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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 7 décembre 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

JUSTICE ET AFFAIRES JURIDIQUES

COMPTES PUBLICS

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

PÉTITIONS

LES MINES TERRESTRES

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17347

LA TAXE POUR LA PAIX

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17347

L'AIDE AU SUICIDE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17348

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES EN COLOMBIE- BRITANNIQUE

    Reprise de l'étude de la motion 17352
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17356
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17362
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17363
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17369
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17377
    M. Hill (Prince George-Peace River) 17379

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

LE TIMOR ORIENTAL

    M. Leblanc (Longueuil) 17380

VIA RAIL

L'ÉCONOMIE

LES BANQUES

LE PROJET D'ASSAINISSEMENT DU QUARTIER MALVERN

LES MINISTRES DES FINANCES

LE CULTURE QUÉBÉCOISE

LE QUÉBEC

L'UNION DES PROVINCES MARITIMES

M. SEYMOUR SCHULICH

L'UNITÉ NATIONALE

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

PIERRE BOURGAULT

LE DIOCÈSE D'EDMUNDSTON

    Mme Ringuette-Maltais 17383

QUESTIONS ORALES

LA CAISSE DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17384
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17384
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17385

LES PENSIONS DE VIEILLESSE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17385
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17385

LE DÉFICIT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17386
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17386
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17386

LA CULTURE QUÉBÉCOISE

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17387
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17387
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17387
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17387

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17387
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17388

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

    Mme Gagnon (Québec) 17388
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17388
    Mme Gagnon (Québec) 17388
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17388

LE MINISTÈRRE DES RESSOURCES NATURELLES

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

TORONTO

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

LA GARDE CÔTIÈRE

LES PÉNITENCIERS

    M. White (North Vancouver) 17391
    M. White (North Vancouver) 17391

LA LOI SUR LES CONTRAVENTIONS

LE DROIT À LA LIBRE CIRCULATION

L'EMPLOI

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17392

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

    Reprise de l'étude de la motion 17392
    Mme Ringuette-Maltais 17399
    M. White (North Vancouver) 17410
    Report du vote sur la motion 17412

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 17 h 20 17412

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 17 h 30 17412

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

    Projet de loi C-337 Motion de deuxième lecture 17412

MESSAGE DU SÉNAT

    Le président suppléant (M. Kilger) 17418

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

    Projet de loi C-337. Reprise de l'étude de la motionde deuxième lecture 17418
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projetde loi et renvoi à un comité 17418

MOTION D'AJOURNEMENT

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LA LOI SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

LE VIET NAM

LA DÉFENSE NATIONALE


17347


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 7 décembre 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à cinq pétitions.

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

JUSTICE ET AFFAIRES JURIDIQUES

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le 12e rapport du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques.

Conformément à son ordre de renvoi du lundi 4 décembre 1995, le comité a étudié le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, et a convenu d'en faire rapport sans proposition d'amendement.

[Français]

COMPTES PUBLICS

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui le 18e rapport du Comité permanent des comptes publics, conformément à l'alinéa 108(3)d du Règlement. Le Comité a étudié le chapitre VI du rapport du vérificateur général de mai 1995 et présente aujourd'hui un rapport sur ce chapitre, qui porte sur les subventions fédérales au transport et plus précisément sur le programme de subventions au transport des marchandises dans la région Atlantique.

Conformément à l'article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.

[Traduction]

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 107e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant les budgets de fonctionnement et la structure des crédits dans le Budget des dépenses.

Des représentants du Conseil du Trésor ont communiqué un document sur les budgets de fonctionnement et la structure des crédits, document expliquant la raison des modifications qui ont été apportées à l'un des aspects des crédits dans le Budget des dépenses. Il y est proposé un nouveau crédit pour dépenses de fonctionnement qui ferait son apparition dans le Budget des dépenses de 1996-1997. Le nouveau crédit regrouperait des dépenses en capital secondaires qui font actuellement l'objet de crédits séparés pour dépenses en capital. Le Parlement aurait une image plus exacte de la façon dont les ministères et les organismes dépensent les fonds qui leur sont attribués. La modification proposée est une mesure temporaire qui sera en place en attendant que le gouvernement élabore un nouveau système comptable.

Le bureau du vérificateur général a informé le Sous-comité de la procédure et des affaires de la Chambre que la modification proposée par le secrétariat du Conseil du Trésor est principalement de nature administrative et qu'elle vise à faciliter la gestion des ministères et des organismes gouvernementaux. Le sous-comité a reçu l'assurance qu'une modification de ce genre ne diminuerait pas la capacité du Parlement d'examiner et d'approuver le plan des dépenses du gouvernement.

C'est avec plaisir que je présente ce rapport. Il n'a pas besoin d'être approuvé puisque je le dépose pour l'information des députés.

* * *

PÉTITIONS

LES MINES TERRESTRES

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, au nom de la population de tout le Canada, je voudrais présenter une pétition qui demande au Parlement d'adopter une mesure législative interdisant la participation du Canada à la prolifération internationale de la production de mines terrestres.

LA TAXE POUR LA PAIX

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une deuxième pétition venant d'électeurs de ma circonscription que j'aimerais présenter également et qui demande

17348

la création d'une taxe pour la paix par l'adoption d'un projet de loi d'initiative parlementaire intitulé «Loi sur l'objection de conscience».

L'AIDE AU SUICIDE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une troisième pétition qui demande au Parlement de faire en sorte que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant l'aide au suicide soient appliquées rigoureusement.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


17348

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.) propose:

Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial, afin de respecter à ce sujet l'opinion publique exprimée par les deux principaux partis d'opposition de la province.
-Madame la Présidente, ce n'est pas d'aujourd'hui que le Parti réformiste s'intéresse à cette question. Par exemple, le 30 octobre, j'ai posé une question à ce sujet au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le 27 novembre, j'ai posé une question semblable au ministre des Pêches et des Océans. J'ai aussi soulevé le point durant les travaux du comité.

(1010)

Ma question du 30 octobre rappelait que, selon les sondages, la situation autochtone est au premier rang des préoccupations en Colombie-Britannique. Au sein des partis politiques provinciaux, les divergences d'opinions augmentent en ce qui a trait à la situation autochtone dans cette province. Le gouvernement néo-démocrate arrive à la fin de son mandat.

J'avais donc demandé au ministre s'il pouvait assurer à la Chambre qu'il n'envisagerait pas la signature d'un accord global, comme un accord sur les revendications des Nisga'a, par exemple, avant qu'un nouveau gouvernement provincial ne soit élu et n'assume un mandat tout neuf. Le ministre a répondu notamment que le député réformiste lui demandait de ne rien faire, jusqu'à ce que le gouvernement non Nisga'a soit remplacé en Colombie-Britannique, et qu'il n'était certainement pas disposé à agir ainsi.

En outre, il existe une divergence d'opinions importante quant aux coûts, et j'ai abordé ce point dans ma question complémentaire. Le gouvernement provincial affirme que le coût du règlement des revendications territoriales en Colombie-Britannique s'élèvera à quelque dix milliards de dollars et le gouvernement fédéral dit, pour sa part, que le coût sera de cinq milliards de dollars. Nous devons certainement tenir compte de cette divergence d'opinions. Il s'agit bien de milliards et non de millions.

Le 27 novembre, ma question au ministre des Pêches et des Océans traitait de l'entente apparemment prévue concernant la rivière Nass. Je dis apparemment prévue puisque tout cela est fondé uniquement sur des fuites. Il n'y a pas de négociations ouvertes. La transparence fait défaut. Tout ce nous savons, nous l'apprenons grâce à des fuites. Quoi qu'il en soit, il semble qu'on s'entend pour qu'une certaine pêche pratiquée dans la rivière Nass fassent partie intégrante de l'accord conclu avec les Nisga'a. Je voulais apprendre de la bouche même du ministre que la pêche commerciale pratiquée dans la rivière Nass ne serait pas inscrite dans un traité, puis, un jour ou l'autre, dans la Constitution, parce qu'il ne serait plus possible d'y modifier quoi que ce soit, parce cette mesure entraînerait la division sur le plan social et qu'elle serait tout à fait contraire à la libre entreprise. Une fois de plus, je n'ai reçu aucune réponse adéquate du ministre.

Il ne s'agit plus d'un problème qui vient de surgir en Colombie-Britannique. C'est un problème qui persiste. Le dossier a évolué depuis ces trois dernières années. C'est un problème qui a pris des proportions alarmantes. Les préoccupations de la population sont telles qu'il y a tout lieu de procéder à un réexamen de toutes les hypothèses sur lesquelles repose le traité ou le processus de règlement des revendications territoriales en Colombie-Britannique.

Je vais exposer très sommairement la nature de certaines de ces préoccupations. Cette affaire présente d'énormes répercussions à long terme, à la fois d'ordre social, financier et autre. Cela rappelle les préoccupations exprimées en Colombie-Britannique à propos de ce que d'aucuns appellent le projet de loi de la désunion et sur le lequel la Chambre s'est penché très récemment avant qu'on ait recours à la clôture. Les parallèles sont nombreux. On veut accorder un statut particulier, alors que la population exige que l'on applique le principe de l'égalité.

Toute la question de la ratification par la population des initiatives que prend le gouvernement à l'égard de la situation autochtone a été passée sous silence. Tout a été décidé à huis clos. Pas plus le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial n'ont consulté la population pour définir la portée et les objectifs du processus menant à la conclusion de traités en Colombie-Britannique.

Je voudrais maintenant faire un peu l'historique des négociations actuellement en cours en Colombie-Britannique. Nous poursuivons des négociations avec les Nisga'a depuis de nombreuses années. Un accord cadre a été signé en mars 1991. Beaucoup disent que la transparence de cet accord est disparue en 1991. À mon avis, il s'agit là d'une analyse qui fait l'affaire de certains bureaucrates et certains membres du gouvernement.


17349

(1015)

Le paragraphe 7.1.1 de cet accord porte que:

Les parties élaboreront et appliqueront ensemble un processus d'information et de consultation publiques et se réuniront avec les personnes, les organisations ou les groupes qui, à leur avis, aideront à parvenir à un consensus public.
Il faut beaucoup d'imagination pour laisser entendre que cela s'est produit dans le cas des négociations concernant les Nisga'a. Cet accord sur les Nisga'a est le plus avancé dans la province et constitue un élément central de cette motion d'opposition qui est présentée aujourd'hui.

Certaines préoccupations majeures au sujet des négociations avec les Nisga'a qui sont cruciales sont la pêche dans la rivière Nass, que j'ai déjà mentionnée. Il s'agit là d'une ressource publique. La semaine dernière, cinq causes types sur la pêche autochtone en Colombie-Britannique étaient entendues à la Cour suprême.

Les pêcheurs commerciaux ont intenté des poursuites en recours collectif contre le ministre des Pêches et des Océans. Il semblerait que la décision, si elle est rendue, interdirait aux autochtones de pratiquer la pêche commerciale.

Il ne s'agit pas tant de l'attribution de permis de pêche commerciale, mais de droits qui seraient consacrés dans un traité, puis dans la Constitution, et de la protection de la pêche commerciale autochtone, ce qui, dans l'esprit de bien des gens et dans mon esprit, entraînerait des divisions sociales et irait à l'encontre du principe de la libre entreprise.

Une autre grande préoccupation concerne les coûts. Si nous examinons les coûts associés à l'accord concernant les Nisga'a, encore une fois, nous avons seulement des fuites de renseignements. Nous ne savons jamais d'où elles proviennent. Elles sont peut-être ou non délibérées. C'est un des problèmes que pose le manque de transparence.

En novembre, j'ai diffusé un communiqué dans lequel j'ai abordé certaines déclarations qui ont été faites très récemment au sujet de l'offre présentée aux Nisga'as et qui ont été signalées dans la presse populaire. En mars, lorsque j'organisais une série de réunions publiques en Colombie-Britannique, j'avais pris l'offre connue à ce moment-là et, à partir de cela, j'avais examiné ce qu'elle donnerait pour l'ensemble de la Colombie-Britannique en me fondant sur le cas des Nisga'a. J'avais dit alors que l'indemnisation totale se chiffrerait à 8,5 milliards de dollars. On avait accusé le Parti réformiste d'extrapoler à partir des chiffres provenant de diverses sources pour effrayer la population de la Colombie-Britannique.

En octobre, le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique a déclaré publiquement que le règlement des revendications territoriales en Colombie-Britannique coûterait dix milliards de dollars et, si on en croit les fuites à ce sujet, l'offre faite aux Nisga'a serait devenue plus généreuse entre mars et octobre. Cela va tout à fait dans le sens de ce que je disais en mars.

Selon les dernières fuites relatives à l'offre faite aux Nisga'a, il est question de leur remettre 2 200 kilomètres carrés de terres sur lesquelles se trouvent des ressources forestières importantes, de leur verser 175 millions de dollars et de leur accorder 30 p. 100 des pêches sur la rivière Nass. Je pourrais signaler que d'autres bandes revendiquent également une partie des pêches de la rivière Nass.

(1020)

Le ministre provincial a déclaré que le coût total de l'offre s'élèverait à dix milliards de dollars et, pendant ce temps, le directeur général du ministère fédéral s'est dit déconcerté par cette annonce et estime que le chiffre réel se rapprochera plutôt des cinq milliards de dollars. Connaît-il quelque chose que nous ignorons? Je n'en sais rien. Il se peut qu'il s'agisse simplement de la participation fédérale. D'après mes calculs, on partage à peu près également le montant du règlement entre les gouvernements provincial et fédéral. C'est une différence très importante qui devrait inquiéter la population et le gouvernement.

En plus de ces négociations avec les Nisga'a qui constituent un précédent, il y a également tout le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique. Nous en avons parlé à la Chambre, il n'y a pas si longtemps, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-107, la mesure habilitante, du point de vue du gouvernement fédéral, pour établir la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Les négociations avec les Nisga'a ne font pas partie de ce processus en ce qui concerne la Commission des traités. Elles remontent à avant la création de la commission et elles ne sont pas soumises aux mêmes conditions. Cette Commission des traités de la Colombie-Britannique n'existe que depuis 1993.

On estime actuellement que 77 p. 100 des bandes de la Colombie-Britannique participent à ce processus. Il y a, au total, 196 bandes en Colombie-Britannique. Les 23 p. 100 de bandes de la Colombie-Britannique qui ne participent pas à ce processus n'ont pas d'autres options. Ou elles acceptent ce processus ou on les laisse de côté. Cela pose un problème pour ces 23 p. 100.

En juillet 1993, les gouvernements fédéral et provincial ont annoncé l'établissement d'un comité consultatif sur la négociation des traités. Ils ont aussi établi des conseils régionaux du comité consultatif partout où se négocient des traités, afin de défendre les intérêts des habitants et de la collectivité. Aujourd'hui, la population et les participants sont très insatisfaits des processus de consultation et de ratification.

Si une bande participe au processus de négociation des traités, elle a droit à 80 p. 100 du financement remboursable à la fin des négociations. En effet, il s'agit d'un prêt. Dans le cas des négociations concernant les Nisga'a, c'est le gouvernement fédéral qui a assumé tout le financement.

J'ai d'autres préoccupations. Dans tout ceci, on ne reconnaît pas le gouvernement municipal. Il n'y a qu'un arrangement latéral par l'intermédiaire des négociateurs provinciaux. À l'heure actuelle, le financement de leur rôle d'intervenant ou de conseiller, peu importe comment on l'appelle, est plafonné à 250 000 $ par année et il vient de la province.

Cette question inquiète les municipalités, dont certaines sont aux prises avec plusieurs revendications. Leurs coûts dépassent de loin l'indemnité qu'elles reçoivent. Elles sont impliqués dans le proces-


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sus pas parce qu'elles le veulent, mais parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement. Leurs intérêts en souffrent certainement.

Les conseils régionaux du comité consultatif ne dispose d'aucune ligne directrice d'intervention immédiate. Ils ne sont pas mentionnés dans le mandat de la commission des traités, ce qui est très problématique.

Certains accords provisoires ont été négociés au niveau provincial. Cela a également compromis le processus adopté par la Commission des traités de la Colombie-Britannique. La commission en a fait état dans son rapport annuel de 1993. Elle n'est pas en mesure de pousser l'affaire. Elle peut cerner le problème, mais elle ne peut s'y attaquer, à moins qu'un des deux paliers de gouvernement au moins accepte de corriger la situation.

Les gouvernements ont perdu leur mandat dans les régions qui connaissent le mieux le processus de règlement. Il y a eu un certain effort de transparence et d'autres initiatives auxquelles les réformistes fédéraux ont contribué. Nous avons pris certaines initiatives afin d'ouvrir le processus public. Nous avons tenu en mars une série d'assemblées locales autochtones dans la province. Nous avons visité huit localités en onze soirées dans tous les coins de la province. Nous avons par ailleurs formulé, dans le cadre d'un processus de dix mois, de nouvelles initiatives de politique autochtone qui ont été très bien accueillies en Colombie-Britannique, où les gens les ont trouvées très intéressantes.

(1025)

En mars, nous avons vu exprimer en grande partie le gros bon sens, une pensée venant de la base, ce qui ne s'était pas vu auparavant des les milieux politiques de la province. Nous constatons que la plupart de nos observations font maintenant partie du dialogue politique courant en Colombie-Britannique. On parle notamment de la possibilité de mettre fin à l'exonération d'impôt dont bénéficient les Indiens et on insiste certainement pour que les activités commerciales ne figurent pas dans les traités conclus dans la province.

En tant que parti d'opposition fédéral, nous avons fait davantage pour ouvrir ce processus que la Commission des traités de la Colombie- Britannique et les deux paliers de gouvernement réunis. La Commission est gênée par son mandat, et les gouvernements sont encore enfermés dans un programme d'action qu'ils avaient établi il y a trois ans.

Les couches de bureaucratie entourant ce processus mènent à un embouteillage massif inévitable. À moins que les gouvernements n'obtiennent un mandat de négocier approuvé par la population, cette dernière n'acceptera jamais les dispositions qui sont négociées, ce qui suscitera davantage de sentiments de désaccord et d'appréhensions.

Nous ne sommes pas contre la conclusion équitable, franche et complète d'un processus, mais nous trouvons à redire à l'arrangement du statu quo. Les gens supplient les dirigeants de briser les contraintes du statu quo, mais ils ne voient rien venir à cet égard. Nous tâchons de combler le vide. La démarche actuelle est intrinsèquement mauvaise. Elle n'est pas éclairée et ne témoigne d'aucune réceptivité. Par conséquent, les gens concluent qu'ils se font manipuler, que le processus est solidement ancré et résiste au changement, en dépit d'une opposition croissante.

Que pensent les partis d'opposition au niveau provincial? Je peux dire quelques mots de ce que ferait un gouvernement libéral en Colombie-Britannique. Les libéraux parlent de tenir une série d'audiences publiques et de votes libres à l'assemblée législative, de consulter le public sur le cadre général de négociation des traités, d'adopter un ensemble de lignes directrices que l'Assemblée législative devrait approuver, les députés étant libres de se prononcer librement, sans respecter la discipline de parti.

La deuxième étape consisterait à mettre sur pied de nouvelles équipes de négociation comprenant des représentants locaux non autochtones. Ensuite, les accords feraient l'objet d'audiences publiques. Enfin, les accords seraient soumis à l'Assemblée législative, et, là encore, le vote serait libre.

Le Parti réformiste de la Colombie-Britannique dit bien des choses de l'ensemble de ce processus. Il dit que nous devons proposer de négocier des traités parce que c'est la solution qui s'impose. Les traités soulageraient les autochtones du joug de la Loi sur les Indiens. En outre, les autochtones doivent être propriétaires des terres de leurs réserves et diriger leurs propres affaires dans le respect de la Constitution et des lois de la province. Les traités négociés ne doivent pas viser à satisfaire la fausse promesse de la souveraineté autochtone. Le principe de l'égalité est indispensable pour que nous soutenions les pourparlers sur les traités.

Un gouvernement réformiste réclamerait, comme condition préalable à la participation de la province à la négociation des revendications territoriales, la renégociation de l'accord de partage des coûts. Il rejetterait la constitutionnalisation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, la création d'un troisième ordre de gouvernement consacré par la Constitution et la reconnaissance officielle du titre autochtone, définirait le sens et la portée des droits autochtones et de l'autonomie gouvernementale. Voilà ce que la négociation de traités suppose. Il tenterait d'obtenir un mandat de négociation clair de la population et non des politiques.

Si les traités accordent des droits spéciaux, ils devront d'abord être approuvés par la majorité. Les accords prévoyant un statut particulier ne résisteront pas à l'examen du public, selon les réformistes. Les traités doivent viser à faire disparaître les obstacles fondés sur la race et non à consacrer de nouvelles inégalités.

(1030)

En guise de conclusion, étant donné l'importance de la question, les coûts, les conséquences sociales et la permanence de ce processus, il est absolument hors de question qu'un gouvernement sortant lie le public. J'exhorte énergiquement le gouvernement à respecter cette position.

M. Boudria: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Lorsque le ministre des Affaires indiennes aura terminé ses observations, j'invoquerai le paragraphe 43(2) de notre Règlement pour que les intervenants libéraux ultérieurs partagent leur temps de parole.

Ensuite, je sollicite le consentement unanime pour que l'on revienne au dépôt des rapports des comités permanents. Je crois savoir qu'un rapport n'était pas disponible tout à l'heure et qu'il y a


17351

consentement multipartite pour le déposer maintenant, ce qui sera l'affaire d'un instant seulement.

M. Duncan: Madame la Présidente, on m'attend au Comité permanent des affaires autochtones pour la mise au point d'un rapport sur la cogestion. Mon allocution est-elle suivie d'une période de questions et observations de dix minutes? Si oui, peut-on faire cela tout de suite?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Questions et observations. La parole est au député de Fraser Valley-Est.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de poser au député des questions sur certaines de ses déclarations. Comme je représente, moi aussi, une circonscription de la Colombie-Britannique, je partage les inquiétudes du député qui craint que les questions relatives aux autochtones soient trop rapidement traitées par le ministre et le gouvernement, qui semblent croire posséder, comme pour bien d'autres problèmes, une solution conçue ici même, à Ottawa, à un problème qui touche essentiellement la Colombie-Britannique.

La Colombie-Britannique est la région du Canada qui n'est pas visée par les traités. Tout dépendant des personnes que l'on consulte, il en coûterait entre 5 et 10 milliards de dollars pour régler ce problème. Il s'agit d'une grande question qui possède même une dimension constitutionnelle, puisque certains droits sont consacrés et différents droits sont accordés à différentes personnes. C'est une question qui revêt énormément d'importance en Colombie-Britannique. Le gouvernement devrait faire attention, parce que cette question peut contribuer à diviser davantage le pays si elle n'est pas traitée ou réglée de façon convenable.

La semaine dernière, je suis rentré chez moi vendredi et j'ai assisté à une réunion publique où le négociateur en chef du gouvernement fédéral pour le sud de la province décrivait les progrès réalisés jusqu'à maintenant en vue du règlement des revendications territoriales des autochtones. Son exposé a été suivi d'une période de questions et j'en ai profité pour rappeler les trois éléments qui devraient entrer, selon la population, dans les négociations auxquelles participe le gouvernement fédéral afin de régler les revendications territoriales. Premièrement, les Canadiens veulent que les accords négociés soient définitifs. Ils ne veulent pas jouer à saute-mouton et ne veulent pas que quelqu'un puisse, un jour, rouvrir ces ententes. Ils veulent que les accords négociés soient définitifs. Autrement dit, ils ne veulent pas que ces questions refassent surface dans dix ans.

Deuxièmement, les Canadiens veulent que tout accord conclu avec des collectivités autochtones pour régler des revendications territoriales en suspens vise à promouvoir l'égalité, plutôt que l'inégalité, des Canadiens à rallonge. Si ces accords ne mènent pas à l'égalité devant la loi et en matière de taxation, je ne crois pas que les habitants de la Colombie-Britannique les appuieront.

Troisièmement, j'ai demandé au négociateur s'il avait reçu des directives au sujet des considérations financières. Autrement dit, combien d'argent est en jeu? Faut-il parler de 10 milliards de dollars, de 5 milliards ou de 1 milliard? Les rumeurs vont bon train. Le ministre Cashore de la Colombie-Britannique a parlé d'une somme de 10 milliards de dollars. Les négociateurs n'aiment vraiment pas que d'autres personnes avancent des chiffres, car cela rend leur travail très difficile. Le négociateur m'a donc répondu qu'il avait, cachée dans son coffre-fort, une enveloppe où on lui précisait la somme dont il était question ici. Étant donné que le processus est loin d'être transparent et que les rumeurs abondent, je me demande si le député pourrait commenter les trois éléments que j'ai mentionnés, soit le caractère définitif des accords et l'extinction des revendications, le mouvement vers l'égalité de tous les Canadiens et, puisque le ministre ne veut rien nous à dire à ce sujet, la somme d'argent prévue pour le règlement des revendications territoriales en Colombie-Britannique.

(1035)

M. Duncan: Madame la Présidente, le député parle du caractère définitif de ces ententes. Bien des dirigeants politiques autochtones sont profondément divisés sur cette question. Le caractère définitif de ces ententes me préoccupe, car il y a un mot que le ministre des Affaires indiennes n'emploie plus, le mot «extinction».

L'un des premiers accords avec les autochtones que nous avons examiné durant la 35e législature, c'est l'accord du Sahtu, dans l'ouest de l'Arctique. Cet accord comporte bel et bien une disposition concernant l'extinction des droits. Lorsque le principal porte-parole autochtone du Sahtu a comparu devant le comité, on lui a posé des questions sur cette disposition. Il a dit qu'elle était la contrepartie naturelle à d'autres choses que le Sahtu obtenait en échange de l'extinction des droits autochtones sur les terres situées à l'extérieur du territoire visé par le règlement.

C'est bien beau tout cela, mais le gouvernement actuel a maintenant créé des attentes et donné l'impression que cela ne vaut plus et qu'il est tout à fait disposé à rouvrir toutes ces anciennes négociations. Le gouvernement crée de nouvelles attentes alors qu'il n'a même pas satisfait les attentes fondamentales. Il continue d'élever le plafond de quelque chose qui n'a pas encore de fondations.

C'est tout à fait inacceptable. Le public n'est pas bien renseigné à ce sujet, et je ne crois pas qu'il soit prêt à accepter cela. C'est comme si la séance de négociation était perpétuelle et que tout ce qui a déjà été négocié peut être rediscuté en tout temps. C'est insensé.

La deuxième question concerne l'égalité. L'exemple probablement le meilleur à cet égard est celui de l'exonération fiscale, qui devient un problème de plus en plus grave, à de plus en plus d'endroits au Canada. Il n'est pas seulement question de la Colombie-Britannique en l'occurrence.

Alors que les autres Canadiens sont imposés au maximum, il y a une partie de la population autochtone, ceux qui vivent dans les réserves, qui échappe à la plupart des formes d'impôt. Nous ne pouvons peut-être pas changer tout cela du jour au lendemain, mais nous devons prendre des mesures en ce sens.

17352

Il est également très important que les gouvernements soient démocratiques et qu'ils rendent des comptes grâce à des vérifications et à des balises allant bien au-delà de celles établies par le ministres des Affaires indiennes et du Nord canadien. Bien des gens qui vivent dans les réserves voient toute leur vie réglementée par un seul ministère. Cela commence à poser un très grave problème. Si nous avions de multiples sphères de compétences, ce serait parfait.

Ce que le public semble trouver très satisfaisant, c'est un modèle d'autonomie gouvernementale de type municipal. Nous en avons un exemple avec la bande indienne de Sechelt, dans ma circonscription.

(1040)

La dernière question concerne les coûts et le mandat de négociation. Actuellement, le mandat de négociation provincial et fédéral est un secret du Cabinet, qui n'est connu que des négociateurs fédéraux ou provinciaux. La ratification publique du mandat de négociation est une idée nouvelle importante dont nous faisons la promotion et que les gens souhaitent qu'elle s'applique plus souvent.

M. Boudria: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Étant donné que, sauf erreur, les dix minutes sont maintenant écoulées, je me demande s'il y aurait unanimité pour que la Chambre revienne au dépôt des rapports de comités permanents.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________

17352

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de déposer le neuvième rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Je remercie la Chambre d'avoir accordé le consentement unanime.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, le Bloc québécois a soumis un rapport minoritaire concernant les conseillers en immigration. C'est une question très importante. Nous sommes d'accord au niveau du diagnostic, car c'est un problème sérieux. Il y a de bons conseillers, mais il y en a qui ne sont pas très honnêtes.

Mais notre désaccord, c'est au niveau de la question constitutionnelle. Nous disons que la réglementation des professions et des métiers appartient aux provinces et non pas au gouvernement fédéral. C'est la raison de notre rapport minoritaire.


17352

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES EN COLOMBIE- BRITANNIQUE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de prendre la parole encore une fois à la Chambre aujourd'hui pour parler de cette motion qui, à mon avis, ne dénote aucune réflexion et aucun souci des conséquences. Je ne sais même pas pourquoi nous sommes saisis d'une telle motion. Je crois sincèrement que nous ne faisons pas notre travail en la débattant.

Cette motion, telle qu'elle est rédigée, va à l'encontre du caractère très démocratique de la société canadienne. Elle demande essentiellement au gouvernement fédéral de cesser de traiter avec un gouvernement provincial majoritaire dûment élu. Si nous cessions de traiter avec le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique, nous nous trouverions à insulter la majorité des habitants de cette province qui ont voté pour ce gouvernement.

Peut-être n'est-ce pas là le but de la motion. Le véritable but de la motion est peut-être encore plus scandaleux. Peut-être que le parti de l'opposition ne veut pas que le gouvernement continue de traiter avec le gouvernement dûment élu de la Colombie-Britannique parce qu'il ne veut pas qu'il traite avec les autochtones de cette province.

Que débattons-nous ici? Débattons-nous une motion sur la validité du mandat du gouvernement provincial ou une motion fondée sur la race? Si c'est une question de race, nous pouvons peut-être demander aux députés de l'opposition s'ils ont des désirs particuliers concernant les Sikhs, les Chinois ou d'autres minorités ethniques en Colombie-Britannique, ou s'ils veulent simplement continuer ce débat sur les autochtones de cette province?

Je tiens à rappeler aux députés que les négociations en vue de créer les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan ont eu lieu en 1904, dans la quatrième année du mandat du deuxième gouvernement Laurier. Le député aurait-il voulu que ces négociations soient mises en veilleuse parce que le gouvernement fédéral devait déclencher des élections l'année suivante? Le Deuxième Guerre mondiale a commencé dans la quatrième année du mandat de Mackenzie King, en 1935. Le Parlement a-t-il dit qu'il ne pouvait pas participer parce que le premier ministre devait aller aux urnes? En 1956, dernière année du gouvernement St-Laurent, la Force d'urgence des Nations Unies a été créée grâce au travail de Lester Pearson. Il a d'ailleurs gagné le prix Nobel de la paix pour ses efforts.

Si le député de North Island-Powell River avait siégé à la Chambre à cette époque, il aurait dit: «Je m'oppose à cela. Le Canada ne peut pas prendre un engagement international aussi important au moment où il ne reste qu'un an avant l'expiration du mandat du gouvernement.»


17353

Regardons l'histoire de la négociation des traités avec les autochtones. Le traité no 7 a été signé en 1877. Le gouvernement Macdonald était au pouvoir depuis janvier 1974. Des élections approchaient, elles ont eu lieu en 1878. S'est-on demandé alors si le gouvernement avait oui ou non le mandat de signer? Bien sûr que non.

(1045)

Le traité no 8 a été signé en 1899, par le gouvernement Laurier, qui avait été formé trois ans plus tôt. Des élections étaient déclenchées l'année suivante.

Plus près de nous, l'Accord de la baie James a été signé un an avant la fin du gouvernement libéral du Québec.

Le député de North Island-Powell River serait-il prêt à renoncer à son droit de vote sur les questions soumises à la Chambre tant que les autres partis n'ont pas nommé leurs candidats dans sa circonscription ou, s'ils les ont nommés, tant qu'il n'y a pas eu d'élections? Bien sûr que non.

C'en est assez de l'arrogance du Parti réformiste, qui prétend parler au nom de la population. La population de North Island-Powell River a élu son député le 25 octobre 1993, comme celle de Sault Ste. Marie m'a élu.

À quoi sert donc le Parlement? Pourquoi ne pas tout simplement créer un bureau de sondages d'opinions qui communiquerait ses constatations aux bureaucrates? Est-ce là que veut en venir le député de North Island-Powell River? Si oui, je l'invite à démissionner, à rentrer chez lui, à reprendre son ancien emploi ou à faire quelque chose d'utile.

Les premières nations de la Colombie-Britannique attendent depuis 200 ans que des accords soient signés. La plupart n'ont jamais eu la possibilité de signer des accords énonçant leurs droits. Cette situation est une aberration historique au Canada. C'est une aberration dont le gouvernement libéral a hérité du chef du Parti réformiste de la Colombie-Britannique. Il était ministre au sein du gouvernement du crédit social qui a signé une entente avec les Nisga'a. Il faisait partie du comité qui préconisait le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique.

Qu'est-ce que les réformistes disent de cela? Qu'ont-ils dit au chef du Parti réformiste de la Colombie-Britannique? N'est-il pas un peu gêné de voir le Parti réformiste à Ottawa s'efforcer de saper tous ses efforts? Lui, mérite nos félicitations. Il a au moins eu le courage de faire quelque chose pour les autochtones.

En 1990, le premier ministre Van der Zalm est revenu sur une position adoptée depuis longtemps en Colombie-Britannique. Cette province tenait pour acquis que les droits des autochtones avaient été éteints avant l'entrée de la province dans la confédération et que, si ces droits existaient toujours, ils étaient la responsabilité exclusive du gouvernement fédéral. Ce revirement a changé beaucoup de choses dans la province. Le premier ministre Van der Zalm a dit: «Vous négociez seul avec les Nisga'a depuis 15 ans. Nous négocierons aussi. Nous clarifierons les choses pour le bien de la Colombie-Britannique.»

Le gouvernement actuel est entré en fonctions en octobre 1993 et la session a débuté en décembre de la même année. Depuis, 70 p. 100 des premières nations de la Colombie-Britannique, qui sont un peu moins de 200, sont à la table de négociation. Elles ont accepté de faire les choses à notre manière et de faire confiance aux blancs une fois de plus. Les autochtones ont dit qu'ils ne dresseraient pas de barrages routiers et qu'ils s'assoiraient à la table de négociation. Voyez comme on les traite.

Pendant deux ans à la Chambre, le Parti réformiste n'a pas appuyé un seul projet de loi concernant les autochtones, sauf un qui avantageait une compagnie pétrolière. Lorsqu'une compagnie pétrolière a pu faire des profits sur les dos des autochtones, les réformistes ont appuyé unanimement le projet de loi. Le Parti réformiste avait dit qu'il parlerait pour la population, qu'il venait à la Chambre des communes dans un esprit d'ouverture et que ses députés ne se comporteraient pas comme des moutons quand viendrait le temps de voter.

La semaine dernière, 42 réformistes se sont présentés à la Chambre pour voter contre le projet de loi sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire la loi habilitante qui nous autorise à négocier avec les premières nations. Pourtant, les députés réformistes interviennent quotidiennement pour dénoncer les barrages routiers du lac Adams et de Penticton. Nous en faisons autant, mais à la différence des réformistes nous sommes prêts à négocier avec les première nations. Or, je constate aujourd'hui que le Parti réformiste refuse même de négocier.

J'ai déjà dit que les débats à la Chambre des communes ressemblent parfois à un dialogue entre malinformés et malintentionnés, mais pour la première fois aujourd'hui, j'ai entendu des malinformés interroger des malintentionnés de leur propre parti.

Je voudrais tirer une chose au clair avec les réformistes. Ils ont dit que le gouvernement avait donné de l'argent aux Nisga'a en vue des négociations. Ce n'est pas le cas. C'est entièrement fondé sur des prêts. Ces gens qui sont censés être au courant, ils ont affirmé cela à la Chambre.

(1050)

Je me permets de faire une petite rétrospective. Je siège au Cabinet, où je représente les plus pauvres des pauvres de notre pays. La plupart du temps, je suis en train de quémander, et mes collègues le savent.

Juste avant les élections, quand nous espérions être élus, nous avons dit que l'accord relatif à l'aéroport Pearson était illégal, immoral, et que nous allions le résilier si nous étions élus. Pourquoi? Nous prétendions que cet accord permettait à beaucoup de monde de faire beaucoup d'argent. Beaucoup de lobbying était en cause, et les lobbyistes faisaient beaucoup d'argent. Quelques semaines avant les élections, nous avons pris position à la Chambre. Qui défend les lobbyistes et vote contre le projet de loi? Le Parti réformiste.

Les réformistes devraient penser à ce qu'ils font aujourd'hui pour les autochtones et à ce qu'ils ont fait pour protéger les lobbyistes dans l'affaire de l'aéroport Pearson. Ils nous disent aujourd'hui qu'il pourrait y avoir des élections d'ici un an, parce que les partis d'opposition sont contre l'idée de négocier avec les plus pauvres d'entre les pauvres. Mais à deux semaines des élections, ils pren-


17354

dront la parole ici pour défendre vertueusement le droit des lobbyistes à faire beaucoup d'argent. Pour les Canadiens, cela donne une idée de ce que sont les priorités de ce parti.

Les réformistes réclament un référendum. C'est passablement la même chose. C'est une autre manière de dire que nous devrions avoir un référendum. Je me souviens que, l'an dernier, cette question a été soumise au premier ministre comme un enjeu important. On suggérait la tenue d'un référendum. Le premier ministre a répondu que c'était à nous de prendre des décisions et que si nous faisions bien les choses, nous allions être réélus, et que nous serions éliminés dans le cas contraire. Quand le Parti réformiste comprendra-t-il enfin cela, comme nous l'avons compris en 1984? Il va l'apprendre parce que le public commence à comprendre comment son jeu.

Les gens pensaient que c'était le parti qui allait parler de responsabilité financière, celui qui allait apporter un esprit nouveau à la Chambre. Au lieu de cela, ils ont découvert un parti qui a une telle soif de pouvoir, qui a un tel préjugé contre les francophones qu'il était prêt à détruire ce pays en se disant disposé à accepter les résultats d'un vote sur une question frauduleuse au cas où le oui l'emporterait par 50 p. 100 des voix plus une. Cela montre bien au public le parti pris du Parti réformiste et la soif de pouvoir du chef du Parti réformiste qui voudrait tellement être le premier ministre du Canada qu'il est prêt pour cela à détruire le pays en acceptant les résultats d'un vote sur une question frauduleuse au cas où le oui l'emporterait par 50 p. 100 des voix plus une.

Voilà deux ans que j'entends le Parti réformiste dénigrer systématiquement les autochtones. Il est vrai que certains membres du Parti réformiste vont au-devant des autochtones pour entendre ce qu'ils ont à dire et méritent notre respect, mais ils représentent une partie tellement infime de ce groupe. Il est vrai que certains membres du Parti réformiste savent ce que leur parti est en train de faire et ils savent que ce n'est pas bien.

Après deux ans, les réformistes arrivent avec une politique provisoire sur les questions autochtones sans jamais, selon l'aveu du chef du Parti réformiste, s'être entretenus avec les autochtones. Est-ce parce qu'ils n'ont pu les trouver, alors qu'ils sont un million et demi? Alors qu'il y a 608 réserves et 50 conseils tribaux? Y a-t-il eu consultation? Non.

Un membre important du comité qui est à l'origine de ceci, le député d'Athabasca, demande-et c'est là dans les deux documents-«Qu'est-ce que ce traité? La procédure de négociation des traités est une fraude.» Nous avons négocié en toute bonne foi et ils disent maintenant que c'est une fraude. «Nous l'avons emporté sur les autochtones.» Je note que les réformistes sont mal à l'aise car ceux qui ont une conscience savent parfaitement que le député, qui était un membre du comité à l'origine de ceci, a eu tort de dire une chose pareille. Il a ajouté: «Si nous ne les avons pas vaincus, pourquoi donc se sont-ils laissé parquer dans des réserves dépourvues de ressources?»

Il n'y a que deux façons de voir la chose. Nous avons dit qu'un traité est une chose honorable. Nous avons conclu ces accords et promis qu'un jour ce serait le tour de la Colombie-britannique. Nous avons conclu le dernier traité numéroté à Edmonton, en Alberta. Nous avons promis de nous asseoir avec eux et de négocier avec notre honneur de Canadiens et l'honneur de la Couronne. On peut aussi prendre la même attitude que le député d'Athabasca qui est membre du Parti réformiste. Je refuse de nommer un député dans la Chambre sans indiquer son affiliation politique. Le député d'Athabasca est réformiste. C'est lui qui a dit: «Nous les avons battus. Nous les avons écrasés. C'est pour ça qu'ils vivent dans des réserves minuscules. Le processus de traité est une fraude. Qu'avez-vous à répondre à ça?»

(1055)

Un autre réformiste a prétendu en savoir long sur les réserves, qu'on s'y prélasse comme sous les tropiques-j'étais à la Chambre ce jour-là-et que les hommes s'amusent à brûler les femmes avec leurs cigarettes. C'est la remarque la plus atroce, la plus aberrante, la plus ignorante qu'il m'ait jamais été donné d'entendre sur les autochtones. Et elle venait du Parti réformiste.

Nous avons maintenant entamé le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique et les réformistes voudraient nous empêcher de nous présenter à la table et de faire ce que nous dicte l'honneur après 200 ans. Ils préféreraient que nous restions ici à chanter Ô Canada. Et pourtant ils ne se gênent pas pour dire: «Rangez-vous du côté des séparatistes». Je ne vois aucune différence. Je vois une différence sur le plan géographique, mais je ne vois aucune différence entre les séparatistes d'en face et les séparatistes de l'ouest du Canada, à l'extrême droite.

Ils disent au premier ministre qu'ils veulent le démantèlement du pays si le Québec répond à une question frauduleuse par une majorité de 50 p. 100 plus un. C'est ce qu'ils répètent jour après jour, toute la semaine. Et pourtant, ils nous ont fait perdre notre temps la semaine dernière, à cause de quoi? D'un blason. Ils aimeraient détruire le pays mais conserver le blason. Ils peuvent l'avoir leur blason, moi, je veux mon pays. Ce n'est pas le Parti réformiste qui va le sauver.

C'est une nouvelle révélation. Regardons la situation. Nous savons quelle est la position des réformistes sur les francophones. Ils ne font pas partie de l'équation réformiste. Nous connaissons leur non-position sur les femmes. Si j'étais une femme, je me ferais du souci. Nous connaissons leur position sur l'immigration. Ils sont en faveur de l'immigration, mais pas au Canada. Si j'étais un immigrant, cela m'inquiéterait. Si j'étais nationaliste et désireux de sauvegarder l'unité du pays, cela m'inquiéterait. Si j'étais un lobbyiste, j'aimerais bien ce parti. Si j'avais investi d'importantes sommes d'argent dans l'aéroport Pearson, j'aimerais aussi ce parti.

Que reste-t-il lorsqu'on gratte la surface de l'idéologie de ce parti? Peu de choses. Ce parti a affirmé à la Chambre aux Indiens du Yukon que les négociations avec eux les ne pourraient jamais donner de bons résultats. Ces Indiens étaient venus ici. Nous les avons vus à la Chambre, revêtus de leurs costumes. Ce fut l'un des plus beaux moments pour notre parti. Les négociations ont donné les résultats escomptés. Ce parti avait aussi dit que le démantèlement au Manitoba ne pourrait jamais fonctionner.

Les médias me font la vie dure au Manitoba et avec raison. Encore la semaine dernière, ils ont rapporté:

Au Manitoba, le grand chef Phil Fontaine et l'Assemblée des chefs du Manitoba négocient l'une des ententes d'autonomie gouvernementale les plus progressistes, audacieuses et risquées de toute l'histoire du Canada. Pour la première fois depuis les débuts de la Confédération, le gouvernement fédéral est prêt à redonner aux premières nations ce qui n'avait jamais été cédé, selon beaucoup de gens.


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L'Université Harvard a qualifié le démantèlement au Manitoba de mesure d'autonomie gouvernementale la plus progressiste au monde. Ce même parti a dénoncé le droit inhérent; le Parti réformiste a dénoncé le droit inhérent. Il y a eu, au pays, plus de 100 éditoriaux, rédigés par des gens qui sont payés pour être critiques. C'est leur rôle dans le contexte du processus démocratique. Une centaine d'entre eux se sont dits favorables au démantèlement. Un seul éditorialiste a critiqué la mesure en disant que nous aurions dû attendre le rapport de la commission royale.

M. Scott (Skeena): Les gens ont voté sur l'Accord de Charlottetown. . .

M. Irwin: Je ne parle pas de l'Accord de Charlottetown. . .

M. Scott (Skeena): Vous ne voulez pas en parler.

M. Irwin: . . .ou d'une bande d'intellectuels discutant de la Constitution. Je m'adresse aux réformistes. Je parle des pauvres misérables qui sont représentés par des députés du Parti réformiste, lequel semble croire que ces gens ne comptent pas. Il ne les consulte pas. Il ne parle pas à ces électeurs. Il ne rencontre pas les chefs et nous devons ensuite subir des barrages routiers. Voilà quel est le devoir du Parti réformiste; il doit représenter ces pauvres gens. Nous ne sommes pas élus pour venir ici et plaire aux riches, aux bien nantis, aux blancs. Nous avons été élus pour représenter tous les Canadiens.

M. Scott (Skeena): Que faites-vous des Bronfman?

(1100)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Excusez-moi, monsieur le Ministre. À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Irwin: Une fois au cours de ce mandat de quatre ans, j'aimerais entendre le Parti réformiste prendre la parole pour parler des conditions de logement et de ce que nous pouvons faire pour aider les réserves. Une fois, j'aimerais entendre un député du Parti réformiste parler du problème des suicides. Je dois aller dans les réserves et parler à des gens qui viennent de perdre leurs enfants. Une fois, j'aimerais entendre le Parti réformiste parler des conditions sanitaires. Tout ce que nous avons c'est de la dénonciation, de la dénonciation des Indiens, pour une seule et unique raison, parce qu'ils sont Indiens.

Le pays ne saurait tolérer cela. Ce que le Parti réformiste a appris au Nouveau-Brunswick et à Abbotsford, il va l'apprendre au cours des prochaines élections. La population de Colombie-Britannique veut être fière des députés qui la représentent. Les gens de Colombie-Britannique sont des bâtisseurs d'État et ce qu'ils voient leur enlève leur fierté. Le Parti réformiste apprendra cela aux prochaines élections.

Lorsque le Parti réformiste est venu dans ma circonscription il a dit aux travailleurs des aciéries de Sault Ste. Marie, lorsque la compagnie a fait faillite et que le syndicat a dû prendre l'entreprise en charge, qu'il ne fallait pas leur donner un sou. Il y a maintenant huit mois que la société fait des bénéfices, grâce au travail de ceux que ce parti ne veut pas représenter. Elle a maintenant 400 millions qu'elle réinvestit dans la collectivité. Les ouvriers travaillent, mais pas grâce au Parti réformiste.

Chaque fois que le Parti réformiste viendra dans ma circonscription de Sault Ste. Marie, les travailleurs de l'acier sauront qu'en plus de tout ce que j'ai dit au sujet du Parti réformiste et des groupes qu'il exclut, il a exclu les travailleurs de ce pays.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le ministre. S'il peut reprocher quoi que ce soit au Parti réformiste, on ne peut pas dire que lui-même a fait ses devoirs et qu'il a été ici un surveillant attentif de ce qui s'est dit. Quand il vient comparer le Bloc québécois et le Parti réformiste, je pourrais simplement lui dire que lorsqu'un député de cette Chambre, en l'occurrence moi, avait déposé un projet de loi pour limiter les intérêts qu'on percevait sur les bris de contrats hypothécaires, par exemple, il n'y a pas juste le Parti réformiste qui s'y est opposé. Son parti s'y est opposé aussi, parce que son parti grignotait, mangeait dans la caisse qui était à sa disposition parmi toutes les grosses banques du Canada, les sept soeurs, comme on dit, des montants importants.

Là-dessus, il n'a pas à garrocher des balles de neige au Parti réformiste. Lorsqu'on a aboli le Conseil du statut de la femme, c'est son parti qui l'a fait. Écoutez, moi, ce que je veux dire, c'est que, malgré tout, je reconnais que les autochtones sont ici depuis 20 000 ans, selon certains spécialistes, et qu'ils ont des droits et qu'on doit les reconnaître, et les reconnaître comment, sinon par traité. Je pense que le parti que je représente ici va s'opposer à la motion présentée par le Parti réformiste parce qu'elle est inacceptable.

Il y a des gens qui sont ici depuis 20 000 ans et on leur nie leurs droits d'existence même, alors qu'il y en a qui sont à la première, deuxième génération et qui prétendent qu'ils ont tous les droits. Je le crois, les gens qui sont ici, quelle que soit leur origine, ont des droits, mais pourquoi les nier aux autochtones? Donc, malgré que je ne sois pas bien en accord avec le ministre ici, je dis qu'on devrait s'opposer à la motion présentée par le Parti réformiste, parce qu'elle fait injustice à un groupe de citoyens importants de notre pays.

[Traduction]

M. Irwin: Madame la Présidente, je comprends ce que le député disait. Je vois que le député de Saint-Jean travaille très fort.

Toutefois, nous avons un différend fondamental. Nous venons d'avoir un référendum. La semaine dernière nous avons entendu le gourou du Bloc. Je pensais qu'il était parti pour de bon, mais il était seulement en réserve. Il était cité dans le Globe and Mail. Qu'est-ce que disait M. Pierre Bourgault? Il disait que c'était les juifs, les Italiens et les Grecs, qui avaient voté massivement contre le référendum, qui étaient racistes, pas nous. Ils n'ont qu'un seul objectif, et c'est de faire de l'obstruction. Ils nous disent que ces juifs, ces Italiens et ces Grecs, parce qu'ils veulent être Canadiens, font de l'obstruction. Si nous multiplions cela par cinq, nous avons une idée du sentiment d'aliénation des Cris, des Montagnais, des Attikameks et des Micmacs à l'égard de la province de Québec.


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(1105)

Nous devons avoir une philosophie uniforme. Je comprends très bien ce que dit le Bloc aujourd'hui, mais il ne peut pas blâmer le Parti réformiste pour ce qui se produit en Colombie-Britannique et avoir une philosophie différente au Québec. De son côté, le Parti réformiste, en Colombie-Britannique, ne peut pas se ranger de notre côté pour protéger les Indiens du Québec, parce que cela cadre avec son programme et parce que c'est une position antifrancophone, et refuser d'avoir la même position à l'égard des Indiens de Colombie-Britannique.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, je ne vais pas imiter le ministre qui s'est lancé dans une longue diatribe, aujourd'hui, contre le Parti réformiste. Le gouvernement libéral n'a pas le monopole de la compassion ni celui de la stupidité.

L'objectif que nous avons aujourd'hui est partagé par le ministre et, en fait, par tous les députés. Nous voulons tous veiller à ce que les autochtones, surtout ceux qui, selon le ministre, comptent parmi les plus démunis au Canada, puissent se débrouiller seuls et s'attaquer aux terribles problèmes de viols, d'abus sexuels, de criminalité et de violence auxquels leurs sociétés sont malheureusement confrontées.

J'allais poser au député une question, madame la Présidente, mais il nous a quittés.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le député sait pertinemment qu'on ne parle pas de la présence ou de l'absence de quiconque à la Chambre.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, nous voulons tous aider les autochtones et collaborer avec eux. C'est l'objectif des réformistes. Beaucoup d'entre nous avons des autochtones dans nos circonscriptions et nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour essayer de résoudre ces problèmes.

J'ai écouté la personne responsable du processus de négociation des traités en Colombie-Britannique, sur l'île de Vancouver. Pendant une heure, elle nous a dit ce qu'on allait faire pour les autochtones. À la fin, je lui ai demandé si, en fin de compte, ce processus allait vraiment aider les plus démunis, les gens que j'avais mentionnés plus tôt. Elle m'a répondu qu'elle n'en savait rien.

C'est la raison pour laquelle nous n'approuvons pas ce processus. Il ne va pas venir en aide aux plus démunis parmi les autochtones. C'est ce que nous voulons et je sais que c'est également le but du gouvernement. La voie que le gouvernement suit n'apportera rien à ces gens.

