:
Monsieur le Président, j'étais en train de rapporter à la Chambre que le a reconnu aujourd'hui qu'en vérité, l' lui avait effectivement fait part en septembre de ses préoccupations au sujet de l'ingérence politique dans l'affaire SNC-Lavalin, alors qu'il affirmait en février que cela n'avait jamais eu lieu.
Je vais maintenant évoquer un autre exemple où elle a sonné l'alerte à propos des pressions indues qu'elle a subies de la part du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions de procureure générale en ce qui concerne les poursuites criminelles contre SNC-Lavalin. Au cours de son témoignage, elle a déclaré ceci: « Toujours le 19 septembre, j’ai parlé de cette question avec [le ] à la Chambre [...] et je lui ai dit que les contacts entre son bureau et le mien au sujet de SNC devaient cesser, qu’ils étaient déplacés. »
Le et son gouvernement vont peut-être essayer de nier que cette conversation a bien eu lieu. Malheureusement pour eux, l' vient de publier des messages textes du chef de cabinet du , dans lesquels il affirme que le ministre lui avait fait part des préoccupations soulevées par l'ancienne procureure générale. Il avait rapporté cette conversation à Jessica Prince, chef de cabinet de l'ancienne procureure générale.
Autrement dit, nous savons pertinemment, de l'aveu même du chef de cabinet du , que l' avait indiqué que les contacts entre son bureau et le sien au sujet de SNC étaient déplacés et qu'ils « devaient cesser ». Cela contredit ce qu'avait dit en février le , à savoir: « c'était sa responsabilité de venir m'en parler. C'était leur responsabilité de venir m'en parler, et personne ne l'a fait. »
Ensuite, il y a eu le 26 octobre une conversation entre Jessica Prince, la chef de cabinet de l'ancienne procureure générale, et Mathieu Bouchard, conseiller principal du . Dans son témoignage, l' note ceci:
Cependant, le 26 octobre 2018, quand ma chef de cabinet a parlé à Mathieu Bouchard [le conseiller principal du premier ministre] et lui a dit que SNC ayant maintenant demandé à la Cour fédérale de réviser la décision de la DPP, il n'était plus nécessaire de faire intervenir la procureure générale ou d’obtenir un avis externe sur la même question, Mathieu lui a répondu qu’il n'avait pas abandonné cette idée d’un avis juridique externe. Il se demandait si la procureure générale ne pourrait pas obtenir un avis juridique externe pour savoir si la DPP avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée et, en regard de la demande elle-même, si la procureure générale ne pourrait pas intervenir et demander la suspension des procédures, étant donné qu’elle attendait un avis juridique.
Puis, l'ancienne procureure générale a déclaré ceci: « Ma chef de cabinet a dit que si sa patronne remettait en question la décision de la DPP, cela serait évidemment perçu comme de l’ingérence. »
Voilà un autre incident où la chef de cabinet de l'ancienne procureure générale a indiqué à un haut fonctionnaire du Cabinet du que ce qu'on demandait constituerait de l'ingérence, ou, du moins, serait perçu comme tel. Cette déclaration contredit davantage le premier ministre, qui prétend ceci: « c’était sa responsabilité de venir m’en parler. C’était leur responsabilité de venir m’en parler, et personne ne l’a fait. »
Puis, bien sûr, il y a la rencontre du 22 novembre entre l'ancienne procureure générale et deux hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre, dont l' a parlé lors de son témoignage en indiquant ceci:
À la mi-novembre, le [Cabinet du premier ministre] m’a demandé de rencontrer Mathieu Bouchard et Elder Marques pour discuter de la question, ce que j’ai fait le 22 novembre. Cette réunion a été assez longue; je dirais environ une heure et demie. J’étais irritée d’avoir à y participer, car j’avais déjà tout dit au premier ministre, qu’il n’y aurait pas d'[accord de suspension des poursuites] avec SNC, que je n’allais pas émettre de directive, etc. Au cours de cette réunion, c'est surtout Mathieu qui a parlé. Il a essayé de me faire comprendre qu’il y avait d'autres options et que je devais trouver une solution. Je leur ai alors parlé des articles 15 et 10 de la Loi sur le DPP et de l’indépendance de la poursuite comme d’un principe constitutionnel, et du fait qu’il s’agissait d’une ingérence. J’ai parlé de l'avis en vertu de l’article 13, qu’ils ont dit n’avoir jamais reçu, mais je leur ai rappelé que nous l’avions envoyé en septembre.
Elle a ajouté:
Mathieu et Elder ont continué de plaider leur cause disant que, si je doutais de ma décision, nous pourrions engager un éminent juriste pour me conseiller. Ils étaient venus tâter le terrain et je leur ai dit non. Mon idée était faite et il fallait arrêter cela. C’était assez.
La procureure générale venait encore une fois d'avertir les proches collaborateurs du de cesser de s'ingérer dans la poursuite criminelle visant SNC-Lavalin et de dire que la limite était atteinte.
Cet élément de preuve qui, si je ne m'abuse, est corroboré par des notes et peut-être même par les textos qui ont suivi, montre que l' a effectivement averti le et son équipe que ces interventions étaient inappropriées. De plus, il invalide l'argument du premier ministre qui avait par la suite déclaré publiquement « c’était sa responsabilité de venir m’en parler. C’était leur responsabilité de venir m’en parler, mais personne ne l’a fait. » De toute évidence, l'ancienne procureure générale en avait parlé.
Puis, le 5 décembre, l' a clairement exprimé son point de vue, cette fois, lors d'un entretien avec Gerald Butts, qui était le conseiller principal du . Voici ce qu'elle a déclaré lors de son témoignage:
Le 5 décembre 2018, j’ai rencontré Gerry Butts. Nous avions tous les deux souhaité cette réunion. Je voulais parler d’un certain nombre de choses, y compris de SNC et de la pléthore de gens qui nous harcelaient, mon personnel et moi. Vers la fin de la réunion, au Château Laurier, j’ai insisté pour que tout le monde arrête de me parler de SNC, parce que j’avais pris ma décision et que ces intrusions étaient inappropriées.
