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Monsieur le Président, je propose que le quatrième rapport du Comité permanent du commerce international, présenté le jeudi 9 février, soit agréé.
Je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Comment se fait-il que nous nous retrouvions à parler de ce rapport du comité à la Chambre aujourd'hui? Je vais fournir un peu de contexte.
Nous avons signé un accord commercial en 2020, l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique. C'était il y a presque trois ans. Cet accord stipulait expressément que nous n'autoriserions pas l'importation au Canada de produits issus du travail forcé, en entier ou en partie, ou dans les chaînes d'approvisionnement. Je suis très curieux de savoir les progrès qui ont été réalisés dans ce dossier.
La a comparu devant le comité et j'ai eu l'occasion de lui demander quels progrès avaient été réalisés, surtout en ce qui concerne les produits saisis dans la région du Xinjiang, en Chine. Comme nous le savons, les produits fabriqués en République populaire de Chine posent de réels problèmes.
J'ai eu un échange avec la ministre. Je lui ai posé les questions suivantes: « Avons-nous saisi des cargaisons pour ce motif à la frontière canadienne? En faites-vous le suivi? » Elle m'a répondu: « Je crois qu'il y a eu quelques saisies. » Elle a ensuite parlé de certains projets de loi et d'autres choses.
J'ai également posé la question suivante: « [...] est‑ce que le ministère compile des données à ce sujet? Y a‑t‑il des chiffres que [vous pourriez] communiquer au Comité? » N'ayant pas de chiffres à me donner, elle m'a finalement répondu: « [...] absolument, je travaille très fort avec le ministre du Travail et avec mes collègues à ce que nous ayons les mécanismes en place pour respecter cet important [objectif] ». Elle a ajouté: « Ce que je dis, c'est que l'engagement du gouvernement canadien à veiller à ce qu'il n'y ait pas de travail forcé dans notre chaîne d'approvisionnement est réel et que nous y travaillons. »
Cette interdiction est entrée en vigueur en 2020, et la a déclaré en 2023 qu'elle y travaillait très fort et qu'elle pensait que certaines cargaisons avaient été reçues. Par conséquent, j'ai fait inscrire une question au Feuilleton, à laquelle j'ai reçu une réponse qui pourrait surprendre les députés. Ma question se lisait comme suit:
En ce qui concerne les mesures gouvernementales pour cesser l’importation de biens découlant du travail forcé des Ouïgours en Chine, depuis 2016: a) combien de fois l’Agence des services frontaliers du Canada ou la GRC ont-elles intercepté ou saisi de tels biens à des points d’entrée; b) quels sont les détails de chaque cas [...]
Je demandais ensuite une description de ces produits, de leur qualité, de leur valeur estimée, etc. Mes collègues seront choqués d’apprendre que la réponse que j’ai reçue indique que rien n’a été saisi. Absolument rien. En trois ans, le gouvernement n’a pas saisi une seule cargaison de produits fabriqués par des personnes forcées à travailler dans la région chinoise du Xinjiang. Nous avons là une abdication de responsabilité scandaleuse. La n’a absolument rien fait à ce sujet pendant ces trois dernières années.
Du côté de l’Agence des services frontaliers du Canada, le a également complètement abdiqué sa responsabilité à cet égard. Il n’a absolument rien saisi. On me répondra que c’est tout à fait normal, parce que ce dossier est très compliqué. Eh bien, vous savez quoi? Il n’est pas compliqué du tout.
Au cours de cette même période, les États-Unis ont saisi plus de 1 400 cargaisons. Ils prennent ce problème au sérieux. Ils respectent leurs obligations en vertu de l’Accord Canada—États‑Unis—Mexique. Les États-Unis ont saisi pour 1,3 milliard de dollars de marchandises au cours de la même période. Qu’a fait le Canada? Absolument rien. On nous a servi de belles paroles sans qu'aucune mesure concrète ne soit prise, et cela non seulement dans ce dossier, mais dans pratiquement tous les dossiers dont nous voulons discuter avec ce gouvernement. Cependant, ce dossier est important.
Les libéraux vont dire que tout cela est compliqué, parce qu’il est difficile de savoir d’où viennent les produits. En effet, c’est très difficile, mais vous savez quoi? Les États‑Unis ont dressé une liste d’entités qui imposent ouvertement le travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement et pour la fabrication des produits. Cette liste est publique, et je l’ai ici. Si c’est si difficile, la pourrait la copier, mais je sais que même cela est difficile. La ministre du Commerce international a le temps d’approuver un contrat très lucratif pour l'entreprise d'une amie, mais elle n’a pas le temps de copier la liste des entités que les États-Unis ont créée conformément à notre accord commercial.
Je sais que nous devons tous établir des priorités. Un ancien député, M. Dion, a déjà indiqué qu'il était loin d'être facile d'établir des priorités. Je soupçonne que cette attitude s’est répandue dans tout le gouvernement actuel. Il est très difficile de copier une liste.
Les États‑Unis ont saisi des produits d’une valeur de 1,4 milliard de dollars, et le Canada n’a rien saisi. C’est gênant. Le et la ont complètement abdiqué leurs responsabilités dans ce dossier, et quoi qu’ils disent, ils n’ont pas d’excuses, parce qu’il existe une liste facile à utiliser. Les États‑Unis ne sont pas les seuls qui aient dressé une liste. Un grand nombre d’organismes de partout dans le monde ont mené des enquêtes à ce sujet et ont établi des listes.
Comment se fait-il que nous soyons incapables de donner une liste semblable à l'Agence des services frontaliers du Canada pour qu’elle intercepte les produits provenant de ces entreprises à la frontière? Je me le demande bien. Cela prendrait environ 10 minutes. En fait, je suis tout à fait disposé à déposer ce document pour que la puisse le faire transcrire et envoyer les instructions à l’ASFC. Je sais que diriger un pays, c’est beaucoup de travail, mais les députés ne semblent pas disposés à se mettre à la tâche.
La situation est loin de s’améliorer, et le gouvernement ne fait absolument rien pour y remédier. Quand je dis « rien », c’est la vérité. D’après la réponse que j’ai reçue à la question que j’avais inscrite au Feuilleton, j’ai bien vu qu’il n’a absolument rien fait. Comme l’indique un rapport de Vision mondiale à propos du travail des enfants et du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement, « [m]alheureusement, le Canada contribue largement au problème planétaire ». Toujours selon ce rapport, le Canada a importé pour près de 48 milliards de dollars de marchandises risquées en 2021, soit une augmentation de près de 30 % depuis 2016.
Le gouvernement est aux abonnés absents, alors que le problème ne fait que s’aggraver. Je me demande ce qu’il va falloir faire pour faire bouger les libéraux. J’ai interrogé la à ce sujet en comité, et plusieurs questions ont été posées à la Chambre des communes.
Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pourtant pas compliqué. Les États‑Unis ont publié une liste et ont pris immédiatement des mesures. Je signale en passant qu’ils ne se sont pas contentés de publier une liste, ils ont aussi adopté une loi. Le 23 décembre 2021, le président Joe Biden a signé l’Uyghur Forced Labour Prevention Act, qui interdit l’importation aux États‑Unis de produits issus du travail forcé des habitants de la région du Xinjiang, en Chine.
Je suis devenu avocat parce que je n’étais pas bon en maths, mais sauf erreur de ma part, près de deux ans se sont écoulés depuis décembre 2021. Qu’a fait le gouvernement? S’est-il donné la peine de faire adopter un projet de loi? Non. A-t-il enjoint à l’ASFC de confisquer les marchandises issues des entreprises figurant sur la liste? Non. Le comble, c’est que dans un article qui a paru sur ce sujet, l’ASFC disait avoir saisi une cargaison pour montrer qu’elle faisait quelque chose. Or, dans la réponse à la question que j’avais inscrite au Feuilleton, il était dit que l’ASFC n’avait rien saisi. En fait, je suis désolé; j'ai dit qu'elle n'avait rien fait, mais c'est inexact. Elle a publié deux avis à l'intention des entreprises canadiennes qui font des affaires dans la région du Xinjiang, pour leur dire de vérifier leurs chaînes d’approvisionnement.
Bravo au gouvernement pour tout son travail dans ce dossier. Il devrait vraiment avoir honte de l'effort qu'il y a consacré. Il devrait être gêné de son inaction. La devrait avoir honte parce qu'elle n'a rien fait. Le devrait aussi avoir honte. Ils n'ont absolument rien fait.
Cela n'exige pas beaucoup de travail. Les États‑Unis sont un partenaire de confiance qui fait partie du réseau du renseignement du Groupe des cinq. S'ils ont pu publier une liste d'entreprises qui ont recours au travail forcé et s'ils ont pu saisir des biens d'une valeur de 1,4 milliard de dollars, nous pouvons faire la même chose. Or, le gouvernement ne l'a pas fait. Je voudrais savoir pourquoi.
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Madame la Présidente, c'est un plaisir de parler de cet important sujet. Je tiens à saluer le travail de mon collègue de , le ministre du cabinet fantôme responsable du commerce international, qui réfléchit longuement aux façons de défendre les intérêts économiques du Canada, mais également d'appliquer les principes et les valeurs morales du pays à l'approche qu'il adopte en matière de commerce international et d'importation de produits.
Pour la plupart des Canadiens, l'esclavage appartient à l'histoire. Ils pensent à des récits qu'ils ont entendus ou lus, ou encore à des films qu'ils ont vus, à propos du chemin de fer clandestin, des horreurs de la traite transatlantique des esclaves, de la guerre de Sécession et de personnages comme Abraham Lincoln et William Wilberforce. Ce sont d'importantes pages d'histoire que nous devons connaître pour comprendre les séquelles et les torts qui découlent encore aujourd'hui de cette forme de violence.
Mais ce qu’il faut aussi bien comprendre, c’est que l’esclavage est encore un problème aujourd’hui. C’est la triste réalité. Il y a encore aujourd’hui dans le monde un grand nombre de personnes qui sont réduites à l'esclavage, forcées de travailler, contre leur gré, sans rémunération ou en tout cas sans rémunération adéquate et qui se retrouvent malgré elles dans cette situation pour toutes sortes de raisons, bien souvent en raison de leur origine ethnique. Et ce qu’il faut aussi bien comprendre, c’est que nous entretenons des relations commerciales avec des pays qui pratiquent différentes formes, toutes aussi horribles les unes que les autres, de l’esclavage moderne.
Lorsque nous méditons sur les injustices du passé et que nous nous demandons comment des gens ont pu autoriser ou tolérer ce genre de choses, nous devons aussi nous demander pourquoi aujourd’hui, face aux mêmes réalités, nous n’en faisons pas davantage. Ce n’était certes pas le cas de tout le monde, mais il y avait quand même beaucoup de gens qui étaient totalement indifférents aux horreurs commises à cette époque. Nous devons nous demander pourquoi, aujourd’hui, nous ne réagissons pas davantage face à la réalité de l’esclavage moderne et pourquoi nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour le contrecarrer.
Il y a quelques années, je suis allé visiter la plantation Whitney, un musée où j'ai pu voir les horreurs de l’esclavage tel qu’il se pratiquait jadis aux États‑Unis. Il est très important que nous soyons tous conscients de cette réalité du passé et que nous soyons conscients des horreurs de l'esclavage moderne.
Certes, en tant que parlementaires ou simples Canadiens, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour combattre ce problème, mais le minimum serait de ne pas être complices. Autrement dit, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas encourager la pratique de l’esclavage, sous quelque forme que ce soit, partout sur la planète, notamment en interdisant les importations de produits issus du travail fait par des esclaves.
Je pense que tout le monde ici s’entend sur le principe selon lequel nous ne devrions pas acheter des produits issus du travail fait par des esclaves, mais le problème qui se pose, c’est l’absence totale de volonté de la part du gouvernement pour l'appliquer. Comme l’a dit mon collègue, aucune cargaison provenant de la région ouïghoure en Chine n’a été interceptée parce qu’elle était issue du travail fait par des esclaves, à l’exception d’une seule qui a par la suite pu passer.
Manifestement, nous sommes beaucoup moins vigilants que les États-Unis et d’autres pays. Et à propos de vigilance, chaque fois que nous constatons chez nous un grave déficit dans ce domaine, et très franchement on pourrait en dire autant de l’ingérence étrangère, et que nous constatons que d’autres pays interceptent des cargaisons ou expulsent des espions, nous devrions nous demander si c’est parce que le Canada n’est pas visé ou tout simplement que le Canada n’est pas assez vigilant.
Nous ne devrions pas tolérer que des navires transportant des produits issus du travail forcé soient interdits de mouiller à Seattle mais qu’ils soient autorisés à le faire à Vancouver. Moralement, c’est tout à fait inacceptable.