Nous nous inquiétons également de la gestion des ressources. Qui va s'assurer qu'on va prendre soin des ressources? Comme le ministre le sait, à Stony Creek, nous avons été témoins d'une terrible tragédie en ce qui concerne le bois d'oeuvre sur cette réserve. Nous nous demandons également où l'argent va. Le ministre sait pertinemment que dans bien des cas, les dirigeants autochtones empochent d'énormes sommes qui sont censées aller aux plus pauvres. Ce sont nos préoccupations.

Le ministre pense-t-il que le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique va vraiment aider les autochtones qui comptent parmi les plus démunis? Qui va préserver les ressources sur les terres que les autochtones réclament? Le ministre ne croit-il pas que la chose la plus fondamentale, la plus importante pour développer une certaine estime de soi et un certain respect de sa collectivité, c'est la capacité pour une personne, qu'elle soit autochtone ou non, de se débrouiller seule et d'avoir un emploi rémunéré?

M. Irwin: Madame la Présidente, je veux poser cette question parce que j'entends souvent ce député poser des questions à la ministre de la Santé, de sorte que j'ai toujours voulu lui répondre.

Ce député étant médecin, j'aurais cru qu'il allait faire profiter la Chambre de ses lumières. S'il appliquait ses connaissances de médecin à la Chambre, il verrait que l'ampleur du problème du suicide auquel nous sommes confrontés dans les premières nations. Il se rendrait compte qu'un bon nombre de ces suicides sont dûs à l'incapacité de se suffire à soi-même, faute des ressources. Nous leur avons pris toutes leurs terres. Nous leur avons tout pris.

(1110)

Le député se rendrait compte qu'il ne suffit d'envoyer des travailleurs sociaux chez ces gens. L'indépendance économique, voilà la solution. Il verrait que l'indépendance économique, l'enrichissement des réserves, la stabilité et la santé vont de pair. Il devrait aller se renseigner. Il saurait ce qui s'y passe.

Mais non, il préfère rester au milieu d'une nation qui lui a permis d'acquérir des compétences médicales et l'a encouragé à faire des études, les a subventionnées, l'a encouragé à devenir médecin et à faire profiter la Chambre de ses connaissances et de ses compétences. Pourtant, il dit: «Faisons en sorte que la pauvreté soit également répartie partout. Ils sont pauvres. Eh bien, abandonnons-les à leur propre sort.»

Or, lors de la négociation de ces traités, le député devrait le savoir, il a parfois suffi d'une journée ou deux pour tout rafler. En Colombie-Britannique, lors de la négociation des traités 6, 7 et 8, par exemple, en l'espace de quelques jours, les trois traités ont été bouclés, et nous avons raflé toute une province. On a dépouillé la population autochtone de ses ressources.

Nous avons mis 200 ans pour ne pas répéter la même erreur en Colombie-Britannique et pour y assurer l'indépendance économique, pour acquérir une vision et être capables de travailler ensemble, en bons partenaires. Et que fait ce député? Il s'apprête à voter. Il veut qu'on bloque le processus et qu'on cesse de négocier, qu'on laisse les malheureux se débrouiller tout seuls. Quel honte!

[Français]

M. André Caron (Jonquière, BQ): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je m'exprime au nom du Bloc québécois sur la motion de l'opposition.

J'aimerais citer cette motion au profit des députés présents. Elle se lit ainsi:


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Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial, afin de respecter à ce sujet l'opinion publique exprimée par les deux principaux partis d'opposition de la province.
Mon intervention portera sur deux points. La première partie traitera du bien-fondé constitutionnel d'une telle proposition et la deuxième portera sur la question des revendications autochtones.

Un gouvernement élu démocratiquement au Canada, selon les lois en vigueur, dans le respect des principes constitutionnels qui sont les nôtres, a-t-il le droit de gouverner? La question pourrait donc être celle-ci: Est-ce qu'un gouvernement qui est le gouvernement a le droit d'être le gouvernement?

La réponse que le Parti réformiste désire que l'on donne à cette question est non. Le Parti réformiste demande à la Chambre des communes d'inciter le gouvernement du Canada à ne pas signer d'ententes auxquelles un gouvernement provincial dûment élu, constitutionnellement élu, serait partie, parce que cette entente n'irait pas dans le sens de l'opinion publique exprimée par les deux principaux partis d'opposition de la province. Autrement dit, on demande à la Chambre des communes, avant de signer une entente avec une province du Canada, de vérifier si l'opinion publique, représentée par l'opposition selon l'avis du Parti réformiste, est d'accord avec la proposition.

Je pense que nos amis du Parti réformiste ne comprennent pas la nature de nos institutions. Je crois que cette motion est vicieuse dans le sens que c'est une attaque populiste contre la légitimité de nos institutions. On demande à la Chambre de demander au gouvernement de vérifier par sondages, par études supposément scientifiques, en écoutant peut-être les lignes ouvertes en Colombie-Britannique, en lisant les éditoriaux du Vancouver Sun, on demande au gouvernement de se faire une idée sur l'opinion publique en Colombie-Britannique avant de participer à une entente à laquelle le gouvernement légitimement élu de la Colombie-Britannique serait favorable.

(1115)

Je ne sais pas si mes amis du Parti réformiste sont conscients de ce qu'ils demandent à la Chambre. Dans une assemblée politique, on pourrait dire: «Bon, le gouvernement de la Colombie-Britannique étant dans la dernière année de son mandat, il n'a pas le mandat politique, démocratique . . . », et on en met. Vous connaissez cela, les assemblées de nature politique partisane, on peut en mettre. On peut parfois utiliser certaines figure de rhétorique qui font qu'on exagère et qu'on augmente les choses de façon à frapper l'opinion de la population.

Mais la motion devant nous est présentée par un parti officiel, représentant la Chambre des communes, un parti qui a fait élire 52 députés au Canada à la dernière élection, et on demande à la Chambre d'adopter une telle résolution.

Modifions un peu le texte pour voir un peu le caractère incroyable d'une résolution comme celle-là. Par exemple, que dirions-nous au Canada si la motion se lisait: Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente avec le gouvernement du Québec-prenons au hasard le gouvernement du Québec-relative au partage, à la dévolution des responsabilités sur la formation de la main-d'oeuvre tant que le gouvernement du Québec n'aurait pas reconnu par une motion à l'Assemblée nationale l'immense victoire qu'a obtenue l'option du non au dernier référendum? Je pense que tout le monde ici dirait que c'est incroyable.

Ou que dirions-nous, par exemple, si la motion se lisait ainsi: Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente avec le gouvernement de l'Ontario tant que ce gouvernement veut limiter les prestations accordées au bénéficiaires d'aide sociale? Les gens diraient que c'est impossible.

Voilà un gouvernement, le Parlement canadien, à qui on demande de porter jugement sur la légitimité d'un autre gouvernement légitimement élu au Canada dans un régime fédéral, parce que la légitimité du gouvernement de la Colombie-Britannique est tout aussi importante, tout aussi valable, tout aussi constitutionnellement fondée que la légitimité du gouvernement du Canada.

Au vu même de la formulation de la proposition, le Bloc québécois s'opposerait à une telle résolution.

Maintenant, il y a plus, parce que cette proposition, dans le fond, vient mettre en cause toute la question, toutes les démarches, tout le processus de règlement des revendications territoriales des autochtones au Canada.

J'ai entendu tout à l'heure mon collègue du Parti réformiste défendre la proposition. Il a parlé de beaucoup de choses. Il a parlé de droits territoriaux, du fait que les populations autochtones sur les réserves ne payaient pas d'impôt. Dans le fond, il a mis en cause les droits de ces premiers occupants du Canada à revendiquer quelque lien particulier que ce soit avec certains territoires au Canada. Il a même cité le programme du Nouveau Parti réformiste de la Colombie-Britannique, en matière autochtone, qui veut proposer qu'il s'oppose à l'inscription dans les lois de la Colombie-Britannique de la mention de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Pourtant, c'est dans la Constitution canadienne depuis 1982, mais d'après le gouvernement réformiste là-bas, il faudrait que dans aucune loi de la Colombie-Britannique il ne soit mentionné aucun droit relatif à l'autonomie gouvernementale des autochtones.

(1120)

Il y a même une autre résolution que j'hésite à mentionner ici, car elle met en cause beaucoup de choses en ce qui concerne la question des minorités au Canada. D'après le programme provincial du Parti réformiste, il faudrait, avant que les populations autochtones obtiennent des droits au Canada, qu'elles aient l'accord de la majorité de la population.

Ce parti semble vouloir proposer en Colombie-Britannique que les droits des minorités soient soumis au bon vouloir de la majorité. C'est proprement impensable que dans un pays démocratique comme le Canada qui reconnaît des droits à des populations particulières en vertu de certains critères, que ces droits-là soient soumis aux injonctions ou aux décisions d'une majorité de la population.

Dans le fond, la proposition du Parti réformiste est de vouloir mettre en cause toute la question des droits des autochtones au Canada. C'est de façon générale, mais il y a aussi des aspects plus


17358

particuliers que le Parti réformiste met en cause. C'est un peu ironique en ce sens qu'il y a plusieurs niveaux de questions qui ont provoqué l'intervention du Parti réformiste.

On parle de l'entente qui est en cours actuellement sur la rivière Nass, avec les Nisga'a en Colombie-Britannique. Dans le fond, ce que le Parti réformiste veut, c'est que cette entente ne soit pas conclue, parce qu'il y a la question des droits commerciaux et toutes sortes d'autres choses. Il y a des populations qui font des représentations. Mais il faut quand même voir les choses dans une juste proportion.

Actuellement, au Canada, nous avons un problème important en ce qui concerne la revendication territoriale des autochtones. C'est un problème qu'il faut régler le plus rapidement possible en toute justice pour toutes les populations du Canada, en respectant les droits de tout le monde. Ce n'est pas une question qu'il faut agiter pour atteindre des objectifs mettant en cause des gouvernements, voulant retarder des ententes qui sont peut-être sur le point d'être conclues.

Je pense que c'est jouer avec le feu, parce qu'actuellement au Canada, les positions se radicalisent sur ces questions. Qu'on lise des éditoriaux au Canada ou au Québec, qu'on écoute les lignes ouvertes, on se rend compte que les populations non autochtones sont critiques. Les populations non autochtones trouvent qu'il y a des choses qui sont exagérées dans les revendications autochtones, à juste titre d'ailleurs, mais cette situation alimente des préjugés et fait qu'en ce qui a trait à la bonne entente entre les peuples autochtones et la population en général du Québec et du Canada, il se crée des difficultés.

Les opinions se radicalisent et souvent on arrive avec des choses un peu curieuses. Pour illustrer où on s'en va si on ne règle pas la question assez rapidement, je lisais une intervention de notre collègue de Churchill, hier, à une assemblée sacrée tenue à Hull. Il faut comprendre que c'est une assemblée de nature quasi religieuse et que souvent le langage religieux est très symbolique, mais notre collègue disait dans le discours d'ouverture que le Créateur avait placé les peuples autochtones dans cette partie du monde connue comme étant le Canada.

Je veux bien croire qu'on puisse légitimer le droit des peuples autochtones parce qu'ils étaient là avant nous, qu'ils étaient les premiers occupants, mais là, on commence à aller un petit peu loin en disant que c'est le Créateur qui a placé les populations autochtones au Canada.

Cette déclaration a été faite dans un contexte particulier et devant un parterre de dignitaires importants.

(1125)

À cette assemblée, il y avait l'honorable premier ministre du Canada. Il y avait aussi des ministres de la Couronne. On n'a pas vu trop de réactions. En tout cas. C'est quand même un contexte particulier, mais si actuellement, dans les populations autochtones, il se développe l'idée que le Canada a été donné comme dans la Bible aux populations autochtones, je pense qu'on va en arriver à des situations qui vont se radicaliser.

Alors, je pense que, pour éviter des dérapages comme celui-là-parce que je considère que c'est une forme de dérapage, je m'excuse de le dire et dans le respect de mon collègue de Churchill, c'est une forme de dérapage-il faut au plus vite régler la question de la revendication autochtone et la régler aussi au plus vite en Colombie-Britannique, où il y a des choses qui s'en viennent. Parce que, en Colombie-Britannique, on part de loin.

Jusqu'en 1990, on niait la validité de revendications des autochtones. Depuis la fin des années 1800 que c'est nié, et c'est en 1990 que le gouvernement de la Colombie-Britannique a commencé à dire que c'était vrai que les autochtones avaient des droits. Alors, ça ne fait que depuis 1990. J'entendais le ministre des Affaires indiennes, tout à l'heure, dire: «Au Québec, c'est terrible, les populations autochtones. Imaginez, il y a des déclarations de journalistes et de certaines personnes qui font certaines remarques par rapport au vote référendaire.» On dit: «Ça doit être terrible à cet endroit pour les autochtones.»

En 1985 ou 1986, l'Assemblée nationale du Québec reconnu 11 nations autochtones au Québec. Une de ces nations compte à peine 500 membres, mais elle a été reconnue parce qu'elle avait des droits. Il n'y a pas eu de vote de la population du Québec en disant: «Est-ce que telle nation qui compte 150 membres est une nation?» Il n'y a pas eu de vote. C'est l'Assemblée nationale qui a regardé tout ça, qui a regardé les cultures, les particularités de chacune de ces nations et qui les a reconnues. Ça s'est fait au Québec.

Il y a l'Entente de la Baie James qui a été signée en 1974 ou 1975, le ministre le soulignait. Nous avons signé, nous du Québec, une entente. C'était la première grande entente au Canada avec des populations autochtones. Ça s'est fait au Québec pendant que, en Colombie-Britannique, c'est seulement 15 ans plus tard qu'on a reconnu que les peuples autochtones avaient certains droits au territoire, certaines revendications valides.

Je pense que le Québec peut marcher la tête haute. Les Montagnais du Lac-Saint-Jean, les Montagnais de la Côte-Nord, les Mohawks ont toujours été respectés, les Attikameks, les Malécites, qui sont un petit peuple, mais une nation autochtone respectable a certains droits qu'elle fait valoir. C'est au Québec que ça s'est fait. Nous avons été parmi les gouvernements et les peuples du Canada, en tant que peuple québécois, à reconnaître les nations autochtones. Nous savons qu'il y a, au Québec, une nation québécoise, un peuple québécois. Mais au Québec, il n'y a pas seulement que le peuple québécois.

Il y a aussi 11 autres nations et ça, nous l'avons reconnu. Nous avons négocié. Notre Assemblée nationale l'a reconnu. Des ententes ont été signées avec certains de ces peuples. Il y a une entente actuellement en négociations avec les Montagnais de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean, alors des choses se sont faites. Personne au Québec n'a fait des démarches auprès du gouvernement pour dire: «Ne signez pas.»

Personne, dans les années 1970, n'a présenté une motion ici, à la Chambre des communes, demandant au gouvernement du Canada de ne pas signer d'entente avec le gouvernement du Québec parce que le gouvernement Bourassa, qui a signé cette entente, était dans la dernière année de son mandat. Et c'est l'Entente de la Baie James qui a été signée là, ce ne sont pas des droits de pêche sur une rivière quelque part. L'Entente de la Baie James, c'est immense. C'est un immense territoire où les Cris ont des droits de propriété sur certains territoires, des droits de surface sur d'autres territoires, des droits de pêche et de chasse sur d'autres parties du territoire.

Ces gens-là, nous ne les avons pas brimés quand nous avons signé avec eux. Nous les avons respectés, nous leur avons dit: «Vous êtes une nation, vous allez avoir des droits sur certains territoires, vous allez avoir des sommes qui vont vous êtes allouées pour vous


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développer.» Ça n'a pas été un marchandage. La preuve que ça n'a pas été un marchandage, c'est que, au dernier référendum, ce sont 95 p. 100 de ces populations-et je suis un peu avare, parce que c'est probablement plus que ça-qui ont voté non au référendum, et 95 p. 100, c'est du monde.

Ça veut dire que sur certains territoires de cette réserve, il n'y a personne, absolument personne qui a voté oui. Il n'y a personne au Québec qui a mis ça en cause, qui a mis leur légitimité en cause. Personne ne leur a dit: «On vous a donné des droits sur certains territoires puis c'est comme ça que vous nous remerciez?» Ce n'est pas comme ça que ça se joue.

(1130)

Nous ne leur avons pas accordé des droits; ils avaient des droits que nous avons reconnus et que nous avons encadrés dans une législation. Cette législation, ce traité, cette entente a été ratifiée aussi par le gouvernement fédéral qui avait aussi des droits, comme fiduciaire, et qui était partie au dossier.

J'espère que la Chambre va examiner avec attention le contenu de cette motion, et qu'elle se rendra compte que la motion vient limiter les droits d'un gouvernement élu démocratiquement au Canada. Ensuite, c'est une motion qui vient mettre en cause les droits de personnes au Canada qui appartiennent à une nation différente de ce qu'on appelle la nation canadienne et une nation différente de ce que nous appelons la nation québécoise.

Je pense qu'il est important d'être conscients de tout cela et du fait aussi que les populations, les peuples autochtones, ont le droit de revendiquer certains accords en matière territoriale au Canada. Il faut faire diligence en ce qui a trait à certains dérapages qui commencent à se produire, afin qu'ils ne nous entraînent pas dans des situations qui seraient regrettables pour l'avenir, pour le peuple du Québec, pour le peuple du Canada et pour les différents peuples autochtones au Canada.

[Traduction]

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Madame la Présidente, je suis perplexe lorsqu'un député fait référence au peuple du Québec et à la nation québécoise. Je ne sais pas au juste ce qu'il entend par là. C'est un point qui me préoccupe. Si je siège dans cette Chambre, c'est manifestement parce que je suis Canadien. Je suis venu au Canada après la révolution hongroise, en 1957. Ma fille de 10 ans est née au Canada. Ma femme appartient à la septième génération d'une famille irlandaise.

Lorsque nous parlons de la population d'une province, je voudrais m'assurer qu'on la définisse. Si je regarde la composition de la population du Québec, je constate que la proportion d'habitants qui est directement d'origine française s'élève à 74,6 p. 100, les habitants d'origine britannique représentent 4,2 p. 100 de la population, ceux d'origine allemande, un demi pour cent, ceux d'origine italienne, 2,6 p. 100, ceux d'origine chinoise, un demi pour cent, ceux d'origine autochtone, 1 p. 100, ceux d'origine hollandaise, un dixième pour cent, ceux d'origine indienne orientale, trois dixièmes pour cent, ceux d'origine polonaise, trois dixièmes pour cent, ceux d'origine portugaise, un demi pour cent, ceux d'origine juive, 1,1 p. 100, ceux d'origine grecque, sept dixièmes pour cent, ceux d'origine philippine, un dixième pour cent, ceux d'origine hongroise, un dixième pour cent, ceux d'autres origines, 5 p. 100 et ceux d'origines multiples, 8,4 p. 100.

Le député pourrait peut-être m'éclairer en disant que tous les habitants du Québec sont en fait des Québécois et des Canadiens.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je m'interroge sur la pertinence de cette intervention par rapport au sujet du débat d'aujourd'hui.

[Français]

L'honorable député peut répondre, s'il le désire, mais je doute encore de la pertinence de la question en ce qui a trait à la motion.

M. Caron: Madame la Présidente, il me fait plaisir de répondre, car on pourrait aussi se demander ce qu'est un Montagnais, un Malécite et un Nisga'a.

Je vais répondre en me posant une première question et en donnant une réponse. Qu'est-ce qu'un Canadien? Un Canadien, d'après ce que je peux comprendre, c'est quelqu'un qui vit au Canada et qui se dit Canadien. Comme mon honorable collègue le disait: «Je suis Canadien; je vis au Canada depuis la fin des années 1950.» Il a dit qu'il est venu de Hongrie après l'insurrection hongroise.

(1135)

Je pense que mon collègue, probablement de langue maternelle hongroise ou magyar, se dit Canadien et ne doute pas une seconde qu'il est Canadien.

Alors un Québécois, c'est quelqu'un qui vit au Québec et qui se dit Québécois. Ses ancêtres, comme les miens, sont peut-être au Québec depuis 1636, soit 360 ans. Ou peut-être que ces Québécois sont au Québec depuis deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Ils parlent peut-être grec ou espagnol. Ou peut-être qu'ils sont sont comme mon collègue de Bourassa, qui vient du Chili et qui se dit Québécois.

Alors un Québécois, c'est quelqu'un qui vit au Québec, qui se dit Québécois et qui reconnaît dans les autres personnes qui vivent au Québec qu'elles partagent avec lui la même identité québécoise. Évidemment, cette identité est colorée. Même le premier ministre disait dans sa proposition sur la société distincte qu'au Québec on peut reconnaître que la majorité des Québécois sont de langue française, qu'ils ont une culture propre, quoique le premier ministre nous a dit hier qu'il n'y avait pas de culture québécoise. En tout cas, ce sont les fluctuations de la vie politique.

On a un Code civil qui nous est propre et qui nous vient du vieux pays de France. Mais c'est sûr que le peuple québécois a une couleur, comme le peuple canadien a une couleur. D'après ce que je peux voir, la langue du peuple canadien est plutôt l'anglais. Il y a une culture canadienne qui se défend contre la culture américaine, et il y a aussi des institutions civiles et judiciaires.

Alors pour résumer, un Québécois, c'est quelqu'un qui vit au Québec et qui se dit Québécois, comme un Montagnais du Lac-Saint-Jean qui parle la même langue que moi, qui me ressemble quand vous le regardez. C'est quelqu'un qui dit: «Moi, je suis un Montagnais du Lac-Saint-Jean, je vis à Mashteuiatsh, je vais à


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l'école à Roberval, je travaille au Centre d'emploi du Canada à Roberval et je suis très heureux de me dire Montagnais.»

Alors le Montagnais, c'est celui qui se dit Montagnais et qui est reconnu par les autres Montagnais comme étant un Montagnais. Et le Québécois, c'est quelqu'un qui se dit Québécois et qui accepte cette appartenance à ce peuple, sans discrimination de culture, sans discrimination de race, sans discrimination de langue. Il s'agit de se dire Québécois et le Québec est content et heureux d'accueillir tout le monde.

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Madame la Présidente, puisque je n'ai pas eu l'occasion de commenter l'intervention du ministre, je vais prendre quelques minutes du temps qui m'est accordé pour me pencher sur certaines observations qu'il a faites.

Il est difficile d'écouter des propos qui traduisent à ce point l'arrogance pure du ministre et du gouvernement à l'égard des questions autochtones. Premièrement, le ministre a soutenu que le processus était démocratique. Il a dit que le gouvernement en place en Colombie-Britannique avait été démocratiquement élu et mandaté pour entreprendre les négociations qui sont en cours. Permettez-moi d'en disconvenir.

Le gouvernement néo-démocrate actuellement en place en Colombie-Britannique a reçu 40 p. 100 des suffrages exprimés aux dernières élections. Autrement dit, six électeurs sur dix ont rejeté les politiques, le programme ou le parti même des dirigeants actuels de la Colombie-Britannique.

Quand il est question de principes démocratiques, il faut reconnaître que le régime électoral ne reflète pas nécessairement les opinions de la majorité sur bien des questions, notamment cette question qui revêt beaucoup d'importance en Colombie-Britannique.

Deuxièmement, le ministre a déclaré que les autochtones du Canada avaient attendu deux siècles le règlement de cette question. On doit reconnaître que, depuis la Confédération, c'est le gouvernement fédéral qui est clairement chargé de la question en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada. En Colombie-Britannique toutefois, pour une raison ou une autre, le fédéral a décidé de ne s'acquitter de cette responsabilité. Ce n'est pas la Colombie-Britannique qui doit s'attaquer à la question, mais bien le gouvernement fédéral. Je me permets d'ajouter que, depuis la Confédération, le Canada a été surtout dirigé par des gouvernements libéraux. Comment le ministre peut-il blâmer le Parti réformiste ou qui que ce soit d'autre, quand il est évident que le gouvernement fédéral et la série de gouvernements libéraux qui se sont succédé depuis la Confédération sont les premiers responsables du problème?

(1140)

Troisièmement, le ministre a porté une accusation qu'il faut réfuter avec la plus grande énergie, selon laquelle le Parti réformiste n'était nullement intéressé à aider les plus démunis. Apparemment, son gouvernement et lui-même, à titre de ministre des Affaires indiennes, s'inquiéteraient vraiment du sort des habitants des réserves au Canada. Je suppose qu'ils détiennent le monopole de la compassion au Canada.

Beaucoup d'autochtones vivent dans ma circonscription, qui renferme un grand nombre de réserves et neuf bandes indiennes en tout. J'ai écrit au nom de beaucoup de gens qui sont venus me voir pour me demander d'exiger que le ministre rende des comptes financiers. Peuvent-ils l'obtenir? Ces 5,8 milliards de dollars que le ministre et le gouvernement actuels consacrent chaque année aux affaires indiennes ne bénéficient qu'à un petit nombre au sommet.

Le ministre n'a pas l'apanage du souci pour les plus pauvres d'entre les pauvres, car les habitants de ces communautés sont vraiment les plus pauvres d'entre les pauvres et ne bénéficient pas de l'argent que versent les contribuables canadiens. C'est parce que le ministre refuse de prendre ses responsabilités et d'exiger des comptes que ces gens-là se retrouvent dans la situation où ils sont.

La Chambre doit le reconnaître, malgré les déclarations grandiloquentes et les discours enflammés auxquels le ministre aime tant se livrer, ce dernier, en réalité, se soucie davantage des dirigeants indélogeables des communautés autochtones du Canada que des plus pauvres d'entre les pauvres, c'est-à-dire des gens ordinaires. Il est très clair pour moi que les dirigeants autochtones ont tout autant perdu le contact avec leurs commettants que le gouvernement actuel a perdu le contact avec les Canadiens.

À propos de la situation des revendications territoriales en Colombie-Britannique, nous avons commencé par dire que presque personne dans la province ne nie qu'il nous faut résoudre ces conflits de longue date entre les autochtones et le gouvernement du Canada. Personne ne nie que nous devons régler ces revendications de longue date et passer à autre chose. Personne ne nie que les autochtones ont souffert d'injustices autrefois, et même à l'époque contemporaine.

Comment en sommes-nous arrivés au point où nous en sommes aujourd'hui? Le gouvernement que nous avons un énorme problème et que nous devons nous en occuper. Il a pour mandat de s'y attaquer-bien que beaucoup ne soient pas d'accord là-dessus-et il doit s'y mettre. Le gouvernement va donc s'engager dans un processus moderne de conclusion de traités en Colombie-Britannique.

Nous devons remonter jusqu'à l'Acte d'union, aux termes duquel la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération, pour comprendre où nous en sommes aujourd'hui. Par l'Acte d'union de 1871, la province entrait dans la Confédération après qu'il eut été entendu que le gouvernement fédéral assumait toutes les obligations existantes et à venir envers les peuples autochtones. C'est stipulé dans l'Acte d'union. Le gouvernement fédéral a nettement une responsabilité à cet égard, remontant à l'époque de l'entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. Il n'a cependant jamais assumé cette responsabilité, et c'est pourquoi nous nous trouvons dans la situation où nous sommes aujourd'hui.


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Durant les années 70, quelques bandes indiennes ont décidé d'intenter des poursuites pour faire connaître leurs griefs et obtenir justice parce qu'elles n'avaient aucune autre solution.

La cause la plus célèbre, la cause par excellence au Canada aujourd'hui, en ce qui concerne les questions autochtones, les revendications territoriales et le droit inhérent à l'autodétermination, est la cause Delgamuuku. Elle a été présentée par les Gitksan-Wet'suwet'en, qui se trouvent dans ma circonscription.

(1145)

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a entendu 360 jours de témoignages: informations anthropologiques de toutes sortes, témoignages oraux d'anciens des Gitksan-Wet'suwet'en, arguments juridiques de toutes sortes. À l'issue de tout ce processus, le tribunal a rendu sa décision: il est clair qu'il n'y a pas de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et que les autochtones n'ont pas de droits sur les terres.

Le tribunal a également conclu que le gouvernement fédéral avait l'obligation, aux termes de la Constitution, de répondre aux préoccupations des autochtones et l'a exhorté à le faire. Entre temps, une fois la décision rendue, le gouvernement de la province a changé. Le gouvernement créditiste a été remplacé par un gouvernement néo-démocrate qui avait des idées bien arrêtées sur la question et était convaincu qu'il devait aborder les revendications territoriales d'une manière qui n'avait jamais encore été envisagée dans la province jusque-là.

Qu'a-t-il fait? Les Gitksan-Wet'suwet'en ont continué leurs démarches devant les tribunaux. Ils ont interjeté appel auprès de la cour d'appel de la Colombie-Britannique. La province a remercié la firme Russell & DuMoulin, qui avait gagné la cause Delgamuuku au nom des habitants de la Colombie-Britannique, et l'a remplacée par la firme Swinton & Company, qui était enregistrée en 1994 comme lobbyiste rémunéré, auprès des autorités fédérales, pour ceux-là mêmes qu'elle aurait à affronter devant les tribunaux, les Gitksan-Wet'suwet'en.

En outre, la firme Swinton & Company avait engagé, au nom des Gitksans, des poursuites contre la province de la Colombie-Britannique à la Cour suprême de la Colombie-Britannique alors qu'elle avait accepté cette affaire historique pour représenter la province de la Colombie-Britannique sur les questions mêmes pour lesquelles elle attaquait la province au nom des Gitksans lorsqu'elle a été nommée. Vous parlez d'un conflit d'intérêts.

Voilà comment le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique a traité cette affaire. Il voulait obtenir une décision politique du tribunal. Il n'était pas disposé à laisser le procès suivre son cours normal.

Il a opté pour l'idéologie plutôt que pour les décisions juridiques du tribunal, ne tenant absolument aucun compte du fait que les Britanno-Colombiens et, quant à cela, les Canadiens en général, se sont prononcés contre le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale prévu dans l'Accord de Charlottetown. De concert avec le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique est allé de l'avant et a essayé de mettre cela en oeuvre de toute façon, à peu près comme le gouvernement fédéral est en train de le faire à l'heure actuelle sur la question de l'unité avec la notion de société distincte et de veto pour le Québec.

C'est un affront pour la Colombie-Britannique et un outrage à la démocratie. Lorsque le gouvernement fait fi du résultat d'un référendum démocratique et va de l'avant avec les décisions et cela, de façon législative plutôt qu'en modifiant la Constitution, il insulte franchement les Canadiens, notamment ceux de la Colombie-Britannique.

Les autochtones de la Colombie-Britannique ont rejeté l'Accord de Charlottetown dans à peu près la même proportion que les non-autochtones. Je me suis entretenu avec suffisamment d'autochtones pour savoir qu'ils ne favorisent nullement cette notion de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Je parle ici des gens ordinaires, pas des chefs, pas des personnes qui en bénéficient.

Voici donc qu'est en place un processus visant à atteindre des objectifs que la population n'approuve pas, un processus qui n'est pas appuyé par la jurisprudence et dont la population est complètement coupée. Rien n'est seulement prévu pour que la population y participe. Qu'avons-nous sinon une bande de bureaucrates qui reçoivent leurs ordres d'Ottawa et de Victoria? Ils sont dans ma circonscription à négocier avec les Nisga'a. Des rumeurs circulent au sujet de ces négociations, mais nous ne savons pas rien de précis sur ce qui est en jeu.

On parle de la cession possible d'immenses territoires, de 175 millions de dollars en argent, de 2 200 kilomètres carrés de terrain et d'un droit inaliénable protégé par la Constitution sur 30 p. 100 des pêches de la rivière Nass. N'oublions pas que, sur le plan constitutionnel, ces accords seront coulés dans le béton. Ils seront définitifs. Nous ne pouvons nous permettre de commettre des erreurs. Naturellement, les gouvernements en place ne tiennent pas compte de ces facteurs.

(1150)

J'ai pris le temps de consulter mes électeurs. Si je m'intéresse autant à cette question, c'est que j'ai reçu des centaines de lettres et d'appels d'électeurs qui s'inquiètent vivement de ce qu'ils perçoivent comme des négociations qui se déroulent à huis clos et qui pourraient modifier la structure sociale et économique de la Colombie-Britannique, sans que la population ait l'occasion d'exercer son droit légitime d'y participer.

Je le répète, il existe de nombreux parallèles entre cette question et le débat actuel sur l'unité canadienne. Il y a deux grandes séries d'objectifs au Canada: les objectifs du gouvernement et les objectifs de la population. La plupart du temps, ces objectifs ne se rejoignent pas. Le gouvernement songe à accorder le statut de société distincte au Québec et le droit de veto aux régions, mais cela ne correspond


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pas aux désirs des Canadiens. Nous pouvons comprendre pourquoi les habitants de la Colombie-Britannique, et particulièrement des régions rurales de la Colombie-Britannique, n'aiment pas tellement le processus de négociations en cours. Ils n'ont aucune occasion légitime d'y participer. Tout se fait à huis clos.

Selon le processus de ratification proposé par le gouvernement, lorsque l'accord de principe sera signé, il sera soumis à l'approbation de la Chambre. En gros, cela signifie que des députés du reste du Canada se prononceront sur un projet de loi qui aura, à long terme, des répercussions majeures et d'une vaste portée sur la population de la Colombie-Britannique, laquelle est la proie d'un gouvernement boiteux à Victoria, un gouvernement sans chef et qui a, pour ainsi dire, perdu toute crédibilité.

Voilà l'idée maîtresse de la motion d'aujourd'hui. Elle vise à reconnaître le fait que le gouvernement de la Colombie-Britannique n'est pas mandaté et n'a jamais cherché à obtenir un mandat pour participer à des négociations de cette envergure. Il n'a aucune crédibilité auprès de la population. Au sein du gouvernement, c'est la pagaille. Celui-ci est aux prises avec des scandales. Les autochtones de la Colombie-Britannique, les simples citoyens, disent qu'ils ne sont pas représentés dans ce processus, qu'ils n'ont pas mandaté ceux qui négocient en leur nom, qu'ils ne sont pas à l'aise avec le processus et qu'ils ne croient pas qu'il sera avantageux pour eux. Ils pensent toutefois qu'il le sera pour les dirigeants et les négociateurs.

Nous sommes sur le point de conclure des accords qui vont modifier à jamais le paysage de la Colombie-Britannique. Cela pourrait se produire.

J'ai pris la peine et le temps de sonder l'opinion de mes électeurs. Ils m'ont dit très clairement qu'ils espèrent que les accords auront un caractère définitif et qu'ils prévoiront une extinction des droits. Ils veulent qu'on mette un terme à la division. La cause première de la plupart des difficultés avec lesquelles les autochtones doivent composer vient de ce que nous les avons traités différemment dès le début. Nous ne leur avons jamais donné l'occasion d'être de simples Canadiens. Nous ne les avons jamais traités comme s'ils pouvaient s'occuper d'eux-mêmes. Nous avons érigé autour des autochtones du Canada un régime d'aide sociale institutionnalisé qui les a privés de leur dignité, de leur estime de soi et de leur esprit d'initiative.

(1155)

Le ministre parlait des plus pauvres parmi les pauvres et de ce que nous allons faire au sujet du logement des autochtones et de leurs difficultés.

Friederich von Hayek parle de l'idéologie libérale et de l'idéologie socialiste, qui sont virtuellement interchangeables dans notre pays, et il parle de vanité fatale. La vanité fatale, c'est que les députés ministériels estiment avoir une sorte de don de Dieu leur permettant de remédier à tous les problèmes des gens et de la société, plutôt que de les laisser le faire eux-mêmes.

C'est à cause de ces politiques interventionnistes, élitistes, arrogantes et dictatoriales qui sont conçues par le gouvernement et qui sont censées régler tous les problèmes, que nous avons ces problèmes dans les réserves indiennes aujourd'hui.

Ce processus a pour effet, à mon avis, de trouver de meilleurs moyens de séparer les gens selon la race. Nous disons aux gens que les moyens que nous avons utilisés dans le passé pour les maintenir séparés et distincts de la société canadienne n'ont pas fonctionné. Ils ont été un échec. La Loi sur les Indiens ne vaut rien. Presque tout le monde en convient. Nous allons trouver des moyens nouveaux et meilleurs pour les maintenir séparés. Nous allons trouver de nouveaux moyens pour leur accorder un statut différent du reste des Canadiens.

À long terme, voire à court terme, en dépit des bonnes intentions de certains députés d'en face, cela ne va pas régler les problèmes des peuples autochtones, mais les empirer. Cela ne va pas régler leurs problèmes.

Comme le député d'Esquimalt l'a dit il y a quelques instants, il faut faire ce qu'il convient de faire, ce qui va marcher. La solution, c'est d'inciter ces gens-là à se prendre en main individuellement et à cesser de s'attendre à ce que le gouvernement règle leurs problèmes à leur place, car ce dernier a lamentablement échoué à cet égard.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté mon collègue avec beaucoup d'intérêt comme je l'ai fait avec tous ceux qui sont intervenus avant lui.

Pour que les choses soient bien claires, je veux lire la motion présentée aujourd'hui par le Parti réformiste puis, je parlerai des objections du ministre et des raisons de ces objections. Notre motion dit entre autres choses:

Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial.
Le ministre soutient que l'adoption de cette motion serait une insulte pour le gouvernement provincial. Je trouve cela plutôt étrange et un peu contradictoire étant donné que le gouvernement dont le ministre fait partie n'a pas hésité à soutenir, et avec beaucoup de succès, que le Canada ne devait pas donner suite à l'accord d'acquisition d'hélicoptères EH-101 signé par le gouvernement conservateur qui l'a précédé. Ce marché était mauvais et nous ne devions pas y donner suite en tant que nation, nous ne devions pas dépenser d'argent pour cela.

Les libéraux ont aussi affirmé que l'accord sur l'aéroport Pearson n'était pas acceptable parce qu'il avait été conclu aux derniers jours du gouvernement Mulroney et qu'il devait être annulé.

Ils n'ont pas trouvé insultant de revenir sur ces engagements pris par un autre gouvernement. Pourtant, le ministre semble maintenant croire qu'il serait insultant pour le gouvernement de la Colombie--


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Britannique de déclarer que l'on ne signera pas d'ententes trilatérales avec la province et les autochtones de cette province puisque des élections provinciales approchent. Je me pose des questions. Je me demande si mon collègue pourrait commenter cette situation.

J'ai également constaté que le ministre a consacré presque la totalité de ses 20 minutes à attaquer les réformistes en prétendant qu'ils s'en prennent constamment aux autochtones. Cela me laisse perplexe. Ce genre d'attaques et d'insultes n'est pas nouveau pour les réformistes. On nous a accusés de cela et de bien d'autres péchés semblables dès que nous avons créé notre parti. Cependant, peu importe la virulence de ces attaques et la fréquence des attaques lancées contre nous par les ministres à la Chambre des communes, nous continuerons de présenter des arguments intelligents pour défendre nos positions sur ce sujet et d'autres, même si elles ne vont pas dans le sens de la rectitude politique.

(1200)

Le député voudrait-il nous parler de ce qu'il a fait? Ce matin, nous avons entendu dire que la population n'était pas bien informée et que les autochtones avaient haussé la barre de leurs attentes. Où en est-on dans la sensibilisation de la population? Qu'est-ce que le député a fait en Colombie-Britannique pour faire savoir à tous les habitants de la province ce qui se passe?

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question.

Il a absolument raison. Le ministre a commencé son discours aujourd'hui en demandant comment le Parti réformiste pouvait avoir l'audace de vouloir débattre cette question à la Chambre. Il a demandé comment nous pouvions oser vouloir débattre cette question. Ne sommes-nous pas dans une institution démocratique? N'est-ce pas là la raison d'être de la Chambre? Mais, non, nous ne devrions pas débattre cette question. Chaque fois que nous soulevons une question liée aux autochtones et que nous voulons la débattre, on nous colle une étiquette. Franchement, c'est une attitude que je ne peux pas supporter.

Ensuite, mon collègue a fait remarquer que le ministre a dit que ce serait une insulte pour la Colombie-Britannique si le gouvernement acceptait la motion du Parti réformiste. Je pourrais peut-être dire aux députés qui n'habitent pas en Colombie-Britannique à quel point le gouvernement de la Colombie-Britannique a insulté les habitants de cette province ces derniers mois. Ses députés ne se soucient absolument pas de l'intérêt public. Ils font toujours passer leurs propres intérêts en premier. Ils sont tellement aveuglés par leur idéologie qu'il n'y a aucun espoir qu'ils soient un jour réélus dans cette province.

Pourtant, c'est ce gouvernement qui négocie dans les coulisses avec les Nisga'a et d'autres groupes autochtones et qui, d'après les rumeurs, envisage de conclure des ententes qui auront des répercussions à long terme pour la Colombie-Britannique.

Pour répondre à la question du député sur ce que j'ai fait comme député et comme représentant des habitants de Skeena depuis mon élection, j'ai tenu une série de quatre assemblées publiques dans ma circonscription, soit à Smithers, Terrace, Prince Rupert et Kitimat. J'ai exposé la question aux gens et je leur ai dit que nous devions avoir un débat public sur le sujet.

Après cela, mon collègue et moi-même avons fait le tour de la Colombie-Britannique. Nous avons tenu des assemblées publiques à Williams Lake, Quesnel, Prince George, Nanaïmo, Cranbrook, ainsi que dans plusieurs endroits du Grand Vancouver. Nous avons fait notre possible pour exposer la question aux gens, ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique et, j'ajouterai, le gouvernement fédéral ne se sont jamais donné la peine de faire.

Si cette question me tient tant à coeur, et je le dis sincèrement, c'est que je m'inquiète de ce qui va arriver si la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral signent une entente que la population ne peut pas accepter. Les attentes des autochtones sont plus élevées qu'elles ne l'ont jamais été. On a amené ces peuples à croire que les ententes, une fois signées, seraient honorées. Les partis de l'opposition en Colombie-Britannique disent déjà qu'ils n'ont pas l'intention de les honorer.

Pensez à tous les soulèvements que cela causera si les gouvernements signent des ententes que la population ne veut pas accepter. Il est absolument critique que nous ne signions aucune entente, à moins d'être certains d'avoir l'appui de la population.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député de Skeena d'avoir dit ce qu'il entendait faire pour venir en aide à ceux que le ministre appelle les plus pauvres parmi les pauvres.

(1205)

Il est intéressant de comparer les deux discours. Le ministre s'est lancé dans une diatribe de 20 minutes contre le Parti réformiste, au lieu de préciser ce qu'il allait faire pour aider ceux qu'il appelle les plus pauvres parmi les pauvres de notre société.

Pendant que les partis politiques s'affrontent à coup de discours à la Chambre, les autochtones qui vivent dans les réserves ou à l'extérieur continuent d'être victimes d'agressions sexuelles, de violence et de pauvreté. Les députés devraient avoir honte de laisser ces choses se produire.

Les gouvernements précédents ont créé un État providence institutionnalisé pour les autochtones en leur donnant de l'argent. Ils croyaient honnêtement que c'était un moyen de les aider.

Comme mon collègue l'a dit à juste titre, on ne peut pas toujours donner à quelqu'un et espérer qu'il conserve sa fierté et sa dignité, car l'une et l'autre sont des sentiments intimes dont l'existence tient


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à la capacité d'une personne de subvenir elle-même à ses besoins et à ceux de sa famille.

Contrairement à ce que disait le ministre, j'aimerais que le député de Skeena répète, s'il le peut, que les tribunaux ont jugé que la poursuite des négociations de traités était inconstitutionnelle et illégale.

Qu'entend faire le ministre pour venir en aide aux autochtones, qui subissent les terribles souffrances dont j'ai parlé à l'instant, tant sur les réserves qu'à l'extérieur? Comment va-t-il aider les plus pauvres parmi les pauvres? Comment va-t-il les aider à se tenir debout et à se prendre en main? C'est là le coeur du problème.

M. Scott (Skeena): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question. Il est tout à fait clair que le sort des autochtones au Canada, que les problèmes sociaux considérables que nous observons sur les réserves sont le résultat direct de l'État providence que nous avons instauré autour d'eux. C'est faire preuve d'arrogance et d'élitisme de la part du gouvernement que de croire qu'il peut régler les problèmes en donnant de l'argent aux autochtones et en créant à leur intention de nouveaux programmes et ainsi de suite qui ne font qu'aggraver la situation sur les réserves.

Ce qu'il faut, c'est que le gouvernement reconnaisse avant tout que l'on doit cesser de traiter les autochtones comme s'ils pensaient et agissaient tous de la même façon. Ce ne sont pas des communistes. Ce sont des individus, tout comme nous. Ce sont des individus qui ont des aspirations, des désirs, des idéaux, des espoirs et des rêves à eux.

Ce que nous devons faire, c'est briser cet État providence, commencer à le démanteler. Nous devons tendre la main à ces gens, les encourager à s'intégrer dans le secteur privé et à devenir des citoyens ordinaires et leur fournir la possibilité, une fois pour toutes, de faire la transition plus facilement.

Nous devons comprendre que le corollaire du succès est l'échec. Le gouvernement ne peut garantir le succès et il ne peut pas garantir non plus que les gens n'échoueront pas. C'est évident. C'est une chose à laquelle nous devons nous faire. C'est la vie. C'est, si vous voulez, la loi naturelle. On ne peut garantir qu'une personne va réussir. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de faire en sorte que les conditions soient aussi propices que possible à la réussite.

Je suis fermement convaincu que si le gouvernement décide de ne plus intervenir comme il le fait en ce moment et qu'il permet aux Indiens et aux autochtones de prendre le taureau par les cornes pour commencer à contrôler leur propre vie, nous assisterons à certains échecs. Il n'y a pas de doute là-dessus, mais nous verrons aussi des réussites. Et ce, de plus en plus avec le temps.

Quand nous parlons de traiter les Indiens et les autochtones comme des Canadiens ordinaires, je ne veux pas dire que je ne respecte pas leur culture. Je respecte leur culture et je respecte le fait qu'il existe des différences. Ces différences devraient être reconnues, mais elles ne devraient pas être inscrites dans la loi ou dans la Constitution. Elles ne devraient pas concrétiser la distinction et la séparation dans la loi, ce qui contribuerait à nous éloigner les uns des autres à tout jamais.

Le fossé entre les autochtones et les non-autochtones s'accentue constamment à cause des politiques du gouvernement et pas parce qu'il existe un problème fondamental. La cause, ce sont les politiques.

(1210)

Le ministre des Pêches et des Océans a annoncé qu'il allait augmenter les droits d'accès pour les pêcheurs au Canada. L'augmentation sera de 50 p. 100 seulement pour les pêcheurs autochtones et de 100 p. 100 pour les autres. Je suis sûr que les pêcheurs autochtones n'ont pas demandé cela. C'est le ministre qui s'est mis dans la tête que c'est ce qu'il devait faire. En fait, cela sème la discorde. Pourquoi avons-nous des problèmes avec les pêcheurs autochtones et non autochtones sur le fleuve Fraser? C'est parce que le gouvernement a conçu une politique donnant accès à une ressource sur une base différente selon la race. Il faut éliminer ça.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec ma distinguée collègue, la députée de Vancouver-Centre.

La motion dont nous sommes saisis est intéressante, et je respecte l'esprit dans lequel elle est présentée. Je trouve simplement qu'elle soulève des questions pour lesquelles le gouvernement est impuissant. C'est un principe du droit constitutionnel américain qui, je crois, devrait être admis comme une règle de droit au Canada, mais la proposition ne peut être réalisée par un gouvernement entre le dépôt et le retour des brefs, c'est-à-dire pendant qu'un gouvernement est en train de se constituer tandis qu'un précédent est toujours en fonction.

Cela étant dit, je veux discuter de certains points très intéressants qui ont été soulevés. On a raison de dire que cette question est particulière à la Colombie-Britannique. Nous le reconnaissons tous, la Colombie-Britannique n'est pas une province comme les autres sur la question des revendications territoriales. Certaines choses nous distinguent des autres provinces du Canada à cet égard.

L'absence générale de traités est une considération très importante, car c'est à l'origine de la prolifération de revendications qui se recoupent parfois. C'est peut-être l'une des raisons qui font que les gens ne comprennent pas toujours les complications auxquelles nous nous butons et la manière de les résoudre.

Je laisse de côté la question du statut des traités. C'est une chose qui m'a toujours intéressé du point de vue professionnel. Ces traités doivent-ils être reconnus aux termes du droit international, comme certains l'affirment, ou s'agit-il simplement de documents constitutionnels qui relèvent de la compétence de la province?


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On a soulevé quelques sujets d'inquiétude à propos de ce débat qui méritent peut-être certaines précisions. Étant donné que j'ai été, je pense, le premier à parler des conséquences pour le droit canadien de la décision de la Cour internationale en ce qui concerne le Sahara occidental en 1975 et des deux opinions qui confirmaient vigoureusement l'argument de l'avocat de l'époque, M. Bedjaoui, qui est maintenant président de la Cour mondiale. Je dirais que même si je pense que cet argument, que les tribunaux ont reconnu, a réussi à battre en brèche le principe de l'acquisition de territoires et de la souveraineté par les pouvoirs coloniaux européens, sans pour autant influer sur l'issue de l'affaire. Ce sont des questions qu'un organisme indépendant, comme la Commission des traités, armé des moyens de recherches et du temps pour penser, peut résoudre.

Je dirais simplement que c'est une erreur de penser qu'automatiquement, en recherchant la base d'origine de l'acquisition de souveraineté sur l'Amérique du Nord, on déplace automatiquement les revendications qui sont intervenues. En fait, dans le droit international le plus récent, le traité des deux et quatre, c'est-à-dire le traité entre les quatre puissances d'occupation de l'Allemagne et les deux Allemagnes sur le point d'être réunifiées, il y a une disposition particulière qui protège les droits corrélatifs des tierces parties. Cela laisse cependant ouverte la question de la façon d'équilibrer les revendications contradictoires.

Ce que je dis tout simplement, c'est qu'on pense qu'en Colombie-Britannique, on peut envisager un processus ordonné de revendications territoriales et de règlement de ces revendications où les revendications de tous seraient considérées si elles étaient convenablement présentées par un avocat comme c'est le devoir de l'avocat. À ce jour, on ne peut pas donner de réponse certaine, mais beaucoup seront sans doute heureux de savoir que les peuples qui ont soulevé ces questions savent qu'un processus ordonné permet de prendre totalement en considération les droits acquis des tierces parties.

(1215)

En un sens, les problèmes juridiques de Colombie-Britannique sont sui generis. Ils sont particuliers à la Colombie-Britannique. Dans une large mesure, il y a conflits entre deux conceptions culturelles du droit: le principe européen de frontières territoriales fixes et les principes non européens qui reposent sur la mobilité et l'expression de l'intérêt territorial, c'est-à-dire où le territoire est secondaire et vient après la notion d'ethnicité. C'est un exemple important de conflits de principes juridiques. C'est le genre de chose que la commission examinera, je suppose, car il faudra en tenir compte durant le processus de règlement des revendications territoriales.

La question de la participation et du consentement des collectivités locales a été soulevée. On a demandé si une consultation poussée avait été entreprise. Je ne peux parler des cas précis dont il est maintenant question, mais, dans le cas du précédent projet de loi présenté à la Chambre qui traitait des territoires du Nord, le gouvernement fédéral avait amplement prévu des consultations auprès des collectivités locales. Je crois que les procédures de la commission n'empêchent pas les intervenants locaux, les autorités municipales et les autres personnes intéressées de présenter leurs points de vue et de faire valoir leurs arguments. La loi ne l'interdit pas. Cette initiative appartient entièrement aux personnes en cause.

Lorsqu'une commission indépendante est créée, elle prend forme et vole de ses propres ailes. Elle crée ses propres précédents. Elle dépend largement de l'apport de savants avocats qui veulent promouvoirs leurs intérêts et leurs causes. La commission est un organisme formé de personnes intéressantes qui ont chacune leurs points de vue. Je propose aux députés de prendre tous les moyens possibles pour faire connaître à la commission les différents intérêts des gens en cause.

L'un des grands problèmes qui distingue la Colombie-Britannique du reste du pays, c'est que, en l'absence de traités, les revendications n'ont jamais été classées comme elles l'ont été en Alberta, par exemple, comme je l'ai constaté durant mon expérience professionnelle antérieure. Cela explique les chevauchements et les revendications contradictoires, qui portent parfois sur des superficies excédant la superficie totale des terres dans une région donnée. Il est facile de mettre de l'ordre dans tout cela et c'est le mandat de la commission.