Cette fois encore, l'ancienne procureure générale s'est plainte de façon claire et précise d'intrusions inappropriées et a dit que « tout le monde », c'est-à-dire l'équipe du premier ministre, devait « [arrêter] de [lui] parler de SNC ». Cependant, malgré cela, le s'est adressé à 37 millions de Canadiens lors d'une conférence de presse et a prétendu que l' ne s'était jamais plainte de sa conduite ou de celle de son équipe dans l'affaire de corruption de SNC-Lavalin.
Le 18 décembre, les pressions se sont poursuivies lors d'une rencontre entre la chef de cabinet de l' et les deux principaux conseillers du , Gerry Butts et Katie Telford. À ce sujet, l'ancienne procureure générale a déclaré:
Le 18 décembre 2018, ma chef de cabinet a été convoquée de toute urgence à une réunion avec Gerry Butts et Katie Telford pour discuter de SNC.
Elle cite les textos qu'elle a reçus de sa chef de cabinet au sujet de cette réunion — des textos qu'elle vient d'ailleurs de rendre publics. Un de ces textos disait ceci:
Essentiellement, ils veulent une solution. Rien de nouveau. Ils veulent que l’on retienne les services d’un conseiller juridique externe pour qu’il vous donne une opinion quant à savoir si vous pouvez revoir la décision de la DPP ici et si vous devriez, dans ce cas... Je leur ai dit que ce serait de l’ingérence. Gerry a rétorqué: « Jess, il n’y a pas de solution ici qui n’implique pas une certaine ingérence. »
Une fois de plus, une cadre du bureau de l'ancienne procureure générale a signalé au principal conseiller du Cabinet du premier ministre que cette intervention constituerait « de l'ingérence ». Malgré cela, le — je sais que j'ai déjà cité ces propos et que je me répète —, bref, le premier ministre a affirmé à la télévision nationale, en regardant 37 millions de Canadiens dans les yeux, que si l' avait quelque plainte ou préoccupation que ce soit au sujet des démarches du premier ministre dans le dossier de la poursuite contre SNC-Lavalin, « c’était sa responsabilité de venir m’en parler. C’était sa responsabilité de venir m’en parler et personne ne l’a fait. »
Le 19 décembre, elle a soulevé le problème de nouveau. Elle l'a fait pendant sa conversation téléphonique avec Michael Wernick, le plus haut fonctionnaire du . Je lirai quelques extraits de cette conversation.
Elle a décrit la conduite du et de son entourage en ces termes: « [...] absolument inappropriée, [...] cela constitue de l'ingérence politique. »
Elle a aussi déclaré ceci:
« Nous nous aventurons sur un terrain glissant, ici... Et je vais me faire claire encore une fois: je me dois d'être impartiale et indépendante, sans motivation partisane ou politique, et il en va de même pour la DPP. Ce ne serait manifestement pas le cas ici. »
Elle a dit: « Cela aurait tout l'air d'une ingérence politique de la part du premier ministre, de votre part et de la part de tous ceux qui ont fait pression sur moi dans ce dossier. »
Elle a dit: « [Le premier ministre] comprend-il la gravité potentielle de tout cela? Il ne s'agit pas de sauver des emplois. Il s'agit de faire ingérence dans les affaires d'une de nos institutions fondamentales. Cela revient à violer le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire. »
Voici ce qu'elle a dit au sujet du fait que Michael Wernick devait rapporter la conversation au : « J'espère que vous [respectez mon opinion], parce que je pense que personne d'autre ne la respecte. La discussion, que Gerry et Katie ont eue avec ma chef de cabinet et moi, lui a fait dire — elle a noté par écrit ce qui s'est dit — qu'ils ne veulent plus entendre parler des aspects juridiques, mais qu'ils veulent parler des emplois, ce qui est tout à fait inapproprié. »
En fait, au cours de cette conversation téléphonique désormais célèbre qui a été enregistrée et mise à la disposition de tous, l' a prononcé le mot « ingérence » pas moins de neuf fois. Le greffier du Conseil privé a répondu en disant: « Très bien. Je vais devoir faire un compte rendu [au premier ministre] avant qu'il quitte. »
Autrement dit, le greffier du Conseil privé a dit qu'il ferait un compte rendu au de sa conversation avec l', une conversation dont le premier ministre évite d'admettre avoir eu connaissance en employant des termes ambigus.
Il est curieux que, après la divulgation de l'enregistrement audio, le premier ministre se soit empressé de dire qu'il n'avait pas été informé pleinement du contenu de la conversation jusqu'à ce que celle-ci ait été rendue publique. Or, personne ne veut savoir s'il a été informé pleinement du contenu de la conversation. On n'est jamais informé pleinement du contenu d'une conversation. La question est de savoir s'il était au courant de cet appel, avant, pendant ou après.
Aujourd'hui, le a posé cette question exacte au premier ministre encore et encore, et pas une fois le premier ministre n'y a répondu.
C'est important parce que, une fois de plus, cela en dit long sur la crédibilité de l'affirmation formulée par le en février à cette fameuse conférence de presse, selon laquelle l' n'a jamais soulevé la moindre préoccupation concernant l'ingérence politique du premier ministre dans la poursuite criminelle contre SNC-Lavalin. Nous savons maintenant que l'ancienne procureure générale a soulevé ces préoccupations, et à répétition.
Nous savons qu'elle l'a fait, parce qu'il y a des messages textes, des écritures de journal et des enregistrements audio pour le prouver. Cela comprend des documents, des enregistrements et des messages textes datant du 16 septembre, du 17 septembre, du 19 septembre, du 26 octobre, du 22 novembre, du 5 décembre, du 18 décembre et du 19 décembre.
Le veut-il nous faire croire qu'il n'était pas au courant des mises en garde qu'elle et son personnel ont faites à ses principaux conseillers et à lui, ultimement, à plus d'une demi-douzaine d'occasions? Il est tout à fait invraisemblable qu'il ignorât qu'elle avait dénoncé la situation lorsqu'il s'est adressé aux Canadiens et prétendu qu'elle n'avait rien dit.
Je me permets de revenir sur ce dont je viens de parler, c'est-à-dire le nombre de fois où l' s'est manifestée.
