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Madame la Présidente, je disais qu'on a déjà commencé, depuis le début de la journée, à entendre des collègues conservateurs, des libéraux et même des néo-démocrates nous dire qu'il y a d'autres priorités à traiter que de parler aujourd'hui de monarchie. C'est vrai, ils ont tout à fait raison, nous n'avons jamais nié cela. Il y en a beaucoup d'autres et il y en aura toujours d'autres.
À cela j'ai deux réponses. La première, c'est que si un parti qui gouverne ou un parti qui aspire à gouverner un pays comme le Canada est incapable de traiter de différents dossiers de différente importance en simultané, de grâce, tenons ce monde loin du pouvoir. Cela ne dénote rien d'autre que de l'incompétence. J'avoue qu'on y a déjà assez goûté.
On doit traiter de dossiers de différente importance. On doit traiter de l'inflation. On doit traiter de la crise du logement. On doit traiter du traitement réservé aux aînés et du fait que les aînés sont traités injustement dépendamment de leur âge. On sait que ceux qui sont âgés de 65 à 74 ans sont exclus des préoccupations de ce gouvernement. On doit aussi parler des choses qui préoccupent les Québécois et les Canadiens.
Si on regarde les sondages récemment réalisés par des firmes sérieuses, on voit que la question de la monarchie n'est pas un sujet banal pour les gens. C'est un sujet qui les préoccupe et c'est un sujet dont ils parlent. À preuve, regardons les médias aujourd'hui; remarquons-nous un seul média qui ne parle pas de la motion présentée par le Bloc québécois aujourd'hui? Curieusement, le monde parle de la motion qui est débattue aujourd'hui par le Bloc québécois. Qu'on ne vienne pas nous dire que ce n'est pas intéressant. Certains peuvent dire que cela ne les intéresse pas, mais de dire que cela n'intéresse pas les gens que nous représentons, c'est faux.
Oui, on peut traiter de différentes choses à la fois. Des gens qui combattent une maladie grave se brossent quand même les dents. Hier soir, je faisais les devoirs avec les enfants, j'ai quand même pris le temps de sortir les ordures. Alors, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas une fois de temps en temps parler d'autres choses que des sujets dont nous débattons tous les jours et des sujets qui sont aussi d'intérêt et d'importance pour nos concitoyens.
La deuxième réponse, qui est probablement un peu plus terre à terre, c'est que si on veut vraiment aider les citoyens à traverser la période difficile qu'ils traversent présentement avec la hausse du coût de la vie et l'inflation, que doit-on faire? Que ferait-on si une telle situation se présentait chez soi? On ferait exactement ce que le gouvernement devrait faire, c'est-à-dire réévaluer ses dépenses et se débarrasser de ce dont on a plus besoin et de ce qu'on n'est plus capable de se payer.
D'innombrables familles québécoises et canadiennes, au cours des trois dernières années, ont vu leur pouvoir d'achat réduit à cause de la pandémie et à cause d'autres circonstances, notamment l'inflation. Ces familles ont fait des choix difficiles et elles ont dû couper dans des luxes qu'elles ne pouvaient plus s'offrir.
Quand je regarde dans les finances publiques, je ne peux pas m'empêcher de voir certains postes de dépenses plus discutables, moins essentiels. Je suis obligé de dire que la monarchie est une dépense difficile à défendre. On y consacre entre 60 millions et 70 millions de dollars annuellement selon les différentes évaluations.
Quand j'entends mes collègues conservateurs dire qu'ils veulent que les Canadiens aient plus d'argent dans leurs poches, au lieu de mettre en doute la pertinence de notre débat aujourd'hui, j'aimerais les entendre m'expliquer en quoi ces 67 millions de dollars annuellement dépensés pour la monarchie représentent une dépense appropriée. Concrètement, qu'est-ce qu'on y gagne? Qu'est-ce que cela nous rapporte à part maintenir une tradition à laquelle de moins en moins de gens s'attachent?
Selon un récent sondage Angus Reid, 71 % des Québécois veulent voir disparaître la monarchie et 56 % des Canadiens s'opposent au serment à la Couronne. Selon différentes estimations, notamment celle du Journal de Montréal récemment, on parle de 67 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent. Par année, on pourrait construire 670 nouveaux logements sociaux. On pourrait mettre cela sur la recherche sur le cancer. On pourrait s'en servir pour renflouer la caisse de l'assurance-emploi. On pourrait l'utiliser tout simplement pour alléger le fardeau fiscal des moins nantis.
Au passage, je voudrais aussi souligner quelques incongruités dans la défense de la monarchie par mes collègues les députés du Canada. D'abord, je nous présume tous de fervents défenseurs de la démocratie. Voyons voir un peu d'où vient cette démocratie. Mon collègue de serait fier de moi parce que je vais donner l'étymologie, et je sais qu'il en est très friand, du mot « démocratie ».
Ce n'est un secret pour personne. Cela vient du grec ancien demokratia qui est une combinaison des mots demos, peuple, et de kratein, commander. « Démocratie » est donc un terme qui désigne un régime politique dans lequel tous les citoyens prennent les décisions et participent aux décisions publiques et à la vie politique.
Ici, je dirais qu'on est plus dans un système bureaucratique. Je fais une parenthèse. Le mot « bureaucratique » vient étymologiquement du québécois « bureau », la place où on travaille, et de « cratique » qui vient du mot « cras » qui est synonyme d'encrasser. « Bureaucratie », le système où on est, est plus un système encrassé qui fonctionne difficilement. Je m'égare.
Revenons au sujet et poussons un peu la réflexion sur le mot « démocratie ». Quand on analyse l'origine et la signification réelle du mot « démocratie », on réalise sans pousser trop loin la réflexion qu'un des antonymes, des contraires du mot « démocratie », c'est justement le mot « monarchie », qui désigne un système complètement opposé.
Ce sont deux systèmes qui ne peuvent pas cohabiter logiquement. L'un est un système qui donne le pouvoir à une personne. Si on n'est pas content de cette personne, on attend qu'elle meure et que son enfant aîné prenne le pouvoir. On est donc un peu pogné. Par contre, en démocratie, si on n'est pas content, on déclenche des élections et on élit un gouvernement.
Regardons les incongruités dont je parlais plus tôt, comme les valeurs, telles que le multiculturalisme et la justice sociale, qui sont énergiquement défendues par ce gouvernement. Je ne vais pas aller aussi loin que de parler d'une légère tendance au « wokisme », parce que cela pourrait être perçu comme une insulte et que je veux éviter ce ton. Il n'empêche que, quand on voit les courbettes que fait ce gouvernement pour favoriser l'inclusion dans à peu près toutes les sphères de la vie publique, sociale ou universitaire et même dans les institutions fédérales, on peut se permettre de lui faire un peu la leçon sur le concept de la monarchie.
D'abord, rappelons le rôle de la Couronne britannique dans l'exploitation et le trafic d'esclaves aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. On estime que le trafic de plus de 6 millions de personnes du continent africain a été supervisé sous le regard bienveillant de la Couronne britannique et du Parlement anglais.
Je m'en voudrais vraiment de ne pas souligner et de ne pas rappeler à la Chambre les événements de 1755, quand les Anglais ont déporté 12 500 de nos frères et sœurs acadiens parce qu'ils refusaient de se soumettre à la Couronne. Les deux tiers en seraient morts, d'ailleurs. C'est une ignoble déportation, pour laquelle la Couronne britannique n'a jamais prononcé le moindre mot d'excuse à l'endroit des Acadiens.
Aujourd'hui, on est en train de parler de monarchie et demain, on va voter sur la motion du Bloc. Je ne peux pas m'imaginer que les députés des circonscriptions acadiennes, pour qui j'ai le plus grand respect, vont appuyer le maintien de la monarchie et qu'ils vont s'opposer à cette motion. Si leur intention est effectivement de voter contre la motion du Bloc, je m'imagine mal comment, après avoir voté, mes collègues de , d', de et de vont pouvoir retourner dans leurs circonscriptions et dire à leurs concitoyens de descendance acadienne qu'ils ont voté pour maintenir la monarchie et mettre fin à ce débat. Cela me préoccupe et on va garder l'œil ouvert.
Plusieurs pays remettent en question leur lien avec la monarchie britannique. La Barbade l'a fait tout récemment. D'ailleurs, celui qui était prince à l'époque et qui est roi aujourd'hui, Charles, était présent et semblait même appuyer la démarche de la Barbade. Pourquoi en irait-il autrement avec une démarche similaire qui serait initiée par le Canada?
