propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, je suis fier d'intervenir à la Chambre au sujet du projet de loi que j'ai présenté. Cette mesure d'initiative parlementaire qui modifierait la Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada vise à tirer parti de la propriété publique pour soutenir la lutte contre les changements climatiques et redonner espoir à des collectivités comme celle d'où je viens, celles que je représente et celles qui, partout au Canada, paient déjà le prix des changements climatiques.
[Français]
Ce projet de loi offrirait une nouvelle avenue aux communautés autochtones, aux communautés du Nord et à tous les Canadiens et les Canadiennes pour développer les infrastructures dont on a besoin maintenant.
La crise climatique est à nos portes. Les témoignages qu'on entend chez nous, au Nord, sont alarmants. Le pergélisol fond et met à risque nos infrastructures municipales. La saison d'hiver des routes temporaires, dont dépendent des milliers de personnes pour la livraison du matériel lourd, est de plus en plus courte. Il faut qu'on donne les moyens à ces communautés de faire face aux changements climatiques avant qu'il ne soit trop tard.
En parallèle, la Banque de l'infrastructure du Canada a échoué: aucun projet n'a encore été livré et des milliards de dollars dorment dans ses coffres.
Comme l'a dit le secrétaire général des Nations unies cette semaine, le temps presse. Le temps est venu de prendre tous les outils à notre disposition et les mettre au service de la lutte contre la crise climatique. Le projet de loi que je propose aujourd'hui fait partie de la solution.
[Traduction]
En septembre dernier, j'ai rencontré le chef et le conseil de bande de la Première Nation de Pauingassi à Winnipeg, à l'hôtel où la bande avait été évacuée. Cette dernière en était au troisième mois de son évacuation forcée à cause des incendies de forêt qui faisaient rage dans l'Est du Manitoba et dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Par surcroît, c'était la troisième évacuation en quatre ans. Cette dernière fois, l'évacuation a duré quatre mois.
Nous nous sommes assis dans l'une des salles de réunion de l'hôtel qui avait été convertie en école de fortune. Les dirigeants de la bande et le directeur de l'école m'ont fait part de leurs préoccupations. Ils m'ont notamment dit que les incendies ne faisaient que s'aggraver et qu'il leur fallait de l'aide pour assurer la sécurité de la communauté. La bande de Pauingassi est l'une des deux Premières Nations au Manitoba qui, en dépit de nombreuses demandes au fil des ans, n'a toujours pas d'aéroport. Bref, comme il n'y a ni aéroport ni route toutes saisons à Pauingassi, les dirigeants affirment que la population s'est sentie prise au piège.
Pendant la période d'évacuation, la communauté de Pauingassi s'est rétrécie. De nombreuses personnes voulaient désespérément rentrer chez elles, mais lorsqu'elles sont arrivées sur place, elles ont trouvé des hectares de leurs terres ancestrales dévastés. Les sentiers de piégeage avaient disparu et les cabanes avaient été complètement rasées par le feu. Leur mode de vie était menacé.
Il s'est produit l'été dernier une série de catastrophes climatiques. La destruction totale de Lytton, en Colombie-Britannique, par les flammes, a probablement été celle qui a attiré le plus l'attention. Les températures incroyablement élevées du dôme de chaleur ont créé des conditions propices à un incendie qui a dévasté un village, une communauté, des vies et des gagne-pain. Comme l'a dit Edith Loring-Kuhanga, administratrice de l'école Stein Valley Nlakapamux, à Lytton, « les températures extrêmes de 49 degrés Celsius et plus dans les journées précédant le 30 juin ont contribué à l'incendie de Lytton Creek qui a détruit le Village de Lytton en 25 minutes et brûlé de nombreuses maisons et entreprises des réserves indiennes nos 17, 18 et 22 de la Première Nation de Lytton et du District régional Thompson-Nicola. Nos vies ont été transformées à jamais le 30 juin. Neuf mois plus tard, ceux qui ont perdu leur maison n'ont toujours pas de nouveau foyer et sont aux prises avec un taux d'anxiété élevé et des troubles de stress post-traumatique alors qu'ils tentent de renouer des liens avec leur famille, leur culture, leur mode de vie et la terre. » À ce jour, on attend toujours le nettoyage et la reconstruction de Lytton.
Pauingassi, Lytton, Little Grand Rapids, St. Theresa Point, Shamattawa, Thompson, Iqaluit, Old Crow, The Pas, Fort Chipewyan, Prince George, Première Nation Pinaymootang, Peguis, Inuvik, Uashat-Maliotenam et Happy Valley-Goose Bay: ce projet de loi est pour toutes nos collectivités. Ces collectivités sonnent l'alarme au sujet des changements climatiques depuis des années. Elles ont été claires au sujet de leurs besoins et de ce qu'il faut faire pour atténuer les changements climatiques et s'y adapter, mais leurs appels sont restés vains. Cela doit changer. Le temps commence à manquer.
Pas plus tard que cette semaine, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a publié un rapport alarmant soulignant l'urgence absolue de lutter contre les changements climatiques. Ce rapport a insisté sur l'importance d'abandonner les carburants fossiles. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a commenté le rapport, mais il aurait tout aussi bien pu parler du bilan du gouvernement libéral en matière de lutte aux changements climatiques: « litanie de promesses climatiques non tenues », « dossier déshonorant, où sont énumérées les promesses vides qui, inéluctablement, nous mènent sur la voie d’un monde invivable ». Il a ajouté « Le jury a rendu son verdict. Et il est accablant. [...] Nous approchons à toute allure de la catastrophe climatique [...] »
Il y a eu beaucoup de rapports et bien des discours, mais pas assez de gestes concrets. Les libéraux continuent de nous servir le sophisme antiscience voulant que d'investir dans les carburants fossiles permette de financer la transition vers des énergies propres. Les sociétés pétrolières ont reçu du gouvernement actuel plus d'argent que ce qu'auraient même rêvé leur verser les anciens gouvernements conservateurs. À notre grande honte, nous sommes le pire pays du G7 en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Alors que nous devrions soutenir la transition vers l'énergie verte, des dizaines de communautés nordiques au pays fonctionnent au diésel, un carburant polluant.
Le temps presse. Nous devons agir maintenant. Il est temps de nous engager à investir dans les communautés autochtones et nordiques ainsi que dans toutes les autres collectivités afin de soutenir leurs efforts vers une transition équitable, ce qui veut dire appuyer ce texte législatif, vu toute la gravité de la situation, vu toute l'ampleur des besoins en infrastructure.
