:
Bon après-midi, madame la présidente et membres du Comité.
Je suis le major-général Jocelyn Paul, et j'occupe les fonctions de directeur général de la Politique de sécurité internationale au ministère de la Défense nationale.
[Traduction]
Je suis donc responsable de gérer nos relations en matière de défense et de sécurité internationale et de fournir des conseils à cet effet.
[Français]
Je suis accompagné du lieutenant-général Mike Rouleau, commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada.
[Traduction]
Je suis également accompagné de Sandra McCardell, directrice générale du Moyen-Orient, et de M. Giles Norman, directeur exécutif des relations en matière de sécurité et de défense, qui sont tous les deux d'Affaires mondiales Canada.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui.
Je propose de vous donner un aperçu de haut niveau de l'opération Impact avant de céder la parole au général Rouleau, qui vous donnera les détails sur les dynamiques dans le théâtre.
[Français]
L'opération Impact est la composante militaire de la stratégie pangouvernementale canadienne contre Daech en Irak, en Syrie, en Jordanie et au Liban.
[Traduction]
Dans le cadre de cette stratégie, le Canada investira jusqu'à 3,5 milliards de dollars sur cinq ans pour aider à établir les conditions nécessaires à la sécurité et à la stabilité et pour réduire la souffrance humaine.
Dans le cadre de cette stratégie, les Forces armées canadiennes participent à la Coalition mondiale contre Daech et à la mission de l'OTAN en Irak et fournissent de l'instruction et de l'assistance bilatérale à la Jordanie et au Liban. Bien qu'elles soient distinctes, ces activités ont l'objectif commun de renforcer les capacités des forces de sécurité régionales, afin qu'elles puissent contenir la menace posée par Daech.
[Français]
Donnez-moi donc, s'il vous plaît, quelques minutes pour vous expliquer chacune de ces activités.
La Coalition a été créée en 2014, et elle compte 82 pays et organisations membres qui se sont engagés à lutter contre Daech sur tous les fronts.
[Traduction]
En plus des opérations militaires, elle comprend quatre secteurs d'activité dans le domaine civil: la stabilisation des zones libérées, la prévention du flux de combattants terroristes étrangers, le démantèlement de l'infrastructure financière et économique de Daech et la lutte contre la propagande de Daech.
Les pays peuvent contribuer à un secteur d'activité ou plus de la Coalition selon leurs expertises et leurs capacités. Le Canada est l'un des quelques membres de la Coalition qui contribuent aux cinq secteurs d'activité, militaires et civils.
[Français]
Bien que l'OTAN collabore avec les forces de sécurité irakiennes depuis un certain temps, la mission de l'OTAN en Irak a été créée en 2018 en complément aux opérations de lutte contre Daech de la Coalition.
[Traduction]
La NMI, la mission de l'OTAN en Irak, est une mission d'instruction sans combat axée sur le renforcement des capacités du ministère de la Défense de l'Irak, du Bureau du conseiller national pour la sécurité et des institutions nationales de sécurité pertinentes. Plus de 20 pays contribuent à la NMI et nous sommes fiers d'avoir dirigé la mission au cours de ses deux premières années.
[Français]
Le Canada a également déployé des équipes d'instructions et d'assistance en Jordanie et au Liban dans le but de renforcer la capacité de ces pays à résister à Daech et aux conséquences découlant des conflits en Irak et en Syrie.
[Traduction]
Ce renforcement des capacités régionales comprend la prestation d'instruction et le développement d'infrastructures et de l'équipement. Dans tous ces efforts, nous respectons la souveraineté de nos nations partenaires. Je tiens à souligner que nous sommes en Irak à l'invitation du gouvernement.
[Français]
Depuis notre premier déploiement en Irak, en 2014, la Coalition et les forces de sécurité irakiennes ont fait d'énormes progrès dans la lutte contre Daech. Toutefois, notre mission n'est pas terminée, et la Coalition et l'OTAN se trouvent à un tournant important.