Je n'entretiens pas de grands espoirs sur le sort de notre motion, mais j'appelle quand même mes collègues à se montrer ouverts et peut-être même à commencer, dans la foulée de cette journée de discussion, un débat public pour parler de ce sujet en toute honnêteté et en toute ouverture avec les Québécois et les Canadiens, pour les écouter et pour leur demander ce qu'ils en pensent. J'ai l'intention de le faire, tout comme mes collègues. Faisons-le.
Commençons une discussion et constatons à quel point les Québécois et les Canadiens ne sont pas attachés autant que certains pourraient le prétendre à ce symbole archaïque. Peut-être qu'on pourra se reparler de cette question avec plus d'ouverture dans un proche avenir.
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Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'humilité que je prends à mon tour la parole en cette journée de l'opposition du Bloc québécois.
Tout d'abord, relisons la motion:
Que, étant donné que, (i) le Canada est un état démocratique, (ii) cette Chambre croit au principe de l’égalité de tous, la Chambre exprime son désir de rompre les liens entre l’État canadien et la monarchie britannique, et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ce faire.
Je ne suis peut-être pas constitutionnaliste, mais je suis profondément démocrate. Partout dans le monde, on dénonce le fait que la démocratie est malade. Je reviens d'une semaine à Kigali, où l'Union Interparlementaire s'est inquiétée de la montée de l'autoritarisme et de la perte d'intérêt pour la démocratie. Si on veut des Parlements plus représentatifs, il faudra assurément éviter d'avoir des chefs d'État déconnectés de leur population.
J'aborderai mon discours sous trois aspects: le coût des gouverneurs généraux, le côté dépensier des lieutenants-gouverneurs, et le symbole que représente la monarchie britannique. L'actualité ramène cette question avec l'arrivée de Charles III. Notre journée de l'opposition s'inscrit donc dans notre volonté de moderniser et de démocratiser nos institutions.
Tout d'abord, que représentent ces 70 millions de dollars? Cela ne change peut-être pas le monde, sauf qu'il est coûteux de demeurer un sujet britannique. C'est un peu plus de 67 millions de dollars qui sont dépensés en moyenne par année pour des activités honorifiques, des cérémonies d'apparat et des voyages. Ce n'est pas loin du coût de certaines mesures du dernier budget fédéral.
Par exemple, le budget prévoit 75 millions de dollars en 2022 et en 2023, et 75 millions de dollars en 2023 et en 2024, afin d'appuyer le logement abordable et l'infrastructure connexe dans le Nord. Connaissant les besoins grandissants, on en aurait peut-être besoin de plus. C'est aussi bien plus que la somme de 26 millions de dollars par année qui sera octroyée pendant sept ans au Conseil national de recherches du Canada, à partir de 2022‑2023, afin de mener des recherches et des travaux de développement sur des matériaux de construction innovateurs, comme le bois, et afin de revitaliser les normes nationales de bâtiment en vue d'encourager des solutions de construction à faible émission de carbone. C'est également plus que la somme prévue de 20,7 millions de dollars par année pendant trois ans, à partir de 2024‑2025, pour Infrastructure Canada afin de développer un nouveau programme de lutte contre l'itinérance chez les vétérans. J'envoie des salutations à mon collègue de .
À titre comparatif, nous pourrions construire 670 nouveaux logements par année avec 67 millions de dollars. Alors qu'on nous dit depuis ce matin que nous sommes dans le champ gauche avec notre motion, ces chiffres nous ramènent aux difficultés quotidiennes des citoyens. C'est sans oublier que la vice-première ministre libéro-conservatrice nous a récemment annoncé de prochains mois difficiles avec de l'austérité, mais pas pour la monarchie. On voit qu'il y a un double standard. La population, elle, se fera demander par le gouvernement de se serrer la ceinture. Qui paie pour cela? Je n'apprendrai rien à mes collègues en rappelant que le gros de la facture est assumé par le gouvernement fédéral, et donc par nous, pour les frais liés au poste de gouverneur général ainsi que ceux attribuables aux visites des membres de la famille royale.
Deuxièmement, notons que les gouverneurs généraux ont une très confortable pension à vie lorsqu'ils quittent leurs fonctions. C'est inscrit dans la Loi sur le gouverneur général. Ils obtiennent près de 150 000 $ par année, un montant qui est indexé au coût de la vie. À titre d'exemple, Michaëlle Jean, qui a été gouverneure générale de 2005 à 2010, a déjà accumulé 1,5 million de dollars. Que dire de Julie Payette, qui a quitté son emploi de son plein gré et qui pourra tout de même empocher le salaire annuel de 150 000 $ à vie en tant qu'ancienne représentante de la reine au Canada? Les anciens gouverneurs généraux ont également droit au remboursement de dépenses liées à leur ancien poste jusqu'à un maximum de 206 000 $ par année. Cependant, le gouvernement fédéral ne dévoile pas combien ceux-ci dépensent exactement. Il s'agit d'un manque de transparence flagrant.
Cela ne s'arrête pas là. Les provinces et le Québec doivent assumer les dépenses liées aux lieutenants-gouverneurs, qui sont au nombre de dix. En 2020, la rémunération totale s'est élevée à 1,48 million de dollars. En 2019‑2020, le gouvernement du Québec a payé 717 000 $ pour les dépenses du cabinet du lieutenant-gouverneur. Partant du principe que les gouverneurs généraux ne prennent jamais vraiment leur retraite, ils reçoivent, en plus de leur pension, un financement public à vie pour leurs dépenses de bureau et leurs frais de déplacement par le truchement d'un programme existant depuis 1979.
Troisièmement, il y a toute la symbolique derrière la monarchie. Rappelons que la fortune de la Couronne britannique repose sur des siècles de pillages et d'esclavage. Rappelons que la participation de la Couronne remonte au soutien accordé par Élisabeth Ire au navigateur John Hawkins, qui, en 1560, a mené trois expéditions qui mettront la table au fameux commerce triangulaire. Impressionnée, elle lui avait offert un navire en récompense des 300 esclaves qu'il avait ramenés lors de son premier voyage. La participation de la Couronne s'accentuera sous le règne de Charles II, de 1660 à 1685. La Couronne ainsi que les membres de la famille royale ont grandement participé à la traite de personnes en Afrique dans le but explicite d'enrichir et de consolider le pouvoir de la famille royale.
Bref, s'il est impossible d'estimer à combien la monarchie doit sa fortune au commerce d'esclaves, il n'en demeure pas moins que c'est le pillage de l'or, de l'ivoire, de peaux et d'esclaves sur les côtes africaines qui est à l'origine de sa fortune.
Pour le Bloc québécois, il est contraire à nos valeurs qu'une poignée d'individus continuent de vivre de ces exactions passées.
Voici d'autres points historiques, en rafales la Couronne britannique a été responsable de la déportation de plus de 12 000 Acadiens, soit près de 80 % de la population. En 1755, entre 7 500 et 9 000 Acadiens moururent des conséquences de ce génocide. Même aujourd'hui, la Couronne refuse de s'excuser. Elle a réprimé dans le sang les mouvements de résistance des patriotes de 1837‑1838, en pendant de nombreux chefs du mouvement. La Couronne a annexé les territoires des Métis et a pendu leur chef Louis Riel pour s'assurer que l'Ouest canadien serait anglophone. Elle a uni le Bas‑Canada au Haut‑Canada en 1840 pour permettre le développement accéléré du Haut‑Canada avec les ressources du Bas‑Canada et pour mettre en minorité les francophones afin de les assimiler. La Couronne a aussi interdit l'enseignement public du français dans toutes les provinces à majorité anglophone pendant plus de 100 ans. Il faudra attendre 1968 pour voir l'ouverture d'écoles secondaires publiques françaises en Ontario. Elle a chapeauté le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, malgré l'insatisfaction du Québec, nous plantant ainsi un couteau dans le dos. La Couronne a fait le dos rond quand le gouvernement fédéral a largement fraudé le processus référendaire de 1995. Elle a observé sans mot dire le gouvernement fédéral s'employer à détruire notre loi 101 en finançant à coup de millions de dollars le Quebec Community Groups Network qui a contribué à dépecer notre loi fondatrice plus de 200 fois depuis 1977. Aucune excuse officielle n'a été donnée de la part de la famille royale pour tous ces événements.