Je vais expliquer pourquoi je présente la liste. C'est parce que le a déclaré que si quiconque pensait qu'il agissait de manière répréhensible dans le dossier SNC, « c'était leur responsabilité de m'en parler et personne ne l'a fait. »
Eh bien, le problème a été soulevé le problème à toutes ces occasions: le 16 septembre 2018, durant une conversation téléphonique avec le personnel du Cabinet du premier ministre; le 17 septembre 2018, durant une réunion avec le et le greffier; le 19 septembre, durant une conversation téléphonique entre des hauts placés du Cabinet du premier ministre et du personnel de l'; le 19 septembre encore une fois, dans des conversations entre l'ancienne procureure générale et le ; le 26 octobre, dans des conversations entre Jessica Prince, la chef de cabinet de l'ancienne procureure générale et le conseiller principal du premier ministre; le 22 novembre, dans une réunion entre l'ancienne procureure générale et deux des principaux conseillers du premier ministre; le 5 décembre, dans une réunion entre l'ancienne procureure générale et Gerald Butts, au Château Laurier; le 18 décembre, dans des réunions entre Jessica Prince, Gerald Butts et la chef de Cabinet du premier ministre; et, bien sûr, le 19 décembre, durant le célèbre appel téléphonique qui a été enregistré.
Chaque fois, elle a parlé de l'ingérence personnelle et politique du dans le procès pour corruption dont SNC-Lavalin fait l'objet. Malgré toutes ces fois où elle a sonné l'alarme, le premier ministre a assuré à tous les Canadiens qu'elle ne lui avait jamais fait part d'inquiétudes dans ce dossier à l'époque où elle était encore procureure générale. C'était absolument faux. Il a regardé les Canadiens droit dans les yeux alors qu'il savait ou aurait dû savoir que ce qu'il disait était complètement faux. Il l'a fait pour tenter de discréditer l'. Après tout, elle avait clairement démontré qu'il s'était ingéré personnellement et politiquement, par des gestes inappropriés, dans les poursuites criminelles contre une entreprise associée aux libéraux, qui est accusée de fraude et de corruption.
Voilà qui soulève un bon nombre de questions importantes. Pouvons-nous croire un seul mot de ce que dit le aux Canadiens?
Le fait qu'il se contredise dans des dossiers d'importance nationale permet de répondre à cette question. Il ne s'agit pas de petites erreurs. Comme je viens de le dénoncer, il a fait de fausses déclarations à une conférence de presse sur une énorme controverse nationale, tout en sachant que tous les yeux seraient tournés vers lui. On en vient à se demander quel genre de mythomanie peut pousser un homme à faire une telle chose. Tout un niveau d'incompétence est nécessaire étant donné que l' avait clairement indiqué qu'elle avait des preuves documentaires pour appuyer ses dires. Le premier ministre devait bien savoir, alors qu'il a tenu ces propos aux Canadiens, que l'ancienne procureure générale allait vouloir valider ses affirmations en présentant les messages textes et les autres notes personnelles qu'elle a conservés tout au long de la campagne de pression que lui et son équipe lui ont fait subir pendant quatre mois.
Je viens de passer 25 minutes à réfuter entièrement la déclaration que le avait faite à la conférence de presse du 15 février à propos des plaintes que l' avait formulées au sujet de son rôle dans l'affaire SNC. J'ai montré en outre qu'il avait fait ces déclarations erronées en toute connaissance de cause. Je passerai maintenant à une autre fausseté qui a été dévoilée.
En février dernier, lorsque le a été accusé pour la première fois, dans un article du Globe and Mail signé par Bob Fife et Steve Chase, d'exercer des pressions politiques sur son , il a immédiatement réagi en affirmant que cette histoire était fausse et que rien de cela ne s'était produit. Nous savons désormais, grâce aux 41 pages de témoignages, dont j'ai transmis certains à la Chambre des communes, que ce déni était faux. En fait, il y a bel et bien eu des pressions. D'ailleurs, les occupants des banquettes ministérielles ne se donnent même plus la peine de nier que l' a subi des pressions. Ils font maintenant machine arrière en déclarant simplement que ces pressions n'étaient pas illégales. C'est pour le moins un grand revirement.
Dans les 48 heures suivant la sortie de l'article de MM. Fife et Chase, le Cabinet du premier ministre a publié un communiqué dans lequel il nie carrément le fait qu'il y a eu des pressions exercées sur l'. Les dénégations étaient catégoriques. Aujourd'hui, les libéraux reconnaissent tacitement qu'ils ont exercé des pressions et ils ne contestent même plus les affirmations confirmées de l'ancienne procureure générale, selon lesquelles ils étaient entrés en contact avec elle ou avec ses collaborateurs à au moins 20 reprises afin de la faire changer d'avis sur la poursuite pour fraude et corruption intentée contre SNC-Lavalin. C'est une deuxième contradiction.
Passons maintenant à une troisième contradiction. Lors de la fameuse rencontre qu'il a eue le 17 septembre avec l', le lui a dit deux fois qu'elle devait immédiatement manifester sa volonté de négocier un accord de suspension des poursuites avec SNC-Lavalin, à défaut de quoi l'entreprise allait annoncer dans les semaines suivantes que son siège social quitterait Montréal. Le premier ministre, le greffier du Conseil privé et d'autres hauts responsables dans l'entourage du premier ministre ont dit clairement à l'ancienne procureure générale qu'elle n'avait que quelques jours pour faire cela, sinon l'entreprise annoncerait le déménagement de son siège social. Ils ont même affirmé que cette annonce serait faite avant l'élection générale québécoise, qui devait avoir lieu à peine quelques jours plus tard.
Nous savons un certain nombre de choses au sujet de cette affirmation. Premièrement, l'entreprise n'a pas annoncé depuis qu'elle déménagerait son siège social si elle n'obtenait pas un accord de suspension des poursuites. En effet, le siège social est toujours à Montréal, et l'entreprise n'a pas annoncé publiquement qu'elle prévoyait le déménager ailleurs. Deuxièmement, l'entreprise ne peut pas quitter Montréal puisqu'elle a signé une entente de prêt de 1,5 milliard de dollars avec le Régime de rentes du Québec, qui exige que le siège social demeure à Montréal jusqu'en 2024.