Selon un rapport publié récemment, on estime que le déficit en infrastructure chez les Premières Nations se situe au bas mot entre 25 et 30 milliards de dollars, et pourtant, beaucoup des besoins signalés en infrastructure correspondent à des projets de 1 à 25 millions de dollars. Pour le dire crûment, imposer aux projets de la Banque de l'infrastructure d'être rentables empêche les collectivités comme celles que je représente d'obtenir ces fonds. Est-ce que leurs besoins en infrastructure sont sans importance?
Le chef Owens de la Première Nation de Pauingassi a déclaré qu'il a suffi de quelques décennies pour voir les effets des changements climatiques. Ils sont bien réels. Dans ses conversations avec moi, il a été surpris par la mention même de la Banque de l'infrastructure du Canada. Il n'en avait jamais entendu parler. Il n'a jamais été en mesure d'y recourir. Il aimerait qu'il y ait des investissements qui relient sa communauté au reste du pays et qui l'aident à gérer les incendies, et ce projet de loi y contribuerait.
Le chef Redhead est originaire de la Première Nation Shamattawa, une communauté que le Canada néglige depuis longtemps. Elle est aux prises avec d'énormes lacunes en matière d'infrastructure, une crise du logement, des épidémies de tuberculose résultant de la crise du logement et, récemment, une épidémie de COVID si grave que les militaires ont dû être envoyés sur place. Au sujet du projet de loi, il a déclaré: « L'un des avantages de l'adoption du projet de loi serait la possibilité de connecter Shamattawa à la ligne hydroélectrique principale. À l'heure actuelle, la communauté doit compter sur la combustion de diésel, ce qui pollue. Nous sommes en 2022 et il est temps que les communautés comme Shamattawa passent à l'année 2022. J'aimerais vraiment que le projet de loi soit adopté et que tous les partis l'appuient afin que des changements réels se produisent dans la lutte contre le changement climatique. »
Le chef Flett de St. Theresa Point a parlé de la nécessité d'un réseau routier accessible par tous les temps dans la région d'Island Lake, compte tenu de la fonte des routes de glace et de la possibilité de réduire l'empreinte carbone qui résulte des voyages aériens dont sa communauté dépend entièrement.
Des dirigeants nous ont parlé de conduites d'eau qui se brisent dans leurs communautés à cause de la fonte du pergélisol, de tours de radio qui se brisent sous le poids de chutes de neige records, de sécheresses historiques et d'inondations imprévisibles.
Lors de discussions avec des dirigeants autochtones, territoriaux et nordiques, nous avons entendu à maintes reprises qu'ils veulent adopter des mesures d'atténuation et d'adaptation. On nous a également dit à quel point il était difficile pour eux d'avoir accès à des fonds fédéraux. Dans l'ensemble, ils ont le sentiment que le gouvernement fédéral existe pour répondre aux besoins de la partie sud du pays, si tant est qu'il le fasse.
Lorsque je me suis entretenue avec certains de mes collègues libéraux en prévision d'aujourd'hui, on m'a fait valoir qu'il existe d'autres institutions fédérales qui peuvent faire le travail et financer le type de projets en question, mais la réalité est qu'elles ne le font pas. C'est pourquoi un si grand nombre des communautés se trouvent dans une situation particulièrement précaire.
Si nous reconnaissons que les besoins sont grands, que les institutions actuelles ne livrent pas la marchandise, pourquoi ne pas utiliser la Banque de l'infrastructure du Canada aux fins pour lesquelles elle a initialement été créée? Nous ne pouvons nous permettre d'attendre. Les besoins liés aux changements climatiques sont urgents. Les besoins des gens sont urgents. Si nous n'agissons pas maintenant, quand le ferons-nous?
Il est évident que la Banque de l'infrastructure du Canada n'est pas ce que l'on nous avait promis. On parle d'une société d'État dont le budget s'élève à 35 milliards de dollars et qui, en près de cinq ans d'existence, n'a toujours pas mené à bien un seul projet. Dans un rapport publié récemment, le directeur parlementaire du budget dit qu'elle ne dépensera même pas la moitié de son budget. Au cours de l'étude réalisée par le comité de l'infrastructure à la demande de mon collègue le député de , les témoins ont dit clairement, les uns après les autres, que, dans sa forme actuelle, la banque ne fonctionne pas et ne peut fonctionner. Pourtant, lorsqu'elle a été créée, beaucoup de gens se sont réjouis. Robert Ramsay, agent de recherche principal du Syndicat canadien de la fonction publique, a décrit à quel point il avait été emballé en apprenant la nouvelle de la création d'une banque publique de l'infrastructure qui pourrait investir dans les infrastructures dont le pays a tant besoin. Or, ce n'est pas ce qui s'est produit. La réalité, c'est que la banque refuse de faire le travail promis.
Au comité, le directeur parlementaire du budget a indiqué que la Banque de l'infrastructure du Canada n'avait approuvé que 18 % des projets qu'elle avait examinés, l'une des raisons les plus fréquemment invoquées étant que les projets n'étaient pas d'assez grande envergure. Ce projet de loi corrigerait ce problème. Il donnerait la priorité aux besoins en infrastructure des collectivités que la Banque est censée desservir.
Le programme de privatisation de la Banque constitue un élément clé du problème. Au comité, de nombreux témoins comme Canadiens pour une fiscalité équitable, le Syndicat canadien de la fonction publique et le Conseil des Canadiens, ont fait valoir le fait que les partenariats public-privé, notamment ceux qui intègrent des exploitants privés percevant des revenus par le biais de frais d'utilisation, soulèvent inévitablement des questions quant au choix des projets. Ils se demandent si les Canadiens peuvent avoir l'assurance qu'un projet d'infrastructure est financé parce qu'il répond à l'intérêt public supérieur et non parce qu'il offre le taux de rendement le plus élevé aux investisseurs privés.
Dans son témoignage, M. Sanger a déclaré:
L'unique raison d'être des PPP est de permettre un financement hors bilan et de donner au secteur financier des possibilités lucratives d'investissement à faible risque, aux frais des contribuables pour des décennies à venir. Si ces projets étaient réellement privatisés, nous nous retrouverions sans aucun doute avec une infrastructure vraiment inadéquate [...]
À Mapleton, en Ontario, il a fallu que la population s'indigne pour empêcher la Banque de l'infrastructure du Canada de privatiser les services d'approvisionnement en eau.