Il est vrai que les chaînes d’approvisionnement internationales sont complexes. Mais il n’en demeure pas moins que nous devrions nous entendre sur le principe: le Canada ne devrait pas importer des produits issus du travail forcé, même si les systèmes et les processus sont compliqués. Je suis d’accord avec mon collègue lorsqu’il dit que nous devrions tout simplement collaborer avec les Américains et harmoniser nos pratiques en matière d’application de la loi, à l’aide des renseignements et des données qu’ils ont déjà recueillis. Cela nous simplifierait beaucoup la tâche.
Mais je pense que nous devrions aller un peu plus loin. J’aimerais que nous discutions avec tous les partenaires qui partagent les mêmes valeurs que nous. Je voudrais que nous nous entendions sur une norme commune et sur des procédures communes pour interdire l’importation dans nos pays de produits issus du travail forcé.
Comme cela nécessitera recherches et analyses, il serait souhaitable qu'un groupe de pays alliés soit formé, les pays du G7, par exemple, ou d’autres, qui s’engageraient tous à faire appliquer certaines règles pour empêcher l’importation de produits issus du travail forcé. Cela nous simplifierait la tâche et la rendrait moins onéreuse. Par exemple, nous pourrions dire que, si une étude faite par des alliés ou par un organisme fiable affirme qu’il est fort probable que tel ou tel produit soit issu du travail forcé, ce produit ne sera importé dans aucun des pays partenaires. Je pense que cela serait tout à fait acceptable sur le plan moral.
C’est aussi une proposition tout à fait acceptable sur le plan des ressources. Pourquoi aurions-nous une réponse différente de celle de nos partenaires et alliés à la question de savoir si tel ou tel produit est issu du travail forcé? Il est encourageant de voir qu’aux États-Unis, qui sont pourtant un pays très polarisé politiquement, les enjeux concernant le travail forcé se règlent par la collaboration entre les républicains et les démocrates. Je souhaiterais qu’il en soit de même chez nous, mais il faudrait, pour commencer, que le gouvernement sache écouter et prendre les mesures nécessaires, car jusqu’à présent, le gouvernement n’a absolument rien fait.
Je sais gré à un député libéral d’avoir présenté un projet de loi d’initiative parlementaire qui porte précisément sur la divulgation, mais jusqu’à présent, contrairement aux promesses qu’il a faites, le gouvernement n’a présenté aucun projet de loi plus général sur le travail forcé et les chaînes d’approvisionnement. Nous n’avons toujours pas ce que les Canadiens réclament, c’est-à-dire une approche ciblée face aux grands points chauds du travail forcé.
Nous savons que, dans certains cas, le travail forcé est pratiqué dans des endroits où règne le désordre ou la mauvaise gouvernance. C’est donc une pratique hors la loi, qui n’est pas sanctionnée par l’État. Mais dans le cas de la région des Ouïghours en Chine, par exemple, nous savons que cela participe d’un génocide délibéré des Ouïghours, un génocide que la Chambre a reconnu mais que le gouvernement n’a toujours pas reconnu.
Lorsqu’un État se livre à un génocide et que la même population est victime du travail forcé, nous ne pouvons pas ne pas avoir une approche ciblée à l’égard de la région en question. J’ai dit à maintes reprises que j’étais favorable à l’adoption d’un cadre semblable à celui qui est prévu dans la loi américaine, l’Uyghur Forced Labor Prevention Act, et selon lequel tout produit provenant de la région des Ouïghours est issu du travail forcé, jusqu'à preuve du contraire. Si l’importateur peut faire la preuve du contraire, sa marchandise est acceptée. Les Américains estiment que les produits provenant de cette région ont de fortes chances d’être issus du travail forcé, et que par conséquent, nous devrions en interdire l’importation, jusqu'à preuve du contraire.
Si nous adoptions ce genre de mesures, nous harmoniserions davantage notre législation avec celle des pays alliés.
Je ne cesserai jamais d’encourager le gouvernement à s’inspirer de l’expérience des autres pays. Et cet enjeu en est un exemple parfait. Lorsque le travail a déjà été fait par d’autres pays, il est facile de collaborer avec ces pays pour renforcer nos procédures afin d’empêcher l’importation de produits issus du travail forcé.
Pour terminer, j’aimerais vous dire ceci: si l’esclavage existait encore en Amérique du Nord, à une échelle industrielle, je crois que nous hésiterions à importer du coton et d’autres produits issus de ces plantations. Nous les interdirions. Nous devrions faire la même chose pour ce qui est des produits issus de l’esclavage pratiqué en Chine ou ailleurs dans le monde, et nous devrions collaborer avec nos alliés pour atteindre cet objectif en renforçant nos dispositifs d’application de la loi.
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Madame la Présidente, l’enjeu dont nous débattons aujourd’hui est important, comme je l’ai dit tout à l’heure. Le comité du commerce en a déjà débattu, d’ailleurs.
La Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang traite des marchandises qui proviennent d’une région particulière de la République populaire de Chine connue sous le nom de Turkestan de l’Est et que le gouvernement de la République populaire de Chine nomme le Xinjiang. Dans cette déclaration, nous promettons de veiller à ce que les marchandises en provenance de cette région ne soient pas le fruit du travail forcé, voire d'une forme d’esclavage, comme l’ont mentionné certains députés d’en face, en particulier celui des Ouïghours. C’est une préoccupation importante non seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour nos alliés et pour de nombreux pays libéraux et démocratiques de la planète, comme il se doit. Je pense qu'il y a eu une prise de conscience croissante chez les Canadiens et les gens de toute la planète au cours de ces dernières années en voyant les politiques encore plus musclées qu’imposent la République populaire de Chine et le Parti communiste chinois.
Voilà l'ampleur de ce dont nous discutons en ce moment. Il s’agit de la déclaration elle-même et des mesures que nous prenons au titre de celle-ci.
Pour placer cette discussion en contexte, il faut comprendre l’évolution de notre approche face à la République populaire de Chine. Cette république est dirigée par le président Xi qui, en ce moment même, rend visite à nul autre que Vladimir Poutine. Ils se rencontrent pour renforcer leur alliance. Cela inquiète tous les gouvernements sensés et démocratiques de la planète, particulièrement ceux qui s’opposent aux invasions illégales et injustifiées.
Cela nous donne une idée de la position du président Xi, qui adopte ouvertement les politiques d’agression de Vladimir Poutine. Nous sommes témoins de l’agression de Poutine contre l’Ukraine. La Chine aspire à adopter une politique impérialiste encore plus agressive face à l’île de Taïwan. C’est ainsi que la Chine traite les Tibétains depuis 63 ans et c’est aussi le traitement qu’elle réserve aux Ouïghours.
Quant à la politique du gouvernement et du Parlement à l’égard de cette région de la Chine et à la position que nous adoptons, il suffit de regarder les motions que la Chambre a adoptées. Il y a environ 12 ou 18 mois, nous avons adopté une motion qui qualifiait de génocide le traitement que la Chine inflige aux Ouïghours du Xinjiang. Cette conclusion, de la part de parlementaires, est très grave. Les parlementaires se sont prononcés sur cette motion, et si nous nous fions aux preuves dont nous disposons, elle décrit ce qui se passe avec exactitude. Nous savons que si ces éléments factuels sont prouvés devant un tribunal international, ils seront considérés comme un génocide. C’est un aspect important à considérer.
Il y a environ six semaines, nous avons adopté à l’unanimité une autre motion sur la région du Xinjiang. Cette politique, cette motion, a été présentée par le député de , si je ne m’abuse, qui est également président du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Dans le cas du Xinjiang, notre gouvernement, notre pays doit veiller à ce que les personnes qui fuient ces persécutions trouvent refuge au Canada. Nous devons accueillir jusqu’à 10 000 Ouïghours d’ici à 2024. C’est un grand pas dans la bonne direction qui démontrera la position que prend notre Parlement et notre gouvernement à l’égard des violations des droits de la personne qui se produisent dans la région du Xinjiang.
Mes collègues m’ont entendu dire, dans mon intervention initiale, que notre politique étrangère a également pris un virage très important. Je parle de la stratégie pour l’Indo-Pacifique. Nous pouvons parler des mesures que prennent les Américains dans le cadre de leur stratégie économique pour l’Indo-Pacifique — l’IPEF, comme on l’appelle aux États‑Unis. Dans leurs politiques étrangères par rapport à l'Asie, le Canada, les États‑Unis et de nombreux autres pays s'écartent de la Chine et de ses politiques énergiques et agressives, dont ses violations des droits de la personne, pour se rapprocher d’autres nations. La stratégie pour l’Indo-Pacifique en est un exemple classique.
Pourquoi soulever cette question dans le contexte du Xinjiang? C’est que la stratégie pour l’Indo-Pacifique traite directement de cette question. Plusieurs pages y soulignent que le Canada considère la Chine comme un pays agressif et perturbateur. Notre stratégie pour l’Indo-Pacifique précise que nous tiendrons la Chine responsable de diverses violations des droits de la personne avec plus de clarté et de transparence.
Je mentionne ici les Canadiens d’origine tibétaine que je représente et leurs concitoyens qui vivent encore dans la Région autonome du Tibet ainsi que les violations des droits de la personne que cette communauté subit depuis 1959, et même avant, depuis plus de 64 ans. Il est important de le souligner sur le plan de la liberté religieuse, de la liberté linguistique et de la liberté culturelle. Nous y parlons aussi des gens qui manifestent pour la démocratie à Hong Kong depuis deux ou trois ans. Les Hongkongais ont osé se lever et s’opposer à une politique législative qui limiterait leur liberté d’expression. Nous y mentionnons des personnes qui vivent sur l’île de Taïwan et qui craignent pour leur sécurité physique et pour la survie de leur nation indépendante au sein de la communauté des nations. Nous y parlons des Ouïghours qui viennent du Turkestan oriental, aussi appelé Xinjiang par la République populaire de Chine, et de leurs droits à la sécurité physique, à la liberté religieuse et à la liberté culturelle, dont ils sont privés en ce moment même en République populaire de Chine.
Ces positions sont énoncées dans notre stratégie pour l’Indo-Pacifique. Elles décrivent l’orientation de notre gouvernement face à la Chine et au Xinjiang en particulier.
Jusqu’à maintenant, mes collègues d’en face ont contribué au débat en critiquant, voire en accusant le gouvernement du Canada de ne pas soulever ces préoccupations avec suffisamment d’empressement, de clarté ou de répétitivité ou d’exhaustivité, ici et sur la scène internationale. Ce n’est pas vrai du tout. Je sais pertinemment que les représentants du gouvernement du Canada soulèvent chaque fois qu’ils en ont l’occasion la question des violations des droits de la personne en Chine, qu’il s’agisse des Ouïghours, des Tibétains ou des manifestants pour la démocratie à Hong Kong, au cours de réunions bilatérales et multilatérales et de forums multilatéraux.
Je vais donner un exemple concret auquel j’ai participé. En février, l’OCDE a tenu un forum annuel sur la conduite responsable des entreprises, ce qui est exactement ce dont nous parlons dans ce contexte. Le débat portait sur la conduite et le comportement des entreprises qui exercent leurs activités à l’extérieur de nos frontières. J’étais le chef de la délégation canadienne. J’y représentais la , et je me suis donné beaucoup de mal pour exposer les positions du gouvernement canadien en matière de conduite responsable des entreprises. J’ai particulièrement présenté notre stratégie pour l’Indo-Pacifique et la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang, qui fait l’objet de la discussion de ce matin. Ma présentation a provoqué une forte réaction de la délégation chinoise qui participait à ces réunions à Paris.
[Français]
Ils m'ont dit, dans un bon français, que je disais des mensonges.
[Traduction]
Les membres de la délégation chinoise ont dit que je mentais en décrivant la situation en République populaire de Chine.
Je ne mentais pas en décrivant, pendant un forum international ouvert de l’OCDE, les violations des droits de la personne que subissent les Ouïghours, les Tibétains et d’autres personnes, particulièrement au Xinjiang. Que cet état de fait soit énoncé clairement par le gouvernement canadien devrait rassurer les députés qui soutiennent que nous devons faire ce genre de choses. Nous le faisons, et nous continuerons à le faire. Nous continuerons à le faire sur toutes les tribunes.
Il faut interpréter notre approche à l’égard du Xinjiang dans le contexte plus vaste de notre approche dans le domaine des droits des travailleurs. Certains ont soulevé la question du travail forcé dans nos chaînes d’approvisionnement. C’est un enjeu crucial. La question de l'esclavage éventuel dans les chaînes d’approvisionnement est, elle aussi, très importante. Les Canadiens n’ont qu’à lire les lettres de mandat que le gouvernement publie et que le remet aux membres du Cabinet.