Les problèmes de ce genre compliquent les choses aux yeux du public. Cependant, je crois que la commission a fait un pas dans la bonne direction. Je suis satisfait du degré d'indépendance et de la qualité des personnes intéressées.

J'inviterais les députés à informer leurs électeurs, particulièrement les gens bien intentionnés qui se trouvent au palier municipal, que le processus n'est pas clos. La porte est ouverte à tous les participants désireux de présenter leurs arguments. La commission elle-même n'est pas en mesure de trancher entre deux options. Il y a place pour les revendications d'une tierce partie. Il y a place pour la répartition des avantages. Si on a suivi l'évolution du droit international depuis l'affaire du Sahara occidental, il est clair qu'il est encore en devenir. On espère des règlements équitables avec la plus grande participation possible des parties en cause.

(1220)

C'est une nouvelle approche de la pluralisation de notre système juridique et de la participation à ce dernier. C'est mieux que d'avoir recours aux tribunaux. Bien sûr, les décisions des commissions sont sujettes à des limites et au contrôle des tribunaux du fait de la primauté de la Constitution. Toute décision doit être conforme à la Constitution et à la Charte des droits. Nous le savons, la Charte des droits a de nombreuses ramifications.

Je félicite les orateurs des deux côtés de la Chambre de la ferveur avec laquelle ils ont abordé ce débat. J'ai pris note des points qu'ils ont soulevés et je suis convaincu qu'on peut y donner suite dans le cadre de l'ambitieux processus sur lequel porte le projet de loi présenté par le ministre.


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M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, l'orateur précédent a parlé de l'absence générale de traités en Colombie-Britannique. C'est effectivement exact. On présume souvent que, étant donné l'absence générale de traités et surtout l'existence d'un système de réserves, les gouvernements sont en quelque sorte tenus par la loi de conclure des traités.

Un conseiller juridique du ministère des Affaires indiennes et de Nord canadien m'a confirmé très récemment que le gouvernement fédéral estime actuellement ne pas être tenu par la loi de conclure rapidement des traités en Colombie-Britannique. Cela rejoint certainement ce que j'avais pensé, de même que la position du gouvernement provincial.

À mon avis, cela signifie que le gouvernement ne devrait s'engager dans ce processus que si toutes les parties peuvent en tirer des avantages. C'est le compromis que j'ai mentionné dans mon discours. Dans ma première question, je demande au député si c'est également l'interprétation qu'il en fait.

On a discuté un peu d'une commission indépendante. Je présume que le député parle de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Nous avons récemment débattu à la Chambre, quoique très tardivement, le projet de loi C-107, qui est la loi fédérale créant cette commission.

Le mandat de la Commission des traités de la Colombie-Britannique ne confère vraiment pas beaucoup de pouvoirs aux commissaires. Dans la plupart des domaines, ils peuvent faire des propositions, mais ils sont loin d'être des décideurs. On les appelle les gardiens du processus. Des aspects fondamentaux, comme des lignes directrices de préparation à l'intention de quelques-uns des participants aux négociations, n'ont pas été prévus au moment où le projet de loi habilitant a été rédigé. Par exemple, les comités consultatifs régionaux n'ont pas de lignes directrices de préparation qui font partie du mandat de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Bon nombre des parties ont souligné qu'il s'agit là d'une lacune. Elle n'a donc aucun mandat.

Ce qui s'est produit dans certains cas en Colombie-Britannique, c'est que les négociateurs fédéraux ou provinciaux ont fait avancer rapidement les négociations, alors que les comités consultatifs régionaux n'étaient pas prêts. C'est un grave handicap et, bien sûr, cela suscite la consternation dans les localités. C'est l'objet de ma deuxième question.

La troisième et dernière question que je voudrais poser au député concerne le rôle des municipalités, qu'il a mentionnées. Le mandat de la Commission des traités de la Colombie-Britannique passe les municipalités sous silence. Il y a un protocole d'entente distinct pour la province. Il s'agit d'une sorte d'arrangement latéral avec la province. Les municipalités, par l'entremise de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique, disent que, déjà, alors que le processus ne vient que de commencer, leurs coûts réels sont au moins deux fois supérieurs à l'indemnité qu'elles reçoivent du gouvernement provincial.

(1225)

La porte n'est pas ouverte. Elle est seulement entrouverte. Cette situation est nettement insatisfaisante. Il doit y avoir un meilleur moyen d'aborder ce dossier. Le député a-t-il des propositions à faire à cet égard?

M. McWhinney: Monsieur le Président, je remercie le député de sa série très réfléchie de questions.

En ce qui concerne le premier point, il est question de ce que j'ai dit au sujet de l'ambiguïté du terme «traités». Ce qu'on cherche vraiment, c'est passer d'un droit non écrit ou coutumier à un droit écrit. On pourrait le faire par un contrat, par une loi ou par un autre moyen. L'objectif ultime du processus est d'établir les droits juridiques sous une forme écrite irréfutable. La complication dont j'ai parlé au sujet du chevauchement des revendications est pratiquement inévitable et on peut le constater ailleurs, lorsque rien n'est écrit. C'était le grand avantage des traités, peu importe la catégorie juridique dans laquelle on les place.

En ce qui concerne les commissions, ma propre expérience du droit administratif et de l'administration publique m'amène à dire que les résultats dépendent beaucoup de l'imagination et du courage de la commission elle-même et des intervenants. Les intervenants englobent les avocats et d'autres qui témoignent devant la commission. Dans une très large mesure, une commission ambitieuse établit son propre programme et redéfinit son propre mandat. J'encourage toutes les parties intéressées au règlement équitable des revendications territoriales en Colombie-Britannique à mettre cela à l'essai.

Pour ce qui est des municipalités, le député a eu raison de dire qu'il n'y a pas de disposition précise à ce sujet. Rien ne l'exclut. Étant donné qu'ils s'agit d'intervenants importants en ce qui concerne les revendications de tierces parties, qui découlent d'un droit originaire, les municipalités sont directement concernées et elles jouent un rôle important sur le plan politique.

Dans la loi fédérale précédente sur les territoires du Nord, le gouvernement fédéral a prévu de consulter les intérêts locaux. Je pense donc que les conseils municipaux devraient être encouragés à leur faire part de leurs intérêts légitimes lorsqu'ils le jugent nécessaire. On doit simplement leur dire si oui ou non on veut les entendre. Je pense qu'une bonne commission essaie de faire cela.

Il s'agit, en fait, d'une législation en cours de développement. Tout dépendra de la bonne foi, de l'ouverture d'esprit, ainsi que de la préparation professionnelle des parties intéressées. C'est le principal message que je veux adresser aux électeurs de la Colombie-Britannique. Je les encourage à adopter cette attitude.

Je remercie le député de ses questions. Je tiens à ajouter que le débat d'aujourd'hui constitue, sur le plan juridique, des travaux préparatoires, c'est-à-dire que cela signifie simplement qu'on peut s'en servir pour donner une indication de ce que sera ou devrait être l'état futur du droit dans ce domaine.


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M. Duncan: Monsieur le Président, j'ai un autre domaine que je voudrais examiner avec le député et je vais le faire très rapidement.

Beaucoup de gens expriment de graves réserves, n'ont pas confiance dans le processus et ne l'appuient pas parce que ce sont le ministère des Affaires autochtones, au niveau provincial, et le ministère des Affaires indiennes, au niveau fédéral, qui mènent les négociations. Ils considèrent que c'est un conflit d'intérêts total.

Le député pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?

(1230)

M. McWhinney: Monsieur le Président, je ne saurais fournir des précisions là-dessus. Mon expérience en matière de négociations dans ce domaine s'est limitée à des cas de traités qui étaient déjà en vigueur, soit les traités nos 6, 7, 8 et 9. Les négociations se sont déroulées à la satisfaction de toutes les parties. S'il y a quelque chose qui ne va pas, c'est peut-être dans des cas particuliers.

Je ne possède pas de renseignements de première main à ce sujet. S'il y a quelque mécontentement, il y a peut-être lieu d'en saisir directement la commission qui voudra s'assurer que les négociations ont été menées comme il se doit et qu'il y a eu une appréciation adéquate de la preuve.

Si le député possède des renseignements à ce propos, je l'invite à en faire part à la commission.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir à la Chambre aujourd'hui au sujet de la motion qu'a présentée le député de North Island-Powell River qui propose que la Chambre exhorte le gouvernement:

. . .à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial. . .
Cette motion soulève le problème dont a parlé mon collègue récemment, problème qui vise à infirmer les pouvoirs d'un gouvernement, quel qu'il soit, durant la dernière année de son mandat. Voilà la plus cynique déclaration qu'il m'ait jamais été donné d'entendre de la part d'un parti de quelque assemblée ou parlement que ce soit.

Est-ce à dire que, pour des considérations d'ordre politique, il faille mettre en veilleuse tout processus et, en l'occurrence, une mesure qui, de toute évidence, est à l'avantage de la population de la Colombie-Britannique et des autochtones?

Les Canadiens veulent certes que leurs gouvernements puissent prendre des décisions stratégiques pour le long terme, qui ne soient pas dictées par des motifs bassement politiques, mais par l'intérêt supérieur de la nation.

Le gouvernement est le serviteur de la population, si bien que, quel que soit le parti au pouvoir, les principes de bon gouvernement et d'intégrité sont toujours de mise.

Les réformistes laissent entendre-à moins qu'il ne s'agisse du contraire-qu'ils ne veulent pas respecter une entente qui lie légalement et moralement les trois parties qui l'ont négociée et conclue, à savoir le gouvernement provincial, les autochtones et le gouvernement fédéral.

Depuis les années 1800, soit plus d'un siècle, les autochtones essaient de négocier avec le gouvernement de la Colombie-Britannique pour qu'il reconnaisse le bien-fondé de leurs revendications territoriales. La province a toujours rejeté ces revendications sous prétexte que cela relevait de la compétence du gouvernement fédéral, du moins c'est ce qu'elle disait.

Ce processus est si lent que finalement, en 1990, le gouvernement alors en place en Colombie-Britannique, gouvernement du Crédit social, a franchi un grand pas en engageant un processus pour corriger la situation. Les trois parties, soit les premières nations, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, ont depuis accepté le processus.

J'espère que nous n'adopterons pas cette motion, parce qu'elle aurait pour effet de retarder encore le processus. Les habitants de la Colombie-Britannique, les autochtones et les Canadiens attendent déjà depuis trop longtemps.

Au cours de l'étude en deuxième lecture du projet de loi qui vise à établir la commission, les députés du tiers parti sont intervenus à maintes reprises pour dénoncer la lenteur du processus et ce sont eux maintenant qui veulent opposer un autre obstacle au processus.

En 1989, nous avons été témoins de la fin de la guerre froide et du démantèlement du mur de Berlin. Un an plus tard, nous avons cru qu'on éliminait un autre vieil obstacle, cette fois entre les peuples autochtones de la Colombie-Britannique et le développement social et économique auquel ils aspiraient.

Un bon gouvernement doit abattre les barrières au lieu d'en élever, comme tente de le faire le tiers parti avec ses paroles ambiguës. Les générations futures pourraient bien considérer que l'année 1990 a marqué un tournant dans l'histoire des peuples autochtones de la Colombie-Britannique, du fait qu'on aura donné à ces derniers une lueur d'espoir.

Le règlement des revendications territoriales représente ce que la Colombie-Britannique peut faire de plus important pour aider les communautés autochtones. L'incertitude à cet égard s'oppose depuis longtemps au développement économique de toute la province. À cause de cette incertitude, les autochtones n'ont pu participer à la gestion des terres et des ressources. Les habitants de la Colombie-Britannique savent tous que la solution de ces problèmes se soldera par une autonomie plus grande et une création d'emplois. Il y aura des emplois pour ceux qui, pendant longtemps, n'auront pu occuper la place qui leur revient dans la société canadienne.

Outre la propriété des terres de la région visée par le traité, les accords définitifs peuvent inclure des mesures précises pour stimuler le développement économique, ce qui comprend le partage des recettes provenant de l'exploitation des ressources. Cela peut également comprendre le partage des redevances pour l'extraction des ressources partout dans la région.


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(1235)

Ce ne sont pas uniquement des avantages économiques que nous recherchons en négociant des traités. Nous avons constaté, au sommet sacré des autochtones qui a commencé la semaine dernière à Hull, sommet des anciens organisé par le député de Churchill, que l'attachement à la nature et au Créateur est un élément central de la spiritualité des autochtones. Les revendications territoriales ne relèvent pas strictement de l'ordre économique. Elles ont aussi une dimension spirituelle pour les collectivités autochtones de la Colombie-Britannique.

Je crois que la Chambre reconnaîtra que la décision du gouvernement provincial de se présenter à la table des négociations a été d'une importance cruciale. Avant 1990, les Canadiens autochtones de la Colombie-Britannique n'avaient aucun espoir et n'avaient pas droit à des avantages égaux. Je rappelle à la Chambre certains des événements qui ont abouti à ce tournant, car il y a là quelque chose de profondément ironique.

L'un des acteurs clés qui ont poussé le gouvernement de la Colombie-Britannique à revenir sur son opposition historique à la négociation de traités a été le ministre des Affaires autochtones de la province à l'époque, M. Jack Weisgerber. M. Weisgerber était ministre dans le Cabinet créditiste lorsque le gouvernement a décidé de négocier. Aujourd'hui, il dirige le Parti réformiste de la Colombie-Britannique. Quel paradoxe que cette décision ait été prise par un homme qui avait une vraie vision, à la différence de ce qui nous est proposé en face.

En 1989, le gouvernement provincial a mis sur pied le comité consultatif du premier ministre sur les affaires autochtones, comité qui a parcouru la province et a rencontré les bandes et les conseils tribaux afin de proposer des solutions aux problèmes sociaux et économiques des autochtones. Il ne s'agissait pas de continuer à dresser des barrières. Et c'est ainsi que la province a entamé le processus de négociation.

Le conseil consultatif a présenté ses recommandations au cabinet en 1990, et M. Weisgerber a conclu peu après l'entente cadre avec les Nisga'a. Pour la première fois de l'histoire de la Colombie-Britannique, une province négociait un règlement d'une revendication territoriale. La province a bientôt été profondément engagée dans un processus ayant pour objet d'amener les Premières Nations à la table de négociation.

La Colombie-Britannique a participé au Sommet des Premières Nations, et les autorités provinciales se sont réunies avec les autorités fédérales en Colombie-Britannique. Lorsque l'assemblée législative a été saisie du projet de loi 22, instituant le cadre légal de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, M. Weisgerber n'était plus ministre, mais siégeait sur les banquettes de l'opposition.

Le nouveau gouvernement néo-démocrate a cependant poursuivi le processus entamé par le gouvernement créditiste, même s'il avait une idéologie politique différente. Ce faisant, il a réaffirmé la confiance du public dans le caractère certain d'une politique gouvernementale exempte des caprices de la basse politique subjective.

Je voudrais citer ce que M. Weisgerber a dit lors du débat à l'assemblée législative. Il a rappelé que la stratégie de gouvernement en Colombie-Britannique avait consisté durant 125 à 130 ans à nier l'existence d'un problème à l'égard des traités, une théorie que le tiers parti semble continuer d'épouser. Il a dit:

Il est devenu de plus en plus évident à mesure que nous discutions avec des groupes en parcourant la province que, si nous voulions nous attaquer à la racine des problèmes sociaux et économiques, il fallait régler la question des revendications territoriales.
Il s'agissait là d'une conclusion audacieuse et visionnaire. Elle a exigé beaucoup de courage politique et a renversé la sagesse politique acceptée à l'époque. Elle reconnaissait une simple réalité. C'était là un acte politique audacieux de la part d'un homme politique qui a fait passé le bien public avant l'idéologie politique. J'exhorte les députés du tiers parti à en prendre bonne note.

En 1991, un nouveau gouvernement provincial, le gouvernement néo-démocrate, a approuvé les recommandations du gouvernement précédent. La même année, le gouvernement fédéral a approuvé les recommandations d'un gouvernement provincial qui n'affichait pas la même bannière politique que lui.

M. Weisgerber a prédit à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique que les membres des premières nations se montreraient de fins négociateurs. Il a exhorté le gouvernement provincial à bien négocier tous les détails dans l'intérêt de toute la population. À son avis, les négociations devaient être serrées, mais justes.

Telle est l'opinion d'un Canadien de la Colombie-Britannique qui est notamment un des auteurs du processus actuel en matière de traités. Si je l'ai longuement cité, c'est par suite de la motion du député de North Island-Powell River voulant que le gouvernement fédéral ne signe aucune entente afin de respecter l'opinion des habitants de la Colombie-Britannique au sujet des revendications territoriales telle que l'ont exprimée les deux principaux partis d'opposition de la province. Le chef de l'un de ces partis, à savoir le Parti réformiste de la Colombie-Britannique, est M. Jack Weisgerber, l'homme qui, en 1990, avait fait passer la justice avant la politique.

Il est évident que les habitants de la Colombie-Britannique veulent régler au plus vite les revendications territoriales afin d'atteindre à une stabilité propice à la relance économique. Le processus est valable. Il a l'appui des peuples autochtones et des deux ordres de gouvernement. On ne peut pas suspendre le processus chaque fois que le mandat d'un gouvernement tire à sa fin. C'est injuste et cruel.

(1240)

Où en serions-nous aujourd'hui si nous avions suivi la logique de la motion proposée par le député? Le gouvernement fédéral libéral et le gouvernement provincial néo-démocrate n'appliqueraient pas une politique adoptée de bonne foi dans l'intérêt supérieur de la population.

En mai 1993, le gouvernement fédéral précédent était en place depuis près de cinq ans, soit depuis les élections de 1988. En fait,


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l'ancien premier ministre avait annoncé son intention de démissionner et le Parti progressiste conservateur était en plein congrès à la direction. Est-ce que le gouvernement provincial et le sommet autochtone ont alors dit: «Un instant. Peut-être ne devrions-nous pas adopter ce projet de loi. Après tout, le mandat du gouvernement fédéral tire à sa fin. Attendons jusqu'aux prochaines élections fédérales»? Ont-ils dit cela? Bien sûr que non.

Les Canadiens élisent leurs représentants pour un mandat entier. Ils espèrent que la politique par procuration ne nuira pas à une bonne politique publique. Sinon, il s'ensuivrait une déstabilisation majeure au Canada tous les quatre ans et les mesures de contrôle provinciales et du commerce international n'auraient plus aucun sens. On a vu, récemment, comment cette politique pour la galerie a paralysé le gouvernement des États-Unis.

Laissons le gouvernement de la Colombie-Britannique régler ses affaires à sa guise et assumons nos propres responsabilités en adoptant des mesures qui amélioreront la situation économique et sociale des autochtones du Canada.

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, la députée a dit que la motion a quelque chose de cynique.

En temps normal, un gouvernement qui en est aux derniers mois de son mandat ne prend pas de grands engagements exécutoires. S'il le fait, il risque de voir ces accords être annulés par la suite. Il existe un précédent très clair en Colombie-Britannique et un autre précédent très clair au niveau fédéral. Le gouvernement actuel devrait le savoir mieux que quiconque, puisqu'il a annulé le projet d'acquisition d'hélicoptères EH-101 et a aussi tenté d'annuler l'accord de l'aéroport Pearson.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique devrait accepter, de son propre gré, de suspendre les négociations. Il a cependant signalé qu'il voulait conclure un accord d'ici le mois de janvier. Il est fort probable que des élections provinciales aient lieu entre le mois de mars et le mois de juin. Le moment est donc mal choisi pour conclure un accord qui créera un précédent pour les 47 autres accords qui font actuellement l'objet de négociations. Je le répète, selon les premières estimations, il en coûterait 10 milliards de dollars pour régler ces revendications.

On a discuté de l'accord-cadre que M. Weisgerber a conclu avec les Nisga'a en 1991. J'en ai parlé un peu plus tôt au cours de mon intervention. J'ai cité le paragraphe 7.1(1) qu'on évoque souvent pour alléguer que les négociations entourant cet accord n'étaient pas transparentes et que M. Weisgerber en a d'ailleurs convenu. Je n'ai pas à défendre M. Weisgerber. Je peux toutefois vous lire un extrait de l'accord. À mon avis, cet extrait ne correspond pas à l'interprétation qu'on a voulu lui donner. Je vous cite l'extrait de nouveau:

Les parties élaboreront et appliqueront ensemble un processus d'information et de consultation publiques et se réuniront avec les personnes, les organisations ou les groupes qui, à leur avis, aideront à parvenir à un consensus public et les parties pourront organiser séparément, si elles le jugent bon, d'autres séances de consultation et d'information, y compris des initiatives visant à recueillir de nombreux renseignements et un large consensus.
C'est loin d'être des négociations non transparentes.

(1245)

Enfin, la députée semble suggérer que notre motion laisse entendre qu'il ne devrait pas y avoir de négociations. Ce n'est pas du tout ce que nous disons. Nous disons qu'un gouvernement provincial ne devrait pas tenir des négociations concluantes ou conclure des accords définitifs dans la dernière partie de son mandat.

Notre demande est fort simple et restreinte. La députée l'interprète mal.

Mme Fry: Monsieur le Président, je serais heureuse de répondre aux deux points soulevés par le député. Il a d'abord dit qu'il était de mise qu'un gouvernement se comporte en canard boiteux durant la dernière année de son mandat. C'est tout à fait inexact.

Ce processus a chevauché les mandats de deux gouvernements. Il a été amorcé durant la dernière année au pouvoir d'un gouvernement créditiste. Il a été repris par un gouvernement néo-démocrate et il est toujours en cours. Il en a été ainsi parce qu'il s'agit d'une excellente mesure d'intérêt public. De toute évidence, cette mesure sera dans l'intérêt public, et il faut pouvoir mener à bien le processus.

Si un gouvernement provincial devait interrompre un processus tripartite avec un autre palier de gouvernement et un groupe de personnes dûment désignées pour négocier de bonne foi au nom des leurs, s'il fallait qu'un gouvernement provincial ou fédéral fasse cela la dernière année de son mandat, une fois tous les trois ans, il n'y aurait aucune négociation, ni aucune ratification d'entente. Cela rendrait chaque palier de gouvernement inefficace.

Les autochtones, la troisième partie aux négociations, s'interrogent sur la valeur du processus. Cela tournerait en dérision toute forme de négociation.

Par ailleurs, le député a cité les paroles de M. Weisgerber et parlé des modifications apportées au processus de négociation du traité des Nishga, depuis sa mise en place par M. Weisgerber. Il a raison.

M. Weisgerber n'a pas dit-j'ai écouté attentivement la citation-qu'il faut interrompre le processus; il a dit qu'il faut continuer de l'améliorer quand on lui découvre des lacunes. C'est tout à fait légitime.

Le député demande que nous mettions un terme au processus en cours. Les négociations se poursuivent. Un accord pourrait être conclu d'un moment à l'autre, et nous devrions faire fi de tout le travail accompli cette année pour arriver là? C'est insensé, à mon avis. Ce serait une façon de procéder inefficace pour tout gouvernement et pour toute négociation.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, les députés réformistes partageront leur temps de parole à partir de maintenant.


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Je voudrais réfuter les propos de la députée qui m'a précédé. Elle a semblé insinuer que, d'une certaine manière, les réformistes seraient responsables de l'existence d'un gouvernement boiteux, selon le terme qu'elle a utilisé. En fait, c'est la propre faute du gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique s'il est devenu un canard boiteux. C'est uniquement sa faute à lui.

Nous sommes à l'aube du XXIe siècle. En ce qui a trait au processus de conclusion de traités de la Colombie-Britannique, nous avons des obligations envers les futures générations de Canadiens, autochtones comme non autochtones. Nous devons amorcer les négociations en ayant bien en vue les objectifs que nous voulons atteindre. J'estime qu'un objectif fondamental de toutes négociations avec les peuples autochtones devrait être l'égalité.

S'il y a des doléances historiques, elles doivent être réglées. Le résultat final devrait être l'égalité et non la création de deux classes de citoyens ni la création de davantage de droits spéciaux réservés à certaines personnes en fonction de leur race. Nous sommes tous des Canadiens et la politique gouvernementale ne devrait pas être fondée sur la culpabilité ou une sorte de volonté malavisée de remédier aux torts du passé.

Les habitants de la Colombie-Britannique le reconnaissent. Les partis de l'opposition se rendent compte aussi que les principes sous-jacents aux actuelles négociations sur les traités en Colombie-Britannique sont viciés. Il faut regarder vers l'avenir et non se tourner vers le passé.

(1250)

Certes, nous devons tirer des leçons de la sombre histoire des politiques du Canada dans les affaires indiennes dans le passé. Cependant, quel enseignement fondamental peut-on en tirer? C'est simplement que les politiques en vertu desquelles des droits ou un statut particuliers ont été accordés aux Indiens sous prétexte de les protéger ont lamentablement échoué. Pendant de nombreuses années, les Indiens ont perdu leur statut et leur droit de vivre avec leur famille dans leur réserve s'ils avaient un diplôme universitaire ou s'ils avaient combattu pour leur pays lors de conflits outre-mer. Ils ont obtenu le droit de vote seulement dans les années 60. Des enfants ont été enlevés à leur famille et envoyés dans des foyers d'accueil ou des internats. Même si les autochtones le savent depuis des décennies, les récits des sévices, de la violence morale et des agressions sexuelles subis par ces enfants ne font que commencer à paraître dans la presse ordinaire.

Pas plus tard que cette semaine, l'Église a fait ses excuses officielles pour les souffrances causées par ses membres.

Il existe une foule de preuves sur les mauvais traitements infligés aux Indiens. Cependant, il ne sert à rien, ni pour les autochtones ni pour les non-autochtones, de s'attarder au passé. Ce n'est pas comme cela qu'on réglera les problèmes d'aujourd'hui. Nous devons tirer les leçons de nos erreurs afin de ne pas les répéter. Le temps est venu de passer à autre chose.

Le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique est orienté dans la mauvaise direction. Les droits ancestraux et issus des traités des autochtones sont protégés par la Loi constitutionnelle de 1991. Il s'ensuit que les traités que nous conclurons à la hâte seront virtuellement impossibles à changer quelqu'imparfaits ou inapplicables qu'ils puissent être.

Il faut clarifier toute obligation juridique envers les peuples autochtones le plus rapidement possible, car, jusqu'à ce que nous le fassions, les titres aborigènes resteront sans règlement et l'incertitude juridique quant à la propriété de la terre et des ressources sera maintenue.

Les règlements doivent être abordables et ils doivent être définitifs. Si les gouvernements fédéral et provinciaux prétendent représenter les intérêts de tous les Canadiens, alors ils doivent négocier seulement ce qu'ils ont l'obligation juridique de négocier selon les tribunaux.

Autant que je sache, les tribunaux n'ont pas dit que le gouvernement devait céder d'importantes étendues de terrain aux collectivités autochtones. Dans l'affaire Delgamuukw, comme on l'a déjà dit, les juges ont reconnu un intérêt autochtone dans les terres, mais pas un droit de propriété directe. Par conséquent, sur le plan juridique, l'État n'a pas à céder à une bande toutes les terres qu'elle revendique comme étant son territoire traditionnel, mais il doit reconnaître certains droits traditionnels relativement à l'utilisation de ces terres.

Nous devons respecter ces décisions des tribunaux parce qu'elles sont fondées sur la protection des droits autochtones garantis dans la Constitution. Par conséquent, toute entente signée par le gouvernement devrait respecter entièrement nos obligations juridiques, mais pas les dépasser. Si le gouvernement croit qu'il a l'obligation morale d'offrir plus, alors toutes ces offres devraient être faites en dehors des traités.

Les gouvernements du jour n'ont pas le mandat de contracter, au nom de nos enfants, des dettes accablantes qui vont au-delà de leurs obligations juridiques. Ils n'ont pas le droit de créer une classe supérieure de citoyens en signant des traités qui donnent des droits additionnels fondés sur l'appartenance à une bande ou à une collectivité particulière. Nous serons bientôt au XXIe siècle, pas au XIIe.

J'aimerais bien qu'un député d'en face ou, en fait, n'importe quelle autre personne qui participe au processus de négociation des traités en Colombie-Britannique me cite le passage de la Constitution qui dit que nous devons signer de nouveaux traités. Je reconnais que les traités existants sont protégés par la Constitution, mais je n'ai pas trouvé la disposition qui dit que nous devons en signer des douzaines et peut-être même des centaines d'autres.

Le gouvernement a l'obligation juridique et morale de régler les différends avec tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non. Je n'ai rien trouvé dans la jurisprudence qui nous oblige à signer des traités pour ce faire. Pour tous les autres groupes de la société, les griefs sont réglés au moyen d'une forme ou d'une autre d'indemnisation déterminée et quantifiable. Pourquoi pas dans le cas des autochtones?

Il est plus que temps de régler les différends historiques, mais la solution devrait être une indemnisation en liquide, pas un traité et des droits ou un statut spéciaux inscrits dans la Constitution. Les règlements en liquide laisseraient aux autochtones le soin de décider eux-même de leur avenir. Ils pourraient démarrer leurs propres


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petites entreprises, acheter des terres ou placer l'argent à la banque pour leurs enfants.

Si des terres font partie des règlements, elles devraient être transférées à des particuliers en fief simple, comme c'est le cas pour tous les autres Canadiens qui possèdent des terres.

(1255)

Les exemptions d'impôt rattachées au système actuel des réserves aux termes de la Loi sur les Indiens sont fondées sur l'idée paternaliste selon laquelle les autochtones vendraient leurs terres au premier homme d'affaires peu scrupuleux venu. Personne, ni les autochtones, ni les autres Canadiens, ne veulent de la Loi sur les Indiens. Cela signifie que l'on doit aussi éliminer les exemptions d'impôt. Pour que les autochtones se fassent une place dans l'économie moderne, ils doivent accepter d'être mis sur le même pied que tous les autres Canadiens.

Quiconque soutient qu'un règlement sur cette base serait injuste se rend coupable de paternalisme raciste. Si le gouvernement ou les chefs autochtones laissent entendre que toutes les terres transférées doivent être transformées en réserves détenues en propriété commune, ils affirment que les autochtones canadiens sont incapables de prendre des décisions d'affaires éclairées et que le gouvernement doit continuer de protéger leurs intérêts parce qu'ils en sont eux-mêmes incapables.

Qu'avons-nous hérité des traités du passé? Tout d'abord, le système des réserves. Ce système s'inscrivait dans le cadre d'une politique gouvernementale délibérée visant à concentrer et à isoler les autochtones pour mieux les administrer. Cette politique était mauvaise d'un bout à l'autre. Que la pauvreté, la faible espérance de vie, les problèmes de santé et les problèmes sociaux se retrouvent dans tant de réserves du Canada n'est pas un hasard. Les autochtones de la côte est, ceux du Nord, ceux des Prairies et ceux des villages de pêcheurs de la côte ouest n'ont pas une culture et des traditions communes. Les problèmes que l'on constate dans les réserves ne s'expliquent pas parce que les gens qui y vivent sont des autochtones. À mon avis, les problèmes viennent du système des réserves lui-même.

D'abord et avant tout, il faut donner les mêmes chances à tous les Canadiens. Personne ne devrait avoir des droits ou des privilèges spéciaux en raison de sa race. Cela signifie que nous devrions tous payer des impôts et avoir droit aux mêmes programmes. L'intérêt de tous les tiers devrait entrer en ligne de compte. Ce n'est pas ce qui se passe en Colombie-Britannique aujourd'hui. La majorité des habitants de la province s'inquiètent beaucoup des travaux actuels de la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

Nous devons parvenir le plus rapidement possible à des règlements justes avec les autochtones de la Colombie-Britannique. Ces règlements doivent être définitifs et abordables, et ils doivent éteindre toute revendication future de territoires, de ressources, de droits spéciaux et de privilèges. À défaut d'instaurer l'égalité, le Canada ne connaîtra jamais la stabilité sociale et économique.

Les graves problèmes sociaux que nous observons aujourd'hui dans les réserves ne peuvent pas se régler en signant des traités. Les traités et les réserves constituent, à mon avis, un élément majeur de ces problèmes.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député a affirmé que le gouvernement devrait substituer des indemnisations en espèces aux règlements négociés. Les règlements négociés avec les autochtones prévoient le versement de sommes d'argent, mais l'argent seul ne suffirait pas à assurer le règlement durable qui est nécessaire dans ce genre de négociations. Ces négociations seront, en fin de compte, bénéfiques pour l'ensemble de la Colombie-Britannique, car elles permettront de régler la question une fois pour toutes.

Les règlements négociés reposent sur un ensemble d'avantages et il doit continuer d'en être ainsi si nous voulons assurer une répartition durable des droits aux autochtones, lesquels doivent englober les droits de prélèvement et de participation à la gestion de la faune et de l'environnement.

Le député a dit qu'il ne voit aucune base juridique sur laquelle fonder des règlements de revendications territoriales globales. En 1973, la Cour suprême a reconnu, dans l'affaire Calder, l'existence d'un titre de propriété autochtone en droit canadien. Plus récemment, dans l'affaire Sparrow, le même tribunal a statué que le droit des autochtones de pratiquer la pêche à des fins de subsistance était protégé par la Constitution. Le tribunal a souligné dans les deux cas que le règlement des revendications des autochtones concernant les droits et les titres de propriété des terres et des ressources devait passer par des ententes négociées.

Le député a dit que nous devrions accorder des titres en fief simple ou l'équivalent. C'est précisément ce que nous faisons. Mon collègue devrait peut-être mieux s'informer au sujet du processus de négociation.

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, comme d'habitude, la députée d'en face va un peu loin.

(1300)

Elle a dit que j'avais affirmé être favorable à des indemnisations financières directes et non à un règlement négocié. C'est ridicule. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

J'ai dit que j'étais en faveur d'un règlement financier, mais il faudra évidemment qu'il soit négocié. Comme le gouvernement peut-il s'entendre avec les autochtones sur le montant de l'indemnisation s'il ne négocie pas? Cette affirmation est absolument ridicule. Ce n'est pas ce que j'ai dit. La seule chose qui lui ait fait dire cela, c'est qu'elle a entendu ce qu'elle voulait entendre en m'écoutant, comme c'est souvent le cas.

Cela fait ressortir le problème fondamental qui se pose pour les réformistes, tant à la Chambre qu'à l'extérieur. Nous essayons d'éclairer les choses sur les questions politiquement importantes. Il y en a tellement, qu'on parle des revendications territoriales non résolues, de l'immigration ou des droits des homosexuels. Ce sont toutes des questions qu'il est préférable de taire pour rester politiquement correct.


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Quand les réformistes présentent des politiques que le parti veut présenter, nous sommes victimes d'une attaque en règle. Si nous passons tout notre temps à essayer de nous défendre contre des affirmations comme celles que nous avons entendues ce matin à la Chambre, nous ne pourrons jamais faire valoir nos propres solutions en tant que parti d'opposition, c'est-à-dire présenter d'autres solutions aux Canadiens.

Voilà toute la question ici. Aurons-nous un processus ouvert? Aurons-nous un processus qui permette à tous de présenter leurs éléments de solution? Allons-nous continuer à voir ce genre de règlements conclus à huis clos avec quelques personnes choisies, soit des dirigeants autochtones et des représentants de l'industrie autochtone, comme des consultants, des ingénieurs et plusieurs avocats? Allons-nous élargir le cercle pour y ajouter l'ensemble des Canadiens, pas seulement les autochtones de la Colombie-Britannique, mais les non-autochtones que nous allons tenir au courant?

En outre, le député a abordé la question des fondements juridiques de cette entreprise. Ce que j'ai dit, c'est que je ne vois aucun fondement juridique à cette décision de conclure des traités. Oui, nous avons des ententes, nous avons des traités. Ce que je disais, c'est que je ne vois pas pourquoi nous devrions conclure des traités qui confèrent à un certain groupe de notre société des droits constitutionnels particuliers qui ne sont pas donnés à tous les Canadiens.

Tant que nous nous obstinerons dans cette voie, les dissensions se feront plus profondes. Nous sommes en train d'attiser la discorde entre les autochtones et les non-autochtones, au lieu d'essayer de régler les problèmes du passé que j'ai mentionnés dans mon intervention et au lieu d'essayer d'adopter une autre approche.

Nous ne pouvons pas atteindre à l'égalité du jour au lendemain. Le Parti réformiste ne dit pas que nous pouvons être tous égaux d'un coup de baguette magique. Nous reconnaissons que certains segments de notre société, dont les plus pauvres parmi les pauvres, commencent avec beaucoup moins d'atouts dans la vie et que nous devons les aider. Mais l'aide ne veut pas dire une aumône perpétuelle. Les gens ne veulent pas qu'on leur fasse perpétuellement l'aumône, et nous ne devrions pas le faire, car ce n'est pas la solution.

Si c'était la solution, le problème serait maintenant réglé avec les quelque neuf milliards de dollars par an consacrés aux programmes autochtones qui relèvent directement ou indirectement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nous consacrons quelque neuf milliards de dollars pour ces gens. Certes, nous voulons tous régler ce problème, mais la solution n'est pas de donner de l'argent, ce qui serait fait depuis longtemps.

On a dit aussi à plusieurs reprises aujourd'hui qu'un groupe très sélect profitait de cette véritable industrie indienne en expansion. Qunad je visite certaines réserves de ma circonscription, comme Fort Ware qui est un exemple désastreux, je vois bien que l'aide que nous voulons tant voir parvenir aux plus pauvres parmi les pauvres ne se rend pas. Cette aide n'atteint pas l'objectif prévu.

Peu importe combien nous dépensons par an, ces fonds sont inutiles. Nous devons trouver d'autres solutions, des solutions nouvelles.

(1305)

À la fin, tout ce que je veux dire, c'est que l'objectif ultime pour tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non autochtones, doit être l'égalité pour tous, un traitement égal pour tous.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je participe au débat d'aujourd'hui. Mes propos porteront sur la décision même de négocier des traités.

La politique du gouvernement en la matière est plus avancée en Colombie-Britannique que nulle part ailleurs. Dans cette province, l'inquiétude monte avec les progrès du processus. Cette inquiétude, loin de se limiter à la Colombie-Britannique, gagne peu à peu le reste du pays. Les autochtones à la base commencent à se faire entendre. Ils s'inquiètent de ce que le processus de négociation risque d'aboutir à un transfert de pouvoir à un palier plus local, sans qu'eux-mêmes aient jamais leur mot à dire sur ce qui les touche dans leur vie de tous les jours. Du côté des non-autochtones, on s'inquiète de plus en plus de ne pas savoir sur quoi portent les négociations.

Ces inquiétudes donnent à penser qu'on a choisi de négocier plutôt que d'avoir recours aux tribunaux. Le processus de négociation relève du domaine parlementaire, alors qu'une approche judiciaire relèverait des tribunaux. La Chambre garde le contrôle. Il semblerait que la meilleure façon de procéder soit donc de négocier.

Quand on a une bonne idée, il faut savoir la vendre, si on veut qu'elle prenne et qu'elle soit acceptée. C'est ce qui a manqué dans cette politique, dans cette approche. Les inquiétudes ont atteint des proportions telles que les partis d'opposition ont soulevé le problème à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique.

Il a été dit que les accords conclus jusqu'à présent ne seraient peut-être pas honorés. Je crois que la bande des Nisga'a, avec laquelle les négociations sont le plus avancées, est celle qu'on donne comme exemple.

Je ne citerai pas tous les exemples que suscite le processus de négociation. Je préfère m'en tenir à ces inquiétudes. Il ne s'agit pas seulement d'inquiétudes exprimées par les deux cotés de la table et le public à propos du manque de communication. Il y a aussi tout le processus de négociation. Si nous faisons un parallèle avec les relations de travail, les membres savent ce qui est sur la table et ce que l'on va négocier. La porte de la salle de négociations est peut-être fermée lorsque la négociation se déroule, mais nous connaissons les sujets abordés à la table.

Les municipalités laissent entendre qu'elles ne sont pas représentées à la table de négociations. En fait, elles le sont par les représentants provinciaux que nous élisons. Toutefois, le problème c'est


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l'information, car celle-ci n'est pas transmise à la population et elle n'est même pas communiquée à la population avant que les négociations commencent, de sorte qu'elle sache ce qui est sur la table, ce de quoi l'on discute et quels sont les paramètres possibles d'une décision éventuelle. C'est un aspect du processus de négociation qui est hautement critiquable.

Un autre problème qui inquiète, c'est celui des diverses définitions. Par exemple, un grand nombre de Canadiens pensaient que ce processus de négociation partirait des traités existants ou des traités historiques. Je pensais que l'approche du gouvernement était de négocier ces traités et de parvenir à une extinction de ceux-ci, puis de satisfaire les engagements historiques et ensuite de continuer à bâtir nos vies en tant que Canadiens, dans l'unité. Nous entendons maintenant parler de traités modernes, de traités actifs, de traités autochtones et d'extinction. Nous ne savons pas exactement ce que tous ces termes signifient. Et cela est aussi une source d'inquiétude.

(1310)

Le rapport Hamilton portait sur l'extinction et les droits autochtones. Une des choses que mentionnait ce rapport-on le disait même avant-, c'est que lorsque les autochtones négocient un traité ils laissent tous leurs droits à la porte. Ils essaient de voir ce qu'ils peuvent obtenir. Toutefois ce n'est pas comme ça que l'on doit négocier. Lorsque des négociations commencent, il y a des droits quelque part qui doivent être identifiés. Même dans le cas des relations de travail le contrat précédent constitue généralement le point de départ.

L'un des éléments à examiner est la notion de droits. Qu'est-ce que cela signifie? Le rapport Hamilton tente de définir cette notion de la façon suivante: lorsqu'on négocie un traité, la décision de toutes les parties se transforme en droits pour toutes les parties et ces droits deviennent des acquis de base lors de la négociation suivante. Le rapport dit que nous devrions examiner aussi l'extinction. Lorsqu'un point a été étudié et qu'une entente est intervenue à son sujet, la question est close et elle ne peut plus être soulevée. Je crois qu'il existe déjà une disposition permettant de rouvrir une entente sur un point; sinon, cette disposition devrait être ajoutée pour qu'il soit possible de discuter à nouveau d'un élément en cas de changements dans la société.

Il existe cependant une sorte de finalité qui devrait régler le cas de l'extinction. À mon avis, cet aspect explique en partie le rôle du traité moderne ou du traité en vigueur. Cette notion n'était pas apparente lors de l'élaboration de la politique originale. À moins de recevoir de plus amples renseignements sur les effets possibles de ce genre de chose, cet aspect à lui seul justifierait une certaine inquiétude.

Revenons au processus et aux motifs d'inquiétude. D'un point de vue parlementaire, l'un des sujets d'inquiétude est très pertinent. Pour l'instant, je ne veux pas parler du contenu du projet de loi sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Ce que je veux dire, c'est que la Chambre a été saisie d'un projet de loi élaboré à la suite d'une entente entre trois parties représentées à la Chambre. Par conséquent, la Chambre débattait d'une question qui avait déjà été réglée.

Je peux comprendre que le rejet de ce projet de loi créerait une charge de travail considérable. Nous aurions à revenir sur tout ce qui avaait été fait auparavant. Néanmoins, étant donné qu'il s'agit de nos représentants, la question aurait pu être débattue à la Chambre avant que les parties ne parviennent à une entente de sorte que, certains paramètres ayant été établis, nous ayons su ce qui allait être déposé sur la table au tout début des négociations.

Il y a un autre point à considérer en ce qui concerne les groupes culturels, à savoir le processus qui est en cours. La question se pose quand on entend les autochtones se qualifier eux-même de «nations». L'ennui, c'est qu'il s'agira de nations au sein d'une nation. C'est une notion dont on ignore les implications et ça nous préoccupe.

Nous devons également tenir compte d'un autre enjeu, l'unité. Voici donc un processus de négociation qui pourrait déboucher, dans un avenir plus ou moins rapproché, sur cette notion de «nations au sein d'une nation». Or, nous sommes déjà engagés dans un processus, parlementaire celui-ci, en réponse à ce qui se passe au Québec, qui est aussi une autre source de division. Je vais limiter mes observations à celles portant sur le processus autochtone. À travers ce processus sommes-nous en train de créer une autre possibilité d'engager un débat sur l'unité? Je le crains.

(1315)

Ce qui se dégage du tableau d'ensemble-et en cela la Colombie-Britannique veut transmettre un message aux Canadiens-c'est que les gens ne sont pas assez renseignés sur le sujet. Nous ne savons pas ce dont il est question à ces tables de négociation. Nous sommes ici à nous demander ce qui en résultera.

L'assertion contraire consiste à faire valoir que nous y avons des représentants. À cela je répondrai qu'ils ne se sont pas préoccupés de demander l'avis de ceux qu'ils représentent afin d'en faire part à la table de négociation.

Pour illustrer mon propos, je vous suggère de songer à ce qui se passe durant des négociations entre la direction et le syndicat. Nous savons de quoi parlent ces gens derrière des portes closes. Nous connaissons tous les paramètres, mais nous savons que leurs discussions vont finir par aboutir à quelque chose. Il se peut que nous n'obtenions pas tout ce que nous souhaitons, mais nous serons peut-être en mesure d'en obtenir une partie.

Je tiens à dire très clairement au gouvernement qu'il ne peut plus négocier à huis clos. Il faut négocier au grand jour. La Colombie-Britannique est nettement en avance sur le reste du pays en ce qui concerne ces négociations. Si nous éprouvons des problèmes dans cette province, cela va se répercuter dans tout le pays au fur et à mesure, à moins que nous ne modifiions certaines des choses que nous faisons dans le cadre du processus à l'heure actuelle. Il faut informer les gouvernements municipaux de la façon dont on repré-


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sente leurs intérêts à la table des négociations, il doit y avoir un mécanisme à cette fin, etc.

L'autre chose qu'on doit expliquer en termes généraux, c'est ce qu'on entend par autonomie gouvernementale. Donne-t-on aux autochtones des pouvoirs semblables à ceux des municipalités? Cela ressemblera-t-il plus à un gouvernement provincial? Va-t-on finir par avoir des territoires individuels au sein du pays et cela va-t-il conduire à des négociations futures possibles au sujet de l'unité du pays? Ce sont certaines des réserves que j'ai au sujet de tout ce processus.

Nous devrions examiner la situation en Colombie-Britannique. Il ne s'agit pas simplement de s'arrêter sur ce qui se produit de nos jours, mais de voir à quoi cela va nous conduire dans 10, 15 ou 100 ans d'ici.

Le rapport Hamilton est-il basé strictement sur les négociations et l'établissement des paramètres? Je suppose qu'il ne tardera pas à être inclus dans le processus, puisque c'est le ministre lui-même qui l'a commandé.

Il faut préciser la forme que prendra le traité moderne. On doit donner une certaine indication à la population, autochtone et non autochtone, qu'on peut accélérer ce processus et qu'il ne faudra pas 20 ou 30 années pour négocier des contrats individuels et ce type de choses.

On s'inquiète de la situation en Colombie-Britannique et ces craintes parviennent aux oreilles des groupes politiques de la province. Ils expriment également des réserves au sujet de certains aspects du processus. J'espère sincèrement et je recommande que le gouvernement prenne le temps d'examiner ce qui se passe ici et trouve des façons d'apaiser certaines de ces craintes, s'il choisit de suivre cette politique.

Avant de terminer, j'ai une autre question que je voudrais soulever. Une bonne partie de ces négociations sont basées sur le fait que l'administration de la bande se fera de façon démocratique. Pourtant, pour que la bande établisse ce processus démocratique et tienne des élections, elle ne peut pas vraiment en appeler à un directeur général des élections du Canada et elle doit s'en remettre au ministre lui-même. Il faut régler cette question également et faire en sorte que les autochtones aient la même procédure électorale que les autres Canadiens.

M. John English (secrétaire parlementaire du Président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, la députée a parlé du processus référendaire au Québec. À cet égard, je me rappelle que le Parti réformiste a dit qu'il fallait que les affaires de l'État se poursuivent comme à l'accoutumée. Cependant, dans le cas qui nous occupe, on nous demande de retarder un processus jusqu'à ce que des élections aient lieu en Colombie-Britannique. Ces élections pourraient survenir dans un avenir très lointain. Elles n'ont pas été déclenchées et n'ont pas besoin de l'être d'ici un certain temps. Cela semble être une contradiction dans la politique du Parti réformiste.

(1320)

Le deuxième point que je voudrais soulever concerne l'observation selon laquelle les négociations ont lieu à huis clos. Il est très clair que toute négociation comporte une part de secret. Lorsque nous achetons une voiture, par exemple, nous ne dévoilons pas immédiatement nos intentions. Cependant, dans le cas des négociations dont nous parlons aujourd'hui, le gouvernement du Canada a fait une déclaration indiquant comment il entend s'assurer que le processus de conclusion de traités sera ouvert et accessible et comment des registres publics seront maintenus. En fait, il y aura un échange de renseignements.

Je me demande si la députée est au courant de cette déclaration et quelles observations elle peut faire à propos de l'analogie avec le Québec.

Mme Bridgman: Monsieur le Président, en faisant mes observations, j'ai exprimé mon inquiétude concernant l'unité canadienne. Cette question donne actuellement lieu à un débat entre une province et le Canada. Cependant, il est possible qu'il y ait des débats sur l'unité au sein de divers groupes autochtones, si nous poursuivons le même processus sans en préciser la signification.

Ceux qui connaissent bien le processus et qui savent quel sera le règlement final ne partagent pas mes inquiétudes. Ils croient peut-être que le processus des négociations autochtones n'aboutira jamais à un autre problème d'unité. Si notre crainte n'est pas fondée, qu'on nous donne des explications pour la dissiper.

L'essentiel de mon message, c'est que le processus que le Canada applique dans les deux situations pourrait éventuellement soulever le même débat.

La deuxième question portait sur l'information du public. Je reconnais que l'on s'efforce depuis un an de renseigner davantage les Canadiens. Ces efforts font suite aux inquiétudes formulées aux bons endroits par des personnes au franc parler. Toutefois, beaucoup de renseignements, sinon la totalité, sont fournis après coup. Nous ignorons toujours dans quel contexte se déroulent les négociations. Au fond, ce que nous constatons, c'est l'ampleur des revendications territoriales. Nous ne savons pas vraiment ce qui va se passer.

Si nous observons notre processus démocratique consistant à élire des représentants, ces derniers sont bel et bien présents, mais nous n'avons pas la moindre idée de ce qu'ils font tant que ce n'est pas chose faite. S'ils étudiaient le processus, ils pourraient certainement dissiper une grande partie de l'inquiétude de la population en l'informant davantage sur leurs objectifs.

Pour ce qui est de retarder le processus, cette remarque était peut-être liée à la stratégie politique concernant les élections. Quoi qu'il en soit, ce retard devrait servir à examiner ce qui se fait vraiment, étant donné les inquiétudes. Un point à temps en vaut cent. Le problème ne disparaîtra que s'il y a un effort concerté de la


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part des intéressés et du gouvernement pour définir les objectifs qu'ils tentent de réaliser.

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M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'espérais qu'il y aurait des députés réformistes à la Chambre pour constater. . .

Le vice-président: Le député sait que cela le met en colère quand quelqu'un de l'autre côté de la Chambre fait ce genre d'observation. Il n'est pas permis de faire allusion à la présence ou à l'absence d'autres députés à la Chambre, et je prierais le député de ne plus recommencer.

M. Telegdi: Je m'excuse, monsieur le Président.

Je voudrais appuyer ce que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a dit en parlant de l'importance des négociations de traités. Comme les députés le savent, seule une faible minorité des Premières Nations de la Colombie-Britannique ont signé des traités avec la Couronne.

Dans le sud de l'île de Vancouver, plusieurs Premières Nations ont signé des traités avec le gouverneur Douglas au milieu du XIXe siècle. À la fin du siècle, le district de Peace River a été inclus dans le traité no 8 signé par le gouvernement du Canada.

Le Conseil tribal des Nisga'a négocie activement depuis une vingtaine d'années avec les gouvernements fédéral et provincial. Quand ces négociations seront terminées et qu'un accord aura été conclu, il s'agira du premier traité à avoir été signé avec les Premières Nations de la Colombie-Britannique au cours du siècle actuel.

Nous arrivons au seuil du siècle prochain. Les habitants de la Colombie-Britannique veulent entrer dans le XXIe siècle en ayant la certitude que le travail inachevé au XIXe siècle a été terminé.

