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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 17 mars 1994

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

    Motion d'approbation du premier rapport 2395
    Adoption de la motion 2395

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-226. Adoption des motions portant présentation et première lecture. 2395

PÉTITIONS

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 2395

LE CODE CRIMINEL

LA LOI SUR L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

    M. O'Brien (London-Middlesex) 2396

QUESTIONS AU FEUILLETON

QUESTION DE PRIVILÈGE

L'EMPLOI DE CERTAINS TERMES

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2408
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2411
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 2422
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 2426

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE HARCÈLEMENT SEXUEL

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

    M. O'Brien (London-Middlesex) 2428

LE RACISME

LES CANADIENS D'ORIGINE IRLANDAISE

LE GLOBE AND MAIL

    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 2429

LES POMICULTEURS

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

LE PRIX JEANNE SAUVÉ

L'INDUSTRIE DE L'ALUMINIUM

LES DÉPUTÉS

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

L'AFRIQUE DU SUD

LE COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGRO-ALIMEN-TAIRE

LES ALLOCATIONS D'ENTRETIEN DES ENFANTS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 2431

QUESTIONS ORALES

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2432

L'ÉDITION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2433
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2433

L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

    M. Gauthier (Roberval) 2434
    M. Gauthier (Roberval) 2434
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2434

L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2435
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2435

LES DÉPUTÉS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2435
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2435

LES AFFAIRES INDIENNES

WALMART

L'INSTITUT BOWDEN

    M. Mills (Red Deer) 2437

LES AFFAIRES INDIENNES

LE CANCER DU SEIN

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2437
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2437

L'ENVIRONNEMENT

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

    M. Leroux (Shefford) 2438
    M. Leroux (Shefford) 2438

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS ORALES

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Gauthier (Roberval) 2440

AFFAIRES COURANTES

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Gauthier (Roberval) 2441

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

    Reprise de l'étude de la motion 2441
    M. Tremblay (Rosemont) 2452
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 2453

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

    Projet de loi C-219. Motion portant deuxième lecture. 2461

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ENVIRONNEMENT

    M. Chrétien (Frontenac) 2466

LE REVENU MINIMUM ANNUEL GARANTI


2395


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 17 mars 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité mixte permanent de l'examen de la réglementation. Si la Chambre donne son consentement, j'ai l'intention d'en proposer l'adoption plus tard aujourd'hui.

(1005)

Monsieur le Président, j'aimerais proposer que le premier rapport, présenté à cette Chambre aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

(1010)

[Traduction]

M. Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'avais l'intention de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire mais je suis arrivé en retard à la Chambre. Je demande le consentement unanime de la Chambre afin de revenir au dépôt de projets de loi d'initiative parlementaire.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour que nous revenions au dépôt de projets de loi d'initiative parlementaire?

Des voix: D'accord.

* * *

LE CODE CRIMINEL

M. John Nunziata (York-Sud-Weston) demande à présenter le projet de loi C-226, Loi modifiant le Code criminel.

-Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Les députés savent que les individus reconnus coupables de meurtre au premier degré sont condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans et que ceux qui sont reconnus coupables de meurtre au second degré sont passibles de l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 15 ans.

En vertu de l'article 745 du Code criminel du Canada, ces personnes peuvent demander que soit réduit à quinze ans le délai préalable à leur admissibilité à la libération conditionnelle.

Le projet de loi que je dépose aujourd'hui vise à abroger l'article 745 du Code criminel, de sorte que les personnes condamnées pour meurtre au premier degré au Canada seraient tenues, en vertu de la loi, de purger au moins 25 ans d'emprisonnement et que ceux qui seraient condamnés pour meurtre au second degré devraient purger intégralement la peine imposée par le tribunal.

Je suis heureux de constater que le ministre de la Justice se trouve à la Chambre aujourd'hui et je l'exhorte à prendre au sérieux le projet de loi que je dépose aujourd'hui. Le ministre sait qu'un nombre important de demandes ont été faites depuis quelques années et que 75 p. 100 d'entre elles ont été acceptées. En fait, lorsqu'un individu commet un meurtre au premier degré au Canada, cela ne signifie plus qu'il devra nécessairement purger une peine minimale de 25 ans d'emprisonnement.

J'exhorte les députés à appuyer ce projet de loi.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, les pétitionnaires font valoir que la Loi canadienne sur la santé vise à faire en sorte que les programmes de santé soient universels, transférables, accessibles et administrés par une autorité publique.

Les signataires font valoir que la Loi canadienne sur la santé, ou si vous voulez le régime d'assurance-maladie, constitue un élément fondamental, un principe de l'identité canadienne. Les pétitionnaires demandent que la Loi canadienne sur la santé soit inscrite dans la Constitution canadienne.

[Français]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul): Monsieur le Président, je me fais un devoir de déposer en Chambre une pétition signée par plus de 2 500 de mes commettants et je me joins à eux dans cette demande de garder opérationnel le bureau de poste de Verdun.


2396

Le bureau de poste est un endroit où on voit le drapeau du Canada flotter avec fierté et où les gens qui s'y rendent se reconnaissent comme Canadiens, ce qui est essentiel de nos jours.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, je reviens à la charge à propos de l'article 745. Les députés savent que j'ai présenté à la Chambre un grand nombre de pétitions signées par des Canadiens qui demandent au gouvernement d'abroger l'article 745. Je dépose aujourd'hui une autre pétition qui porte des centaines de signatures.

Voici ce que dit la pétition. Nous, soussignés, citoyens canadiens, attirons l'attention de la Chambre sur ce qui suit. Les prévenus reconnus coupables de meurtre au premier degré sont condamnés à l'emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans; ceux qui sont jugés coupables de meurtre au deuxième degré peuvent être condamnés à une peine de 15 ans sans possibilité de libération conditionnelle. Or, l'article 745 du Code criminel permet aux meurtriers de demander une réduction de la durée de leur détention même s'ils ont été jugés et condamnés par un tribunal judiciaire, qui a fixé leur sentence. Les personnes condamnées à la prison à vie pour meurtre au premier ou au deuxième degré sont admissibles à une libération conditionnelle après seulement 15 ans de détention, aux termes de l'article 745 du Code criminel. Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de légiférer pour abroger cet article du Code criminel.

(1015)

Je dois signaler que cet article permettrait à des criminels notoires comme Clifford Olson de demander leur libération dans moins de deux ans.

LA LOI SUR L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, les signataires de cette pétition signalent que la transformation d'oléoducs en gazoducs présente un certain nombre de risques pour les propriétaires fonciers.

Les pétitionnaires courent un risque environnemental. Ils doivent engager des frais importants pour assister et participer aux audiences de l'Office national de l'énergie. La loi régissant cet organisme ne prévoit pas, contrairement aux lois provinciales, d'octroi de subventions ni d'adjudication des dépens aux propriétaires fonciers qui interviennent dans la procédure.

C'est pourquoi les pétitionnaires exhortent le Parlement à presser le gouvernement fédéral de modifier immédiatement la Loi sur l'Office national de l'énergie afin de donner à cet organisme le pouvoir d'accorder des subventions et d'adjuger des dépens aux propriétaires fonciers qui interviennent dans les délibérations de l'office sur des questions d'intérêt public portant sur la construction et l'exploitation de pipelines.

Cette pétition est signée par une centaine d'habitants de ma circonscription et de deux circonscriptions voisines.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le Président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

L'EMPLOI DE CERTAINS TERMES

Mme Marlene Catterall (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor): Monsieur le Président, je voudrais simplement formuler quelques observations au sujet du rapport qui vient d'être consigné au compte rendu par les services du greffier et soulever la question de privilège relativement à l'emploi de certains termes à la Chambre, notamment celui de «président» utilisé dans le rapport.

Nous essayons depuis un certain temps déjà dans cette enceinte d'utiliser des termes applicables également aux hommes et aux femmes et je crois que l'emploi de mots masculins de cette façon diminue mon rôle à la Chambre et celui de toutes les autres députées. Cela nuit à ma capacité d'être prise au sérieux dans cette enceinte et de m'acquitter de mes fonctions en tant que parlementaire.

Je n'ai pas l'intention de faire une longue déclaration, mais je voudrais faire valoir quelques points. En employant des termes masculins, on donne aux députés masculins un statut qu'on refuse aux femmes siégeant dans cette enceinte. Je sais bien que de nombreux députés jugent peut-être que c'est là l'usage traditionnel de ces termes et je les comprends. C'est ainsi qu'on en est venu à penser que certains emplois dans la société revenaient aux hommes et d'autres aux femmes, ce qui a retardé pendant de nombreuses années l'arrivée d'un plus grand nombre de femmes à des postes de décision dans notre société.

Nous pouvons tous dire de façon rationnelle que nous savons exactement ce qu'on entend par le mot «président». Il ne désigne pas nécessairement un homme. Cependant, cela vient renforcer les perceptions bien ancrées dans notre société selon lesquelles les postes de responsabilité reviennent aux hommes. Il se peut que nous puissions justifier l'utilisation de ces termes en affirmant que ce n'est pas là leur signification.

Toutefois, nous vivons dans une société où, de ce fait, les petits garçons et les petites filles grandissent en ayant une certaine perception de leur place dans la société. Je pense qu'en tant que Parlement du Canada, il n'est pas digne de notre part de maintenir cette vision des choses.

2397

(1020)

Je reviens donc à mon point initial, c'est-à-dire que l'emploi de termes de ce genre m'empêche d'être traitée sur le même pied que mes collègues masculins dans cette enceinte. Je vous invite donc, monsieur le Président, à prendre en considération cette question de privilège et à déterminer les mesures que nous devons prendre pour nous assurer d'employer des termes neutres.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, le point qui a été soulevé est certainement valable et intéressant, mais je ne crois pas que le député qui a déposé le rapport en question ait fait quoi que ce soit d'antiparlementaire. En fait, notre Règlement actuel est formulé de cette façon.

J'invite la Chambre à se reporter à la page 5 de l'index de notre Règlement, où un certain nombre de titres de postes sont énumérés. On peut y lire, par exemple, «Ordre et décorum, Président, maintien; Voir aussi Président des comités pléniers», ainsi de suite.

Notre Règlement est actuellement rédigé de cette façon. Si la Chambre croit que le Règlement doit être modifié sur ce point, je suis sûr que notre Comité permanent de la procédure se fera un plaisir de remettre cet usage en question, si une demande lui est présentée à cette fin. Évidemment, il faut tenir compte du fait que la Chambre a déjà renvoyé toute une série d'autres points à notre comité, pour étude. Cependant, en tant que membre de ce comité, je ne m'opposerais pas à réexaminer cet usage.

Pour conclure, je ne crois pas que le député qui a fait cette observation ait porté atteinte au privilège d'autres députés. C'est plutôt le Règlement qui est rédigé ainsi. C'est peut-être un point qu'il vaudrait la peine de réexaminer en temps opportun.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, ça me dérange que la Chambre tente de contrôler l'emploi que je fais du mot président dans mes interventions. Je trouve qu'en anglais, je devrais pouvoir utiliser à ma guise les mots que je juge appropriés, que ce soit chairperson, chairman ou chairwoman.

Mme Catterall: Monsieur le Président, je vous ai demandé d'examiner cette question. Je ne veux pas que vous limitiez votre examen à la présentation des rapports, et je ne veux pas que les observations du député de Glengarry-Prescott-Russell limitent l'examen que vous ferez de cette question de privilège. Je crois que votre étude devrait porter sur le libellé des projets de loi soumis à la Chambre et sur plusieurs autres choses.

À titre individuel, les députés sont évidemment libres de choisir les termes qu'ils préfèrent. Personnellement, la question de privilège que j'ai soulevée porte sur le fonctionnement général de la Chambre et sur les documents officiels que nous devons utiliser.

Le vice-président: Je vais étudier la question. Avant de rendre une décision, je chercherai à en aviser les trois députés qui ont pris la parole aujourd'hui.


2397

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley) propose:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour son inaction en ce qui touche à la réforme du système de justice pénale et en particulier pour avoir permis que les droits des criminels passent avant ceux des victimes.
-Monsieur le Président, bien que ce soit pour moi un privilège de lancer le débat en cette enceinte, je trouve regrettable que ce soit pour condamner le gouvernement de ne pas avoir introduit de mesures législatives protégeant les droits des victimes.

Depuis des années, le système de justice pénale est organisé de façon à protéger les droits des criminels. Notre système judiciaire a été édifié en fonction des criminels, dès l'instant où ils sont arrêtés jusqu'à celui où leur peine prend fin. Dans l'ensemble, on ne s'occupe guère des victimes. Si ce Parlement a l'intention de protéger la société, il va falloir qu'il reconnaisse et codifie les droits des victimes.

(1025)

En toute honnêteté, je dois dire que certains progrès mineurs ont déjà été faits à cet égard. On tient maintenant compte, dans une certaine mesure, des déclarations des victimes, mais en général les tribunaux n'y attachent qu'une importance secondaire et donnent la prééminence aux criminels.

C'est ce qui a été démontré lors de l'audience de Greg Fischer, qui a eu lieu au mois de janvier de cette année, conformément à l'article 745. Il y a seize ans, Brian King, agent de la GRC, était kidnappé et assassiné près de Saskatoon. Les deux assassins avaient comme seul motif le désir de tuer un policier. En janvier 1979, Fischer fut condamné à la prison à vie, sans aucune possibilité de libération avant 25 ans.

À l'audience pour déterminer si Fischer avait le droit de demander une libération conditionnelle anticipée, on a beaucoup fait valoir à quel point il s'était amélioré au cours de son séjour de 15 ans en prison. Le sort de la famille King durant ces 15 années semblait n'avoir aucune importance. La famille King n'a pas été autorisée à s'adresser au tribunal. Il est temps de donner aux victimes de crimes un statut légal devant les tribunaux et lors des audiences de libérations conditionnelles.

Il y a bien sûr d'autres progrès forts valables, par exemple la création dans les services policiers de programmes d'aide aux victimes, mais ce sont là des mesures partielles. Des programmes comme ceux-là doivent habituellement compter sur du personnel bénévole.

N'est-il pas ironique de voir que les criminels reçoivent des avis juridiques de professionnels, des thérapies de psychologues professionnels, de l'enseignement général ou une formation professionnelle aux frais des contribuables alors que les victimes de crimes doivent compter sur des bénévoles de leur collectivité ou sur des groupes de soutien bénévoles pour obtenir l'aide dont elles ont besoin pour assumer le traumatisme causé par le comportement des criminels?


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Les activités criminelles coûtent cher à tous les membres de la société, qu'ils soient ou non les victimes directes du crime. Il est peut-être facile de voir les blessures d'une victime d'agression, mais on semble oublier que c'est le contribuable canadien qui paye pour le traitement médical de cette victime. De même, la perte d'une victime de vol d'auto ou d'autres biens est évidente, mais tout le monde paye pour ces actes criminels, par le truchement des primes d'assurance plus élevées.

Chaque année, les automobilistes se plaignent de l'augmentation constante de leurs primes d'assurance. Au cours des cinq dernières années, les primes ont grimpé beaucoup plus rapidement que le taux d'inflation. Le vandalisme, le vol d'autos et les fraudes sont responsables d'une partie importante des primes que doit payer chaque automobiliste. Non seulement les conducteurs canadiens subventionnent les activités criminelles, en notre qualité de simples consommateurs, nous devons aussi en payer le prix.

Un peu partout au pays, les détaillants perdent des millions de dollars chaque année à cause des vols à l'étalage et des vols commis par leurs employés. Ces pertes sont transmises aux consommateurs sous forme de prix plus élevés. Les gens d'affaires au Canada sont aux prises avec ces problèmes et il arrive même que certains doivent se retirer à cause de la criminalité. En effet, des exploitants de dépanneurs et de postes d'essence situés dans des quartiers où le taux de criminalité est élevé ne trouvent pas de compagnies disposées à les assurer, ou alors ils doivent acquitter des primes irréalistes. Il est honteux de penser que des entreprises rentables doivent fermer leurs portes à cause de la criminalité.

Quelle est la solution? Il faut d'abord faire payer les criminels. Un verdict de culpabilité devrait automatiquement s'accompagner d'une restitution à la victime ou à la compagnie d'assurance.

Les coûts du crime pour la société ne s'arrêtent pas à ceux qu'il impose directement aux victimes. Les coûts de tout notre régime de justice pénale sont énormes. Le maintien de l'ordre, l'administration de la justice, l'application des peines et des libérations conditionnelles entraînent des coûts qui se répartissent sur les trois paliers de gouvernement. Pris ensemble, ils sont exorbitants. L'époque étant aux compressions financières, de nombreux gouvernements recourent au principe de l'utilisateur-payeur. Or, il est temps d'appliquer ce principe dans le cas du système de justice pénale: il faut faire payer le criminel.

Si le gouvernement entend vraiment renforcer les lois pour mieux protéger la société, il doit admettre les deux principes suivants: d'une part, la protection de la société est plus importante que les droits du criminel et, d'autre part, les droits d'une victime viennent avant ceux d'un criminel.

(1030)

Ces principes doivent guider l'élaboration de toute nouvelle mesure législative en matière criminelle ou de toute modification apportée aux lois existantes. Autrement, tout effort pour lutter contre le crime et la violence est voué à l'échec. Les problèmes de criminalité qu'affronte notre société aujourd'hui ne sont pas dus à l'absence de lois. Ils découlent d'un principe voulant que les droits du criminel passent en premier.

La Charte des droits et libertés a tragiquement fait pencher la balance en faveur du contrevenant. Les gens de robe ont créé une industrie en invoquant la Charte pour défendre les causes criminelles. Cette industrie est peut-être rentable pour eux, mais elle a fait bien peu pour protéger les droits et la sécurité de la société. De nos jours, des criminels sont régulièrement acquittés à cause de détails techniques soulevés par des avocats qui invoquent la Charte. Comment cela protège-t-il le Canadien ordinaire?

En fait, la Charte donne une plus grande marge de manoeuvre aux criminels. Récemment, les tribunaux ont interdit le recours à des méthodes policières non menaçantes comme les enregistrements approuvés par une partie et le fait d'installer un policier banalisé dans la cellule d'un contrevenant. Ces décisions et beaucoup d'autres du même genre facilitent les choses pour les criminels, mais pas pour les policiers. Elles se trouvent à accorder une protection constitutionnelle aux droits des criminels et peu ou prou de protection à la société dans son ensemble.

La Charte des droits garantit aussi aux Canadiens le droit de vivre, libres et en sécurité. Et pourtant, tous les jours, des Canadiens sont lésés dans ce droit par les éléments criminels de notre société.

Les Canadiens ordinaires méritent qu'on protège leurs droits plus que ceux des criminels. Les victimes de la criminalité méritent aussi qu'on tienne compte de leurs droits. Il faudra peut-être modifier éventuellement la Constitution, mais nous devons établir clairement que, lorsque les droits des victimes et ceux des criminels entrent directement en conflit, les premiers doivent avoir la préséance.

La majorité des Canadiens conviendra, je crois, que les criminels devraient se voir privés d'une partie de leurs droits lorsqu'ils sont reconnus coupables d'un crime. Tous les sondages montrent que les Canadiens se sentent moins en sécurité qu'auparavant dans leurs localités. Il faut faire en sorte de modifier cette perception. Il faut que les Canadiens soient bien assurés que leur protection est la principale priorité de notre système de justice pénale.

La critique est facile, mais l'art est difficile. Comme toujours, mon parti est prêt à proposer une solution de rechange constructive. Tout d'abord, il faut adopter une loi qui donne aux victimes de la criminalité une capacité juridique au cours des procès et des audiences de libération conditionnelle.

Cela n'empièterait en rien sur les droits des criminels, mais permettrait au tribunal d'avoir une bonne idée des répercussions qu'ont les activités criminelles sur leurs victimes. J'ose croire que, dans bien des cas et surtout dans le cas des jeunes contrevenants, il serait bénéfique pour les accusés d'entendre ce que leurs gestes ont eu comme répercussions. Même dans un cas aussi simple qu'une entrée par effraction, on devrait obliger le contrevenant à entendre de la bouche de la victime ce que son geste a pu avoir de violent. Les criminels qui ont encore une conscience reconnaîtront peut-être avoir causé du tort à quelqu'un, pour qui


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il ne s'agit pas seulement de réclamer à son assureur la valeur des biens volés.

Dans les crimes plus graves, il importe que les juges et les jurés entendent de la bouche de la victime toute la douleur et la souffrance dont les membres de sa famille et elle-même ont souffert.

Certains diront peut-être que cela se fait déjà mais, même si les déclarations des victimes sur les répercussions du crime ne sont plus chose rare, elles sont encore à la discrétion du tribunal.

Il faut adopter une loi qui donne à la victime le droit d'être partie au procès et, aussi, aux audiences de libération conditionnelle. À l'heure actuelle, la victime peut assister à ces audiences, mais sa participation, si participation il y a, est à la discrétion de la Commission des libérations conditionnelles. Les membres de la commission doivent savoir comment le criminel s'est comporté au cours de sa détention, mais ils devraient aussi entendre ce que son geste a fait vivre à sa victime.

(1035)

La deuxième initiative que nous recommandons à la Chambre de prendre, c'est d'adopter une loi rendant le contrevenant civilement responsable de son acte criminel. Dès la condamnation du malfaiteur, une ordonnance de dédommagement devrait être émise contre lui. Le contrevenant devrait dédommager dans la pleine mesure de ses moyens le préjudice subi par la victime.

Évidemment, dans certains cas, le coupable ne sera pas en mesure de dédommager pleinement sa victime. Toutefois, s'il est tenu de verser une proportion de son revenu en guise de dédommagement, cela servirait à lui rappeler constamment l'acte criminel qu'il a commis.

Même si une personne doit purger une peine dans un établissement correctionnel où elle ne touche qu'un revenu minime, elle devrait quand même renoncer à une partie de son salaire afin de verser un dédommagement symbolique. Qu'importe que le montant soit minime, il rappellera au contrevenant sa responsabilité.

À l'autre extrême, il y a ceux qui s'adonnent à des activités criminelles très lucratives, comme le trafic de la drogue et les crimes commerciaux, pour n'en nommer que deux exemples frappants. Dans de tels cas, le dédommagement devrait aller au-delà de l'infraction pour laquelle les contrevenants ont été reconnus coupables. Même s'il existe une loi régissant les produits de la criminalité, elle n'a pas obtenu les résultats escomptés.

Lorsque les trafiquants de drogue et autres criminels qui vivent bien de leurs actes illicites sont reconnus coupables, on devrait saisir les produits de leurs activités criminelles. Même s'il est quasiment impossible de dédommager le préjudice subi par toutes les victimes des grands narcotrafiquants, on devrait établir une formule pour répartir les biens saisis entre les organismes d'application de la loi, les établissements correctionnels et un fonds d'indemnisation des victimes.

Il suffirait de quelques bonnes saisies pour compenser les pertes subies par des victimes qui, autrement, auraient peu de chances d'obtenir un dédommagement quelconque.

À long terme, le dédommagement obligatoire sous forme d'indemnité vise deux objectifs importants. Premièrement, la victime reçoit une indemnité financière. Si cela peut réduire quelque peu le tort qu'elle a subi, ce sera déjà bien.

Deuxièmement, le dédommagement pourrait aiguiser le sens des responsabilités des contrevenants. Si les criminels sont forcés à verser une part de leur revenu à leurs victimes, ils finiront peut-être par comprendre que le crime ne paie pas.

En adoptant ces deux initiatives, on ferait un premier pas qu'on aurait dû faire il y a longtemps. Force nous est d'admettre aujourd'hui que le système de justice pénale doit officiellement reconnaître les victimes. Ces deux initiatives prouveraient à la population canadienne que le Parlement canadien est disposé à apporter des changements fondamentaux au système.

Il serait difficile pour un député de faire abstraction d'une pétition portant deux millions et demi de signatures. La population exige des changements et demande à être protégée. Quiconque, à la Chambre, ne tiendrait pas compte de cet appel le ferait à ses risques et périls.

J'éprouve beaucoup de respect et d'admiration pour des groupes de victimes comme «Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation», mais je trouve honteux qu'il faille créer de tels groupes. Les dirigeants les plus remarquables de ces groupes sont immanquablement des parents dont les enfants ont été victimes de crimes violents. Il est tragique que tant de parents se retrouvent dans cette situation. J'aimerais croire que nous, à la Chambre, pouvons prendre des mesures pour que leur nombre n'augmente plus au cours des années à venir.

Dans ma réplique au discours du Trône, j'ai dit que je m'étais déjà entretenue avec les parents de deux victimes de meurtre. J'ai maintenant parlé aux parents de trois victimes. Ce n'est pas plus facile d'une fois à l'autre. Étant moi-même mère, je peux imaginer à quel point cela doit être dur de perdre un enfant. La douleur doit être encore plus vive lorsque l'enfant a été victime d'un meurtre.

Nous devons prendre toutes les mesures possibles pour que moins de parents éprouvent une telle douleur. Mes collègues réformistes sont déterminés à réaliser une réforme du système de justice qui porte fruit. Je dois dire que certains projets de loi d'initiative parlementaire de députés ministériels m'encouragent.

J'espère que les députés de tous les partis s'uniront pour adopter une mesure législative protégeant la société comme elle doit l'être. J'imagine qu'il y a très peu de députés qui jugent nécessaire de prêter l'oreille au lobby des criminels. J'aimerais croire que la protection de la société est un but visé par tous les partis. J'attends encore de voir le gouvernement prendre un engagement en ce sens.

(1040)

On nous a fait de vagues promesses de projets de loi sur la violence contre les femmes et les enfants, mais les actes de violence contre les femmes et les enfants, et contre les hommes aussi, sont déjà illégaux. Ce qu'il faut, c'est un changement d'attitude. Nous pourrions commencer par reconnaître les droits des victimes. Si le gouvernement refuse de reconnaître ces


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droits, la société en déduira que les victimes doivent rester cachées et muettes.

Rien ne me ferait plus plaisir que de prendre la parole à la Chambre pour féliciter le gouvernement d'avoir présenté un projet de loi reconnaissant que les droits des victimes l'emportent sur les droits des criminels.

Rien ne me permet cependant de croire que le gouvernement est disposé à proposer une telle mesure. C'est pourquoi je demande aujourd'hui à la Chambre de condamner le gouvernement pour son inaction en ce qui touche la réforme du système de justice pénale et, en particulier, pour avoir permis que les droits des criminels passent avant ceux des victimes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, j'ai écouté le discours de la députée avec beaucoup d'intérêt et plusieurs des points qu'elle a soulevés, selon moi, concernent des choses qui existent déjà. Cependant, la loi est appliquée par des hommes et des femmes, avec leur bagage intellectuel, avec leurs limites, avec leur façon d'agir ou de comprendre un problème, de telle façon qu'on n'a pas d'uniformité dans l'application de la loi. Comme plusieurs des choses qu'elle a avancées existent déjà, il faudrait donc peut-être faire de l'éducation et demander à la magistrature d'appliquer uniformément la loi, mais je reviendrai sur ce point lorsque je reprendrai la parole un peu plus tard.

La question que j'aimerais poser à la députée a trait à ce qui pourrait être fait, sur ce qu'elle a avancé et, entre autres, sur l'espèce de dédommagement qu'elle a mentionné qu'on pourrait accorder aux victimes.

Si on examine le cas d'une personne qui est condamnée à la prison ou à quoi que ce soit, dans la plupart des cas, il s'agit de gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale ou qui ont eu le tour de cacher leur avoir et qui n'ont aucun actif.

Dans ces cas-là, est-ce qu'on va rétablir un emprisonnement pour une dette civile? Dans l'affirmative, est-ce que la députée ne pense pas qu'on recule de deux siècles; et sinon, qui va dédommager la victime par rapport à ce qu'elle a avancé tantôt?

[Traduction]

Mme Meredith: Monsieur le Président, je crois que nous reconnaissons qu'il y a peut-être dans nos prisons des gens qui ne devraient pas y être, des gens qui sont là en raison de leur situation financière, qui n'avaient pas les moyens de se payer un bon avocat ou qui ont été poussés à commettre des crimes mineurs par leur situation financière. Nous devons reconnaître qu'il y a peut-être de meilleures façons de s'occuper du cas de ces personnes que de les mettre en prison.

Lorsque mes enfants brisent quelque chose, je m'attends encore à ce qu'ils prennent une partie de leur allocation, pas nécessairement la totalité, mais une partie, pour réparer ce qu'ils ont brisé, ce qui leur fait prendre conscience du mal qu'ils ont fait.

Si les gens qui gagnent un salaire minimum pour un travail qu'ils font en prison, devaient verser une partie de ce salaire à leur victime ou dans un fonds d'indemnisation des victimes, ils auraient probablement toujours à l'esprit que ce qu'ils ont fait était inacceptable. Il ne devrait pas nécessairement s'agir d'un gros montant, mais d'un montant suffisant pour leur rappeler que, en société, certaines choses se font et d'autres ne se font pas.

Je crois qu'en exigeant cela, les auteurs d'actes criminels seraient plus susceptibles de comprendre le message.

(1045)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier la députée d'avoir présenté cette motion qui nous donne l'occasion de débattre aujourd'hui, à la Chambre, un sujet fort important, soit le système de justice pénale du Canada et les diverses questions qui se posent relativement aux valeurs que nous essayons de promouvoir dans les tribunaux criminels.

Je reconnais que ni le gouvernement ni moi-même, en tant que ministre, n'avons le monopole de la sagesse et de la perspicacité. Nous sommes ouverts aux suggestions et écouterons attentivement toutes celles qui seront faites aujourd'hui, à la Chambre, par les députés de tous les partis.

Je tiens également à dire clairement, dès le départ, que je rejette fondamentalement deux aspects de la motion présentée par la députée. Premièrement, la députée accuse le gouvernement d'inaction, et je parlerai dans quelques instants des mesures concrètes que nous comptons prendre. Deuxièmement, elle dit que les droits des criminels passent avant ceux des victimes dans notre société.

La députée a laissé entendre qu'on aurait tendance à céder aux pressions venant des lobbyistes qui représentent les criminels, et le discours qu'elle a prononcé aujourd'hui porte à croire que ce sont les criminels qui font la loi dans notre système de justice pénale et que les droits des victimes ne sont pas respectés.

Que fait-on jour après jour dans les tribunaux criminels de notre pays? On poursuit les personnes accusées d'avoir commis des actes criminels, et ces poursuites se font conformément aux valeurs fondamentales de la société canadienne. Nous rejetons la torture comme moyen d'arracher des aveux. Nous rejetons la fraude comme moyen de présenter des preuves devant les tribunaux.

Nous avons pour principe dans ce pays que, dans l'application de nos lois comme dans toute autre chose que fait le gouvernement, il y a des normes de décence, d'intégrité et d'équité à respecter. Jour après jour, dans chaque tribunal criminel du pays, l'État essaie de prouver la culpabilité de l'accusé tout en respectant ces normes d'intégrité et d'équité.

Depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés, ce processus est devenu encore plus difficile, mais il reflète ce que les Canadiens attendent de leur système de justice pénale, soit que les gens ne seront pas accusés injustement, que seules les preu-


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ves obtenues régulièrement seront présentées pour établir la culpabilité de l'accusé, que le principe du doute raisonnable sera appliqué au moment de décider si l'accusé doit être reconnu coupable ou non et qu'on tiendra compte de tous les critères pertinents au moment de la détermination de la peine.