Troisièmement, elle vient de signer un bail de 20 ans pour l'immeuble qu'elle occupe à Montréal et a annoncé qu'elle allait procéder à des travaux de rénovation de plusieurs millions de dollars à son siège social pour les locaux où travaillent ses milliers d'employés de la région de Montréal. Une entreprise ne déménage pas après avoir fait des rénovations en fonction des besoins de son effectif. Ce serait du gaspillage.
Quatrièmement, même si SNC-Lavalin déménageait son siège social ailleurs, cela ne changerait rien à sa responsabilité criminelle relativement aux accusations de fraude et de corruption qui ont été portées contre elle. Les procédures pénales seraient menées même si SNC-Lavalin s'installait à Londres; à Washington; à Sydney, en Australie; ou à Kalamazoo. D'une façon ou d'une autre, le procès aurait lieu. Ce n'est pas comme un cambrioleur de banque qui réussit à quitter le pays, disparaît dans le triangle des Bermudes et ne subit jamais son procès. L'entreprise sera poursuivie, peu importe où se trouve son siège social. Par conséquent, l'argument du voulant que l'entreprise allait déménager ne tenait pas.
Cinquièmement, dans une entrevue qu'il a accordée au Business News Network, le PDG de SNC-Lavalin a dit qu'il n'avait jamais menacé d'établir le siège social de l'entreprise ailleurs s'il y avait des poursuites. Enfin, la conclusion d'un accord de suspension des poursuites nuirait tout autant à la réputation de l'entreprise qu'une condamnation puisque la signature d'un tel accord exigerait de SNC qu'elle avoue avoir commis les actes criminels graves que sont la fraude et la corruption. Qu'il y ait déclaration de culpabilité ou aveu dans un tel accord, les répercussions sur la réputation de l'entreprise seraient tout aussi importantes. Par conséquent, la conclusion d'un accord ne protégerait en aucune façon le siège social de la compagnie à Montréal, comme l'a faussement prétendu le .
Fait intéressant, lorsque j'ai demandé au à la Chambre s'il avait dit à l' que SNC-Lavalin comptait déménager son siège social, il a prétendu ne jamais avoir affirmé cela. Le problème, c'est qu'il a répété lors de cette fameuse conférence de presse du 15 février que SNC-Lavalin était sur le point de quitter Montréal et le Canada, alors qu'il n'en était rien. Encore une fausseté. Autrement dit, il n'a pas seulement fait cette fausse déclaration devant l'ancienne procureure générale, mais devant tous les Canadiens, ce qu'il ne peut plus nier à présent. Il s'agit d'un autre exemple d'une fausse déclaration du premier ministre et de son bureau au cours de cette affaire.
Je viens d'énumérer trois faussetés que le a proférées pour tenter de mettre un terme aux accusations pour fraude et corruption qui pèsent contre SNC-Lavalin. C'est sans compter les faussetés véhiculées par les membres de son personnel. Gerald Butts a comparu devant le comité de la justice et a déclaré que si les proches du premier ministre avaient quoi que se soient à se reprocher, alors pourquoi n'ont-ils pas eu cette discussion en octobre, en novembre ou en décembre. Toutefois, toute la preuve documentaire, incluant les messages textes, révèle qu'ils ont bel et bien eu cette discussion en septembre, en octobre, en novembre et en décembre. De son propre aveu, il a eu cette conversation avec l' au salon du Château Laurier en décembre.
Le admet avoir assisté, en septembre, à des réunions avec l' où elle a soulevé ses objections. Nous avons des textos montrant que la conversation s'est poursuivie dans l'intervalle, en octobre et en novembre. Autrement dit, la déclaration de Gerald Butts selon laquelle cette conversation n'a pas eu lieu pendant ces quatre mois est manifestement fausse, preuve à l'appui. Il ne s'agit pas de ouï-dire. Les preuves sont là, sous forme de textos, de notes consignées dans un journal et, bien entendu, d'enregistrement audio de la conversation de décembre avec le greffier du Conseil privé.
Le fait que Gerald Butts n'a eu aucun scrupule à déclarer une telle fausseté manifeste devant un comité parlementaire montre à quel point le gouvernement et ses hauts dirigeants sont prêts à passer libéralement outre à la vérité pour se défendre dans ce scandale de corruption.
Si un premier ministre et des membres de son cercle restreint sont prêts à se contredire et à faire sans cesse des affirmations pouvant facilement être réfutées, est-ce vraiment le comportement de quelqu'un qui n'a rien à cacher?
Si c'est le cas, s'il n'a vraiment rien à cacher, pourquoi refuse-t-il de nous laisser mener une enquête approfondie? Pourquoi n'invitons-nous pas toutes les personnes dont le nom apparaît dans les messages textes, qui sont maintenant en la possession de la Chambre des communes, à comparaître devant un comité parlementaire afin de leur poser des questions sur leur ingérence présumée dans le procès pour corruption de SNC-Lavalin?
Si le est si convaincu que lui et son équipe n'ont rien fait de mal ou d'illégal, pourquoi n'accueille-t-il pas la lumière du soleil? Après tout, au cours de la campagne, il a affirmé que le soleil est le meilleur désinfectant. Comme il l'a dit, en plagiant M. Laurier: « Les voies ensoleillées, mes amis, les voies ensoleillées. »
Ouvrons les rideaux au comité de l'éthique et laissons entrer le soleil et les rayons chauds. Voyons ce que nous découvrirons lorsque tous les recoins sombres seront éclairés. Jusqu'à présent, le a refusé de laisser le soleil briller. Il a mis fin à l'étude du comité de la justice et à l'étude du comité de l'éthique; nous avons donc un comité de la justice sans justice et un comité de l'éthique sans éthique.
Cela dit, j'ai espoir que l'enquête pourra être reprise en fonction des observations de deux députés libéraux qui sont membres du comité de l'éthique. Ces deux députés ont déclaré que la raison pour laquelle ils s'opposaient d'abord à l'enquête du comité dans l'affaire SNC-Lavalin était que cela aurait été prématuré et qu'on avait besoin de plus de documents de preuve. À ce moment-là, ces preuves n'avaient pas été présentées à la Chambre des communes.