La monarchie britannique en Amérique, c'est 260 ans d'hostilité antifrancophone, alors que les valeurs de la laïcité et de la neutralité des Québécoises et des Québécois entrent directement en conflit avec celles de la monarchie, puisque, rappelons-le, le roi d'Angleterre est également le chef de l'Église d'Angleterre.
Au Québec, nous prônons la séparation entre l'Église et l'État. En d'autres mots, la neutralité de l'État québécois et la poursuite de système monarchique, ici au pays, entre complètement en contradiction avec ce fondement de l'État. Au Bloc québécois, nous appuyons qu'il est nécessaire de séparer la religion et le gouvernement. C'est pourquoi nous avions proposé récemment d'enlever la prière et de la remplacer par un moment de réflexion personnelle.
Les Québécoises et les Québécois ne s'identifient pas au Canada comme pays monarchiste. La monarchie n'a simplement pas sa place au sein d'une institution démocratique qui se doit d'être exemplaire quant au respect du principe de séparation des affaires de l'État et de la religion. En matière d'ouverture et de laïcité, le gouvernement fédéral aurait plutôt avantage à s'inspirer du Québec qui a une bonne longueur d'avance.
En conclusion, nous ne sommes pas les seuls à avoir cette réflexion. Par le passé, mes collègues l'on dit, il y a eu la République d'Afrique du Sud qui a été fondée en mai 1961. Après, il y a eu aussi la Barbade qui a retiré la reine de la tête de son État. D'autres pays pourraient emboîter le pas; on pourrait parler de l'Australie qui est en réflexion.
En terminant, l'abolition du lien avec la monarchie se justifie non seulement par sa seule inutilité, mais, surtout, lorsque l'on constate l'importance réelle qu'exerce la monarchie dans nos institutions. Pas une loi de l'Assemblée nationale du Québec ou de la Chambre des communes n'est valide sans l'approbation royale. Grâce à ses représentants, le roi Charles III participe donc à l'exercice du pouvoir législatif.
La monarchie va à l'encontre de plusieurs principes au cœur de nos institutions, tels que l'égalité entre les citoyens, la souveraineté du peuple, la démocratie et la séparation de l'État et des religions. En effet, peu importe son mérite, aucun Canadien et aucun Québécois ne peut aspirer à devenir chef d'État. Le fondé du pouvoir ne relève pas de la démocratie, mais de son appartenance héréditaire.
Les sondages sont également clairs quant à la volonté des Québécois et des Québécoises de se débarrasser de la monarchie qui nous coûte collectivement des millions de dollars par année. Le Bloc québécois estime donc qu'il s'agit d'une belle occasion d'arrêter de gaspiller de l'argent public pour une institution complètement archaïque.
Le Bloc québécois est solidaire des Québécois et se préoccupe du coût de la vie depuis longtemps. Notre plateforme électorale en témoigne.
Une dernière chose: ce que je trouve déconnecté, c'est de voir le chef des conservateurs débuter son discours de la victoire de la course à la chefferie en louangeant la reine, comme si en dehors de la monarchie, point de salut. Si nous étions si déconnectés de la volonté des Québécoises et des Québécois, nous ne nous en ferions pas autant parler sur le terrain.
Il n'y a pas d'opportunisme particulier à relancer aujourd'hui le débat de nos liens avec la monarchie. Il s'inscrit tout naturellement dans le contexte de désintérêt et de questionnement de la part des Canadiens et des Québécois, et ce, depuis de nombreuses années.
Finalement, à entendre les échanges d'aujourd'hui, n'est-ce pas une confirmation que nous sommes une nation qui aspire à ce qu'il y a de plus naturel pour un peuple, soit sa liberté et son indépendance?
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Madame la Présidente, je partagerai aujourd'hui mon temps de parole avec la députée d’.
Je voudrais commencer la discussion d’aujourd’hui en réfléchissant à ce que nous faisons exactement ici aujourd’hui. Ceux qui nous regardent, qui ne sont peut-être pas des téléspectateurs réguliers et qui sont peut-être tombés sur la chaîne des travaux parlementaires aujourd’hui pourraient se demander ce qui se passe.
Au cours d’une année civile, selon la composition de la Chambre des communes, le Bloc québécois dispose de trois jours de séance de la Chambre pour faire valoir des questions importantes pour les personnes et les communautés qu’il représente. C'est aujourd'hui l'un de ces jours, et ce n’est pas unique, malheureusement. Ce n’est pas la première fois que le Bloc québécois fait une telle chose. Aujourd’hui, il a décidé de présenter une motion visant à entamer, d’une manière ou d’une autre, un processus constitutionnel consistant à retirer le monarque du cadre qui établit notre système démocratique parlementaire. Cependant, le Bloc a déjà fait quelque chose de très similaire, en ce sens que c'était complètement sorti de nulle part, le printemps dernier, quand il a présenté une motion visant à supprimer la prière de 15 secondes au début de chaque séance de la Chambre des communes.
Je le mentionne, pas parce que je ne pense pas que ces deux questions puissent être importantes pour les députés du Bloc, mais parce que je me demande comment, alors que le Bloc québécois dispose de trois jours par année civile pour présenter des enjeux, il utilise deux de ces jours pour parler de la prière de 15 secondes en début de journée et de la monarchie, c'est-à-dire le cadre actuel de notre système parlementaire. C’est important pour les députés du Bloc, mais je ne peux pas croire une seconde que c’est la chose la plus importante dont se soucient leurs concitoyens.
Je suis député de Kingston et les Îles depuis sept ans, et jamais quelqu’un n’est venu me voir pour me dire que je devais faire quelque chose au sujet de l’état de notre institution démocratique, que le chef d’État devait être destitué. Cela ne s’est jamais produit, mais c’est peut-être une affaire québécoise, et c’est très bien ainsi.
Ma femme et moi passons beaucoup de temps, avec nos enfants, à une heure au nord d’Ottawa, à Lac-Sainte-Marie, au Québec. J’ai appris à connaître beaucoup d’habitants de la région. Après un certain temps à discuter avec eux, lorsqu'ils apprennent que je suis député, ils me parlent souvent d'enjeux qui les concernent. Pour être honnête, ils ne sont pas toujours élogieux envers le gouvernement. Ils évoquent des choses que fait le gouvernement et me posent des questions à ce sujet, mais jamais ils n’ont abordé la question du chef de l’État.
Les députés du Bloc Québécois viennent ici et claironnent l'importance de pouvoir représenter leurs concitoyens, et ce genre de choses, mais ils ne représentent pas leurs concitoyens. Il s’agit d’un programme personnel et politique du Bloc Québécois. C’est pourquoi nous faisons cela aujourd’hui. Nous ne le faisons pas parce qu’ils veulent représenter leurs concitoyens et qu’ils estiment que c’est très important pour eux. Ils le font parce qu’ils pensent que c’est important pour leur programme politique. Pour cela, les députés du Bloc Québécois devraient avoir honte. Ils gaspillent les deux jours désignés qui leur sont alloués dans une année pour parler de questions absolument sans rapport avec ce qui préoccupe les Canadiens et les Québécois.
Je ne dis pas que les gens n’ont pas d’opinion sur le chef de l’État ou sur la façon dont le système parlementaire canadien et le gouvernement devraient fonctionner. Tout ce que je dis, c’est que ces députés ne peuvent certainement pas me dire que cela fait partie des 20 enjeux les plus importants. Nous sortons tout juste d’une pandémie mondiale.
Je critique beaucoup les députés du Bloc en ce qui a trait aux transferts en santé et à la façon dont ils soulèvent toujours cette question, mais au moins, c’est une question qui a de la substance par rapport à ce que le gouvernement du Québec aimerait voir. Cependant, je ne peux pas accepter l’idée que, d’une manière ou d’une autre, cette question particulière soit l’une des priorités des circonscriptions représentées par les bloquistes.
Supposons que les députés du Bloc québécois s'acquittent entièrement de leur responsabilité et représentent réellement la volonté des gens qu'ils représentent. Je ne peux m'empêcher de me demander ceci. Supposons que leur démarche portait ses fruits et que, du jour au lendemain — et je fais abstraction de tout le cauchemar constitutionnel que cela impliquerait —, nous nous débarrassions de la monarchie. En quoi cela changerait-il la vie des Canadiens demain matin? Leur vie serait-elle le moindrement différente par rapport à aujourd'hui?
Notre chef d'État n'a pas le pouvoir suprême. Essentiellement, notre chef d'État est une figure symbolique qui aide à guider la manière dont notre démocratie parlementaire, et notre démocratie de façon générale, fonctionnent dans notre pays. La vie des Canadiens, et des Québécois, d'ailleurs, ne serait aucunement différente demain matin si le chef d'État n'était soudainement plus là.
