne sont pas les travailleurs de GM à Oshawa, les employés de Sears partout au pays ou les travailleurs des postes qui ont été forcés de retourner au travail. Les libéraux ont compromis l’indépendance du système de justice pour sauver leurs amis du secteur privé de graves accusations criminelles de fraude et de corruption.
Les libéraux, comme les conservateurs avant eux, ont utilisé un projet de loi omnibus, un outil législatif gigantesque, pour faire adopter tout un nombre de mesures en un seul vote. Il s’agit d’une érosion de notre démocratie, et les néo-démocrates ont constamment critiqué cette façon de procéder. Je n’ai jamais entendu un député du parti ministériel citer l’accord de suspension des poursuites comme un élément du projet de loi omnibus, et je n’ai jamais non plus appuyé le recours à ce genre de dispositions, car elles sont antidémocratiques. Nous apprenons maintenant pourquoi SNC-Lavalin a tenu plus de 50 réunions avec le Cabinet du premier ministre et d’autres ministres concernés.
Toujours dans la même veine, nous passons de tous les gentils cadeaux aux entreprises qui se cachaient dans le projet de loi omnibus des libéraux à la découverte que SNC-Lavalin a été récompensée pour ses efforts incessants de lobbying par la création d’une mesure législative lui permettant de se soustraire à toute accusation, sans aller devant les tribunaux et sans recevoir la peine qu’elle mérite. Au lieu de cela, l’entreprise peut demander au gouvernement de lui donner un sauf-conduit et de lui permettre de s’en tirer.
Je demande aux Canadiens qui nous regardent à la maison s’ils ne sont pas fatigués de voir ces deux partis rédiger des règles qui avantagent les sociétés alors qu’eux-mêmes sont obligés de respecter la loi et d’assumer leurs responsabilités. C’est ce que me disent les électeurs que je représente. Ils sont fatigués. Je ne sais plus combien de Canadiens j’ai rencontrés qui demandent une loi qui aiderait leur famille et leurs proches. Les patients atteints de la maladie de Lyme, les personnes âgées et les personnes qui n’ont pas les moyens de se loger ou d’acheter des médicaments donneraient n’importe quoi pour rencontrer le afin de lui faire savoir à quel point nos systèmes laissent à désirer et à quel point les Canadiens souffrent.
Toutefois, ils ne peuvent pas aller voir le . Ils ne peuvent pas entrer dans son bureau, mais SNC-Lavalin, une entreprise de construction, peut avoir des rencontres interminables pour changer les règles, afin de pouvoir enfreindre la loi sans aucune conséquence. Les Canadiens en ont assez d’avoir deux ensembles de règles: l’une pour les entreprises et les riches et l’autre pour les gens ordinaires.
Ce n'est pas le pire dans cette histoire ni même la raison pour laquelle nous avons tous suivi l'affaire cette semaine. Il faut souligner clairement que les libéraux ont offert une échappatoire à SNC-Lavalin dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget, mais que ce n'était pas suffisant. La firme était impatiente de l'utiliser. Elle n'a pas perdu de temps: elle a été la première à avoir recours à cette toute nouvelle disposition. Elle a demandé d'avoir accès au régime d'accords de poursuite suspendue. C'est à ce moment que des allégations ont commencé à courir. Le Cabinet du premier ministre aurait exercé des pressions sur l' et son équipe afin que la demande de la firme soit acceptée.
C'est là que l'affaire prend une allure louche, à tout le moins pour les Canadiens qui ne le pensaient pas déjà. Je répète que, selon les allégations, la procureure générale aurait fait l'objet de pressions afin qu'elle accepte la demande d'accord de poursuite suspendue pour permettre à SNC-Lavalin d'éviter un procès criminel, mais qu'elle aurait refusé de le faire. C'est le fond du débat d'aujourd'hui. C'est pourquoi il faut découvrir la vérité et entendre la version de l'ancienne .
On a beaucoup parlé des possibles répercussions négatives d'une telle enquête pour les travailleurs de SNC-Lavalin au Canada. Je m'inquiète, moi aussi, pour eux et leur collectivité. Dans cette sordide affaire, ce sont encore les travailleurs qui sont coincés entre, d'un côté, une entreprise corrompue qui veut contourner les règles et, de l'autre côté, la volonté de conserver leur emploi pour subvenir aux besoins de leur famille. Ce n'est pas juste.