[Traduction]
À mesure que les menaces en Irak et que les besoins de nos forces partenaires évoluent, les deux missions doivent s'adapter et travailler ensemble. En février, les ministres de la Défense de l'OTAN ont accepté en principe d'élargir la mission de l'OTAN en Irak afin de prendre en charge certaines des activités de formation de la Coalition. Nous espérons que ces délibérations seront itératives et dirigées par les Irakiens.
Je voudrais terminer en rappelant que, bien que nous soyons ici pour parler de l'opération Impact, l'armée ne constitue qu'une pièce du casse-tête. Grâce à nos initiatives pangouvernementales et notre collaboration avec les alliés et partenaires, nous nous efforçons de mettre en place les conditions d'un succès à long terme, afin que nos partenaires régionaux puissent s'attaquer à l'idéologie malveillante qui a causé tant de souffrances dans la région.
[Français]
J'espère que ce contexte vous sera utile et je vous remercie de votre attention. Sur ce, je vais maintenant céder la parole au général Rouleau.
:
Bonjour, madame la présidente et honorables députés.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui aux côtés du major-général Paul et de mes collègues du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour faire le point sur l'opération Impact.
Je félicite ce comité qui souhaite en apprendre davantage au nom des Canadiens sur cette mission qui est complexe et qui évolue rapidement. Je suis impatient de préciser et d'expliquer cette mission du mieux que je le peux, et ce, de mon point de vue en tant que commandant opérationnel.
[Traduction]
Avant de prendre vos questions, je souhaite aborder brièvement trois points afin d'orienter la discussion.
Premièrement, je décrirai mon rôle de commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, le COIC, et les sujets dont je ne peux parler en raison de mon poste.
Deuxièmement, je parlerai des différentes composantes de l'opération Impact, comme les a décrites le major-général Paul et je préciserai lesquelles relèvent directement de mon commandement et de mon contrôle.
Troisièmement, je vous présenterai une mise à jour sur les derniers développements sur le terrain et je vous expliquerai la direction que prend la mission selon moi.
[Français]
Parlons de mon rôle de commandant Commandement des opérations interarmées du Canada, ou COIC. Tout d'abord, en ce qui concerne mes rôles et responsabilités, je travaille pour le chef d'état-major de la Défense, le général Vance, et assure le leadership et l'harmonisation de plus de 20 opérations des Forces armées canadiennes, au pays et à l'étranger.
Je ne choisis pas les opérations que je commande ni les objectifs qu'elles visent; elles me sont attribuées par directive du chef d'état-major de la Défense nationale, cette directive étant établie dans le cadre de politiques du gouvernement du Canada.
[Traduction]
Dans ce contexte, je serai plus que ravi de vous parler, et de vous donner des détails qui ne compromettent pas la sécurité de nos capacités militaires ou de notre personnel déployé, de la façon dont les forces que je commande accomplissent la mission opération Impact, dont je suis responsable.
Actuellement, jusqu'à 850 membres du personnel militaire sont affectés à l'opération Impact, et, comme le major-général Paul l'a mentionné, ces forces sont réparties en trois sections. Il y a nos contributions à la coalition menée par les États-Unis, qui accomplit l'opération Inherent Resolve. Il y a aussi nos contributions à la mission en Irak de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), communément appelée la mission NMI. Enfin, il y a deux équipes canadiennes d'assistance et d'entraînement qui mènent leurs activités en Jordanie et au Liban. Lorsque nous discutons de l'opération Impact, nous oublions souvent ces activités en Jordanie et au Liban. Nous avons tendance à nous concentrer exclusivement sur l'Irak, mais c'est une affaire régionale.