Je me demande pourquoi. Je reviens là-dessus; c'est plus fort que moi. Cette motion ne reflète pas les priorités des circonscriptions que représentent les bloquistes. Elle vise à susciter des dissensions. Le Bloc québécois utilise l'une de ses trois journées de l'opposition pour semer la discorde dans les circonscriptions du Québec. Il devrait avoir honte. Il avait l'occasion de proposer des idées, d'exiger des comptes du gouvernement, de préparer le terrain et de mettre en branle des décisions stratégiques qui auraient pu améliorer véritablement la vie des Canadiens.
Plus tôt aujourd'hui, durant la période des questions, nous avons entendu quelque chose d'assez stupéfiant. Cela s'est produit à deux reprises aujourd'hui. Le moment le plus marquant a été quand le chef du Bloc québécois a dit à la Chambre que son serment d'allégeance à la Couronne britannique n'était pas sincère. Je suppose qu'il se croisait les doigts. Il s'était croisé les doigts derrière le dos quand il a juré allégeance à Sa Majesté après son élection.
Les députés peuvent‑ils s'imaginer ce qui se serait passé si la Chambre était un tribunal? Le chef du Bloc se serait rendu coupable de parjure. Il se serait parjuré. C'est ce qui s'est produit aussi plus tôt. Le député de a dit exactement la même chose, mais ses propos étaient encore plus scandaleux.
Si les députés bloquistes sont enfin prêts à admettre qu'ils n'étaient pas sincères, pourquoi les autres députés ne font‑ils pas de même? Étaient‑ils sincères quand ils ont juré allégeance, ou est‑ce qu'ils faisaient uniquement semblant eux aussi? Quand d'autres députés me poseront une question, j'aimerais qu'ils me disent s'ils étaient sincères à ce moment ou s'ils se croisaient eux aussi les doigts. Je me questionne sur le système en place quand il est si commode pour le chef d'un parti de tenir de tels propos, comme s'il pouvait soudainement se dérober aux responsabilités qu'il avait juré d'assumer il n'y a même pas un an.
Il va sans dire que je ne voterai certainement pas en faveur de cette motion. Je pense que le Bloc québécois ne rend pas du tout service aux gens qu'il représente en essayant de politiser une question qui peut avoir un certain retentissement au Québec, mais qui n'en a pas ailleurs. Je suis conscient que cela ne concerne que le Québec.
Je comprends que cette question puisse être populaire là-bas, mais il ne faut pas oublier que le Bloc québécois ne dispose que de trois jours par an pour présenter des questions très importantes. Au lieu de proposer de débattre d'un sujet capital, le Bloc québécois a saisi cette occasion pour servir ses intérêts politiques au lieu de défendre ceux de ses électeurs, ce qui montre bien ses véritables intentions.
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Madame la Présidente, c'est mon tour de prendre parole sur la motion qui a été présentée par le Bloc québécois aujourd'hui.
Je trouvais cela un peu rigolo, la semaine passée, parce que quand j'ai su que c'était effectivement une journée de l'opposition pour le Bloc québécois, j'étais certaine qu'on parlerait de monarchie. En effet, le chef du Parti québécois venait encore de faire une sortie médiatique au Québec sur l'assermentation de sa propre élection et, compte tenu des relations entre le Bloc québécois et le PQ, c'était évident qu'on allait aborder le sujet de la monarchie.
Mme Andréanne Larouche: Cela ne vous dérangeait pas avant.
Mme Soraya Martinez Ferrada: On ne peut rien cacher, madame la Présidente. Effectivement, on ne cache rien.
Un des membres de l'opposition disait récemment que la secrétaire parlementaire ne défendait pas les intérêts en matière de logement au Québec. Bien, la secrétaire parlementaire a fait la tournée du Québec pour parler de logement. J'ai été dans des bureaux de circonscription où les élus du Bloc québécois sont présents, et les gens de leurs propres circonscriptions n'étaient pas au courant des projets de logement et des programmes de logement. Où est l'élu qui représente ses citoyens dans sa circonscription pour leur parler des programmes desquels ils peuvent bénéficier?
À la limite, j'aurais préféré que les élus du Bloc québécois nous parlent des programmes actuels qui ne fonctionnent pas lors de la journée de l'opposition. C'est vrai que beaucoup de gens au Québec se posent des questions sur la monarchie. Les symboles, effectivement, peuvent être coûteux, mais, actuellement, ils donnent une stabilité. Actuellement, dans le monde, on a besoin de stabilité. Après une pandémie et une guerre, est-ce qu'on a d'autres choses à se dire que de parler, maintenant, de la monarchie?
Peut-on parler des 15 000 personnes qui sont sur la liste d'attente, juste au Québec, pour avoir du soutien en psychologie, en santé mentale? Peut-on parler des transferts en santé et parler de nos objectifs communs pour que les gens aient une meilleure qualité de vie au Québec?
Je suis députée d'Hochelaga depuis trois ans. Les gens du Bloc le savent, parce que j'ai battu leur candidat deux fois. Pour y arriver, j'ai frappé à 15 000 portes dans ma circonscription. Il n'y a personne dans Hochelaga qui m'a parlé de la monarchie. Est-ce que c'est aujourd'hui important? Les gens m'ont parlé de sécurité alimentaire. Ils m'ont parlé de trouver de l'emploi, un meilleur emploi. Ils m'ont parlé d'immigrants qui rentrent et qui ne sont pas capables d'être reconnus au Québec pour leurs compétences. Peut-on parler des affaires qui touchent les gens tous les jours?
Le problème avec la motion du Bloc québécois, c'est qu'elle présume déjà de la solution. D'accord, on se défait de la monarchie, mais on fait quoi après? Pardon, mais on va déstabiliser la situation. Là, on est bien énervé parce que cela coûte 70 millions de dollars. Moi, j'aimerais bien en savoir plus sur tout l'argent, notamment au gouvernement du Québec, qui est envoyé et qui ne sert pas à ce qu'il devrait.
Pour ce qui est de la monarchie, on fait un serment à une structure, à un gouvernement, à une monarchie constitutionnelle. Il n'y a personne, actuellement, dans ma circonscription, qui veut rouvrir la Constitution.
Peut-on, dans cette nation, s'affirmer en tant que francophones? Peut-on débattre des enjeux de culture sur le Web, parler des investissements qu'on doit faire en logements sociaux? La journée de l'opposition du Bloc était tellement prévisible qu'à la limite c'est décevant. C'est un coup médiatique encore une fois. On peut se demander si même la déclaration du Bloc, aujourd'hui, à la Chambre est un autre coup médiatique pour, encore une fois, rajouter une couche sur ce qu'on présente. Il y a tellement d'enjeux que le Bloc pourrait soulever. C'est tellement prévisible que c'est décevant. Il y a tellement d'enjeux que le Bloc soulève à la Chambre qui sont pertinents. On peut en débattre. On peut en discuter. Ils sont là pour être le chien de garde d'un gouvernement de l'autre côté.
Le Bloc ne doit pas présumer qu'il parle au nom de tous les Québécois. Qu'il aille dans la rue se renseigner. En fin de semaine, j'étais dans ma circonscription, au marché Maisonneuve. Il n'y a pas un chat qui m'a parlé de la monarchie.
Un député du Bloc québécois a suggéré à la blague que nous passions une journée à discuter du prix des fruits et des légumes. En effet, ces derniers sont tellement chers au marché Maisonneuve que c'est pour cela que nous allons instaurer le crédit de la TPS-TVH et que nous allons accorder un soutien aux agriculteurs.
Il y a tellement de dossiers desquels le Bloc québécois aurait pu parler aujourd'hui. Je trouve cela décevant et je préfère faire partie d'un gouvernement où je peux affirmer que je suis nationaliste, francophone et immigrante. En effet, quand je suis arrivée ici, je ne parlais pas français, une préoccupation que je sais importante pour le Bloc.
Aujourd'hui, je suis une fière francophone québécoise qui pense qu'il est préférable, au lieu de parler de la monarchie, de plutôt parler des préoccupations des gens de ma circonscription qui, tous les jours, ont de la misère à manger, à se loger et à s'intégrer dans une communauté francophone. Voilà ce dont je veux parler, des besoins des gens réels qui, aujourd'hui, ne veulent rien savoir de la monarchie. Peut-on parler d'autre chose que de vieux débats historiques? Pourquoi ne pas parler d'aujourd'hui et de l'avenir?