Si on examine certaines causes en particulier, il est tout à fait possible et même relativement facile de trouver des exemples de cas où on n'a pas tenu compte, comme il se devait, des droits de la victime ou encore où la peine imposée était disproportionnée à la gravité du crime.

Nous ne devons pas interpréter cet attachement à l'intégrité et à l'équité dans le système de justice comme voulant dire que l'État cède aux pressions venant des lobbyistes qui représentent les criminels. C'est une description très injuste et inexacte de la situation, et je la rejette d'emblée.

Je voudrais aussi faire une mise en garde. Il ne faut pas fonder nos critiques à l'égard de l'ensemble du système de justice pénale sur l'horreur que nous inspirent certains genres de crimes. Il ne faut pas oublier que 90 p. 100 de tous les crimes déclarés au Canada ne sont pas des crimes de violence et que, dans la plupart des cas, il s'agit de crimes contre les biens. Je ne veux pas dire que les crimes contre les biens ne sont pas graves, mais il y a des faits qu'il faut savoir pour bien comprendre le contexte dans lequel s'inscrit ce débat.

En 1991, le taux d'homicide dans notre pays a été de 2,82 pour 100 000 habitants. Aux États-Unis, il est quatre fois plus élevé. La proportion de crimes de violence impliquant des armes à feu a diminué au cours des dix dernières années. En 1975, on a utilisé des armes à feu dans 42 p. 100 des vols. En 1991, cette proportion n'a été que de 27 p. 100, ce qui prouve, à mon avis, l'efficacité de nos lois sur le contrôle des armes à feu.

En 1991, 59 000 infractions liées à la drogue ont été commises au Canada, ce qui représente une baisse de 21 p. 100 par rapport à 1981.

(1050)

Dans la décennie de 1982 à 1992, le taux de criminalité a augmenté de 1,5 p. 100 en moyenne par année, ce qui, par rapport à tous les autres pays civilisés, représente une modeste augmentation compte tenu de toutes les circonstances sociales et de tous les changements sociaux que nous avons connus au Canada.

Il y a toujours trop d'actes criminels, mais j'invite la députée de même que tous les autres députés à la Chambre à maintenir ce débat dans le contexte des faits de l'expérience canadienne.

Je vais maintenant passer aux mesures qui ont déjà été prises et que notre gouvernement est en train de prendre pour apporter les améliorations nécessaires au système de justice pénale. Notre système n'est pas parfait. Il laisse à désirer, mais nous avons sincèrement l'intention de prendre des mesures pour l'améliorer.

Je voudrais cependant parler auparavant de l'importance croissante accordée ces dernières années à la place de la victime dans le système judiciaire, et de la sensibilité que le système manifeste envers les victimes en s'acquittant de ses fonctions délicates.

En 1988, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont approuvé une déclaration de principes fondamentaux de justice envers les victimes d'actes criminels. Ce document sert de guide à tous ces gouvernements dans leurs relations avec les victimes.

Plusieurs provinces, de concert avec le gouvernement fédéral, ont donné force de loi à ces principes. Le Code criminel comporte maintenant un certain nombre de dispositions touchant les droits des victimes et prévoyant notamment l'identification et la restitution rapide de biens volés; la protection de l'identité des témoins ou des victimes dans le cas de certains délits, dont les délits sexuels et l'extorsion; l'imposition d'une suramende compensatoire qui s'ajoute à une autre peine et qui devait permettre de recueillir 11 millions de dollars l'année dernière; et l'utilisation de la déclaration de la victime au moment du prononcé de la sentence. Ces mesures, parmi d'autres, ont fait que la victime est maintenant devenue le centre d'attention.

Je ferai remarquer que lorsque le procureur de la Couronne vient exposer au tribunal la preuve contre l'accusé, il représente évidemment les intérêts de l'État, mais il se trouve à défendre implicitement les intérêts de la victime également dans la présentation de la preuve et dans la poursuite.

Qu'est-ce que notre gouvernement va faire pour améliorer le système de justice pénale au Canada? Nous reconnaissons que ce système ne réussira pas à lui seul à remédier à la criminalité et à ses conséquences au Canada. Nous reconnaissons que nous avons besoin à la fois d'un système de justice pénale efficace et d'une optique globale et intégrée de la part de tous les services gouvernementaux pour servir les objectifs de prévention de la criminalité.

Je ne parle pas ici de vagues promesses, comme la députée le laisse entendre, mais de mesures concrètes. Je vais maintenant les aborder. Il s'agit tout d'abord de s'assurer que les lois existantes sont efficaces et peuvent être appliquées efficacement.

Pour ce qui est de la la Loi sur les jeunes contrevenants, j'ai déjà dit clairement que nous avons l'intention de prendre deux mesures. Premièrement, nous présenterons à court terme un projet de loi proposant certaines modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, modifications que nous considérons comme des améliorations et qui prévoiront, entre autres, des peines maximales plus longues pour les crimes graves avec violence, ainsi qu'un meilleur échange d'information sur les contrevenants avec les commissions scolaires, les groupes locaux et autres, si la sécurité des citoyens l'exige.

Après ma rencontre de la semaine prochaine avec mes collègues et les ministres de la Justice de toutes les provinces et territoires du Canada, je proposerai un projet de loi qui reflétera


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la démarche du gouvernement à l'égard des modifications à apporter à court terme à la loi.

Deuxièmement, je demanderai à la Chambre de renvoyer toute la loi à un comité du Parlement qui pourra faire un examen exhaustif de la Loi sur les jeunes contrevenants adoptée il y a dix ans.

Le comité pourra entendre à ce sujet l'opinion des Canadiens et le témoignage de groupes de victimes, de policiers, de contrevenants, de criminologues, de sociologues et d'autres personnes qui parleront de leur expérience par rapport à l'application de la loi durant la dernière décennie. À mon avis, ils démontreront que la loi a été dans une large mesure un succès et qu'en principe, elle constitue la bonne méthode. Je suis certain que des améliorations s'imposent, mais je crois aussi que cet exercice confirmera le bien-fondé de la ligne de conduite éclairée proposée par la Loi sur les jeunes contrevenants.

En outre, le gouvernement proposera des modifications au Code criminel, relativement à la détermination de la peine, en vue d'énoncer de nouveau les objectifs généraux de celle-ci, de mettre l'accent sur les sanctions intermédiaires et d'insister sur les dédommagements et les mesures non privatives de liberté; il se penchera aussi sur le problème des contrevenants dangereux.

(1055)

Nous devons aussi examiner la partie 24 du Code criminel, afin de nous assurer que nous prenons les mesures les plus efficaces possibles à l'égard des personnes visées dans cette partie et que nous nous occupons du problème des contrevenants présentant de grands risques, c'est-à-dire ceux dont la peine d'emprisonnement tire à sa fin et qu'il n'est peut-être pas prudent de remettre en liberté.

Le gouvernement présentera aussi à la Chambre une autre proposition concernant les souteneurs et le grave problème que posent, dans de nombreuses villes canadiennes, les individus sans coeur qui exploitent sexuellement des enfants pour réaliser des bénéfices commerciaux.

Nous examinerons aussi le problème de la violence faite aux femmes. Dans notre pays, la violence familiale est un fléau national, notamment la violence faite aux femmes. Les statistiques rendues publiques ce matin confirment d'ailleurs la gravité et l'ampleur du problème. Nous veillerons à faire adopter à la Chambre des mesures législatives à ce sujet, notamment des dispositions plus sévères au sujet des engagements de garder la paix auxquels les magistrats ont souvent recours en pareils cas, à prendre des mesures pour retirer le contrevenant du foyer et à financer les centres venant en aide aux conjoints victimes de violence.

Nous devrons aussi rendre le contrôle des armes à feu plus efficace, en prenant notamment des mesures pour empêcher l'importation illégale d'armes.

Permettez-moi de parler brièvement du deuxième volet de l'optique du gouvernement à l'égard du système de justice pénale. Il consiste à reconnaître que le ministère de la Justice ne peut à lui seul résoudre le problème de la criminalité et de ses conséquences sur la société canadienne.

Le premier ministre m'a demandé de coordonner les efforts que déploient neuf ministères fédéraux pour résoudre le problème de la violence dans l'ensemble de la société canadienne. J'ai rencontré mes huit collègues pour commencer ce travail, y compris la secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme, la ministre de la Santé, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre du Patrimoine canadien. Nous avons tous des responsabilités qui touchent au problème de la violence dans la société canadienne.

Nul doute que ce genre d'optique intégrée et globale correspond exactement à la recommandation du comité Horner, formé de députés de tous les partis, en faveur de l'élaboration d'une stratégie holistique pour traiter du crime.

Il faut déterminer les causes du crime, le rôle de la pauvreté, de l'intolérance sociale, le rôle de l'éclatement de la famille et de la violence familiale elle-même. Il faut voir quel est le rôle des parents qui n'assument plus la responsabilité d'inculquer des valeurs à leurs enfants, et reconnaître que la prévention du crime passe parfois autant par le fait de donner un repas chaud à un enfant que d'envoyer un policier faire une ronde.

Nous devons reconnaître aussi que le travail qu'effectue mon collègue le ministre du Développement des ressources humaines pour moderniser nos programmes sociaux et les rendre plus efficaces a autant à voir avec la prévention du crime que le système de justice pénale lui-même.

Je me suis entretenu, d'un bout à l'autre du pays, avec des chefs de police, des conseillers scolaires, des fonctionnaires municipaux, des parents inquiets et des adolescents troublés, des groupes de victimes, des parents d'enfants assassinés et des groupes communautaires comme la John Howard Society et la Elizabeth Fry Society.

J'en suis venu à la conclusion qu'il y a énormément d'enthousiasme aux niveaux local et communautaire au Canada en faveur de la prévention du crime et de la suppression des causes des comportements dont il est question à la Chambre aujourd'hui.

En discutant avec ces gens-là à Moncton et à Fredericton, à Ottawa, dans ma circonscription, Etobicoke, de même qu'à Edmonton et à Vancouver, j'ai constaté qu'au sein des services de police, des groupes communautaires et des parents, il y avait beaucoup d'énergie à exploiter. Des initiatives sont maintenant prises au niveau local et nombre d'entre elles sont couronnées de succès.

À Edmonton, par exemple, la stratégie fondée sur le recours à une police communautaire et visant à faire d'Edmonton une ville plus sûre a eu pour résultat, depuis 18 mois, une réduction de 26 p. 100 du taux de criminalité, ce qui est extraordinaire. Imaginez les économies que pareille réduction peut représenter pour le gouvernement, sans parler de la diminution des souffrances humaines. Si cette stratégie était appliquée dans l'ensemble du pays, j'estime que le débat d'aujourd'hui serait tout à fait inutile.

Cela doit être notre objectif. Le gouvernement est déterminé à établir une stratégie nationale de prévention du crime. Nous créerons un conseil national de prévention du crime qui servira à canaliser les énergies et prendre l'engagement dont j'ai parlé et qui est si évident dans une foule de collectivités du pays.


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Nous reconnaîtrons officiellement, si nous agissons au lieu de se contenter d'en parler, que la meilleure façon de prévenir le crime n'est pas d'augmenter le nombre de policiers ni de les armer davantage ni d'imposer des peines plus sévères. Si c'était la solution, les États-Unis d'Amérique seraient le paradis terrestre! Ce n'est pas la solution.

(1100)

Il est évident que notre système de justice pénale doit nous permettre de traiter efficacement les actes criminels. C'est pourquoi nous apporterons au Code et aux lois les changements que j'ai mentionnés tout à l'heure. Par ailleurs, nous devons parallèlement lancer, dans notre pays, une vaste campagne de prévention du crime qui donnera des résultats.

Le Conseil national de prévention du crime centralisera les groupes, les individus et les personnes intéressées-y compris les groupes de victimes-de partout pour exercer un leadership dans ce domaine. Nous aurons une mine de renseignements, un inventaire de toutes les mesures prises à divers endroits au Canada, une source de conseils pour les quartiers, les collectivités et les villes qui veulent faire quelque chose, ainsi qu'un instrument de réflexion innovatrice et constructive pour déterminer ce que nous pouvons faire au Canada dans le but de réduire le taux de criminalité et de nous attaquer aux racines du problème.

Je suis tout à fait opposé aux principes qui servent de fondement à cette motion. Tout d'abord, le gouvernement ne propose pas l'inaction, bien au contraire. Nous allons, au cours des prochains mois, présenter à la Chambre un ensemble de propositions bien précises en vue de modifier la loi et poursuivre activement, dans le domaine de la prévention du crime, les objectifs dont j'ai parlé.

Je rejette également l'affirmation selon laquelle les droits des criminels passent avant ceux des victimes. Le système, dans sa forme actuelle, est sensible aux droits des victimes, et nous en avons des preuves.

Le système n'est pas parfait et, comme je l'ai dit au départ, nous nous réjouissons des suggestions constructives que nous font les députés de tous les côtés. J'attends avec impatience la suite du débat que cette motion a engendré aujourd'hui. J'écouterai avec intérêt les arguments que les députés mettront de l'avant et je peux garantir à la Chambre que le gouvernement va procéder rapidement à la mise en oeuvre du programme que je vous ai exposé.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa déclaration. Elle intéresse assurément beaucoup de Canadiens qui veulent vraiment que les choses changent dans ce domaine.

Je voudrais demander au ministre d'éclaircir un point concernant les mécanismes de soutien des victimes en regard de ceux qui existent déjà pour les contrevenants.

Quelqu'un qui commet un crime reçoit immédiatement l'aide de toutes sortes de gens. En fait, il n'a même pas besoin d'ouvrir la bouche. En premier lieu, il bénéficie de l'aide juridique et est représenté par un avocat, aux frais des contribuables. Il a droit à des services de counselling. Il est placé dans un système d'incarcération qui veille à tous ses besoins, y compris en matière de santé. On lui offre de participer à des programmes de réinsertion sociale qu'il n'est pas nécessairement tenu de suivre jusqu'au bout. En fait, sa seule peine est d'être retiré de la société et de ne pas pouvoir circuler en toute liberté, à moins d'être libéré sous condition.

Avant d'arriver au terme de sa peine, il a droit, bien sûr, à une libération conditionnelle, et la Commission des libérations conditionnelles le traite avec tous les égards, se souciant très peu des conséquences de sa présence dans la société à la suite de cette décision. Encore une fois, je parle ici de l'opinion de bien des gens à propos du service des libérations conditionnelles.

Récemment, plusieurs jugements de la Cour suprême ont mis la société encore plus en danger et ont ainsi créé d'autres victimes, parce ces jugements ont en fait empêché les enquêteurs de bien accomplir leur travail.

Où sont les forces ou les organismes en place qui accourent pour aider les victimes, alors que les criminels ont tout ce qu'il faut à leur disposition?

M. Rock: Il est vrai, monsieur le Président, qu'il n'y en a pas suffisamment. Nous devons améliorer la façon dont nous traitons les victimes pour donner à ces personnes les moyens de surmonter le traumatisme qu'elles ont subi et ses conséquences.

(1105)

Cependant, ce que dit mon collègue est quelque peu exagéré. La confortable expérience du prévenu, l'aide juridique gratuite, les conseils et la réhabilitation pourraient, à mon avis, être décrits de façon plus exacte. Je vais essayer.

Tout d'abord, l'aide juridique n'est rien d'autre que la reconnaissance par la société du fait que ceux qui sont inculpés d'une infraction pouvant conduire à leur incarcération ont le droit, même s'ils n'en ont pas les moyens financiers, de se défendre de ce dont on les accuse. Je ne pense pas que mon collègue veuille refuser ce droit aux prévenus. J'espère que non.

Il est clair que, dans notre société, si tous les pouvoirs de l'État, tous les mécanismes policiers, tous les pouvoirs d'enquête, toutes les autorités judiciaires avec les ressources dont elles disposent-pour ne rien dire de la puissance et de la majesté des tribunaux-se liguaient contre un individu sans défense, il serait certainement condamné. Les valeurs de notre société font que l'on donne à l'accusé un avocat de l'aide juridique pour le défendre, s'il ne peut se payer un avocat.

Deuxièmement, mon collègue a mentionné les conseils et la réhabilitation. Dans notre système de justice pénale, nous essayons de faire différentes choses simultanément. Il est exact que nous essayons de punir, lorsque nous le pouvons. Nous essayons toujours d'obtenir du processus judiciaire un résultat


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juste, mais nous tentons aussi de réhabiliter les condamnés, car il est reconnu que, si l'on n'essaie pas de changer l'individu en lui offrant des services d'orientation et de réhabilitation, il court de beaucoup plus grands risques de rechute.

Si l'on peut réduire ces risques, de même que le coût humain et financier qui s'y rattache, en investissant dans la réhabilitation, je pense que c'est bien ainsi. J'imagine que le député ne demande pas que nous abandonnions cette option de notre lutte contre la criminalité.

En ce qui concerne les prisons, elles doivent être humaines. Naturellement, nous privons les condamnés de leur liberté. La dernière fois que j'ai visité une prison, je n'ai pas eu l'impression qu'elle était particulièrement confortable. Souvent, elles sont même très inconfortables. Les prisons sont le reflet des valeurs de la société. Nous incarcérons, nous ne désirons pas torturer.

Les libérations conditionnelles, quant à elles, relèvent d'autorités particulières qui doivent tenir compte de toutes les circonstances, notamment la situation de la victime et le crime en soi. Je peux garantir au député que c'est ce qui se passe quotidiennement aux audiences de libération conditionnelle.

Faisons-nous assez pour les victimes de crimes? Absolument pas. Nous devons faire tout notre possible pour répondre à leurs besoins et faire en sorte que leur point de vue soit pris en considération à toutes les étapes du processus. Cependant, comme partout, il y a un équilibre à trouver. À l'heure actuelle, les choses sont sensiblement équilibrées.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le ministre de nous avoir fait partager de nouveau sa vision sur le système judiciaire et légal actuel. Je peux même lui dire que je partage ses idées sur son discours «philosophique» parce que c'était sur les grands principes.

Cependant on va voir si cet accord va durer ou perdurer suite à la présentation des modifications que vous avez en tête. Avec le discours que je viens d'entendre, j'inviterais le ministre à surveiller, parce qu'il semble vouloir faire ingérence dans des problèmes locaux de juridiction provinciale. Il ne faudrait pas toujours présenter des projets à caractère national, comme vous semblez vouloir le faire, parce que le Québec a des lois qui pourraient entrer en contradiction avec ce que vous avancez. Le Québec se sent poussé sur certains sujets que vous avez avancés.

Ma question sera très concrète. Je pense que le problème que nous avons avec la motion présentée par le Parti réformiste est surtout un problème de perception par la population. Dans le livre rouge vous aviez touché un point où la perception était très négative, celle concernant les femmes battues et les enfants.

(1110)

Vous aviez prévu, dans le livre rouge, d'accroître ou de consacrer des crédits supplémentaires aux organismes qui viennent en aide aux femmes battues et à leurs enfants. Je pense que cela serait un moyen de démontrer à la population que le système ne privilégie pas uniquement les criminels, mais les victimes.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire, dans le dernier budget, quels sont les crédits supplémentaires que le gouvernement a accordés à ces organismes et de quelle façon les organismes les utiliseront?

[Traduction]

M. Rock: Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de dire que, s'il y a actuellement en place au Québec des programmes ou des mesures touchant précisément les questions dont j'ai traité dans mon allocution, je serais heureux que le député veuille bien me donner des précisions à ce sujet. J'ignore à quels programmes précis il fait allusion, mais je serais heureux de lui donner l'assurance que je suis tout disposé à collaborer avec les autorités locales de tout le pays.

Par ailleurs, je reconnais que la prévention du crime ne sera chose possible que si elle s'exerce au sein de la collectivité. Voilà pourquoi les municipalités et les groupes communautaires auront un rôle important à jouer dans cette lutte contre la criminalité.

Le rôle du gouvernement fédéral doit, à coup sûr, consister à assurer la direction et la coordination des opérations. C'est la démarche que nous allons adopter et qui fera que les collectivités, d'un océan à l'autre, conjugueront leurs efforts.

Le député a posé une question concernant le financement des maisons de refuge et de transition pour femmes battues. Malgré les temps difficiles que nous connaissons sur le plan financier, le gouvernement actuel va respecter l'engagement qu'il a pris pendant la campagne électorale et débloquera des crédits supplémentaires.

N'ayant pas en mémoire le montant exact des sommes en question, je ne peux pas donner de chiffres au député aujourd'hui. Chose sûre, nous déciderons de la destination de ces sommes de concert avec les provinces, les autorités locales et les groupes communautaires, qui sont sans doute les mieux placés pour en faire bon usage.

J'ignore le montant exact pour le moment, mais je puis vous donner l'assurance que nous allons respecter notre engagement à cet égard et que nous déciderons de la destination des crédits ainsi débloqués en consultant les groupes bénéficiaires.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, je serai bref.

Tous les députés de ce côté-ci de la Chambre, sans exception-et j'en fais partie-reconnaissent qu'il est nécessaire d'accorder une grande priorité aux gens et à la prévention, surtout quand il est question du crime.

Je voudrais maintenant en arriver à l'essentiel. Que va faire, finalement, le gouvernement? J'emploie le mot «finalement» parce que je m'intéresse à la question depuis le début des années 1970, si ce n'est depuis plus longtemps. Ça remonte au temps où j'étais maire d'une ville et que le crime était déjà un problème grave.


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Je pense surtout ici au crime avec violence. Quand le gouvernement va-t-il enfin annoncer des mesures pour rassurer les personnes âgées très effrayées auxquelles j'ai parlé à une émission de radio à Calgary, une ville qui, pourtant, n'a pas un taux de criminalité tellement élevé, comparativement à d'autres villes? Une dame a dit qu'elle vivait seule avec son chat et que, chaque soir, elle craignait que quelqu'un défonce sa porte, l'assomme et lui vole toutes ses affaires. Les gens vivent dans la peur.

Dans les collectivités rurales, les commerces et les maisons privées sont protégés par différents dispositifs de sécurité. Les citoyens respectueux des lois se terrent chez eux pour se protéger contre ceux qui traînent dans les rues.

D'après mes recherches, au cours de cette 35e législature, il va y avoir 80 audiences de libération conditionnelle.

Si les choses se déroulent comme par le passé, j'ai peur pour beaucoup de gens. D'après nos recherches, quelque 40 détenus qui ont profité d'une libération conditionnelle ont tué un grand nombre de personnes. L'un d'eux avait dit, avant de tuer quatre personnes, que la seule chose qui était plus stupide que lui, c'était un système qui lui permettait de recouvrer la liberté et de faire ce qu'il a fait.

Les criminels eux-mêmes le disent. Les victimes le disent. Quand le gouvernement va-t-il passer à l'action et s'attaquer au problème, quand va-t-il s'adresser aux gens qui souffrent, écouter ce que disent les victimes de violence et faire quelque chose pour apaiser leurs craintes?

(1115)

Le vice-président: Votre temps est presque écoulé. Soyez bref, je vous prie.

M. Rock: Je le serai, monsieur le Président. Le député a dit qu'il suivait cette question depuis vingt ans. Je respecte toute sa démarche, mais je prévois que cette question va continuer de nous intéresser pendant bien plus de vingt ans encore. Cela fait partie de la condition humaine.

Nous allons faire de notre mieux pour équilibrer les intérêts dont nous avons parlé. Quand le député parle de peur, je comprends très bien de quoi il parle. Cependant, nous devons faire bien attention à ne pas exagérer ou amplifier ces craintes et les rendre pires qu'en réalité.

Je pense que la chose la plus cruelle que nous puissions faire aux personnes âgées dont a parlé le député, c'est de jouer sur ces peurs et de les aggraver en laissant entendre que le problème est pire qu'il ne l'est en réalité et que la tâche qui nous attend est pire qu'en réalité.

C'est une tâche importante, bien sûr, mais il est important aussi de ne pas perdre le sens des proportions. Comme je l'ai dit, nous reconnaissons qu'il est nécessaire de modifier le système de libération conditionnelle, surtout pour les personnes qui présentent des risques élevés. Nous devons faire purger à ces personnes la totalité de leur peine, leur faire subir ensuite un examen pour déterminer si elles sont aptes à réintégrer la société et, si elles ne le sont pas, trouver un moyen, avec les intervenants de la santé, de les garder en détention, pour notre propre sécurité.

C'est une des questions que j'aborderai la semaine prochaine, quand je rencontrerai mes homologues provinciaux. Ensemble, nous allons trouver une solution. Je suis parfaitement au courant du problème et nous allons en discuter.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, la motion présentée par le Parti réformiste n'est pas simple. Elle peut mener, si nous ne sommes pas vigilants, à des principes idéologiques qui ne correspondraient pas à ce que nous sommes comme Québécois et Québécoises, ou comme Canadiens et Canadiennes. Cette motion ne demande pas une approbation ou une désapprobation, mais une réflexion profonde de l'actuel système.

J'ai eu l'occasion, dans ma pratique de droit, d'entendre des individus dire, à quelques reprises, dans un excès de colère, devant une injustice frappante dans la cour de justice, ou suite à un jugement irrationnel d'un juge, que le système judiciaire et légal protège davantage les criminels que les victimes.

Il ne faut pas sauter trop rapidement à cette conclusion. Beaucoup d'éléments extérieurs dudit système judiciaire et légal peuvent influencer une sentence, une libération, un jugement d'un juge complaisant ou même, et cela arrive de plus en plus, on n'a qu'à regarder l'actualité, d'un juge dissident ou même réformateur du système.

Cependant, il faut s'interroger sur les moyens dont dispose la magistrature pour faire appliquer la loi que nous, législateurs, adoptons en cette Chambre. À titre d'exemple-et je serai bref étant donné que le temps de parole qui m'est alloué n'est que de 20 minutes-comment un juge peut-il envoyer dans un pénitencier, sachant qu'ils sont pleins à craquer, un individu qui en est à sa première offense criminelle? Si le juge se rend à la demande du procureur de la Couronne et de la victime, l'individu sera bel et bien condamné à une sentence pénitentiaire. Cependant, il sortira rapidement de prison, avec conditions, et cela, on en voit chaque jour.

Un tel jugement ou résultat dans les faits amènent inévitablement des interrogations auprès des justiciables. Pourtant, le juge n'a peut-être pas le choix d'agir ainsi.

Depuis plusieurs années maintenant, il est d'un commun accord que la violence peut se faire valoir sous plusieurs formes. Ce n'est pas nécessairement que nous soyons une société plus violente en général, mais plutôt que nous reconnaissons davantage la violence et ses diverses manifestations et ce, rapidement. La violence, ce n'est pas un fait nouveau; elle a toujours existé. Cependant aujourd'hui, on en parle plus. Les victimes sont plus ouvertes face au système et sont prêtes à porter plainte davantage. Mais ce n'est pas un fait nouveau en soi.

La question qui est devant nous est la suivante: Est-ce que les droits des criminels surpassent ceux des victimes dans le cadre juridique actuel? Dans l'affirmative, qu'est-ce que le gouvernement peut faire afin de rectifier cette situation?

Selon moi, cette question soulève des droits concurrentiels entre la victime et le criminel, et je pense que les deux orateurs de


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tantôt ont très bien circonscrit cette dualité. Autant le Québec que le Canada ont adopté des lois qui mettent en évidence justement cette dualité.

Cependant, ce n'est pas d'hier qu'il existe un tel fossé entre les droits des parties d'un dossier au criminel, puisque l'Acte de Québec de 1774 souligne clairement ces interrogations, en introduisant les lois criminelles d'Angleterre au Canada. L'acte mentionnant à son article 11: «La clarté et la douceur des lois criminelles d'Angleterre dont il résulte des bénéfices et avantages que les habitants ont sensiblement ressentis par leur expérience de plus de neuf années doivent continuer à être observées comme lois dans la province de Québec, tant dans l'explication et la qualité du crime que dans la manière de l'instruire et le juger, en conséquence des peines et des amendes qui sont par elles infligées. . .»

(1120)

Il ne faut pas perdre de vue qu'à cette époque la peine de mort existait et la victime, la même victime qu'aujourd'hui, n'avait comme consolation que le dernier soupir du condamné.

Cela étant dit, il faut bien cerner la question soulevée et afin d'y répondre le plus clairement possible nous devons, au préalable, déterminer si cette constatation est fondée et véridique ou tout simplement fausse, tant sur le plan juridique que social.

Qu'existe-t-il aujourd'hui dans notre système qui pourrait nous aider à faire le partage des choses sans que notre raisonnement ne soit basé sur des sentiments et des cas sensationnels qui soulèvent rapidement les émotions?

Lorsqu'on lit l'actualité dans les quotidiens, ce qui ressort des journaux, ce ne sont pas les bons coups du système mais les mauvais. La presse en fait état régulièrement et c'est de cette perception dont les lecteurs se souviennent.

Il faut dire que notre société et, par conséquent nos lois, accordent tranquillement-je ne dis pas que le monde est rose et qu'il n'y a rien à faire-depuis les dernières décennies, une importance particulière à la question des victimes d'actes criminels, qui a été amenée par le législateur autant du côté fédéral que provincial.

Les lois traitant des victimes d'actes criminels dans plusieurs provinces canadiennes et au Québec en sont un exemple frappant.

Également, il faut être honnête et mentionner que le Code criminel renferme des dispositions ayant pour objet d'aider les victimes d'actes criminels. Nous pouvons citer à titre d'exemple les dispositions relatives à l'identification des criminels, à la remise des biens dérobés-tantôt, un député disait que ça devait exister; selon moi, ça existe déjà dans le Code criminel, il faudrait tout simplement faire respecter ces dispositions; il faudrait vraiment insister auprès de la magistrature pour qu'on applique la loi actuelle-à la protection des témoins-une loi qui protège les témoins qui viennent témoigner existe également aujourd'hui-à la condamnation à des dommages exemplaires ou à une suramende-ce principe existe encore aujourd'hui. Est-ce que la magistrature l'applique dans tous les cas? Il faudrait voir.

Vous savez, le législateur n'est pas ici pour faire des lois pour en faire parce qu'on pourrait en faire beaucoup qui ne seraient jamais respectées. Je pense qu'il y a un principe qui veut que le législateur ne parle justement pas pour ne rien dire; s'il apporte des modifications, c'est pour amener un plus et non pas pour laisser le tout à la discrétion d'une magistrature qui ne l'appliquerait pas, de toute façon.

Est-ce que ce n'est pas assez pour les victimes? Peut-être, mais il ne faut pas mettre en péril tout le système judiciaire pour tenter de corriger une dualité qui existe depuis des temps immémoriaux.

Un autre point qui milite en faveur des droits équilibrés entre la victime et le criminel est la remise en liberté sous caution du prévenu. C'est peut-être à cet endroit-là qu'on le voit de plus en plus dans les journaux, où lorsqu'un juge fait une faute d'appréciation, on l'accentue beaucoup. Encore là, la perception que la société a du système judiciaire est négative.

En effet, selon les règles générales prévues par le code, le policier responsable de la détention provisoire d'un prévenu accusé d'une infraction punissable par acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans, doit remettre celui-ci en liberté, sauf s'il y a des motifs raisonnables de croire soit que la détention de ce prévenu est nécessaire dans l'intérêt du public ou que cette détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu à son procès.