La zone des opérations pour cette mission inclut l'Irak, le Koweït, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Il est important que le Comité comprenne que, bien que je sois ultimement responsable de tout le personnel participant à l'opération Impact à l'échelle nationale, je n'assure pas le commandement et le contrôle de tous ces éléments sur une base quotidienne. En particulier, même si la mission de l'OTAN en Irak est actuellement dirigée par un officier canadien, la major-générale Carignan, elle-même et environ 200 membres du personnel des Forces armées canadiennes qui participent à la mission NMI relèvent de la chaîne de commandement de l'OTAN et non de la chaîne de commandement du Canada. Par ailleurs, la majorité des activités menées par les Forces d'opérations spéciales du Canada en Irak sont directement commandées par le Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada.
[Français]
Je vous présenterai maintenant une mise à jour opérationnelle.
Madame la présidente, maintenant que j'ai clarifié certains points, permettez-moi de vous donner un aperçu de la situation sur le terrain concernant l'opération Impact, qui demeure en quelque sorte fluide, surtout en Irak.
Actuellement, la plupart des mesures de protection qui visent les forces accrues et que nous avons mises en œuvre à la suite de l'attaque aérienne par les États-Unis qui a tué le général iranien Qassem Soleimani, le 3 janvier, y compris la pause dans les opérations de formation et le déplacement du personnel canadien, demeurent en vigueur.
Néanmoins, malgré la tension et l'incertitude qui perdurent, l'engagement multinational visant à vaincre Daech demeure et les opérations militaires reviennent graduellement à la normale.
[Traduction]
Sous la direction de la Coalition, les opérations militaires conjointes contre Daech ont repris, et j'ai autorisé le redéploiement au Koweït de certains membres du personnel du Canada en prévision de leur déploiement en Irak dans les prochains jours afin qu'ils reprennent leur mission de formation dès que la situation s'y prêtera. Pour être clair, cette reprise sera fondée sur les conditions et non sur le temps, et je ne peux prévoir exactement le moment où elle aura lieu.
Il y a peu de temps, il semblait que nous pourrions reprendre les opérations de façon imminente, mais maintenant, la source d'incertitude la plus récente ayant une incidence sur l'échéancier de la mission est la propagation du nouveau coronavirus, ou la COVID-19. Je peux vous garantir que nous suivons la situation de près et que nous prenons des mesures pour protéger notre personnel et maintenir la souplesse opérationnelle pour reprendre nos activités principales dès que la situation nous le permettra.
À l'heure actuelle, en raison de la protection des forces et de diverses autres considérations, l'avenir immédiat de l'opération Impact n'est pas clair. Toutefois, ce qui est clair, c'est que le mandat opérationnel consistant à appuyer la Coalition et la mission NMI et à assurer le renforcement des capacités en Irak, en Jordanie et au Liban est prolongé jusqu'au 31 mars 2021. J'ai l'intention, avec mon équipe, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour remplir ce mandat, et ce, jusqu'à ce que je reçoive des indications contraires du chef d'état-major de la Défense.
J'ai été très chanceux, j'ai pu être témoin des énormes progrès réalisés par les Forces armées canadiennes et leurs partenaires dans la lutte contre Daech au cours des dernières années. J'ai été promu au rang de général en 2014. Peu de temps après, lorsque j'assumais le commandement, nous avons envoyé les forces spéciales en Irak. Je participe donc personnellement à la mission depuis septembre 2014 à titre de commandant, d'abord des forces spéciales, et maintenant du Commandement des opérations interarmées du Canada, COIC.
Nous sommes maintenant à une phase cruciale de la mission où, ayant vaincu Daech sur le plan militaire, nous devons maintenant consolider cette défaite et nous assurer que Daech ne revienne pas. Pour atteindre cet objectif, il faudra comprendre les nuances des diverses dynamiques régionales et collaborer étroitement avec les partenaires civils. Il faudra également un leadership fort sur le terrain, de même que de la souplesse et de l'agilité pour relever les défis et s'adapter aux circonstances changeantes.
