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Madame la Présidente, je tiens à remercier mes collègues de cet accueil enthousiaste, tant parce qu'il m'a remonté le moral que parce qu'il m'a aussi permis de terminer d'écrire mon discours. Je promets d'arrêter de tergiverser, mais pas tout de suite.
Aujourd'hui, je prends la parole au sujet d'une question très importante, à savoir, bien sûr, le budget de la dissimulation. Je vais résumer brièvement comment nous en sommes arrivés là, puis je vais discuter de l'orientation à prendre.
Commençons par ce qui s'est passé il y a un an aujourd'hui. Le a présenté un budget qui a modifié le Code criminel à l'aide d'un projet de loi omnibus de plus de 500 pages, mettant en oeuvre ce qu'on appelle des accords de suspension des poursuites. Ces accords permettent aux sociétés accusées de crimes graves de conclure un accord spécial pour éviter un procès et une condamnation.
Cette mesure n'a jamais été mentionnée dans le document budgétaire, mais on l'a glissée à la fin du projet de loi d'exécution du budget. Vers 22 heures, lors d'une réunion tardive, les membres du comité des finances, dont des libéraux, ont été étonnés de découvrir cette mesure dans le projet de loi, que le gouvernement se précipitait à faire adopter.
Un an plus tard, nous apprenons pourquoi le gouvernement était tellement déterminé à faire adopter cet accord spécial pour les criminels en cravate. C’est un article du Globe and Mail qui a révélé que le avait exercé des pressions inappropriées sur son ancienne pour que celle-ci offre un tel accord à SNC-Lavalin, une grande entreprise liée de près aux libéraux et ayant donné illégalement quelque 100 000 $ au Parti libéral. Cette entreprise est accusée de fraude et de corruption.
Elle est accusée d’avoir soudoyé les dirigeants de la Lybie afin de voler le peuple de ce pays. Un tel crime n’est pas sans victimes. Cette entreprise a offert une pléthore de cadeaux aux chefs de la famille Kadhafi. D’aucuns pourraient dire que c’est insignifiant et sans importance, mais il n’en demeure pas moins que, selon ces allégations, l’un des peuples les plus pauvres au monde a été escroqué de 130 millions de dollars. Ce ne sont pas des crimes sans victimes. Il ne faut pas dire que c'est tout simplement ainsi que les choses se font là-bas.
L' nous apprend plus tard dans son témoignage au comité de la justice que les allégations sont vraies. Elle affirme avoir subi constamment, pendant quatre mois, des formes d'ingérence et du harcèlement, de l'intimidation et des menaces voilées. En fin de compte, elle a été écartée de son poste parce qu’elle a refusé d’interrompre les poursuites au criminel et de laisser SNC échapper aux poursuites.
Bien des personnes l’ont accusée de mentir et ont déclaré qu’elle ne disait pas la vérité. Elles ont affirmé qu’elle ne faisait cela que pour rehausser sa notoriété ou par un étrange désir de vengeance. Par la suite, bien sûr, elle a présenté des preuves documentaires et des enregistrements audio établissant que tout ce qu’elle avait dit était vrai.
En dépit d’une masse impressionnante de chercheurs et de propagandistes, les représentants du gouvernement n’ont pas été en mesure de contredire un seul des faits qu’elle a présentés devant le comité ou qu’elle a relatés ailleurs.
Dans ce contexte, nous avons un gouvernement qui n’a rien présenté d’autre qu’un cortège de contradictions et de versions différentes des faits.
Au cours des trois dernières semaines, le a tué dans l’œuf deux enquêtes parlementaires sur cette situation et a refusé d’annoncer une enquête publique. Ce matin, le comité de la justice s’est réuni pour décider s’il allait poursuivre son enquête. Un coup d’œil rapide au site du comité de la justice laisse à penser que, sous la direction du premier ministre, le comité a décidé de ne pas aller de l’avant dans son enquête.
Que fait-on maintenant? Pour voir plus loin, nous devons regarder en arrière. C’est ainsi que tous les grands progrès ont été accomplis. Si l’on s'intéresse aux grands progrès dans l’histoire, on constate qu’ils ont été accomplis par des personnes qui comprenaient l’histoire.
Pensons par exemple au célèbre discours de Gettysburg d'Abraham Lincoln. Nous savons tous qu'il se termine comme suit: « [...] le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne disparaîtra jamais de la surface de la terre. » Ce n'est que la fin du discours. Le début porte sur l'histoire.
Il se lit ainsi:
Il y a 87 ans, nos pères donnèrent naissance sur ce continent à une nouvelle nation conçue dans la liberté et vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux. Nous sommes maintenant engagés dans une grande guerre civile, épreuve qui vérifiera si cette nation, ou toute autre nation ainsi conçue et vouée au même idéal, peut longtemps perdurer.
Dans son discours, Lincoln souligne que 87 années se sont écoulées. Il dit à ses compatriotes que, pour que son pays progresse dans la liberté — notamment grâce à la Proclamation d'émancipation —, il doit jeter un regard sur les événements survenus en 1776, maîtriser son histoire et respecter la parole de ses pères. Aujourd'hui, alors que nous discutons ici du principe ancien d'indépendance judiciaire, nous devons jeter un regard sur notre histoire afin de pouvoir comprendre l'origine de ces principes. Pour aller de l'avant, il faut être en mesure de se tourner vers le passé.
Winston Churchill le comprenait. C’est probablement l’homme d’État le plus perspicace de tous les temps. Son incroyable clairvoyance est sans pareille.
Nous connaissons tous cet exemple célèbre: au début des années 1930, il prédisait le fléau absolu que deviendrait Adolf Hitler, alors même que beaucoup d’autres le jugeaient inoffensif. Il réclamait une défense nationale solide pour se préparer à ce qu’il prévoyait des années à l’avance, à savoir la future agression d’un Hitler déterminé à dominer le monde. Comment faisait-il pour le prévoir? Il étudiait l’histoire et il la comprenait.
Nous savons tous qu’en 1946, au Collège Westminster de Fulton, dans le Missouri, il a prédit le début de la guerre froide. Il a parlé d’un rideau de fer qui s’abattrait sur l’Europe en 1946, bien avant que le reste du monde envisage même à un conflit avec Staline, qui avait été un soi-disant allié pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comment expliquer sa clairvoyance? Il était capable de regarder en arrière.
Il était capable de regarder en arrière parce qu’il était l’auteur de 58 volumes, presque tous sur l’histoire, qui lui ont valu le prix Nobel de littérature. À l’exception d’un ou deux volumes, dont il admettait qu’il s’agissait de tentatives de roman infructueuses, il écrivait presque exclusivement sur l’histoire. Lorsqu’il expliquait à de jeunes gens, lors d’une cérémonie de remise de diplômes, ce qu’ils devaient faire pour réussir dans la vie, il leur donnait trois conseils: étudier l’histoire, l’histoire et encore l’histoire.