Naturellement, cette décision de remettre en liberté un prévenu est décidée par un juge de paix. Les critères d'appréciation jurisprudentiels étant très complexes, je n'ai pas l'intention pour les fins de la présente étude d'en discuter. Une chose est sûre, un juge présumé impartial-et je pense que c'est le cas dans les grandes causes-regarde les faits avant de prendre la décision de remettre un prévenu en liberté.

Plus encore, dans certains cas, notamment dans les affaires de meurtre et de trafic de drogues fortes, il incombe à l'accusé de démontrer qu'il ne devrait pas être détenu en attendant son procès. Il y a, dans ces deux cas, un renversement de preuve important qui, en quelque sorte, aide la victime du côté de sa sécurité.

L'actuel code oblige de plus le juge à rendre une ordonnance d'interdiction relative aux armes à feu à l'égard d'une personne qui est mise en liberté sous caution si cette personne est accusée d'une infraction perpétrée avec violence ou menace ou tentative de violence. Dans bien des cas, le juge demandera de plus un engagement de ne pas troubler la paix.

(1125)

Il est bien certain que le juge peut demander à n'importe quel inculpé, prévenu ou accusé de prendre des engagements, et vous direz que dans bien des cas, ce n'est pas respecté. Ma petite expérience à moi, bien que je n'étais pas un criminaliste, me démontre que dans la plupart des cas, les personnes qui sont remises en liberté sous conditions les respectent. Encore, on ne les voit pas dans les journaux, car qu'est-ce qu'il a d'intéressant à savoir que quelqu'un respecte la loi? C'est bien plus intéressant de savoir qui ne la respecte pas.

Sur papier vous me direz que tout cela est bien beau, mais que dans la réalité, il existe des injustices, il existe des victimes qui ont peur, des victimes «victimes» du système. À cela, je dois


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répondre malheureusement oui. Un système parfait où tout le monde semblerait gagner dans un système juridique équilibré, cela n'existe pas. Le grand problème dans cette question de justice entre la victime et le criminel est une question, selon moi, de perception dans la société.

Il est vrai que l'excès de vocabulaire employé par certains juges amplifie le déraillement de l'appréciation du système juridique actuel. Heureusement, ces excès de vocabulaire sont sanctionnés autant par une critique virulente de la société que par les pairs de ceux qui commettent ces excès. Les dossiers judiciaires qui se retrouvent dans les premières pages des journaux ne sont pas nécessairement représentatifs de la réalité de tous les jours. Ces articles aident à la mauvaise représentation que les gens se font de la justice.

Il est de mon avis que l'observation à l'étude est effectivement juste au niveau de la perception sociale, mais que du côté juridique, il faudrait y apporter des nuances. Afin de démontrer la raison pour laquelle je fais cette affirmation, nous devons nous référer à la Charte canadienne des droits et libertés. Je tiens à rappeler à cette Chambre que cette dernière est la même charte que le Québec n'a pas eu le privilège d'endosser, lors du rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982, dont l'actuel premier ministre se souvient sûrement. Je suis donc dans une position privilégiée pour la critiquer.

Penchons-nous un moment sur certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés quant aux droits et garanties juridiques des individus et de ceux des criminels. On dit que la Charte, c'est la loi suprême dans les procès, dans le système juridique. Alors, regardons ce que cette Charte prévoit autant pour les criminels que pour les victimes.

À l'article 7, on dit que «chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.» L'article 8 accorde «à chacun le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.» L'article 9 stipule que «chacun a droit à la protection contre la détention et l'emprisonnement arbitraires». L'article 10 dit que «chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention a) d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou détention; b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et de contrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention.»

Je pensais qu'en vertu de ces articles, tout individu était bel et bien protégé devant la loi, autant le criminel que la victime. Néanmoins, le législateur a senti l'obligation d'insérer des articles additionnels relatifs au droit d'un inculpé. Là, c'est toute la série de l'article 11 de cette Charte, où on dit que «tout inculpé a le droit d'être informé sans délai anormal d'une infraction précise qu'on lui reproche»-il me semble que c'est redondant par rapport aux articles antérieurs-«d'être jugé dans un délai raisonnable; de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même». On y dit aussi que le prévenu est présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, qu'il ne peut être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement, sauf s'il s'agit d'une infraction relevant de la Justice militaire, de bénéficier d'un procès avec jury, de ne pas être déclaré coupable en raison d'une action ou d'une omission, d'une part, de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, etc., etc.

L'article 11 mentionne plusieurs éléments qu'on vient ajouter à ce qui existait déjà pour l'inculpé.

(1130)

Je tenais à faire cette lecture, même si les députés de cette Chambre connaissent très bien la Charte canadienne des droits et libertés, pour faire ressortir le déséquilibre qui existe, il me semble, dans une loi que l'on dit suprême, entre les droits de l'inculpé, du criminel, et les droits de la victime.

Cette Charte des droits, qui fait l'orgueil du premier ministre, privilégie de toute évidence cette mauvaise perception que nous avons du système judiciaire. Il n'y a absolument rien dans cette Charte pour protéger la victime, pour assurer la vicitime du soutien de l'État, afin de l'aider à passer à travers le long processus pénal. Il est très long le processus pénal. Il faudrait investir à ce niveau, car ce n'est pas la législation qui manque, mais bien de l'argent. Il faudrait augmenter les crédits dans l'administration de la justice. Ce n'est pas en faisant des lois qu'on obtiendra un meilleur équilibre entre la victime et les criminels.

Cependant, je pense qu'on aurait dû inscrire dans cette Charte, noir sur blanc, que les droits des victimes seront toujours prépondérants à ceux de l'inculpé, à ceux des criminels. En faisant abstraction de cet équilibre, les justiciables n'entendent parler de la Charte canadienne des droits et libertés que pour aider l'inculpé, que pour remettre en liberté un prévenu ou pour casser un jugement d'une cour inférieure ayant condamné un accusé et qui a comme résultat de le remettre en liberté suite à la révision en appel.

Bien souvent, au niveau de l'appel, il ne s'agit pas de savoir si le crime a bel et bien été commis, mais si tous les éléments de la Charte ont été respectés, et bien souvent au grand préjudice de la victime. Par la Charte des droits et libertés, nous pouvons faire ressortir facilement cette apparence d'iniquité entre la victime et le criminel.

Cependant, la compréhension néfaste que la population en général a face au système est encore plus profonde qu'une appréciation particulière d'une loi. C'est la raison pour laquelle je crois au système judiciaire que nos ancêtres nous ont donné. Il ne faut pas tout remettre en question pour le plaisir d'un objectif punitif et excessif. Il faut être rationnel et poursuivre la modernisation du système, tout en gageant sur l'éducation. Une société plus éduquée, une société plus au fait de ses droits est une société qui apprécie davantage son système judiciaire.

En cette 35e Législature, sachant les priorités du ministre de la Justice-et on l'a encore entendu en cette Chambre ce matin-, nous aurons l'opportunité de faire passer des messages. Il faudrait sauter sur cette occasion pour privilégier les victimes. Ce sera l'opportunité pour finalement tenter d'améliorer la perception que les justiciables ont de la justice.


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En terminant, vouloir améliorer le sort des victimes sur le dos uniquement des criminels ne serait pas nécessairement rentable pour le Québec et le Canada. Il faut axer davantage nos forces sur l'éducation, la prévention et la réadaptation que sur l'alourdissement pur et simple des peines envers les criminels. Est-ce que le Canada désire devenir un pays totalitaire face à ses criminels?

De ce côté de la Chambre, nous désirons avoir un pays souverain, ouvert sur un juste équilibre entre les droits de la victime et les droits des criminels. À mon avis, cet équilibre ne se retrouve pas dans la confrontation des droits des uns par rapport aux autres.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme)): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques si soigneusement développées par le député, et je trouve qu'il a analysé la situation d'une façon assez bien éclairée.

Il ne fait aucun doute que les personnes qui commettent des crimes violents envers les femmes nous amènent à haïr la nature du crime et la personne qui le commet. Il ne faut pas oublier que le pourcentage de ces actes est bien moindre que ce que l'on peut croire en lisant les grands titres des journaux et en écoutant les nouvelles, parce qu'on ne parle jamais de ce qui est bien et normal dans une société. Mais lorsque des actes criminels sont commis, ils font les manchettes et cela cause un niveau élevé d'anxiété et d'angoisse, car ce sont des choses très sérieuses.

Comme mon collègue le ministre de la Justice a démontré une ouverture d'esprit et une volonté de participation et de collaboration avec tous les députés de la Chambre afin de connaître leurs idées et de nous aider tous à combler les lacunes, s'il y en a, pouvez-vous nous dire quelle démarche vous trouvez la plus importante, comme première étape, dans le but de régler la situation?

(1135)

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que les personnes devant moi ont été élues pour administrer, pour légiférer et qu'elles doivent faire ce qu'elles croient être utile et nécessaire à la suite des négociations qu'elles ont menées, et à la suite également du livre rouge contenant leur programme électoral.

Je dirai personnellement à ce sujet que, à bien des égards, on veut changer des choses qui existent déjà. Si l'on prend le projet de loi actuellement à l'étude concernant la modification à la Loi sur les stupéfiants et la Loi sur les aliments et drogues, il existe déjà une loi intitulée Loi sur les stupéfiants. On veut la moderniser, la modifier. Pourtant, comme on l'a expliqué en Chambre, cette loi-là, dans des cas très pratiques, dans des cas très évidents, n'est même pas appliquée.

On aura beau adopter n'importe quelle loi, si les lois que nous adoptons ne sont pas appliquées, si on n'a pas la volonté politique de les faire appliquer, à quoi cela sert-il? Je dis qu'il faut d'abord examiner ce que nous avons déjà et voir si on peut faire appliquer ces lois.

Un autre sujet qui sera à l'étude bientôt, c'est la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai eu l'occasion de discuter avec des juges à plusieurs reprises et ils m'ont dit: Monsieur Bellehumeur, l'actuelle loi n'est même pas appliquée; on pourrait référer certains jeunes au tribunal pour adultes, mais on ne le fait pas; pourtant la loi nous permettrait de le faire.

C'est cela ma question. Pourquoi? Parce que le système ne nous donne pas les outils nécessaires. Est-ce qu'on va envoyer un jeune dans une prison pour adultes alors que la prison est plus une université criminelle qu'autre chose? Les juges vont préférer donner une sentence minime pour le remettre en liberté ou faire en sorte que quelqu'un le prenne en charge, le prenne sous son aile protectrice pour le remettre dans le droit chemin.

Je pense qu'avant même de regarder de grandes modifications en profondeur, il faut regarder le système dans lequel on vit. Regardons ce que nous avons déjà et nous pourrons en venir à une conclusion X. Est-ce que les lois sont appliquées? Est-ce que nous donnons assez de pouvoir aux juges, à la magistrature, pour les appliquer? Peut-être qu'il n'est pas nécessaire de faire de grands changements, mais qu'il faut circonscrire l'application de cette loi.

Même si cela plaisait à ma collègue députée, je ne rentrerai pas dans tous les détails relatifs aux grandes modifications nationales sur les lois canadiennes. Je dirai simplement qu'à l'heure actuelle, il existe des lois et il faut voir si elles sont appliquées adéquatement.

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je remercie le député de m'avoir fait part de ses observations. Je trouve qu'il explique très bien la Charte des droits et libertés et certaines des difficultés qu'elle pose, ainsi que certaines de nos lois.

Nous avons un grand nombre de lois, mais les gens trouvent que les tribunaux ne se servent pas vraiment du pouvoir qu'elles leur donnent.

Je veux ajouter que, même si nous ne sommes pas d'accord sur beaucoup de choses, comme la dette, le déficit et d'autres, je trouve que s'il y a une question sur laquelle la Chambre doit se serrer les coudes, c'est bien la réforme du système de justice pénale et la nécessité d'une telle réforme. Dans ce domaine, nous devons coopérer plutôt que nous affronter.

L'un des problèmes que les gens soulèvent, c'est que les tribunaux donnent souvent des peines très légères pour des crimes très graves. Par exemple, tout récemment, dans la partie sud de ma circonscription, une personne âgée a été attirée hors de sa maison et sauvagement tuée. Le principal responsable de ce crime doit purger quatre ans de prison et, de fait, il sortira dans peu de temps, en liberté conditionnelle. Les gens trouvent inconcevable que l'homme qui a commis ce meurtre odieux sorte bientôt, à cause de circonstances atténuantes. Pourtant, le tribunal l'a bien jugé coupable. Les gens trouvent que c'est un véritable problème. Ce n'est pas que les lois n'existent pas, mais on a tout de même l'impression qu'un bon nombre de meurtriers s'en tirent facilement.


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(1140)

Parmi les questions que me posent mes électeurs, il y en a une qui revient souvent et qu'ils m'ont demandé de transmettre à la Chambre. Quand les criminels sont trouvés coupables, ne pourraient-ils pas perdre certains de leurs droits? Par exemple, mes électeurs se demandent s'il n'y aurait pas moyen de les faire travailler, quand ils sont en prison. Ils soulèvent la question de la restitution. Selon eux, un certain pourcentage de ce qu'ils gagnent ainsi pourrait servir à indemniser les victimes d'actes criminels. Dans le cas que je vous ai cité en exemple, quand cet homme a été attiré hors de chez lui et tué, ce fut un drame épouvantable pour sa femme. Le travail permet parfois de rehausser l'estime de soi. Les gens trouvent que c'est souvent une lacune du système, alors que cela pourrait avoir un effet thérapeutique très efficace.

Je me demande si le député aurait quelque chose à ajouter sur les tribunaux, qui sont aussi un élément du problème, et non pas seulement les lois.

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que le débat actuel ne devrait pas porter, je pense, sur des cas d'espèce, ou sur tel ou tel cas répugnant. Bien sûr, si on présente un cas bien précis, épouvantable pour la victime, par rapport à la sentence rendue, on va en arriver à la même conclusion que le Parti réformiste. Mais ce genre de cas sont le fait d'une minorité, et tant et aussi longtemps que nos lois vont être administrées et que les juges seront des hommes, il va y avoir de l'«hommerie», c'est-à-dire qu'il va y avoir une appréciation personnelle face à cela, et cela peut mener à des différences, comme je le disais tantôt.

Pour ce qui est de la deuxième partie de la question du député, au sujet des remarques du juge, je pense qu'il existe déjà toute une série de mesures visant à indemniser les victimes. Tantôt je disais que lorsqu'il s'agit de biens dérobés, j'ai déjà vu des juges condamner les parties à rembourser ou à remettre les biens, ou même faire des travaux communautaires. Dans la province de Québec, on a toute une série de mesures au niveau des programmes communautaires. Mais le problème, c'est de faire le suivi, c'est dans l'administration de la justice. Ce n'est pas la loi qui est manquante, ce sont les moyens, la façon de circonscrire tout cela.

On pourrait établir des lois voulant, par exemple, que pour telle condamnation l'individu soit condamné à verser une certaine somme. Mais si l'individu est sur le bien-être social, s'il a si bien «amanché» son affaire qu'il n'a pas un sou devant lui, qu'est-ce qu'on va faire, qu'est-ce qu'on va avoir à saisir pour récupérer ce qui a été dérobé? On va faire des procédures, on va investir dans l'administration de procès bidon, parce que finalement on se retrouvera devant des jugements qu'on sera incapable de faire exécuter. Cela va donner quoi? Cela ne va rien donner. Je pense qu'on a une législation devant nous et qu'il faut tout simplement l'appliquer. Il faudrait peut-être donner des moyens supplémentaires à ces juges, à ces administrateurs de la loi pour assurer le suivi, mais il ne faut surtout pas rentrer dans les détails à ce point, sinon on ne s'en sortira plus.

Le député pourrait peut-être reformuler sa question à la période des questions orales et l'adresser au ministre de la Justice dans le prochains mois, pour qu'on ait quelque chose devant nous relativement à ce que le député a avancé.

[Traduction]

Le vice-président: Le député de Macleod a la parole. Je crois qu'il entend partager son temps de parole avec le député de Yellowhead.

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, je pense que c'est probablement l'un des sujets les plus faciles à aborder dans cette enceinte. Manifestement, nous souhaitons tous avoir un système de justice pénale juste et équitable.

Je voudrais dire au départ que le Canada est confronté à un problème sur le plan de la justice, à mon avis. En effet, le nombre d'homicides augmente, nos écoles sont peu sûres et le phénomène de la contrebande est extrêmement répandu. Nous avons dû récemment nous pencher sur ce dernier problème à la Chambre. La fraude est devenue chose commune au Canada.

(1145)

Je voudrais également préciser que je souhaiterais placer la réforme du système de justice pénale sur la liste de priorités des députés qui siègent près de moi, de ce côté-ci de la Chambre. Nous avons examiné nos programmes sociaux et les avons mis par ordre de priorité. Les soins de santé venaient au premier rang, suivis de l'éducation, des pensions pour les gens dans le besoin et des questions environnementales. Nous considérons la justice comme le secteur, dans l'ensemble de notre système de programmes sociaux, auquel nous consacrerions plus d'argent malgré notre déficit élevé et notre endettement. Nous accordons beaucoup d'importance à cette question.

Je ne cherche absolument pas la confrontation dans mon discours. Je veux plutôt informer et j'espère qu'on prendra mes paroles dans ce sens.

L'une des statistiques qui m'inquiète, c'est que les autochtones représentent 3 p. 100 de notre population, mais 11,3 p. 100 des détenus dans nos pénitenciers. Je me suis entretenu avec des aînés autochtones pour voir s'ils avaient une solution à me proposer. Ils m'ont répondu qu'à leur avis, il fallait mieux enseigner les anciennes valeurs de la collectivité autochtone. Ils m'ont parlé des cérémonies où l'on utilise le foin d'odeur, des sueries et de la nécessité d'améliorer le statut de l'individu grâce aux vieilles méthodes culturelles. Selon moi, il faut que les autochtones retrouvent leur dignité et leur indépendance. Les gens ne peuvent être fiers de leur culture que s'ils sont fiers d'eux-mêmes.

Je voudrais également réfléchir un instant à ce que j'appelle la révolte contre les prisons. Elle vient des sociologues et des criminologues de notre société. Ils avancent que dans bien des cas, les criminels ne sont pas responsables de leurs actes. Ce serait la façon dont ils ont été élevés, la pauvreté et les mauvais traitements dont ils ont été victimes qui expliqueraient leur comportement. Je reconnais qu'il y a dans notre société de graves problèmes qui contribuent à la criminalité et je reconnais que l'information, la prévention et la lutte contre la pauvreté et les mauvais traitements infligés aux enfants sont d'une importance extrême. Certains prétendent que la réponse au problème est la compassion, et une thérapie attentionnée, bien au chaud dans un


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bel établissement carcéral offrant à ses pensionnaires des cours de recyclage, une bibliothèque et des installations récréatives bien supérieures à ce à quoi les assistés sociaux peuvent avoir accès. Je dois dire que je ne suis pas du tout d'accord.

Nous accordons le droit de vote aux prisonniers. Nous relâchons les criminels dangereux sans aucune surveillance. Nous les condamnons à la prison à vie, mais cela ne veut rien dire. À mon avis, nous avons, en quelque sorte, perdu la boule.

Voici quelques autres exemples de mesures rétrogrades qui entravent notre système de justice pénale. Nous donnons un salaire de misère à nos agents de la paix, aux jeunes recrues de la GRC. En tant que stagiaires, ils sont au bas de l'échelle de rémunération et, quand leur formation est terminée et qu'ils sont prêts à assumer de lourdes responsabilités, ils ne reçoivent aucune augmentation à cause du gel des salaires des fonctionnaires. Quelle personne de talent pourrait bien vouloir travailler pour un organisme d'application de la loi, sachant qu'elle va être pénalisée? C'est un secteur où le gel des salaires des fonctionnaires a des effets tout à fait injustes.

Parlons maintenant des mesures de contrôle des armes à feu. Au début, elles avaient pour but de limiter le nombre d'actes violents perpétrés avec une arme à feu, proposition contre laquelle personne ne saurait s'élever. Malheureusement, le nombre d'homicides par arme à feu n'a pas diminué depuis que ces mesures sont en place. Il n'y a aucune corrélation entre un contrôle plus strict et une amélioration des statistiques sur ce genre d'homicide. Il paraît maintenant que l'une des raisons justifiant un contrôle plus strict des armes à feu est que ces dernières sont en soi dangereuses. On dit qu'un contrôle plus rigoureux des armes à feu permettrait de prévenir les accidents et les suicides. Ce n'est pas la vraie raison du contrôle des armes à feu. À l'autre extrême, il doit y avoir prochainement un vote libre sur un projet de loi visant à permettre aux médecins d'aider les gens à se suicider. Ces deux extrêmes me semblent tout à fait erronés.

(1150)

Les honnêtes utilisateurs d'armes à feu également se verront confisquer leurs armes à autorisation restreinte sans indemnisation, ce qui est tout à fait injuste.

Un autre élément du contrôle des armes à feu qui m'intrigue a trait à l'obligation pour les agents de la GRC de mettre un verrou de canon sur leurs armes lorsqu'ils les rangent, dans leur détachement ou chez eux. Ainsi verrouillée, leur arme ne peut pas être utilisée.

Les agents de la GRC à qui j'ai demandé quel avantage cette pratique comportait m'ont répondu qu'il n'y en avait aucun. Ils m'ont dit avoir toujours manié leurs armes avec beaucoup de prudence, puisque leurs propres enfants pourraient mettre la main dessus et que l'utilisation d'un verrou n'avantageait que les criminels. En effet, un criminel pourrait pénétrer dans un détachement et tirer une rafale sur des agents de la GRC pendant que ceux-ci se précipitent pour déverrouiller leurs armes. Je crois que dans certains domaines au Canada, nous avons perdu le nord.

Il ne suffit pas de prendre la parole à la Chambre pour se plaindre et marmonner que tout va mal. Nos interventions ne sont utiles que dans la mesure où elles comportent des commentaires constructifs, ce que je vais faire maintenant.

Notre société accorde moins d'importance qu'autrefois aux valeurs familiales, et je crois que c'est ce qui explique en grande partie les problèmes que nous connaissons actuellement en matière de justice pénale. Les familles monoparentales représentent maintenant 13 p. 100 de l'ensemble des familles au Canada. Il y a à cela de nombreuses raisons, mais certaines m'apparaissent plus évidentes que d'autres. On compte davantage d'adolescentes qui choisissent aujourd'hui d'élever elles-mêmes leur bébé. Le nombre de mariages forcés a diminué et, bien sûr, celui des divorces a augmenté. J'ai tenté d'analyser de façon très objective les causes de la dislocation des familles, et j'incline à croire que c'est parce que les familles se préoccupent trop de leur bien-être financier au détriment de l'éducation de leurs enfants.

J'avais 13 ans et j'étais en septième année lorsque mes parents ont acheté leur première maison, une habitation de 1 300 pieds carrés, pas très grande, pas très coûteuse. S'ils avaient amorti leur hypothèque sur la durée de leur vie, ils auraient fini de la payer vers le début de la soixantaine.

Je trouve très intéressant de voir qu'aujourd'hui les jeunes familles s'établissent tôt, achètent de grandes demeures, beaucoup plus spacieuses que les habitations moyennes de 1 300 pieds carrés. Ils empruntent très tôt et supportent des charges financières plus lourdes en tant que propriétaires, ce qui oblige les deux conjoints à travailler pour pouvoir rembourser leur dette. Cette décision réfléchie ne permet pas beaucoup de contact entre les parents et les enfants, ce qui contribue, d'après moi, à engendrer certains des problèmes que présente notre régime de justice pénale.

Ni les garderies ni la télévision ne remplacent les parents. Pour un enfant, une BMW neuve dans le garage n'a pas le même effet que l'amour attentif de ses parents.

Je suis d'avis que nous pourrions régler une partie du problème en modifiant les règles fiscales, afin d'encourager un parent à rester à la maison. Peu importe si ce parent est la mère ou le père. Une autre modification que nous pourrions apporter serait de faire en sorte que, sur le marché du travail, il y ait des horaires permettant à au moins un des deux parents de rester à la maison.

Je voulais aussi m'arrêter sur une question particulière qui a peu de lien avec les prisons, mais qui contribue néanmoins grandement aux coûts de notre régime de justice pénale. Il y a eu un article à ce sujet dans le numéro de décembre du Medical Post. Il y était question des obstétriciens qui recommandent un recours à la médecine défensive pour éviter les poursuites. Dans cet article, un obstétricien a proposé que tout bébé soit soumis dès sa naissance à une scintigraphie cérébrale qui pourrait empêcher des poursuites par la suite, si jamais des ennuis se produisaient dans son développement. Dans le cas d'une infirmité motrice cérébrale, un obstétricien pourrait être blâmé de complications à la naissance, de là la nécessité de procéder à ce moment à une scintigraphie cérébrale.


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(1155)

Les poursuites que tente de prévenir cet obstétricien supposent des montants considérables pour notre appareil judiciaire, notamment pour les compensations qui sont accordées et qui peuvent atteindre 7 millions de dollars.

Je suis d'avis que notre régime de justice de plus en plus fondé sur la confrontation, comme le régime américain, entraîne des coûts exorbitants, mais non publiés, en ce qui concerne les poursuites pour actes médicaux. Au terme d'une réunion à laquelle participaient des avocats, on a proposé qu'une assurance-responsabilité professionnelle sans égard à la responsabilité pourrait contribuer beaucoup à empêcher les combats entre médecins et avocats devant nos tribunaux. Je crois que la Chambre devrait se pencher sur cette question, qui concerne le ministère de la Santé et celui de la Justice.

La justice est une question qui transcende toute appartenance à un parti politique. Elle transcende toute philosophie personnelle, tout niveau de revenu et tout groupe d'âge, et je voudrais collaborer à la Chambre pour garantir l'amélioration de notre système de justice pénale.

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement les propos du député.

Je voudrais tout d'abord lui parler d'un projet qui est en cours et qui s'inscrit dans le processus de réforme pénale. Il s'agit de la construction d'une prison pour femmes à Truro, en Nouvelle-Écosse. Cette prison prendra la forme d'une petite maison où les femmes pourront apprendre à préparer des repas nutritifs sous la surveillance d'une diététicienne. Elles s'occuperont de l'entretien de la maison. Elles recevront la visite de leurs enfants et seront intégrées à notre communauté dans le cadre de programmes de loisirs, d'éducation, de formation et autres. Grâce à ce modèle intégré, au moment de leur libération, les détenues seront devenues des femmes productives, sensibles, mûres et aptes à subvenir à leurs propres besoins et à reprendre ce qu'on appelle une vie normale. J'espère que les autres régions du pays adopteront ce modèle afin que les contribuables canadiens en aient pour leur argent.

Le deuxième point que je veux faire valoir est lié au fait que le député a laissé entendre que les valeurs morales peuvent être légiférées. Les députés de ce côté-ci de la Chambre et, j'imagine, tous les Canadiens ont hâte de voir comment le chef du député s'y prendra pour dicter la conduite des membres de son parti.

M. Hill (Macleod): Monsieur le Président, je voudrais faire quelques observations sur la possibilité de légiférer les valeurs morales.

La députée ne voudra sûrement pas s'opposer à l'adoption d'un code de conduite. On a beaucoup exagéré la question du code de conduite. On en a fait un code d'éthique, alors qu'il s'agit tout simplement de reconnaître que, en devenant des personnes publiques, une partie de nos vies est aussi devenue publique. Je suis persuadé que la députée sera curieuse de voir ce que contient notre code de conduite dès que nous le diffuserons.

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je voudrais soumettre trois points à l'attention du député qui vient de parler.

Tout d'abord, il a fait allusion à la question des peuples autochtones du Canada et je suis entièrement d'accord avec lui sur la situation dans laquelle ils se trouvent. Le député a-t-il pris le temps de lire notre livre rouge, dans lequel il est question de remettre entre les mains des autochtones du Canada leur vie et leur destinée?

(1200)

Notre livre rouge a inspiré bien des questions ici concernant une meilleure éducation, une meilleure formation professionnelle, une meilleure santé, un meilleur système de santé et de meilleures conditions hygiéniques pour les autochtones. Enfin, il a mentionné la possibilité qu'ils aient leur propre système judiciaire et que tout l'énorme budget de l'actuel ministère des Affaires indiennes leur soit transféré. Le député ne conviendra-t-il pas que la solution a déjà été trouvée et qu'elle devrait faire l'objet ici d'un débat constructif?

Ensuite, en ce qui concerne un meilleur contrôle des armes à feu, je ne crois pas que là réside toute la solution. Le ministre de la Justice a bien parlé lorsqu'il a dit que le contrôle des armes à feu ne sera qu'un autre morceau du puzzle si la société dans son ensemble n'adopte pas une démarche holistique et si nous ne nous purifions pas de l'intérieur.

Par contre, prétendre aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire de contrôler les armes à feu, ce serait aller à l'encontre de l'opinion de 85 p. 100 des Canadiens, ce serait nier que l'un de mes amis à Montréal, Michael Hogben, a été tué par un collègue enseignant parce que le contrôle des armes à feu n'était pas assez sévère, ce serait nier que Marc Lépine a tué 14 jeunes femmes à l'École polytechnique de Montréal, ce serait renier Brady, aux États-Unis, qui a plaidé pour un meilleur contrôle des armes à feu. . .

Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député de Macleod a la parole et il est prié d'être très bref.

M. Hill (Macleod): Monsieur le Président, en ce qui concerne plus particulièrement la question du contrôle des armes à feu, je ne dis pas du tout que ce contrôle ne devrait pas exister. Ce que je dis et ce que je répète avec force, c'est que la solution ne réside pas dans des mesures plus strictes de contrôle des armes à feu.

Le député parle du cas de Lépine. Il devrait se rendre compte que l'actuelle Loi sur le contrôle des armes à feu n'empêcherait aujourd'hui personne de se procurer une arme comme celle que Lépine a utilisée.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je suis heureux d'apporter mon soutien à la motion. Nous siégeons depuis deux mois et enfin nous étudions une question que mes électeurs m'ont dit très importante pour eux.


2412

Je suis en train de rédiger un projet de loi d'initiative parlementaire sur les droits des victimes et je me réjouis d'avoir aujourd'hui l'occasion d'aborder un aspect très important de cette question, à savoir le dédommagement.

Un député a dit que nous ne devrions pas nous arrêter à des cas particuliers. Trop souvent, nous parlons en termes généraux et nous perdons de vue la réalité et les gens.

L'une des premières requêtes reçues à mon bureau provenait d'un homme de Sturgis, en Saskatchewan, dont le véhicule avait été vandalisé par un groupe d'adolescents en juin 1992. Sa compagnie d'assurances a déclaré que le véhicule, qui avait subi pour 6 500 $ de dommages, était une perte totale. La victime a été contrainte de payer sa franchise de 500 $ et la location d'une autre automobile pour se rendre à son travail. Tout cela lui a coûté 817,45 $.

En août 1992, le propriétaire du véhicule a présenté une demande de dédommagement à la GRC. En septembre, la victime a écrit au ministre de la Justice de la Saskatchewan pour lui faire part de sa déception parce qu'aucune accusation n'avait été portée contre les adolescents qui avaient détruit son auto. En décembre 1992, la GRC lui a fait savoir que des accusations avaient été portées contre certains individus.