Les Canadiens qui nous regardent en ce moment n'ont qu'à bien lire la lettre de mandat du , où le premier ministre lui donne pour consigne de préparer un projet de loi étoffé visant à éradiquer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes. Le ministre a reçu ce mandat et il s'affaire assidûment à s'en acquitter, de concert avec son équipe politique et des fonctionnaires de son ministère. Le projet de loi englobera des éléments comme une norme de diligence raisonnable, des normes applicables aux entreprises canadiennes, et il fera état des conséquences pour quiconque les transgressera, y compris en ne décelant pas le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement dans le but de l'éliminer.
Il a été brièvement question du projet de loi , parrainé par le député de , qui en est, si je ne m'abuse, à son septième mandat. Le projet de loi a été proposé dans l’autre Chambre par la sénatrice Miville‑Dechêne.
Le projet de loi et le mandat d'ordre législatif donné au témoignent de l’engagement du gouvernement à éradiquer le travail forcé de nos chaînes d’approvisionnement. Cependant, dans notre examen de cette question, il convient également de bien saisir le contexte international, dans toute son ampleur.
Lors de réunions à l’OCDE, j’ai parlé personnellement avec les représentants d’environ quatre pays différents qui cherchent déjà à éradiquer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement. Ils m’ont parlé très franchement de ce qui fonctionne en Europe du Nord, de ce qui fonctionne dans la loi britannique sur l’esclavage moderne et de ce qui pourrait être amélioré.
Ils ont parlé de l'approche des Hollandais, des Allemands et des Français, par exemple. Ce sont des discussions utiles parce que l'objectif du Canada avec la nouvelle loi, c’est d’adopter les pratiques exemplaires de différents pays, de choisir ce qui fonctionne là-bas et d’apporter des améliorations en fonction des obstacles, des erreurs ou des défis auxquels ces pays ont fait face.
Cela montre aux Canadiens qui nous regardent aujourd’hui que l’idée d’éradiquer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement est importante, mais qu’elle est également difficile à mettre en œuvre. Elle est liée à des éléments comme la taille d'une entreprise, les entreprises visées par les normes de diligence raisonnable et les sanctions prévues en cas d'infraction.
Pour éradiquer le travail forcé dans nos chaînes d’approvisionnement, il faut adopter une vue d'ensemble afin que l'activité commerciale se fasse de manière correcte et responsable. Je relèverai plusieurs points. Nous avons lancé la stratégie de conduite responsable des entreprises en avril 2022. J’ai représenté la au lancement de cette stratégie avec toute une série d’organisations de la société civile. Elles avaient hâte de voir ce que nous faisions pour garantir que les entités canadiennes qui mènent des activités à l’étranger agissent de manière responsable et dans le respect des lois et des valeurs canadiennes.
Il y a entre autres l'obligation pour les entreprises canadiennes qui vont travailler à l’étranger ou dans diverses parties du monde de remplir une attestation, qui fait partie de notre stratégie de conduite responsable des entreprises. Pour pouvoir faire appel, par exemple, au Service des délégués commerciaux, où des Canadiens travaillent assidûment dans 160 bureaux dans le monde à aider les entreprises canadiennes à mener des affaires partout sur la planète, ces entités doivent attester formellement, par écrit, qu’elles respecteront les valeurs, les normes et les lois canadiennes, ainsi que les normes, les lignes directrices et les statuts internationaux applicables là où elles mènent leurs activités.
C’est important et cela devrait aller de soi. Toutefois, en prévoyant une contrepartie, c’est-à-dire que signer l'attestation donne accès aux services du Service des délégués commerciaux, l’idée que les entreprises canadiennes doivent mener leurs activités de manière responsable lorsqu’elles travaillent à l’étranger prend plus de poids. C'est absolument essentiel.
Dans le cadre de la stratégie de conduite responsable des entreprises, nous préparons aussi une norme en matière de diligence raisonnable, qui concorde avec les travaux que mènent les fonctionnaires du .
Nous avons également mis en place toute une série d’outils législatifs. La liste des ressources législatives est assez étoffée. Nous avons fait adopter une loi qui traite de la corruption des fonctionnaires étrangers. Il va sans dire qu’une entité canadienne opérant à l’étranger ne doit pas se livrer à des actes de corruption auprès de fonctionnaires étrangers ou à des actes de subornation.
Nous avons fait adopter une loi, la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif, qui porte sur deux des grands atouts du Canada, à savoir sa compétence et son savoir-faire dans le domaine minier, dans le contexte des activités minières canadiennes à l’étranger. Les entreprises canadiennes du secteur de l’extraction doivent ainsi conduire leurs activités à l'étranger en toute transparence.
Nous avons fait modifier le Tarif des douanes, qui vise l'importation. Il y a un lien direct avec le sujet du débat d’aujourd’hui, puisque les marchandises qui arrivent au Canada doivent être conformes à la réglementation et aux modifications qui lui sont associées. Les modifications visaient à éviter la violation des droits de la personne dans la production des marchandises qui entrent dans le pays.
Nous avons créé le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises lorsque nous avons pour la première fois pris les rênes du pouvoir, vers 2018‑2019. Il s’agit d’un bureau unique en son genre sur toute la planète. Prétendre, comme le font les députés d’en face, que nous ne jouons pas un rôle structurant relativement aux activités commerciales menées à l'étranger est catégoriquement faux.
La création du Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, dont j’ai déposé le rapport annuel à la Chambre quelques instants avant le début de ce débat, ce matin, témoigne de nos réalisations en tant que gouvernement. Nous avons joint le geste à la parole en créant le Bureau, en le finançant et en le dotant du personnel nécessaire pour examiner d’un œil critique la conduite des entreprises canadiennes à l’étranger et prendre acte des normes, des règles et des valeurs que celles-ci respectent.
Le député néo-démocrate est intervenu à deux ou trois reprises au cours du débat de ce matin au sujet de l’industrie du vêtement. À cet égard, l'ombudsman canadienne de la responsabilité des entreprises, conformément à son propre mandat, a lancé une étude sur l’industrie du vêtement et les entreprises canadiennes œuvrant dans des pays comme le Bangladesh. C’est précisément le travail que nous estimons nécessaire. Il est réalisé ici même au Canada, conformément à la loi que nous avons adoptée, dans un bureau que nous avons créé et que nous avons doté en personnel. Encore une fois, c’est le seul pays de la planète qui dispose d’une telle entité. Il s’agit là d’une initiative et d’un leadership essentiels.
En ce qui concerne les initiatives législatives, nous avons également fait loi de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nous avons respecté cette déclaration, nous l’avons ratifiée et nous avons adopté une loi s’y rapportant. Pourquoi la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est-elle liée à des questions de conduite à l’étranger? On ne peut pas parler de conduite responsable des entreprises à l’étranger sans comprendre l’incidence qu’elles ont sur la planète.
Choisissons un continent, comme l’Asie, l’Amérique du Sud ou l’Afrique. Partout dans le monde, des collectivités autochtones sont affectées par la conduite des entreprises canadiennes. Choisissons un secteur, comme le secteur minier ou le secteur du vêtement. Lorsque des collectivités autochtones sont touchées, nous avons des responsabilités, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, quant à la façon de traiter ces collectivités autochtones. Ces collectivités peuvent et doivent bénéficier des retombées de l'extraction des richesses naturelles qui se trouvent sur leurs terres. Il s’agit d’un élément législatif important que le député d’en face n’a pas mentionné lorsqu’il a soulevé cette question dans le débat.
Il existe également des engagements internationaux que nous avons non seulement pris en charge, en les signant, mais que nous avons également contribué à faire progresser. Je n’en citerai que quatre. Il y a les principes directeurs des Nations unies relatifs à la conduite responsable des entreprises. Il y a les lignes directrices de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises, qui ont fait l’objet de la conférence à laquelle j’ai assisté à Paris au début de février cette année, concernant la manière dont les entreprises doivent se comporter lorsqu’elles œuvrent à l’étranger.
Mes collègues du NPD seront ravis d’apprendre que nous prenons des mesures énergiques à l'égard des lignes directrices des organisations juridiques internationales qui dictent les normes et les conventions de travail en ce qui concerne la manière dont les entreprises doivent agir et les types de protection qu’elles doivent respecter lorsqu’elles œuvrent à l’étranger. Nous sommes également à l’avant-garde de la défense des objectifs de développement durable et de la réalisation de ces objectifs à l’échelle internationale.
Le dernier élément dont je parlerai est une composante du leadership de l’industrie de la part des entités canadiennes qui prennent elles-mêmes les devants. Je cite, à titre d’exemple, l’initiative « Vers le développement minier durable » de l’Association minière du Canada. C’est ce qu’on appelle l’initiative VDMD, dans le jargon de l’industrie. L’initiative VDMD a été adoptée par neuf pays jusqu’à présent. Il est envisagé d’en ajouter quatre autres.
Lors de la conférence de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs à laquelle je viens d’assister à Toronto, qui est la plus grande conférence minière du genre au monde, tous les pays présents ont vanté les mérites de cette initiative. De nombreux pays ont exprimé le souhait d'y participer. Il s’agit de montrer aux Canadiens qu’il faut non seulement tenir compte de ce que font un bon gouvernement et le Parlement, mais aussi de ce que fait l’industrie pour s’assurer que la conduite de ses entreprises œuvrant à l’étranger est limpide, responsable et transparente au chapitre des droits de la personne.
Permettez-moi de revenir sur la déclaration d’intégrité concernant le Xinjiang. Je suis d’accord avec les députés d’en face pour dire que c’est une déclaration importante. Un travail rapide doit être effectué pour éclaircir cette question et donner suite à la déclaration elle-même. C’est une initiative importante, et nous devons faire preuve de leadership non seulement en créant la déclaration, mais aussi en donnant suite à ses dispositions et en veillant à ce que les marchandises en provenance de cette partie de la Chine ne soient pas entachées par le fléau du travail forcé, y compris le travail forcé des Ouïghours.
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de me présenter aux élections et de siéger au Parlement il y a huit ans. C'était pour aborder les différentes politiques du gouvernement du Canada dans l'optique des droits de la personne. Il m’a semblé que c’était quelque chose qui manquait cruellement au gouvernement précédent. Je reconnais que certaines mesures législatives, y compris, je crois, la question des mesures de transparence dans le secteur extractif, ont été adoptées par le gouvernement précédent; il a donc pris quelques bonnes initiatives.
Depuis 2015, nous avons repris le flambeau et l’avons fait avancer considérablement en créant le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, en créant la modification au tarif douanier, en adoptant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et en lançant une nouvelle stratégie de conduite responsable des entreprises. C’est le travail que je m’engage à poursuivre, avec l’aide de tous les parlementaires à la Chambre, pour veiller à ce que des initiatives comme la Déclaration d’intégrité sur la conduite des affaires avec des entités du Xinjiang soient pleinement mises en œuvre.
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Madame la Présidente, Nicolas de Condorcet disait que les amis de la vérité étaient ceux qui la cherchaient, et non ceux qui se vantaient de l'avoir trouvée.
À ce titre, j'interprète positivement cette motion. J'ai d'ailleurs voté en sa faveur quand mon collègue conservateur l'a proposée en comité. Pour moi, c'est une manière d'entreprendre un chantier, de débuter quelque chose. D'ailleurs, je suis heureux que les conservateurs présentent cette motion. La dernière fois que j'ai présenté une motion visant à instaurer une vraie politique en matière de diligence raisonnable afin qu'elle soit adoptée par consentement unanime, les cris d'opposition ont été nombreux à ma droite. J'utilise le mot « droite » dans tous les sens du mot. Alors, je suis content de voir qu'il y a un réveil, bien qu'il soit tardif.
J'ai aussi présenté une motion sur les minières. Au Comité permanent du commerce international, nous avons terminé l'étude sur les minières, mais nous n'avons pas encore adopté le rapport. Nous n'avons pas encore reçu la . Quand j'ai présenté cette motion au sujet des minières, l'opposition s'est aussi fait sentir du côté des conservateurs. Or, je me réjouis quand même de voir une prise de conscience. Il vaut mieux tard que jamais, comme on le dit.
Je remercie aussi l'orateur précédent, le . Récemment, j'ai eu la chance d'aller à Paris avec lui pour le sommet de l'OCDE, qui portait précisément sur cette question. Je suis content de voir que l'OCDE et la plupart des pays prennent conscience du problème même si, malheureusement, cette rencontre est tournée peu en spectacle de vantardise. Chacun disait qu'il prenait cela au sérieux et qu'il travaillait fort dans sa collectivité pour faire avancer cette cause. Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres, comme le veut l'expression.
C'est un sujet qui m'interpelle tout particulièrement parce que j'ai aussi déposé une pétition à la Chambre au printemps dernier, si je ne m'abuse, ou au début de l'été dernier pour instaurer une vraie politique en matière de diligence raisonnable. J'ai aussi coparrainé des projets de loi. Au Bloc québécois, nous disons toujours que nous ne prenons pas des décisions en fonction de l'étiquette. Quand un projet de loi est bon, nous l'appuyons et, quand il est mauvais, nous ne l'appuyons pas.