Je suis fier de dire que les commandants et les forces que je dirige possèdent ces qualités. Je les ai vus à l'œuvre au début de janvier, quand nous avons réussi à nous adapter aux changements très rapides survenus le 3 janvier, en raison de la frappe, pour protéger nos forces et préserver nos capacités opérationnelles.
[Français]
Si, dans l'avenir, nous pouvons maintenir ce leadership et cette collaboration dans le cadre de l'opération Impact, le Canada continuera d'apporter une contribution dont nous pouvons être fiers.
Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
:
Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de répondre à cette question qui va au-delà des aspects liés à la sécurité.
Ce qui est clair, c'est que la montée et la réussite de Daech, de l'État islamique, non seulement en Irak, mais partout dans le monde, constitueront une préoccupation pour nous pendant très longtemps. C'est une organisation qui s'est répandue partout dans le monde, avec son idéologie, au grand désarroi de la plupart des sociétés démocratiques où elle a pris racine.
Un certain nombre de causes ont été cernées, et vous les connaissez probablement très bien. Il y a notamment l'exclusion de la société, l'absence d'acceptation dans les sociétés au sein desquelles vivent ceux qui adhèrent à cette idéologie. Il y a aussi à un moment donné l'absence d'espoir et de possibilités économiques. Il existe une panoplie de raisons qui amènent des gens à adhérer à une idéologie aussi odieuse que celle de l'État islamique.
En ce qui a trait à l'opération Impact, je crois que nous devons étudier les raisons pour lesquelles cette organisation a pris racine, particulièrement en Irak et en Syrie, et a si bien réussi à attirer dans ses rangs des personnes provenant de partout dans le monde. Je pense qu'il y a beaucoup à dire au sujet de la gouvernance. La capacité de Daech de prendre racine est attribuable à la faiblesse du gouvernement irakien et à son incapacité de sécuriser son territoire et de fournir des services à sa population.
C'est pourquoi nous travaillons avec nos partenaires du ministère de la Défense nationale à renforcer l'État irakien. Nos partenaires travaillent notamment avec les forces de sécurité irakiennes. D'autres travaillent au renforcement des capacités des corps policiers, afin qu'ils soient en mesure d'offrir la sécurité dont le pays a besoin.
Par ailleurs, nous constatons la nécessité de soutenir l'unité, la stabilité, la diversité et la démocratie en Irak et de mettre en place une structure de gouvernance qui permet à tous les Irakiens de trouver leur place au sein de la société.
Enfin, il y a également le manque de respect des droits de la personne, qu'on a observé en Irak durant le règne de Saddam Hussein et… Nous travaillons donc à promouvoir le respect des droits de la personne, particulièrement les droits des minorités, des femmes et des filles. L'objectif est que la société dans son ensemble résiste à l'idéologie de Daech, non seulement grâce à la capacité de l'État de protéger ses citoyens, mais aussi grâce à une gouvernance solide et au respect des droits de la personne auxquels nos efforts auront contribué.
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Je vous remercie de votre question.
La réponse courte est non.
Lorsque nous nous sommes joints à la Coalition, nous en sommes devenus dépendants à différents égards, jusqu'à un certain point, mais nous sommes surtout dépendants des États-Unis. En ce qui concerne les systèmes de communication fondamentale, nous avons évidemment nos propres systèmes, mais l'architecture du système de renseignement est basée sur le système américain. Je pense notamment au C4I, soit « commandement, contrôle, communication, informatique et renseignement », à la surveillance, aux frappes aériennes et à la protection des forces des différentes bases. Cela est fait par les Américains. Sur le plan logistique, beaucoup de contrats sont faits par l'entremise des forces américaines.
Nous dépendons donc des États-Unis, ou de la Coalition, si vous préférez, à certains égards. Cela dit, nous essayons d'être le plus autosuffisants possible. Par exemple, cette semaine, en raison du COVID-19, nous avons envoyé plus d'équipement de protection individuelle à nos forces médicales en Irak et au Koweït.