En mai 1993, le procureur de la Couronne et l'avocat-conseil de la défense ont négocié pendant quatre heures. Les accusations contre six jeunes contrevenants et un adulte ont été retirées et elles ont été maintenues contre trois autres.

La victime a eu l'impression que le souci premier des tribunaux au moment d'imposer les sentences était de ne pas faire preuve de trop de rigueur envers les accusés. Mais qu'en est-il de la victime qui a dû débourser 800 $? Qu'en est-il des 6 000 $ payés par le régime d'assurance de la province de Saskatchewan? Et que dire des inconvénients subis entre le moment de la perte de l'auto et l'achat d'une nouvelle?

Les trois adolescents reconnus coupables ont été condamnés à payer 500 $ de dédommagement et deux se sont vus imposer des amendes pour agression. Les amendes et le dédommagement devaient être payés au plus tard le 31 août 1993. À la fin de septembre, après de nombreux coups de téléphone aux fonctionnaires provinciaux, la victime a écrit à nouveau au ministre de la Justice de la province pour dire qu'elle n'avait pas encore reçu les 500 $ de dédommagement. En novembre, le ministre a répondu que les criminels avaient payé 50 $ au tribunal et que la victime aurait dû recevoir l'argent. Après de nombreux appels téléphoniques à la GRC, la cour provinciale a fini par faire un chèque de 50 $, qui est arrivé le 25 novembre. La victime a écrit une autre lettre au tribunal pour réclamer les 450 $ manquants.

(1205)

Je tiens à rappeler à la Chambre qu'un an et demi déjà s'était écoulé depuis que la voiture de la victime avait été démolie. Cette fois, complètement exaspérée, la victime a écrit à son député, c'est-à-dire qu'elle m'a écrit. Nous avons écrit au ministre fédéral de la Justice au nom de la victime.

En janvier, la victime nous a écrit pour nous informer qu'elle avait reçu le reste de l'argent. En février 1994, le ministre a répondu qu'il ne pouvait rien faire et a suggéré que la victime aille devant le tribunal pour faire exécuter l'ordonnance de dédommagement, en tant que jugement civil, conformément à l'article 725 du Code criminel.

J'ai pris le temps d'expliquer cette affaire parce que je veux que les députés aient une idée de ce que c'est que d'être victime d'un crime insensé. Je veux que les députés se mettent à la place de la victime et essaient de ressentir ce qu'elle a ressenti pendant qu'elle se faisait balancer à gauche et à droite par le système.

Notre but, en tant que réformistes, est de voir à ce que nous adoptions à la Chambre des lois qui font passer les droits des victimes avant toutes les autres considérations, particulièrement les droits des criminels.

Lorsque nous avons fait des recherches sur l'affaire que je viens de raconter, nous avons proposé un certain nombre d'améliorations possibles aux lois existantes relativement au dédommagement et à l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Dans sa réponse à notre lettre, le ministre de la Justice a également proposé des améliorations.

Voici certaines des améliorations que nous inclurons dans notre projet de loi sur les droits des victimes. Tout d'abord, les tribunaux devraient accorder la plus grande priorité aux droits des victimes et à l'indemnisation de ces dernières pour les pertes subies.

Les ordonnances de dédommagement devraient être obligatoires au lieu d'être laissées à la discrétion des tribunaux. Elles devraient aussi couvrir la totalité des frais engagés par la victime, y compris les pertes résultant de lésions corporelles ainsi que les pertes ou dommages matériels et même les montants versés par les compagnies d'assurances. Les ordonnances de dédommagement devraient être exécutoires.

Pourquoi la victime n'aurait-elle comme seul recours que d'aller devant un tribunal civil? Nous emprisonnons les gens qui ne paient pas leurs amendes. Pourquoi ne pas saisir une partie du salaire du criminel jusqu'à ce que le montant prescrit dans l'ordonnance de dédommagement soit payé en entier? Je crois que nous insistons beaucoup trop sur les droits et oublions que nous avons également des responsabilités. En fait, nos responsabilités devraient passer avant nos droits.

La province de Saskatchewan impose une suramende pour chaque tranche de 100 $ payée en amendes. Le produit de cette suramende est affecté à un fonds pour les services d'aide aux victimes, mais la loi n'oblige pas la province à consacrer les recettes de cette suramende exclusivement à l'aide aux victimes. Il n'y a aucune obligation non plus pour dédommager financièrement les victimes de leurs pertes.

Dans certaines provinces, on a combiné l'indemnisation des victimes d'actes criminels avec celle des victimes d'accidents du travail afin d'indemniser plus rapidement la victime. Cela peut constituer une solution pour dédommager les victimes d'actes criminels dans les cas où il n'y a pas eu de condamnation.


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Qu'en est-il maintenant de la responsabilité du criminel coupable de payer pour son crime? N'a-t-il qu'une responsabilité envers l'État après avoir été trouvé coupable? N'a-t-il pas également celle de réparer le dommage qu'il a causé? À l'instar de beaucoup d'autres Canadiens, j'estime qu'il est non seulement responsable envers l'État, mais qu'il doit assumer l'entière responsabilité de ses actes et dédommager complètement sa victime.

On n'aurait jamais dû abandonner les accusations contre les jeunes délinquants dans le cas dont j'ai déjà parlé. Le tribunal aurait dû tout au moins les obliger à payer leur part des dommages. Puisqu'ils se sont amusés à démolir la voiture de la victime, ils devraient au moins payer leur part des dommages de leur propre poche pour que cela leur serve de leçon.

Combien de ces jeunes délinquants qu'on relâche ont ensuite commis d'autres crimes? En fait, si les jeunes délinquants ne sont pas en mesure de dédommager les victimes de leurs actes criminels, leurs parents devraient assumer l'entière obligation de dédommager la victime. Ainsi, les parents se préoccuperaient davantage de ce que font leurs enfants à l'extérieur du foyer.

Quand les criminels purgent une peine de prison-et je parle maintenant de délinquants peu dangereux, ceux qui ne posent aucun risque de violence physique-ils devraient participer à des programmes de travaux. On ne devrait pas leur accorder le luxe de paresser aux frais des contribuables dans des centres correctionnels. Dans le cas des criminels condamnés qui participent à des programmes de travaux, une partie de leur salaire devrait être déduite pour servir à rembourser les victimes de leurs actes criminels. Une autre partie du salaire devrait servir à payer les coûts des services correctionnels, y compris les gardiens, la nourriture, le logement, etc.

(1210)

J'ai exposé neuf mesures que le gouvernement pourrait prendre pour que les droits des victimes aient préséance sur ceux des criminels, notamment au regard des dédommagements et des indemnisations. Comme l'a déjà dit une personnalité politique maintenant célèbre, nous avons beaucoup de travail à faire. Pendant trop longtemps, on a dû reléguer les droits des victimes au second plan pour accorder préséance à ceux des criminels. À mon avis, le moment est venu de rendre notre système de justice équitable.

L'homme qui s'est fait vandaliser sa voiture par des adolescents n'a pas obtenu justice. Il n'a pu utiliser sa voiture pendant des jours. Il a dû en louer une autre pour se rendre à son travail et il n'a pas été indemnisé pour cela. Il a dû attendre 20 mois avant que les tribunaux lui accordent une indemnisation partielle. Il a dû écrire bien des lettres et faire de nombreux appels téléphoniques à ses frais pour obtenir le dédommagement ordonné par le tribunal. Ajoutez à cela 20 mois de tracas et de frustration.

En l'occurrence, les criminels s'en sont aussi tirés à bon compte d'un autre point de vue. Ils n'ont pas remboursé les 6 000 $ versés par l'assurance du gouvernement de la Saskatchewan. À cause de cela, tous les titulaires de polices en Saskatchewan devront payer des primes plus élevées.

Le gouvernement peut prendre des mesures qui amélioreront le sort des victimes dès maintenant et qui ne nécessitent pas de modification législative. Entre-temps, on doit mieux informer les victimes des droits limités qu'elles ont actuellement.

Mon électeur aurait pu s'éviter une bonne partie de la frustration qu'il a ressentie s'il n'avait pas eu à lutter pendant plus d'un an et demi pour faire valoir ses droits auprès de fonctionnaires et de politiciens, cela pour n'obtenir finalement qu'une partie de la somme qui lui était due.

Si les victimes de crimes et la justice étaient vraiment les priorités du système judiciaire, nous n'aurions pas assisté à ce simulacre de justice. Pourquoi des citoyens honnêtes et respectueux de la loi devraient-ils payer pour les méfaits des criminels? Ils doivent payer de leur poche, et leurs primes d'assurances augmentent ensuite.

En conclusion, j'aimerais dire qu'à titre de député, je m'engage à appuyer toute réforme sensée du système de justice pénale, quel que soit le parti ou le député qui fera des propositions en ce sens. Voilà pourquoi j'ai été heureux ce matin d'appuyer un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de York-Sud-Weston et proposant l'abrogation de l'article 745 du Code criminel afin de mettre un terme à la libération conditionnelle anticipée des auteurs de meurtres au premier ou au second degré qui ont été condamnés à l'emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle.

J'attends avec impatience la suite de ce débat. Je crois que nous devons conjuguer nos efforts.

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les propos de l'honorable député. Je ne suis pas moi-même avocat ou notaire, ni intéressé particulièrement au dossier de la justice, toutefois, je suis le représentant d'une population qui inclut les prisonniers de Bordeaux, une prison connue de Montréal. À ce chapitre, j'ai entendu plusieurs remarques au cours des deux interventions précédentes faites par les députés du Parti réformiste qui s'approchent un peu du préjugé envers le système pénal, où on veut encore de nouvelles lois, mais où on ne porte pas attention au manque de ressources qui est toléré dans le système.

La prison de Bordeaux est de juridiction provinciale, donc pour les détenus qui purgent une sentence de deux ans et moins, et il y pullule ce qu'on appelle communément des prisonniers de fin de semaine. Le système pénal ne permet pas suffisamment de prisons, ce qui fait que ces prisonniers se promènent, d'une fin de semaine à l'autre, et ne font souvent qu'une courte présence en début de fin de semaine pour se faire dire: «On n'a pas de place pour vous, vous reviendrez la semaine prochaine.» Et il s'écoule deux ans ainsi, de présence en présence.

Ce n'est pas une loi plus forte dont nous avons besoin pour faire respecter cela, ce sont des ressources, comme mon collègue l'a très bien présenté tantôt.

(1215)

J'ai entendu des propos de la part de mon collègue du Parti réformiste, au niveau des préjugés, qui parlait de «nice warm jails.» Je pense que, non, ce ne sont pas des «nice warm jails», je pense qu'il y a un peu de démagogie là-dedans et qu'il faudrait en sortir. C'est au niveau des ressources, à mon avis, qu'il faut avancer.

Pour en arriver à une question plus précise sur son discours, le député a fait une présentation sur un projet de loi privé concernant la compensation de victimes. Présentement, on sait que par


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le système judiciaire, il est possible, au niveau civil, pour les victimes, d'aller en justice contre les criminels. Toutefois, on sait aussi que la plupart du temps, les criminels n'ont pas les revenus ou n'ont pas les ressources pour être condamnés à payer des amendes et des choses semblables.

Comment pourrait-il nous expliquer cette partie-là de son projet de loi afin de permettre aux victimes d'avoir une plus grande possibilité de poursuivre les criminels, suite aux attentats en question?

[Traduction]

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je voudrais revenir sur quelques points que le député a abordés. Le premier est celui des gens qui passent les week-ends en prison. Il arrive souvent que les sentences ne soient pas nécessairement appropriées. J'aurais une idée à proposer.

Nous envoyons souvent en prison des gens qui, au lieu d'adopter une meilleure attitude et de s'améliorer, se gâtent davantage parce qu'ils sont en contact avec des gens qui sont pires.

Je proposerais que, dans le cas des délinquants non violents, les tribunaux aient la possibilité d'imposer des travaux plutôt qu'une peine d'emprisonnement. Les prisons seraient réservées aux pires délinquants et aux plus violents. Cela m'amène à un deuxième point qui a été soulevé. Comment les victimes seraient-elles indemnisées?

C'est ici qu'intervient le travail en prison. Un certain pourcentage du salaire des détenus pourrait servir à l'indemnisation. Une difficulté qui se pose, c'est que la victime doit s'adresser aux tribunaux civils et affronter tout le système judiciaire pour récupérer un peu d'argent. C'est très peu commode et d'ailleurs très souvent infructueux parce que le criminel n'a aucun revenu pour indemniser la victime.

S'il y avait un programme de travaux, le problème serait résolu en partie. Les détenus trouveraient également une certaine satisfaction dans leur travail. C'est la même chose pour eux et pour nous. Quand on rencontre une personne pour la première fois, la même question vient toujours: «Quel travail faites-vous?» Le travail est important pour nous, et je pense qu'il l'est aussi pour les détenus.

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, je vais faire vite.

Je reviens sur la possibilité de porter des accusations contre les parents en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants lorsqu'on ne peut les porter contre l'enfant. Quelle sanction le député recommande-t-il? Il arrive très souvent que les parents ne possèdent pas grand-chose ou ne puissent pas indemniser la victime.

Je collabore étroitement dans ma localité avec Citizens United for Safety and Justice. Nous constatons que, fréquemment, le parent ne possède pas grand-chose et qu'il n'est guère possible de le faire payer.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je ne dis pas que nous devons porter des accusations contre les parents. Comprenez-moi bien. Mes électeurs me disent que, très souvent, les parents pensent que c'est le problème des autres. C'est cette attitude qu'il faut corriger. S'ils doivent verser une certaine indemnisation et s'ils doivent rendre compte des actes de leurs enfants, ils s'en occuperont un peu plus. Voilà plutôt l'attitude qu'il faut chercher à encourager. Cela est lié au problème de détérioration de la vie de famille que nous remarquons au Canada, et je crois qu'il faudra s'attaquer à ce problème. Cela ne se fera pas du jour au lendemain.

(1220)

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir prendre la parole sur cette motion ce matin.

Je sais que la criminalité suscite beaucoup d'indignation au Canada à l'heure actuelle. Je n'ai rien contre ce sentiment d'indignation, d'autant plus que je me préoccupe du sort des victimes de la criminalité. J'en ai plutôt contre les solutions simplistes qu'on propose à des problèmes complexes et inextricablement liés qui sont à l'origine du crime.

Si, en tant que députés et membres de la société, nous disons qu'il est possible de trouver un remède miracle, nous ne pourrons pas compter sur l'aide et la collaboration de la population.

Le problème d'aujourd'hui, c'est que le crime n'est pas comme un vulgaire rhume, comme une hypothèque, comme l'aide étrangère. C'est quelque chose de tout à fait différent. C'est une question qui requiert la collaboration de toute la société.

J'ai écouté le député de Yorkton-Melville et je le félicite d'avoir dit que la prison n'était pas la meilleure punition pour tous les contrevenants. Il a raison.

C'est particulièrement vrai pour les jeunes contrevenants, car il faut dire qu'en prison ces derniers apprennent des trucs leur permettant de devenir des truands encore plus professionnels à leur sortie de prison.

Peut-être qu'il y a un autre moyen de traiter les jeunes contrevenants qui serait plus profitable pour eux que de les incarcérer dans des prisons pour adultes. Le député conviendra sûrement que la solution n'est certainement pas que les jeunes contrevenants passent leurs journées à regarder la télévision et à jouer au billard. Pour qu'il y ait réhabilitation, le contrevenant doit prendre conscience de sa culpabilité.

Je ne suis pas d'accord avec lui, toutefois, quand il dit qu'il faut priver les contrevenants de leurs droits jusqu'à ce qu'ils se soient acquittés de leurs responsabilités. Nous créerions ainsi un dangereux précédent selon lequel des membres de la société n'ont pas de droits. Même s'ils sont en prison, les criminels doivent pouvoir exercer leurs droits, comme tous les autres citoyens canadiens. Sinon, nous retournerons à la barbarie.

Ces droits sont définis dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans le Code criminel. Personne ne peut affirmer que l'exercice de ces droits n'est accordé qu'à certains Canadiens uniquement.


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La députée de Surrey-White Rock-South Langley a également soutenu que la Charte des droits et libertés était devenue un problème. Elle prétend que des contrevenants ont échappé au châtiment qu'ils méritaient parce que leur avocat a pu invoquer la Charte des droits et libertés. Cette affirmation est absolument et complètement fausse.

La Charte des droits et libertés garantit des droits à tous les Canadiens. Ces droits sont fondamentaux. Si nous ne respectons pas la Charte des droits et libertés et si nous n'accordons pas les mêmes droits à tous les Canadiens, nous risquons de sombrer dans le chaos.

(1225)

Un peu plus et nous dirions que certaines règles s'appliquent à un groupe de Canadiens et pas à un autre. L'incarcération prive certains Canadiens de leurs privilèges. Cela ne fait aucun doute et il devrait en être ainsi. Les droits doivent constituer un principe fondamental. Sinon, ce seront les citoyens, et non seulement les tribunaux, qui décideront des droits que possèdent d'autres citoyens.

Les tribunaux perdront alors le pouvoir de trancher, de soupeser une question et de décider de la peine à infliger. Si nous supprimons ces droits, quand seront-ils rétablis? Qui décidera du moment où ils seront rétablis? Qui dit que la personne qui prive quelqu'un de ses droits ne perdra pas les siens à son tour un jour ou l'autre?

Nous ne pouvons pas détruire les fondements du droit en essayant de régler sur-le-champ les problèmes de notre société. Nous ne pouvons pas miner le cadre des droits fondamentaux. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu'il n'y a pas beaucoup à faire car, en effet, il y a beaucoup à faire.

Dans la motion, on parle de condamner le gouvernement pour son inaction en ce qui touche à la réforme du système de justice pénale. À mon avis, aucun politicien ne peut se défiler en disant que c'est un legs du gouvernement précédent. Nous devons examiner la situation. Bien que le gouvernement actuel ne soit au pouvoir que depuis un peu plus de 100 jours, il se doit d'examiner son bilan. Cependant, il est quelque peu déraisonnable d'exiger la mise en oeuvre de mesures législatives dans un grand nombre de ces domaines si l'on considère que la Chambre n'a commencé à siéger que le 17 janvier dernier.

Quoi qu'il en soit, beaucoup de mesures sont déjà prises. Le ministre de la Justice a mentionné que, la semaine prochaine, les 23 et 24 mars, on tiendra une conférence fédérale-provinciale-territoriale sur les questions de justice. On y examinera alors tous les détails, tous les concepts et tous les sujets importants qui ont été soulevés dans le débat d'aujourd'hui.

Cela est extrêmement important, car notre régime fédéral veut que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se partagent certaines responsabilités dans une même sphère d'activité. Nous devons nous assurer la collaboration de ces gouvernements.

Les compétences étant partagées dans bien des domaines, si justice n'est pas toujours rendue, ce n'est pas faute de règles et de lois ou faute de volonté, mais parce que les deux paliers de gouvernement ne travaillent pas de concert. Il faut remédier à la situation. Il faut, à coup sûr, faire quelque chose en ce qui concerne les problèmes familiaux, la violence faite aux femmes et la question de la garde des enfants, dont les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se partagent les compétences.

Nous devons être en mesure de faire exécuter les ordonnances de pension alimentaire. Nous devons être en mesure de nous occuper du sort des enfants qui sont abandonnés par leur père ou-le cas est moins fréquent-par leur mère qui décide de quitter la maison.

Le livre rouge prévoit l'établissement d'un conseil national de la prévention du crime. C'est un élément d'une extrême importance. Ce système complexe traite un problème complexe. Et ce problème complexe auquel est confrontée la société d'aujourd'hui suscite deux grandes questions.

(1230)

Premièrement, que faire de ceux qui en sont à leur première infraction? Deuxièmement, que faire pour éviter que ne se reproduisent des infractions de ce genre? Il ne s'agit pas de les éliminer toutes, ce qui, à mon avis, est irréaliste. Par contre, nous pouvons, si nous mettons nos idées en commun et si nous sommes prêts à essayer de nouvelles stratégies, réduire la fréquence de ces infractions à l'avenir. Et nous devons le faire!

Je veux d'abord faire état de la proposition dans le livre rouge d'établir un conseil national de la prévention du crime. Le ministre de la Justice a mentionné qu'il avait consulté les ministres provinciaux et territoriaux intéressés. La chose sera faite à la conférence qui aura lieu la semaine prochaine. S'agissant d'un nouveau concept, il n'est pas facile d'en arrêter les modalités d'application, mais ce n'est qu'une question de temps.

L'objectif, c'est de réunir les ministères dont les activités peuvent avoir un rapport avec la prévention du crime. Mentionnons, entre autres, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le logement pouvant donner lieu à la perpétration de crimes, le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, le solliciteur général. Ces ministères se réuniront pour travailler ensemble au sein de ce conseil qui relèvera du ministère de la Justice.

Que vont-ils faire? Ils vont pouvoir se pencher sur l'ensemble des lois. Nous cherchons toujours à faire en sorte que nos lois soient les meilleures. Le conseil étudiera les moyens de rendre nos lois encore plus efficaces dans la prévention du crime. On essaiera de voir comment telle ou telle loi peut contribuer à éviter que ne se reproduisent certaines infractions. C'est là un aspect extrêmement important.

Ce conseil regroupera aussi des organismes autochtones, des organismes provinciaux et des organismes oeuvrant dans le domaine de la prévention du crime.

Ce conseil aura pour mandat d'examiner les moyens à mettre en oeuvre pour prévenir la criminalité. Il le fera avec la participa-


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tion de tous ces organismes. Cela nous permettra de déterminer comment, à chaque échelon, élargir et améliorer l'action du conseil national et la rendre plus efficace.

Pour leur part, les municipalités pourront, par exemple, déterminer comment les services de police communautaires pourront combattre plus efficacement le crime. Nous pourrons ainsi voir si l'on devrait augmenter le nombre de postes de police au sein de la collectivité, les endroits où les policiers peuvent effectuer des patrouilles à pied, les rapports des habitants avec la police et dans quelle mesure ils peuvent s'adresser au poste de police de leur quartier pour obtenir des conseils.

Les provinces, quant à elles, pourront déterminer comment nous pouvons intervenir au niveau de l'éducation. À l'heure actuelle, l'enseignement est une chose dont peuvent se prévaloir tous les jeunes Canadiens, peu importe qu'ils gênent la classe ou qu'ils cassent tout. Ne pourrait-on pas avoir un système d'éducation qui permettrait de déceler très tôt les enfants à risque? Nous devons pouvoir identifier très tôt les enfants à risque. Ce n'est certainement pas le rôle de l'enseignant, de nos jours, mais cela ne devrait-il pas l'être? Cela ne devrait-il pas être un aspect de l'éducation? Devrait-il y avoir des classes spéciales pour les enfants à risque. Ne devrions-nous pas pouvoir dire que c'est peut-être là un problème de société, et pas seulement un problème de parents?

(1235)

Peut-être qu'il n'y a qu'un seul parent, une mère seule qui travaille aussi fort qu'elle le peut pour conserver un toit au-dessus de sa tête et de celle de ses enfants. Elle voudrait faire plus, mais elle ne peut pas en continuant à travailler. Est-ce que, alors, il ne devrait pas y avoir quelque service social qui tenterait d'aider? Il ne suffit pas de donner plus d'argent aux personnes dans le besoin, aux personnes à faible revenu qui ont des enfants en danger. La collectivité doit faire quelque chose. Il nous faut déterminer à quel niveau intervenir pour avoir le plus d'efficacité.

Lorsque nous avons fait notre étude sur la prévention du crime, l'an dernier, nous avons entendu un psychiatre. Nous lui avons demandé à quel âge on pouvait influencer le plus un enfant et son comportement futur. Il nous a dit que c'était la période entre la naissance et le troisième anniversaire qui avait le plus d'importance pour ce que ferait l'enfant une fois adulte. C'est une considération très importante sur laquelle il convient de s'arrêter.

Il y a environ deux ans, un enseignant de la région de Toronto est venu me voir pour me demander de militer en faveur de l'abaissement de l'âge minimum d'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, parce que, dans l'école où il était principal, un garçon de 10 ans et un autre de 11 ans s'étaient présentés avec un pistolet. Personne n'avait voulu faire quoi que ce soit. Aucun organisme n'avait voulu s'en mêler et le principal avait dû renvoyer les enfants chez eux avec leur pistolet. Dans l'après-midi, il s'est fait insulter au téléphone pour avoir permis que ces deux enfants retournent armés dans leur quartier. Selon cet habitant du quartier, il était tout à fait admissible que les jeunes aillent à l'école avec des armes de poing, mais il ne voulait surtout pas que ces mêmes jeunes se promènent dans son quartier avec ces mêmes armes.

Il existe une lacune évidente. Il faut savoir où l'on s'en va. Bien qu'elles soient au coeur de nos préoccupations, nous ne parlons pas ici uniquement des victimes. Nous devons accorder plus d'attention aux droits des victimes. Ils sont inscrits dans la loi. La loi canadienne a toujours tenu compte des victimes.

On pourrait peut-être améliorer l'indemnisation offerte aux victimes pour les torts causés. Nous devons analyser la question davantage du point de vue de l'indemnisation que du point de vue de l'incarcération. Nous ne pouvons imposer les deux, c'est-à-dire demander à un coupable de payer ce que les tribunaux considèrent comme la peine complète pour le geste posé et, lorsque cette personne sort de prison, lui demander en plus de payer pendant une bonne partie de sa vie des sommes importantes d'argent qui seront versées à la victime. De cette façon, la personne qui commet un méfait ne serait pas incitée à changer de comportement puisqu'on lui rappellerait sans cesse l'erreur commise.

Nul ne peut nier que les victimes subissent des torts considérables. Il faut donc offrir la meilleure indemnisation possible. Or l'indemnisation qu'on offre à la victime, c'est justement de voir le coupable sortir de prison transformé, capable de vivre en société.

Dans le cas des jeunes contrevenants, ce qui pose problème, c'est que, quel que soit le crime commis, ils sortiront forcément de prison un jour ou l'autre. S'ils en sortent plus confus, plus amers envers la société qu'ils ne l'étaient avant d'être incarcérés, nous n'aurons pas accompli grand-chose. Nous aurons payé 60 000 $ par année pour faire fausse route.

La situation est fort complexe, mais nous devons pouvoir redresser les torts dès aujourd'hui. Nous devons pouvoir anticiper et prévenir les crimes éventuels et réduire le taux de criminalité. Ces deux éléments doivent s'imbriquer, être mis en oeuvre simultanément, mais ils doivent aussi faire partie de notre objectif.

(1240)

Le gouvernement est sur le bon chemin puisqu'il a obtenu la coopération de tous les députés de cette Chambre et qu'il a engagé un dialogue ouvert, à l'instigation du ministre de la Justice. Je crois que tous les députés reconnaissent que ce dernier est ouvert et prêt à discuter de ces questions. Il a amorcé le dialogue sur le contrôle des armes à feu de son propre chef, sans qu'on le lui demande, et il fera de même dans d'autres domaines.

Je serai très heureux, tout comme le ministre de la Justice sans aucun doute, de collaborer avec tous les députés de la Chambre des communes en vue de régler cette question primordiale et fort complexe.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les commentaires et le discours du député de Cap-Breton-The Sydneys. J'aurais deux questions à lui poser.

Voici ma première question. Est-ce que le député est d'accord avec moi, relativement à la Charte canadienne des droits et libertés, pour dire que l'on met beaucoup trop d'emphase sur


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l'inculpé et le criminel, et pas suffisamment sur la victime? Est-il d'accord avec moi en cela? Serait-il prêt à ajouter quelque chose à la Charte pour privilégier les victimes, pour que les droits de la victime soient prépondérants à ceux de l'inculpé?

Ma deuxième question est plus une précision qu'une question. J'ose espérer avoir mal entendu les commentaires du député relativement à la portion de son discours traitant des municipalités et des policiers municipaux, ainsi que du système d'éducation concernant les classes spéciales pour les jeunes à risque. Je voudrais simplement m'assurer que le gouvernement n'a pas l'intention d'intervenir dans des champs de compétence qui ne peuvent être plus provinciaux que ceux-là.

Je voudrais que le député me dise que c'était dans son envolée oratoire, mais que ce n'est pas l'intention du gouvernement fédéral d'intervenir directement dans des législations qui sont de compétence provinciale.

[Traduction]

M. MacLellan: Monsieur le Président, je me ferai un plaisir de répondre à ces deux questions.

Tout d'abord, les droits des victimes sont très importants et doivent être traités comme un facteur primordial dans notre système de justice pénale. Le ministre de la Justice a affirmé dans son discours qu'on en tient compte actuellement dans le Code criminel, qu'ils font déjà partie intégrante du système judiciaire canadien.

Nous avons dit également que nous cherchons des moyens d'améliorer cet aspect. Je pense que la députée de Surrey-White Rock-South Langley l'a aussi mentionné quand elle a parlé des droits des victimes dans son discours. Il faudrait peut-être imposer des rencontres entre le contrevenant et la victime. Je pense que c'est une très bonne idée. Si le contrevenant, surtout s'il s'agit d'un jeune, peut vraiment se rendre compte des conséquences de son acte, je crois qu'on pourrait l'amener à remettre son attitude en question.

Des programmes de déjudiciarisation nous permettraient probablement de faire plus pour l'indemnisation des victimes, de protéger davantage les droits des victimes. Je suis convaincu qu'il est injuste de dire que nous ne faisons rien sur le plan des droits des victimes.

Pour ce qui est des services de police municipale et d'éducation, j'en parlais à des niveaux différents, la police au niveau municipal et l'éducation au niveau provincial. Voici un exemple de ce que je voulais dire: il existe actuellement dans ma circonscription un projet auquel je collabore et que j'appuie grandement. Il s'agit d'un centre d'apprentissage.

Le centre regroupe des jeunes décrocheurs qui ont connu des difficultés. Il leur permet d'étudier dans un contexte différent, où ils sont l'objet de plus d'attention, individuellement. Le succès de ce centre est absolument incroyable. J'espère que nous pourrons l'étendre, qu'il sera beaucoup plus qu'un projet pilote et que cela aura éventuellement des effets bénéfiques dans tout le pays.

(1245)

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, il y a une ou deux choses au sujet desquelles j'aimerais connaître l'opinion du député en ce qui concerne la prévention du crime dont je suis un ardent partisan, contrairement à ce que disent certaines personnes. Je suis également un ardent partisan du châtiment. Je me situe aux deux extrémités du spectre.

J'aime l'idée de la création d'un conseil national. Le ministre a mentionné plusieurs personnes qui devraient faire partie de ce conseil et a donné quelques idées. Je ne l'ai pas entendu dire que l'organisation Victims of Violence y serait représentée, pas plus que le commun des mortels, comme un agriculteur qui ne serait jamais allé plus loin que la sixième année. Si j'en crois son discours, le conseil ne rassemblera que des personnes de classe, capables de faire le genre de beaux discours qu'on nous sert si souvent sans pour autant aller au fond des choses. Le gouvernement est-il prêt à envisager de nommer des personnes de toutes origines à ce conseil?

