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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 27 mars 1995

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LES MESURES DE GUERRE

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 11029

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-72. Motion de deuxième lecture 11036
    Mme Gagnon (Québec) 11042
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 11048
    Deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité 11050

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-69. Étude à l'étape du rapport 11050

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

    Le vice-président (M. Kilger) 11053

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ÉDUCATION

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LES ARTS

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11053

LA CROIX-ROUGE

LE CHAMPIONNAT NATIONAL DE HOCKEY FÉMININ

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LA JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11054

M. OSCAR NOLL

LA DISCRIMINATION RACIALE

LE PARTI RÉFORMISTE

ÉPILEPSIE CANADA

LES RELATIONS DE TRAVAIL

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 11056

LE GROUPE TRAGICALLY HIP

LE CHAMPIONNAT MONDIAL DE L'AVIRON

QUESTIONS ORALES

LE TRANSPORT AÉRIEN

L'AÉROPORT PEARSON

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11058
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11058

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Mills (Red Deer) 11058
    M. Mills (Red Deer) 11058
    M. Mills (Red Deer) 11059

LA RÉSERVE DE KANESATAKE

    M. Gauthier (Roberval) 11059
    M. Gauthier (Roberval) 11059

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11059
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 11059

LA RÉSERVE DE KANESATAKE

LA SANTÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 11060

LA TURQUIE

    M. Leroux (Shefford) 11060
    M. Leroux (Shefford) 11060

LA DÉFENSE NATIONALE

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

LA JUSTICE

LE PROGRAMME D'ADAPTATION POUR LES TRAVAILLEURS ÂGÉS

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11063
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11063

LA DÉFENSE NATIONALE

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 11063
    M. Martin (LaSalle-Émard) 11064

LE COMMERCE INTERNATIONAL

    M. Speaker (Lethbridge) 11064
    M. Speaker (Lethbridge) 11064

LE CLUB DE RECHERCHE D'EMPLOIS LA RELANCE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11064
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11064

LES ARMES À FEU

L'ÉDUCATION

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11065

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 11066

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 11066

LES BOÎTES VOCALES

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11067

LES DÉPENSES PUBLIQUES

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11067

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11067

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 11067

LE RÉSEAU ROUTIER

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA JUSTICE

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA JUSTICE

LE SUICIDE ASSISTÉ

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11068

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11068

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Harper (Simcoe-Centre) 11068

LE SUICIDE ASSISTÉ

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-69. Reprise de l'étude à l'étape du rapport. 11069

MOTIONS D'AMENDEMENT

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

MOTION D'AMENDEMENT

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 11076
    M. Hill (Prince George-Peace River) 11076
    Report du vote sur la motion no 1 11081
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 11088
    Report du vote sur la motion 11089

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 11089
    M. Hill (Prince George-Peace River) 11090

MOTION D'AJOURNEMENT

LES PÊCHES


11029


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 27 mars 1995


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LA LOI SUR LES MESURES DE GUERRE

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait procéder immé-diatement à des excuses publiques et officielles, avec compensations financières, envers les centaines de citoyens du Québec victimes d'arrestations arbitraires et de détentions injustifiées durant l'application de la Loi sur les mesures de guerre au début des années 1970.
-Monsieur le Président, c'est avec une certaine émotion, pour ne pas dire une émotion certaine, que je prends la parole en cette Chambre aujourd'hui pour rappeler des événements tragiques dans la mémoire des Québécois et des Québécoises, des événements tragiques concernant des individus, des événements tragiques également concernant l'exercice de notre démocratie au cours des années 1970. Je ferai allusion également, au cours de cette motion, à des démarches, des événements qui subsistent encore de nos jours.

Vous venez, monsieur le Président, de faire lecture de la motion que j'ai déposée le 5 octobre 1994 en cette Chambre, motion qui, si on la résume, vise essentiellement deux objectifs: d'une part, remettre les pendules à l'heure concernant les événements d'octobre et particulièrement, l'imposition des mesures de guerre, faire état des victimes de l'imposition de la Loi sur les mesures de guerre en 1970 et également, faire en sorte de dissocier le mouvement souverainiste des malheureux événements qui sont survenus et qui ont été initiés par des individus membres du FLQ, et je réfère, naturellement, à la mort de M. Pierre Laporte, en 1970.

Pourquoi soulève-t-on cette motion aujourd'hui en cette Chambre? D'abord, je répète que cette motion a été déposée en octobre 1994, au moment où est sorti le film Octobre du réalisateur Pierre Falardeau relatant les jours qui ont précédé la mort de Pierre Laporte. Ce film a été subventionné en partie, si je ne m'abuse, par l'Office national du film et a suscité les hauts cris, les hola et l'indignation de certains collègues du Parti réformiste et du Parti libéral en cette Chambre.

Que disaient-ils, que disaient-elles, ces collègues? Je réfère simplement aux propos de la députée de Calgary-Est, du Parti réformiste qui, dans sa dénonciation du financement du film de Falardeau, faisait le lien entre les séparatistes, les felquistes et la cause de la souveraineté du Québec. Ils laissaient entendre-et ce fut le cas également de plusieurs intervenants du Parti libéral, et cela fait partie du discours de nos adversaires fédéralistes-et voulaient faire un mélange ou mettre dans le même pot, si vous me permettez l'expression, tous les individus, tous les regroupements qui font la promotion de la souveraineté du Québec, ceux qui le font d'une façon démocratique, depuis plus de 25 ans, et je fais référence naturellement au Parti québécois, mais avant le Parti québécois, le RIN, le RN et également au Bloc québécois qui s'est ajouté depuis les dernières années.

Je veux d'abord signifier clairement que pour tous les souverainistes, tous les porte-parole officiels du mouvement souverainiste démocratique, il n'a jamais été question d'appuyer, de quelque façon que ce soit, les actes criminels posés par certains individus membres du FLQ. Au contraire, en 1970, dans les jours qui ont suivi l'assassinat de Pierre Laporte et de l'imposition des mesures de guerre, plusieurs représentants de tous les milieux québécois ont dénoncé cette façon de faire, en particulier, à l'époque, le président du Parti québécois, M. René Lévesque. Il est important de faire cette distinction puisque les individus qui ont perpétré ces crimes en ont assumé les conséquences, ont été jugés, condamnés et ont payé leur dû à la société.

Ce que je veux démontrer d'abord, ce à quoi je veux faire référence, c'est l'impact qu'ont eu ces événements, en particulier l'imposition des mesures de guerre sur la vie de plusieurs de nos concitoyens, et je dirais sur notre vie démocratique en général.

En 1970, j'étais membre du Parti québécois, et je le suis toujours, je militais dans le comté de Frontenac, qui est un comté rural dont la ville principale était Lac-Mégantic à l'époque. Je militais pour le Parti québécois. On venait de vivre notre première élection, le 29 avril 1970. Il faut savoir qu'il n'était pas facile, à l'époque, d'être membre du Parti québécois dans un milieu comme le mien, un milieu que je respecte et un milieu qui, à l'époque, dénonçait vertement tout ce qui finissait en «iste»: communiste, séparatiste, socialiste, péquiste. Ce n'était pas facile de militer pour la cause de la souveraineté et de le faire d'une façon démocratique dans un contexte comme celui-là.

J'ai été touché au plus profond de moi-même, j'ai été renversé, indigné, apeuré lorsque M. Pierre Laporte a été assassiné.

(1110)

Je croyais, au plus profond de moi, que la cause que je défendais ne méritait pas qu'il y ait mort d'homme dans l'atteinte de notre


11030

objectif. J'étais convaincu qu'on devait le faire, comme des centaines de milliers de mes concitoyens et concitoyennes, d'une façon démocratique. J'en suis profondément convaincu encore aujourd'hui. C'est pourquoi, nous, les souverainistes, n'acceptons pas que quiconque mette en doute notre désir d'agir démo-cratiquement.

Dans un deuxième temps, je veux souligner que j'ai été encore davantage renversé, même écoeuré quand, quelques années après les événements de 1970, l'imposition de la Loi sur les mesures de guerre, j'ai pris conscience, comme l'ensemble de la population du Québec, que le gouvernement fédéral de l'époque, dont le premier ministre actuel était membre, s'était servi des gestes inadmissibles posés par certains individus pour faire ce qu'il est convenu d'appeler un «frame-up» politique, afin de déstabiliser le mouvement souverainiste.

J'entends mon collègue du Parti réformiste grogner. Je lui demanderais d'avoir un peu de respect et de patience. Il aura l'occasion d'intervenir après moi. Je transmets le sentiment éprouvé par des centaines de milliers de Québécois et de Québécoises à l'époque. Ils ont été floués, ils se sont sentis trahis par le gouvernement fédéral lorsqu'ils ont compris que tout cela n'était qu'une machination politique. En 1969, longtemps avant les événements d'octobre, des discussions concernant ces groupements d'individus qui agissaient illégalement au Québec avaient lieu au plus haut niveau de l'appareil gouvernemental, c'est-à-dire au Conseil des ministres. On connaissait leur existence, et on savait sûrement qui composait ces groupes, mais on se gardait bien d'intervenir. On attendait que le «timing» soit plus favorable pour pouvoir imposer la Loi sur les mesures de guerre, profitant d'un contexte qui lui était favorable.

Ceci a eu pour résultat que des centaines de personnes ont été arrêtées illégalement, détenues illégalement, sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elles. J'aimerais vous citer quelques chiffres et je demande à tous mes collègues d'être attentifs. Ce ne sont pas deux ou trois individus qui ont été touchés, il s'agit de plus de 500 arrestations. Cinq cents personnes ont été arrêtées, détenues, quelques jours, quelques semaines, sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elles, ni lors des événements d'octobre, ni par la suite.

On parle de 4 600 perquisitions avec saisie, 4 600 dans presque toutes les villes, les villages du Québec. La police, pour toutes sortes de raisons, pénétrait dans les foyers, perquisitionnant et apeurant les gens, d'humbles concitoyens et concitoyennes. Il y a eu 31 700 fouilles. Ces chiffres montrent l'importance des conséquences de l'imposition de la Loi sur les mesures de guerre. Cette loi a été appliquée à deux reprises au Canada. La première fois en 1918 au Québec, et la seconde, en 1970, lors des événements d'octobre.

(1115)

J'aimerais simplement revenir sur un autre point qui consiste à faire la démonstration que de tels gestes se poursuivent encore aujourd'hui. Nos amis du Parti réformiste devraient porter une attention particulière à ce que je vais dire. Qu'on se souvienne, il y a quelques mois à peine, de l'affaire Grant Bristow, ce militant du Heritage Front qui a été reconnu comme étant un agitateur qui s'est infiltré au sein du Parti réformiste et qui a été autour du chef de ce parti. On devrait prendre conscience que de tels gestes se passent encore aujourd'hui. Et, à la veille du débat référendaire, je demande au gouvernement fédéral, à nos amis libéraux, à nos amis réformistes de respecter la volonté des Québécois et des Québécoises. Je demande au gouvernement fédéral d'assurer les concitoyens et concitoyennes du Québec que toutes les mesures seront prises pour que ce débat se déroule d'une façon démocratique et que l'on n'utilisera pas les services secrets ou le SCRS pour manipuler l'opinion publique québécoise.

Des voix: Bravo.

M. Bernier: J'aimerais pendant les quelques minutes qu'il me reste faire état du fait que ces activités se sont poursuivies après que la Loi sur les meures de guerre ait été abrogée, des activités, je le répète, du Service canadien du renseignement de sécurité, qui sont connues, qui ont été mises à jour par nombre d'enquêtes. Que l'on se réfère à Commission Keable au Québec, qui a démontré une série de gestes posés illégalement par toute sorte d'individus reliés au service secret canadien. La Commission Macdonald a fait également état de nombre d'activités illégales de la part d'agents de la GRC.

Je voudrais également démontrer les conséquences de ces activités dans la vie des citoyens. Je cite simplement le cas d'un individu, un avocat respectable de Montréal, qui a pour nomM. Pierre Cloutier qui, lui-même, a fait l'objet d'enquêtes à son insu de la part de la GRC. Pendant 11 ans, M. Cloutier a été sous surveillance de la GRC. Que fait M. Cloutier dans la vie? Ce monsieur pratique son métier d'avocat honorablement, n'a jamais été accusé de quoi que ce soit, et pratique également l'arbitrage dans le domaine des relations de travail au Québec, encore aujourd'hui et depuis une dizaine d'années. C'est donc dire qu'il est, je dirais de jour en jour, le choix de patrons et de syndicats qui se réfèrent à lui pour régler leurs litiges. Donc, c'est quelqu'un qui a une crédibilité qu'on ne peut mettre en doute. M. Cloutier, parce qu'il a été relié de quelque façon que ce soit avec des individus qui ont tourné autour du FLQ ou encore milite encore au sein de mouvements souverainistes, s'est vu suivi à son insu, je le répète, par la GRC pendant 11 ans, soit de 1970 jusqu'au 1981.

Une voix: C'est honteux.

M. Bernier: Quand il a demandé à voir son dossier, de quoi a-t-il pris connaissance? D'un dossier qui d'abord, en terme de volume, compte 1 500 pages.

(1120)

Imaginez, 1 500 pages sur un seul individu qui n'a jamais eu aucun démêlé avec la justice, dont 1 000 pages sont censurées. C'est cela, le travail de nos institutions qui surveillent des souverainistes qui veulent agir d'une façon tout à fait démocratique. Tous se souviendront, bien sûr, d'un individu qui, en 1970, a été arrêté, ainsi que son épouse. Il s'agit de M. Gérald Godin et de Mme Pauline Julien. Tout le monde connaît les activités illégales et criminelles de M. Godin: il a été ministre du gouvernement du Québec pendant au moins une dizaine d'années, député à l'Assemblée nationale.

Sûrement que cet individu, aux allures louches, était sous haute surveillance auprès de nos institutions fédérales. M. Godin a été emprisonné en 1970 de façon illégale, détenu sans qu'aucune accusation ne soit portée contre lui. Qu'a-t-il retenu de cette époque? Je voudrais faire part à cette Chambre d'un poème queM. Godin a écrit, suite aux événements d'octobre 1970. Le poème s'intitule «October». Vous excuserez mon anglais, mais je dois respecter la langue dans laquelle l'auteur l'a écrit. M. Godin disait, à propos des événements d'octobre 1970, de son arrestation:


11031

[Anglais]

They followed me, they taped me
They spied on me, they tripped me
They broke in on me, they fell down on me
They hooked me, they trapped me
They arrested me without a warrant
without a reason, without a word, without a look
and they frisked my brain
They jailed me, they banned me, they exiled me
They laughed at me, they tried to destroy me
And there was a big silence around here then
There was a sort of continental silence
All my friends had left town
None of the usual talkers could find his words or his breath
None of the usual writers could find his pen or his ink
But still I am here tonight
and I'm gonna be here for a long long time
decades and decades after they'll have disappeared from here
I'll be hanging around
looking for justice, looking for peace
looking after my brothers and sisters
[Français]

Voilà ce que M. Godin disait, suite aux événements de 1970, ce qui devrait faire réfléchir l'ensemble de cette Chambre. Je répète que c'est pourquoi cette motion est déposée, pour demander que le gouvernement fédéral s'excuse auprès des victimes qui ont été arrêtées illégalement et, de plus qu'il les compense financièrement.

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Pré-sident, on a proposé que la Chambre des communes présente des excuses officielles aux personnes qui ont été incarcérées en application de la Loi sur les mesures de guerre, au début des annnées 1970, et qu'elles soient dédommagées. L'article 2 de la Loi sur les mesures de guerre autorise le gouverneur en conseil à prendre une proclamation selon laquelle, notamment, l'état d'insurrection réel ou appréhendé existe, et cette déclaration est une preuve concluante qu'un état d'insurrection appréhendé a existé.

À compter de la proclamation, le gouverneur en conseil avait le pouvoir de prendre des décrets et règlements, en vue de réagir à la situation. Comme plusieurs députés s'en souviennent, des dispositions de la Loi sur les mesures de guerre ont été invoquées en octobre 1970, en réponse aux inquiétudes sérieuses exprimées alors par le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, et les autorités de la ville de Montréal, déclarant qu'un état d'insur-rection appréhendé existait sur le territoire de la province.

Dans une lettre adressée au premier ministre du Canada, le premier ministre du Québec a utilisé des termes clairs et directs en vue de caractériser la situation dangereuse à laquelle le gouve-rnement provincial était confronté. À son dire: «Le gouvernement du Québec est convaincu de la nécessité de tels pouvoirs pour faire face à la crise actuelle. Non seulement deux hommes innocents sont menacés d'assassinat, mais encore nous faisons face à une tentative de destruction de l'ordre social par une minorité ayant recours à la commission d'actes criminels.»

(1125)

Selon les propos d'un commentateur des événements de l'automne 1970, Denis Smith: «Robert Bourassa a parlé, lors d'une entrevue télévisée sur le réseau CBC, d'un programme révolu-tionnaire en cinq phases: démonstrations, explosions, enlèvements, assassinats choisis et guérilla urbaine. Trois phases de cette prophétie semblent avoir été réalisées, et M. Bourassa était suffisamment convaincu le 16 octobre que le «programme» était systématiquement mis en oeuvre pour croire qu'une réaction exceptionnelle était nécessaire. La nature et la fiabilité de la preuve entre les mains de M. Bourassa peuvent être mises en doute, mais il ne fait aucun doute qu'à cette étape, M. Bourassa les tenait pour concluants.»

M. Bourassa et les autorités montréalaises ont tenu la preuve pour concluante et le gouvernement fédéral s'est fié à leurs conclusions pour proclamer l'existence d'un état d'insurrection appréhendée, conformément à l'article 2 de la Loi sur les mesures de guerre. Se fondant sur cette proclamation, le gouvernement a adopté le Règlement de 1970 concernant l'ordre public.

Le 16 octobre 1970, au cours du débat qui a suivi le dépôt du règlement devant la Chambre, le ministre de la Justice d'alors, le très honorable John Turner, a rassuré ses collègues comme suit : «La Loi sur les mesures de guerre prévoit la procédure par voie de proclamation. Cette façon de faire est indiscutablement constitutionnelle. Je ferais remarquer plus particulièrement que les règlements ont été publiés en vertu des pouvoirs conférés par le Parlement au gouverneur en conseil, de sorte que l'origine de cette promulgation est le Parlement lui-même.»

La constitutionnalité de la procédure et de la loi elle-même, la Loi sur les mesures de guerre, a également été reconnue par la suite par les tribunaux. Dans l'affaire Gagnon et Vallières c. Sa Majesté la Reine, la Cour d'appel du Québec a reconnu, comme on l'a fait dans toutes les autres décisions rendues jusque-là, qu'en vertu de la Loi sur les mesures de guerre et la Constitution telle qu'elle existait alors, aucun contrôle judiciaire n'était possible en ce qui a trait à la preuve à l'appui de la décision prise par le gouverneur en conseil de déclarer qu'un état d'insurrection était appréhendé. Cette décision relevait exclusivement du gouverneur en conseil.

La Cour d'appel du Québec a également reconnu implicitement l'abondante jurisprudence confirmant la constitutionnalité de la Loi sur les mesures de guerre. Les tribunaux ont toujours statué que la loi est un exercice valide de la compétence du Parlement d'adopter des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada.

Le gouvernement d'alors a rendu un jugement de valeur, un jugement qu'il était légalement et constitutionnellement habilité à rendre sur la base des renseignements disponibles à ce moment-là.

Il est également important de signaler que le gouvernement fédéral s'est mêlé de la crise du Québec à la demande expresse du gouvernement provincial. Après la crise, le Protecteur du citoyen du Québec a fait une enquête sur les plaintes de traitement injustifié qui ont été portées par plusieurs personnes impliquées dans cette affaire. Certains plaignants ont été dédom-


11032

magés. Les plaintes provenant d'autres personnes ont été rejetées. Dans son rapport annuel de 1971, le Protecteur du citoyen a fait la remarque suivante au sujet de ses enquêtes: «J'ai cru devoir procéder à l'analyse de chacune des plaintes qui m'avaient été soumises. Je me suis informé des faits et ai tenté de les reconstituer autant qu'il m'était possible de le faire; j'ai cherché à comprendre les situations particulières de chacun et ai pu consulter les dossiers qui me semblaient utiles.»

La question a été réglée au niveau provincial et il n'appartient pas à ce gouvernement et au Parlement de réexaminer ce dossier.

Près de 25 ans se sont écoulés depuis les événements d'octobre 1970. Durant cette période, le climat législatif et politique du Canada a beaucoup changé. Nous avons assisté à l'émergence d'une forte tendance à la protection des droits individuels. Cette tendance s'est manifestée plus spécifiquement avec la constitutionnalisation de la Charte canadienne des droits et libertés. L'attitude évolutive de la société canadienne se reflète également dans l'interprétation large que les tribunaux ont donné à la Charte.

(1130)

Non seulement les piliers constitutionnels de la société canadienne ont évolué depuis 1970, mais la législation elle-même a changé. Le gouvernement et le Parlement du Canada ont remplacé la Loi sur les mesures de guerre par la Loi sur les mesures d'urgence, une loi visant à modifier le niveau des pouvoirs susceptibles d'être exercés en fonction de la nature de la situation d'urgence à résoudre. La large portée des pouvoirs conférés au gouvernement en 1970 n'est pas aussi facilement accessible aujourd'hui. Il s'agit également d'un reflet de l'évolution des attitudes sociales.

Envisagée dans le cadre législatif, judiciaire et philosophique d'aujourd'hui, la réponse aux événements de 1970 peut être remise en question par certains. Toutefois, le fait demeure qu'à cette époque, en vertu du régime constitutionnel et législatif en vigueur, et compte tenu de toutes les circonstances, le gouvernement a fait ce qu'il jugeait nécessaire et ce qu'il était légalement en droit de faire.

M. Turner a déclaré ceci durant le débat en Chambre, le 4 novembre 1970, au sujet de la loi visant à remplacer le règlement, et je cite: «Et dire, comme certains membres de l'opposition, qu'il ne pouvait s'agir d'insurrection appréhendée puisqu'il n'y a pas eu d'insurrection, c'est raisonner à faux.»

Cette déclaration est encore plus révélatrice 25 ans plus tard qu'à l'époque. En 1970, le gouvernement du Québec appréhendait une insurrection. Le gouvernement fédéral a agi, et cette action reposait sur l'appréhension. Les mesures prises ont été confirmées par les tribunaux et jugées conformes aux pouvoirs que la loi conférait au gouvernement à cette époque.

Nous pouvons et nous devons apprendre du passé. La question qui se pose est de savoir s'il convient d'examiner le passé ou d'investir dans l'avenir. Nous croyons que notre meilleur choix se résume à utiliser les ressources limitées du gouvernement en vue de forger un avenir encore plus prometteur pour les générations futures.

Les résidants du Québec qui ont été injustement ou arbitrairement visés par les mesures ont été dédommagés par la province de Québec. À mon avis, il ne servirait à rien de remettre sur le tapis encore une fois cette période difficile de l'histoire du Canada.

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais lire la motion pour que tout le monde sache de quoi il s'agit. La motion no 332 dit ceci:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait procéder immédiatement à des excuses publiques et officielles, avec compensations financières, envers les centaines de citoyens du Québec victimes d'arrestations arbitraires et de détentions injustifiées durant l'application de la Loi sur les mesures de guerre au début des années 70.
Était-il justifié d'invoquer la Loi sur les mesures de guerre? C'est très discutable.

Il serait peut-être utile à la Chambre que je rappelle brièvement les faits. À la fin de 1969, quelques bombes ont sauté à Montréal, à la Chambre de Commerce et au Club Canadien. En février 1970, Charles Gagnon, chef du FLQ, a été libéré sous caution. En mai 1970, Pierre Vallières a été libéré sous caution. En juin 1970, le ministre de la Justice du Québec, Jérôme Choquette, annonçait une récompense de 50 000 $ à qui donnerait des renseignements sur les activités du FLQ qui permettraient d'arrêter de ses membres influents. La récompense a permis aux différentes forces policières-la Sûreté du Québec, la police de Montréal et la GRC, d'obtenir des indices qui ont mené à des arrestations.

(1135)

Il est utile de savoir que toutes ces forces policières s'occupaient de l'affaire. On a ainsi procédé à une série d'arrestations et appris les intentions du FLQ de kidnapper les consuls israélien et américain, en signe de protestation contre l'impérialisme américain et de solidarité avec le mouvement de libération de la Palestine.

Le 5 octobre 1970, James Cross, premier délégué commercial de Grande-Bretagne, a été enlevé par le FLQ. Le 10 octobre, c'était Pierre Laporte, ministre du Travail au sein du Cabinet Bourassa, qui était enlevé. Le 15 octobre, le Cabinet fédéral a convenu d'invoquer la Loi sur les mesures de guerre si la situation se détériorait. Le 16 octobre, la décision était prise. Le gouvernement fédéral proclamait et appliquait la Loi sur les mesures de guerre. Le 18 octobre, deux jours après la mise en oeuvre de la Loi sur les mesures de guerre, on découvrait le corps de Pierre Laporte. Le lendemain, le 19 octobre, la Chambre décidait par un vote d'appuyer la décision du gouvernement.

Le 2 novembre, le projet de loi concernant l'ordre public (mesures provisoires) était présenté afin de remplacer la Loi sur les mesures de guerre. Ce projet de loi se limitait à juste titre au FLQ. Le 1er décembre, la Chambre adoptait ce projet de loi par 174 voix contre 31.


11033

Dans l'intervalle, en novembre, les membres de la bande des cinq, Lemieux, Vallières, Gagnon, Chartrand et Larue-Langlois étaient accusés de conspiration séditieuse et d'être membres du FLQ. Le 3 décembre, M. Cross était libéré et, enfin, en juin l'armée se retirait.

Je voudrais repasser cette série d'événements comme je me les rappelle. En 1964, j'étais officier d'état-major au quartier général du secteur de l'est du Québec au moment où la Reine devait venir en visite. À cette époque, le FLQ faisait beaucoup de bruit. En fait, il avait menacé d'attenter à la vie de la Reine. L'officier général qui commandait en ce temps là vint à Québec pour nous demander, à moi entre autres, s'il fallait annuler la visite de la Reine. Mon conseil fut alors de n'en rien faire parce que nous ignorions dans quelle mesure le FLQ est présent et qu'il ne fallait pas prendre de mesures trop excessives. Les risques semblaient minimes et il s'avéra qu'ils l'étaient. Je crois que le conseil que j'ai donné alors était bon. Il voulait dire: ne réagissons pas de manière excessive.

En 1970, devenu commandant du Cinquième bataillon de services à Valcartier, je devais passer par tous ces événements qui mettaient en cause encore une fois le FLQ. J'étais pas mal occupé car je devais dans un premier temps fournir des soldats pour aider l'infanterie. J'ai dû établir une base avancée à Montréal et prendre part aux efforts en vue d'assurer alors la sécurité de la base Valcartier.

La conclusion que j'ai tirée de tous ces événements est que l'invocation de la Loi sur les mesures de guerre n'était pas justifiée. D'autres peuvent en tirer la même conclusion. S'ils se reportent au Queen's Quarterly, ils verront que le commissaire de la GRC, William Higgitt, mâchait encore moins ses mots.

(1140)

Il a dit clairement qu'on ne lui avait jamais demandé son avis sur l'efficacité de l'imposition de la loi, mais seulement sur les mécanismes de mise en oeuvre. Il a ajouté que si la loi donnait certains avantages à la police, elle avait aussi de nombreux inconvénients, le moindre n'étant pas de conférer des pouvoirs excessifs à la police du Québec, avec les risques d'abus que de tels pouvoirs comportent, sans possibilité de contrôle.

La commission a réclamé des preuves qu'on appréhendait une insurrection. M. Higgitt a répondu qu'il n'y en avait pas. En fait, il est même allé plus loin en disant qu'il ne serait même pas allé jusqu'à parler de «rébellion» ou de «rébellion ouverte». J'avais davantage foi dans les personnes concernées.

De tout cela, je conclurais que le gouvernement libéral de 1970 était un peu comme le gouvernement libéral d'aujourd'hui. Il avait vu ces choses venir, mais il n'avait rien fait, à moins qu'il n'ait délibérément invoqué la Loi sur les mesures de guerre à des fins politiques.

Le gouvernement libéral d'aujourd'hui se conduit de la même manière. Regardez la grève de dockers. Regardez les grèves dans les chemins de fer. Ou bien c'est trop peu, trop tard, ou bien c'est l'inverse, on en fait beaucoup trop. Comme un des critiques le disait à l'époque, c'est comme casser une noix avec un marteau pilon.

Ma conclusion, au sujet de cette motion, serait que le problème était celui des forces policières québécoises tout autant que celui du fédéral. Comme nous l'avons vu, les forces policières du Québec, la SQ et la police de la ville de Montréal ont participé aux opérations avec la GRC.

À mon avis, le Bloc québécois n'a pas tort de présenter cette motion. Je ne peux pas l'appuyer, mais elle n'est pas injustifiée, en ce sens qu'il l'utilise comme une mise en garde concernant ce qui peut se produire dans un État démocratique comme celui que nous avons. En même temps, rien ne peut excuser les crimes qui ont été commis à l'époque-non pas que le Bloc essaie de les excuser-mais il y a eu des crimes commis par le FLQ et rien ne peut les excuser.

Je suis d'avis que le gouvernement d'aujourd'hui n'est pas dans une position où il peut présenter des excuses et il ne devrait certainement pas payer d'indemnités. Il y a certainement eu d'innocentes victimes dans tout cela, mais c'est impossible à prouver aujourd'hui. Il ne servirait à rien d'essayer de remettre tout cela en lumière pour trouver qui était innocent et qui ne l'était pas. Le blâme est partagé par tout le monde, mais je ne peux pas condamner le Bloc québécois pour avoir présenté cette motion aujourd'hui. Prenons-la comme un avertissement de ce qui peut se produire dans une société démocratique.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, je remercie le député du Parti réformiste pour son sens du jugement et sa façon honnête de traiter de ce sujet. Pour ce qui est du député de Nickel Belt, il s'est fait l'instrument, une fois encore, de ce que les fédéralistes ont toujours voulu faire à l'endroit du Québec, soit prendre un Canadien français et lui faire faire des «jobs de bras» contre d'autres Canadiens français, et le député de Nickel Belt s'est prêté une fois de plus à ce jeu-là.

Il me fait plaisir de prendre la parole sur cette motion présentée par mon collègue et ami, le député de Mégantic-Compton-Stanstead. En 1970, j'avais 24 ans, j'étais alors marié, père d'un jeune enfant, assez vieux pour apprécier ce qui se passait à ce moment-là au Canada.

Des jeunes Québécois affectés probablement par les inégalités, les injustices, le manque de possibilités d'avancement dans les entreprises canadiennes, bref, j'oserais dire qu'une poignée de jeunes Québécois s'étaient ralliés afin de combattre les injustices que subissait le peuple québécois. Ils ont utilisé des moyens toujours désapprouvés et répréhensibles pour combattre cet état de fait.

Le premier ministre de l'époque, M. Pierre Elliott Trudeau, qui en était à sa troisième année de mandat, décida, à la suite de réunions de son Cabinet, de remettre le Québec à sa place. Plusieurs ministres québécois ont assisté à ces rencontres, tels l'actuel premier ministre, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien; M. Jean-Luc Pepin, ministre de l'Industrie et du Commerce; M. Gérard Pelletier, secrétaire d'État, et Jean Marchand, ceux qu'on avait appelés au Québec les trois colombes, dont le coeur était plus noir encore que les corbeaux que l'on rencontre sur la 417 en s'en venant à Ottawa, et cela, pour n'en nommer que quelques-uns.


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(1145)

Ce petit groupe donc décidait en cabinet de faire adopter la Loi sur les mesures de guerre, loi qui n'avait été appliquée qu'en temps de guerre seulement. La seule référence avec la Loi sur les mesures de guerre était de nature à traumatiser la population québécoise qui était, à cette époque, majoritairement fédéraliste et qui désapprouvait unaninement les actions du Front de libération du Québec.

Le seul autre temps où cette loi avait été appliquée fut lors des émeutes de la conscription, à Québec, en 1918. Mais, ce qui est différent avec la crise d'octobre, c'est que le Canada, à l'époque, était en guerre. Il y avait trois canons au Canada à ce moment-là, je vous le rappelle, dont deux étaient braqués sur la foule à Québec et un autre qui était parti faire la guerre en Europe. C'est cela, l'attention qu'on portait aux Québécois à ce moment-là. Et la grande armée canadienne, le 16 octobre 1970, amorçait ce qui allait devenir sa spécialité, c'est-à-dire l'intervention auprès des populations civiles.

On a vu le parachèvement de cette vocation-là à Mogadiscio, en Somalie, l'année passée. On a vu ce que cela a fait. Ils ont pris leur formation à Montréal et à Québec ce monde-là. Donc, c'est une vocation qui a eu son heure de gloire en Somalie. Il me semble de les voir débarquer à Montréal-j'avais 24 ans à l'époque, je m'en souviens-le casque, avec un filet, puis des branches de «craquias» piquées là-dedans, la gourde, le fond de culotte qui leur traînait sur l'asphalte puis, ils labouraient les côtes des secrétaires et des travailleurs qui allaient prendre l'autobus avec leurs M-1 chargés à bloc. Quelle grande image pour notre armée, notre belle grande armée! Lors de la guerre du Golf, ça nous a coûté 300 millions de dollars pour envoyer la même armée surveiller les latrines et les camions-citernes, elle qui s'était pratiquée sur la population civile au Québec. On n'a pas de quoi être fiers, je vous le dis. En tout cas, je ne le suis pas.

La Loi sur les mesures de guerre avait pour effet de conférer certains pouvoirs au gouverneur en conseil dans le cas de guerre, d'invasion ou d'insurrection. Elle prive les citoyens de leurs droits civils et démocratiques. C'est le règne de l'exécutif et tout est alors permis. Le seul état d'insurrection se passait dans la tête du premier ministre d'alors, Pierre Elliott Trudeau et des membres de son Cabinet, notamment le premier ministre qui y siège actuellement et qui y siégait dans le temps.

Depuis le début des années 1960, le Québec était en ébullition. Les instruments démocratiques poussaient comme des champignons, la Caisse de placement et de dépôt du Québec, la nationalisation de l'électricité et le Régime d'assurance-maladie mettaient en péril l'existence même de puissants intérêts économiques possédés par «l'establishment» anglophone canadien et britannique. Il fallait mettre fin à toute idée d'autonomie québécoise, cette situation ayant trop longtemps perduré.

Le premier ministre d'alors attaque le nationalisme québécois comme autrefois les soldats de quelque César cherchaient d'abord à faire sauter le battant principal de la ville assiégée, car si le bélier brisait cette porte, la ville tombait assurément. En y regardant de près, ce n'est pas la première fois que l'appareil militaire se portait au secours du pouvoir politique tari de persuasion.

Outre l'épisode de 1918 que je relatais tantôt, il y a eu quand même les interventions auprès des autochtones et des Métis dans l'Ouest canadien entre 1870 et 1884. Quelle grande armée!

Les patriotes de 1837-1838 n'étaient pas exclusivement francophones pourtant et ils ne réclamaient rien d'autre que l'établissement d'un gouvernement responsable et l'application sur leur territoire des principes de justice, d'égalité et de liberté.

Le terrorisme, quelle qu'en soit la tenue vestimentaire, n'en constitue pas moins une atteinte aux principes de base de l'exercice de la vie humaine et le Canada central et plusieurs provinces anglophones en ont fait un usage abusif. À ce brillant sénateur qui avait, en son temps, sympathisé avec le Parti national social chrétien-les fameuses chemises bleues d'Adrien Arcand-qui, récemment, disait craindre les effets du natonalisme québécois, je rappellerais les faits suivants: la déportation des Acadiens que le gouverneur général a tenté d'associer à l'ancêtre d'un voyage toutes dépenses payées au Club Med.

(1150)

Il y a également les lois linguistiques au Manitoba, déclarées ultra vires par la Cour suprême du Canada, presque 100 ans après qu'elles eurent produit leurs effets pervers; l'abolition unilatérale des pouvoirs au Conseil privé de Londres, et cela vaut la peine de s'y arrêter. C'est un peu comme un cas de divorce. Les deux époux voudraient aller devant le tribunal pour régler leur litige, et la mariée, par exemple, dit: «Non, c'est ma mère qui va décider qui a raison entre nous deux.» C'est à peu près cela qu'est l'abolition des pouvoirs au Conseil privé de Londres. Imaginez la justice qui peut sortir de là. C'était le seul organisme encore capable, à cette époque, de faire la juste part des choses et qui pouvait rétablir, à l'occasion, au moins un simulacre de justice pour les francophones du Canada.

Il y a aussi eu le fameux Règlement 17 de l'Ontario, interdisant les écoles françaises sur son territoire. Cela en est, du terrorisme; Il y a aussi eu la Loi sur les sauvages, ce n'est pas moi qui ai inventé le mot, qui avait pour but de confiner à des périmètres bien déterminés les premiers habitants de ce pays. Je rappellerais à ce brillant sénateur que son art ne l'aurait jamais conduit au faîte de sa carrière là où il est actuellement, s'il avait dû l'exercer à Sault-Sainte-Marie ou à Queen's Park. Le ministre du Patrimoine canadien a résumé ma pensée l'autre jour, en cette Chambre, et je le cite partiellement: «Lorsqu'on sort la moutonne. . .» et je vous laisse deviner le reste.

À ce brillant sénateur, je dis encore: Sait-il, et je le dis pour le ministre de l'Industrie, sait-il que le premier juif au Canada à occuper un poste électif a été Ezechiel Hart, en 1908, dans le comté de Trois-Rivières, nommé à l'Assemblée législative du Québec, et que les ordres du gouvernement britannique l'ont


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destitué? Il n'avait pas le droit de siéger parce que c'était un juif. Les catholiques n'ont eu le droit de parole au gouvernement de Londres qu'en 1828. Je tenterais de le rappeler au sénateur Roux et aux anglophones qui disent que le nationalisme québécois est quelque chose de malsain.

Tous s'accordent maintenant pour dire que la Loi sur les mesures de guerre a nié les droits les plus fondamentaux à des centaines et des centaines de Québécois. On n'a qu'à penser aux arrestations arbitraires de ces individus par les policiers, qui faisaient irruption dans leur maison, les arrêtant sans mandat, pour les garder sous verrou pendant plusieurs jours et même plusieurs semaines, dans certains cas, sans même qu'ils ne puissent prévenir leur famille.

Je ne nie pas que la situation était extrêmement volatile, à ce moment, mais les mesures qui ont été prises dépassent de beaucoup les bornes. N'étions-nous pas dans une société dite civilisée mais qui a eu, pendant un court laps de temps, les airs d'une dictature? Je sais que le temps est bien compté et j'aurais eu plein de choses à dire, mais je pense qu'au moins, on doit aux Québécois, pour ces 32 000 perquisitions, sinon des dédommagements monétaires, au moins des excuses. C'est le moins qu'on leur doive.

On en a fait aux Italiens, on en a fait aux Japonais, on en a fait aux Chinois. Il me semble qu'on devrait en faire à tous les francophones du Canada, et plus particulièrement à ceux du Québec, pour des bévues, des gaffes comme celle qui a été commise en 1970.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Mon-sieur le Président, c'est un honneur pour moi, et un peu une revanche de l'histoire, d'avoir la chance d'intervenir aujourd'hui sur la question des excuses qui sont demandées au gouvernement fédéral pour les gens qui ont été arrêtés illégalement et qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite, il faut s'en souvenir. Ces gens n'ont été l'objet d'aucune poursuite. Imaginez-vous, le gouvernement les a arrêtés, a fait des fouilles, a cherché pendant longtemps ce qui pouvait se faire. Et s'il n'y a pas eu de poursuites, c'est parce qu'il n'y avait aucune matière à le faire. On a arrêté des gens sur des prétentions, sans respecter l'habeas corpus.

Fait encore plus grave, et je vais vous raconter une anecdote à ce propos, en 1970, j'étais étudiant au séminaire Saint-Augustin, à Cap-Rouge. J'avais ma carte du Parti québécois et mon voisin de chambre avait la sienne aussi. Le soir où M. Laporte est mort, il a déchiré sa carte du Parti québécois. Moi, j'ai gardé la mienne et on a fait un débat, à ce moment-là, qui est encore d'actualité aujourd'hui. C'est que le gouvernement fédéral du moment s'est servi des gestes répréhensibles du FLQ pour tuer le mouvement souverainiste. C'était l'objectif réel de l'opération, tuer le mouvement souverainiste.

(1155)

On a vu, par des effets de propagande, le membership du Parti québécois diminuer de façon significative, sauf qu'on en a tiré une leçon aussi au Québec, une leçon qui est là pour rester longtemps. On faisait le choix de la vie démocratique, comme on l'a fait depuis très longtemps, puisqu'on a le plus vieux Parlement en Amérique du Nord, le plus vieux Parlement qui, depuis toujours, prouve-et on a une devise en ce sens-«Je me souviens». On est patients, on est prêts à arroser la fleur longtemps et on va arriver jusqu'au résultat qui est celui de la souveraineté du Québec.

Le fédéral, malgré tout ce qu'il a fait pour essayer de tuer le projet, tout ce qu'il a contribué à tuer, c'est le fait que le peuple québécois, lui, ne veut pas aller là par des gestes de violence, mais il veut y aller par la démocratie et il va y arriver.

Je vais reprendre l'exemple du député de Mégantic-Compton-Stanstead, que M. Gérald Godin qui a été arrêté en 1970, la plus belle preuve de l'histoire que les Québécois avaient très bien comprise, c'est que lors des élections de 1976, la même personne a battu Robert Bourassa qui était le fédéraliste de service à ce moment-là. Donc, la longue marche du Québec vers sa souveraineté passe par le respect de la démocratie. Il reste des séquelles de cette période, il ne faut pas s'en cacher. Le sentiment de peur qu'on essaie de nourrir tout le temps du côté fédéral s'appuie sur les gestes que l'on a posés à ce moment-là. Il repose également sur ceux que l'on peut avoir posés devant les patriotes de 1837. On essaie tout le temps de rallumer ce petit feu par la peur.

Il n'y a personne au Québec, présentement, parmi les fédéralistes, qui vend le Canada comme option d'avenir. Ce qu'ils vendent, c'est la négation de l'autre option. Ils collent tout le temps les images sur «demain, ça n'ira pas bien, parce que ces souverainistes sont des gens qui ne veulent pas un bon avenir pour le Québec.» Cela repose sur le serment que Pierre Elliott Trudeau avait semé en 1970: allumer le feu, s'assurer qu'on peut, par la bande, comme ministre de la Justice et comme premier ministre, obtenir le même résultat.

Souvenez-vous que M. Trudeau, à la télévision nationale, lorsqu'il a fait sa déclaration sur les enlèvements lors de la crise d'octobre, avait déclaré: «La prochaine fois, ça pourrait être un gérant de caisse populaire.» Une façon démagogique de venir dire que le FLQ était un groupe tellement bien organisé, qu'il pourrait créer des actions un peu partout au Québec, alors qu'à même le FLQ, maintenant on le sait, il y avait des cellules alimentées par la GRC de l'époque. Cela faisait que c'était une stratégie planifiée pour tuer le mouvement souverainiste.

Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que le mouvement souverainiste ne mourra pas, il est très présent. On a utilisé tous les outils démocratiques depuis ce temps-là; on a élu le Parti québécois, et le dernier enfant de ce mouvement est le Bloc québécois qui est ici présent et qui représente un mouvement très fort et très clair au Canada. Il est évident que tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas réglé la question de la crise constitutionnelle au Canada, on sera toujours présents parce qu'on a la mémoire longue et on va toujours utiliser les outils démocratiques qui sont là. C'est de cette façon que nous avons décidé de faire notre place au soleil et qu'on va l'assurer à l'avenir.

Ce que j'aimerais dire en conclusion, c'est que les excuses pour ceux qui ont été arrêtés illégalement et ceux qui n'ont pas fait l'objet de poursuites, finalement, c'est bon pour eux, parce qu'effectivement, ils ont été brimés comme personnes. La motion actuelle donne aussi un message aux Québécois et aux Canadiens, dans l'avenir, à mes enfants, aux vôtres, à tous ceux qui grandissent présentement dans la société canadienne, que lorsque des erreurs sont commises dans le système, lorsque de façon systématique le système oublie qu'il est démocratique, il faut qu'il ait le courage de corriger cette situation afin qu'on puisse leur dire: Au Québec, au Canada, les choses se font

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démocratiquement et il y a moyen d'atteindre les résultats que l'on vise par cette voie-là.

Si cette motion était adoptée par la Chambre, ce serait une façon de le montrer. On ne montrerait pas seulement que le fédéral s'est trompé dans les années 1970, qu'il y a eu des gestes délibérés inacceptables, mais que ces gestes ne seront plus acceptés dans le futur.

De toute façon, je pense que le Québec va toujours donner sa réponse par la voie du vote démocratique. Il va le faire encore en 1995, ou dès qu'on le jugera pertinent, de façon à ce que le Québec assume finalement sa pleine souveraineté pour que lui-même, dans sa vie interne, ne rencontre pas des obstacles et ne recrée pas des exemples comme ceux que le système fédéral canadien a mis sur la table dans les années 1970.

Je vous invite donc à réfléchir, comme gouvernement. Je pense que le Parti réformiste, par l'intervention d'une démarche faite en ce sens, doit réfléchir aussi à la pertinence que le fédéral exprime les excuses demandées par la motion et s'assure que toutes les personnes qui ont été arrêtées illégalement soient informées de cette position, à savoir que le gouvernement fédéral regrette la position prise par le gouvernement de l'époque.

(1200)

Ce serait là un signe que, des deux côtés de la Chambre, on veut vraiment promouvoir la démocratie comme le seul outil pour tenir des débats politiques comme celui qu'on tient présentement au Québec et au Canada.

Le président suppléant (M. Kilger): La période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 96 du Règlement, l'ordre est rayé du Feuilleton.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-72, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Milliken: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Je pense que vous allez constater qu'en ce qui concerne ce projet de loi, la Chambre est d'accord pour qu'il y ait un seul orateur au nom du gouvernement, le ministre. L'opposition officielle sera représentée par deux orateurs qui se partageront les 40 minutes attribuées au deuxième orateur dans ce débat, sans questions ni observations. Le troisième parti à la Chambre utilisera ses 40 minutes de la même façon. Un député du Nouveau Parti démocratique fera un discours de 20 minutes, ce qui devrait clore le débat.