Les revendications territoriales des Premières Nations de la Colombie-Britannique doivent être réglées, car le règlement de ces problèmes crée un climat de certitude, lequel stimule la croissance économique et la création d'emplois. Régler les problèmes relatifs au territoire et aux ressources permet de créer un climat favorable aux investissements et au regain de l'activité économique locale.

Nous avons fait beaucoup de progrès depuis quelques années pour réussir à terminer ce travail inachevé. En 1990, les gouvernements fédéral et provincial et les dirigeants des Premières Nations de la Colombie-Britannique ont convenu de mettre sur pied un groupe de travail chargé d'élaborer un processus de négociation qui fasse l'affaire des nombreuses Premières Nations de la province qui voulaient négocier des règlements.

Le groupe de travail a fait rapport le 28 juin 1991 en soumettant 19 recommandations. Le Sommet des Premières Nations, le Canada et la Colombie-Britannique les ont toutes acceptées. L'une des principales recommandations visait à instituer la Commission des traités de la Colombie-Britannique en tant que gardienne indépendante du processus. Je rappelle à la Chambre que le chef actuel du Parti réformiste de la Colombie-Britannique a été l'un des principaux architectes du processus. Je le félicite de sa largeur de vues et de sa sagesse.

L'accord consacrait les principes de l'établissement de la commission par l'adoption de lois fédérale et provinciale et d'une résolution du sommet. Comme mes collègues le savent, le projet de loi C-107 a été adopté à la Chambre la semaine dernière, et il a été renvoyé à l'autre endroit.

Les commissaires ont entamé leur important travail le 15 décembre 1993 et ont accompli des progrès considérables. À ce jour, 47 groupes des premières nations ont adhéré au processus. Ils représentent plus de 70 p. 100 des premières nations de la province, et il est probable que d'autres groupes viendront se joindre à eux dans un proche avenir.

La commission se compose de cinq commissaires, dont deux sont nommés par le Sommet des Premières Nations, un par le gouvernement provincial et un par le gouvernement du Canada. Quant au président, il est dûment choisi et nommé par les trois parties.

Le Sommet des Premières Nations regroupe toutes les premières nations de la Colombie-Britannique qui ont accepté de participer au processus de négociation des traités en six étapes de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Le Sommet constitue une tribune qui permet aux premières nations participantes de se réunir et de discuter des négociations. Il a travaillé en étroite collaboration avec les gouvernements fédéral et provincial pour mettre au point le processus de négociation et établir la CTCB.

À titre de groupe participant au processus, il continue de donner des directives, au même titre que les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada. Les chefs qui font partie du sommet estiment que la négociation est, de préférence à la confrontation et aux litiges, le meilleur moyen de régler les problèmes encore en suspens. Il est regrettable que le Parti réformiste ne soit pas de cet avis.

Je voudrais dire un mot à la Chambre des hommes et des femmes qui ont accepté de servir le Canada, la Colombie-Britannique et le sommet à titre de commissaires. Mme Carole Corcoran a été la première commissaire élue par le Sommet des Premières Nations. Elle a aussi fait partie du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, de 1990 à 1991. Elle a été membre du conseil des gouverneurs de la University of Northern British Columbia. Elle a malheureusement dû démissionner dernièrement.

Le 4 octobre, les premières nations ont désigné Miles Richardson, des Haida Gwaii, comme deuxième commissaire chargé de les représenter. M. Richardson a fait partie du Groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique, qui a fait rapport aux gouvernements de la province et du Canada ainsi qu'aux premières nations sur la manière dont les parties pourraient amorcer les négociations afin d'établir un nouveau partenariat. De 1991 à 1993, M. Richardson a fait partie du groupe de travail du Sommet des Premières Nations, organe exécutif relevant des premières nations de la Colombie-Britannique en matière de négociations sur les traités.

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Le Sommet des Premières nations a aussi élu, comme un de ses commissaires, M. Wilf Adam de la bande indienne de Lake Babine. M. Adam, ancien conseiller en chef de la bande, est le président de


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la Burns Lake Native Development Corporation et le cofondateur du centre de droit de Burns Lake.

La personne désignée par la Colombie-Britannique, Mme Barbara Fisher, était autrefois avocate-conseil générale et directrice du bureau de l'ombudsman de Vancouver et elle est actuellement avocate-conseil à temps partiel au commissariat à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique.

Depuis avril dernier, le représentant du gouvernement du Canada au sein de la commission est M. Peter Lusztig. M. Lusztig a été professeur de finances à l'université de la Colombie-Britannique et possède aussi une vaste expérience des collectivités. Il a fait partie de la commission royale d'enquête de la Colombie-Britannique sur l'assurance automobile et de la commission d'enquête de la Colombie-Britannique sur l'industrie des arbres fruitiers. En 1991, il a aussi présidé le comité consultatif des initiatives pour l'Asie et le Pacifique, constitué par les gouvernements fédéral et provincial.

Depuis mai dernier, le président est M. Alec Robertson, c.r. La communauté juridique connaît bien son travail comme président de la section de la Colombie-Britannique de l'Association du Barreau canadien, comme président de la fondation du droit de la Colombie-Britannique et comme membre du groupe de travail sur l'égalité des sexes de l'Association du Barreau canadien. M. Robertson a prononcé un discours très éloquent devant le comité permanent chargé d'étudier le projet de loi C-107.

La Chambre reconnaîtra que la Commission des traités de la Colombie-Britannique se compose de cinq Canadiens distingués qui font de l'excellent travail pour que le règlement des revendications territoriales globales se fasse rapidement et de façon ordonnée.

La commission surveille le processus de négociation du traité qui comporte six étapes: premièrement, une déclaration d'intention; deuxièmement, la préparation des négociations; troisièmement, la négociation d'un accord cadre; quatrièmement, la négociation d'un accord de principe; cinquièmement, la mise au point définitive du traité; et, sixièmement, la mise en oeuvre du traité.

La commission évalue à quel point les parties sont prêtes à négocier. Elle doit vérifier si les premières nations ont les ressources nécessaires pour défendre leur cause. Elle doit également vérifier si les gouvernements fédéral et provincial ont mis sur pied des comités consultatifs régionaux, afin que les habitants des collectivités touchées qui ne sont pas des autochtones puissent être entendus.

Ces comités consultatifs régionaux font partie d'une vaste initiative responsable visant à tenir la population et toutes les parties touchées au courant de l'évolution des négociations et à veiller à ce que les conseils fournis par tous les segments de la société de la Colombie-Britannique soient pris en considération. S'ajoutent à cela les bulletins d'information, les assemblées publiques d'information, une ligne 800, de nombreuses conférences, des brochures d'information et diverses autres publications et la participation à des foires commerciales. Les négociations avec la bande de Sechelt sont télévisées.

La commission accorde des prêts aux premières nations pour qu'elles puissent participer au processus. Elle collabore avec toutes les parties afin que le travail s'accomplisse en temps opportun. Si nécessaire et avec l'accord de toutes les parties, la commission va aider les parties à obtenir des services de règlement des différends si les négociations en arrivent à une impasse.

Enfin, la commission contribue à assurer que le processus demeure transparent et responsable. Elle prépare et tient un dossier public sur l'état des négociations et fait rapport de celui-ci à la Chambre. Ses rapports annuels sont déposés à la Chambre. Bref, la Commission des traités de la Colombie-Britannique facilite les négociations concernant les traités, mais n'est pas partie à ces négociations.

Les députés des deux côtés de la Chambre conviendront, j'en suis sûr, qu'il est urgent de régler les revendications territoriales en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique abrite 17 p. 100 de la population autochtone du Canada. Et pourtant, des traités n'ont été signés qu'avec une petite minorité des premières nations de cette province. La question des revendications territoriales entourant les droits autochtones non définis doit être réglée de façon satisfaisante.

Le gouvernement fédéral est déterminé à régler les revendications territoriales de façon juste et équitable pour les autochtones de même que pour les tierces parties et la population en général. J'exhorte la Chambre à rejeter cette motion régressive et malveillante.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux questions à poser au député.

Ce dernier a fait allusion, au début de son discours, à la question des traités historiques. Je suis d'accord. Cela fait 300 ans que nous négocions des traités. J'ai également des réserves à formuler à l'égard de ce concept de traités modernes, vivants ou nouveaux, quel que soit le terme qu'on utilise.

(1335)

Le député ne croit-il pas que la création d'autres traités nous placera dans la même situation que celle dans laquelle nous ont plongé les traités antérieurs ou actuels? Nous faudra-t-il encore beaucoup de temps pour régler tous ces traités-là à la satisfaction de toutes les parties?

Ma seconde question a trait à la commission des traités de la Colombie-Britannique. À ma connaissance, cet organisme prépare le terrain, mais ne participe pas lui-même aux négociations. Je me demande aussi si, dans le cadre de son mandat de préparation des négociations, cet organisme doit s'assurer que les porte-parole des parties en cause ont consulté ceux qu'ils représentent et qu'ils ont leur bénédiction. Sinon, négocient-ils uniquement en fonction de leur opinion personnelle?

M. Telegdi: Monsieur le Président, le processus de négociation des traités vise à donner un coup de pouce aux gens, pas à leur faire la charité. Nous voulons mettre un terme à cette dépendance qui a perduré pendant trop d'années, alors que la question des traités n'était pas réglée. Les autochtones n'ont pas eu l'occasion de nous enrichir de leur apport et d'être autonomes.


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Bien des questions ont été soulevées quant aux fondements juridiques du règlement des revendications territoriales globales et à ce qu'il en est de ces revendications. Je puis dire que, dans une décision rendue en 1973 dans l'affaire Calder, la Cour suprême a reconnu l'existence d'un titre aborigène dans la législation canadienne. Plus récemment, dans l'affaire Sparrow, elle a reconnu que les droits de pêche à des fins de subsistance des autochtones étaient protégés par la Constitution.

À la suite de nombreuses décisions rendues par les tribunaux, le gouvernement du Canada s'est donné comme principe, depuis 1973, de négocier avec les groupes autochtones des règlements qui confirment le titre aborigène et, lorsqu'il existe des preuves à cet effet, le titre permanent. La Loi constitutionnelle de 1982 confirme et reconnaît l'existence des droits ancestraux issus des traités.

Nous voulons mettre un terme à l'incertitude découlant des revendications territoriales non réglées. Nous allons ainsi créer des certitudes qui se traduiront par la création d'emplois, des investissements et une économie plus saine en Colombie-Britannique.

Diverses études ont révélé que le secteur des ressources est privé d'un milliard de dollars d'investissements et de milliers d'emplois dont il pourrait bénéficier si le processus de négociation des traités était mené à bien.

Quant à savoir si les intéressés sont représentés, je dirais qu'ils le sont. Je voudrais par ailleurs attirer l'attention sur les 31 membres du comité consultatif sur les négociations relatives aux traités. Ils viennent de presque tous les secteurs de l'activité économique en Colombie-Britannique et comprennent la B.C. Shellfish Growers Association, la B.C. Fishing Resorts Association, des groupes de pêche sportive, la Steelhead Society of B.C., la Union of B.C. Municipalities, le Community Fishing Industry Council, le Fisheries Council of B.C., le United Fishermen, des représentants des pêches du Nord, l'Interior Forest Industry Coalition et des représentants des syndicats, l'Industrial Woodworkers of America-un excellent syndicat dont j'ai déjà fait partie à un moment donné-la B.C. Real Estate Association, la B.C. Federation of Agriculture, et la liste est encore longue.

Il me semble qu'il faut à un certain moment faire confiance au processus. Nous devons mettre un terme aux injustices qui ont existé et qui, de surcroît, ont coûté cher. Toutes les études ont révélé que, sur le plan économique, la Colombie-Britannique subit les répercussions de cette incertitude. Nous voulons établir des certitudes à ce chapitre et rendre justice aux autochtones, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, à mon avis.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, il est intéressant de souligner que, jusqu'à maintenant, trois députés ministériels sont intervenus dans le débat d'aujourd'hui sur notre motion. Si ma mémoire est bonne, les trois avaient de bons mots à dire au sujet de M. Jack Weisgerber, le chef du Parti réformiste de la Colombie-Britannique. Je me souviens d'avoir entendu le député le féliciter pour sa vision et sa clairvoyance. Il est vrai que M. Weisgerber est un visionnaire et un homme perspicace.

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Je vous lis un extrait de texte: «La grande majorité des habitants de la Colombie-Britannique ont rejeté l'accord de Charlottetown, qui avait été négocié à huis clos. Ils ont rejeté l'inclusion dans la Constitution d'un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui n'avait pas été défini. Je le rejette également. Ils ont aussi rejeté la création d'un troisième ordre de gouvernement pour les autochtones et son inclusion dans la Constitution. Je le rejette également. Nous rejetons aussi la reconnaissance officielle, par le gouvernement, des titres autochtones.» Cet extrait provient d'un discours prononcé le 4 octobre 1995 par M. Jack Weisgerber, chef du Parti réformiste de la Colombie-Britannique

Je me demande si le député, qui ne tarit pas d'éloges pourM. Weisgerber, éloges qu'il mérite par ailleurs, est d'accord avec cette déclaration faite par un visionnaire et un homme perspicace.

M. Telegdi: Monsieur le Président, je parlais des décisions qu'il a prises lorsqu'il était ministre au sein du gouvernement formé par le Crédit social. Il est clair que nous sommes devant un parfait exemple de la transformation d'un membre raisonnable du Crédit social en un réformiste irrationnel.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur la motion du député de North Island-Powell River. Je suis contre cette motion. À mon avis, elle est mal conçue. Pourquoi?

La première raison est que le gouvernement a exposé dans son livre rouge la façon correcte d'aborder cette question. Le gouvernement a bien précisé dans le livre rouge que si nous étions élus, nous établirions avec les autochtones un nouveau partenariat fondé sur le respect mutuel et la confiance. Nous avons dit dans le livre rouge ce que ferait un gouvernement libéral.

Nous avons également dit que notre objectif est de bâtir un avenir où les autochtones ont le même niveau de vie, la même qualité de vie et les mêmes chances que les autres Canadiens, où les Premières nations, les Inuit et les métis, assurés de leur spécificité ont des collectivités autonomes; où la culture autochtone enrichit chacun d'entre nous et où les Canadiens s'attachent à répartir équitablement les potentialités nationales; où les autochtones peuvent élire domicile et trouver un travail là où bon leur semble. Enfin et surtout, de permettre aux enfants autochtones de s'épanouir en toute sécurité au sein de leurs familles et dans des collectivités prospères.

En conséquence, nous avons également dit que le règlement des revendications territoriales serait une priorité. C'est notre conception des choses et nous avons fait progressivement en sorte d'arriver à notre objectif. En deux ans, nous avons fait des progrès considérables.

Le 10 août, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et l'interlocuteur fédéral des métis et des Indiens non inscrits ont annoncé l'approche du gouvernement concernant l'application du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Les accords de


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cogestion et l'appui aux entreprises commerciales contribueront à accroître les possibilités de développement économique des communautés autochtones. Le gouvernement s'est engagé à affecter un montant supplémentaire de 20 millions par année au Programme de soutien aux étudiants indiens et inuit de niveau postsecondaire. Nous avons réglé 44 revendications et cinq règlements de revendications foncières globales sont entrés en vigueur. Le gouvernement a bel et bien réalisé une partie importante des promesses du livre rouge qu'il s'était engagé à tenir pendant la campagne électorale.

Le défi le plus complexe qui se pose au gouvernement et aux Canadiens dans ce domaine est sans doute la signature de traités en Colombie-Britannique. Je rappelle à la Chambre que cette province constitue un cas unique au Canada. Que les députés se rappellent le débat que nous avons tenu récemment à la Chambre. À cet égard, la Colombie-Britannique est une société distincte dans la mesure où la signature des traités est demeurée inachevée. Seule une poignée de traités ont été signés avant la Confédération et ils ne visent que certaines parties de l'île de Vancouver.

En 1899, le traité no 8 a été signé avec les premières nations de la région de Peace River, dans le nord-ouest de la province. Cependant, la question des droits des autochtones demeure en grande partie non résolue ailleurs dans la province. Les premières nations veulent, avec raison, un règlement de ces questions.

(1345)

Les premières nations de la Colombie-Britannique ont demandé à de nombreuses reprises le règlement de ces questions par voie de traité. Avant les années 90 cependant, le gouvernement provincial ne voulait pas négocier, soutenant que les droits que les autochtones de Colombie-Britannique avaient pu avoir sur les terres et les ressources avaient été abrogés par la Couronne.

Cette prise de position a engendré des décennies de litiges juridiques. Les premières nations ont d'abord eu recours aux tribunaux pour obtenir ce qu'elles n'avaient pu obtenir par la négociation. En 1973, la Cour suprême du Canada a été appelée à dire si le droit de propriété des autochtones sur les terres traditionnelles des Nisga'a avait été supprimé par l'arrêt de l'affaire Calder. Dans cette affaire, les six juges étaient partagés moitié-moitié. On a achoppé sur une question de forme très précise ayant trait à la façon dont l'affaire avait été présentée.

En lisant les jugements rendus dans cette affaire, il était évident que les tribunaux canadiens reconnaissaient que les revendications des droits des autochtones sont légitimes, en Colombie-Britannique, et qu'il fallait les traiter équitablement, si nous voulions régler, un jour, cette question terriblement importante.

Pour leur part, les tribunaux avaient affirmé à maintes reprises et sans équivoque que les questions dont ils avaient été saisis devaient être réglées par la négociation et non par la cour. Cette opinion est fondée sur beaucoup de causes différentes. Le juge Macfarlane a écrit, dans un cas, et je cite:

La meilleure manière de respecter les droits des autochtones est de conclure des traités. La question de savoir quels sont les droits des autochtones. . . ne peut être tranchée dans ce cas particulier et doit faire l'objet de négociations.
Voici ce qu'il dit ensuite:

Durant les délibérations, il est devenu évident qu'il y avait deux écoles de pensée.
La première, c'est l'approche du «tout ou rien», qui dit que les nations indiennes étaient ici les premières, qu'elles ont la propriété exclusive et le contrôle de toutes les terres et ressources existantes et qu'elles peuvent en faire ce qu'elles veulent.
La deuxième, c'est l'approche de la coexistence, qui dit que les intérêts des autochtones et des autres peuvent coexister dans une large mesure et qu'on peut appliquer la consultation et la conciliation au processus pour préserver la culture indienne et les intérêts que les autres Canadiens se sont donnés depuis 125 ans. . . Je favorise la deuxième.
Je dois dire que je suis d'accord avec lui. Quand je pratiquais le droit en cabinet privé, j'ai eu l'occasion de travailler sur une affaire de cet ordre qui a été très intéressante et très instructive, l'affaire Baker Lake dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans cette affaire, le tribunal a également reconnu des droits aux autochtones, mais il a omis de préciser quels étaient ces droits. Il a omis de définir ces droits.

Par conséquent, les autochtones de la région se sont dès lors trouvés dans une situation difficile, sachant qu'ils avaient des droits mais ne sachant pas s'ils pourraient les exercer, par opposition aux droits des sociétés minières ou à d'autres revendications, qui peuvent entrer en conflit avec les leurs.

Ces questions ne peuvent pas nécessairement être réglées par les tribunaux. Ceux-ci peuvent convenir de règles générales, en disant par exemple que les autochtones ont encore des droits qui ne sont pas éteints. Ça, c'est une question de droit sur laquelle un tribunal peut se prononcer.

Quelle est la nature exacte de ces droits et de quelle manière ils peuvent s'appliquer dans une société moderne complexe déjà aux prises avec des rivalités sur l'usage urbain ou rural des terres et devant s'accommoder des droits des autochtones? C'est un élément dont il faut tenir compte dans le processus de négociation. C'est ce qu'il reste à faire dans les circonstances. C'est pourquoi je suis d'accord sur ce qu'a dit le juge dans l'affaire que j'ai mentionnée. Je suis sûr que les députés conviendront que l'approche fondée sur la coexistence, la consultation et la réconciliation est la bonne.

Je m'excuse auprès de mes amis de la confrérie juridique, mais le tribunal n'a pas sa place ici. Il y a des cas où nous n'avons pas besoin d'avocats, et certainement pas de juges, pour en arriver à un règlement. Nous avons besoin que les gens aient la volonté politique de régler leurs différends dans un esprit de confiance et de compréhension mutuelles.

Je suis peiné de dire que cet esprit de confiance fait aujourd'hui défaut en Colombie-Britannique. Je suis originaire de Vancouver. J'ai la chance d'y retourner régulièrement. J'ai été témoin des


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souffrances et des protestations qu'a connues cette ville l'été dernier. De tels affrontements ne vont pas régler les problèmes. Ce n'est que grâce à des négociations et au respect mutuel que les problèmes pourront être réglés. L'approche du «tout ou rien» ne réglera rien.

Nous ne pouvons laisser le soin de régler ces questions à ceux qui font peu cas de la loi. C'est ce qui m'inquiète dans cette motion. Je suis surpris qu'un membre du troisième parti puisse présenter une motion proposant que cette question soit reportée à deux ou trois ans. C'est essentiellement ce qu'elle propose.

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J'ai remarqué avec quelle intensité passionnée les députés du troisième parti parlent des droits de leurs électeurs et de la nécessité de défendre leurs électeurs et comment ils déplorent que le gouvernement et le mode d'application des lois de ce pays ne respectent pas adéquatement leurs droits.

Que conseilleraient-ils à leurs électeurs au sujet de la détermination de leurs droits fondamentaux, de leur mode de vie éventuel et de la possibilité de gagner leur vie? Ces droits sont en suspens depuis 30, 40 ou même 50 longues années dans certains cas. Est-ce que les députés suggéreraient à leurs électeurs d'attendre encore? Cela me semble difficile à croire. Je ne crois pas que tel serait leur conseil. Ce qui est bon pour l'un est bon pour tous. Nous ne devrions pas traiter les autochtones du Canada, ou de la Colombie-Britannique, différemment des autres citoyens.

La Commission des traités de la Colombie-Britannique est une assise solide pour la consultation et la réconciliation. Ses opérations sont axées sur la coexistence et une approche consultative. Certaines personnes, à la Chambre et à l'extérieur, maintiennent que le processus fait trop de concessions aux premières nations. Cela aussi commence à susciter du mécontentement.

J'ai entendu des émissions de radio en Colombie-Britannique. J'ai entendu des députés affirmer que les autochtones revendiquent 100 p. 100 du territoire de la province. Les députés savent bien que c'est faux. Nous savons tous que les revendications sont une chose, mais qu'il est irresponsable de les exagérer à un point tel qu'elles pourraient menacer le processus lui-même. Les revendications sont une chose. Elles sont présentées et peuvent être réglées, pas nécessairement par les tribunaux, mais dans le cadre de consultations empreintes de respect mutuel et du désir de parvenir à une solution acceptable pour toutes les parties.

Si on suit cette approche au lieu d'avoir recours à la terreur et de revendiquer la province tout entière, on pourra régler la question de façon beaucoup plus satisfaisante.

Nous savons qu'il y a des revendications concurrentes. La commission le sait. Il est possible de les régler. Mais nous ne parviendrons à rien si nous laissons la situation pourrir pendant deux ans de plus en attendant les prochaines élections provinciales, ce qui aurait pour effet de reporter tout règlement aux calendes grecques et de laisser s'épanouir le manque de confiance, les soupçons et les exagérations qui existent des deux côtés.

C'est pour ces raisons que j'exhorte la Chambre à ne pas adopter la politique du tout ou rien. Nous devrions laisser la Commission des traités de la Colombie-Britannique jouer son rôle qui est de faciliter la conclusion de traités modernes, d'allouer aux autochtones des subventions au titre des négociations, d'aider les parties à obtenir des services de résolution de différends si toutes les parties en font la demande, et de suivre les progrès des négociations.

De la sorte, nous ferons avancer le dossier et nous pourrons espérer parvenir à une résolution équitable, juste et durable de ce problème qui est d'une importance extraordinaire, non seulement pour les citoyens de la Colombie-Britannique, mais également pour ceux du reste du pays qui veulent vivre dans un climat social harmonieux.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai prêté une oreille très attentive aux propos de mon collègue au sujet de la motion que le Parti réformiste a proposée aujourd'hui.

Ce qu'il nous faut vraiment déterminer ici, c'est sa raison d'être. Peut-être n'avons-nous pas été assez clairs dans notre explication. Nous croyons très fermement que, à l'heure actuelle le gouvernement de la Colombie-Britannique n'a pas la crédibilité nécessaire et la confiance qu'il faut de sa population pour continuer de prétendre qu'il a le mandat de conclure des ententes territoriales de très grande envergure ou de nouveaux traités au nom de la Colombie-Britannique.

J'ai entendu le député dire que la confiance faisait défaut en Colombie-Britannique. C'est certainement le cas. Or, il faut se demander pourquoi la confiance fait défaut. Je dirais que c'est à cause du gâchis qu'ont créé le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral dans le passé.

(1355)

Étant donné l'offre faite à propos des revendications territoriales, laquelle est très généreuse de l'avis d'un très grand nombre de Canadiens, faut-il s'étonner de ce que les Canadiens se préoccupent de l'étendue des réclamations en Colombie-Britannique?

M. Graham: Monsieur le Président, le député soulève une question compliquée. La première partie concerne la gestion du pays. Il dit que lui ou les observateurs ont le sentiment que le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique manque de crédibilité.

Je ne suis pas en désaccord avec le fait que le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique éprouve des difficultés sur le plan politique. Nous vivons dans un régime où ce gouvernement a été élu pour exercer un certain mandat et il a certaines obligations de servir la population de la province. Ce n'est pas une nouvelle politique qui a été présentée. L'argument résisterait mieux à une analyse, tant de la population que du régime politique, si le gouvernement actuel proposait une mesure extrême, hors du commun. Ce n'est pas le cas.

17380

La commission a été mise en place pour assainir le processus et pour faire avancer les négociations. Rien ne garantit qu'elles seront terminées avant un changement de gouvernement, mais il faut laisser le processus se poursuivre.

Il serait injuste envers les autochtones d'invoquer l'impopularité du gouvernement actuel comme prétexte pour mettre fin à un long processus historique qui, pour certaines personnes, dure depuis 40 ans. Ce serait irrespectueux envers le régime politique du Canada.

Dans les débats parlementaires, il arrive parfois que nous échangions des points de vue les uns sur les autres, mais le député serait certainement très mécontent si je disais que les sondages révèlent que le Parti réformiste a tel pourcentage de la faveur populaire et que les propos que le député tient à la Chambre ne devraient donc avoir aucune crédibilité. Il a été élu. Il a le droit de s'exprimer.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a été élu pour accomplir un travail. Il le fait. On ne pense pas qu'il le terminera forcément, mais nous devons poursuivre le processus. Une instance élue démocratiquement a instauré un mécanisme nous permettant enfin d'avoir une occasion de régler ces questions sociales extrêmement complexes, difficiles et importantes.

Pour ma part, je voudrais que le processus continue et qu'on parvienne à un règlement pacifique. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup de mal à accepter la prémisse qui sous-tend la motion.

[Français]

Le Président: Mes chers collègues, comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, nous passerons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


17380

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux semaines, j'ai eu le plaisir de visiter une exploitation laitière dans le comté d'Oxford à l'invitation de Jim Donaldson de Donaldson International Livestock Ltd., de Lubor Dobrovic de l'institut slovaque d'élevage, et de George Heyder de l'association Holstein de la Slovaquie. Un membre du conseil d'administration de Ridgetown College et le conseiller en communications de l'ACDI étaient aussi présents.

Donaldson International a pris des mesures pour que des membres clés de l'industrie laitière slovaque reçoivent une formation au cours des trois prochaines années. Ce projet de développement de 800 000 $ aidera à mettre sur pied une industrie laitière viable et moderne en Slovaquie.

Il est extrêmement encourageant de savoir que la petite entreprise canadienne, les institutions d'enseignement canadiennes et l'ACDI peuvent collaborer à des entreprises aussi importantes.

Ce projet de trois ans bénéficiera à l'industrie laitière des deux pays et permettra de forger des liens plus étroits entre le Canada et la jeune République slovaque.

* * *

[Français]

LE TIMOR ORIENTAL

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois désire souligner aujourd'hui le triste 20e anniversaire de l'invasion du Timor oriental par l'armée indonésienne. Cette invasion, faut-il le rappeler, s'est traduite par le génocide de plus du tiers de la population, soit l'un des pires holocaustes depuis 1945.

Malheureusement, les citoyens du Timor oriental sont encore victimes de l'une des plus dures répressions politiques que l'on connaisse.

Année après année, les violations des droits de la personne qui y sont commises sont dénoncées par des organismes reconnus comme Amnistie internationale. En ce triste jour qui nous rappelle que trop d'êtres humains meurent au nom de la liberté, le Bloc québécois tient à dénoncer le comportement très timide du gouvernement canadien en ce qui a trait à la promotion des droits de la personne.

* * *

[Traduction]

VIA RAIL

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le 6 décembre, un autobus transportant des protestataires est arrivé sur la colline parlementaire. Il était couvert de milliers de signatures de gens opposés au subventionnement à outrance de VIA Rail à une époque où les Canadiens font face à une dette gouvernementale écrasante.

L'autobus transportait des protestataires ainsi qu'une pétition signée par presque 10000 personnes. Le ministre des Transports avait été prié d'accepter la pétition de ces citoyens préoccupés, mais il n'a même pas pris la peine de répondre à la demande.

J'ai accepté la pétition mais, comme elle n'est pas conforme au Règlement de la Chambre, je ne peux la présenter en cette enceinte. Je propose donc au ministre des Transports de la lui remettre à l'extérieur de la Chambre tout de suite après la période des questions.

Je demanderais encore une fois au ministre de prendre des mesures pour empêcher VIA Rail de réduire ses tarifs déjà largement subventionnés afin qu'elle puisse se servir de l'argent des Canadiens pour faire concurrence aux entreprises privées qui ne reçoivent pas de subventions.

Le ministre peut soit manifester sa bonne volonté envers les contribuables canadiens, soit continuer de gaspiller leur argent. Les milliers de personnes qui ont signé cette pétition attendent sa réponse.


17381

L'ÉCONOMIE

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, depuis plus de vingt ans, les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays prétendent lutter contre l'inflation et réduire le déficit en réduisant l'impôt des sociétés, en majorant les taux d'intérêts et en faisant des coupes sombres dans les programmes. Mais qu'ont fait les investisseurs avec leur intérêt accumulé et leurs économies d'impôt? Ils s'en sont servi pour faire grimper les cours, tant et si bien que l'indice général des cours aurait, dit-on, augmenté de35 p. 100 depuis l'an dernier.

Pour que leurs niveaux de bénéfices se maintiennent, il va falloir que le prix des biens et des services qu'ils fournissent soient rajustés à la hausse, comme l'inflation d'ailleurs.

Si le gouvernement est sérieux quand il parle de lutte contre l'inflation et de réduction du déficit, ce serait une bonne idée d'imposer une taxe sur les transactions tant pour atténuer les pressions inflationnistes que pour réduire le déficit. Une approche tous azimuts comme celle-là pourrait donner de bons résultats, contrairement à la politique actuelle de taux d'intérêts élevés, de taux d'imposition peu élevés pour les sociétés et de réduction radicale des programmes offerts.

Quand on pense que les objectifs fixés en matière de réduction du déficit n'ont pas été atteints une seule fois en 20 ans, il serait grand temps de songer à prendre des moyens qui pourraient marcher.

* * *

LES BANQUES

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, les grandes banques souhaitent vendre de l'assurance directement à leurs clients.

Or, la perspective d'une concentration du pouvoir dans les mains de quelques grandes banques, compromettant ainsi la sécurité du système financier, inquiète nombre de Canadiens.

Lorsqu'il modifiera la Loi sur les banques, le gouvernement devrait prendre garde de ne pas nuire à la concurrence, car le choix plus restreint de fournisseurs dans le secteur financier serait préjudiciable aux consommateurs. Les compagnies d'assurance n'ont pas droit aux mêmes garanties gouvernementales que les banques, dont l'assurance-dépôts. Les banques jouiraient en outre d'un avantage injuste, si elles pouvaient se servir des renseignements confidentiels concernant leurs clients aux fins de la vente d'assurance.

Tout changement apporté à la Loi sur les banques devra être équitable envers les compagnies d'assurance et protéger les consommateurs. Les banques devraient s'en tenir à leur domaine de compétence et commencer à consentir des prêts à la petite entreprise, le moteur de notre économie.

Au lieu de laisser les banques se lancer dans l'assurance, il conviendrait de taxer leurs bénéfices record et de les obliger à prêter davantage aux petites et aux moyennes entreprises.

LE PROJET D'ASSAINISSEMENT DU QUARTIER MALVERN

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, dans ma circonscription de Scarborough-Rouge River, nous mettons la dernière main au projet d'assainissement du quartier Malvern.

Il s'agit d'une initiative visant à dépolluer une zone résidentielle dont le sol a été contaminé par des matières faiblement radioactives durant la Seconde Guerre mondiale. Le problème fut découvert en 1980, mais il a fallu 15 ans aux divers paliers de gouvernement et à la collectivité pour atteindre leur but, soit d'enlever les contaminants et d'assainir ce quartier résidentiel.

Nous tenons à remercier la ministre des Ressources naturelles et à souligner l'esprit d'initiative de ses fonctionnaires. Nous remercions aussi la province de l'Ontario d'avoir assumé une partie des coûts, notamment les frais liés à l'achat des biens immobiliers nécessaires; l'Énergie atomique du Canada Limitée pour ses compétences spécialisées; la ville de Scarborough; le comité consultatif local, présidé par M. John Brickenden; les élus aux niveaux municipal, régional et provincial; et, enfin, les contribuables ontariens et canadiens qui ont assumé les coûts de ce projet.

Les habitants du quartier Malvern/McLure vous remercient de cette initiative couronnée de succès. Nous espérons que ce projet servira d'exemple de collaboration fructueuse entre la collectivité et les gouvernements pour corriger des erreurs commises dans le passé.

* * *

LES MINISTRES DES FINANCES

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, notre cher ministre des Finances sera peut-être surpris d'apprendre que, vendredi dernier, dans ma circonscription de Saskatoon-Humboldt, quatre personnes se sont faites passer pour le ministre des Finances du Canada.

(1405)

Les coupables étaient des étudiants de l'Université de Saskatoon qui participaient à un projet annuel conçu par le professeur Marv Painter, de l'école de commerce. Dans le cadre de ce projet, les étudiants en commerce du premier cycle et du M.B.A. établissent un budget fédéral.

Cette année, 138 étudiants formaient les quatre équipes qui ont présenté leurs initiatives gouvernementales sur la politique économique et sociale, les impôts, les dépenses publiques, le déficit et la dette.

Chaque groupe devait, à l'appui de ses propositions budgétaires, préciser les sources de revenu, prévoir la répartition des dépenses, et faire une estimation de la croissance du PIB, des taux d'intérêt, du taux d'inflation, et ainsi de suite.


17382

À titre de l'une des 50 personnes invitées à entendre les discours du budget, j'ai été très impressionnée par les efforts consacrés à cet exercice, ainsi que par la vigueur avec laquelle les étudiants se sont attaqués à cette difficile tâche.

Je félicite le professeur Marv Painter, les ministres des finances Michelle Cocks, Roger Miller, Curtis McKenzie et Judy Karwacki, ainsi que les autres étudiants pour leur bon travail.

* * *

[Français]

LE CULTURE QUÉBÉCOISE

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, hier les Québécois et Québécoises, de toutes allégeances politiques, ont été stupéfaits d'apprendre, par la voix du premier ministre du Canada, qui est un québécois par surcroît, que la culture québécoise n'existait pas. Il y a plutôt une culture française et anglaise qu'il appelle culture canadienne.

Par cette vision réductrice niant le fondement même de sa motion reconnaissant le Québec comme société distincte, le premier ministre illustre son peu d'enracinement dans la société et dans la culture québécoises. Il est donc surprenant que l'actuelle ministre du Travail, elle-même ancienne ministre des Affaires culturelles du gouvernement libéral de M. Bourassa, soit si silencieuse devant les propos de son premier ministre.

C'est un silence qui doit peser lourd sur sa conscience car, comme le dit le proverbe: «Qui ne dit mot consent.»

* * *

[Traduction]

LE QUÉBEC

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai absolument aucune réticence à admettre que le Québec et les Québécois constituent une société distincte. Ce qui me dérange, c'est qu'on veuille l'inscrire dans la Constitution. Pour moi et pour beaucoup de Canadiens, ça crée un problème. Pourquoi le Parlement devrait-il revenir sur une idée que les Canadiens ont rejetée en votant contre les accords du lac Meech et de Charlottetown?

Je crois en l'égalité de tous les Canadiens et je crois que chacune des provinces, chacune des régions et chacun des peuples autochtones sont distincts à leur manière. Mais, concrètement, on ne sait absolument pas ce que signifie le mot distinct dans cette acception.

Certains disent que cela ne veut rien dire, que c'est simplement une manière de reconnaître un fait historique. D'autres disent que cela signifie que les tribunaux interpréteront les lois québécoises en tenant compte du caractère distinct du Québec. C'est donc un élément d'interprétation de la Constitution.

C'est une chose à laquelle aucune autre province n'aurait droit. Si l'on croit en l'égalité, on ne croit pas aux pouvoirs spéciaux.

S'il vous plaît, épargnez-nous un tel retour en arrière. Tâchons de régénérer la Confédération avec de nouvelles idées. Voyons plutôt ce que le Parti réformiste a à proposer pour l'avenir de notre pays.

* * *

L'UNION DES PROVINCES MARITIMES

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, nous avons récemment entendu des échos bizarres du passé concernant l'union des provinces maritimes. Voyons quelle est l'histoire d'une telle union.

Dans sa thèse sur l'union des provinces maritimes, John M. Wilkinson pose la question dans les termes suivants:

Y a-t-il jamais eu dans l'une des provinces maritimes, ou dans les trois, le moindre mouvement général ou populaire en faveur de leur union, par opposition aux suggestions émises par la classe dirigeante, dont les politiciens, ou par ceux à qui cela profiterait?
À moins que la situation n'ait changé, la réponse est que l'union des provinces maritimes n'a pas la faveur du public. Même les législateurs qui, en 1860, avaient convenu de se rencontrer pour étudier l'idée d'une telle union, l'ont fait sans enthousiasme et certainement pas à la demande expresse de leurs électeurs.
Son manque d'intérêt pour l'union des provinces maritimes a valu à l'Île-du-Prince-Édouard de se faire appeler la province récalcitrante. L'histoire montre cependant que ce n'est qu'une affaire de degré. Elle est quelque peu plus récalcitrante que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

J'assure à la Chambre que la situation n'a pas changé. Un récent sondage révèle que 70 p. 100 des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard sont contre l'union des provinces maritimes. . .

Le Président: Le député de Bramalea-Gore-Malton a la parole.

* * *

M. SEYMOUR SCHULICH

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, au début de la semaine, un investisseur de North York, M. Seymour Schulich, a remis 15 millions de dollars à la School of Business de l'Université York. Son don permettra à cette institution d'accorder des bourses d'études de premier cycle et de cycle supérieur et de financer jusqu'à cinq chaires dont les titulaires étudieront certains domaines précis de l'administration des affaires.

M. Schulich a déclaré que chaque Canadien fortuné devrait remettre une partie de ses biens au pays.

Il a aussi proposé que le gouvernement fédéral encourage les dons privés en accordant un allégement fiscal du genre de celui consenti aux philanthropes américains, qui profitent d'allégements fiscaux quatre fois plus importants que ceux des Canadiens.

(1410)

Je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter M. Schulich de sa générosité et demander au gouvernement d'étudier attentivement sa suggestion.


17383

Les hôpitaux, les écoles, les bibliothèques et toutes les autres institutions publiques ont besoin de tous les dons qu'elles peuvent recevoir.

* * *

[Français]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens de toutes les provinces se demandent ce qu'ils peuvent faire pour aider à garder le Canada uni.

Tous les citoyens de Brôme-Missisquoi, les Caron de Frelighsburg, les Gaudet, les Barabé de Farnham, les Bergeron et les Landreville de Magog veulent qu'on mette rapidement des propositions de changements sur la table.

La demande de changement est forte au Québec. Et dans ce cadre, permettez-moi de transmettre mes félicitations au député de Fredericton-York-Sunbury qui a organisé dimanche dernier un forum pour l'unité canadienne, à Fredericton. Ce genre de forum qui regroupe des gens de tous les partis politiques est de nature à faire avancer la réflexion sur les changements à apporter.

J'invite tous les députés de cette Chambre, de tous les partis politiques, tous ceux qui croient au Canada de demain, à travailler fort pour garder le Canada ensemble. Nos différences sur l'administration du pays, nous avons bien le temps de les faire valoir lors d'une prochaine campagne électorale. Le Canada on y tient.

* * *

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, après avoir charcuté le Régime d'assurance-chômage et s'être déchargé de l'essentiel de l'effort de réduction des dépenses gouvernementales sur le dos des provinces en coupant leurs transferts, voilà que le ministre des Finances s'attaque à sa troisième cible: les pensions de vieillesse.

Le ministre a annoncé hier qu'il rencontrerait bientôt ses homologues provinciaux pour étudier l'avenir des pensions de vieillesse au Canada. Cette étude devait être précédée du dépôt d'un document précisant les orientations fédérales. Le ministre avait annoncé le dépôt de ce document pour 1994, puis l'a reporté à cet automne. Or, rien n'a encore été déposé et les coupures du gouvernement fédéral vont entrer en application en 1997.

Le ministre devrait au moins avoir le courage d'agir avec transparence en déposant sans délai ce document que les personnes âgées attendent avec impatience.

* * *

[Traduction]

L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, hier, ma mise en candidature pour une place à l'exécutif de l'Union interparlementaire, mieux connue sous le nom de club des voyages d'agrément, a été refusée, même si la présidence l'avait jugée recevable.

À la même réunion, avant la procédure d'élection et afin de refuser ma candidature, la constitution de l'Union interparlementaire avait été modifiée pour réserver les postes de l'exécutif à ceux qui s'engagent à promouvoir les buts et objectifs de cette organisation interparlementaire. Ce sera une tâche passablement difficile, étant donné que l'Union interparlementaire n'a ni buts ni objectifs.

L'Union est financée par la Chambre, mais, pourtant, elle n'a pas la liberté de parole, elle ne respecte pas sa propre constitution et elle fait fi de la démocratie.

On a porté atteinte à mes droits de parlementaire. La réputation de la Chambre a été entachée, et je demande à tous les parlementaires de condamner les gestes de l'Union interparlementaire et d'ordonner au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre d'enquêter sur cet usage abusif de la procédure.

Même les communistes faisaient preuve de plus de tact que les représentants de l'Union interparlementaire.

* * *

PIERRE BOURGAULT

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été stupéfait, l'autre jour, de lire dans Le Journal de Montréal que Pierre Bourgault, un séparatiste pur et dur et un confident de M. Parizeau, qualifiait un groupe de Canadiens de racistes.

Il semble bien que, après la victoire canadienne du 30 octobre, le séparatiste devait blâmer quelqu'un. Par conséquent, M. Bourgault a dit: «Les Juifs, les Italiens et les Grecs sont racistes.» M. Bourgault ajoutait encore: «Nous ne leur demandons pas d'être souverainistes, nous leur demandons d'être Québécois.» Ce sont des Québécois fiers de l'être, mais ce sont également des Canadiens fiers de l'être.

Les séparatistes sont maintenant démasqués et leur programme n'est plus secret.

Il a aussi fait allusion au député de Bourassa. Lorsque le député du Bloc et tous les autres immigrants, moi y compris, sont arrivés sur les côtes, qui nous a accueillis? C'est le Canada. Qui nous a donné notre citoyenneté? C'est le Canada. C'est le Canada qui nous a donné la possibilité de participer au rêve national.

Le vote du 30 octobre n'était pas un vote ethnique, c'était un vote canadien, un vote pour l'unité, un vote pour notre pays, un vote pour le Canada.

* * *

[Français]

LE DIOCÈSE D'EDMUNDSTON

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, le dimanche 10 décembre prochain

17384

marquera la fin des activités des fêtes du 50e anniversaire de fondation du diocèse d'Edmundston.

(1415)

Au cours de la dernière année, un groupe de bénévoles du diocèse, sous l'habile présidence de Jean Pilot, a organisé une panoplie d'activités pour jeunes et moins jeunes. L'ensemble de ces activités a permis de célébrer cet événement avec animation et distinction.

La clôture du 50e anniversaire se fera par la célébration solennelle d'une messe à la cathédrale Immaculée-Conception à Edmundston. Également, un concert de Noël aura lieu, suivant cette messe spéciale.

La devise du diocèse d'Edmundston «Son amour s'étend d'âge en âge» démontre clairement l'espérance et le sens du partage, quelles que soient les différences qui existent dans notre communauté.

Je me joins à mes concitoyens et concitoyennes pour leur souhaiter une journée remplie de joie et de bonheur.

______________________________________________


17384

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CAISSE DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Hier, dans son exposé économique devant le Comité des finances, le ministre a finalement admis que son gouvernement verse et continuera de verser le surplus de la Caisse de l'assurance-chômage dans le Fonds consolidé, avec les revenus et dépenses du fédéral, et non dans une réserve distincte, comme l'affirme la ministre du Travail. Or, cette admission en implique une autre, à savoir que son déficit pour l'année en cours est diminué artificiellement par les surplus dégagés par le compte de l'assurance-chômage.

Dans ce contexte, le ministre des Finances admettra-t-il, puisqu'il puise cette année cinq milliards de dollars au compte de l'assurance-chômage, que le déficit fédéral réel pour l'année en cours n'est donc pas de 32,7 milliards, mais bien de 37,7 milliards de dollars?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député ne devrait pas confondre surplus annuel avec surplus cumulatif. Je vais vous donner un exemple.

En 1993, lorsque nous avons pris le pouvoir, le déficit cumulatif du fonds de l'assurance-chômage était de 6 milliards de dollars. En 1994, il y a eu un surplus annuel de 2,3 milliards, ce qui ramène le déficit cumulatif à 3,6 milliards. En 1995, le surplus annuel était d'environ 5 milliards. C'est de ces 5 milliards dont parle le député.

Cela va ramener le surplus cumulatif seulement à 1,4 milliard de dollars. Il ne faut pas confondre les deux. Nous avons maintenant un surplus, non pas de 5 milliards, mais de 1,4 milliard de dollars.

Notre but n'était pas de réduire le déficit, notre but était de renflouer le fonds de l'assurance-chômage, ce que nous avons fait parce que nous sommes de bons gestionnaires.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, un bon gestionnaire sait ce qui est marqué dans son budget.

Le ministre, que je respecte par ailleurs, a droit à ses faiblesses aussi. Il a certainement oublié que l'an prochain, il a lui-même prévu dégager dans l'année, à même le régime d'assurance-chômage, cinq milliards. Il a droit de se tromper et on va lui donner une deuxième chance.

Est-ce que le ministre bon gestionnaire va admettre que pour ramener son déficit, le déficit fédéral, à 17 milliards de dollars en 1997-1998, comme il nous l'a indiqué, il devra continuer pour ce faire, année après année, à faire main basse sur les surplus de l'assurance-chômage?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'estime beaucoup le député de Roberval. Je comprends très bien la confusion. Il est vraiment en train de recommander un processus de comptabilité qui était en place avant 1986.

J'aimerais simplement dire qu'avant 1986, le gouvernement suivait la procédure, tel que recommandé par le député et par le critique des finances du Bloc québécois. Mais, en 1986, le vérificateur général a exprimé l'opinion suivante. Et là, je cite: «À mon avis, les opérations du Compte d'assurance-chômage devraient être consolidées dans les états financiers du gouvernement, les cotisations patronales et ouvrières étant ajoutées aux recettes déclarées et les prestations et les dépenses d'administration étant ajoutées aux dépenses déclarées.»

(1420)

Parce qu'on ne l'a pas fait en 1986, le vérificateur général exprimait une réserve sur les états financiers du gouvernement. Cette année-là, le gouvernement a changé pour le processus de comptabilité que nous suivons maintenant. Alors, je suggérerais au député, s'il n'aime pas la comptabilité du gouvernement ou s'il se pense meilleur comptable que le vérificateur général-et peut-être l'est-il-qu'il s'adresse au vérificateur général.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Ça fait deux, monsieur le Président. Ça fait deux fois qu'il se trompe. Le ministre des Finances a oublié de dire qu'au moment où le vérificateur général avait fait cette recommandation, le gouvernement fédéral contribuait, dans ce temps-là, à la Caisse de l'assurance-chômage. Or, ce n'est plus le cas, maintenant. C'est deux à zéro.

Je vais lui donner une troisième chance. Compte tenu de la timidité que le gouvernement a manifestée pour dégraisser vraiment l'appareil fédéral et revoir toute la fiscalité, est-ce que le ministre des Finances reconnaîtra que s'il ne détourne pas les surplus impor-


17385

tants de la Caisse de l'assurance-chômage au profit de son budget, il sera absolument incapable d'atteindre ses cibles budgétaires pour les prochaines années?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, si le député est capable de convaincre le vérificateur général qu'on devrait changer la façon de comptabiliser, vu que maintenant, les contributions ne viennent que des employeurs et des employés, on est prêts, nous, à examiner la situation.

Moi aussi, je comprends les questions du député. Mais il cite toujours le vérificateur général comme s'il était le bon Dieu. Alors, il faut accepter que parfois, le bon Dieu fait des choses qu'on n'aime pas. Il n'y a que le pape qui est infaillible.

Au lieu de faire des projections, laissez-moi vous dire ce que nous avons fait jusqu'ici. Le solde du fonctionnement du gouvernement est passé d'un déficit de 4 milliards de dollars, en 1993-1994, à un surplus de 17,6 milliards de dollars cette année, c'est-à-dire une amélioration de 21,6 milliards de dollars. Là-dedans, il y a eu un redressement du déficit dans le fonds de l'assurance-chômage de 6 milliards de dollars. Cela signifie, lorsqu'on regarde les coupures, l'assainissement des finances publiques, que moins de 30 p. 100 sont venus du fonds de l'assurance-chômage, alors que 70 p. 100 viennent des activités, des coupures et des actions prises par le gouvernement.

* * *

LES PENSIONS DE VIEILLESSE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, je rappellerais d'entrée de jeu au ministre des Finances que l'Association canadienne des actuaires et à peu près l'ensemble des associations patronales dont le CPQ réclament aujourd'hui, en 1995, qu'il y ait un compte à part pour l'assurance-chômage, à part du bilan du gouvernement, des revenus et des dépenses. Je pense qu'il l'oublie, à l'heure actuelle; il nous ramène à 1988. C'est en 1995 qu'il faut regarder.

Le ministre des Finances a fait supporter aux chômeurs une part majeure de ses coupures dans les dépenses de programmes et il nous annonce maintenant que pour atteindre ses nouvelles cibles en matière de réduction de déficit à partir de 1997-1998, il devra procéder à des compressions additionnelles de plusieurs milliards de dollars.

Alors que le ministre des Finances a clairement évoqué hier son intention de s'attaquer aux pensions de vieillesse, doit-on comprendre qu'à partir de l'an prochain, ce sera au tour des bénéficiaires actuels et à venir des pensions de vieillesse d'assumer l'essentiel des compressions supplémentaires?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, il y a un compte à part pour l'assurance-chômage, qui est maintenant l'assurance-emploi. Alors, il existe, le compte à part. Mais même avec le compte à part, le vérificateur général insiste pour que ce soit consolidé dans nos chiffres.

(1425)

Deuxièmement, on a baissé les primes d'assurance-chômage, le ministre des Ressources humaines l'a annoncé, de 1,25 milliard de dollars. C'est une baisse énorme qui va aider la création d'emplois.

Troisièmement, en ce qui concerne les pensions de vieillesse, j'ai dit exactement le contraire de ce que le député dit. J'ai dit que, puisque le premier ministre a déjà fait des déclarations à l'égard des pensions de vieillesse, que certainement on aura les déclarations du premier ministre en tête lorsqu'on fera le budget.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, on pose la question au ministre des Finances et il nous dit que le surplus à l'assurance-chômage fait partie du Fonds consolidé, puis le lendemain cela ne fait plus partie du Fonds consolidé. On ne sait plus à quel saint se vouer.