L’histoire change de jour en jour, et l’on blâme l’ancienne après sa démission, en laissant entendre que c’est peut-être parce qu’elle ne parlait pas français, ou peut-être parce que M. Brison a démissionné, le tout dans le contexte d’une vilaine campagne de salissage qu’on lui fait subir personnellement. Nous avons vu cela dans les médias sociaux. J’espère seulement que cette campagne n’a pas été orchestrée par des gens qui siégeaient avec elle de l’autre côté de la Chambre. J’espère qu’ils ne répandent pas cette désinformation à son sujet pour la discréditer de s’être tenue debout, comme elle devait le faire, au nom de tous les Canadiens.
Il y a aussi le comité de la justice, où le député de a bien représenté les néo-démocrates. Il a proposé des amendements raisonnables à la motion du gouvernement de manière à inviter l’ancienne , Gerry Butts et Mathieu Bouchard à comparaître devant le comité comme témoins. Ces amendements ont été rejetés par les membres libéraux du comité.
Les membres libéraux du comité font de l’obstruction et rendent un comité parlementaire inopérable. Je me fais l’écho du député de , qui participe aujourd’hui aux travaux du comité à titre de vice-président pour notre parti. Il espère que le comité se penchera sur cette question aujourd’hui, qu’il discutera de la possibilité de faire comparaître devant lui les personnes qui ont un lien direct avec cette histoire. J’espère que cela se produira. Ces personnes détiennent la vérité. Malheureusement, les membres libéraux du comité ont voté contre la participation de ces témoins, tentant de faire dévier l’attention sur le projet de loi qu’ils ont modifié et sa validité. Ils devraient plutôt se concentrer sur ce qui a été dit, par qui et quand, à .
Les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement travaille pour eux, et c’est ce que les néo-démocrates sont déterminés à faire. C’est pourquoi nous demandons la tenue d’une enquête publique indépendante sur le scandale SNC-Lavalin du afin de pouvoir obtenir des réponses. Nous demandons également au premier ministre de renoncer au secret professionnel de l’ancienne et de laisser celle-ci dire publiquement la vérité.
Le NPD a également demandé au commissaire à l’éthique de faire enquête, et nous sommes reconnaissants que cette demande ait été acceptée. Ce ne sera pas la première fois que le commissaire à l’éthique enquête sur le , mais bien la cinquième fois. Même lorsque ce dernier a été reconnu coupable de manquement à l’éthique, à deux reprises, le commissaire à l’éthique disposait d’outils limités pour demander des comptes au premier ministre et au gouvernement. Les députés ministériels qui prennent la parole aujourd’hui pour dire qu’il suffit que le commissaire à l’éthique fasse enquête le savent très bien. Ils savent qu’il n’y aura pas de conséquences s’il est établi qu’il y a eu manquement à l’éthique. C’est un long processus. Nous devons régler cette question maintenant.
Si les libéraux n’ont vraiment rien à cacher, ce sera un vote facile. En appuyant la motion d’aujourd’hui, les libéraux montreront aux Canadiens qu’ils se joignent aux néo-démocrates et aux députés de l’opposition pour faire connaître la vérité. Les libéraux ne cessent de nous dire à quel point il est important d’avoir un système de justice indépendant, mais rien de tout cela ne tient quand ce sont leurs amis qui sont en difficulté.
Le ne peut pas exercer de pressions sur le procureur général. Cette allégation est une érosion de la confiance envers un pilier de la démocratie canadienne. La nécessité d’une enquête publique est claire. Les Canadiens méritent un gouvernement auquel ils peuvent faire confiance. Les libéraux ont l’occasion ici de mettre fin aux conjectures qui font les manchettes des journaux et de faire éclater la vérité.
:
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole cet après-midi avec le député de .
Je suis heureuse d’avoir l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. J’ai été déçue de voir l’ancienne députée de démissionner du Cabinet. J’ai eu la chance d’avoir avec elle de nombreuses conversations sur diverses questions lorsqu’elle était ministre de la Justice. J’ai toujours apprécié sa passion.