Je suis déçue que le sujet proposé par le Bloc aujourd'hui ait été aussi prévisible.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Il est toujours étonnant d'entendre les gens qui sont élus pour gouverner l'État nous dire à nous, les députés de l'opposition, que c'est dommage que nous ne leur disions pas quoi faire. Ils devraient pourtant savoir quoi faire. Ils pourraient notamment effectuer des transferts en santé et des transferts pour les aînés. Il y a plein de choses dont nous pourrions parler, mais je pense que, s'ils ne le savent pas déjà, nous avons un méchant problème.
Cela dit, je vais débuter par un aveu: je suis un romantique. J'ai passé ma jeunesse en rêvant de princes, de chevaliers, de rois et autres champions qui volaient au secours d'une princesse prisonnière d'un quelconque méchant, qui la gardait dans une haute tour inaccessible d'un château par ailleurs magnifique.
J'ai aussi un peu voyagé et je me suis pris d'émerveillement devant de beaux et grandioses châteaux. J'ai, je l'avoue aussi, visité avec plaisir le Château de Schönbrunn, à Vienne, où la fameuse princesse Sissi avait ses quartiers d'été. J'ai aussi assisté avec émotion au concert de Noël à l'Orangerie. Je me serais bien vu empereur d'Autriche. Comme je l'ai dit, je suis un romantique.
J'ai aussi rêvé de valeureuses chevalières et de valeureux chevaliers, bien de chez nous, à qui s'en remettait une grande et glorieuse nation pour assurer sa survie et son épanouissement. J'ai rêvé de ces batailles épiques où s'affrontaient les plus grands orateurs pour convaincre leurs adversaires politiques de ne pas baisser les bras et de ne pas abdiquer devant un défi qui pourrait sembler a priori trop grand, trop difficile à relever.
D'autres que nous ont déjà relevé ces défis, et avec succès. Des colonies qui se libèrent d'un monarque, la planète en a déjà vu. Toutefois, nous n'en sommes pas encore là. Le Bloc québécois s'en tient pour aujourd'hui à proposer que nous fassions l'économie de cette archaïque institution britannique devant laquelle nous nous inclinons, jour après jour. Nous proposons de troquer notre dépendance au monarque pour adhérer à une simple, mais noble dépendance à la démocratie, à la volonté du peuple. Loin de moi l'idée de m'en prendre à la personne du roi actuel d'Angleterre, Charles III, ou à sa prédécesseure, la reine Elizabeth II, mais bien de proposer que nous nous engagions pleinement, sans ambiguïté et sans réserve à l'endroit de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Qu'en dit-on?
Ne croyons-nous pas tous aux vertus de l'égalité entre les citoyens? Ne croyons-nous pas tous à la souveraineté du peuple, à son droit le plus strict de décider de son avenir, de ses institutions, des lois qui le gouvernent, à la souveraineté inaliénable du peuple?
Ne croyons-nous pas aussi à la séparation entre l'État et la religion? Non, il est vrai que ce Parlement a déjà décidé de continuer à prier chrétiennement avant chaque séance du Parlement, avant de plaider devant ce même Parlement pour l'égalité entre les religions et les confessions et de s'excuser pour les avoir ostracisées, voire persécutées, par le passé. Bref, passons.
Bien sûr que nous devons nous attaquer au problème du logement, à l'équilibre budgétaire, au contrôle de nos frontières, au trafic d'armes, aux défis qu'apporte l'immigration dont nous avons par ailleurs tant besoin, au financement d'une vie décente pour tous nos aînés, aux débats nationaux et internationaux, et j'en passe.
Il nous faut aussi faire face aux réticences affolantes de ce gouvernement à transférer les fonds nécessaires pour que le Québec et les provinces arrivent à financer les services de santé, dont les coûts augmentent pendant que le fédéral semble s'en amuser.
Est-ce que nous ne devons pas également être soucieux de notre cohérence et de celle de nos institutions? Sommes-nous vraiment incapables de servir la gestion des affaires de l'État et la démocratie en même temps?
Chacun de nos défis doit être relevé avec brio, mais aucun ne devrait nous empêcher d'agir sur nos institutions. Comment ignorer cette immense balafre à notre démocratie et prétendre servir démocratiquement? Ne pourrions-nous pas, pour cette fois, faire preuve de plus de hauteur et faire un geste qui nous honore et qui redonne un peu de fierté aux Québécois et aux Canadiens?
Ils sont nombreux, ceux et celles qui répondent oui quand on leur demande s'ils souhaitent abandonner cette subordination à la monarchie britannique. En effet, 71 % des Québécois et 51 % des Canadiens le souhaitent. De plus, 56 % des Canadiens et 75 % des Québécois souhaitent que leurs élus cessent de prêter le serment d'allégeance au souverain britannique.
Certains membres de la famille royale osent parfois eux-mêmes remettre en question leur appartenance à ce régime dépassé et trop contraignant. Ne serait-il pas temps que le Parlement accepte de passer au XXIe siècle, au troisième millénaire?
Les dizaines de millions de dollars que nous dépensons scandaleusement chaque année pour entretenir cet arsenal protocolaire inutile et dépassé ne pourraient-elles pas être mieux investies? Sommes-nous si riches que nous n'ayons plus à nous soucier de nos dépenses?
Épargnons-nous les détails parfois scandaleux, mais le bureau du gouverneur général dépense à lui seul plus de 55 millions de dollars par année. Laissons de côté la question des coûts et demandons-nous ce que la monarchie nous a apporté depuis sa conquête de nos territoires. Mon collègue l'a demandé à ma collègue d'en face tantôt et elle n'a pas su répondre ni même nommer un seul avantage que nous aurions tiré de la monarchie.
Il y a eu la guerre sanglante et infâme contre la rébellion de nos ancêtres patriotes, la déportation de 80 % de la population acadienne, l'annexion forcée des territoires métis et la pendaison de leur chef, Louis Riel. Que dire de l'interdiction de parler français dans les provinces à majorité anglophone pendant plus de 100 ans ou de la ratification de l'entente sur le rapatriement de la Constitution canadienne? On a fait cette ratification en catimini dans les cuisines d’un hôtel en profitant de l'absence du premier ministre du Québec.
Depuis un siècle, de nombreux États ont décidé de s'affranchir de la monarchie britannique. N'est-il pas temps que la fédération canadienne emboîte le pas?
Bien sûr, le Québec pourra toujours rêver de se libérer du carcan canadien. Bien sûr, un référendum, une déclaration solennelle ou une autre mécanique élaborée pour la souveraineté du Québec pourra toujours venir rompre ce lien plutôt gênant, coûteux et contraignant. Toutefois, ne pourrait-on pas penser aujourd'hui à une fédération plus efficace, plus cohérente et moins gênante?
Tous les députés de la Chambre ont dû prêter serment d'allégeance et de fidélité à la Couronne britannique avant de venir s'asseoir ici pour s'acquitter du mandat que nos électeurs nous ont confié.
Comme tout le monde, je m'en suis acquitté en pensant à l'interprétation que nous devons en faire, soit que les occupants du Trône britannique ne sont pas les véritables bénéficiaires de ce serment, qui s'adresse plutôt aux institutions qui nous gouvernent. Or, justement, ne serait-il pas temps de nous en tenir à nos véritables allégeances? Y a-t-il quelqu'un, ici, qui serait prêt à faire fi des intérêts et des valeurs des citoyens qui l'ont élu pour leur préférer les intérêts et les valeurs du roi ou de la reine? Pour ma part, je ne suis pas prêt à le faire.
Le Bloc québécois nous propose donc aujourd'hui de nous libérer de la monarchie et de nous libérer par le fait même de ce serment bancal. Cela nous permettrait d'assumer pleinement, sans gêne et sans entraves, notre digne mandat d'élu et de représentant du peuple. Ce dernier compte sur nous et sur notre fidélité à ses idéaux, sur notre courage et notre loyauté. Soyons dignes de cette confiance.
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Madame la Présidente, le grand journaliste et pamphlétaire Arthur Buies déclarait d'une manière percutante en 1869: « La république, c'est le gouvernement des hommes, la monarchie, celui des enfants. »
Un gouvernement des enfants, en effet, ou un système de gouvernance qui assume pleinement n'être jamais arrivé à maturation sur le plan démocratique. C'est un système de gouvernance qui affirme haut et fort et officialise sans gêne qu'il repose non pas sur les urnes, mais sur un pouvoir de droit divin, un pouvoir qui n'a aucune légitimité outre la transmission des privilèges de génération en génération. C'est un système ouvertement opposé à la souveraineté populaire au profit de la seule souveraineté royale, héréditaire et religieuse de surcroît.