Comme l'a indiqué Angella MacEwen, économiste principale au Syndicat canadien de la fonction publique, « les besoins les plus critiques en matière d'infrastructure au Canada n'en sont pas dont la réponse garantit des profits. Il s'agit d'infrastructures essentielles dont les collectivités ont besoin pour fonctionner au quotidien. Ces infrastructures devraient être financées par l'État et appartenir à celui-ci afin de profiter au plus grand nombre. Je suis ravie de voir ce projet de loi. C'est ce que le Syndicat canadien de la fonction publique et le mouvement syndical dans son ensemble demandent: que la banque se dirige dans cette direction. »
En plus de son programme de privatisation, la Banque manque de transparence. Devant le comité, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a discuté du refus de la Banque de communiquer des renseignements et a affirmé que la Banque était probablement moins transparente que le ministère de l'Infrastructure. Il a également souligné que les parlementaires n'avaient pas encore reçu de rapport de situation complet sur la Banque parce que le gouvernement n'a pas fait le suivi des renseignements concernant tous les projets financés. C'est évidemment inacceptable.
Par l'entremise de ce projet de loi, nous demandons également à la Banque d'inclure les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans sa gouvernance. Si nous reconnaissons que le déficit d'infrastructure le plus important au pays se trouve dans ces collectivités, il est franchement inconcevable en 2022 et dans une ère de réconciliation que ces collectivités n'aient pas leur mot à dire dans ce qui se passe sur leurs terres.
Il est évident qu'il faut refaire les fondations de la Banque de l'infrastructure du Canada. Nous pouvons y arriver. Nous savons que la lutte contre le changement climatique requiert la prise de mesures collectives audacieuses. Elle requiert le recours à des investissements publics historiques. Les sociétés d'État sont des outils essentiels pour mener cette lutte. Nos sociétés d'État appartiennent au peuple canadien et doivent être des chefs de file de la lutte contre le changement climatique. Nous pouvons commencer aujourd'hui par la Banque de l'infrastructure. La Banque de l'infrastructure peut être la solution et non une modeste partie du problème. J'invite mes collègues libéraux et tous les députés de la Chambre à faire partie de cette solution. La Banque devrait émettre des obligations vertes, comme bon nombre de personnes l'ont demandé. Laissons-la être un moteur de la lutte contre le changement climatique et les déficits d'infrastructure auxquels font face nos collectivités.
[Français]
Au lieu de mettre des fonds publics au service du secteur privé qui va prioriser le profit, mettons-les au service des communautés qui luttent pour leur survie en pleine urgence climatique. Utilisons les pleins leviers de l’État et mettons-les au service des gens. Créons des emplois verts. Allions-nous aux peuples autochtones qui sont aux premières loges de la crise climatique. Allons trouver tous les organes sous-performants de l’État comme la Banque de l’infrastructure du Canada. Nous en avons besoin pour la survie de notre planète.
[Traduction]
Mon message aux libéraux est clair: s'ils veulent que la Banque de l'infrastructure respecte ses promesses, ils doivent apporter ces changements.
Mon message à tous les députés est clair: s'ils croient que toutes les collectivités du Canada méritent des investissements du fédéral pour lutter contre les changements climatiques, ils doivent voter pour le projet de loi. S'ils croient que nous devons prendre des mesures audacieuses pour répondre à l'urgence climatique, ils doivent voter pour le projet de loi.
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Madame la Présidente, l’infrastructure est un sujet très important. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le et le gouvernement libéral ont manifesté une grande volonté d’investir véritablement dans l’infrastructure, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps. Je me rappelle d’avoir parlé à la Chambre des sommes sans précédent qui étaient investies dans l’infrastructure, et je me souviens d’avoir expliqué pourquoi cela était important.
Un des éléments inédits, au-delà de ce type d’investissements, était la création de la Banque de l’infrastructure du Canada. Je pense que cette banque est là pour rester et qu’elle poursuivra ses activités pendant longtemps. La seule chose qui me déçoit un peu, mais pas forcément, et que j’aimerais que cette société d’État prenne en compte, c’est la question des délais.
La députée a dit, par exemple, qu’aucun des projets en cours n’avait été terminé. Pourtant, en faisant une simple recherche sur Google, on découvre rapidement que ce n’est pas le cas. Prenons l’exemple de la Ville de Brampton. Il semble qu’elle sera en mesure de conclure un marché dépassant largement les 400 millions de dollars pour se procurer 450 autobus à zéro émission. Je suppose que la Banque de l’infrastructure du Canada joue un rôle important dans ce dossier.
Je pense que le gouvernement a montré sa volonté d’explorer des pistes pour bâtir nos infrastructures. Lorsque nous avons adopté le projet de loi, il a d’ailleurs été convenu de procéder à un examen du processus et d’évaluer les résultats. Cela sera fait plus tard cette année, en 2022. Au moment de la création de cette entité, nous avons beaucoup parlé des liens entre le commerce, le transport et l’infrastructure. Le Canada est un pays commerçant.
Nous avons parlé du transport en commun et Brampton en est un bon exemple. Nous avons aussi parlé des infrastructures vertes. Le gouvernement actuel a parlé plus souvent des infrastructures vertes au cours des deux dernières années que l'ancien premier ministre ne l'avait fait en 10 ans. Nous pouvons reprendre l'exemple de Brampton pour examiner plus attentivement certaines initiatives. La connectivité à large bande est une initiative sur laquelle nous avons mis beaucoup d'attention et d'espoir pour l'avenir.
La députée est originaire du Nord du Manitoba et je me plais à croire qu'il y a des possibilités dans cette région. Le Manitoba pourrait être un grand joueur sur le plan de l'énergie propre, que l'on pense à des projets hydroélectriques ou à l'énergie éolienne. Tous ces projets nécessitent beaucoup d'argent pour être menés à terme. Il y a aussi un très grand nombre de projets autochtones qui, s'ils étaient mis en œuvre avec le financement approprié sur le plan des infrastructures, pourraient créer davantage de possibilités. Je pense, entre autres, à la construction, au développement communautaire ou même à des possibilités économiques en matière d'échanges commerciaux.
Je suis convaincu que tous les députés reconnaissent l'importance des infrastructures. C'est pourquoi, si on fait le bilan depuis la fin de 2015, on constate que le gouvernement actuel a pris un engagement à long terme d'investir plusieurs milliards de dollars dans le renforcement des infrastructures du Canada.
La question que j'ai posée à ma collègue d'en face portait sur l'ampleur des besoins de financement actuels dans le domaine de l'infrastructure. Le nombre de projets est absolument incroyable. Nous avons un sérieux déficit en matière d'infrastructure et ce phénomène ne date pas d'hier: beaucoup de gens diraient que c'est le résultat de plusieurs années de négligence.
Cela concerne aussi le nombre de projets, que l'on souhaite faire croître l'économie et les collectivités du pays ou fournir à la population une meilleure qualité de vie, dans les centres urbains ou les zones rurales. Autrement dit, ce sont de nouveaux projets. Quand on pense à l'infrastructure, il ne faut pas s'arrêter aux projets qui visent à refaire ou à rebâtir quelque chose: il faut aussi de nouveaux projets.