Hier, un homme qui s’est dévoué pour son pays a démissionné, un homme qui a travaillé sans relâche pour améliorer la vie de tous les Canadiens. Gerald Butts a toujours eu le temps de m’écouter lorsque j’avais des suggestions, des commentaires ou des préoccupations. Sa présence au Cabinet du premier ministre va me manquer.
La vérité est là et personne ne semble y être sensible. Le a déjà affirmé sans ambigüité qu’il n’y avait pas eu d’acte répréhensible. Je ne vais pas répéter sa déclaration aujourd’hui. Ce que je dirai, cependant, c’est qu’il fut un temps où on croyait les gens sur parole, et je crois le premier ministre sur parole lorsqu’il affirme que ni lui ni personne d’autre de son bureau n’a exercé de pressions sur l’ancienne procureure générale ni ne lui a transmis de directives dans cette affaire.
L'opposition dit que c'est une question non partisane, mais elle refuse de laisser les procédures déjà en place suivre leur cours. Le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a lancé une enquête indépendante sur cette question. Comme mes collègues ministériels, j'accueille favorablement la possibilité de tirer cette affaire au clair en laissant le commissaire mener son enquête de façon indépendante. Par ailleurs, le comité de la justice est déjà saisi de cette question.
J'aimerais parler d'un aspect qui me trouble depuis un certain temps. La politique est devenue ultrapartisane. Les politiciens semblent avoir mis de côté la courtoisie et le respect dans le seul but de jouer à qui pourra marquer le plus de points politiques. Les gens restent campés sur leurs positions et s'efforcent de crier plus fort que les autres au lieu d'écouter chaque point de vue. On tape sur un clavier au lieu de discuter. Le monde évolue à toute allure, les médias sociaux amplifient les messages négatifs, et les gens veulent être les premiers plutôt que les meilleurs. Lorsque je parle aux résidants d'Oakville-Nord—Burlington et d'autres régions du pays, ils me disent qu'ils veulent que cela cesse. Ils deviennent cyniques à l'égard de la politique.
La députée qui est assise en face de moi à la Chambre — la députée de — fait immanquablement preuve de sagesse et de courtoisie. Elle sait débattre des questions dont nous sommes saisis de manière réfléchie et respectueuse, en mettant de côté la partisanerie. Nous ne sommes peut-être pas toujours d'accord sur les politiques, mais je ne refuserais jamais une occasion de travailler avec elle.
Je me considère très chanceuse de faire ce que je fais, de représenter les habitants de ma circonscription, des gens bien, et de participer aux débats dans cette enceinte.
Avant son décès, mon ami Arnold Chan a prononcé un discours marquant à la Chambre. Il a dit ceci:
C'est le civisme de base dont nous faisons preuve les uns envers les autres qui est fondamental. C'est remercier le serveur chez Tim. C'est céder le passage à quelqu'un sur la route. C'est dire merci. À mon point de vue, ce sont les petites choses que nous faisons collectivement qui font une grande société et, pour moi, c'est, en définitive, l'essence du canadianisme. Nous sommes tellement privilégiés de vivre dans ce pays, car ces petits gestes de savoir-vivre et de civisme font ce que nous sommes. Je demanderais aux députés de protéger cette tradition, car elle est le fondement de ce qui fait la grandeur du Canada.
À bien y penser, n’est-ce pas ce qui nous rend fiers d’être Canadiens? Arnold a exprimé ces préoccupations en 2017, mais je crains que la situation ne se soit aggravée depuis.
Les résidants de ma circonscription travaillent fort pour payer leurs factures, s’occuper de leur famille, rendre leur collectivité plus prospère et trouver le temps de profiter de la vie. Le gouvernement ne ménage aucun effort afin de permettre aux gens d’y arriver, de les aider à progresser, d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants et de s’assurer que leurs parents puissent profiter de leur retraite.
L’Allocation canadienne pour enfants est une excellente mesure à cet égard. Quand je parle aux personnes qui en bénéficient, elles me disent que cela leur facilite la vie. Dans ma circonscription, les familles ont reçu 70 millions de dollars en prestations pour enfants depuis 2018. Dans la région de Halton, ce chiffre s’élève à plus de 245 millions de dollars. Cet argent ne fait pas qu’aider les familles, il stimule l’économie et les entreprises locales. Kristen, qui élève seule sa magnifique fille, m’a dit à quel point cette allocation avait changé sa vie.