Nombreux sont ceux et celles qui ignorent que la Chambre des communes, pourtant prétendu siège de la démocratie canadian, entame quotidiennement ses travaux par une prière en l'honneur du monarque du moment, qui est également, rappelons-le, chef de l'Église anglicane.
Nombreux sont ceux et celles qui ignorent encore aujourd'hui, en 2022, qu'un élu ou une élue doit prêter serment non pas à ceux et à celles qui lui ont fait l'honneur de lui confier le mandat de les représenter au Parlement, mais à Sa Majesté à laquelle il faut jurer fidélité.
Nombreux sont ceux et celles qui ignorent que le monarque britannique est aussi chef d'État du Canada et que la sanction des lois que nous votons ici tombe sous la responsabilité de la gouverneure générale, représentante de la monarchie. C'est d'ailleurs cette gouverneure générale qui présente les orientations politiques à venir dans ce qu'on appelle « le discours du Trône » et qui doit être consultée, avant que le premier ministre ne puisse déclencher des élections.
J'ajouterai, à la suggestion du député de , que nombreux sont ceux et celles qui ignorent que les nouveaux arrivants sont obligés de prêter serment au roi.
Les comportements médiatisés de plusieurs tenanciers et tenancières du poste de gouverneur général nous rappellent bien l'hubris du train de vie royal. Cela n'est pas d'ailleurs sans évoquer ces mots du marquis de Sade: « La fin de ce règne, si sublime d’ailleurs, est peut-être une des époques de l'empire [...] où l’on vit le plus de ces fortunes obscures qui n’éclatent que par un luxe et des débauches aussi sourdes qu’elles. »
Le monarchisme est un régime antidémocratique qui sépare systémiquement l'État de la communauté, qui dépèce le peuple de ses leviers décisionnels et lui supprime ses droits collectifs. Il érige aussi l'opacité en guise de régime politique, un régime qui repose sur des siècles de pillage et d'esclavage. La monarchie britannique, c'est le soutien d'Elizabeth I au navigateur John Hawkins qui s'est fait donner un navire en récompense des 300 esclaves qu'il avait ramenés lors de son premier voyage.
La monarchie britannique, c'est l'intensification de la traite des personnes en Afrique au nom du pouvoir et de la richesse de la famille royale sous Charles II par le truchement de la compagnie Royal Adventurers trading into Africa à laquelle fut accordé un monopole de 1 000 ans sur les côtes africaines. En 1663, ce monopole a été étendu à la traite des esclaves capturés en Afrique.
La monarchie britannique, c'est la Royal African Compagny of England qui, entre 1672 et 1731, aura transporté plus de 187 000 esclaves, tout cela, pour de l'or, de l'ivoire et des peaux.
Le , qui est pourtant champion des cérémonies politiques d'excuses larmoyantes, n'en parle pas souvent. Pire, il nous dit que ce n'est pas une vraie affaire. La monarchie britannique en réalité, n'a jamais été rien d'autre qu'un système vampirique où une clique de riches et avares privilégiés a su alimenter bon nombre des désastres, dans le strict but de profiter d'encore plus d'avantages et de privilèges.
Au Canada, la monarchie, c'est la déportation de 12 500 Acadiens, près de 80 % de la population, en 1755, sans la moindre excuse à ce jour de la part de la Couronne.
La monarchie au Canada, c'est la répression de la rébellion des patriotes, dont plusieurs furent pendus.
La monarchie au Canada, c'est la pendaison de Louis Riel à la suite de l'annexion des territoires métis.
La monarchie au Canada, c'est l'annexion par la force du Bas-Canada, dans le but explicite d'assimiler les francophones et de développer le Haut-Canada à même les frais du Bas-Canada.
La monarchie au Canada, c'est l'abolition de l'enseignement du français dans toutes les provinces pendant plus de 100 ans.
La monarchie au Canada, c'est un ensemble de coûts astronomiques que les loyaux sujets n'ont aucunement le pouvoir, la possibilité ou le droit de refuser de payer — 67 millions de dollars en moyenne par année pour des activités purement honorifiques, des cérémonies, des voyages.
La somme de 67 millions de dollars, comme l'ont dit plusieurs collègues aujourd'hui, c'est à peu près le montant accordé au logement abordable dans le dernier budget fédéral.
La somme de 67 millions de dollars, c'est plus de deux fois ce qui est accordé, sur sept ans, au Conseil national de recherches du Canada. La monarchie est donc un système injuste, archaïque et coûteux. C'est aussi un régime étranger aux valeurs et à la culture politique du Québec, celles de la nation québécoise.
La nation québécoise croit en un régime politique où le chef de l'État ne doit pas son pouvoir à l'hérédité, mais le partage avec d'autres instances au sein d'un système équilibré et transparent où le peuple a son mot à dire et où les instances religieuses sont reléguées à la vie privée.
La république, c'est l'égalité des citoyens et des citoyennes reconnus comme tels, avec leurs droits et leurs devoirs, devant des institutions laïques. C'est l'antithèse du Canada, autrement dit.
La nation québécoise possède une tradition républicaine bien ancrée dans son histoire. C'est avec plaisir que le Bloc québécois l'honore aujourd'hui. Dans un éclatant ouvrage de 2012, le politologue Marc Chevrier croyait même déceler, dans la Nouvelle-France, un fascinant embryon de république moderne. C'est intéressant et j'en suggère la lecture à tout le monde ici.
Au XIXe siècle, notre héritage républicain a été celui du pamphlétaire Louis‑Honoré Fréchette et celui des patriotes, dont, en premier lieu, Louis‑Joseph Papineau et Robert Nelson, qui se sont courageusement battus contre la Couronne. Ce combat a aussi été celui de l'auteur Clément Dusmesnil dans sa lutte pour l'abolition des droits seigneuriaux et féodaux, celui du maire de Montréal Honoré Beaugrand et celui du grand premier ministre et grand homme d'État Honoré Mercier, qui était aussi un député de Saint-Hyacinthe. Ce combat est aussi celui de Louis‑Antoine Dessaules, de Saint-Hyacinthe, et de sa lutte contre l’excès du cléricalisme, et celui de Maurice Laframboise, ancien maire de Saint-Hyacinthe et député de Bagot.
Je suis très fier de rappeler aujourd'hui que le combat républicain est en grande partie maskoutain.
Lors des débats devant mener à la mal-nommée Confédération, cet héritage républicain fut aussi celui des députés qu'on qualifiait du « courant rouge », qui mettaient en garde contre le caractère fondamentalement réactionnaire du régime à venir. En 1866, le député rouge Jean‑Baptiste‑Éric Dorion a prononcé des mots qui méritent assurément qu'on se les remémore: « On veut créer une monarchie, de la noblesse, un vice-roi, et du clinquant; je suis alarmé de la position que l'on veut nous faire, car l'extravagance on veut passer à la folie avec tous ces projets ridicules et absurdes. »
Voilà qui nous rappelle à quel point le Parti libéral du Canada a complètement oublié ses racines et qu'il les a complètement trahies, s'il s'en souvient. Au XXe siècle, notre héritage républicain est celui de journalistes et d'écrivains: Godfroy Langlois, Ève Circé‑Côté, Olivar Asselin, Jules Fournier, André Laurendeau et j'en passe.
C'est le flambeau de ce combat républicain qu'il faut aujourd'hui reprendre. Choisissons la souveraineté populaire plutôt que la souveraineté royale. Abolissons la monarchie et vive la république!
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Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour débattre de la motion de l'opposition.
Lorsqu'il s'agit d'une motion de l'opposition du Bloc québécois ou du NPD, le Parti conservateur obtient extrêmement peu de périodes d'intervention. Il s'agit seulement de notre deuxième période d'intervention sur la motion d'aujourd'hui, et le hasard a voulu que je dispose de 20 minutes complètes. Je pense que mes collègues regretteront sans doute de m'avoir permis de prendre la parole pendant ces 20 minutes, étant donné que j'ai beaucoup de choses à dire sur la motion dont nous sommes saisis.