Ses prédictions ne se limitaient pas à la sphère politique. Bien des gens ne savent pas que dans un article paru en 1931 dans le magazine Maclean's, il a prédit l’invention du iPad. Il y écrivait que dans les années futures, les hommes et les femmes pourraient tenir dans leurs mains un appareil. Il prédisait ensuite l’invention de Skype. Il déclarait, en effet, qu’on pourrait parler instantanément à quelqu’un qui se trouverait à l’autre bout du monde, aussi simplement qu’on se penche à la fenêtre pour parler à un voisin. Il expliquait que ces appareils seraient reliés à un appareil central chez soi, ce que nous appelons aujourd’hui des routeurs ou des modems. C’était en 1931. Il prédisait que l’humanité libérerait un jour la puissance extraordinaire de l’atome pour faire le bien ou le mal. Je rappelle que c'était plus de 10 ans avant Hiroshima et Nagasaki.
Il prédisait le conflit à venir entre les pays libres et les pays socialistes, ce qui s’est, évidemment, concrétisé dans la Deuxième Guerre mondiale, où nous avons combattu le national-socialisme en Allemagne et en Italie, ainsi que pendant la guerre froide, où nous avons combattu le socialisme marxiste. Cependant, il prédisait cela en 1931, des décennies avant que ces événements se produisent.
Que disait-il d’autre dans cet article? Il expliquait sa méthode pour voir l’avenir. Il offrait, en fait, un mode d'emploi façon d’IKEA pour les apprentis devins. Pour lui, il y avait deux façons de regarder l’avenir, et dans les deux cas, il fallait regarder en arrière. La première est la méthode cyclique, qui est utilisée quand nous voyons se dérouler dans le présent des événements qui ont existé dans le passé. Nous regardons à quoi ils ont abouti dans le passé et nous pouvons prévoir comment ils se termineront à l’avenir.
Une voix: Gomery.
L’hon. Pierre Poilievre: Quelqu’un a dit « Gomery », pour rappeler le scandale libéral des commandites. À juste titre, d’ailleurs, car l’histoire se répète à présent avec le scandale de SNC-Lavalin.
Il précisait, toutefois, qu’il existe une autre méthode pour voir l’avenir. C'est le modèle de la trajectoire. On l’utilise pour essayer de prévoir quelque chose qui n’a jamais existé auparavant. Je pense que c’est ainsi qu’il a pu prédire tous les progrès technologiques dont il parle dans cet article extraordinaire. Cette méthode consiste à déterminer où se trouvaient les choses et où elles sont, puis, en conséquence, à projeter où elles seront.
Ces deux méthodes, où l’on utilise une vision circulaire de l’histoire qui se répète ou une trajectoire pour déterminer où les choses étaient et où elles se trouvent afin d’imaginer où elles seront, consistent à regarder en arrière. C’est logique, étant donné ce que nous savons de la neurologie. Le cerveau humain nourrit son imagination à partir de souvenirs fragmentés du passé. Autrement dit, les choses que nous imaginons dans le futur sont les choses que nous avons emmagasinées dans notre mémoire du passé. Il a donc pu prendre ces 58 volumes qu’il avait écrits, les millions de mots qu’il avait lus et les innombrables événements historiques auxquels il avait pris part et projeter ces connaissances loin dans l’avenir, ce qui lui a permis de voir beaucoup plus loin que quiconque.
Je dis tout cela pour justifier l'utilité de plonger profondément dans notre propre histoire afin de juger de la façon dont nous pourrions procéder par rapport à la controverse actuelle. Certains députés pourraient être tentés d’invoquer le Règlement, tandis que je remonte aux origines de notre démocratie, pour mettre en question la pertinence de mes observations et demander à la présidence que je ne sois plus autorisé à parler de notre passé parce que le passé, d’après certains, n’a plus d’importance. Bien entendu, je faisais ces observations pour expliquer aux députés combien notre passé est important et combien il peut nous éclairer sur notre avenir.
C’est une leçon que l’actuel devrait retenir. Dans un discours à la Chambre, il y a quelque temps, à l’occasion d’un anniversaire important du Parlement du Canada, il a pratiquement omis toute l’histoire du système de Westminster pour parler du Parlement comme si la liberté et la démocratie avaient été inventées par son papa en 1982. Évidemment, nous savons que ce genre de raisonnement est dangereux. Nous nous tenons aujourd’hui sur les épaules de géants. Nous héritons en ces lieux de quelque chose d’extraordinaire que nous ont légué nos prédécesseurs.
Nous ne devons jamais oublier, surtout dans le débat sur l’ingérence d'acteurs politiques dans notre système judiciaire, que notre civilisation parlementaire a peut-être 800 ans, mais qu’elle ne dépend que d’une ou deux générations. Autrement dit, si une ou deux générations décident de renoncer à ses règles rigoureuses pour les remplacer par quelque invention moderne enracinée dans rien d’autre que le symbolisme, les égoportraits et les discours larmoyants, nous vivrons très certainement dans une maison posée sur du sable.
À propos de sable et de grès, j’en vois beaucoup autour de nous aujourd’hui. Nous nous trouvons dans la cour de l’ancien édifice de l’Ouest, édifice dont l’extérieur a toujours été revêtu de grès. Le grès a tendance à mieux résister aux assauts de notre rude climat canadien.
Cela dit, nous avions l’habitude de nous réunir dans l’édifice du Centre, dont l’intérieur est revêtu d’une autre pierre, le calcaire.
: Du calcaire du Manitoba.
: Du calcaire du Manitoba, crie quelqu’un d’en face très patriotiquement. Le député a raison d’être très fier de ce calcaire. Il fait littéralement partie du Canada. Il a été extrait du sol pour construire les institutions démocratiques dont nous jouissons aujourd’hui dans le régime parlementaire canadien.
En nous promenant dans le vieil édifice du Centre, nous verrions plusieurs autres matières. Nous avons sans doute vu, avant de déménager, les solides pupitres en chêne blanc.
Nous pourrions entrer dans la Bibliothèque pour voir le pin soigneusement sculpté et magnifiquement décoré, impeccablement poli, resplendissant devant les yeux de chaque visiteur émerveillé. Nous pourrions regarder le dôme doré et voir l’or se refléter. Nous pourrions regarder le sol et voir le bois de cerisier, de chêne et de noyer sur lequel nous marchons. Tous ces éléments sont splendides. Cependant, pour moi, ce qui compte le plus, c’est la pierre, le calcaire.
Le calcaire nous fait voyager dans le temps. Si nous allons dans le sous-sol de l’édifice du Centre, nous retournons des millions d’années en arrière. Dans ces pierres se trouvent des fragments d’animaux marins comprimés et empilés des millions de fois sous une pression inimaginable, presque infinie, pour créer cette pierre. Nous pouvons littéralement voir dans les murs des coquillages qui nous fixent. Ces coquillages ont probablement été coupés en deux par un tailleur de pierre au XIXe siècle ou, peut-être, au début du XXe siècle, quand le Parlement a été reconstruit après l’incendie qui l’a détruit pendant la Première Guerre mondiale. Quoi qu’il en soit, ces pierres recèlent l’histoire du temps, et cette histoire est constituée de deux parties.
La première partie est que le calcaire est solide et, à nos yeux, immobile, le parfait symbole de l’institution qu’il a servi à édifier, et il devrait en être ainsi. Par ailleurs, cette même pierre est la preuve que toute la nature — y compris les éléments géologiques, y compris les roches et les pierres que nous considérons comme indestructibles — est toujours en transformation. Il y a toujours le risque d’érosion, le risque qu’un objet d’aujourd’hui ait été différent il y a longtemps. Nous devons toujours nous efforcer chaque jour de préserver ce que nous avons, afin que cette pierre ne s’érode jamais, que ces pupitres en chêne ne soient jamais rongés par les termites et que les institutions que nous avons mis si longtemps à édifier ne se désintègrent pas morceau par morceau. Voilà pourquoi ce débat est si important.