Le président suppléant (M. Kilger): J'aimerais vérifier auprès du secrétaire parlementaire que la situation est bien comme suit: il y aura un orateur pour le gouvernement, deux pour le Bloc, deux ou trois pour le Parti réformiste qui se partageront eux aussi 40 minutes, et pour finir, le représentant du Nouveau Parti démocratique prendra la parole pendant 20 minutes. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Rock: Monsieur le Président, le 30 septembre 1994, la Cour suprême du Canada a fait connaître les raisons motivant son jugement dans l'affaire Daviault. Cette décision a changé les règles de common law concernant la responsabilité criminelle dans une cause où l'accusé était extrêmement intoxiqué au moment de l'infraction présumée. La nature de ce changement, ses effets sur les cas subséquents et l'inquiétude qu'il soulève concernant le principe de la responsabilité en droit criminel ont amené le gouvernement à présenter le projet de loi C-72 que nous débattons aujourd'hui en deuxième lecture.

[Français]

Avec ce projet de loi, le Parlement abolirait l'intoxication volontaire comme moyen de défense en ce qui concerne les crimes violents dits d'intention générale dont la seule intention coupable requise est l'intention de base. Le Parlement reconnaîtrait ainsi une norme de diligence explicite au-delà de laquelle une action illégale posée deviendra criminelle.

[Traduction]

En lançant le débat à l'étape de la deuxième lecture aujourd'hui, je voudrais énoncer les principes qui sous-tendent le projet de loi C-72 et expliquer pourquoi le gouvernement considère que cette mesure propose une modification prudente, nécessaire et valable de notre Code criminel.

Je m'arrête d'abord un moment sur l'état de la loi avant le jugement Daviault. Le Code criminel n'a jamais officiellement prévu de défense fondée sur l'intoxication. C'est en fonction des faits présentés dans une cause particulière que le juge devait lui-même établir les règles.

À cet égard, les tribunaux ont, depuis des décennies, créé en droit criminel deux catégories d'intention, soit générale et spécifique.

L'intention générale devait signifier l'intention de base de commettre un acte criminel, une agression physique ou sexuelle, par exemple.

Selon les tribunaux, la distinction tenait à ce qu'une intention spécifique suppose un but particulier en plus de l'intention de base. Par exemple, dans le cas d'un meurtre, il fallait prouver une intention spécifique. Il fallait établir que quelqu'un avait eu l'intention de causer une mort. Dans le cas d'un vol, il fallait prouver que l'intention spécifique était présente pour réaliser le but frauduleux déterminé de priver quelqu'un d'un bien précis. Dans le cas d'une introduction par effraction dans l'intention de commettre un acte criminel, encore une fois, la Couronne devait prouver que l'accusé avait à l'esprit un but spécifique.


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(1205)

Au fil des décennies, les tribunaux de common law ont élaboré la règle selon laquelle l'intoxication pouvait constituer une défense en cas de crimes d'intention spécifique, mais jamais en cas de crimes d'intention générale. En conséquence, une personne pouvait être acquittée d'une infraction d'intention spécifique commise sous l'effet d'une intoxication, mais elle était invariablement condamnée s'il s'agissait d'une infraction d'intention générale. Ainsi, une personne pouvait ne pas être condamnée pour un meurtre commis sous l'effet d'une intoxication, mais l'être pour un homicide involontaire coupable qui exige une intention générale. La personne acquittée d'une accusation de vol qualifié en l'absence d'une intention spécifique aurait pu être condamnée pour une agression.

Ce lien entre l'intention et les répercussions de l'état d'intoxication sur la responsabilité criminelle fut l'une des questions soulevées par l'examen de la partie générale du Code criminel, amorcé l'automne dernier à la demande du ministère de la Justice. Depuis de nombreuses années, on estime que le temps est venu pour le Parlement de clarifier les règles s'appliquant aux moyens de défense et à l'intention, au lieu de laisser les tribunaux les interpréter à leur façon. C'est au cours de l'examen de la partie générale du Code criminel que le verdict dans l'affaire Daviault a été prononcé et rendu public.

Quant à la décision rendue dans l'affaire Daviault comme telle, elle visait à maintenir la distinction traditionnelle entre les infractions d'intention générale et les infractions d'intention spécifique, mais aussi à établir qu'un état d'intoxication extrême pouvait, dans certaines circonstances, constituer un moyen de défense même à l'égard d'un crime qui exige une intention générale.

En dernière analyse, il a été décidé que l'état d'intoxication extrême peut provoquer un état d'automatisme. Dans l'affaire Daviault, la preuve présentée était liée à la consommation d'alcool. La Cour a jugé que, dans un tel état, un état d'automatisme, une personne est incapable d'évaluer la nature des conséquences de ses actes, donc incapable de former l'intention de commettre une infraction. La Cour a également statué que les infractions de ce genre seraient analysées cas par cas. Il incomberait à l'inculpé de prouver dans quel état il se trouvait et il lui faudrait presque toujours présenter des preuves scientifiques à cette fin.

Dans l'affaire Daviault, la majorité des juges, appliquant le principe de common law selon lequel l'intoxication volontaire n'est pas un fondement suffisant de la responsabilité criminelle, ont statué qu'il serait contraire aux principes de la Charte des droits et libertés de tenir une personne criminellement responsable de sa conduite au moment où elle se trouvait dans un état d'intoxication voisin de l'automatisme.

Je fais remarquer en passant que, même si les principes de la Charte sont abordés dans le mémoire déposé par l'avocat de Daviault et même s'il en est question dans l'argumentation, ils ne sont pas largement invoqués ni exposés en détail. En outre, j'ai remarqué qu'aucune des parties visées par l'affaire Daviault n'a présenté de preuve portant sur l'article 1 et que le procureur général du Canada n'a pas été invité à intervenir dans cette affaire.

Le jugement Daviault a été source de préoccupations évidentes pour le Parlement et, en fait, pour tous les Canadiens. C'est toute la question de la responsabilité conformément au Code criminel qui a été remise en question.

Des préoccupations précises concernaient les crimes violents contre les femmes et les enfants. En fait, l'affaire Daviault elle-même comportait une allégation d'agression sexuelle perpétrée contre une femme. Dans les semaines qui ont suivi la publication de l'affaire Daviault, sont survenus dans diverses régions du Canada d'autres cas recourant au même principe et comportant tous des allégations de violence faite à des femmes.

On s'est mis à craindre de plus en plus qu'une personne accusée de meurtre puisse invoquer la défense de l'état d'ivresse avancée et que s'il était établi que cet état était suffisamment extrême, cette personne puisse être libérée sous prétexte qu'elle était dans un état tel qu'elle ne pouvait pas vouloir commettre un meurtre et que l'état d'ivresse était tel qu'elle soit innocentée de l'infraction d'intention générale d'homicide involontaire et ne se voit donc imposer aucune peine.

On a aussi dit craindre que des personnes puissent manipuler les principes de droit de façon à s'intoxiquer jusqu'à un certain point afin de commettre un crime, puis de s'intoxiquer davantage avant d'être arrêtées afin de pouvoir invoquer l'intoxication extrême pour ne pas répondre de leur crime.

(1210)

Après la libération de Daviault, le gouvernement a reconnu que des changements s'imposaient et il a examiné différentes options. Tout d'abord, il a étudié la possibilité d'inclure au Code criminel un crime d'intoxication. D'ailleurs, la Commission de réforme du droit avait recommandé cette solution il y a près de 10 ans. Nous avons cependant rejeté cette option pour différentes raisons.

La première raison concerne la peine. Le gouvernement a estimé que si la responsabilité du criminel devait être reconnue en droit criminel, la peine maximale du crime d'intoxication devrait être la même que la peine rattachée au crime commis sous l'effet des substances toxiques. Sans cela, on aurait pu craindre que des criminels qui ont consommé volontairement de l'alcool invoquent l'ivresse dans le but d'obtenir une peine moindre que celle dont ils seraient passibles pour le crime qu'ils ont commis. Évidemment, c'était inacceptable. Si la peine maximale pour crime d'intoxication était la même que celle de l'infraction initiale, cela ne serait qu'une façon longue et complexe de dire que l'intoxication ne saurait être invoquée comme défense.

La deuxième raison qui nous a poussés à ne pas inclure dans le Code un crime d'intoxication a trait à la désignation de l'infraction. En effet, l'individu reconnu coupable du crime d'intoxication n'aurait pas pu être reconnu coupable du crime qu'il a véritablement commis. Le gouvernement croit que l'individu qui devient volontairement intoxiqué au point de perdre le contrôle ou la conscience de ses actes et qui, dans cet état, commet des actes de violence contre d'autres personnes, est responsable de cette agression et doit en être tenu criminellement responsable, et de rien de moins.


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Acquitter cet individu d'une telle agression et le condamner plutôt pour crime d'intoxication donnerait à entendre qu'il n'était pas criminellement responsable de cette agression et renforcerait l'idée que l'alcool est responsable de l'acte de violence et non l'individu qui l'a commis.

Troisièmement, un examen détaillé du crime d'intoxication sous ses différentes formes a révélé que beaucoup des problèmes de conformité à la Charte et à la doctrine juridique relevés par la Cour suprême et mis en relation avec les règles de common law telles qu'appliquées à l'intention criminelle ne seraient pas réglés par l'inclusion dans le Code criminel du crime d'intoxication.

Si la nouvelle infraction devait faire l'objet d'une accusation, il serait impossible de porter cette accusation avant le procès, car c'est à ce moment-là que l'accusé invoque l'intoxication comme moyen de défense et que la Couronne est mise au courant de ce fait pour la première fois.

Si la nouvelle infraction était considérée comme une infraction incluse et qu'un verdict d'acquittement à l'égard de l'infraction principale entraînait automatiquement un verdict de culpabilité à l'égard de l'infraction incluse, la défense utilisée pour obtenir le verdict d'acquittement à l'égard de l'infraction principale-et il suffit pour l'accusé d'établir la prépondérance des probabilités- serait considérée comme une preuve hors de tout doute raisonnable de la nouvelle infraction d'intoxication. Cette anomalie pourrait en elle-même causer de sérieux problèmes relatifs à la Charte.

Si un verdict de culpabilité à l'égard d'une infraction incluse d'intoxication n'était pas automatique mais bien laissé à la discrétion du juge ou du jury, on peut se demander si le simple verdict d'acquittement à l'égard de l'infraction principale suffirait à prouver la responsabilité criminelle de l'accusé en raison de l'intoxication. La Couronne serait-elle tenue de présenter d'autres éléments de preuve? Dans l'affirmative, comment devrait-elle s'y prendre?

On s'est demandé si le crime d'intoxication inclurait un élément de causalité pour prouver, par exemple, que l'intoxication a causé le préjudice faisant l'objet de la plainte.

Enfin, l'idée d'une accusation de crime d'intoxication a soulevé la possibilité que le procureur de la Couronne se retrouve dans une position où il serait obligé de faire valoir des positions contradictoires au procès, soit que l'accusé n'était pas assez intoxiqué pour ne pas être tenu responsable ou encore qu'il était intoxiqué et qu'il devrait donc être reconnu coupable du crime d'intoxication.

Le gouvernement a également examiné la possibilité d'une accusation de négligence criminelle comme infraction distincte, c'est-à-dire que l'intoxication volontaire aurait entraîné la négligence criminelle aux termes du Code.

(1215)

Là encore, nous avons rejeté cette approche. Elle avait elle aussi pour effet d'évacuer la responsabilité à l'égard de la faute centrale et permettait de réduire le chef d'accusation pour le tort sous-jacent auquel nous estimions devoir nous attaquer directement.

Ayant rejeté ces diverses solutions, nous avons adopté l'approche exposée dans le projet de loi C-72 et qui repose fondamentalement sur le principe de la responsabilité. Nous disons en substance que le fait de s'être intoxiqué volontairement ne constitue pas un moyen de défense à l'égard d'un crime violent.

Pour les Canadiens, il ne s'agit pas que d'un problème juridique, mais d'une question de simple bon sens. La mesure à l'étude s'inspire à mon avis du bon sens. Elle s'applique à l'élément fondamental d'intention dans tous les crimes violents, dont ceux de violence sexuelle et d'agression familiale qui nous intéressent plus particulièrement en ce qui concerne les femmes et les enfants.

Il ne s'agit pas en l'occurrence d'un simple argument de droit. La mesure à l'étude porte sur une importante question de principe. On ne peut pas permettre à des gens de prétexter l'ivresse ou d'autres formes d'intoxication pour échapper à la responsabilité de leur conduite criminelle. Le gouvernement déclare très simplement dans cette mesure, en tant que principe de droit, que ceux qui s'intoxiquent volontairement et qui, dans cet état, causent du tort à autrui ne peuvent invoquer leur intoxication pour échapper aux conséquences prévues par la loi.

Le gouvernement croit également que l'approche adoptée dans le projet de loi C-72 évite les problèmes conceptuels et de procédure qu'on a relevés touchant le crime d'intoxication. Je puis vous dire que lorsque j'ai rencontré en janvier les ministres de la Justice et les procureurs généraux des provinces et des territoires, c'est cette approche qui a eu la faveur de tous les participants à la réunion.

Le gouvernement a aussi examiné attentivement le problème de la validité constitutionnelle du projet de loi C-72 en formulant cette mesure. Je signale tout de suite que dans le jugement même rendu dans l'affaire Daviault, les juges de la Cour suprême du Canada ont fait remarquer dans la décision majoritaire qu'ils se prononçaient non pas en fonction d'une loi du Parlement, mais de règles de common law établies par des juges, et qu'ils ne se sentaient donc pas obligés de manifester le respect habituel qu'ils ont à l'égard d'une loi en déterminant la validité de la règle à laquelle ils ont en l'occurrence créé une exception.

Dans l'affaire Daviault, les juges ont invité expressément le Parlement à légiférer pour combler le vide créé par leur analyse de la common law. La majorité des juges de la Cour suprême du Canada a dit en somme, dans sa décision, que, même s'il y avait quelque chose de répréhensible dans le fait de s'intoxiquer, la logique même de la common law ne permettait pas au tribunal d'établir un lien entre cette faute et le crime faisant l'objet de l'accusation.

Le projet de loi C-72 établit ce lien entre l'intoxication volontaire et le comportement criminel qui donne lieu à la mise


11039

en accusation. Il instaure une norme de diligence établie par la loi disant expressément que, si une personne s'intoxique au point de perdre le contrôle conscient de ses actes et de causer du tort à quelqu'un d'autre, elle s'écarte de la norme de diligence à laquelle nous avons le droit de nous attendre l'un de l'autre.

Si une personne se livre à un comportement criminel blâmable, elle ne peut fonder sa défense sur l'intoxication volontaire. C'était là le lien qui manquait lorsque, dans l'affaire Daviault, les juges ont analysé la règle de common law. Par ce projet de loi, nous invitons le Parlement à établir ce lien et à dire que l'intoxication volontaire n'est pas une défense acceptable.

Même si nous créons une norme de diligence dans la loi, le procureur de la Couronne n'aura pas à prouver dans chaque cas qu'il y a eu dérogation à cette norme. Il n'est pas vrai que cette norme se prête à différentes interprétations selon le prévenu, le juge ou l'endroit où le jugement a lieu. Nous disons nettement dans le projet de loi C-72 que de s'intoxiquer au point de perdre le contrôle conscient de ses actes et de faire du tort à d'autres est une dérogation à la norme de diligence.

(1220)

Il ne sera pas possible de revenir sur cette question à l'avenir, car la Chambre des communes et le Parlement du Canada affirment ce principe de façon péremptoire comme point de départ pour établir la responsabilité criminelle.

Un autre élément du projet de loi qui est important sur le plan constitutionnel est que le jugement rendu dans la cause Daviault valait pour toutes les infractions prévues au Code criminel. L'analyse que la Cour suprême du Canada a faite s'appliquait au droit pénal en général.

Le projet de loi C-72 a été conçu de manière à s'appliquer aux crimes commis avec violence. En limitant le champ d'application du principe aux fins précisées dans le texte, nous avons montré que cette réaction du Parlement est proportionnée à la menace de violence liée à l'intoxication. C'est une réponse raisonnable du Parlement à cet égard.

Alors que dans l'arrêt Daviault aucune preuve concernant l'article 1 n'a été présentée à la Cour, j'espère que lorsque le comité étudiera le projet de loi il disposera de la preuve justifiant l'exception mentionnée dans le préambule, soit le lien étroit entre la violence et l'intoxication, entre l'effet disproportionné de cette violence à l'encontre des femmes et des enfants et la mesure dans laquelle ladite violence prive des femmes et des enfants des droits à l'égalité auxquels ils ont droit en vertu de la Charte des droits et libertés, afin qu'on puisse établir des assises solides pour montrer que le Parlement est justifié et qu'il a le pouvoir d'adopter une telle loi.

[Français]

Il est important de ne pas mésestimer la valeur et la portée du préambule au projet de loi. C'est l'intention du Parlement qui s'y veut exprimée de façon claire et non équivoque. Il s'agit là d'une expression des raisons et considérations prises en compte par le Parlement pour légiférer comme il le fait. Il consigne par écrit ces raisons et considérations. De ce fait, il pourrait servir de guide utile aux tribunaux dans l'application de ces amendements aux cas qui se présenteront.

[Traduction]

Durant les consultations précédant ce projet de loi, les gens ont dit craindre que si le gouvernement ne donnait pas suite à l'arrêt Daviault et que s'il n'adoptait pas de loi à cet égard, cela aurait pour effet de donner clairement l'impression que l'intoxication volontaire pourrait excuser un comportement criminel, avec le résultat qu'il y aurait une diminution des plaintes liées notamment aux crimes violents commis par des hommes à l'encontre de femmes.

Si, de toute façon, le coupable ne serait pas tenu responsable de ses actes, pourquoi porter plainte? Dans le préambule, on reconnaît que la violence et la menace de violence entravent la participation des femmes et des enfants à la société et contribuent d'une façon marquée à les mettre en danger et à leur refuser le droit à la sécurité et à la protection égale de la loi garanti par la Charte.

La nouvelle norme de diligence exige que tous les membres de la société assument la responsabilité de ne pas faire du mal à autrui. Elle contribuerait ainsi à protéger les droits de tous les Canadiens à la sécurité de la personne et à la protection égale de la loi.

Le sondage sur la violence réalisé en 1993 montre que l'alcool joue un rôle prépondérant dans la violence faite aux femmes. Par exemple, dans plus de 40 p. 100 des cas d'actes violents, l'agresseur avait bu. Le taux d'agressions chez les femmes vivant avec de gros buveurs était six fois plus élevé que chez les femmes dont le conjoint ne buvait pas.

[Français]

Le préambule constate les liens étroits qui existent entre l'intoxication et la violence. Plusieurs études suggèrent que, sans nécessairement la causer, l'intoxication crée l'environnement propice à des éruptions de violence. La nouvelle norme de diligence viendra renforcer chez les Canadiens et Canadiennes cette obligation que nous avons tous de ne pas faire violence aux autres, que nous soyons sobres ou en état d'extrême intoxication.

(1225)

[Traduction]

Il est important que ce projet de loi soit renvoyé à un comité parlementaire qui pourra entendre l'opinion de témoins sur ces points importants et établir la nécessité d'adopter pareille mesure législative. J'ai déjà dit que le gouvernement envisage la possibilité de renvoyer le projet de loi à la Cour suprême du Canada après son adoption et avant sa proclamation, afin d'établir sa validité avant qu'il n'entre en vigueur. Nous prendrons une décision à ce sujet une fois que nous connaîtrons l'opinion des Canadiens sur son bien-fondé. Si nous estimons qu'il y a des questions importantes qui ont été soulevées et qui exigent un renvoi aux autorités compétentes, nous garderons à l'esprit cette possibilité.


11040

Nous sommes surtout impatients de mettre cette loi en place afin de rétablir des certitudes et notamment une obligation de rendre compte en matière de droit criminel.

J'aimerais profiter de cette occasion pour souligner que le gouvernement doit beaucoup aux initiatives que le sénateur Philippe Gigantès a prises à l'autre endroit. Le sénateur Gigantès a présenté le projet de loi S-6 au Sénat peu après l'annonce du jugement dans l'affaire Daviault. Le projet de loi S-6 proposait de définir l'intoxication comme une infraction criminelle. Le sénateur Gigantès a ainsi fait un effort exceptionnel pour apaiser les inquiétudes que ce jugement a suscitées dans la population. En dernière analyse, le gouvernement n'a pas retenu l'approche particulière qu'il proposait dans cette mesure législative. Nous lui sommes toutefois reconnaissants de son initiative. En examinant son projet de loi et son évaluation des problèmes, nous sommes mieux en mesure de résoudre ceux-ci dans le projet de loi C-72.

Je remercie aussi les autres partis de la coopération et de la collaboration dont ils font preuve aujourd'hui pour nous permettre de procéder à la deuxième lecture du projet de loi. Celui-ci sera ensuite renvoyé au comité qui en fera l'examen nécessaire. Je suis reconnaissant aux députés d'en face de leur aide à cet égard.

Je recommande à la Chambre d'approuver le principe de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. À mon avis, le droit pénal canadien s'en trouvera amélioré et renforcé.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Pré-sident, tout d'abord, j'aimerais vous rappeler que je vais partager mon temps avec la députée de Québec.

C'est en réponse au jugement de la Cour suprême du Canada, comme le mentionnait tout à l'heure le ministre de la Justice au sujet de l'affaire Daviault entre autres, que le ministre a finalement déposé, le 24 février, le projet de loi C-72.

Comme il l'a mentionné d'ailleurs, ce projet de loi modifie le Code criminel et interdira dorénavant le moyen de défense d'intoxication à l'égard de crimes violents.

L'individu qui s'intoxique au point d'être incapable de se maîtriser devra assumer la responsabilité criminelle de ses actes. J'aborderai en détail les actes criminels touchés par le projet de loi, parce qu'ils ne le sont pas tous.

On est encore loin d'une réforme en profondeur de la partie générale du Code criminel qui porte sur les principes fondamentaux de la responsabilité criminelle et des moyens de défense à une accusation.

Nous sommes toujours à l'âge de pierre en matière de législation sur la criminalité. Les règles de droit pénal n'ont pas subi de modifications importantes depuis les 100 dernières années. C'est la Cour suprême qui a poussé le ministre à agir. Sans le jugement de la plus haute cour du pays, le ministre de la Justice serait-il toujours à consulter la population et les intervenants du milieu?

Rappelons les faits dans l'affaire Henri Daviault. M. Daviault connaissait la victime; c'était une amie de son épouse. C'était une femme âgée de 65 ans, souffrant de paralysie partielle et se déplaçant en fauteuil roulant.

Un soir, vers 18 heures, elle demande à M. Daviault de lui livrer un 40 onces de brandy.

(1230)

La victime, donc, la dame en a bu moins d'un verre et s'est endormie dans son fauteuil roulant. Lorsque dans la nuit elle s'est réveillée pour aller aux toilettes, M. Daviault s'est emparé de son fauteuil roulant, l'a poussée dans la chambre, l'a couchée sur le lit et l'a agressée sexuellement. Il a quitté le logement vers 4 heures du matin. Henri Daviault est aujourd'hui âgé de 73 ans; à l'époque des accusations portées contre lui, il avait 70 ans.

Au premier procès, il a déclaré avoir passé la journée en question dans un bar où il a consommé sept à huit bouteilles de bière. Il s'est rappelé avoir pris un verre de brandy à son arrivée chez la victime mais ne se souvenait plus de ce qui s'était produit entre ce moment et celui où il s'est réveillé nu dans le lit de sa victime.

Le juge Bernard Grenier l'a acquitté parce qu'il n'était pas absolument certain que Daviault était encore assez conscient pour pouvoir formuler une intention coupable, c'est-à-dire l'intention de commettre l'agression sexuelle.

La Cour d'appel du Québec avait cassé la décision du juge Grenier et avait trouvé Daviault coupable. Le 30 septembre dernier, la Cour suprême du Canada décidait qu'une défense d'ivresse pouvait être présentable dans ce cas précis et ordonnait un nouveau procès.

Donc, le temps presse. Le Bloc québécois a toujours demandé de responsabiliser davantage les individus qui, volontairement, s'intoxiquent pour ensuite commettre des actes de violence. Il est temps que le législateur prenne ses responsabilités et calme les inquiétudes grandissantes de la population suite à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Daviault. Il ne faut pas se leurrer, l'affaire Daviault n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, tous aussi ignobles.

Les résultats d'une enquête pancanadienne sur l'agression contre la conjointe, à laquelle ont participé plus de 12 300 femmes, ont été publiés en mars 1994. Cette enquête nous révèle des circonstances pour le moins troublante sur la violence conjugale. J'utilise le mot «troublante», mais le mot «révoltante» serait tout aussi approprié. Mais peu importe les mots utilisés, la majorité de cette Chambre fera la sourde oreille de toute façon.

La violence contre les femmes dérange, et on préfère l'ignorer plutôt que de la regarder en face. Tant que cela se passe chez le voisin, on ne se sent pas concerné. Il est aberrant de constater que le fait de dire: «la violence, ça concerne tout le monde» soit devenu un cliché, comme un slogan qu'on serait fatigué d'entendre.

Et je ne parle pas que de la violence physique, je parle également de la violence psychologique. La violence psychologique produit des effets aussi nuisibles que durables. Le dénigrement, les injures et les insultes sont des armes aussi dévastatrices que les gifles et les


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coups de poing. Elles infligent des blessures profondes qui ne se cicatrisent presque jamais.

Lorsqu'une femme se fait dire qu'elle est bonne à rien, qu'elle est trop stupide pour comprendre, qu'elle est une mauvaise mère, qu'elle passe trop de temps avec ses amis et pas assez à la maison, qu'elle se fait dire par son conjoint qu'il y a longtemps qu'il aurait dû la laisser, l'amour-propre et l'estime de soi s'effritent jusqu'à disparaître.

Le régime de terreur s'installe. La peur remplace le sentiment de bien-être dont tout être humain a besoin. L'isolement empêche les victimes de dénoncer au grand jour ces abuseurs et bien malin celui ou celle qui pourrait deviner que sous ce sourire gêné se cachent de terribles secrets. Les blessures de l'âme sont celles qui font le plus mal mais qu'on voit le moins.

L'enquête nationale de Statistique Canada sur la violence envers les femmes publiée l'an dernier tentait de tester les théories sur les liens entre la violence physique et la violence psychologique. Environ le tiers des femmes mariées ou l'ayant déjà été ont déclaré que leur conjoint ou ex-conjoint avait usé de violence psychologique. Les anciens partenaires sont considérés plus violents psychologiquement que les partenaires actuels dans une proportion de 59 p. 100. Bien que la violence psychologique puisse se produire en l'absence de violence physique, les deux types de violence se produisent ensemble dans la majorité des cas.

Les trois quarts des femmes se disant victimes de violence physique ou sexuelle ont déclaré être également victimes de violence psychologique.

(1235)

Dix-huit pour cent des femmes ne subissant pas de violence physique de la part de leur conjoint ont déclaré être victimes de violence psychologique de sa part. Quant à la violence physique, elle aussi peut prendre plusieurs formes. Les principales formes décrites par l'enquête étaient de pousser la conjointe, de l'empoigner ou de la bousculer, suivies des menaces de la frapper, des gifles, des objets qu'on lui lançait, des coups de pied, des morsures et des coups de poing. Bon nombre de femmes ont également été battues, agressées sexuellement, étranglées, frappées avec un objet et menacées avec une arme à feu ou un couteau. Monsieur le Président, serait-ce possible de demander au collègue en arrière de moi d'écouter durant le temps que je parle? Je vais faire la même chose lorsqu'il parlera à son tour.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): La députée de Saint-Hubert demande la collaboration de la Chambre. Elle souhaite que certains députés veuillent bien continuer leurs discussions dans les coulisses. Je demanderais la collaboration de la Chambre.

[Français]

Mme Venne: Merci, monsieur le Président. Alors, je continue. Je disais, pour se resituer dans le contexte, que bon nombre de femmes ont également été battues, agressées sexuellement, étranglées, frappées avec un objet et menacées avec une arme à feu ou un couteau. Il est rare qu'une seule forme de violence ait été rapportée. Près de la moitié de ces femmes victimes de violence ont subi des blessures. Les types de blessures les plus fréquents étaient des ecchymoses, dans 90 p. 100 des cas. Venaient ensuite les coupures, les égratignures, les brûlures, fêlures et fractures. Presque 10 p. 100 des femmes ayant été blessées ont affirmé avoir souffert de lésions internes et subi une fausse couche.

Le pire dans tout cela, c'est que la victime de ces abus excuse son agresseur. Les victimes portent rarement plainte. La police n'est informée, en moyenne, que dans le quart des cas d'agression contre la conjointe. Lorsque des accusations sont portées, les victimes retirent leurs plaintes ou ne veulent plus témoigner. Ces victimes ont peur et, par le fait même, justifient les gestes de l'agresseur. Combien de fois les tribunaux n'ont-ils pas entendu une victime dire qu'il y avait eu réconciliation et que les gestes du conjoint étaient sans importance, qu'il avait des problèmes au travail, qu'il avait des problèmes parce qu'il n'avait pas de travail, que les enfants étaient tannants, cette journée-là, qu'il était fatigué et qu'il avait bu?

Justement, il avait bu. Comme si c'était une excuse. Ce n'est pas une excuse, c'est une circonstance aggravante. L'enquête dont il est question démontre hors de tout doute les liens entre l'alcool et la violence. Elle révèle que l'alcool est un facteur primordial dans les agressions envers la conjointe. L'agresseur avait bu dans la moitié de tous les incidents rapportés. Plus précisément, le taux d'agression envers une conjointe vivant avec un homme qui buvait régulièrement, c'est-à-dire au moins quatre fois par semaine, était trois fois plus élevé que le taux d'agression des maris abstinents.

Les femmes dont le conjoint buvait souvent, cinq verres ou plus en une seule occasion, s'exposaient six fois plus à des agressions que les femmes dont le conjoint ne buvait pas. En 1993, 55 p. 100 des hommes qui ont tué leur partenaire avaient consommé de l'alcool. Les femmes autochtones courent un risque particu-lièrement élevé lorsque l'alcool est présent. Il était un facteur déterminant dans pratiquement tous les cas d'agressions sexuelles contre ces femmes autochtones. L'alcool jouait également un rôle dans le cas de toutes les autres infractions contre ces femmes autochtones.

Nulle part dans le Code criminel actuel peut-on retrouver d'articles traitant explicitement de l'intoxication. Le projet de loi C-72 changera cet état de choses en insérant, dans le Code criminel, l'article 33.1, qui interdira le moyen de défense d'intoxication à l'égard de crimes violents.

Avant d'aborder la défense d'intoxication en tant que telle, il est important de comprendre les éléments dont sont composées les infractions criminelles et les types d'infractions à l'encontre desquelles la défense d'intoxication peut être invoquée.

La responsabilité criminelle exige que soient prouvés hors de tout doute raisonnable les éléments à la fois matériels et mentaux, ou les éléments de faute, requis pour une infraction criminelle.


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(1240)

Ainsi, d'une part, l'intoxication volontaire peut diminuer le blâme moral à l'égard d'une conduite normalement criminelle, mais, d'autre part, celui qui a commis une infraction criminelle, sous l'effet d'une intoxication volontaire, ne devrait pas pouvoir se soustraire à sa responsabilité.

La défense fondée sur l'intoxication n'étant pas à ce jour partie intégrante du Code criminel est, par conséquent, tirée de la jurisprudence. Lorsque l'intoxication n'est pas le résultat d'un acte délibéré, l'accusé a toujours eu la possibilité de plaider la défense fondée sur l'intoxication.

L'intoxication involontaire peut se produire, soit lorsqu'une personne est intoxiquée en raison de la fraude ou du stratagème commis par une autre personne, soit lorsqu'elle a consommé un médicament, de bonne foi, qui lui a été prescrit par un médecin et qu'elle en ignorait les effets.

La common law reconnaît donc l'intoxication involontaire comme un moyen de défense complet. Le projet de loi C-72 maintient ce moyen de défense, codifiant ainsi la jurisprudence. Le nouvel article 33.1 permettra toujours la défense d'intoxication involontaire, comme c'est le cas actuellement.

Avant l'arrêt Daviault, la question à se poser était de savoir si l'intoxication était volontaire, c'est-à-dire qu'elle résultait de la faute de l'accusé. Elle ne pouvait pas toujours être invoquée en défense.

Par contre, dans le cas des infractions dont la définition exige une intention spécifique, comme par exemple le meurtre ou le vol, l'intoxication peut être invoquée en défense. Les tribunaux se sont donné beaucoup de mal pour formuler la distinction entre les deux catégories. Encore aujourd'hui, beaucoup de juristes ont de la difficulté à saisir la distinction. Pourtant, cette distinction est extrêmement importante dans le cas de la défense fondée sur l'intoxication.

Dans la zone grise du droit criminel, il n'y a pas de ligne de démarcation précise entre les infractions d'intention spécifique et celles d'intention générale. Un exemple s'impose. Le Code criminel exige, pour qu'un meurtre soit du premier degré, qu'il soit commis, et je cite le Code: «avec préméditation et de propos délibéré». Il s'agit donc ici d'une infraction d'intention spécifique. On exige que l'homicide soit prémédité, que l'accusé ait prévu la conséquence ultime de son geste, soit la mort de la victime.

Dans le cas du vol défini à l'article 322 du Code criminel, le législateur exige par les mots «avec l'intention de» une intention spécifique de priver temporairement ou absolument, le vrai propriétaire de la chose volée. Ici encore, la défense d'intoxi-cation volontaire peut être invoquée, car il s'agit aussi d'une infraction d'intention spécifique.

Gardons à l'esprit que le projet de loi C-72 ne modifie en rien la distinction entre une infraction d'intention générale et une infraction d'intention spécifique. Ceci veut dire, en d'autres mots, qu'un accusé pourra encore invoquer la défense d'intoxication volontaire à l'égard d'accusations aussi graves que le meurtre, le vol, le vol qualifié, l'extorsion, l'introduction par effraction et la torture.

Dans le cas d'une agression sexuelle où la victime décède suite à ses blessures, l'acte criminel devient un meurtre. Or, le meurtre étant une infraction d'intention spécifique, l'agresseur pourra présenter une défense d'intoxication. Il n'aurait pas pu en présenter une si sa victime n'était pas décédée, car l'infraction dont il serait accusé serait une agression sexuelle causant lésions, qui est une infraction d'intention générale.

Nous arrivons au non-sens suivant: si l'agresseur frappe suffisamment sa victime pour qu'elle en meure, il pourra toujours plaider qu'il était trop intoxiqué pour savoir ce qu'il faisait. Si sa victime survit à ses blessures, il ne pourra plus invoquer cette défense. Nous nous devons d'éliminer la distinction arbitraire entre les crimes d'intention générale et les crimes d'intention spécifique.

Cette fiction juridique a été créée uniquement pour permettre une défense d'ivresse ou d'intoxication. L'intention coupable devrait comporter des éléments moraux précisés pour chaque infraction. Les infractions ne devraient plus être divisées en deux groupes distincs, mais classées en gradation en fonction de leur gravité.

Le projet de loi C-72 est un pas dans la bonne direction et je suis convaincue de sa validité constitutionnelle. Le préambule du projet de loi permettra aux juges d'interpréter l'article 33.1 de façon à ce qu'il soit une règle de droit qui se justifie dans une société libre et démocratique. Il passera ainsi le test de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

(1245)

Cependant, le ministre de la Justice devait, dans les plus brefs délais, compléter la réforme de la Partie générale du Code criminel. Les règles en matière pénale sont archaïques et de nombreux principes fondamentaux du droit pénal ne sont pas énoncés dans la Partie générale et ont plutôt été élaborés par les tribunaux.

La jurisprudence façonne le droit et le législateur est toujours à la remorque du pouvoir judiciaire. Il est grand temps qu'on inverse les rôles et que le législateur prenne ses responsabilités. De cette façon, le ministre de la Justice pourra cesser de faire du travail de rattrapage et le Parlement pourra décider de l'orientation que prendra le droit pénal au cours des années à venir.

Cette orientation devra une fois pour toutes contrer la violence faite aux femmes, et je demande au ministre de la Justice de ne plus attendre qu'une autre affaire Daviault survienne pour qu'enfin il agisse.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le débat entourant le projet de loi C-72 déposé en cette Chambre par le ministre de la Justice.

En effet, ce projet de loi concerne plus particulièrement les femmes, puisqu'il s'inscrit dans la démarche législative de la lutte à la violence envers les femmes et les enfants. C'est donc dans cet esprit que je l'analyserai.

Tout d'abord, je tenterai de brosser un historique des dispositions législatives entourant la défense d'intoxication volontaire, puisque c'est ce dont il s'agit dans le projet de loi. Ensuite, je ferai le lien entre la violence envers les femmes et l'intoxication de l'agresseur. Je procéderai après à l'analyse des dispositions précises du projet de loi, pour conclure avec leurs effets sur la problématique de la violence.


11043

Les auteurs Côté-Harper, Manganas et Turgeon définissent ainsi l'intoxication volontaire: «Il y a intoxication volontaire lorsqu'une personne surestime sa capacité de résistance à l'alcool ou à des drogues, car elle résulte alors des faits et gestes de cette personne et ce, même si on ne peut pas la qualifier d'intentionnelle».

Ainsi, si je consomme plus d'alcool que mon organisme ne peut en absorber, je serai responsable de mes gestes. La défense d'intoxication volontaire, quant à elle, a été élaborée par les tribunaux dès 1920, dans l'arrêt Director of Public Prosecutions c. Beard. Dans cette affaire, la cour décida qu'une personne dont l'état d'intoxication volontaire était tel qu'elle ne pouvait pas former l'intention requise, ne devrait pas être condamnée.

Ainsi, dans le cas d'un meurtre, la Couronne doit prouver que l'accusé désirait causer la mort d'une personne. Or, si l'accusé était intoxiqué à un point tel qu'il ne pouvait pas prévoir les conséquences de ses gestes, il ne pourra pas être condamné pour meurtre. Il sera cependant condamné pour homicide involontaire coupable, d'une infraction incluse, puisque son intoxication ne l'a pas empêché de vouloir poser le geste qui a entraîné la mort.

On aura compris que les tribunaux ont développé, pour la défense d'intoxication volontaire uniquement, deux types d'infractions, soit celles requérant une intention spécifique, comme, par exemple, causer la mort, et celles requérant une intention générale, par exemple, frapper la personne dont la mort suivra. Le juge Fauteux, de la Cour suprême du Canada, expliquait ainsi la distinction dans l'arrêt R. c. George, rendu en 1960: «Il y a lieu d'établir une distinction entre l'intention de commettre un acte en fonction des buts visés et l'intention de commettre un acte indépendamment des buts visés. Dans certains cas, l'intention de perpétrer l'acte suffit pour qu'il y ait crime, alors que dans d'autres cas il doit y avoir, outre l'intention générale, une intention spécifique de commettre l'acte».

Les tribunaux ont toujours maintenu cette distinction, quand il s'agissait de permettre à l'accusé d'invoquer la défense d'intoxication volontaire. Elle était réservée aux crimes d'intention spécifique.

Le 30 septembre 1994, la Cour suprême du Canada renversait la vapeur en rendant son jugement dans l'affaire Daviault. Très brièvement, elle permettait à l'accusé, qui répondait à une accusion d'agression sexuelle, donc d'intention générale, d'invoquer la défense d'intoxication volontaire.

La cour se basait sur l'interprétation des articles 7 et 11d) de la Charte canadienne pour en arriver à la conclusion qu'il était injuste de refuser à un accusé gravement intoxiqué le droit d'invoquer la défense parce qu'il s'agissait d'un crime d'intention générale. Dans un obiter dictum, la cour suggérait au Parlement de légiférer pour régler cette question. Cette décision a soulevé un tollé, autant des groupes de défense des droits des femmes que des corps policiers et de certains juristes.

(1250)

Je n'entrerai pas ici dans les détails, mais je passerai plutôt à certains aspects du phénomène de la violence envers les femmes pour revenir ensuite au jugement de la Cour suprême.

Des études ont démontré à maintes reprises le lien entre la violence et l'intoxication, soit par l'alcool, soit par les drogues. Ce lien est surtout présent dans le cas de violence conjugale.

Une étude effectuée par Statistique Canada en mars 1994 et qui portait sur les homicides entre conjoints notait qu'en 1991-1992, 37 p. 100 des épouses tuées et 82 p. 100 des époux tués avaient consommé de l'alcool. Selon les données déclarées par les corps policiers sur les meurtriers, 55 p. 100 des hommes et 79 p. 100 des femmes avaient consommé de l'alcool, et 18 p. 100 des hommes et 13 p. 100 des femmes avaient consommé d'autres drogues.

Une autre enquête précédente du même organisme avait constaté que l'alcool jouait un rôle prépondérant, puisque l'agresseur en avait consommé dans plus de 40 p. 100 des cas de violence.

On constatait également que les femmes qui vivaient avec un homme qui boit régulièrement étaient trois fois plus exposées à la violence que les autres femmes.

L'alcool est donc un facteur à considérer dans le cas de violence envers les femmes. Il est utile de se demander quel effet un jugement comme celui de l'affaire Daviault, qui permet à un homme ayant agressé une femme alors qu'il était sous l'effet de l'alcool d'invoquer son état en défense, aura sur le phénomène de la violence conjugale.

Considérons d'abord l'effet général sur l'agresseur. Les intervenants auprès des hommes violents reconnaissent que, pour éliminer les comportements violents chez les hommes, il faut d'abord les responsabiliser en les punissant et en les sensibilisant au besoin d'une thérapie.

Mme Ginette Larouche est une travailleuse sociale qui a écrit trois livres sur la violence familiale. Elle a également participé aux travaux du bientôt défunt Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Voici ce qu'elle dit à ce sujet: «Si un agresseur ne fait pas de prison ou n'écope que d'une sentence dérisoire-ce qui se produit fréquemment-la société banalise l'acte criminel qu'il a commis. En le plaçant ensuite dans un groupe d'aide, on lui signifie qu'il n'a qu'un petit problème de comportement qu'il faut qu'il règle.»

Ce diagnostic est confirmé par M. Steven Bélanger, un psychologue qui dirige Pro-Gam, le premier groupe de thérapie pour hommes violents fondé au Québec en 1982. Écoutons-le: «La solution à long terme se trouve sur un plan plus global. Il faut arrêter de penser que la violence ne concerne que les conjoints batteurs. Ça regarde tout le monde. Cela dit, je crois que la solution immédiate réside à la fois dans la judiciarisation et l'aide psychologique.»


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Comme on peut le constater, ces deux spécialistes insistent sur la judiciarisation comme élément à la fois dissuasif et curatif.

Les femmes, même celles qui ne subissent pas la violence conjugale, vivent dans la peur. Pourquoi? Deux professeures à l'École de service social de l'Université de Montréal ont publié, dans La Revue internationale d'action communautaire, les résultats d'une recherche intitulée La peur du crime chez les femmes et les différentes formes de violence qu'elles subissent.

La lecture de leur rapport de recherche nous réitère d'abord que les statistiques officielles sur les crimes commis contre les femmes sont déficientes. Une des raisons en est que beaucoup de femmes se sentent coupables des agressions dont elles sont victimes, particulièrement quand elles sont agressées alors qu'elles ont consommé de l'alcool ou des drogues ou qu'elles sont dans des endroits qui ne sont «pas bien».

On se rappellera les statistiques citées plus haut sur la consommation d'alcool dans les cas de meurtre entre conjoints, la formule ultime de violence conjugale.

Les auteures établissent également un lien entre la violence conjugale et les attitudes de la société en général. Elles dénoncent l'approche psycho-sociale utilisée jusqu'à tout récemment pour composer avec la violence conjugale.

Elle allait comme suit: puisqu'on considérait la famille comme un tout dynamique, la responsabilité des crimes de violence commis à l'intérieur du foyer devait être partagée par tous les membres. On parlait alors de la famille dysfonctionnelle, et non de victimes et d'agressions, ce qui contribuait à banaliser et à déjudiciariser les actes d'agression.

Toujours selon les auteures, l'étude démontre que les femmes en général vivent dans un climat de peur des agressions, que celles qui en sont concrètement les victimes ont en plus peur de dénoncer leur agresseur et, enfin, que celles qui ont le courage de passer à travers le processus judiciaire doivent subir les traumatismes reliés à l'attitude confrontante de l'appareil judiciaire. Les attitudes traditionnelles de la société ne leur aident pas, surtout quand elles sont véhiculées par des hommes qui n'ont pas à vivre la même réalité.

(1255)

Comment le projet de loi C-72 aide-t-il à améliorer un tant soit peu la situation actuelle des victimes d'agression?

En premier lieu, il convient de rappeler que ce projet de loi a été déposé pour neutraliser les effets négatifs que pourrait avoir le jugement Daviault sur les procès impliquant une accusation de violence. Le texte du projet de loi est clair: on ne permettra pas à un accusé d'invoquer la défense d'intoxication dans le cas d'infractions d'intention générale dont un des éléments constitutifs est l'atteinte ou la menace d'atteinte à l'intégrité d'une personne, ou toute voie de fait.

Le projet de loi couvre donc la majorité des crimes impliquant la violence, les autres relevant de la catégorie dite d'intention spécifique, et qui ouvrent la porte à une condamnation pour une infraction incluse, tel que je l'avais exposé au début de mon intervention.

Pour répondre à la question, on peut dire que le projet de loi facilitera la condamnation des agresseurs. Actuellement, une personne accusée d'une infraction d'intention générale peut présenter une défense d'intoxication volontaire. Si cette défense réussit, la personne se verra libérée complètement. Le projet de loi nous ramène donc à la situation qui existait avant la décision de la Cour suprême.

Cette position, en retour, reflétera le message de notre société à l'effet que les agresseurs doivent être punis, parce que les actes d'agression sont graves et ne doivent pas être tolérés. Les victimes seront donc rassurées quant à la décision de porter plainte. Le cycle de la violence conjugale ne peut être brisé que si la violence est dénoncée, l'agresseur puni, la victime aidée.

D'autre part, le projet de loi servira, comme bien d'autres textes législatifs, d'outil éducatif et d'agent dissuasif. Il énonce clairement la position du Parlement qui en est une de tolérance zéro face à la violence. C'est dans le préambule que l'on retrouve ces énoncés de la position de la Chambre. On y mentionne d'ailleurs le lien direct entre la violence et la violation du droit des femmes à la sécurité et à l'égalité devant la loi. On y retrouve le principe de la responsabilité criminelle de la personne qui s'intoxique volontairement, et cela, de façon très importante. On reconnaît d'ailleurs le droit des victimes à la protection.

Enfin, le texte prévoit une norme de diligence définie en fonction de l'interdiction de comportements violents à l'égard d'autrui.

Le texte qui nous est présenté est un pas dans la bonne direction et répond aux attentes des groupes impliqués dans la défense des droits des personnes, et plus particulièrement auprès des femmes victimes de violence conjugale. La violence est un fléau qu'il faut enrayer, et nous reconnaissons que le projet de loi va dans ce sens. C'est pourquoi nous l'appuierons.