La Banque Scotia vient de publier un rapport indiquant que l’Allocation canadienne pour enfants versée par notre gouvernement représentait 3 350 $ de plus pour une famille ayant un revenu net de 35 000 $ et 1 848 $ de moins pour une famille ayant un revenu net de 250 000 $, comparativement au programme du gouvernement conservateur précédent. Notre gouvernement sort des enfants de la pauvreté et se concentre sur ceux dont les besoins sont les plus criants.
Nous avons réduit les impôts de la classe moyenne. C’est la première mesure que nous avons prise. Aujourd’hui, la famille moyenne de quatre personnes a 2 000 $ de plus qu’en 2015.
Nous avons investi dans le transport en commun, tant dans les services de transport locaux que dans les trains GO afin que les résidants d’Oakville et de Burlington puissent rentrer à la maison plus rapidement et passer du temps avec leur famille et leurs amis, ou assister au match de hockey ou au récital de leur enfant.
Je sais que les résidents d’Oakville Nord—Burlington se passionnent pour l’environnement. Ils chérissent nos espaces verts et sont de fervents défenseurs de la lutte contre les changements climatiques. En fait, ils exigent la prise de mesures à cet égard. Notre plan de lutte contre les changements climatiques prévoit la tarification de la pollution et améliorait le sort de huit familles sur dix en 2019.
Les propriétaires de petites entreprises que je rencontre me remercient des changements que nous avons apportés au taux d’imposition des petites entreprises, qui est passé de 11 à 9 %. Des entreprises comme EarthFresh Farms et UPC, que j’ai visitées, connaissent un essor grâce à nos mesures en matière d’innovation et de technologie propre.
Je suis convaincue que nous avons contribué à modifier le discours sur l’équité entre les sexes depuis notre arrivée au pouvoir, tant dans ma circonscription et à la grandeur du Canada qu’à l’étranger. Je suis toujours profondément touchée quand une jeune fille me remercie pour le travail que j’accomplis à Ottawa et qu’elle me dit que je ne corresponds pas à l’idée qu’elle se faisait d’une politicienne.
Quand je rends visite à des employeurs, je suis ravie de les voir guider des jeunes femmes dans le cadre du programme de leadership que j’ai mis sur pied dans ma circonscription. Je pense notamment à certains programmes fantastiques mis sur pied à Halton, notamment le Camp Molly, sous la gouverne de la chef adjointe des pompiers du service d’incendie d’Oakville, Monique Belair, dans le but d’encourager les jeunes femmes à devenir pompières.
La première année où j’ai offert le programme de leadership pour les jeunes femmes, pas une seule jeune femme n’avait choisi de faire carrière chez les pompiers. La deuxième année, nous avons changé certaines choses et nous avons pu y envoyer trois jeunes femmes. En mai, au Camp Molly, des dizaines de jeunes femmes de Halton feront l’expérience des diverses possibilités de carrière au sein du service d’incendie, ce qui leur montrera que le service d’incendie ne fait pas qu’éteindre des feux. J’espère que mon personnel et moi-même avons contribué un peu à élargir les horizons des jeunes femmes et à leur ouvrir les yeux sur les possibilités infinies qui s’offrent à elles.
Notre investissement historique de 40 milliards de dollars sur 10 ans dans la Stratégie nationale sur le logement garantit que des groupes comme Habitat pour l’humanité…
:
Monsieur le Président, j’ai la plus grande admiration pour ma collègue, la députée de , qui est une membre importante du caucus du Pacifique et qui a été et continue d’être une ardente défenseure de la circonscription qu’elle représente.
J’ai aussi beaucoup d’estime pour l’ancien secrétaire principal Gerald Butts, qui a toujours servi le pays avec intégrité et prôné la politique constructive. J’espère qu’il poursuivra son travail, et je m’attends à ce qu’il continue de servir les Canadiens dans tout ce qu’il entreprendra.