La chute des grandes civilisations ne se produit pas d’un seul coup. On dit que Rome ne s’est pas bâtie en un jour, certes, mais elle n’est pas tombée en un seul jour non plus. Il s’est écoulé près d’un demi-millénaire entre le moment où Jules César a converti la République romaine en un empire et lui-même de consul à empereur, jusqu’à la défaite et à la chute de l’Empire romain. Une décision antérieure peut ronger petit à petit des institutions autrefois puissantes et apparemment indestructibles qui ont donné naissance à la nation au départ. Ainsi donc, il nous faut être vigilants et sur nos gardes chaque fois que les institutions sont menacées.
L’ancienne a dit que le du Canada a menacé nos institutions fondamentales. Dans son témoignage, elle a affirmé qu’il a tenté, personnellement et politiquement, de s’ingérer dans une poursuite criminelle. Notre histoire institutionnelle fait sciemment la distinction entre les tribunaux et le Parlement, et les juges et le premier ministre. Il est clair pour nous que, dès que les politiciens commencent à mettre le nez dans les affaires des tribunaux, on passe de la primauté du droit à la loi des dirigeants.
Cette histoire est gravée dans la pierre. J’ai ici un beau livre d’Eleanor Milne, que les règles parlementaires m’interdisent de montrer, intitulé Saisi dans la pierre: le passé du Canada en sculptures. En traversant l’édifice du Centre, nous pouvons voir gravées dans le mur de belles images narrant nos origines. On peut lire dans ce livre: « Mur est, premier ensemble », « Les premiers habitants du continent nord-américain » « Stèle centrale », « Dans les grottes des Poissons-bleus (nord du Yukon), les archéologues ont relevé des signes d’une utilisation d’outils en pierre dans un passé se situant entre 25 000 et 12 000 ans. » Des images gravées dans le mur dépeignent la vie d’Inuits s’adonnant à la chasse traditionnelle.
Plus loin, on peut voir des Autochtones qui accueillent les Vikings au cours des années 900 et 1000. Sur la pierre centrale, John Cabot tend un parchemin roulé de la main gauche et tient le gouvernail de la main droite. Ailleurs sur la pierre centrale, les premiers navires marchands naviguent sur le Saint-Laurent, et Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec, rencontre un guide autochtone disposé à le guider dans l’arrière-pays.
Plus loin encore, on peut voir sur le panneau gauche, les premières colonies de 1763, et, sur la pierre centrale, une famille de colons européens établissant leur domicile. On peut admirer aussi, gravée sur le mur, l’image du grand cartographe David Thompson, communiquant avec des Autochtones.
Enfin, dans l’image du troisième ensemble sur le mur nord, on peut lire la phrase « Le long cheminement vers la liberté et la justice » qui y est gravée. Tous les Canadiens qui n’ont pas vu ces oeuvres d'art devraient s’empresser d’aller les admirer après la réouverture de l’édifice du Centre.
Je cite, de ce beau livre: « Une puissante figure brise des chaînes, libérant des colombes. En termes symboliques, cette image affirme que ceux qui viendront en ce pays pour y recommencer leur vie doivent laisser derrière eux tout sentiment d’amertume et tout préjugé. »
Pourquoi tant de personnes viennent-elles sur cette terre et pourquoi remportent-elles autant de succès une fois qu’elles y sont? Pourquoi tant de personnes du monde entier vivent-elles dans des conditions sordides ailleurs mais, quand elles viennent ici, elles connaissent la prospérité? On ne pourrait dire que c’est attribuable à un trait unique par rapport à notre espèce. Rien ne nous distingue du reste du monde. En fait, nous sommes, littéralement, un peuple du monde.
Grâce à notre longue tradition d’immigration soutenue et réussie, nous sommes un reflet du monde. La longue histoire qui nous amène jusqu'à aujourd'hui explique pourquoi tant de gens de nombreuses contrées lointaines viennent ici, et pourquoi ils réussissent si bien au Canada alors leur vie était bien plus difficile ailleurs.
En quoi la vie ici est-elle si différente de là-bas? Y a-t-il quelque chose de spécial dans l’eau? Dans l’air? À quoi devons-nous, en tant que nation, notre prospérité, alors que tant d’autres peuples souffrent?
Je me tourne vers le grand Wilfrid Laurier pour avoir la réponse. Un jour, on lui a demandé de définir la nationalité canadienne. Même à cette époque, la tâche semblait impossible. S'il avait été en France, il aurait dit que nous sommes Français. S'il avait été en Angleterre, il aurait dit que nous sommes Anglais. S'il avait été en Écosse, il aurait dit que nous sommes Écossais. Bien sûr, au Canada à son époque, soit au début du XXe siècle, nous comptions des représentants de toutes ces nationalités et bien plus encore. Sir Wilfrid Laurier ne pouvait définir les Canadiens par ethnicité, langue ou religion. De fait, bien qu'il soit lui-même catholique et francophone, il lisait la Bible autorisée et, par conséquent, il ne pouvait à proprement parler établir son identité en fonction de la religion. Comment donc définissait-il la nationalité canadienne? Il l’a fait en ces simples termes: « Le Canada est libre, et la liberté est sa nationalité. »
Cependant, d’où vient cette liberté? Voilà la question suivante à laquelle il devait répondre. Fier Canadien-français, il fréquentait très aisément des gens d’autres origines. Selon ses propos, qui sont devenus célèbres, concernant ses années d’école, il se bagarrait avec les garçons écossais et faisait la cour aux filles écossaises. Autrement dit, il a grandi avec des enfants écossais, même s’il était foncièrement Canadien-français.
Le fait d'associer l'identité canadienne à la liberté était, en réalité, d'inspiration britannique, bien qu’il ait été d'origine française. Il a dit des Canadiens-français, ce que je n’oublierai jamais, que si la France nous a donné la vie, c'est la Grande-Bretagne qui nous a donné la liberté.
Je dis cela, pour expliquer que tous ceux qui vivent au Canada, et pas seulement ceux qui sont d’origine britannique, ont hérité de la démocratie parlementaire britannique, de la Chambre des communes, de la common law et de tant d’autres principes de tradition britannique. Bref, nous en avons tous hérité. Je ne suis pas d'origine anglaise mais, à l'instar de sir Wilfrid Laurier, j'affirme avoir hérité de cette tradition anglaise de liberté.
Que sont ces libertés anglaises et d'où proviennent-elles? Elles ont vu le jour en même temps que la création de la Grande Charte. En mai 1215, des barons en colère se sont rassemblés dans les champs de Runnymede. Ils se faisaient lourdement imposer pour financer les croisades et le pillage au service du roi qui duraient depuis des années. Ils en avaient assez de subir la tyrannie de la monarchie et ils étaient résolus à la combattre. Ils ont alors obligé le roi Jean à signer la Grande Charte contre son gré.
Si l'on examine les quelque 60 articles de la Grande Charte, on peut les trouver mystérieux. On y parle de l'écuage, de la pêche à fascines et d'autres pratiques obscures qui ne semblent pas très pertinentes à l'heure actuelle. Toutefois, il y a de nombreux autres éléments qui le sont.