Il n'en demeure pas moins que d'autres mesures sont nécessaires, autant au niveau de la législation que des décisions gouvernementales. Ainsi, il faudra s'assurer que les organismes qui oeuvrent auprès des victimes reçoivent tout le support nécessaire pour l'atteinte de leurs objectifs.

Nous pouvons déplorer le désengagement dans lequel s'est engagé le gouvernement quant au financement des programmes de soutien à la lutte à la violence. En six ans, l'aide à ces organismes a subi des compressions budgétaires de l'ordre de 23 p. 100. On a aussi diminué le nombre de subventions de 47 p. 100. Les meilleures intentions doivent se traduire par un appui financier, sinon elles ne demeureront que des intentions.

Il faudra également que les recommandations des divers groupes de travail et commissions soient étudiées et mises en application, si


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on veut que notre société puisse un jour se targuer d'en être une où l'égalité entre les hommes et les femmes existe vraiment.

Il faudra aussi que ce gouvernement uniformise ses actions et accepte d'adopter des mesures législatives concernant d'autres formes de violence envers les femmes, notamment celles qui touchent les mutilations génitales.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi très important. Tout d'abord, je voudrais signaler à la présidence que je partagerai mon temps de parole avec mon collègue de Wild Rose.

Les députés réformistes appuient totalement le gouvernement, sans conteste et sans équivoque. Nous souscrivons fermement et entièrement à l'intention et au souhait du gouvernement à cet égard.

Le ministre de la Justice a très bien expliqué dans le détail les notions d'intention spécifique et d'intention générale. Je dois avouer qu'il m'est arrivé, pendant cinq minutes, de ne plus suivre ses propos sur les diverses intentions poursuivies. Chose sûre, la plupart des Canadiens étaient certainement perdus quand il a comparé l'intention spécifique et l'intention générale. Voilà qui fait ressortir le problème dont j'aimerais toucher un mot aujourd'hui.

(1300)

Il a fallu 15 minutes au ministre de la Justice pour utiliser l'expression qu'on associe le plus à ce que devrait être la common law au Canada, c'est-à-dire le bon sens. En l'absence de cette base, si la loi n'est pas marquée au coin du bon sens, ce qui se passe n'a pas vraiment d'importance, on peut perdre tout le monde.

Il est tout à fait essentiel que nos lois soient sensées. C'est ce dont je voudrais parler aujourd'hui au sujet de ce projet de loi, mais, auparavant, je tiens à signaler qu'une semaine avant que le ministre de la Justice ne présente ce projet de loi, j'ai saisi la Chambre du projet de loi C-303, une mesure fondée largement sur le projet de loi que le sénateur Gigantès avait présenté au Sénat.

Mon projet de loi porte sur l'intoxication dangereuse et part du même point de vue que celui du ministre de la Justice. Ce projet de loi a été tiré au sort et j'ai témoigné devant le comité de la Chambre des communes chargé de décider s'il devait faire l'objet d'un vote. J'ai conseillé ceci au comité. J'ai dit qu'il fallait retirer toute mesure qui pouvait nuire à l'application du projet de loi C-72 et que la décision devait revenir aux représentants du ministère de la Justice qui étaient plus compétents que moi pour prendre une décision de ce genre.

En tant que parlementaires, nous voulons éviter de semer la confusion dans l'esprit des gens. Notre caucus appuie de tout coeur le ministre de la Justice, lorsqu'il affirme que l'intoxication n'est pas un moyen de défense ni un motif qu'une personne peut invoquer pour ne pas assumer pleinement la responsabilité de ses actes.

Ainsi, le projet de loi est en quelque sorte en suspens, en attendant de voir ce qui va se produire. Si cela s'impose ou si un problème se pose, il y a d'autres moyens de régler cette question qui ne sont peut-être pas aussi efficaces que ce projet de loi. Si nous devons en arriver là, au départ, c'est que, à mon avis, la Cour suprême du Canada a mal compris l'intention de la loi et la position de la population canadienne en général.

Cette loi ne posait pas vraiment de problème avant la décision dans l'affaire Daviault. Selon moi, le problème réside dans le fait que la Cour suprême a élargi sa compétence.

La Cour suprême ne légifère pas. Elle est chargée d'interpréter les lois. Si c'était la seule fois où la Cour suprême a semblé être coupée de la réalité, on pourrait affirmer que les juges ont peut-être eu une mauvaise journée ou un moment d'égarement. Elle a peut-être voulu donner du fil à retordre au ministre de la Justice et chercher à voir comment il réagirait à cette décision insensée.

C'est ce qu'on pourrait dire si c'était un cas isolé, mais le fait est que ce n'est pas un cas isolé. C'est un schéma que la Cour suprême semble suivre ces dernières années.

Il y a environ 10 ans, le défunt juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin, a dit que la Cour suprême était un lieu calme dans un pays troublé. Comme les choses ont changé! Si elles ont tant changé, c'est en raison de la Charte des droits et libertés. Étant donné que la Charte des droits et libertés dit essentiellement que, dans notre société, les droits des individus passent avant tout, la Cour suprême se trouve en quelque sorte prise dans un dilemme et c'est pourquoi bon nombre de ses décisions qui semblent défier la réalité sont des décisions partagées.

Le problème, c'est que si la Cour suprême ne défend pas la notion d'application régulière de la loi et, par là, j'entends mettre les points sur les i et veiller à ce que tout soit fait de manière rigoureusement correcte, on annulera les décisions en invoquant la Charte des droits et libertés ou d'autres motifs.

(1305)

Entre-temps, le Parlement et la vaste majorité des Canadiens ont des préoccupations au sujet du contrôle de la criminalité et du recours au bon sens. Il y a, d'un côté, la Cour suprême et la population et, de l'autre, les assemblées législatives des différentes régions du pays. Je suppose que la justice se situe quelque part au milieu.

Récemment, la Cour suprême a rendu une décision dans un cas où une femme, qui avait été arrêtée pour conduite avec facultés affaiblies, avait été autorisée à aller aux toilettes avant de souffler dans l'éthylomètre. Cette femme a fait valoir que, lorsqu'elle était aux toilettes, elle avait encore consommé de l'alcool. Ainsi, lorsqu'elle a subi le test de l'éthylomètre, elle a dépassé la limite permise, mais elle l'a dépassée parce qu'elle avait consommé de l'alcool après son arrestation. Par conséquent, ils n'ont pas pu prouver qu'elle avait conduit avec les facultés affaiblies. La Cour suprême a rendu un jugement tout à fait contraire à la logique et contraire à tout ce qui s'est fait depuis 30 ans pour prévenir la


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conduite avec facultés affaiblies: elle a déclaré que cette femme était innocente.

Récemment, la Cour suprême a décidé que quiconque était arrêté pour conduite avec facultés affaiblies disposerait d'un délai déterminé pour trouver l'avocat de son choix. Si une personne est arrêtée pour conduite avec facultés affaiblies, le motif de son arrestation est bel et bien la conduite avec facultés affaiblies. Le bénéfice du doute appartient à l'éventuelle victime, le spectateur innocent qui se fait frapper par le conducteur ivre. Nous voulons éradiquer la conduite avec facultés affaiblies. Nous ne cherchons pas à déterminer ce qui est légal ou non.

Les Canadiens décrochent lorsqu'ils voient que les lois promulguées par le Parlement sont rédigées pour les avocats et non pour les gens ordinaires. Il ne devrait pas être nécessaire d'avoir une licence en droit pour pouvoir faire la part des choses entre le bien et le mal.

La Cour suprême, pour connaître l'opinion du public, pourrait lire le compte rendu des débats de la Chambre, lorsqu'il faudra revoir cette loi à nouveau. Nous représentons les Canadiens et ceux-ci sont troublés et dégoûtés, lorsque la Cour suprême prend des décisions semblables à ces récents jugements. Je veux que la Cour suprême soit au courant de ce débat. Je veux que la Cour suprême constate que j'ai parlé de ses décisions à la Chambre des communes et qu'elle m'entende dire que le Canadien moyen a déjà dépassé le stade du mépris et qu'il ne tient même plus compte de ce qu'elle fait.

Si la Cour suprême persiste à prononcer des jugements qui semblent plus appropriés à un cercle universitaire et qui n'ont aucun lien avec la réalité, il est évident que les lois n'ont plus aucune pertinence pour les gens. Ce serait un peu comme une municipalité où la limite de vitesse permise serait de 100 kilomètres à l'heure et où le service de police installerait un nouveau panneau limitant la vitesse à 60 kilomètres à l'heure, alors que tout a été conçu pour 100 kilomètres à l'heure. La population ignorerait la loi, recevrait des contraventions et serait contrariée.

Lorsque la Cour suprême rend des décisions qui n'ont pas de sens, ces décisions discréditent non seulement ce tribunal, mais aussi le Parlement et tous les députés élus pour représenter la population.

Je crois que la vertu et l'essence de la loi, dont les gens reconnaissent instinctivement la valeur, lui confèrent son autorité morale. Une loi qui n'a pas d'autorité morale et ne jouit pas de la collaboration de la population, une loi que les gens ordinaires ne perçoivent pas comme une mesure sensée qu'ils sont prêts à respecter est sans valeur.

Les lois qui ne sont pas fondées sur le bon sens sont tournées en dérision et ceux qui les rédigent et les interprètent subissent le même sort. En définitive, nous ne voulons pas discréditer toute la notion de jurisprudence, soit la loi, dans la façon dont nous, citoyens, travaillons et dans les rapports que nous entretenons. Les lois sont le garant de la civilisation et nous devons les respecter.

(1310)

Cela nous amène à nous demander ce que nous pouvons faire à ce sujet. Nous avons la Charte des droits et libertés, qui serait beaucoup mieux nommée, si elle s'appelait la Charte des droits, des libertés et des responsabilités. Nous avons la Charte et il est bien peu probable que nous la perdions un jour. Les Canadiens croient vraiment qu'elle nous apporte une grande protection.

La Charte des droits et libertés n'est peut-être pas entièrement mauvaise, mais elle a cependant modifié les choses en profondeur au Canada. Elle a changé la façon dont le législateur fait et interprète les lois, et je crois que les parlementaires devraient chercher une nouvelle façon de confirmer ceux qui sont nommés à la magistrature.

Lorsqu'on décide de nommer une personne à la magistrature- conformément à la procédure actuelle et passée-cette décision découle d'un grand nombre de facteurs: son lieu de domicile au Canada, la langue qu'elle parle et son influence dans la collectivité en général, dans le milieu juridique et au sein du parti politique qui a procédé à sa nomination.

Cela est peut-être fort bien. Dans l'ensemble, les Canadiens de toutes les régions peuvent se sentir rassurés de savoir que, au cours des années, ils ont bénéficié et bénéficient toujours de tribunaux pour lesquels ils éprouvent le plus grand respect. Nous devons prendre garde de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

On s'est interrogé et l'on continue de s'interroger sur la sagesse des décisions que rendent les tribunaux, non seulement la Cour suprême, mais tous les tribunaux du pays, car certains estiment que ces décisions visent à promouvoir ou à mettre en valeur un style de vie ou un point de vue en particulier. Il semble y avoir des contradictions énormes dans l'interprétation et la mise en application des lois d'une région à l'autre et d'un tribunal à l'autre.

Après qu'une personne a été nommée à la magistrature, pas uniquement fédérale, mais de quelque instance que ce soit, il ne serait peut-être pas mauvais d'envisager un genre de processus de ratification. À mon avis, il n'est pas souhaitable que des juges, notamment ceux de la Cour suprême, craignent de perdre leur poste ou d'être révoqués.

Je conviens qu'ils devraient l'occuper jusqu'à la retraite, car il faut assurer la cohérence et une philosophie à long terme. Il faut apporter les changements lentement, et non arbitrairement. Il faut s'assurer que les institutions du pays, comme la Cour suprême, ne reflètent pas un parti pris qui existe aujourd'hui, mais qui disparaîtra demain. Il faut que les décisions soient le fruit d'une philosophie à long terme.

Ce ne serait pas une mauvaise idée si, quand le premier ministre a pris une décision sur la nomination d'un juge en consultation avec le ministre de la Justice, la nomination était ensuite ratifiée-non pas rejetée ou infirmée-par un comité de la Chambre, probablement le Comité de la Justice.

Je propose en outre que le mandat du juge soit très bien défini. Je ne crois pas que les Canadiens voudraient d'une audience de confirmation comme celles que l'on fait chez nos amis du sud, qui font parler d'elles dans les médias et qui tournent en batailles partisanes. À mon avis, il faudrait absolument que, au moment de leur nomination, les juges de toutes les cours de justice, surtout


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ceux qui accèdent à la Cour suprême, se voient confier un mandat très clair. Il faudrait être sûr qu'ils comprennent bien que leur travail consiste à interpréter les lois et que le nôtre est de les rédiger. Leur travail est de s'assurer que nous faisons le nôtre correctement afin d'assurer l'équilibre des pouvoirs.

(1315)

Il serait beaucoup plus profitable pour un juge qui vient d'être nommé d'être confirmé dans ses fonctions d'une façon quelconque; par contre, ceux qui l'ont nommé devraient savoir que le dossier du candidat devra résister à un examen bien conçu, réalisé dans le cadre d'une audience de confirmation, sinon cette personne n'aurait probablement pas dû être nommée.

Ce serait une façon d'assurer l'équilibre, pour les élus qui font ces nominations, que de vérifier qu'elles résisteront au temps et à un débat ouvert. Il serait bon aussi que le processus soit plus transparent, afin que les Canadiens comprennent que ces lois leur appartiennent vraiment et que les gens qui les interprètent sont des leurs. Nos lois n'appartiennent pas aux tribunaux. Elles n'appartiennent pas à la reine. Nous sommes tous liés par un contrat social fondé sur notre confiance et notre foi à l'égard des lois.

Quand une personne commet un crime, notamment un crime grave, les tribunaux rendent un jugement dans l'affaire la Reine contre le défendeur, autrement dit le Canada en général, la victime et la famille de la victime contre le défendeur. Quand une personne perd un ami, sa mère, son père, son frère, un enfant, son conjoint à la suite d'un acte de violence ou d'une infraction au deuxième degré sans qu'il y ait nécessairement intention, comme la conduite en état d'ébriété, il ne s'agit pas d'une tierce partie abstraite.

Nous ne parlons pas d'idées abstraites. Nous parlons de gens qui ont à subir les conséquences de nos actes, des actes des autres.

Je tenais à le dire. À mon avis, ce que veulent les Canadiens, que ce soit en Colombie-Britannique, dans les Maritimes, en Ontario, en Alberta, dans le Nord ou dans le Sud, qu'ils soient francophones ou anglophones, que ce soit les hommes ou les femmes, qu'ils soient blancs ou noirs, qu'ils soient dans notre pays depuis 10 générations ou 10 jours, c'est qu'on assure leur sécurité. Ils veulent se sentir en sécurité quand ils sortent de chez eux. Ils veulent être sûrs que, si une personne en blesse une autre, la loi est là pour protéger la victime et non pas le coupable. La loi doit protéger la victime innocente.

Si nous ne faisons pas passer les droits de la victime avant ceux du criminel, nous n'arriverons jamais à persuader les gens qu'ils peuvent avoir confiance dans le contrat social qui les lie, qui lie des citoyens indépendants qui se sont donnés à l'État, qui font confiance à l'État et lui sont fidèles.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois au ministre et à la porte-parole de l'opposition officielle, je dois dire que j'approuve les paroles prononcées par mon collègue au début de son inter-vention. Pour quelqu'un qui a fait des études ordinaires comme moi, il est plutôt difficile de comprendre le jargon des avocats. Je me sens perdu à l'occasion. D'ailleurs, je ne comprends pas plus le jargon des avocats que celui des médecins. Je saisis toutefois l'objet du projet de loi et, pour cette raison, je félicite le ministre.

Comme mon collègue l'a dit, nous sommes confrontés à un dilemme.

J'espère que mon discours traduira bien les opinions des Canadiens ordinaires, car il y a déjà un certain temps que je les entends parler de cette question. Dans la vie courante, nous avons l'habitude de tenir des choses pour acquises.

(1320)

Par exemple, si l'on me dit qu'un crime est commis par une personne en état d'intoxication, je tiens immédiatement pour acquis qu'elle sera accusée et probablement condamnée. Toutefois, quand j'ai appris qu'une personne ne pouvait être condamnée, sous prétexte qu'elle était ivre au moment du crime, je n'en croyais pas mes oreilles. Jamais je n'aurais imaginé que l'ivresse pouvait constituer une défense acceptable. J'ai commencé à me demander comment cela était possible. Qui aurait pu penser un jour que le fait d'être ivre pourrait excuser un crime?

Dans la vie que je menais avant de devenir député, j'ai souvent eu l'occasion d'aider des gens qui éprouvaient des difficultés familiales générales et spécifiques. Dans environ 90 p. 100 des cas, l'alcool était un facteur qui contribuait à la violence familiale. Autrement dit, la violence physique n'aurait pas eu lieu si l'agresseur avait été sobre.

Comme les tribunaux décident maintenant que l'ivresse peut constituer une défense, tous nos efforts pour éliminer la violence conjugale et le mauvais traitement des enfants ne mènent à rien. On n'a qu'à invoquer l'état d'ivresse pour être déclaré innocent. Existe-t-il une situation plus ridicule?

Les lois doivent protéger la population. Je trouve incroyable que des être humains normaux décident que l'état d'ivresse constitue un moyen de défense. Si cette situation est attribuable au libellé des lois ou de la Charte des droits et libertés, pour l'amour du ciel, corrigeons-la.

J'appuie totalement les efforts que le ministre de la Justice a déployés pour rédiger ce projet de loi, afin de remédier à la situation. J'encourage tous les députés à l'appuyer à fond de telle sorte que tous les juges de notre pays comprennent que, de l'avis des législateurs du Canada, on ne devrait jamais pouvoir invoquer l'état d'ébriété avancé comme moyen de défense à l'égard d'une activité criminelle. La meilleure façon de leur faire comprendre cela, c'est en appuyant tous ce projet de loi, et le plus tôt sera le mieux.

En tant que députés, nous avons la responsabilité de répondre aux préoccupations de nos électeurs. Ici, à la Chambre des communes, nous avons la responsabilité de promulguer la loi que réclament nos électeurs. Par conséquent, la Cour suprême devrait écouter les Canadiens et les parlementaires lorsque vient le temps de faire la différence entre ce qui est la loi et ce qui est légal.


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Aucun député ne peut dire que les Canadiens approuvent la décision de la Cour suprême de faire de l'état d'ébriété avancée une excuse pour se livrer à la violence ou pour faire des gestes qui enlèvent à quelqu'un sa dignité personnelle. À l'inverse, aucun Canadien ne peut comprendre que la Cour suprême tolère que l'intoxication volontaire extrême ou la consommation volon-taire de grandes quantités de boisson alcoolisée puisse excuser un criminel de tous les gestes qu'il aura commis en état d'ébriété.

Il est temps de forcer la Cour suprême à décider si elle continuera à faire la loi en vase clos ou si elle rendra des jugements qui répondent aux voeux de la population. Il est temps de faire comprendre à la Cour suprême que les jugements qui ne seront pas approuvés par le Parlement ni par les Canadiens seront modifiés. On peut lui faire comprendre cela dès aujourd'hui. Nous n'avons pas besoin d'attendre d'avoir réuni des preuves pour ou contre l'intoxication extrême en tant que moyen de défense pour la perpétration d'un crime.

Tous les Canadiens veulent que les personnes qui se mettent dans un état d'intoxication extrême soient tenues responsables de leurs crimes. Tous les députés se sont dits scandalisés d'entendre que l'intoxication volontaire extrême puisse être invoquée comme moyen de défense à l'égard d'un acte criminel. Tout le monde comprend, sauf la Cour suprême, semble-t-il, qu'une certaine responsabilité doit être acceptée pour un délit criminel commis de son plein gré.

Faisons passer le message aux Canadiens que ce sont les parlementaires qui les représentent qui déterminent ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est légal et ce qui doit être puni.

Le ministre de la Justice veut renvoyer ceci au comité afin d'avoir plus de raisons de mettre en oeuvre ce projet de loi. C'est à peu près ce qu'il a dit, je crois. Le projet de loi trouve sa justification dans les protestations des Canadiens contre des décisions rendues récemment par des tribunaux du Canada dans des affaires mettant l'ivresse en cause. Tous, ici, nous avons entendu ces protestations. À mon avis, l'opinion publique canadienne nous donne les justifications nécessaires pour adopter ce projet de loi.

(1325)

Par conséquent, je demande le consentement unanime pour présenter la motion suivante:

Que le projet de loi C-72, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire), soit non seulement lu pour la deuxième fois maintenant, mais qu'il soit ensuite renvoyé au comité plénier et adopté en troisième lecture plus tard aujourd'hui.
Je demande cela pour que tous les Canadiens et tous les parlementaires fassent savoir clairement que personne n'acceptera que l'intoxication extrême et volontaire soit invoquée par un individu pour se dégager de sa responsabilité dans des actes criminels. Nous ferions aussi savoir que ce sont tous les Canadiens, et non pas uniquement un petit groupe de personnes nommées à leur poste, qui ont pris cette décision.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Une voix: Non.

M. Rock: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je vais expliquer brièvement pourquoi je ne souscris pas à la proposition du député de Wild Rose.

Le gouvernement envisage la possibilité de renvoyer ce projet de loi à la Cour suprême du Canada pour qu'elle se prononce sur sa validité constitutionnelle avant que son entrée en vigueur ne soit proclamée. Nous ne le ferons peut-être pas, mais c'est une possibilité que nous envisageons. Que nous le fassions ou non, la validité de cette loi pourra être contestée à un moment ou à un autre, et les tribunaux pourront en être saisis, y compris la Cour suprême du Canada.

Si un tribunal est saisi de la question, il est très important qu'il examine non seulement la loi, mais aussi les raisons qui ont amené le Parlement du Canada à aborder le problème de cette façon.

Quand ce projet de loi sera renvoyé à un comité, nous avons l'intention de convoquer des témoins qui pourront traiter de la nature. . .

M. Stinson: Combien de temps cela va-t-il durer?

M. Rock: Monsieur le Président, ce ne sera pas long.

Le président suppléant (M. Kilger): J'hésite à interrompre l'intervention. Je ne veux pas diminuer l'importance de la question pour les députés de part et d'autre de cette Chambre, mais je ne veux vraiment pas que la Chambre s'engage dans un débat sur ce qui se voulait un recours au Règlement, même si ce recours semble être devenu davantage un éclaircissement devant mener à un débat.

Je crois savoir qu'il y a eu des négociations entre les partis et qu'un accord a été conclu. Maintenant, à la suite de la dernière intervention du député de Wild Rose, la Chambre a été saisie d'une motion. Le consentement unanime a été demandé et il a été refusé.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer le projet de loi C-72. Je voudrais féliciter le ministre de la Justice d'avoir répondu rapidement à la décision de la Cour suprême à ce sujet.

Cette question préoccupe tous les Canadiens. Il est clair que c'est un problème qu'on a relevé dans le système de justice pénale. Il convient que le ministre intervienne, comme il l'a signalé, pour éviter qu'une personne puisse invoquer l'intoxication volontaire comme moyen de défense.

Je pense qu'il est bon également que le ministre examine la meilleure façon d'inscrire cette mesure dans notre système de justice pénale. Il serait irresponsable de ne pas songer aux répercussions constitutionnelles de cette proposition.

(1330)

Comme nous le savons tous, les Canadiens s'inquiètent de plus en plus de leur propre sécurité, ainsi que de celle de leur famille et de leur collectivité. Depuis quelques années, ils doutent de l'efficacité du système de justice pénale pour réduire la criminalité


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et ils exigent de plus en plus que le gouvernement prenne des mesures pour remédier à cette situation.

À l'instar de mon parti, je crois fermement que la société devrait adopter des mesures très fermes contre les crimes violents et ceux qui les commettent. Je suis aussi persuadé que nous devons équilibrer cette façon de procéder en mettant en oeuvre des programmes efficaces pour prévenir les crimes. Nous devons être sévères à l'égard des criminels, mais nous attaquer également avec vigueur aux causes de la criminalité.

Il est vrai que les Canadiens doivent avoir le sentiment que les tribunaux vont punir, comme il se doit, les gens qui commettent des crimes violents, peu importe la raison. Grâce à ce projet de loi, on évitera que quelqu'un puisse, comme certains le craignent, invoquer l'intoxication pour éviter d'être condamné pour un crime violent. Il faut que la peine soit proportionnelle au crime.

Malheureusement, c'est une réaction instinctive qui ne règle pas vraiment le problème. Par expérience, nous savons que le fait d'élargir le système d'incarcération, de consacrer davantage d'argent aux tribunaux et aux prisons et, enfin, d'adopter de plus en plus de lois pour punir un plus grand nombre de personnes a peu de répercussions constructives sur le sentiment global de sécurité des gens et sur la criminalité dans son ensemble.

Le ministre de la Justice a récemment signalé ce problème. Il a précisé que ce n'était pas en construisant davantage de prisons, en y enfermant des criminels et en s'assurant qu'ils n'en sortent pas qu'on pourrait résoudre les problèmes de criminalité du Canada. Dans un discours devant l'Empire Club de Toronto, il a également dit que, à son avis, il fallait aller au-delà des slogans et s'attaquer au fond de la question pour privilégier la logique aux beaux discours.

Il a ajouté: «Pour que la prévention du crime porte fruit, il faut un effort de collaboration entre les organismes d'application de la loi, les organismes sociaux, le système d'éducation, les travailleurs communautaires et les professionnels de la santé. L'objectif, c'est la prévention des actes criminels. Pour ce qui est de rendre les rues plus sûres, l'alphabétisation joue un rôle très important, comme les lois, les droits de la personne et les niveaux de vie.»

«Prévenir le crime, c'est reconnaître qu'il existe un lien entre le taux de criminalité et le taux de chômage, entre la possibilité qu'ont les enfants de regarder quantité de films ultraviolents et leurs comportements vis-à-vis les uns les autres et, enfin, entre la conduite des enfants à l'école et l'occasion qui leur est offerte de prendre un repas chaud.»

Le ministre de la Justice a tout à fait raison de lier les causes de la criminalité au niveau de l'activité criminelle qui préoccupe tellement bon nombre de personnes.

Avant d'entrer dans le détail, j'aimerais toucher un mot de ce moyen de défense. Tout le monde connaît le cas d'Henri Daviault qui a bu 40 onces de brandy et sept ou huit bières avant de violer une dame de 64 ans, partiellement paralysée, un acte totalement répréhensible que tout honnête citoyen jugerait on ne peut plus dégoûtant.

Quant à Carl Blair, il a bu 40 onces de rye, 40 onces de vodka et une grande quantité de bières, puis a battu violemment sa femme. Chose sûre, on ne saurait tolérer ce genre de conduite. Nous devons user de tous les moyens à notre disposition pour remédier à cette situation.

Une des choses que nous pouvons faire, une des choses qui est à notre portée, c'est de faire en sorte que l'ivresse ne puisse pas servir d'excuse à un comportement violent et qu'on ne puisse pas y avoir recours pour éviter une peine, lorsqu'on a commis des actes aussi répréhensibles.

Il nous faut nous demander ce qui est à l'origine de cette activité, ce qui explique ce mépris des droits de la femme et pourquoi on commet de tels gestes. Nous savons, d'après les rapports que le Comité permanent de la justice et du solliciteur général a faits sur la prévention du crime au Canada, que le comité et les personnes représentées soutiennent que l'identification des criminels et l'imposition de peines ne suffisent pas pour réduire les risques futurs de représailles et accroître la sécurité des collectivités.

Au cours de la dernière décennie, nous avons vu les États-Unis et certains États de ce pays dépenser plus que jamais pour avoir plus de juges et plus de prisons. En fait, la construction de prisons constitue la plus importante industrie de certains États. Pourtant, tout comme ici, les citoyens disent qu'ils continuent de craindre, et de plus en plus, la perpétration de crimes dans leurs collectivités. De toute évidence, on ne peut pas considérer le fait de consacrer plus d'argent à l'imposition de peines et à l'incarcération comme la solution complète aux préoccupations que les Canadiens ont à propos de leur système judiciaire et de la sécurité dans leurs collectivités. On ne peut pas considérer cela comme la solution au problème de l'activité criminelle que nous connaissons. Même si la peine doit être proportionnelle au crime, nous devons aussi chercher à éliminer les conditions qui amènent des individus à enfreindre les lois. Nous devons trouver des moyens novateurs, efficaces et rentables de traiter les causes de la criminalité.

(1335)

Au Canada et dans nos collectivités, on reconnaît de plus en plus que pour réduire la criminalité, il faut des programmes qui s'attaquent aux causes mêmes de la criminalité, comme le ministre de la Justice l'a déclaré récemment dans le discours qu'il prononçait devant l'Empire Club. Tout porte à croire qu'il y a un lien très fort entre les conditions socio-économiques et la criminalité et, en fait, le ministre l'a reconnu. Au cours de leurs nombreuses audiences, les comités de la Chambre ont reconnu que le chômage, la pauvreté, les abus physiques et sexuels, l'analphabétisme, des logements inhabitables, et l'inégalité sociale et économique comptent parmi les principales causes de la criminalité.

Les conditions sociales et économiques qui favorisent l'éclosion d'un comportement criminel sont évidemment complexes. Toutefois, une bonne stratégie communautaire consisterait à regarder bien au-delà du système judiciaire, bien au-delà du système pénal, afin d'amener tous les ordres de gouvernement et divers groupes communautaires à trouver des solutions véritables à ces problèmes bien réels.

Pour trouver des solutions, il faudra reconnaître que la politique d'emploi, la politique en matière d'éducation, la politique familiale, la politique concernant les jeunes et la politique en matière de santé doivent toutes être comprises dans le contexte de leur incidence sur la criminalité. Nous savons qu'il y a clairement un rapport entre des conditions économiques


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médiocres, le chômage et la criminalité. Les unes après les autres, des études le démontrent et indiquent la voie à suivre pour décourager les activités criminelles dans notre pays.

Bref, il ne suffit pas de réagir à la criminalité. Il en coûte des milliards de dollars par année aux contribuables canadiens pour arrêter, poursuivre, condamner, incarcérer et traiter les délinquants. Bien que ces mesures soient importantes et qu'il faille châtier la criminalité et les criminels, elles demeureront inefficaces tant qu'elles n'iront pas de pair avec des mesures de prévention à long terme, tant qu'on ne trouvera pas non plus des solutions à long terme aux causes de la criminalité.

La prévention de la criminalité par le développement social suppose des interventions positives dans la vie des personnes défavorisées et négligées afin de diminuer l'incidence des comportements déviants. Cette démarche vise à réduire la criminalité et à créer des collectivités sûres en s'attaquant aux conditions sociales et économiques qui engendrent la criminalité.

Aborder de manière fragmentaire, comme le gouvernement le fait présentement, les problèmes qui se posent dans notre pays en matière criminelle et les difficultés auxquelles nous faisons face dans notre système de justice pénale ne constitue tout simplement pas la solution. Le gouvernement s'occupe effectivement du problème de l'intoxication invoquée comme moyen de défense. En cela, il ne fait cependant que réagir aux pressions publiques suscitées par les jugements de la Cour suprême du Canada.

Il ne s'agit pas d'une approche planifiée pour lutter efficacement contre la criminalité dans nos villes. Il existe peut-être des divergences d'opinions quant à la façon de nous attaquer au problème, mais le gouvernement a clairement besoin d'une approche holistique, de grande envergure et globale au problème de la justice pénale. Comme en toutes choses, nous devons nous concentrer sur la prévention au lieu de ramasser simplement les morceaux après coup. Si nous voulons observer un contraste, nous n'avons qu'à voir ce qui se passe aux États-Unis, chez nos voisins du sud. Si nous ne nous attaquons pas aux causes de la criminalité, nous refléterons sans cesse plus fidèlement les tragiques situations socio-économiques et criminelles qui y existent.

Tandis que le ministre de la Justice propose quelques mesures utiles bien que fragmentaires comme celle-ci pour remédier aux problèmes relatifs au système canadien de justice pénale, le gouvernement s'en prend aux programmes mêmes qui nous aideraient à nous attaquer sérieusement aux causes de la criminalité. L'attaque du gouvernement libéral contre les programmes sociaux ne pourra que faire grandir le sentiment d'insécurité dans nos villes et accroître les causes de la criminalité.

Nous avons observé cette tendance au fil des années chez le gouvernement précédent. Le gouvernement actuel se livre, de façon encore plus agressive, à la même attaque contre les programmes sociaux, et il en résultera une exacerbation des tensions dans nos villes, qui y feront à leur tour augmenter la criminalité.

Il y a deux choses que le gouvernement doit faire. Il doit tout d'abord adopter une approche globale, et non fragmentaire, en matière de justice pénale. Les Canadiens méritent de voir un plan, une certaine vision, un certain effort à long terme, pour voir où le système judiciaire devrait aller. Ce plan doit être fondé sur une opinion informée, non sur les réactions du public à l'égard de préoccupations particulières. Il est inacceptable de réagir simplement aux pressions publiques à l'égard de problèmes particuliers. Le gouvernement doit s'attaquer sérieusement aux causes de la criminalité aussi bien qu'à la criminalité elle-même.

(1340)

Deuxièmement, il doit cesser de miner les programmes mêmes qui servent à prévenir la criminalité. Avec son attaque néo-conservatrice contre les programmes sociaux, le Canada ne peut que perdre la guerre à la criminalité. Le Canada et les Canadiens méritent mieux que ça.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

* * *

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

Le Chambre passe à l'étude du projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet de l'admissibilité, sur le plan de la procédure, de la motion no 4 inscrite au nom du député de Bellechasse, motion qui vise à modifier l'article 16 du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

Je suis conscient que Votre Honneur est sur le point de rendre une décision sur la recevabilité d'un certain nombre de propositions d'amendement. Je voudrais néanmoins dire un mot de celle-ci parce que, à mon avis, elle n'est pas conforme aux coutumes de la Chambre.

L'amendement, s'il était accepté par la Chambre, modifierait le mode de calcul du nombre de sièges attribués à chaque province aux termes de la Loi constitutionnelle, ce qui est préoccupant, car il n'est pas question, dans les modifications dont la Chambre est saisie


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au moyen du projet de loi C-69, de réviser la Loi constitutionnelle elle-même.

Le projet de loi, dont le principe a été approuvé par la Chambre à l'étape de la deuxième lecture, n'a rien à voir avec le calcul du nombre de sièges de chaque province. Il porte uniquement sur l'établissement des limites des circonscriptions, à l'intérieur de chaque province, une fois le calcul fait aux termes de l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867. La Loi constitutionnelle aurait pu être modifiée par le projet de loi C-69 soumis à la Chambre, mais ce n'est pas le cas.

Si vous me permettez de rappeler les origines de ce projet de loi, Votre Honneur, vous vous souviendrez sans doute que la Chambre a été saisie d'une motion enjoignant au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre d'entreprendre une étude de diverses questions mentionnées dans la motion et comprenant, au besoin, un examen de l'article 51 de la Loi constitutionnelle, relativement à la répartition des sièges parmi les provinces.

Le comité a fait cette étude et a déposé à la Chambre un rapport contenant un avant-projet de loi. Celui-ci ne faisait nullement mention de l'article 51 de la Loi constitutionnelle. À la suite d'une motion d'adoption du rapport du comité, le gouvernement a déposé le projet de loi C-69, qui ne fait pas mention non plus de l'article 51 de la Loi constitutionnelle.

En proposant cette motion, le député nous donne maintenant la possibilité d'apporter des modifications à d'autres lois qui, selon moi, n'ont rien à voir avec le principe de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales dont la Chambre est actuellement saisie. Il s'agit d'une toute nouvelle loi qui traite de la révision des limites des circonscriptions électorales et non pas de l'attribution de sièges aux provinces, une question tout à fait différente qui est traitée dans une autre loi et qui a toujours été traitée dans une loi différente.

En proposant cet amendement, le député de Bellechasse tente de faire modifier subrepticement l'article 51 de la Loi constitutionnelle. L'auteur de l'amendement a utilisé l'expression «par dérogation à», mais cela ne le tire pas d'affaire pour autant. Il tente ainsi de changer une autre loi qui ne peut absolument pas être modifiée par le projet de loi C-69 dont la Chambre a accepté le principe à l'étape de la deuxième lecture.

L'amendement va au-delà du principe du projet de loi accepté au moment de la deuxième lecture et il met en cause une question entièrement différente qui n'est pas visée dans le projet de loi dont la Chambre est saisie.

(1345)

J'aimerais citer à la Chambre le commentaire 698 de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne. Le commentaire dit notamment ceci:

Il est interdit au président du comité de recevoir un amendement:
1) s'il ne se rapporte pas au projet de loi, s'il en dépasse la portée, s'il s'inspire ou dépend d'amendements déjà rejetés;
8)a) s'il vise à modifier un texte législatif dont le comité n'est pas saisi;
Il y a diverses références à l'appui de chacun de ces commentaires.

Monsieur le Président, je crois que si cet amendement avait été proposé lors de l'étude en comité, après la deuxième lecture du projet de loi-c'est-à-dire non pas durant son étude préliminaire, son étude proprement dite ni celle de l'avant-projet de loi-je n'aurais eu d'autre choix, à titre de président du comité, que de le déclarer irrecevable, car à mon avis, il dépasse la portée du projet de loi.

Il convient de souligner que le recours à l'expression «par dérogation à» pour tenter de faire modifier en douce une loi dont la Chambre n'est pas saisie n'est pas une tactique nouvelle, ni une tactique qui soit acceptée par la Chambre.

Dans le passé, des gouvernements ont parfois été rappelés à l'ordre parce qu'ils essayaient de légiférer par l'entremise du budget. Il était en effet inacceptable que des mesures législatives autres que des lois de crédits soient modifiées par l'ajout de mots ou d'éléments dans le budget. L'une des façons le plus fréquemment utilisées pour cela était d'insérer des mots comme «Sous réserve de telle ou telle loi, ce qui suit sera fait ou non, le cas échéant».

J'ai vérifié les précédents. Le 10 mars 1971, aux pages 4126 et 4127 du hansard, le Président Lamoureux a rendu une décision au sujet du budget des dépenses supplémentaires (C) pour l'exercice prenant fin le 31 mars 1971. Cette décision portait sur une motion présentée par le président du Conseil privé, M. MacEachen, pour le renvoi dudit budget des dépenses supplémentaires à un comité. Le Président Lamoureux a jugé que la Chambre n'avait pas été saisie comme il convient de dépenses supplémentaires parce que celles-ci visaient à modifier des lois au moyen du processus budgétaire, ce qui allait donc au-delà de ce que pouvait faire un budget des dépenses.

Les mots utilisés dans le budget sont semblables à ceux qui sont utilisés dans l'amendement. Comme le Président Lamoureux l'a fait remarquer à la page 4126:

Examinons, si vous le voulez bien, les postes que signalent les députés: le premier est le crédit 35c, qui propose d'amender la Loi sur les pensions et la Loi sur les pensions et allocations de guerre pour les civils. Le crédit vise à abroger les annexes A et B de la Loi sur les pensions et de leur substituer les nouvelles annexes A et B qu'on trouve au crédit 35c.
Je pourrais continuer, mais ce n'est pas nécessaire de tout lire. Mais remarquez le raisonnement du Président. Il a estimé que le crédit proposait de modifier des lois; or, il est évident que ces lois n'étaient pas devant le Parlement à des fins de modification. Le Président a estimé, à bon droit d'après moi, que cette pratique consistant à modifier une loi à l'aide d'un crédit allait à l'encontre du Règlement. Il a rendu la décision suivante à la page 4127: «Toutefois, en ce qui concerne les postes 35C et 10C, je dois forcément conclure, vu la situation créée par le nouveau Règlement, que la Chambre n'en est pas saisie comme il convient.» Par conséquent, il a refusé que les postes en cause soient renvoyés au comité.

Monsieur le Président, si c'est l'opinion qui prévalait alors, j'estime qu'elle doit aussi s'appliquer dans le cas présent, car l'amendement que le député de Bellechasse propose d'apporter au


11052

projet de loi vise à modifier l'article 51 de la Loi constitutionnelle par l'insertion de l'expression «par dérogation à».

Bien des Présidents qui se sont déjà prononcés sur cette pratique l'ont jugée inacceptable parce que l'expression «par dérogation à» n'empêchait pas de voir le véritable but recherché, qui était de modifier une autre loi non visée par le processus d'examen des prévisions budgétaires. La même règle doit s'appliquer dans le cas de la loi actuelle.

Le projet de loi C-69 ne peut modifier les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867. L'expression «par dérogation à» ne peut occulter le fait que le seul but de la proposition d'amendement est de modifier les dispositions d'une autre loi qui, en vérité, n'est pas visée par le projet de loi et qui, par conséquent, n'est pas pertinente à la proposition d'amendement.

J'invite Son Honneur le Président à déclarer que l'amendement est irrecevable et que la Chambre n'en est pas dûment saisie.

(1350)

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la parole sur ce recours au Règlement soulevé par l'honorable député de Kingston et les Îles.

Lorsqu'on lit la motion no 4, qui est imprimée au Feuilleton des avis, on voit qu'elle est en corrélation directe avec l'article 16 du projet de loi C-69. Elle est tellement en relation avec cet article que, lorsqu'on regarde au paragraphe 16.(2), on lit actuellement:

(2) Dès qu'il reçoit l'état visé au pragraphe (1) concernant un recensement décennal, le directeur général des élections procède au calcul du nombre desièges de député à attribuer à chaque province, compte tenu des règles del'article 51 de la Loi consitutionnelle de 1867.
Et là, vient se greffer l'amendement qui est au Feuilleton et que j'ai proposé.

Or, au paragraphe 16.(2), lorsqu'on parle de l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, à quoi fait-on référence? On ne fait pas référence au texte adopté par le Parlement de Westminster en 1867 par la Loi impériale qui a établi la forme fédérative de constitution dans laquelle nous vivons.

L'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, tel qu'on en parle au paragraphe 16.(2) du projet de loi qui est devant nous, le projet de loi C-69, fait référence à une loi qui a été adoptée par ce Parlement et qui a été sanctionnée le 4 mars 1986. Et le Parlement fédéral du Canada, agissant seul, sous l'autorité de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 a établi, effectivement, les dispositions de l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Avec votre permission, je déposerai la Loi de 1986, le chapitre 8 des Lois de 1986, pour vous montrer de quelle façon a été introduit le nouvel article 51 qui fait partie d'une loi qui s'intitule: Loi de 1985 sur la représentation électorale. On ne peut pas être plus dans le sujet, lorsqu'on parle de redistribution électorale, que de fixer une règle cardinale qui va s'appliquer au tout début de ce qui va gouverner les provinces, lorsqu'on dit à l'officier ou au directeur général du scrutin: Vous devrez tenir compte qu'avant de faire toute autre distribution 25 p. 100 des sièges devront être attribués au Québec. C'est dans le même esprit que l'amendement d'aujourd'hui a été fait.

D'ailleurs, pour éclairer davantage nos lanternes respectives, la Loi de 1985 sur la représentation électorale a été contestée devant nos tribunaux. Elle a été contestée dans la cause Campbell c. Attorney General of Canada- rapportée dans 1988, 49 Dominion Law Report, 4e édition, p. 321-où la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, exceptionnellement composée d'un banc de cinq juges a statué: «Que le Parlement fédéral avait toute l'autorité pour voter la loi précitée en 1985, qu'il n'avait pas besoin de l'appui des provinces, que le critère de proportionnalité dans la représentation devait se comprendre dans la dynamique canadienne de la proportionnalité, là où il y avait des clauses sénatoriales, là où on avait fait des déviations et que ce projet de loi-là, et que cette loi-là, même à l'époque, ne touchait pas le caractère de la proportionnalité». C'est une opinion fort intéressante de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

Maintenant, qu'en est-il de la façon dont nous avons à traiter avec ce projet de loi? L'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui prévoit des modifications à nos lois se lit comme suit: «Sous réserve des articles 41 et 42, c'est-à-dire là où le consentement des provinces est requis, le Parlement, donc nous, a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.» Nous sommes, comme la cause Campbell le rappelle, en plein dans la sphère de compétence fédérale. L'article 44 ne privilégie pas de procédure. Contrairement aux autres modifications qui peuvent être apportées avec l'appui des provinces, je rappellerai que dans ce cas-ci on peut, par projet de loi, modifier les dispositions pertinentes.

(1355)

Lorsque, tout simplement, je propose une modification qui fait référence à la Loi constitutionnelle de 1867, je suis tout à fait, comme l'était le législateur en 1985 lorsqu'il a adopté la Loi sur la redistribution de 1985, dans la pertinence du débat. Je vous soumets respectueusement que l'amendement que j'ai présenté est tout à fait recevable à ce stade-ci.

Tout ce qu'on fixe, c'est un critère fondamental et dans un projet de loi de redistribution, on en fixe beaucoup d'autres critères fondamentaux, critères pour les commissions de pouvoir déroger du facteur de déviation, plus ou moins 25 p. 100, et critères de pouvoir tenir compte de circonstances spéciales pour l'établissement de certaines circonscriptions. L'établissement d'un critère additionnel, qui serait de garantir 25 p. 100 des sièges pour le Québec, est, je vous le soumets respectueusement, monsieur le Président, une autre règle qui s'ajoute au projet de loi et qui le rend plus complet. Je vous soumets respectueusement le tout, monsieur le Président.

M. Milliken: Monsieur le Président, pour clarifier la situation, je suis tout à fait d'accord avec ce que l'honorable député a dit concernant la compétence du Parlement du Canada d'amender la loi, comme il l'a décrit, et d'amender la section de la Loi constitutionnelle dont nous avons discuté.

11053

Mais le problème, à mon avis, c'est qu'il n'est pas possible de le faire sans que le gouvernement n'ait inclus un tel article dans le projet de loi, avant la deuxième lecture. C'est le problème que nous avons aujourd'hui. Il n'y a pas de changement à la Loi constitutionnelle dans le projet de loi C-69. Alors, l'honorable député, par amendement, ne peut pas proposer un tel amendement à ce projet de loi. Il doit le faire par un autre projet de loi qui n'est pas aujourd'hui devant la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Une courte intervention de l'honorable député de Bellechasse, parce que je ne veux pas entamer un débat.

M. Langlois: Monsieur le Président, je serai très bref. Lorsque, dans le projet de loi, on se réfère à l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 tel qu'adopté en 1986, la modification adoptée en 1986, et on dit que cette loi-on ne change pas cette disposition-on dit tout simplement «cette disposition, pour les fins du projet de loi C-69, doit s'interpréter de telle façon.» Cela conclut mes remarques.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. J'ai écouté attentivement les représentations de l'honorable secrétaire parlementaire et de l'honorable député de Bellechasse en ce qui concerne le projet de loi C-69 et particulièrement la motion no 4. Je vais prendre en délibéré l'argumentation faite par les deux députés sur la motion no 4.