Je lui pose la question autrement, et c'est sa quatrième ou cinquième chance qu'on lui donne aujourd'hui. Puisque son gouvernement vient de s'emparer du surplus de la Caisse d'assurance-chômage et d'en restreindre dramatiquement l'accès, le ministre des Finances reconnaît-il qu'il s'apprête à répéter cette opération pour les pensions de vieillesse, c'est-à-dire qu'en plus de les couper, il va rendre plus difficile l'accès aux prestations.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, on peut avoir un compte à part et même avoir des fonds consolidés.

Je comprends la difficulté du député. C'est un économiste, et les économistes ont beaucoup de difficulté à comprendre la comptabilité. Peut-être le député de Roberval va le lui expliquer.

Deuxièmement, on a été très clair en ce qui concerne les fonds de pension. Notre but n'est pas de toucher aux aînés, notre but est de protéger le système pour qu'il soit là pour les jeunes.

* * *

[Traduction]

LE DÉFICIT

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, d'innombrables Canadiens ordinaires, des dirigeants d'entreprises, des groupes de réflexion, des économistes et le FMI sont d'avis que l'établissement d'objectifs provisoires pour la réduction du déficit ne suffit pas. Ils ont exhorté le ministre des Finances à fixer des objectifs pour l'élimination complète du déficit avant l'expiration du mandat du gouvernement actuel. Je ne comprends pas que le ministre ait raté une occasion facile de le faire.

Des réductions additionnelles relativement mineures suffiraient pour satisfaire ces Canadiens. Les objectifs provisoires que le ministre a choisi de fixer créent une plus grande incertitude à l'égard de la volonté du gouvernement de régler le problème. Ils empêchent une baisse des taux d'intérêt et nuisent à la croissance, ce qui nous aiderait à éliminer le déficit encore plus rapidement.


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Pourquoi le ministre a-t-il choisi de faire subir aux Canadiens un traitement qui est essentiel, mais qui ne sera pas suffisant pour les débarrasser de cette tumeur maligne?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la meilleure façon de répondre à la question du député est peut-être de citer ce qu'a dit un économiste de grande renommée, que le député connaît certainement, Karl Weinberg, de High Frequency Economics.

À propos du FMI et des mesures recommandées par le député, il dit que les conseils du député s'adressent à un pays qui ne peut pas acquitter ses dettes ou ses obligations, qui subit toutes sortes de pressions internationales de la part de ses créanciers qui essaient de lui arracher de l'argent. Il dit ensuite, montrant une beaucoup plus grande confiance que les députés du Parti réformiste, que le Canada «n'est pas dans cette situation et ne devrait donc pas être assujetti à des mesures de ce genre. Je crois que ces mesures réussiraient à réduire le déficit, mais entraîneraient des conséquences économiques catastrophiques. Je ne crois pas que de telles mesures extrêmes soient justifiées.» C'est son opinion, c'est notre opinion, c'est une opinion intelligente.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, je suis certain que les nombreux économistes et dirigeants d'entreprises qui ont témoigné devant le Comité des finances auront compris qu'ils sont stupides et qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent.

Je suis étonné que le ministre n'ait pas ressorti sa phrase fétiche et ne nous ait pas dit que faire davantage serait pratiquer la politique de la terre brûlée. Je suis étonné que, à d'autres occasions, le ministre ait tenté d'assimiler toute réduction du déficit à la politique de la terre brûlée.

Nous connaissons l'amour du ministre pour les métaphores et nous savons les risques que cela comporte. Le ministre a lâché la proie pour l'ombre. Le FMI, ses propres conseillers et le Parti réformiste lui ont tous proposé des plans permettant d'éliminer le déficit en coupant le superflu et les programmes de transferts que nous n'avons pas les moyens de nous offrir. Frank McKenna, Clyde Wells et d'autres de ses amis libéraux ont montré comment le faire.

(1430)

Pourquoi le ministre ne suit-il pas les conseils unanimes et les exemples qui lui sont donnés et ne fait-il pas les coupes nécessaires pour préserver le filet de sécurité sociale du Canada et redonner des emplois aux Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je suis certain que Clyde Wells et Frank McKenna seraient ravis d'être cités en exemple par le député. Je suis maintenant très impatient d'assister à la réunion des ministres des finances la semaine prochaine.

Les mesures que nous avons prises nous aideront à protéger le tissu social du Canada. Il ne fait pas de doute que le budget proposé par le Parti réformiste permettrait d'éliminer le déficit rapidement.

Des voix: Bravo!

M. Martin (LaSalle-Émard): Les députés réformistes applaudissent, mais examinons un peu ce à quoi ils applaudissent. Ils applaudissent à l'éviscération de notre système de soins de santé. Ils applaudissent à l'éviscération de nos pensions de vieillesse. Ils applaudissent à l'éviscération de notre programme visant à aider les petites entreprises à entrer sur le marché des exportations.

Les députés réformistes applaudissent à l'éviscération des programmes fondamentaux qui permettront à notre pays d'entrer au XXIe siècle en bien meilleure santé que tout autre pays du G-7.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, les gens qui sont venus témoigner devant le Comité des finances se sont plaints des terribles conséquences des réductions de quatre milliards de dollars effectuées l'an dernier.

Ce que le ministre ne veut pas admettre, c'est qu'il a fait si peu de réductions que celles qu'il a faites n'ont servi à rien. Tous ces quatre milliards de dollars ont été engloutis par l'augmentation des frais d'intérêts. Voilà le problème.

Par ailleurs, la logique du ministre des Finances présente certaines failles. Le premier principe qu'il a énoncé hier, c'est que la réduction du déficit favorise la baisse des taux d'intérêt, la création d'emplois, la croissance économique et les réductions d'impôts. Le deuxième principe, qui est implicite dans le. . .

M. Young: Non, monsieur le Président, laissez-le continuer. C'était une bonne question.

Le Président: Je demanderais aux députés, tant ceux qui posent des questions que ceux qui répondent, d'être le plus brefs possible. J'invite le député à poser sa question.

M. Grubel: Oui, monsieur le Président, mais comme je pose la première question, je croyais qu'on me donnerait un peu plus de temps.

Une voix: Ce serait déjà bien d'avoir autant de temps que le Bloc.

M. Grubel: Monsieur le Président, si des taux d'intérêt moins élevés et des déficits moins élevés favorisent la création d'emplois, pourquoi le ministre ne suit-il pas sa propre logique en éliminant totalement le déficit?

M. Hermanson: Bien dit!

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, il ne fait pas de doute que des déficits moins élevés favorisent la baisse des taux d'intérêt et la création d'emplois, mais c'est une simple question d'équilibre. Si nous allons trop loin, nous allons nous faire beaucoup plus de tort à long terme.

Je croyais que tout avait été très bien expliqué hier. Le député se souviendra que le chef du Parti réformiste avait fait une analogie, comparant notre situation financière à une personne ivre qui court sur l'autoroute. Permettez-moi de dire que ce n'est peut-être pas une


17387

mauvaise analogie pour illustrer la différence entre nos deux partis. Ce que nous allons faire, c'est désenivrer cette personne. Ce que le Parti réformiste veut faire, c'est l'écraser.

Des voix: Bravo!

(1435)

Le Président: Je demanderais aux députés de raccourcir leurs questions, et je vais les aider.

* * *

[Français]

LA CULTURE QUÉBÉCOISE

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, le premier ministre a expliqué qu'il n'existe pas de culture québécoise, mais plutôt une culture canadienne anglaise et française. Or, la semaine dernière, le premier ministre déposait en cette Chambre une résolution sur la société distincte qui précise qu'un des attributs de la société distincte du Québec est sa culture unique.

Comment le premier ministre concilie-t-il ses propos d'hier et sa résolution sur la société distincte qui sont, de toute évidence, contradictoires?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai jamais dit hier qu'il n'y avait pas une culture québécoise. J'ai dit que la culture québécoise n'était pas nécessairement seulement en français, que la culture française existait aussi à l'extérieur du Québec.

Nous croyons tellement qu'il y a une culture québécoise que non seulement nous en parlons, mais nous avons proposé de la reconnaître dans une résolution devant la Chambre des communes. La députée de Rimouski-Témiscouata vote contre la société distincte que nous vous avons proposée et qui dit que le Québec est une société distincte par sa langue française, sa culture distincte et son Code civil québécois. C'est une résolution que j'ai déposée devant cette Chambre pour reconnaître la culture québécoise, et les députés du Bloc québécois votent contre.

J'ai expliqué aussi que la culture française se trouve glorifiée dans tout le Canada, et j'ai cité d'excellents noms qui font la fierté non seulement des francophones québécois, mais des francophones canadiens. J'ai parlé d'Antonine Maillet, de Gabrielle Roy, de Roch Voisine, d'Henri Bergeron et de bien d'autres qui s'expriment en français et qui ont une culture française, même s'ils ne sont pas nécessairement québécois. C'est ce que l'honorable députée ne comprend pas.

Si elle veut reconnaître que le Québec a une culture différente, elle n'a qu'à voter pour la résolution qui sera mise aux voix lundi en cette Chambre.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, franchement, il y a des jours où il y a une culture québécoise et il y a des jours où il n'y en a pas. Il faudrait savoir si ce sont les jours pairs ou impairs. On nage dans l'obscurité.

Est-ce que la contradiction évidente entre les propos du premier ministre et sa résolution ne confirme pas dans les faits que sa résolution est vraiment une coquille vide qui ne veut rien dire et par laquelle les Québécois ne se laisseront pas prendre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque la Chambre des communes du Canada se prononce en faveur d'une résolution qui établit clairement qu'il y a au Québec une société distincte en raison de la langue française, de la culture québécoise et de la tradition du Code civil, c'est la meilleure façon de s'exprimer. Et que les députés du Bloc québécois votent contre-car ils vont se lever dans cette Chambre et seront comptés un par un pour dire qu'ils ne veulent pas appuyer la société distincte-ils devraient avoir honte.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, de toute évidence, le ministre des Finances ne comprend pas. Il faut éliminer le déficit et la dette pour assurer l'avenir à long terme de nos programmes sociaux et pour alléger le fardeau fiscal des contribuables. Cela est peut-être difficile à comprendre pour quelqu'un qui ne paie pas d'impôts au Canada, mais c'est ce que nous visons.

Pourquoi le ministre insiste-t-il pour prolonger les souffrances des Canadiens et leur refuser tout espoir? Pourquoi persiste-t-il à vouloir éliminer le déficit très lentement, à petits pas, quand il pourrait l'éliminer complètement et réduire les impôts? Pourquoi ne fait-il pas son travail?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, parce que j'ai vu qu'il y avait un autre moyen.

J'aimerais que les réformistes étudient un peu les conséquences de leur budget. Le Parti réformiste ne peut pas sérieusement prétendre vouloir protéger les pensions de vieillesse en réduisant le déficit puisque le moyen qu'il prévoit pour éliminer ce déficit saperait les bases mêmes sur lesquelles repose le programme des pensions de vieillesse.

(1440)

Le Parti réformiste ne peut pas prétendre vouloir protéger les soins de santé puisque les mesures qu'il préconise élimineraient les transferts au titre de la santé. Ce parti ne peut pas affirmer qu'il veut réduire les impôts puisqu'il préconise une politique industrielle qui rendrait impossible la création d'emplois au Canada.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, c'est de la pure foutaise. Le fait est que les paiements d'intérêt sur la dette minent les programmes sociaux, et c'est exactement pour cela que le gouvernement sabre dans l'assurance-chômage et procède à toutes sortes de rajustements.


17388

Si les libéraux s'étaient occupés de la situation dès leur première année au pouvoir, nous ne serions pas dans la situation désastreuse où nous sommes aujourd'hui. Le ministre des Finances doit commencer à admettre qu'il a une part de responsabilité à assumer. Il a erré dès le départ.

Quand les Canadiens peuvent-ils s'attendre à un allégement de leur fardeau fiscal? Le ministre nous demande de lui faire confiance. Il nous promet que ce sera au cours du prochain millénaire. Mais quand exactement pouvons-nous nous attendre à un allégement de notre fardeau fiscal?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, ce qui est préférable pour le Canada en ce moment, c'est une réduction des taux d'intérêt.

Le député sait que si nous réduisions les impôts dès maintenant, cela se répercuterait automatiquement sur le budget et risquerait de faire augmenter les taux d'intérêt. D'ailleurs, c'est ce qui se passe. C'est tout ce que l'on entend dire des pays en Europe qui envisagent de réduire leurs impôts.

Le pays a une énorme dette et un gros déficit et nous faisons face à la situation en adoptant des moyens pesés et réfléchis. Nous avons hérité de la situation laissée par le gouvernement précédent. D'ailleurs, la plupart de ces gens-là, des crypto-conservateurs, ont probablement voté pour lui il y a dix ans.

* * *

[Français]

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Depuis deux semaines, des députés libéraux du Comité du patrimoine se sont objectés à ce que deux organismes culturels fédéraux, soit le Conseil des Arts et Téléfilm Canada, subventionnent des artistes souverainistes ou des productions qui offriraient un biais favorable à la cause souverainiste.

Hier, le premier ministre n'a pas répondu à la question et je lui redemande aujourd'hui s'il endosse la position des députés ministériels siégeant au Comité du patrimoine, à l'effet que les organismes qui donnent des subventions dans le domaine culturel le fassent dorénavant en fonction des opinions politiques des artistes.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons une politique clairement établie là-dessus. Le Conseil des Arts du Canada est un organisme indépendant du gouvernement, qui attribue les octrois suivant les critères qu'ils se sont donnés eux-mêmes. D'ailleurs la communauté artistique du Québec a toujours énormément bénéficié du Conseil des Arts du Canada, et tout le monde au Québec se félicite, dans le milieu artistique, de l'objectivité du Conseil des Arts.

Il peut arriver des cas où des députés pensent que certaines subventions ont été données et n'ont pas été utilisées suivant leur goût. C'est la liberté de parole de tout le monde de pouvoir s'exprimer.

C'est un peu comme lorsque le Conseil des Arts achète des tableaux pour le Musée des beaux-arts. Certains les aiment, d'autres pas. Seulement, ils ont l'autonomie de le faire, et je pense qu'il n'y a aucun pays qui offre à la communauté artistique plus d'indépendance que le Canada.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre ne convient-il pas qu'il est inquiétant de constater que non seulement le chef du gouvernement veut contrôler l'information diffusée par la société d'État, mais qu'en plus il veut orienter politiquement le contenu des productions culturelles subventionnées par le Conseil des Arts et par Téléfilm Canada?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je ne vois pas pourquoi la députée peut parler en ces termes parce que les lois n'ont pas été changées. Le Conseil des Arts est le même et nous avons des membres qui agissent d'une façon très professionnelle.

Je maintiens que c'est la liberté des députés de se plaindre quand ils ne sont pas contents. On l'a vu dans bien des domaines et c'est cela la liberté de parole. S'ils ont des objections, qu'ils les fassent connaître. C'est pour cela qu'ils sont élus. Par contre, le Conseil des Arts doit les écouter, mais il a la liberté d'action.

(1445)

Je ne demanderai pas aux députés de ne pas s'exprimer lorsqu'ils sont mécontents. Les députés de ce côté-ci de la Chambre ont droit à leur opinion comme les députés de l'autre côté.

* * *

[Traduction]

LE MINISTÈRRE DES RESSOURCES NATURELLES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, j'ai pu obtenir copie d'une vérification faite en avril 1994 et révélant la pratique d'embauche, par des fonctionnaires de Ressources naturelles Canada, de membres de leur famille.

Au service des forêts seulement, les vérificateurs ont découvert que 115 personnes, en un an, avaient obtenu leur emploi grâce à des parents travaillant au sein du ministère. C'était l'an dernier. Cette année, une nouvelle vérification a révélé que cette pratique était toujours un grave problème que la ministre n'a pas encore réglé.

La ministre ordonnera-t-elle la tenue d'une enquête dans tout son ministère pour faire la lumière sur l'ampleur réelle de ce népotisme au sein de ce ministère ou demandera-t-elle, à tout le moins, à quelqu'un de sa parenté de se pencher là-dessus?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord souligner que le rapport auquel le député fait allusion est une vérification des pratiques d'adjudication des marchés en cours durant l'exercice 1992-1993, soit avant notre accession au pouvoir.


17389

Je tiens en outre à préciser que c'est notre gouvernement qui a entrepris une vérification des pratiques d'adjudication et de gestion au ministère des Ressources naturelles. Nous avons découvert l'existence de ces problèmes. Nous avons pris des mesures pour remédier à la situation.

Selon une vérification réalisée en juin 1995, nous avons rectifié les erreurs commises dans le passé. Nous avons mis en place des pratiques et des processus de gestion liés aux conflits d'intérêt. J'ajouterai qu'à la satisfaction des vérificateurs concernés, nous avons réussi à éradiquer les pratiques considérées comme inacceptables.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais bien croire que la plupart des membres de sa famille avaient déjà été engagés, mais la vérification de cette année révèle aussi que le fait de passer outre au facteur du mérite pour les parents est devenu une pratique acceptée au ministère.

Pareille pratique n'est pas acceptable, et c'est pourquoi j'ai demandé à la ministre de me fournir une liste des marchés sur lesquels le ministère a fait enquête pour que nous puissions connaître l'ampleur du gâchis dans ses services.

Or, c'est incroyable, nous apprenons maintenant que le ministère n'a pas dressé une telle liste ou ne la trouve pas. La ministre s'engagera-t-elle à trouver cette liste de marchés et à la déposer à la Chambre afin que nous puissions connaître l'étendue du problème du népotisme dans son ministère?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, ce que je puis assurer au député, c'est que nous avons pris les mesures correctives.

M. Abbott: Prouvez-le.

Mme McLellan: Je me ferai un plaisir de le prouver au député. En fait, j'ai une liste des mesures que nous avons prises pour corriger la situation dans mon ministère. Je serai même heureuse de communiquer cette liste au député.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, l'étude faite pour le compte de Radio-Canada sur la couverture de la campagne référendaire démontre qu'au réseau français, la couverture accordée aux camps du oui et du non est sensiblement la même tandis qu'à CBC, près des deux tiers du temps d'antenne ont été accordés au camp du non. L'étude conclut pourtant à l'impartialité non seulement de la SRC, mais également de CBC.

Le ministre du Patrimoine conclut-il lui aussi à l'impartialité de la couverture référendaire du réseau anglais de CBC?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne conclus pas sur ce que je n'ai pas encore vu. Le conseil d'administration de Radio-Canada a demandé certains rapports. J'apprends que ces rapports ont été déposés auprès du conseil d'administration. Ils ne me sont pas venus entre les mains et je jugerai éventuellement.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans le cadre des exercices de prononciation, je demanderais au ministre, puisque c'était d'ordre public ce matin dans les journaux-en français, 52 p. 100 accordés au oui et 48 p. 100 accordés au non et, en anglais, 62 p. 100 accordés au non et38 p. 100 au oui-à la lumière de ces statistiques, pourrait-on entendre quelques commentaires éclairés du ministre du Patrimoine?

(1450)

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je sais que le conseil d'administration de Radio-Canada entend donner suite au rapport. Je répète ce que j'ai dit, je n'aime pas me prononcer simplement sur des chiffres extraits d'un article de journal. Je voudrais éventuellement me renseigner beaucoup mieux sur ce que fait Radio-Canada et sur la nature du rapport.

* * *

[Traduction]

TORONTO

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, le Grand Toronto compte 4,5 millions d'habitants. La région a souffert d'une façon disproportionnée de la récession et elle ne connaît pas encore la reprise économique à laquelle elle aspire, ce qui n'est pas sans avoir des incidences négatives sur l'économie canadienne.

Le gouvernement du Canada investit des millions et des millions de dollars dans le Grand Toronto, bien souvent sans que personne ne s'en rende vraiment compte. Ma question s'adresse au ministre responsable du programme d'infrastructures. Peut-il expliquer à la Chambre comment ce programme en particulier contribue à la reprise économique dans le Grand Toronto?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, en réponse à la question, je me réjouis de noter à la tribune d'en face la titulaire d'un poste que j'ai déjà eu le plaisir d'occuper. Je le constate avec plaisir et souhaite la bienvenue à la Chambre à la mairesse de Toronto, Son Honneur Barbara Hall.

Dans la région que forme le Grand Toronto nous avons approuvé plus de 300 projets d'infrastructure pour une valeur de 850 millions de dollars, ce qui a permis de créer plus de 11 000 emplois dans cette région. Avec le concours de Mme Hall et du conseil municipal de Toronto, bon nombre de ces projets ont été réalisés au centre-ville.

Tous ces projets, tout comme d'ailleurs tous les projets réalisés dans l'ensemble du Canada, ont contribué à remettre les Canadiens au travail, à renforcer l'infrastructure de nos collectivités afin d'accroître l'investissement. Ils faisaient tous appel à la collaboration, ce qui prouve que les gouvernements fédéral, provinciaux et locaux peuvent travailler ensemble à l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.


17390

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre du Patrimoine canadien a effectué récemment un certain nombre de nominations au conseil d'administration du Musée canadien des civilisations.

Le ministre sait-il, oui ou non, qu'une des personnes nommées est un associé principal de l'avocat responsable de la campagne électorale du ministre des Affaires intergouvernementales?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, on procède aux nominations après un examen très attentif de la capacité des gens d'exercer la fonction en question. C'est ce qu'on a fait dans ce cas-ci comme pour toute autre nomination au sein de mon portefeuille.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai peut-être manqué la réponse. Je voulais qu'on me réponde par oui ou par non. Le fait est que l'un des critères retenus semble être l'allégeance au Parti libéral, car les libéraux perpétuent la pratique désuète et mal vue de nos jours qui consiste à confier des postes lucratifs à leurs amis. Ce faisant, ils nuisent à la réputation de nos institutions publiques.

Permettez-moi de rappeler au ministre que l'apparence de conflit d'intérêts est contraire au code actuel régissant la conduite des titulaires de charge publique. Ma question est simple. Le ministre savait-il que cette nomination allait à l'encontre du code sur les conflits d'intérêts?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, on examine ces nominations de ce point de vue-là également.

En ce qui concerne la notion selon laquelle les libéraux ne sont pas capables d'occuper aucun poste, je pense que mon collègue devrait se rappeler que M. Perrin Beatty, le président de la Société Radio-Canada, ne siégeait pas du côté libéral au cours de la dernière législature.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

À une réunion de la Société de développement du Saint-Laurent, le 23 novembre dernier, le commissaire de la Garde côtière n'a pas voulu écarter la possibilité que le service de déglaçage soit directement facturé aux utilisateurs du Saint-Laurent et que cette mesure aurait pour effet de faire porter directement sur les armateurs québécois près de la moitié de tous les nouveaux frais imposés aux armateurs pour les services de la Garde côtière.

Comment le ministre peut-il expliquer que son gouvernement envisage de faire payer aux armateurs québécois les coûts de déglaçage du Saint-Laurent, alors que dans le Grand-Nord ce service est gratuit?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je sais que l'honorable député suit de très près les activités de la Garde côtière et qu'il est sans doute au courant que cette responsabilité relève maintenant du ministre des Pêches et Océans.

(1455)

Cependant, je veux assurer mon honorable collègue que les frais qui seront recouverts dans tous les secteurs des transports ne seront pas limités seulement à ceux qui possèdent des navires oeuvrant dans le Saint-Laurent. La plupart des navires qui font la navette sur le Saint-Laurent n'appartiennent pas à des armateurs québécois, ni même à des armateurs canadiens.

Cela étant dit, nous allons nous assurer que dans tous les secteurs, les frais encourus soient recouverts à partir des usagers.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, le ministre m'oblige à dire que le ministre des Pêches et Océans n'était pas présent en cette Chambre, c'est pour cela que je lui adressais. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je demanderais à l'honorable député de poser sa question.

M. Guimond: Monsieur le Président, le ministre réalise-t-il, étant responsable du transport maritime, qu'en facturant les frais de déglaçage aux armateurs qui utilisent le Saint-Laurent, il nuit directement à la compétitivité des ports du Saint-Laurent et particulièrement à celui de Montréal?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, lorsque l'honorable député a posé sa question, il a indiqué clairement que la personne en question, celle qui a fait la déclaration, n'a pas voulu écarter la possibilité que tous les coûts soient recouverts pour les opérations de déglaçage dans le Saint-Laurent.

Dans les jours qui viennent, nous allons annoncer la politique et la stratégie pour le futur de tout le secteur maritime. À ce moment-là, nous aurons certainement l'occasion de discuter justement d'une question qui peut préoccuper tout le monde. Les coûts aux usagers vont être un sujet de discussion et de débat.

Je veux rassurer l'honorable député et les gens qui seraient directement affectés qu'aucune décision finale n'a été prise à ce sujet.


17391

[Traduction]

LES PÉNITENCIERS

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, les députés seront peut-être étonnés d'apprendre qu'il n'existe actuellement aucun moyen efficace d'empêcher des délinquants de harceler leurs victimes depuis les établissements où ils sont détenus.

À Vancouver, un détenu a laissé jusqu'à 16 messages par jour sur le répondeur de sa victime, en plus des lettres qu'il lui a envoyées, même si le tribunal lui avait interdit d'entrer en communication avec elle.

Bien sûr, le ministre de la Justice exprimera beaucoup de sympathie à l'égard de la victime, mais les Canadiens veulent savoir ce qu'il compte faire pour mettre un terme à ce harcèlement et quand il va le faire.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, on procède actuellement à la mise en place de nouvelles politiques sur l'accès au téléphone par les détenus dans les établissements fédéraux. On se penche aussi sur les privilèges concernant le courrier.

Étant donné que le député ne m'a pas donné avis de sa question, je serais curieux de savoir si le détenu en question est vraiment dans un établissement fédéral.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice n'a pas eu l'occasion d'exprimer sa sympathie, mais je suis heureux d'avoir au moins obtenu une réponse partielle du solliciteur général.

Je répète ma question. Puisque le solliciteur général affirme qu'on élabore une solution, quand va-t-il agir-qu'il précise la date-et quelles sont au juste les mesures qu'il envisage?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme de toute évidence le député n'a pas écouté ma réponse, je lui propose de lire le hansard demain et de voir s'il doit poser sa question de nouveau.

* * *

LA LOI SUR LES CONTRAVENTIONS

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. À l'heure actuelle, il n'y a pas de moyen efficace d'appliquer la loi aux gens qui abusent de nos voies navigables et qui mettent en danger la vie d'autres Canadiens. La Loi sur les contraventions, adoptée en 1992, permettrait de régler ce problème, mais elle n'a jamais été promulguée.

Le ministre peut-il dire à la Chambre ce qu'il compte faire pour s'assurer que les règlements relatifs à la navigation sont appliqués et que les Canadiens peuvent profiter de leurs lacs et de leurs rivières en toute sécurité?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, aucun membre de cette Chambre n'a travaillé aussi fort que le député de Parry Sound-Muskoka pour faciliter l'application des règlements en matière de sécurité sur nos voies navigables. Je le remercie de son aide à cet égard.

C'est par l'entremise du député que j'ai rencontré l'exécutif de la Muskoka Lakes Association, qui m'a fait comprendre l'urgent besoin de régler cette question une fois pour toutes. Des fonctionnaires du ministère fédéral de la Justice ont donc collaboré avec leurs homologues provinciaux afin de mettre les programmes et mécanismes provinciaux d'établissement de contraventions à la disposition du gouvernement fédéral, et ce, par le biais de la loi fédérale sur les contraventions.

(1500)

Je suis heureux d'annoncer que, la semaine prochaine, je compte présenter un projet de loi modifiant la loi fédérale sur les contraventions, afin que nous puissions utiliser les mécanismes provinciaux. Le projet de loi nous permettra non seulement de rendre les voies navigables plus sécuritaires et d'appliquer les lois de façon efficace, mais aussi d'éviter les doubles emplois, les chevauchements et les dépenses inutiles. Il servira ainsi les intérêts des Canadiens.

* * *

LE DROIT À LA LIBRE CIRCULATION

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le premier ministre n'est pas sans savoir que la Colombie-Britannique est devenue une région de destination depuis quelque temps; en effet, elle a accueilli jusqu'à 92 000 Canadiens venant des autres provinces, souvent aux frais du gouvernement de leur province d'origine, et dont bon nombre se retrouvent à l'assistance sociale.

Vu que la libre circulation de la main-d'oeuvre est une question d'intérêt national, le premier ministre pourrait-il envisager la possibilité d'accorder à la Colombie-Britannique des subventions au titre de la libre circulation de la main-d'oeuvre pour couvrir une partie des frais occasionnés par l'arrivée de 92 000 Canadiens par années?

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de me donner l'occasion, en réponse à sa question, de faire le point de la situation à l'intention de la Chambre.

Le ministre fédéral du Développement des ressources humaines a rencontré ce matin la ministre des Services sociaux de la Colombie-Britannique, Mme Joy McPhail, pour étudier la question des conditions de résidence. Comme vous le savez, monsieur le Président, nous avons les mains liées dans cette affaire. Le gouvernement de la Colombie-Britannique enfreint la loi, et plus particulièrement les articles 5 et 7 de la loi régissant le Régime d'assistance publique du Canada.

17392

Quant à la suggestion que nous fait le député, celui-ci peut être certain que toutes les idées du genre seront examinées dans le cadre des discussions que les autorités fédérales entameront sous peu.

* * *

L'EMPLOI

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Autrefois, quand une entreprise faisait des bénéfices, elle créait plus d'emplois. Étant donné les bénéfices sans précédent que réalisent les entreprises dans certains secteurs, celui des banques notamment, le ministre peut-il expliquer pourquoi on observe également un nombre sans précédent de mises à pied? Le ministre a-t-il un plan pour encourager le réinvestissement de ces bénéfices afin de créer de nouveaux emplois pour les Canadiens?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député soulève une question qui compte vraiment parmi les plus difficiles de l'économie moderne. À cause de la mondialisation et à cause des nouvelles technologies, beaucoup d'entreprises réussissent à maintenir ou à accroître leurs bénéfices non pas parce que leur chiffre d'affaires a augmenté, mais parce qu'elles réduisent leurs coûts d'exploitation. Elles réduisent leurs effectifs. Cela déclenche évidemment une malheureuse suite d'événements: quand une entreprise fait des mises à pied, les autres doivent en faire autant.

C'est pourquoi notre gouvernement s'est engagé dans une série de réformes fondamentales dans ses activités de création d'emplois. La réforme de l'assurance-chômage annoncée la semaine dernière s'attaque directement à ce problème, comme le font également un certain nombre de mesures prises par le ministre de l'Industrie concernant l'autoroute de l'information et, bien sûr, les activités très importantes de mon collègue, le ministre du Commerce international.

Nous devons nous efforcer en même temps d'assurer la croissance de l'économie. C'est pourquoi, quand nous tâchons de réduire les déficits, nous procédons d'une façon équilibrée, non d'une façon inconsidérée.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de deux invités: M. Gregory Rockman, député du Congrès national africain, et M. Gerhard Koomhpof, sénateur et député du Parti national au Parlement de l'Afrique du Sud.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais que le leader du gouvernement nous indique tous les travaux que nous aurons à faire jusqu'à Noël.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui et demain sont des journées réservées à l'opposition et les votes sur les motions débattues pendant ces deux jours et sur les questions nécessaires pour terminer l'étude des crédits auront lieu lundi, à la fin de la journée. C'est d'ailleurs à ce moment-là que la Chambre tiendra le vote sur la motion no 26 dont l'étude s'est terminée hier.

La semaine prochaine, notre priorité sera de compléter l'étude à l'étape du rapport et la troisième lecture du projet de loi C-110 concernant les amendements constitutionnels, c'est-à-dire le projet de loi sur le droit de veto régional.

(1505)

Nous aimerions aussi renvoyer le projet de loi C-111 sur l'assurance-chômage au comité avant la deuxième lecture, conformément au paragraphe 73(1) du Règlement. La Chambre devrait d'ailleurs considérer cette déclaration comme un avis à ce sujet.

Lundi, nous commencerons probablement avec l'étude du projet de loi C-111 le matin, puis nous passerons au projet de loi C-110 en après-midi, c'est-à-dire au projet de loi sur le droit de veto régional.

Avant Noël, nous voudrions également adopter le plus grand nombre possible de projets de loi qui en sont actuellement à l'étape du rapport ou à la troisième lecture. Nous poursuivrons nos discussions avec les autres partis à ce sujet.

D'après mes renseignements, le Comité permanent des finances déposera un rapport provisoire sur les consultations budgétaires d'ici le milieu de la semaine prochaine. Nous voudrions que la Chambre examine ce rapport du Comité des finances jeudi et vendredi de la semaine prochaine.

Le Président: Le député de Scarborough-Centre soulève la question de privilège. Je dois lui demander si cette question découle de la période des questions d'aujourd'hui.

M. Cannis: Non, monsieur le Président. Elle découle d'un incident qui s'est produit mardi dernier.

Le Président: Si l'incident ne s'est pas produit aujourd'hui, il me faudra un avis écrit. Je serai heureux d'étudier la question dès que le député m'en fera part.

______________________________________________


17392

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES REVENDICATIONS TERRITORIALES EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je pense ne surprendre personne aujourd'hui en indiquant immédiatement que le Bloc québécois s'inscrira à l'encontre de la motion proposée par le Parti réformiste, motion qui vise à empêcher et à bloquer la négociation actuelle.


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Selon nous, plusieurs concepts sont élaborés et soulevés par ce type de motion. Il est clair que les relations fédérales-provinciales avec les Premières nations sont à redéfinir. Ce qu'on entend régulièrement des Premières nations, c'est que, pour elles, le statu quo est inacceptable. Elles ne sont pas les seules à penser ainsi, d'ailleurs. Je pense que, de la part du Québec, le résultat du dernier référendum mentionnait que le statu quo était inacceptable et, selon nous, au Québec, la seule solution réside dans la souveraineté et dans une plus grande autonomie et ce besoin est présent également chez les Premières nations.

Ce que la motion du Parti réformiste soulève également comme concept est qu'on veut bloquer la négociation pour des raisons strictement politiques qu'il me fera plaisir de décrire tout à l'heure. Mais comment peut-on penser arrêter un processus pacifique, équitable et qui vient corriger une injustice vieille de 150 ans? On s'achemine vers un processus de négociations et, du jour au lendemain, pour des raisons purement politiques, le Parti réformiste présente une motion pour bloquer cette négociation, bloquer l'aspect pacifique de cette négociation, bloquer l'aspect correction de l'injustice de cette proposition.

C'est totalement inacceptable pour nous et donc, je disais que ça ne surprendra personne de voir le Bloc québécois s'inscrire en faux sur cette motion. Il faudrait rappeler que les causes concernant les autochtones et les droits autochtones sont probablement les plus anciennes reliées aux questions des droits de la personne au Canada. Ces questions demeurent non résolues et c'est une partie inachevée, je pense, de l'histoire canadienne. Il y a des tentatives pour les régler ailleurs. Il y a des tentatives partout au Canada et, en Colombie-Britannique, il s'avère que c'était l'endroit idéal, depuis quelque temps, pour le foisonnement de ces capacités de négociation.

Là, cette proposition viendrait tout simplement éteindre ces tentatives. Ça fait juste deux ou trois décennies que ces droits sont disputés ouvertement et assidûment dans l'arène politique et dans l'arène publique. Malheureusement, on veut tout simplement éteindre ce droit, bloquer tout ce qui a conduit à cet état de fait aujourd'hui, c'est-à-dire une capacité de négocier pour toutes les parties. Donc, pour nous, c'est absolument inacceptable.

(1510)

Je vais faire lecture de la motion, parce qu'il n'y a pas que le Parti réformiste, quant à nous, qui est à blâmer. Je pense que la motion fait tomber les masques. Elle fait tomber le masque du Parti réformiste, mais elle fait aussi tomber le masque du Parti libéral. Lisons la motion.

Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial, afin de respecter à ce sujet l'opinion publique exprimée par les deux principaux partis d'opposition de la province.
J'ai discuté avec des collègues de Colombie-Britannique et il s'avère qu'un des deux principaux partis d'opposition, en Colombie-Britannique, est le Parti réformiste. Naturellement on s'est empressé de me dire que le Parti réformiste national ne reconnaissait pas de prolongements provinciaux. Cependant, cela me paraît bizarre de constater que le Parti réformiste met de l'avant une proposition qui est partagée par un parti politique d'opposition en Colombie-Britannique qui porte exactement le même nom que lui.

Le masque tombe au Parti réformiste. Mais le masque tombe aussi au Parti libéral. J'entendais mes collègues parler de leur opposition à la motion. Quand on écoute les paroles des députés du gouvernement libéral et qu'on regarde les actions de ce gouvernement, on constate que là aussi ces gens se dévoilent. Ils se dévoilent par leur attitude à l'égard des autochtones.

Lorsque je regarde tout ce qui est mis de l'avant pour les autochtones par le Parti libéral, et le Parti libéral de Colombie-Britannique est derrière cette motion, la première question qu'il faut se poser est comment il se fait que le Parti libéral, ici à Ottawa, ne parle pas plus avec son frère, le Parti libéral de Colombie-Britannique, pour essayer de régler cette question.

Il me semble que le gouvernement actuel, dans cette Chambre, peut se réfugier derrière une opinion publique, et on en parlera plus tard, qui peut être réfractaire au moment où on se parle. Mais comment se fait-il que le Parti libéral et le ministre des Affaires indiennes ne prennent pas le téléphone pour appeler le responsable du Parti libéral, parti d'opposition en Colombie-Britannique? On peut sérieusement se poser la question. Surtout que les politiques qui sont mises de l'avant par ce gouvernement dans le fameux livre rouge ne sont même pas encore en application et on considère que le gouvernement libéral se traîne les pieds dans ce dossier.

Par exemple, on peut parler de la fameuse politique sur l'autonomie gouvernementale qui a été décriée par tous les représentants autochtones au Canada. Cette politique a été faite en vase clos, sans consultation avec les leaders des représentants autochtones. Aujourd'hui on se retrouve avec une proposition qu'on aura de la difficulté à mettre en place parce qu'elle n'a pas eu l'assentiment des représentants autochtones.

C'est la même chose pour la promesse du livre rouge de créer une commission pour les revendications territoriales. On a vu la proposition de motion d'un député de Colombie-Britannique, l'autre jour, qui mettait de l'avant l'importance de créer une commission indépendante. Encore une fois, là-dessus, le gouvernement libéral se traîne les pieds. On peut se demander si dans le fond, même avec les discours qui s'opposent à la motion réformiste actuellement, ils ne sont pas un peu complices de ce qui se passe en Colombie-Britannique à l'heure actuelle.

C'est une question purement politique. Si on regarde la motion qui est devant nous, on sait aussi qu'il va y avoir une élection dans un an. Qu'est-ce que cela veut dire? Je trouve que c'est un précédent dangereux. Cela veut dire que, à l'aube d'une élection, la terre ne peut plus tourner. Les choses qui sont mises de l'avant, qui marchent depuis un certain temps, doivent s'arrêter parce qu'il y a des partis d'opposition qui s'y opposent. Je trouve que cela n'a aucun bon sens.


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Quand je dis que c'est éminemment politique, ce n'est pas seulement pour les partis d'opposition, il y a le parti au pouvoir là-bas, le NPD qui, actuellement, éprouve d'énormes difficultés. Je pense qu'ils ont seulement 10 ou 12 p. 100 d'intentions de vote pour la prochaine élection. On a constaté que le premier ministre de cette province, il y a quelque temps, bloquait cela lui aussi. Cela est en grande partie dû à l'opinion publique là-bas, car le public est malheureusement mal renseigné.

En Colombie-Britannique, la question de la négociation avec les autochtones est tout simplement prise en otage par ce type de résolution, dans un contexte politique. Je pense qu'on est en mesure de répudier des tactiques de ce genre.

(1515)

Ces gens-là ont vécu des injustices depuis 150 ans. Ce sont probablement les gens qui ont été le plus patient, qui ont accepté de passer par la négociation de façon pacifiste. Aujourd'hui, on demande tout simplement de fermer la porte sur cette démarche, ce qui est absolument inadmissible pour nous.

J'ai également fait mention de certaines choses lorsque nous avons étudié la législation sur la Commission des traités de Colombie-Britannique en comité. J'en ai parlé parce que certaines dispositions de la loi mentionnent qu'à l'intérieur de cette Commission, on doit faire du marketing et de l'éducation auprès des gens de la Colombie-Britannique parce qu'il y a des rumeurs, des faussetés, qui sont véhiculées très largement et qu'on explique mal aux gens. J'ai d'ailleurs appris, en arrivant ici en tant que critique des affaires indiennes, par certains de mes collègues du Parti réformiste de la Colombie-Britannique, que 125 p. 100 de la superficie du territoire de la Colombie-Britannique était revendiqué.

Alors je m'étais dit: «Écoutez, 125 p. 100, cela veut-il dire que les autochtones prendraient toute la Colombie-Britannique et, en plus, repousseraient les Blancs dans la mer, si c'est 125 p. 100?» Là, on m'a expliqué ceci: «Non, c'est plus dû aux superpositions des revendications territoriales. Si on les répartit sur la carte de la Colombie-Britannique, effectivement, ça déborde la Colombie-Britannique.»

Là-dessus, je pense qu'il faudrait absolument que du côté de l'éducation et de l'information à la population de la Colombie-Britannique, on mentionne que c'est une position de négociation de départ. J'ai des collègues aussi qui ont exprimé leur point de vue à la Commission sur les revendications territoriales la semaine passée. Ils ont exprimé que certains de nos Québécois ont quelquefois des appréhensions à voir la carte du Québec découpée et possédée par les autochtones dans une proportion de 80 p. 100. Cependant, je pense que beaucoup seront conscients qu'il s'agit d'une position de négociation de départ. Là-dessus, les négociations qui ont été conclues au Canada depuis quelques années le démontrent. La position de départ d'une nation autochtone n'est pas nécessairement la position d'arrivée lorsque la négociation se conclut.

Donc, il est important que ce marketing et cette information se fassent. Les gens ont également l'impression que les négociations sont tenues secrètes. Quels titres peut-on lire en ce moment en Colombie-Britannique, dans le Vancouver Sun ou dans d'autres journaux? Ce sont souvent des déclarations de députés réformistes qui viennent jeter de l'huile sur le feu pour accentuer cette espère de paranoïa à l'égard des nations autochtones. Et ce type de motion va exactement dans le même sens. Les députés de la Colombie-Britannique disent: «Écoutez, ils vont prendre 125 p. 100 du territoire; cela va causer beaucoup d'incertitude. S'il y a moins d'investissements dans certaines régions de la Colombie-Britannique, c'est que les compagnies ont peur parce qu'elles ont l'impression que le territoire va appartenir aux autochtones.»

Ce n'est pas comme cela que la négociation fonctionne. D'ailleurs, un processus en six étapes a été établi avec la Commission, auquel il faut donner une chance d'arriver à bon port et de faire en sorte que tout le monde arrivera à une conclusion satisfaisante. Ce sont les principes mêmes d'une négociation. On commence au point de départ puis on arrive au point d'arrivée et tout le monde retrouve, avec un peu de compromis, une position satisfaisante.

Il me paraît également important de soulever l'apport de la nation Nisga'a dans le type de discussion qu'on a aujourd'hui. En effet, même si on a adopté la semaine passée la législation concernant la Commission des traités de Colombie-Britannique, on a intentionnellement exclu les Nisga'a de cette négociation, parce que ça fait au moins 20 ans qu'ils sont en discussion ferme avec le gouvernement sur un règlement territorial et d'autonomie gouvernementale. Il est toujours important de se rappeler des notions d'histoire et de constater avec des exemples, comme celui que je présenterai aujourd'hui à la Chambre, celui des Nisga'a, qu'il est rafraîchissant de voir que des nations autochtones sont capables d'avoir recours à des moyens pacifistes que tout le monde connaît, que le parlementarisme britannique connaît depuis longtemps, c'est-à-dire la négociation.

J'ai moi-même eu le plaisir et l'honneur d'aller rencontrer les Nisga'a l'été passé. Ils habitent le long de la rivière Nass et ils n'ont jamais signé de traité avec le gouvernement. D'ailleurs, c'est une des particularités de la Colombie-Britannique, il y a très peu de traités en Colombie-Britannique. C'est ce qui a fait en sorte que la Commission a été mise sur pied, pour établir un processus qui va amener l'ensemble des nations autochtones de Colombie-Britannique à conclure des ententes avec la Couronne et le provincial.

(1520)

Ils n'ont donc jamais signé de traité, pourtant ils représentent environ 6 000 personnes et ils sont les pionniers de la négociation autochtone au Canada. Les Nisga'a illustrent très bien la quête des autochtones du Canada pour les reconnaissances légales des droits autochtones.

Ici, il m'apparaît important de faire un petit peu d'histoire. En 1763, on a eu la Proclamation royale du roi George III qui reconnaissait des titres autochtones. Seuls les gouvernements pouvaient acheter des terres indiennes, et seulement par traités. Les Premières nations de Colombie-Britannique n'ont signé que 15 accords, et 14 de ces accords sont sur l'île de Vancouver. C'est le traité de Douglas qui a été signé par James Douglas de la Compagnie de la Baie d'Hudson.

En 1858, la Colombie-Britannique devient une colonie. En 1871, elle entre dans la Confédération et la majorité de ses habitants, à l'époque, sont des gens des Premières nations, et pourtant, ils ont accepté de partager le territoire avec les nouveaux arrivants. Aujourd'hui le résultat de tout cela est qu'on les retrouve dans à peu près 200 réserves en Colombie-Britannique et tout le reste du territoire est occupé par les Blancs qui exploitent les ressources naturelles, et les autochtones sont laissés pour compte. D'où l'importance d'instaurer la Commission de la Colombie-Britannique et de lui laisser le temps de parvenir à des ententes concluantes avec


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les Première nations, ce que la proposition, la motion du Parti réformiste veut nous empêcher de faire.

Je vais sauter dans le temps parce que je veux arriver à des dates plus contemporaines. En 1910, le premier ministre Laurier promet, à Prince Rupert, que la question territoriale sera réglée. En 1913, les Nisga'a, toujours soucieux de la tradition de la négociation, envoient une première pétition à Londres, au Conseil privé. Puis en 1927, en guise de réponse, quelques années après, le gouvernement fédéral interdit aux autochtones de s'organiser dans le but de discuter des questions territoriales et des revendications territoriales. Alors la réaction du gouvernement est de dire: «Bien, écoutez, il y a des problèmes, mais nous ne voulons pas en parler et on vous interdit d'en parler». C'était une belle façon de procéder, à l'époque, qui se rapproche un peu de ce que le Parti réformiste nous propose ici aujourd'hui, en 1995, soit d'empêcher les parties de se parler.

Je pense que cela pouvait être difficilement admissible en 1927, au début du siècle, mais aujourd'hui, en 1995, je trouve que c'est tout à fait inacceptable. Le premier député autochtone élu du Commonwealth, cela va peut-être surprendre mes collègues de Colombie-Britannique, fut un Nisga'a. Ici en cette Chambre, le premier député autochtone s'appelait Frank Calder et il fut à l'origine de la décision Calder dont on va faire mention un peu plus tard.

En 1955, le comité des terres autochtones est réétabli grâce au Conseil tribal Nisga'a. En 1968, les Nisga'a vont en cour afin de faire reconnaître des titres autochtones. En 1973, il y a l'Affaire Calder, reliée à Frank Calder dont je parlais tantôt.

Le jugement de la Cour suprême du Canada, après plus de 14 mois de délibérations, est divisé. Six juges conclurent que les Nisga'a avaient en effet des titres autochtones territoriaux, trois jugèrent que ces titres étaient maintenant échus et trois juges décidèrent qu'ils existaient toujours.

L'importance du jugement est que, en 1972, Pierre Trudeau était à la tête du gouvernement minoritaire de l'époque. Les partis d'opposition à cette époque et à la suite du jugement ont encouragé le gouvernement à reconnaître ses obligations de solutionner les revendications territoriales là-bas. Le 8 août 1973, l'actuel premier ministre annonça que le gouvernement s'engageait à résoudre les revendications.

En 1976, les négociations territoriales débutent entre les Nisga'a et le fédéral. La revendication a été faite il y a près de 70 ans, et la province a commencé en 1991 à participer aux négociations. Comme je l'avais dit dans mon discours précédent lors de l'étude en troisième lecture du projet de loi sur la Commission des Traités de Colombie-Britannique, il y avait à l'époque un ministère des Affaires indiennes, en Colombie-Britannique, et les choses se sont mises en branle.

Pourquoi négocier des traités? Jusqu'à maintenant, le statu quo s'est révélé coûteux: dépenses d'énergie, batailles juridiques, batailles stratégiques et batailles aussi dans les rues, sur les routes, dans les réserves. Il ne faut pas donner raison, je pense, aux gens qui prônent la violence pour régler leurs problèmes. On a un exemple ici d'une nation qui s'acharne à vouloir adopter et suivre la route de la négociation pacifique. Je crois qu'il faut leur donner la possibilité de se rendre jusqu'au bout de cette quête pacifiste qu'est la négociation.

(1525)

Les arguments du Parti réformiste sont probablement d'ordre financier, même si on ne le mentionne pas dans la résolution. Mais on pourrait peut-être répondre que les profits actuels réalisés par la province et le fédéral sur les terres en question sont très élevés. J'ai moi-même assisté aux coupes des forêts en Colombie-Britannique. Il y a énormément de ressources naturelles en Colombie-Britannique et ce n'est pas une question d'argent. La question est plutôt de savoir où va l'argent.

Actuellement, il y a peut-être des intérêts privés en Colombie-Britannique qui sont du côté du Parti réformiste ou qui ont le Parti réformiste de leur côté et qui exigent que de telles motions viennent devant nous parce que, actuellement, c'est une course-je peux en témoigner, je l'ai vu moi-même-aux ressources naturelles pour les sortir le plus rapidement possible de territoires qui, éventuellement, appartiendront à des autochtones. Alors donc, ce n'est pas compliqué, on va vider ces territoires de leurs ressources naturelles et, après, on ouvrira des négociations et on dira aux nations autochtones: «Maintenant, on est prêts à négocier avec vous la dévolution des terres et des ressources naturelles», alors qu'il ne restera plus rien.

Donc, est-ce que c'est ça que le Parti réformiste veut? Pourquoi le Parti libéral ne va-t-il pas plus loin? Pourquoi le ministre des Affaires indiennes, ici dans cette Chambre, ne communique-t-il pas avec le parti de l'opposition libérale en Colombie-Britannique pour lui dire: «Retirez-vous de ça, ça n'a pas de bon sens. Il faut régler avec les nations autochtones.»

Alors, on peut demander au Parti réformiste-je vais leur suggérer des questions, parce qu'ils ont le droit de m'en poser dans une minute-quand serait le bon moment pour le fédéral de signer une entente avec la province et les Premières nations? Quelles solutions le Parti réformiste envisage-t-il afin de conclure les négociations sur les revendications territoriales en Colombie-Britannique? Que pense-t-il des titres fonciers ancestraux reconnus par les cours jusqu'à maintenant?

Il semble que, pour le Parti réformiste, en ce qui concerne le bon moment, la réponse sera jamais. Quant à nous, du Bloc québécois, on pense qu'on n'a pas à prendre les Premières nations en otage dans les débats politiques actuellement. Je pense que ça fait assez longtemps que les injustices durent. Au Québec, nous l'avons compris en mettant de l'avant des modèles de convention et d'accords sur des revendications territoriales. Je demanderais donc à mes collègues du Parti réformiste d'en faire autant et je demanderais également à mes collègues du Parti libéral de faire pression sur leur parti frère en Colombie-Britannique pour qu'il ne se joigne pas à une action de la sorte, qui empêche la voix pacifiste de la négociation.

[Traduction]

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté l'allocution du député, car nous siégeons tous les deux au Comité permanent des affaires autochtones.


17396

Le député et d'autres députés de la Chambre interprètent mal notre motion. Nous disons qu'il ne doit y avoir aucune entente exécutoire au cours des prochains mois parce que, à notre avis, le gouvernement provincial actuellement en place n'en a plus que pour quelques mois. C'est tout ce que nous demandons. Nous ne demandons pas qu'on rejette le tout. Nous ne mettons pas un point final aux négociations. Pas du tout.