La deuxième question concerne le programme d'aide aux enfants vulnérables, programme que j'ai essayé de mettre en place dans l'école dont j'étais directeur et qui, au début a remporté un grand succès. Malheureusement, il fut de courte durée en raison des plaintes des parents qui s'opposaient à ce que nous essayions d'aider leurs enfants sans leur permission. Et pourtant ces derniers en avaient grand besoin. À cause de la Charte des droits et libertés, nous avons été obligés de faire marche arrière et nous n'avons pu offrir d'aide, quelle qu'elle soit. À mon avis, dans un cas pareil, la Charte est un obstacle.

J'aimerais connaître l'opinion du député sur ces deux questions.

M. MacLellan: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Wild Rose de ses questions. Cela me donne la possibilité de préciser que dans le premier cas, en ce qui concerne le conseil national de prévention du crime, je suis d'accord avec lui lorsqu'il affirme qu'il devrait y avoir au moins un représentant de l'organisation Victims of Violence ou d'une organisation similaire au conseil.

La députée de Surrey-White Rock-South Langley a parlé dans son discours de l'organisme «Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation» en disant que même si elle avait beaucoup de respect pour cette organisation, elle trouvait regrettable qu'on doive compter sur de tels organismes pour soulever ces questions.

Nous aurons toujours ce type d'organisations et elles vont jouer un rôle extrêmement utile. Elles ont fait beaucoup pour faire connaître ces questions. Cela m'a certes aidé énormément à comprendre le problème qui se posait. Seuls les gens qui ont vécu ce traumatisme et cette tragédie peuvent vraiment comprendre, mais grâce aux efforts de ces organismes, nous pouvons nous faire une meilleure idée du problème, ce qui est très utile.

En ce qui concerne les enfants vulnérables, il y a vraiment deux problèmes. Le député en a relevé un, les parents. Il y a des difficultés à ce niveau. L'autre réside, bien entendu, dans le fait


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qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale et que le gouvernement fédéral ne peut donc pas faire grand-chose.

Il y a un précédent cependant. Ceux qui préparent le Guide alimentaire canadien s'intéressent de près à l'établissement des programmes scolaires. Dans le cadre de ces rencontres entre les représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, nous devrions, à un moment donné, nous pencher sur la question.

Je félicite le député de ses efforts. Je peux comprendre les obstacles auxquels il s'est heurté. J'ai quand même le sentiment qu'il était sur la bonne voie. Il faut espérer qu'avec un projet de portée plus large et en ayant une idée des embûches qui vont se dresser devant nous, grâce au projet qu'il a lancé, nous serons en mesure de prévoir les problèmes et de mener à bien ce projet dans l'intérêt de la société, si on décide de suivre cette voie.

(1250)

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, je prends la parole pour appuyer la motion du Parti réformiste, qui vise à stimuler la réflexion sur le renouveau du Canada, en particulier sur l'état actuel de notre système judiciaire et sur les attentes de la population à cet égard. Au moment où nous formulons une vision d'espoir pour un nouveau Canada fondé sur l'égalité, notre réflexion doit aussi porter sur la mesure et l'équilibre du système judiciaire.

Beaucoup d'habitants de New Westminster-Burnaby sont craintifs, déçus et mécontents du fonctionnement du système judiciaire. Ils soutiennent que nous n'avons pas, en fait, de système judiciaire mais simplement un système juridique.

Ils estiment que le système ne rend pas de comptes à la population et que cette dernière n'a plus son mot à dire sur le fonctionnement de ce système qui apparaît compliqué. Le système juridique est fondé sur un langage ambigu, un jargon d'initiés et les membres de la profession, qui croient avoir toujours raison, repoussent toute ingérence de la communauté.

Il y a cependant des lueurs d'espoir, notamment grâce aux initiatives de surveillance communautaire de ces dernières années, en particulier les programmes de surveillance de quartier et de nombreux programmes de bénévoles comme le Programme d'aide aux victimes d'actes criminels créé par la GRC à Burnaby.

Ce programme a été lancé en janvier 1987 et compte actuellement 50 bénévoles. Depuis qu'il a été créé il y a sept ans, le programme a permis d'entrer en contact avec 9 250 victimes et témoins. En 1993, les responsables du programme ont traité 1 650 dossiers et effectué bénévolement 6 700 heures de travail.

Le Programme d'aide aux victimes d'actes criminels vise essentiellement à apporter un soutien moral, fournir des renseignements de police et de l'information à jour sur les dossiers de la police; communiquer des renseignements concernant les tribunaux; orienter et accompagner les victimes en cour; les référer à des organismes communautaires et leur communiquer des renseignements au sujet des services juridiques et des mesures d'indemnisation à l'intention des victimes d'actes criminels ayant subi des blessures.

L'équipe de bénévoles de Burnaby, installée dans les locaux de la police, est accessible 24 heures sur 24 et apporte toute l'aide possible. Toujours à New Westminster-Burnaby, New Westminster offre un programme semblable qui relève du bureau de l'avocat-conseil de la Couronne.

Le temps est cependant venu d'intensifier la participation intersectorielle et de faire passer les préoccupations des victimes et de la collectivité avant celles des contrevenants. Il existe un lien entre le contrevenant et sa victime, qu'il s'agisse d'une autre personne, d'une famille ou de la collectivité.

En ce qui concerne les torts causés à la collectivité, la Loi sur les jeunes contrevenants, adoptée par un gouvernement libéral précédent, est devenue l'élément de la législation pénale le plus déconsidéré. Les sondages le prouvent les uns après les autres et le service des coupures de presse du solliciteur général fait fréquemment état de l'insatisfaction publique. Les libéraux eux-mêmes ont admis dans leur livre rouge que la loi devait être examinée.

La Loi sur les jeunes contrevenants est celle qui suscite le plus fort sentiment d'aliénation au sein de la communauté. La façon dont la loi s'applique contrevient au principe fondamental d'équité et d'équilibre auquel s'attend la collectivité.

Le libellé de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui et les modifications que nous proposons d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants sont directement reliés.

Par exemple, le paragraphe 3(1) de cette loi concerne la «Politique canadienne à l'égard des jeunes contrevenants». La définition de cette politique comporte neuf alinéas et il y a au total 70 articles qui restreignent la façon dont la partie fondamentale du Code criminel et d'autres lois criminelles s'applique à l'égard des jeunes contrevenants.

Permettez-moi de rappeler certaines dispositions du paragraphe 3(1) de la Loi sur les jeunes contrevenants: b) la société doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite; c) la situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement; toutefois, leur degré de maturité leur crée des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance; e) les adolescents jouissent de droits et libertés qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés, ces droits et libertés étant assortis de garanties spéciales; g) les adolescents ont le droit d'être informés du contenu de ces droits et libertés.

Le préambule ne fait pas la moindre mention des droits des victimes. La loi, qui oriente en grande partie l'administration des services sociaux, fait peu pour qu'un jeune contrevenant prenne conscience qu'il a fait une victime ou lésé quelqu'un et qu'il doit en rendre compte à la collectivité.

Nous avons besoin d'ajouter un alinéa dans la Loi sur les jeunes contrevenants, qui pourrait se lire à peu près comme ceci: «La collectivité, ou les victimes en particulier, bénéficie d'une considération égale à celle qui est accordée au jeune contrevenant et, à leur demande, les victimes seront entendues au moment de la détermination ou de la révision de la peine.»

(1255)

Dans presque tous les cas, la victime ou la collectivité ne peut savoir ce qui se passe, ce qui arrive ou arrivera au contrevenant. On procède comme on le fait dans la plupart des entrevues


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d'embauche. L'employeur dit au candidat de ne pas téléphoner, qu'on communiquera avec lui. Or, nous savons tous qu'on ne l'appellera que si l'on a besoin de lui.

Une fois l'infraction commise, on oublie la victime, lui donnant même l'impression qu'elle a joué son rôle et qu'elle doit s'effacer parce que le contrevenant est celui qui a vraiment besoin d'attention. Faut-il s'étonner que la population soit tellement déçue par le régime de justice pénale?

Habituellement, une victime ne demande pas beaucoup, elle veut qu'on agisse, qu'on la traite dignement et, surtout, qu'on sympathise avec elle. Dans ma circonscription, des bénévoles ont mis sur pied deux programmes visant à répondre aux besoins des victimes. Le temps est maintenant venu de reconnaître les victimes dans la loi.

Certaines instances donnent une interprétation tellement large de la Loi sur les jeunes contrevenants qu'elles interdisent l'affichage du rôle d'audience de jeunes contrevenants sur la porte des salles d'audience.

Heureusement, en Colombie-Britannique, les audiences du tribunal de la jeunesse sont ouvertes à tous et les ordonnances d'exclusion sont très rares. Aucun journaliste local ne peut informer la population de ce qui se passe au cours de ces audiences, ni dévoiler la date de libération d'un contrevenant. En tant que victime, la communauté a le droit de connaître, par l'entremise des médias, l'identité des contrevenants.

Que le tribunal de la jeunesse ne tienne compte que du contrevenant ne semble pas juste aux yeux des Canadiens. Par exemple, les travailleurs auprès des jeunes ne peuvent dévoiler tout ce qu'ils savent au conseiller pédagogique d'une école secondaire, ou encore les travailleurs sociaux ne peuvent pas toujours divulguer au tribunal tout ce qu'ils savent au sujet d'une situation.

Nous nous mettons en quatre pour garder le secret afin de protéger le jeune contrevenant contre toute répercussion négative. La Loi sur les jeunes contrevenants contient aussi des dispositions qui permettent d'induire délibérément le tribunal en erreur, au moment de la détermination de la peine, à cause des délais précis qui s'appliquent au casier judiciaire des jeunes contrevenants.

Qui pense à la victime? En examinant de près la loi, on constate clairement que, au cours du processus judiciaire, la victime n'a jamais l'occasion de décrire au tribunal l'épreuve qu'elle a subie et que le jeune contrevenant n'a jamais l'occasion de saisir toute l'horreur de son geste. Récemment, j'ai lu dans le Toronto Star un article où l'on concluait que les victimes d'actes criminels sont doublement victimisées, puisqu'elles sont victimes d'abord du contrevenant, puis du système.

Les victimes et les témoins ont des besoins spéciaux et doivent être traités avec respect et dignité. Les contrevenants doivent être tenus responsables de leurs actes. La loi devrait tenir compte des valeurs qu'ont à coeur la majorité des Canadiens. Les autorités judiciaires devraient rendre des comptes à la société en ce qui concerne les activités qu'elles mènent, les méthodes qu'elles utilisent et les résultats qu'elles obtiennent.

L'objectif premier de la Loi sur les jeunes contrevenants devrait être la protection de la collectivité. Permettez-moi de vous citer en exemple un incident qui s'est produit en Alberta, en 1990.

Un jeune contrevenant était tellement entiché de sa petite amie qu'il l'a poignardée, lorsqu'elle a mis fin à leur relation. Heureusement, il ne l'a pas tuée. À cause de son jeune âge, le contrevenant n'a reçu qu'une peine de huit mois de détention. Il aurait déclaré aux travailleurs qui s'occupaient de son dossier qu'il avait encore l'intention de tuer son ex-petite amie. Un an, jour pour jour, après le premier incident, le jeune contrevenant a tué la jeune fille. Dans ce cas bien précis, la victime n'a eu aucune chance, puisque les droits du jeune contrevenant devaient être protégés.

La loi porte un nom, la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle devrait donc viser les jeunes contrevenants, et non les jeunes adultes. Compte tenu de l'équilibre naturel que veulent rétablir les victimes, la loi devrait s'appliquer aux jeunes âgés entre 10 et 15 ans inclusivement. Il s'agit de la modification la plus importante et la plus fondamentale à apporter si nous voulons rétablir la confiance qu'ont perdue les Canadiens.

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain): Monsieur le Président, je félicite le député pour ses observations. Je tiens à lui faire part d'incidents qui concernent des gens qui entrent dans cette catégorie. Dans mes 31 ans de carrière dans le domaine de l'éducation, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de jeunes qui entrent dans cette catégorie.

Dans ma première allocution à la Chambre, j'ai notamment fait allusion à un jeune qui s'était enfui d'une école où il était détenu. Il y est revenu après être allé chez ses parents, à North Battleford. Son père l'avait accueilli en lui disant: «Qu'est-ce que tu fais ici? Tu t'es enfui, hein? Tu as 15 minutes pour ramasser tes affaires et t'en aller. Et ne reviens jamais plus!» Je me souviens de beaucoup d'autres, dont un à qui j'avais demandé de quel milieu familial il venait pour en être arrivé à faire ce qu'il faisait. Il se rappelait avoir vécu dans une trentaine de foyers et il n'avait que 15 ou 16 ans.

(1300)

À Regina, deux jeunes de dix ou 11 ans ont battu deux jeunes de sept ou huit ans. Qu'allons-nous faire d'eux? Quelqu'un de ce côté-ci a dit tout à l'heure que c'est avant l'âge de trois ans qu'il fallait donner une bonne orientation aux jeunes. Compte tenu des propositions que j'ai entendues et des jeunes que j'ai connus, je demanderais au député d'en face ce que nous devrions faire pour amener ces gens-là à changer de mode de vie. Croit-il vraiment que la prison soit la solution?

Je songe ici à un jeune des Territoires du Nord-Ouest à qui six mois de détention ont fait plus de tort que ne lui auraient fait 60 années dans le Nord.

Bref, si le député a des solutions à proposer, je voudrais bien les entendre, car j'ai eu moi-même affaire à ces jeunes. Com-


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ment propose-t-il de résoudre certains de ces problèmes compte tenu de ce qui nous attend?

M. Forseth: Monsieur le Président, on a abandonné depuis longtemps l'idée que les personnes en réadaptation sont malades et, par conséquent, les établissements pénitentiaires sont comme des hôpitaux.

En général, la Loi sur les jeunes contrevenants n'envoie pas le bon message à la population. Ce sont les jeunes eux-mêmes qu'il faut consulter et non les professionnels du système de justice. Nous devrions aller dans les écoles secondaires pour savoir ce que pensent les jeunes. Les plus fortes pressions que je reçois dans ma circonscription viennent souvent des écoles secondaires. Les jeunes me disent que nous sommes sur la mauvaise voie et qu'il faut plutôt chercher à rétablir l'équilibre en faveur de la victime et de la responsabilité envers la collectivité.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien de valable dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a du bon dans cette loi, particulièrement les dispositions relatives aux mesures de rechange et à l'application régulière de la loi. C'est certainement là une amélioration par rapport à l'ancienne loi sur les jeunes délinquants.

La réponse typique, c'est qu'il faut continuer d'investir encore plus d'argent dans les mesures de rechange, que nous avons besoin de plus de situations d'apprentissage au sein de la collectivité, de plus de programmes de travail, de plus de travailleurs sociaux et ainsi de suite.

Ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que la Loi sur les jeunes contrevenants n'envoie pas le bon message à la population. Il faut rendre le contrevenant plus conscient des conséquences de son acte. La population a l'impression que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas assez sévère, et il faut changer cela.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, j'appuie cette motion et je voudrais l'aborder sous un angle un peu différent. Je veux parler du processus par lequel doivent passer les victimes pour se remettre des actes criminels.

Nos lois et certaines pratiques suivies par le gouvernement semblent nuire beaucoup à ce processus. La motion vise à favoriser ce processus de cicatrisation et je crois qu'elle peut y contribuer. La seule chose qui m'inquiète lorsque j'interviens dans un débat sur une motion, n'importe quelle, c'est que j'ai observé au cours de mes quatre brefs mois comme député que dès qu'une personne prend la parole, si cette personne est un réformiste et vient de l'Ouest, on conclut immédiatement qu'il ne peut s'agir que d'un de ces vauriens de rednecks d'extrême droite et qu'il faut faire très attention à ce qu'il dit. De même, des gens comme moi peuvent penser au nombre de députés libéraux expérimentés qu'il y a ici, au nombre d'années d'expérience de certains, et il leur faut prendre garde de ne pas se dire: «grand Dieu, je suis en train d'essayer de faire entendre raison à ces écorchés vifs, mais ils feront certainement la sourde oreille». Ce sont là deux attitudes extrêmes qui ne devraient pas exister. J'espère que nous réussirons à trouver un compromis et à étudier cette motion qui, à mon sens, est essentielle pour aider les victimes.

(1305)

Je veux rapporter le cas d'une femme dans le milieu de la quarantaine, mère de trois enfants, qui un bon samedi qu'elle travaillait, je crois-je ne rapporte peut-être pas tous les détails avec précision, mais je connais ce cas-dans le bureau de sa paroisse, a vu surgir un intrus qui l'a battue sauvagement et l'a violée à plusieurs reprises, ce qui a complètement perturbé sa vie. En passant, son agresseur avait, semble-t-il, déjà été condamné pour le même genre de crime et bénéficiait d'une semi-liberté.

Cette femme a dû passer à travers l'épreuve de ce crime contre sa personne et devra aussi vivre toute sa vie avec la peur, peut-être avec des séquelles physiques, et certainement avec de graves séquelles psychologiques. La famille de cette femme, ses enfants et son mari, sentiront à coup sûr les répercussions de ce crime sur leur vie pendant les années à venir. Ils s'en rendent tous bien compte, ils cherchent à obtenir de l'aide et voudraient contribuer à ce processus de cicatrisation.

Or il y a une chose que cette victime aimerait bien qu'on fasse, c'est qu'on fasse subir un test de dépistage du SIDA au criminel accusé dans cette affaire puisqu'il appartient à une catégorie à risque élevé. Cela me semble une requête bien simple, et c'est une requête qui vient du coeur car, parmi tous les autres aspects traumatisants dont ils vont devoir s'accommoder, ils aimeraient certainement pouvoir éliminer cette crainte. Quand les tribunaux ont été saisis de cette requête, ils ont décrété qu'en vertu de la Charte des droits et libertés, cet individu n'avait pas à se soumettre à ce test de dépistage du SIDA, au nom de la protection de ses droits.

Bref, je crois que cette motion tente de remédier à ce genre de situation. Non pas que le criminel ne devrait pas avoir de droits, mais quand on en arrive à une situation de conflit, il faudrait faire preuve de bon sens et contribuer au processus de cicatrisation en cours dans la vie de cette femme et de sa famille en exigeant que le criminel se soumette à ce test afin d'éliminer cette source d'inquiétude ou au moins de leur donner la chance de faire quelque chose pour y remédier.

Il y a conflit entre les droits de deux personnes différentes. Nous voyons constamment surgir ce genre de conflit dans notre système judiciaire, non pas exactement dans les mêmes circonstances, mais dans des circonstances similaires où il faut considérer les droits du criminel et ceux de la victime. Or, presque dans chaque cas, les droits du criminel l'emportent sur ceux de la victime. Dans le cas que je viens d'exposer, il s'agit probablement de la pire situation où l'on ait pu dire à une victime: «Désolés, nous ne pouvons le faire à cause de ses droits.»

Il ne s'agit pas d'une solution simpliste, mais d'une solution de simple bon sens. Je ne comprends vraiment pas pourquoi un gouvernement dirait qu'il va falloir énormément de temps pour résoudre ce genre de problèmes. Ces problèmes pourraient se résoudre du jour au lendemain s'il y avait la volonté politique pour le faire. Ce genre de dilemme n'a pas besoin d'exister dans notre pays. Il pourrait être éliminé si nous en arrivions à partager la même attitude à la Chambre, à penser que cette solution a du bon sens, peu importe de quel parti vient la motion.


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(1310)

Lors d'une visite récente à Calgary, j'ai pu m'entretenir longuement avec une mère qui a été victime de violence: sa fille de cinq ans a en effet été enlevée alors qu'elle jouait dans la cour derrière chez elle. Ce n'est que plus tard ce soir-là qu'on a retrouvé la fillette. Elle avait été mutilée et battue; elle s'était fait trancher la gorge, et son corps avait été jeté dans un conteneur à déchets dans la ruelle derrière chez elle.

Un homme de 37 ans a été arrêté et a reconnu sa culpabilité. Il a déclaré à des journalistes qu'il avait eu de la difficulté à se contrôler parce qu'il en avait assez, car, disait-il, la fillette le harcelait sans cesse. Tous les députés reconnaîtront sûrement que ces événements ont dû être très traumatisants pour la mère et pour toute la famille, car la fillette avait aussi des frères et soeurs.

L'homme de 37 ans a immédiatement obtenu l'aide d'un avocat. La victime n'a eu droit à rien. Des psychologues, des psychiatres et des conseillers ont tout de suite été mis à la disposition de l'individu de 37 ans. Pour avoir droit aux mêmes services, la victime, la mère, devait payer de sa poche des honoraires de 50 $ à 100 $ l'heure.

Quand nous avons demandé de l'aide pour cette famille, nous avons essuyé un refus parce que rien n'est prévu à ce sujet dans la loi. Ceux qui travaillent sur la colline à Ottawa n'ont rien prévu dans la Charte des droits pour protéger les victimes.

Je ne peux pas imaginer un seul instant que quelqu'un s'oppose à une motion visant à protéger les droits de victimes comme celles dont je viens de parler et à leur venir en aide. Il est grand temps que nous fassions quelque chose à ce sujet.

En dernier lieu, je veux parler de l'adoption de mesures législatives qui nous seraient très utiles. De nombreux pays, certaines parties des États-Unis et d'autres régions du monde ont prouvé qu'il est possible de légiférer au sujet des tests d'empreintes génétiques. Cela serait très utile, car je crois savoir qu'il n'y a qu'une chance sur 30 milliards que deux personnes dans le monde entier, à l'exception peut-être de jumeaux identiques, présentent des résultats identiques à la suite de tests d'empreintes génétiques portant sur des échantillons de peau, de cheveu, de sperme, etc.

Il serait très utile que nos autorités chargées de l'application de la loi puissent recourir à ces tests pour faire condamner des individus et même pour en faire libérer d'autres qui auraient été déclarés coupables à tort.

On m'a dit qu'en Colombie-Britannique, il y a 45 meurtres, 20 cas d'agression sexuelle et plusieurs autres crimes graves qui ne sont pas élucidés et à propos desquels on pourrait faire des tests d'empreintes génétiques, mais il est légalement impossible d'obliger un suspect à se soumettre à de tels tests. On ne peut obliger un suspect à fournir un échantillon parce que, en vertu de la Charte des droits et libertés, il a le droit de refuser de se soumettre à ce genre de test. Je pourrais donner plusieurs autres exemples. Cela signifie qu'il y a des gens qui circulent librement dans les rues alors qu'ils devraient être derrière les barreaux.

Avons-nous la volonté politique et le courage de faire en sorte que les Canadiens soient protégés contre des individus qui seraient derrière les barreaux si nous prenions les mesures qui s'imposent? La première chose à faire, c'est de reconnaître les droits des victimes.

(1315)

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le discours du député, et il y a des choses que je ne peux pas admettre. Je ne comprends pas, cela me dépasse, qu'en 1994 on ait encore des discours semblables.

Tantôt j'ai dit: «Il ne faut pas, de ce débat que l'on tient présentement en Chambre, ne citer que des cas d'espèce qui ont fait les manchettes des journaux et qui sont répugnants». En contrepartie, je pourrais vous citer des cas contraires, où suite à une réhabilitation réaliste, des jeunes se sont réinsérés dans le système. Il y a des personnes qui, suite à des examens psychiatriques et à des traitements, se sont intégrées à la société.

Si je comprends la logique du député du Parti réformiste, il faudrait mettre tout le monde en prison et ne leur donner aucun traitement. Ma question est la suivante: Que va-t-on faire et comment va-t-on répondre au besoin d'avoir des prisons si on met tout le monde en prison et qu'on n'a rien pour traiter ces personnes?

[Traduction]

M. Thompson: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Dans les exemples que j'ai cités, il y a des cas où il y a une violence extrême et un conflit direct entre les droits du criminel et ceux de la victime. La balance a toujours penché du côté des droits de la victime.

Je n'ai pas parlé de l'incarcération, sinon pour dire qu'il vaut mieux enfermer les individus dangereux plutôt que de les laisser en liberté. Est-ce que cela veut dire qu'il faut jeter la clé, ne pas les nourrir ni s'occuper d'eux? Je n'ai pas parlé du système pénitentiaire. C'est avec grand plaisir que je prendrais dix minutes de plus pour expliquer ce qu'il faut faire, à mon avis, sur ce plan-là.

Je crois en la réadaptation. Je crois que nous devons donner des traitements et faire tout ce qui est possible, mais il faut aussi être réaliste, dans notre système pénitentiaire, assez pour s'apercevoir de ceci: en dehors du monde carcéral, si on travaille fort et qu'on gagne de l'argent, on peut se payer des côtelettes ou des steaks; si on ne travaille pas et qu'on ne peut gagner autant d'argent, on doit se contenter de moins.

C'est peut-être un peu de la même manière que les choses devraient se passer dans les prisons. Mettons en place un programme de travail. Ceux qui travailleront pourront bien manger, comme dans notre société. Ceux qui ne le feront pas subiront le même sort que s'ils étaient dehors: ils se contenteront de macaronis au fromage, ou peut-être même sans fromage.


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M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton): Monsieur le Président, j'ai trouvé le discours du député de Wild Rose extrêmement intéressant.

D'une certaine façon, il ressemblait à un compte rendu du Reader's Digest. Il était très anecdotique. À un certain point, il mentionne deux exemples, le premier ayant trait au cas très tragique de la femme qui a été violée. Il a présenté le cas et conclu que, la plupart du temps, les accusés ont plus de droits que les victimes.

Sur quelles données empiriques se fonde-t-il pour affirmer cela? Ce n'est qu'un exemple, mais il en tire une conclusion générale.

Il a aussi fait allusion au cas très tragique de la jeune fille qui a été assassinée. Il a ensuite conclu qu'il n'y avait personne pour agir au nom de la femme ou de la mère dans ce cas. Je voudrais lui demander pour qui la Couronne agit si ce n'est pour la mère de l'enfant dans cette affaire?

M. Thompson: Monsieur le Président, j'estime que la Couronne représente l'État et que si on en fait une affaire individuelle les choses changent complètement. Si on en fait une affaire individuelle, on est en présence d'un criminel et d'une victime.

Quand la victime de viol a demandé un test de dépistage du VIH, elle a essuyé un refus en raison de la protection des droits du criminel. Je peux vous donner des tonnes d'exemples. J'en ai une mallette pleine. Je n'aurais pas assez de 10 minutes pour les énumérer tous. Mais je suis convaincu que si tous les députés observent bien ce qui se passe ils ont leur propre liste d'exemples.

(1320)

Voici un autre exemple. Il s'agit d'un détenu du nom de Thompson-sans lien de parenté. Alors qu'il était en prison, cet homme a déclaré qu'il tuerait son ex-femme quand il sortirait de prison. Il a dit qu'il la tuerait en même temps que ceux qui seraient avec elle. Il l'a dit à plusieurs reprises. La victime, la femme en question, a imploré les autorités de ne pas le laisser sortir parce qu'elle savait qu'il était sérieux. Les autorités n'ont pas acquiescé à sa demande. Elles n'ont fait que s'en tenir au règlement, c'est-à-dire qu'elles ont accordé une libération conditionnelle au détenu en cause parce qu'il y était admissible et qu'il avait eu une bonne conduite; elles l'ont libéré, à la condition toutefois qu'il reste à Toronto et n'aille pas sur la côte ouest.

Qu'à cela ne tienne, dès sa libération, l'homme est parti pour la côte ouest où il est passé aux actes. Trois personnes ont été tuées parce que les autorités n'ont pas voulu écouter celle qui avait été menacée.

J'estime que ce n'est pas trop demander. Nul doute que le député conviendra que si, comme par le passé, nous ne donnons pas suite aux souhaits des victimes et que nous nous contentons d'appliquer la loi à la lettre, nous rendons un bien mauvais service à la population.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour me prononcer sur la motion présentée par la députée de Surrey-White Rock-South Langley.

La députée voudrait que la Chambre condamne le gouvernement pour son inaction par rapport à la réforme du système de justice pénale. Elle accuse, entre autres choses, le gouvernement d'avoir permis que les droits des criminels passent avant ceux des victimes.

La députée a parfaitement raison. Au cours des cinq mois à peine de son mandat, le gouvernement aurait pu faire beaucoup plus qu'il ne l'a fait à propos de la réforme du système de justice pénale. En effet, nous aurions pu céder à la facilité et chercher à se faire facilement du capital politique en exauçant les voeux de ceux qui veulent tout bouleverser sans se préoccuper des conséquences. Certes, nous aurions pu agir précipitamment, au lieu de faire preuve de mesure et de prudence.

À cette façon de faire, nous avons préféré une stratégie globale et réfléchie en vue de réformer notre système de justice pénale. En un mot, le gouvernement a respecté l'engagement qu'il avait pris envers les Canadiens dans son programme électoral, soit d'établir un système de justice équitable, pondéré et humain.

[Français]

Enfin, un élément clé de notre plate-forme électorale, mieux connu sous le nom de livre rouge, est un programme cherchant à garantir la sécurité dans les lieux publics et privés. Nous y proposons une approche globale, une initiative à deux volets qui reconnaît la nécessité de mesures propres à combattre la criminalité violente et les criminels à risque élevé, tout en soulignant l'importance de la prévention du crime.

Le travail est déjà bien entamé dans tous ces secteurs importants. Il est toutefois évident que certains députés ne sont pas au courant du travail qui se fait, ni des raisons pour lesquelles nous centrons notre action sur ces secteurs particuliers.

J'aimerais présenter aujourd'hui à ces députés certains renseignements qui leur permettront de mieux se rendre compte de ce que fait le gouvernement et pourquoi il le fait. Examinons d'abord, si vous me le permettez, l'importante question de la prévention du crime. Vous ne serez pas étonné d'apprendre que les coûts associés à la criminalité sont énormes au pays. Ces coûts se manifestent sur le plan tant humain que financier.

Nous savons qu'en Occident, seul le taux d'incarcération des États-Unis est supérieur à celui du Canada. En 1991, les services de police, les tribunaux et les services correctionnels ont coûté la rondelette somme de 8 milliards de dollars. Nous savons que les coûts, sur le plan humain, de la criminalité et de la crainte du crime, y compris les répercussions de la victimisation sur les membres de la société sont eux aussi très élevés.

Je crois que les faits parlent d'eux-mêmes lorsque j'affirme que nous devrons adopter une approche globale de lutte contre la criminalité dans notre société, une approche qui reconnaît le rôle


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traditionnel de nos organismes établis, mais qui s'attache aussi aux politiques sociales.

(1325)

Pour être réellement efficace, la prévention du crime doit s'attaquer aux facteurs sociaux et économiques liés aux crimes et à la criminalité, aux causes premières du crime, entre autres la pauvreté, le chômage, la toxicomanie et la violence familiale.

[Traduction]

Nous savons qu'il y a trop de pertes de vie attribuables à des actes criminels, que la criminalité crée un climat de terreur et que les conséquences de la victimisation, pour une personne, sont très importantes. Les faits parlent d'eux-mêmes. C'est pourquoi nous devons adopter, face au crime, une stratégie globale qui, tout en reconnaissant le rôle traditionnel des organismes établis, examine aussi les politiques sociales.

Pour que la prévention du crime soit efficace, nous devons examiner les facteurs socio-économiques sous-jacents au crime et à la criminalité, les causes mêmes de la criminalité, comme la pauvreté, l'analphabétisme, le chômage, la consommation d'alcool et de drogue, et la violence, pour ne nommer que ceux-là.