[Traduction]

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais aussi signaler à la Chambre la décision de la présidence au sujet du projet de loi C-69.

Sept motions et amendements sont inscrits au Feuilleton à l'étape du rapport du projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales.

[Français]

La motion numéro 6 a été retirée. Les motions numéros 1, 2, 3, 5 et 7 seront groupées pour les fins du débat. Le vote sur la motion numéro 1 s'appliquera aux motions numéros 2, 3, 5 et 7.

[Traduction]

Avant de proposer les motions nos 1, 2, 3, 5 et 7 à l'examen de la Chambre, je présume que le Président voudra passer à la prochaine question à l'ordre du jour et aborder le projet de loi C-69 après la période des questions.

[Français]

Le Président: Chers collègues, comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, nous procéderons maintenant aux déclarations de députés conformément à l'article 31 du Règlement.


11053

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ÉDUCATION

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, dans le cadre de la récente reprise, on a créé 433 000 emplois au Canada. Cependant, en étudiant de plus près la situation, on s'aperçoit que ce chiffre cache un problème très inquiétant.

Le nombre d'emplois offerts aux jeunes qui sont titulaires d'un diplôme universitaire a augmenté de 25 p. 100. La proportion était de 14 p. 100 dans le cas de ceux qui avaient poursuivi leurs études après l'école secondaire, mais s'ils ne s'étaient pas rendus jusqu'à l'université.

Cependant, le nombre de débouchés pour ceux qui n'avaient qu'un diplôme d'études secondaires a baissé de 23 p. 100. Ainsi, il est très important que tous les Canadiens fassent tout en leur pouvoir pour encourager nos jeunes à continuer leurs études.

Le taux national de décrochage au niveau secondaire est de 18 p. 100. C'est inacceptable pour les Canadiens! J'exhorte tous les députés à faire ce qu'ils peuvent pour s'attaquer à ce problème très grave. Comme nous le savons tous, en investissant aujourd'hui dans nos jeunes, on investit dans l'avenir de tous les Canadiens.

* * *

[Français]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, après avoir effectué des coupures de 5,5 milliards de dollars sur le dos des chômeurs, en 1994-1995, et d'au moins 700 millions de dollars dans le dernier Budget, le gouvernement continue de s'acharner sur les chômeurs en embauchant 600 nouveaux enquêteurs pour les dossiers d'assurance-chômage.

À la lumière des coupures effectuées dans l'assurance-chômage par ce gouvernement, nous avons appris que le nouveau credo des libéraux en matière de création d'emplois est de considérer les chômeurs comme des paresseux. Maintenant, le gouvernement les prend pour des fraudeurs.

Pendant ce temps, les mesures prises par le gouvernement pour recouvrer les 6,6 milliards de dollars d'impôts impayés sont insuffisantes pour redresser la situation. Pendant que les banques réalisent des profits de plus de 5 milliards de dollars, le gouvernement leur demande, supposément, de faire leur part en payant des impôts temporaires de 100 millions de dollars. Décidément, les priorités du gouvernement sont plus que discutables.

* * *

[Traduction]

LES ARTS

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est certes un grand jour pour les habitants de Calgary. Hier, Jan Arden, de Calgary, a raflé les Juno, remportant ce prix dans trois catégories, soit celles de l'auteure-


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compositeure de l'année, du 45-tours de l'année et de l'interprète féminine de l'année. L'excellence artistique que personnifie Jan Arden représente bien le calibre remarquable des arts au Canada. À l'avenir, les artistes canadiens pourront remporter des succès sans borne.

Un autre groupe destiné à une belle réussite vient de Terre-Neuve, une province qui nous a donné plus que sa juste part de vedettes canadiennes. Artistic Fraud, de Terre-Neuve, est une compagnie théâtrale qui cherche à recueillir des fonds pour aller présenter sa pièce au Fringe Festival d'Édimbourg.

Au lieu de chercher à obtenir l'appui financier du gouvernement, elle essaie de recueillir des fonds auprès du secteur privé. David Somers, un porte-parole de la compagnie, a déclaré qu'il n'était pas sous l'impression qu'on devait quoi que ce soit aux membres de la troupe, en tant qu'acteurs ou gens de théâtre. Il a ajouté qu'il revenait à la communauté artistique même d'assurer sa survie et que les entreprises finançaient des pièces depuis l'époque de Shakespeare et probablement avant.

Avec une attitude comme celle-là, on sait que ce groupe sera une belle réussite. C'est un grand jour pour les Terre-Neuviens, les Calgariens et tous les Canadiens, de St. John's à Victoria.

* * *

LA CROIX-ROUGE

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens sont fiers de célébrer le Mois de la Croix-Rouge en mars. Depuis près d'un siècle, la Société canadienne de la Croix-Rouge a travaillé d'arrache-pied pour prévenir et atténuer les souffrances humaines un peu partout au Canada et dans le monde.

La Croix-Rouge affiche un excellent bilan d'aide à ceux qui sont le plus dans le besoin. Elle dispense des secours d'urgence à des pays étrangers dévastés par les guerres ou les catastrophes naturelles, vient en aide aux victimes d'incendies de maisons et d'autres tragédies, enseigne la prévention et la sécurité dans le cadre de programmes de secourisme et de sécurité nautique et assure un bon approvisionnement de sang à l'ensemble des Canadiens.

[Français]

L'an dernier, la direction de Condition physique Canada a fourni 95 000 $ aux services de sécurité aquatique, ainsi que 51 000 $ aux programmes de conditionnement physique pour les aînés.

[Traduction]

J'invite mes collègues à se joindre à moi pour reconnaître l'apport des deux millions de bénévoles canadiens qui donnent régulièrement du sang et appuient les programmes et services de la Croix-Rouge canadienne. Nous vous souhaitons un très beau Mois de la Croix-Rouge.

* * *

LE CHAMPIONNAT NATIONAL DE HOCKEY FÉMININ

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais souligner le travail et le dévouement exceptionnels des organisatrices du 14e championnat annuel national de hockey féminin. Cette manifestation a eu lieu le week-end dernier à Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard.

L'équipe gagnante du Québec a remporté le titre de championne nationale. Les Québécoises sont sorties victorieuses après trois jours de compétition intense et de fort calibre, encore que j'ignore si elles ont livré concurrence à une équipe de Terre-Neuve.

Quoi qu'il en soit, le hockey féminin a connu une croissance remarquable ces 10 dernières années. Aujourd'hui, plus de 15 000 filles et femmes pratiquent ce sport dans le cadre de compétitions, si bien que, d'année en année, la réserve de talents s'accroît, ce qui a valu au Canada trois titres de championnat mondial.

Nous sommes maintenant impatients d'assister aux Jeux olympiques d'hiver de 1998 pour applaudir l'équipe canadienne féminine de hockey, puisque le hockey féminin fait désormais partie du programme des Jeux olympiques.

Félicitations à toutes celles qui ont pris part à ce championnat annuel national qui a eu lieu à l'Île-du-Prince-Édouard.

* * *

(1405)

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, on voit clairement que la fin de l'exercice approche. Partout au pays, des camions remplis de mobilier font la queue devant les bureaux du gouvernement, alors que les fonctionnaires essaient de dépenser jusqu'au dernier sou de leur budget avant le 1er avril. Dans ma circonscription, Hillsborough, comme partout ailleurs, les camions d'entreprises d'ameublement sont arrivés au cours de la fin de semaine pour livrer du mobilier à différents bureaux du gouvernement.

Il n'y aurait pas de problème si les fonctionnaires dépensaient de l'argent qui leur appartenait. Cependant, ils dépensent l'argent des contribuables. Quand une famille a du mal à joindre les deux bouts, elle réduit ses dépenses et retarde l'achat de certaines choses. Le gouvernement, qui a du mal à joindre les deux bouts, devrait lui aussi retarder certains achats, par exemple celui de mobilier. Les contribuables en ont assez de ce gaspillage fou d'argent, chaque année, à la fin de mars.

Comme nous avons pu le lire ce matin dans le Citizen d'Ottawa, la Commission de la capitale nationale a dépensé trois millions de dollars pour l'achat de nouveau mobilier et plus de 300 000 $ pour l'achat de nouveau matériel téléphonique. Les habitants de Hillsborough et du reste du Canada veulent que l'on mette fin à ce gaspillage du gouvernement.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui nous fêtons la Journée mondiale du théâtre. Au Québec, cet événement sera marqué par la présentation de spectacles et de pièces de théâtre auxquels le public est invité à participer en grand nombre.

En cette journée, nous désirons souligner l'importance du théâtre et de ses artisans et artisanes qui font vivre sur scène des


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pièces qui nous bouleversent ou qui nous font rire. Le théâtre nous renvoie une image de la vie, dans ce qu'elle a de plus tragique et dans ce qu'elle a de plus comique.

Le théâtre est aussi une industrie culturelle qui a un impact économique considérable. Il alimente d'autres industries culturelles, comme la télévision et le cinéma, en talents artistiques et en techniciens et techniciennes de toutes les disciplines.

À tous les artisans et à tous les amateurs de théâtre, bonne fête! C'est un autre moment de gloire de votre longue vie. Que le rideau se lève!

* * *

[Traduction]

M. OSCAR NOLL

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, voici ce qu'ont écrit plus de 10 000 Canadiens de la ville de Palmerston, en Ontario, et des environs de cette ville, où Oscar Noll, 82 ans, a été accusé d'agression armée après avoir réussi à se protéger et à protéger ses biens contre les dommages et le vol, à son domicile.

Nous, soussignés, sommes inquiets et choqués que Oscar Noll soit mis en accusation parce qu'il s'est protégé et a protégé ses biens contre des personnes s'étant introduites par effraction à son domicile. Nous estimons qu'il a employé une force raisonnable dans les circonstances et qu'il n'est pas justifié de le punir.
Cette déclaration, de même que l'argent envoyé pour payer la défense d'Oscar Noll montrent clairement que la loi, telle qu'elle est appliquée par les libéraux dans les années 90, n'est pas satisfaisante.

Je voudrais rappeler au gouvernement, surtout au ministre de la Justice, que M. Oscar Noll n'est pas l'auteur du crime, mais qu'il en est la victime. Je prie instamment le gouvernement et le ministre de répondre à ce rappel à l'ordre des Canadiens et de régler ce problème.

* * *

LA DISCRIMINATION RACIALE

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, du 21 au 28 mars se tiendra la Semaine de la solidarité avec les peuples en lutte contre le racisme et la discrimination raciale, sous l'égide des Nations Unies. Cette semaine vise à nous faire penser aux dangers que le manque de tolérance fait planer sur les peuples du monde.

Depuis la fin de la guerre froide, les conflits ethniques et les violations des droits de la personne perpétrées contre les minorités se multiplient dans bien des pays. On peut cependant se réjouir du fait que nous célébrerons le mois prochain le deuxième anniversaire de la fin de l'apartheid et le premier anniversaire des élections démocratiques en Afrique du Sud.

Dans un monde assombri par des conflits ethniques qui divisent les nations, notre pays est un modèle aux yeux du monde entier. En effet, des gens de différentes cultures y vivent et y travaillent ensemble dans la paix, la prospérité et la compréhension. Nous devons toutefois nous rendre compte que bon nombre d'entre nous sont quotidiennement victimes de racisme et de discrimination et qu'il faudra poursuivre sans relâche et avec détermination le travail de sensibilisation pour éliminer ces problèmes de la société canadienne.

Au nom de tous les députés, j'exhorte tous les Canadiens à prendre leurs responsabilités les uns envers les autres et envers toute la société, afin que nous puissions ensemble préserver l'image que renvoie notre pays aux yeux du monde.

* * *

LE PARTI RÉFORMISTE

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens sont fatigués des partis politiques qui ne tiennent pas leurs promesses. À mesure que le Parti réformiste passe à l'action, ils voient un parti qui, comme bien d'autres, manque à ses promesses.

Promesse no 1: Fin du cumul de pension et de traitement. Les faits: Un député de ce parti perçoit une pension d'un gouvernement provincial tandis qu'il siège ici à titre de député.

Promesse no 2: Peines adéquates pour les jeunes contrevenants. Les faits: Les réformistes ont voté contre un projet de loi dont c'était justement le but.

Promesse no 3: Responsabilité financière. Les faits: Leur parti ne maîtrise pas ses propres finances. On a lu dans les journaux que le parti est endetté.

Promesse no 4: Représentation conforme aux voeux de la majorité de leurs électeurs. Les faits: Ils ont voté contre l'enregistrement des armes à feu, même si la majorité des gens appuie cette mesure.

Les partisans des réformistes et tous les Canadiens voient dans les agissements du Parti réformiste toutes leurs promesses brisées. C'est assez pour qu'ils voient rouge.

* * *

(1410)

ÉPILEPSIE CANADA

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Monsieur le Président, mars est le Mois national de l'épilepsie, ce trouble fonctionnel du cerveau qui provoque des pertes de connaissance temporaires. L'épilepsie est caractérisée par des crises, des tremblements incontrôlables, des convulsions et de la confusion.

Plus de 280 000 Canadiens, surtout des jeunes, en sont atteints. Dans plus de 75 p. 100 des cas, la cause est inconnue. De nouveaux médicaments ont été mis au point pour contrôler les crises, mais ils ne guérissent pas et peuvent avoir de graves effets secondaires. De plus, les médicaments actuellement sur le marché ne permettent pas de bien contrôler 40 p. 100 des crises.

Épilepsie Canada est un organisme bénévole qui se dévoue pour aider les personnes atteintes d'épilepsie et leurs familles à surmonter les difficultés liées à ce trouble.

J'invite tous les députés à se joindre à moi pour louer Épilepsie Canada et les efforts de ses nombreux bénévoles. J'invite aussi les députés à promouvoir la recherche médicale pour trouver un remède efficace.


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[Français]

LES RELATIONS DE TRAVAIL

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, les événements des derniers jours ont démontré les nombreuses lacunes des lois fédérales régissant les relations de travail. Les deux lois spéciales imposant le retour au travail, adoptées au cours des deux dernières semaines, constituent les exemples les plus récents des effets pervers de l'archaïsme de la législation fédérale.

Les ministres du gouvernement se camouflent derrière un projet de réforme du Code canadien du travail qui serait actuellement à l'étude. Or, les dispositions antibriseurs de grève sont connues depuis plusieurs années. Le Parti libéral est maintenant élu depuis 17 mois et rien n'a été fait à ce chapitre.

Lorsque vient le temps d'adopter des lois bafouant les droits des travailleurs, le gouvernement sait faire vite, mais lorsqu'il s'agit de corriger des dispositions dont les travailleurs sont victimes, les libéraux se complaisent dans un attentisme inadmissible.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, ce sera tout à l'heure la soirée de la remise des oscars et je voudrais présenter les 10 excuses des libéraux pour avoir préservé le confortable régime de pensions des députés.

(10) N'oubliez pas que nous travaillons les fins de semaine.

(9) La vice-première ministre en aura besoin quand elle démissionnera à cause de son incapacité de respecter sa promesse électorale et d'éliminer la TPS.

(8) Si ce n'était de ce régime, il n'y aurait pas à la Chambre des libéraux de qualité comme la députée de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

(7) C'est le seul engagement à long terme que le gouvernement soit capable de prendre.

(6) De quelle autre manière les libéraux pourraient-ils se payer des soins de santé quand ils atteindront l'âge d'or?

(5) On ne peut quand même pas s'attendre qu'ils comptent sur le Régime de pensions du Canada.

(4) Une fois à la retraite, ils devront payer eux-mêmes leurs voyages.

(3) Il n'y a pas assez de place pour eux tous au Sénat.

(2) À bien y penser, leurs pensions ne représentent pas grand-chose en comparaison de la dette nationale de 550 milliards de dollars.

(1) Le premier ministre aura besoin d'argent pour se loger lorsque le chef du Parti réformiste emménagera au 24, promenade Sussex.

LES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, les personnes qui parlent au nom des moins bien nantis de notre pays et qui connaissent leurs problèmes ont signalé aujourd'hui la volte-face du présent gouvernement libéral en ce qui concerne les programmes sociaux et les soins de santé.

Des compressions de sept milliards de dollars en 1996-1997 et en 1997-1998, par exemple, vont faire plus de mal que ne le laisse entendre le budget et entraîneront d'importantes réductions dans les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et les programmes sociaux et cela, d'un bout à l'autre du Canada. Si ses dépenses continuent à baisser, le gouvernement fédéral n'aura bientôt plus le pouvoir d'assurer l'accessibilité des soins de santé, de l'enseignement postsecondaire et des programmes sociaux. Ce sera la fin de l'assurance-maladie et, avec la fin du RAPC, les provinces n'auront absolument plus à offrir des programmes sociaux.

Les Canadiens n'ont pas voté pour cela. Les libéraux n'ont pas fait campagne pour la destruction totale du filet de sécurité sociale du Canada et les Canadiens ne veulent pas voir leur société s'américaniser davantage, peu importe que cette américanisation soit le fait des conservateurs ou celui des libéraux.

Les nouveaux compagnons de voyage canadiens de Gingrich, soit Ralph Klein, Preston Manning et, maintenant, Jean Chrétien, sont en train de nous ramener à l'époque des années 30. Les Canadiens ont besoin d'un gouvernement qui travaille pour eux et ils méritent d'avoir un gouvernement qui tient ses promesses. On avait l'habitude de dire. . .

Le Président: Le député de Kingston et les Îles.

* * *

LE GROUPE TRAGICALLY HIP

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ici aujourd'hui pour féliciter le groupe Tragically Hip du succès qu'il a connu hier soir en remportant deux prix Juno, soit ceux d'artiste de l'année et de groupe de l'année.

Le groupe compte maintenant cinq prix Juno à son actif, y compris trois comme artiste de l'année. Les membres du groupe, soit Gord Downie, Gord Sinclair, Paul Langlois, Johny Fay et Robbie Baker, viennent de Kingston et les Îles, ma circonscription, et sont très engagés dans la vie communautaire de Kingston.

(1415)

Le prix d'artiste de l'année est décerné par le public et montre à quel point le groupe est aimé dans tout le Canada. Tragically Hip s'est produit à guichet fermé dans sa récente tournée du Canada, au cours de laquelle il a donné 20 concerts en trois jours, et il a vendu plus de 500 000 exemplaires de son récent album intitulé: «Day for Night».

Pendant qu'il recevait des prix Juno et des louanges au Canada, au cours du week-end, le Hip faisait aussi une percée sur le marché américain grâce à une apparition à l'émission Saturday Night Live.

11057

À l'instar de millions de Canadiens, je félicite le groupe Tragically Hip de sa réussite et je lui souhaite encore beaucoup de succès à l'avenir.

* * *

LE CHAMPIONNAT MONDIAL DE L'AVIRON

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de féliciter le club d'aviron de catégorie A internationale de St. Catharines-Niagara d'avoir proposé de tenir chez nous le championnat mondial de l'aviron.

L'Association canadienne d'aviron a appuyé la soumission du club et proposera plus tard cette année en Finlande la candidature de St. Catharines-Niagara au nom du Canada.

St. Catharines a déjà été l'hôte des compétitions internationales d'aviron en 1970. Nous conjuguons nos efforts pour ramener le monde dans la région de Niagara. Nous possédons les installations, la compétence et l'expérience nécessaires pour faire un grand succès du championnat mondial de l'aviron de 1999.

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11057

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le 10 mars dernier, le ministre des Transports annonçait que son gouvernement octroyait à Air Canada la destination convoitée de Hong Kong. Or, cette fin de semaine, nous apprenions que le ministre fait volte-face et refuse à Air Canada d'exploiter des vols sur Hong Kong avant la fin de décembre 1995, et sans aucune justification.

Comment le ministre des Transports peut-il expliquer la décision de son gouvernement de retarder à la fin de décembre 1995 l'entrée d'Air Canada sur le marché de Hong Kong, alors que tout est prêt pour procéder immédiatement?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'on a annoncé la politique de deuxième désignation, ce n'était pas seulement une situation qui impliquait Air Canada et Hong Kong. Le niveau de volume de passagers qui déclenche le processus a été établi et s'applique aussi, par exemple, à l'Allemagne.

Toutes ces décisions ont été prises après une longue période de réflexion, énormément de négociations et nous croyons que c'est dans le meilleur intérêt de tous de s'assurer qu'il y ait une transparence totale dans l'octroi de ces droits d'atterrissage.

Je dois dire à l'honorable chef de l'opposition que j'apprécie surtout la façon dont le président d'Air Canada, M. Hollis Harris, a réagi en disant qu'il appréciait le travail qui avait été fait par le gouvernement du Canada, non seulement dans le dossier de Hong Kong, mais aussi en vertu de l'entente bilatérale avec les États-Unis, et surtout avec la pénétration du marché japonais qui a été donnée à Air Canada. C'est quelque chose qu'il recherchait depuis bien des années.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, comment le président d'Air Canada pourrait-il se permettre de se comporter autrement vis-à-vis d'un ministre pourvoyeur des routes qui lui tient la dragée haute pour l'avenir de son organisation? Les employés eux-mêmes ne sont pas aussi contents.

Lors de son annonce du 10 mars, le ministre des Transports se félicitait de l'équilibre de sa répartitiion qui donnait à Air Canada une route à Hong Kong, et à Canadian l'accès à plusieurs pays asiatiques, sans compter qu'il lui concédait la grande majorité des créneaux disponibles sur New York et Chicago.

Le ministre reconnaît-il, dans ce contexte, qu'il est injuste de reporter en décembre prochain la mise en service des vols sur Hong Kong, alors que les décisions prises au bénéfice de Canadian prennent effet tout de suite?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je sais que l'honorable chef de l'opposition est très intéressé dans ce dossier. Je partage son intérêt, car c'est un dossier sur lequel nous avons travaillé sans jamais lâcher le moindrement depuis qu'on est arrivés au gouvernement. Ce sont des situations très très complexes qui durent depuis très longtemps.

J'aimerais répéter encore une fois que lorsqu'on a fait la déclaration, il ne s'agissait pas uniquement de l'octroi des droits d'atterrissage à Hong Kong. Ce n'est pas nécessairement vrai de dire qu'il y a seulement la décision de Hong Kong qui a été remise. Toutes les décisions basées sur le niveau d'atterrissage par pays sont en jeu et cela inclut le droit d'atterrissage en Allemagne de Canadian Airlines International.

(1420)

Les deux lignes aériennes, la direction, les bureaux de direction, les présidents des deux compagnies, aussi bien M. Harris queM. Jenkins, ont réagi à nos annonces faites dans l'ensemble de la politique aérienne en nous disant qu'ils étaient très très satisfaits du travail qui avait été fait par le gouvernement, par les négociateurs, par toutes les personnes impliquées. Cela a été un travail extrême-ment difficile et très complexe.

À la fin de cette année, les deux transporteurs aériens auront l'occasion d'entrer en compétition sur tous les marchés autour du globe, du jamais vu dans l'histoire de l'aviation au Canada.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, s'il était aussi évident que la décision n'entrait pas en vigueur immédiatement, comment expliquer qu'Air Canada avait déjà pris les dispositions pour atterrir tout de suite à Hong Kong, qu'elle avait arrêté ses mesures, dépensé de l'argent et se préparait tout de suite à le faire?

Je demanderais au ministre s'il peut nous dire s'il est exact que le report de la permission accordée à Air Canada a été imposé par le premier ministre, ce qui a eu pour conséquence d'empêcher la création immédiate de 500 emplois à Montréal?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je puis assurer au chef de l'opposition que la décision n'a pas été imposée par le premier ministre. Elle est le fruit d'un travail considérable.


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Je ferai remarquer à mon honorable collègue qu'avant la déclaration concernant les niveaux de deuxième désignation pour les transporteurs aériens du Canada, Air Canada avait déjà annoncé qu'elle allait employer près de 1 000 Canadiens comme pilotes, agents de bord et personnel au sol.

La croissance et l'avenir d'Air Canada et de Canadien International résulteront d'une série d'initiatives que notre gouvernement entreprendra après y avoir consacré beaucoup de travail.

Pour répondre à la question du chef de l'opposition, je crois que l'attitude affichée par Hollis Harris et Kevin Jenkins inaugure une nouvelle ère de confiance pour les employés des Lignes aériennes Canadien International et d'Air Canada, de même que pour les actionnaires des deux sociétés et le public voyageur canadien.

* * *

[Français]

L'AÉROPORT PEARSON

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Dans un article du Financial Post de la fin de semaine dernière, l'ex-employeur du premier ministre, la firme d'avocats Lang Michener, confirme qu'une réunion d'une heure et demie a eu lieu en janvier 1990 entre le premier ministre et le groupe Matthews, principal partenaire dans le consortium qui a obtenu le contrat de privatisation de l'aéroport Pearson.

Contrairement à ce qu'affirmait le premier ministre en cette Chambre, le 8 décembre dernier, puisque M. Matthews affirme avoir rencontré le premier ministre pour discuter de la privatisation de l'aéroport Pearson, le premier ministre maintient-il toujours qu'il n'a pas été question de la privatisation de Pearson au cours de cette rencontre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que c'est clair, la réponse est non. J'ai même pris le temps de vérifier avec l'avocat qui représentait le groupe Matthews dans le bureau, je lui ai parlé et il m'a confirmé qu'on n'a pas discuté du tout de l'aéroport de Toronto. À ce moment-là, je n'avais jamais entendu parler de ce projet.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, toujours selon le Financial Post,M. Matthews affirme que le premier ministre, alors candidat à la chefferie du Parti libéral du Canada, aurait demandé une contribution de 25 000 $ pour sa campagne.

Compte tenu de la gravité des allégations du Financial Post, et afin de dissiper tout doute sur son propre rôle dans cette affaire, le premier ministre ne croit-il pas qu'il se doit de décréter une enquête publique sur les circonstances entourant la privatisation de Pearson?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, je n'ai jamais sollicité de fonds etM. Matthews a dit lui-même qu'il n'a pas donné un sou à la cam-pagne de Jean Chrétien.

* * *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, lorsque le ministre de la Défense nationale a annoncé l'enquête publique tant attendue sur les événements de Somalie, il a promis que cette enquête irait au fond de toutes les questions touchant le quartier général de la Défense nationale et la hiérarchie militaire.

L'ancien sous-ministre de la Défense, Bob Fowler, se retrouve au centre de toutes les allégations. Pourtant, nous avons appris qu'Anne-Marie Doyle, l'un des trois commissaires nommés pour faire cette enquête, est une amie intime de M. Fowler.

Que prévoit faire le ministre de la Défense nationale maintenant que l'on a l'impression que l'impartialité de l'enquête est compromise?

(1425)

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les trois commissaires ont été nommés en raison de leur connaissance du fonctionnement du gouvernement et des règles de responsabilisation dans la fonction publique, de leur expérience et de leur impartialité.

Si un commissaire ne répond pas à l'un ou l'autre de ces critères, nous remédierons à la situation.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le Parti réformiste ne remet pas en cause les capacités ou l'intégrité d'Anne-Marie Doyle. Ce que nous critiquons, c'est la compétence du personnel du ministre. Le ministre aurait certainement dû être informé de l'amitié vieille de 27 ans entre Mme Doyle et M. Fowler.

Ce n'est pas la première gaffe que l'on peut attribuer au cabinet du ministre. Le mois dernier, c'était le troisième vidéo sur le Régiment aéroporté. La semaine dernière, c'était l'enquête de la police militaire. On frise le ridicule.

Voici ma question complémentaire: Qui a nommé ces commissaires et pourquoi le ministre ignorait-il les liens d'amitié vieux de 27 ans qui unissent Mme Doyle et Bob Fowler?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, l'enquête a été commandée aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes. Par conséquent, il s'agit d'une enquête gouvernementale et plus d'un ministère a eu son mot à dire.

Quant à la question complémentaire du député, je crois y avoir répondu en donnant ma première réponse.


11059

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le ministre continue d'éluder la question. Tout ce que nous voulons, c'est connaître les faits et avoir une enquête impartiale sur les événements de Somalie. Nous ne voulons pas que l'impartialité de l'enquête soit compromise.

En dépit des assurances du ministre et de Mme Doyle, la population a l'impression que cette enquête n'est plus objective et qu'on ne pourra pas aller au fond des choses.

Le ministre de la Défense rétablira-t-il l'intégrité de l'enquête publique en relevant immédiatement Anne-Marie Doyle de ses fonctions?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai énuméré les trois critères auxquels les commissaires devaient répondre avant d'être nommés. L'un d'eux est l'impartialité.

S'il est établi que l'enquête n'est pas impartiale et si d'autres personnes mettent en doute l'intégrité des commissaires, nous apporterons les correctifs voulus.

* * *

[Français]

LA RÉSERVE DE KANESATAKE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, on a fait état la fin de semaine dernière, dans plusieurs médias d'information, que des individus ont pris possession illégalement de résidences achetées par le gouvernement fédéral à Oka et que le seul critère qui a servi à cette prise de possession a été que le plus fort a toujours raison.

Comment le ministre des Affaires indiennes peut-il expliquer que la loi du plus fort règne toujours à Kanesatake et que les propriétés du gouvernement fédéral soient ainsi occupées illégalement?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'informer le député que le juge Réjean Paul et le négociateur Michel Robert ont mis sur pied une administration du logement et que les besoins de 178 personnes ont fait l'objet d'une évaluation. Les maisons ont été attribuées. Il y a quelques problèmes, mais, dans l'ensemble, le processus fonctionne bien.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ce dont faisaient état les médias d'information n'était pas quelques petits problèmes, c'était un grave problème d'occupation illégale de propriétés du gouvernement fédéral.

Alors que la majorité des honnêtes citoyens s'inscrivent sur des listes d'attente pour obtenir l'usage de ces résidences, le ministre des Affaires indiennes confirme-t-il que ses fonctionnaires négocieraient des baux avec ceux qui ont pris possession illégalement de ces résidences et cela afin d'en régulariser l'occupation le plus tôt possible?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, la situation au nord de la 344 demeure difficile, mais je suis heureux d'informer le député que, grâce aux progrès accomplis au sud de la 344 et au processus d'évaluation des besoins, nous avançons un peu vers la solution du problème dont j'ai hérité au nord de la 344.

* * *

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Selon de graves allégations, celui-ci aurait été mêlé au contrat de privatisation de l'aéroport Pearson.

Non seulement le premier ministre a rencontré à de nombreuses reprises des personnes qui font partie du groupe Claridge, mais on se demande aussi maintenant s'il a conseillé le groupe Matthews dans l'élaboration de sa soumission.

Le premier ministre expliquerait-il à la Chambre la nature des conseils que, à titre d'avocat ou autrement, il a donnés à Jack Matthews lui-même ou au groupe Matthews en général relativement à la privatisation de l'aéroport Pearson?

(1430)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit en français, je n'ai jamais conseillé qui que ce soit au sujet de la privatisation de l'aéroport de Toronto. L'allégation est dénuée de tout fondement.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a déjà prétendu qu'il ne pouvait être en situation de conflit d'intérêts parce que c'est lui qui a annulé le marché.

Étant donné que Matthews a refusé de faire un don à la campagne du premier ministre à la direction de son parti, préférant appuyer financièrement son principal concurrent, le premier ministre se soumettra-t-il à une enquête complète du conseiller en éthique pour ensuite déposer le rapport de celui-ci à la Chambre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous n'en avons jamais parlé et il ne m'a pas donné un traître sou. Il n'y a donc absolument aucun conflit d'intérêts.

* * *

[Français]

LA RÉSERVE DE KANESATAKE

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes.

Alors que d'honnêtes citoyens souhaitent occuper au plus tôt les résidences achetées par le gouvernement fédéral, le processus normal d'attribution se bute à l'occupation illégale de ces dernières. Il y a occupation illégale à Kanesatake, et le ministre le sait.


11060

Le ministre peut-il nous assurer que ceux qui occupent illégalement par la force les résidences du fédéral seront exclus des listes d'attente et que ces listes ne seront constituées que de ceux qui ont respecté intégralement la loi?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, la question est identique à celle qu'on vient de me poser.

Le cas de 178 personnes a été évalué. Les maisons ont été attribuées. Il y en a trois ou quatre au sud de la route 344 qui nous causent des problèmes. Mais ce n'est rien à côté de la situation dont j'ai hérité. Nous avons tous hérité du problème d'Oka, qui a coûté 230 millions de dollars au gouvernement fédéral et à celui du Québec. Du vrai gaspillage.

C'est une bien meilleure façon de régler le problème et de ne pas l'empirer que de négocier de bonne foi en vue de le résoudre.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, il y a toujours des occupations illégales à Kanesatake et le ministre le sait. Il ne répond pas à nos questions.

Le ministre peut-il nous indiquer, à la suite des échanges qu'il a eus avec son négociateur, Me Michel Robert, si l'attribution des résidences achetées par le gouvernement fédéral se fera dans un avenir rapproché et dans le respect des critères fixés par le gouvernement?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je vais répondre à la question d'une manière directe. Si le député veut agir d'une manière positive, il devrait aller voir le gouvernement du Québec et lui demander de reconnaître les gardiens de la paix à Oka.

* * *

LA SANTÉ

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances et porte sur le nouveau Transfert social canadien.

Selon les conditions du nouveau Transfert social, la ministre de la Santé peut diminuer ou supprimer les transferts aux provinces au titre de la santé si elle estime que ces dernières n'interprètent pas de la même façon qu'elle la Loi canadienne sur la santé. Le Cabinet décidera alors dans quelle mesure le financement sera réduit. Il me semble que c'est laisser la porte ouverte à des décisions arbitraires de la part d'Ottawa.

Pourquoi la réduction du financement n'est-elle pas fondée sur une formule impartiale énoncée dans la loi?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit très clairement que le nouveau Transfert social tiendrait compte des principes de la Loi canadienne sur la santé. En fait, ce sont ces principes, et ces principes seulement, qui s'appliqueront. La ministre n'aura pas discrétion. C'est la Loi canadienne sur la santé, et le gouvernement doit appliquer.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, il est insensé que le gouvernement prétende que le meilleurs moyen de maintenir des normes nationales dans le domaine de la santé consiste à réduire le financement chaque fois qu'une province tente d'innover. La ministre de la Santé aura le pouvoir de réduire arbitrairement les dépenses de santé fédérales.

La ministre peut-elle expliquer à la Chambre en quoi cela va améliorer la qualité des soins de santé au Canada?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la Loi canadienne sur la santé demeure inchangée. Elle n'a jamais été conçue pour empêcher d'innover, et elle ne l'empêche pas. Elle vise à préserver et à maintenir ces principes qui ont si bien servi les Canadiens, auxquels ces derniers s'attendent et auxquels ils ont droit.

* * *

(1435)

[Français]

LA TURQUIE

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Vendredi dernier, le gouvernement rappelait que le Canada était très préoccupé par les opérations militaires turques contre les Kurdes dans le nord de l'Irak et convoquait l'ambassadeur turc pour une rencontre à ce sujet. Aujourd'hui, tout indique que la Turquie a fermement l'intention de poursuivre son offensive.

Le ministre peut-il confirmer si le Canada a saisi l'OTAN de cette question, comme le présumait la semaine dernière le ministre de la Défense, et peut-il nous indiquer quels sont les moyens actuellement envisagés par le Canada et l'OTAN pour faire entendre raison à la Turquie?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, en réponse à l'honorable député, je peux l'informer que nous ne l'avons pas fait.

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, afin d'être pris au sérieux, et ce au moment où l'on apprend que des civils auraient été touchés par l'offensive turque, le ministre entend-il saisir le Conseil de sécurité de l'ONU de cette question et suspendre immédiatement toute négociation avec la Turquie pour la vente de ses CF-5?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà dit en cette Chambre que les discussions au sujet de vente d'avions étaient à l'étape préliminaire et qu'un certain nombre de pays ou d'acheteurs éventuels étaient


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considérés. Donc, l'honorable député qui laisse entendre que les négociations sont très avancées avec la Turquie se trompe. Ce n'est pas à un stade avancé du tout.

[Traduction]

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères et concerne les négociations visant la vente de chasseurs CF-5 canadiens à la Turquie, un pays qui, selon Amnistie Internationale, porte grandement et systématiquement atteinte aux droits de la personne.

Le ministre peut-il donner à la Chambre l'assurance que ces avions canadiens ne serviront pas à compromettre les droits d'innocents?

[Français]

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie l'honorable député qui me pose une question semblable à celle à laquelle je viens de répondre. Je reconfirme que les discussions quant à la vente d'avions CF-5 sont à un stade très préliminaire. Le Canada étudie la possibilité de les vendre à un certain nombre de personnes qui ont montré un certain intérêt.

Je peux confirmer ce que je viens de dire à l'honorable député qu'il n'a pas de crainte à avoir au sujet de la Turquie puisque ces négociations sont à un stade très préliminaire et que de toute façon, pour toute vente de ce genre, le gouvernement suit un processus rigoureux qui implique des engagements spécifiques de la part des pays qui achètent et il n'y a aucun doute que nous prendrons toutes les mesures appropriées pour nous assurer, si l'on vend de tels avions, à la Turquie ou à un autre pays, quel qu'il soit, que ces avions ne seront pas utilisés contre les populations civiles.

* * *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, la réponse du ministre de la Défense nationale aux questions qui lui ont déjà été posées relativement à la commission d'enquête sur le déploiement des forces en Somalie était tout à fait insatisfaisante. Il reste à savoir si cette enquête sera menée d'une manière impartiale et indépendante.

Le ministre remplacera-t-il Anne-Marie Doyle par quelqu'un dont l'impartialité n'est pas mise en doute?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à cette question.

Une voix: Dissimulation!

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, le refus du ministre de répondre à cette question me porte à croire, comme d'autres députés, du reste, qu'on nous cache quelque chose. Il ne fait strictement rien pour que le public ait confiance en cette enquête sur le déploiement des forces en Somalie.

(1440)

Par souci d'intégrité et pour satisfaire la population, le ministre va-t-il demander le remplacement immédiat d'Anne-Marie Doyle?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu à la question.

* * *

[Français]

LA RECONVERSION DE L'INDUSTRIE MILITAIRE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Entre 1990 et 1994, le Québec a perdu 8 054 emplois reliés à l'industrie de la défense, principalement à Montréal. Cette perte représente plus de la moitié des emplois des quarante plus importantes entreprises de matériel militaire et démontre l'urgence de mettre en place un véritable programme de reconversion. Le dernier Budget montre toutefois qu'aucun fonds ne sera alloué à cette fin.

Comment le ministre de l'Industrie explique-t-il cette décision gouvernementale de ne garantir aucun fonds pour mettre en place un véritable programme de reconversion de l'industrie militaire, compte tenu des promesses du Parti libéral dans son livre rouge?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je peux comprendre que le député n'ait peut-être pas eu l'occasion de consulter les entreprises et les associations de gens d'affaires au Québec et partout au Canada.

S'il avait le temps de le faire, il apprendrait, tout comme nous l'avons appris aussi, que les entreprises, les associations, toutes les associations d'hommes d'affaires sont contre les subventions au secteur privé. Ce qu'ils veulent, c'est de l'information stratégique, ils veulent notre aide pour trouver des marchés internationaux. C'est ce que le gouvernement a déjà fait, non pas seulement dans les stratégies comprises dans le Budget, mais aussi avec notre approche de l'Équipe Canada en faisant des ventes à l'extérieur du Canada.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, le ministre reconnaît-il qu'en coupant 41 millions de dollars dans le programme PPIMD, fonds qui pourraient être utilisés à la mise en place d'un véritable effort de reconversion, la région de Montréal va continuer à perdre des milliers d'emplois et qu'elle est pénalisée par rapport aux concurrents étrangers qui, eux, bénéficient d'un tel programme?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, le député est beaucoup plus pessimiste que moi au sujet de la capacité de nombreuses entreprises de Montréal de bien se débrouiller sur les marchés internationaux.

Pour ma part, je crois que certaines sociétés occupent une position de force depuis longtemps dans le secteur de la défense et de la technologie à double usage. C'est le cas, par exemple, de l'entreprise CAE Electronics que j'ai visitée vendredi et qui a conclu avec l'Agence spatiale canadienne un nouveau contrat qui établira un précédent. En effet, cela va aider cette société et l'agence spatiale à offrir de la formation sur la façon d'utiliser le système


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mobile par satellite. Je pourrais vous donner bien d'autres exemples.

Les sociétés canadiennes ont besoin que leur gouvernement les conseille, les aide, les mette en rapport avec les gens intéressés et les appuie pour qu'elles puissent réaliser, à l'étranger, les ventes qui leur donneront la possibilité de réussir sur le marché international. C'est ce que nous comprenons, mais il est clair qu'il n'en va pas de même du gouvernement du Québec.

* * *

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

La semaine dernière, on a entrepris des rénovations qui coûteront 500 000 $ au bureau de l'avenue University, à Toronto, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ces travaux, entrepris au moment même où 45 000 fonctionnaires vont perdre leur emploi, soulèvent un tollé à ce bureau. À la suite de la réduction de la taille de la commission, davantage de bureaux seront vides. Malgré tout, on poursuit l'expansion.

Le ministre va-t-il immédiatement mettre fin à ce gaspillage incroyable de deniers publics?

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): Monsieur le Président, je vais devoir prendre en note la question de mon collègue et lui donner une réponse le plus tôt possible.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au ministre de l'Immigration.

Le ministre est parfaitement au courant de cette situation catastrophique, mais, comme d'habitude, il essaie de se décharger de ses responsabilités sur la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. J'ai reçu une pétition que 300 fonctionnaires ont signée pour exiger l'interruption de ces travaux de rénovation inutiles. Une bonne partie des pétitionnaires travaillent au bureau de la commission, à Toronto.

Le ministre de l'Immigration va-t-il recommander qu'on interrompe ces rénovations ou va-t-il faire fi des instances que ces employés présentent comme des critiques que d'autres employés ont formulées dans le passé?

(1445)

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, il faut dire qu'aucun ministre ne se fiche de ses employés. En fait, je peux affirmer qu'il n'y a jamais eu une aussi belle harmonie entre le gouvernement et la fonction publique en ce qui concerne le rôle de partenaire que notre gouvernement a donné à la fonction publique.

De plus, à l'instar du ministre des Travaux publics, je vais, moi aussi, prendre en note cette question, car je ne suis pas au courant de tous les détails dont parle le député.

LA JUSTICE

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, LIB.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort tragique de Nicholas Battersby, abattu par une balle tirée d'une voiture en marche. Depuis, d'autres incidents du genre se sont produits dans nos collectivités partout au pays.

Le ministre peut-il informer la Chambre des mesures qu'il a prises et de celles qu'il a l'intention de prendre pour faire en sorte que les jeunes contrevenants trouvés coupables d'actes criminels deviennent plus responsables de leurs actes?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le gouvernement l'a annoncé, il y a près d'un an, notre approche face à la justice pour les jeunes comporte deux aspects: premièrement, apporter immédiatement des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants pour la renforcer et, deuxièmement, faire une réévaluation critique, à long terme, du système de justice pour les jeunes, en général.

En ce qui concerne la première question, le 28 février dernier, la Chambre a adopté en troisième lecture le projet de loi C-37 qui est maintenant à l'étude à l'autre endroit. Ce projet de loi représente un renforcement réel de la loi en ce qui concerne la façon de traiter les crimes violents et reconnaît que, dans le cas des crimes non violents, la prison devrait être le dernier recours et que l'on devrait préférer, sur ce chapitre, l'utilisation de programmes de réhabilitation dans la communauté.

Nous avons doublé la durée de la peine maximale prévue pour le meurtre au premier degré. Nous avons prévu la comparution devant des tribunaux pour adultes des jeunes de 16 et de 17 ans qui sont accusés de crimes violents graves.

Dans le cadre de la deuxième étape de la stratégie, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques entreprendra, au cours de l'année, un examen approfondi de la Loi sur les jeunes contrevenants et parcourra tout le Canada pour entendre les améliorations que les Canadiens ont à proposer au sujet de la loi.

* * *

[Français]

LE PROGRAMME D'ADAPTATION POUR LES TRAVAILLEURS ÂGÉS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, au Québec, les arrangements financiers prévus dans l'entente PATA viennent à échéance le 31 mars prochain. La ministre de l'Emploi du Québec, Mme Louise Harel, a signifié au ministre du Développement des ressources humaines sa volonté de reconduire les arrangements financiers actuels en attendant une révision du programme qui le rendrait plus équitable pour les travailleurs.

Le ministre du Développement des ressources humaines peut-il nous faire part de ses intentions quant à la reconduction de l'entente avec le Québec?


11063

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous procédons actuellement à la révision du programme qui s'impose, comme l'a dit le ministre du Québec.

Nous cherchons à organiser une réunion. Je pense que nous aurons l'occasion de partager nos évaluations respectives de ces programmes dans le cadre d'une réunion que je m'emploie à organiser.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il y a plus d'un an que le ministre nous promet une révision du programme PATA, lequel exclut un nombre important de travailleurs, faut-il le rappeler.

Le ministre peut-il s'engager à apporter dès cette année les correctifs demandés par le Québec depuis 1992, par le gouver-nement actuel du Québec et par le précédent gouvernement libéral?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, selon moi, il est important que nous procédions à une évaluation plus large des conditions particulières qui sont faites aux travailleurs âgés partout au Canada.

Tout le monde reconnaît qu'il s'agit là d'un des problèmes les plus préoccupants, en cette période de grands bouleversements sur le marché du travail. Un grand nombre de travailleurs perdent leur emploi et nous devons trouver des moyens de les aider à retourner sur le marché du travail et à retrouver une certaine sécurité pour eux-mêmes et leurs familles.

Comme le député le sait, un grand nombre d'expériences se déroulent en ce moment un peu partout au Canada. Ainsi, il y a la compagnie des travailleurs au Nouveau-Brunswick. Nous venons de lancer un programme de subventions salariales dans le cadre du régime d'assurance-chômage. Ce programme commencera ce printemps. Il s'agit là d'une très importante mesure visant à aider les travailleurs âgés à retourner sur le marché du travail.

Je voudrais pouvoir communiquer les résultats de ces initiatives à mes homologues provinciaux d'ici peu. Nul doute que nous prendrons alors note des recommandations des provinces en ce qui concerne les moyens à employer pour venir en aide aux travailleurs âgés de notre pays.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le cabinet du ministre de la Défense attend habituellement qu'il soit trop tard pour informer le ministre des faits importants. Le cas de Mme Anne-Marie Doyle est un autre exemple.