J'ai coparrainé deux projets de loi du NPD. Le premier est le projet de loi , qui n'a pas encore cheminé depuis la première lecture. Si on prend au sérieux ce problème, il faut s'y mettre, il faut que cela soit mis en priorité. Le deuxième est le projet de loi , qui vise à mettre sur pied un bureau du commissaire en cette matière. C'est donc un bureau qui pourrait véritablement être une autorité en la matière.
Revenons un peu en arrière. Il était une fois la colonisation. Il y a de nombreux pays que l'on qualifie aujourd'hui de pays « en voie de développement ». Ce sont les pays du Sud, selon cette vieille distinction nord-sud. Il y a eu jadis ce qu'on a appelé la colonisation. Les empires coloniaux, les métropoles, comme on les appelait, voulaient mettre la main sur les ressources et sont allés mettre la main sur des territoires. Chacun n'a pas procédé de la même manière. Pour certains, il fallait civiliser ces populations qu'on prétendait inférieures. Pour d'autres, cela allait encore plus loin; il fallait malheureusement les exterminer.
Pour d'autres, il s'agissait d'enlever aux populations tout pouvoir et de les réduire à l'insignifiance tant qu'on ferait des affaires avec elles. C'était souvent le modèle de la colonisation britannique. Les populations n'avaient plus de pouvoir politique, mais on faisait semblant de leur en donner. On les laissait élire des chefs, des petits chefs locaux issus de leur ethnie. Cela leur donnait l'illusion qu'ils avaient encore du pouvoir sur leur vie, ce qui est une tromperie complète. On a appelé cela le règne de l'indirect rule. Ensuite, la décolonisation est survenue, comme on le sait.
Vient ensuite l'histoire de la mondialisation. À partir des années 1980, on nous a dit qu'il fallait libérer les multinationales et libérer le capital, lui permettre de se promener sans frontières, d'aller partout et de faire des profits parce que l'addition des profits de chacun allait mener au bien commun. C'était d'ailleurs une très mauvaise interprétation des propos d'Adam Smith, à qui on a attribué la théorie de la main invisible. En réalité, il n'y a pas de théorie de la main invisible pour Adam Smith, c'est une métaphore qu'il a utilisée trois fois pour désigner des choses différentes. Quand on lit Adam Smith, on constate que ses propos sont tout le contraire de ce qu'on a voulu lui faire dire dans les années 1980 et 1990.
Lorsque le mur de Berlin est tombé, le bloc socialiste est également tombé. Il a implosé, il s'est effondré. Par la suite, c'était le règne du néolibéralisme à tous crins. L'ensemble des organismes supranationaux disaient que les nations, c'était fini, que les souverainetés, c'était fini et que le filet social, c'était aussi fini. Les mesures et les politiques, c'était fini. Il fallait maintenant que le capital puisse se déployer, puisse passer d'un territoire à l'autre, n'importe comment et n'importe quand. Il fallait qu'il soit le plus libre possible et qu'il fasse ce qu'il veut.
Évidemment, aujourd'hui, on n'en est plus là. On peut dire que la mondialisation est en crise, que c'est le retour à un monde multipolaire. On a découvert plusieurs conséquences environnementales et sociales de ces utopies. Parmi celles-ci, il y a cette idée d'une grande chaîne d'approvisionnement mondiale où chaque pays pourrait faire son petit quelque chose. Cela a aussi des conséquences.
Le Québec a bien tiré son épingle du jeu du libre-échange. Cela a été une expérience profitable. Il faut assurément continuer à diversifier nos partenaires commerciaux, soit, mais cela ne doit pas se faire à n'importe quel prix. On a constaté les conséquences humaines sur le plan des droits de la personne, évidemment, mais aussi du recours au travail forcé. C'est ce que vise aujourd'hui la motion sur l'importation de biens issus du travail forcé.
Si on décide de se pencher sur le problème, il faut être sérieux. Avec ce qu'on appelle le dumping, un produit peut passer par un autre territoire qui va être un pavillon de complaisance; ensuite, ce produit arrive chez nous, et nous allons penser que cela est produit dans des endroits où le travail forcé est contrôlé et bien encadré. Or, ce n'est bien souvent pas le cas.
Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, ou RCRCE, a fait valoir un certain nombre de demandes. Je vais les lire, parce que je trouve que tout est là-dedans. Selon le RCRCE, les cinq éléments essentiels d'une loi efficace sur la diligence raisonnable qui ont obtenu l'accord de nombreux groupes de la société civile canadienne et québécoise sont: exiger des entreprises qu'elles préviennent les atteintes aux droits de la personne dans leurs activités et leurs chaînes d'approvisionnement mondiales; exiger des entreprises qu'elles élaborent et mettent en œuvre des procédures de diligence raisonnable en matière de droits de la personne et qu'elles en rendent compte, y compris une obligation de consulter les titulaires des droits; prévoir les conséquences significatives qui ne prennent pas ces obligations au sérieux et garantir l'accès au recours pour les communautés touchées par l'accès aux tribunaux canadiens pour les poursuites civiles; être cohérente avec les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de la personne et s'appliquer aux entreprises de toutes tailles, excluant potentiellement les petites entreprises des secteurs à faible risque; s'appliquer à tous les droits de la personne, car ils sont indivisibles, interdépendants et interreliés.
Le 22 juin 2022, j'ai déposé une pétition qui allait dans le même sens:
des entreprises basées au Canada contribuent aux atteintes aux droits humains et à la perpétration de dommages environnementaux partout dans le monde;
les personnes qui protestent contre ces atteintes et défendent leurs droits sont souvent harcelées, attaquées ou tuées. Les peuples autochtones, les femmes et les groupes marginalisés sont particulièrement menacés;
le Canada encourage mais n'exige pas des entreprises qu'elles préviennent de tels préjudices dans leurs opérations et chaînes d'approvisionnement mondiales.
Nous soussigné-e-s, citoyen-ne-s et résident-e-s du Canada demandons à la Chambre des communes d'adopter une loi sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et d'environnement qui:
Le reste de la pétition est composée d'à peu près les mêmes demandes formelles que celles du RCRCE que je viens de lire. C'est aussi le sens de la motion que j'avais déposée pour consentement unanime, mais qui, je le rappelle, avait été rejetée par la droite de la Chambre.
Parlons maintenant du projet de loi en question. Je salue son parrain, qui n'en est pas à ses premières tentatives en la matière. C'était le projet de loi , qu'on a suspendu en faveur du très similaire projet de loi .
Nous l'avons appuyé et nous l'appuierons encore, mais c'est nettement insuffisant. En effet, à la question de savoir si le projet de loi aide les individus affectés à accéder à la justice ou à un recours, la réponse est non. Est-ce que le projet de loi cherche à impliquer les communautés, les travailleurs et les travailleuses qui sont touchés? La réponse est non. Est-ce que le projet de loi s'applique aux entreprises de tous les secteurs et de toutes les tailles? La réponse est non; cela ne concerne que les entreprises avec plus de 250 employés et avec des revenus et des actifs qualifiés de « significatifs ».
Est-ce que le projet de loi s'applique à tous les droits de la personne? La réponse est non; cela ne s'applique qu'au travail forcé et au travail des enfants. C'est une question éminemment importante, c'est un pas en avant, mais cela devrait aller beaucoup plus loin. Est-ce que les entreprises sont tenues de respecter les droits de la personne? La réponse est non; elles sont uniquement tenues d'indiquer chaque année si elles ont pris des mesures pour reconnaître et prévenir le recours au travail forcé, mais, faire un rapport, ce n'est pas véritablement une reddition de comptes.
Est-ce que le projet de loi oblige les entreprises à prévenir les dommages? La réponse est non. Il exige seulement un rapport annuel. Est-ce que le projet de loi exige des entreprises qu'elles prennent des mesures pour identifier, atténuer, prévenir ou rendre compte des atteintes aux droits de la personne et à l'environnement dans leurs chaînes d'approvisionnement, parce que le problème s'applique à toute la chaîne d'approvisionnement? La réponse est non.
Les entreprises ne sont pas forcées de prendre des mesures de diligence raisonnable. Y a-t-il des conséquences importantes si les entreprises causent des dommages ou ne mettent pas en œuvre des procédures de diligence raisonnable? La réponse est encore une fois non.
À toutes les questions que je viens de poser, le projet de loi , qui a été présenté par le NPD et que j'ai coparrainé, répondrait par l'affirmative. Ce projet de loi coche toutes les cases. J'invite donc le gouvernement et la Chambre à nous permettre de l'étudier en priorité parce que cela répond beaucoup plus à ce dont nous avons besoin et à l'urgence de la situation.
Je voudrais aussi parler de la question des minières canadiennes, le sujet d'étude que j'ai proposé au Comité permanent du commerce international. Précisons d'abord une chose. « Minières canadiennes » est un terme très étendu, très tiré par les cheveux puisque le Canada est un pavillon de complaisance. Souvent, des entreprises minières ne sont canadiennes que sur papier. Elles s'incorporent parce qu'il est extrêmement facile, en raison des lois laxistes du Canada, de s'incorporer ici, de se présenter comme des entreprises canadiennes et de bénéficier d'avantages spéculatifs par et grâce à la Bourse de Toronto. Dans les faits, c'est un pavillon de complaisance. Cela devient tout simplement un arrière-poste.
J'ai eu l'occasion d'en voir. Le Bloc québécois avait d'ailleurs proposé en 2009 un projet de loi qui serait véritablement allé au fond des choses, parce qu'il créait non pas un ombudsman symbolique, mais une vraie commission d'enquête indépendante du pouvoir politique qui se laissait le droit de faire ses propres enquêtes. Il ne devait donc pas seulement y avoir une plainte ou une commande politique. Cette commission aurait pu faire ses propres enquêtes, interpeller publiquement Affaires mondiales Canada — qu'on appelait à l'époque Affaires étrangères et Commerce international Canada — si jamais on constatait du soutien à une minière qui se trouvait à violer les droits de la personne.
Au cours de voyages que j'ai pu faire au Chili et en Colombie, j'ai pu voir à un certain moment, notamment en Colombie, une minière originalement canadienne qui est passée à des mains chinoises. En parlant de travail forcé, on a vu à un moment donné un autobus plein de prisonniers arrivant de la République populaire de Chine. Après avoir tassé les artisans miniers, un des arguments pour faire accepter ces projets dans les régions minières est souvent de dire que cela va créer de l'emploi. Pourtant, quand on amène des prisonniers de la République populaire de Chine, on ne peut pas trop parler de création d'emploi locale. Par ailleurs, il faut aussi que la diplomatie n'en soit pas une, comme les ambassades canadiennes le font, de soutien absolu aux procédures agressives des minières canadiennes à l'étranger. Il y a des commandes faites aux ambassades pour du soutien par la diplomatie.
Il faut également que nous parlions de l'argent. C'est important d'en parler parce qu’Exportation et développement Canada a des investissements dans plusieurs entreprises problématiques, notamment dans Baru Gold, qui a été plusieurs fois cité. Au Chili, on a continué de verser des prêts à Quebrada Blanca, de Teck Resources, malgré la crise politique et la répression brutale. Rien qu'en 2019, EDC a investi entre 1 milliard de dollars et 1,5 milliard de dollars dans le seul secteur extractif au Chili.
Vale, une entreprise impliquée dans les deux catastrophes récentes de déchets miniers au Brésil, est propriétaire de la mine de Brumadinho, où des centaines de personnes ont été tuées en janvier 2019 lorsqu'un barrage de confinement de déchets s'est effondré, et est co-propriétaire de la mine près de Mariana où une catastrophe similaire a détruit un village entier en 2015. Les deux mines ont été construites selon la méthode la plus risquée autorisée par les régulateurs. Parmi les autres activités de Vale figurent une voie ferrée sur laquelle des habitants sont régulièrement heurtés par des trains ainsi qu'une mine dont la fermeture a été ordonnée à plusieurs reprises en raison de répercussions sur les tribus indigènes.
Vedanta Limited, une filiale de Vedanta Resources, a reçu en 2017 une somme se situant entre 100 millions et 250 millions de dollars sous forme de prêts. En 2018, une fonderie exploitée en Inde par une filiale de Vedanta Resources a tourné au bain de sang. Les forces de l'ordre ont fait feu sur une foule de plusieurs milliers de personnes qui protestaient contre l'expansion projetée de la capacité de l'établissement situé à Tuticorin, faisant 13 morts et plusieurs dizaines de blessés.
Parmi d'autres entreprises minières bénéficiant du soutien financier d'Exportation et développement Canada et ayant été mêlées à des histoires de violations, selon Emily Dwyer du Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises qui a témoigné au Comité, il y aurait Teck Ressources et Kinross.