Je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet de certaines des questions soulevées par la motion du député d’en face. Il y a déjà deux processus en cours pour enquêter sur les allégations dont il est question dans cette motion. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes tiendra des audiences sur cette question et le commissaire à l’éthique mènera une enquête. Je suis convaincu que ces deux processus seront menés à bien, de façon juste et approfondie, et qu’ils fourniront aux Canadiens les réponses et les renseignements qu'ils souhaitent obtenir.
Tout porte à croire à ce moment-ci que ces deux groupes, l’un composé de représentants élus des deux autres partis et l’autre représentant une perspective non partisane, seront à la hauteur pour examiner les questions que les Canadiens se posent. Cela dit, il serait utile de discuter des rôles, des responsabilités et des pouvoirs liés à chacun de ces deux processus.
Permettez-moi de parler du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Le Règlement fixe un mandat général à tous les comités permanents, à l’exception des comités mixtes permanents et de certains comités permanents. Les comités ont le pouvoir d’étudier toutes les questions se rapportant au mandat, à la gestion, à l’organisation et au fonctionnement des ministères qui leur sont assignés par la Chambre, et d’en faire rapport. Plus particulièrement, ils peuvent examiner pour en faire rapport: la loi habilitante des ministères concernés; les objectifs des programmes et des politiques de ces ministères et l’efficacité de leur mise en œuvre; leurs plans de dépenses immédiats, à moyen et à long terme et l’efficacité de leur mise en œuvre; ainsi que la mesure dans laquelle ces ministères réussissent à atteindre leurs objectifs.
En plus de ce mandat général, la Chambre renvoie régulièrement d’autres questions à ses comités permanents, comme des projets de loi, des prévisions budgétaires, des nominations par décret, des documents déposés à la Chambre en vertu d’une loi et des questions précises que la Chambre souhaite faire étudier. Dans chaque cas, la Chambre choisit le comité le plus approprié, en fonction de son mandat.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a le pouvoir d’examiner les politiques, les programmes et les plans de dépenses du ministère de la Justice, qui a le mandat d’appuyer le double rôle du ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui est le premier conseiller juridique de l’État, et d’en faire rapport.
Le Comité a également le pouvoir d’étudier les politiques, les programmes et les lois des entités suivantes: la Commission canadienne des droits de la personne, le Commissariat à la magistrature fédérale Canada, la Cour suprême du Canada, le Service administratif des tribunaux judiciaires, le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs et le Service des poursuites pénales du Canada.
Le Comité peut en outre examiner les modifications proposées aux lois fédérales concernant certains aspects du Code criminel, du droit de la famille, des droits de la personne et de l’administration de la justice, notamment en ce qui concerne le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur le divorce, la Loi sur le mariage civil, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur les juges, la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires et la Loi sur la Cour suprême.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne peut aussi mener des études sur des sujets liés à son mandat, sur ordre de la Chambre des communes ou de sa propre initiative. Par exemple, il a récemment mené une étude sur la santé mentale des jurés et, plus tôt, il avait mené une étude sur la traite des personnes au Canada.
Dans le cadre de ses études, le Comité tient des réunions publiques, examine les témoignages et passe en revue les mémoires et d’autres documents faisant autorité. Lors de l'étude sur la traite de personnes, le Comité s’est aussi déplacé partout au Canada pour tenir des séances privées avec des personnes que l'idée de témoigner en public rendait mal à l’aise. Il a ainsi pu entendre des témoins qu’il n’aurait peut-être pas pu entendre autrement, mais dont les témoignages étaient essentiels à son étude.
Quand une étude est terminée, le Comité fait habituellement rapport de ses conclusions et formule des recommandations. Il peut demander une réponse du gouvernement dans les 120 jours.
En ce qui concerne le commissaire à l’éthique, en vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, les sénateurs et les députés qui ont des motifs raisonnables de croire qu’un titulaire de charge publique, y compris le , a contrevenu à la Loi peuvent, par écrit, demander que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique se penche sur la question.
Dans le cadre de cette enquête, le commissaire a le pouvoir d’assigner des témoins et de les obliger à témoigner de vive voix et par écrit, sous serment ou affirmation solennelle et à produire les documents et le matériel qu’il juge nécessaires. Dans les faits, le commissaire a les mêmes pouvoirs qu’un tribunal d’archives en matière civile.