J'aimerais citer quelques extraits de cet important document.
Aucun homme libre ne sera arrêté, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou lésé de quelque manière que ce soit, pas plus que nous n'emploierons la force contre lui, ou enverrons d'autres pour le faire, sans un jugement légal de ses pairs ou selon les lois du pays.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'il n'y a aucune arrestation sans accusation et aucune condamnation sans procès. Ce principe s'applique aujourd'hui, n'est-ce pas? Passons à un autre extrait:
[Il devra le faire] sans dommage ou abus des hommes et des biens. Et si nous avons donné la garde de ces terres à un shérif ou à quelque personne qui doit nous en rendre compte, et qu'il y fasse quelque dommage ou abus, nous promettons de l'obliger à réparer [...]
Ce passage contient de nombreux éléments importants, notamment celui-ci: « Et si nous avons donné la garde de ces terres à un shérif. » Autrement dit, seule une autorité civile ayant reçu un mandat démocratique doit avoir le droit d'arrêter des gens ou de causer des dommages à des biens. En outre, si un dommage ou une arrestation n'est pas justifié, il doit y avoir réparation.
Aucun homme libre ne sera arrêté, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou lésé de quelque manière que ce soit, pas plus que nous n'emploierons la force contre lui, ou enverrons d'autres pour le faire, sans un jugement légal de ses pairs ou selon les lois du pays.
Il est question ici bien sûr d'arrestation, mais aussi, de droits de propriété. Encore aujourd'hui, on dit clairement que la Couronne ne peut déposséder une personne de ses biens sans indemnisation sans un jugement légal de ses pairs ou des lois pertinentes. Autrement dit, l'expropriation arbitraire est interdite.
Voici une autre notion extraordinaire que l'on retrouve dans cet énoncé: « sans un jugement légal de ses pairs ». Autrement dit, les procès devant jury tirent leur origine de ce texte sacré. Qu'on ne me dise pas que ces vieux parchemins sont des reliques du passé à oublier et que le Canada a été créé en 1982. Il s'agit de droits anglais anciens dont nous avons hérité et personne ne peut nous les enlever.
Voici un autre passage qui s'applique tout particulièrement à notre débat. J'espère que le écoute:
À personne nous ne vendrons, refuserons ou retarderons les droits à la justice.
Prenons la première partie de cette phrase, « À personne nous ne vendrons ». Peu importe combien de milliards SNC-Lavalin a dans ses coffres, combien de lobbyistes l'entreprise peut dépêcher sur la Colline du Parlement, combien de dons illicites elle peut faire à des partis politiques et combien d'éventuelles offres d'emploi elle peut faire miroiter. L'entreprise a beau faire étalage de ses moyens financiers, nous ne lui vendrons pas la justice. La justice n'est pas à vendre.
On peut lire ceci plus loin dans le document:
Si quelqu'un, sans un jugement légal de ses pairs, a été dépossédé ou privé par nous, de ses terres, de ses châteaux, de ses libertés ou de ses droits, tout lui sera immédiatement restitué.
En d'autres mots, la Couronne doit dédommager un propriétaire pour tout bien qu'elle lui enlève.
En outre, toutes les coutumes susdites et les libertés que nous avons accordées pour être observées dans notre royaume, en ce qui concerne nos relations envers nos tenanciers, seront observées par tous ceux de notre royaume, tant les clercs que les laïcs, en ce qui concerne leurs relations envers leurs tenanciers.
Autrement dit, tout le monde doit respecter la loi, qu'il s'agisse d'un clerc, d'un laïc, de la Couronne ou d'un sujet.
J'aimerais évidemment attirer l'attention des députés sur le point le plus important de tous:
Nous avons aussi accordé à tous les hommes libres de notre royaume, pour nous et pour nos héritiers, à perpétuité, toutes ces libertés énoncées ci-dessous pour qu'ils les aient et les tiennent, eux et leurs héritiers, de nous et de nos héritiers.
Nous sommes les héritiers dont il est question. Nous avons hérité de ces libertés. Il s'agit de nos libertés. Elles nous appartiennent. Les Canadiens, c'est-à-dire les gens ordinaires, nous ont élus à la Chambre pour protéger ces libertés.
De sorte que l'on comprend bien la colère des Canadiens face à ce scandale qui secoue le gouvernement, même si cette colère a surpris beaucoup d’observateurs politiques, qui se demandent pourquoi les Canadiens sont à ce point furieux. Tout le débat tourne autour de messages textes, de courriels, de ce qu’une telle ou un tel a dit, et de l’indépendance de la division responsable des poursuites. C’est une question qui revient souvent à la pause-café, sur les lieux de travail.
Pourquoi les Canadiens réagissent-ils autant à ce scandale en particulier? C’est parce qu’il est relativement simple, en fait. Ce qui est en cause, c’est une règle que nous connaissons tous depuis notre plus tendre enfance: nous sommes tous égaux devant la loi. C’est un principe qui remonte plus ou moins directement à la Magna Carta. Le jour où le roi Jean a signé ce parchemin, il a reconnu, pour la première fois de toute l’histoire de notre système politique, que lui, le roi, n’était pas au-dessus de la loi. C’est à partir de ce moment-là que la Couronne a été assujettie à la loi et que personne, même le roi, n’était au-dessus.
Tout le monde sait que nous sommes tous égaux devant la loi, et que si un sans-abri est accusé d’avoir volé une miche de pain, il ne peut pas aller frapper à la porte du pour lui demander de faire en sorte que le procureur ne soit pas trop sévère avec lui. Il doit subir un procès, devant un juge ou devant un jury, et un verdict doit être rendu en fonction des faits, des précédents et de la loi. Si c’est la procédure qui doit s’appliquer à un sans-abri qui a volé une miche de pain, elle doit, a fortiori, s’appliquer aussi à une grande entreprise internationale qui est accusée de corruption.
Les gens savent que l’argent a déjà trop de pouvoir dans la plupart des démocraties occidentales. Il ne faut pas qu’il en ait sur le système judiciaire. Nous ne voulons pas d’une justice à deux vitesses, l’une pour le peuple, et l’autre pour les puissants. Nous ne voulons pas que la justice puisse s’achèter. Nous ne voulons pas que les politiciens puissent dire aux juges ou aux procureurs ce qu’ils doivent faire. C’est un principe fondamental établi depuis longtemps.
Dans l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, on ne retrouve pas les formulations exaltées de la Déclaration d’indépendance ou même de la Constitution des États-Unis. Il n’y avait pas de Thomas Jefferson parmi ceux qui l’ont rédigé avec une plume et des mots que nous aimons tous répéter. Il y est tout simplement question de « Paix, ordre et bon gouvernement ». Pourquoi? Tout simplement parce que les Pères de la Confédération n’ont pas jugé bon, à l’époque, de faire la liste de toutes nos libertés car ils supposaient que nous hériterions de toutes celles qui avaient été consacrées par le modèle des Parlements et par la Magna Carta.
C’est une bonne chose que nous les ayons entérinées dans la Charte des droits et libertés, mais cette charte n’était qu’un prolongement d’une tradition vieille de sept siècles et demi. C’était aussi le prolongement de la Déclaration canadienne des droits qui avait été présentée au Parlement par John Diefenbaker, mais c’était surtout un prolongement de ce qui avait commencé dans le pré de Runnymede, il y a bien longtemps.