Concernant le financement dans l'industrie minière inclus au Canada, en 2022, on était à 6 524 millions de dollars. C'est sérieux.
Quand on parle de la reddition de comptes et de la provenance des marchandises, il faut être sérieux et regarder cela de près.
Je vais maintenant conclure mon discours pour débattre de cette question avec le reste de la Chambre. Donc, il faut de véritables politiques sérieuses en la matière, comme les projets de loi et que j'ai coparrainés et comme le projet de loi du Bloc québécois à propos de la commission d'enquête sur les compagnies minières en 2009.
Il faut du sérieux parce que, actuellement, l'ombudsman n'est qu'un bureau des plaintes et un site Internet. Ce n'est pas comme cela qu'on renverse des violations qui sont graves, violentes et brutales dans le monde.
Pour terminer, j'en profite pour souhaiter une bonne fin de mois de la détox de l'achat de vêtements, comme on l'appelle. Le mois de mars a été couronné « détox de l'achat de vêtements neufs ». Nous sommes donc tout à fait dans le thème de ce dont nous discutons aujourd'hui.
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Madame la Présidente, comme toujours, c'est un grand honneur pour moi de prendre la parole à la Chambre. Je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Le fait que nous ayons à débattre, en 2023, de la nécessité d'empêcher les produits issus du travail forcé d'entrer au Canada est un indicateur très révélateur de la situation actuelle dans le monde.
Bien sûr, les conservateurs mettent l'accent sur le traitement horrible dont les Ouïghours font l'objet en Chine, mais il faut élargir le débat pour examiner le nivellement mondial par le bas qui a mené à l'exploitation effrénée de l'environnement et des Autochtones et à la violation des droits des travailleurs partout dans le monde.
Il est question du côté sombre de la mondialisation. Il y a cinq ans, il aurait été impensable de remettre en question le grand mythe de la mondialisation, mais c'était avant la pandémie de COVID‑19, avant que les chaînes d'approvisionnement soient perturbées et que nous n'arrivions pas à fournir au personnel médical de première ligne l'équipement de protection individuelle nécessaire parce que nos usines étaient incapables d'en fabriquer. Cette situation est attribuable au fait que nous avons ramené au plus petit dénominateur commun la fabrication des éléments fondamentaux dont un pays a besoin pour assurer sa sécurité en la délocalisant dans les ateliers clandestins des pays du Sud.
Avant, on nous disait que la mondialisation soulèverait tous les bateaux. Elle en a certainement soulevé quelques-uns. Elle a soulevé les superyachts, mais il s'agissait toujours de libérer le pouvoir du capital pour que l'on puisse le faire agir et le déplacer là où on le souhaitait, et ce, sans obligation, qu'il s'agisse d'obligations environnementales ou juridiques dans les pays où on investissait. En fait, la mondialisation limitait le pouvoir des pays et des régions à protéger leurs intérêts. Nous savons ce qui s'est passé lorsque le Mexique a essayé d'arrêter les produits chimiques toxiques. Il a été pris pour cible parce qu'il s'agissait d'une pratique prétendument injuste pour le commerce.
Nous en sommes maintenant à un point où la chaîne d'approvisionnement mondiale a recours au travail des esclaves. Il ne s'agit pas d'un fait obscur. Il suffit de se rendre dans n'importe quel centre commercial et dans n'importe quel grand magasin. Nous connaissons les entreprises qui ont été dénoncées pour leur recours au travail d'esclaves, des entreprises comme Adidas, Carter's, Gap, General Motors, Google, Bosch, Calvin Klein, Abercrombie & Fitch, Dell. Ce ne sont là que quelques-unes des 83 entreprises qui ont été pointées du doigt. Les produits de ces entreprises sont présents dans tous les magasins.
Je trouve intéressant que les conservateurs insistent sur le fait que nous devrions essayer de travailler avec nos alliés internationaux pour résoudre ce problème, au lieu de dire à ces entreprises que si elles ont recours au travail forcé, elles feront l'objet d'accusations, un point c’est tout.
Je le répète, ce que nous voyons ici, c’est le mythe du nivellement par le bas et le fait que les gens sont surpris que nous nous retrouvions avec du travail forcé. J'aimerais revenir au débat sur le libre-échange à l'époque de Brian Mulroney.
Lors de ce premier débat sur le libre-échange, on a avancé que si nous harmonisions nos normes en matière d’environnement et de travail avec celles des États‑Unis, nous nous en porterions tous mieux. Bien entendu, il y a eu des pertes d’emplois majeures dans le secteur manufacturier. Au moins, avec les États‑Unis, les économies des deux pays étaient comparables. Toutefois, c’est la décision de M. Clinton et de M. Mulroney d’étendre l’accord au Mexique qui a été le véritable indicateur, parce que les normes salariales du Mexique étaient bien inférieures. Les travailleurs mexicains ne jouissaient pas des mêmes protections que les travailleurs canadiens et américains.
Une fois l’accord de libre-échange conclu avec le Mexique, nous avons assisté à la création de zones de maquiladoras, où des entreprises ont simplement franchi la frontière et étaient protégées par les lois mexicaines contre toute obligation de payer des salaires convenables, voire de contribuer correctement au système mexicain. C’était le nivellement par le bas. Notre pays a signé l'accord immédiatement, et 766 000 emplois américains ont franchi la frontière avec le Mexique, vers les usines des maquiladoras où les employés sont mal rémunérés.
Il est intéressant de noter que c'est également dans ces usines qu'un nombre effarant de jeunes femmes ont été retrouvées assassinées et mutilées sexuellement. Si nous créons des produits jetables, nous créons également des personnes jetables. Nous n’avons jamais abordé cette question.
L’idée de délocaliser vers le Sud est née du modèle des maquiladoras installées au Mexique. Vous souvenez-vous de Jean Chrétien et de la grande initiative chinoise? L'idée n'était pas de pouvoir vendre nos meubles sur le plus grand marché du monde. C'était de permettre le transfert des emplois à l'étranger.
Quelle entreprise était reconnue, à l'époque, pour être celle qui allait le plus souvent voir des entreprises américaines et canadiennes pour leur dire qu'elles pourraient faire plus d'argent si elles transféraient leurs activités dans des pays comme l'Inde ou la Chine? C'était McKinsey, l'entreprise qui a obtenu récemment plus de 100 millions de dollars de contrats de la part du gouvernement fédéral, l'entreprise qui a été décrite comme la principale cause de la destruction de la classe moyenne et de la classe ouvrière aux États‑Unis.
Ce transfert du travail vers des pays où les travailleurs sont peu rémunérés et où il n'y a ni responsabilité juridique ni normes juridiques a entraîné un nivellement par le bas, lequel s'est accentué pendant qu'en parallèle, la précarité gagnait du terrain en Amérique du Nord.
C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés, par exemple, avec l'histoire des vêtements Joe Fresh, dont j'ai parlé plus tôt. Joe Fresh et Loblaws vendaient des vêtements bon marché. Les parents pouvaient acheter une chemise pour enfant à 2 $, mais ces vêtements étaient fabriqués dans des conditions épouvantables au Bangladesh, dans des ateliers de misère.
L'effondrement d'un de ces ateliers a tué 1 135 personnes et en a blessé 2 500 autres, tout cela à cause de la négligence des entreprises. Loblaws, qui fait des profits records, n'a pas eu de comptes à rendre, Joe Fresh non plus. Ils ont versé 150 $ par personne décédée et sont partis. C'est aberrant.
Nous connaissons tous le fantastique iPhone d'Apple, un produit fabriqué par des travailleurs exploités dans des ateliers de misère en Chine. Les travailleurs étaient tellement maltraités qu'un grand nombre d'entre eux en sont venus à se suicider en sautant par les fenêtres de l'usine, à un point tel que l'exploitant de l'usine a fait installer des filets dans l'espoir de les empêcher de sauter. Ce nivellement par le bas est une pratique dégradante et ignoble, qui n'est soumise à aucun mécanisme de reddition de comptes. L'entreprise Apple, quant à elle, continue de vendre son fantastique téléphone.
Autre fait concernant Apple: quand les consommateurs prennent leur iPhone dans les mains, ils soulèvent en réalité une tonne de roche. C'est ce qu'il faut pour fabriquer un de ces appareils. Cette tonne de roche est extraite du sol de la République démocratique du Congo par des personnes qui travaillent dans des conditions d'esclavage. Nos chaînes d'approvisionnement ne tiennent même pas compte de cette problématique.
Le temps est venu de parler de la responsabilité des grandes sociétés et d'exiger des comptes de leur part pour cette course au nivellement par le bas. Quel est l'impact sur les bons emplois d'autrefois?
J'aimerais citer les propos de la RAND Corporation, qui n'est pas ce que l'on pourrait appeler un groupe de réflexion de gauche. Cette organisation collabore avec l'armée américaine depuis les cinquante dernières années au moins, si ce n'est pas plus.
La RAND Corporation a étudié la croissance des inégalités aux États-Unis et a établi que depuis les années 1980, 50 000 milliards de dollars provenant de l'épargne et des salaires de la classe moyenne ont été transférés à la classe supérieure, le 1 %. Selon la RAND, cela équivaut à 1 144 $ pour chaque travailleur, chaque mois, pendant quatre décennies. C'est ce qui a créé aux États-Unis l'inégalité politique et l'incertitude croissantes ainsi que la colère.
Nous devons discuter à la Chambre de ce qui a permis, dans le cadre de la mondialisation, d'opérer un transfert de responsabilités, de passer à des conditions de travail brutales, où les gens sont exploités à moindre coût tout en faisant perdre du terrain aux classes ouvrière et moyenne en Amérique du Nord. Pour ce faire, nous avons besoin que les sociétés assument leurs responsabilités.
Si les sous-traitants commettent des crimes contre les populations de pays du Sud, ils doivent en être tenus pour responsables. S'ils utilisent une main d'œuvre esclave et vendent les articles produits par ces derniers dans les centres commerciaux, ils doivent en être tenus pour responsables. C'est ce à quoi s'attendent les Canadiens. Ils s'attendent également à ce que les entreprises soient tenues responsables de la délocalisation du travail dans des ateliers clandestins, où les conditions de travail équivalent à de l'esclavage et où sévit la brutalité dont nous avons été témoins au cours des dernières décennies.
Le moment est venu de revenir à la responsabilité sociale des entreprises, à la responsabilité environnementale et à des normes de travail équitables.
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Madame la Présidente, je vais commencer par saluer le travail du député de sur les évaluations éthiques du Régime de pensions du Canada, qui sont très importantes. Lorsque nous pensons à ce régime, cela nous ramène à Pat Martin, un ancien collègue néo-démocrate. Pendant de nombreuses années, il a dit qu'un filtrage éthique et écologique de nos placements du Régime de pensions du Canada s'imposait.
Pour les Canadiens qui nous regardent en ce moment, je tiens à dire qu'il est honteux que, à ce jour, le Régime de pensions du Canada ait soutenu le travail des enfants et investi dans toutes sortes de choses comme les armes, le tabac et d'autres activités qui seraient considérées comme répréhensibles. Nous maintenons la même approche autonome en ce qui concerne l'utilisation des fonds publics, malgré ce que réclament de nombreuses personnes qui militent contre cette utilisation et de nombreux investisseurs au Canada. Il s'agit entre autres d'investissements dans les petites et moyennes entreprises, lesquelles doivent soutenir la concurrence mondiale pour obtenir une partie des fonds canadiens que nous versons dans des projets de cette nature.
Originaire d’une ville industrielle du comté de Windsor-Essex, j’ai vu nos pertes d’emplois se faire au détriment du travail des enfants et du travail forcé. Cela inclut non seulement la maltraitance de ces personnes, mais aussi le nettoyage ethnique et d’autres types d’impérialisme pour lesquels d’autres pays utilisent la main-d’œuvre. Souvent, cela s’est fait par l’intermédiaire d’investisseurs originaires de notre pays, ce qui fait que nous nous sommes en fait nui à nous-mêmes.
J’ai assisté à des réunions où, par exemple, des syndicats mexicains sont venus dire qu’il ne fallait pas autoriser les investissements parce que des femmes, des enfants et des hommes de leur pays étaient victimes de maltraitance. On fait un gain à court terme avec les emplois qui donnent lieu à de l'exploitation par rapport à ce qui serait un gain à long terme grâce à des investissements appropriés et aux progrès humanitaires nécessaires.
Enfin, le député d’ a poursuivi le travail remarquable de son père, Bill Blaikie, dans cette Chambre. Grâce à lui, avec l’accord États Unis-Canada-Mexique, nous avons obtenu au moins une sorte de critère qui peut être appliqué en matière de travail et d’environnement. Toutefois, nous voyons à quel point c'est fragile; au cours des dernières semaines, même les États‑Unis semblent avoir eu des problèmes en matière de travail et d’exploitation d’enfants, notamment avec la compagnie Ford, qui est établie ici, dans ma circonscription, en face de Detroit, au Michigan.