Nous croyons être en mesure de poursuivre la mission dans des conditions comme celles qui existaient le 3 janvier, la pire nuit de la mission à ce jour. Par exemple, après l'attaque, nous nous sommes assurés d'avoir suffisamment de munitions sur le terrain. Nous avons augmenté les munitions du Canada en Irak. Je suis plus à l'aise aujourd'hui que je ne l'étais le 3 janvier. Je pense que nous sommes en bonne position.
En ce qui concerne le COVID-19, au sein de la Force opérationnelle interarmées en Irak, nous sommes capables de faire quatre choses.
[Traduction]
Nous pouvons faire le dépistage, nous pouvons traiter les personnes et les mettre en quarantaine, si nécessaire, et nous pouvons les évacuer.
[Français]
Si nous avons des troupes atteintes du COVID-19, nous avons les ressources médicales nécessaires pour prendre soin d'elles. Ce matin, j'ai demandé à nos forces en Irak si nous avions les ressources médicales nécessaires si jamais les pires prévisions quant au nombre de gens infectés se matérialisaient, et on m'a répondu oui, sans hésitation. Je ne suis donc pas inquiet à ce sujet.
:
Je vous remercie de votre question.
Effectivement, lorsqu'on a eu la réunion ministérielle de l'OTAN, les ministres ont accepté en principe de poursuivre la première partie. C'est ce qu'on appelle le stade 1 de l'expansion de la mission de l'OTAN en Irak.
Actuellement, en ce qui concerne l'OTAN, les états-majors militaires sont en train de regarder quelles activités d'entraînement maintenant menées par la Coalition pourraient être faites sous le chapeau de l'OTAN suivant un court et un moyen délai de préavis.
Les états-majors sont donc en train d'étudier le tout. Cela se fait en étroite collaboration avec le gouvernement irakien. Donc le premier ministre par intérim a donné son accord pour que l'OTAN continue à travailler dans ce domaine en collaboration avec son gouvernement. C'est ce qu'on appelle le stade 1.
Les états-majors stratégiques ont des discussions à l'OTAN en ce qui a trait au stade 2. Quelles activités d'entraînement allant au-delà du mandat actuel de l'OTAN cette dernière pourrait-elle possiblement prendre en charge dans l'avenir? Actuellement, relativement au stade 2, on en est à l'étape des discussions.
Les états-majors militaires à l'OTAN, en collaboration avec les différentes missions, sont en train d'étudier le tout. Le résultat des délibérations va être présenté lors de la prochaine conférence des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN, qui va se dérouler au début du mois d'avril, si je ne m'abuse.
Un compte rendu sera donc donné aux différents ministres. Ensuite, nous allons continuer à faire de la planification pour ce qui est du temps et de l'espace. Un suivi sera certainement fait lors de la rencontre ministérielle des ministres de la Défense qui, elle, est prévue au mois de juin.
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Il y a beaucoup de choses que nous pourrions leur dire. J'aborderai d'abord le cadre général, après quoi je ciblerai quelques enjeux de sécurité en particulier.
Il n'y a aucun doute. Le général a mentionné déjà qu'un investissement de 3,5 milliards de dollars nous a été promis de 2016 à 2021. C'est un très grand engagement qui, je crois, fait foi des conséquences directes de la situation au Moyen-Orient sur les électeurs de vos circonscriptions respectives, soit parce qu'ils y ont de la famille, soit pour d'autres raisons, ils vous le diront probablement.