Étant donné les réponses qu'il a données au sujet de l'enquête publique sur le fiasco en Somalie, le ministre confirme-t-il que Mme Anne-Marie Doyle demeurera l'un des trois commissaires?

(1450)

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai annoncé la création de la commission la semaine dernière. Son mandat est étendu. Les trois commissaires ont été choisis pour leur impartialité et pour leur connaissance du gouvernement et du processus d'imputabilité publique. S'il se révélait que l'un d'eux ne possédait pas toutes ces qualités, nous interviendrions.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je me permets de citer Mme Doyle elle-même, qui déclarait: «Ce n'est pas un secret que M. Robert Fowler et moi-même avons été de proches collègues pendant 27 ou 28 ans.»

Je n'y vois aucun problème, sauf que cela ne lui permet pas d'occuper le poste. Le ministre va-t-il lui épargner d'avoir à juger un ami?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu quatre fois à cette question au cours de cette période des questions. Mon collègue devra se contenter de la réponse que j'ai donnée.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances et concerne l'appel que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a lancé au sujet de la taxe Tobin.

Étant donné que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a demandé aux gouvernements du monde entier d'adopter cette taxe Tobin pour financer les activités en faveur des droits de la personne autour du globe, je me demande si le ministre est maintenant disposé à appuyer cette notion et à dire que le gouvernement canadien présentera une proposition à cet égard, à l'occasion des rencontres des pays du Groupe des Sept qui se tiendront à Halifax.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, la taxe Tobin est une approche pleine d'imagination au financement des obligations internationales aussi bien qu'aux problèmes qui découlent de la spéculation.

Cette taxe pose certains problèmes, dont l'un, et non le moindre, est que, à moins d'être appliquée à l'échelle mondiale, elle ne sera pas efficace et donnera tout simplement lieu à des évitements et à d'autres formes d'instruments financiers. C'est la raison pour laquelle le débat se poursuivra.


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M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, pendant que le débat se poursuit, je me demande si le ministre pourrait nous dire quelle est la position du Canada au sujet de la façon dont le débat devrait commencer.

Le gouvernement canadien cherchera-t-il des moyens d'agir de façon à répondre à quelques-unes des préoccupations du ministre? À Halifax et à d'autres tribunes internationales, le gouvernement canadien présentera-t-il des propositions visant à créer un ordre mondial dans le domaine des finances, un ordre où l'on réprimera le pouvoir des spéculateurs de déstabiliser les économies nationales et régionales?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le principal objectif du sommet de Halifax, qui est d'examiner les réformes qu'il est possible ou nécessaire d'apporter aux institutions financières internationales, notamment celles de Bretton Woods, sera évidemment en tête de liste de notre ordre du jour. Comme les discussions à ce sujet seront assez générales, je suis mal placé pour en limiter la portée dès maintenant.

* * *

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, les producteurs de betterave à sucre craignent que les négociations visant à ouvrir les frontières américaines aux exportations de sucre canadien ne soient suspendues à cause des enquêtes de Revenu Canada sur les allégations de dumping de sucre de la part des États-Unis et de l'Europe.

Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Le ministre peut-il assurer à la Chambre que les négociations se poursuivent, malgré les enquêtes de Revenu Canada?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, les discussions qui ont eu lieu le 16 mars s'inséraient dans le cadre d'un processus continu de consultation des États-Unis. Lorsque nous aurons eu le temps d'étudier plus amplement les informations et les documents qui nous ont été remis le 16 mars, nous consulterons à nouveau les États-Unis.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au même ministre.

Pourrait-il nous préciser quelle est l'approche du gouvernement dans le secteur du sucre? Le sucre fait-il l'objet de négociations par lui-même ou dans le contexte de tout un groupe de produits visés par le GATT?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, les négociations dans le dossier du sucre portent uniquement sur ce produit.

[Français]

LE CLUB DE RECHERCHE D'EMPLOIS LA RELANCE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le fédéral vient d'octroyer une subvention au club de recherche d'emplois La Relance pour aider des jeunes sans revenu à se trouver un emploi. Jusqu'à présent, le ministère du Développement des ressources humaines ne finançait que le programme qui s'adresse aux jeunes chômeurs.

Comment le ministre du Développement des ressources humaines explique-t-il que son ministère ait décidé d'accorder une aide financière à l'organisme La Relance, alors qu'il justifiait son retrait de Carrefour Jeunesse-Emploi, parce que ce centre traitait notamment avec des jeunes bénéficiaires de l'aide sociale?

(1455)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas éliminé le financement de Carrefour Jeunesse. En fait, mon ministère a affecté cette année quelque chose comme 200 000 dollars à ce projet.

Pour ce qui est de La Relance, nous allons octroyer à cet organisme 20 000 $ de plus à la fin de l'année pour lui permettre de rattraper le retard. Je ne vois pas pourquoi le député se montre aussi critique envers les efforts destinés à venir en aide aux jeunes dans la province de Québec.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, doit-on comprendre de la réponse du ministre qu'il entend dorénavant intervenir auprès de tous les groupes poursuivant les mêmes objectifs, autant les chômeurs que ceux qui ne reçoivent pas de prestations d'assurance-chômage.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà dit à la Chambre que, conformément à la nouvelle philosophie du fédéral, qui est de décentraliser, nous voulons confier un nombre nettement plus grand de responsabilités aux agents de la région qui sont chargés de décider des priorités locales. Ce sera donc à eux de prendre les décisions.

C'est un nouveau genre de fédéralisme. Nous voulons que les programmes soient adaptés aux besoins et aux priorités qu'auront établis les personnes qui travaillent dans ces collectivités.


11065

LES ARMES À FEU

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, un tribunal du Banc de la Reine, en Alberta, a conclu que les décrets pris par l'ancien gouvernement conservateur en ce qui concerne les mesures législatives de contrôle des armes à feu étaient nuls parce que l'article 116(2) du Code criminel n'avait pas été respecté.

Le ministre de la Justice pourrait-il expliquer pourquoi, lorsqu'il a pris les décrets avant Noël, il a suivi la même procédure, une procédure qui a été déclarée nulle par les tribunaux et qui est encore en instance d'appel? Pourquoi?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, parce qu'il l'estimait erroné, le gouvernement fédéral a interjeté appel du jugement de première instance auquel le député fait référence. Sans vouloir nous montrer irrespectueux envers les tribunaux, nous sommes sûrs que ce décret est valide.

L'appel est en instance. En attendant, le gouvernement doit continuer. Il estime avoir exercé son pouvoir de façon valide et légale et dans le meilleur intérêt du public.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je comprends la réponse du ministre de la Justice. Toutefois, il aurait pu suivre la procédure décrite à l'article 116 du Code criminel. Je note qu'il a prévu cette disposition dans le projet de loi C-68 qu'il a présenté.

Encore une fois, je demande au ministre d'expliquer pourquoi il n'a pas suivi la procédure décrite dans le Code criminel et n'a pas soumis le projet de décret aux représentants élus du peuple, ainsi que le prévoit l'article 116 du Code criminel, autrement dit la procédure déclarée valide par la cour du Banc de la Reine de l'Alberta?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que cet article ne s'applique pas en l'occurrence.

Le Code contient deux articles relatifs aux décrets. L'un concerne le pouvoir général du gouvernement d'interdire-dans ce cas, le projet de décret n'a pas besoin d'être déposé à la Chambre. Le deuxième a trait aux questions comme la réglementation, les droits, les entreprises qui vendent des armes à feu-dans ce cas, le projet de décret doit être déposé à la Chambre.

Nous avons fait une distinction entre les deux. Nous sommes sûrs de la validité des mesures que nous avons prises. Nous estimons en toute bonne foi que le jugement de première instance rendu en Alberta était erroné. Nous sommes confiants que nous allons gagner en appel.

L'ÉDUCATION

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, qui est responsable de. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Charest: Monsieur le Président, comme d'habitude, je suis flatté de faire l'objet d'autant d'attention.

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, qui est responsable du programme Bourses Canada pour les étudiants en sciences et en génie. Le budget des dépenses principal du gouvernement pour 1995-1996 signale que le programme «a obtenu des résultats très satisfaisants en incitant des étudiants canadiens, particulièrement des femmes, à mener à bien des études postsecondaires en sciences, en génie et en technologie».

Compte tenu de cette évaluation et du succès de ce programme mené en collaboration avec le secteur privé, ainsi que du discours que tient ce gouvernement au sujet de l'enseignement post-secondaire et de la R-D, pourquoi le ministre a-t-il aboli le programme?

(1500)

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis toujours heureux d'avoir une question du chef du cinquième parti, surtout qu'il sait bien que le financement du programme Bourses Canada a été mené à terme, dans la mesure où il avait été établi et approuvé par le gouvernement précédent. Nous n'avons rien aboli. Le financement prévu par l'ancien gouvernement est tout simplement épuisé.

Je tiens à faire savoir au député que nous travaillons très fort pour trouver d'autres moyens de financer le programme Bourses Canada. Nous pourrons peut-être relancer ce programme avec la participation du secteur privé.

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, j'ai une question complémentaire.

Le gouvernement ne continuera pas à récompenser l'excellence des étudiants de niveau postsecondaire dans le domaine des sciences. Ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Pourquoi son ministère n'a-t-il pas maintenu le programme L'École avant tout, qui vise à aider les jeunes Canadiens et Canadiennes à poursuivre leurs études, afin que nous puissions dire que nous faisons tout notre possible en tant que société pour que les jeunes acquièrent les compétences dont ils auront besoin au cours de leur vie pour être en mesure de participer pleinement à la société canadienne? Pourquoi a-t-il aboli ce programme?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous nous sommes malheureusement trouvés à court de financement parce que le gouvernement précédent avait limité le

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financement de ce programme à cinq ans. Je m'efforce depuis un an de trouver le moyen de prolonger ce financement, afin d'avoir la possibilité de solliciter l'aide et la participation du secteur privé.

Nous avons pu convaincre un certain nombre de représentants du secteur privé de participer au programme L'École avant tout. L'automne prochain, quand la nouvelle association nationale de basket-ball commencera ses activités à Vancouver et à Toronto, le logo du programme figurera dans sa publicité. Cette association est devenue l'un des principaux partenaires financiers du programme.

Cela montre que nous cherchons vraiment à répondre au besoin fondamental de garder nos jeunes à l'école.

* * *

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, il convient de féliciter le député de Restigouche-Chaleur pour son projet de loi d'initiative parlementaire aux termes duquel les prestataires de l'assurance-chômage pourront servir comme jurés sans perdre leurs prestations.

Le ministre du Développement des ressources humaines pourrait-il nous assurer que ces mesures seront mises en oeuvre dans les plus brefs délais et que les personnes qui touchent des prestations d'assurance-chômage continueront à les recevoir pendant qu'elles font fonction de juré?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens moi aussi à féliciter le député de Restigouche-Chaleur qui a créé un précédent du fait que son projet de loi d'initiative parlementaire a non seulement reçu la sanction royale mais qu'il a également fait l'objet d'une recommandation royale visant à débourser des deniers publics.

C'est avec plaisir que je rapporte à la Chambre qu'à la suite de l'adoption hier par le Sénat du projet de loi qui a reçu la sanction royale, depuis minuit deux, tous ceux qui sont appelés à servir comme jurés et qui touchent des prestations d'assurance-chômage continueront à les recevoir.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de l'honorable Simon Upton, ministre de l'Environnement, de la Recherche, des Sciences et de la Technologie et ministre responsable des instituts nationaux de recherche de la Nouvelle-Zélande.

Des voix: Bravo!


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AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 25 pétitions.

* * *

(1505)

[Traduction]

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, j'ai six pétitions portant un total de 471 noms.

Les pétitionnaires prient le Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une façon qui tendrait à indiquer que la société approuve les relations entre personnes de même sexe ou l'homosexualité, et de ne pas apporter de modification au Code des droits de la personne qui inclurait parmi les motifs de distinction illicite l'expression non définie «orientation sexuelle».

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition signée par plus de 2 000 Canadiens de la péninsule du Niagara, Hamilton, London, Burlington et Toronto, ainsi que les régions avoisinantes et d'autres villes de l'Ontario.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de condamner l'initiative de la Société Radio-Canada, qui a demandé à téléviser le procès de Paul Bernardo.

LES DÉLINQUANTS VIOLENTS

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour présenter une pétition sur les initiatives prises au nom d'électeurs qui désirent empêcher que Robert Paul Thompson soit libéré avant d'avoir purgé sa peine.

Les pétitionnaires que je représente s'inquiètent de la sécurité des rues. Ils s'opposent à la pratique actuelle qui veut que l'on libère des délinquants violents avant qu'ils n'aient servi la totalité de leur peine.

Les pétitionnaires prient pour que nos rues soient plus sûres pour les citoyens respectueux de la loi et les familles des victimes de criminels.

[Français]

LES BOÎTES VOCALES

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je dépose une pétition des citoyens de


11067

Trois-Pistoles qui considèrent que la technologie des boîtes vocales doit être rejetée et qui prient le Parlement de bien vouloir demander au gouvernement de renoncer au projet d'implantation de ces boîtes vocales pour les personnes âgées, notamment parce que cela ne leur accorde pas un service approprié, surtout en ce qui concerne leurs demandes touchant la sécurité du revenu.

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, en conformité de l'article 36 du Règlement, je présente une pétition organisée par Suzanne MacDonell, de ma circons-cription.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

Je suis heureux de présenter cette pétition, à laquelle je souscris d'ailleurs.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Clifford Lincoln (Lachine-Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition signée par 40 électeurs de ma circonscription et des régions environnantes.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de faire appliquer rigoureusement les dispositions actuelles du Code criminel du Canada qui interdisent le suicide assisté et de n'apporter à la loi aucune modification ayant pour effet d'approuver ou d'autoriser l'aide ou l'encouragement au suicide ou l'euthanasie active ou passive.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente une pétition signée par une soixantaine d'habitants de la Saskatchewan.

Les signataires demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne des droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une pétition qui vient d'électeurs de Winnipeg et des environs.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer les lois ayant pour objet de punir sévèrement tous les criminels violents qui ont recours à des armes pour commettre des infractions criminelles, de nouvelles dispositions du Code criminel sur le contrôle des armes à feu qui reconnaissent et protègent le droit des Canadiens respectueux des lois de posséder et d'utiliser des armes à feu à des fins de loisir, ainsi que les mesures législatives ayant pour but d'abroger et de modifier les contrôles des armes à feu existants qui n'ont pas amélioré la sécurité publique.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter à la Chambre plusieurs pétitions signées par des habitants de Langley, Aldergrove et Abbotsford, en Colombie-Britannique.

Premièrement, les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas adopter le projet de loi C-41, comprenant l'article 718.2, dans sa forme actuelle et de ne pas ajouter l'expression non définie «orientation sexuelle» aux textes de loi, puisqu'il n'est pas nécessaire de régir en droit le comportement des gens à cet égard.

LES DÉPENSES PUBLIQUES

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition demandent au Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu d'augmenter les taxes et les impôts et d'adopter une loi sur la protection des contribuables afin de limiter les dépenses du gouvernement fédéral.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les signataires de la troisième pétition exhortent le Parlement à ne pas adopter de nouvelles lois ou de nouveaux règlements ou décrets visant à resserrer le contrôle des armes à feu.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, rapidement, j'ai une autre pétition signée par des gens qui prient le Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte canadienne des droits et libertés en y insérant l'expression «orientation sexuelle».

J'appuie toutes ces pétitions.

M. Ian Murray (Lanark-Carleton, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter deux pétitions à la Chambre.

(1510)

Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité.

LE RÉSEAU ROUTIER

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter.

La première pétition est signée par 26 personnes de Killarney, au Manitoba. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que 38 p. 100 du réseau routier national ne répondent plus aux normes acceptées et que le programme de réfection du réseau routier national présente de nombreux avantages.

Les pétitionnaires prient le Parlement de demander que le gouvernement appuie toute mesure visant à rendre possible la réfection du réseau routier national.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par 31 personnes de la région de Brandon-Souris.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne de telle sorte qu'elle protège contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.


11068

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, la troisième pétition est signée par des gens de Cromer, Oak Lake, Kenton et Virden.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de veiller à ce que les dispositions actuelles du Code criminel qui interdisent le suicide assisté soient rigoureusement appliquées et de ne pas modifier la loi de façon à sanctionner ou à permettre le suicide assisté ou l'euthanasie, active ou passive.

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai ici une pétition signée par 40 personnes de ma circonscription.

Les pétitionnaires prient le Parlement de prendre les moyens pour faire respecter rigoureusement les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant le suicide assisté et de n'apporter aucune modification aux lois visant à permettre de prêter assistance aux personnes qui veulent se suicider ou à autoriser l'euthanasie active ou passive.

J'appuie cette pétition.

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition signée par 40 personnes.

Les pétitionnaires exhortent le Parlement à prendre immédiatement des mesures pour protéger les enfants non encore nés en modifiant le Code criminel de manière à leur accorder la même protection qu'aux êtres humains déjà nés.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition signée par 112 personnes de ma circonscription.

Les pétitionnaires exhortent le Parlement à ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte canadienne des droits et libertés de manière à laisser entendre que la société approuve l'homosexualité.

J'appuie toutes ces pétitions.

LA JUSTICE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la première pétition que je veux présenter exhorte le Parlement à ne pas permettre que l'ivresse soit invoquée comme défense.

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition exhorte le Parlement à réduire les dépenses du gouvernement plutôt qu'à majorer les impôts.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, ma troisième pétition est en faveur de l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la dernière pétition que je veux présenter réclame des sentences plus sévères contre les jeunes contrevenants.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je veux présenter deux pétitions signées par des électeurs de la circonscription de Lambton-Middlesex et des environs. Ces pétitions ont été jugées correctes par le greffier des pétitions, conformément à l'article 36 du Règlement.

Dans la première pétition, les signataires prient instamment le Parlement de s'opposer à toute modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés visant à y insérer l'expression «orientation sexuelle».

LA JUSTICE

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, dans la deuxième pétition, les signataires demandent que le Code criminel du Canada et les autres lois pertinentes soient modifiés de façon à ce que l'intoxication extrême ne puisse pas être utilisée comme moyen de défense dans une affaire criminelle.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je veux présenter trois pétitions au nom des électeurs de Simcoe-Centre.

La première pétition porte sur l'euthanasie. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas sanctionner ou autoriser l'aide ou l'encouragement au suicide ou l'euthanasie.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le deuxième pétition porte sur l'orientation sexuelle.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression «orientation sexuelle».

Les pétitionnaires craignent que, si l'on apporte une telle modification, les homosexuels ne finissent par bénéficier des mêmes avantages et privilèges que les gens mariés.

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la troisième et dernière pétition que je veux présenter vient de ma circonscription et tombe juste à point. Les signatures ont été recueillies par des petits entrepreneurs de ma circonscription, notamment M. Don Campbell, Mme Helen Russel, M. John Hunter, Mme Karin Knitter, M. Dan Mallory, M. Michael Douglas et Mme Faye Chappell.

Comme les Canadiens sont déjà surimposés à cause des dépenses publiques trop élevées, les pétitionnaires demandent au Parlement de réduire les dépenses publiques au lieu de hausser les impôts.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur, Lib.): Monsieur le Président, cette pétition a été jugée correcte quant à la forme et au contenu, conformément à l'article 36 du Règlement. Elle a été signée par un certain nombre d'électeurs de Restigouche-Chaleur.

11069

Les pétitionnaires demandent au Parlement de veiller à l'application rigoureuse des dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant le suicide assisté et de n'apporter à la loi aucune modification qui aurait pour effet d'approuver ou de permettre l'aide ou l'encouragement au suicide ou l'euthanasie active ou passive.

(1515 )

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter aujourd'hui. La première déclare que le Parlement devrait instaurer des mesures de contrôle des armes à feu qui soient efficaces, non des mesures qui s'en prennent aux sportifs qui se servent d'armes à feu à des fins légitimes.

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): La deuxième pétition demande au Parlement d'assurer la protection des contribuables en limitant les dépenses fédérales.

J'approuve de tout coeur les deux pétitions.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour présenter une pétition signée par de nombreux habitants de la province d'Ontario, dont beaucoup de Kingston et quelques-uns de Toronto, Waterloo et Thornhill.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de mettre un terme au traitement discriminatoire dont font l'objet les gais et les lesbiennes et leur situation de famille, en modifiant la loi fédérale qui permet actuellement un traitement inégal, en apportant notamment à la Loi canadienne sur les droits de la personne une modification interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

* * *

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 121 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

[Texte]

Question no 121-M. Strahl:

En ce qui concerne tous les ministères et organismes du gouvernement, combien y a-t-il eu de déplacements aériens au cours de l'exercice 1993-1994 par ministère/organisme, quel est le coût total des déplacements aériens par ministère/organisme, combien de ces déplacements se sont faits en classe affaires et combien en classe économique par ministère/organisme, et quel était le coût proportionnel des déplacements en classe affaires par opposition aux déplacements en classe économique par ministère/organisme?
(Le document est déposé.)

[Français]

M. Milliken: Monsieur le Président, je suggère que toutes les autres questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


11069

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

MOTIONS D'AMENDEMENT

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.) propose:

Motion no 1
Qu'on modifie le projet de loi C-69, à l'article 3, par substitution, à la ligne 24, page 2, de ce qui suit:
«19(2)a)(i) équivaut à quinze pour cent ou».
M. Milliken: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Vous constaterez sans doute que la Chambre consent, pour gagner du temps, à ce que les motions nos 2, 3, 5 et 7 ne soient pas mises aux voix. Elles seraient réputées avoir été mises aux voies, comme cela s'est fait samedi matin pour un autre projet de loi.

M. Hermanson: Monsieur le Président, pourrais-je avoir des éclaircissements sur ce qui est proposé ici?

[Français]

M. Milliken: Monsieur le Président, je suggère que chacune des motions soit considérée comme ayant été lue à la Chambre plutôt que le Président lise chacune de ces motions.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

Motion no 2
Qu'on modifie le projet de loi C-69, à l'article 4, par substitution, aux lignes 4 et 5, page 3, de ce qui suit:
«sous-alinéa 19(2)a)(ii) est inférieur à quinze pour cent du quotient.»
Motion no 3
Qu'on modifie le projet de loi C-69 en supprimant l'article 5.
Motion no 5
Qu'on modifie le projet de loi C-69, à l'article 19:
a) par substitution, aux lignes 22 et 23, page 11, de ce qui suit:
«commission applique, sous réserve du paragraphe (1), les principes suivants:» et

11070

b) par substitution, à la ligne 31, page 11, de ce qui suit:
«quinze pour cent du quotient:».
Motion no 7
Qu'on modifie le projet de loi C-69, à l'article 19, par suppression des lignes 28 à 39, page 12.
[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes de nouveau saisis du projet de loi C-69, dont l'étude a commencé dans le cadre de la motion no 12 ou 13, il y a un certain temps. Il y a alors eu une levée de boucliers chez les simples députés libéraux qui ont vu les nouvelles cartes modifier les limites de leurs circonscriptions après les dernières élections.

Nous sommes maintenant saisis d'une nouvelle loi sur la révision des limites des circonscriptions, et le débat tire à sa fin. Nous en sommes à l'étape du rapport, et la troisième lecture suivra, après quoi, le projet de loi sera renvoyé au Sénat.

Nous avons proposé plusieurs amendements, mais ils peuvent se classer en deux grands groupes, dont le premier est la motion no 5, qui a une incidence sur les motions nos 1 et 2. La motion no 7 forme l'autre groupe. Il existe un lien entre les motions nos 5 et 7.

Ces amendements visent à rendre le projet de loi C-69 plus conforme au principe de l'égalité de tous les votes. Tout d'abord, l'écart toléré entre la population de chacune des circonscriptions et le quotient provincial serait ramené de 25 à 15 p. 100. Deuxièmement, le pourcentage d'écart qui s'appliquera devrait constituer une limite absolue.

Notre deuxième groupe d'amendements enlève aux commissions le pouvoir de déroger à ces limites dans des circonstances exceptionnelles. Il concerne le paragraphe 19(2), qui stipule que l'écart ne doit jamais dépasser 25 p. 100 du quotient. Notre amendement ramène cet écart à 15 p. 100. Cette modification correspond à notre 4e amendement.

(1520)

Notre premier et notre deuxième amendements découlent de celui-ci et sont nécessaires, pour assurer une uniformité dans le projet de loi. Ils visent des dispositions qui paraissent plus tôt dans le projet de loi, et c'est pour cette raison qu'il faut les examiner en premier, même s'ils sont corrélatifs.

Permettez-moi d'expliquer les raisons pour lesquelles on propose cet écart de 15 p. 100 entre le chiffre de la population d'une province et le quotient obtenu. Des écarts importants dans la population des circonscriptions sont fondamentalement injustes. Les circonscriptions dont la population est considérablement inférieure à la moyenne provinciale sont trop représentées au Parlement. Parce que le nombre de sièges dans une province est déterminé, si un groupe est trop représenté, il s'ensuit qu'un autre ne l'est pas assez. Il est certainement impossible d'éliminer entièrement cette injustice, mais il faut la réduire considérablement en restreignant cet écart.

Dans bien des cas, l'écart serait même inférieur à 5 p. 100. Nous nous montrons certainement très raisonnables en proposant un écart limité à plus ou moins 15 p. 100 du quotient provincial.

La crédibilité de l'égalité du vote est déjà poussée à l'extrême étant donné que notre Constitution accorde plus de sièges à certaines provinces que ceux auxquels elles auraient normalement droit si l'on se fondait uniquement sur leur population.

Un écart de 25 p. 100 permet d'établir des circonscriptions avec une différence pouvant aller jusqu'à 67 p. 100 dans la population au moment du recensement. La nouvelle délimitation des circons-criptions électorales se fait trois ou quatre ans plus tard. L'écart par rapport à la population pourrait être encore plus important au moment de la redélimitation. Par contre, un écart de 50 p. 100 permet un écart de 35 p. 100 dans la population des circonscriptions de la province.

Un écart de 35 p. 100 dans la population donne aux commissions de délimitation suffisamment de pouvoir discrétionnaire pour que puissent être pris en considération à titre de critères raisonnables les intérêts communs, la croissance rapide et les préoccupations des régions rurales.

Autoriser un écart de 67 p. 100 dans la population laisse trop de possibilités de délimiter des circonscriptions en fonction de collectivités linguistiques, culturelles et ethniques. Il importe que la loi électorale, dans son ensemble, traite tous les citoyens sur un pied d'égalité, quels que soient leur race, leur sexe, leur culture, leur religion ou leur appartenance ethnique. Un écart moins grand favoriserait un traitement équitable de tous les citoyens par les commissions de délimitation des circonscriptions.

Les circonscriptions exceptionnellement grandes n'ont pas à avoir une population beaucoup plus faible pour être praticables. Il y a d'autres moyens d'accommoder les députés de ces circonscriptions et leurs électeurs. Ce peut être, par exemple, au moyen de budgets légèrement plus élevés ou de l'ajout de personnel supplémentaire pour les déplacements. L'usage accru de la technologie des communications peut rendre inutiles certains déplacements. Pour les déplacements dans la circonscription même, les députés de très grandes circonscriptions peuvent utiliser des points de voyage supplémentaires.

S'il est une plainte que nous avons entendue à maintes reprises d'abord de la part de simples députés libéraux, puis de quelques députés du Bloc, qui ont comparu devant le comité, c'est bien qu'ils se préoccupaient du caractère impraticable de leurs grandes circonscriptions rurales. Ils semblaient croire que le fait de menacer les normes élevées que nous attribuons à la qualité du droit de vote des Canadiens était un sacrifice qui valait la peine d'être fait pour leur permettre de conserver leurs circonscriptions électorales dans leur taille actuelle. Certains d'entre eux ont même fait valoir qu'elles étaient trop grandes et qu'il fallait les rapetisser.

Les députés représentent la population et non les régions. Il s'ensuit que si la population d'une région diminue, en chiffres relatifs ou absolus, le nombre de députés devrait, en principe, également diminuer.

Il est important de raccourcir l'écart utilisé pour la majorité des circonscriptions parce qu'il est aussi proposé dans le projet de loi de permettre, dans certains cas, à des circonscriptions de dépasser la limite de population. Individuellement, de grands écarts par rapport à la règle de l'exception, ce n'est pas bon. Combinés, ils atténuent la


11071

notion d'équité entre électeurs au point où elle ne signifie presque plus rien.

Un grand nombre de députés représentant des circonscriptions rurales s'inquiétaient de la superficie de leur territoire. Un argument plus restreint, mais fortement appuyé que l'on a fait valoir devant notre comité, c'était que les circonscriptions urbaines s'accroissent si rapidement qu'elles deviennent elles aussi impossibles à gérer pour les députés qui les représentent. Il était assez étrange de voir des députés urbains et ruraux proposer deux versions différentes de l'article 19 du projet de loi et qui visaient deux objectifs opposés, alors qu'ils espéraient, dans les deux cas, pouvoir protéger leur territoire respectif.

(1525)

Ce qui ressort d'abord et avant tout, c'est l'effort que déploient les députés pour ne pas se retrouver au premier plan des négociations au moment où les lignes de démarcation sont tracées. Le fait est que, dans bien des cas, les députés ont manifesté un intérêt personnel de mauvais aloi au cours du processus. Ils cherchaient à maintenir le statu quo parce qu'ils voulaient conserver les circonscriptions où ils se sentaient le plus à l'aise. C'est naturel, mais ce n'est pas convenable.

L'autre aspect sur lequel nous étions en désaccord a trait au paragraphe 19(3) où il est permis aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales de déroger à la règle du moins 25 p. 100. Si la règle du plus ou moins 25 p. 100 ne suffit pas, cette disposition autorise les commissaires à outrepasser cette variance et à ajouter d'autres circonscriptions à une annexe. Notre amendement a pour effet de supprimer ce paragraphe tout entier. La variance de la population est désormais un nombre absolu. Nos amendements nos 7 et 3 sont consécutifs à cette modification.

Il y a tout lieu de s'opposer aux exceptions à ces règles. En autorisant les commissions à outrepasser les limites démographiques à l'égard des circonscriptions, on enlève toute signification à quelque variance que ce soit énoncée dans la loi. Si les commissions peuvent outrepasser les limites quand bon leur semble, à quoi une limite sert-elle? Ce serait comme autoriser la population à ne pas respecter la vitesse permise si c'est pour une bonne cause.

La surreprésentation accrue découlant du fait que l'on a dépassé la population minimale déterminée par la variance aurait pour effet de créer une sous-représentation encore plus marquée ailleurs dans la province et de vider encore davantage de son sens la notion d'équité entre électeurs.

Très peu de circonscriptions figurent actuellement dans l'annexe. Plusieurs députés prétendaient qu'il devrait y en avoir davantage. Ils disaient: «Ma circonscription ne figure pas dans l'annexe pour l'instant. J'aimerais qu'elle y figure. Assurons-nous de rédiger une loi qui comprendra ma circonscription dans cette annexe.»

Ce fut le cas de plusieurs députés du nord de l'Ontario. Nous avons vu un amendement très intéressant dans le Feuilleton des Avis. Heureusement, il a été retiré. Il est incroyable de voir que certains députés du nord de l'Ontario sont à ce point possessifs qu'ils ne veulent absolument pas perdre leur circonscription, même si la démographie de l'Ontario confirme que tel devrait être le cas. Nous avons entendu les mêmes arguments ridicules de la part des députés du Québec et des séparatistes. Il est bizarre que les libéraux et les séparatistes s'entendent sur ce point. Ils veulent, les uns comme les autres, représenter des circonscriptions rurales à population dispersée et tentent de les faire inclure dans l'annexe par pur esprit de parti. C'est bien malheureux!

Si la loi prévoit des exceptions à la règle, chaque député représentant une région rurale ou nordique essaiera de prouver qu'il mérite d'être considéré comme une exception. Cela créera des difficultés pour les commissions qui devront étudier de nombreux appels invoquant l'exception, ce qui sera long et coûteux.

Les députés d'arrière-ban libéraux pourraient encore une fois demander que la carte soit refaite selon leurs préférences, s'ils n'obtiennent pas toutes les exceptions qu'ils souhaitent. Il sera très intéressant de voir la réaction de certains d'entre eux, lorsqu'ils verront les nouvelles cartes pour la deuxième fois et constateront qu'on n'a pas répondu à leurs attentes. Nous ne pouvons tout simplement pas délimiter les circonscriptions exactement selon les mêmes limites qu'auparavant.

Si l'écart de 25 p. 100 est déjà dépassé, dans le cas des circonscriptions appartenant à la même province, qui peuvent déjà varier de 67 p. 100, il ne sera absolument plus possible de justifier que d'autres ajustements sont nécessaires à cause de circonstances inhabituelles.

Nous avons le Labrador à une extrémité du pays. C'est une circonscription inscrite à l'annexe puisqu'elle ne fait pas partie de Terre-Neuve. Il me semble que cela justifie amplement un traitement différent pour cette immense circonscription rurale. À l'autre extrémité, nous avons North Island-Powell River. Les limites de cette circonscription se situent en partie sur l'île, mais elles se prolongent aussi sur la terre ferme. C'est un terrain dur, sauvage et naturel, un pays magnifique. Pourquoi appliquer deux ensembles de règles différents, surtout que nous avons accordé un écart de plus ou moins 25 p. 100, dès le départ?

Si nous acceptons les exceptions, au moment de la nouvelle délimitation, certaines circonscriptions dans la même province pourraient être constituées de telle sorte que la population doublera dans certaines autres. À Terre-Neuve, la différence entre la circonscription la plus populeuse et la moins populeuse excède largement 300 p. 100. Cela signifie que l'une équivaut à plus du triple de l'autre. Il y a environ 30 000 personnes au Labrador et 101 000 dans St. John's-Ouest. Est-ce qu'une telle répartition des votes est juste pour les gens de St. John's? Certainement pas. Il faut donc remédier à cette situation.

Ce projet de loi perpétuera une telle pratique, au lieu d'y faire obstacle, car il prévoit des dérogations en cas de «circonstances extraordinaires». Bien sûr, la commission peut interpréter le mot «extraordinaires» à peu près de n'importe quelle façon dont elle le jugera raisonnable. En ce qui concerne les régions isolées ou difficiles d'accès, très peu de choses dans ce projet de loi nous donnent une idée de la signification de «circonstances extraordinaires».


11072

(1530)

En Ontario, la dernière carte électorale demeurait plus ou moins dans la limite des 25 p. 100; mais l'écart entre Algoma, où la population est la moins nombreuse, et Scarborough-Nord, où elle est la plus nombreuse, est de 42 p. 100.

Une des raisons pour lesquelles les libéraux ont piétiné ces cartes électorales, c'est que, selon eux, elles étaient injustes pour le Nord. Autrement dit, avec les cartes qui ont été présentées l'année dernière, nous avions déjà un écart injuste de 42 p. 100 entre la circonscription la plus populeuse et la circonscription la moins populeuse de l'Ontario. Mais cela ne suffit pas. Il faut élargir l'écart encore plus. Un écart de 42 p. 100 n'est acceptable ni pour les vastes circonscriptions rurales du Nord ni pour les circonscriptions urbaines, notamment celles situées près de Toronto.

Les libéraux veulent maintenant inscrire ces circonscriptions au tableau. Ils veulent élargir l'écart; ils veulent un écart de plus de 42 p. 100 en Ontario. Cela ne constitue pas une bonne représentation pour les électeurs de l'Ontario ou pour tous les électeurs canadiens.

Monsieur le Président, comme je ne sais pas exactement ce que vous déciderez au sujet de la modification présentée par le Bloc, je ne peux pas en parler pour l'instant. J'espère que je pourrai le faire, car certains principes démocratiques sont déjà en place.

J'espère que les libéraux entendront raison et appuieront ces modifications. Dans le souci d'améliorer le pays, qu'ils fassent enfin la chose honorable, la chose qu'en comité ils avaient prétendu être honorable, puis devant laquelle ils ont reculé et contre laquelle ils ont voté, pour déposer ensuite un projet de loi médiocre.

[Français]

Le vice-président: Comme aucun député du côté du gouvernement ne désire prendre la parole, je cède donc la parole au député de Bellechase.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grande attention l'intervention du député de Kindersley-Lloydminster. Quelle n'a pas été ma surprise de constater qu'il avait, au cours de son intervention, imputé des motifs à l'honorable député de Cochrane-Supérieur qui est venu faire une présentation de grande classe devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Non seulement pour protéger son comté, mais pour protéger une vision globale du Canada rural, du Canada qui s'est dépeuplé tranquillement et dont il fallu refaire les frontières.

C'est avec grand plaisir que je salue l'intervention que le député de Cochrane-Supérieur a faite devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, intervention qui a permis, entre autres, de faire réaliser combien il était difficile de travailler avec une annexe et qu'il était probablement préférable de revenir à une clause, dans le projet de loi, qui traitait des circonstances spéciales de l'isolement géographique. Je reviendrai sur ces points dans quelques instants.

L'honorable député de Kindersley-Lloydminster semble croire que l'histoire du Canada a commencé le 26 octobre 1993 lorsqu'il a été élu dans cette Chambre. Nous en sommes, si on comprend la Constitution de 1982, probablement à notre neuvième Constitution depuis que le Canada existe. Si le député de Kindersley-Lloydminster avait regardé l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, il aurait constaté que la première annexe à cet acte est justement l'annexe qui porte sur les circonscriptions électorales de l'Ontario, et on énumère les 82 circonscriptions électorales de l'Ontario et qu'y découvre-t-on?

En 1867, les pères fondateurs avaient prévu que les circonscriptions électorales seraient essentiellement basées sur le comté. Le comté était donc, en 1867, dans tout l'Est canadien, qui comprenait l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, le critère de représentation. Le sentiment d'appartenance commençait avec le comté. Qu'il suffise d'énumérer ce qu'ont dit les constituants de 1867; une simple énumération des neufs premiers, j'éviterai les autres. On parle du comté de Prescott, du comté de Glengarry, du comté de Stormont, du comté de Dundas, du comté de Russell, du comté de Carleton, du comté de Prince Edward, du comté de Halton et du comté de Essex. Et on continue, car il y en a 82. Lorsqu'on a dû diviser un comté parce qu'il y avait trop de population, on le mentionne. Mais la division territoriale, le sentiment d'appartenance est manifestement établi dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 comme étant le comté.

(1535)

La circonscription que je représente actuellement, celle de Bellechasse, comprend effectivement quatre comtés: celui de Dorchester, celui de Bellechasse, celui de Montmagny et celui de L'Islet, qui a déjà compris quatre représentants dans cette Chambre, un pour chaque comté. Et personne ne s'est lancé des pierres ou n'a menacé de faire exploser de la dynamite parce qu'il pouvait y avoir une variation de représentation d'une circonscription à l'autre.

C'est lorsqu'on s'est mis à délaisser-c'était en 1964- le comté comme base fondamentale de représentation à la Chambre des communes qu'on a faussé tout le système. Désormais, les citoyens et les citoyennes, où qu'ils se trouvent au Canada, ont de la difficulté à se reconnaître dans des circonscriptions électorales qui ont varié, bien sûr, à cause de mouvements démographiques importants.

Nous souscrivons d'emblée au principe de la représentation suivant la population, mais une représentation modulée qui doit tenir compte de l'histoire canadienne, qui doit tenir compte du fait que ce pays a été essentiellement, dans ses débuts et pendant une très grande période, un pays rural, où les populations ont effectué des mouvements migratoires vers les villes, mais où les sentiments d'appartenance ont d'abord été dans les zones rurales de chacune des provinces du Canada, que ce soit dans l'Atlantique, au Québec, en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest.

Alors, aujourd'hui, bien sûr, comme il y a eu un dépeuplement des circonscriptions rurales, un réajustement doit se faire. Mais, est-ce qu'il doit se faire à la troisième décimale, pour éviter qu'il n'y ait aucune variation entre les provinces, entre les circonscriptions? Est-ce qu'on doit aller vers le 15 p. 100 que nous propose le député de Kindersley-Lloydminster? Ne doit-on pas plutôt s'en tenir à ce qui a été la façon traditionnelle


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de faire les choses dans ce pays, une façon, au point de vue électoral, de tolérance, d'acceptation, qui fait que lorsqu'un député a 50 ou 60 communautés à représenter, qu'il ait un nombre d'électeurs beaucoup plus restreint et lorsqu'il s'agit simplement de continuer une artère principale dans une ville donnée, que ça puisse être tenu comme une circonstance permettant de regrouper un plus grand nombre d'électeurs?

Il faut faire du cas par cas. Il faut voir si, dans une circonscription urbaine, le tissu urbain est homogène, si le fait d'ajouter un bloc ou deux de plus ne dérange pas beaucoup de choses. Dans une autre circonscription urbaine, si le tissu n'est pas homogène, si on a une variété, une mosaïque de population à représenter, on se retrouve devant une autre situation. Évitons de généraliser et cette approche réformiste de tout vouloir généraliser, de vouloir niveler par le haut ou niveler par le bas, de toute façon, de vouloir couper les têtes, est une approche, une attitude qui, au point de vue législatif et en matière de représentation électorale, à notre avis, est condamnable.

Nous préférons de beaucoup vivre avec un critère de variation de 25 p. 100 d'une circonscription à une autre. Mais, le Parti réformiste va plus loin. Le Parti réformiste propose d'enlever le paragraphe 19(3), qui permet que pour des raisons géographiques, des raisons d'isolement géographique ou pour des raisons de difficultés de transport, les commissions puissent s'écarter de cette variation de 25 p. 100, uniquement en moins. Il est évident que nous ne pouvons pas souscrire à cette proposition.

Cela voudrait dire dire non à une circonscription pour les Îles-de-la-Madeleine, cela voudrait dire d'agrandir considérablement la circonscription de Manicouagan au Québec. Cela voudrait dire de toucher à la circonscription de Cochrane-Supérieur. Cela voudrait dire de toucher à Nickel Belt, à tout le nord de l'Ontario. Cela voudrait dire toucher à sa propre circonscription. Si le député veut faire le kamikaze, qu'il le fasse, mais je n'irai pas prendre place dans son avion, soyez-en convaincus.

Alors, le paragraphe 19(3) est une sauvegarde insuffisante à notre avis, parce que ce que nous avions proposé en comité c'est de maintenir la situation actuelle, qui permet aux commissions de s'écarter, chaque fois que cela leur paraît souhaitable, pour des raisons tenant au caractère spécial d'une collectivité ou à la diversité particulière des intérêts des habitants des différentes régions de la province, de la variation de 25 p. cent. Le gouvernement a beaucoup réduit la portée. Désormais, la commission pourra dévier de plus de 25 p. 100, mais uniquement en bas de ce pourcentage. Cela veut dire qu'on ne peut aller plus haut que 125 p. 100. Donc, dans une circonscription urbaine de type homogène, ce critère est aussi insatisfaisant.

(1540)

Monsieur le Président, vous comprendrez, sans grande difficulté je l'espère, que nous ne pouvons en aucune façon appuyer ni l'un ni l'autre des amendements proposés pas le Parti réformiste du Canada. Pourriez-vous m'indiquer de combien de temps je dispose encore?

Le vice-président: Comme je n'occupais pas le fauteuil ce matin, on m'avise que nous discutons présentement des motions nos 1, 2, 3, 5 et 7. La motion numéro 6 est retirée; le Président rendra une décision sur la motion numéro 4 dans quelques instants, après votre discours, à savoir si cette motion est recevable. Je pense donc que vous avez le temps de terminer votre discours.

M. Langlois: Monsieur le Président, comment comprendre un parti politique, le Parti réformiste du Canada qui, d'un côté, propose un Sénat triple E, où les provinces auraient six sénateurs chacune, de l'Île-du-Prince-Édouard passant par le Québec, par l'Ontario et jusqu'à la Colombie-Britannique, sans tenir compte de la population et, d'un autre côté, lorsqu'on parle de la représentation à la Chambre des communes, le discours ne tient plus? On voudrait une Chambre uniforme, des députés exactement de la même grandeur. Si on pouvait tous les faire à 5 pieds, 11 pouces et 172 livres, on les voudrait comme tel. C'est à peu près ce que nous propose le Parti réformiste du Canada.

Il va falloir que le Parti réformiste ajuste son discours. Comment peut-il d'un côté vouloir un Sénat triple E, accorder à 120 000 personnes six sénateurs à cette Chambre et le même nombre à la province de l'Ontario qui est la plus populeuse du Canada avec 30 p. 100 de la population. Quelque chose ne tient pas. Ou ils sont en faveur de la représentation égale ou ils sont contre, mais ils réussissent le tour de force d'être pour et contre en même temps.

J'espère que d'autres orateurs du Parti réformiste du Canada auront l'occasion d'intervenir sur le sujet pour pouvoir expliquer davantage leur point de vue par rapport à un Sénat tripe E et une Chambre des communes qui, somme toute, peut fonctionner très bien avec une variation de plus ou moins 25 p. 100.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, pour le moment je suis d'accord avec le point de vue de l'honorable député de Bellechasse concernant les amendements proposés par l'honorable député de Kindersley-Lloydminster. ll me fait plaisir de participer au débat après lui parce qu'il a si bien défini les points importants sur cette question.

[Traduction]

Je voudrais aussi faire connaître mon point de vue au député de Kindersley-Lloydminster. Mon collègue a eu beaucoup de répétitions de ce discours.

Nous avons examiné la question en comité, lorsque nous avions à décider de ce que ferait le comité. En fait, nous avons tenu un débat sur cette question à la Chambre lorsque la question a été renvoyée au comité. Le sujet y avait alors été abordé pour la première fois. Nous avons ensuite étudié la question au comité, puis nous avons fait rapport à la Chambre. Une motion d'adoption avait été présentée et la question était l'une de celles qui avaient fait l'objet d'un débat animé. Nous avions alors entendu le député de Kindersley-Lloydminster.

Nous étions saisis d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, qui a été adopté sans débat, mais, à l'étape de l'étude en comité, nous sommes revenus sur cette question, car nous examinions cet article du projet de loi. Nous y avons apporté des modifications que le député de Kindersley-Lloydminster n'a pas appréciées. Je constate que l'un des amendements qu'il propose vise à supprimer les modifications valables que nous avons apportées.

Nous revenons ensuite à la Chambre et nous sommes de nouveau saisis de cette proposition d'amendement. Il y a fort à parier que le député va présenter les mêmes arguments à l'étape de la troisième lecture. Je concède qu'il est tenace et je reconnais qu'il a eu beaucoup de répétitions de ce discours.


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Je suis heureux d'avoir écouté parler le député, cet après-midi, et je sais qu'il espérait me convaincre d'accepter certains des amendements qu'il proposait d'apporter à cette partie du projet de loi. Je n'appuie pas ses propositions d'amendement et je vais expliquer au député, à la Chambre et à la population canadienne pourquoi le gouvernement n'y souscrit pas.