Ce sont des choses réelles qui se produisent parce que nous n’imposons pas aux investisseurs les normes adéquates et nécessaires et que nous ne prenons pas les mesures courantes qui s’imposent. Je voudrais faire une petite transition pour parler de l’une de ces choses courantes, à savoir le Syndicat des douanes et de l’immigration. J’étais là au début, lorsqu’ils avaient l’habitude de recourir à des étudiants pour couvrir leurs interruptions d'emploi à la frontière. Au cours de la dernière année, nous avons à nouveau constaté que le gouvernement ne prenait pas au sérieux le contrat ou les types de soutien nécessaires.
Nous n'accordons pas le soutien nécessaire à l’Agence des services frontaliers du Canada et aux hommes et aux femmes qui travaillent pour nous protéger tous les jours. Le débat d’aujourd’hui, avec le verbiage du côté gouvernemental sur cette question, est contrariant parce que nous pourrions soutenir nos agents de l’ASFC, qui ont dû faire face à des circonstances extraordinaires dans le cadre de la COVID, alors qu’ils sont sous-financés.
En fait, l’été dernier, ils ont dû recourir à des pratiques forcées pour disposer d’un personnel adéquat parce que le gouvernement a mal géré la mise en place du personnel adéquat. En outre, le gouvernement tente même d’automatiser davantage le travail, au lieu d’avoir pour politique d’embaucher des hommes et des femmes à la frontière.
C’est vraiment ce qui s’est passé dans le cas d’ArriveCAN. Nous savons qu’il y a eu bien des discussions à la Chambre sur la mauvaise gestion de cette application téléphonique. Cependant, en fin de compte, il s’agissait en fait pour les libéraux d’essayer de priver de financement les hommes et les femmes à la frontière. Nous l’avons également constaté dans les aéroports qui sont passés à l’automatisation, et nous le constatons aux frontières terrestres. C’est inacceptable, d’autant plus que je me bats depuis plus de 20 ans pour obtenir un nouveau poste frontalier ici, dans le comté de Windsor—Essex, le pont international Gordie Howe. Nous l’obtenons enfin, mais il y aura une pénurie d’agents. En outre, c’est le meilleur moyen dont nous disposons en réalité pour soutenir les politiques dont traitent les lois adoptées à la Chambre.
Pourquoi nos ports sont-ils sous-financés? Pourquoi ne contrôlons-nous que très peu de ces installations? Pourquoi les hommes et les femmes de l’Agence des services frontaliers du Canada ne disposent-ils pas de la technologie appropriée ou du soutien adéquat?
J’étais à la Chambre lorsque le député libéral de l’époque, Derek Lee, les a traités de mauviettes. À l’époque, les agents de l’Agence des services frontaliers ne bénéficiaient pas du soutien approprié, et le gouvernement n’a donc rien fait pour discréditer cette déclaration. À l’époque, nous avons donc mis en place un processus de modernisation et nous leur avons donné de la formation et un meilleur soutien. Cependant, sous les gouvernements successifs, ils doivent constamment renégocier leurs contrats de travail et travaillent souvent sans contrat ou convention collective. C’est inacceptable.
Si nous voulons appuyer de façon générale ce que nous disons à la Chambre, nous pourrions soutenir nos hommes et nos femmes à la frontière. Cela signifie une bonne identification. Leurs capacités relèvent beaucoup d'un ensemble important de compétences permettant de régler non seulement les problèmes liés au travail forcé et aux accords commerciaux, que nous n’appliquons pas au moment de l’expédition de sorte que les marchandises nous parviennent, mais aussi les problèmes de sécurité publique.
J’ai beaucoup travaillé dans le domaine de la fraude et de la prévention de l’entrée dans notre pays de différents types de produits. Je n’oublie jamais qu’un grand nombre de dispositifs et de matériaux entrent au Canada et doivent être contrôlés régulièrement; il est en fait important pour notre économie que nous les contrôlions parce que nous sommes en concurrence avec des contrefaçons fabriquées et bien des choses. Nous ne pouvons pas supposer qu’il s’agit uniquement de vêtements. La réalité est que certaines des contrefaçons qui sont entrées dans notre société canadienne et même dans notre industrie manufacturière comprennent des pièces pour les hôpitaux, les avions et les voitures. Ces produits pénètrent actuellement dans notre système, mais nous pouvons les repérer et les traiter si nous disposons de la formation et du soutien adéquats.
Par conséquent, quand nous parlons de la motion à l’étude aujourd’hui, nous parlons de cette question en particulier, surtout en ce qui concerne les Ouïghours et le génocide perpétré actuellement, ainsi que de la série d’autres formes d'exploitation qui sont très importantes. Nous devons revenir à ce sur quoi nous avons prise, c’est-à-dire, à présent, soutenir les agents de l’ASFC en faisant en sorte qu’il y ait des conventions collectives en bonne et due forme, qu’il y ait de vrais centres de formation et qu’il y ait de façon régulière, autrement dit tout le temps, les effectifs voulus. Voilà ce sur quoi nous avons une capacité d'agir et là où nous le pouvons actuellement. Il difficile de débattre à la Chambre de sujets plus vastes relatifs aux entreprises sur lesquels nous pouvons plus difficilement agir, mais nous devrions nous y atteler. Cependant j’ai mentionné l’ASFC, car la question pourrait rapidement être réglée dans ce cas-là, tout comme la question du Régime de pensions du Canada. Une nomination à son comité d'éthique a été faite par favoritisme, alors il faut simplement rectifier la situation.
Le député de soulève un point très intéressant à propos de la reddition de comptes, du retour des investisseurs au Canada et de l’exploitation qui a lieu. Rien ne nous empêche de commencer à agir à la Chambre, avec nos propres investissements de pays et de gouvernement national qui décide de l’utilisation des deniers publics.
Le plus affligeant dans tout cela, c’est qu’il s’agit de choses simples que nous pouvons contrôler, mais que le gouvernement nous sert encore des excuses et se plaint de devoir, au fond, utiliser les systèmes à sa disposition qu’il a employés. J’en ai régulièrement été témoin, avec toujours la même excuse, qui dit que c'est ainsi que les choses se passe dans un système capitaliste ou dans une économie de marché. Regardons d'un peu plus près ce raisonnement, et je terminerai mon intervention là-dessus.
En fin de compte, si nous voulons une économie de marché non réglementée, nous devons nous attendre à ce qu'il y ait de l’exploitation des enfants, des femmes et d’autres populations qui migrent pour différentes raisons. Même dans notre pays, il arrive que des travailleurs étrangers soient exploités. Par conséquent, il nous appartient, en tant que décideurs, de prendre des décisions qui changent les choses.
Si nous voulons nous contenter d’accepter le mode de fonctionnement de l’économie de marché tel qu’il est aujourd’hui, autant dire que nous acceptons l’exploitation des enfants, des femmes et des travailleurs migrants et que ce sera le statu quo. C’est inacceptable de mon point de vue de néo-démocrate, et je pense que c’est inacceptable pour la plupart des députés. Cependant, il faut, somme toute, prendre des mesures concrètes à propos de ce sur quoi nous sommes capables d'agir, au lieu de nous plaindre des choses qui nous échappent.
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Madame la Présidente, ce n'est pas la première fois que j'interviens au sujet du travail forcé et de ses répercussions non seulement sur les Canadiens, mais aussi sur le monde entier. Nous avons déjà tenu un certain nombre de débats sur le sujet. Il n'y a pas si longtemps, nous avons débattu du projet de loi .
Je sais que le député de , que je considère comme un ami très cher, a beaucoup travaillé, pendant de nombreuses années — largement plus qu'une décennie —, sur la question de la responsabilité et de la bonne conduite des entreprises. J'étais comme lui député au sein du troisième parti lorsqu'il a abordé ce sujet, aux côtés de personnalités comme Stéphane Dion. Cette question, qui revêt indéniablement une importance cruciale, nous l'avions comprise et voulions la régler.
Ce qui m'a toujours interpellé, c'est la façon d'amener les entreprises à prendre certaines mesures en tant qu'entreprises. Les membres du conseil d'administration ne sont jamais vraiment tenus pour responsables. Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi , mais je suis sensible notamment au fait qu'il engage davantage la responsabilité des administrateurs, de sorte qu'ils puissent être poursuivis en cas de recours au travail forcé dans son sens large. Nous avons eu des débats très sains sur cette question.
Ce que je trouve intéressant, c'est la façon dont le Parti conservateur a présenté la motion dont nous débattons. Quand on la lit, ce qui ne prend pas beaucoup de temps, puisqu'elle est assez simple, on voit que le comité doit se pencher sur des mesures et en faire rapport. Cette motion plutôt simple dit ceci:
Que le Comité fasse rapport à la Chambre qu'il demande au gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour interdire l'importation de toute marchandise fabriquée en tout ou en partie par le travail forcé et d'élaborer une stratégie pour empêcher l'importation au Canada de toute marchandise extraite, produite ou fabriquée en tout ou en partie par le travail forcé.
Ce rapport a été présenté à la Chambre il y a plusieurs semaines. Je trouve curieux que les conservateurs aient choisi de demander aujourd'hui à ce que le rapport soit agréé plutôt que de simplement l'accepter. Après tout, qu'il s'agisse du ou des députés de l'opposition, je pense que personne à la Chambre n'a pas conscience de l'importance d'intervenir dans ce dossier. Je soupçonne que le débat d'aujourd'hui vise surtout à empêcher le NPD de présenter une motion d'adoption d'un rapport du comité de la procédure. Il est intéressant que les conservateurs aient choisi ce sujet en particulier. Je sais comment les règles fonctionnent à la Chambre. Quoi qu'il en soit, je suis toujours heureux de parler d'une question aussi importante.
Quant à la motion elle-même, je voudrais partager quelque chose avec les députés. Je n’ai pas besoin de la déposer, car elle est de notoriété publique. Le député d’en face qui a présenté la motion a demandé ce que fait le gouvernement. Le a exceptionnellement bien expliqué comment le Canada, dans de nombreux forums, peut jouer un rôle de premier plan pour lutter contre le travail forcé et ses répercussions sur notre chaîne d’approvisionnement. Les conservateurs se sont empressés de s’en moquer.
Il est intéressant d’entendre les conservateurs lorsqu’ils sont dans l’opposition, et de les comparer avec ce qu'ils disent lorsqu’ils sont au pouvoir. En posant une question au député, je lui ai fait remarquer qu’il était tout à fait normal de critiquer le gouvernement et de porter des accusations qui ne sont pas nécessairement fondées. Je lui ai demandé ce qu’avait fait l’ancien gouvernement, le régime Harper. Le député a ignoré la question, bien sûr, parce que Stephen Harper n’a rien fait.
Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il fasse ressortir le contraste avec ce que nous avons pu faire et régler. Le a fait référence à notre présence internationale. Ce que les gens ne reconnaissent pas nécessairement, et que nous devrions reconnaître, c’est que le Canada, avec une population de 38 millions d’habitants, a un poids incroyable en matière de politique internationale. Nous l’avons constaté de différentes manières.
J’ai toujours été un grand admirateur de Lloyd Axworthy. Si l’on considère l’interdiction des mines terrestres, une cause que Lloyd Axworthy a défendue au nom du gouvernement du Canada, et le succès que nous avons pu obtenir, nous devons une fois de plus mettre cela en perspective dans le monde. Les mêmes principes s’appliquent à une grande variété de questions, et cette question-là en fait partie. Contrairement aux conservateurs qui se moquent depuis leurs banquettes, je souscris aux propos du qui a parlé avant moi lorsqu’il a mentionné l’influence que l'on peut avoir lorsqu'on prend position et que l'on s'exprime, même en présence de la Chine.
Nous entendons beaucoup parler de la Chine, parce qu’elle a été l’exemple et qu’elle a servi d’exemple. Qu’il s’agisse des Ouïghours ou des Tibétains, nous reconnaissons que, oui, il y a eu beaucoup d’exploitation. Toutefois, le gouvernement ne se contente pas d’en parler à la Chambre des communes. Nous en parlons sur le plan international, même en présence de la Chine. Cela signifie que le gouvernement chinois et, souvent, les représentants chinois seront très irrités, mais je pense que c’est un rôle que les Canadiens veulent que nous jouions parce qu’il correspond à nos valeurs.
Si nous regardons les chiffres de l’immigration et les personnes qui veulent venir au Canada, c’est très impressionnant. Je pense que les immigrants sont attirés par les valeurs du Canada et les débouchés que le pays leur offre. Or, la Chambre des communes y est pour quelque chose ainsi que le rôle que nous jouons non seulement au Canada, mais aussi à l’échelle internationale. C’est pourquoi il est important que, si nous avons l’occasion de parler des valeurs canadiennes, que ce soit le ou un porte-parole de l’opposition, nous parlions de ce genre de valeurs.