Nous travaillons sur divers fronts, dont celui de la sécurité, mais il y a aussi le volet humanitaire, le développement — dont j'ai un peu parlé déjà — et l'amélioration de la gouvernance. Je pense qu'il y a bien des choses qui pourraient intéresser vos électeurs. Depuis 2018, nous apportons une assistance alimentaire à 780 000 personnes en moyenne chaque mois. Ce sont 780 000 personnes chaque mois qui échappent à la faim. En coopération avec l'ONU, nous avons aussi offert des services aux victimes de violence fondée sur le sexe à 297 000 femmes et filles, de sorte que presque 300 000 femmes et filles traumatisées ont eu accès à de l'aide pour traiter à la fois leurs blessures physiques et leurs blessures non physiques, comme vous les qualifiez. Nous avons fourni à 450 000 personnes, en Irak, une infrastructure d'eau potable sûre. Vous pourriez maintenant vous-mêmes y boire l'eau du robinet sans être malade.
Je suis certaine que nos généraux seraient fiers de mentionner également qu'en coopération avec la coalition mondiale, nous avons réussi à retirer les explosifs de 12,7 millions de mètres carrés de terres. Les gens peuvent maintenant y faire de l'agriculture et s'y déplacer en toute sécurité. Les enfants peuvent aller à l'école sans avoir peur. De même, nous avons formé 7 400 policiers irakiens aux services de police communautaire et à l'application des lois; nous les avons essentiellement sensibilisés à la nécessité d'entrer en communication avec leurs communautés, de comprendre ce qui se passe et de procurer à la population un sentiment de sécurité.
Pour terminer, je dirai seulement qu'il y a désormais en Irak une loi contre la violence conjugale, ce qui n'était pas le cas avant. Cela aussi est attribuable aux efforts déployés par les Canadiens.
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Aujourd'hui, il y a environ 40 militaires canadiens au Liban et un peu moins de 30 en Jordanie. Telle est la situation actuelle, mais ces chiffres sont variables. Je tiens à souligner que, dans tous ces environnements, qu'il s'agisse de l'Irak, de la Jordanie ou du Liban, les choses ne sont jamais statiques. La situation évolue sans cesse.
En ce qui a trait au travail que nous faisons au Liban et en Jordanie, nous avons envoyé une équipe de formation en Jordanie pour le soutien logistique au combat. Nous y avons également déployé une équipe de mobilisation des femmes. D'ailleurs, nous venons de terminer le travail de tactiques, techniques et procédures en collaboration avec des spécialistes en défense chimique, biologique, radiologique et nucléaire. Au Liban, nous effectuons un travail de renforcement logistique afin de mieux soutenir les forces libanaises placées plus loin des lignes de front. Il s'agit surtout d'un soutien institutionnel. À cela s'ajoute, bien entendu, l'entraînement hivernal.
À propos des activités que nous menons là-bas, nous améliorons vraiment la sécurité grâce à la promotion de mesures accrues en la matière dans ces pays. Voilà ce que nous faisons. Au fond, nous essayons d'accroître l'ampleur des activités et, dans certains cas, de renforcer les capacités, mais nous ne pouvons pas envisager une telle formation uniquement sous l'angle des effectifs.
Il faut des gens et des compétences pour entraîner une autre armée, mais ces gens doivent avoir les bonnes permissions et autorisations de supérieurs comme le chef d'état-major de la Défense et moi-même pour s'assurer qu'ils peuvent faire les ajustements nécessaires sur le terrain et prendre les mesures qui s'imposent. Nous avons également besoin de fonds et de ressources, dans bien des cas, pour pouvoir offrir une telle formation et pour acheter ou construire des choses. Il faut compter sur tout un réseau pour pouvoir y arriver.
Je terminerai en disant que nous dotons ces missions de jeunes militaires qui ont, dans certains cas, très peu d'expérience opérationnelle. Nous avons réduit quelque peu le nombre de hauts gradés que nous dépêchons là-bas pour essayer de donner un peu plus de pouvoirs aux jeunes et pour tâcher de mieux gérer la disponibilité à long terme de nos effectifs ayant des grades clés. Ces jeunes se montrent à la hauteur et accomplissent un excellent travail. Je suis fier de ce qu'ils font.
Je vous remercie.