À mon avis, c'est une heureuse coïncidence et une heureuse convergence d'événements si le débat d'aujourd'hui s'appelle une journée de l'opposition ou un jour des subsides. Si on regarde le bandeau à l'écran en ce moment, on peut y lire « Travaux des subsides », ce qui est une façon quelque peu désuète de s'exprimer. Selon moi, la plupart des Canadiens ne comprennent probablement pas ce que signifie le mot « subsides » dans le contexte parlementaire: il signifie « argent ». Il s'agit d'accorder au gouvernement le pouvoir de dépenser de l'argent.
Dans le contexte parlementaire canadien, chaque parti de l'opposition a l'occasion de soulever un débat au cours des travaux des subsides à l'aide d'une motion de l'opposition avant que la Chambre accorde de l'argent sonnant au gouvernement en décembre. Avant le 10 décembre, nous avons l'occasion de débattre de diverses questions. C'est un peu comme présenter des doléances. Les partis de l'opposition ont la possibilité de présenter leurs doléances à la Chambre. Si je dis qu'il s'agit d'une heureuse coïncidence et d'une heureuse convergence d'événements, c'est parce que l'origine lointaine des travaux des subsides remonte à la monarchie. Ainsi, aujourd'hui, il y a une coïncidence amusante: nous pouvons parler de l'argent sonnant, des travaux des subsides, ainsi que de l'origine monarchique du processus.
J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur le concept selon lequel les doléances priment les subsides et ses origines lointaines. Je vais citer le regretté C.E.S., ou Ned, Franks, anciennement un éminent chercheur de l'Université Queen's, à Kingston, qui a écrit: « Le Parlement a exigé et obtenu le droit de fixer son propre ordre du jour et il a fait passer la présentation de doléances avant les affaires du Roi. Ce n'est que de cette manière que les Communes pouvaient être assurées d'une oreille attentive et réceptive. Que les doléances priment les subsides est devenu l'un des principes fondamentaux d'un gouvernement parlementaire. Les Communes ont aussi insisté pour pouvoir discuter des affaires du Roi aussi longtemps et de la manière qu'elles le souhaitent, d'où le principe selon lequel la Chambre est la seule responsable de ses travaux, de ses règles et de sa procédure: ce ne sont pas les affaires du Roi, mais bien celles des Communes. »
Nous devrions discuter de sujets liés à la question des subsides, mais nous voilà en train de débattre de la monarchie.
Je suis très fier d'appartenir à un parti de l'opposition dont le chef fait passer en premier les gens, leurs familles, leurs maisons, leurs chèques de paie et leur pays. Lisons le préambule de la motion à l'étude.
On peut y lire: « [...] (i) le Canada est un état démocratique [...] » C'est exact. Voici la suite: « [...] (ii) cette Chambre croit au principe de l’égalité de tous [...] » On s'entend là-dessus.
Parlons d'égalité économique et de la situation actuelle au Canada, où des familles peinent à joindre les deux bouts et ont de la difficulté à se nourrir.
J'ai reçu un courriel d'une aînée qui habite à Arthur, en Ontario — c'est évidemment le village le plus patriotique du Canada. Elle écrit qu'il était déjà extrêmement difficile d'équilibrer le budget avant la pandémie de COVID‑19, mais qu'elle n'y arrive plus aujourd'hui. Elle dit que l'achat d'aliments de base absorbe au moins la moitié de ses revenus.
Nous voici en train de débattre de la monarchie, alors que le Bloc québécois sait fort bien que cette situation ne changera pas et qu'on n'y peut rien, compte tenu de notre régime constitutionnel. Le Bloc québécois a jugé bon que nous débattions de cela au lieu de parler des familles de Perth—Wellington, des familles qui sont actuellement en difficulté partout au pays, des familles qui, chaque jour, font des calculs, souvent tard le soir ou tôt le matin, en se demandant comment elles pourront joindre les deux bouts. Des gens se demandent comment ils pourront économiser suffisamment avant la fin du mois pour payer les dernières factures.
Je veux parler quelques instants de Perth—Wellington. Perth—Wellington est l'une des grandes régions agricoles du pays. Nous sommes très fiers de notre patrimoine agricole. Nous pourrions notamment discuter en ce moment des répercussions que le gouvernement libéral a sur les familles agricoles canadiennes et sur les défis qu'elles doivent relever. Je pense entre autres à la taxe sur le carbone, qui fait gonfler les prix pour les agriculteurs canadiens.
Nous menons un débat sous la rubrique des travaux des subsides, et une motion de l'opposition sur ce sujet était une occasion à saisir. Nous pourrions être en train de parler du fait que les familles agricoles de Perth—Wellington ou de toute circonscription du Québec font les frais de la mauvaise gestion du gouvernement en ce qui concerne la taxe sur le carbone ou la question des droits de douane sur les engrais. Personne à la Chambre ne contesterait la nécessité de prendre des mesures sévères contre Vladimir Poutine et ses sbires, mais lorsque le gouvernement a imposé des droits de douane sur les engrais achetés avant le 2 mars, il n'a nui qu'aux agriculteurs canadiens.
Une personne s'est présentée récemment à mon bureau de Harriston et m'a remis une copie de sa facture provenant de l'un des magasins locaux de fournitures agricoles. L'incidence sur de l'engrais acheté avant le 2 mars, pour une quantité relativement faible, s'élevait à elle seule à 1 376,20 $. Ce sont 1 300 $ qui ont été retirés de notre économie rurale sans aucune raison valable, qui n'ont eu aucun effet bénéfique et aucune incidence sur le régime russe, mais qui ont pourtant été retirés de l'économie locale.
Si nous examinons les thèmes qui pourraient être abordés dans une motion de l'opposition relativement aux travaux des subsides, je pense que les membres de notre parti et de la plupart des partis choisiraient de parler des répercussions de la crise du logement. La crise du logement empêche les jeunes familles d'emménager dans leur première maison et les jeunes diplômés de quitter le sous‑sol de leurs parents. Les familles cherchent un logement à louer. La crise du logement locatif est un problème, et les gens ne peuvent plus vraiment se permettre d'acheter une maison.
J'ai reçu un courriel d'une conseillère municipale de la ville de St. Marys. Elle a écrit qu'il y a peu d'options ou qu'il n'y en a pas. Dans sa petite ville, elle connaît des familles avec quatre enfants qui risquent de devenir des sans-abri, ainsi qu'un père célibataire avec des enfants et de jeunes adultes qui ne peuvent pas quitter la maison de leurs parents parce qu'il n'y a tout simplement pas de logement à louer. Elle m'a dit que certaines familles se font déplacer parce que les propriétaires des maisons qu'ils louent actuellement veulent les vendre à profit pendant que le marché est profitable.
Voilà les questions qui touchent les Canadiens. Il s'agit de questions qui nous touchent tous les jours. Ce sont les enjeux dont nous entendons parler dans les circonscriptions de tout le pays, et pourtant nous débattons de cette question pour des raisons politiques et partisanes au lieu de nous concentrer sur plusieurs sujets importants. Il y a des questions comme le coût d'Internet et la disponibilité d'Internet haute vitesse en milieu rural.
Je vois mon ami, le député de , à la Chambre aujourd'hui. L'un des défis qu'il doit relever en tant que ministre du cabinet fantôme en matière de développement économique rural et de connectivité est le fait que, partout au Canada, de vastes régions se trouvent dans des zones blanches et n'ont pas accès à un service Internet haute vitesse fiable. Même dans ma circonscription — située dans une région rurale du Sud de l'Ontario, non loin de centres urbains comme London, Kitchener et Guelph —, de vastes secteurs n'ont pas accès à Internet haute vitesse en milieu rural, et ceux qui y ont accès paient le prix fort. J'ai entendu des histoires de familles et d'entreprises agricoles qui ont dû payer des dizaines de milliers de dollars pour faire installer la fibre optique sur 400 mètres dans un rang.
Voilà le genre de questions qui intéressent les Canadiens. Voilà le genre de questions dont nous entendons parler tous les jours en tant que Canadiens et sur lesquelles nous voulons nous concentrer. Voilà les questions pour lesquelles nous avons été élus. Cependant, une fois de plus, nous sommes obligés de discuter d'une autre affaire.
Mes concitoyens ont attiré mon attention sur deux autres questions qui méritent d'être discutées. La première est l'insécurité alimentaire.
J'ai l'immense chance d'avoir dans ma circonscription des organisations extraordinaires qui font bien plus que leur devoir pour s'assurer que les familles, les membres de la collectivité et les personnes handicapées ont de quoi manger chaque jour. Je pense notamment à la Stratford House of Blessing, au centre alimentaire communautaire local, et à l'Armée du Salut. Tous ces organismes en font bien plus que ce que leur dicte le sens du devoir.