J'ai écouté son exposé et, après avoir tout entendu, je suis arrivé à la conclusion actuelle, qui me semble justifiée et que j'invite le député à appuyer.

Mon collègue a affirmé que les amendements apportés au projet de loi supprimaient presque toute équité envers les électeurs. Je ne suis pas de cet avis. Le principe fondamental selon lequel les nouvelles délimitations doivent être établies est énoncé au paragraphe 19(1). Si le député se remémore ce principe, je crois qu'il nous donnera raison. Le paragraphe stipule:

La commission est guidée, dans la rédaction de son rapport, par le fait quela représentation effective est le premier critère pour déterminer des limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales de la province pour laquelleelle a été constituée.
(1545)

En tant que représentant d'une circonscription mixte, mais principalement urbaine, je m'attendrais à ce que, par souci d'égalité, toutes les circonscriptions au Canada comptent un nombre égal d'électeurs.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): En principe.

M. Milliken: En principe. Je reconnais le principe de la représentation effective que nous essayons de suivre, comme on le précise à l'article 19 de la loi. Par pure coïncidence, le principe que la Cour suprême du Canada a énoncé dans sa décision au sujet du remaniement de la carte électorale en Saskatchewan, où le député de Kindersley-Lloydminster vit et qu'il connaît probablement fort bien, exige de ne pas s'arrêter simplement sur le nombre d'électeurs habitant dans une région géographique donnée pour déterminer si on assure bien une représentation effective.

Nous avons examiné tout ceci, nous avons pris le Canada dans son ensemble, nous nous sommes penchés sur les cartes et nous avons entendu les témoignages des députés de tout le pays qui ont comparu devant le comité et ont exprimé leur point de vue sur ce que signifiait, pour eux, une représentation effective. Ils ont parlé des problèmes qu'ils avaient à représenter les électeurs de certaines circonscriptions éloignées.

Chose curieuse, le député de Labrador n'a pas témoigné. Pourtant, c'est l'une des circonscriptions qui est considérée, depuis un certain temps déjà, comme une circonscription distincte en vertu des règles actuelles sur le remaniement de la carte électorale. Il n'est pas venu dire au comité qu'il avait beaucoup de mal à représenter ses électeurs. Pourtant, certains d'entre nous connais-sent quelques-uns de ses problèmes.

Le député de Nunatsiaq, dont la circonscription s'étend sur plus d'un million de kilomètres carrés, ce qui représente un tiers de notre pays, n'est pas venu se plaindre, lui non plus, de sa situation difficile. Cependant, il ne peut pas faire grand-chose. Il a peu d'électeurs, mais ils sont éparpillés sur une superficie à faire rougir. . .

M. Hermanson: Dites-nous tout.

M. Milliken: C'est ce que je fais. Sa situation est spéciale. On a créé, dans son cas, une circonscription spéciale, mais, en vertu de la Constitution, les Territoires du Nord-Ouest doivent avoir deux circonscriptions et ils vont les conserver. Elles vont être petites pendant encore quelque temps. Il se peut que, un jour, ce ne soit plus le cas, mais, pour le moment, elles ne sont pas très grandes.

Dans le reste du pays, on constate une énorme diversité. Dans son discours, le député de Kindersley-Lloydminster a parlé de la Colombie-Britannique. Il y a des écarts de population importants entre les diverses circonscriptions de cette province. Je ne pense pas qu'on ait trouvé, dans les dernières propositions que la commission a soumises, des écarts pour cette province qui constitueraient des exceptions à la règle établie. C'était peut-être vrai dans un cas auparavant, mais j'en doute. Je ne crois pas qu'il y en ait eu en 1987 non plus. Pourtant, on constate encore des écarts assez marqués.

En Saskatchewan, les commissions sont restées très près de la limite et il n'y a donc pas de gros écarts. Je félicite ces commissions pour leur travail. Cependant, dans certaines provinces, c'est difficile à faire. Dans certains cas, c'est plus difficile que dans d'autres. Je pense que la taille de l'Ontario et du Québec, par exemple, a donné lieu à une divergence de vues à savoir s'il faudrait fixer la limite de l'écart à 15 p. 100 ou à 25 p. 100. Le projet de loi proposait une limite de 25 p. 100. Le député, dans son amendement, en propose une de 15 p. 100.

Je pense qu'il n'a pas raison de dire que «la notion d'équité entre électeurs ne signifie presque plus rien». Aux termes de la loi précédente, lorsque la limite de l'écart était de 25 p. 100, en 1987, il y avait cinq circonscriptions, dans tout le Canada, qui ne respectaient pas la limite de 25 p. 100. Dans un cas, l'écart était supérieur à cette limite, tandis que dans les quatre autres, il était inférieur à cette limite. Le problème se posait dans cinq circonscriptions sur 295. Ce n'est pas une situation qui fait perdre presque tout son sens à la notion d'équité entre les électeurs, comme l'a dit le député.

Dans les propositions de remaniement que les commissions ont préparées en 1994 et qui, de l'avis du député de Kindersley-Lloydminster, ont été très impopulaires auprès des députés libéraux et je pourrais dire impopulaires en général auprès des députés de son propre parti, chose dont il n'aime pas tellement parler. . .

M. Hermanson: Ce n'est pas vrai. Combien d'entre eux ont comparu devant le comité?

M. Milliken: Il dit que ce n'est pas vrai. Eh bien, je soutiens le contraire. Il sait très bien que bon nombre des députés de son parti étaient très mécontents, qu'ils étaient au bord des larmes, devant les propositions qui avaient été présentées par. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Milliken: Aujourd'hui, ils rient parce qu'ils n'aiment pas qu'on les imagine la larme à l'oeil, mais il y a quelques mois, ce n'était vraiment pas le cas.

Le fait est qu'il y avait deux circonscriptions dans toutes les propositions de 1994 où l'écart était supérieur ou inférieur au quotient de 25 p. 100.


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Je tiens à dire aux députés que ce n'est pas ce qui va ôter presque tout son sens à la notion d'équité entre les électeurs. Je suis surpris que le député de Kindersley-Lloydminster s'engage dans ce genre de discours. Je suis sûr qu'il ne pensait pas vraiment ce qu'il a dit.

M. Hermanson: Vous avez dit la même chose en comité.

M. Milliken: Non. Je voudrais parler du libellé de la loi comme telle parce que c'est très important, à mon avis. Je n'ai pas coutume de lire des lois à la Chambre, parce que je trouve cela très ennuyeux.

(1550)

Je voudrais lire l'article de l'ancienne Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales où l'on dit que les commissions ont le pouvoir d'aller au-delà de la règle des 25 p. 100. On dit:

Les commissions peuvent déroger aux principes énoncés par les alinéas 1 a) et b) chaque fois que cela paraît souhaitable pour des raisons:
a) soit d'ordre géographique. . .
M. Hermanson: Inutile de tout lire.

M. Milliken: Je veux que le député de Kindersley-Lloydminster entende cela, parce qu'il critique cette modification.

Elle se lisait comme suit:

a) soit d'ordre géographique, notamment en ce qui touche la densité de population des diverses régions de la province, leur accessibilité, leur superficie ou leur configuration;
b) soit, tenant au caractère spécial d'une collectivité ou à la diversité particulière des intérêts des habitants des différentes régions de la province.
En d'autres termes, c'étaient les critères que devaient utiliser les commissions nommées en 1993, lesquelles ont rendu leur rapport à la fin de l'an dernier.

Je vous demande, monsieur le Président, de comparer cela au libellé qui se trouve au paragraphe 19(3) à propos duquel le député de Kindersley-Lloydminster disait qu'il faisait fi de l'égalité électorale. On dit au paragraphe 19(3):

La commission peut déroger à l'alinéa (2)a) dans des circonstances qu'elle juge extraordinaires en raison du fait qu'une partie de la province dont la population est inférieure à soixante-quinze pour cent du quotient calculé conformément aux sous-alinéas (2)a)(i) ou (ii) est géographiquement isolée du reste de la province ou qu'on ne peut s'y rendre facilement.
Autrement dit, la liberté des commissions est restreinte. Elle n'est pas élargie, elle est restreinte. Il est plus difficile d'avoir une circonscription spéciale en vertu des nouvelles règles. Il faut maintenant qu'une des deux conditions soit remplie. Par contre, l'ancienne règle permettait de prendre en considération la configuration, la densité de la population et tout un tas d'autres choses. Ce n'est plus le cas, le critère est maintenant l'accessibilité. Il y a deux critères: l'isolement géographique du reste de la province ou le fait que l'on ne peut pas s'y rendre facilement.

Nous avons donc restreint les critères et le député se plaint encore qu'on ne respecte pas l'égalité électorale. Ce que je lui dis, c'est qu'il devrait relire l'ancienne loi, relire le projet de loi et alors il conclurait, comme moi, que son amendement n'est pas fondé. Il devrait laisser ces mots dans le nouveau projet de loi et appuyer le changement. C'est un bon changement et, à mon avis, quelque chose qui est conforme au principe fondamental que nous cherchons tous à faire valoir, c'est-à-dire une représentation valable.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je remercie le député de son intervention.

Plus tôt aujourd'hui, le député de Kingston et les Îles a invoqué le Règlement. C'était avant la période des questions, au sujet de la recevabilité, sur le plan de la procédure, de la motion no 4 présentée par le député de Bellechasse. Selon lui, la motion dépassait la portée de l'article 16.

J'ai maintenant eu le temps d'examiner les arguments présentés alors par les deux députés en cause, et je les remercie d'être intervenus pour présenter leurs points de vue respectifs.

La présidence est rapidement venue à la conclusion que l'amendement en question était pertinent à l'article et au projet de loi, puisqu'on fait clairement allusion à la formule de l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans ledit article. En outre, la présidence est d'avis que l'amendement ne vise pas à modifier l'article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais plutôt à ajouter une disposition supplémentaire que le directeur des élections devra prendre en considération en faisant le calcul prévu à l'article 16.

Pour ces raisons, je déclare l'amendement recevable.

MOTION D'AMENDEMENT

[Français]

Le vice-président: Le Président ayant maintenant rendu sa décision, on pourra maintenant proposer la motion no 4. Quelqu'un pourrait peut-être proposer que le débat porte sur tous les amendements ensemble.

J'accorde la parole à l'honorable député de Bellechasse sur un rappel au Règlement.

M. Langlois: Monsieur le Président, j'aimerais recevoir une directive de votre part quant à la façon dont nous allons débattre les motions.

La motion no 4, inscrite à mon nom et appuyée par l'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup, étant d'une nature différente de celles qui ont trait à la déviation du quotient de 15 p. 100 ou à l'abolition des clauses spéciales, ne serait-il pas dans l'ordre de les débattre les unes à la suite des autres et de les mettre aux voix séparément?


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(1555)

Le vice-président: Je remercie le député de son commentaire. On m'a déjà dit que ce n'est pas dans le même groupe. Alors, on continue avec le groupe de motions nos 1, 2, 3, 5 et 7, et ensuite on poursuivra avec l'autre groupe. Est-ce que le secrétaire parlementaire a terminé ses remarques?

M. Milliken: Non, monsieur le Président. Y a-t-il du temps qui me reste?

Le vice-président: Le temps de parole du député est expiré.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-69, particulièrement sur les amendements proposés par le Parti réformiste. J'aimerais toutefois faire quelques remarques sur l'intervention de mon collègue de Kingston et les Îles auparavant.

Je remarque que lorsque le député de Kingston et les Îles se lève en cette Chambre pour appuyer le Bloc québécois, cela lui donne une crédibilité accrue, à n'en pas douter.

Des voix: Oh, oh!

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Cela démontre également l'ouverture d'esprit de mon collègue du Parti libéral. J'ose espérer que cette manifestation d'intelligence se répandra sur ses collègues, même s'il subsiste quelques doutes dans mon esprit à cet effet. On a beaucoup d'ouvrage à faire, comme dirait ma grand-mère.

J'interviens naturellement dans le même sens, devrais-je dire, que mon collègue de Bellechasse, c'est-à-dire pour rejeter les amendements proposés par le Parti réformiste concernant l'application de la règle du 15 p. 100. Si je comprends bien les arguments mis de l'avant par nos amis du Parti réformiste, nous n'aurions pas besoin de procéder à une révision des limites des circonscriptions électorales qui soit très poussée. Il suffirait probablement d'appliquer un calcul mathématique, le confier à un ordinateur quelconque et, après une opération qui pourrait durer quelques minutes, on obtiendrait une nouvelle circonscription, une nouvelle carte électorale d'un bout à l'autre du Canada.

Il me semble que le fait de revoir les circonscriptions électorales constitue une démarche plus fondamentale, plus sérieuse. Les dispositions du projet de loi à l'effet de permettre un écart de 25 p. 100 me semblent tout à fait justifiées dans les circonstances pour une raison qui tombe sous le sens, particulièrement quand on vient de milieux dits ruraux, comme c'est le cas pour une bonne partie de nos amis du Parti réformiste et comme c'est le cas également pour la plupart des députés en cette Chambre. Ce critère qu'est la communauté d'intérêt devrait, il me semble, prévaloir sur à peu près l'ensemble des critères qu'on prend en considération lorsque vient le moment de revoir la carte électorale.

Représenter un comté, ce n'est pas simplement se retrouver ici à Ottawa, quelques jours par semaine, pour entendre les arguties des uns et des autres, mais c'est pour prendre en compte les intérêts de nos communautés respectives et les faire valoir auprès de l'appareil gouvernemental fédéral, en l'occurrence. C'est également pour nous permettre, dans nos communautés, de pouvoir exercer un rôle d'influence et un rôle de rassembleur. C'est donc dire que ce principe de la communauté d'intérêt est un principe fondamental.

(1600)

Je regarde ma propre circonscription et je réfère au redécoupage qui avait été proposé par le défunt projet de loi C-18. On se serait retrouvé dans mon comté avec ce que les gens du milieu considèrent des aberrations. J'avais eu l'occasion de le soulever lors du débat sur le projet de loi C-18. On faisait un chambardement complet de ma circonscription, on faisait en sorte que des communautés se retrouvaient, du jour au lendemain, associées à d'autres communautés. Je prends l'exemple de la MRC du Granite, dont la ville principale est la ville de Lac-Mégantic qui se retrouvait, du jour au lendemain, dans la même circonscription que la municipalité de Thetford Mines. Thetford Mines compte une population, à ne pas en douter, très sympathique et les gens d'affaires sont agréables dont le représentant est mon collègue, M. Chrétien.

Ces deux communautés, sur le plan de leur développement, sur le plan de leur évolution, ont peu de choses en commun. Effectivement, elles se côtoient sur le plan géograhique. Quand on regarde une carte électorale, on voit que la région de l'Amiante côtoie celle du Granite. Mais quand on regarde sur le terrain le vécu des intervenants, le vécu de la population, c'est-à-dire les relations économiques, les relations au niveau de l'éducation, là où les enfants vont pour poursuivre leurs études, les relations culturelles, on se rend compte que ces deux communautés n'évoluent pas dans le même sens et n'évoluent pas selon le même cadre géographique.

Il faut tenir compte, lorsque vient le temps de refaire les circonscriptions électorales, des données comme celles-là. C'est donc dire qu'il faut prendre en compte la communauté d'intérêt et que le critère du nombre doit être subordonné à ce critère de la communauté d'intérêt. Il faut avoir un écart qui puisse permettre de pouvoir, je le répète, tenir compte de la communauté d'intérêt. Il me semble que ce critère de 25 p. 100 permet les aménagements qui font en sorte que l'on respecte ce critère fondamental. C'est pourquoi il est tout à fait dans l'ordre des choses que le Bloc québécois rejette naturellement les amendements de nos collègues du Parti réformiste et souhaite le maintien de ce critère de 25 p. 100.

J'ajoute également, et je terminerai là-dessus, qu'il nous faut dans ce projet de loi prévoir des dispositions qui permettent la mise sur pied ou l'organisation de circonscriptions dites spéciales, c'est-à-dire qu'elles peuvent même être en-dessous du critère de 25 p. 100. On a donné l'exemple de certaines circonscriptions. Je me rappelle celle des Îles-de-la-Madeleine qui, pendant de nombreuses années, soit de 1947 à 1968 a constitué une circonscription autonome. De 1867 à 1946, la circonscription a été rattachée à Gaspé et, maintenant, depuis 1968, elle forme la circonscription de Bonaventure-Les Îles-de-la Madeleine. Il y a là un exemple que l'on doit prendre en considération quand on regarde le caractère très particulier des Îles-de-la-Madeleine. Il y a également d'autres exemples que l'on pourrait citer et qui ont été soulevés par d'autres collègues en cette Chambre. Donc, je le répète, voilà les raisons qui, à mon avis, justifient le maintien de ce critère de 25 p. 100.

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je dois dire pour commencer que je n'étais pas prêt à prendre la parole aujourd'hui, mais qu'en entendant mes


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collègues faire certaines remarques, je me suis senti obligé de me lever et d'apporter ma petite contribution au débat.

(1605)

Je voudrais mettre certaines choses au point en ce qui concerne certains commentaires faits par le député de Kingston et les Îles. Le député a laissé entendre que les réformistes étaient déçus, bien qu'ils se soient opposés au projet de loi C-18 il y a un an-je crois qu'il a dit que nous avions eu un ton larmoyant en parlant de certains changements proposés. Il a laissé entendre que les réformistes, même s'ils s'opposaient au projet de loi, n'ont pas en fait été fâchés lorsque la loi a été adoptée et que les commissions de délimitation des circonscriptions électorales ont été démantelées.

Je voudrais dire aujourd'hui, à toutes fins utiles, qu'effectivement, nous avions des réserves légitimes au sujet des changements proposés. Nous estimions à l'époque, et nous estimons encore aujourd'hui, que nos préoccupations auraient pu être apaisées si l'on avait suivi la procédure en place à l'époque.

Nous ne jugions pas utile de suspendre les commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Nous estimions que les représentants élus à la Chambre ne devraient pas avoir priorité sur les préoccupations des citoyens ordinaires et que nous devrions faire valoir notre point de vue de vive voix devant les commissions quand elles se déplaceraient dans les diverses provinces, ou par la voie administrative appropriée.

Personnellement, c'est ce que j'ai fait. Je me suis présenté le 2 juin à Prince George devant la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour la Colombie-Britannique. J'ai dit pourquoi j'étais contre les changements proposés qui avaient été communiqués.

J'ai le plaisir de représenter une des plus vastes circonscriptions de la Colombie-Britannique. Elle représente un territoire total d'environ 212 000 kilomètres carrés. Comme un certain nombre de députés l'ont dit aujourd'hui, certaines circonscriptions rurales sont très difficiles à représenter. Il est très difficile de faire le tour de toutes les localités que regroupe une circonscription.

J'estime que ma circonscription est l'une de celles dont il est le plus difficile de faire le tour. C'est la seule circonscription qui chevauche les Rocheuses, avec 60 p. 100 de la population se trouvant dans le district de Peace River, à l'est des Rocheuses, et 40 p. 100 de l'autre côté. Par conséquent, à l'instar de plusieurs députés réformistes et de plusieurs députés des autres partis, j'étais inquiet.

Je me suis présenté à cette audience et j'ai fait valoir mes arguments. Et quelle ne fut pas ma surprise de constater que les commissaires m'avaient écouté. Par la suite, la commission a été démantelée et a déposé son rapport final. J'en ai pris connaissance lorsqu'il est sorti, en novembre. Je me suis aperçu que la commission m'avait effectivement écouté et avait réagi en conséquence concernant les modifications qu'elle avait proposées pour les circonscriptions de Prince George-Bulkley Valley et de Prince George-Peace River. Ce qui s'est passé, c'est que la commission a écouté les arguments présentés par le député de Prince George-Bulkley Valley et par moi-même et a décidé de laisser ces deux circonscriptions telles quelles.

Je pense qu'il convient également de mentionner que même avec la population actuelle de la Colombie-Britannique, estimée à quelque 3,3 millions d'habitants, le nombre de circonscriptions basé sur le recensement de 1991 sera de 34 au lieu de 32. Je sais que pour une province de la taille de la Colombie-Britannique, Élections Canada fixe le nombre moyen d'habitants par circons-cription à 96 531.

L'écart de 15 p. 100 proposé par mon collègue dans son amendement s'appliquerait à la circonscription de Prince George-Peace River, telle qu'elle existe à l'heure actuelle. Par conséquent, même une circonscription rurale très vaste, qu'il est très difficile de parcourir de bout en bout, satisferait aux normes que propose le Parti réformiste en ce qui concerne cet écart. Je pense qu'il convient d'en prendre note.

J'aimerais également dire un mot ou deux au sujet de certains commentaires du Bloc. Il semble avoir du mal à comprendre comment le Parti réformiste peut, d'un côté, appuyer l'idée d'un Sénat triple E et, de l'autre, s'élever contre un écart plus grand. Pour nous, c'est très facile à comprendre. Je ne vois pas pourquoi c'est si difficile pour le Bloc.

(1610)

C'est vraiment revenir à ce que nous considérons comme le principe fondamental de la démocratie, qui suppose un système bicaméral où la population est représentée le plus fidèlement et le plus précisément possible à la Chambre basse, alors qu'à la Chambre haute, la représentation est géographique et tient compte des régions. Je ne saisis pas pourquoi les députés québécois ont tant de mal à comprendre.

Je note, avec une véritable inquiétude, que le Bloc a proposé des amendements laissant entendre que, d'une façon ou d'une autre, le Québec devrait toujours avoir droit à 25 p. 100 des sièges à la Chambre. C'est tout à fait contraire aux arguments contre l'Accord de Charlottetown.

Nous, les réformistes, nous avons parcouru tout le pays, surtout l'ouest du Canada, pour dénoncer l'Accord de Charlottetown avant que la population se prononce, et nous avons entendu les Canadiens nous dire qu'ils s'opposaient vraiment à ce qu'une région ait droit à un nombre fixe de sièges à la Chambre. Le nombre de sièges devrait être établi par la population. Qui peut prévoir l'avenir? Voilà vraiment pourquoi les Canadiens ont voté contre l'Accord de Charlottetown.

Bref, je rappelle cela aux bloquistes. Ils devraient revoir leur histoire. Qu'ils sachent que les Canadiens ont voté contre l'Accord de Charlottetown parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec certains Québécois, pas tous, qui disaient avoir un droit inhérent à 25 p. 100 des sièges à la Chambre.


11078

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, je traiterai donc de l'amendement proposé par le Parti réformiste qui vise à baisser la déviation du quotient provincial de 25 à 15 p. 100. D'abord, j'aimerais souligner qu'au Québec aussi on a voté contre l'Accord de Charlottetown. Évidemment, c'est pour d'autres raisons, mais c'est à peu près le seul point où, à un moment donné dans l'histoire, on s'est rejoints. C'est à peu près le seul temps dans l'année où les bloquistes et les réformistes se sont rejoints. C'est quand même pour la bonne cause, dans le fond.

Pour bien comprendre la situation du 25 et du 15 p. 100, je pense qu'il importe de nous situer géographiquement et démographiquement parce que notre rôle ici, à la Chambre, n'est pas que de représenter un territoire, n'est pas que de représenter des gens, mais il s'agit de représenter des gens sur un territoire. Et à partir de ces éléments de base, il est important de considérer les deux éléments dans le processus. Il y a des régions où c'est facile de faire respecter par le biais d'un jeu géographique, de jouer avec certaines limites, et on peut en arriver comme cela relativement facilement à faire changer les barèmes en plus ou en moins 25 ou 15 p. 100. C'est mathématique.

Il est bien certain que la mathématique a sa place à un moment donné. Mais là où la mathématique ne va plus c'est quand la géographie entre en ligne de compte. Il y a des régions comme cela, pas seulement chez nous, pas seulement au Québec, il y a des régions en Ontario, il y a des régions au Yukon, il y a des régions comme cela où c'est impossible. Je regrette, mais notre rôle ici, à la Chambre des communes, n'est pas qu'un rôle statique de représenter une mathématique de gens. On est ici pour représenter des gens en fonction d'une démographie des particularités régionales. À l'intérieur de ce processus, il est important de tenir compte de certains éléments fondamentaux. Pour prendre un exemple précis, naturellement, je vais vous donner celui que je connais le mieux, celui de mon comté.

Mon comté est le troisième plus grand comté au pays: 465 000 kilomètres carrés. C'est un peu plus de la moitié de la superficie totale de l'Ontario. Juste pour vous donner une idée de la grandeur du terrain de 465 000 kilomètres carrés, pas de la grandeur du terrain où il y a seulement des gens dans 10 kilomètres carrés et ailleurs c'est seulement de la forêt, non, il y a des gens partout sur le territoires aux extrémités. Là où il y en a le moins, c'est dans le centre. Donc, un député, de façon raisonnable, doit prendre le temps d'aller voir les gens et les gens ont le droit aussi de voir les élus pour qui ils ont voté, les gens qui sont là pour les représenter, peu importe qu'ils aient voté pour lui ou pas, il est là pour les représenter.

(1615)

Monsieur le Président, 465 000 kilomètres carrés, cela signifie plus de 82 fois l'Île-du-Prince-Édouard où il y a quatre députés. Donc, en effectuant un calcul mathématique du ratio, on obtiendrait 328 députés dans la circonscription de Manicouagan, ce qui serait plus que le nombre actuel total de députés à la Chambre des communes. Si vous voulez parler de mathématiques, on va en parler.

Cela n'a pas de bon sens, à l'exception qu'il y aurait beaucoup de bloquistes. On y perd, mais que voulez-vous! On l'accepte toutefois.

Je reviens sur le débat, car il ne faut pas oublier que, dans tout le processus de législation, il importe de tenir compte de tous ces éléments. Et quand on tient compte des éléments desquels il faut se rapprocher et auxquels il faut s'accrocher aussi, devrais-je ajouter, il s'agit de la saine représentativité des contribuables pour qui on travaille.

Quand je me rends à Blanc-Sablon, dans mon comté, je dois faire trois heures de vol, et là je ne suis seulement qu'à l'est, comprenons bien, parce qu'il faut que je revienne à Sept-îles avant de faire trois autres heures de vol pour me rendre dans le nord visiter d'autres contribuables. Avant de me rendre à Blanc-Sablon, je dois préparer un horaire pour plusieurs jours, voire des semaines. J'ai d'ailleurs dû en préparer un quand j'ai comparu devant le comité.

Pour visiter les citoyens de mon comté, pas en coup de balai et en coup de vent, mais pour rencontrer, dans chacune des localités actives, un organisme, comme les autorités municipales à l'hôtel de ville ou les membres d'une Chambre de commerce, je dois prévoir trois semaines d'horaire serré, sans jour de vacances, et en espérant que les conditions atmosphériques le permettront. Je dois vous avouer sincèrement qu'en un an et quelques mois, je n'ai pas réussi à faire le tour de mon comté encore parce que trop souvent le brouillard nous empêche, nous ralentit, nous oblige à remettre nos plans d'une journée. Les contribuables ont tout de même le droit de rencontrer leurs élus. C'est aussi le devoir des élus de rencontrer leurs contribuables sur leur terrain pour mieux comprendre certaines particularités, parce qu'il y a des particularités régionales qui s'affichent.

Dans le nord, entre autres, on parle des communautés autochtones où la chasse et la pêche prévalent. Dans le sud-ouest, qui englobe Sept-Îles et Port-Cartier jusqu'à Franquelin, par exemple, y compris Havre-Saint-Pierre, ce sont les compagnies minières, entre autres, qui gèrent, ainsi que des compagnies forestières naturellement. Fermont est aussi une ville minière un peu plus au nord.

À partir de là, la route s'arrête. Il faut aussi tenir compte de cela. On parle de modifier des normes et des barèmes, tels les 25 p. 100 et les 15 p. 100. Quand la route s'arrête, elle ne tient plus compte des 15 ou des 25 p. 100. Ces gens ont le droit de vivre, d'avoir accès à des denrées alimentaires, à des services de santé ainsi qu'à des services publics.

Il ne s'agit plus des mêmes démarches pour les rencontrer. On ne peut plus parler dans le même sens. À partir de ce secteur, 75 à 80 p. 100 des gens vivent des produits de la pêche. Mais il n'y a pas de route. La route, c'est le bateau. La route, c'est l'avion. L'hiver, c'est la motoneige.

On sait ce qui s'est passé récemment à Blanc-Sablon. Il y a énormément de neige, monsieur le Président.

En terminant, quand on parle d'un décorum de chiffres, quand on parle d'une simple équation mathématique, il ne faut pas non plus tomber dans l'absurde. Il faut rester fier du travail qu'on fait et fier aussi de pouvoir améliorer la qualité du service qu'il faut donner à ces gens, parce qu'ils ont des devoirs et des droits aussi, tout comme


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nous en tant qu'élus. Il ne faut pas qu'une équation mathématique rende notre travail ridicule.

Pour rencontrer les normes, il faudrait que mon comté soit élargi d'à peu près la moitié de tout le Québec. Dans ce cas, ce serait plus qu'une Chambre des communes qu'il nous faudrait. Non. Je pense que la norme est de garder ces espèces de coefficients qui tiennent compte de la géographie et de la démographie, et ce, pour le plus grand respect des contribuables.

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais mentionner deux points concernant l'amendement que propose le Parti réformiste et qui vise l'écart par rapport au quotient qui sera utilisé au cours de la prochaine révision des limites des circonscriptions électorales.

(1620)

Je tiens à signaler, comme l'a fait mon collègue de Kingston et les Îles, que l'écart maximal de 25 p. 100 a déjà été jugé conforme à la Charte. Il s'agit d'une norme qui respecte les dispositions de notre Charte. En fin de compte, c'est la Charte qui régit la révision des limites de nos circonscriptions électorales, car elle constitue le fondement sur lequel reposent nos droits et privilèges démo-cratiques.

En ce qui concerne les chiffres de population qui sont utilisés, je voudrais signaler à mes collègues la possibilité que certains d'entre nous, au cours de ce débat, citent les chiffres de population actuels lorsqu'ils parlent de l'écart par rapport au quotient qui existait il y a plus de 10 ans, soit la dernière fois où les limites des circonscriptions ont été révisées. Cela remonte environ à 1987.

Je tenais à souligner que les chiffres qu'utiliseront certains de mes collègues pour affirmer que l'écart actuel dans une circonscription donnée est tout près de 25 p. 100 et que la situation est inacceptable et antidémocratique ne correspondent pas aux statistiques d'il y a 15 ans. Lorsque les circonscriptions ont été créées il y a 15 ans, dans bien des circonscriptions, le chiffre de population correspondait quasiment au quotient. L'essor économique ultérieur a fait accroître ou diminuer le chiffre de population, ce qui explique l'écart par rapport au quotient. Il faut donc être prudent lorsqu'on discute de la situation, car il serait injuste de dire que, dans une circonscription où l'écart par rapport au quotient est de 23 p. 100, l'écart resterait inchangé si la commission de délimitation des circonscriptions électorales devait remanier les circonscriptions.

Les commissions de délimitation des circonscriptions électorales seront tenues de respecter le plus possible le quotient lorsqu'elles rempliront leur mandat. Je sais qu'elles le font, car je suis passé par là dans les années 80.

Si le comité a modifié la loi en supprimant ce qu'il était convenu d'appeler l'annexe, c'est pour des raisons bien précises. Je sais que ces raisons étaient bonnes. J'en ai débattu au comité. Il importe de signaler que la suppression de l'annexe n'empêchera pas des circonscriptions d'exister au-delà de la marge des 25 p. 100.

Toutefois, nous avons assez bien cerné les raisons pour lesquelles elles pourraient ne pas tenir compte de la marge des 25 p. 100. Les circonstances doivent être extraordinaires-je laisse aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales le soin de définir ce que cela veut dire; la circonscription doit être géographiquement éloignée du reste de la province ou difficilement accessible. Pour permettre l'existence d'une circonscription qui viole non seulement le contingent, mais encore la marge des 25 p. 100, une commission de délimitation des circonscriptions électorales doit fournir d'excellentes raisons.

Si des démocrates du Parti réformiste, du Parti libéral ou du Bloc québécois croient alors que cette décision va à l'encontre de la Charte, on pourra demander une interprétation judiciaire.

Nous avons fait un compromis raisonnable. Nous avons mis en place un bon mécanisme pour tenir compte des caractéristiques électorales extrêmement variées que présente le Canada de l'Atlantique au Pacifique, en passant par l'Arctique.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, cela fait plusieurs fois que j'ai la chance d'intervenir sur la question de la modification de la carte électorale.

(1625)

En ce qui concerne les amendements du Parti réformiste, j'aimerais bien que les citoyens qui nous écoutent puissent comprendre que ce n'est pas une question de calcul technique et compliqué. Ce que le Parti réformiste nous demande, finalement, c'est que les comtés soient de plus grande étendue, qu'on accentue l'importance des communautés urbaines et qu'on diminue l'importance des autres critères comme l'aspect d'occupation du territoire et la façon dont on voit le développement du Canada.

Parce qu'à travers des critères qui semblent très techniques, il y aurait, comme conséquence aux amendements du Parti réformiste, un choix très net, c'est-à-dire celui de faire en sorte que le développement, dans l'avenir, ne soit fait qu'en fonction des mouvements naturels de population. On ne tiendrait pas compte du fait que dans une région donnée, il peut y avoir eu une certaine baisse de la population, il peut y avoir une baisse temporaire, il peut y avoir des moyens mis en place par le milieu pour le revitaliser. Les amendements du Parti réformiste n'auraient pour résultat que d'accentuer la dévitalisation de ce milieu, sa désorganisation, une diminution de sa représentation politique. Je pense qu'il est évident qu'à ce moment-là, il faut s'assurer que cet amendement sera rejeté.

Le deuxième amendement qui a pour but de supprimerla possiblité d'écart de plus de 25 p. 100 accroît encore la démesure qu'il y a avec les circonscriptions protégées constitu-tionnellement. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, et dans d'autres endroits, il y a un certain nombre de circonscriptions qui sont protégées. Faire en sorte qu'on ne puisse pas dévier de plus de 25 p. 100 va encore accroître l'écart entre ces représentations.

Qu'est-ce qui fait qu'un comté protégé constitutionnellement aurait plus d'avantages que les autres, en termes de représentations? On nous sert ce critère de la représentation, et je pense, qu'effectivement, les populations des communautés rurales de l'ouest du Canada doivent être assez étonnées, merci, de la position du Parti réformiste aujourd'hui, parce que cela aurait comme conséquence, dans certains comtés où il y a des territoires déjà immenses, de les rendre encore plus démesurés.


11080

Je pense que c'est très très étonnant, de la part du Parti réformiste, d'avoir un point de vue comme cela.

Il me semble aussi que la question n'est pas simplement d'assurer une représentation mathématique adéquate, mais d'assurer une représentation adéquate. L'équité n'est pas une question d'arithmétique. Si c'était une question d'arithmétique, on réglerait cela avec une calculatrice et on économiserait beaucoup d'argent. Mais quand une circonscription correspond à six coins de rue de Toronto, Montréal ou Vancouver, versus une autre circonscription de 55 ou 60 municipalités, n'y a-t-il pas d'autres critères dont on devrait tenir compte pour s'assurer que les citoyens de ces comtés vont être aussi bien représentés au Parlement que ceux du centre-ville d'une grande ville urbaine?

Je pense que personne ici ne démentira le fait que ce n'est pas la même fonction et qu'on a besoin d'avoir des possibilités différentes de rejoindre nos citoyens. L'une d'elles est de s'assurer qu'on a moins de citoyens dans l'ensemble des circonscriptions. Il y a déjà, dans la loi, on vient de le démontrer, des marges suffisantes pour qu'on puisse assurer cette représentativité dans l'avenir.

Tout à l'heure, on nous demandait comment on pouvait, nous, du Bloc québécois, refuser la vision qu'a le Parti réformiste du Sénat triple E. Justement, le Sénat triple E multipliait la vision des écarts. On donnait, dans le Sénat triple E, une importance égale-je n'ai rien contre les gens de l'Île-du-Prince-Édouard, mais regardons la réalité géographique, la réalité démographique, d'un coin de pays comme cela en comparaison avec l'Ontario, le Québec ou la Colombie-Britannique.

On peut voir à l'oeil nu que ce n'est pas une solution adéquate. De toute façon, au Québec, on avait bien 15 autres raisons pour refuser l'Accord de Charlottetown et ce n'est sûrement pas seulement celle-là qui nous a amenés à voter contre. Je pense que c'était un mauvais accord pour l'ensemble du Canada, concocté par des négociateurs dans une salle privée. On s'est rendu compte après que les mandataires de ces gens n'avaient pas du tout le goût de s'entendre sur un accord semblable et qu'ils l'ont rejeté de façon massive. Je pense que c'était bien pour le Québec et c'était bien pour le Canada.

Il me paraît important aussi, dans le deuxième amendement du Parti réformiste, de regarder l'effet que cela aura, par exemple, sur les Îles-de-la-Madeleine au Québec.

(1630)

Les Îles-de-la-Madeleine sont une région très particulière du Québec. Mon confrère du Bloc québécois disait qu'il avait un comté démesuré en étendue. Il y a des réalités différentes, comme le fait d'être des insulaires, déjà reconnues par le gouvernement fédéral. Le comté unique a disparu. Par contre, les gens de cette circonscription profitent de ce que j'appellerais une plus grande ouverture d'esprit, une plus grande vision du développement du Québec.

Dans la loi électorale du Québec, les Îles-de-la-Madeleine sont considérées comme une exception à la règle des 25 p. 100, c'est la seule présentement dans la Loi électorale du Québec. Tout le monde est content, parce qu'on assure une représentation à des gens qui ont des problèmes très spécifiques, très particuliers et qui exigent une représentation particulière. On le voit bien, actuellement, dans la question du dossier des pêches.

On pourrait demander au député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine comment il trouve le fait de représenter les Îles-de-la-Madeleine en même temps qu'une partie du comté de Bonaventure. De quelle façon peut-il s'assurer d'une représentation adéquate des deux endroits? En réalité, c'est à peu près impossible.

Il se retrouve avec des dénonciations des Chambres de commerce comme quoi leurs intérêts ne sont pas suffisamment protégés. Ce n'est pas nécessairement dû aux compétences de l'individu; c'est probablement beaucoup plus dû à la question de la représentativité. De quelle façon peut-il assumer son rôle de député à Ottawa, à Bonaventure et en même temps dans un territoire situé en pleine mer à 500 kilomètres de là?

Je pense que si le gouvernement du Canada voulait démontrer une sensibilité significative au développement des régions, et particulièrement à cette région, il donnerait suite à la proposition présentée par le Bloc. Tout au moins faut-il, pour notre part, battre les amendements proposés par le Parti réformiste qui empêcheraient tout écart de ce type. Je pense qu'on a un message à donner en ce sens.

Je me permettrai, d'ailleurs, de répondre à une question qui m'a été posée en comité et que j'ai trouvée particulièrement insultante pour les citoyens de ma région. Le député de Kindersley-Lloydminster m'a demandé si c'était pour protéger la représentation des Canadiens français «pur laine», c'est l'expression qu'il a utilisée, que je leur disais de protéger les cinq comtés de l'est du Québec.

À ce point, il a fallu lui donner un cours d'histoire, parce qu'il ignorait que, dans ces comtés, il y avait des communautés francophones, mais aussi des communautés anglophones établies depuis très longtemps, du temps où les loyalistes ont quitté les États-Unis pour s'installer dans leur terre d'accueil du moment, soit la région de la Gaspésie.

Il y a aussi dans ces circonscriptions des communautés amérindiennes qui ont le goût d'être bien représentées. Donc, la représentation qu'on faisait n'était pas pour protéger les Canadiens français de ce territoire, mais bien pour assurer à l'ensemble des citoyens de ce territoire une représentation adéquate.

Je trouve que cela reflète une partie du mépris que le Parti réformiste a envers la représentation et le rôle des députés. Je ne pense pas qu'il y ait de députés dans cette Chambre qui font des représentations pour s'assurer qu'ils vont être élus la prochaine fois dans un territoire donné. De toute façon, on sait à quel point les changements sont aléatoires.

À la dernière élection, les conservateurs se seraient protégés de toutes les façons possibles et imaginables, et au lieu de deux, il en resterait peut-être quatre ou cinq, mais le même ménage aurait été fait. Je pense que ce n'est pas par souci de protéger leur comté que les députés font cette représentation, mais bien pour s'assurer que les citoyens auront une représentation adéquate.

Il m'apparaît donc important que tous les groupes de notre société, les individus, mais aussi le type de communauté qu'ils forment-amérindienne, anglophone, allophone, francophone, les autres communautés du Canada-puissent avoir une représentation adéquate et ce n'est certainement pas par l'applications deux modifications proposées par le Parti réformiste que nous allons en arriver à ce résultat.


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Il est donc important de rejeter ces deux amendements, de façon à s'assurer que la carte électorale fédérale, si elle a besoin de servir à nouveau dans l'avenir-parce que moi, j'ai bien l'espoir que la carte électorale fédérale, on n'en aura plus jamais besoin-parce que s'il y a un constat à faire au-delà de la question de la carte électorale, c'est le fait que la double représentation avec des députés du fédéral et des députés du provincial fait que les citoyens ne s'y retrouvent plus. Ils ne savent plus qui est responsable de quoi. Il serait très important qu'on change cette situation.

Si j'étais fédéraliste, je dirais «clarifions, dans la Constitution, les rôles de chacun de telle façon qu'on ne s'enfarge pas dans les mêmes responsabilités.» Mais comme souverainiste, et parce que j'ai l'expérience des 30 dernières années, je crois personnellement que la solution évidemment, c'est d'en venir à la souveraineté du Québec.

(1635)

Mais, pour respecter le droit à la représentation des Québécois, parce qu'en même temps qu'on a été élus pour promouvoir la cause de la souveraineté, on est aussi là pour défendre les intérêts du Québec, il m'apparaît important que l'on adopte une loi qui va permettre la meilleure représentation possible à tous les électeurs du Canada-dans mon cas particulièrement, ceux du Québec-et, de ce fait, je souhaite qu'on rejette ces amendements pour qu'on assure une représentation correcte à tous ceux qui le méritent, à tous les citoyens du Québec et du Canada.

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Conformément au paragraphe 76.1(8) du Règlement, le vote par appel nominal est reporté. Le vote par appel nominal s'appliquera également aux motions nos 2, 3, 5 et 7.

En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qui sera soulevée ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Delta-Les pêches.

[Français]

La Chambre passera maintenant à l'étude de la motion no 4 qui sera débattue et mise aux voix séparément.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ) propose:

Motion no 4
Qu'on modifie le projet de loi C-69, à l'article 16, par substitution, aux lignes 35 et 36, page 8, de ce qui suit:
«le de 1867 et, par dérogation à ce qui précède, lorsque, par l'application du présent paragraphe, le nombre de sièges à attribuer à la province de Québec est inférieur à vingt- cinq pour cent du nombre total de sièges à la Chambre des communes, le directeur général des élections attribue au moins vingt-cinq pour cent de ces sièges à la province de Québec.
(2.1) Le directeur général des élections fait publier sans délai les résultats dans la Gazette du Canada.»
-Monsieur le Président, enfin, nous sommes au coeur du débat. Nous approchons de la fournaise, du moment fatidique où nous allons savoir si cette Chambre reconnaît au Québec un droit que nous avons toujours considéré comme normal, comme étant un des deux peuples fondateurs, le droit d'avoir une représentation qui correspond à notre participation historique dans les institutions canadiennes. Et sans préjuger à ce que mon honorable ami, le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup disait tout à l'heure, parce que nous espérons que la Loi sur la redistribution électorale ne s'appliquera pas au Québec, il faut quand même, et nous l'avons toujours dit, vivre dans les institutions où nous avons été appelés à servir et travailler à leur amélioration, jusqu'au jour où nous les quitterons, lorsque les Québécois et Québécoises auront fait leur choix démocratiquement.

Le Québec, depuis qu'il a des chambres élues, depuis 1791, l'Acte constitutionnel de 1791 a donné une très large majorité de sièges aux francophones au Québec. Ils ont contrôlé leur assemblée législative en 1791. Par l'Acte d'Union, en 1840, les Québécois ont pu avoir dans la Chambre du Canada-Uni, la moitié des sièges, bien que leur population comptât, à cette époque, pour beaucoup plus que la population anglophone.

(1640)

Et, à la veille de l'Union de 1867, il y avait ici même à Ottawa, dans l'Assemblée du Parlement du Canada-Uni, 65 députés provenant du Québec et 65 députés provenant du Haut-Canada. Nous avions la moitié des sièges. Que s'est-il passé depuis cette période? De 65 sur 130, 50 p. 100 que nous étions en 1867, au 30


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juin 1867, le lendemain matin, nous passions, sur un plan théorique en attendant les élections, nous sommes passés à 65 sur 181, donc le tiers.

Aujourd'hui, alors que nous siégeons dans cette 35e Législature, nous sommes 75 sur 295 et, si les choses devaient continuer, si nous ne devions pas en sortir de ce système fédéral qui nous étouffe de façon irréductible, lors de la 36e Législature, nous n'aurions plus que 75 sièges sur 301. Ensuite, ce sera sur 310, sur 330, 340. C'est la lente agonie du Québec. C'est aujourd'hui que nous avons à dire si nous voulons, quels que soient les résultats référendaires, cette lente agonie du Québec. Je suis en bonne compagnie pour parler de cette situation.

Heureusement, nous avons les hansards, nous avons les journaux des Débats qui nous permettent de situer comment nos amis en cette Chambre ont considéré cette question en 1992. Je vous renvoie particulièrement au hansard du 9 septembre 1992, à la page 12 795 où l'honorable député de Papineau-Saint-Michel, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères du Canada, disait, et je cite: «Autre demande. La préservation d'une représentation du Québec au sein d'institutions communes qui reflètent pleinement sa situation particulière au Canada. L'item 21 de la nouvelle entente donne au Québec la garantie de ne jamais avoir moins de 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes.»

Et le député de Papineau-Saint-Michel de dire: «C'est un gain exceptionnel, extraordinaire dans les circonstances, qui démontre une générosité remarquable des autres partenaires canadiens, une reconnaissance de cette différence qui existe au Québec.» Le député de Papineau-Saint-Michel, aujourd'hui ministre de la Couronne, n'aura sûrement pas changé d'avis lorsque la question sera mise aux voix. Sûrement qu'il n'aura pas oublié son discours aussi récent que le 9 septembre 1992 et qu'il appuiera l'amendement bloquiste qui est déposé aujourd'hui.

D'autres personnes se sont prononcées sur cette question et qui ne sont pas particulièrement membres de l'écurie souverainiste. Ce sont des gens qui ont eu des positions constitutionnelles opposées. Je prends pour exemple l'honorable sénateur Jean-Claude Rivest qui, lorsqu'il a comparu le 21 juin dernier devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, s'est particulièrement exprimé sur cette question d'un minimum de représentation pour le Québec, quel devait être ce minimum et pour quelle raison.