C'est maintenant fait. Nous avons tous reçu les documents vendredi soir dernier. Nous avons eu l'occasion de lire tous les textos, les notes de journal et les comptes-rendus, et bien sûr nous avons tous écouté le fameux enregistrement audio. Maintenant que nous avons pu examiner toutes les preuves qui sont disponibles à ce jour, les deux députés libéraux qui soutenaient que l'enquête était prématurée peuvent être rassurés et l'on peut poursuivre l'enquête.
Que pourrait-on découvrir de plus en faisant une enquête? Premièrement, nous pourrions découvrir pourquoi le a faussement affirmé que l' n'avait jamais soulevé de préoccupations concernant son ingérence dans l'affaire SNC-Lavalin. Deuxièmement, nous pourrions découvrir si quelqu'un a menti à l'ancienne procureure générale afin de la convaincre de suspendre les poursuites criminelles, ce qui est en soi un crime en vertu de l'article 139 du Code criminel. Troisièmement, nous pourrions découvrir si la mutation de l'ancienne procureure générale avait pour but de permettre à SNC-Lavalin de bénéficier d'un accord de suspension des poursuites. Je m'attarderai sur ce point pendant un instant.
Penchons-nous sur le bilan de la quête de SNC-Lavalin pour faire suspendre les poursuites criminelles à son égard. Cette quête a échoué auprès de l'. Elle a réfléchi pour savoir s'il serait approprié d'annuler la décision de la directrice des poursuites pénales et de dire qu'il faut offrir un accord spécial à SNC-Lavalin pour suspendre le procès, et elle a décidé que ce ne serait pas approprié.
Sa décision était irrévocable, ce que nous confirment les conversations qui ont été enregistrées, les messages textes qui ont été envoyés et les autres preuves écrites qui ont été fournies depuis. En d'autres mots, tant que c'est l' qui était aux commandes, la demande de SNC-Lavalin d'abandonner les accusations a été rejetée.
Le actuel, celui qui a remplacé la ministre de la Justice sortante, s'est dit ouvert à l'idée de conclure un accord de suspension des poursuites.
Le remaniement ministériel a entraîné un changement important dans la situation. En ce qui concerne le souhait de SNC que les poursuites soient abandonnées, nous sommes passés d'un « non » sous l' à un « peut-être » sous le actuel.
Le peut bien dire que ce n'était pas son intention, mais c'est le résultat du remaniement. Il ne fait absolument aucun doute que le remaniement ministériel a rouvert la porte à un possible accord de suspension des poursuites avec SNC-Lavalin. Elle était fermée à double tour sous l'. Elle est désormais ouverte sous le actuel.
Nous devons savoir si le actuel a reçu des directives concernant ce dossier avant qu'il entre en fonction. Le — ou plus probablement un membre de son personnel ou de sa garde rapprochée — a-t-il communiqué avec le nouveau ou son entourage au sujet du fait que, dans son rôle de principal conseiller juridique de la Couronne, il allait devoir offrir un accord de suspension des poursuites à SNC-Lavalin?
Si la réponse est oui, alors nous saurons que le remaniement visait précisément à conclure un accord spécial avec cette puissante société liée aux libéraux. C'est la théorie que la sortante avait en tête. Depuis lors, dans sa lettre destinée au comité de la justice, elle a écrit que, si le nouveau procureur général décidait d'imposer un accord pour suspendre les poursuites contre SNC-Lavalin, elle prévoyait démissionner de son poste de ministre des Anciens Combattants. Elle croyait, comme elle l'a dit à maintes reprises aux proches collaborateurs du au moment du remaniement, qu'elle savait pourquoi on l'affectait à un autre poste. Selon elle, c'est parce que le était déterminé à éviter un procès à cette entreprise liée aux libéraux et qu'elle n'était pas prête à le faire.
Si elle a raison, le corolaire de ce fait est probablement que le prochain était prêt à conclure un accord avec l'entreprise. Les Canadiens doivent le savoir.
Voilà véritablement le grand risque qui pèse sur la primauté du droit. Même si nous oublions les possibles abus commis par le passé, il est fort probable que le prévoit utiliser son nouveau , qui est plus malléable, pour conclure un accord visant à suspendre les poursuites pour fraude et corruption contre SNC-Lavalin tout de suite après les prochaines élections.
Si le prévoit intervenir encore politiquement et demander au d'ordonner par écrit à la directrice des poursuites pénales de suspendre les accusations et de signer une entente avec cette compagnie, les Canadiens devraient en être informés avant de se présenter aux urnes.
Je suis prêt à faire une annonce — si je peux me permettre d'être aussi audacieux — au sujet de l'approche que les conservateurs adopteraient dans ce dossier. Je peux affirmer avec assurance que, si le chef conservateur actuel devient premier ministre en octobre, il n'ordonnera pas au procureur général, qui qu'il soit, d'intervenir pour que soient suspendues les accusations criminelles contre SNC-Lavalin. Les Canadiens peuvent en être certains. Il a déclaré très clairement qu'il n'interviendra pas politiquement et personnellement pour qu'une entente soit proposée à SNC-Lavalin.
Les Canadiens ne peuvent pas avoir cette assurance en ce qui concerne le actuel. Étonnamment, le actuel et le premier ministre laissent entrevoir la possibilité d'intervenir dans cette poursuite. Il y a de quoi être surpris. Voyons cela de plus près un instant.
Quand on regarde ce qui se passe depuis deux mois, on pourrait penser que le choisirait, pour faire une croix sur cet épisode, d'affirmer clairement aux Canadiens qu'il ne mettra plus jamais le nez dans une poursuite criminelle. Au lieu d'adopter cette approche, il affirme exactement le contraire. Il dit que le actuel pourrait encore s'ingérer dans le procès, qu'il pourrait adresser à la directrice des poursuites pénales une lettre exigeant qu'elle offre un règlement à l'entreprise. Ce serait une terrible mascarade judiciaire. Prenons un instant pour y penser.
Quand un itinérant est accusé d'avoir volé un pain, il ne peut pas aller frapper à la porte du premier ministre pour lui dire: « Pourriez-vous demander au juge de n'être pas trop sévère avec moi? Pourriez-vous demander au procureur de la Couronne de retirer les accusations et de signer une entente qui dira que je dois simplement m'excuser et rendre le pain que j'ai volé? » Si un tel scénario est impensable dans le cas d'un itinérant, pourquoi serait-il réaliste quand il s'agit d'une puissante entreprise multimilliardaire liée aux libéraux?