Il faut compter, au départ, sur un partage des responsabilités entre les gouvernements, leur système de justice pénale, leurs organismes de services sociaux, leur système d'éducation et leurs collectivités non seulement pour combattre la criminalité, mais aussi pour régler les problèmes sociaux qui finissent par mener au crime.

La création d'un conseil de prévention du crime qui réunirait des intervenants importants dans le but de prévenir le crime et de mieux protéger nos collectivités est l'un des engagements que le gouvernement a pris. Le solliciteur général et le ministre de la Justice travaillent actuellement à la création de ce conseil. Cet organisme conseillera les divers paliers de gouvernement sur les grandes priorités et les principales activités liées à la prévention du crime.

Par sa composition, ce conseil reflétera la grande variété de personnes qui s'intéressent à la prévention du crime et au développement social. Cependant, pour réussir à prévenir le crime et pour trouver des solutions pratiques, nous devons non seulement travailler en collaboration avec nos partenaires au sein du système de justice pénale, mais aussi nous associer aux habitants de nos collectivités et de nos quartiers.

Sans leur aide, nous ne serons pas capables de régler les problèmes difficiles qui nous touchent tous, que nous nous occupions de la violence familiale, des jeunes à risque, de l'analphabétisme, des contrevenants qui présentent des risques élevés et qui proviennent des milieux de la drogue ou de l'élimination des crimes haineux. La prévention du crime est aussi une partie importante du travail de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada, deux organismes qui s'occupent de la réintégration sociale, en toute sécurité, des contrevenants sous juridiction fédérale, de ceux qui ont purgé des peines de plus de deux ans.

En réalité, la plupart des contrevenants sous juridiction fédérale, les deux tiers d'entre eux, purgent leur peine et, après avoir recouvré la liberté, n'enfreignent plus jamais la loi. Cependant, pour mieux protéger les Canadiens, il faut réduire les risques que posent les récidivistes. La sécurité publique demeure toujours le facteur principal dans toutes les décisions correctionnelles. Il est reconnu que la sécurité publique est le mieux assurée lorsque les contrevenants reçoivent les traitements et la formation dont ils ont besoin pour bien réintégrer la société.

Le programme de dynamique de la vie qu'offre le Service correctionnel du Canada aux contrevenants constitue un bon exemple du genre de travail fondamental qui se fait actuellement dans notre régime fédéral d'incarcération pour aider les contrevenants à acquérir les aptitudes dont ils auront besoin pour refaire leur vie.

J'ai dit plus tôt que notre stratégie contre l'échec au crime comprend deux volets. Le deuxième volet de la sécurité publique est la nécessité de trouver des moyens plus efficaces pour s'occuper des récidivistes qui ont commis des actes de violence ou des crimes sexuels. Notre priorité est d'améliorer les moyens dont dispose le système correctionnel fédéral pour se charger de ces contrevenants et leur offrir des traitements.

Dans son programme électoral, le gouvernement a reconnu que les Canadiens veulent être mieux protégés contre les délinquants dangereux, et nous sommes déterminés à respecter notre engagement. Plusieurs rapports, dont ceux qui proviennent d'enquêtes et du comité de la justice et des questions juridiques des Communes, ont souligné la nécessité d'agir sur ce chapitre.

Nous élaborons actuellement un ensemble de modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Par exemple, nous examinons des mesures qui nous permettraient mieux de détenir jusqu'à la fin de leur peine des délinquants sexuels récidivistes qui victimisent des enfants.

(1330)

Le solliciteur général a également déclaré qu'il désire étudier la possibilité de resserrer la méthode de calcul de la peine pour que les récidivistes libérés sous condition qui commettent d'autres infractions purgent de plus longues peines d'emprisonnement.

Nous examinons aussi avec les provinces un certain nombre de mesures susceptibles d'améliorer la protection du public contre les contrevenants à haut risque, notamment la possibilité pour les provinces d'invoquer plus fréquemment les dispositions sur les contrevenants dangereux au moment de la condamnation et de la détermination de la peine. Le gouvernement fédéral prendra également des mesures au sujet de la libération des contrevenants à haut risque à la fin de leur période de détention.

La société doit se protéger contre les personnes qui pourraient être dangereuses, et nous travaillons de concert avec les provinces pour trouver une solution qui respecte la Charte.

On étudie aussi des méthodes permettant de coordonner et d'intégrer la correction et la santé mentale. Même si nous sommes en faveur de mesures plus rigoureuses pour les auteurs de violence et d'abus sexuels répétés, il ne faut pas oublier qu'ils


2424

ont besoin de programmes améliorés de réhabilitation pendant qu'ils sont en prison, de façon à réduire les risques qu'ils commettent de nouveaux crimes.

Le gouvernement, conformément à ce qu'il disait dans son livre rouge, met en place diverses mesures pour améliorer le processus de libération conditionnelle. Elles comprendront, notamment, une meilleure formation des membres de la Commission des libérations conditionnelles, des modifications législatives pour intervenir lorsque certains ne font pas leur travail correctement et pour s'assurer que les nominations se font en fonction du mérite, de la compétence et de l'intégrité. Après tout, les membres de la commission font un travail difficile et exigeant, et seules les personnes les mieux qualifiées seront considérées pour les nominations à venir.

Ces dernières années, un nombre relativement limité de cas ayant reçu beaucoup d'attention et concernant des contrevenants à haut risque libérés sous condition ont sapé la confiance du public dans les institutions chargées de protéger la société.

Le solliciteur général essaie de restaurer la confiance du public dans le système des libérations conditionnelles. Je pense que l'engagement que le gouvernement a pris de travailler à mieux protéger le public contre les contrevenants dangereux et à améliorer le système des libérations conditionnelles conduira à des mesures qui rétabliront la confiance.

Un autre exemple est la volonté du gouvernement de s'attaquer à la question de la violence chez les jeunes.

[Français]

Je ne peux évidemment que m'inquiéter devant l'augmentation marquée du nombre de crimes violents commis par des jeunes ces dernières années au Canada. Nous avons tous entendu ou lu des reportages des médias sur les bandes de jeunes et leur comportement criminel. La plupart des incidents se sont produits dans des grandes villes comme Toronto, Montréal et Vancouver, mais les petites collectivités n'ont pas été complètement épargnées.

On ne connaît pas encore réellement l'ampleur et la gravité du problème de la violence et des bandes criminelles chez les jeunes au Canada. D'après des recherches dans le domaine de la justice pénale, le taux de criminalité chez les jeunes Canadiens est en hausse, mais le taux d'homicides et le taux d'infractions graves accompagnées de violence sont demeurés relativement stables.

Le nombre d'accusations pour agressions mineures comme les claques, les coups de poing et les coups de pied a sensiblement augmenté. Cependant, on ne sait trop si cela indique un accroissement réel des actes violents ou si cela signifie simplement que les victimes sont davantage portées à signaler ces agressions à la police ou que celle-ci a davantage tendance à déposer des accusations.

Comprenez bien que je ne cherche nullement à minimiser le problème de la violence chez les jeunes qui est, malheureusement, très préoccupant. En tant que citoyen concerné, je sais à quel point des actes violents peuvent engendrer frayeur et intimidation dans nos collectivités.

Dans son programme en matière de justice et de lutte contre la criminalité, le gouvernement fédéral affirme clairement que l'une de ses priorités sera de prendre des mesures face au taux croissant d'infractions violentes et à la délinquance chez les jeunes. Les Canadiens de tous les âges devraient jouir du droit fondamental d'être en sécurité dans les lieux publics et privés.

[Traduction]

Pour terminer, j'aimerais en venir à la question des droits des victimes. Lorsqu'elle a présenté la motion que nous examinons aujourd'hui, la députée de Surrey-White Rock-South Langley ignorait manifestement qu'en vertu du système de justice pénale actuel, les victimes ont plus de droits qu'elles n'en ont jamais eu dans toute l'histoire du Canada. Les victimes de la criminalité sont à présent officiellement reconnues en tant qu'intervenants légitimes et essentiels dans le processus fédéral de correction et de libération conditionnelle.

(1335)

De ce fait, les victimes peuvent demander et obtenir des renseignements sur un détenu et sur ses chances d'obtenir une libération conditionnelle. Il peut maintenant être tenu compte, dans les audiences de libération conditionnelle, des renseignements fournis par les victimes qui peuvent assister à ces audiences, si la Commission des libérations conditionnelles en décide ainsi. L'accusé ne doit plus donner son consentement.

À part ces changements, les services de police et les tribunaux sont maintenant beaucoup plus sensibilisés aux besoins des victimes, et ce, partout au Canada. Cette sensibilisation se voit dans les directives et les nouvelles politiques de la police, qui montrent que la police comprend les victimes et le traumatisme émotionnel dont elles ont souvent souffert.

Ce sont là des changements positifs dont on avait grandement besoin. Le gouvernement reconnaît aussi que d'autres changements sont nécessaires pour répondre aux besoins des victimes. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, nous n'allons pas agir à la hâte pour ensuite avoir à nous repentir à loisir. Quand le gouvernement apportera des changements au système de justice pénale, ce seront des changements durables qui résisteront à l'épreuve du temps.

L'an dernier, nous avons sillonné tout le pays. Nous avons rencontré des milliers de Canadiens. Nous les avons écoutés et leur avons demandé de s'exprimer. C'est à partir de ce qu'ils nous ont dit que nous avons établi notre plateforme électorale. Nous n'avons pas passé tout ce temps à réfléchir, à consulter et à écouter les Canadiens pour les laisser tomber une fois au pouvoir.

Les Canadiens nous ont dit alors et nous disent aujourd'hui qu'ils veulent une réforme qui soit fondée sur un examen approfondi de toutes les questions, sur la consultation de tous les groupes d'intérêts, ainsi que sur une évaluation calme et rationnelle de tous les faits.

C'est le genre de réforme que nous nous sommes engagés à faire du système de justice pénale et à laquelle nous travaillons au moment même où je m'adresse à la Chambre. C'est le genre de réforme que les Canadiens veulent et méritent. C'est le genre de réforme que va faire ce gouvernement.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, j'ai bien écouté le discours du député. Je trouve cela insultant qu'il nous soupçonne de rechercher une solution rapide.


2425

J'ai ici un article de journal qui relate un incident, une injustice commise à l'égard de M. Howard Gowan, de la région de Swift Current, en Saskatchewan. Il y a 27 ans, celui-ci a été enlevé par la GRC alors qu'il était sur sa ferme et il a été interné au Centre psychiatrique Weyburn où il a subi des électrochocs et de la pharmacothérapie pendant un mois. On l'a libéré après un mois.

Par la suite, le commissaire de la GRC lui a fait parvenir une lettre où il exprimait ses plus sincères regrets, en souhaitant que M. Gowan n'avait pas subi trop d'inconvénients, et où il reconnaissait qu'à proprement parler, l'agent de la GRC avait outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi sur la santé mentale de la Saskatchewan. Cet homme et sa famille s'efforcent depuis 27 ans de se réconcilier avec le système judiciaire, mais sans résultat. Je suis convaincu qu'il trouverait les remarques du député difficiles à comprendre et à accepter.

Les lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants sont évidentes depuis quelques années pour tous ceux qui veulent bien examiner cette loi, mais nous attendons encore certaines mesures qui feraient justement ressortir ces lacunes.

À mon avis, notre système de justice est entouré d'un processus de consultation qui est devenu une sorte d'industrie artisanale et qui cause tout simplement d'énormes retards. Ce sont les libéraux qui ont produit la Loi sur les jeunes contrevenants, mais ce sont les conservateurs qui l'ont promulguée. Où étaient nos chefs de file lorsqu'on a pondu de telles lois? À quel genre de prévoyance et de vision ont-ils fait appel pour produire une loi aussi déficiente?

(1340)

Nous avons abordé, tant à la Chambre qu'en privé avec des députés, la question des demandes de clémence dont j'ai parlé dans cette enceinte et, en privé, avec le ministre de la Justice et là encore, notre système judiciaire semble accuser des retards excessifs.

Que l'on songe aux 30 accusations qui ont été portées contre Alan Eagleson par le système judiciaire américain et qui viennent de faire la une des journaux. Mon analyse de cette affaire révèle que les organismes d'application de la loi, dont la GRC, la police du Grand Toronto et le Barreau du Haut-Canada, c'est-à-dire de l'Ontario, se sont croisés les bras pendant longtemps. Ils n'ont pas donné suite aux plaintes qui avaient été déposées et n'ont rien fait jusqu'à ce que le département de la Justice des États-Unis mette son nez dans cette affaire. Ce n'est qu'à ce moment-là que les choses ont commencé à bouger ici.

Cette motion est tout à fait pertinente. Je suis d'ailleurs d'avis que tel est notre rôle. Nous ignorons ce que fait le ministère de la Justice à l'heure actuelle. Tout se passe à huis clos et nous sera soumis plus tard.

En présentant cette motion, nous espérons faire pression sur le gouvernement et l'obliger à rendre des comptes, ce qui est le rôle des députés de l'opposition. Cette motion est donc tout à fait pertinente.

J'invite le député à exprimer son opinion sur ce que je viens de dire en réponse à son intervention.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, le député a fait des observations intéressantes.

Il devrait savoir que le pourcentage de personnes incarcérées au Canada est moindre qu'aux États-Unis. Ajoutons que le système carcéral coûte 8 milliards de dollars par année. Le député affirme que le système judiciaire américain est meilleur que le nôtre. Or, le nombre d'actes criminels et de meurtres commis aux États-Unis n'est aucunement comparable au nombre d'actes de même nature commis au Canada ou dans tout autre pays du monde civilisé, d'ailleurs.

Je trouve choquant que le député vienne nous dire que les Américains ont un meilleur système judiciaire que le nôtre, alors que les statistiques démontrent qu'il y a plus d'actes criminels commis chaque année dans la seule ville de Detroit que sur l'ensemble du territoire canadien.

Mon collègue ferait bien de vérifier ses faits. Nous siégeons ici depuis quatre mois et diverses initiatives ont déjà été prises. La question est très complexe. Nous avons affaire à des autochtones, à des enfants. Nous traitons toutes sortes de faits et transigeons avec des gens de tous les horizons au Canada. Le problème n'est pas facile à résoudre, je le reconnais. Nous savons qu'il y a des problèmes et que le système comporte des lacunes.

La mesure proposée par le gouvernement vise à combler ces lacunes. C'est pourquoi nous devons pouvoir compter sur la collaboration de l'opposition, mais aussi sur sa compassion. Ce sentiment semble faire défaut au sein du parti d'en face, et en tout cas certainement chez le député qui se dit consterné par la façon dont nous abordons le problème.

[Français]

En conclusion, je trouve que c'est vraiment un affront d'entendre le député de l'opposition nous dire que le système américain est fort supérieur au système que nous avons ici au Canada.

En terminant, je suis convaincu que le plan élaboré dans le livre rouge du gouvernement du Canada rétablira une meilleure sécurité pour tous les Canadiens dans les années à venir.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, aujourd'hui, on en entend de toutes les couleurs. Certains députés de ce côté-ci veulent se séparer alors que d'autres semblent vouloir se faire annexer. Il y a des choses que je ne comprends pas.

Toujours est-il que depuis le matin on discute de cette motion du Parti réformiste et on a parlé à plusieurs reprises au cours des interventions de la Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais savoir de la part du député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine quel article de la Charte canadienne des droits et


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libertés protège les droits des victimes, et s'il y a un équilibre entre les droits des victimes et ceux de l'inculpé.

(1345)

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je ne suis pas en mesure de vous parler des dispositions de la Charte des droits et libertés, mais je suis ici pour confirmer aux députés l'intention du gouvernement de se préoccuper d'une situation plutôt délicate.

On sait que le taux de criminalité est à la hausse au Canada. Une motion a été déposée par l'autre opposition, qui demande tout un changement dans la façon dont nous traitons, non seulement les victimes de violence, mais surtout les incarcérés. Je veux simplement lui rappeler que le but du gouvernement, et je suis sûr que le député va applaudir à cela, c'est de s'associer à un meilleur équilibre du système pénal et du système de justice que nous avons au Canada.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, la motion déposée par la députée de Surrey-White Rock-South Langley, au nom du Parti réformiste, réunit en quelques mots et dans une phrase suggestive toute la hantise d'une société manipulée par une certaine presse.

Ce qui me choque dans une telle intervention, c'est qu'elle est un exemple parfait de désinformation. Quand on cherche à récupérer le ressentiment populaire, on le cultive de cette façon. La motion que nous débattons n'est rien d'autre que l'expression des cauchemars chimériques d'une extrême droite coupée de la réalité. J'ose espérer que la députée ne se fait pas une idée des malheurs de la société en n'écoutant que la rumeur publique.

La motion nous invite à blâmer le gouvernement sur deux plans: d'abord pour son oisiveté présumée dans la réforme du système judiciaire criminel, et ensuite parce que ses lois pénales favoriseraient les droits des criminels au préjudice des droits des victimes.

Chaque mot, chaque idée, chaque affirmation gratuite de cette courte motion soulève d'innombrables questions. On nous propose un mélange inégalé de toutes les idées réactionnaires reçues. Quant à se laisser aller, on pourrait aussi bien blâmer le gouvernement pour l'hiver abominable que nous venons de traverser. Après tout, les libéraux ont été élus en automne. . .

Une voix: Et ce n'est pas terminé!

Mme Venne: Et comme le dit notre collègue, l'hiver n'est pas encore terminé.

Selon cette motion, il faudrait réformer l'ensemble du système judiciaire criminel. Le Parti réformiste sait-il au moins pourquoi? A-t-il des propositions de rechange? Qu'a-t-il à reprocher au système? Nous avons tous des griefs sur l'administration judiciaire. Mais c'est une chose de dire qu'elle est imparfaite, c'en est une autre d'affirmer qu'il faut la réformer dans son ensemble sans proposer d'alternative.

Le Parti réformiste veut-il changer les lois pénales et le Code criminel? Veut-il modifier les pouvoirs du ministre de la Justice, des juges, des avocats? Est-il mécontent de la procédure des procès? Veut-il supprimer la présomption d'innocence? Quel est son propos, monsieur le Président? Nous ne le savons pas, et je me demande si le Parti réformiste peut avancer une seule idée constructive là-dessus?

D'autre part, si je comprends bien cette intervention, elle soulève tout le problème de l'opposition des droits des criminels à ceux de leurs victimes. Encore là, le Parti réformiste se fait l'écho de la rumeur publique. Je crois que cette Chambre devrait lui rappeler certaines réalités et lui expliquer certains principes centenaires de notre droit criminel. Pour le meilleur et pour le pire, depuis la Magna Carta, le Canada et les États-Unis et l'ensemble des démocraties de droit britannique ont inscrit certaines règles indélébiles et incontournables dans leurs lois et dans leurs moeurs judiciaires.

Le Parti réformiste a beau jeu de blâmer le gouvernement pour cinq siècles de jurisprudence occidentale. Cela fait bien devant ceux qui écoutent les réformistes avec complaisance, mais ils ne font ainsi que la démonstration d'une ignorance cultivée jusqu'à la démagogie.

(1350)

La présomption d'innocence, pour commencer par cette règle absolue de notre droit, favorise et favorisera encore malheureusement pour des siècles à venir tous les criminels de la société. Notre droit impose au bras policier de l'État de prouver la culpabilité criminelle d'un accusé, hors de tout doute raisonnable. Le Parti réformiste n'y peut rien. C'est la base de notre droit criminel. Heureusement, cette même règle de droit sauvera l'honnête citoyen, accablé par l'État.

Qui dit règle de droit, dit également procédure d'équité pour tout accusé. Notre société civilisée n'admet pas le lynchage. Dans certaines parties d'Amérique, à une certaine époque, on pendait sans procès dès que des soupçons pesaient sur un individu. L'esprit de vengeance de la populace, qui voulait un coupable à tout prix, se transformait en meurtre. Pour ces sociétés, la présomption d'innocence, le doute raisonnable, l'équité procédurale et le droit à une défense pleine et entière étaient des concepts aussi éloignés que la téléphonie cellulaire. Parfois je me demande, devant une intervention du genre de la motion que nous débattons, si ceux qui la font savent que nous en sommes à l'ère du téléphone cellulaire.

Le droit à un procès juste et équitable est inscrit dans la Charte des droits et libertés. Si le Parti réformiste veut proposer le rappel du document constitutionnel fondamental du pays, qu'il le fasse ouvertement et nous aurons un beau débat de société. Je ne suis pas certaine que les Canadiens sont prêts à déchirer ce texte, qui sert de fondement social universel. Combien de citoyens suivraient le Parti réformiste dans une croisade contre la Charte. Je pense que tous les fidèles de cette nouvelle religion pourraient tenir un caucus dans une cabine téléphonique.

Je conviens que notre démocratie paie un prix très élevé pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des libertés démocratiques. Je suis la première choquée devant les abus dont souffre notre système judiciaire, souvent mis en échec par des criminels, qui savent que ses faiblesses sont proportionnelles aux généreux principes qui le guident. Je sais que des meurtriers, des violeurs

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et des fraudeurs s'en tirent parce qu'ils ont su exploiter les règles de droit qui les protègent, comme elles protègent l'ensemble des honnêtes citoyens. Mais le Parti réformiste aurait dû vérifier certaines statistiques, et surtout la plus rassurante. Au pays, sur 10 accusés, 9 plaident coupables ou sont trouvés coupables. Dix p. 100 des accusés sont acquittés, et je suis certaine que s'il se trouve de vrais coupables parmi ceux que la justice libère, la règle de droit aura permis que des innocents échappent à l'injustice. C'est cela la démocratie, monsieur le Président.

Le Parti réformiste aurait dû d'autre part faire certaines distinctions dans sa motion et dans son intervention. Il aurait dû dire aux Canadiens qu'il ne fallait pas confondre le Code criminel avec la Loi sur le système correctionnel. Il aurait pu dire que le Code criminel ne peut pas être plus sévère qu'il ne l'est. Si le juge n'impose pas la sentence maximale prévue par le Code, comme c'est souvent le cas, son jugement est motivé par les circonstances. Chaque affaire devant le tribunal est un cas particulier, et les juges ont une extrême discrétion dans l'imposition d'une sentence à un accusé trouvé coupable.

On ne peut affirmer que le système favorise les criminels à cet égard. La police et les procureurs de la Couronne font leur boulot du mieux qu'ils peuvent, avec les budgets qu'ils ont. Les tribunaux rendent la justice. Ils sont le bras judiciaire du gouvernement. Ils sont et doivent demeurer indépendants. Quand un juge rend jugement, c'est le pouvoir judiciaire qui parle, pas le gouvernement. Voilà une autre réalité souvent oubliée.

Je crois que notre Code criminel est un outil efficace dans la lutte contre le crime. Il sera amendé souvent et encore, suivant les besoins des époques, mais il traduit un consensus social contemporain sur la plupart des comportements répréhensibles.

(1355)

Quand la sentence est rendue, ce n'est plus le système judiciaire mais le Service correctionnel qui s'occupe de l'individu trouvé coupable et condamné à une sentence d'emprisonnement. Je ne sais pas si le Parti réformiste vise le rappel de la Loi sur le Service correctionnel, mais pourquoi pas. Quant à réviser l'ensemble de la législation appliquée par le système judiciaire, mettons tout à l'écart et recommençons avec les idées brillantes d'une extrême droite qui connaît tout ce qui est branché en ligne directe sur Dieu le père.

J'aurais aimé que le Parti réformiste nous tienne un discours éclairé, motivant, inspiré par une réflexion sérieuse sur les déficiences de notre système judiciaire. Mais même lorsqu'elle s'apitoie sur le sort des victimes, la députée qui a déposé la motion véhicule des lieux communs. Elle aurait pu souligner que le Code criminel permet au juge d'ordonner à l'individu coupable d'indemniser sa victime. Il peut le faire sur la sentence même, par un jugement qui comdamne les coupables à rembourser à la victime la valeur des dommages matériels subis. Il peut aussi le faire dans une ordonnance de probation qui ordonne au coupable d'indemniser sa victime pour les blessures corporelles infligées. Ces pouvoirs existent, sont dans la loi. Nous ne pouvons qu'encourager le système à les utiliser.

Monsieur le Président, est-ce que j'ai le temps de continuer?

Le Président: Vous disposez encore d'au moins une minute.

Mme Venne: Merci monsieur le Président. Je n'aurai pas le temps de terminer, mais je vais quand même poursuivre. J'aurais aimé que le discours du Parti réformiste soit objectif. J'aurais aimé que ce discours ne vise pas seulement qu'à récupérer l'insatisfaction populaire, elle-même provoquée, nourrie et entretenue par des médias motivés par l'appât d'un public facile. À tort ou à raison, le public perçoit négativement la protection qu'accordent les tribunaux aux victimes d'actes criminels. Il est facile de faire des longueurs sur le ressentiment populaire, mais nous manquons à notre devoir de représentants du peuple quand nous nous servons de cette insatisfaction à des fins purement politiques.

Quand ils parlent des victimes, pourquoi les députés du Parti réformiste ne disent-ils pas que les tribunaux criminels n'ont pas pour fonction de compenser les victimes mais qu'ils sont là d'abord pour punir les coupables selon les règles de droit applicables.

Monsieur le Président, vous avez l'air de vouloir vous lever.

Le Président: Comme il est 14 heures, madame la députée, peut-être pourriez-vous continuer après la période des questions orales.

Conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations des députés conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


2427

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE HARCÈLEMENT SEXUEL

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest): Monsieur le Président, la Semaine internationale de la femme de 1994 est maintenant passée à l'histoire. La tragique vérité, c'est que la violence qui a bouleversé la vie de plus de la moitié des Canadiennes est encore parmi nous.

L'une des formes de violence exercée contre les Canadiennes est le harcèlement sexuel. Même si 37 p. 100 des femmes sont victimes de harcèlement sexuel, moins de 40 p. 100 d'entre elles font quelque chose pour que cela cesse, parce qu'elles croient qu'elles n'ont aucun recours.

Un sondage effectué au sein des Forces canadiennes révèle les mêmes statistiques alarmantes.


2428

Le harcèlement sexuel est une conséquence de l'iniquité salariale dont les femmes sont victimes, et c'est aussi un facteur qui contribue à la perpétuer. Comme d'autres employeurs, le gouvernement fédéral a l'obligation légale de garantir aux femmes un lieu de travail où le harcèlement sexuel n'existe pas. Pourtant, je continue à recevoir des plaintes de victimes de harcèlement, qui sont souvent doublement victimes quand elles tentent de réagir.

C'est pourquoi je demande instamment aux ministres de voir à ce que les bureaux de leur ministère soient un lieu où la tolérance zéro n'est pas seulement un engagement, mais un fait.

* * *

[Français]

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, en ce 17 mars, fête de la Saint-Patrick, il me fait plaisir de rendre hommage à tous nos compatriotes d'origine irlandaise pour la contribution exceptionnelle qu'ils ont apportée au développement du Québec et du Canada.

Dans ma circonscription de Bellechasse, le sanctuaire de la Grosse-Île, qui fut pendant longtemps une station de quarantaine, où séjournèrent des milliers de familles irlandaises ayant fui la misère de leur pays, témoigne encore aujourd'hui du courage et de la détermination de nos compatriotes irlandais.

(1400)

[Traduction]

Je tiens à transmettre mes meilleurs voeux à mes amis et voisins irlandais qui vivent dans ma circonscription, et à toute la collectivité irlandaise du Québec, en ce jour bien particulier qui nous rappelle nos origines et notre contribution commune au Québec.

Joyeuse fête de la Saint-Patrick.

* * *

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, hier soir le service canadien Newsworld de la Société Radio-Canada a interrompu son programme habituel pendant une demi-heure pour diffuser un bulletin d'urgence. Ce reportage spécial provenait de la salle du tribunal à Portland, en Oregon, aux États-Unis.

Le but du reportage spécial était de présenter Tonya Harding au moment où elle a plaidé coupable dans le roman-feuilleton à l'Américaine de Tonya contre Nancy. La saga Tonya-Nancy s'est répercutée sur tous les reportages télévisés des derniers Jeux olympiques et elle a accaparé la télévision américaine pendant des semaines.

Les Canadiens versent 1,1 million de dollars chaque année à la SRC pour l'aider à protéger tout ce qui est bon et Canadien. Pourquoi la société suit-elle instinctivement et instantanément les réseaux américains qui sont si friands de ces histoires à sensations?

Les Canadiens s'attendent à mieux que cela de la Société Radio-Canada; après tout, il s'agit de leurs impôts.

* * *

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, je vois au trèfle que vous arborez que vous savez que nous célébrons aujourd'hui, en ce 17 mars, la Saint-Patrick.

Nous avons parmi nous, à la Chambre, de nombreux députés qui sont fiers de leur origine irlandaise. Il y a les Clancy, Collins et Galloway, les McGuire, Murphy et Shaughnessy, les Tobin, Torsney et Whelan, les O'Brien, O'Reilly et même Sergi O'Marchi.

Monsieur le Président, tout autour de nous, de la harpe irlandaise et des trèfles qui apparaissent sur les armoiries du Canada au-dessus de votre fauteuil jusqu'au merveilleux plafond de la Chambre des communes, recouvert d'une magnifique toile peinte à la main, nous rappelle l'énorme contribution de la culture irlandaise au Canada.

Au nom de tous les députés, je voudrais souhaiter une bonne Saint-Patrick à tous les Canadiens et, en particulier, à nos concitoyens de souche irlandaise.

* * *

[Français]

LE RACISME

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, lundi, le 21 mars, est la Journée internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Depuis 1989, la ville de Montréal, en collaboration avec les gouvernements provincial et fédéral, organise un événement pour souligner cette journée importante et j'aimerais les applaudir pour cette initiative.

Je demande à tous mes collègues de cette Chambre de participer aux événements organisés dans leurs comtés pour souligner l'importance de cette journée et de multiplier les efforts pour combattre le racisme et la discrimination.

J'aimerais rappeler aux députés les paroles de Martin Luther King et je cite: «Je rêve qu'un jour, garçons et filles de race noire marchent main dans la main avec leurs camarades blancs. Je rêve qu'un jour, toute forme d'injustice disparaisse sur la terre pour le plus grand bien de tous les êtres vivants sur cette planète. Ce jour-là, nous pourrons tous enfin espérer l'arrivée prochaine de la liberté.»

[Traduction]

Je rêve que mes enfants vivent un jour dans un pays où ils ne seront pas jugés par la couleur de leur peau, mais par la force de leur caractère.

Unissons nos efforts pour réaliser ce rêve.


2429

LES CANADIENS D'ORIGINE IRLANDAISE

M. Nick Discepola (Vaudreuil): Monsieur le Président, en ce jour très spécial, je tiens, moi aussi, à rendre hommage à tous les Canadiens d'origine irlandaise et en particulier à ceux de ma circonscription.

Je veux rendre hommage tout d'abord à l'Irlandaise qui est mon épouse depuis 22 ans, Mary Alice, et dont la contribution, comme celle de beaucoup d'autres épouses et mères de famille dévouées, est souvent tenue pour acquise. Elle s'est dévouée sans compter pour notre famille et, sans son dévouement, je n'aurais pas l'honneur de siéger ici aujourd'hui.