Nous sommes un pays d’évolution, pas de révolution. Tandis que nos amis du Sud ont répandu beaucoup de sang pour réaliser leur indépendance, nous, nous avons presque attendu d’être poussés dehors par la mère patrie pour créer notre pays. Certes, au début des années 1930, le Statut de Westminster nous a accordé une indépendance judiciaire totale, mais pendant les décennies qui ont suivi, nous avons continué de considérer le Conseil privé britannique comme notre Cour suprême. Autrement dit, les Britanniques offraient au Canada une plus grande indépendance que celui-ci n’était prêt à en accepter.
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Madame la Présidente, le recours au Règlement soulevé par le député de la Saskatchewan illustre l'essentiel de mon propos, c'est-à-dire que nous sommes la chambre des gens ordinaires. Nous parlons en leur nom. Les premiers députés se rencontraient dans les champs. C'est pourquoi cette enceinte arbore le vert. Aussi, la Chambre ne devrait jamais oublier la situation des agriculteurs, surtout pas maintenant, car les producteurs de canola sont la cible d'une attaque sans précédent au moyen d'un régime tarifaire étranger. Il faut se rappeler que des milliers d'agriculteurs génèrent des richesses à hauteur de milliards de dollars qui servent à financer les écoles et les hôpitaux et qui font vivre les gens qui y travaillent.
Lorsqu'un député de la Saskatchewan prend la parole à la Chambre des communes, je me rappelle la raison d'être du Parlement, qui existe précisément pour que de telles doléances puissent être exprimées. Je remercie le député de son recours au Règlement et je ne lui en veux pas du tout de son interruption.
Pour en revenir à mon discours, après avoir situé les fondements historiques de notre système, de la prospérité dont nous jouissons et du magnifique pays où nous avons la chance de vivre, je me permets de présenter la controverse actuelle dans ce contexte.
Le est visé par de graves allégations. Il est en effet soupçonné d'avoir voulu politiser un procès criminel, et pas n'importe lequel, puisqu'on parle ici d'allégations de fraude et de corruption soutenues par les forces policières et dépassant les 130 millions de dollars. La police est en effet convaincue que SNC-Lavalin a versé des millions de dollars en pots-de-vin à la famille Kadhafi et volé des centaines de millions au peuple libyen.
Si on résume, SNC-Lavalin est accusée d'avoir créé une société fictive lui permettant de couvrir les Kadhafi de cadeaux, comme des yachts ou des prostituées, et d'ainsi obtenir des contrats qui lui auraient échappé autrement. On estime en outre qu'elle aurait fraudé divers organismes publics pour environ 130 millions de dollars. Je répète qu'il ne s'agit pas d'un crime sans victime.
Les gens ont été nombreux à dire que nous ne devrions pas nous en formaliser, que c'est ainsi que les choses fonctionnent là-bas. Personnellement, je trouve extrêmement odieux et raciste qu'on puisse trouver acceptable qu'une société s'enrichisse en volant les pauvres de ce monde — et je dis bien « voler » et non « faire des affaires avec », car c'est de ça qu'il s'agit. C'est scandaleux.
Très souvent, les habitants de ces pays vivent dans la misère la plus abjecte. Comment est-ce possible, quand ils ont autant de talent que nous et qu'ils suivent la même éthique de travail? Ils sont pauvres parce que leurs dirigeants sont corrompus. C'est une corruption parasitaire qui draine chaque jour les richesses de leur pays, qui enlève le pain de la bouche des travailleurs et le remet entre les mains de puissants qui n'hésitent pas à fouler aux pieds les droits de leur prochain.
Le Canada a signé différentes conventions internationales afin que les sociétés d'ici ne trempent jamais dans ce type de corruption. Voici ce qui rend ces conventions aussi importantes: pendant très longtemps, les entreprises ont cru qu'elles pouvaient piller les pays comme la Libye et prendre la poudre d'escampette avant que les autorités locales — quand elles étaient honnêtes — ne puissent les traîner en justice. Elles revenaient alors dans leurs riches contrées occidentales, où elles menaient la vie des gens riches et célèbres et jouissaient impunément des fruits de leurs crimes.
Nous avons signé des conventions internationales interdisant aux entreprises d'agir ainsi et faisant en sorte que les transgresseurs soient poursuivis en justice dans leur propre pays. Le siège social de SNC se trouver au Canada, alors cette poursuite doit s'effectuer ici.
Lorsque l'OCDE a appris que le avait tenté de faire de l'ingérence politique auprès de la procureure générale pour que la poursuite criminelle soit abandonnée, ses hauts dirigeants ont publié une déclaration pour exprimer leurs réserves, une démarche pratiquement sans précédent. L'OCDE sait que si les États membres commencent à soustraire leurs sociétés à la justice dans des cas de corruption, nous reviendrons à l'époque où l'on jugeait acceptable, à tort, qu'une entreprise vole les pauvres. Le seul moyen de mettre fin à cette pratique abominable est de voir à ce que ce genre de crime fasse l'objet de poursuites indépendantes dans tous les pays membres de l'OCDE.
Il est vrai que certains autres pays dans le monde ont des accords de suspension des poursuites, comme celui que le gouvernement a instauré dans un projet de loi d'exécution du budget. Toutefois, ces accords doivent être négociés et, éventuellement, conclus par des procureurs indépendants puis entérinés par un juge, et non ordonnés par une autorité politique. Autrement dit, il incombe à la directrice des poursuites pénales, une procureure indépendante dont le poste a été créé par Stephen Harper par l'entremise de la Loi fédérale sur la responsabilité, d'examiner les règles régissant la suspension des poursuites dans le Code criminel et de déterminer si une société est admissible.
Selon quels critères devrait-on déterminer l'admissibilité? Premièrement, s'agit-il d'une infraction grave? Réfléchissons-y. Est-ce une infraction grave ou un incident mineur? Comme je l'ai déjà dit, les accusations portent sur une fraude alléguée de plus de 130 millions de dollars. Voilà qui est grave. En d'autres mots, l'entreprise n'est pas admissible à un accord de suspension des poursuites parce qu'on ne peut pas dire que l'infraction est mineure. Elle est grave.
Deuxièmement, s'agit-il d'un incident isolé? Rappelons les antécédents de SNC-Lavalin. L'entreprise a été impliquée dans une affaire de corruption pour décrocher le contrat du pont Jacques-Cartier à Montréal, et certains de ses employés ont été reconnus coupables. Son PDG a été reconnu coupable de corruption dans le dossier du Centre universitaire de santé McGill. Cette entreprise a aidé des membres de la famille Kadhafi à sortir clandestinement du Mexique pour échapper à la justice. Des représentants de cette entreprise ont été accusés à des endroits aussi différents que le Panama, la Suisse, la Libye, le Mexique et, maintenant, le Canada.
Je n'ai donné ici qu'une liste des accusations. Il y a eu des condamnations et de nombreux plaidoyers de culpabilité de la part de représentants de l'entreprise, jusqu'au sommet de la hiérarchie. L'ancien PDG Pierre Duhaime a en fait plaidé coupable à des accusations de fraude.