Si nous vivons dans un pays où les grandes sociétés ont la capacité d'acheter les tribunaux en payant grassement des lobbyistes, ces mêmes lobbyistes pourront envahir la Colline du Parlement comme des mouches attirées par le miel et exercer des pressions pour que le intervienne afin que l'entreprise qu'ils représentent s'en tire à bon compte. Si c'est vraiment de cette façon que le premier ministre entend gérer le système judiciaire au Canada, il faudrait le savoir avant les élections, pour que les Canadiens en tiennent compte avant d'aller voter.
Autrement dit, il ne s'agit pas uniquement d'exiger que le gouvernement rende des comptes pour ce qui a déjà été fait. Il s'agit également de fournir aux Canadiens toute l'information nécessaire au sujet de ce que le gouvernement pourrait encore faire.
Si le croit qu'il peut justifier une éventuelle intervention du pour que l'entreprise en question n'ait pas à subir de procès, il devrait le dire pendant la campagne électorale. Il devrait aller d'un bout à l'autre du pays pour en informer la population. Il devrait aller à Montréal pour le dire aux gens qui ont été floués par cette entreprise et ses dirigeants dans les scandales de pots-de-vin concernant le pont Jacques-Cartier et le Centre universitaire de santé McGill.
En plus, la prochaine fois qu'il ira en Afrique, il devrait se rendre en Libye, dans les rues des ghettos où les gens vivent dans la misère la plus abjecte. Il devrait dire à ces gens qu'il ne voit aucun inconvénient à accorder un traitement spécial à une entreprise qui leur aurait volé 130 millions de dollars, car c'est sur ce point que porte l'allégation dont nous sommes saisis. D'aucuns essaient de minimiser l'affaire en affirmant que c'était simplement Kadhafi qui essayait d'obtenir des yachts et des prostituées d'une entreprise canadienne. Pour eux, il s'agissait simplement d'un crime sans victime et que, en conséquence, il valait mieux régler l'affaire pour éviter un procès compliqué. Voilà l'argument qu'avancent les partisans de ce soi-disant accord de suspension des poursuites en faveur de SNC-Lavalin. Or, il ne s'agit pas d'un crime sans victime, mais d'un acte de corruption éhontée et parasitaire consistant à voler 130 millions de dollars au peuple libyen, qui est l'un des peuples les plus pauvres au monde et qui n'a pas 130 millions de dollars à jeter par les fenêtres. Si un tel acte de corruption éhontée ne mérite pas de poursuites au pénal, je me demande bien ce qui peut l'être.
De surcroît, il ne s'agit pas d'une entreprise qui fait un signalement après avoir découvert une erreur mineure commise par quelques mauvais éléments. Au contraire, il a fallu que l'entreprise se fasse prendre. Ce n'est qu'après que les autorités suisses eurent mis au jour une partie de la corruption et poursuivi l'un des responsables de chez SNC que la GRC a eu vent de la situation et lancé sa propre enquête, qui a abouti aux accusations portées il y a environ quatre ans.
Ce n'est pas parce que l'entreprise est honnête et sans reproche qu'elle a tenté de se débarrasser de ces mauvais éléments, d'admettre ses torts et de redresser la situation. Non: il aura fallu qu'elle se fasse prendre, tout comme ce fut le cas dans les affaires de corruption à Montréal, notamment celle liée au pont Jacques-Cartier, et les allégations criminelles qui la visent au Mexique, au Panama, en Suisse, en Libye et Dieu sait où. Le bilan de l'entreprise montre qu'elle se livre systématiquement à de la corruption aux plus hauts niveaux. L'ancien PDG a plaidé coupable à des accusations de corruption. Il n'est pas question de quelques mauvais éléments occupant des postes de second rang dans des contrées lointaines. La corruption est systémique, généralisée et présente à tous les échelons.
Les Canadiens vont y penser lorsqu'ils iront aux urnes lors des prochaines élections. Les Canadiens auront à décider s'il est acceptable qu'un premier ministre intervienne personnellement et politiquement pour faire tomber des accusations criminelles de fraude et de corruption contre une société puissante liée à un parti comme c'est le cas de celle-ci. C'est l'une des raisons pour lesquelles il faut que le comité de l'éthique aille au fond des choses dès maintenant avant que les Canadiens aillent aux urnes. Si le compte absoudre la société après les élections, lorsqu'il n'aura plus besoin du vote des électeurs, il devrait le dire tout de suite. Il devrait regarder les gens droit dans les yeux et leur dire qu'il est d'avis que le est en droit de rédiger une directive à l'intention de la directrice des poursuites pénales pour lui dire de régler cette affaire et de la balayer sous le tapis en exigeant que la société paie une amende et s'excuse avant de passer à autre chose.
Je peux dire aux députés que ce n'est pas le point de vue que défendra le Parti conservateur. La position des conservateurs sera très simple et très claire. Seule la directrice des poursuites pénales a le droit de prendre des décisions quant aux poursuites criminelles.
Jusqu'à présent, la directrice des poursuites pénales a montré qu'elle comprend la loi et elle a agi de façon appropriée dans cette affaire. Nous nous attendons à ce qu'elle puisse continuer de le faire. Un gouvernement conservateur veillera à ce que la directrice des poursuites pénales et la personne qui la remplacera un jour conservent toujours un rôle indépendant.
C'est exactement ce qui était prévu dans la Loi sur le directeur des poursuites pénales, entrée en vigueur en 2006, avec l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. Cette mesure a créé le poste indépendant de directeur des poursuites pénales, qui est libre de toute influence politique et qui dispose d'une telle latitude que le ou n'importe quel autre membre du gouvernement ne pourrait le congédier sauf si la Chambre des communes votait en ce sens. L'objectif était de veiller à ce que le directeur des poursuites pénales du système judiciaire ne puisse être influencé par des politiciens. Or, le a étendu son influence aussi loin que possible pour tenter de s'ingérer dans cette affaire.