La Convention relative aux droits de l'enfant a été adoptée par les Nations unies il y a de nombreuses années. Elle traite des droits de l'enfant et de leur protection. Il y a des choses que nous pouvons faire. C'est l'une des raisons pour lesquelles, il y a quelques minutes, j'ai fait référence à un document public, que le a mentionné tout à l'heure. J'en ai d'ailleurs imprimé une copie. Il s'agit de la lettre de mandat du , signée par le . On y trouve des directives, et les députés qui suivent le débat peuvent facilement y jeter un coup d'œil en effectuant une simple recherche sur Google.
Dans la lettre du , il est indiqué:
En tant que ministre du Travail, vos priorités immédiates sont de collaborer avec les milieux de travail sous réglementation fédérale pour veiller à ce que la vaccination contre la COVID‑19 y soit obligatoire, et de modifier le Code canadien du travail de sorte que tous les travailleurs régis par les lois fédérales aient droit à 10 jours de congés de maladie payés. Je m’attends à ce que vous collaboriez avec les employeurs sous réglementation fédérale et les organisations représentant les travailleurs, ainsi qu’avec vos homologues provinciaux et territoriaux, pour rendre les lieux de travail plus sécuritaires et équitables pour toutes les personnes à l’échelle du pays et à ce que vous chapeautiez nos efforts visant à éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes.
Pour atteindre ces objectifs, je vous demande d’obtenir des résultats pour les Canadiens en vous acquittant des engagements suivants.
La lettre énumère ensuite un certain nombre d'engagements, dont celui-ci:
Avec l'appui du ministre de la Sécurité publique, de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement et de la ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique...
J'insiste sur ce point.
...présenter un projet de loi pour éliminer le travail forcé des chaînes d'approvisionnement canadiennes et faire en sorte que les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l'étranger ne contribuent pas à des violations des droits de la personne.
Je conteste ce qu'a dit le député qui a choisi d'en faire une question politique en déclarant que le gouvernement n'avait rien fait et qui a ensuite critiqué l'organisme responsable du contrôle des frontières du Canada. Voilà pourquoi j'ai posé la question. Il est donc facile pour le Parti conservateur d'être aussi critique qu'il veut lorsqu'il forme l'opposition, alors qu'il sait très bien que lorsqu'il était au pouvoir, il n'a absolument rien fait dans ce dossier.
Même durant une pandémie et tant d'autres situations, comme une guerre, le gouvernement montre que cet enjeu est une priorité. En effet, divers ministères collaborent à la mise en place de mesures législatives. J'aimerais bien savoir dans quel domaine l'ancien gouvernement a montré son intérêt pour adopter ces mesures législatives. Les conservateurs peuvent en parler, mais leurs calculs sont erronés. Comme l'a souligné un autre interlocuteur, c'est huit ans plus tard. Parfois, il faut y mettre un peu plus de temps pour réparer les dégâts des conservateurs. La pandémie est survenue, puis il y a la guerre qui sévit toujours à l'heure actuelle. Des mesures budgétaires et législatives ont été mises en place, dont certaines ont déjà été mentionnées par un interlocuteur précédent. Cela montre très clairement que le gouvernement met en place des lois.
J'aimerais souligner ce point intéressant à propos de l'Union européenne:
Dans le cadre d'un projet de règlement, la Commission européenne a proposé, le 14 septembre 2022, d'interdire les produits issus du travail forcé, y compris le travail des enfants, au sein du marché de l'Union européenne (UE). Cette mesure législative s'inscrit dans le contexte des efforts déployés par l'Union européenne pour promouvoir les emplois décents dans le monde.
Je ne connais pas tous les détails, mais je pense qu'il est important que nous reconnaissions que le Canada n'est pas le seul à lutter contre le problème. Le Canada travaille en étroite collaboration avec ses partenaires et ses alliés, dont l'Union européenne. Il en a été question en 2022. La lettre que le a adressée à la ministre remonte à 2021. Cela prend du temps, car il faut tenir compte d'un grand nombre de facteurs. Sur le plan de la bonne gouvernance et de l'entreprise, les compagnies veulent s'assurer que les chaînes d'approvisionnement sont appuyées par du travail non forcé, et celles qui sont disposées à faire cet effort supplémentaire finiront par bénéficier d'une plus grande sécurité.
Je ne pense pas que le Canada soit seul. Je pense qu'il travaille avec d'autres pays aux vues similaires qui reconnaissent les dommages causés par le travail forcé. Le travail forcé prend de nombreuses formes. Il y a actuellement des cas d'exploitation des personnes au Canada. En ce qui concerne l'exploitation de la main-d'œuvre, nous ne devrions pas croire qu'il s'agit d'un phénomène qui existe seulement à l'étranger. Les provinces, en particulier, et le gouvernement fédéral ont un rôle à jouer dans l'examen de ce qui se passe non seulement à l'étranger, mais aussi au Canada.
Je sais que cela existe. J’ai toujours milité dans le passé contre l’exploitation des êtres humains. C’est tout simplement inacceptable et, en tant que parlementaires, nous souhaitons nous assurer que nous progressons dans ce domaine. Le passage de clandestins existe, et c’est de l’exploitation pure, que ce soit pour amener un individu dans une usine ou pour vendre un individu pour des services sexuels. Malheureusement, c’est quelque chose qui se passe.
Je crois que les Nations unies ont dit que cela pouvait atteindre 10 %. Les députés ne devraient pas me citer sur ce chiffre, mais je crois qu'à l'échelle mondiale, environ 10 % de la population du monde est exploitée d'une manière ou d'une autre.
Je mentionne les enfants plus que quiconque parce que c’est sur eux que je me concentre principalement, mais il y a d’autres groupes vulnérables, certains plus que d’autres, qui doivent être pris en considération. J’aime à croire que, alors que le Canada continue de progresser dans ce dossier, nous continuerons à avoir de bonnes discussions. Le projet de loi de mon collègue sera présenté à un moment ou à un autre, une fois que les consultations appropriées auront eu lieu.
Je crois qu’il s’agit d’un problème qui existe depuis bien avant notre présence ici. Je ne parle pas seulement à l’intérieur de la Chambre des communes. Je parle dans la vie en général. C’est quelque chose qui ne sera pas réglé du jour au lendemain. En fin de compte, nous avons une responsabilité, une responsabilité qui a été prise très, très au sérieux.
Le gouvernement constate les avantages du commerce international. Le Canada, plus que la plupart des pays, dépend du commerce international. Il dépend des exportations et des importations. Ce n’est pas comme si nous étions un pays qui est autonome au chapitre de la production et qui n’a pas besoin d'importer des produits. Loin de là. C’est l’une des raisons pour lesquelles, à mesure que nous progressons — et nous avancerons dans ce dossier — nous le faisons d’une façon que les Canadiens peuvent appuyer et soutenir.
Fait intéressant, on a parlé de l’Accord de libre-échange nord-américain. Nous avons vu, que les questions des droits des travailleurs et de la protection de l'environnement ont été intégrées dans cet accord de libre-échange. En tant que gouvernement, nous avons signé plus d’accords commerciaux que n’importe quel autre gouvernement avant nous parce que nous reconnaissons l’importance du commerce international pour notre pays. En même temps, nous nous sommes vivement intéressés à la chaîne d’approvisionnement et à l'élimination de l’exploitation des gens. Je crois que nous allons voir davantage d’efforts dans ce domaine dans les mois et les années à venir.
Sur ces quelques mots, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes réflexions et je suis prêt à répondre à vos questions, si vous en avez.
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Monsieur le Président, j'ai l'intention de partager mon temps de parole, mais je n'arrive pas à voir le député avec lequel j'ai l'intention de le faire, alors dès que je l'apercevrai, je nommerai sa circonscription. Je crois qu'elle se trouve dans la région de Wellington.
Je suis heureux de participer au présent débat, car pour moi, il concerne la responsabilité du gouvernement en matière d'application des lois, des règlements, des règles et des avis qui découlent du travail que nous effectuons ici. Il s'agit donc de demander des comptes au gouvernement, ce qu'a fait le député de . Il estime que le gouvernement n'en a pas fait pas assez pour empêcher l'entrée au pays de produits issus du travail forcé, et nous nous sommes donc posé des questions.
À la Chambre, nous avons la possibilité de poser une question orale pendant la période des questions ou de formuler une question écrite et de la soumettre au gouvernement pour qu'il y réponde, et c’est exactement ce que le député a fait. C'est ce qu'on appelle les questions à inscrire au Feuilleton. Ce sont des questions écrites. L’une était la question no 1112, qui demandait essentiellement au gouvernement, une chose très simple, à savoir combien de biens fabriqués grâce au travail forcé d'Ouïghours en provenance de la province du Xinjiang avaient été saisis à la frontière depuis 2016 par l’Agence des services frontaliers du Canada ou la GRC, et la réponse était un gros zéro, rien. Le gouvernement avait bien intercepté une cargaison, mais comme l’a dit le député de , elle n'a pas été saisie.
Dans le même temps, le gouvernement des États‑Unis a saisi plus de 2 300 cargaisons de marchandises à la frontière, parce que le Congrès américain a exigé que le gouvernement surveille quatre secteurs précis par l’entremise du département de la Sécurité intérieure. C’est affiché sur leur site Web. Les députés peuvent consulter le site Web. En fait, le député de a déclaré à plusieurs reprises à la Chambre qu’il avait cette liste. J'ai fait une recherche et j’ai la liste aussi. Nous serions heureux de fournir la liste au gouvernement, et les libéraux pourraient s’en servir. C’est génial. Il s’agirait d’une coopération bipartisane. Nous essayons d’aider le gouvernement à effectuer son travail. Les libéraux pourraient venir de ce côté-ci, et nous leur donnerions la liste. Il y a même quelque chose appelé « courrier électronique ». Je ne sais pas si les députés en ont entendu parler. Nous pourrions leur envoyer la liste par courriel, et ils pourraient l’utiliser et l’adopter.
Les quatre secteurs qui, selon le département de la Sécurité intérieure, sont particulièrement préoccupants sont les vêtements, le coton, les tomates et le polysilicium. En fonction de ces quatre catégories ou secteurs qui le préoccupent particulièrement, il a saisi des milliers de cargaisons de marchandises qui avaient Xinjiang comme région d’origine et qui étaient le fruit du travail forcé d'Ouïghours.
Le travail forcé d'Ouïghours a augmenté en République populaire de Chine depuis 2017. Ces camps de travail ont été créés en 2017. On admet généralement que c’est à ce moment-là que ce programme a commencé. Le programme a été créé intentionnellement par le gouvernement communiste à Pékin. Il a commencé tôt. Le niveau de répression a augmenté depuis la première élection de Xi Jinping en 2013. Il en est à son troisième mandat, et maintenant probablement son mandat permanent, étant essentiellement un dictateur dans la République populaire de Chine.
Nous pouvons comparer les calendriers. Le député de a effectué le travail d’enquête qu’un parlementaire est censé faire et a prouvé que le gouvernement n’a pas appliqué les règles ou, s’il les a appliquées, il a été incroyablement négligent. Il n’a en gros rien fait.
Depuis lors, des députés ministériels et des secrétaires parlementaires se sont présentés tour à tour pour donner la meilleure version possible de la situation. Ils essaient très fort. À l’avenir, j’espère ne jamais me retrouver devant un tribunal, mais si cela arrive, je me tournerai vers un de ces députés pour me défendre, parce qu’ils ont vraiment bien présenté les choses. Ils ont parlé de convocations, de déclarations, de réunions, d’avis et d’attestations. Les gens peuvent se rendre sur le site Web et lire les conditions et ce qu’ils ne doivent pas faire, et ils peuvent ensuite signer une attestation. En fait, je m’adressais au député de . Les fonctionnaires du gouvernement eux-mêmes disent que personne n’a été reconnu coupable d'avoir enfreint les conditions des attestations et qu’il n’y a eu aucun suivi à cet égard.
Cela me rappelle un sage proverbe yiddish. J'espérais le trouver. Il est tiré d’un livre appelé Kvetch. Il m’a fallu un certain temps pour le trouver dans le livre: « Un homme qui se noie prendrait une épée pour se sauver. » Dans ce cas-ci, cela prouve ce que nous disons de ce côté-ci de la Chambre, à savoir que le gouvernement libéral n'a rien fait. S'il s'accroche à des avis, à des sites Web, à des pages Web, à un ombudsman et à des attestations, c'est parce qu'il n'a pas fait grand-chose.