Dans un cas comme dans l'autre, les projets ne manquent pas. C'est notamment pour cela que le gouvernement actuel a affecté des sommes sans précédent à ce dossier dans chacun des budgets qu'il a présentés depuis six ans. On a pu voir un nombre record de projets dans toutes les régions du pays. Ottawa a envoyé de l'argent directement aux municipalités grâce à un mécanisme de transfert semblable à celui de la taxe sur l'essence.
Quand j'emprunte en voiture certaines routes de Winnipeg-Nord, je pense à tout cela. On peut voir tout ce qui a été creusé pour préparer le remplacement d'une route. Je pense notamment à la rue McGregor, ou encore aux rues Salter ou Selkirk. Les coûts sont énormes. Les fonds qui permettent de réaliser ces projets proviennent en grande partie d'Ottawa.
Quand je pense à Winnipeg, je pense au prolongement de la route Chief Peguis, qui est d'une importance cruciale pour Winnipeg, pour la province et, je dirais même, pour le pays. Il suffit de penser à l'aéroport international, à CentrePort, aux centaines de millions de dollars qui sont investis actuellement et à l'avenir des milliers d'emplois dans ce secteur seulement pour saisir toute l'importance du prolongement de la route Chief Peguis.
Je suis sûr que le même principe pourrait s'appliquer dans toutes les circonscriptions que mes collègues représentent. Les idées ne manquent pas, tout comme les besoins auxquels on pourrait répondre grâce aux fonds réservés aux infrastructures. Non seulement le gouvernement du Canada s'emploie à fournir des ressources financières sans précédent pour répondre aux besoins pressants, mais il travaille aussi en collaboration avec les municipalités et les provinces. Il leur permet, dans une large mesure, d'établir les priorités, car elles sont plus près de la collectivité et sont donc davantage en mesure d'établir les priorités en fonction des besoins réels. Nous voulons apporter notre contribution de toutes les façons possibles, que ce soit de manière directe ou indirecte.
Cependant, cela ne suffit pas. C'est notamment pour cette raison que nous avons mis sur pied la Banque de l'infrastructure du Canada, qui, en tant que société d'État, sera sans doute en mesure d'attirer des ressources financières supplémentaires pour de nombreux projets, et on peut espérer que cela permettra d'approuver davantage de projets.
Il est vrai que les besoins sont énormes, mais le gouvernement est déterminé à faire ce qu'il peut pour trouver les ressources financières nécessaires pour assurer le développement des collectivités et de l'économie.
Ce faisant, nous aidons les Canadiens de façon très concrète, notamment en contribuant à la croissance et au développement économique dans la société canadienne. Nous améliorons la qualité de vie des Canadiens dans toutes les régions du pays.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir discuter de la question importante du capitalisme des parties prenantes.
Le système économique actuel a comme fondement le capitalisme actionnarial, mouvement selon lequel la raison d'être des sociétés se résume à l'objectif étroit et exclusif de maximiser la valeur pour les actionnaires. Je pense qu'il est important de comprendre que ce modèle de capitalisme axé sur les investisseurs fait l'objet de critiques légitimes.
Lorsque les sociétés ne considèrent que les intérêts de leurs actionnaires, elles peuvent finir par causer du tort aux non-actionnaires. Les questions de moralité et de viabilité font partie de l'équation du capitalisme actionnarial dans la mesure où elles ont une incidence sur la réputation et le bénéfice net des entreprises, à défaut de quoi elles ne sont pas prises en compte. Cette façon de penser pose peut-être un problème.
Nous avons essayé maintes fois de remédier aux torts causés par le capitalisme actionnarial au moyen de lois, de règlements et de politiques fiscales qui obligent les sociétés à internaliser les coûts sociaux. Il va sans dire que ces efforts ne sont jamais parfaits. Le capitalisme des parties prenantes est un remède de plus en plus populaire aux problèmes que peut poser le capitalisme actionnarial. Je soutiens aujourd'hui que le capitalisme des parties prenantes est dangereux, car il exacerbe les problèmes du capitalisme actionnarial et en engendre de nouveaux.
Le capitalisme des parties prenantes découle de l'idée selon laquelle nous devrions favoriser un système économique qui pousse les sociétés à maximiser la valeur pour toutes les parties prenantes et non pas seulement pour leurs propres actionnaires. À première vue, la philosophe selon laquelle les sociétés devraient se préoccuper du bien commun plutôt que de leurs propres profits est attrayante, mais nous devons aller au-delà des beaux discours simplistes et superficiels qui façonnent habituellement l'argumentaire des défenseurs du capitalisme des parties prenantes pour comprendre les implications profondes de ce changement radical de paradigme.
D'entrée de jeu, il est important de comprendre l'historique de l'idée. Le capitalisme des parties prenantes est un nouveau nom, mais pas un nouveau modèle. En fait, les débuts du processus de colonisation européenne ont été grandement influencés par de grandes sociétés monopolistiques auxquelles on avait accordé des chartes de commerce exclusif pour certaines régions, en partie contre l'engagement de prendre certaines autres mesures non économiques perçues comme répondant aux intérêts de la mère patrie.
La Compagnie de la Baie d'Hudson et la Compagnie britannique des Indes orientales étaient les premiers exemples du capitalisme des parties prenantes à l'œuvre. Ces sociétés agissaient à titre de gouvernement sur le terrain, et leur autorité politique non démocratique était protégée tant et aussi longtemps qu'elles veillaient aux intérêts de leurs parties prenantes, choisies ou imposées. Bien sûr, elles ne tenaient pas compte des intérêts de toutes les parties prenantes, mais leurs équivalents modernes ne le font pas non plus.
Aujourd'hui, l'un des partisans les plus connus du capitalisme des parties prenantes est le fondateur du Forum économique mondial, Klaus Schwab. Son dernier ouvrage s'intitule Stakeholder Capitalism, et l'idée est explicitement appuyée dans le manifeste de Davos. Ici, au Canada, Mark Carney est un des principaux défenseurs de ce type de capitalisme, et son livre Values fait valoir des arguments semblables à ceux de M. Schwab. M. Schwab, M. Carney et la députée néo-démocrate qui propose ce projet de loi aujourd'hui ont parfaitement le droit de faire valoir un ensemble particulier de propositions sur le virage que l'économie devrait prendre selon eux, mais nous devrions parler du fait que ces idées ont d'importantes conséquences imprévues.
Généralement, mais pas toujours, les partisans du capitalisme des parties prenantes viennent de la gauche politique. La gauche politique critique depuis longtemps le capitalisme actionnarial, mais elle l'a généralement fait dans le contexte d'une critique plus large du pouvoir des entreprises. Selon cette position, les entreprises ne devraient pas être trop puissantes parce qu'elles peuvent se servir de leur pouvoir pour exploiter les travailleurs et faire avancer des programmes qui pourraient aller à l'encontre de la volonté démocratique du peuple. En fait, une telle critique est potentiellement valable, et beaucoup de conservateurs modernes l'adopteraient en ajoutant que les entreprises trop puissantes peuvent souvent utiliser leur pouvoir pour manipuler ou saboter le marché.