Je reçois des courriels comme celui-ci: « L'un des grands défis auxquels nous sommes confrontés est l'insécurité alimentaire. La triste réalité est qu'au Canada, l'un des pays les plus riches du monde, plus de 4,4 millions de personnes n'ont pas les moyens d'acheter la nourriture dont elles ont besoin. Dans les collectivités du Canada, un ménage sur huit et un enfant sur six sont touchés par l'insécurité alimentaire. »
Le fait est qu'en raison de l'augmentation du prix des produits alimentaires et des effets de l'inflation, ces chiffres ne feront qu'augmenter. Cela aura des répercussions sur les citoyens et les familles de ma circonscription et de partout au pays. Ils n'ont tout simplement plus les moyens de se nourrir.
Cela m'amène à un autre courriel que j'ai reçu, au sujet de la pénurie de médecins de famille. Nous savons tous que lorsque les gens vivent dans l'insécurité alimentaire, cela engendre d'autres problèmes pour le système de santé. Le fait est qu'un trop grand nombre de Canadiens n'ont pas accès à un médecin de famille.
J'ai reçu de nombreux courriels de gens qui voulaient porter cette question à mon attention et qui me demandaient d'agir au sujet du manque de main d'œuvre dans le système de santé et, plus précisément, de l'incapacité des familles à trouver un médecin de soins primaires. Les gens ont besoin de quelqu'un pour les aider à prendre soin de leur famille et veiller à ce que des mesures soient en place pour empêcher la nécessité d'avoir recours aux services d'urgence et empêcher d'autres problèmes. Nous savons tous que, lorsqu'une personne est en situation d'insécurité alimentaire, cela a un impact sur sa qualité de vie et sur sa santé.
Je parle de ces enjeux parce que c'est là où nous en sommes aujourd'hui. Nous débattons à la Chambre et nous discutons des subsides, et ce n'est jamais une mauvaise chose que de débattre des enjeux qui touchent les gens que nous représentons. Il est malheureux que, dans le cas présent, nous ne débattions pas d'insécurité alimentaire et qu'il n'y ait pas de vote sur cette question, ni sur l'accès à Internet haute vitesse dans les régions rurales, sur l'aide aux familles, sur la réduction du coût de la vie ou sur les mesures pour s'assurer que chaque Canadien ait accès à un médecin de famille.
En ce qui concerne la question sur laquelle porte le débat en cours — je promets de ne pas m'éterniser —, j'ai quelques points à soulever au sujet de la motion, notamment de l'erreur qui se trouve dans cette motion. Le libellé mentionne la monarchie britannique, mais, comme le savent les députés, nous prêtons allégeance à la Couronne au Canada.
Nous pouvons réfléchir à ce qui est dit dans ce que nous appelons « le livre vert », le Bosc et Gagnon, au sujet du serment d'allégeance. Soyons clairs sur l'origine de cette motion. La motion provient du Parti québécois du Québec. Elle provient du PQ, le cousin du Bloc québécois. Je dois souligner que, malgré les efforts des 32 députés bloquistes, ils n'ont contribué à l'élection que de trois députés péquistes au Québec. Je m'interroge donc, franchement, sur leur motivation.
Tout cela est motivé par le serment d'allégeance que nous prêtons tous lorsque nous sommes assermentés en tant que parlementaires. Dans le Bosc et Gagnon, on peut lire ceci:
Quand un député prête allégeance au souverain, il prête aussi allégeance aux institutions représentées par le souverain et notamment au principe de la démocratie. Le député s’engage ainsi à servir les meilleurs intérêts du pays. Le serment qu’il prête, ou l’affirmation solennelle qu’il fait, sert à lui rappeler tout le poids des obligations et des responsabilités qu’il assume.
C'est de cela que nous parlons. C'est sur cela que nous devons nous concentrer: nos fonctions de parlementaires, notre dévouement à notre pays et notre engagement envers notre pays. C'est de cela que parle le serment d'allégeance. C'est ce sur quoi le serment d'allégeance est axé. Il n'est pas axé sur la monarchie britannique. Il est axé sur nos fonctions en tant que parlementaires.
Franchement, je trouve quelque peu troublant que les parlementaires d'un certain parti continuent de parler de la monarchie britannique. En fait, si nous remontons aussi loin que 1947, dans un texte classique de Corry et Hodgetts, on peut lire ceci:
Le gouvernement et le Parlement britanniques n'ont plus aucun contrôle sur ses députés. Les dominions sont autonomes et indépendants. Ils ne sont liés au Royaume-Uni et les uns aux autres que par les liens invisibles d'une tradition commune...
Nous avons effectivement une tradition commune avec nos homologues britanniques, mais nous avons aussi une tradition commune avec le premier monarque français de 1534, lorsque ce que l'on considère aujourd'hui comme le Canada était en fait une province de la Couronne de France, alors nous avons une histoire qui se reflète dans cette enceinte et dans ce concept.
Je veux me concentrer encore une fois sur la Couronne du chef du Canada, une entité distincte et séparée de la monarchie britannique, et je citerais Philippe Lagassé et James Bowden, qui parlent de la Couronne canadienne comme d'une société unique:
Aussi archaïque ou abstrait que cela puisse paraître, il n'en demeure pas moins que la Couronne représente l'État au Canada, et que l'État est une personne morale connue sous le nom de Sa Majesté du chef du Canada conformément au statut de la Couronne en tant que personne morale individuelle non statutaire. Les affirmations selon lesquelles les lois régissant cette société canadienne relèvent de l'autorité du Parlement britannique ou que la personnalité juridique de l'État canadien est toujours la même que celle de l'État britannique portent atteinte à l'indépendance et à la souveraineté dont le Canada a commencé à jouir après 1926 et qu'il a pu pleinement revendiquer après 1982.
Voilà. La Couronne canadienne, Sa Majesté du chef du Canada, est une entité juridique distincte et différente de la monarchie britannique. En fait, si on voulait discuter plus longuement de l'avenir de notre Parlement et de celui d'autres pays du Commonwealth, on constaterait qu'il est effectivement possible que d'autres pays, y compris le Royaume-Uni lui-même, puissent abolir la monarchie. Toutefois, le Canada, en tant que personne morale individuelle distincte, la monarchie du Canada, la Couronne du Canada en tant que personne morale individuelle, est une institution distincte et indépendante de la monarchie britannique.
Plus tôt, mon ami de a parlé de certains des avantages, de la spécificité particulière de la tradition du Commonwealth au Canada et de notre démocratie parlementaire. Walter Bagehot, un grand érudit, a parlé de la beauté de la monarchie constitutionnelle, de son fonctionnement et de la manière dont elle a été bénéfique non seulement pour le Royaume-Uni, mais aussi pour notre tradition. Bagehot a parlé des parties efficientes et dignes. Les parties dignes sont la monarchie, la Couronne et l'auguste nature de cette dernière. La partie efficiente est le Cabinet. Il arrive que nous débattions de l'efficience d'un Cabinet ou d'un gouvernement, mais ce qui compte, c'est de reconnaître que ces deux parties sont distinctes.
L'avantage d'une monarchie constitutionnelle est que l'incarnation de la Couronne et du chef d'État ne repose pas sur les délibérations partisanes des travaux quotidiens de la Chambre des communes ou des autres assemblées législatives. Voici l'avantage: séparer les parties pratiques et les parties dignitaires, ce qui nous permet d'avoir un chef d'État, représenté au Canada par Son Excellence la gouverneure générale, tandis que les parlementaires s'occupent du fonctionnement au quotidien. Je sais pertinemment que les pays qui ont fusionné ces deux catégories, c'est-à-dire les pays où le chef d'État est la même personne que le chef de gouvernement, ne sont pas des exemples que nous voulons reproduire.
Puisque mon temps de parole est presque écoulé, j'aimerais faire valoir un dernier point. Le Parlement est composé de trois parties, et non de seulement deux Chambres. Ces trois parties sont la Chambre des communes, le Sénat et la Couronne. Ce sont les trois parties qui forment notre Parlement, et donc les trois parties qui doivent sanctionner les projets de loi avant qu'ils entrent en vigueur. Autrement dit, il y a la première lecture, la deuxième lecture et la troisième lecture dans les deux Chambres, puis la sanction royale. Ces trois parties ont déjà été réunies, plus précisément lors du discours du Trône de 1957, quand feu Sa Majesté la reine avait prononcé le discours du Trône dans l'enceinte du Sénat, lors d'une visite au Canada.