Le député parle de griefs vieux de 500 ans. Cela montre à quel point les gens qui ne sont pas de l'ouest du Canada savent peu de choses de la Colombie-Britannique et des autres parties de l'ouest du Canada. Le premier contact avec les Européens et, certes, tout grief, remontent à bien moins longtemps que 500 ans.

En ce qui concerne bien des déclarations qui ont été faites au sujet des positions de négociation, je suis d'accord avec le député. C'est cela négocier. Tous, au cours de notre vie, participons à toutes sortes de négociations.

Le processus concernant les traités de la Colombie-Britannique est enclenché depuis 1993. Il a eu le temps de faire ses preuves. Le député dit qu'il faut lui donner le temps de faire ses preuves. Le processus laisse à désirer. Nous réclamons des changements. La population réclame des changements. En plus du processus.

(1530)

Je comprends que cela fait 20 ans que les Nisga'a sont en négociations avec le gouvernement fédéral. Raison de plus pour ne pas accorder trop d'importance aux deux ou trois prochains mois. Je ne comprends pas. Cela me semble renforcer ce que nous essayons de faire valoir, à savoir que nous ne devrions pas signer à la hâte une entente qui va constituer un précédent pour les 47 autres négociations en cours en Colombie-Britannique.

Le député a fait allusion à la proclamation royale. Encore là, la Colombie-Britannique est un cas à part. La jurisprudence veut que la proclamation royale n'ait aucune incidence ni répercussion sur la Colombie-Britannique compte tenu de la date de la proclamation royale et de l'âge de la Colombie-Britannique, du moment où la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération et ainsi de suite. D'après la jurisprudence, cela n'a pas de répercussions sur la Colombie-Britannique.

À moins qu'il s'agisse d'un problème d'interprétation, le député a dit que la population de la Colombie-Britannique est composée d'autochtones et de Blancs. La réalité est très différente. La Colombie-Britannique est probablement la société la plus multiculturelle et pluraliste de l'Amérique du Nord. Je ne serais pas surpris si c'était la société la plus multiculturelle et pluraliste du monde entier, exclusion faite de certaines régions de l'Amérique du Sud.

Toutes les races et toutes les cultures de la Terre sont représentées en Colombie-Britannique. C'est très important, car en raison de ce pluralisme, nous sommes parfaitement habitués à respecter les autres cultures, à travailler et à vivre avec elles. Nous essayons de créer une société pluraliste, pas une société divisée.

Dans son discours, le député a fait plus qu'insinuer que nous essayons d'empêcher une entente entre les parties. C'est insensé. Il a fait une interprétation tout à fait erronée de la décision rendue dans l'affaire Calder. Je conseille au député de lire la décision proprement dite, et non pas le résumé que quelqu'un en a fait, résumé qui donne une interprétation erronée de ce que prévoit réellement la décision.

J'ai passé 20 ans dans le secteur des ressources, dans l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, et je trouve consternantes certaines des déclarations qui ont été faites au sujet de l'état des forêts et de l'exploitation forestière dans cette province. Je ne crois pas que la connaissance profonde soit. . .

Le Président: Cher collègue, vous avez utilisé la moitié du temps prévu pour les observations et les questions. Je vais donner au député de Saint-Jean la possibilité de répondre.

[Français]

M. Bachand: Monsieur le Président, mon collègue a soulevé plusieurs points. Je peux lui dire qu'effectivement, il a raison au sujet de la société pluriethnique. J'ai personnellement constaté, en allant à Vancouver, que les nations autochtones ont une importance prépondérante culturellement dans la ville de Vancouver.

Les autochtones sont un peu tannés d'essayer d'être reconnus. Ils sont reconnus culturellement, mais quand vient le temps de parler des affaires et des finances, de faire reconnaître les territoires sur lesquels ils pourront exercer une pleine autonomie, être en parfaite autonomie financière, là, la voie est plus difficile.

La motion qui est devant nous est très claire. Elle demande au gouvernement de ne pas signer d'entente trilatérale exécutoire. Cela veut dire qu'actuellement, avec les Nisga'a, on en arrive aux derniers paramètres de la négociation, et si on a une négociation concluante, on leur dit: Ne la signez pas.

Pourquoi ne pas la signer? Parce qu'il y aura des élections dans un an, et qu'on veut respecter l'opinion publique exprimée par les deux partis d'opposition de la province. À notre avis, c'est tout à fait politique.

(1535)

Je disais plus tôt, et je le répète, qu'on ne peut pas accepter de prendre en otage la négociation autochtone, que ce soit par le processus de négociation dans sa finalité, que ce soit à la signature ou au début. Il faut que tout se poursuive tel que décrit dans le traité de la Commission de la Colombie-Britannique. Il faut absolument que cela se poursuive.

Cet été, j'ai rencontré les Chilcotins, les Carrier-Se Kani, les Nisga'a et j'ai assisté à la sortie des forêts de leur territoire, je l'ai vu en avion, et je l'ai vu sur place. Pour moi, il est urgent qu'on règle ces questions fondamentalement pour qu'on puisse s'entendre une fois pour toutes pour corriger cette injustice.

Je pense que le processus mis en place actuellement en Colombie-Britannique va très bien et satisfait ce règlement-là. La motion qui est devant nous vise tout simplement à retarder l'ensemble du processus et c'est d'ailleurs pour cela qu'on s'y oppose.


17397

[Traduction]

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole.

Je tiens à dire à quel point je suis préoccupé et surpris par la motion du député de North Island-Powell River, qui propose de retarder le processus de règlement des revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial.

J'en viens à me demander si le député et ses collègues ne vont pas présenter une motion similaire l'année prochaine pour faire retarder le processus durant la première année du mandant du prochain gouvernement provincial, le temps qu'il s'organise. Nous ne faisons pas les choses ainsi au Canada.

Le gouvernement canadien persiste à croire que la justice et l'équité envers les autochtones exigent deux choses: l'autonomie gouvernementale et un processus qui permette de négocier des traités modernes dans le cadre de revendications globales. Les Canadiens ont tenté pendant de nombreuses années de résoudre ces questions. Le Parti réformiste, lui, a utilisé le thème de l'autonomie gouvernementale pour alimenter la peur et l'appréhension pendant les débats entourant l'Accord de Charlottetown. Les réformistes continuent de susciter la controverse en Colombie-Britannique en présentant le processus de négociation de traités sous un faux jour.

J'ai vu les députés d'en face faire grand cas de l'information publiée par les médias voulant que l'ensemble des revendications territoriales des premières nations représentaient 110 p. 100 du territoire de la Colombie-Britannique. Ces chiffres ne doivent pas nous étonner. Pourquoi n'y aurait-il pas chevauchement des territoires visés par les revendications? Les premières nations ont partagé le territoire et ses ressources pendant des siècles. Elles ont migré et ont exploité les ressources des diverses régions au fil du temps.

On leur a demandé, aux fins des traités, de décrire la zone géographique du territoire traditionnel des premières nations de la Colombie-Britannique. Elles ont fourni une carte des zones traditionnelles de leurs ancêtres. Cette carte décrit le territoire historiquement occupé par une nation. Ces cartes permettent aux négociateurs de se faire une idée générale de l'étendue des terres en question. C'est seulement une partie de l'étape un du processus que l'on appelle la déclaration d'intention.

Une déclaration d'intention n'est pas un règlement. Une revendication n'est pas un traité. Un traité est le résultat de négociations et ces négociations ne font que commencer. Les revendications ne sont que la position de négociation initiale. Pas une première nation ne s'attend à se voir accorder toute la région décrite dans sa déclaration d'intention. Les premières nations ne s'attendent pas à se voir accorder le titre de propriété en fief simple pour la province tout entière. Si les territoires traditionnels de deux premières nations se chevauchent, les deux premières nations en question régleront ce problème au fur et à mesure des négociations. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne participent pas aux négociations au sujet de territoires qui se chevauchent.

Plusieurs députés de l'autre côté, des députés qui devraient être plus avisés, se sont servi des revendications pour faire peur aux habitants de la Colombie-Britannique. Ils laissent entendre que ces positions initiales entraîneront la perte de biens pour des tiers dans la province. Ils demandent aux habitants de la Colombie-Britannique: «Qu'adviendra-t-il de votre chalet d'été? Qu'arrivera-t-il aux emplois dans les secteurs de l'industrie minière et de l'exploitation forestière? Qu'arrivera-t-il à la pêche?» Ils ont répandu ces craintes sans préciser que le processus de négociation permet aux propriétaires de chalets et à un large éventail d'industries de la Colombie-Britannique d'avoir voix au chapitre.

(1540)

Ces députés ont négligé de dire, aux assemblées publiques ou à la radio, que le gouvernement du Canada consulte actuellement un comité consultatif sur la négociation des traités qui représente un grand nombre d'intérêts différents. Ces députés n'ont pas dit aux gens qu'on ne peut entamer des négociations tant qu'un comité consultatif régional n'a pas été créé, pour permettre aux habitants de la région touchée par ces négociations d'exprimer leur point de vue même s'ils ne prennent pas place à la table.

Cette manière de faire de la désinformation et de tenir des discours alarmistes est typique des tactiques que certains députés de l'autre côté de la Chambre ont utilisées pour se faire du capital politique à bon marché. Ces députés ont souvent critiqué le gouvernement pour l'intérêt qu'il voue au droit inhérent des autochtones à l'autonomie gouvernementale, la pierre angulaire de la politique du gouvernement du Canada dans ce domaine.

Nous avons dit depuis le début, depuis que nous avons dévoilé le livre rouge comme programme électoral, que nous croyons que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est établi dans la Constitution canadienne.

Les députés d'en face ont souvent servi comme argument que personne ne sait ce que veut dire «autonomie gouvernementale». On a voulu se servir de cet argument pour empêcher que justice soit faite à l'endroit des collectivités autochtones de tout le Canada. Cet argument est une manifestation de l'attitude mesquine et de l'étroitesse d'esprit qui ont entravé les efforts pour régler équitablement les questions autochtones. Il renforce la tyrannie du statu quo. Il perpétue le paternalisme de la Loi sur les Indiens. Les députés réformistes souhaitent-ils vraiment préserver tout cela? Je préfère n'en rien croire. Veulent-ils vraiment empêcher le progrès, empêcher le redressement de la situation, empêcher la certitude à venir, empêcher la stabilité économique, empêcher la création d'emplois?

Tous les Canadiens souhaitent le règlement des revendications. Ils veulent que l'incertitude disparaisse, que les choses s'améliorent. Les négociations portent sur les modalités des règlements, non pas sur leur raison d'être.

Nous voulons faire des progrès. Pour cela, il faut reconnaître que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit existant. Nous sommes actuellement à négocier avec les premières nations les modalités d'application de ce droit.


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J'aimerais rappeler à la Chambre les six étapes qu'une revendication doit franchir avant l'entrée en vigueur d'un traité. Les députés constateront qu'il s'agit d'un processus très approfondi.

À la première étape, la première nation dépose une déclaration d'intention devant la commission d'étude des traités de la Colombie-Britannique. La commission vérifie que toutes les données sont complètes et transmet la déclaration aux gouvernements fédéral et provincial. C'est à cette étape que la première nation décrit la région géographique de la Colombie-Britannique qu'elle considère comme étant son territoire traditionnel. Quarante-sept déclarations d'intention ont été déposées. Elles représentent plus de 70 p. 100 des peuples autochtones de la Colombie-Britannique. Ça c'est du progrès.

Deuxièmement, la commission convoque une réunion préparatoire aux négociations. Les trois parties échangent des renseignements, examinent les critères, discutent de la nature des recherches à effectuer en vue des négociations et relèvent les motifs de préoccupation. Chaque partie désigne un négociateur doté d'un mandat clair. Chaque partie établit une procédure de ratification et les parties s'entendent sur les questions de procédure et de fond que feront l'objet des négociations.

C'est à cette étape que les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique établissent leurs mécanismes de consultation auprès des intéressés non autochtones. La Commission des traités de la Colombie-Britannique impose aux deux gouvernements d'établir un mécanisme régional de consultation pour représenter les intérêts des tierces parties.

Lorsque la commission juge que les trois parties sont prêtes, elle confirme qu'elles peuvent passer à la troisième étape. C'est là que les trois parties négocient un accord-cadre, un programme bien établi qui précise les questions à négocier, les objectifs du processus de négociation, les dispositions spéciales à prendre sur le plan de la procédure et le calendrier des négociations.

Jusqu'à maintenant, on a signé quatre accords-cadres et les négociateurs en ont paraphé quatre autres. Je le répète, c'est un progrès.

(1545)

À la quatrième étape du processus, les parties négocient un accord de principe. Ce sont des négociations en profondeur et les parties examinent alors tout le cadre en détail.

À la cinquième étape, les principaux intervenants négocient pour finaliser le traité. On règle toutes les questions juridiques et administratives à ce stade-là. Ce n'est qu'alors qu'on passe à la sixième étape, la mise en oeuvre du traité. On doit adapter à des ententes précises les plans de mise en oeuvre à long terme.

Toutes les commissions s'entendent pour dire qu'il y a eu des progrès importants dans le processus de négociation des traités. Le processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique donne des résultats. Il est juste, équitable et transparent. Personne ne nie que les négociations à venir seront difficiles. On va aborder des questions extrêmement complexes. Cependant, il est temps de régler ces revendications pour que tous les habitants de la Colombie-Britannique, autochtones et non autochtones, puissent continuer à bâtir, dans cette province, une société prospère, une société où tous les groupes peuvent profiter de la richesse des ressources de la province. Ce sera avantageux pour tous les habitants de la Colombie-Britannique.

Il est temps de se mettre au travail et non de tenir des propos alarmistes. Le moment est venu d'être équitable et de dissiper tous les doutes. Il ne faut certes pas faire traîner les choses en attendant la tenue d'élections provinciales, ce qui créerait un précédent et serait tout à fait injustifié.

En conclusion, je voudrais dire que je ne représente pas des autochtones qui ont des revendications remontant à des centaines d'années. Je représente plus de 2 000 autochtones dont le traité a été signé en 1923, à l'ère moderne. Hier, j'ai assisté, dans ma circonscription, aux funérailles de la première femme à être chef indien au Canada. Elle est morte à 73 ans. En 1953, lorsqu'elle est devenue chef pour la première fois, c'était une jeune femme, une jeune mère qui s'inquiétait de ces questions. Lorsqu'elle est morte, cette semaine à peine, c'était toujours le cas. Sa mère est morte il y a deux ans, à l'âge de 103 ans. Tout au cours de sa vie, elle a essayé activement de résoudre les problèmes des premières nations de ma circonscription.

Les autochtones voudraient négocier. Je pense qu'il en va de même de tous les Canadiens. Chaque fois que nous aboutissons à un affrontement, tous les Canadiens souffrent. Je déplore vivement que le député ait présenté une motion de ce genre aujourd'hui.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je crois que le député aurait avantage à passer un peu de temps en Colombie-Britannique plutôt qu'à Peterborough. Il aurait ainsi une meilleure idée de ce que signifie le discours du ministère des Affaires indiennes qu'il vient de nous lire. Il est évident qu'il n'a aucune idée de ce qui se passe en Colombie-Britannique.

Lorsque le député affirme qu'il s'agit d'un processus transparent, les gens de Colombie-Britannique que cette question préoccupe, c'est-à-dire probablement la majorité de la population, se demandent de quoi il parle.

On me demande souvent: «Qui négocie pour nous? Qui sont-ils? Comment ont-ils été choisis? Où se réunissent-ils? Quand se réunissent-ils? Je ne les connais pas.» On me demande surtout: «Quel est leur mandat? Qui leur a confié ce mandat? Comment pouvons-nous savoir ce qu'ils négocient en notre nom?»

J'ai tendance à convenir avec le député que si nous avons un problème, ce qui est évident quelle que soit la situation, il est très utile de négocier directement avec l'autre partie.

En fin de compte, ce qui se passe dans ma circonscription, en Colombie-Britannique, c'est que 3 p. 100 des gens sont représentés par des porte-parole qui sont en contact constant avec eux, qui comprennent très bien leur mandat, et, ce qui est plus important, qui présentent des rapports périodiques à leurs gens. Ils savent qu'ils vont faire l'objet d'un vote de ratification à la fin du processus. Ces porte-parole savent donc qu'ils doivent négocier non seulement de


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bonne foi mais aussi pour le compte des gens qu'ils représentent. Il n'en va cependant pas de même pour l'autre camp.

Si le député venait en Colombie-Britannique, nous pourrions peut-être le mettre un peu au courant.

(1550)

M. Adams: Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire que j'ai de la famille en Colombie-Britannique, plus précisément à Kamloops, et que je la visite souvent. Je connais bien la circonscription de Prince George-Burkley Valley. Je vais régulièrement à Vancouver, et je suis déjà allé à Peace River. Je ne me prends cependant pas pour un résident de la Colombie-Britannique pour autant. C'est à titre de député fédéral que je me préoccupe de tout ce qui touche les Canadiens.

Le député demandait qui participe aux négociations. Il incombe aux parlementaires d'expliquer ce genre de processus. Celui que la Commission des traités de la Colombie-Britannique a adopté est bon; il est transparent. Une mesure s'y rapportant a été déposée à la Chambre. Il incombe aux députés réformistes de fournir des précisions à ce sujet aux gens de leurs circonscriptions.

J'aimerais vous lire quelque chose. Je laisse les députés d'en face deviner quelle province habite l'auteur de ces lignes. Peut-être est-il ontarien lui aussi. Je suis fier d'être ontarien, mais je m'efforce de représenter tous les Canadiens. Voici ce qu'il dit: «Les déclarations faites à la Chambre des communes, selon lesquelles les autochtones qui vivent dans des logements insalubres, sans eau courante ni service d'égout, dans leurs réserves n'ont qu'à déménager sont empreintes de naïveté et de racisme. Ces remarques peu éclairées du porte-parole réformiste pour les affaires autochtones, M. Mike Scott, montrent la vraie couleur de son parti. Les réformistes se sont fait une réputation à force de proférer des accusations à tort et à travers à l'endroit des peuples autochtones». C'est David Neale, du Times de Victoria, qui a écrit cela.

«La campagne réformiste visant à faire échouer les revendications territoriales globales se caractérise par la pure désinformation, la confusion délibérée de processus différents et la manipulation éhontée des médias, lesquels semblent ignorer. . .»

M. Harris: J'invoque le Règlement, Monsieur le Président. Il n'est pas permis, je crois, de mentionner le nom d'un député, même dans le contexte d'une citation.

Le Président: Le député a parfaitement raison. Je demanderais au député qui a la parole de bien vouloir conclure.

M. Adams: Je prie les gens d'en face de m'excuser, monsieur le Président. Ils ont tout à fait raison, et je m'excuse d'avoir désigné le député réformiste par son nom.

«La campagne réformiste visant à faire échouer les revendications territoriales globales se caractérise par la pure désinformation, la confusion délibérée de processus différents et la manipulation éhontée des médias, lesquels semblent ignorer les faits historiques.»

Ça, c'est un habitant de la Colombie-Britannique qui l'a dit. La citation est de Stephen Hume et tirée du Vancouver Sun du 10 avril 1995.

Le Président: Reprise du débat. La députée de Madawaska-Victoria.

M. Duncan: J'invoque le Règlement, Monsieur le Président. D'après ma montre, il restait encore trois minutes à la période de dix minutes allouée aux questions et commentaires faisant suite à l'intervention du député de Peterborough.

Le Président: Je signale au député qu'il y a des périodes de dix et de cinq minutes. L'autre période de dix minutes sera allouée au député à qui je viens d'accorder la parole.

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui à propos de la motion antidémocratique proposée par le député réformiste.

Le député semble ne pas vouloir la prospérité des habitants de la Colombie-Britannique, puisqu'il propose de reporter la conclusion de traités permettant d'éliminer un obstacle qui a nui pendant trop longtemps à la croissance économique de la province, soit l'incertitude concernant la propriété des terres et des ressources. Cette incertitude a coûté très cher.

Dans le cadre d'une étude réalisée en 1990, la firme Price Waterhouse a interrogé les entreprises forestières et minières en Colombie-Britannique sur les effets de l'incertitude résultant du non-règlement des revendications territoriales.

[Français]

Les résultats font réfléchir. Dans ces deux secteurs seulement, on remarque une perte de un milliard de dollars d'investissement: 300 nouveaux emplois compromis, 1 500 emplois permanents remis en cause, perte de 125 millions de dollars de dépenses en capital par année en raison de l'incertitude liée au statut juridique du territoire et aux ressources.

(1555)

Depuis ce temps, on continue de payer le prix de l'incertitude, année après année. Voilà ce qu'il nous en coûte pour laisser la situation incertaine et mal définie et ce qu'il nous en coûte pour refuser de s'asseoir avec nos partenaires autochtones et de discuter de solutions rationnelles aux vrais problèmes. Voilà le prix que le Parti réformiste aimerait nous voir continuer de payer.

Nous avons ici une chance d'agir, de créer des emplois et de stimuler notre croissance économique. En septembre, Mme Marlie Beets du BC Council of Forest Industries affirmait: «Nos membres savent que nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer la question des traités. L'industrie forestière appuie totalement les efforts déployés pour résoudre ces problèmes, même si elle se préoccupe de ce que pourraient contenir ces traités.»

[Traduction]

Dans l'industrie forestière de la Colombie-Britannique, on comprend l'enjeu. On sait qu'il est impossible de fonctionner efficacement, s'il n'existe pas de politique claire. On sait que les droits des autochtones doivent être définis clairement pour que tout le monde


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connaisse les règles du jeu. On sait aussi que le temps est venu de réaliser le potentiel de la province pour que tout le monde en bénéficie. Cette industrie veut aller de l'avant.

La situation est claire. Les traités apporteront la certitude et créeront un climat plus favorable à l'investissement et à la croissance économique. C'est indéniable. Le message sera clair: La Colombie-Britannique est ouverte au commerce.

Les traités assureront également une base territoriale pour les peuples autochtones, ce qui leur permettra de former de communautés autonomes. Les peuples autochtones pourront alors participer à toute une gamme d'activités économiques auxquelles ils n'avaient pas accès tant qu'ils n'avaient pas de base territoriale.

Les premières nations seront nettement mieux en mesure de s'adonner à des activités commerciales, notamment dans les secteurs des mines, des forêts et du tourisme. L'émergence de collectivités autochtones solides, dynamiques et autosuffisantes sur le plan économique nous rendra tous plus forts, parce qu'elle aura des retombées sur les autres collectivités.

Pendant trop longtemps, on a nié aux peuples autochtones de la Colombie-Britannique leurs droits ancestraux et leurs espoirs pour l'avenir.

[Français]

Pendant trop longtemps, ils ont été des victimes: chômage, analphabétisme, mortalité infantile et suicide les ont touchés durement. Pendant trop longtemps, nous avons refusé de reconnaître ce qu'ils pouvaient apporter à notre société canadienne. C'est une attitude injustifiable; il est temps que cela cesse.

Lorsque les droits et les obligations seront clairement définis dans des traités, tous les habitants de la Colombie-Britannique, autochtones et non-autochtones, pourront exploiter le potentiel de leur province et améliorer leurs propres conditions. Voilà de bonnes nouvelles pour les travailleurs forestiers et les travailleurs miniers.

Cela signifie un élargissement de l'assiette fiscale, puisque l'injection des fonds de règlement stimulera l'activité économique et la création d'emplois. Cela signifie également une diminution des coûts sociaux liés à la pauvreté et au chômage dans les collectivités autochtones. Cela signifie la fin des litiges et des recours coûteux devant les tribunaux et le début de la collaboration et de la négociation.

Ces problèmes historiques persistent; ils ne s'évanouiront pas d'un coup de baguette magique. Aussi longtemps que ces problèmes demeureront irrésolus, il n'y aura pas d'investissements et les emplois qui pourraient et qui devraient être créés ne le seront pas.

Le cercle vicieux se poursuivra: l'incertitude entraînera une diminution du nombre d'emplois qui, à son tour, causera une augmentation des problèmes sociaux.

[Traduction]

Le cycle de pauvreté et de dépendance se poursuivra. Nous n'avons pas le choix, il faut s'occuper de ces questions. Il nous appartient de décider comment nous allons nous y prendre. Nous pouvons aller devant la justice, à grands frais pour les contribuables canadiens, tout en sachant qu'au bout de ce long processus qui engendre souvent l'amertume, le tribunal nous dira probablement de régler nous-mêmes ces détails, un peu comme c'est le cas avec le système de négociation actuel.

(1600)

Par ailleurs, nous pouvons aussi commencer à négocier d'entrée de jeu. Il va de soi que c'est une bonne idée que d'éviter l'option coûteuse qui consiste à aller devant les tribunaux, sans compter que celle-ci ligue les parties l'une contre l'autre. De fait, il est préférable d'aborder les questions comme des partenaires prêts à faire des compromis, dans un climat de confiance et de respect mutuel.

Il y a de réels avantages économiques à recourir aux traités en Colombie-Britannique mais, au bout du compte, l'avantage le plus important ne sera pas d'ordre monétaire. Cet avantage sera plutôt ressenti à un niveau individuel, puisque les personnes auront la chance de contribuer davantage à la grandeur du Canada.

Les avantages liés au fait d'avoir un emploi ne peuvent pas toujours être mesurés au moyen de graphiques. Il y a une notion d'espoir rattachée au fait d'avoir un emploi, en ce sens qu'une personne peut alors planifier l'avenir, s'accomplir et aussi améliorer le sort de sa famille. Il y aussi une notion de fierté liée au fait de contribuer au bien-être de la collectivité. Est-il préférable de laisser perdurer une situation confuse, ou de s'asseoir avec nos vis-à-vis autochtones et de définir des certitudes?

Peut-être est-ce trop espérer que de s'attendre à ce que la vision pancanadienne du parti réformiste soit assez large pour inclure les premières nations, assez généreuse pour élargir le cercle des possibilités, ou assez vaste pour comprendre la sagesse de mettre le point final à ce dossier historique qui demeure non réglé. Ce n'est sûrement pas trop demander que d'inviter le parti réformiste à examiner froidement les conséquences économiques de la négociation de traités et de reconnaître que cette option est pleine de bon sens.

Je suis convaincue que même les réformistes peuvent voir le terrible prix à payer à cause de l'incertitude qui règne. Ils peuvent sûrement voir les avantages de la négociation, par opposition à la contestation judiciaire. J'espère qu'ils seront conscients de ces avantages au moment de voter sur cette motion et qu'ils se joindront à nous pour dénoncer une motion qui est méchante et qui manque de vision.

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes d'accord sur presque tout ce que le député a dit, mis à part sa conclusion sectaire. Pourvu que le contenu des traités soit acceptable, ce que le député a dit est tout à fait juste. Il nous faut définir les droits autochtones et résoudre les problèmes engendrés par l'incertitude.

On a fait allusion tout à l'heure à l'accord de Charlottetown. On a constaté, après le référendum sur cet accord, que, parmi tous les groupes raciaux ou ethniques identifiables au Canada, les autochtones des réserves avaient, plus que tout autre groupe, rejeté avec fracas l'accord de Charlottetown. Nous ne devons pas l'oublier, car je ne crois pas que les Canadiens en soient conscients. Si cela s'est produit, c'est pour d'importantes raisons auxquelles je suis certainement sensible. Je ne suis pas sûr que tous les députés le soient autant.


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Il y a un comité consultatif sur la négociation des traités qui compte 31 membres. Il a été fait allusion à l'un de ces membres dans l'intervention précédente, le représentant du Council of Forest Industries. De nombreux membres de ce comité consultatif et aussi quelques membres des comités consultatifs régionaux dont beaucoup de députés ont parlé sont les critiques les plus virulents du statu quo. Il faut tenir compte de ces faits.

(1605)

Mme Ringuette-Maltais: Monsieur le Président, je n'ai pas entendu de question comme telle. Je pense que les recherchistes du député lui fournissent certains éléments d'information qu'il veut mentionner.

À propos de l'accord de Charlottetown, la population de la Colombie-Britannique l'a rejeté elle aussi. Le député devrait éviter toute confusion. Je tiens à m'assurer qu'on mentionne les faits de façon impartiale.

Je trouve la motion assez mesquine. Je ne peux pas croire que, partout où nous allons, dans tous les comités de la Chambre, les députés du Parti réformiste s'en prennent toujours à la démocratie et aux droits démocratiques. Ils se trouvent pourtant à dire dans la motion que la démocratie ne se porte pas bien en Colombie-Britannique parce qu'elle a un gouvernement qui doit déclencher des élections d'ici un an, comme s'il n'avait pas été élu dans le cadre d'un processus démocratique et ne pouvait pas assumer ses responsabilités envers tous ses citoyens. Voilà ce que laisse entendre la motion, c'est-à-dire que le gouvernement provincial actuel n'a pas de mandat ni de responsabilité à cet égard et qu'il n'a pas été élu dans une démocratie.

Je me demande s'ils ont bien lu ce qu'ils ont écrit dans cette motion. C'est absolument tendancieux. Je considère que cela détruit toute leur argumentation et leur excuse qu'ils défendent à la Chambre et dans tous les comités pour faire valoir leur politique mesquine.

Le député qui a proposé cette motion déclare par ailleurs: «Ces changements auraient pour objet de donner aux autochtones plus de responsabilité pour leur bien-être, les outils pour s'acquitter de cette responsabilité et plus de comptes à rendre quant aux résultats.» Cela vient d'un communiqué de presse sur la politique réformiste pour l'égalité et la responsabilité des autochtones.

Je regrette, mais nous discutons en l'occurrence d'une motion qui vient d'un député qui dit un jour une chose et son contraire le lendemain, tout comme son chef.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier restera marqué comme un jour de déshonneur dans l'histoire du Canada, car les parties d'opposition à l'Assemblée législative de l'Ontario ont occupé illégalement le Parlement ontarien. C'était un acte déraisonnable et je les prie de songer à l'exemple qu'ils ont ainsi donné.

Je comprends leur sentiment de frustration, car il peut être décevant, frustrant et révoltant pour un député de l'opposition d'avoir à affronter le bloc d'une majorité ministérielle.

Le Parti réformiste s'est heurté au même genre d'aveuglement stupide et d'abus de pouvoir lorsque l'actuel gouvernement fédéral libéral a usé des grands moyens pour imposer, en juin 1994, la mesure concernant les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale des Indiens du Yukon.

Croyez-le ou non, il y a désormais au Canada un gouvernement fondé sur la race. Le gouvernement fédéral a cédé d'importants pouvoirs législatifs aux autochtones du Yukon. En clair, les autochtones peuvent adopter certaines lois qui influent directement sur les non-autochtones, sans que ceux-ci aient le moindre recours démocratique.

(1610)

En Afrique du Sud, on appelait apartheid l'imposition par la minorité blanche de sa volonté à la majorité noire. Comment va-t-on appeler au Canada l'imposition par les autochtones de leur volonté à la majorité non autochtone?

C'est ce qui se passe au Yukon. Le plus stupide dans cette mesure législative imposée par le gouvernement, c'est qu'elle prive aussi les autochtones du Yukon de certaines libertés. Conformément à la Constitution, le gouvernement fédéral délègue le pouvoir d'adopter des lois à certaines nations autochtones qui, en retour, n'ont pas à établir ces lois au moyen d'un processus démocratique. En fait, ces nations peuvent déléguer ce pouvoir à un de leurs membres.

Les habitants autochtones et non autochtones du Yukon peuvent maintenant être assujettis à des lois contre lesquelles ils n'ont aucun recours ni aucun pouvoir démocratique. Le gouvernement libéral actuel a inclus dans la Constitution canadienne l'assujettissement des Canadiens à une dictature. C'est incroyable!

Voilà pourquoi le Parti réformiste a soulevé aujourd'hui la question de la négociation des traités en Colombie-Britannique. Les habitants de cette province, comme tous les Canadiens, du reste, sont sur le point de se faire imposer un accord de principe qui a été négocié derrière des portes closes. Il s'agira d'un accord de principe qui servira de point de départ à un traité couvert par la Constitution. S'il est un moment où il faut protester, s'opposer et prendre des moyens extrêmes, c'est bien maintenant.

Contrairement aux très graves problèmes de l'Ontario qui sont motivés par des considérations financières, le problème que pose le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique, c'est le fait que le traité de la province et l'accord de principe des Nishga aura des répercussions explicites sur les libertés démocratiques des Canadiens. Le processus et le traité incluront en permanence dans la Constitution des droits individuels fondés sur la race.

Si nous ne respectons pas le processus démocratique et que nous ne formulons pas nos protestations à l'intérieur de ce processus, nous avons détruit la démocratie. J'ai demandé aux députés qui ont occupé l'assemblée législative provinciale de l'Ontario quelle est la différence entre eux et les occupants d'Ipperwash ou les 19 protestataires autochtones qui ont occupé un bureau de Revenu Canada, à Toronto, l'an dernier. Quelle est la différence entre eux et les occupants de l'assemblée législative? Elle est énorme. Si les députés d'une assemblée provinciale, les législateurs ne respectent pas la


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loi, comment peuvent-ils s'attendre à ce que les simples citoyens la respectent? Sans respect, c'est l'anarchie.

Il n'y a toutefois pas qu'un côté à la médaille. Si le gouvernement de Queen's Park ou d'Ottawa est entêté, provocateur, indifférent et insensible aux préoccupations des citoyens exprimées par les députés de l'opposition, il est, dans une large mesure, responsable des actions illégales.

Les libéraux ont cette responsabilité ici. Ils ont la responsabilité d'être vraiment à l'écoute et de répondre en conséquence. Comment expliquer ma rage à l'idée qu'ils ont écrasé sauvagement les libertés et les droits individuels des Canadiens au Yukon? Les libéraux rejetteraient immédiatement une motion du Parti réformiste qui demanderait que les atteintes aux libertés et aux droits individuels des habitants du Yukon soient évaluées en regard de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le Parti réformiste a eu recours à toutes les tactiques parlementaires à sa disposition, en juin 1994, pour mettre un frein à cette démocratie qui est fondée sur la race et qui porte un dur coup aux lois du Yukon. Nous avons dû faire un choix: enfreindre nous-mêmes la loi pour faire obstacle à la stupidité des libéraux ou travailler dans le cadre du régime et dans le respect de cette institution, malgré la stupidité et l'entêtement des libéraux.

Pour le Yukon, c'est trop tard, mais pas pour la Colombie-Britannique. J'en appelle aux libéraux. Je les exhorte à admettre non seulement que le processus libéral est complètement irréaliste, mais encore, ce qui importe le plus, qu'il provoquera la désobéissance civile et des tensions raciales permanentes.

Des autochtones sont venus me voir à mon bureau de Cranbrook. Des membres de la nation Ktunaxa qui m'ont dit que leurs négociateurs ont perdu le contact avec eux. Ces autochtones détestent être tenus à l'écart du processus de négociation.

Au moins, ces électeurs, qui représentent environ 3 p. 100 de la population de Kootenay-Est auront la chance de ratifier une entente négociée. Ils pourront voter individuellement, mais qu'en est-il des autres 97 p. 100? Les quelque 70 000 personnes qui devront composer avec le traité n'auront que deux voix, celles de leurs députés fédéral et provincial. Leur député qui votera à la Chambre devra se mesurer à des députés comme celui de Peterborough et ceux du Québec, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve, de l'Ontario: une voix sur 295 pour défendre les intérêts de 70 000 personnes.

Peut-on parler de démocratie quand un autochtone obtient un vote, mais non un non-autochtone? Je ne pense pas.

(1615)

À mon avis, les négociateurs autochtones, qui sont peut-être vus comme ayant perdu le contact avec les autochtones qu'ils représentent, négocient en pensant que l'accord final auquel ils parviendront sera soumis à un vote populaire. Ils savent pertinemment que les résultats auxquels ils arriveront seront rejetés s'ils ne reflètent pas la volonté de ceux qu'ils représentent.

Il n'y va pas seulement de la justice. Il y a plus que l'application du principe de l'égalité de tous les Canadiens. Nous parlons d'un processus raisonnable susceptible d'apporter de vraies solutions à un vrai problème. Si nous ne faisons pas les choses comme il faut, nous aurons sur les bras de la désobéissance civile, des troubles, des conflits raciaux et un gâchis constitutionnel monstre.

Souvent, des gens qui viennent à mon bureau me demandent qui négocie au nom de ceux qui ne sont pas des autochtones. Des gens viennent me voir et me demandent qui négocie en leur nom. Ils veulent savoir qui ils sont, comment ils sont choisis, qui ils rencontrent, quand ils les rencontrent et, ce qui est plus important, quel est leur mandat et qui leur a donné. Un électeur de ma circonscription m'a demandé un jour: «Comment sauront-ils ce que je suis prêt à accepter? Pourquoi n'ai-je pas, comme les autochtones, le droit de me prononcer dans le cadre d'un vote de ratification?» Ils me disent que s'ils ne sont pas inclus dans le processus, si leurs intérêts n'entrent pas en ligne de compte, ils ne tiennent pas à arriver à une entente.

Je veux expliquer clairement ce que cela signifie au ministre des Affaires indiennes et aux simples députés libéraux, qui sont contraints de l'appuyer. Je veux aussi expliquer la situation aux négociateurs provinciaux. Si ces négociateurs savaient dès le départ que ce qu'ils négocient sera soumis à un vote populaire, ils négocieraient très différemment. Ils sauraient que les résultats des négociations devraient être approuvés, du moins dans ma circonscription, Kootenay Est, par 97 p. 100 de la population.

«Impossible», disent les députés libéraux. «Nous n'obtiendrions jamais d'accord.» Là est précisément le problème. Contrairement à la vieille conception des libéraux, les Canadiens n'accepteront pas des solutions imposées d'en haut par le gouvernement. Je le répète, les Canadiens ont clairement montré, que ce lors de l'Accord de Charlottetown ou de l'affaire de la hausse proposée des tarifs de câblodistribution l'année dernière, qu'ils n'accepteraient ni cet accord ni les hausses de tarifs. Les Canadiens n'accepteront pas de se voir dicter leur avenir par des politiciens à Ottawa. Voilà!

La même chose vaut en ce qui concerne la négociation d'une entente avec les Indiens Nisga'a en Colombie-Britannique. Si les Canadiens ne participent pas à la solution, ils contribueront à aggraver encore plus le problème.

La différence entre les problèmes d'aujourd'hui et ceux de demain est double. Premièrement, les résidents non autochtones de la Colombie-Britannique ont peur, ils sont angoissés et inquiets et ils retardent de nombreuses décisions d'investissement. L'inconnu aggrave leur appréhension. Demain, ils seront pleins de ressentiment, butés et leur appréhension cédera la place à un refus de collaborer avec le gouvernement et à une rancoeur envers ceux qui jouiront d'un statut spécial et de privilèges à cause de leur race. Deuxièmement, nous avons aujourd'hui une certaine latitude, mais demain les décisions seront coulées dans le béton parce qu'elles feront à jamais partie de la Constitution.

Avons-nous compris? Nous remplaçons pour toujours un problème sérieux par un autre problème 20 fois pire.


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Prenons l'image que le ministre des Finances a utilisée pendant la période des questions aujourd'hui. Il y était question d'un automobiliste aux facultés affaiblies qui descend une côte à toute vitesse. La motion présentée par le Parti réformiste permettrait de ralentir l'automobiliste, de l'immobiliser et peut-être même de l'amener à cesser de boire. Les libéraux laisseraient l'automobiliste poursuivre sa course jusqu'à ce qu'il ait un accident.

Les libéraux vont-ils écouter? Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, qui est sur la voie de sortie, va-t-il prendre garde? J'en doute. Ce n'en est que plus honteux car le gouvernement libéral exerce les mêmes pressions déraisonnables sur le Parti réformiste que le fait le gouvernement de l'Ontario envers l'opposition dans cette province. Les députés ministériels se doivent d'être raisonnables, mais ils ne le sont pas.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt ce qu'a dit le député et je regrette qu'il n'ait pas eu la possibilité de parler davantage de cette motion. Il aurait pu passer un petit peu plus de temps sur les aspects sectaires de la vie politique.

Le député a fait référence au début de son intervention à ce qui se passe à l'Assemblée législative de l'Ontario. Il a reproch aux députés de l'opposition de prendre en main une situation et en fait d'exercer leur droit de faire connaître leurs points de vue dans cette assemblée élue.

(1620)

Il a ensuite décrit ce qui s'est passé en juin dernier au comité des affaires autochtones. Il a dit que le comité avait examiné une partie de la mesure législative à toute vitesse. Le député sait parfaitement que la réunion s'est poursuivie toute la nuit jusqu'à six heures le lendemain matin. J'ai assisté à la réunion où je remplaçais des collègues. J'y suis resté de minuit environ jusqu'à 6 heures du matin.

Les réformistes faisaient de l'obstruction, essentiellement en posant des questions idiotes sur pratiquement chaque terme du projet de loi rien que pour embêter le comité. Ils ont retenu ainsi tout le personnel attaché à ce comité et une quarantaine de députés dans une pièce où l'atmosphère était étouffante. C'est exactement la même situation. Le Parti réformiste exerçait son droit démocratique. Je ne crois pas un instant qu'il y ait quoi que ce soit de mal à ce qu'ont fait les membres du Parti réformiste. Ils le faisaient parce que ça fait partie du processus démocratique.

Le député a aussi dit sa déception. Je suis désolé d'apprendre que le député est déçu par la vie à la Chambre, où il y a un gouvernement majoritaire. Néanmoins, nous devons respecter le processus démocratique. Le fait que le gouvernement soit majoritaire est un reflet du fonctionnement du processus démocratique.

Le député sait parfaitement que quand un gouvernement est élu, son programme est fonction des promesses qu'il a faites aux Canadiens. «Si vous nous élisez, voici ce que nous ferons pour vous.» Quand vient le moment de déposer des mesures législatives, il incombe aux membres élus du parti au pouvoir de tenir les promesses qu'ils ont faites durant leur campagne électorale.

Le député ne croit-il pas que c'est respecter le processus démocratique que d'appuyer une mesure législative conforme aux promesses faites durant une campagne électorale?

M. Abbott: Monsieur le Président, je suis d'accord avec le député. Ce n'est que logique et rationnel qu'un parti respecte ses engagements électoraux, une fois qu'il forme un gouvernement majoritaire.

Toutefois, nous avons une opinion radicalement différente sur le fait que le gouvernement libéral a invoqué la clôture plus souvent que le gouvernement de Brian Mulroney n'a même osé envisager de le faire. Le gouvernement précipite l'adoption de la société distincte. Il précipite l'adoption du droit de veto. Il précipite l'adoption des revendications territoriales des autochtones. Selon moi, un gouvernement majoritaire a le droit de faire ce qu'il veut, mais il a aussi une responsabilité à l'endroit des députés d'opposition qui expriment l'inquiétude profonde et sincère de leurs électeurs. Ces interventions frappent un mur à cause de l'insatiable soif de pouvoir du gouvernement.

Le fait que le Cabinet soit aussi mal représenté en Colombie-Britannique engendre beaucoup de craintes, d'anxiété et d'inquiétude. Les députés fédéraux libéraux qui sont élus en Colombie-Britannique sont passablement silencieux. Le gouvernement y va fort avec ses projets de loi.

Le député a parlé de l'obstruction au comité. Il a raison, c'est légal. Je considère cependant que le processus adopté par les députés de l'Assemblée législative de l'Ontario dépassait largement la simple obstruction, parce qu'ils étaient passablement désespérés.

Ce que je veux dire, c'est que nous avons atteint un point où la sévérité du Parti libéral ainsi que, surtout, celle du gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique-qui a maintenant un pied dans la porte-nous inquiètent grandement. Ce qui nous fait peur, c'est que les habitants de la Colombie-Britannique vont se voir imposer quelque chose par des gens qui ont perdu tout contact avec la réalité.

(1625)

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je vais surveiller l'horloge et je compte sur votre aide parce que je ne sais pas comment les choses vont se passer.

Je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer au projet de loi C-107, Loi concernant l'établissement de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, et pour appuyer notre motion exhortant le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial.

En fait, ce projet de loi n'établit pas la commission des traités, il la légalise et en prolonge l'existence. C'est tout ce dont nous avions besoin, un palier administratif supplémentaire consacré par la loi, un groupe de bureaucrates de plus nommés par le gouvernement,


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chacun avec son personnel, le tout payé par les Canadiens. Je suis contre l'établissement de la Commission des traités de la Colombie-Britannique parce qu'elle est tout simplement inutile.

Nous n'avons pas de traités en Colombie-Britannique. Nous avons un système de réserves. La consécration de cette commission dans une loi laisse présager du résultat des négociations des revendications territoriales en cours en Colombie-Britannique.

Je peux vous dire que ce processus de négociation de traités suscite des inquiétudes très vives au sein de la population de la Colombie-Britannique. Il y a quelques jours seulement, une soirée d'information sur les questions autochtones que j'avais organisée dans ma circonscription, Mission-Coquitlam, a attiré plus de 200 personnes. Les gens craignent que les droits de pêche et de coupe ne soient échangés pour obtenir un règlement. Ils pensent qu'ils devraient être inclus dans le processus de règlement.

Mel Smith, l'auteur bien connu et respecté qui a écrit Our home or Native Land?, assistait à cette réunion. Il a dit que la Colombie-Britannique avait déjà fait son devoir envers les autochtones en établissant plus de 1 600 réserves. Il prétend que, ce faisant, la Colombie-Britannique s'est acquittée de toutes ses dettes à l'égard des peuples autochtones. Le gouvernement pourrait aussi indemniser les autochtones en leur donnant une somme forfaitaire pour la perte des droits de chasse, de trappage et de cueillette sur les terres.

Nous avons l'intention de faire en sorte que les peuples autochtones canadiens deviennent entièrement autonomes. Nous aimerions présider au démantèlement du ministère des Affaires indiennes pour que les autochtones puissent devenir autonomes. Ce devrait être l'objectif de tous les députés. Pourtant, tout ce que nous entendons de la part des députés d'en face, ce sont des insultes. Pour devenir autonomes, les peuples autochtones n'ont pas besoin d'une commission des traités.

Nous estimons qu'il est nécessaire de se débarrasser de la Loi sur les Indiens et de donner aux autochtones les mêmes droits de propriété que les autres citoyens. Les autochtones devraient être soumis aux mêmes lois constitutionnelles, fédérales et provinciales que les autres Canadiens. Ils devraient avoir le droit de créer des gouvernements de type municipal et de bénéficier des mêmes programmes que les autres Canadiens.

Ce projet de loi est inutile, mais il faut s'occuper sans tarder des questions autochtones. J'aimerais rappeler aux députés que nous ne prétendons pas qu'il faille mettre fin à toutes les négociations. Cela dit, je désire attirer l'attention de la Chambre sur certaines lacunes du projet de loi.

La partie interprétation contient une définition de l'expression «premières nations». On dit qu'il s'agit des autochtones dans leur territoire traditionnel en Colombie-Britannique. Cette définition reconnaît implicitement le droit à une base territoriale. On pourrait prétendre, à la lecture de cette définition des peuples autochtones, que nous avons reconnu de prime abord qu'il y aurait un règlement territorial.

On retrouve la même chose à l'article 5 où on dit que la commission a pour mission de favoriser, en Colombie-Britannique, la négociation de traités. Autrement dit, on établit cette commission et on négociera des traditions, qu'il y ait un droit ou non. Le processus a été établi.

L'article 5 oblige la commission à octroyer des fonds aux premières nations pour leur permettre de participer aux négociations. Ce sera coûteux, mais, en plus d'être coûteux, ce sera exclusif.

On ne fournit pas d'argent aux tierces parties, simplement aux autochtones. Que dire de ceux qui s'opposent à l'aliénation de terres de Colombie-Britannique? Je suppose qu'ils devront financer leurs interventions eux-mêmes. J'espère qu'ils en seront capables. Je crois savoir que, en ce qui concerne l'emprunt de fonds pour négocier, il y aura un partage de l'ordre de 80 contre 20. Dans ce cas, 80 p. 100 des fonds seront remboursables, mais qui contribuera les autres 20 p. 100? Le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial, mais dans quelle proportion?

L'article 7 du projet de loi décrit le processus de nomination des commissaires. Le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique peuvent tous deux nommer des commissaires. Je ne vois personne qui représentera simplement les Canadiens. Sont-ils si peu importants? Les députés d'en face prétendent-ils que les gens ne comptent pas? Ces nominations, toutes les nominations à la commission, devraient être assujetties à l'approbation de la Chambre.

L'article 18 autorise la commission à établir les règlements administratifs nécessaires. Nous accordons à la commission le pouvoir d'établir ses propres règles et procédures. Ces règlements administratifs devraient au moins être déposés à la Chambre.

(1630)

L'article 22 est peut-être celui qui m'inquiète le plus; il stipule que les parties peuvent modifier l'accord au besoin. Il s'agit en l'occurrence de l'Accord sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Je n'arrive absolument pas à comprendre comment ce projet de loi peut autoriser la modification de l'accord sans recours au Parlement.

Dans mon dernier bulletin parlementaire, j'ai posé la question suivante: «Croyez-vous que tous les Canadiens devraient avoir les mêmes droits et responsabilités, sans aucun statut spécial fondé sur l'origine raciale ou ethnique?» Quatre-vingt-onze pour cent des répondants ont dit oui. En plus de répondre à la question, bon nombre d'entre eux ont ajouté des commentaires. J'aimerais vous en lire quelques-uns. Ils sont si nombreux que je ne peux pas les partager tous avec vous; je devrai me limiter à quelques commentaires seulement.

Je n'ai pas retouché ces commentaires. Je n'y ai pas changé un mot. Je n'ai pas corrigé les fautes. Voici ce que disent entre autres les habitants de la Colombie-Britannique vivant dans ma circonscription: «Quiconque est né au Canada devrait avoir les mêmes droits et être assujetti aux mêmes lois. Ce n'est pas le cas actuellement.»


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«Nous avons tous nos traditions ethniques, mais nous ne devons pas nous attendre à être traités différemment des autres. Je crois que tout citoyen, indépendamment de sa race, devrait travailler et payer les mensualités de sa maison.»

«Les gouvernements devraient mettre fin aux barrages routiers organisés par les autochtones. Selon moi, la population indienne ne devrait pas avoir des droits spéciaux, surtout les Indiens qui abusent de leur statut et de leurs droits.» Il y a peut-être toute la question des droits de pêche, là-dessous. La Colombie-Britannique a été le théâtre d'énormes abus en matière des droits de pêche.

«Nous sommes tous Canadiens. Nous devrions tous avoir les mêmes droits et les mêmes lois. Des pratiques comme l'autorisation donnée aux autochtones de pêcher n'importe quand, qu'il s'agisse de se nourrir ou de vendre le poisson capturé, créent des problèmes raciaux» et c'est bien le cas. C'est la vérité. Je ne veux m'asseoir à la Chambre pour écouter les députés d'en face me traiter de tous les noms parce que je dis la vérité. Je commence en à avoir assez.

«Les autochtones ne devraient pas être exempts d'impôts. Ils devraient travailler comme tout le monde. Nous proposons que l'on donne aux autochtones une chance de montrer de quoi ils sont capables. N'est-ce pas, selon vous, ce qu'il faut faire?»

En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, la Loi sur les Indiens exerce une discrimination contre les autochtones en les séparant des autres Canadiens. Voilà ce que croit le Parti réformiste. Je ne vois pas comment un député de la Chambre peut ne pas être de cet avis. La plupart des autochtones veulent les mêmes droits, libertés, responsabilités et protections que les autres Canadiens. La Loi sur les Indiens empêche ses sujets de se prononcer de façon démocratique sur les choses qui les concernent et d'obliger leurs représentants à rendre des comptes.

Certes, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est une belle expression. Mais qu'est-ce que ça veut dire au juste? Lorsque les députés réformistes demandent, à juste titre, ce qu'on entend par autonomie gouvernementale, l'orateur précédent, le député de Peterborough, s'en prend à eux, parce qu'ils veulent connaître la réponse. Pouvons-vous imaginer qu'on tienne des négociations sans savoir au juste ce que toutes les parties entendent par ce dont on discute. C'est tout à fait ridicule. Au lieu de reconnaître le bon sens de la question des réformistes, le député de Peterborough leur reproche de la poser.

Je regarde agir les ministériels à la Chambre depuis un certain temps déjà. Je me demande ce qui les conduit constamment à rabrouer les autres, des députés élus eux aussi. Est-ce parce qu'ils n'ont pas de réponse? Ils sont à l'origine de cette terrible dette qui ne cesse de grandir. Nous cherchons à nous attaquer à ce problème, et ils n'ont pas les réponses. Essaient-ils de s'enlever une certaine pression? Est-ce qu'en attaquant ainsi les autres, ils peuvent éviter d'aborder ces questions?