Tant les conservateurs que les versions précédentes des partis de gauche ont critiqué les puissants monopoles, mais ils ne s'entendent pas sur les solutions à prendre. Les partis de gauche ont critiqué le capitalisme en soi et ils ont réclamé un plus grand recours à la nationalisation. Les conservateurs ont plutôt préféré des politiques favorisant la concurrence et d'autres formes de réglementation afin que le secteur privé puisse faire son travail sans qu'une seule entreprise ait suffisamment de pouvoir pour fausser le marché ou miner le bien commun.
De nos jours, les paramètres du débat économique ont bien changé. De nombreux tenants de la gauche ne critiquent plus le pouvoir des sociétés lui-même, mais soutiennent simplement que l'on devrait demander aux sociétés de défendre des causes progressistes ou conscientisées. La gauche politique semble maintenant s'accommoder des grandes sociétés puissantes, pourvu qu'elles se soucient des changements climatiques, des inégalités raciales et des droits des transgenres. La gauche ne parle plus des problèmes du pouvoir des sociétés, mais plutôt de l'utilisation de celui-ci.
Il est très révélateur que le projet de loi , dont nous débattons ce soir et qui a été présenté par une députée qui compte probablement parmi les plus à gauche de toute la Chambre, propose d'utiliser le pouvoir des sociétés au lieu de le limiter. La députée démontre ce changement dans la façon de penser des partis de gauche. En particulier, le projet de loi propose de se servir de la Banque de l'infrastructure du Canada, une société d'État, comme d'un outil idéologique pour façonner le genre d'investissements qui sont faits dans le secteur privé, et de s'en acquitter en fixant des objectifs non économiques. Voilà ce qu'est le capitalisme des parties prenantes depuis l'époque coloniale. Il s'agit de l'utilisation du pouvoir des sociétés pour la promotion d'objectifs idéologiques éloignés des intérêts des actionnaires.
Je crois que le conservatisme moderne doit plaider fortement contre le genre de capitalisme des parties prenantes que l'on retrouve dans ce projet de loi et dans d'autres.
Il doit s'opposer au pouvoir des sociétés et reconnaître que sa centralisation peut être tout aussi dangereuse quand elle est faite au nom des parties prenantes que lorsqu'elle est faite au nom des actionnaires. Nous devons défendre les travailleurs et défendre le principe démocratique d'une personne, un vote contre l'idée que les valeurs collectives devraient être définies par les détenteurs du pouvoir au sein des sociétés. Il ne s'agit pas là d'une défense inconditionnelle du capitalisme actionnarial, qui doit être soumis à des contrôles appropriés. Je reconnais simplement que le capitalisme des parties prenantes est pire.
Je m'oppose au capitalisme des parties prenantes pour essentiellement trois raisons.
Premièrement, l'insistance sur les valeurs des parties prenantes manque souvent de sincérité et vise en fait à dissimuler l'absence de mesures concrètes dans des dossiers cruciaux. On peut s'en servir pour prétendre qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte de l'intérêt public ou d'adopter des règlements contre les monopoles, même quand on ne fait pas grand-chose pour promouvoir les valeurs qu'on prétend incarner. À ce propos, j'aimerais inviter toutes les sociétés qui ont dit que la vie des Noirs compte de dire la même chose sur la vie des Ouïghours. Comme bien d'autres, la NBA a réalisé que promouvoir la justice raciale aux États‑Unis est financièrement rentable, mais pas promouvoir la justice raciale en Chine. Si on lutte seulement pour la justice raciale quand c'est financièrement rentable, ce n'est pas vraiment quelque chose qui nous tient à cœur.
Mark Carney, dont j'ai parlé plus tôt, a eu des ennuis quand il a prétendu que la société gérant des actifs d'un demi-billion de dollars où il travaille est carboneutre. Il s'est par la suite rétracté. Je pense que certains députés appelleraient cela de l'écoblanchiment. Il y a beaucoup d'hypocrisie dans le capitalisme des parties prenantes, ce qui peut empêcher la prise de mesures concrètes. C'est l'une de ses lacunes importantes.
Ma deuxième critique est que, même lorsque les entreprises décident de bonne foi de porter certaines valeurs, de les encourager et de les faire connaître et d'agir dans l'intérêt des parties prenantes, cela leur donne beaucoup trop de pouvoir concernant des décisions relatives au bien commun qu'elles n'ont pas le mandat de prendre ni l'expertise voulue pour le faire.
La Chambre a fini par interdire les dons aux partis politiques par les entreprises et les syndicats. Pourquoi? Parce que nous sommes arrivés à la conclusion que les entreprises ne devraient pas avoir le privilège d'orienter les débats publics au sujet du bien commun en finançant certains candidats plutôt que d'autres. Nous avons déterminé que la possibilité pour les entreprises de faire peser leur poids en politique avait un effet déformant sur les processus décisionnels. Or, quel est l'intérêt d'interdire les dons des entreprises et des syndicats aux partis politiques si nous laissons les entreprises se servir de leurs privilèges, ou même si les encourageons à le faire, pour appuyer des objectifs politiques par des moyens détournés, en exigeant de leurs employés qu'ils suivent des formations sur des idéologies progressistes, en incitant les investissements dans certains types d'entreprises ou accordant le privilège de la responsabilité limitée pour la participation à des activités clairement politiques?
Je crois que les décisions relatives au bien commun de la société doivent être prises après des luttes et des débats politiques, pas après des consultations auprès des parties prenantes menées par la direction des entreprises qui ne font que soutenir les intérêts des entreprises elles-mêmes et perpétuer leur pouvoir, même lorsqu'elles sont bien intentionnées. Les intérêts qu'une société doit prioriser doivent être établis selon le principe d'une personne, un vote, pas selon le principe d'une action, un vote. Même les décisions des entreprises au grand cœur sont nécessairement le reflet de la capacité des actionnaires et de la direction à retenir le point de vue des parties prenantes de leur choix.
Une société où les grandes entreprises choisissent certaines des valeurs de leurs parties prenantes et les mettent de l'avant est fonctionnellement beaucoup moins démocratique qu'une société où les priorités sociales collectives sont établies au moyen de débats démocratiques ouverts et transparents. Encore une fois, la nature corporatiste du colonialisme européen devrait nous montrer les risques d'un pouvoir excessif et débridé des entreprises, même lorsqu'on prétend que ces entreprises répondent à certains impératifs non économiques soutenus par leurs parties prenantes.