Je veux rendre hommage aussi à un ami de longue date et un Irlandais combatif de ma circonscription, que les habitants de Kirkland-qui est au nombre des dix villes où il fait le mieux vivre au Canada-ont choisi comme leur sixième maire. Il est le premier Irlandais à avoir jamais été élu à ce poste. Je souhaite à M. John Meaney et à son épouse, Evelyn, qui servent la collectivité avec fierté, amour et dévouement depuis 23 ans, toute la chance des Irlandais pour relever le défi qui se pose à John en devenant le premier magistrat de Kirkland.

M. Meaney aura la difficile tâche de suivre les minuscules traces d'un collègue et ancien maire, Nick O'Discepola. Je suis sûr qu'il fera énormément progresser la ville de Kirkland.

* * *

(1405)

[Français]

LE GLOBE AND MAIL

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Monsieur le Président, on pouvait lire hier dans le Globe and Mail un article à sensation indigne d'un quotidien sérieux. En page 1 de son cahier économique, le Globe liait l'explosion d'une bombe artisanale au pied d'un pylone d'Hydro-Québec avec la baisse du dollar canadien.

Le Globe en profitait également pour entretenir les peurs de ses lecteurs en brandissant la menace des «méchants séparatistes» du Québec.

Le dollar canadien qui a perdu près de 4 p. 100 de sa valeur depuis janvier est soumis à tout un arsenal de facteurs dont l'état lamentable des finances publiques n'est certes pas l'un des moins importants.

Pour le bénéfice de cette Chambre, j'aimerais respectueusement faire remarquer au Globe and Mail que le dollar canadien clôturait hier à la hausse, malgré la découverte de nombreux attentats contre les équipements de l'Hydro-Québec.

[Traduction]

LES POMICULTEURS

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, la circonscription d'Okanagan-Similkameen-Merritt que je représente est connue dans le monde entier pour ses pommes rouges Delicious.

Cette industrie est également une grande source d'emplois pour la région. Dernièrement, les pomiculteurs ont vu planer sur eux la menace d'un dumping, c'est-à-dire que les pommes seraient vendues au Canada à un prix inférieur au coût de production des pomiculteurs américains. Cette situation ne concerne pas seulement les pomiculteurs de la vallée de l'Okanagan, mais également l'ensemble des pomiculteurs canadiens.

Si l'on ne fait pas respecter les dispositions commerciales justes qui sont prévues dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, nos pomiculteurs seront bientôt forcés de se retirer des affaires.

Au nom des producteurs de pommes de ma circonscription, j'exhorte le gouvernement à agir immédiatement pour protéger les pomiculteurs canadiens avant que des torts irréparables ne soient causés à cet important secteur.

* * *

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

M. John Harvard (Winnipeg St. James): Monsieur le Président, je suis préoccupé par la question de l'attribution des prestations de survivant du Régime de pensions du Canada.

Pour être admissible à ces prestations, il faut être un conjoint survivant de droit ou de fait. Le conjoint de fait doit avoir vécu dans les liens du mariage pendant au moins un an. Voilà qui est sujet à controverse! Il arrive souvent que le conjoint de fait touche toutes les prestations de survivant après une courte union. Par contre, le conjoint de droit qui a été marié beaucoup plus longtemps peut ne rien toucher du tout. Ce n'est pas juste! Le gouvernement a déjà établi le principe du partage des droits à la retraite.

En effet, en 1978, on a introduit dans le Régime de pensions du Canada des dispositions qui prévoient le partage des droits à la retraite en cas de divorce ou d'annulation. En 1987, on a ajouté le cas de la rupture du mariage par suite de la séparation.

J'exhorte le gouvernement à étendre aux conjoints de droit le principe du partage des droits à la retraite. Ce qui vaut pour l'un vaut aussi pour l'autre!

* * *

LE PRIX JEANNE SAUVÉ

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est): Monsieur le Président, en juin 1993, le ministère du Patrimoine canadien a créé le prix Jeanne Sauvé pour les femmes en communications, à la mémoire de l'ancien gouverneur général du Canada, qui a connu une longue et distinguée carrière dans les médias et dans la politique sur la scène fédérale.


2430

[Français]

Le prix offre aux lauréates la possibilité d'effectuer un stage de trois mois au ministère du Patrimoine canadien et d'acquérir ainsi des connaissances de premier plan sur la façon dont sont élaborées les politiques et la législation du gouvernement fédéral. Il est administré en collaboration avec l'Association canadienne des femmes en radiotélévision.

[Traduction]

Au nom du ministère du Patrimoine canadienne, je félicite Susan Brinton, directrice des Affaires commerciales à Canwest Global, et Kirsten Embree, directrice des Questions de réglementation à Unitel, qui sont lauréates du prix Jeanne Sauvé.

[Français]

Je leur souhaite la plus cordiale des bienvenues et j'ose espérer que leur séjour sera profitable et formateur.

* * *

L'INDUSTRIE DE L'ALUMINIUM

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, comme député de Jonquière, je veux informer la Chambre qu'un Comité des travailleurs et travailleuses de l'aluminium mis à pied par l'Alcan a été formé et qu'il compte 500 membres. Ce comité s'est adressé au premier ministre pour lui faire part de sa déception concernant le peu d'intérêt que le gouvernement libéral semble accorder à la situation des chômeurs dans le secteur de l'aluminium.

Ces chômeurs réclament des investissements de l'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean en échange du privilège qu'elle a d'utiliser l'énergie hydroélectrique de nos rivières. De plus, ils demandent que des mesures soient prises afin d'encourager la création d'emploi par une limitation des heures de travail supplémentaires.

Ces travailleurs dénoncent l'aide accordée par le Canada pour la construction ou la modernisation d'alumineries en Afrique du Sud et en Russie alors qu'ils sont victimes de mises à pied. Le Comité des travailleurs réclame donc du gouvernement des politiques cohérentes en matière d'économie et d'emploi.

* * *

(1410)

[Traduction]

LES DÉPUTÉS

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, ce qui semble se passer à la Chambre est des plus inquiétants.

J'estime que, comme moi, des millions de Canadiens sont vivement préoccupés par le fait que certains députés d'en face tentent de miner, voire de détruire les principes sur lesquels repose cette institution.

Il en découle que les idées, les échanges honnêtes et vigoureux et les débats sont réprimés par certains députés d'en face qui traitent leurs adversaires de racistes, de péquenauds, de fanatiques et de sectaires.

Certains députés d'en face ont pris l'habitude de proférer des insultes lorsqu'ils sont à la Chambre ou d'amplifier leurs commentaires devant les médias lorsqu'ils sont ailleurs.

Les Canadiens veulent savoir pourquoi le premier ministre tolère une telle conduite. Croit-il réellement qu'il s'agisse là de libéralisme? Pense-t-il que cela s'appelle de la démocratie?

* * *

LA FÊTE DE LA SAINT-PATRICK

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants): Monsieur le Président, aujourd'hui, des millions de gens dans le monde célèbrent la Saint-Patrick. C'est une journée où nos pensées se tournent vers notre foi et vers notre trèfle, une journée où nous portons du vert.

Pour moi, c'est un jour très spécial. C'est l'occasion de méditer sur mon héritage et sur l'important rôle qu'ont joué nos ancêtres irlandais au Canada, c'est l'occasion de les célébrer.

Les Irlandais-les miens et tous les Irlandais au Canada-ont grandement contribué à maintenir l'unité de ce pays.

Au milieu du XIXe siècle, des milliers d'immigrants irlandais, fuyant la famine et la pauvreté, sont venus s'établir au Canada en quête d'une vie meilleure. Nombre d'entre eux se sont établis en Nouvelle-Écosse et dans la vallée de l'Annapolis. Ils ont contribué à faire du Canada le pays très spécial qu'il est aujourd'hui.

Pour reprendre un célèbre dicton, c'est par un jour comme celui-ci qu'on se rend compte qu'il existe seulement deux catégories de gens dans le monde, ceux qui sont Irlandais et ceux qui souhaiteraient l'être.

* * *

L'AFRIQUE DU SUD

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park): Monsieur le Président, il y a deux ans aujourd'hui, l'Afrique du Sud a pris la décision audacieuse de mettre fin au régime d'apartheid et de s'engager dans la voie de la démocratie.

En tant que Canadiens, nous sommes fiers de ce que notre pays a toujours joué un rôle de chef de file sur la scène internationale lorsqu'il s'est agi de promouvoir le changement en Afrique du Sud. Nous pouvons aussi être fiers du fait que notre pays va encore prêter main forte à l'Afrique du Sud, où des élections nationales doivent avoir lieu le 26 avril.

La secrétaire d'État chargée de l'Amérique latine et de l'Afrique va se rendre en Afrique du Sud à la tête d'une délégation qui sera chargée d'observer les élections afin de veiller à la tenue d'un vote libre et équitable.

2431

J'adresse à la délégation canadienne tous mes voeux de succès et j'espère que l'Afrique du Sud oubliera un moment la violence pour prendre part au processus démocratique dans l'intérêt de la paix.

* * *

LE COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGRO-ALIMENTAIRE

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk): Monsieur le Président, je voudrais féliciter les députés de tous les partis représentés à la Chambre qui se sont réunis, cette semaine, pour former un comité de l'agriculture.

Ce comité, que je préside, se penche sur la question très importante de la somatotropine bovine, communément appelée la BST. Les points de vue sur cette question sont partagés. Cependant, pour la première fois depuis que je siège à la Chambre, j'ai vu un comité ne pas se laisser aveugler par la discipline de parti et présenter au gouvernement ce que je considère comme des recommandations très valables.

Comme vous le savez, monsieur le Président, le Règlement de la Chambre a été modifié pour que tous les comités puissent avoir davantage leur mot à dire dans leurs travaux et dans l'établissement de leur calendrier et pour qu'ils puissent aussi avoir plus de pouvoirs et présenter des recommandations plus fermes au gouvernement.

Je remercie le premier ministre et les chefs des différents partis d'avoir accru les pouvoirs des députés, par l'entremise des comités, et d'avoir permis une meilleure collaboration à la Chambre.

* * *

LES ALLOCATIONS D'ENTRETIEN DES ENFANTS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, voici revenu le temps de l'impôt. Je voudrais demander au ministre des Finances de modifier les lois concernant l'imposition des allocations versées pour l'entretien des enfants.

Joan, une femme de ma circonscription, Fraser Valley-Ouest, est sur le point de perdre sa maison parce qu'elle doit payer, cette année, 1 300 $ d'impôts sur l'allocation que lui verse son ex-mari pour l'entretien de ses enfants. Joan ne gagne que 9 800 $ par année et reçoit une allocation de 12 000 $ pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle doit déclarer cette allocation comme revenu imposable tandis que son ex-mari, qui a déjà payé l'impôt sur ce montant, le déduit de son revenu imposable.

Joan dit que le gouvernement enlève littéralement la nourriture de la bouche de ses enfants et qu'elle devra vendre sa maison pour pouvoir payer ses impôts. Comme elle et les milliers d'autres femmes qui sont chefs de famille, j'estime que ce n'est vraiment pas juste!


2431

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Dans une déclararation surprenante, le ministre des Affaires étrangères annonce que le Canada n'entend plus désormais faire du respect des droits de la personne une condition à l'attribution de l'aide canadienne à l'étranger. Ce faisant, le gouvernement met de côté une politique qui a été annoncée en 1991, au Zimbabwe, lors d'un sommet du Commonwealth, et confirmée un peu plus tard au Sommet francophone de Dakar, politique qui soumet l'aide internationale du Canada au respect des droits de la personne.

Faut-il comprendre de sa déclaration, que le gouvernement, dans un brusque changement de cap, entend désormais faire passer la «business» avant tout, y compris en fermant délibérément les yeux sur la violation systématique des droits de la personne dans les pays dictatoriaux, dans le seul but de développer les échanges commerciaux avec ce genre de pays?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, il est évident que le gouvernement canadien n'a pas l'intention de fermer les yeux sur les violations des droits de la personne qui peuvent se produire dans plusieurs pays du monde.

Dans le discours que j'ai prononcé en Chambre, et le chef de l'opposition était présent, j'ai très bien exprimé le désir de poursuivre, mais d'une façon différente, nos objectifs, pour amener les pays du monde à respecter les droits les plus élémentaires des citoyens. Ce que j'ai également dit, c'est qu'il n'était ni sage ni approprié de couper nos relations commerciales avec des pays qui ne partagent pas les mêmes objectifs démocratiques que nous.

Le chef de l'opposition sait très bien qu'il y a un chômage important, qu'il doit être combattu, que la priorité de notre gouvernement est la relance économique et la création de l'emploi et que, par conséquent, une partie de ce programme de relance économique repose sur une multiplication de nos efforts au point de vue du commerce international.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le problème, ce n'est pas le discours du ministre à la Chambre, parce que c'était un excellent discours, qui avait une vision très généreuse de la contribution canadienne au rétablissement d'une sorte d'équilibre entre les pays du Sud et du Nord. Nous avons même louangé le ministre pour sa générosité. Mais le problème, c'est la surprise que nous avons tous eue d'entendre le ministre dire noir en dehors de la Chambre, alors qu'il avait dit blanc ici. En dehors de la Chambre, le ministre a dissocié la question des droits de l'homme de la politique d'échanges commerciaux du Canada.


2432

Alors je demande au ministre s'il reconnaît que cette nouvelle politique, qu'il a définie en dehors de la Chambre-parce qu'il y en a deux, une pour la Chambre, une en dehors-n'aurait pas permis au Canada de contribuer à l'embargo commercial, qui a finalement eu raison de l'apartheid en Afrique du Sud. Et faut-il anticiper un relâchement du Canada à l'égard des sanctions commerciales appliquées contre Haïti pour forcer le retour du président Aristide?

Des voix: Bravo!

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je vois les députés du Bloc qui applaudissent leur chef lorsqu'il parle du désir de maintenir et de soutenir la démarche du président Aristide. Ils savent très bien que le gouvernement multiplie les efforts, afin de permettre au président d'Haïti de rentrer, dans les plus brefs délais, dans son pays. Donc, ma réponse à la question du chef de l'opposition, c'est évident que nous n'allons pas fléchir à cet égard. Nous allons continuer et multiplier nos efforts pour le retour du président Aristide dans son pays.

Quant à l'autre partie de sa question, à savoir si ce que j'ai dit en cette Chambre est différent de ce que j'ai dit en dehors de la Chambre, je remercie le chef de l'opposition pour les hommages qu'il me rend pour mon discours en cette Chambre, et je lui rappelle qu'il faut toujours être prudent; il faut toujours vérifier si ce que l'on rapporte dans les journaux, c'est tout ce qui a été dit ou juste une partie de ce qui a été dit.

(1420)

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, après cinq ans en politique, je n'ai jamais nié quoi que ce soit qui ait paru dans les journaux et qu'on m'attribuait comme propos. Je ne suis pas du club de ceux qui démentissent ce que les journaux nous imputent comme déclaration.

Monsieur le Président, il semble y avoir deux politiques, l'une pour les pays pauvres où on viole les droits de l'homme, où l'on est très sévère, l'autre pour les pays riches où on viole les droits de l'homme, où l'on ferme les yeux.

Je voudrais demander au premier ministre s'il ne reconnaît pas que par cette déclaration faite en dehors de la Chambre, le ministre des Affaires étrangères a voulu préparer son voyage en Chine, pays riche, monsieur le Président? Faut-il comprendre que le premier ministre, souhaitant limiter son voyage en Chine au seul aspect commercial, ait voulu éviter de soulever la question des droits de l'homme là-bas, malgré que des dissidents travaillent dans une lutte admirable pour démocratiser la Chine?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion de parler avec le Président de la Chine et chaque fois que le Canada a des relations diplomatiques avec les Chinois, on leur rappelle qu'on n'est pas satisfaits de la situation de la protection des droits de l'homme dans ce pays-là. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne fera pas affaires avec eux.

Si l'honorable chef de l'opposition nous dit de ne rien faire avec la Chine, on va en prendre note. Mais si on refuse de faire affaire avec tous les pays qui ont des régimes politiques qu'on n'aime pas, on ne fera pas affaire avec beaucoup de monde. C'est pourquoi je dois vous dire qu'on note la situation des droits de l'homme, mais on sait aussi qu'il est important, et que peut-être la meilleure façon d'aider à l'amélioration de la situation des droits de l'homme dans des pays comme ceux-là, c'est de faire affaire avec eux, d'ouvrir ces pays au monde. C'est ainsi que la démocratie viendra. C'est exactement ce qui s'est passé avec l'Union soviétique. Lorsque les gens de l'Union Soviétique ont commencé à comprendre que les droits de l'homme et les libertés démocratiques dans le monde occidental ça fonctionnait, le Mur de Berlin est tombé.

* * *

[Traduction]

L'ÉDITION

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

Selon des renseignements obtenus de l'industrie de l'édition, M. Ward Pitfield, qui était responsable du dossier de Ginn Publishing à la CDIC, aurait déclaré en janvier dernier à un avocat de Canada Publishing que la CDIC n'avait pas l'intention de vendre Ginn Publishing. Une semaine plus tard, la CDIC vendait Ginn à Paramount. De plus, M. Pitfield confirmait récemment qu'il n'avait jamais vu de contrat écrit entre la CDIC et Paramount.

Le ministre du Patrimoine canadien sait-il que M. Pitfield, représentant de la CDIC au conseil d'administration de Ginn Publishing, n'a jamais vu de contrat de vente entre la CDIC et Paramount? Le ministre peut-il nous dire si, oui ou non, la transaction a bel et bien été conclue?

[Français]

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je suis sûr que la question de notre collègue de Rimouski-Témiscouata a été posée afin de me faire trembler.

[Traduction]

Mais je continuerai en anglais puisque la députée utilise cette langue officielle.

Bien sûr, je prends bonne note des renseignements, peu importe d'où ils proviennent, et je vais examiner l'affaire.

Selon les renseignements dont je dispose, et que j'ai vérifiés, la CDIC était déterminée à vendre Ginn pour des raisons que j'ai pesées et qui m'apparaissaient légitimes.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, le président de Canada Publishing m'a fait savoir aujourd'hui que sa maison d'édition est prête à acheter un bloc de contrôle dans Ginn Publishing pour le même prix qu'a offert Paramount. Dans ces circonstances, le ministre du Patri-


2433

moine canadien est-il prêt à annuler la vente de Ginn Publishing à Paramount?

(1425)

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, le gouvernement était juridiquement lié depuis un certain temps par un engagement du gouvernement précédent et il devait vendre à Paramount. Il était juridiquement lié.

J'ajouterai que cet engagement a été pris par le gouvernement précédent en janvier 1989, lorsque celui qui est maintenant chef de l'opposition était secrétaire d'État.

* * *

L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Jusqu'à maintenant, le ministre a été incapable de définir comment le gouvernement perçoit la notion de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Il n'a fait que mentionner quelques généralités contenues dans le livre rouge. Quelle que soit la nouvelle forme de gouvernement qui sera négociée avec les autochtones, le ministre peut-il assurer à la Chambre que l'esprit et la lettre de la Charte des droits et libertés seront respectés?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Certainement, monsieur le Président.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je remercie le ministre de nous avoir donné cette assurance.

Comme le ministre le sait, la Charte des droits et libertés garantit à tous-ce qui veut dire aux autochtones, aux non-autochtones, aux réformistes et même au député d'Athabasca-la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression.

Ce serait très malheureux si la Chambre, qui professe un profond respect à l'égard de la Charte, devenait un endroit où quiconque remet en question la politique linguistique est accusé d'être anti-Québec, où quiconque remet en question les niveaux d'immigration est accusé d'être anti-immigrant et où quiconque remet en question une politique autochtone non existante est accusé d'être anti-Indien.

Pourquoi les Canadiens croiraient-ils le ministre au sujet du respect de la Charte s'il traite lui-même de racistes et de «rednecks» les députés qui ne sont pas d'accord avec lui?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, durant toute la campagne électorale et durant les quatre mois que nous avons passés à la Chambre jusqu'à maintenant, nos deux partis ont affiché des philosophies différentes, particulièrement au sujet des groupes à risque, qu'il s'agisse des groupes linguistiques en Ontario-où il y a un demi-million de francophones-des femmes, des autochtones, des groupes ethnoculturels ou de ce dont nous avons parlé hier.

Je ne conteste pas la liberté d'expression. Vous avez le droit de vous exprimer. Toutefois, vous ne pouvez certainement pas contester mon droit de contester ce que vous exprimez.

Le Président: Je prierais le ministre d'adresser ses observations à la présidence.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, le chef du Parti réformiste parle de l'emploi du mot «redneck». Où en a-t-il été question?

Une voix: Où?

M. Irwin: À la Chambre.

Une voix: Qui a utilisé ce mot?

M. Irwin: Qui l'a utilisé? Un député du Parti réformiste, le 27 janvier dernier. Qu'a-t-il dit? Voulez-vous que je vous le cite?

Des voix: Oui.

M. Irwin: «J'ai moi-même été traité de redneck et c'est une étiquette que je porte avec beaucoup de fierté.»

Des voix: Oh, oh!

M. Irwin: Je vois que le député acquiesce. Il le reconnaît. Monsieur le Président, qui suis-je pour mettre en doute une auto-analyse aussi juste présentée à la Chambre, là où le député est libre de dire ce qu'il veut?

(1430)

Des voix: Encore!

Des voix: Bravo!

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Le député de Swift Current-Maple Creek a employé ce mot pour décrire quelqu'un qui ne souscrit pas à la doctrine «politiquement correcte». Le député l'a utilisé pour dénoncer quelqu'un de raciste et d'ignare.

Le ministre s'est excusé d'avoir dit des tenants de la doctrine réformiste qu'ils détestaient les Indiens, il y a quelques semaines. Or, il y a un jour à peine, il a traité un collègue de «redneck». La parole du ministre n'est pas une garantie.

Que fera le ministre de concret pour prouver sa bonne foi? S'excusera-t-il par écrit? Va-t-il, à l'extérieur de la Chambre et en présence du député d'Athabasca, présenter des excuses devant les caméras? Va-t-il démissionner?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je vais dire au chef du Parti réformiste ce que je vais faire. Qu'il commence par dire à ses députés de ne pas faire ce genre de remarques à la Chambre, et je ne les répéterai pas ensuite.


2434

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, le gouvernement justifie le transfert des activités de formation du Collège de Saint-Jean vers celui de Kingston, par la nécessité de faire des économies. Cependant, malheureusement, on ne peut obtenir un seul chiffre crédible. De plus, le premier ministre nous déclarait hier en cette Chambre, et je cite: «Je n'ai pas besoin d'experts ni de dépenser d'argent pour me rendre compte qu'on n'a pas besoin de trois collèges militaires pour 65 000 soldats».

Considérant qu'il en coûtera de toute façon six millions de dollars pour maintenir une bâtisse vide à Saint-Jean et qu'il en coûte beaucoup plus cher pour former des étudiants à Kingston plutôt que de les former à Saint-Jean, et que le projet du premier ministre risque de coûter très cher, le premier ministre ne craint-il pas que tous ces coûts réduisent considérablement les économies projetées par la centralisation de la formation au Collège de Kingston?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, le député a assisté l'autre jour à la réunion du comité permanent où on lui a transmis tous les renseignements disponibles. Il n'était pas satisfait. Il ne pouvait se satisfaire ni des faits exposés sous forme écrite ni des renseignements donnés par le général responsable des services du personnel des Forces canadiennes.

Comme nous voulons vraiment satisfaire le député de Roberval, qui me paraît avoir un blocage, si je peux me permettre ce jeu de mots, je distribuerai plus tard aujourd'hui un état financier détaillé au député ainsi qu'aux membres de la tribune de la presse, dans l'espoir qu'il le lise ce soir et n'ait pas à revenir réclamer plus d'explications demain.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, de deux choses l'une: ou bien le premier ministre et son ministre de la Défense possèdent des chiffres et ils refusent de les donner aux citoyens, de les déposer ici en cette Chambre, ou bien le premier ministre aura pris la décision de fermer le seul collège militaire francophone sur un coup de tête et pour sauver son ministre de la Défense.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'aimerais répondre à cette question. Tout d'abord, je voudrais dire que le Collège militaire de Saint-Jean n'est pas un collège français, mais bilingue, tout comme celui de Kingston. Et pour des gens qui se sont battus contre le bilinguisme au Québec, il me fait plaisir de les entendre dire que l'on voudrait maintenir une institution bilingue au Québec.

Je le répète, nous réalisons des économies importantes. Les États-Unis, avec deux millions de soldats, ont trois collèges militaires; au Canada, nous aurons 65 000 soldats, donc nous avons deux collèges de trop. Nous avons décidé de consolider les deux collèges bilingues, soit ceux de Saint-Jean et de Kingston, en un seul collège, celui de Kingston.

(1435)

Il faut tout de même comprendre que les coupures en matière de défense au Québec, si le député veut être objectif, ont été moins sévères qu'ailleurs. Si j'avais suivi les recommandations de son chef, nous aurions coupé beaucoup plus, mais nous n'avons pas coupé 25 p. 100 du budget de la défense.

* * *

[Traduction]

L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Il devient de plus en plus évident que le ministre ne saisit pas les grandes inquiétudes que suscite la définition de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Il doit savoir qu'il existe des définitions fondamentalement différentes de cette notion, allant de la simple administration municipale à l'absolue souveraineté de l'État-nation.

Le ministre ne comprend-il toujours pas pourquoi tant de Canadiens, aussi bien parmi les autochtones que dans le reste de la société, estiment que nous devons au moins délimiter en termes généraux ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, dans la définition de l'autonomie gouvernementale des autochtones, avant même que le principe ne soit approuvé?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je suis d'accord avec le député. L'autonomie gouvernementale est une question très difficile.

Nous y travaillons en ce moment. Nos consultations portent notamment là-dessus. Comme le député le sait, nous avons prévu un montant de 4 millions de dollars pour les discussions des six prochains mois. Il y aura des modèles évolutifs, sensibles aux particularités culturelles et régionales. Cela viendra.

J'invite le député à faire preuve de patience et à adopter une attitude constructive.

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones est parfois, sinon toujours, une question irritante. Le ministre a montré à maintes reprises qu'il ne peut contenir ses émotions lorsqu'il en parle.

En ma qualité de député élu, j'ai droit au même respect que les députés d'en face, même si je fais valoir un point de vue différent sur les questions abordées à la Chambre.


2435

Si le ministre tient vraiment au bien de toutes les parties en cause, envisagera-t-il de se retirer pour que nous puissions poursuivre sans autre interruption?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, il n'y a qu'une manière de gagner le respect à la Chambre. Il faut le mériter, il faut faire valoir ses opinions et que celles-ci soient respectées par les autres députés.

* * *

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, hier, j'ai demandé au premier ministre s'il était en faveur de l'application d'une nouvelle TPS sur les soins de santé et sur les médicaments. Il a répondu, et je cite: «Toutes les taxes qui sont perçues par le gouvernement vont dans le Fonds du revenu consolidé, et c'est avec cet argent que nous finançons tous les programmes du gouvernement.» En répondant cela, le premier ministre s'est donc laissé toutes les portes ouvertes à cet égard.

Le premier ministre prépare-t-il, oui ou non, la voie à un élargissement de la TPS aux soins de santé et aux médicaments, comme l'ont laissé entendre ses propres députés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, non.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je suis très content, c'est la première fois que j'ai une réponse aussi claire et directe.

Le premier ministre a été très clair sur l'exemption de la nouvelle TPS sur les soins de santé et sur les médicaments. Peut-il prendre le même engagement à l'égard de la nouvelle TPS appliquée aux aliments, car son ministre des Finances, la semaine dernière, a été vague, aussi vague que lui hier.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il n'y aura pas d'ancienne TPS et de nouvelle TPS.

* * *

[Traduction]

LES DÉPUTÉS

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Il est de plus en plus courant à la Chambre de qualifier tout député dérogeant au dogme du langage politiquement correct à Ottawa de raciste, de personne pleine de préjugés, d'ignorant, voire du terme péjoratif de «redneck».

(1440)

Quand le premier ministre avisera-t-il les députés de son parti que les attaques personnelles sont inacceptables? Quand exigera-t-il la démission de ministres ou de secrétaires d'État se rendant coupables de pareilles attaques?

Le Président: J'allais faire une courte déclaration à la fin de la période des questions d'aujourd'hui pour dire à quel point les relations entre les partis étaient bonnes à la Chambre. J'espère faire une courte déclaration en fin de compte.

J'espère que nous continuerons de faire preuve d'une grande civilité et d'un grand respect mutuel dans nos relations à la Chambre, comme c'est le cas dans l'ensemble depuis le début de la présente législature. J'espère que ni les questions ni les réponses n'exacerbent les passions de part et d'autre.

Cela dit, je donne la parole au premier ministre pour qu'il réponde à la question, s'il le veut bien. C'est une question sur un sujet général.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est très difficile pour moi de blâmer le ministre des Affaires indiennes pour avoir cité un député du Parti réformiste.

Ce député a dit qu'il était fier d'être un «redneck». Il l'a dit il y a quelques minutes. Peut-être voudra-t-il se rétracter. Quand à moi, je n'ai jamais utilisé ce terme. J'invite le député d'Edmonton et tout le monde à accepter la diversité qui caractérise notre pays.

Quand j'étais à Edmonton, le premier ministre de l'Alberta a dit, et je savais qu'il s'attirerait des critiques en le disant, qu'il croyait que la politique de bilinguisme était une bonne chose pour le Canada. Pour ma part, je ne veux pas faire des procès d'intentions à ceux qui ne souscrivent pas à cela, mais je suis en politique depuis 30 ans. Le fait d'avoir deux langues officielles au Canada est une bonne chose. Je vois même des progrès puisque certains députés du Parti réformiste ont, semble-t-il, commencé à apprendre le français. Je m'en réjouis.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous faisons appel à la générosité des ministres qui font des remarques qui ne conviennent pas.

Je suis députée fédérale depuis cinq ans, et j'ai entendu des députés ministériels actuels exiger la démission d'autres députés pour des motifs bien moins sérieux quand ils étaient dans l'opposition.

S'il avait écrit une suite à son livre 1984 qu'il aurait intitulée 1994 , je me demande si George Orwell aurait prévu le mouvement du langage politiquement correct qui vise à éliminer non seulement les mots, mais encore les idées et même le débat sur des questions d'actualité.

Quand le gouvernement prévoit-il commencer à remplir ses promesses énoncées dans le livre rouge en réprimandant les ministres et secrétaires d'État qui se livrent à des attaques personnelles contre des députés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est très difficile pour moi de réprimander quelqu'un qui cite dans le hansard un député déclarant qu'il est fier d'être un «redneck».


2436

Quand l'affaire a été soulevée aujourd'hui, il s'est levé et nous a tous salués. Tant que cela sera consigné au compte rendu qu'il est fier d'être un «redneck», je lui rendrai hommage en utilisant ce terme. C'est ce qu'il dit être.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

On apprenait, samedi dernier, qu'un montant prévu de 21,7 millions de dollars servirait, selon le ministre des Affaires indiennes, à l'achat de terres et de diverses propriétés qui serviront d'assise à un futur territoire autochtone de Kanesatake près d'Oka.