Si je peux me le permettre, le terme « évolution » est probablement le mot clé ici. Comme le général l'a mentionné tout à l'heure, il y a quelques mois, nous avons assisté à des manifestations en Irak. Des personnes de toutes les confessions y ont participé et, bien franchement, lors de ces rassemblements, les consulats généraux du gouvernement iranien ont été attaqués. C'est dire que beaucoup d'Irakiens éprouvent de la frustration et du ressentiment face à l'influence étrangère dans leur pays et sont déçus des résultats de leur gouvernement en ce qui concerne l'unité et la cohérence de la structure, ainsi que la capacité de fournir les services escomptés.
Ce que nous avons observé plus récemment, en particulier depuis l'assassinat de Qassem Soleimani, c'est qu'il y a eu des pressions pour retourner à nouveau dans des camps sectaires, alors qu'auparavant, il y avait surtout une demande unifiée pour que le gouvernement dirige le pays de façon adéquate.
Il reste à voir quelle tournure cela va prendre. Je pense qu'il est nécessaire, à ce stade-ci, de choisir un premier ministre qui puisse diriger le pays. Cela fait maintenant plusieurs mois que le pays est dirigé par un premier ministre intérimaire, et le dernier candidat en date n'a pas été en mesure de former un gouvernement. Je crois que cela en dit long sur les profondes divergences qui se manifestent au sein même du parlement.
À l'avenir, comment l'Iran tentera-t-il d'intervenir en Irak? Bien entendu, les hypothèses à ce sujet ne manqueront pas. Pour ma part, je me contenterai de dire que, de toute évidence, l'Iran est en difficulté à l'heure actuelle. Sa situation économique, comme vous le savez sans doute, n'est guère reluisante. Le gouvernement américain a imposé plusieurs sanctions très strictes. Le plan d'action global commun, qui visait à contenir le programme nucléaire de l'Iran, fait actuellement l'objet d'un mécanisme de règlement des différends en raison de la non-conformité de l'Iran. Enfin, comme les nouvelles en font état chaque matin, la situation créée par le coronavirus représente un très grave problème national en matière de santé pour le gouvernement iranien.
Bref, comme je l'ai dit au début, la situation est en pleine évolution, et je pense qu'il faudra suivre ce dossier de près. Chose certaine, nous devrons poursuivre l'opération Impact et le travail que nous effectuons en matière de développement et d'aide humanitaire dans l'ensemble de la région.
J'aimerais faire écho aux paroles de mes collègues pour vous remercier — vous et les militaires canadiens qui se trouvent là-bas — des services que vous nous rendez. Je tiens également à vous remercier des réponses et des renseignements que vous nous donnez aujourd'hui. C'est, à mon avis, très utile pour le Comité.
Un des points qui ont été soulevés, c'est que, malgré l'interruption, plusieurs activités d'entraînement de base ont repris au bout de quelques jours, et les choses sont certainement revenues à la normale maintenant. Nous avons parlé de la Jordanie et du Liban, ainsi que des équipes consultatives canadiennes en matière d'instruction.
Vous avez mentionné l'équipe de mobilisation des femmes en Jordanie. Comme nous le savons, le Canada s'est engagé à mettre en oeuvre le plan d'action sur les femmes, la paix et la sécurité. D'ailleurs, la mission de l'OTAN est dirigée par une femme, la majore-générale Carignan.
Pouvez-vous nous expliquer un peu ce qui se passe en matière de formation des femmes en Jordanie et nous dire si cette formation a un effet boule de neige? Je comprends que nous formons des formateurs qui vont, à leur tour, en former d'autres.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais prendre un moment pour réorienter une partie de la conversation que nous avons eue sur les relations Iran-Irak. Ce sont deux pays qui sont très interdépendants sur le plan historique, culturel, religieux et économique, et qui ont vécu des périodes de conflit. L'un des sites les plus sacrés de l'Islam chiite se trouve à Najaf, en Irak. D'importants pélerinages sont organisés de l'Iran à l'Irak. De hauts fonctionnaires de l'actuel gouvernement irakien ont passé de longues périodes en Iran. La milice chiite suscite bien sûr des inquiétudes, et je vous remercie beaucoup, lieutenant-général Rouleau, de vos observations à cet égard.