Ma dernière réserve au sujet du modèle de capitalisme des parties prenantes concerne la façon dont il permet au gouvernement d'utiliser l'action des sociétés pour faire avancer son objectif, qui est très clair dans le projet de loi. Les titulaires du pouvoir de réglementation des sociétés peuvent accomplir beaucoup de choses à l'aide du pouvoir de suggestion. Les sociétés comprennent qu'elles sont moins susceptibles d'être confrontées à une réglementation hostile si elles sont sur la même longueur d'onde que les gouvernements en ce qui a trait aux questions non économiques.
Si le gouvernement ordonne aux entreprises de médias sociaux de réglementer la parole ou aux banques de refuser de fournir des services bancaires à certains types de personnes, il est alors dans l'intérêt de ces sociétés d'être utiles. Les gouvernements font de plus en plus ce genre de choses. Le capitalisme des parties prenantes fournit la boîte à outils intellectuelle qui permet aux gouvernements de demander aux sociétés d'utiliser leur pouvoir d'une manière particulière. En utilisant le pouvoir des sociétés à leur avantage, les gouvernements peuvent du même coup exercer beaucoup plus de pouvoir sur la vie des gens qu'ils le pourraient autrement. Lorsque le gouvernement intervient directement, il est assujetti à des mécanismes d'examen et de reddition de comptes qui ne s'appliquent pas aux sociétés privées. En agissant par l'entremise de sociétés et en utilisant le pouvoir de suggestion, les gouvernements peuvent obtenir les résultats souhaités sans être assujettis à autant d'examens et de redditions de comptes.
En général, un monde dans lequel les dirigeants politiques et les dirigeants d'entreprises établissent des valeurs communes et utilisent le pouvoir de l'État conjointement au pouvoir des entreprises pour faire la promotion de ces valeurs est moins démocratique qu'un monde où les entreprises s'en tiennent aux affaires et où les valeurs communes sont définies à la suite d'un débat démocratique et défendues par des organismes de réglementation au moyen d'une réglementation transparente. Dans ce processus, nous devons conserver une saine dose de scepticisme à l'égard du pouvoir des entreprises et reconnaître que dans un système capitaliste fonctionnel, aucun joueur ne domine le jeu à lui seul.
Plutôt que d'utiliser la Banque de l'infrastructure du Canada pour promouvoir les prétendues valeurs des intervenants, les conservateurs croient que nous devrions l'éliminer, car elle est un échec sur toute la ligne. Cette soi-disant banque représente déjà une structure perverse découlant de la combinaison des intérêts du gouvernement et des intérêts des entreprises, car elle demande au contribuable d'assumer le risque lié aux investissements privés.
Le génie d'un système de marché est que les acteurs privés doivent assumer un risque proportionnel à leurs bénéfices potentiels. La seule chose qui est pire que le socialisme, c'est une politique qui privatise les gains tout en socialisant les pertes...
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Madame la Présidente, nous discutons aujourd'hui du projet de loi déposé par ma collègue du NPD. D’entrée de jeu, ce projet de loi mérite au moins d’être discuté.
Le projet de loi C‑245 modifie la Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada. Avant d'expliquer pourquoi on déciderait de modifier cette loi, il faut peut-être commencer par savoir ce qu’est la Banque de l’infrastructure du Canada et d’où vient cette bibitte.
La Banque de l’infrastructure du Canada a été créée en 2016 par l'adoption d’un projet de loi déposé par l’ex-ministre des Finances Bill Morneau. L’idée était d’aller chercher de l’argent du privé pour financer les infrastructures qui seraient normalement des infrastructures publiques.
L’ex-ministre des Finances M. Morneau venait de la haute finance, dans le bout de Bay Street. Ce n’est d'ailleurs pas pour rien que le siège social de la Banque de l’infrastructure du Canada est à Toronto, tout comme celui de la compagnie familiale Morneau Shepell, réputée très lucrative.
Le gouvernement a eu de belles discussions avec toutes sortes de groupes et d'ultrariches et la haute finance mondiale, leur disant qu’il pourrait prendre plein d’argent public et le mettre à leur disposition pour qu’ils puissent réaliser plus de projets d’infrastructure et faire des profits. Ils ont trouvé cela intéressant.
Quand le gouvernement a vu qu'ils étaient contents, il s'est dit qu’il pourrait se taper sur les cuisses et gagner beaucoup d’argent en faisant plein d’investissements. C'était un peu mégalomane. Le gouvernement se disait que toute la planète allait venir mettre son argent ici, que toutes nos belles infrastructures privatisées avec l’argent public allaient lui remplir les poches et qu’il allait se vanter de tous les investissements que cela générerait. C’était un peu cela, l’idée.
Le gouvernement a donc donné 35 milliards de dollars à ces gens, à investir dans toutes sortes de projets. Il espérait obtenir du privé de quatre à cinq fois le montant investi: un investissement de 35 milliards de dollars aurait donc généré 175 milliards de dollars en investissements privés.
Cela a été un échec lamentable. On est rendu en 2022 et on n’a pas encore vu débarquer la manne du privé. Ce qu’on a surtout vu, par contre, c’est le déclin continu de toutes les infrastructures fédérales. Quand on se promène en région, on voit des ports où on ne peut même plus faire accoster des bateaux, on voit des réserves qui n’ont pas d’eau, on voit des bases militaires qui ont des bâtisses qui sont sur le point de s'écrouler, des clôtures toutes croches et toutes rouillées. C'est cela, les infrastructures fédérales dans ce pays.
Au lieu d’investir là où il y avait des besoins, on s’est dit qu’on allait donner l’argent au privé qui allait trouver de beaux projets. Finalement, cette idée de donner l’argent au privé pour trouver de beaux projets ne s’est pas vraiment concrétisée.
En effet, ce sont des organisations publiques qui ont pris l’argent de la Banque de l’infrastructure du Canada pour le mettre dans des projets. Au Québec, on a vu des projets comme celui du REM mené par la Caisse de dépôt et placement ou d'autres à l’aéroport de Montréal ou au port de Montréal.
Il y a aussi eu des projets de financement d’autobus avec des sociétés de transport et des villes. On a vu le financement des réseaux d’Internet dans certaines régions ou même des réseaux d’irrigation en Alberta. Ce sont tous des projets qu’on aurait pu trouver logiques.
Toutefois, pourquoi créer la Banque de l’infrastructure du Canada pour financer des projets qui, dans le fond, auraient pu voir le jour et être financés d’autres façons? C’est parce que la Banque de l’infrastructure du Canada devait à l'origine financer le privé. Il y a là quelque chose d’un peu schizophrène. Dans la réalité, ce qui se passe n’est pas ce qui devait se passer.