L'entreprise a même établi un système de pots-de-vin en vue de remettre 100 000 $ en dons illégaux au Parti libéral. Le commissaire aux élections fédérales, dans un élan extraordinaire de clémence, a permis à l'entreprise d'éviter les poursuites en concluant ce qu'on appelle une transaction. Selon cette entente, l'entreprise admet que les cadres ont exhorté les employés à créer de fausses dépenses et factures et qu'ils ont donné des primes bidon à ces mêmes employés pour ensuite leur demander...
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Madame la Présidente, juste comme je soulignais que le Parti libéral avait reçu des dons illégaux de SNC-Lavalin, une flopée de députés s'est précipitée à la Chambre. Le mot « dons » les a remplis d'enthousiasme, et la Chambre, qui était presque vide, s'est soudainement remplie à craquer. Je suis désolé d'avoir fait miroiter ce trésor devant mes amis libéraux. Ils peuvent résister à tout, sauf à la tentation.
La semaine dernière, alors que le était à une fastueuse activité de financement des libéraux, des protestataires des Premières Nations ont exprimé leurs inquiétudes à propos de l'empoisonnement au mercure. Il a réagi avec sarcasme à leur intervention, et les services de sécurité n'y sont pas allés de main morte pour les expulser. Le premier ministre les a toutefois gentiment remerciés de leurs dons pendant qu'ils étaient escortés à l'extérieur sous les rires du gratin et des donateurs libéraux qui avaient payé 1 500 $ pour participer à l'événement.
Je me suis toutefois écarté du sujet. Retournons maintenant à nos moutons. Le cas de fraude présumée de SNC en Libye était-il un incident isolé? Non, il ne l'était pas. Il faisait partie d'une longue tradition de corruption prouvée qui a été confirmée par des juges et qui a entraîné une série de condamnations qui remontent jusqu'à 20 ans et dont la plus récente a été prononcée il y a un an et demi.
Il s'agit d'une entreprise qui a mis au point un système de codification qui tenait compte des pots-de-vin. Elle a créé son propre code comptable afin de pouvoir soudoyer des fonctionnaires et inclure les dépenses dans ses livres sans que les autorités fiscales ou toute autre personne s'en aperçoivent. Pour ce faire, c'est-à-dire pour avoir un système de codification spécial, une entreprise doit être axée systématiquement sur l'objectif de soudoyer et de frauder des gens. Autrement dit, ce n'est pas une question de laisser quelques pommes pourries qui ont commis des actes inappropriés en Libye porter le blâme pour la situation et de permettre à l'entreprise de tourner la page. La question en cause est la corruption systématique qui gangrène le coeur de l'entreprise et qui y est prévalente depuis de nombreuses années. Autrement dit, l'argument que l'entreprise est admissible à un accord de suspension des poursuites parce qu'il s'agit d'un incident isolé ne tient pas la route. Au contraire, c'est ainsi qu'elle semble fonctionner.
La directrice des poursuites pénales a soigneusement analysé les faits présentés par l'entreprise et a déterminé, à partir de ces faits, que l'accord de suspension des poursuites prévu par la loi était inapproprié dans cette affaire. On pourrait penser que l'histoire finit là.
Toutefois, on se tromperait. Pour le , c'était le début de l'histoire. Une histoire très choquante et sordide qui a éclaté au grand jour au cours des deux derniers mois. À ce moment-là, le 4 septembre 2018, la directrice des poursuites pénales conclut à juste titre que SNC-Lavalin devrait être poursuivie en justice et subir les conséquences pour les 130 millions de dollars qu'elle aurait versés en pots-de-vin. Elle le dit d'ailleurs dans une lettre aux dirigeants, une lettre que l'entreprise gardera sous silence pendant plus d'un mois, au cours duquel ses actionnaires n'ont rien su. On dirait que beaucoup de choses ont changé là-bas.
Cependant, l'entreprise n'a pas accepté de se faire dire non. Des lobbyistes se sont précipités sur la Colline du Parlement. Le registre des lobbyistes montre qu'il y a eu des rencontres entre des représentants de SNC et des membres très influents du Cabinet du premier ministre et du bureau du . En fait, le lui-même a rencontré les représentants de l'entreprise environ 10 jours après que la directrice des poursuites pénales eut rendu sa décision qu'un procès aurait lieu.
À la suite de ces efforts de lobbying particulièrement intenses et des 10 jours qui ont suivi la décision de la directrice des poursuites pénales, les pressions politiques envers l' ont commencé à monter. Celle-ci a fait l'objet de menaces voilées, de harcèlement, de pressions et d'ingérence — et ce sont ses propres mots. Lors d'une réunion avec le le 18 septembre, ce dernier a tenté de lui forcer la main pour qu'elle accorde à SNC-Lavalin une entente de suspension des poursuites et qu'elle abandonne les accusations. Elle a rapporté qu'elle l'a regardé droit dans les yeux et lui a demandé s'il tentait d'empiéter sur ses responsabilités de procureure générale, précisant que si c'était le cas, elle lui recommandait fortement de s'en abstenir.
Le premier ministre a par la suite affirmé qu'elle ne s'est jamais dite préoccupée par son ingérence politique personnelle. Voyons donc! En effet, cette réunion n'était qu'un début. Le bureau de l'ancienne procureure générale a ensuite été soumis à un flot continu de pressions.
Le chef de cabinet du communiquait au moyen de courriels et de textos. D'autres proches collaborateurs du , notamment son conseiller principal, son secrétaire principal et sa chef de cabinet, se rendaient rencontrer en personne des membres haut placés du personnel de l' afin de tenter sans relâche de les convaincre. Ils leur ont dit des choses comme « nous ne voulons plus entendre parler des aspects juridiques » et « il n’y a pas de solution ici qui n’implique pas une certaine ingérence ». Je ne paraphrase pas; c'est ce qu'ils ont dit. C'est dans les notes. Ces communications se sont faites par textos avec l'ancienne procureure générale et elles ont depuis été remises au comité de la justice, et tout le monde peut maintenant les lire.
Puis, il y a eu cet incroyable entretien téléphonique entre l' et le greffier du Conseil privé lors duquel le greffier a indiqué qu'il voulait parler du dossier SNC-Lavalin. La conversation a duré 17 minutes pendant lesquelles le greffier du Conseil privé a tenté plus d'une douzaine de fois de faire changer d'avis l'ancienne procureure générale. Il a employé des termes comme « ferme » et « décidé » pour parler du premier ministre. Le greffier du Conseil privé a mentionné que c'était l'état d'esprit dans lequel se trouvait le . Il a dit que le premier ministre voudrait « parvenir à ses fins d'une façon ou d'une autre ».
La seule manière d'y arriver, la seule façon d'imposer la conclusion d'un tel accord à la directrice des poursuites pénales, c'était d'écarter la procureure générale de son poste. Le greffier s'est alors montré plus menaçant en disant qu'il était inquiet, après quoi lui a demandé: « À propos de quoi? » Il lui a répondu que ce n’était pas une bonne chose que le premier ministre et sa procureure générale soient à couteaux tirés. Il l'a prévenue qu'il y aurait un « conflit » entre elle, la procureure générale, et son patron, le premier ministre.