La députée de Madawaska-Victoria nous a accusés d'être méchants. Elle a dit: «Que dire des droits démocratiques? Les réformistes défendent sans cesse les droits démocratiques.» C'est bien le cas. Nous discutons des droits démocratiques de tous les habitants de la Colombie-Britannique et de tous les Canadiens. Ce processus de négociation des traités ne touche pas que quelques personnes, mais tous les Canadiens. Il est temps de commencer à être honnêtes.

Le ministère des Affaires indiennes ne donne pas les résultats escomptés. Est-ce que quelqu'un peut prétendre le contraire? Le processus que le gouvernement actuel encourage, à l'instar des gouvernements libéraux du passé, crée un groupe de Canadiens dépendant du gouvernement canadien.

Les gouvernements du passé ont institutionnalisé un État providence pour les autochtones. Ce n'est pas de la bonté, mais de la cruauté. Je me demande combien de fois nous devrons le répéter. Ce ne sont pas les réformistes qui sont cruels. Ils demandent qu'on mette fin à cela dès maintenant. Aidons les gens. Réglons les questions et faisons face à la réalité. Cessons de traiter les autres de tous les noms, car cela ne nous conduit nulle part. La Chambre est bien au-dessus de ce type de choses. Cela m'afflige beaucoup chaque fois que j'entends des propos de ce genre.

(1635)

J'ai enseigné pendant de nombreuses années et j'ai toujours dit à mes étudiants que si, dans le cadre d'un débat, ils n'avaient rien à dire pour soutenir leur position, s'ils ne pouvaient s'exprimer de façon convenable, il valait mieux pour eux se taire.

Je constate que, très souvent, les députés se déchirent. Je préférerais qu'ils exposent des faits. Il vaudrait mieux qu'ils présentent des arguments comme il se doit. Cela me décourage vraiment.

Ce matin, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a passé la majeure partie de la matinée à remettre en question le droit des députés réformistes de soulever cette question à la Chambre. Ai-je manqué quelque chose? Ne sommes-nous pas tous égaux dans cette enceinte? Comment quelqu'un ose-t-il remettre en question le droit des députés réformistes de soulever une question à la Chambre? C'est absolument dégoûtant.

Il a dit ensuite que les réformistes s'en prenaient systématiquement aux autochtones, parce que nous le plaçons dans une position embarrassante; c'est tout ce que je peux voir. Je suppose que c'est toujours la même histoire: la meilleure défense, c'est encore l'attaque. J'entends souvent le mot «raciste». Cela me dégoûte également. En effet, il suffit de regarder dans le dictionnaire pour s'apercevoir que cela signifie accorder des avantages spéciaux à un groupe en particulier. Or, les réformistes ne cessent de dire que nous devons tous être égaux. Dans ce cas-là, nous ne sommes pas racistes. Je voudrais simplement que, pour une fois, les députés disent la vérité dans cette enceinte. La Chambre est au-dessus des chamailleries mesquines dont je suis témoin tous les jours.

Les autochtones ont complètement rejeté les accords du lac Meech et de Charlottetown. Quelle leçon les députés doivent-ils en tirer? Cela signifie que ces accords ne leur convenaient pas. Le concept de société distincte, tel qu'on le présentait, était inacceptable pour eux.

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais corriger quelques points.

Nous avons adopté le projet de loi C-107 concernant la Commission des traités de la Colombie-Britannique. La commission se compose de cinq personnes. L'une d'elles est nommée par le gou-


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verneur en conseil et une autre, par le lieutenant-gouverneur en conseil. Deux autres sont nommées par le Sommet. Le président est nommé par les trois parties que j'ai mentionnées.

La vérité est toujours une question de point de vue. Je suis souvent très perturbée par la vérité qu'énonce le Parti réformiste. Je présume que nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes et que c'est la raison pour laquelle nous ne siégeons pas du même côté à la Chambre.

Je suis d'accord avec la députée dans une certaine mesure. La plupart du temps, je suis très affolée par ce qui se passe à la Chambre et par le manque de bienveillance dont nous sommes témoins ici.

Quant aux autochtones, il est vrai que nous devrions tous être égaux. Cependant, les autochtones souffrent depuis trop longtemps. Ils se trouvent dans une situation où ils ont besoin d'aide. Nous devons partir sur un pied d'égalité pour être égaux. Nous devons d'abord leur venir en aide, les placer sur un pied d'égalité, puis nous pourrons tous être égaux.

J'ai deux questions à poser à la députée. Elle a mentionné que 91 p. 100 des personnes qui ont répondu à son questionnaire, dans son bulletin parlementaire, ont dit qu'elles voulaient l'égalité. Combien de personnes y ont répondu? Chaque fois que je pose des questions dans mon bulletin parlementaire, j'ai un taux de réponses très faible.

Estime-t-elle que les observations que son collègue de Kootenay-Ouest a faites au sujet du caucus du Parti libéral de la Colombie-Britannique étaient bienveillantes? Je désapprouve ses propos. Nous avons fort bien travaillé, bien que nous soyons très peu nombreux. Nous avons pu réaliser beaucoup de choses.

Mme Jennings: Monsieur le Président, je sais pertinemment que le projet de loi C-107 a été adopté. Je le sais bien. Jee n'ai pas eu la chance de participer au débat, même si j'aurais bien voulu. Comme il y a 52 députés réformistes, beaucoup d'entre nous n'ont pas la chance de prendre la parole sur toutes les questions qui nous intéressent. Comme cela a un impact direct sur la motion à l'étude, je voulais certainement avoir l'occasion de le faire.

Personne ne représente les gens. Je tiens à souligner que toutes les personnes mentionnées par la députée ont été nommées, comme elle dit, mais qui représente les gens de la Colombie-Britannique? Personne.

(1640)

Les autochtones ont été brimés pendant trop longtemps. Ceux qui connaissent leur histoire du Canada savent que les autochtones n'ont pas été les seuls peuples brimés dans l'histoire de notre pays. Ils devraient savoir que les Acadiens ont été dispersés, qu'ils ont perdu des membres de leur famille, qu'ils ont perdu leurs terres, qu'ils ont été envoyés aux quatre coins du monde sans un sou. Personne ne leur a rien donné, personne ne les a aidés à se réinstaller, personne n'a rien fait pour eux. C'était pourtant un peuple bon et méritant.

Il y a aussi les loyalistes qui ont dû quitter les États-Unis pour le Canada sans un sou. Qu'avons-nous fait quand ils sont arrivés au Canada? Nous ne leur avons rien donné pour les aider à s'établir. Ils ont dû se débrouiller seuls. Ils ne s'en portent que mieux aujourd'hui. Cela leur facilite grandement la vie. C'est dommage que nous n'ayons pas traité les autochtones de la même façon.

Qu'en est-il des Canadiens-Japonais? Nous leur avons tout enlevé. En donnant ces exemples, j'essaie de dire à la députée que nous avons effectivement fait des erreurs. Nous admettons que nous avons fait des erreurs, mais n'est-il pas temps de repartir à zéro en traitant tout le monde sur un pied d'égalité? C'est ce que nous devrions faire, à mon avis.

Jusqu'ici, de 2 à 6 p. 100 de mes commettants ont répondu à mon sondage. Environ 58 000 questionnaires ont été distribués dans ma circonscription. Cette fois-ci, nous n'avons pas encore tous les résultats parce que le questionnaire vient d'être envoyé et que nous attendons les réponses. Le seul chiffre que je peux donner à la députée en ce moment, c'est 91 p. 100 des 1 500 réponses reçues à ce jour.

Le président suppléant (M. Kilger): En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Okanagan-Similkameen-Merritt-Le ministère de la Défense nationale; le député de Mackenzie-La Commission canadienne du blé; le député de The Battlefords-Meadow Lake-La Loi sur la protection de l'environnement; le député de Vancouver Quadra-Le Viet Nam; le député de Saint John-La Défense nationale.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la motion présentée par le député de North Island-Powell River.

D'entrée de jeu, je dois dire que la motion me rend perplexe. Son auteur est sûrement bien intentionné, mais je crois qu'il n'a pas réfléchi à fond aux conséquences de sa motion. Si cette motion était adoptée, l'allure à laquelle s'exerce la démocratie parlementaire au Canada s'en trouverait considérablement ralentie. En effet, le député nous demande de ne pas signer d'entente relative à des revendications territoriales parce que les habitants de cette province s'apprêtent à aller aux urnes. Dans sa motion, il fait allusion à «la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial».

Je me demande comment il pense que les affaires se règlent dans un État fédéral, surtout un État qui compte dix provinces et deux territoires, et bientôt trois. Il y a de bonnes chances que, chaque année, il y ait des élections dans au moins une des provinces ou un des territoires. Statistiquement, il y aura des élections dans environ 2,5 d'entre eux chaque année.

Le député propose de paralyser le processus décisionnel. La convention prévoit la tenue d'élections tous les quatre ou cinq ans. Comment savoir si ce sera quatre ou cinq. Faudra-t-il commencer à restreindre le droit d'un gouvernement de signer des accords au cours de la troisième ou de la quatrième année de son mandat?

Que faire en présence d'un gouvernement minoritaire? Au Canada, la tendance veut qu'un gouvernement minoritaire déclenche des élections deux ans après le début de son mandat. Il ne s'agit pas d'un


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principe constitutionnel, ni même d'une convention, mais plutôt d'une réalité. Si la motion du député était adoptée, aucun accord ne serait signé avec un gouvernement minoritaire en place depuis plus d'un an.

Imaginons un peu ce qui arriverait. Un nouveau gouvernement minoritaire est assermenté. Il s'habitue à gouverner, il apprend les rouages. Au moment où il prend sa vitesse de croisière et commence à réaliser des choses, d'autres gouvernements au pays lui disent «Nous regrettons de ne plus pouvoir signer d'accords avec vous. Nous devons respecter les opinions de vos électeurs qui voteront peut-être bientôt. Ils veulent peut-être du changement.»

Pourtant, les députés réformistes passent leur temps à dire qu'un gouvernement doit faire attention à la base. Dans le discours qu'elle vient de faire, la députée de Mission-Coquitlam a insisté là-dessus. C'est quoi, selon eux, accorder de l'attention à la base? La députée de Mission-Coquitlam a simplement recommandé de lire les réponses aux questions qu'elle a posées dans son bulletin parlementaire.

(1645)

C'est un peu comme faire des sondages, mettre sur pied des tribunes téléphoniques ou tenir des assemblées publiques. Comprenez-moi bien. Je n'ai rien contre ces pratiques. Je m'y prête aussi. En fait, je suis en faveur de toute initiative visant à encourager les Canadiens à exprimer leurs points de vue. Il faut bien comprendre une chose: faire un sondage, évaluer l'opinion de personnes qui participent à une tribune téléphonique, ou faire voter à main levée des participants à une assemblée publique n'est pas la même chose que de représenter la population dans son ensemble, le mot important ici étant représenter.

Nous avons ici un gouvernement représentatif. Nous sommes tous des représentants du peuple canadien. Personnellement, et c'est sans doute le cas de la plupart d'entre nous ici, j'essaie de participer, d'écouter, d'apprendre. Je participe à des réunions de comité, je pose des questions à des témoins, j'étudie des dossiers et je discute de questions qui présentent un intérêt particulier ou concernant lesquelles j'ai une certaine compétence.

Lorsque j'ai fait campagne dans ma circonscription, j'ai dit aux aux gens ce que notre parti allait faire et sur quels dossiers il allait travailler. Nous avons eu la chance d'obtenir une majorité de votes et de sièges. Par conséquent, je suis d'avis que le Parti libéral est le seul véritable corps représentatif à la Chambre. Cela me semble une évidence. Nous représentons toutes les régions du pays. Nous représentons tous les groupes ethniques au pays, y compris les autochtones. Par conséquent, nous essayons de faire valoir les vues de la majorité des Canadiens.

La population est majoritairement composée de personnes qui ne participent pas aux tribunes téléphoniques et qui n'ont pas vraiment le goût de parler à Raife Mair sur les ondes radiophoniques. Elles ne vont pas aux assemblées publiques et, souvent, n'ont pas d'opinion arrêtée, dans un sens ou dans l'autre, relativement à une question donnée, parce qu'elles n'en savent pas suffisamment long sur celle-ci, du moins jusqu'au moment où une maison de sondages sollicite leur opinion. Si une mauvaise question est posée, on obtient une mauvaise réponse.

Il ne fait aucun doute que la majorité des gens pensent que tous les Canadiens devraient jouir des mêmes droits. La députée de Mission-Coquitlam a dit que le ministère des Affaires indiennes n'a pas donné les résultats escomptés. Avec le recul, on sait maintenant que le plan a été mal conçu. C'était une façon d'intégrer une autre culture et un autre peuple. Nous avons beaucoup appris depuis. Je suis tout à fait d'accord avec la députée lorsqu'elle dit que nous devons tous faire notre possible afin que le ministère des Affaires indiennes finisse par se défaire de son attitude paternaliste.

Cela ne veut pas dire pour autant que nous devrions tous avoir les mêmes droits, puisqu'il ne faut pas oublier que nos conceptions sont différentes à cet égard. Si nous ne comprenons pas que la notion que les Indiens ont de la propriété est différente de la nôtre, qu'elle est différente sur les plans culturel et spirituel, nous ne réussirons jamais à résoudre le problème car nous ne nous entendrons jamais.

Qu'on ne nous parle plus du pharisaïsme du Parti réformiste qui prétend parler au nom de la population. Les gens ont élu le député de North Island-Powell River le 25 octobre 1993 de la même façon qu'ils m'ont élu. Ils l'ont élu pour les représenter. Nous parlons tous deux au nom des habitants de notre circonscription, et les gens auront l'occasion de juger notre travail lors des prochaines élections fédérales.

Les habitants de la Colombie-Britannique ont élu le gouvernement de cette province et ils auront l'occasion de le juger d'ici quelques mois. Entre temps, nous continuerons à gouverner le Canada, et nous devons poursuivre notre travail et négocier le règlement global des revendications avec les Premières Nations de la Colombie-Britannique. Elles attendent depuis 200 ans d'en arriver à des ententes. La plupart n'ont jamais eu l'occasion de conclure un accord énonçant leurs droits.

Il s'agit là d'une anomalie historique au Canada. Les Premières Nations de toutes les autres provinces et des territoires possèdent des traités, surtout parce que la plupart des terres inhabitées sont la propriété de la Reine du chef du Canada et des autres provinces et territoires.

(1650)

Les seuls traités signés exclusivement en Colombie-Britannique ont été conclus avant l'entrée de la province dans la Confédération en 1871. À ce moment-là, toutes les terres sans propriétaire, sauf celles où les Indiens avaient été parqués dans des réserves, furent détenues par la Reine du chef de la Colombie- Britannique, contrairement à ce qui se passait dans le reste du pays.

C'est sur ce point que les simples citoyens vivant hors des communautés autochtones peuvent avoir leur mot à dire. Ils ne sont pas exclus du processus. Ni le gouvernement du Canada ni celui de la Colombie-Britannique ne sont intéressés, espérons-le, à négocier des traités qui ne respecteraient pas les intérêts des habitants non autochtones de la province, pas plus qu'ils ne reconnaîtront pas les intérêts justifiables des autochtones.

Nous tenons à aller de l'avant. Nous voulons dissiper l'incertitude. Nous ne pouvons pas permettre que le processus s'enraye parce que ce gouvernement-ci ou un autre voit la fin de son mandat approcher.


17408

La négociation d'une revendication globale est un processus long et pénible. C'est normal. C'était ainsi par le passé et cela ne changera pas. Ce sont des négociations très importantes. Elle définissent les modalités de fonctionnement à long terme, établissent les paramètres des relations entre les autochtones et leurs institutions, d'une part, et les gouvernements fédéral et provinciaux, d'autre part.

Les idées simplistes que le Parti réformiste a exposées jusqu'à maintenant, cet après-midi, ne tiennent aucun compte du fait que les autochtones forment un peuple. Comme nous tous, ils jouissent de la protection de la Constitution. Ils ont des droits inaliénables à l'autonomie gouvernementale et des droits inhérents. Voilà ce qu'il nous faut définir.

Après plus d'un siècle d'attente, les premières nations de la Colombie-Britannique savent à quel point la patience est précieuse lorsqu'il faut s'assurer que les négociations se déroulent correctement. Un peu de cette patience ne ferait peut-être pas de tort aux députés.

Par ailleurs, nous devons éviter de dresser des obstacles inutiles qui auraient pour effet de lier les assemblées législatives qui doivent légiférer pour donner effet aux traités. J'exhorte la Chambre à rejeter la motion.

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Monsieur le Président, la motion a été mal interprétée. Parfois, nos allégeances influent sur la façon dont nous interprétons ou dont nous choisissons d'interpréter ce que nous lisons. Rien dans la motion ne laisse entendre que les gouvernements ne peuvent pas signer d'accords au cours de la dernière année de leur mandat.

Nous disons plutôt qu'il s'agit ici d'une mesure importante qui entraîne des dépenses énormes, contribue à diviser la nation et ressemble aux décisions prises par les conservateurs de Mulroney, à la toute fin de leur mandat, lorsque, après avoir perdu la faveur populaire, ils ont quand même conclu des accords pour l'achat d'hélicoptères EH-101 et pour le réaménagement des aérogares de l'aéroport Pearson. La question dont nous sommes saisis aujourd'hui divise la population de la Colombie-Britannique. Elle crée aussi un précédent qui pourrait coûter des milliards de dollars. Nous croyons qu'elle est tout à fait inopportune. Le gouvernement en est à la dernière année de son mandat, mais des élections auront probablement lieu d'ici quelques mois seulement. Il y aura des élections au printemps.

Je tiens à préciser que cette hypothèse avancée par le dernier orateur est tout à fait fausse. Nous n'avons jamais fait cette déclaration et nous n'avons pas l'intention de le faire.

Le député a également laissé entendre que seul un gouvernement libéral a les qualités requises pour gouverner et seul un gouvernement libéral a les compétences nécessaires pour porter des jugements. J'ai du mal à accepter cela, surtout pour ce qui est de la Colombie-Britannique. Cela représente un effort incroyable d'imagination.

Le député a fait des déclarations au sujet des terres et des traités. Il faut retenir que, pendant de nombreuses années après la Confédération, la Colombie-Britannique a fait don au gouvernement fédéral de terres que celui-ci a transformées en réserves pour les autochtones. C'était un engagement pris au moment de la Confédération aux termes de l'Acte d'union. Cet engagement est resté sans suite jusqu'en 1924. En 1924, le gouvernement fédéral a reconnu, par décret, que la Colombie-Britannique avait rempli ses obligations.

(1655)

En Colombie-Britannique, on retrouve les deux tiers de toutes les réserves du Canada, mais environ 18 p. 100 des Indiens inscrits du Canada. Ces réserves couvrent 14 p. 100 de toutes les terres de la Colombie-Britannique réservées aux autochtones. Ce facteur est loin d'être négligeable. C'est même le coeur de cette grande question. Sur le plan juridique, rien ne nous oblige à négocier des traités.

Nous ne disons pas qu'il ne faudrait pas négocier de traités. Nous voulons nous aussi régler, une fois pour toutes, les revendications territoriales et toute cette question. La négociation de traités nous permettra de le faire. Toutefois, ce n'est pas le moment de conclure un accord définitif.

M. Finlay: Monsieur le Président, je remercie le député de North Island-Powell River pour ses observations. J'ai écouté son allocution comme j'ai écouté toutes les autres. Je suppose qu'on peut répondre à une question par une autre question.

J'estime que, dans l'ordre des choses, deux ans ce n'est pas beaucoup pour que la Commission des traités de la Colombie-Britannique fasse ses preuves. Puisqu'il a entendu comme moi le président actuel de cette commission, le député n'ignore pas qu'on est parti de zéro, il y a deux ans, pour créer un organisme de services, réunir le conseil et adopter une certaine politique. Comme la commission n'a été établie qu'en 1993 et que nous sommes aujourd'hui en 1995, elle a eu deux ans à peine qu'elle n'a pas passés à négocier des traités. Comme mon collègue ne l'ignore pas, ces deux années ont servi à lancer l'entreprise, mettre au point l'expertise, établir le bureau et amener les premières nations de la Colombie-Britannique à négocier. Étant donné que la commission a réussi jusqu'à maintenant à entreprendre des négociations avec70 p. 100 des autochtones de la Colombie-Britannique, il me semble qu'on devrait lui accorder un peu plus de temps.

Je remercie le député de me renseigner sur le décret de 1924. Je suis un peu embrouillé, toutefois, car il a d'abord dit, je crois, que la Colombie-Britannique abritait 17 p. 100 des réserves du Canada, puis il a parlé de 14 p. 100. Je voudrais qu'il m'éclaire là-dessus.

Le député pourrait-il me dire aussi si les élections en Colombie-Britannique sont une affaire conclue? J'ai cru qu'il allait citer le contrat des hélicoptères et la vente de l'aéroport Pearson, car s'il y songe un peu, il verra que le contrat de l'aéroport Pearson a été signé au beau milieu d'une campagne électorale dans laquelle le gouvernement était grandement perdant. Le contrat des hélicoptères était visé par le livre rouge et le programme du Parti libéral bien avant qu'il ne soit signé. Encore là, cela a été une affaire de mois. Je rappelle au député que la Chambre ne siégeait plus depuis un an et demi environ lorsque ces élections ont eu lieu.


17409

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais aujourd'hui participer au débat sur cette motion dépourvue de vision, présentée par un député réformiste.

Cette motion non démocratique laisse entendre que l'opinion des Britannico-Colombiens ne peut être respectée et ne l'est pas dans le cadre du processus de négociation des traités. Je tiens à rectifier cette fausse impression en présentant certains faits au député et à ses collègues mal renseignés.

Avant, je voudrais toutefois m'insurger contre certains propos tenus par ma collègue, la députée de Mission-Coquitlam. Je connais l'histoire du Canada et je crois fermement que les autochtones ont eu beaucoup plus de difficulté à s'intégrer à notre société, en raison de leur culture, et que cela demeure vrai encore aujourd'hui.

M. Hermanson: Avez-vous écrit cela?

Mme Terrana: Oui, je l'ai écrit. Ils ont fait des progrès, mais ils ont encore un bout de chemin à faire avant d'être égaux. Mon choix de mots n'est peut-être pas le bon. Mes collègues ont reçu une foule d'informations factuelles sur le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique, mais ils semblent disposés à y voir des choses qui ne s'y trouvent pas.

(1700)

Ils semblent participer à une sorte de film de science-fiction, mais comme nous ne sommes pas à Hollywood, revenons donc à la réalité. Les députés ne peuvent interrompre toutes les négociations pendant près d'un an. Pourquoi? Voulons-nous encore une fois berner les premières nations? Qu'accomplirions-nous? Le processus de négociation des traités est bien engagé.

Une dizaine d'équipes sont maintenant rendues à l'étape de la structure, la quatrième étape du processus. Nous sommes tous impatients de voir l'aboutissement de ces négociations. C'est important pour nous tous, parce que l'incertitude a été très grande depuis des années et que la Colombie-Britannique en a vraiment souffert.

En Colombie-Britannique, les gouvernements ont établi des structures pour consulter toutes les parties intéressées à l'échelle de la province et discuter avec elles. Le Parti réformiste semble faire fi des consultations qui ont lieu. Il veut perpétuer la crainte et les appréhensions qui, nous le savons tous, sont ressenties. Le Parti réformiste doit comprendre que le débat et la discussion peuvent avoir lieu sans que l'on doive recourir à la démagogie et aux exagérations que suscitent facilement les négociations des traités.

Je voudrais parler des consultations. Au milieu de 1993, les gouvernements fédéral et provincial ont officiellement institué un comité consultatif chargé d'informer les ministres et les hauts fonctionnaires sur les questions relatives aux traités dans toute la province. Ce comité est composé de représentants de 31 organismes de la Colombie-Britannique.

Parmi ces organismes et représentants, on compte quatre représentants de l'industrie de la pêche, cinq représentants des syndicats, la B.C. Wildlife Federation, des guides et des pourvoyeurs, le B.C. Council of Forestry, la B.C. Trappers Association, des représentants du secteur des loisirs de plein air, la B.C. Cattlemen's Association et d'autres.

Qui plus est, les membres viennent de tous les coins de la Colombie-Britannique. Ils ne sont pas tous de Vancouver. Ils viennent de Smithers, de Terrace, de Kamloops, de Quesnel, de Prince Rupert et de l'île de Vancouver. Chacun d'entre eux communique le point de vue de son organisme, mais aussi celui de ses voisins et de sa collectivité sur le processus de négociation des traités.

L'objectif du comité est de veiller à ce que les intérêts des organismes soient bien compris et à ce qu'il en soit tenu compte dans la négociation des nouveaux traités afin que les ententes avec les peuples autochtones soient praticables et durables et qu'elles jouissent de la compréhension et de l'appui des habitants de la Colombie-Britannique.

Ce sont là des objectifs audacieux, mais nécessaires. Les gouvernements doivent non seulement écouter et comprendre le point de vue des habitants, mais aussi en tenir compte.

Le gouvernement fédéral ne veut pas seulement un moyen de mener efficacement les négociations, mais il veut aussi connaître l'opinion des tiers dont les intérêts seront touchés par les règlements.

Le conseil consultatif sur la négociation des traités est structuré de manière à permettre à tous les membres d'en savoir autant que possible sur les questions susceptibles d'être abordées dans les négociations et, de plus, ce conseil informe les gouvernements des problèmes et des préoccupations qui peuvent surgir.

Mon collègue, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a assisté à trois des réunions bimensuelles du comité consultatif. Pour garder un rapport direct avec ce comité, j'y représente le ministre. Le gouvernement participe directement aux discussions du comité consultatif et à la formulation de ses conseils.

Nous travaillons tous ensemble pour parvenir à un accord acceptable à tous. Cela peut être difficile, mais lorsque tout le monde fait preuve de bonne volonté, il est toujours possible d'arriver au but. Il y a beaucoup trop longtemps que dure ce problème de discrimination active et nous y trouverons une solution.

Grâce au comité consultatif, les choses évoluent. Nous nous écoutons les uns les autres. Nos travaux ne sont pas faciles, mais nous progressons lentement et nous apprenons à nous comprendre mutuellement. Nous savons tous qu'un comité de 31 membres est trop gros pour se pencher sur certaines questions qui nécessitent un examen en profondeur. C'est pourquoi il y a cinq comités sectoriels. Ces comités se réunissent une fois par mois. Il y en a un sur les forêts, un sur les pêches, un sur la faune et la flore, un sur la gestion des affaires publiques et un sur les ressources énergétiques, minières et pétrolières. Récemment, le comité de l'énergie et des mines s'est fondu au comité de la gestion des affaires publiques.

Pour mieux comprendre quels sont les intérêts des tiers, chacun des cinq comités sectoriels a été chargé de produire un document sur le sujet. C'est là une étape importante parce que les dossiers évolueront et seront pris en compte dans les négociations.


17410

La connaissance des intérêts des tiers est un processus qui se fait graduellement, mais l'objectif visé est clair. Nous voulons arriver à de bons traités qui tiennent compte des intérêts et des besoins de tous les acteurs de la scène économique.

(1705)

Depuis un an et demi que je siège au comité consultatif sur la négociation des traités, j'ai constaté une grande amélioration de la communication et de la compréhension de ces questions complexes et une plus grande collaboration. En outre, le gouvernement de la Colombie-Britannique, avec lequel nous collaborons fort bien, organise chaque mois, à la grandeur du territoire provincial, des rencontres de consultation qui rejoignent tous les habitants de la province. Il est déplorable que certaines personnes en Colombie-Britannique semblent vouloir éviter de régler les problèmes et fassent la promotion d'une pareille intolérance.

Je voudrais parler de certains intérêts que toutes les parties au processus avaient en commun. La certitude et la stabilité économique, l'existence de processus consultatifs locaux et régionaux, puis l'accès à un territoire pour tous les intérêts économiques et non économiques étaient indispensables. Le maintien d'une autorité gouvernementale pour assurer la gestion des ressources était également indispensable à la signature de règlements territoriaux qui soient applicables et d'un coût abordable.

Les deux gouvernements ont pris ces documents au sérieux. À mesure que nous avancerons dans l'élaboration de mandats de négociation précis, nous examinerons, évaluerons et intégrerons, dans la mesure du possible, les conseils donnés par le comité consultatif sur la négociation des traités. Le gouvernement devra rendre compte, dans le cadre du processus de consultation et devant le Parlement, de l'utilisation qu'il aura faite des conseils des tiers partis.

Le Parti réformiste semble obsédé par le secret, même lorsqu'il n'y a plus de secret. En septembre 1994, j'ai exposé au comité consultatif sur la négociation des traités la position du ministre au sujet de la transparence du processus de consultation. Le ministre s'est rendu aux préoccupations des membres du comité consultatif sur la négociation des traités qui craignaient que les restrictions en matière de confidentialité ne limitent trop leur capacité d'obtenir les avis et les conseils de leurs collègues et d'organisations. Maintenant les médias sont invités à toutes nos réunions. Il a été mis fin à ces restrictions. Les membres du comité peuvent discuter pleinement des informations qui leur sont fournies par les gouvernements et le font.

Dans son rapport annuel, la Commission des traités de la Colombie-Britannique a parlé de la nécessité de consulter et de la nécessité pour les gens d'être informés du processus de négociation des traités. La perception peut devenir réalité. Il suffit seulement d'un peu de bonne volonté pour demander de la documentation parce qu'il y a de la documentation.

Le président de la commission, M. Alec Robertson, est venu à la réunion du CCNT de septembre 1995 pour faire rapport aux membres et entendre leurs préoccupations au sujet du processus de négociation des traités. C'est un autre lien important au sein du processus de négociation des traités. À ce stade, 120 bandes représentant 79 p. 100 des premières nations sont en train de négocier.

Il y a environ deux semaines, à Sechelt, j'ai rencontré le chef de la bande indienne de Sechelt qui, réjoui, m'a appris que les négociations faisant suite à l'accord-cadre allaient très bien. Il s'attendait à ce que les négociations aboutissent en août prochain. La bande indienne de Sechelt a été la quatrième à signer un accord-cadre qui est la première étape du processus de négociation. J'étais à Sechelt en août pour la signature de l'accord qui a fait l'objet de réelles célébrations.

Cet accord est basé sur la nécessité de négocier des traités applicables, efficaces et d'un coût abordable. À moins qu'un processus de consultation bien établi et permettant l'échange franc et ouvert d'informations, d'avis et d'intérêts n'entoure et n'appuie la négociation des traités, il sera difficile d'arriver à conclure des traités qui ont l'appui du public.

La consultation est importante. Le gouvernement attache beaucoup d'importance aux avis exprimés par les Canadiens. Nous voulons veiller à ce que nos politiques et leur mise en oeuvre tiennent compte des avis et des intérêts des communautés, des individus et des groupes susceptibles d'être touchés par ces politiques.

Nous devons tous travailler ensemble. C'est avec le dialogue que nous pourrons éventuellement donner à nos peuples autochtones les outils nécessaires pour qu'ils deviennent autonomes. Ils ont été trop longtemps privés de leur intégrité et de leur fierté. Leurs enfants doivent grandir plus forts et la prochaine génération doit être en mesure de se tailler une place dans la société pour qu'ils puissent être fiers d'eux-mêmes.

Je suis heureuse d'avoir pu enrichir le débat d'aujourd'hui en rappelant certains faits. La consultation est essentielle pour assurer une conclusion fructueuse aux négociations et j'espère que l'opposition se joindra bientôt à cet exercice. Nous pourrions en sortir tous gagnants.

Je veux conclure avec une observation que j'ai formulée à la Chambre le 19 octobre dernier. J'avais dit alors:

Notre pays ne peut tout simplement plus se permettre de perdre une autre génération d'autochtones capables et désireux d'apporter leur contribution à la société. Les jeunes autochtones d'aujourd'hui peuvent être nos professionnels, nos commerçants, nos inventeurs de demain. Ils représentent notre passé et notre avenir. Si nous les perdons, ce sera un incroyable gaspillage.
Je demande aux députés de rejeter cette motion injuste que le troisième parti présente aujourd'hui.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer la motion réformiste au sujet des revendications territoriales en Colombie-Britannique.

(1710)

J'ai écouté les discours préparés, les discours tout faits fidèles au style prêt à porter des députés d'en face dont les propos sont empreints de rectitude morale. Franchement, quiconque a la moindre idée des sentiments qui règnent en Colombie-Britannique peut voir au-delà de la façade de correction politique qu'affichent les libéraux.

Les députées de Vancouver-Centre et de Vancouver-Est nous ont servi les répliques qu'on attend des politiciens aveugles complètement déconnectés de la réalité. Je n'ai aucun doute que les discours des autres députés libéraux de la Colombie-Britannique soient tout aussi peu pertinents. Ils doivent avoir un bien gros moulin à paroles là-haut. Ils tournent la manivelle et la machine crache tout ce charabia.


17411

Mardi dernier, à Vancouver, l'animateur d'émissions-débats, Rafe Mair, a lu trois fois le nom des six députés libéraux de la Colombie-Britannique. Il a insisté pour que les électeurs se souviennent de leurs noms. Il les a lus trois fois en disant: «Rappelez-vous qu'ils ont perdu tout contact avec les électeurs de Colombie-Britannique».

Même le député de Richmond qui avait une réunion samedi dernier dans sa circonscription, soi-disant pour tâter le pouls de ses électeurs, leur a dit qu'il irait à l'encontre de leurs voeux et qu'il mettrait leurs intérêts après ceux du Parti libéral du Canada. Il a insulté ses propres électeurs. C'est typique de l'attitude des libéraux dans des dossiers tels que les revendications territoriales et l'unité nationale. Si ce n'est pas conforme au programme du Parti libéral, les députés libéraux ne veulent rien savoir de ce que les gens ont à leur dire.

On retrouve le même schéma dans le débat sur la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Au lieu de présenter à la Chambre des discours valables concernant les préoccupations des Britanno-Colombiens, les députés ministériels ont lu des allocutions préparées à l'avance par leurs gourous politiques, qui vivent et travaillent à des milliers de kilomètres des problèmes liés aux revendications territoriales des autochtones de la Colombie-Britannique.

Certains députés ministériels, dont les circonscriptions sont à des milliers de kilomètres de la Colombie-Britannique, ont revendiqué ou prétendu que les députés réformistes étaient méchants ou qu'ils avaient présenté cette motion à la Chambre pour de faux motifs. Quelles inepties!

Voici une nouvelle importante pour les députés ministériels. La députée réformiste de Beaver River a vécu et enseigné dans une réserve indienne avant d'être élue. Le leader du Parti réformiste a été consultant pour les bandes indiennes pendant de nombreuses années avant d'être élu. Le député réformiste de Yorkton-Melville, assis à mes côtés, a aussi enseigné dans une réserve indienne. La porte-parole du Parti réformiste pour les affaires indiennes est mariée à un Indien de plein droit.

Monsieur le Président, à tous ceux qui nous accusent de ne pas être au courant des problèmes, des injustices ou des difficultés liés aux revendications territoriales des Indiens, veuillez leur dire qu'ils ont tort. Nous avons probablement plus d'expérience et une meilleure connaissance de ces problèmes que le caucus libéral au grand complet. Nous avons certainement plus d'expérience et de connaissances que le ministre.

Il y a une grande réserve indienne dans ma circonscription et j'y habite depuis 1979. J'ai donc eu amplement le temps d'écouter et de comprendre les préoccupations des autochtones et des non-autochtones de cette circonscription.

Un peu plus tôt aujourd'hui, un député ministériel a citéM. Hume, un éditorialiste au quotidien Vancouver Sun. Il l'a cité comme si M. Hume était un expert de l'opinion des habitants de la Colombie-Britannique. Ceux d'entre eux qui nous écoutent vont bien rire. Il est tombé dans le piège. Les idées de M. Hume ne reflètent pas du tout celles des gens de la Colombie-Britannique. Il défend ses propres intérêts et ses grandes déclarations n'ont rien à voir avec les opinions des électeurs de cette province. Il critique régulièrement le Parti réformiste. Si ses propos étaient fondés, il n'y aurait pas, à la Chambre, 32 députés réformistes de la Colombie-Britannique. Il est tout à fait coupé de la réalité, comme tous les députés ministériels.

Les débats seraient beaucoup plus productifs si ces derniers laissaient tomber leur position «politically correct», leurs discours rédigés à l'avance et leurs oeillères pour écouter ce que nous avons à dire, car nous sommes les véritables représentants de la Colombie-Britannique.

Et nous ne sommes pas les seuls. Les deux partis d'opposition en Colombie-Britannique ont affirmé très clairement que toute la question des revendications territoriales prenait une mauvaise tangente à mesure qu'approchait la date des prochaines élections provinciales.

Les députés ministériels devraient s'arrêter pendant un moment et se dire: «Peut-être que les députés de la Colombie-Britannique essaient de nous dire quelque chose d'important. Nous devrions peut-être prêter une oreille attentive et faire confiance à ces représentants majoritaires de la Colombie-Britannique lorsqu'ils affirment que quelque chose ne va pas.» Peut-être devraient-ils simplement se demander s'ils ne devraient pas appuyer ce que nous essayons de faire ici, qui est de prévenir une terrible catastrophe si l'on précipite les choses à la veille d'une élection provinciale.

Ce serait vraiment extraordinaire s'ils abandonnaient leur sectarisme une journée seulement et s'ils nous aidaient à résoudre ce problème important pour notre province, un problème qu'ils ne peuvent pas comprendre parce qu'ils n'ont pas, dans leur province, la situation que nous avons en Colombie-Britannique.

Permettez-moi de répéter le texte de la motion que nous avons à l'étude aujourd'hui, de sorte que les députés entendent une fois de plus nos craintes face à la situation que nous avons. Nous voulons que le gouvernement fédéral cesse de conclure des traités à la hâte, à la veille des élections provinciales, parce qu'il y a énormément d'incertitude au sujet de ces élections en Colombie-Britannique. Tout le monde a entendu parler du scandale du bingo. Le gouvernement en place actuellement pourrait très bien prendre un certain nombre de décisions mal avisées. Notre motion ne demande pas grand-chose puisqu'elle dit simplement:

Que la Chambre exhorte le gouvernement à ne signer aucune entente trilatérale exécutoire relative aux traités autochtones ou aux revendications territoriales en Colombie-Britannique durant la dernière année du mandat de l'actuel gouvernement provincial, afin de respecter à ce sujet l'opinion publique exprimée par les deux principaux partis d'opposition de la province.
Ce n'est pas trop demander. J'invite les députés à nous appuyer pour une fois.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 15, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de la question des crédits, conformément à l'article 81 du Règlement.

Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

17412

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'ordre adopté le mercredi 6 décembre, le vote par appel nominal est reporté au lundi 11 décembre 1995, à 18 h 30.

SUSPENSION DE LA SÉANCE

Le président suppléant (M. Kilger): J'aurais maintenant besoin de l'avis des députés. À ce stade, la présidence pourrait déclarer qu'il est 17 h 30 et passer aux initiatives parlementaires ou elle pourrait suspendre la séance jusqu'à 17 h 30.

M. Szabo: Monsieur le Président, c'est mon projet de loi, le C-337, qui sera à l'étude à 17 h 30. Toutefois, des députés qui devaient être ici ne sont pas encore à la Chambre, je demanderais donc à la présidence de suspendre la séance jusqu'à 17 h 30.

Le Président suppléant (M. Kilger): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue à 17 h 20.)

_______________

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 17 h 30.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des projets de loi d'initiative parlementaire inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.


17412

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) propose: Que le projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (mise en garde sur les contenants de boisson alcoolique), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, les boissons alcooliques sont le seul produit de consommation au Canada que l'on sait être dangereux si on en abuse à ne pas prévenir le consommateur de ce fait.

Quelles sont les conséquences de l'abus de l'alcool au Canada? Selon les données les plus récentes du ministère de la Santé, du Centre Canadien de lutte contre les toxicomanies et la Fondation de recherche sur l'alcool et la toxicomanie, voici les faits: 38 261 admissions en psychiatrie et en hôpital général; 17 080 cas de syndrome de dépendance alcoolique; 966 cas d'empoisonnement toxique; 19 163 décès directement ou indirectement causés par l'abus de l'alcool; 10 p. 100 de tous les néoplasmes ou tumeurs;5 p. 100 de toutes les maladies de l'appareil circulatoire; 15 p. 100 de toutes les maladies du système respiratoire; 5 p. 100 de toutes les malformations congénitales; 45 p. 100 de tous les accidents de la route; 48 p. 100 de tous les conducteurs tués dans un accident l'ont été pour avoir consommé de l'alcool, ce qui représente 2 000 tués et plus de 10 000 blessés en l'espace d'une seule année; 40 p. 100 de toutes les chutes accidentelles; 30 p. 100 des incendies, 30 p. 100 de tous les suicides, 60 p. 100 de tous les homicides, 50 p. 100 de incidents de violence familiale et un divorce sur six; tous attribuables à la consommation d'alcool.

Il vraiment tragique qu'un décès sur dix au Canada, ce qui représente environ 19 000 Canadiens, est causé par des facteurs liés à l'alcool chaque année. Tout cela est du à la consommation irresponsable de boissons alcooliques. Cela coûte au Canada environ 15 milliards de dollars par an en augmentation des frais médicaux et hospitaliers, des coûts sociaux et juridiques et en perte de productivité, sans parler des effets dévastateurs sur la famille, les amis et la société tout entière.

Je sais l'incidence que ce fléau peut avoir sur une famille. Mon père a abusé de l'alcool presque toute sa vie durant, mais nous n'avons plus peur de lui. Il y a plusieurs années, à la suite d'une de ses nombreuses crises violentes, il a perdu le contact avec la réalité et il va passer le reste de ses jours dans un foyer. Je ne vois plus mon père depuis plus de 10 ans, car il ne me reconnaît plus. Aujourd'hui, il a une nouvelle famille: trois bouteilles de vodka, une par repas.

Le projet de loi C-337 vise à exiger que tous les contenants de boissons alcooliques vendus au Canada portent le message suivant: La consommation de boissons alcooliques réduit la capacité de faire fonctionner des machines ou de conduire une automobile, et elle peut être nuisible pour la santé ou provoquer des malformations congénitales au cours de la grossesse.

Les raisons pour lesquelles des étiquettes de mise en garde devraient être apposées sur les contenants de boissons alcooliques sont nombreuses. Les coûts et d'autres conséquences de la consommation irresponsable d'alcool sont beaucoup trop élevés pour qu'on en fasse abstraction. À une période où tous les gouvernements cherchent à réduire les coûts de la santé, des programmes sociaux, de la justice et de la perte de productivité, nous devons poursuivre, et je le souligne, des stratégies préventives plutôt que correctives. Nous devons laisser savoir aux consommateurs que les spécialistes de la santé reconnaissent les dangers liés à la consommation d'alcool. Nous devons informer les consommateurs des risques que pose la consommation d'alcool.

En omettant d'apposer des étiquettes sur les contenants de boissons alcooliques, alors que des médicaments, des aliments, des détersifs, des solvants et d'autres produits dangereux portent tous des mises en garde, on assure faussement les consommateurs que les boissons alcooliques sont sûres en tout temps. Tous les paliers de gouvernement et l'industrie des boissons alcoolisées ont une responsabilité sociale et morale de réduire la consommation abusive d'alcool. L'étiquetage est une réaffirmation de la capacité des


17413

consommateurs de prendre des décisions responsables. L'étiquetage favorisera également la constance dans le comportement des consommateurs et, en fait, apportera des changements dans leurs habitudes de consommation.

(1735)

Les étiquettes font partie intégrante de toute stratégie exhaustive visant à favoriser la consommation de boissons alcooliques d'une manière responsable. Tout programme de prévention serait incomplet sans ces mises en garde pour la santé. Pour citer les propos de Denny Boyd, éditorialiste auprès du Vancouver Sun: «Les étiquettes de mise en garde sur les contenants de boissons alcooliques sont censées transmettre un signal de danger imminent au consommateur.»

Les étiquettes représentent un moyen efficace pour rappeler constamment aux consommateurs qu'ils doivent consommer des boissons alcooliques d'une manière responsable. Cet élément de notre stratégie générale de prévention pourrait être mis en oeuvre rapidement et efficacement et serait susceptible de rejoindre tous les consommateurs de façons répétées.

Je vais prendre quelques instants pour vous entretenir du syndrome d'alcoolisme foetal. Tous les Canadiens connaissent bien les problèmes associés à la conduite en état d'ébriété et ce, grâce à une sensibilisation incessante des consommateurs. Mais il existe un autre problème qui est pratiquement inconnu et qui est néanmoins beaucoup plus tragique. Il s'agit du syndrome d'alcoolisme foetal ou SAF.

En 1992, le Comité permanent de la santé et du bien-être social de la Chambre des communes a publié une étude intitulée »Syndrome d'alcoolisme foetal: une tragédie évitable». Le rapport dit:

On ne doute pas que la consommation d'alcool par la mère puisse avoir des effets dévastateurs sur le foetus. Si une femme enceinte boit, son enfant à naître «boit» aussi, voilà un fait établi. Ce qui se passe, c'est que l'alcool présent dans le sang de la mère traverse le placenta et se retrouve dans le sang du foetus. Il se peut que le degré d'alcoolémie reste élevé plus longtemps chez le foetus que chez la mère, car le foie immature du foetus métabolise l'alcool plus lentement.
Des études indiquent que 5 p. 100 de toutes les malformations foetales sont attribuables à la consommation d'alcool pendant la grossesse. Selon Santé Canada, le SAF est présent dans une naissance vivante sur 500. Par conséquent, il est plus répandu que le syndrome de Down, qui survient dans une naissance vivante sur 600. Les enfants atteints du syndrome d'alcoolisme foetal peuvent souffrir de graves troubles neurologiques, de dysfonction sociale, de problèmes permanents de comportement, de troubles d'apprentissage, d'hyperactivité, d'arriération mentale, d'un retard de croissance prénatale ou postnatale, de troubles de la parole et de la vue, ainsi que de malformations. En outre, leur durée de vie est réduite et le développement de leur cerveau restreint.

En plus d'un retard de croissance, ces enfants présentent généralement des anomalies faciales caractéristiques, c'est-à-dire, une petite tête, de petits yeux rapprochés, des joues aplaties, une lèvre supérieure très mince et l'absence de sillon entre la lèvre supérieure et le nez.

On estime que le SAF coûte 1,5 million de dollars durant la vie d'un enfant atteint de ce syndrome. On estime aussi que le SAF coûte aux Canadiens 2,7 milliards de dollars chaque année en soins de santé accrus, en enseignement spécialisé et en services sociaux.

Il y a un autre aspect à cela, ce qu'on appelle les effets de l'alcool sur le foetus. L'EAF est très semblable au SAF. L'éventail des problèmes est le même, mais ils sont moins graves et il n'y a pas d'anomalies faciales caractéristiques. Les effets de l'alcool sur le foetus sont deux à trois fois plus fréquents que le SAF.

En ce qui concerne l'industrie de l'alcool, on s'entend généralement dans la profession médicale pour dire que la consommation d'alcool durant la grossesse peut nuire au foetus. On essaie de faire comprendre aux gens qu'il n'y a pas de niveau sûr de consommation d'alcool durant la grossesse et que le fait de consommer de l'alcool à ce moment-là peut conduire à des malformations congénitales reliées à l'alcool, y compris le SAF et l'EAF. On peut facilement prévenir ces deux maladies. Je tiens à le souligner. Selon l'industrie des boissons alcooliques elles-mêmes, boire de façon responsable peut signifier ne pas boire du tout.

Dans le cadre de ma recherche, j'ai profité de l'occasion pour parler à des représentants de l'Association des distillateurs canadiens, de l'Association des brasseurs du Canada et de l'Institut du vin canadien. Je me suis aperçu que leur position était très proche.

Il faut reconnaître qu'ils appuient tous et favorisent une consommation responsable de leurs produits. Ils font également remarquer qu'il a été prouvé que l'alcool est bon pour la santé dans certaines circonstances. Ils m'ont donné des exemples de programmes qu'ils financent déjà et qui offrent une plus grande valeur en ce qui concerne l'efficacité des mises en garde. Ils craignent toutefois que les mises en garde puissent inquiéter les femmes enceintes qui ont consommé de l'alcool et que cette inquiétude entraîne des problèmes de santé ou même une fausse couche.

(1740)

Ils étaient tous d'avis que les mises en garde ne seraient pas efficaces et qu'il n'y avait pas de preuves du contraire.

Enfin, ils ont tous précisé qu'ils ne se conformeraient pas volontairement à toute recommandation d'apposer des mises en garde sur les contenants de boisson alcoolique. Ils ont même affirmé qu'il faudrait adopter une loi en ce sens.

Leur position est claire. Elle repose sur l'argument selon lequel de telles mises en garde ne seraient pas efficaces. Cet argument me semble fondamentalement faussé, surtout parce leur efficacité a déjà été prouvée au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier. Les mises en garde apposées directement sur l'emballage des produits sont utilisées depuis des années pour presque tous les produits potentiellement dangereux, sauf les boissons alcooliques. Les recherches et le suivi à long terme ont prouvé leur efficacité à maintes reprises. C'est pourquoi cet élément de toute stratégie de prévention est encore utilisé de nos jours. Pourquoi? Parce qu'il est efficace.


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C'est une question de bon sens et de raisonnement pratique. L'industrie semble exiger des preuves empiriques qui, dit-elle, n'existent pas. En fait, ces preuves existent.

En 1988, le gouvernement américain a adopté une loi obligeant les producteurs à apposer des mises en garde sur les contenants de boisson alcoolique. Après la mise en oeuvre de cette loi en 1989, une série d'études ont été réalisées pour en déterminer l'impact sur les connaissances, les attitudes et les comportements. Bien que les premières études aient détecté peu d'effets, les résultats des douzaines d'études réalisées au fil des ans sont de plus en plus concluants. Voici quelques exemples.

En décembre 1993, le Journal of Public Policy and Marketing publiait un rapport sur l'attitude du public face au contrôle de l'alcool depuis l'introduction des mises en garde obligatoires en 1988. Ce rapport concluait que les mises en garde répondaient aux objectifs fixés, soit informer le public des dangers associés à la consommation d'alcool.

Dans le rapport sur le degré de sensibilisation des sans-abri aux étiquettes de mise en garde apposées sur les contenants de boisson alcoolique qu'il a publié en 1993-1994, le International Quarterly of Community Health Education concluait à ce qui suit: «Les rapports établis entre l'âge et la consommation d'alcool ainsi que le fait de reconnaître la présence des étiquettes et le contenu des bouteilles donnent à penser que les étiquettes de mise en garde véhiculent effectivement le message aux sans-abri.»

Mon dernier exemple est tiré de la conférence internationale sur la réduction des dommages causés par les drogues, qui s'est déroulée en mars 1994. Il ressort du rapport de recherche sur l'étiquetage obligatoire comme mesure de réduction des dommages causés par l'alcool que, d'après les données recueillies aux États-Unis, il existerait une corrélation entre le fait de voir l'étiquette et l'adoption de comportements appropriés en matière de conduite en état d'ébriété. Consommation réduite avant de prendre le volant: associée dans 68 p. 100 des cas au fait d'avoir remarqué la mise en garde au cours de 12 mois précédents, et pourcentage encore plus élevé en ce qui concerne la conduite après avoir consommé de l'alcool.»

Les preuves s'accumulent et se font de plus en plus convaincantes. C'est pour cette raison que les É.-U. ont commencé à utiliser des étiquettes de mise en garde en 1989 et que le Canada, notamment au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, a emboîté le pas en 1991. C'est pour cette raison que 77,5 p. 100 des Canadiens qui ont participé au sondage de la Fondation de recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie en 1994 se sont dits en faveur de mises en garde pour la santé sur les contenants de boisson alcoolique. Pourquoi? Parce que les Canadiens connaissent l'efficacité de ce véhicule.

Ce n'est pas d'hier que l'on propose, au Canada, que les contenants de boisson alcoolique comportent une mise en garde. Déjà en 1976, Marc Lalonde, qui était alors ministre de la Santé, le recommandait. En 1992, comme je le disais tout à l'heure, le Comité permanent de la Santé et du bien-être social en faisait à son tour la recommandation au gouvernement.