Au bout du compte, je dirais que je m’en réjouis un petit peu, mais pas trop quand même. Je pense que les conservateurs, de l’autre côté de la Chambre, sont très frustrés et s’en désolent, parce qu’ils auraient préféré l’ancienne société d'État PPP Canada, qui était un peu le prédécesseur de la Banque de l’infrastructure du Canada. Sans en avoir le titre ronflant, PPP Canada avait les mêmes objectifs: privatiser les infrastructures du pays. La Banque de l'infrastructure du Canada va plus loin: au lieu de ne privatiser que les infrastructures fédérales, elle vise à privatiser toutes les infrastructures.
C'est toutes les infrastructures qui sont visées, municipales et provinciales. Peu importe où elles sont, elles sont des cibles de la Banque de l'infrastructure du Canada. Il faut se souvenir de cela. L'effet de cela est que, plutôt que financer des projets qui sont dans l'intérêt du public, on va financer des projets où il y a de l'argent à faire pour le privé. L'intérêt public n'est plus la priorité. On vient dénaturer l'idée d'un projet d'infrastructure qui devrait servir le collectif.
C'est une banque qui a un manque profond de transparence. C'est une belle société d'État qui, quand elle se lance dans un projet, paf, c'est réglé. C'est comme si cela devenait un projet fédéral. On outrepasse toutes les lois provinciales, les lois municipales ou les lois environnementales. On fait ce qu'on veut, comme on veut, quand on veut. Le privé aime cela aussi.
On comprendra qu'il y a un manque de transparence. Pire, cette organisation n'est pas assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. On ne peut pas savoir ce qui s'y passe. L'information sur la rémunération des dirigeants est un secret. Personne ne sait qui est payé combien. On sait que c'est payant, mais on n'en sait pas beaucoup plus que cela.
Il n'y a pas si longtemps, le directeur parlementaire du budget est venu nous parler en comité. Il disait que lui-même, quand il faisait des demandes, il n'était pas capable d'avoir des réponses. Ce n'est pas juste nous ou le public qui ne pouvons pas avoir des réponses de la Banque, le directeur parlementaire du budget ne le peut pas non plus. Le directeur parlementaire du budget devrait avoir accès à toute l'information dont il a besoin, mais ce n'est pas le cas.
En fait, la Banque lui a donné comme prétexte pour ne pas répondre à sa demande que c'était des renseignements confidentiels de nature commerciale. Pourtant, le directeur parlementaire du budget est habilité à recevoir des renseignements confidentiels. On refuse donc de donner des renseignements confidentiels à un organisme autorisé à recevoir des renseignements confidentiels. C'est particulier. Puisqu'il est autorisé, s'il reçoit ces renseignements, il va les traiter et il ne va pas publier ce qui ne doit pas l'être. Il va faire preuve de jugement et il ne compromettra pas la sécurité de ces informations. Il ne trahira pas le secret, mais il faut croire que la Banque voit les choses différemment. Manifestement, le gouvernement est d'accord sur cela, parce qu'il n'a jamais forcé la Banque de quelconque façon à fournir les renseignements demandés.
J'en viens au projet de loi du NPD. J'espère qu'il va me rester assez de temps pour aller jusqu'au fond des choses. Ce que vient changer le projet de loi du NPD, c'est de dire qu'on sortirait le privé de la mission de la Banque de l'infrastructure du Canada. Cela pourrait être intéressant. Il propose aussi que la Banque puisse recevoir des propositions non sollicitées. C'est-à-dire qu'elle pourrait recevoir des propositions qui sortent un peu du cadre de gens qui pensent que leur projet est valable. La Banque devrait alors l'évaluer au mérite. Cela aussi pourrait être intéressant. Le projet de loi demande que la priorité soit donnée à des projets qui sont du Nord, des projets de nations autochtones, des infrastructures qui atténuent ou adaptent les changements climatiques et qui ne portent pas atteinte à l'environnement. Ce sont toutes de bonnes choses. Nous ne voyons pas de problème à cet égard. Il est prévu de donner trois sièges du conseil d'administration à des nations autochtones, un pour les Inuits, un pour les Premières Nations et un pour les Métis.
Une autre chose intéressante est de présenter un rapport au ministre une fois par année sur les activités et les investissements de la Banque pour rendre compte de ce qui s'y passe. En ce moment, on ne le sait pas; il faut croire que c'est un secret d'État. On ne sait pas du tout ce qui se passe dans cet endroit, sauf quand ils font une belle communication publique. Le rapport serait aussi déposé au Parlement une fois par année.
Alors, nous ne voyons pas grand-chose dans le projet de loi qui nous ferait dire que cela n'a pas d'allure, qui nous ferait déchirer notre chemise. Non, cela peut rendre moins mauvais quelque chose qui est un monstre au départ. Or, c'est un peu cela, le problème. C'est ce que le NPD n'a pas compris. La Banque de l'infrastructure du Canada, au fond, c'est une immense ingérence fédérale dans les champs de compétence des provinces: 98 % des infrastructures publiques sont des infrastructures provinciales ou municipales, et la Banque vient se mettre le nez là-dedans au lieu de juste transférer l'argent ou abattre les taux d'impôts. Non, le fédéral a absolument besoin de se mettre le nez partout. Il est là le problème fondamental avec cette banque.
C'est un gouvernement central qui essaie toujours d'imposer sa vision, de jouer le gérant d'estrade qui veut aller mélanger encore plus les affaires, rajouter des interlocuteurs et alourdir les choses.
Chaque dollar qui existe dans cette banque est un dollar de trop, et nous allons continuer à lutter contre elle.
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Madame la Présidente, les pluies diluviennes et les inondations catastrophiques qui sont survenues l'automne dernier en Colombie‑Britannique ont permis de réaliser à quel point nous avons besoin de nos infrastructures publiques pour la libre circulation des marchandises et des personnes. Des infrastructures stables et solides favorisent un accès à l'emploi, à la nourriture, aux médicaments et aux articles essentiels qui permettent aux gens et à l'économie de demeurer dynamiques. L'incapacité de pouvoir se déplacer facilement à l'intérieur et à l'extérieur de la vallée du bas Fraser pendant quelques semaines a eu un effet dévastateur pour les habitants, les entreprises et les industries de la Colombie‑Britannique. Nous avons perdu des élevages, des cultures et des infrastructures. De grandes sections des principaux axes routiers ont été emportées par les flots, des ponts ont été détruits et des digues ont cédé en raison de lacunes dans le maintien et la mise à niveau des infrastructures. Toutes ces conséquences découlent d'un seul phénomène météorologique extrême.