Si quelqu'un nous avertit que nous sommes sur le point d'entrer en conflit avec notre patron si nous ne faisons pas ce qu'il nous dit, qu'est-ce que cela veut dire? Comment interpréter cet avertissement si, à peine quelques semaines plus tard, ce même patron nous démet de nos fonctions? Est-ce que nous nous dirons qu'il n'y a aucun rapport entre le conflit et le congédiement? Ne ferons-nous pas plutôt comme et la plupart des Canadiens, qui ont conclu que le l'a délogée de son poste parce qu'elle a refusé de suivre ses ordres et de mettre fin à la procédure contre SNC-Lavalin?
Fait intéressant, n'a jamais changé sa version des faits. Elle a présenté un témoignage détaillé devant un comité. Elle a dû faire face à un interrogatoire robuste de la part des membres libéraux du comité. Un groupe de personnes déterminées qui appuient le ont tenté de la discréditer dans les médias. Ils ont essayé de trouver des lacunes dans son témoignage, mais en vain.
Ce qu'elle a fait vendredi est sans précédent. Elle a publié plus de 40 pages de messages textes, de notes personnelles, de passages de son agenda et, bien sûr, d'enregistrements audio. Comment les libéraux ont-ils répondu? Ils ont dit qu'il n'y avait là rien de neuf, et ils ont raison. Il n'y avait rien à redire. Pourquoi? Parce que sa version des faits n'a pas changé. Cette documentation corrobore tout ce qu'elle a avancé. Les libéraux n'ont pas trouvé un seul élément contradictoire.
Lorsque vient le temps de déterminer la crédibilité de deux personnes qui n'ont pas le même point de vue, la magistrature et les enquêteurs des services policiers cherchent toujours la personne qui ne change pas sa version des faits. En l'occurrence, cette personne, c'est . En revanche, le change de version plus souvent que de couleur de chaussettes. Il a toujours une nouvelle histoire à raconter.
J'aimerais souligner une contradiction dans cette affaire. Le a dit que si quelqu'un, y compris l'ancienne procureure générale, n'était pas d'accord concernant quelque chose qu'il avait vécu au sein du gouvernement ou s'il avait l'impression que le gouvernement ne respectait pas les normes élevées qu'il s'était fixées, c'était la responsabilité de cette personne de manifester ses préoccupations, mais que personne ne l'avait fait.
Nous avons toutefois obtenu l'incroyable enregistrement qui a été réalisé deux mois avant que le n'affirme que personne ne s'était manifesté. Dans cet enregistrement, dit ceci au greffier du premier ministre:
Nous nous aventurons sur un terrain glissant, ici... Et je vais me faire claire encore une fois: je me dois d’être impartiale et indépendante, sans motivation partisane ou politique, et il en va de même pour la DPP. Ce ne serait manifestement pas le cas ici.
Voilà ce que vaut l'affirmation du premier ministre selon laquelle personne n'a manifesté ses préoccupations.
Il s'agit là de l'une des sept fois qu'elle a fait une observation semblable pendant la conversation de 17 minutes. Elle a dit que c'était « inapproprié », qu'elle était « mal à l'aise », qu'elle s'attendait à ce que « le couperet tombe » et que cela lui rappelait le « massacre du samedi soir », une allusion au soir où Richard Nixon a congédié les hauts fonctionnaires du département américain de la Justice pour dissimuler l'affaire Watergate. Néanmoins, nous sommes censés croire que personne n'a soulevé de préoccupations.
Depuis, le soutient que la conversation a eu lieu, mais que personne ne lui en a parlé. Il dit qu'il est parti en vacances directement après l'appel et que personne n'a eu l'occasion de lui en parler puisqu'il était parti. Le seul hic dans cette histoire est qu'il n'est pas parti en vacances immédiatement après l'appel. Après la sortie de cette histoire, quelques journalistes intrépides ont consulté le calendrier public du premier ministre. Ils ont trouvé qu'il est seulement parti en vacances deux jours plus tard. Deux jours, c'est assez long. C'est très facile de faire le compte rendu d'une conversation de dix-sept minutes au cours d'une période de deux heures.
Cependant, le veut nous faire croire qu'il n'a pas pu être mis au courant, car il était occupé à faire ses bagages pour partir en vacances. Il devait mettre beaucoup de paires de bas dans ses valises pour bien préparer ses vacances. Pendant deux jours, il s'est terré dans sa garde-robe, chez lui, dans son manoir qui appartient au gouvernement, pour préparer les vacances épuisantes qui l'attendaient. Il faisait ses valises avant d'aller surfer à Tofino, et il ne fallait surtout pas le distraire avec un appel téléphonique embêtant de son plus haut fonctionnaire au sujet d'une question qui avait été pour lui d'une importance primordiale à peine quelques heures avant l'appel en question.
Par surcroît, il y a le témoignage du greffier qui a dit, alors qu'il réprimandait l' pour ne pas avoir communiqué personnellement avec le , que ce dernier était disponible en tout temps. Si c'était effectivement le cas, comment se fait-il que le greffier du Conseil privé n'ait pas eu l'occasion, entre le 19 décembre et le 15 février, pendant une période de deux mois, de parler au de la conversation téléphonique explosive qu'il avait eue avec l' sur cette question d'une extrême importance?
Voilà un premier élément qui contredit cet argument. Évidemment, l'autre élément qui l'invalide tient au fait que l' a rencontré le le 18 septembre et lui a fait part de ses préoccupations en le regardant droit dans les yeux. Nous avons maintenant un exemple documenté qui prouve qu'elle en a directement informé le premier ministre. De plus, l'enregistrement de la conversation avec le greffier du Conseil privé constitue une deuxième preuve attestant du fait qu'elle en a parlé. Puis, il y a eu la rencontre houleuse entre l' et le secrétaire principal du , Gerald Butts, celui qui tirait les ficelles au Cabinet du premier ministre. Lors de cet entretien, l'ancienne ministre s'est dite préoccupée par l'ingérence inappropriée du Cabinet du premier ministre dans ce dossier. Or, le semble s'attendre à ce que nous croyions qu'il n'était absolument pas au courant des préoccupations de l'ancienne procureure ou de sa décision de ne pas souscrire à l'idée d'un accord spécial pour cette société.
C'est tout simplement incroyable, mais si c'est réellement la position du et s'il croit qu'il peut vraiment la défendre, il peut alors accepter ce que nous demandons aujourd'hui, soit de rouvrir l'enquête au comité de la justice et de convoquer environ une dizaine de témoins, notamment les personnes accusées d'ingérence dans les poursuites criminelles contre SNC-Lavalin. Si les libéraux et le premier ministre n'ont rien à cacher, ce dernier permettra que toutes les personnes mises en cause témoignent sous serment, sans restriction, et répondent à des questions. Si le premier ministre se présente à la Chambre et accepte cette proposition, je mettrai un terme à mon intervention immédiatement.
Sérieusement, si le prenait la parole et s'engageait à faire reprendre l'enquête du comité de la justice, je m'engage à reprendre mon siège et à laisser d'autres personnes participer au débat. Les Canadiens pourraient ainsi connaître la vérité. Pourquoi ne le ferait-il pas s'il n'a rien à cacher? Quel mal y aurait-il à ce qu'on réponde à des questions?
Il dit qu'on n'apprendrait rien de plus, que nous savons déjà tout ce qu'il y a à savoir. Très bien, la démarche serait simplement faite en double. J'imagine que ce serait une première dans l'histoire du Parlement qu'une chose soit faite en double ou que des personnes se répètent. Je pense l'avoir fait à quelques reprises dans mon allocution, mais personne ne s'en est aperçu.