Ce qui est même peut-être encore plus insultant, c'est que le ait pu pensé qu'il pouvait faire oublier aux Canadiens le scandale qui en a résulté en leur promettant des milliards de dollars — 41 milliards de dollars en fait — dans sa récente opération de camouflage budgétaire. Il pensait que les Canadiens oublieraient complètement que son l'a accusé d'ingérence dans une poursuite au criminel s'il faisait pleuvoir des dollars sur le pays tout entier. Pour dire les choses franchement, le budget n'a pas détourné l'attention des gens de son scandale; c'est plutôt son scandale qui a détourné l'attention des gens de son budget. Peu importe les montants d'argent qu'il largue sur le pays, les Canadiens sont déterminés à protéger l'indépendance de nos poursuites et la primauté du droit dans notre pays.
Ce genre de dépenses préélectorales a de lourdes conséquences. Elles ont un coût. C'est ce que j'appelle la méthode libérale en trois étapes: il y a d'abord un scandale énorme avant les élections, puis des dépenses monumentales qui aggravent le déficit pour faire oublier ledit scandale, et enfin, bien sûr, de massives hausses d'impôt pour payer le tout après les élections.
L'argent ne pousse pas dans les arbres. Le gouvernement n'a, en fait, pas d'argent. Tout l'argent qu'il dépense doit d'abord être gagné par la population. Le gouvernement ne peut donner quoi que ce soit aux Canadiens sans le leur avoir pris avant, et le aime prendre aux Canadiens. Il a déjà augmenté de 800 $ les impôts d'une famille canadienne moyenne. Il a supprimé les crédits d'impôt pour les activités sportives et artistiques et pour les manuels scolaires des étudiants ainsi que pour certains frais de scolarité. Il a supprimé le crédit d'impôt pour les transports en commun. Il a supprimé de nombreux autres allégements fiscaux, comme le fractionnement du revenu, synonyme d'équité fiscale pour les familles dans lesquelles un conjoint gagne beaucoup plus que l'autre. Il a imaginé de nouvelles sanctions fiscales pour les petites entreprises, en particulier celles dont les employés partagent leurs gains avec les membres de leur famille ou qui économisent, au sein de l'entreprise, en prévision de la retraite, d'un congé de maternité ou des mauvais jours. Il a augmenté les charges sociales au titre du RPC, à la fois pour les petites entreprises et les travailleurs. Cela n'inclut même pas la taxe sur le carbone, qui est entrée en vigueur lundi et qui punit les navetteurs et les personnes âgées à revenu fixe qui essaient de chauffer leur maison.
Voilà comment le a alourdi le fardeau fiscal jusqu'à présent, mais le pire reste à venir. Nous le savons parce qu'il a tenté de l'alourdir encore davantage. Il a voulu imposer les régimes de soins de santé et de soins dentaires que les employeurs offrent à leurs employés. Il a reculé lorsque les entreprises et leurs employés s'y sont opposés. Il a essayé d'imposer à hauteur de 73 % le revenu passif des petites entreprises. Il a tenté de doubler les impôts que doivent payer les agriculteurs et les propriétaires de petite entreprise lorsqu'ils transmettent leur entreprise à la génération suivante au sein de leur famille. Il a même tenté de retirer aux diabétiques le crédit d'impôt pour personnes handicapées.
Enfin, l'autre mesure à laquelle il a dû renoncer — et c'est peut-être la plus déplorable —, c'est l'imposition des rabais consentis aux employés, ce qui s'appliquerait notamment au sandwich au poulet gratuit qu'une serveuse mange à 2 heures du matin, pendant ses 15 minutes de pause. Le voulait que le propriétaire du restaurant inscrive la valeur de ce sandwich sur le feuillet T4 de la serveuse pour qu'elle paie de l'impôt là-dessus à la fin de l'année. Cette mesure était tout simplement mesquine. Il cherche sans arrêt à enlever aux contribuables l'argent qu'ils ont durement gagné pour pouvoir le dépenser à leur place, et ce n'est qu'un début. Il a suspendu toutes ces hausses d'impôt, mais il les proposera de nouveau après les élections, car il n'aura plus besoin des électeurs, mais il aura toujours besoin de leur argent.
J'en viens à la vérité au sujet de la taxe sur le carbone. Selon le , une famille en Ontario ne devra débourser qu'environ 600 $ de plus pour acheter de l'essence, chauffer la maison, payer l'épicerie et faire face aux autres coûts liés à l'inflation. On nous demande toutefois de le croire sur parole. J'ai présenté des demandes d'accès à l'information pour obtenir tous les documents qui avaient servi à ce calcul. À quoi ai-je eu droit? J'ai reçu une grosse pile de documents où tous les chiffres avaient été caviardés. Autrement dit, j'ai eu accès à l'établissement des coûts, mais sans les chiffres. Pourquoi? Si les coûts de la taxe correspondaient vraiment aux prévisions présentées par le gouvernement, pourquoi ne voudrait-il pas communiquer tous les chiffres afin que les Canadiens puissent le constater par eux-mêmes? Le gouvernement ne l'a pas fait parce que les coûts associés à la taxe seront beaucoup plus élevés que ce qu'il est prêt à admettre.
Les coûts de cette taxe sont difficiles à calculer. C'est très différent de l'impôt sur le revenu où il suffit de faire les calculs à la fin de l'année, au moment de produire sa déclaration de revenus, ou de regarder les retenues à la source. C'est encore plus simple pour la taxe de vente, que nous pouvons trouver sur les factures de nos achats.
Les taxes sur le carbone sont insidieuses. Elles sont incluses dans tous les produits et services que l'on achète. Parfois, elles sont ajoutées plusieurs fois au même produit. Par exemple, quand on achète une pièce d'équipement agricole, on paie les frais de transport du produit jusqu'au détaillant John Deere local. Toutefois, on paie aussi une taxe sur l'énergie utilisée à l'usine qui a fabriqué cette pièce. Comme beaucoup d'acier entre dans la fabrication d'un tracteur John Deere, on paie aussi la taxe sur le carbone intégrée au coût lié au façonnage et au moulage de cet acier à l'usine.