La personne visée par la plainte a également l’occasion de présenter des observations au commissaire. L’enquête du commissaire doit être menée en privé. Le commissaire est tenu de fournir au premier ministre un rapport énonçant les faits en cause, l'analyse qu'il fait de la demande présentée par un parlementaire ainsi que la conclusion à laquelle il arrive. Ce rapport doit être remis à la personne qui a fait la demande, au titulaire de charge publique visé par la demande et au public. Le commissaire ne peut inclure dans le rapport des renseignements qu’il est tenu de garder confidentiels, à moins que ces renseignements ne soient essentiels pour étayer les motifs de toute conclusion contenue dans un rapport.
Comme je l’ai expliqué, ces deux processus sont déjà en cours. Les deux permettront de faire enquête sur les allégations soulevées dans la motion présentée par le député d’en face, et je suis convaincu que ces deux processus seront menés de façon rigoureuse et équitable et qu’ils fourniront aux Canadiens les réponses et les renseignements qu’ils cherchent. Il y a toutes les raisons de croire que les deux groupes qui en sont responsables sont capables de prendre en considération les questions qui sont posées.
:
Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon bon ami le député d’.
Il est très révélateur pour moi d’écouter les libéraux aujourd’hui. Les uns après les autres, ils essaient de nous expliquer en détail le fonctionnement interne et complexe des comités de la Chambre des communes et ils cherchent à discuter des conventions relatives aux affaires en instance et d’une foule d’autres protocoles et doctrines au lieu d’aller au coeur du sujet de la motion présentée aujourd’hui par les néo-démocrates.
J’espérais que mes collègues libéraux prendraient cette motion au sérieux, puisqu’elle porte sur notre confiance à l’égard du gouvernement, sans parler de l’érosion quotidienne de cette confiance ainsi que de la crédibilité du gouvernement actuel. Au lieu de cela, les libéraux ont cherché, tout au long de la journée, à esquiver les questions fondamentales que se posent les Canadiens au sujet de ce scandale et de ce qui se passe au juste dans le propre Cabinet du . Les libéraux refusent de croire que les Canadiens ne se satisfont pas des réponses sans cesse changeantes qui sortent de la bouche même du premier ministre. De surcroît, chaque fois qu'ils disent qu'il n’y a rien à voir, une nouvelle révélation survient, ce qui donne aux Canadiens encore plus de bonnes raisons de soupçonner que les allégations dont ils ont pris connaissance il y a un peu plus d’une semaine à peine méritent un examen et qu’en fait, elles pourraient être tout à fait vraies.
Refaisons le parcours qui nous a conduits là où nous en sommes aujourd’hui, alors que les néo-démocrates présentent une motion demandant au de lever le secret professionnel qui, concrètement, réduit l’ancienne procureure générale du Canada au silence, mais pas le premier ministre. Jour après jour, ce dernier n’a cessé de parler de leurs conversations privées. Il finit par contredire de jour en jour sa propre version des événements. Pendant ce temps, l’ancienne procureure générale ne peut pas du tout s’exprimer parce que le premier ministre refuse de lever ce privilège, en continuant à dire qu’elle ne peut pas s’exprimer sans l’enfreindre.
Nous avons également réclamé une enquête publique. En nombre étonnamment élevé, les Canadiens ont suivi la réunion d’urgence du comité de la justice, la semaine dernière. Nous voulions que le comité se penche sur les éléments les plus fondamentaux de cette histoire et qu'il convoque les témoins les plus pertinents. Durant un spectacle qui a duré deux heures et demie, les Canadiens ont vu les libéraux affirmer leur indépendance et leur innocence tout en faisant de l'obstruction et en bloquant la moindre tentative de faire entendre les personnes directement en cause. Ils voulaient entendre des témoins qui n’avaient aucune idée de ce qui s’est réellement passé entre le Cabinet du et l’ancienne procureure générale. Ils proposaient d’entendre seulement des gens qui n’ont aucune idée de ce qui s’est passé, comme l’actuel . Lorsque nous avons demandé que des personnes comme Gerald Butts et l’ancienne procureure générale viennent témoigner, les libéraux ont refusé.