Non mais, sincèrement, si le n'a rien à cacher, quel mal y aurait-il à convoquer différentes personnes devant le comité, à leur poser des questions sur leur rôle dans le scandale et à présenter les réponses dans un rapport du comité avant les élections? Si le n'a véritablement rien à cacher, c'est exactement ce qu'il va faire.
En plus de couper court aux enquêtes du comité de la justice et du comité de l'éthique sur ce scandale, il semblerait que le ait décidé de se dérober à la période des questions d'aujourd'hui. Je n'ai pas encore pu le confirmer de manière indépendante, mais, d'après un mot qu'on vient de me remettre, l'itinéraire du qui vient d'être publié indique qu'il en sera absent pour une deuxième fois de suite.
Évidemment, le Parlement ne siégeait pas la semaine dernière, de sorte qu'il a pu éviter la période des questions. Hier, il était absent et aujourd'hui, on nous dit qu'à 14 heures, à l'heure où le gouvernement doit répondre de sa conduite dans ce scandale, il se cachera de nouveau derrière ses ministres et refusera de comparaître et de se défendre lui-même. Cela en dit long sur sa culpabilité. Il sait que son histoire est bourrée de contradictions et ne veut pas qu'elle fasse l'objet d'interpellations à la Chambre des communes du Canada.
Passons maintenant au chapitre suivant de l'histoire du .
Il a prétendu que s'il était si pressé d'intervenir dans la poursuite de SNC-Lavalin, c'était pour empêcher que 9 000 emplois ne s'évanouissent. C'était là une étrange affirmation et, dès le début, je m'en suis méfié, à juste titre d'ailleurs, puisque tout ce que nous avons appris depuis montre qu'elle était fausse.
Lorsque le comité a demandé à Gerry Butts quelle preuve il avait que ces 9 000 emplois disparaîtraient, il a déclaré qu'il n'avait rien de précis à ce sujet. Lorsqu'on a demandé à Michael Wernick s'il pouvait remettre au comité des documents ou des notes d'information montrant que les 9 000 emplois dont il ne cessait de parler disparaîtraient en cas de poursuite, il a répondu qu'il n'en avait pas. À l'occasion d'une conférence de presse, on a demandé au s'il avait la preuve que ces 9 000 emplois disparaîtraient. Encore une fois, il n'avait rien à dire.
Pourquoi n’ont-ils pas de preuves à présenter? Tout simplement parce que ce qu’ils disent est faux.
Je vais reprendre point par point.
Premièrement, le prétend que le siège social de l’entreprise déménagera à l’automne 2018 si la n’intervient pas immédiatement pour faire bénéficier l’entreprise d’un accord de suspension des poursuites. Or, les faits dont nous disposons et qui appartiennent au domaine public prouvent le contraire. Nous savons que l’entreprise a obtenu un prêt de 1,5 milliard de dollars auprès du Régime de rentes du Québec et qu’il s’est engagé à garder son siège social à Montréal au moins jusqu'en 2024. Nous savons également que l’entreprise vient de signer un bail de 20 ans pour son siège social à Montréal, et qu’il va y entreprendre des rénovations de plusieurs millions de dollars pour pouvoir y accueillir ses milliers d’employés de la région de Montréal. Normalement, lorsqu’une entreprise fait des rénovations pour accueillir ses employés, ce n’est pas pour aller s’installer ailleurs. Ce serait du gaspillage. Une entreprise qui a l’intention de déménager ne signe pas un bail de 20 ans et ne demande pas un prêt de 1,5 milliard de dollars qui l’oblige à rester sur place pendant six ou sept ans. Par conséquent, ce qu’a dit le premier ministre le 18 septembre lorsqu’il a rencontré l’ancienne procureure générale — à savoir qu’elle n’avait que quelques jours pour faire accorder à SNC-Lavalin des arrangements spéciaux, faute de quoi l’entreprise quitterait le pays — était une contrevérité totale. Les faits sont là pour le prouver.
Il a aussi allégué que 9 000 emplois étaient en jeu, ce qui est également faux. L’entreprise a des projets de construction au Canada qui totalisent 52 milliards de dollars. À l’heure actuelle, c’est elle qui gère les cinq plus grands projets de construction en cours au pays, et en matière de construction, il faut savoir que les entreprises qui gèrent un projet doivent être implantées là où le projet est réalisé. Autrement dit, une entreprise ne peut pas construire une route au Canada à partir d’un siège social implanté à Pékin ou à Londres. À titre d’exemple, la ville d’Ottawa vient d’embaucher SNC pour un projet de transport ferroviaire qui doit relier le centre-ville au sud d’Ottawa. L’entreprise ne peut pas fabriquer 14 km de voies ferrées dans un pays étranger et les larguer ensuite à partir d’un hélicoptère sur la capitale nationale. Le projet va être réalisé ici, et par conséquent, les emplois sont ici et le siège social de la société va rester ici.
Les emplois qui ont été délocalisés par SNC l’ont été avant que l’entreprise ne se rende compte qu’il lui faudrait inéluctablement subir un procès. En fait, les quatre cinquièmes de ses employés se trouvaient déjà à l’étranger, et c’était bien avant que le gouvernement ne fasse comprendre à l’entreprise qu’il lui faudrait subir un procès. Autrement dit, les délocalisations d’emplois de SNC-Lavalin n’ont rien à voir avec la poursuite, et cette raison invoquée par le premier ministre n’a aucune justification.
Enfin le gouvernement nous a dit que si l'entreprise devait subir un procès et être ultimement condamnée, elle ne pourrait plus répondre aux appels d'offres au Canada.
Je vais citer un rapport traitant précisément de cette question, que la sous-ministre de Justice Canada Nathalie Drouin a rédigé à l'intention du greffier du Conseil privé dans l'affaire SNC-Lavalin. Il y est question du Régime d'intégrité canadien, qui interdit aux entreprises corrompues de faire affaire avec le gouvernement du Canada. On peut y lire ceci:
La capacité d'un fournisseur d'obtenir un contrat avec le gouvernement fédéral est sujette à la Politique d’inadmissibilité et de suspension. La politique vise à assurer que le gouvernement fait affaire uniquement avec des fournisseurs éthiques au Canada et à l'étranger. Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) administre la politique au nom du gouvernement.
La politique prévoit les circonstances et les modalités selon lesquelles on peut suspendre un fournisseur, ou le déclarer inadmissible à faire affaire avec le gouvernement. Elle indique qu'un fournisseur est suspendu lorsqu'il est accusé d'une infraction désignée — comme une fraude ou la corruption d'agents publics étrangers — ou reconnaît avoir commis une telle infraction. La suspension empêche l'obtention de contrat avec le gouvernement fédéral pour une période de 18 mois. La suspension est susceptible d'être prolongée selon le jugement.
Dans le rapport, il est aussi question des ententes administratives:
Le fournisseur peut conclure avec le gouvernement une entente administrative en guise de sursis. Une entente administrative est un arrangement conclu avec le gouvernement, où le fournisseur s'engage à respecter des mesures de conformité. Elle sert à atténuer les risques liés à un contrat avec une entreprise ou un fournisseur en particulier. Par exemple, le gouvernement et un fournisseur pourraient vouloir conclure une entente...