La milice chiite est un sujet d'actualité depuis au moins 1991, date du soulèvement chiite dans le sud. Si vous vous dites préoccupés par la présence à grande échelle de milices chiites, je pense que ce comité devrait en prendre bonne note, peut-être même plus qu'en ce qui concerne l'état actuel de Daech. Je pense que les périodes les plus stables que la politique iranienne a connues depuis 2003 ont été lorsque la milice chiite irakienne s'était retirée en raison de la tenue de négociations calibrées sur divers sujets. Le risque maintenant est de savoir si elle se relèvera. Y a-t-il un mécontentement? Y a-t-il des raisons pour qu'elle s'active et, si c'est le cas, qu'est-ce que cela signifie pour le Canada, pour l'OTAN?
Nous sommes actuellement dans une impasse à Bagdad, avec Mohammed Allawi qui a démissionné il y a une semaine en disant qu'il ne serait pas leur homme.
Y a-t-il des mécanismes qui nous permettraient d'intervenir sur le plan régional, auprès des gouverneurs des provinces irakiennes, pour instaurer des relations axées sur la sécurité, la gouvernance et le développement humain? Si les choses ne bougent pas à Bagdad, avons-nous d'autres réseaux que nous pourrions exploiter pour atteindre d'autres parties et « microgérer » — si c'est le terme qui convient — les relations avec les commandants de la milice chiite, ou d'autres filières qui pourraient se révéler constructives... ou nous nuire? Y a-t-il une stratégie ou une capacité qui va en ce sens?
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La plus grande menace pour la paix et la sécurité au Moyen-Orient... Cela me donne l'occasion de vous informer que, comme nous l'avons déjà mentionné, la stratégie pour le Moyen-Orient dans le cadre de laquelle nous avons travaillé jusqu'ici arrivera à son terme à la fin de l'année financière 2020-2021. En fait, nous tentons actuellement de cerner l'élément central qui pourrait apporter la stabilité au Moyen-Orient.
Tout le monde sait très bien qu'il s'agit d'une région qui est instable depuis longtemps, qui est incapable de fournir des services à sa population. C'est pour cela que nous et nos partenaires des Forces armées canadiennes y sommes retournés à plusieurs reprises.
Il y a certaines choses que nous ne pouvons pas changer. Nous ne pouvons pas changer la géographie du Moyen-Orient et nous ne pouvons pas changer les luttes de pouvoir que se mènent les différentes puissances de cette région. Ce sur quoi nous pouvons travailler, je pense, c'est le renforcement des pays de la région. C'est la raison d'être du partenariat que nous avons aux termes de la stratégie pour le Moyen-Orient.
Affaires mondiales Canada se concentre sur les programmes qu'il met de l'avant pour renforcer de la gouvernance des pays concernés ou travaille de façon plus spécifique sur des programmes de stabilisation aptes à donner à ces pays la capacité d'assurer la sécurité jusqu'aux limites de leurs frontières. Dans certains cas, comme avec la route en Jordanie dont le général a parlé, c'est tout à fait vrai. Nous essayons également de nous assurer qu'il y a les outils nécessaires pour gouverner correctement.
En ce qui concerne ce que le Canada peut faire de l'extérieur, nous devons vraiment nous concentrer sur le renforcement de la capacité de ces États à gouverner efficacement, en incluant toutes leurs diverses populations et de manière à ce qu'ils puissent gérer les relations avec leurs voisins.
En résumé, même si beaucoup de personnes pourraient rédiger leur thèse de doctorat sur ce sujet, permettez-moi de dire qu'il y a toute une série de raisons. Il reste que ce qui est important, c'est que le Canada trouve sa place là où il peut contribuer à une paix durable.