Nous leur avons également demandé d’encourager le à lever le secret professionnel qui lie l’avocat pour que l’ancienne procureure générale puisse témoigner. Les libéraux ont refusé. À un moment donné, j’ai dit qu’il serait vraiment souhaitable que les Canadiens entendent le témoignage de l’ancienne procureure générale. Une députée libérale qui siège au comité a dit qu’elle était d’accord. Je lui ai alors demandé pourquoi elle venait de voter contre. Elle a nié l’avoir fait alors que 10 minutes auparavant, elle avait voté contre cette proposition.
Je ne sais pas dans quel monde ils vivent, mais c’est troublant, car cette affaire évoque essentiellement la confiance que les Canadiens doivent maintenir, peu importe leur allégeance politique, dans cette institution et la capacité du gouvernement de travailler en leur nom, et pas uniquement en celui des riches et des bien branchés.
Des dizaines de fois, des représentants de cette entreprise très branchée ont rencontré des membres du Cabinet du , notamment Gerald Butts et le secrétaire principal du premier ministre au Québec, pour plaider leur cause et demander que la loi soit modifiée afin de permettre à une entreprise reconnue coupable de fraude et de corruption, comme SNC-Lavalin, de continuer à soumissionner pour des contrats du gouvernement fédéral.
En fait, les libéraux ont camouflé ce changement législatif dans un projet de loi omnibus de 550 pages. Même les libéraux qui siègent au Comité des finances ont dit que c’était inapproprié. Même le président du Comité des finances a dit que ce n’était pas le bon endroit pour en discuter et il n’en a jamais été question. Les préoccupations que nous avons soulevées ont été écartées et les libéraux, l’un après l’autre, ont voté en faveur de ce changement pour permettre aux entreprises de plaider coupable, d’accepter une amende, de rembourser les frais afférents aux accusations de corruption puis de continuer à soumissionner pour obtenir ces contrats lucratifs.
Il y a deux ensembles de règles ici. Le premier concerne les Canadiens ordinaires qui sont accusés d’entrave à la justice ou de corruption et qui sont soumis à toute la rigueur de la loi. Un autre ensemble de règles s’applique aux personnes bien branchées qui peuvent faire du lobbying auprès du principal conseiller du , auprès des architectes en chef et des stratèges du gouvernement et auprès du premier ministre lui même pour obtenir des changements.
Après avoir réussi à effectuer ces changements, le gouvernement a dû franchir une dernière étape. Il fallait que le Bureau des poursuites pénales permette à cette entreprise de plaider sa cause.
Écoutez ce que les libéraux ont à dire à ce sujet, à propos des emplois et du fait qu’une telle entente s'impose pour protéger des emplois. La loi prévoit expressément qu'on ne peut invoquer des occasions d'affaires manquées pour obtenir une entente de plaidoyer. On ne peut pas dire que parce qu’il risque d'y avoir des pertes d’emplois, une entreprise ne devrait pas être soumise à toute la rigueur de la loi. On ne peut pas recourir à une entente de plaidoyer. À juste titre, le Bureau des poursuites pénales a refusé de le faire.
D'après les allégations qui ont été faites, une personne au Cabinet du a exercé des pressions sur l’ancienne procureure générale du Canada pour qu’elle fasse valoir une telle entente de plaidoyer. Lorsque l'ancienne ministre a résisté aux pressions, elle a peut-être été congédiée. On s'explique mal pourquoi huit mois avant les élections et seulement six mois après un remaniement ministériel, le lui a retiré le portefeuille de la Justice et les fonctions de procureure générale. Dans l’histoire du Canada, elle a été la première femme autochtone à agir à titre de procureure générale et de ministre de la Justice.
Nous avons tous assisté à la cérémonie d’assermentation. Il est clair que l’ancienne procureure générale n’était pas contente. De toute évidence, elle était contrariée par la décision du .
Quand le l'a ensuite vu quitter le Cabinet, quelqu'un a-t-il remarqué qu'il n'avait rien de bon à dire à son sujet? Quelqu'un s'est-il aperçu qu'il a fallu plus d'une semaine au pour rejeter publiquement les allégations voulant que son bureau se soit livré à une campagne de salissage sexiste et raciste contre elle? Ce n'est qu'au bout de sept jours qu'il a affirmé que les commentaires laissant entendre qu'elle était irritable et qu'il était difficile de travailler avec elle étaient affreux. Un député libéral a dit de façon anonyme qu'elle avait tort si elle pensait que le fait d'être femme autochtone la protégeait un tant soit peu. Pensons-y. Un député libéral est allé parler du contexte de l'affaire avec un journal national, faisant valoir qu'elle devait penser que le fait d'être une femme autochtone la protégerait.