Ai-je dit que le gouvernement applique la TVH sur la taxe sur le carbone? C'est une taxe sur une taxe. Dans son estimation du coût de la taxe sur le carbone, le ne tient pas compte de l'effet combiné de la TVH sur la taxe sur le carbone.
Si, malgré tout ce que je viens dire, les députés pensent toujours que la taxe sur le carbone du ne coûtera pas plus que ce qu'il dit, je dois souligner que son plan ne tient pas compte du fait que le taux va augmenter après les prochaines élections. Selon des documents des ministères de l'Environnement et des Finances, après 2022, soit dans seulement trois ans, l'« intensité » de la taxe devra augmenter. Cela signifie que le taux va être plus élevé, mais on ignore dans quelle mesure.
Selon un document d'Environnement Canada, le taux devrait augmenter de 100 $ à 300 $ la tonne de carbone. Pour l'instant il n'est que de 20 $. À 300 $, il serait 15 fois plus élevé qu'aujourd'hui. D'après les chiffres fournis par le gouvernement lui-même, cela équivaudrait à 5 000 $ pour une famille de 2,5 personnes au Manitoba ou à 3 000 $ pour la même famille en Ontario.
Pour quelqu'un de très fortuné, 5 000 $ de plus pour couvrir les frais d'essence, de chauffage et d'épicerie, ne sont pas grand-chose. En revanche et contrairement au , la plupart des Canadiens n'héritent pas d'un fonds en fiducie imposé à taux préférentiel et, par conséquent, ne peuvent assumer un coût de 3 000 $ ou de 5 000 $ au titre de la taxe sur le carbone qui pourrait s'appliquer s'il est réélu.
Le n'a aucune espèce d'empathie pour les gens qui peinent à joindre les deux bouts. Lors d'une visite à Vancouver, on l'a interrogé sur le coût de l'essence qui a grimpé jusqu'à 1,60 $ le litre dans cette ville. Il a répondu que c'était exactement ce que veut le gouvernement. Il veut un prix de l'essence élevé parce qu'il pense que cela obligera les gens à changer leur comportement pour le mieux. Je ne sais pas trop à quel comportement il fait allusion. Le pense-t-il que les gens doivent cesser de prendre leur voiture pour se rendre au travail ou de chauffer leur logement? S'agit-il là de mauvais comportements aux yeux du premier ministre?
Nous savons maintenant qu'il se moque complètement de faire augmenter le coût de la vie avec des impôts plus élevés. Ce ne serait pas la première fois. Que ce soit son opération de dissimulation entourant la taxe sur le carbone ou ses autres tentatives de hausse d'impôts, tout semble indiquer qu'il serrera encore plus la vis après les prochaines élections, lorsqu'il n'aura plus besoin des électeurs, mais qu'il aura encore besoin de leur argent.
Kathleen Wynne et Dalton McGuinty se sont servis de cette tactique pendant 14 ans. Qui a orchestré tout cela? C'était Gerald Butts, le marionnettiste du premier ministre qui vient tout juste de démissionner dans le déshonneur en raison du scandale SNC-Lavalin. Nous savons qu'il est toujours le maître à penser du , qu'il prend toutes les décisions à sa place et qu'il dirigera la campagne électorale du Parti libéral. Son modus operandi consiste à accumuler une dette énorme avec des dépenses débridées, puis à faire payer la note à la classe moyenne au moyen d'augmentations d'impôts. C'est pour cette raison que l'Ontario a connu le taux de pauvreté le plus élevé et le rythme de croissance des revenus de la classe moyenne le plus faible de toutes les provinces à l'époque où McGuinty et Wynne étaient au pouvoir. Nul besoin d'imposer ce même désastre aux Canadiens.
Nous savons aussi que le actuel augmentera les impôts parce qu'il commence à manquer de fonds. Les déficits qu'il a enregistrés se creusent. Ils s'élèvent à 20 milliards de dollars cette année, au moment où il avait promis de renouer avec l'équilibre budgétaire. Il est bon de rappeler ses paroles célèbres, « le budget s'équilibrera tout seul ». Il n'y est certainement pas parvenu dans le délai qu'il a promis pendant sa dernière campagne électorale. La dette est toujours synonyme d'impôts plus élevés parce que les riches créanciers obligataires doivent être remboursés. Ils ne nous prêtent pas de l'argent par pure bonté d'âme. Ils s'attendent à ce que la somme qui leur sera remboursée par les Canadiens soit supérieure à celle qu'ils nous ont prêtée. C'est exactement ce qui se passera si le continue d'augmenter la dette à un rythme insoutenable.
Voilà où nous en sommes. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que nous n'avons pas encore fait banqueroute. La mauvaise nouvelle, c'est que c'est ce qui nous attend si le actuel est réélu.
Une famille qui commence à être à court d'argent, mais qui n'est pas encore sans le sou s'assoit à la table de la cuisine et discute de la situation. La décision responsable consiste à rectifier le tir, à revenir sur la bonne voie et à équilibrer le budget familial avant que l’huissier ne vienne cogner à la porte dans cinq ou six ans. On ne va pas en vacances sur une île exotique lointaine, on ne dépense pas davantage en se disant qu'on s'occupera de l’huissier lorsqu'il se présentera et qu'on traversera le pont une fois à la rivière. Non: on prend des décisions responsables dans le présent et on fait de modestes ajustements afin de se remettre sur pied et assurer sa viabilité financière future.
C'est exactement ce que les ménages canadiens espèrent de la part des politiciens. Ils s'attendent à ce que, tout comme eux, nous dépensions seulement l'argent que nous avons et que nous en laissions plus dans leurs poches. Comme ils doivent subvenir aux dépenses de leur ménage, les Canadiens connaissent les règles élémentaires selon lesquelles on ne peut pas régler ses dettes par des emprunts, que les budgets ne se rééquilibrent pas d'eux-mêmes et qu'on ne doit pas laisser les autres payer pour ses erreurs.
Voilà des leçons que le aurait intérêt à apprendre. Je doute qu'il le fasse, mais ce n'est pas grave. En octobre, les Canadiens auront un autre choix: le fils d'une famille de la classe ouvrière qui comprend les règles élémentaires de la vie, selon lesquelles il faut vivre selon ses moyens, laisser plus d'argent dans les poches des gens et leur donner la chance d'améliorer leur sort.