Je cite le sénateur Rivest dans le texte du rapport du fascicule no 18 du 21 juin 1994, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le sénateur Rivest disait: «Par contre, dans la Constitution canadienne, le régime constitutionnel imposé aux différentes provinces varie considérablement de l'une à l'autre. En particulier, les obligations constitutionnelles imposées au Québec en 1867 et maintenues dans la loi de 1982 sont exceptionnellement plus lourdes que celles qui sont imposées aux autres provinces.

Qu'on pense simplement aux exigences linguistiques particulières qui sont imposées au Québec en ce qui concerne l'usage du français et de l'anglais dans la législature et dans les cours de justice, aux dispositions qui ont été reconduites en ce qui concerne le Québec en vertu de l'article 23 de la Charte en matière de langue d'enseignement et à l'obligation constitutionnelle qui est faite au seul gouvernement du Québec de maintenir un double réseau de commissions scolaires.»

Donc, de dire le sénateur Rivest: «Le principe de l'égalité constitutionnelle des différentes provinces est contredit par le texte même de la Constitution, ce qui ouvrait la voie au gouvernement du Québec pour exiger au niveau strictement institutionnel, c'est-à-dire à la Chambre des communes, au Sénat et à la Cour suprême un statut constitutionnel particulier qui corresponde à la réalité sociologique, linguistique et historique du Québec dans la Fédération canadienne.»

(1645)

Je poursuis la citation du sénateur Rivest: «Par exemple, cette mesure de 25 p. 100 était, au niveau de la Chambre des communes, reliée au fait que, dans le Sénat actuel, le Québec a une représentation sensiblement plus importante que d'autres provinces ou d'autres régions du Canada. Deuxièmement, au niveau de la Cour suprême, seul le Québec se voit reconnaître et garantir trois sièges. Lorsque nous sommes arrivés au niveau de la Chambre des communes, comme je viens de l'indiquer, nous avons mis 25 p. 100. Le problème fondamental de la société québécoise-et c'est toujours le sénateur Rivest qui parle-et non pas de la province de Québec, dans une conception et une perspective fédéraliste, c'est qu'il était inconcevable et sans doute inacceptable pour le peuple du Québec, pour la société québécoise, de participer à la Fédération canadienne sans avoir l'assurance et les garanties d'ordre constitutionnel ou juridique, que les différents gouvernements du Québec ont toujours cherchées, et en vertu desquelles le Québec, au niveau institutionnel, pourra conserver, non pas la majorité, non pas l'égalité, mais une masse critique suffisamment importante pour avoir, dans le fonctionnement de l'ensemble fédéral canadien, une influence qui corresponde à sa réalité historique, sociologique et culturelle. C'est une chose qui, pour le Québec est non négociable.»

Je cite le sénateur Rivest qui n'a pas encore rallié les forces du oui au niveau référendaire. Et je posais à l'honorable sénateur Rivest une dernière question, lors de sa comparution, qui était la suivante: «Dans le cas où les Québécois et les Québécoises décideraient de différer à un autre moment leur accession à la souveraineté, favoriseriez-vous actuellement l'inclusion d'une clause constitutionnelle pour leur garantir 25 p. 100?»

La réponse du sénateur Rivest est la suivante: «Je pense que, quelle que soit la réforme qui sera apportée au Sénat, il sera énormément difficile pour un premier ministre du Québec, dans le contexte d'une continuité du régime fédéral, d'accepter une norme constitutionnelle concernant le nombre de députés qui soit sous le seuil de 25 p. 100.»

Je viens de citer deux ardents fédéralistes ou deux personnes qui ont participé de près aux réformes tentées et avortées du fédéralisme canadien.

Vous me permettrez de noter, et je vois en face de moi des personnes qui ont appuyé ce minimum de 25 p. 100, cette masse critique dont le Québec a un ardent besoin dans cette Chambre. Le député de Cochrane-Supérieur a voté en faveur de la motion, le député de Saint-Maurice et actuel premier ministre a voté en faveur de la motion, la députée de Sudbury, aujourd'hui ministre de la Santé également, le député de Papineau-Saint-Michel, bien sûr, suite à ce qu'il avait dit, a voté en faveur de la motion et, comme par hasard, les deux seuls députés pairés: l'honorable député de Kinston et les Îles qui était pairé avec le solliciteur général, M. Lewis, à l'époque. J'espère qu'il ne restera pas pairé


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lors du vote et qu'il prendra position, comme ses collègues l'ont fait, en faveur d'une représentation minimale pour le Québec.

Le vote qui sera tenu en cette Chambre sera, pour les Québécois qui ont encore des doutes sur la volonté de réforme des institutions fédérales, l'indication suivante: Y a-t-il, oui ou non, en face de nous, du côté libéral de la Chambre, une volonté de donner au Québec une garantie minimale qu'eux-mêmes, libéraux, lorsqu'ils étaient de notre côté, ont tant plaidé pour que le Québec l'obtienne?

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je respecte toujours les opinions de l'honorable député de Bellechasse qu'il a si bien exprimées cet après-midi. À mon avis, le problème, c'est qu'il a choisi un sujet qui ne fait pas partie du débat sur ce projet de loi.

Vraiment, la question qu'il a posée aujourd'hui, en proposant cette motion en amendement au projet de loi, est une question constitutionnelle et pour un débat constitutionnel, comme nous avons eu dans le débat auquel il a fait référence pendant son discours jusqu'à la fin pour le vote. Je crois que c'était pour la question constitutionnelle, n'est-ce pas? Ou est-ce sur l'Accord de Charlottetown? C'était l'un ou l'autre, le vote auquel il s'est référé, il y a quelques instants.

Je me souviens bien du soir où je n'étais pas ici pour voter sur cette question. C'était une question très importante, et j'ai appuyé l'Accord de Charlottetown.

(1650)

J'ai appuyé cela, et les électeurs de Kingston et les Îles ont voté en faveur de cet accord, mais je suis certain que l'honorable député de Bellechasse n'a pas appuyé l'Accord de Charlottetown. J'espère qu'il l'a fait, mais j'ai bien peur qu'il l'ait rejeté. Je suis certain que les députés du Parti réformiste en cette Chambre se sont opposés à l'Accord de Charlottetown et je le regrette, parce que c'était un bon accord et je l'ai appuyé, comme je le disais.

[Traduction]

L'Accord de Charlottetown est mort. Même si certains d'entre nous ont travaillé très fort durant la campagne référendaire pour que celle-ci soit couronnée de succès, et c'est mon cas, il n'en reste pas moins que la population a dit non et que nous devons respecter cette décision et essayer de poursuivre notre chemin.

Si le député veut modifier la Constitution du Canada pour prévoir un nombre minimum de sièges pour une autre province-et je signale que la Constitution renferme déjà de telles dispositions qui s'appliquent dans le moment à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick-c'est très bien. Nous pouvons étudier des amendements à la Constitution du Canada. Toutefois, je n'appuierai aucune tentative pour faire ces changements de façon dissimulée, c'est-à-dire en modifiant la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Le député sait que c'est une façon dissimulée de faire quelque chose qui doit se faire ouvertement. Ce que le député nous demande de faire, c'est d'ajouter une autre province à la liste des provinces à qui la loi garantit protection. À mon avis, il y en a déjà trop. En plus des deux garanties relatives à un nombre minimum de sièges au Sénat dans toutes les provinces, garanties dont l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick profitent pleinement dans le moment, nous avons la clause des droits acquis que le gouvernement précédent a inséré dans la Constitution.

Cette clause vise à faire en sorte que les provinces ne descendront pas en dessous du nombre de sièges qu'ils avaient à la Chambre en 1979, si je ne m'abuse. Donc, cette clause protège plusieurs autres provinces qui, dans un remaniement normal, perdraient des sièges au profit de provinces plus populeuses.

Nous avons vu aussi le Parti réformiste demander une réduction du nombre de sièges à la Chambre. Il était prêt à abolir cette clause des droits acquis et à réduire le nombre de sièges dans beaucoup de provinces. J'ai bien peur que nous aurions dû dire au revoir au député de Kindersley-Lloydminster parce que, évidemment, sa province aurait perdu un très grand nombre de sièges. Je suis certain que, s'il avait essayé de briguer les suffrages par la suite, les électeurs auraient vite fait de mettre fin à sa carrière politique, ce qui aurait certainement été regrettable pour beaucoup d'entre nous.

Le gouvernement a rejeté cette idée, et je vois qu'elle n'est pas revenue dans les amendements proposés aujourd'hui. Je peux comprendre pourquoi. À mon avis, si les réformistes proposaient des amendements visant à réduire le nombre de sièges avec les graves conséquences que cela aurait notamment pour la Saskatchewan, ils seraient en difficulté.

M. Hermanson: Cela dépasse le cadre de la mesure à l'étude.

M. Milliken: Le député de Kindersley-Lloydminster dit depuis son siège que cela dépasse le cadre de la mesure à l'étude. Je suis d'accord avec lui, mais cet amendement-ci également.

M. Hermanson: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Compte tenu de cette observation du député de Kingston et les Îles, je demanderais à la présidence de nous dire si la proposition d'amendement du Bloc est recevable et si elle s'inscrit dans le cadre du projet de loi. Le député pourrait peut-être retirer cette observation.

Le vice-président: Le secrétaire parlementaire se garderait bien de faire une telle observation. Nous devons l'interpréter de façon positive.

M. Milliken: Monsieur le Président, je sais très bien que la proposition d'amendement a déjà été jugée recevable. Cela ne veut pas dire que je ne me suis pas formé une opinion sur cet amendement. Je l'ai exprimée plus tôt aujourd'hui. Elle figure au compte rendu. Le député voudra peut-être relire ce que j'ai dit.

Quant à la motion dont on discute présentement, le député de Bellechasse devrait également tenir compte du fait que nous tâchons, en proposant cette mesure, de faire adopter une loi qui résistera aux contestations judiciaires. Il sait aussi bien que moi


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que lorsque nous avons étudié cette mesure au comité, nous avons examiné attentivement les décisions judiciaires antérieures concernant les questions de représentation au Canada.

Nous avons tâché d'en arriver à un libellé qui assure que notre projet de loi respecte les paramètres établis par les tribunaux, en interprétant la Loi constitutionnelle de manière à veiller à ce que la mesure soit conforme à tous égards à la loi de sorte que nous ne risquions pas de voir rejeter les limites d'une circonscription électorale établies par une commission parce qu'elles seraient jugées contraires à la Loi constitutionnelle ou à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, et qui assure que les dispositions de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ne soient pas jugées incompatibles avec la Loi constitutionnelle.

(1655)

La Loi constitutionnelle prévoit, à l'article 52, que le Parlement du Canada peut augmenter le nombre de députés pourvu que la représentation proportionnelle des provinces prévue par la loi n'en soit pas modifiée.

Il faut donc se demander si une modification prévue par cette loi-ci modifiera la représentation proportionnelle des provinces garantie par la Loi constitutionnelle. Selon moi, cela est possible, dépendant du nombre de sièges qui seraient ajoutés ou retirés pour obtenir le résultat visé par l'amendement du député.

Par conséquent, l'amendement pourrait fort bien aller à l'encontre de l'article 52 de la Loi constitutionnelle. Si tel était le cas, toute la révision, une fois terminée dans tout le pays, pourrait être jetée par-dessus bord. Pour obtenir le résultat recherché, il faudrait modifier non pas la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, mais la Loi constitutionnelle.

En outre, si une garantie de 25 p. 100 des sièges pour le Québec contrevient au principe de la représentation proportionnelle, la motion pourrait exiger un amendement constitutionnel approuvé par sept provinces représentant 50 p. 100 de la population, conformément à l'article 42 de la Loi constitutionnelle, que voici:

Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questionssuivantes se fait conformément au paragraphe 38(1):
a) le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambredes communes prévu par la Constitution du Canada;
Étant donné qu'une telle modification constitutionnelle ou garantie peut nécessiter le consentement de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population et qu'elle ne peut être apportée par une simple loi du Parlement, je crois que cette façon de procéder est inadéquate.

Le député sait pertinemment que l'Accord de Charlottetown prévoyait ce genre de disposition et qu'il modifiait la Constitution du Canada relativement à certaines questions, mais qu'il exigeait l'unanimité de 50 p. 100 prévue, au besoin, par la Constitution, dans certains autres cas.

L'accord constitutionnel a été fondé sur ces principes. L'amendement proposé par le député doit respecter ce genre de disposition, car il a des répercussions sur le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre.

Par conséquent, cette question exige qu'on modifie la Constitution du Canada et non pas la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Pour cette raison, malgré l'éloquence dont a fait preuve le député et malgré l'idée selon laquelle les députés auraient déjà voté en faveur du principe général de cette proposition, je pense qu'il serait bien que, en l'occurrence, la Chambre rejette l'amendement proposé par le député et que celui-ci le présente, s'il le désire, dans un projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier la Loi constitutionnelle ou qu'il attende que la Chambre soit saisie d'une mesure législative traitant de la Loi constitutionnelle et des dispositions de cette loi qui concernent la représentation de la population. Nous pourrions alors aborder la question.

Quant aux travaux du comité sur cette question, je tiens à signaler qu'il a été recommandé de confier au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre le soin d'examiner le nombre de sièges à la Chambre et de déterminer l'opportunité de réduire celui-ci durant la prochaine législature, une fois que le recensement quinquennal sera terminé et que ses résultats auront été communiqués au Parlement, de manière que les parlementaires puissent examiner la représentation de la population dans les diverses provinces et qu'ils puissent décider s'il y a lieu ou non de geler ou de réduire le nombre de sièges, à la lumière des fluctuations démographiques révélées dans le recensement quinquennal.

J'ai bon espoir qu'un nouveau comité trouvera une solution au problème soulevé par le député et qu'il cherchera alors une façon de modifier la Constitution de manière à atteindre cet objectif. En attendant, nous devons toutefois nous retenir et être patients. Nous pourrons peut-être régler ce problème durant la prochaine législature.

Le député de Kindersley-Lloydminster en aura probablement long à dire sur cette question aussi.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec un certain intérêt-et je n'en croyais presque pas mes oreilles-que j'ai entendu certains des arguments avancés notamment par le Bloc aujourd'hui et suivant lesquels le Québec devrait avoir droit à perpétuité à 25 p. 100 des sièges de la Chambre des communes, quels que soient la place qu'il occupera dans l'histoire du pays dans l'avenir et un certain nombre d'autres facteurs.

Avant de répliquer à cette demande, je voudrais répondre brièvement au député de Kingston et les Îles, qui a proposé que si la Saskatchewan perdait quelques sièges, à l'instar d'autres provinces, cela ferait mal paraître ceux d'entre nous qui sont d'avis que les Canadiens veulent un gouvernement plus petit et non plus grand.


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(1700)

Je dirai au député que si la province de Saskatchewan a fait beaucoup de choses auxquelles je m'oppose, elle a, par contre, pris une mesure que j'approuve, soit réduire le nombre de sièges provinciaux, qui est passé de 66 à 58. Je suis d'avis que si le gouvernement provincial actuel en Saskatchewan est réélu, ce sera, entre autres choses, parce qu'il aura réduit le nombre de sièges, contrairement à ce que les libéraux fédéraux pensent, soit qu'il faut augmenter le nombre de députés pour plaire aux Canadiens et mieux les servir.

En ce qui concerne l'amendement proposé par le Bloc, les libéraux étaient d'accord avec les réformistes sur la plupart des propositions qui ont été faites, y compris celle-ci. Quant aux autres, les libéraux ont écarté ces principes, mais le Bloc a adopté une intéressante stratégie qui consistait à appuyer le gouvernement sur cette question même s'il a été en désaccord avec lui tout au long du processus et de l'élaboration du projet de loi.

Il semble plutôt bizarre que le Bloc appuie le gouvernement parce que ni les libéraux ni les réformistes n'ont jamais appuyé la demande selon laquelle le Québec devrait obtenir la garantie du quart des sièges à la Chambre. Je ne sais trop pourquoi, mais cette question est soudainement devenue capitale pour le Bloc, à tel point qu'il a changé de position sur le projet de loi.

Examinons ce qui se passerait si la proposition du Bloc était acceptée. Le Bloc veut obtenir la garantie que le Québec conserverait 25 p. 100 des sièges, quelle que soit sa population. Il prétend que c'est la proportion historique des sièges attribués au Québec. Le Bloc propose peut-être cela parce qu'il sait qu'il va perdre le référendum et qu'il veut rester à la Chambre.

De toute façon, cela enfreint le principe de la représentation d'après la population. On donne plus de sièges aux provinces pour tenir compte de l'accroissement de la population et des changements proportionnels. Si toutes les provinces insistaient pour conserver leur proportion de sièges, il n'y aurait tout simplement pas de remaniement provincial, ce qui créerait des écarts encore plus grands entre la population des circonscriptions provinciales, à mesure que la population du pays continuerait d'augmenter. Je voudrais, à ce sujet, donner un ou deux exemples à la Chambre. J'espère que les députés du Bloc écoutent.

En 1925, la Saskatchewan occupait, à la Chambre, 21 sièges sur 245. Si la Saskatchewan réclamait la proportion de sièges qui lui revient, elle occuperait 26 sièges sur 310, dans le prochain remaniement. C'est presque le double des 14 sièges qu'elle occupe à l'heure actuelle.

Qui serait prêt à céder ces sièges? Sûrement pas le Québec, parce que cela ne lui garantirait pas son 25 p. 100. Il faudrait, je suppose, que ces sièges viennent de l'Ontario. La Colombie-Britannique en céderait peut-être quelques-uns. Je suis sûr qu'il faudrait que nous en cédions tous un peu pour plaire à la Saskatchewan et au Québec, si l'on garantissait à ces provinces le pourcentage de sièges auquel elles ont droit. Il faudrait que la Saskatchewan ait 26 sièges et que le Québec ait 25 p. 100 du nombre total de sièges. Ce serait un gros problème.

Examinons un scénario encore plus intéressant. Il fut une époque où la Nouvelle-Écosse occupait 21 des 213 sièges de la Chambre. C'était à peu près au tournant du siècle. Quelques années plus tard, l'Alberta et la Colombie-Britannique étaient représentées à la Chambre, où elles n'avaient que sept députés. Si les choses en étaient restées là, la Nouvelle-Écosse aurait aujourd'hui 30 députés à la Chambre tandis que l'Alberta et la Colombie-Britannique occuperaient probablement moins de 10 sièges, même si leur population dépasse de loin celle de la Nouvelle-Écosse. Que ferions-nous dans ce cas?

On attribue les sièges en fonction des fluctuations dans la population de chaque province par rapport à la population de tout le pays. Il faut agir ainsi, car le Canada est un pays dont les régions ont toujours grandi à des rythmes différents, à divers stades de notre histoire. Le gouvernement doit s'adapter et promulguer des lois qui reflètent la réalité actuelle et non celle d'il y a un siècle. Nous ne pouvons pas toujours prévoir à l'avance ce qui va se produire.

Il serait insensé de fixer le nombre de sièges à un moment arbitraire. Personne ne sait comment le pays va se développer au cours du prochain siècle et nous ne devons pas créer quelque chose que les générations futures ne pourront accepter ni modifier, ce qui justifiera qu'il y ait encore des dissensions entre les diverses régions et provinces du pays.

Étant donné que le Québec est actuellement l'une des provinces où la croissance de la population est la moins forte, selon les prévisions d'Élections Canada, pour que cette province conserve 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, d'autres provinces auraient à renoncer à certains sièges. Autrement, on devrait constamment ajouter d'autres sièges à la Chambre des communes et les donner au Québec. Si nous procédions ainsi, la Chambre deviendrait énorme très rapidement.

(1705)

En vertu de la formule actuelle, en l'an 2016, la Chambre devrait compter 318 députés, dont 75 pour le Québec. Cependant, pour garantir au Québec 25 p. 100 des sièges, d'autres provinces devraient céder cinq sièges. Si les autres provinces n'étaient pas disposées à le faire, il faudrait alors attribuer six sièges de plus au Québec pour respecter la limite des 25 p. 100. Au fil des ans, on assisterait à une augmentation du nombre de sièges supplémentaires nécessaires à la Chambre, une institution déjà en pleine croissance.

Il est clair que c'est tout à fait antidémocratique. C'est typique des membres d'un parti et d'un mouvement au Canada qui ne peuvent même pas s'entendre sur une question touchant l'avenir de notre pays, le maintien du Québec au sein du Canada, car ils veulent s'assurer que les choses tourneront en leur faveur. Ils ne peuvent arrêter la question référendaire ni la date de la tenue du référendum parce qu'ils veulent être sûrs de la réponse. Ils veulent être sûrs que la réponse sera celle qu'ils souhaitent et ils vont donc concocter une question conforme à ce plan. En tout cas, c'est antidémocratique, tout comme c'est antidémocratique de la part de ce parti qui siège dans cette enceinte de prétendre que le Québec mérite 25 p. 100 des


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sièges à la Chambre des communes, indépendamment de sa population.

C'est ce genre de principes et de raisonnements qui ont entraîné le rejet de l'Accord de Charlottetown. Je suis déçu que le député de Kingston et les Îles ait défendu l'Accord de Charlottetown, un accord qui exigeait une double majorité au Sénat fondée sur la langue, un accord qui garantissait au Québec 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes. Le député doit trancher. Il ne peut à la fois parler contre les 25 p. 100 de sièges à la Chambre et en faveur de l'Accord de Charlottetown qui prévoyait ces mesures.

En outre, le député de Kingston et les Îles et d'autres députés à la Chambre ont laissé entedre que c'est parce que l'Accord de Charlottetown réclamait un Sénat électif que nous avons quelque peu adouci notre position. Je rappelle à tous les députés de la Chambre que nous réclamions un Sénat triple E, c'est-à-dire non seulement élu, mais également affichant une représentation égale pour toutes les provinces afin d'apaiser les inquiétudes du Québec au cas où sa population diminuerait. Le Québec aurait eu droit à cette protection au Sénat puisqu'il aurait disposé d'un même nombre de sièges que les autres provinces canadiennes.

C'est sensé. C'est ainsi qu'il faut gouverner le pays et il est à peu près temps que les députés des autres partis s'en rendent compte.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais, au début de mon discours, répondre brièvement aux arguments du Parti réformiste. Si vous n'avez pas su prendre la défense des gens de la Saskatchewan, on n'est pas obligés de faire pareil pour le Québec. Nous autres, on a été élus pour défendre les intérêts du Québec.

Le vice-président: Est-ce que le député peut diriger ses remarques à la Présidence?

M. Crête: Je répète donc que si le député réformiste invoque la question de la Saskatchewan et qu'il n'a pas su la défendre correctement, ce n'est pas ma responsabilité. Nous autres, on a été élus pour défendre les intérêts du Québec et défendre les intérêts du Québec passe par le fait de s'assurer qu'on aura un avenir minimal dans ce Canada.

Je n'ai jamais représenté, en Chambre, le Canada. Je suis représentant d'une circonscription du Québec qui fait partie du Canada et j'espère qu'il ne fera plus partie du Canada dans peu de temps. Si le Parlement canadien juge que le Québec ne mérite pas 25 p. 100 des sièges, ce sera un message qu'on adressera aux Québécois, à savoir qu'il n'y a pas de minimum pour nous dans le Canada, qu'on n'est pas un peuple fondateur et qu'on ne mérite pas même 25 p. 100 des sièges de ce Parlement.

On viendra nous dire, en votant contre cette proposition, qu'on mérite moins de protection que l'Île-du-Prince-Édouard parce que l'Île-du-Prince-Édouard a une protection constitutionnelle. Et elle a, par rapport à sa population, une très grande protection constitutionnelle. Le peuple du Québec s'en souviendra de façon claire et nette de cette situation, que ce soit dans le système actuel ou dans un État souverain.

J'invite les gens du Parti réformiste à venir défendre au Québec leur point de vue que le Québec ne mériterait pas 25 p. 100 des sièges. Le message des Québécois sera très clair, particulièrement à l'intention des réformistes et tout autant à tout autre parti qui va venir dire au Québec, que nous au Québec, qui avons fondé ce pays, on ne mériterait pas 25 p. 100 des sièges. J'ai bien hâte de voir les libéraux qui auront voté contre proposition, venir dire cela au Québec.

(1710)

Le député de Kingston et les Îles nous a dit tantôt qu'il se posait beaucoup de questions sur la légalité et la constitutionnalité de l'article. Je pense que je l'inviterais à voter sur cet amendement en tenant compte du fond de la question et à laisser la Cour suprême décider de la validité de l'argument. Ce n'est pas à nous d'interpréter la décision possible du gouvernement là-dessus.

J'aimerais aussi rappeler aux membres de cette Chambre les propos d'un Canadien visionnaire, M. René Lévesque. Il nous a dit, au cours des années 1970: «Si on reste dans le système tel qu'il est, on va rapetisser. Et de plus en plus, la majorité va faire qu'on ne va être qu'une minorité et qu'on ne sera jamais une nation dans ce pays.»

Cette proposition qui est sur la table, pour nous autres, c'est un minimum par lequel on va voir si vous êtes prêts à nous traiter d'égal à égal dans cette société et s'il y a un minimum de changements qui sont acceptables pour vous autres.

Quand le député a dit tantôt que ça prendrait un changement constitutionnel, eh bien, si ça prend des changements constitutionnels pour donner l'égalité aux francophones du Québec et à la population de l'ensemble du Québec, vous les proposerez. Si vous ne les proposez pas, si vous jouez à l'autruche, vous donnez le message au Québec qu'il y a encore moins d'espoir qu'on pensait dans l'avenir du Canada.

J'aimerais aussi vous dire que la première fois de sa vie que mon grand-père a voté, il a voté pour Laurier. C'était la première fois qu'il votait. Il me racontait souvent cette anecdote et il en était fier. Le premier ministre, qui était alors candidat, arrivait par le train qui s'arrêtait dans chacune des municipalités. De l'arrière du train, il prononçait un petit discours dans chaque municipalité, et c'est à partir de cela que les élections se passaient.


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Mon grand-père avait compris à ce moment-là que, de tout temps, le débat au Canada serait de savoir qui répondrait le mieux à cette question: Est-ce que les Canadiens français seront traités à l'égal des Canadiens anglais? C'était sa manière de définir la situation. Il disait que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique avait été signé par le Québec, par les Québécois, parce qu'ils pensaient trouver un minimum de sécurité vis-à-vis de leurs attentes.

Le même homme, plusieurs années plus tard, a voté pour ce qu'on a appelé le Bloc populaire. Ce parti-là prônait plus l'égalité au Canada. Cela faisait suite à un moment très significatif où on retrouve l'essence des 25 p. 100 actuels. C'est lorsque les Québécois ont voté très majoritairement contre la conscription mais qu'ils se la sont fait enfoncer dans la gorge quand même.

Nous autres, notre hantise dans l'avenir par rapport à cela, c'est que, en n'ayant pas cette garantie, vous allez nous traiter encore plus comme une minorité et de façon systématique jusqu'à ce qu'on ne représente que 15, 12, 10 p. 100 et peut-être atteindre les résultats que certains pourraient espérer. Mais si on n'a pas ce type d'engagement de la part du gouvernement actuel-et je pense que le projet d'amendement qui est sur la table est un amendement de principe-ce sera un message clair et précis, un geste très symbolique et très significatif que le Canada ne veut plus du Québec, ne veut plus lui laisser le rôle qu'il a toujours tenu depuis la création de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Dans cet amendement, il y a donc un geste important que la majorité libérale et que les députés réformistes aussi vont avoir à poser parce qu'on nous dit que, dans ce parti, ils ont le libre choix à l'occasion de leur vote. J'ai d'ailleurs l'impression que, parmi l'ensemble des députés réformistes, il doit y en avoir quelques-uns qui, de leur propre jugement, vont voir que l'amendement est très acceptable.

En conclusion, je dirai que ce genre d'amendement fait partie des raisons fondamentales pour lesquelles on est venus ici. Le Bloc a été élu pour défendre les intérêts du Québec, pour montrer à la face des Québécois toutes les cachotteries qui se font dans le système parce que, si on n'avait pas été là, il n'y aurait pas un tel amendement ici. Si le Bloc québécois ne formait pas l'opposition officielle, s'il n'était pas un parti significatif à la Chambre des communes, jamais il n'y aurait eu un débat sur cette question. On pose la question aux fédéralistes: Est-ce que vous êtes prêts à donner sa place au Québec ou bien si vous voulez le mettre à sa place? J'espère que vous ferez le bon choix.

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai que quelques brefs commentaires à faire sur les propos des députés d'en face.

(1715)

J'ai écouté attentivement les observations du motionnaire, un collègue avec lequel j'ai collaboré dans un certain nombre de dossiers parlementaires. Je dois reconnaître qu'il travaille très bien dans le cadre des comités parlementaires et qu'il apporte une contribution importante, tant aux comités qu'à la Chambre.

J'ai écouté attentivement les remarques de notre collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup. En ce qui concerne le nombre minimum de sièges au Parlement pour la province de Québec et le plafonnement du nombre total de députés élus, je crois que les députés d'en face obtiendront généralement l'appui des banquettes ministérielles, du moins en ce qui concerne le plafonnement.

Je peux parler uniquement en mon propre nom. Si la Constitution du Canada a pu accorder un nombre minimum de députés à l'Île-du-Prince-Édouard, quelle qu'en ait été la raison à l'époque, je ne vois pas pourquoi la population canadienne ne serait pas prête à discuter de la possibilité d'accorder aussi un nombre minimum de députés à la province de Québec, quels que soient les motifs à l'appui à un moment donné. Je crois savoir quels sont ces motifs, tout comme les députés d'en face.

En principe, je ne m'oppose pas à ce qu'un nombre maximum ou minimum de députés soit fixé, si telle est la conclusion des discussions politiques. Toutefois, les changements sont d'ordre constitutionnel, comme l'a fait remarquer mon collègue de Kingston et les Îles.

Nous ne parviendrons pas à faire d'une pierre deux coups dans ce cas. Plafonner le nombre de députés à la Chambre des communes et fixer un nombre minimum de députés pour une province ou une région quelconque sont deux mesures constitutionnelles, deux questions que nous ne pouvons pas régler par le truchement de ce projet de loi.

Le Président a déjà décidé que cette motion était recevable. Nous pourrions légiférer, mais, compte tenu des observations qu'a faites le député de Kingston et les Îles, je ne suis pas convaincu que l'adoption de cette disposition aurait le résultat attendu. L'interprétation de la Constitution risque de s'en trouver déformée.

Je tiens à signaler à mes collègues d'en face que je prends bonne note de ce principe, que je le comprends et que je n'y suis pas hostile. Je crois qu'il est conforme à la Constitution, mais il est étrange, et je trouve étrange-les députés d'en face en conviendront certainement-qu'ils songent à modifier une constitution dont ils entendent de toute manière se défaire au bout de quelques mois.

J'y vois malheureusement le talon d'Achille ou la faiblesse de la position du Bloc, ce qui n'aide pas. Nous ne sommes pas toujours d'accord et nous divergeons souvent d'opinions. Je dois cependant dire, en toute justice pour les habitants de la province de Québec, que la seule manière de régler les nombreux problèmes constitutionnels que pourra connaître le Canada est de reprendre les discussions. Cette décision appartient aux premiers ministres tant du Canada que des provinces, mais ils ne veulent pas s'attaquer à cette question pour l'instant.

Dans l'état actuel des choses, nous devons établir les nouvelles délimitations selon les conditions qui prévalent actuellement. Je tenais à le préciser pour les fins du compte rendu.


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[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion, cet après-midi, de traiter d'un sujet qui, en soi, semble n'être qu'une technicalité de chiffres, mais qui, fondamentalement, nous donne l'occasion de démontrer aux Québécoises et aux Québécois la vision que le restant du pays a du Québec.

(1720)

Mon distingué collègue d'en face mentionnait, il y a quelques instants, que compte tenu que le Bloc québécois propose et appuie l'agenda souverainiste du Québec, nous ne devrions pas attacher plus d'importance qu'il en faut à un redécoupage de la carte électorale, alors que le Québec n'y serait plus dans quelques mois. Il a tout à fait raison. S'il y a un sujet sur lequel je n'ai pas envie de discourir très longtemps, c'est un redécoupage d'une carte électorale qui inclut un Québec pour lequel je souhaite vivement, et dans les plus brefs délais, la souveraineté. Mais l'occasion est trop belle de démontrer aux Québécoises et aux Québécois la vision qu'ils ont du rôle d'un Québec au sein de la Confédération canadienne.

Vingt-cinq p. 100 des sièges au Québec, cela correspond, en gros, à ce que nous payons sur le plan fiscal. Il est un vieux principe qui dit: No taxation without representation, pas de taxation sans représentation. Alors, on va remonter un peu dans le temps et voir comment nous avons été traités en tant que Québécois depuis que le Québec, la Nouvelle-France, a été conquis à l'époque par l'Angleterre.

Il faut quand même réaliser qu'il y a à peu près 250 ans, ce territoire appartenait complètement à la Nouvelle-France. Nous y avions des familles, nous y parlions français et l'ensemble de l'effort économique culturel et social se faisait en français. Puis vint la conquête. La conquête ne s'est pas juste contentée de nous faire changer de tutelle, de celle du roi de France à celle du roi d'Angleterre, elle a aussi mis en place des forces d'assimilation qui, un siècle plus tard, ont amené une division entre le Haut-Canada et le Bas-Canada.

Remarquons qu'à l'époque, le Haut-Canada était dans une situation financière précaire, alors que le Bas-Canada, c'est-à-dire le Québec, jouissait d'une situation économique très confortable. L'Union a servi essentiellement à permettre que la situation économique forte du Québec serve à financer la situation économique faiblarde du Haut-Canada. Non content de ceci, lorsque les guerres se sont succédé, le gouvernement fédéral a instauré des taxes de façon à obtenir davantage d'argent. Est-ce que cet argent a servi les fins des Québécoises et des Québécois? On n'a qu'à constater la manière dont les investissements ont été faits pour se rendre compte que ce n'est pas le cas.

Pourquoi les décisions se prennent-elles comme elles se prennent? Simplement parce que le Québec, sur le plan du pouvoir politique, ne fait plus le poids. À 25 p. 100, cela veut dire qu'il y a 75 p. 100 du poids politique qui nous échappe. Vous comprendrez que l'agenda souverainiste redonnerait enfin au Québec 100 p. 100 des pouvoirs qui lui sont nécessaires pour assurer sa viabilité, son économie et, finalement, lui permettre de s'assumer dans son rôle mondial.

Or, aujourd'hui, nous avons l'occasion de démontrer que même à un niveau de 25 p. 100, ce qui correspond aux revendications historiques du Québec en la matière, à 25 p. 100, nous faisons face à de l'opposition de la part du gouvernement.

J'en prends tous les Québécois et Québécoises à témoin: Est-ce que cela vaut le coup de rester à l'intérieur d'une Confédération où le simple gros bon sens de nous donner ce à quoi historiquement nous avons droit, soulève des holà, fait que des sourcils se froncent et fait en définitive, et j'en suis convaincu, que j'aurais pu tout expliquer ceci à des banquettes vides que cela ne changera en rien le résultat de la position gouvernementale.

(1725)

Mais j'espère que cela permettra aux Québécoises et aux Québécois de bien comprendre que dans la décision historique que nous devrons prendre, il n'y a pas d'alternative. Il n'y a qu'une seule solution, celle de nous permettre de nous assumer à 100 p. 100 et non pas de nous faire asservir à 25 p. 100 ou même moins.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, il est bien évident qu'il me fait extrêmement plaisir d'intervenir dans le cadre de ce débat-ci. L'amendement que le Bloc québécois propose est de faire en sorte que le Canada nous garantisse un seuil de 25 p. 100 de la députation à l'avenir. Je pense que plusieurs arguments ont été invoqués et il me semble qu'il est extrêmement important qu'on prenne conscience qu'on vit un moment important.

Nous avons demandé, dans plusieurs dossiers, jusqu'à maintenant, un signe quelconque qui ferait en sorte qu'au Québec, on pourrait essayer de comprendre ou essayer de voir si c'est vrai que le Canada tient à garder le Québec debout dans le Canada. Le Canada n'a aucun intérêt à avoir un Québec à terre. Ce n'est pas du tout dans l'intérêt du Canada. L'intérêt du Canada, c'est d'avoir un Québec debout, un Québec qui pourra garder sa représentativité, parce que le Québec est une nation. Le Québec est un peuple, le peuple fondateur.

En 1982, le Canada s'est donné un projet de société, un projet de société qui nie la société distincte du Québec, un projet de société qui a déterminé que dorénavant, il n'y a qu'une identité nationale ici, dans ce pays, un projet de société qui fait en sorte que les dix provinces sont maintenant égales. Je pense qu'en tant que peuple fondateur, comme mon collègue vient si brillamment de le rappeler, les francophones occupaient tout l'espace et même un peu plus bas, puisqu'on allait jusqu'en Louisiane, et quand chacune des provinces est entrée à l'intérieur de la Confédération, les francophones étaient presque partout majoritaires.

La population du Québec a connu une croissance également intéressante, mais on pourrait faire une analyse des politiques d'immigration du Canada et se rendre compte que le Canada a délibérément fait deux choses, c'est-à-dire qu'il a grossi l'Ontario par l'immigration et anglicisé ce pays. Cela a été une décision volontaire du gouvernement. On demande une concession à ce pays qui dit vouloir nous garder. Tout le monde dit que c'est beaucoup mieux le Canada avec le Québec. Si c'est vrai, faites des


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concessions. Donnez-nous le minimum de ce qu'on demande, 25 p. 100 de la représentativité. C'est juste cela que l'on demande.

Je me demande pourquoi le gouvernement s'entêterait. Tout à l'heure, j'ai entendu le député, puisque j'étais derrière les rideaux, j'ai entendu le député de Kingston et les Îles dire qu'il doutait de la légalité de l'amendement. Je pense que ce n'est pas un argument très solide, parce qu'à ce moment-là, ce serait peut-être mettre en doute le jugement du Président qui a trouvé recevable cet amendement. Alors, si le Président de la Chambre trouve cet amendement recevable, je me demande comment on peut le mettre en doute. Il faudrait se trouver d'autres arguments pour voter contre cet amendement.

(1730)

Il me semble extrêmement important que le Québec, qui apporte une contribution indispensable au Canada-et vous savez, entre nous, on peut se faire une confidence-si le Canada anglais n'est pas américain, c'est bien parce que nous y sommes. Nous sommes la différence. Autrement, faites disparaître la francophonie au Canada et qu'est-ce qui va nous distinguer des Américains? On mange comme eux, on boit comme eux, on boit la même chose, on écoute la même télévision. Tout va nous atteindre exactement et beaucoup plus facilement. L'impérialisme américain, on le sait, est en train de s'installer partout dans le monde. Il va franchir nos frontières beaucoup plus facilement.

Mais ce qui fait qu'un Canadien est Canadien, c'est qu'il peut dire qu'il est dans un pays bilingue. Il est dans un pays où il y a une forte proportion de sa population, 25 p. 100, qui est francophone. C'est un pays qui a une double culture. C'est un pays qui a accès à une richesse fondamentale, deux cultures, comme la culture anglaise et la culture française.

Quel autre pays au monde peut se vanter d'avoir une si grande capacité culturelle? Nous sommes vraiment, je pense, indispensables au Canada et nous avons dit que tant que nous ne serons pas souverains, nous allons défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises.

Cela peut paraître paradoxal pour une souverainiste de se lever en cette Chambre et de dire: «Sauvez les meubles, donnez-nous au moins 25 p. 100 de la représentation.» Nous n'avons toujours pas quitté ce pays, nous sommes encore ici et notre devoir, notre sens fondamental de la responsabilité, c'est de dire à l'ensemble des parlementaires qui sont ici, vous vous devez de nous donner la représentation de 25 p. 100. Nous étions ici en premier, vous nous avez conquis. On a fait l'union en 1840. On a décidé de vivre ensemble. On a fait une espèce d'entente commerciale, on a bâti un train qu'on est en train de démolir, mais au moins, laissez-nous la représentation à 25 p. 100. Vous ne perdez rien avec cela. Au contraire, vous gagnez beaucoup. Il faudrait vous en rendre compte pendant qu'il en est encore temps.

Après, si jamais on quitte, ce que nous espérons fondamen-talement, cela ne vous aura rien coûté de nous accorder les 25 p. 100 qu'on vous réclame comme étant un geste d'ouverture et de sympathie à l'égard d'un peuple, d'une nation que vous prétendez vouloir garder avec vous. Il me semble que si le gouver-nement veut vraiment faire la preuve évidente qu'il nous aime, il doit nous conserver notre taux de représentativité.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Le vote porte sur la motion no 4, inscrite au nom de M. Langlois. Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

[Traduction]

Le vice-président: Conformément au paragraphe 76.1(8) du Règlement, le vote par appel nominal sur la motion est différé.

[Français]

La Chambre abordera maintenant le vote par appel nominal différé à l'étape du rapport du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

[Traduction]

Le vice-président: Conformément à l'article 45 du Règlement, le vote sur la question dont la Chambre est saisie est reporté au mardi 28 mars, à 17 h 30. Le timbre ne sonnera pas plus de 15 minutes.

* * *

(1735)

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 13 mars, de la motion: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.

Le vice-président: La dernière fois que le projet de loi a été étudié à la Chambre, le député de Souris-Moose Mountain avait encore quatre minutes à sa disposition.

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je suis vraiment heureux d'intervenir à nouveau au sujet du projet de loi C-68 et des amendements proposés.

D'après moi, ce projet de loi soulève une question sur laquelle il faut vraiment s'arrêter et c'est la non-observation. De nombreux Canadiens commettront une infraction criminelle, s'ils n'enregistrent pas leurs armes à feu. J'espère qu'en étudiant


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le projet de loi, nous empêcherons que l'enregistrement relève du Code criminel.

J'ai de sérieuses réserves au sujet de la disposition sur la perquisition et la saisie, telle qu'elle est rédigée. Je crois qu'il faut l'examiner de près en se demandant s'il est possible de l'inscrire différemment dans le projet de loi. Pour que la police puisse pénétrer dans une propriété, il faudrait qu'elle obtienne un mandat de perquisition fournissant les raisons pour lesquelles la perquisition est considérée nécessaire.

Je suis préoccupé par les armes à feu qui sont transmises d'une génération à une autre. Nous devons veiller à ce que les rédacteurs du projet de loi aient une bonne idée des armes qui constituent un héritage. Les Canadiens ont-ils le droit de transmettre des armes d'une génération à une autre?

J'ai une opinion très ferme au sujet des pièces de collection et de musée. S'il faut saisir des pièces rares et coûteuses qui ont été préservées et transmises dans des familles, il faut s'assurer qu'une compensation équitable soit versée.

Je m'oppose à la disposition prévoyant un permis de cinq ans au coût de 60 $. À mon avis, il serait préférable de prévoir un permis de 5 $ par an ou de 25 $ pour cinq ans. De cette façon, nous pourrions au moins dire aux Canadiens qu'il ne s'agit pas d'un impôt déguisé.

Comme je l'ai déjà dit, et je le répète, je suis disposé à enregistrer mes armes à feu. Bien des gens le sont d'ailleurs. Toutefois, je préférerais de beaucoup un enregistrement volontaire sur cinq ans avec, au bout de la première année, une évaluation des mesures afin de déterminer si elles correspondent bien à l'intention du législateur et si elles sont efficaces, abordables et applicables pour tous les intéressés.

J'ai beaucoup de mal à accepter que les contribuables canadiens aient à débourser, comme on le propose, quelque 85 millions de dollars pour l'enregistrement des armes à feu. Je ne suis pas sûr que, au bout du compte, les critères seront respectés.

C'est unanimement que le comité s'est décidé pour un enregistrement volontaire sur une période de cinq ans. Je voudrais bien qu'on puisse revenir là-dessus.

Tout le monde ici appuie sans réserve le ministre pour ce qui est des aspects du projet de loi qui ont trait à la lutte à la criminalité. Par exemple, nous sommes de tout coeur en faveur de la peine obligatoire de quatre ans d'emprisonnement pour l'utilisation d'une arme à feu dans la perpétration d'un crime. Je préférerais une peine obligatoire de deux ans d'emprisonnement pour l'utilisation d'une fausse arme à feu dans la perpétration d'un crime. Je serais en faveur de cela.

Pour ce qui est du projet de loi dans son ensemble, j'estime que c'est ici l'endroit pour exprimer mes préoccupations. Je dis aujourd'hui et je continuerai de dire que je ne suis pas disposé à appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle.

(1740)

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre part au débat sur l'amendement visant à diviser le projet de loi C-68.

En présentant un projet de loi omnibus ayant deux objectifs distincts et contradictoires, le ministre de la Justice rend presque impossible à beaucoup de députés d'exprimer les points de vue des électeurs de leur circonscription.

Dans Prince George-Peace River, la population a clairement fait savoir qu'elle appuyait des mesures de lutte contre le crime plus sévères, mais qu'elle s'opposait à ce que l'on prenne de nouvelles sanctions contre les citoyens respectueux des lois. Pour eux, l'enregistrement des armes à feu est une mesure inefficace qui n'améliorera pas la sécurité de la population, mais fera perdre aux policiers un temps précieux, entraînera un gaspillage de fonds publics et imposera des restrictions inutiles et coûteuses aux personnes qui obéissent déjà aux lois.

Puisqu'il s'agit là d'une question très importante dans ma circonscription, j'ai demandé l'opinion des électeurs par différents moyens, notamment en formant de petits groupes de discussion, en tenant des réunions locales et en demandant dans deux bulletins parlementaires de me faire savoir ce qu'ils pensaient de la mesure législative sur les armes à feu qui n'était encore qu'à l'état d'ébauche.

En mai dernier, alors que le ministre de la Justice parlait encore d'interdire aux simples citoyens la possession de toute arme de poing et d'obliger tous les propriétaires d'armes se trouvant à l'intérieur des limites d'une ville à les entreposer dans une armurerie centrale, j'ai demandé aux électeurs de ma circonscription s'ils estimaient que les contrôles des armes à feu étaient suffisants avant l'entrée en vigueur des modifications prévues dans le projet de loi C-17.

J'ignore combien de personnes de ma circonscription ont été consultées par le ministère de la Justice lorsqu'il a fait ses sondages, mais seulement 21 p. 100 des personnes m'ont dit croire que nous avions besoin de renforcer les mesures de contrôle.