Le soi-disant féministe a dit qu'aucune relation n'était plus importante pour lui que celle qu'il entretenait avec les peuples autochtones. Il lui a fallu une semaine pour dénoncer publiquement ces commentaires, qui sont peut-être sortis de son propre bureau. On se demande bien ce qui se passe.
L'enjeu central de cette affaire, c'est que les tribunaux du pays doivent avoir l'indépendance nécessaire pour pouvoir appliquer la loi à tous les Canadiens de manière égale. Rappelons que le Parti libéral a promis d'être différent. Les libéraux ont promis d'être ouverts par défaut et transparents. Pourtant, quand nous avons cherché à obtenir l'ouverture et la transparence promises, qu'ont-ils fait? Ils ont voté contre toutes nos démarches, et ils ont déclaré que le comité devrait discuter de sujets délicats à huis clos, derrière des portes closes. Les libéraux veulent parler de ces témoins, sauf quand ils ne veulent pas parler d'eux. L'incohérence règne.
J'aimerais dire au que le grand avantage de la vérité, c'est qu'elle est facile à répéter puisqu'elle ne change jamais. À l'opposé, j'ai remarqué que les affirmations du changeaient d'une journée à l'autre. D'abord, il a dit que les allégations étaient tout à fait fausses, et ensuite, que de toute évidence aucun événement répréhensible ne s'était passé puisque l'ancienne procureure faisait toujours partie du Cabinet. Où était-elle le lendemain? Elle avait démissionné et ne faisait plus partie du Cabinet.
Les libéraux sont conscients de la gravité de la situation et, s'ils ne le sont pas, honte à eux. L'un après l'autre, ils affirment que le n'a pas à lever le secret professionnel de l'avocat, qu'il n'est pas nécessaire de faire témoigner l'ancienne procureure générale devant le comité de la justice et que la parole du leur suffit. Or, depuis le début de ce scandale, le discours du est totalement incohérent.
Je rappelle à mes collègues libéraux — car beaucoup d'entre eux n'étaient pas ici à l'époque — qu'en 2013, les libéraux avaient présenté au Parlement la motion de l'opposition suivante:
Que le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique soit chargé d'examiner la conduite du Cabinet du premier ministre dans le dossier du remboursement des dépenses du sénateur Mike Duffy, que le premier ministre soit cité à comparaître sous serment, à titre de témoin, devant le Comité pendant une période de trois heures d'ici le 10 décembre 2013, et que les délibérations soient télédiffusées.
Voilà ce que les libéraux pensaient, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, au sujet du remboursement, par Nigel Wright, des dépenses de Mike Duffy. Ils pensaient qu'il était opportun d'entendre le lui-même. Maintenant qu'ils sont au pouvoir, ils ne sont plus du tout du même avis et affirment: « Oh, mon Dieu, le nous a donné plusieurs versions, mais nous les croyons toutes. En tant que libéraux, nous avons droit à quelque souplesse par rapport à la vérité ».
Le a dit mardi quelque chose de différent de ce qu'il avait dit lundi, et il a changé de nouveau sa version mercredi, mais rien ne semble clocher pour les libéraux. Devant ce spectacle, les Canadiens sont perplexes. Les libéraux sont au pouvoir depuis trois ans et ils ne pourraient trouver la vérité même si elle leur tombait dessus.
Les libéraux regardent autour d’eux et se demandent pourquoi personne ne les croit quand le chef du Parti libéral, le du Canada, est impliqué dans un scandale qui va droit au coeur de notre foi et de notre croyance en l’indépendance non seulement du gouvernement, mais de nos tribunaux, et de notre adhésion au principe que tous les Canadiens, peu importe leur titre ou leurs liens, ont droit à un procès équitable.
Nous voyons qu’il existe deux séries de règles, l’une pour les gens bien branchés et riches et l’autre pour tous les autres. Les Canadiens méritent des réponses et ils finiront par les obtenir. Il reste seulement à savoir quand et comment.