L'année dernière, la Colombie‑Britannique n'a été qu'un canari de plus dans la mine de charbon que sont le Canada et le monde. Des inondations, des sécheresses, des îlots de chaleur et des feux de forêt sont survenus à quelques kilomètres les uns des autres, dans la même année. Ces catastrophes surviennent en raison des changements climatiques et ils entraînent de lourdes pertes pour les communautés. Les phénomènes météorologiques extrêmes ne sont plus aussi rares qu'un cygne noir et leur fréquence sert de véritable signal d'alarme pour lutter contre la crise climatique.
Le rapport sur l'atténuation des émissions publié lundi par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat était sans équivoque: il sera pratiquement impossible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius par rapport à l'ère préindustrielle si nous ne réduisons pas les émissions immédiatement et de façon massive. Le gouvernement fédéral se concentre sur l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés dans 10 ans et dans 20 ans, il omet l'autre partie de l'équation: les communautés locales. Les gens aux premières lignes des changements climatiques souffrent déjà.
Partout au Canada, la dernière génération d'infrastructures publiques est en piètre état et a besoin d'être modernisée de toute urgence. Il faut construire de nouvelles infrastructures conçues pour résister aux réalités climatiques d'aujourd'hui et de demain. Toutefois, les municipalités ont du mal à financer ces priorités concurrentes au moyen de leur assiette fiscale limitée. Elles dépendent des autres ordres de gouvernement pour contribuer à les financer au moyen de subventions imprévisibles. Or, ce dont elles ont réellement besoin à long terme, c'est d'un investissement stable et prévisible du gouvernement fédéral pour bâtir la prochaine génération d'infrastructures résilientes.
Cette réalité s'amplifie dans les collectivités nordiques et autochtones. Ces dernières comptent parmi les plus durement touchées par les effets des changements climatiques, mais on les abandonne à leur sort après des décennies d'investissement fédéral inadéquat et de privation de certaines des infrastructures les plus fondamentales. Cette injustice de longue date en matière d'investissement dans les infrastructures entraîne un manque chronique de logements, des usines de purification d'eau et de traitement des eaux usées inadéquates et une dépendance au diésel faute d'avoir accès à d'autres sources d'énergie.
[Français]
Pendant trop longtemps, ces communautés ont été laissées pour compte.
[Traduction]
Comme ma collègue néo-démocrate, la députée de , l'a expliqué hier, sa circonscription aurait besoin de 3 000 nouveaux logements, mais le gouvernement ne s'est engagé qu'à en construire 100. On parle donc de 100 logements dans un territoire qui en aurait besoin de 3 000.
Manifestement, le modèle actuel de financement des infrastructures ne fonctionne pas pour les collectivités autochtones et du Nord. La répartition du financement, qui est limité, destiné aux infrastructures des collectivités autochtones et du Nord, souvent sur une base annuelle, n'a jamais convenu. Ces collectivités sont désavantagées et se retrouvent dans l'incapacité de faire de la planification essentielle à long terme.
Les collectivités autochtones et du Nord attendent des logements sûrs, de l'eau potable, des services Internet à large bande, des transports en commun et des routes fiables depuis trop longtemps. Il y a des endroits, comme St. Theresa Point dans le Nord du Manitoba, qui sont isolés et inaccessibles par voie terrestre pendant 80 % de l'année. Comme le chef Flett nous l'a dit, sa communauté a besoin de plus d'infrastructures publiques pour améliorer les services et garantir qu'elle soit accessible en tout temps. Sans routes praticables et sans infrastructures financées par les fonds publics pour transporter les marchandises pendant toute l'année, on peut s'imaginer quel doit être le coût des aliments et des autres articles de première nécessité à cet endroit.
Il est temps de moderniser l'approche du fédéral par rapport aux infrastructures, et le NPD a des solutions à proposer. L'une de ces solutions serait de procéder à une refonte de la Banque de l'infrastructure du Canada afin qu'elle fonctionne pour les gens qui sont aux premières loges pour constater les effets de la crise climatique.
La Banque de l'infrastructure du Canada a été établie pour bâtir des infrastructures, mais aucune n'a été bâtie en cinq ans. Aucun projet n'a été concrétisé. Le directeur parlementaire du budget a souligné que la Banque n'atteignait pas les objectifs qu'elle s'est fixés. D'autres détracteurs ont dit que la privatisation des projets d'infrastructure par l'entremise de partenariats public-privé n'est pas avantageuse pour les travailleurs ou les communautés parce que ces projets sont centrés sur les profits des investisseurs.
La Banque d'infrastructure n'ajoute aucune valeur dans les communautés. Elle est défaillante. Puisqu'elle est fondée sur un modèle dysfonctionnel de partenariat public-privé, le Banque ne peut pas attirer les investissements comme elle l'avait promis. Cette société d'État fonctionne actuellement selon un modèle qui s'est avéré très onéreux pour les gouvernements et la population.
Le projet de loi permettrait de faire bon usage de la Banque de l'infrastructure à bon escient. En éliminant le copinage du secteur à but lucratif et en investissant plutôt dans les infrastructures publiques, cette mesure législative permettrait de faire des investissements immédiats dans des infrastructures essentielles partout au Canada, notamment dans les communautés du Nord et des Premières Nations. Nous devons investir dans le logement, les routes, l'eau et l'énergie propre et les usines de traitement des eaux usées tout en luttant contre les changements climatiques. Le projet de loi permettrait de s'assurer que les décideurs des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits siègent au conseil et veillent à ce que les projets d'infrastructure répondent aux besoins de leurs communautés. Il permettrait également d'accroître la transparence entre autres par la présentation régulière de rapports pour que les 35 milliards de dollars de la Banque soient affectés à des projets qui soutiennent les communautés aux prises avec la crise climatique au lieu de remplir les poches des amis bien nantis des libéraux.
En ce moment, la Chambre a l'occasion de s'engager auprès des collectivités autochtones et du Nord à se servir d'un modèle de propriété publique pour la prochaine génération d'infrastructures. Lorsque le projet de loi sera adopté, il permettra enfin de mettre la Banque de l'infrastructure du Canada à contribution, ce qui ne s'est pas produit depuis sa création.
Le pouvoir d'une Banque de l'infrastructure du Canada réinventée soutiendra explicitement les mesures d'adaptation et d'atténuation liées aux changements climatiques dans les collectivités les plus sous-financées, soit celles qui risquent le plus d'en être touchées. Grâce au projet de loi, la Banque de l'infrastructure serait plus équitable et transparente dans ses actions et permettrait aux collectivités autochtones et du Nord de planifier pour le long terme, grâce à un financement stable et fiable des infrastructures. Il garantirait que la Banque de l'infrastructure du Canada, qui dispose de 35 milliards de dollars, évolue avec le temps.