En novembre, j'ai envoyé un autre bulletin parlementaire dans les foyers de ma circonscription et j'ai demandé si nous devrions avoir un système universel d'enregistrement de toutes les armes, y compris des carabines et des fusils de chasse. Plus de 80 p. 100 des 1 000 personnes qui ont répondu ont dit que non. En outre, j'ai déjà déposé des pétitions signées par plus de 2 500 personnes qui n'appuient pas le projet de loi présenté. Des électeurs de ma circonscription m'ont dit qu'il y aurait encore beaucoup d'autres pétitions du même genre.

J'ai reçu des centaines de lettres d'électeurs de ma circonscription-et des milliers d'autres circonscriptions-qui s'opposent à l'enregistrement des armes à feu. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des auteurs de ces lettres affirment qu'il faut être plus dur avec les criminels, non pas avec les propriétaires légitimes d'armes à feu.

L'union des municipalités de la Colombie-Britannique a donné son appui à une pétition lancée par la ville de Fort St. John, la ville où j'habite. Les pétitionnaires demandent au gouver-


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nement fédéral d'axer ses mesures législatives concernant les armes à feu sur les éléments criminels de notre société et non pas sur les propriétaires d'armes à feu responsables et respectueux des lois. Les échevins et les maires de nos conseils municipaux n'auraient pas adopté une telle position sans avoir l'assurance que la majorité de leurs électeurs les appuyaient.

Je voudrais lire une lettre adressée au talk-show le plus populaire du district de Peace River. L'animateur, Grant Mitton, y dit ceci: «J'ai fait un sondage à l'émission, «Contact» ce matin. J'ai posé deux questions aux gens qui téléphonaient, soit, premièrement, s'ils étaient pour ou contre les mesures de contrôle des armes à feu présentées par le ministre de la Justice, Allan Rock, et, deuxièmement, s'ils allaient se conformer aux nouvelles exigences en matière d'enregistrement des armes à feu lorsqu'elles entreraient en vigueur. Comme je m'y attendais, la réponse aux deux questions a été un non sans équivoque.

Durant les 40 minutes où nous avons été en ondes, 65 personnes ont dit qu'elles étaient contre les nouvelles mesures et 51 ont dit qu'elles ne se conformeraient pas aux exigences en matière d'enregistrement. Une personne seulement a dit qu'elle était en faveur des nouvelles mesures.

Ce ne sont pas là des gens qu'on pourrait qualifier de radicaux. Ce sont pour la plupart des Canadiens ordinaires qui ne cherchent qu'à vivre en paix et à pouvoir se servir de leurs armes à feu comme ils le faisaient auparavant. Beaucoup de gens qui ont répondu au sondage se demandaient comment ces nouvelles mesures pourraient contribuer à réduire la criminalité et ont laissé entendre que le gouvernement devrait plutôt mettre l'accent sur l'imposition d'une peine d'emprisonnement obligatoire à quiconque utilise une arme à feu pour commettre un acte criminel.

La partie troublante du sondage, c'est évidemment le grand nombre de répondants qui ont dit qu'ils ne respecteraient pas la loi. M. Rock doit certainement se rendre compte que ses propositions seront très difficiles à faire respecter pour ne pas dire impossibles.»

Les habitants de Prince George-Peace River n'appuient pas ce projet de loi sous sa forme actuelle et il doit donc être scindé en deux. À part l'opposition répandue à l'enregistrement des armes à feu, le ministre de la Justice sait que cette mesure législative présente d'autres défauts graves. Il essaie de les faire avaler aux Canadiens en prétextant une réduction de la criminalité. Le projet de loi représente une importante atteinte aux droits dont jouissent actuellement les Canadiens.

Nous sommes censés vivre dans une société libre et démocratique. Pourtant, cette mesure législative mine certains de nos droits fondamentaux. Je veux parler ici, par exemple, des articles 99 à 101 qui donnent aux policiers et autres agents désignés le droit d'inspecter tous lieux s'ils ont des raisons de croire que des armes à feu, des munitions, un couteau à ouverture automatique ou même seulement des registres y afférents s'y trouvent.

(1745)

Les policiers peuvent prendre des échantillons de tout ce qu'ils trouvent, que cela se rapporte ou non à une arme à feu. Si l'occupant ne coopère pas entièrement avec les enquêteurs, il risque, aux termes de l'article 107, un emprisonnement maximal de deux ans.

Le ministre et les autres partisans du contrôle des armes à feu sont prompts à faire remarquer qu'un mandat est requis pour perquisitionner dans un local d'habitation, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi; il stipule en effet que «le policier ne peut procéder à la visite sans l'autorisation de l'occupant que s'il est muni d'un mandat».

Quand ils sont confrontés aux agents de police à la porte de leur domicile, combien de Canadiens savent qu'ils ont le droit d'en refuser l'entrée aux policiers? Un adolescent qui est rentré tôt de l'école constitue-t-il un occupant? Même si l'occupant interdit aux policiers d'entrer chez lui, les policiers n'ont qu'à démontrer à un juge de paix qu'ils ont des raisons de vouloir procéder à une inspection en soumettant l'enregistrement relatif aux armes à feu, et un mandat leur est délivré.

Ces pouvoirs d'inspection sont accordés aux autorités même en l'absence de soupçon d'infraction. Le fait que quelqu'un possède une arme inscrite au registre peut servir de prétexte aux policiers pour visiter un domicile et prendre des échantillons de tout ce qu'ils trouvent. Le projet de loi leur donne le pouvoir de procéder à des visites à l'aveuglette.

Aux termes de l'article 117 de la partie III du Code criminel, des pouvoirs de perquisition et de saisie encore plus étendus sont accordés aux policiers quand ils ont des raisons de croire qu'on a pu commettre une infraction en matière d'armes à feu, comme le non-enregistrement d'une arme à feu.

Les policiers, je le sais, n'entreront pas dans un domicile à moins d'avoir des raisons de croire qu'on a commis une infraction grave. Mais si les policiers ne s'en prévaudront pas, pourquoi leur accorder des pouvoirs d'inspection, de perquisition et de saisie aussi étendus?

Si les policiers ont des raisons de croire qu'on a commis une infraction, ils devraient se conformer à la procédure et obtenir un mandat de perquisition en bonne et due forme. Malgré ce que prétendent les ministériels, je n'essaie pas d'accroître la paranoïa ou d'attiser un sentiment antipoliciers. Il est très important que les Canadiens comprennent bien toutes les implications possibles des diverses dispositions de la mesure à l'étude.

À la suite de l'adoption du projet de loi, sept millions de propriétaires d'armes à feu au Canada jouiront de moins de droits garantis par la Charte des droits et libertés que les autres Canadiens. Ce sont les droits dont je parle.

Les Canadiens ont confié au gouvernement la tâche de protéger leurs droits et leurs libertés qui font l'envie de tant d'autres peuples dans le monde. La mesure à l'étude mine sérieusement nos droits démocratiques dans un autre domaine. C'est une tendance qui s'affirme de plus en plus que l'adoption de projets de loi privés de toute signification au Parlement, le Cabinet obtenant tout pouvoir d'édicter des règlements d'application.

À l'article 110, il faut quatre pleines pages pour énumérer tous les domaines où le gouverneur en conseil a le pouvoir d'adopter des règlements. Cela va des exigences relatives à la délivrance des permis jusqu'à la mise sur pied et au fonctionnement des clubs de tir en passant par la définition des cas où une personne peut avoir besoin d'une arme à feu pour protéger sa famille, comme on peut le lire au paragraphe 110 c).

Ainsi, le paragraphe 110 t) autorise le gouverneur en conseil à passer des règlements pour «prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de ses


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règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application».

Quand le gouvernement prendra-t-il conscience que tous les Canadiens doivent être traités également et que nous ne devons pas mettre en place des mécanismes ou des lois prévoyant dans le Code criminel des sanctions ou des droits particuliers?

La majeure partie de l'article 112 permet au ministre de ne tenir aucun compte de la Chambre, et il n'a pas à y déposer certains règlements pour examen. Si, à son avis, les modifications sont minimes ou sans importance ou encore si les besoins sont urgents, l'article 111 ne doit pas s'appliquer.

Le paragraphe 112(6) dit ceci: «Il est entendu que le dépôt n'est pas obligatoire pour les règlements d'application de la partie III du Code criminel.» Cela veut dire que, par décret, le Cabinet peut, sans rendre de comptes, sans examen, sans appel, prendre des règlements qui feront que des citoyens Canadiens se retrouveront derrière les barreaux.

Est-ce ainsi que fonctionne une société démocratique? Comment le ministre de la Justice peut-il justifier cet abus extrême du pouvoir démocratique? Il ne faut pas nier aux Canadiens le droit de se faire entendre lorsqu'on adopte des lois qui les visent.

Ce projet de loi est fondamentalement vicié et les principes de justice et de démocratie qui forment l'assise de notre pays sont menacés. Je puis appuyer un grand nombre de modifications à la partie III du Code criminel, mais je ne puis accepter qu'on s'attaque à nos droits démocratiques sous le couvert d'un projet de loi anodin sur l'enregistrement des armes à feu.

(1750)

J'exhorte tous les députés à appuyer l'amendement visant à scinder le projet de loi C-68 en deux parties bien distinctes.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais savoir ce que le député pense de cet exemple dont je me servirai de temps à autre.

Il y a environ une semaine, un homme de 82 ans, Oscar Noll, travaillait dans sa bijouterie. Oscar Noll mesure cinq pieds et pèse une centaine de livres. Il se rend au travail à 3 heures du matin pour réparer des montres. Il a entendu une fenêtre voler en éclats et il a vu deux brutes entrer dans son commerce. Je vous rappelle qu'il a 82 ans, qu'il pèse environ 100 livres et qu'il est très frêle. Il a saisi un pistolet qui se trouvait sous son comptoir, il a tiré quelques coups de feu et a fait fuir les criminels. Le député croit-il que cet homme ait le droit de protéger ainsi sa vie et ses biens?

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, les Canadiens ont le droit de se protéger et de protéger leur famille. Ils ont le droit d'utiliser une arme à feu pour se protéger. Je sais que nos vis-à-vis ne partagent pas ce point de vue. Un grand nombre d'entre eux s'y opposent. Cependant, je crois fermement que les Canadiens ont ce droit-là.

J'ai déjà parlé de cette question. La police, malgré toutes ses bonnes intentions, si on regarde les statistiques, ne peut tout simplement pas, même dans les villes, intervenir lorsqu'un crime est commis. Les Canadiens doivent donc se protéger eux-mêmes. Malheureusement, la police ne le peut pas. Habituellement, quand la police intervient, le crime a déjà été commis, et son travail consiste non pas à protéger les citoyens, mais à essayer de trouver le criminel pour l'amener devant la justice.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, on pourrait penser que ce projet de loi traite des armes à feu. Pas moi. Pour moi, il traite d'une question de vie ou de mort. Il traite d'un type de société auquel nous aspirons, du type de société que nous voulons laisser en héritage à nos enfants. Il traite du progrès de la civilisation.

Durant la campagne menée contre cette mesure législative, j'ai observé un lobbying du genre de celui que j'associe habituellement aux États-Unis. Le genre de lobbying que fait la National Rifle Association, un lobbying qui repose sur la désinformation, la demi-vérité et le mensonge.

On n'arrête pas de parler des propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et pourtant on n'arrête pas de dire en même temps de ces mêmes propriétaires d'armes à feu qu'ils ont l'intention de défier la loi. Il y a là quelque chose de contradictoire. Je n'arrête pas de demander aux propriétaires d'armes à feu qui viennent me voir au sujet de cette mesure législative en quoi le fait que leur fusil soit enregistré va diminuer le plaisir qu'ils prennent à la chasse à la perdrix. Aucun ne m'a donné de réponse satisfaisante. À mon avis, il n'y en a pas.

Les députés réformistes n'arrêtent pas de nous dire qu'ils défendent la démocratie populaire, qu'ils veulent que les gens aient leur mot à dire sur la façon dont leurs représentants votent à la Chambre.

(1755)

Ils savent pertinemment que 90 p. 100 de leurs électeurs appuient cette mesure législative et appuient l'aspect même de cette mesure législative contre lequel ils font le plus de bruit, l'enregistrement des armes à feu.

Le NPD était représenté à la Chambre en 1988 quand j'y suis arrivée. Il a toujours été en faveur d'un contrôle renforcé des armes à feu. J'ai entendu, comme le député de Halifax et de beaucoup de députés ici, les députés néo-démocrates, y compris leur chef qui a maintenant l'intention de voter contre le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, reprocher à l'ancien gouvernement le fait que la loi n'était pas assez rigoureuse, pas assez stricte. À présent que nous proposons le renforcement de la loi, ils ont l'intention de voter contre.

Que je vous dise un peu ce que m'ont dit ceux qui s'opposent à cette mesure législative et au contrôle des armes à feu. Rien que des idées fausses. Combien de fois ai-je entendu les gens me dire: «Cette mesure législative signifie qu'un policier peut se présenter à n'importe quel moment à mon domicile et, sans mandat de perquisition, inspecter ma maison et confisquer mes armes.» Ce n'est pas vrai. Que les faits soient bien clairs si nous voulons débattre ce projet de loi. Ce projet de loi ne donne à la police aucun droit de se présenter au domicile de quelqu'un et de prendre quoi que ce soit si elle n'a pas de mandat de perquisition, à moins qu'elle estime que la personne est en possession d'une arme illégale.

Les choses que j'entends sont très contradictoires. Je pense que c'est l'Ontario Association of Anglers and Hunters qui est opposée à l'enregistrement des armes à feu. Ses membres ont écrit au journal local une lettre passionnée dans laquelle ils demandaient à une autre organisation de les appuyer dans leur campagne en faveur de l'enregistrement universel des chiens de


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chasse afin de protéger les chiens. Ce message n'est-il pas contradictoire?

Je rappelle aux gens pourquoi nous faisons cela, pourquoi les armes rendent notre société violente, moins compatissante et moins sûre. La grande majorité des morts et des blessés victimes d'armes à feu ne sont pas le résultat de fusillades chez le dépanneur ou au bar, ou encore d'affaires de drogue. La grande majorité des gens sont tués ou blessés par des armes à feu chez eux. C'est un bien plus grand problème que l'utilisation des armes à des fins criminelles.

La plus grande partie des homicides se produisent à la maison. Sur les 1 400 tués par armes à feu chaque année, 1 100 sont des suicides, plus de 200 sont des homicides et le reste, des accidents. Le plus grand risque d'homicide ne vient pas d'étrangers, dans la rue ou chez le dépanneur, ni même de voleurs qui entrent par effraction dans votre maison, la majorité des homicides, 86 p. 100, sont le fait de membres de la famille, d'amis ou de connaissances.

Les armes à feu sont particulièrement dangereuses pour les femmes. Si je prends ce projet de loi tant au sérieux, c'est parce qu'il y a de sacrées bonnes raisons. Certains députés ont déjà dit qu'une femme est tuée tous les six jours. Dans 67 p. 100 des cas, elle est tuée chez elle. De 1981 à 1990, presque la moitié des femmes qui ont été tuées l'ont été par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Ensuite, 27 p. 100 sont tuées par des connaissances. Presque la moitié des femmes tuées par leur partenaire sont abattues avec une arme à feu. Pourtant, les membres du Parti réformiste peuvent rester assis de l'autre côté, pendant que l'on parle de ce grave problème de plus de 1 000 tuées par année, et faire «pan, pan», comme si c'était un jeu.

Soixante-dix-huit pour cent des armes à feu utilisées pour tuer ces femmes sont détenues légalement. Fréquemment, la police est déjà intervenue avant l'homicide, parce qu'il y a eu violence familiale; toutefois, actuellement, sans système d'enregistrement, il n'y a pas de moyen de savoir, avant que la situation ne devienne violente, s'il y a ou non une arme à la maison. C'est une des raisons pour lesquelles les associations policières, comme l'Association des chefs de police, appuient cette mesure législative.

Les agressions familiales sont 12 fois plus susceptibles de se terminer par la mort s'il existe une arme à feu à la maison, j'ai bien dit 12 fois plus susceptibles. Les députés d'en face croient que ce n'est pas un bien gros problème dans notre pays.

(1800)

Nous savons aussi que les jeunes qui pensent au suicide agissent parfois sous le coup d'une impulsion. On peut sauver des vies en évitant que des armes à feu soient facilement accessibles.

Je veux parler du cas d'un jeune de 15 ans qui a participé à une réunion avec le ministre de la Justice. Il nous a dit qu'un certain vendredi après-midi, il était déterminé à se tuer en quittant l'école. Peu de temps après, un ami qui s'inquiétait de lui a décidé de venir voir comment il allait. En faisant cela, cet ami l'a empêché de se tuer.

Ce jeune homme a dit au ministre de la Justice et aux autres participants que s'il y avait eu un fusil à la maison, il aurait été mort avant l'arrivée de son ami. Aujourd'hui, ce jeune de 15 ans va toujours à l'école. Il réussit bien et il a un grand avenir devant lui.

Si ce projet de loi peut empêcher un seul jeune comme celui-ci de mourir, il aura valu la peine de l'adopter. Nous ne pouvons pas oublier nos enfants. Depuis 1970, 470 enfants sont morts chez eux dans des accidents impliquant des armes à feu. Les armes en question appartenaient à leur propre famille.

Je suis aussi très favorable à la mesure prévoyant l'inclusion des armes de poing dans la catégorie des armes prohibées. Je me rends compte que le temps file et je vais tâcher de conclure. Qu'on me permette seulement de soumettre un argument assez cocasse à la Chambre.

Récemment, la ville de Chicago a interdit la vente de peinture en aérosol, parce que le coût du nettoyage des graffitis est exorbitant. Pour nous, en tant que société, le coût des décès attribuables aux armes à feu est exorbitant. En interdisant de la même façon la vente des armes à feu, on empêchera une partie de ces décès.

Le véritable objet de ce projet de loi, c'est la réalisation de la société que nous voulons. Pour ma part, je veux nous assurer un avenir où notre mode de gouvernement et notre mode de vie ne seront pas le jeu de la violence, du pouvoir et de la domination physique. Cette mesure est un moyen positif de nous assurer un avenir meilleur.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, s'il a jamais fallu des preuves que ce débat est extrêmement polarisé et probablement chargé de mauvais renseignements venant de tous les côtés, on les a aujourd'hui.

Il me semble évident que, dans tout ce débat sur le contrôle des armes à feu, la position de chacun dépend du bout du canon où l'on risque de se trouver. On le voit ici aujourd'hui, non seulement de notre côté, mais aussi du côté du gouvernement et on le verrait peut-être aussi du côté du Bloc si les bloquistes se prononçaient là-dessus.

Il est bien évident que nous sommes en train de débattre un projet de loi qui fait beaucoup appel aux émotions et qui divise notre pays. Comme si nous avions besoin d'une autre pomme de discorde! Il oppose les régions rurales aux régions urbaines plutôt que les langues, les cultures ou quoi que ce soit d'autre. Cela est absolument évident pour quiconque a suivi le débat.

Comme tout le monde le sait, notre pays s'étend sur des milliers de milles. Chacune de ses régions est unique. Un règlement concernant les armes à feu qui n'a pas de sens au centre-ville de Toronto en a peut-être ailleurs au pays, dans les Maritimes ou dans les Prairies.

Il est sage de scinder ce projet de loi en deux et j'exhorte le ministre de la Justice à songer sérieusement à cela. Les deux côtés de la Chambre et les Canadiens en général s'entendront sans doute sur la partie du projet de loi qui fait déjà l'unanimité, à savoir les


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dispositions liées directement à la lutte contre la criminalité, telle l'imposition de peines obligatoires.

Ce projet de loi comporte d'autres aspects que les Canadiens aiment sans doute moins. Il y a toute la question du contrôle des armes à feu et de l'enregistrement des armes de poing, qui est déjà un fait accompli. On est censé les enregistrer maintenant.

Une carabine ou un fusil de chasse qui sont achetés aujourd'hui doivent être enregistrés. Il n'y a pas de mal à vouloir centraliser l'enregistrement de ces armes. On a besoin du nom et de l'adresse des propriétaires. Cela ne pose pas de problème. Cela relève de la notion d'enregistrement universel.

(1805)

Avant d'aller plus loin, je tiens à dire que je vais voter contre ce projet de loi en dépit du fait que, dans le cadre d'un sondage que j'ai commandé et que je crois exact, mes électeurs se sont prononcés à 69 p. 100 pour l'enregistrement universel. Et pourtant, je suis prêt à rejeter ce projet de loi, quoique pas de gaîté de coeur.

Avant d'aborder cette question, je prends une minute ou deux pour rendre un hommage particulier à deux personnes qui n'attendent pas beaucoup de bonnes paroles de la part des députés de ce côté-ci de la Chambre, soit Wendy Cukier et Heidi Rathjen de la Coalition pour le contrôle des armes à feu.

Lorsque ses amies et camarades ont été tuées à l'École polytechnique de Montréal, Heidi a tenu à faire quelque chose. Elle a décidé de débarrasser le Canada du genre d'armes à feu qui avait causé cet outrage, ce terrible massacre. Les Canadiens n'ont absolument pas besoin d'armes automatiques. Voilà des années qu'elle lutte pour débarrasser le pays de ces armes. Elle a demandé l'aide de Wendy Cukier et, toutes deux, elles ont formé la Coalition pour le contrôle des armes à feu.

Je serais prêt à parier qu'elles ne pensaient jamais qu'elles trouveraient sur leur chemin un gouvernement libéral disposé à traiter ces questions dans les régions qui comptent de si nombreux électeurs, telles que le centre-ville de Toronto ou de Montréal. Les libéraux ont pris cette décision pour être élus. À mon avis, ils ne cherchaient certes pas ce qui était préférable pour les Canadiens. La décision devait avant tout leur apporter des votes. Ils ont donc fait appel aux électeurs qui, pour d'excellentes raisons, craignent les armes à feu. L'idée est ensuite devenue un engagement du livre rouge.

D'une certaine façon, tout cela trahit l'intention de Wendy et de Heidi. Elles veulent débarrasser le pays des risques que représentent les armes à feu et des crimes qui sont commis avec des armes à feu. Voilà vraiment sur quoi elles veulent attirer l'attention. Elles n'auraient jamais pu s'imaginer que tous les Canadiens, où qu'ils vivent, puissent être un jour forcés d'enregistrer leurs fusils de chasse et leurs carabines. Quoi qu'il en soit, c'est là que nous en sommes maintenant.

Selon les prévisions du ministère de la Justice, l'établissement d'un système national d'enregistrement va coûter 85 millions de dollars sur une période de cinq ans, montant auquel il faut ajouter 60 millions de dollars, compte tenu du fait qu'il y a six millions d'armes d'épaule en circulation actuellement au Canada. Dans ce cas, l'enregistrement des armes à feu coûtera au bas mot 145 millions de dollars sur cinq ans. Certains vont affirmer qu'il en coûtera jusqu'à 500 millions de dollars ou plus. Mais, prenons le chiffre le plus faible, soit 145 millions de dollars.

Notre pays s'endette au rythme de 110 millions de dollars par jour. Pourtant, on va dépenser tout cet argent, même si rien ne prouve qu'on pourra ainsi éviter ne serait-ce qu'un seul crime. À ma connaissance, les criminels ne demandent pas de permis et n'enregistrent pas leurs armes. Nous allons dépenser 145 millions de dollars pour que certains, surtout ceux qui ont rédigé le livre rouge libéral, puissent se sentir en sécurité lorsqu'ils se couchent le soir. Ce n'est pas là une façon juste et prudente de diriger ce pays.

S'il y avait la moindre preuve que l'enregistrement des armes d'épaule puisse prévenir d'une façon ou d'une autre des crimes, je serais très heureux de souscrire à ce projet de loi. Mais il n'en est rien. Nous ferons alors appel aux marchés financiers du monde entier; nos enfants et nos petits-enfants paieront de l'intérêt sur les sommes que nous emprunterons, et leur niveau de vie sera diminué parce que nous contracterons cet emprunt pour pouvoir procéder à l'enregistrement des armes d'épaule. Imaginez que nous affections la même somme, les mêmes 140 millions de dollars sur cinq ans, à la recherche sur le cancer du sein. Ne serait-ce pas là une utilisation plus efficace des 145 millions de dollars?

(1810)

Ce n'est pas facile pour moi de parler ainsi, car je ne suis pas un chasseur. Je ne possède pas d'arme. Je n'en ai pas depuis des années. J'ai tout d'abord commandé un sondage dans ma circonscription, pour pouvoir étayer les arguments que j'allais défendre au sein de mon propre caucus. Puisqu'il ne s'agit pas d'une question de morale ou d'éthique, je ne suis pas lié par ce sondage. Il devait me servir de guide. Je voulais étayer mes arguments pour pouvoir expliquer clairement à mon caucus les raisons pour lesquelles j'allais voter contre sa position. Je représente mes électeurs.

En évaluant mon travail au Parlement depuis un an et demi, j'ai compris très clairement, durant le congé de Noël, que j'étais ici pour trois raisons précises: premièrement, pour remettre de l'ordre dans les finances de notre pays; deuxièmement, pour que les droits des victimes aient préséance sur ceux des criminels; troisièmement, pour rétablir les liens de confiance entre les élus et les électeurs.

En mon âme et conscience, je ne puis approuver d'une part la dépense de 140 millions de dollars pour atteindre un objectif qu'on ne réalisera certainement pas et essayer d'autre part d'économiser.

Mes électeurs m'ont très clairement envoyé à Ottawa pour remettre de l'ordre dans les dépenses de notre pays. C'est pour cette


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raison que je vais malheureusement voter contre le projet de loi C-68.

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, presque tout a été dit sur ce très embêtant projet de loi.

J'ai écouté avec intérêt les préoccupations du député de Souris-Moose Mountain, et je les partage. J'ai écouté les préoccupations du whip adjoint, et je les partage. J'ai écouté les projections statistiques du député du Parti réformiste. Je ne sais pas si l'on peut ajouter des choses au débat. Je vais toutefois ajouter quelques détails et faire quelques observations.

Je ne sais pas si tout a été dit au sujet du registre. Par exemple, la préoccupation au sujet des armes sans numéro de série, de fabrication domestique, n'a pas été réglée. Il y a toujours des gens dont le passe-temps est de fabriquer des armes à feu et des munitions. Je n'ai rien vu dans le projet de loi à ce sujet.

Un de mes électeurs m'a signalé l'autre jour que certains numéros de série peuvent être les mêmes; le même numéro de série peut être attribué à plusieurs armes si deux manufacturiers autorisés fabriquent le même modèle d'arme. Je considère que ces détails sont préoccupants.

D'autres préoccupations, comme la confiscation, la conservation d'armes à feu ayant une certaine signification pour les familles, entre autres, seront étudiées par le Comité de la justice. La question des armes de poing de catégories interdites sera également étudiée par le Comité de la justice. La question des armes à feu utilisées dans des reconstitutions et des événements patrimoniaux sera certainement étudiée par le Comité du patrimoine.

J'ai demandé à comparaître devant ce comité pour soulever certaines de ces préoccupations.

(1815)

Je me rends compte aussi que la question du registre est plus importante que celle des armes individuelles, à moins d'avoir mal lu le projet de loi. Les dispositions sur le registre vont plus loin que la propriété individuelle et donnent au gouvernement le droit de faire enregistrer d'autres armes, des armes en transit pour que les forces de l'ordre puissent déterminer tout écart quant au nombre d'armes qui entrent au Canada.

Je vais répéter ce qu'un si grand nombre de députés ont déjà dit. Le projet de loi a trois volets. L'un d'eux a évidemment trait au trafic d'armes et à la lutte contre les trafiquants. J'estime que tous sont d'accord là-dessus, qu'ils soient députés réformistes, députés ruraux ou députés urbains. Nous sommes tous parfaitement d'accord là-dessus et reconnaissants pour l'intensification de quelques-unes des activités des corps policiers, notamment autour de la région où j'habite, car ils sont parvenus récemment à y saisir de grandes quantités d'armes.

Le deuxième, bien sûr, c'est l'imposition d'une peine obligatoire de quatre ans. J'espère sincèrement que, avec cette imposition et les mesures que le ministre de la Justice prendra sur cette question, l'infraction ne fera pas l'objet d'une négociation de plaidoyers, comme cela s'est produit par le passé. Je trouve offensante cette notion de négociation de plaidoyers.

Le troisième volet concerne l'enregistrement et les autres aspects de la propriété d'armes à feu. Je souligne aux opposants farouches à l'enregistrement que cette question me préoccupe vivement. Le processus a été très pénible. Chaque loi qui est élaborée au Canada viole les droits d'une façon ou d'une autre.

Les lois ne sont pas établies pour la vaste majorité des honnêtes citoyens, mais pour une faible minorité. Il n'y a pas dichotomie dans les lois qui concernent les armes à feu. Ces lois sont adoptées pour les quelques personnes qui n'ont aucun respect de la vie humaine ou qui perdent ce respect, ou encore, qui veulent utiliser une arme à feu pour commettre un crime et ne se font aucun scrupule d'en utiliser.

J'implore ceux qui s'opposent si farouchement à l'enregis-trement des armes à feu de tenir compte du fait que les lois concernant le vol ou l'excès de vitesse sur les routes ne sont pas rédigées pour la majorité, mais pour protéger la majorité contre une minorité. Je dois également signaler que le droit de port d'armes n'existe pas au Canada. La propriété d'armes à feu est un privilège et non un droit dans notre pays. Nous devrions toujours nous en souvenir.

Étant donné la difficulté que m'a posée ce projet de loi en tant que député-même ma conviction au sujet de l'efficacité de l'enregis-trement est ébranlée-je ne voudrais pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Je veux que ce projet de loi soit étudié en comité et qu'on le modifie sans nécessairement en altérer le principe, mais en y injectant un peu de bon sens, pour que les propriétaires légitimes d'armes à feu ne se sentent pas lésés et pour que les sacrifices qu'ils font visent également à protéger la majorité.

(1820)

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, les gens ont certainement des opinions tout à fait contraires et extrêmement sectaires sur le contrôle des armes à feu.

J'espère que le ministre de la Justice tiendra compte des arguments que le Parti réformiste a présentés en faveur d'une division du projet de loi en deux parties. Il veut vraisemblablement mettre l'accent sur la réduction de la criminalité et l'accroissement de la sécurité des Canadiens.

Or, à la façon dont le ministre de la Justice propose ce projet de loi, on pourrait penser que tous les propriétaires d'armes à feu sont des criminels. C'est loin d'être la vérité et c'est une insulte à l'égard des Canadiens qui sont propriétaires d'armes à feu.

Chaque année, les gens commettent environ 2,7 millions d'infractions au Code criminel. Or, les actes criminels reliés aux armes à feu ne représentent que 0,5 p. 100 de ce nombre et même moins. Pourtant, le ministre de la Justice propose de dépenser 200 millions de dollars ou plus pour réduire cette proportion de 0,5 p. 100.


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Ce n'est pas de l'argent qu'on va utiliser pour trouver les criminels, les poursuivre devant la justice et les garder en prison. On va dépenser cette somme parce que 0,5 p. 100 des crimes sont commis à l'aide d'armes à feu.

Le ministre a donné des statistiques. Il a déclaré que la majorité des Canadiens étaient en faveur du contrôle des armes à feu. Cependant, rappelons-nous que beaucoup de Canadiens ne possèdent pas d'armes. Je suis parmi ceux-là.

Lorsqu'on demande à un Canadien s'il est en faveur de l'enregistrement des armes à feu, il y a de bonnes chances pour qu'il réponde, lorsqu'il ne possède pas d'armes, qu'étant donné que cela ne le dérange pas, il a peu de raisons de s'y opposer.

L'automne dernier, le ministre des Finances a tenu ses audiences prébudgétaires dans tout le pays et il a écouté les Canadiens parler du budget. Ils ont tous dit qu'il fallait s'attaquer au déficit. Ils ont précisé qu'on devait accroître les impôts, mais pas les leurs, et qu'on devait sabrer dans les dépenses, pourvu que cela ne les touche pas. Selon moi, la même chose se produit, lorsqu'on demande aux gens s'ils sont en faveur du contrôle des armes à feu. S'ils n'en possèdent pas, il est évident qu'ils vont être pour, car cela ne représente absolument rien pour eux.

L'article 85 actuel est l'une des rares dispositions du Code criminel prévoyant une peine obligatoire. Cette peine tombe très souvent au moment de la négociation d'un plaidoyer. Nous, réformistes, avons toujours dit que si la loi actuelle ne donnait pas les résultats escomptés, nous devrions peut-être la modifier et qu'il fallait nous démontrer que les propositions du ministre allaient constituer une amélioration.

L'automne dernier, j'ai écrit au ministre de la Justice et je lui ai demandé dans combien de cas on abandonnait la peine prévue à l'article 85 dans le cadre de la négociation d'un plaidoyer. Cet article ne prévoit aucune amende, mais impose une peine d'emprisonnement minimale obligatoire aux gens coupables d'avoir commis un crime à l'aide d'une arme à feu. Je voulais savoir combien de fois on n'appliquait pas cette disposition. Le ministre m'a répondu qu'il l'ignorait. Il a précisé qu'il n'avait pas les statistiques voulues pour savoir au juste combien de fois la négociation d'un plaidoyer donnait la chance à un individu d'échapper à cette peine d'emprisonnement.

Ainsi, on n'a pas d'idée si la loi actuelle donnerait les résultats escomptés, en admettant qu'elle soit bien appliquée. Le ministre de la Justice même a reconnu son ignorance à ce sujet. Pourquoi présente-t-il ce projet de loi sur l'enregistrement des armes à feu et pour quelles raisons pense-t-il qu'il va fonctionner?

Nous avons également demandé au ministre comment il saurait que les nouvelles dispositions donnent de bons résultats et entraînent la réduction de la criminalité qu'il nous promet. Il n'a pu répondre à cette question non plus. Il n'avait aucun moyen de nous préciser le nombre de vies qui seraient ainsi épargnées ou le nombre de crimes qu'on pourrait éviter, grâce à l'enregistrement des armes à feu. Le ministre ne peut s'appuyer sur aucun fait pour défendre sa position.

Lorsqu'on propose un projet de loi, on doit se poser quatre questions. Cette mesure est-elle pertinente? Est-elle efficace? Est-ce une façon efficiente de remédier à la situation? Est-ce le meilleur moyen? Prenons chaque question séparément.

Cette mesure est-elle pertinente? Il est vrai que certains commettent des crimes au Canada. C'est le cas dans tous les pays. Nous devrions de toute évidence être très durs à l'égard des criminels.

(1825)

Le ministre de la Justice propose que nous menions la vie dure aux gens qui possèdent un fusil, le détruisent et n'envoient pas le formulaire approprié aux autorités. On les condamne à cinq ans de prison. Cinq ans de prison pour ne pas avoir fait parvenir un bout de papier?

Qu'est-ce qui arrive à quelqu'un qui ne détient pas le bon permis? Dix ans de prison, voilà ce que le ministre recommande. Or, Denis Lortie a été libéré après avoir vécu 10 ans dans un pénitencier. Il avait tué trois personnes à l'Assemblée législative de Québec et en avait blessé 13 autres. Au bout de 10 ans, le voilà un homme libre, et si on n'a pas le bout de papier en question, le ministre de la Justice recommande la même punition? Il faut mettre les choses davantage en perspective.

Est-ce bien pertinent? Le Parti réformiste souscrira à des lois qui empêchent les criminels de se livrer à des actes répréhensibles et qui les punissent sévèrement pour leurs méfaits. Voilà qui est pertinent. Le ministre soutient-il que l'enregistrement de toutes les armes à feu au prix de 200 millions de dollars ou plus va contribuer à réduire la criminalité? Je suis persuadé qu'il sait bien qu'il n'en est rien. C'est pour cette raison que ce n'est pas pertinent et que la mesure qu'il entend imposer à des millions de Canadiens est tout à fait absurde.

Le projet de loi sera-t-il efficace; en d'autres mots, atteindra-t-il ses objectifs? Rien ne prouve que l'enregistrement universel qu'il propose va réduire la criminalité. Il l'a déclaré lui-même. Il n'a pas pu répondre à la question quand nous la lui avons posée. Depuis lors, il n'a rien présenté qui laisse entendre qu'il possède des indices concrets quant aux chances de succès de sa proposition.

Le ministre devrait envisager d'adopter l'approche réformiste qui consiste à scinder le projet de loi en deux: la première partie, l'enregistrement des armes à feu, que nous trouvons inadéquate et la deuxième partie, l'utilisation criminelle des armes à feu, que nous estimons pertinente et à laquelle nous souscrivons.

J'ai déjà parlé du crime qui consiste à ne pas produire de certificat, des cinq années d'emprisonnement que cela entraîne, etc. Je voudrais établir une comparaison entre l'utilisation d'une arme à feu et une personne ivre qui conduit une voiture. Le ministre de la Justice a parlé avec éloquence aujourd'hui de l'état d'ivresse dans le projet de loi qu'il a présenté à ce sujet. Il y a plus de Canadiens qui se font tuer sur les routes, par des chauffeurs ivres, qui commettent donc des actes illégaux, qu'il n'y en a qui se font tuer par des armes à feu utilisées illégalement. Pourtant, il n'existe à ce sujet rien d'aussi draconien que ce qu'il propose pour les armes à feu.

Si une personne oublie de renouveler l'immatriculation de sa voiture, l'amende imposée, en Ontario, est de 5,50 $ par mois. Cependant, si elle oublie de faire enregistrer son arme, cela lui vaut 10 ans de prison. C'est plutôt étrange comme différence: 10 ans de prison pour ne pas avoir enregistré une arme à feu, et 5 $

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par mois pour ne pas avoir renouvelé son immatriculation. Pourtant, dans des circonstances illégales, c'est aussi mortel dans un cas que dans l'autre. Je tiens à le souligner.

Qu'en est-il des personnes qui conduisent sans permis? En Ontario, elles sont passibles d'une amende de 265 $ et, bien entendu, dans le cas d'une arme à feu, c'est 10 ans de prison.

Cette mesure législative va-t-elle vraiment régler le problème? Encore une fois, nous, les réformistes, avons dit qu'elle allait être efficace, du point de vue criminel. Par contre, en ce qui concerne l'enregistrement pour tous les Canadiens, elle est totalement et absolument inefficace. Mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest a dit que nous allions devoir emprunter 200 millions de dollars de plus et refiler la facture à nos petits-enfants tout simplement pour que les libéraux puissent dire qu'ils ont essayé de faire quelque chose pour lutter contre la criminalité tandis qu'en fait, ils ne font rien.

Pour terminer, nous voudrions que le ministre de la Justice sache que 99 p. 100 des propriétaires d'armes à feu manipulent leurs armes en toute sécurité, qu'ils les entreposent comme il se doit, qu'ils les utilisent de manière responsable et qu'on devrait donc les laisser tranquilles. Quant au 1 p. 100 qui reste, ce sont des criminels qui se servent des armes pour commettre des crimes et c'est sur eux qu'on devrait se concentrer. C'est ce que les Canadiens veulent, et c'est ce qu'ils méritent. Ils ne veulent pas d'un ministre de la Justice qui n'obéit qu'au souci électoral. Ils veulent d'un ministre qui fasse son travail et qui produise des statistiques pour appuyer ses dires.

_____________________________________________

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MOTION D'AJOURNEMENT

(1830)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES PÊCHES

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, en septembre dernier, à Dartmouth, l'OPANO a fixé à 27 000 tonnes la quantité totale de prises de turbot autorisées pour 1995. En annonçant cette entente, le ministre des Pêches et des Océans avait donné au Parlement l'assurance que le Canada aurait, pour la première fois, le droit de monter à bord des navires pour inspecter leurs prises de turbot et pour s'assurer que les règles de conservation de cet important stock de poisson étaient observées, ce qu'il n'a pas fait.

Le 1er février, les membres de l'OPANO se sont réunis pour répartir les 27 000 tonnes de prises. En pratique, les décisions sont fondées sur un consensus des membres, car chacun a le droit de présenter des objections et de se retirer. Malgré l'avis contraire des pays membres qui ont par la suite appuyé le Canada, le ministre des Pêches et des Océans a forcé la tenue d'un vote sur une proposition du Canada visant à répartir les quotas. La part du Canada a été fixée à 60 p. 100, comparativement à 10 p. 100 auparavant. L'Union européenne a obtenu 12,5 p. 100, alors qu'elle avait effectué 75 p. 100 des prises au cours des trois années précédentes.

Le ministre des Pêches et des Océans a tout fait pour transformer le différend entre le Canada et l'Union européenne au sujet de la répartition des quotas en un exercice d'agression écologique. Le Financial Times de Londres écrivait à ce sujet:

Le fait que le Canada ait tenté de s'assurer une part importante des quotas, soit 70 p. 100 contre 12 p. 100 aux Européens, vient en quelque sorte ternir l'argument de ce pays selon lequel il devait intervenir pour sauver le poisson d'une extinction imminente.
Tony Pitcher, directeur du Centre des pêches à l'Université de la Colombie-Britannique, a dit: «La part de 60 p. 100 du turbot que le Canada avait obtenue récemment constituait un changement radical dans les prises allouées, changement qui s'est fait trop rapidement pour que certains pays qui pratiquent la pêche l'acceptent volontiers.»

Dans notre besoin désespéré pour trouver un héros dans tout ce cafouillis, nous n'avons pas tenu compte du fait que, depuis janvier 1994, des fonctionnaires canadiens sont montés à 11 reprises à bord de l'Estai pour l'inspecter. À chacune de ces occasions, ils auraient pu et auraient dû inspecter les viviers et y trouver la preuve qu'il pêchait du petit poisson. Ils auraient pu et auraient dû attendre que le filet soit remonté et auraient découvert qu'il était doublé.

Seuls les Espagnols, qui peuvent maintenant pêcher sans craindre des inspections, ont profité de ce cafouillis. Avec l'arraisonnement de l'Estai, le ministre des Pêches et des Océans ne peut plus faire inspecter des chalutiers étrangers qui pêchent dans la zone réglementée de l'OPANO, au-delà de notre limite des 200 milles.

La taille des poissons trouvés à bord de l'Estai n'aurait pas dû surprendre. Ces prises étaient comparables à celles que les chalutiers espagnols et portugais avaient déclarées en 1993 et que les documents scientifiques de l'OPANO avaient rapportées en 1994. Ces documents ont signalé une diminution terriblement constante de la biomasse, qui est passée de 225 000 tonnes en 1984 à 37 000 tonnes en 1992, et ils faisaient remarquer que peu de poissons d'une longueur supérieure à 46 centimètres avaient été échantillonnés dans les prises de 1993. Si l'on considère que le turbot mature devrait mesurer au moins 60 centimètres, il est douteux que nous ayons dû accepter de pêcher du turbot cette année, sans parler d'essayer de nous montrer plus habiles que les pays de l'UE pour obtenir une allocation plus forte.

Dans la zone du Bonnet Flamand, nous connaissons maintenant le pire sur les deux plans: pas d'inspection par le Canada de la zone régie par l'OPANO ni d'application du nouveau règlement. Le 3 mars 1995, quand le règlement est entré en vigueur, on nous a dit qu'il était indispensable pour dissuader les navires de pêche espagnols et portugais de faire de la surpêche sur le nez et la queue des Grands Bancs et dans la zone du Bonnet Flamand.

Le rapport de 1994 du Conseil scientifique de l'OPANO avait averti que puisque le turbot constituait un stock unique, il était nécessaire de réglementer la pêche aussi bien sur le nez et la queue des Grands Bancs que dans la zone du Bonnet Flamand. Négliger de le faire, d'après les mots mêmes du rapport, pourrait provoquer l'effondrement de cette pêche.

Le règlement du 3 mars interdisait aux Espagnols de pêcher sur le nez et la queue des Grands Bancs et dans la zone du Bonnet Flamand. Depuis que le règlement a pris force de loi, le gouver-nement a reculé, laissant la zone du Bonnet Flamand livrée à une pêche déréglementée.

On jugera l'action du gouvernement à l'aune de la protection accrue dont elle aura fait bénéficier les stocks de turbot dans la zone régie par l'OPANO sur le nez et la queue des Grands Bancs et dans

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la zone du Bonnet Flamand. Il s'agit de savoir pourquoi les fonctionnaires canadiens n'ont pas soumis à des inspections satisfaisantes l'Estai et les autres navires de pêche espagnols.

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Delta pour sa question.

Le député soulève deux questions connexes. Il a parlé de l'augmentation du nombre des inspections et des résultats d'une inspection faite par les agents du ministère des Pêches sur le navire espagnol Estai, en janvier. J'aborderai ces questions une à la fois.

Tout d'abord, celle des inspections. Comme le ministre l'a déclaré à la Chambre vendredi dernier, étant donné la tension accrue entre les agents des pêches du Canada et la flotte espagnole, on ne demandera pas aux agents des pêches, qui ne sont pas armés, d'effectuer des activités où leur sécurité pourrait être menacée. Je crois que là-dessus, le député sera d'accord avec le ministre.

Je dois aussi donner quelques renseignements généraux sur le système d'inspection de l'OPANO. Comme le député devrait le savoir, l'OPANO donne aux inspecteurs des parties contractantes le pouvoir d'embarquer sur des navires pour y faire des inspections à l'intérieur de la zone de réglementation de l'organisation. Toutefois, les inspections du ministère des Pêches et des Océans se font dans des conditions qui sont loin d'être idéales. Les procédures établies par l'OPANO exigent que les inspections soient effectuées de façon à ne pas entraver les opérations du bateau.

Dans le temps limité prévu pour les inspections en mer, il est impossible de chercher un double du journal de bord. Les fouilles de la cale sont limitées par le temps, par la quantité de poisson dans la cale et par l'incapacité des inspecteurs de déplacer le contenu de la cale étant donné que le bateau est en mouvement et qu'il y a peu d'espace dans les congélateurs. C'est très facile de cacher des prises illégales à des endroits qui ne seraient accessibles qu'après une fouille exhaustive où l'on pourrait vider la cale de son contenu.

De plus, les bateaux de pêche savent que les patrouilleurs sont dans le secteur et peuvent éviter d'utiliser des engins illégaux lorsqu'ils risquent de faire l'objet d'une inspection. Par exemple, on peut enlever les doublures des filets durant la journée lorsque le temps est propice à l'arraisonnement. Les inspecteurs ne peuvent pas vérifier si les entrées dans le journal de bord correspondent bien au contenu de la cale à cause de la quantité de poisson à bord. Même si les inspecteurs soupçonnent que les prises ne sont pas déclarées de façon exacte, ils n'ont souvent pas les preuves nécessaires pour émettre une citation.

Malgré toutes ces restrictions, les Canadiens ont effectué des inspections de l'OPANO et ont émis 52 citations en 1994, dont 44 à des bateaux européens. . .

Le vice-président: Le secrétaire parlementaire ne dispose que de deux minutes en vertu du Règlement.

La motion d'ajournement étant adoptée d'office conformément au Règlement, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain.

(La séance est levée à 18 h 38.)