Qu'en pensent les législateurs d'aujourd'hui? Le 23 mai 1995, le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique écrivait ce qui suit à son homologue fédéral: «Je vous écris au sujet des étiquettes de mise en garde contre l'alcool. Nous avons discuté de cette question à la réunion des ministres de la Santé des provinces et des territoires qui a eu lieu à Vancouver, les 10 et 11 avril 1995. À l'unanimité, nous avons convenu que le gouvernement fédéral devait approfondir l'étude de ce dossier.»

(1745)

Je le répète, les ministres de la Santé des provinces canadiennes ont unanimement reconnu que le gouvernement fédéral devait approfondir l'étude de ce dossier. De plus, la ministre fédérale de la Santé a clairement indiqué qu'elle appuyait fermement la pose de telles étiquettes sur les contenants de boissons alcoolisées.

L'industrie des boissons alcoolisées est d'avis qu'il revient au consommateur d'établir l'efficacité de ces mises en garde. D'après moi, c'est l'industrie qui devrait avoir à prouver qu'elles ne sont pas efficaces. Si elle n'y parvenait pas, elle devrait remplir sa responsabilité sociale, morale et commerciale, et observer volontairement cette recommandation sur l'étiquetage.

Le projet de loi C-337 est la première mesure sur les étiquettes de mise en garde qui se soit rendue aussi loin dans le processus législatif. Le projet de loi ne m'appartient plus. Il est désormais la propriété de tous les parlementaires.

Nous ne pouvons laisser passer cette occasion de faire ce qu'il faut. Je demande humblement l'appui des députés pour que le projet de loi C-337 soit adopté aujourd'hui, à l'étape de la deuxième lecture, de sorte que nous puissions étudier les faits dans le cadre d'audiences publiques du Comité permanent de la santé. Ainsi, les parlementaires qui ne font pas partie du Cabinet montreront encore une fois aux Canadiens que nous pouvons vraiment contribuer au bien-être de tous les Canadiens et que nous le faisons.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole en cette Chambre pour traiter du projet de loi C-337 qui modifie la Loi sur les aliments et drogues. Ce projet, présenté par mon collègue de Mississauga-Sud, a pour objectif de prévenir les femmes enceintes et le public en général des risques pour la santé que comporte la consommation des boissons alcooliques. Il vise aussi à souligner que la consommation d'alcool réduit la capacité de manipuler de la machinerie et des véhicules automobiles.

Nous sommes d'accord avec le principe de ce projet de loi. Il est maintenant reconnu, et ce même par les producteurs de boissons alcoolisées, que la consommation abusive d'alcool peut entraîner des problèmes de santé divers de même que réduire les facultés et ainsi affecter la capacité d'effectuer certaines tâches qui demandent de la concentration.

Dans les dernières années, la société a reconnu le danger que constituait la conduite d'une automobile avec des facultés affaiblies par l'alcool. Cette prise de conscience a amené les législateurs à renforcer les lois sur la conduite avec facultés affaiblies ainsi que l'augmentation de la sévérité des peines infligées aux contrevenants. Des campagnes de sensibilisation ont été menées auprès du


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public par les gouvernements auxquelles ont participé les producteurs et distributeurs de boissons alcoolisées.

Les gens sont aussi de plus en plus conscients que les risques d'accident lors de l'utilisation de machinerie ou d'outils augmentent lorsqu'il y a consommation d'alcool. De même, la trop forte consommation d'alcool de façon continue sur de longues périodes peut aussi entraîner des problèmes de santé.

Selon la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, l'alcool jouerait un rôle dans 19 000 décès chaque année, en raison des maladies cardiaques et du foie, de certains cancers, de suicides, d'accidents de circulation ou de divers accidents.

La trop forte consommation d'alcool serait aussi reliée à certains actes de vandalisme, de violence, ainsi qu'à des problèmes familiaux. Sur ce, la volonté d'utiliser la consommation d'alcool comme circonstance atténuante devant les tribunaux a amené ce Parlement à légiférer récemment pour interdire d'invoquer l'intoxication volontaire comme excuse pour un comportement illégal.

Cela dit, il ne faut pas tomber dans les généralisations et prétendre que l'alcool est responsable de tous les maux de notre société.

La plupart des députés de cette Chambre ont sûrement l'habitude de boire de temps en temps de manière modérée et d'en éprouver du plaisir. Ce qui peut être dangereux ou nuisible, ce n'est pas la consommation d'alcool, c'est l'abus d'alcool.

(1750)

Selon certaines études récentes, une légère consommation d'alcool pourrait même avoir des effets bénéfiques pour certaines personnes, notamment pour ceux et celles qui sont en proie à des problèmes cardiaques et de circulation sanguine. Je ne tente pas ici de vous faire croire que la consommation d'alcool n'a que des effets bénéfiques, mais je tiens simplement à souligner que les problèmes liés à l'alcool dont on entend souvent parler sont principalement le résultat d'abus et de consommation excessive.

La seule exception concerne les femmes enceintes. À ce titre, des études récentes sur le syndrome d'alcoolisme foetal ont permis d'établir que la consommation d'alcool, même modérée, pouvait quand même comporter des risques pour le foetus en entraînant des changements dans la respiration du foetus, de même qu'une diminution de l'irrigation sanguine de son cerveau.

Parmi les effets négatifs observés après la naissance, il faut mentionner un poids plus faible à la naissance et des problèmes de retard dans le développement physique et mental de l'enfant.

Nous venons d'énumérer de nombreuses raisons qui justifieraient la mise en garde de la population contre les différents problèmes qui peuvent être causés ou reliés à la consommation d'alcool. Mais quelle forme d'avertissement devrait-on utiliser? Le projet de loi présenté constituerait-il une solution ou un pas dans la bonne direction? Faudrait-il aussi développer d'autres façons pour atteindre l'objectif afin de prévenir la population des effets de l'abus d'alcool?

Il y a déjà présentement diverses campagnes publicitaires qui visent à sensibiliser la population. Au Québec, par exemple, une campagne contre l'alcool au volant a eu un certain succès dans la réduction du nombre d'accidents automobiles reliés à la consommation d'alcool. La Société des alcools du Québec est connue pour sa campagne «La modération a bien meilleur goût», une expression maintenant couramment utilisée. Aussi, certaines compagnies font parfois, lors de la période des Fêtes, des publicités recommandant à leur clientèle de boire de façon modérée.

En plus de ceux qui viennent d'être mentionnés, de nombreux autres moyens de sensibiliser la population ont été proposés par différents intervenants reliés aux produits de l'alcool. Entre autres, certains établissements licenciés gardent maintenant des stocks et affichent dans leur menu des boissons de remplacement non alcoolisées. Certaines municipalités songent à afficher dans les endroits où l'on sert de l'alcool des avertissements faisant état des préjudices que peut causer au foetus la consommation d'alcool durant la grossesse.

Récemment, on a assisté à une tendance visant à mettre davantage l'accent sur l'information par les divers professionnels reliés au domaine de la santé. Par exemple, en incitant les médecins qui traitent les femmes enceintes à insister sur les méfaits de l'alcool pendant la grossesse. De même pour les éducateurs sociaux à qui l'on demande aussi de sensibiliser davantage la population face aux effets possibles de la consommation de boissons alcoolisées.

En résumé, il faut prendre conscience de l'importance que la prévention, l'éducation et les autres formes d'intervention sociale peuvent également jouer dans le processus de prise de conscience populaire des problèmes pouvant être reliés à la consommation d'alcool.

Il faut aussi se poser des questions plus terre à terre d'ordre pratique et économique. D'abord, il faudrait estimer les coûts supplémentaires que cela entraînerait pour les producteurs et les distributeurs, évaluer si des coûts trop élevés pénaliseraient les petits producteurs, notamment la petite industrie des micro-brasseries et des bières artisanales qui s'est développée récemment.

Il faudra aussi vérifier si cette mesure nuirait à la compétitivité de l'industrie ou contreviendrait aux accords de commerce internationaux sur la libre circulation des biens signés par le Canada.

Bien sûr, ces questions d'argent ne doivent pas nous écarter de notre préoccupation principale qui demeure la santé des Canadiens et des Canadiennes. Toutefois, avant d'appliquer une mesure d'étiquetage comme celle prévue dans la loi, il est de notre devoir de s'assurer de l'efficience d'une telle mesure.

Mais bien sûr, comme c'est souvent le cas lorsqu'il est question de la santé de la population, il n'est pas possible de se dresser contre la vertu. C'est pourquoi nous voyons d'un oeil favorable le projet de loi proposé par le députés de Mississauga-Sud.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, en prenant la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-337, je voudrais vous parler de Johnny. Johnny est un petit bonhomme qui a été adopté par une famille. Cette famille avait assez de moyens pour s'occuper de Johnny, qui fut accueilli avec amour et compassion par ses membres. Johnny venait d'un foyer brisé qui avait des problèmes.


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(1755)

À mesure qu'il grandissait, on a constaté que Johnny était différent des enfants naturels de la famille. Sa croissance était quelque peu retardée. Il était plus petit que les autres enfants. On a pensé que c'était peut-être une question d'hérédité. Lorsque Johnny fut en âge de commencer à apprendre, il semblait en retard sur les autres enfants de la maison. C'était un garçon très actif. Il avait une habitude tout à fait étrange en ce sens qu'il pouvait grimper jusqu'en haut du cadre d'une porte. Il allait dans les endroits les plus insolites de la maison. Par exemple, il pouvait grimper sur le dessus des armoires.

Lorsqu'il fut un peu plus vieux, Johnny devint difficile à contrôler parce qu'il se sauvait de la maison et que la famille devait littéralement lancer la police à sa recherche. Il pouvait être absent durant trois ou quatre heures, sans qu'on puisse le retracer. Un jour, il sortit de la maison, grimpa dans une camionnette de camping stationnée tout près et y trouva des allumettes. Il construisit un petit feu de camp dans le véhicule et y mis le feu. La camionnette, qui appartenait à un voisin, était très impopulaire.

Johnny adorait la faune. Lorsqu'il était dans la nature, il s'intéressait beaucoup aux grenouilles, aux tortues et aux insectes. Il était réellement heureux à l'extérieur.

Une fois jeune adolescent, il devint évident que Johnny n'avait pas la même capacité mentale que les autres jeunes de son âge. Son développement intellectuel était resté au niveau de celui d'un enfant d'âge préscolaire. Johnny devint quelque peu agressif et difficile à contrôler. Finalement, il fut pris en tutelle par le gouvernement de la province où il habitait. Il dut quitter la famille qui lui avait donné tant d'amour et d'attention. D'autres personnes durent s'occuper de lui.

Johnny est maintenant assez vieux pour savoir qu'il n'aura jamais un emploi productif. Il restera toujours sous la responsabilité du gouvernement, de la province et des intervenants qui s'occupent de lui.

La mère naturelle de Johnny buvait beaucoup. Johnny est une victime du syndrome d'alcoolisme foetal. Sa mère, qui avait tant de problèmes qu'elle ne pouvait se priver d'alcool, buvait beaucoup. Johnny a un problème incurable. Sa vie est affectée de façon inexorable par les premiers mois d'existence, quand il était encore dans le ventre de sa mère.

Il est tout à fait possible de prévenir le syndrome d'alcoolisme foetal. La consommation d'alcool dans les premiers stades de la vie entraîne des malformations, un retard dans le développement, de l'hyperactivité, autant de problèmes constatés chez Johnny. Pourtant, il est tout à fait possible de prévenir ce syndrome. Tout ce que nous devons faire, c'est nous assurer que les jeunes mères, et même celles qui sont plus âgées, ne boivent pas trop pendant leur grossesse.

Permettez-moi de comparer le syndrome de l'alcoolisme foetal à la rubéole. Comment traitons-nous la rubéole? Nous vaccinons toutes les femmes qui deviendront enceintes ou risquent de le devenir. Nous prévenons les femmes enceintes pendant le premier trimestre de leur grossesse qu'elles doivent éviter de contracter la rubéole. Nous les soumettons à des tests pour nous assurer qu'elles sont immunisées. Nous les informons et, dans le cas de la rubéole, nous n'avons pas à légiférer.

Faut-il légiférer dans le cas qui nous occupe? Le projet de loi C-337 prévoit l'apposition d'une étiquette sur toutes les bouteilles de boissons contenant de l'alcool pour avertir le consommateur que ces boissons peuvent affaiblir les facultés, lorsqu'on utilise des machines ou conduit une voiture, et occasionner des problèmes de santé pendant la grossesse ou des malformations congénitales. Quand faut-il légiférer en matière de comportement personnel? Quand la loi doit-elle définir ce qu'une personne peut faire dans la société? Il faut le faire lorsqu'un tiers, qui n'a pas le choix, est en cause. Dans ce cas-ci, le syndrome d'alcoolisme foetal, il y a un tiers qui n'a pas le choix. L'enfant dans le sein de sa mère n'a pas le choix. Il est défendable de légiférer dans ce cas-ci.

(1800)

Je compare ce problème à celui de la cigarette dans les lieux publics. Dans un espace clos, lorsque d'autres personnes sont incommodées par la fumée, il y a lieu d'intervenir.

De manière générale, les réformistes veulent que l'appareil gouvernemental soit réduit et que la législation soit le moins envahissante possible. Dans le cas du syndrome d'alcoolisme foetal, une intervention législative serait justifiée.

Est-ce que l'apposition de cette étiquette est la solution? Si je cherchais bien le meilleur moyen de prévenir les femmes dont l'enfant risque le plus d'être atteint du syndrome de l'alcoolisme foetal, je ne me servirais pas de mots, mais je mettrais sur la bouteille la silhouette d'une femme enceinte avec un gros X rouge dessus. Je ferais porter mes efforts du côté des femmes qui risquent le plus de consommer beaucoup d'alcool, dont certaines sont analphabètes. Il arrive souvent que des femmes autochtones aient ce problème. Certaines ne comprendraient pas un message écrit. Il me semble donc qu'il faudrait utiliser ce profil pour prévenir le syndrome d'alcoolisme foetal.

Comment appliquer ce changement? Je m'adresserais tout d'abord aux fabricants et je leur dirais qu'il ne sera pas utile de légiférer s'ils se conforment volontairement. Le public est très favorable à de bonnes relations avec les sociétés. Je demanderais aux fabricants de boissons alcooliques d'écouter attentivement ce débat. Il ne serait pas nécessaire de légiférer si des étiquettes sur le syndrome d'alcoolisme foetal étaient apposées sur les bouteilles. Ils se sont montrés disposés à collaborer par leur campagne contre l'alcool au volant. Il serait profondément raisonnable de se conformer à cette campagne-ci.

Le projet de loi à l'étude montre que les députés peuvent collaborer. Les réformistes sont tout à fait prêts à accepter la promotion de mesures de prévention en matière de santé. Nous allons donc appuyer le renvoi de ce projet de loi au comité, et notre appui sera vigoureux. Pour ma part, je l'appuierai parce que je veux que le petit Johnny soit heureux.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'oc-


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casion de parler de ce problème. Je me réjouis également de constater que les trois partis à la Chambre s'entendent sur ce dossier.

C'est un dossier dont je m'occupe depuis 15 ans en tant que médecin, en tant que défenseur de mes patients et en tant que membre de l'Association médicale de la Colombie-Britannique qui exerce des pressions pour faire modifier la politique gouvernementale.

Les Canadiens de toutes conditions sociales et de toutes les régions se préoccupent depuis toujours de la consommation d'alcool et spécialement de l'abus d'alcool, et non seulement de ses effets pour la société mais aussi de ses effets sur la santé de l'individu. Les Canadiens ont toujours fait confiance aux gouvernements pour réduire les risques associés à cette drogue.

Ces préoccupations ont revêtu diverses formes à différents moments. Dans les années 80, on se préoccupait surtout de l'ivresse au volant. Les gouvernements ont agi au niveau provincial et au niveau fédéral pour prendre ce problème en considération. Les entreprises qui fabriquent et commercialisent l'alcool ont fait preuve d'assez de responsabilité à l'égard de l'ivresse au volant. Nous avons réussi à comprendre en cette décennie que le problème de l'ivresse au volant avait commencé à trouver place non seulement dans l'esprit du public mais aussi dans celui des jeunes qui sont les plus touchés.

(1805)

Plus récemment, la principale préoccupation liée à l'alcool est passée au problème du syndrome d'alcoolisme foetal et des répercussions de l'alcool sur les foetus. Un comité parlementaire a examiné ce sujet en détail et a proposé un grand nombre de recommandations, dont celles concernant l'étiquetage ne sont pas les moins importantes. Il y a eu une conférence des intéressés, et il s'est tenu trois conférences de suite. On y trouvaient réunis les fabricants et les détaillants des produits alcoolisés qui ressentaient fondamentalement un sentiment de responsabilité à l'égard du problème, même s'ils ne paraissaient pas vraiment intéressés à aller aussi loin que la question d'étiquetage.

Il s'agit du syndrome d'alcoolisme foetal, qui renvoie à une série de déficiences physiques et mentales et de troubles du comportement chez les enfants nés de mères qui ont consommé des boissons alcoolisées au cours de leur grossesse.

Les boissons alcoolisées consommées durant la grossesse influent grandement et en particulier sur le cerveau et le tissu cérébral du foetus, d'où le syndrome d'alcoolisme foetal en question. Différents degrés de consommation peuvent produire le syndrome d'alcoolisme foetal. Une consommation relativement faible donnera un syndrome partiel, dans lequel les malformations physiques seront habituellement absentes, mais les troubles du comportement évidents.

Des études et des informations nous portent aujourd'hui à croire que beaucoup de personnes qui affichent un comportement antisocial, qui présentent des problèmes de comportement à l'école et qui remplissent bien des prisons de notre pays souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal. Il est possible de prévenir cette maladie dont souffrent un enfant ou trois sur mille dans les pays industrialisés. C'est un problème terrible qu'il faut régler.

Je ne veux pas parler que de cela, car je ne tiens pas à ce que l'on m'accuse de m'en prendre à un autre plaisir social auquel tout le monde s'adonne. Contrairement au tabac, l'alcool n'est pas une drogue dangereuse, si on en fait un usage prudent. Nous savons aujourd'hui que sa consommation peut être dangereuse non seulement lorsqu'elle est associée à la conduite automobile ou à l'opération d'une machine ou qu'elle pousse à des actes de violence, mais aussi qu'elle provoque à long terme des maladies comme l'hypertension, la cirrhose du foie et certaines psychoses.

Il s'agit ici d'une drogue qui influe sur le comportement et la santé des humains. Il est temps de réagir, car l'alcool est une drogue qui est tellement acceptable socialement et surtout parce que c'est une substance qu'on peut consommer avec modération et sans danger, sauf, bien sûr, au cours de la grossesse. Une femme enceinte ne devrait jamais consommer de boissons alcoolisées.

On parle ici d'une substance dont la consommation peut être sûre. Comment fait-on dans notre société pour qu'un produit soit sûr? Les antihistaminiques qu'on achète sans ordonnance s'accompagnent d'une petite mise en garde qui dit de ne pas consommer de boissons alcoolisées ni d'opérer des machines quand on prend ces médicaments. On peut lire sur une bouteille de Draino que ce produit n'est pas destiné à la consommation interne et qu'il ne faut pas en avaler. Nous savons que certaines choses sont dangereuses lorsque mal employées.

Les contenants de boisson alcoolique peuvent facilement porter une étiquette, car c'est l'un des moyens à notre disposition pour informer clairement tout le monde que le produit peut être consommé en toute sécurité ou qu'il est dangereux et pour décrire les risques que comporte la consommation du produit. Les avertissements sur l'étiquette permettent d'utiliser le produit en toute sécurité. C'est ce que nous voulons.

Santé Canada consacre d'importantes sommes à des programmes communautaires, à l'intention surtout des autochtones et des Inuit, qui visent à aider les parents et les enfants qui souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal et des effets de l'alcool sur le foetus.

(1810)

Nous avons aussi de nombreux programmes qui mettent l'accent, comme toute bonne politique gouvernementale devrait le faire, sur l'éducation et l'information, puisque la sensibilisation de la population est la clé du succès. On ne peut pas dire que quelqu'un commet une erreur si les gens ne sont pas informés des conséquences de leurs gestes. Par conséquent, la sensibilisation de la population est un élément très important et l'étiquetage joue alors un rôle crucial.

Les étiquettes nous disent clairement ce qu'on devrait faire et ce qu'on ne devrait pas faire. Elles nous donnent des données très claires et précises sur la façon de consommer en toute sécurité une substance particulière, dans ce cas-ci, des boissons alcooliques. Alors qu'il existe beaucoup de services curatifs et de programmes de soutien et que nous multiplions les programmes de sensibilisation et d'éducation dans les écoles et les collectivités, à tous les niveaux, le gouvernement fédéral, les provinces et des groupes

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communautaires travaillent tous d'arrache-pied pour enrayer l'abus d'alcool et sa consommation déraisonnable.

Il y a un outil dont nous disposons et que nous n'avons pas encore utilisé. Bien des gens ont dit que cela sera coûteux. Je ne vois pas en quoi cela coûtera plus cher, car les députés savent sûrement que, pour pouvoir exporter leurs produits aux États-Unis, les fabricants d'alcool doivent obligatoirement y apposer une étiquette qui met en garde contre les dangers liés à la consommation de leur produit. Les députés peuvent imaginer une pièce où, d'un côté, il y a une foule de bouteilles sans étiquette, alors que de l'autre, il y a des gens qui s'affairent à étiqueter celles qu'ils destinent à l'exportation.

Les enfants américains sont-ils plus importants que les enfants canadiens? Absolument pas. Il ne s'agit pas d'un lourd fardeau que nous imposons à l'industrie de l'alcool. Cette industrie s'est montrée très coopérative et responsable dans sa façon de traiter l'alcool.

Je suis heureuse que le député ait présenté cette mesure, car cela nous donne l'occasion de discuter de la question. Les incrédules donnent l'exemple de ce qui s'est produit avec l'industrie du tabac. La Cour suprême a déterminé que nous ne devrions pas interdire la publicité et le parrainage d'événements parce que nous n'avons pas prouvé que cela fera une différence auprès des jeunes. Lorsque les députés parlent aux fabricants et aux agences de publicité, ils disent toujours que l'étiquetage donne beaucoup d'informations sur le produit en cause et que les fabricants utilisent les étiquettes pour envoyer un message sur l'image de leurs produits.

Si quelqu'un veut acheter un détergent, ce doit être un genre de détergent qu'aurait utilisé une grand-mère, qui nettoie bien en dégageant une odeur de brise marine, qui sent bon le citron et la lime et tout cela. Nous nous servons toujours d'images pour vendre nos produits. Les étiquettes des boîtes de soupe mettent toujours en évidence la qualité maison de leur contenu. C'est toujours quelque chose d'appétissant ou le genre de chose qu'on avait l'habitude de manger dans le bon vieux temps.

Parlons des fabricants de cigarettes. Ceux-ci en ont fait un grand art. Ils sont vraiment passés maîtres dans l'art de transfigurer un produit. Ils parlent de jeunesse et de vigueur. Ils montrent combien d'amis on peut se faire si l'on fume. Ils montrent combien on deviendra acceptable socialement, quel sportif on deviendra, quel merveilleux train de vie on aura si on fume.

Ce qui est capital ici, c'est la reconnaissance que, dans une foule de domaines, on ne peut faire aucune distinction entre le produit tel que conçu par le fabricant et l'étiquette. Le produit et l'étiquette ne sont presque qu'une seule et même chose. C'est pourquoi les fabricants hésitent tellement à apposer sur leurs produits une étiquette qui dit que ces derniers ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être.

J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi. Nous l'appuyons fermement à Santé Canada. Nous croyons que si nous voulons prévenir les maladies qui peuvent l'être et qui causent beaucoup de tragédies dans nos vies, c'est là une bonne mesure à prendre. Nous avons déjà fait la moitié du chemin. Cela se fait aux États-Unis. Il est temps que nous le fassions au Canada.

MESSAGE DU SÉNAT

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de demander la reprise du débat, j'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre que le Sénat lui a adressé un message pour l'informer qu'il a adopté le projet de loi S-12, Loi portant fusion de l'Église missionnaire, de droit albertain, avec l'Église missionnaire évangélique, section de l'Ouest canadien, de droit fédéral.

Conformément à l'article 135 du Règlement, le projet de loi est réputé avoir été lu pour la première fois et sa deuxième lecture est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

* * *

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-337, Loi modificant la Loi sur les aliments et drogues (mise en garde sur les contenants de boisson alcoolique), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(1815)

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

M. Boudria: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je constate que certains députés semblent prêts pour le débat d'ajournement. Peut-être pourrions-nous dire qu'il est 18 h 30.

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


17418

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le 6 octobre 1995, j'ai posé une question au ministre de la Défense nationale au sujet de la semaine des révélations au ministère. Pendant la semaine des révélations, nous avons découvert que des officiers supérieurs du quartier général avaient modifié des documents. Pour les punir, on a demandé au ministère de faire lui-même enquête.


17419

Des éléments de preuve supplémentaires ont révélé que le lieutenant-colonel Kenward avait détruit des preuves et fait entrave à la justice. Pour le punir, on lui a accordé une promotion.

Encore d'autres éléments de preuve ont démontré que le colonel Labbé avait donné des ordres illégaux. Pour le punir, on l'a nommé responsable de l'enseignement du commandement au Collège d'état-major de l'armée.

Dans notre démocratie parlementaire, il existe ce que nous appelons la responsabilité ministérielle. Un ministre doit savoir ce qui se passe dans son ministère et assumer l'entière responsabilité des gestes posés par ses subordonnés.

Je l'ai fait remarquer au ministre. Je lui ai dit que ces faits devaient figurer dans les dossiers. Je lui ai demandé pourquoi il avait tant tardé à agir.

Le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a répondu au nom du ministre. Il a déclaré qu'il était déçu que j'ose poser une question sur la responsabilité ministérielle. Ensuite, il a déclaré quelque chose que tous les Canadiens savaient depuis longtemps: il a dit que le gouvernement était si terriblement ouvert qu'il en était opaque.

Selon le Petit Robert, le terme opaque veut dire qui s'oppose au passage de la lumière, impénétrable, obscur, ténébreux. C'est le contraire de transparent. J'admire l'honnêteté du secrétaire parlementaire. Voilà un cas où un membre du gouvernement n'a pas été obscur. J'espère que le whip libéral a été indulgent envers lui. Il ne l'a pas été envers d'autres députés libéraux qui ont dit ce qu'ils pensaient.

Ravi de la franchise du secrétaire parlementaire, je lui ai demandé si les actions révélées cette semaine-là étaient considérées comme des exemples de bon leadership. Malheureusement, le secrétaire parlementaire est retourné aux tactiques libérales normales. Sa réponse était obscure. Il a dit qu'il n'aimait pas le ton de ma question et qu'il avait personnellement réclamé l'enquête sur les événements de Somalie pendant qu'il était dans l'opposition.

Tout cela est bien, mais il n'a toujours pas répondu à la question à laquelle tous les Canadiens veulent une réponse. J'ai alors informé le secrétaire parlementaire que c'est le Parti réformiste qui a demandé une enquête publique. Le secrétaire parlementaire se serait contenté d'une enquête interne nébuleuse. Il n'a pas protesté lorsque le ministre a essayé de faire en sorte que l'enquête soit opaque.

Les Canadiens sont extrêmement insatisfaits de la mauvaise gestion du ministre de la Défense nationale. Que ce soit à cause des tentatives de camouflage ou de l'achat des stylos plaqués or du ministre, les Canadiens veulent des changements. Comme notre régime parlementaire est fondé sur la responsabilité ministérielle, j'ai demandé au ministre de démissionner.

C'est à ce moment-là que le premier ministre est intervenu. Il a parlé de son appui personnel à l'égard de nos soldats. Ce n'était que des paroles vides de sens, de la foutaise.

Le premier ministre est à la Chambre depuis 30 ans. Où était-il au moment de l'unification? Où était-il en 1969 lorsque les compressions budgétaires ont réduit la taille de l'armée de 45 000 à 25 000 et la taille de la milice de 24 000 à 13 500? Où était-il lorsque les responsabilités des forces armées ont été transférées à des civils? Où était-il lorsqu'on s'en est pris au système régimentaire?

Il était un membre supérieur de l'équipe de démantèlement des forces armées du gouvernement Trudeau.

(1820)

En ce qui concerne le lieutenant-colonel Kenward et le colonel Labbé, le ministre avait en dossier les rapports concernant ces événements. Je demande encore une fois au secrétaire parlementaire pourquoi le ministre a attendu si longtemps avant d'agir. Le ministre considère-t-il les actions de ces officiers supérieurs comme des exemples de bon leadership?

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député est très malavisé de tenter de discréditer le ministre et le gouvernement.

Les députés de ce coté-ci savent bien que le programme du tiers parti consistait à utiliser des arguments spécieux, non pertinents et mesquins et des demi-vérités à des fins sectaires, ce qui n'a rien à voir avec les Forces armées canadiennes et la question qui nous occupe.

Examinons les faits. C'est le gouvernement libéral qui a demandé la tenue d'une enquête et qui a fait en sorte qu'elle soit publique et transparente. Le député m'a au moins reconnu le mérite d'avoir fait une demande en ce sens il y a deux ans et demi.

Le gouvernement actuel a encouragé les gens à venir révéler ce qu'ils savaient devant la Commission d'enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie. Ce même gouvernement s'est assuré que la commission d'enquête dispose de renseignements complets et exacts et que les documents pertinents soient mis à sa disposition.

Ces mesures n'ont pas toutes été faciles. Nous aurions pu céder à la tentation d'agir précipitamment. Je vais vous donner un exemple. Là où d'autres auraient été tentés de marquer des points politiques, nous avons gardé le cap et avons attendu la décision concernant la mine Westray, de sorte que justice soit bien rendue et que la décision prise ne soit pas plus tard invalidée pour des motifs de forme.

Voilà un exemple. Ces actions sont la preuve d'un bon leadership, de l'intégrité et de la volonté d'aboutir à quelque chose. Le moment est venu pour la commission de faire son travail. Nous attendons ses recommandations.

Les Forces armées canadiennes ont un long et fier passé que nous refusons de sacrifier, malgré tout le cinéma que font les députés du tiers parti, en face. Je recommande au tiers parti de partager le sentiment que nous et tous les députés de ce côté-ci éprouvons, en particulier au moment où nous venons d'adopter un nouveau programme, tout à fait inusité dans l'histoire des opérations de maintien de la paix. J'espère qu'ils continueront de prêter leur appui aux forces canadiennes à l'étranger.


17420

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, il y a une semaine, le 30 novembre, j'ai pris la parole à la Chambre pour poser une question au ministre de l'Agriculture au sujet d'une recommandation d'un comité de cadres supérieurs qu'il avait mis sur pied il y a quelques mois. Le comité avait examiné différentes idées sur la propriété des wagons-trémies, sur le rôle futur de la Commission du blé dans la répartition des wagons pour la manutention du grain dans l'ouest canadien et sur d'autres questions du même ordre.

J'ai essayé de faire valoir au ministre la recommandation de ce groupe, qui veut que les agriculteurs soient tenus de payer 1 $ de plus la tonne pour accumuler l'argent nécessaire à l'achat de 12 000 à 13 000 wagons-trémies dont le gouvernement est actuellement propriétaire. Ces wagons sont évalués à quelque 400 millions de dollars, mais selon la proposition, chaque société ferroviaire prendrait la moitié des wagons pour une somme de 100 millions, ce qu'elles peuvent accumuler en imposant des frais additionnels d'un dollar la tonne au secteur agricole sur toutes les marchandises expédiées. Après avoir recueilli cette somme, les sociétés ferroviaires seront propriétaires des wagons.

Cela semble être la pire entente possible, du point de vue des agriculteurs. S'ils paient ces wagons, pourquoi ne leur appartiendraient-ils pas par la suite? C'est un argument avancé par les agriculteurs eux-mêmes, car ils croient que les cadres supérieurs ont finalement présenté une proposition intéressée. Nous devons nous rappeler qu'au moins deux des cadres supérieurs siégeant au comité représentent les deux principales sociétés ferroviaires.

Pour ma part, je critiquais l'équité de la proposition. Dans sa réponse, le ministre a dit qu'il n'avait pas encore pris de décision, mais que je devais noter que les cadres supérieurs ont recommandé que, outre la somme de 1 $ la tonne sur dix ans, on fixe un plafond au prix d'acheminement des marchandises.

J'ai pris connaissance des réactions des agriculteurs de l'ouest canadien à cette observation. Ils ont rapidement fait remarquer que c'est un gouvernement libéral qui, il y a environ 97 ans, a promis que le tarif du Nid-de-Corbeau serait en vigueur à perpétuité. Pour n'importe qui, «à perpétuité» signifie «pour toujours». On a tenu parole durant 96 ou 97 ans.

(1825)

Les agriculteurs posent donc une très bonne question: si «à perpétuité» a voulu dire 96 ou 97 ans, combien de temps dureront dix ans? On semble croire que cela ne passera pas le prochain budget.

Les agriculteurs n'accepteront pas cela, et je suis d'accord avec eux. En tant que député de l'Ouest, il est de ma responsabilité de rappeler au ministre que sa crédibilité ainsi que la crédibilité du gouvernement sont en jeu pour ce qui est des promesses sur les tarifs de transport du grain. Les promesses du gouvernement quant à ses activités futures ou à tout gouvernement futur ne valent plus rien après ce qu'il a fait du tarif du Nid-de-Corbeau et d'autres choses que les agriculteurs canadiens croyaient être presque reconnues par la Constitution. C'est inacceptable.

Ce qui serait acceptable, ce serait de confier ces 13 000 wagons à la commission du blé, même si les agriculteurs doivent les payer. Au moins, cela leur laisserait savoir qu'ils sont à eux et qu'ils sont sous la garde de leur organisme, la commission.

La commission fait du très bon travail pour ce qui est de la répartition du matériel roulant. Comme je le disais, la propriété du matériel roulant a été confiée à la commission parce que les sociétés ferroviaires avaient refusé de s'en charger, dans les années 70, à l'époque où le ministre actuel était l'assistant d'Otto Lang. Les sociétés ont tout simplement refusé d'acheter ou de louer le matériel roulant. Les agriculteurs ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux ont été forcés d'acheter le matériel nécessaire pour assurer le transport du grain.

Je disais donc que la commission a très bien géré ce matériel. Le temps de rotation est extrêmement rapide. Autrement dit, un wagon est chargé, amené à destination, déchargé et revenu au silo régional plus vite qu'aucun autre wagon à céréales du système. Pour donner un exemple avec des céréales comparables, je précise que les wagons de la commission transportant du blé dur acheminent 17 chargements par année alors qu'on ne compte que 12 chargements pour l'avoine, qui est acheminée par le réseau commercial. Cela nous donne une idée de la différence d'efficacité qu'on peut avoir en confiant ces wagons à la commission et des économies que peuvent ainsi réaliser les agriculteurs et les sociétés ferroviaires.

Je recommande que le gouvernement examine sérieusement l'idée de remettre ces wagons aux agriculteurs. Nous les paierons s'il le faut, mais on devrait les laisser sous la garde de la commission du blé.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, un groupe de travail formé d'agriculteurs et de représentants de cadres supérieurs de l'industrie céréalière est arrivé aujourd'hui à un consensus sur les mesures à prendre au sujet des wagons-trémies appartenant au gouvernement, des procédures d'allocation des wagons et du rôle de la Commission canadienne du blé au niveau du transport.

Le rapport sera examiné aux assemblées de diverses organisations agricoles, qui se tiendront au cours de l'hiver. Tant que les agriculteurs n'auront pas eu la possibilité d'étudier les recommandations et de dire ce qu'ils en pensent, il serait prématuré de prendre une décision définitive quant à la réponse du gouvernement à ce rapport.

Le consensus auquel est parvenu ce groupe est sans doute une chose remarquable en soi. Il y a seulement quelques années, beaucoup de gens n'auraient pas cru qu'un groupe aux opinions tellement divergentes pût en arriver à un tel consensus. Les mesures proposées supposent des compromis difficiles mais constructifs et doivent être examinées dans leur ensemble, en bloc.


17421

Le gouvernement fera connaître sa réponse à ce rapport au début de 1996. Il est fier de sa performance pour ce qui est de consulter les différents protagonistes. C'est ainsi que nous fonctionnons et cette question sera traitée de la même façon que toutes les autres.

LA LOI SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, depuis quelque temps, mes collègues néo-démocrates et moi craignons que le gouvernement libéral ne prenne pas les mesures nécessaires pour donner suite aux excellents travaux du Comité permanent de l'environnement concernant la Loi sur la protection de l'environnement.

Depuis la parution du rapport du comité en juin dernier, les médias ont souvent fait état de la réaction du gouvernement. Certains disent craindre que la ministre de l'Environnement, que l'on dit favorable aux recommandations du comité, soit mise à l'écart du processus décisionnel par les ministres de l'Industrie et des Ressources naturelles, qui sont opposés à ces recommandations. En fait, des fonctionnaires du ministère de l'Industrie ont déclaré ouvertement que les propositions du comité reposaient sur des bases scientifiques peu solides et qu'elles nuiraient au climat des investissements au Canada et entraîneraient des frais de mise en oeuvre élevés.

(1830)

En même temps, la ministre de Ressources naturelles, au cours d'une intervention sur la LCPE et la réaction du gouvernement aux inquiétudes exprimées par l'industrie minière, a déclaré: «À l'heure actuelle, je dis clairement à la ministre que, grâce à cette collaboration, nous pourrons mettre en place une réglementation qui appuie l'industrie minière du Canada.»

Quand on tient compte de ces observations et qu'on y ajoute le fait que le gouvernement a carrément mis de côté la demande du comité, voire l'instruction du Parlement, qu'une réponse soit fournie en moins de 150 jours, on constate facilement pourquoi tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du processus de réglementation environnementale continuent de s'inquiéter des intentions du gouvernement.

Les députés se souviendront que, le 21 novembre dernier, j'ai critiqué le gouvernement parce qu'il ne déposait pas sa réponse. On m'a simplement déclaré qu'elle le serait en moins de deux semaines. Dix jours ont passé et nous attendons toujours.

Il est possible que la ministre de l'Environnement ait vraiment de la difficulté à obtenir une réponse favorable du Cabinet. À ce jour, c'est la décision la plus importante que doit prendre le gouvernement en matière d'environnement.

Rares sont ceux qui nieraient l'importance du volumineux rapport du comité, intitulé Notre santé en dépend, et de ses 141 recommandations portant sur presque tous les aspects du rôle du gouvernement fédéral dans la protection de l'environnement.

Puis-je rappeler aux députés et aux spectateurs que le comité a recommandé des modifications dans les domaines suivants: évaluation des substances toxiques et prévention de la pollution, évaluation et réglementation des produits de la biotechnologie, déversements dans les océans et gestion des zones côtières, rôle des premières nations dans la protection de l'environnement, protection de l'environnement en fonction des écosystèmes, gestion environnementale dans l'administration fédérale, participation du public à la prise de décisions des autorités fédérales en matière d'environnement et enfin application de la législation fédérale en matière d'environnement.

Dans un article récent du Globe and Mail, Paul Muldoon, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, et Mark Winfield, de l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement, écrivent ceci:

On reconnaîtra à la réponse du gouvernement fédéral s'il prendra au sérieux ses responsabilités à l'égard des substances toxiques et des autres aspects de la protection de l'environnement.
En s'appuyant sur les données connues jusqu'à maintenant, le comité permanent a affirmé que des mesures énergiques s'imposent concernant les substances les plus toxiques.
Les ministères qui s'opposent à la réforme de la LCPE exigent une preuve absolue de dommage avant de prendre des mesures substantielles.
Ils sont prêts à jouer avec la santé des Canadiens. Le gouvernement libéral doit décider maintenant s'il est prêt à faire la même chose.
Le 24 octobre, inquiet à propos des commentaires des fonctionnaires de l'Industrie dont j'ai déjà parlé, j'ai demandé au ministre de l'Industrie s'il allait solliciter l'avis de ces fonctionnaires ou s'il accueillerait l'occasion de transformer le Canada en chef de file international en matière de lois sur la protection de l'environnement, comme on peut le pressentir avec les recommandations impressionnantes du comité de l'environnement.

Je pose la question de nouveau ce soir, dans l'espoir que le gouvernement soit prêt à confirmer son appui et à nous indiquer quand on peut espérer obtenir sa réponse au rapport concernant la LCPE.

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord remercier le député de The Battlefords-Meadow Lake du grand intérêt qu'il porte à l'examen de la LCPE. Le député a siégé au comité pendant l'examen de la LCPE. Il a fait montre d'un intérêt constant à cet égard pendant toutes les délibérations du comité et même après le dépôt du rapport. Je le félicite d'avoir soulevé cette question pour que les Canadiens connaissent la teneur de la réponse du gouvernement.

Je m'excuse que la réponse se fasse attendre. La ministre est à Vienne pour le colloque sur la couche d'ozone, ce qui a occasionné un autre délai. Cependant, la réponse sera prête très bientôt.

Je puis assurer au député que la réponse reflétera assez fidèlement les recommandations et l'orientation du rapport du comité permanent ainsi que tous les principes proposés par le comité. Le

17422

principal programme du comité, comme il est dit dans le rapport, influera sur la réponse.

(1835)

Je puis donner l'assurance au député que le ministre de l'Industrie, dont la loi fait la promotion du développement durable, épaulera certainement la ministre de l'Environnement pour veiller à ce que le rapport reflète la préoccupation des Canadiens en matière de développement durable et d'intégration de l'économie et de l'environnement, y compris la prévention de la pollution.

LE VIET NAM

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le 4 octobre 1995, j'ai pris la parole à la Chambre pour demander au ministre des Affaires étrangères d'user de ses bons offices auprès du gouvernement vietnamien, au nom de neufs leaders des milieux religieux, universitaires et culturels qui sont emprisonnés au Viet Nam et qui attendent de subir un nouveau procès.

Ce sont des membres de la communauté vietnamienne du Canada à Vancouver, à Ottawa et ailleurs qui ont porté cette question à mon attention. Pour donner suite à leurs démarches, j'ai rencontré l'ambassadeur du Viet Nam à Ottawa, j'ai communiqué avec l'ambassadeur du Canada à Hanoi et j'ai écrit des lettres à différents gouvernements, dont le nôtre.

Je suis heureux de pouvoir informer la Chambre que, dans une déclaration en date du 22 novembre 1995, le gouvernement du Viet Nam a annoncé la libération de deux des leaders des milieux religieux et culturels. Ces leaders ont déjà quitté le Viet Nam et sont maintenant en Amérique du Nord.

Immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, le Canada a élaboré et appliqué une politique étrangère fondée sur la diplomatie discrète, où l'on négocie en faisant preuve à la fois de patience et de fermeté, et n'a jamais eu recours à la diplomatie de la canonnière, comme au XIXe siècle, ce qui aurait été au-delà de nos capacités logistiques militaires de toute façon.

Puisque nous sommes maintenant dans la période de l'après-guerre froide, où le commerce a remplacé le pouvoir politico-militaire comme fondement de l'ordre mondial, je demanderais au ministre comment il s'y prendra pour continuer de promouvoir le développement du constitutionnalisme démocratique et l'avancement des droits constitutionnels fondamentaux dans nos nouveaux pays voisins de la ceinture du Pacifique.

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je sais que la communauté vietnamienne du Canada est très reconnaissante au député de Vancouver Quadra d'avoir soulevé cette question, non seulement à la Chambre des communes, mais à d'autres tribunes également.

Comme le disait le secrétaire d'État chargé de l'Asie-Pacifique pendant la période des questions, la position du Canada consiste à favoriser l'engagement et non l'isolement en ce qui concerne nos rapports avec le Vietnam. Nous agissons de concert avec le reste de la communauté internationale. Le dialogue sur les droits de la personne demeure un aspect important de nos rapports internationaux.

Pendant son séjour à Hanoi, à la mi-novembre, le ministre des Affaires étrangères a abordé la question des droits de la personne avec son homologue vietnamien, le ministre Nguyen Manh Cam. Le secrétaire d'État a lui aussi exprimé ses inquiétudes au sujet de la situation des droits de la personne au Vietnam pendant son séjour dans ce pays. Il a également eu un long entretien sur cette question avec le vice-premier ministre du Vietnam, lors du séjour de ce dernier au Canada l'an dernier. Nous entretenons également le dialogue par l'intermédiaire de notre ambassade à Hanoi et de l'ambassade du Vietnam au Canada.

Nous avons pour politique de tenir un discours franc et honnête aux tribunes multilatérales appropriées, comme le troisième comité des Nations Unies qui traite des questions relatives aux droits de la personne.

Dans le discours qu'il a prononcé le vendredi 1er décembre, l'ambassadeur Bob Fowler a fait part des préoccupations du Canada à l'égard des prisonniers politiques et religieux. À notre sens, la diplomatie discrète sur le plan bilatéral, conjuguée à l'expression honnête de nos opinions à des tribunes multilatérales, est plus efficace que l'affrontement.

Nous avons été heureux d'apprendre que les deux prisonniers avaient déjà été libérés. Je suis sûr que les démarches du député auprès des ambassades et à d'autres niveaux ont contribué en grande partie à leur libération.

Nous espérons que notre politique actuelle et les aptitudes du député pour la diplomatie discrète continueront de donner des résultats.

LA DÉFENSE NATIONALE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, j'aimerais réagir à la réponse que m'a donnée le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense à la question que je lui avais posée sur les intentions du gouvernement concernant le système d'appel d'offres relatif aux contrats de déménagement.

À l'heure actuelle, seules les quatre principales compagnies de déménagement canadiennes peuvent présenter des soumissions portant sur les projets de déménagement du ministère de la Défense. On donne aux autres la possibilité de faire une offre égale à l'offre la plus basse. Le soumissionnaire gagnant reçoit une prime. Le travail est alors affermé à des compagnies dans tout le Canada.

(1840)

Le gouvernement propose de modifier ce système et de permettre à n'importe quelle compagnie de n'importe quel pays de répondre aux appels d'offres. Le soumissionnaire dont l'offre serait la plus basse se verrait confier tout le travail. Cela voudrait dire que le ministère de la Défense adopterait un système permettant à un seul soumissionnaire de tout rafler, ce qui aurait pour effet de créer un monopole, de détruire une industrie de plus de 800 compagnies et de laisser des milliers de travailleurs sans emploi.

Maintenant le gouvernement a heureusement changé d'avis et propose que la compagnie de déménagement dont la soumission

17423

serait la plus basse se voit octroyer 40 p. 100 du marché de services du gouvernement. Les trois soumissionnaires suivants en recevraient une proportion inférieure à condition que leurs prix soient égaux au prix le plus bas.

Le gouvernement se sert actuellement d'une liste gouvernementale des transporteurs approuvés. Si vous n'êtes pas sur cette liste, vous n'êtes pas admissible à des contrats de déménagement du gouvernement. En vertu de la nouvelle proposition, cette liste serait supprimée.

Les centaines d'entreprises indépendantes et souvent familiales qui constituent l'industrie du déménagement fournissent un service de qualité. Elles sont sur cette liste. Elles possèdent des entrepôts et des camions de déménagement. Elles ont investi des millions de dollars en infrastructures.

La semaine dernière, Randy Hoyt, président du Hoyt's Group of Companies dans la région atlantique, disait au Comité des comptes publics que le volume de travail que le gouvernement accorde à un transporteur qui est sur la liste varie selon la satisfaction que donne ce transporteur. Si le travail n'est pas satisfaisant, les déménageurs sont rayés de la liste ou suspendus.

Ce système sert très bien les contribuables canadiens et est souhaitable tant pour les employés du gouvernement que les déménageurs indépendants. Parce qu'ils étaient assurés d'avoir une part du volume, les déménageurs avaient investi dans des installations et la formation de leur personnel partout au Canada où il n'y aurait pas eu de service sans eux. Le région de l'Atlantique en est un bon exemple. De nombreuses villes sont desservies par ces compagnies, si bien que la population a droit à des prix compétitifs lorsqu'il s'agit de déménager.

La nouvelle proposition présentée par le Canada aura pour effet de détruire ce système et d'abolir les avantages qu'il présente. Il s'ensuivra des milliers d'emplois perdus.

L'homme d'affaires ontarien Pat Baird a déclaré au comité des comptes publics qu'il est prêt à soumissionner aux conditions du nouveau régime proposé. M. Baird n'a ni camion, ni entrepôt, ni infrastructure. Il a deux ou trois employés et ne possède aucun investissement financier. Il a fait des déclarations mensongères au comité. Il a raconté au comité que, si son offre est acceptée, il veut utiliser les voies ferrées pour déménager les employés du gouvernement. Il a oublié qu'il n'y a pas de voies ferrées dans bien des régions de l'Atlantique. Il a dit qu'il a une coentreprise avec le CN et que le CN construira 300 à 400 nouveaux conteneurs de 53 pieds devant servir de fourgons de déménagement. Il a également dit que l'investissement du CN allait se chiffrer à 26 millions de dollars.

Je me suis entretenue avec les dirigeants du CN, qui m'ont dit avoir une entente verbale avec M. Baird. Si l'offre est acceptée, le CN est prêt, non pas à construire de nouveaux conteneurs de 53 pieds, comme l'a dit M. Baird, mais bien à modifier quelques vieux conteneurs de 48 pieds, au coût de 4 000 $ à 5 000 $ pièce. Le CN a dit qu'il n'investira qu'au plus 1,3 million de dollars, et non 26 millions de dollars, comme M. Baird l'a déclaré.

Ces inexactitudes dans le témoignage de M. Baird devraient servir d'avertissement. Le nouveau processus d'appel d'offres qui est proposé devrait être mis en suspens. Je demande instamment au secrétaire parlementaire et au ministre de revoir cette question. Elle est sérieuse. Tout ce que je demande, c'est qu'on suspende le processus et qu'on examine la question, en raison de ces contradictions et de ces inexactitudes.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le comité interministériel des services de déménagement a récemment procédé à une étude du processus suivi pour les services de déménagement. Il avait trois objectifs.

On souhaitait, tout d'abord, réduire le coût et accroître l'efficience des accords avec l'industrie qui étaient, de l'avis général, trop réglementés. Ensuite, il s'agissait d'encourager l'entrée de nouveaux concurrents dans le processus. Enfin, on voulait épargner davantage en réalisant des économies d'échelle et en regroupant des services.

Le comité a étudié la faisabilité d'utiliser un seul fournisseur, comme la députée l'a dit, pour ses services de déménagement. Après avoir eu des rencontres avec des parlementaires et d'autres intervenants dans ce secteur, le comité a conclu que des économies étaient possibles, mais qu'on n'avait pas, à ce stade-ci, des bases suffisantes pour apporter un changement majeur à tout le processus. L'information n'était pas assez sûre et les risques étaient trop élevés.

Le comité a rencontré les entrepreneurs actuels et d'autres parties intéressées pour obtenir l'avis des gens de l'industrie et pour inclure leur point de vue afin de veiller à ce que le processus soit ouvert et transparent.

On a élaboré une nouvelle stratégie d'acquisition de ces services qui permettrait de réaliser des économies substantielles, de répondre aux préoccupations du Bureau de la concurrence, et de réduire les risques de mise en oeuvre.

Les principaux changements sont les suivants: un appel à la concurrence d'un an entièrement accessible à toute partie intéressée; le plus bas soumissionnaire recevrait 40 p. 100 du total, tandis que les autres soumissionnaires retenus, trois au maximum, recevraient 25, 20 et 15 p. 100 respectivement; le tarif du plus bas soumissionnaire serait utilisé; les entrepreneurs n'auraient pas le droit de refuser un déménagement; ce sont les entrepreneurs plutôt que le gouvernement qui détermineraient les besoins en matière d'infrastructure; et les règles d'exclusivité seraient abolies de sorte qu'un transporteur pourrait s'associer à un autre transporteur ou à une entreprise de transport pour les déménagements des employés du gouvernement. Ces changements entreront en vigueur en avril 1996.

Enfin, je peux assurer à la députée en cette Chambre que notre gouvernement tient à faire preuve d'équité dans l'attribution des marchés publics tout en veillant à obtenir la meilleure valeur pour l'argent des contribuables canadiens. Je peux aussi lui assurer qu'il sera tenu compte de ses préoccupations.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 47.)