En réponse à une question écrite présentée à la Chambre, on nous a dit qu'aucun bien n'était importé de cette région en particulier, une région où les violations des droits de la personne des Ouïghours sont tellement flagrantes que les Nations unies ont produit plusieurs rapports à son sujet. Des rapporteurs se sont rendus là-bas, de vrais rapporteurs, qui ont travaillé sur le terrain pour essayer de découvrir ce qui se passe. Dans le cas dont je parle, c'était Michelle Bachelet. Il y a eu plusieurs audiences au Congrès américain. Différents comités parlementaires au Canada et au Royaume‑Uni ont tenu des audiences également. Nous savons ce qui se passe. Les Ouïghours nous ont raconté ce qui leur arrive.
Je suis allé voir la réponse de la République populaire de Chine au rapport des Nations unies. D'après la Chine, tout va bien et la province du Xinjiang connaît une période de plein emploi. Tout va bien et toutes les lois sont respectées. En particulier, les Chinois attirent l'attention, à la page 109 de leur réponse — si certains souhaitent le lire —, sur le fait que les droits religieux des Ouïghours sont respectés, qu'il y a de nombreuses mosquées en dehors du Xinjiang où ils peuvent aller prier. La réponse présente des photographies de travailleurs très heureux. Je suis certain que toutes ces personnes savaient ce qui allait se passer.
Je remarque que le député de se prépare à prendre la parole après moi. C'est donc avec lui que je partagerai mon temps de parole.
C'est exactement là la question. Le gouvernement a agrippé l'épée et il la pointe vers le même adversaire que nous, sauf que lui n'a que de belles paroles à offrir. Il s'accroche à des attestations, des déclarations, des sites Web. Cela prouve qu'il n'a rien accompli depuis 2016. Aucune marchandise n'a été saisie à la frontière. Comme nous l'avons mentionné précédemment, on a intercepté un envoi, mais la mainlevée a été accordée par la suite. Les Américains accumulent les preuves et obtiennent des résultats. Le Canada veut des résultats lui aussi.
Cela me fait penser à notre régime de sanctions. En effet, des citoyens ont témoigné devant le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine. Leur message était essentiellement que notre régime de sanctions n'est pas assorti de mesures pour les appliquer. J'estime que cela devrait être un élément important de notre régime de sanctions contre les dictatures de ce monde qui font des choses que nous désapprouvons, notamment des violations graves des droits de la personne.
La Chambre a conclu que la République populaire de Chine commet un génocide contre les Ouïghours d'origine turque dans la province du Xinjiang. C'est ce que la Chambre a déclaré. En fait, le gouvernement était tellement inspiré par ses principes qu'il s'est abstenu de voter sur cette motion. À ce moment-là, le gouvernement a envoyé un ministre, qui a maintenant pris sa retraite, pour dire qu'il s'abstenait. Le Cabinet a décidé de s'abstenir de se prononcer sur la question. C'est très embarrassant pour eux, et ce, avec raison. Il est embarrassant pour tout le monde que le Cabinet agisse de la sorte.
Depuis lors, nous avons adopté une motion demandant au gouvernement d'accélérer l'entrée au Canada de 10 000 autres Ouïghours d'origine turque à titre de réfugiés et de déterminer qui ils sont. C'est un élément extrêmement important pour assurer la reddition de comptes à la Chambre. Quand les libéraux ne font pas leur travail, ils doivent être critiqués durement.
Si la a le temps d'octroyer un contrat de 25 000 $ à son amie à titre de traitement de faveur, elle a le temps de veiller à ce que son cabinet s'acquitte de ses fonctions et à ce que le reste de ses collègues et elle-même fassent le travail pour lequel ils ont été élus. Elle a été nommée membre du Cabinet. Elle devrait faire son travail. Or, nous avons la preuve qu'elle ne le fait pas. Elle manque à son devoir de produire les résultats nécessaires. Sept ans se sont écoulés depuis 2016.
Je viens d'entendre un député invoquer la pandémie. On met cela sur le dos de la pandémie. Ce n'est pas comme si les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada avaient cessé de faire leur travail lorsque le commerce mondial s'est effondré et que le volume de marchandises expédiées a diminué. Ils ont continué de faire leur travail. Ce n'est pas comme si on avait bloqué les marchandises aux frontières partout dans le monde. Bien des marchandises ont continué d'entrer au pays.
Monsieur le Président, je constate que vous me donnez le signal. Je regrette presque d'avoir partagé mon temps de parole avec le député de . J'aurais fait bon usage des 10 autres minutes afin de réprimander vertement le gouvernement pour ses manquements.
Nous devons aux gens de la province du Xinjiang de mettre en place un régime qui permet de bloquer les marchandises à la frontière et de saisir celles qui sont le fruit de leur travail. Les Américains le font. D'autres pays occidentaux le font. Les résultats, les propres comptes rendus du gouvernement, montrent que le Canada ne le fait pas. C'est honteux.
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Monsieur le Président, le gouvernement peut bien présenter toutes les mesures législatives qu'il veut et le Parlement peut toutes les adopter. Le gouvernement peut adopter autant de règlements et signer autant de traités qu'il le souhaite. Cependant, s'il ne met pas cette mesure législative, ces règlements et ces traités en application, tout cela ne sert à rien. Ce qui se passe au Xinjiang en est un bon exemple.
De toute évidence, le Xinjiang est le théâtre d'un génocide. Comme les députés le savent, le Canada est tenu, aux termes de la convention sur le génocide, de prévenir tout génocide. Selon l'article premier de cette convention: « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir. »
Les actes qui relèvent du génocide comprennent notamment les « [m]esures visant à entraver les naissances au sein du groupe ». La haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a déclaré qu'entre 2017 et 2019, le taux de natalité au Xinjiang a chuté de 50 %, soit de moitié. En deux courtes années, soit 24 mois, le taux de natalité est passé de 16 naissances pour 1 000 habitants à 8 naissances pour 1 000 habitants. De toute évidence, des actes qui relèvent du génocide sont en cause.
Deux des autres éléments qui caractérisent un génocide dans la convention sont l'« [a]tteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe » et la « [s]oumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Selon les preuves obtenues, ces deux actes seraient commis dans les immenses camps de détention mis en place par la République populaire de Chine au Xinjiang. Ce sont les conclusions auxquelles on arrive d'après les images satellites, les témoignages de survivants, les journalistes d'enquête, les documents ayant fait l'objet de fuites, les vidéos clandestines et de nombreux autres éléments de preuve qui documentent la situation dans les centaines de camps de détention construits par la République populaire de Chine dans la province du Xinjiang.
On estime à plus de 2 millions le nombre de musulmans ouïghours qui ont été détenus dans ces camps. Certains experts ont affirmé qu'il s'agissait de la détention la plus importante d'une population depuis la Seconde Guerre mondiale. Les autorités chinoises ont nié l'existence de ces camps au départ, mais lorsque des images satellites à haute résolution leur ont été présentées, elles se sont rétractées et ont expliqué qu'il s'agissait simplement de camps d'éducation.
Le Consortium international des journalistes d'investigation a recueilli certains documents qui mettent en lumière ce qui se passe dans ces camps, y compris concernant la torture et le travail forcé. Il est prouvé que les Ouïghours sont contraints de cueillir du coton et de cultiver des tomates que la République populaire de Chine exporte dans le monde entier, ce qui ressemble beaucoup à ce qui s'est passé lors d'un autre génocide. Pendant l'Holodomor en Ukraine, en 1932 et 1933, des millions de paysans ukrainiens ont été forcés de produire des céréales que Staline a ensuite exportées vers le reste du monde, ne leur laissant rien, pas même des semences pour les plantations et les récoltes de l'année suivante. En conséquence, plus de 3 millions d'Ukrainiens sont morts de faim. Il est indéniable qu'un génocide est en train de se dérouler au Xinjiang. Le Parlement a d'ailleurs reconnu qu'un génocide était en cours au début de l'année 2021 en adoptant une résolution à la Chambre.
Il est maintenant temps pour le gouvernement de respecter l'ordre international fondé sur des règles. Il incombe maintenant au gouvernement de respecter deux traités auxquels notre pays est partie. Il doit tout d'abord respecter la convention de 1948 sur le génocide en empêchant le génocide de se poursuivre, en empêchant l'importation de produits tels que les tomates et le coton issus du travail forcé des Ouïghours. Par ailleurs, le gouvernement devrait respecter un autre traité — s'il est sérieux quant au respect de l'ordre international fondé sur des règles —, à savoir notre obligation en vertu de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique. L'article 23.6 de cet accord exige que le Canada interdise les importations issues du travail forcé ou de l'esclavage. Voici ce qu'il dit: « En conséquence, chacune des Parties interdit l’importation sur son territoire de produits provenant d’autres sources et issus, en entier ou en partie, du travail forcé ou obligatoire, y compris du travail forcé ou obligatoire des enfants. »
Après la signature de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, il y a plusieurs années, le Canada et les États-Unis ont adopté des mesures pour mettre en œuvre les éléments de cet accord qui interdisent l'importation de produits provenant du travail forcé ou de l'esclavage. Le Parlement a modifié le Tarif des douanes en juillet 2020 pour rendre les lois canadiennes conformes à l'Accord, et le gouvernement a publié des règlements qui découlent de ces modifications, qui sont entrés en vigueur au cours du même mois, juillet 2020, il y a quelque deux ans et demi, trois ans. Un an plus tard, les États-Unis ont également modifié leurs lois pour les rendre conformes à l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, mais là s'arrêtent les similarités entre la situation dans les deux pays.
Le Canada et les États‑Unis ont tous les deux mis en œuvre des lois pour mettre en vigueur l'Accord Canada—États-Unis—Mexique et ils sont tous les deux signataires de la convention sur le génocide. Toutefois, les similarités s'arrêtent là. Depuis l'entrée en vigueur de ces lois, les États‑Unis ont bloqué l'entrée de milliers de conteneurs sur leur territoire en provenance du Xinjiang. Le Canada, quant à lui, n'a pas bloqué l'entrée d'une seule cargaison. En fait, le gouvernement a empêché temporairement l'entrée d'une cargaison au Canada, puis il l'a autorisée. Je pense que c'était au Québec.
On n'a bloqué ou interdit aucune cargaison au Canada malgré le fait que, au sud de la frontière, le gouvernement américain respecte l'ordre international fondé sur des règles et qu'il empêche l'importation de milliers de conteneurs transportant des produits comme des tomates, du coton et des panneaux solaires qui ont été produits par des millions de travailleurs musulmans ouïghours dans la province du Xinjiang. Même si les États‑Unis ont interdit des milliers de cargaisons, le gouvernement américain a admis que ces mesures ne sont pas suffisantes. Il prévoit d'ailleurs créer plus de 300 nouveaux postes à la frontière pour continuer d'empêcher l'entrée sur son territoire d'encore plus de produits provenant du Xinjiang. Il prévoit mettre en place de nouveaux systèmes informatiques et de nouveaux programmes de formation, en plus de mener des activités de liaison auprès des importateurs pour empêcher l'arrivée d'autres cargaisons en sol américain.
Toutefois, au Canada, il ne s'est rien passé, malgré le fait que la loi est entrée en vigueur il y a presque trois ans. Une cargaison a été bloquée temporairement, puis admise au Canada. Pendant ce temps, le gouvernement des États‑Unis a bloqué des milliers de conteneurs provenant du Xinjiang, car il respecte ses obligations relatives au traité, ses lois, les règlements qu'il a publiés et l'ordre international fondé sur des règles, que le gouvernement actuel affirme respecter. Toutefois, comme la CBC, le Globe and Mail et tant d'autres journalistes d'enquête l'ont rapporté, des tomates et du coton produits au Xinjiang, probablement grâce au travail forcé, continuent d'inonder les supermarchés et les boutiques de détail du Canada. Le gouvernement ferme les yeux, malgré ses obligations en vertu de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, malgré les lois en vigueur et malgré les règlements publiés dans la Gazette.
En conclusion, le gouvernement peut proposer autant de mesures réglementaires qu'il le souhaite, le Parlement peut promulguer autant de lois qu'il le veut, et le gouvernement peut signer autant de traités qu'il le désire, mais rien de tout cela n'aura le moindre effet à moins que le gouvernement du Canada et ses organismes appliquent ce cadre législatif et réglementaire, veillent au respect de ces traités et commencent à prendre les mesures nécessaires pour empêcher les cargaisons en provenance du Xinjiang d'entrer au Canada.
C'est pour cela que j'appuie la motion dont la Chambre est saisie. Si le gouvernement veut vraiment maintenir notre réputation à l'échelle internationale et l'ordre international fondé sur des règles, auquel il dit croire sincèrement, alors il devrait commencer par faire exactement ce que demande cette motion, c'est-à-dire commencer à intercepter les conteneurs de marchandises au port de Vancouver et à d'autres ports canadiens qui contiennent des tomates et du coton du Xinjiang produits au moyen du travail forcé.