Le ministre peut-il nous dire si le montant de 21,7 millions comprend la totalité, et je dis bien la totalité des propriétés non autochtones en bordure de la route 344, à savoir les propriétés de ceux qu'on appelle les «oubliés d'Oka»?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, lorsque j'ai pris le ministère, j'ai constaté que le gouvernement conservateur avait acquis plus de 80 propriétés dans la région que mentionne mon collègue, dont 57 maisons. J'ai eu quatre ou cinq réunions avec le chef des Premières Nations pour l'inciter à prendre cette propriété. Pour le moment, ce n'est pas encore fait. Le chef craint que, s'il prend le contrôle de la propriété, il ne puisse l'administrer convenablement en affectant les maisons selon un système de points.

(1445)

Ce qui s'est produit, c'est que les maisons ont été occupées par des gens qui ne devraient pas y être. C'est un problème de plusieurs millions de dollars. J'essaie de le résoudre, mais tant que ce ne sera pas fait, je ne peux pas aller de l'autre côté de la route 344.

[Français]

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, ce dossier traîne depuis 1990 et rien n'indique que le ministre soit plus pressé que son prédécesseur pour se porter au secours des gens exaspérés d'Oka. Quand le gouvernement fédéral compte-t-il bouger dans ce dossier?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Ce n'est pas exact, monsieur le Président.

Ma première réunion avec la nation Mohawk était à ce sujet. J'y suis allé avec le Grand chef Montour, le Grand chef Ovide Mercredi et ma femme. Nous nous sommes rendus là en voiture pour traiter de cette question précise.

Nous nous sommes rencontrés quatre semaines de suite. Nous n'avons toujours pas de solution, mais nos meilleurs collaborateurs y travaillent et nous essayons de parvenir à une conclusion, car c'est un problème sérieux non seulement pour le député, mais pour moi aussi.

* * *

WALMART

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

L'achat de la société canadienne Woolco par Walmart est un fait accompli. Au fil des ans, il s'est constitué au Canada un réseau de fabricants et de fournisseurs pour desservir les magasins Woolco. Certains d'entre eux habitent la circonscription de Peterborough que je représente.

Le ministre peut-il nous donner l'assurance qu'il va tout faire pour que Walmart n'abandonne pas ces fournisseurs canadiens s'ils démontrent qu'ils peuvent se mesurer à leurs concurrents américains?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je suis en mesure de vous donner cette assurance.

Je signale au député que nous avons obtenu de Walmart un engagement en bonne et due forme en faveur du maintien et de l'expansion du réseau de fournisseurs canadiens. De plus, Walmart s'est engagé à acheter et à vendre plus de livres, magazines et autres produits culturels canadiens dans ses établissements.

J'ai pris l'affaire tellement à coeur que j'ai cru bon de donner un coup de fil à M. Walton. Il m'a confirmé l'importance que revêtaient ces engagements pour nous et pour lui.

Je voudrais citer les propos suivants du directeur général de Walmart, rapportés par le Financial Post en février: «Nous avons l'intention de diriger une société avec du personnel canadien et nous intégrer le plus possible à la culture canadienne.» À mon avis, c'est probablement la formule la plus heureuse que Walmart pouvait emprunter en venant s'installer au Canada.

* * *

L'INSTITUT BOWDEN

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Comme le ministre le sait, l'Institut Bowden est situé dans ma circonscription. J'ai appris récemment que le gouvernement était en train d'agrandir cet établissement en y ajoutant un nouveau complexe de récréation de 745 mètres carrés. Ce complexe doit comprendre une somptueuse salle d'haltérophilie, un nouveau gymnase, des salles de loisirs, des salons de barbier, etc. Il coûtera 675 000 $ aux contribuables.

Étant donné le récent budget, le gouvernement n'estime-t-il pas quelque peu hypocrite d'engager ces dépenses pour ceux qui violent la loi?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, la question du député est importante, mais elle est fort


2437

détaillée et fort technique. Je la prendrai donc en délibéré et lui donnerai une réponse sous peu.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, un grand nombre d'électeurs ont posé cette question et sont très préoccupés par cette affaire. Ils sont d'avis qu'en cette période où ils doivent se serrer la ceinture, il est un peu difficile de comprendre pourquoi on gaspille autant d'argent pour cet établissement.

Le ministre pourrait-il nous assurer qu'on mettra fin à ce gaspillage?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je n'accepte pas l'hypothèse du député qu'il s'agit là nécessairement de gaspillage.

J'examinerai la situation et en ferai rapport au député. Comme nous voulons que l'argent des contribuables soit dépensé de façon raisonnable, ce sera le point de départ de mon examen.

* * *

(1450)

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes. L'expulsion de 143 familles de Kahnawake visées par l'avis du Conseil de bande met en contradiction les principes véhiculés, d'une part, par la Loi sur les indiens et, d'autre part, par la Charte canadienne des droits et libertés. Le ministre québécois responsable des Affaires autochtones, M. Sirros, a recommandé aux autorités fédérales l'émission d'une injonction pour empêcher cette expulsion.

Le ministre des Affaires indiennes entend-il prendre les mesures appropriées pour s'assurer qu'aucune des 143 familles ne soit expulsée du territoire de Kahnawake, et non uniquement les personnes explicitement protégées par l'injonction présentement en vigueur?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, les renseignements que j'ai obtenus hier et que j'ai portés à l'attention du député concernaient l'action principale. Il y a injonction, et elle restera en vigueur jusqu'au moment de l'audience.

Pour ce qui est des personnes en cause, elles ont été informées du fait que si elles se tenaient tranquilles, c'est la bande qui déciderait d'entamer ou non un processus judiciaire. Si elle le fait, les personnes en cause pourront demander le même genre d'injonction.

Que je sache, personne n'est forcé de partir tant que l'affaire n'aura pas été entendue par les tribunaux. Si les tribunaux règlent le problème, très bien. Sinon, nous devrons envisager une mesure législative.

Je ne crois pas que nous devrions nous immiscer dans un processus judiciaire chaque fois qu'un bref est émis. C'est la coutume d'attendre qu'un jugement soit rendu et de prendre alors les dispositions qui s'imposent.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, le gouvernement va-t-il finalement assumer sa double responsabilité, imposée à la fois par la Loi sur les indiens et par la Charte des droits et libertés? Comment entend-il répondre au ministre québécois qui, lui, refuse de négocier sur des bases de discrimination?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Encore une fois, monsieur le Président, il n'y a rien à négocier, rien à légiférer, tant que les tribunaux n'auront pas réglé la question.

Comme je l'ai précisé à plusieurs reprises, il serait inapproprié de ma part de faire des commentaires sur ce processus judiciaire. J'en ferai, bien sûr, sur l'issue.

* * *

LE CANCER DU SEIN

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Il s'agit d'une question que j'ai abordée à la Chambre il y a quelques jours.

Elle a trait au rapport établissant qu'un chercheur de Montréal aurait présenté de faux renseignements dans ses recherches sur le cancer du sein. Chose tout à fait incroyable, il se serait servi de patientes dans une étude sans avoir préalablement obtenu leur consentement. Les conclusions de cette étude auraient été utilisées pour décider du traitement du cancer du sein depuis dix ans.

La ministre peut-elle affirmer aux Canadiennes que les traitements qu'elles reçoivent actuellement sont les plus sûrs et les meilleurs qui soient?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, ce rapport en provenance de Montréal m'a beaucoup ébranlée.

Tout d'abord, je voudrais dire aux Canadiens que le gouvernement n'a jamais financé les recherches de ce médecin. De nombreuses autres études ont prouvé que les soins qui sont administrés ici, au Canada, pour traiter le cancer du sein sont bons et efficaces.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je remercie la ministre de sa réponse. Cela dit, je suis certaine qu'elle approuvera ce que je vais dire ici.

Toutes les Canadiennes trouvent cette situation carrément inacceptable. La communauté médicale était au courant de la chose depuis trois ans. Une fois de plus, les Canadiens se sont fait avoir dans le secteur de la santé.


2438

La ministre va-t-elle faire enquête sur ce grave incident afin de garantir la qualité des soins assurés aux femmes dans notre pays?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, au début de la semaine prochaine, je rencontrerai les responsables du Conseil de recherches médicales qui gère l'utilisation des fonds destinés à la recherche et les résultats de ces recherches.

Je songe sérieusement à établir des lignes directrices sur la production des rapports pour que nous puissions garantir aux Canadiens que seuls les rapports qui sont justes et qui se fondent sur des données et des renseignements exacts sont rendus publics.

* * *

(1455)

L'ENVIRONNEMENT

M. David Iftody (Provencher): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement et concerne le récent déversement de 820 kilogrammes du pesticide Busan-52 dans la rivière Winnipeg par la société Abitibi-Price.

Il a fallu quatre jours avant que la compagnie ne déclare le déversement. Pendant ce temps, 3 000 de mes électeurs de la réserve de la Première Nation Sagkeeng et 3 000 autres dans la région de Pine Falls et Powerview ignoraient qu'ils buvaient peut-être de l'eau contaminée.

Que fait la ministre devant cette négligence intolérable d'Abitibi-Price?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, j'ai rencontré les représentants de la bande qui sont, bien sûr, très inquiets de la négligence d'Abitibi-Price.

Le paragraphe 36(2) du règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers dit très clairement que tout déversement doit être immédiatement déclaré. En l'occurrence, il est intolérable que la compagnie ait attendu quatre jours avant d'aviser les autorités que 828 kilogrammes de ce pesticide avaient été déversés dans une rivière dont les eaux sont utilisées pour la consommation.

Nous enquêtons en collaboration avec les autorités provinciales. Nous prévoyons qu'il y aura une série d'inculpations, d'abord pour ne pas avoir déclaré le déversement et ensuite pour le déversement de substances délétères. Nous ferons savoir au député et aux autres députés intéressés tout rebondissement dans cette affaire.

[Français]

L'AUTOROUTE ÉLECTRONIQUE

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

L'autoroute électronique aura un impact important sur plusieurs aspects de la société tels que la consommation, la vie privée des gens, l'industrie, l'éducation, et j'en passe. On apprend que ce comité chargé de développer la stratégie du gouvernement tiendra ses réunions à huis clos.

Étant donné le caractère stratégique et structurant de l'autoroute électronique pour l'économie, comment le ministre peut-il justifier sa décision de tenir les discussions de ce comité derrière des portes closes?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, nous avons décidé d'avoir un processus consultatif par le biais d'un comité. Le processus sera assez ouvert et tous ceux qui ont des points de vue à exprimer sont invités à les faire connaître. Ils peuvent même utiliser l'adresse d'Internet que nous avons ouverte pour discussion en vue de la préparation de notre politique sur l'autoroute électronique.

Je ne comprends pas pourquoi le député pense qu'un comité est obligé de tenir toutes ses audiences dans une salle ouverte. Si le Bloc désire que les discussions de son caucus se tiennent dans une salle ouverte, on pourra le considérer.

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, j'ai une deuxième question. Pour éviter de trop ressembler aux conservateurs, que le gouvernement a dénoncés à maintes reprises dans le passé, le ministre ne convient-il pas que le gouvernement devrait faire preuve de transparence et associer la population et le Parlement aux travaux de ce comité?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je crois que le député comprend mal ce que nous tentons de faire.

Nous avons formé un comité consultatif. Il ne regroupe pas tous les habitants du pays; par conséquent, certaines personnes en seront forcément exclues. Le processus comporte toutefois de multiples facettes. Les gens peuvent exprimer leur point de vue de diverses façons.

Comme nous l'avons expliqué hier, le comité consultatif acceptera les mémoires ou les exposés de tous ceux qui voudront bien s'adresser à lui. Les rapports seront mis à la disposition du public dès qu'ils seront produits. Et si le président et les membres du comité veulent tenir des audiences publiques, en ce qui me concerne, ils pourront certainement le faire.

Toutefois, nous voulons que le processus soit fonctionnel et peu coûteux et qu'il nous mène à la fin de cette partie de l'élaboration de notre politique aussi rapidement que possible, exactement comme le député le souhaiterait sans aucun doute.


2439

(1500)

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

J'ai demandé hier à la ministre si elle aurait l'obligeance de déposer les lignes directrices concernant l'octroi de contrats de publicité par son ministère. J'aimerais avoir ces lignes directrices le plus tôt possible.

D'ici là, quand il s'agit d'un gros contrat, comme celui qui a été octroyé à McKim Advertising de Winnipeg, la ministre effectue certainement une enquête détaillée au sujet de cette société ou de tout autre adjudicataire éventuel, surtout compte tenu du fait que la direction de l'entreprise a été renouvelée deux semaines avant l'octroi de cet important contrat.

La ministre était-elle personnellement au courant des antécédents politiques du nouveau propriétaire de McKim Advertising lorsqu'elle a signé le nouveau contrat?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, permettez-moi d'expliquer au député ce qu'il en est.

L'agence de publicité McKim s'acquitte de tâches précises pour mon ministère. L'agence a été choisie conformément au régime de concurrence prévu dans la politique des communications du gouvernement et supervisé par le groupe de gestion de la publicité des Services gouvernementaux.

Je rappelle que l'agence a été choisie avant l'entrée en fonction du gouvernement actuel. En attendant l'examen par le gouvernement de la procédure contractuelle applicable aux sociétés de publicité, le ministère de la Santé du Canada a été autorisé à reconduire le contrat de la société McKim pour une période de six mois; il ne s'agit pas d'un gros contrat. Je crois qu'on a parlé hier d'un montant de 185 millions de dollars. Ce montant porte sur l'ensemble de la stratégie relative au tabac. La période de reconduction du contrat est très courte.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de l'honorable David Warner, Président de l'assemblée législative de l'Ontario.

Des voix: Bravo!

Le Président: J'ai reçu avis d'une question de privilège faisant suite à la période des questions. Je l'autorise puisqu'elle se rapporte à la période des questions.

* * *

[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS ORALES

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, en réponse à une question qu'il a faite aujourd'hui, je considère que le secrétaire d'État aux Institutions financières et internationales a porté atteinte à mes privilèges de parlementaire en tentant de m'imputer une responsabilité dans l'inacceptable abdication de son gouvernement contre le géant américain Paramount.

Ce qu'il a laissé entendre est complètement faux. Je n'ai jamais été associé de quelque façon que ce soit à cette affaire. C'est au ministre qu'il appartient de dévoiler le nom de cet anonyme derrière lequel il se réfugie pour justifier l'abdication du gouvernement.

Aucun ministre n'a le droit de faire porter un doute sur moi, alors que le gouvernement connaît le nom du coupable et qu'il le cache.

Monsieur le Président, je vous demande de demander au parlementaire en question d'avoir la décence de retirer ces allégations.

Le Président: Le Président a entendu la période des questions aujourd'hui. Nous avons eu une réponse qui disait, enfin, que peut-être un autre député a fait ceci ou cela à une autre époque.

Je ne sais pas au juste si c'est une question de privilège, ce n'est peut-être qu'un point de débat. Mais si vous voulez bien me permettre de consulter le hansard, je prendrai tout cela en considération. Est-ce d'accord? Très bien.

[Traduction]

On veut soulever une autre question de privilège. Si la question de privilège du député de Swift Current découle de la période des questions, je vais lui permettre de la soulever.

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Merci, monsieur le Président. Il est regrettable qu'il y ait tant de nos vis-à-vis qui ignorent la différence entre railler et dérailler.

Il est également déplorable que le ministre des Affaires indiennes ait essayé, en s'en prenant à mes observations, de détourner l'attention d'une attaque personnelle dont l'un de mes collègues a été victime de sa part.

(1505)

Si le ministre prenait la peine de lire tout mon discours dans le hansard plutôt que d'en tirer quelques extraits seulement, il saurait que je m'en prenais aux gens qui utilisaient le terme «redneck» pour démolir tous ceux qui ne partageaint pas leurs points de vue politiquement corrects. J'ai ensuite défini le terme «redneck» à ma façon, et je m'en tiens à ma définition.

Je demeure un «redneck» en ce sens, ce qui n'a rien à voir avec la connotation insultante que le ministre voulait bien lui donner. . .

Le Président: Il s'agit manifestement encore d'un point de débat et peut-être même d'un motif de grief. Cependant, pour le moment, je ne vois rien qui justifie la question de privilège.

2440

Si je ne m'abuse, c'est au comité que le ministre aurait fait ces déclarations. Je demande donc au député ou aux députés intéressés d'essayer peut-être de régler cette question en premier lieu au comité. Bien entendu, si ce dernier choisit d'en faire rapport à la Chambre, elle devra alors trancher la question.

Chers collègues, j'aimerais ajouter en toute déférence que notre Chambre s'est très bien comportée jusqu'à maintenant et j'encourage tous les députés à continuer d'agir les uns envers les autres comme ils l'ont fait la plupart du temps au cours des quelques mois depuis la reprise de nos travaux. C'est tout à l'honneur du Parlement que nous ayons pu avoir un débat d'aussi bonne qualité. J'espère que ce sera un signe avant-coureur de bonnes relations à l'avenir.

Je crois que le député a raison de se plaindre et je l'invite, ainsi que les autres députés qui se sentent lésés en comité, à s'adresser au président du comité concerné et ils auront alors certains recours.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'aimerais savoir de la part du leader du gouvernement quels seront les travaux pour les prochains jours et la prochaine semaine.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, je remercie le leader de l'opposition à la Chambre de m'avoir posé la question.

Comme nous le savons tous, c'est aujourd'hui une journée d'opposition consacrée à la question du système de justice pénale.

Demain, nous soumettrons à la Chambre le projet de loi C-14, sur le pouvoir d'emprunt. Si nous réussissons à terminer sur cette question, nous passerons au projet de loi C-17, portant sur l'exécution du récent budget, puis au projet de loi C-9, qui a trait à un exposé économique antérieur.

Lundi, la Chambre sera saisie d'une mesure figurant actuellement au Feuilleton des Avis et qui devait être présentée demain, sur les limites des circonscriptions électorales. Quand nous aurons terminé ce programme, nous reviendrons au point où nous en étions sur la liste des mesures prévues pour vendredi.

Mardi est un jour désigné réservé à l'opposition officielle. Comme c'est la dernière journée d'opposition de la période des crédits courante, on mettra aux voix, à la fin de la journée, les motions d'adoption du dernier budget des dépenses supplémentaire et des crédits provisoires, puis les lois de crédits.

À partir de mercredi et pour le reste de la semaine, nous reprendrons la liste de mesures législatives prévues pour lundi. Si les débats sur ces questions progressent bien, nous y ajouterons les projets de loi C-7, réglementant certaines substances, C-11, sur le tabac, C-4, sur les ententes parallèles à l'ALENA, et C-2, sur Revenu Canada.

M. Collenette: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je me demandais si la Chambre consentirait à l'unanimité à ce qu'on revienne aux déclarations de ministres?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


2440

AFFAIRES COURANTES

(1510)

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Madame la Présidente, hier, en réponse à une question posée par l'honorable député de Charlesbourg, et je cite une partie de cette réponse: «. . .je ne pourrai pas faire de commentaires sur la chaîne de commandement ni sur quoi que ce soit concernant le régiment aéroporté du Canada, ni rien dire qu'on puisse interpréter comme une ingérence dans les poursuites judiciaires», j'ai quelques mots à ajouter.

[Traduction]

Je remercie les députés d'en face de m'avoir permis d'ajouter quelques mots à ce que j'ai dit hier à la députée de Charlesbourg.

À la suite de plusieurs incidents survenus après le déploiement en Somalie du groupe tactique du Régiment aéroporté canadien, dans le cadre d'une mission des Nations Unies, les dirigeants des Forces canadiennes ont mené une série d'enquêtes.

La police militaire a commencé à enquêter sur les incidents le 15 avril 1993. Cette enquête a donné lieu à une série d'accusations portées, en vertu de la Loi sur la défense nationale, contre des membres des Forces canadiennes. Ces accusations aboutiront, et dans un cas c''est déjà fait, à un jugement de la cour martiale.

En outre, le 28 avril, l'ancien chef d'état-major de la Défense avait réclamé la mise sur pied d'une commission d'enquête chargée d'évaluer le leadership et la discipline qui étaient appliqués au sein du groupe tactique du Régiment aéroporté canadien, ainsi que sur ses opérations et sur les procédures qu'il suivait. La commission d'enquête a maintenant terminé la première phase de son mandat. La deuxième ne commencera pas tant que le processus disciplinaire en cours ne sera pas terminé.

Les preuves présentées à l'une ou l'autre des cours martiales seront réexaminées par les autorités militaires compétentes, qui décideront des mesures à prendre, au besoin.

2441

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Madame la Présidente, c'est une déclaration qui est un complément de réponse et qui, je pense, ne demande pas une longue intervention de ma part.

J'aimerais simplement dire au ministre de la Défense nationale qu'on aime avoir des compléments de réponse. Celui-ci n'est pas tellement indicatif, il nous explique simplement la façon normale, je dirais, dont les choses vont procéder à compter de maintenant. On voudrait toutefois lui indiquer que mon collègue était extrêmement préoccupé de l'état de la situation négative qui prévalait sur cette base militaire, avec un régiment qui, semble-t-il, a des comportements tout à fait particuliers.

Je voudrais réitérer les préoccupations de mon collègue lors de ce commentaire pour dire au ministre l'importance de faire en sorte que toute la lumière soit faite sur les événements, pour le moins troublants, qui se sont produits sur cette base militaire.

[Traduction]

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Madame la Présidente, tous les Canadiens ont été déçus et déconcertés par l'incident qui s'est produit en Somalie. Nous attendons avec impatience les décisions de la cour martiale.

Nous sommes d'accord avec le gouvernement pour dire qu'il ne convient pas de discuter des détails de la deuxième phase tant que la cour martiale n'aura pas rendu ses jugements et que tous les détails ne seront pas connus.

Nous prendrons dûment connaissance des conclusions de la deuxième phase de l'enquête et nous scruterons encore plus soigneusement les recommandations du ministre et du chef d'état-major pour rectifier la situation et faire en sorte qu'un tel événement ne se reproduise jamais plus.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je désire informer la Chambre que, conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement, la période réservée aux initiatives ministérielles sera prolongée de quatre minutes en raison de la déclaration du ministre.

_____________________________________________


2441

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'honorable députée de Saint-Hubert dispose encore de sept minutes.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Madame la Présidente, je vais donc continuer mes commentaires sur la motion du Parti réformiste. J'en était rendue aux poursuites en dommages et intérêts ou en indemnisations qui relèvent de la juridiction des tribunaux civils.

Plusieurs provinces ont des programmes de compensation des victimes d'acte criminel. Les législations provinciales et fédérales en ces matières ne sont pas encore adéquates, j'en conviens, mais soyons au moins honnêtes dans nos interventions.

(1515)

Nous savons tous que le juge d'un procès criminel n'est pas là pour rendre la sentence qu'aurait voulu entendre la victime.

Je demanderais, madame la Présidente, à mes deux collègues, à ma droite, de peut-être aller à l'arrière pour converser. Merci.

Je disais donc que nous savons tous que le juge d'un procès criminel n'est pas là pour rendre la sentence qu'on aurait voulu entendre, que la victime aurait voulu entendre, mais celle qu'il croit juste et acceptable, selon les normes sociales qu'il apprécie selon les circonstances.

Qu'une victime ou ses proches ne soient pas satisfaits de l'acquittement d'un accusé ou qu'ils soient choqués par la légèreté d'une sentence, cela se comprend. Plusieurs citoyens envisagent le procès criminel comme une revanche légitime sur un voleur ou un agresseur. Ils se croient partie au procès criminel et se voient en accusateurs. Pour ces citoyens, en effet, le procès est un match entre eux et l'accusé. Nous devons corriger cette erreur, nous ne devons pas l'entretenir par des interventions du genre de celle que nous débattons en ce moment.

Nous devons dire aux Canadiens que le système de justice criminelle est accusatoire. D'un côté, le procureur public; de l'autre, un accusé; au milieu, un juge. Et tout ce monde est réuni pour décider si la preuve est concluante sur une accusation portée contre l'accusé.

La victime est un témoin dans le procès, pas une partie. Et je crois que c'est là-dessus qu'il y aurait lieu de suggérer une profonde transformation de l'esprit du Code criminel et de la procédure devant le tribunal. C'est cela que le Parti réformiste doit dire, s'il est sincère dans sa motion.

Ou bien le système demeure tel qu'il a été conçu et les victimes continuent de jouer leur rôle de témoins ordinaires dans le procès, ou bien la victime se constitue elle-même partie aux procédures. C'est cela la vraie problématique: victime-témoin ou victime-partie au procès.

Je suis persuadée que nous ne commencerons pas de véritables discussions sur l'amélioration du sort des victimes devant le tribunal à moins d'avoir fait un choix radical en faveur de l'une ou l'autre de ces deux conceptions de la justice criminelle. En effet, ou bien le procès criminel demeure ce qu'il est, c'est-à-dire une procédure d'enquête judiciaire où l'on dépose une preuve contre l'accusé, qu'un juge ou un jury, après défense, décide de trouver coupable ou d'acquitter.

Dans ce cadre traditionnel, deux parties s'opposent: le ministère public et l'accusé. Chaque partie appelle ses témoins, qui sont en principe totalement étrangers et indépendants dans l'affaire.

Dans ce système, encore, la victime elle-même doit rendre témoignage sur les faits qu'elle a vécus, principalement pour identifier l'accusé comme étant l'auteur des actes criminels subis.

La preuve étant déposée, l'accusé n'est trouvé coupable qu'en l'absence de tout doute raisonnable sur les faits essentiels dont il


2442

est inculpé. C'est cela notre système. Et dans la plupart des cas cela fonctionne, quand la preuve est concluante.

Il y a une alternative à ce système qui a atteint ses limites. On pourrait maintenant permettre à la victime de se constituer partie civile au procès criminel. Si je comprends le sens des préoccupations dont le Parti réformiste se fait l'écho, je crois qu'une telle proposition gagnerait immédiatement l'adhésion d'une majorité de citoyens. Je verrais très bien qu'une victime intervienne activement au procès criminel pour y appuyer l'accusation, soutenir les représentations sur la sentence et demander pleine compensation monétaire pour les dommages matériels et corporels qu'elle a subis.

En France, par exemple, la victime peut se constituer partie civile à de telles fins, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas amender notre législation criminelle pour ouvrir la voie à une présence active de toutes les parties intéressées au procès.

La victime pourrait être représentée par avocat, produire ses propres témoins, interroger et contre-interroger ceux de la Couronne et de la défense, plaider sur la preuve présentée, suggérer la sentence ou participer aux négociations, en quelques mots, participer à tout le processus judiciaire et même porter tout jugement en appel.

(1520)

Le texte de la motion du Parti réformiste n'a été connu qu'en fin d'après-midi, hier. J'aurais apprécié un peu plus de recherches sur le sujet de la motion, mais j'en excuse le Parti réformiste, parce que je crois qu'elle a été improvisée et formulée dans les dernières heures. Nous conviendrons qu'elle n'exprime pas autre chose qu'un vague reproche à l'ensemble du système judiciaire et de la législation qui le soutient.

Je dois cependant avouer que cette motion bâclée nous donne l'occasion de proposer au gouvernement un changement majeur dans l'esprit du droit criminel. Je crois en effet que la victime ne peut être un simple témoin passif et étranger dans les procédures où elle devrait être, comme l'accusé, partie prenante.

Je pense que, si les citoyens ont l'impression que les criminels sont mieux traités que leurs victimes devant les tribunaux, cette perception résulte en grande partie de leur exclusion des procédures.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose): Madame la Présidente, c'est avec grand intérêt que je viens d'écouter le discours de la députée. J'avais hâte de l'entendre. Au début, je pensais que, comme moi, elle venait d'être élue et qu'elle n'était ici que depuis peu. Mais à peine avait-elle commencé son discours que j'ai compris qu'elle n'était probablement pas néophyte car elle utilisait le même langage que les députés qui siègent en cette enceinte depuis longtemps.

Elle a répété, comme bien d'autres avant elle, que tout allait bien, que nous avions un excellent système et qu'aucun changement n'était nécessaire. Puis, passant à la motion dont nous avons saisi la Chambre, elle a fait des déclarations qui n'avaient rien à voir avec cette motion, prétendant qu'on y proposait d'éliminer le droit des criminels à un procès en bonne et due forme.

J'ai beau relire la motion, je ne vois pas ce qui a pu lui donner cette impression. Tout ce que nous disons c'est que, dans un certain nombre de cas, et en fait nous avons la preuve qu'ils sont innombrables, les droits des criminels passent avant ceux des victimes.

J'aimerais poser une question à la députée concernant un exemple que j'ai cité plus tôt. Afin d'avoir l'esprit tranquille, et de pouvoir poursuivre son processus de guérison après avoir été violée à maintes reprises, une Montréalaise a demandé que le violeur soit soumis à un test de dépistage du SIDA pour qu'au moins elle n'ait plus à penser à cela. Le tribunal a décidé que le criminel n'avait pas à donner de spécimen pour déterminer s'il avait le SIDA et a débouté la victime de sa demande.

Si la députée détenait le pouvoir de décision en cette affaire, j'aimerais savoir si elle acquiescerait à la requête de la victime et exigerait que le criminel subisse un test de dépistage du SIDA ou si elle se rangerait à l'avis du tribunal, disant qu'en vertu des droits que lui confère la Charte, il n'a pas à se soumettre à un tel test.

(1525)

[Français]

Mme Venne: Madame la Présidente, nous disons toujours que nous sommes ici comme législateurs, et que nous ne sommes pas ici pour autre chose. Alors, je ne me permettrai pas de prendre la place d'un juge et de dire, selon les faits très sommaires que me rapporte notre collègue, ce que j'aurais fait. Premièrement, il aurait fallu que je prenne connaissance du dossier au complet, comme le juge l'a fait, pour pouvoir rendre un jugement. Je pense que me demander ce que j'aurais fait à la place du juge est tout à fait inapproprié, étant donné que je n'ai pas pu entendre tous les témoins, comme le juge l'a fait à ce moment-là. Je pense que sa demande est tout à fait injustifiée.

D'un autre côté, le commentaire du député va dans le sens que notre système est imparfait, et c'est précisément ce que j'ai dit dans mon discours. S'il ne l'a pas compris, je pense devoir le répéter, car c'est bien ce que j'ai dit, notre système est imparfait et il y a certainement place à amélioration. D'ailleurs, j'ai mentionné une proposition selon laquelle la victime pourrait être dorénavant, non seulement une victime, mais également une partie prenante dans un procès. Je pense que c'était une proposition assez intéressante, enfin, c'est ainsi que je la jugeais, mais ce n'est peut-être pas ce que le député avait compris. Donc, c'est ma réponse au député.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Madame la Présidente, j'ai écouté avec un certain intérêt la première partie des observations de la députée. J'ai été un peu étonnée de l'entendre critiquer la motion dont la Chambre est saisie. Il est question de changer ce qui fait partie du régime canadien depuis des siècles.


2443

Comment se fait-il que, lorsque mon parti propose de changer une chose qui, selon lui, ne fait pas l'affaire, il prête le flanc à la critique, tandis que le parti qu'elle représente remet en question tout le pays, sous prétexte qu'il n'y croit pas? Comment peut-elle nous blâmer de vouloir modifier le régime de justice quand elle-même veut changer le pays même?

[Français]

Mme Venne: Madame la Présidente, si la députée a bien entendu, ce que j'ai critiqué, c'est précisément la motion, qui est très vague, qui fait appel, évidemment, à presque tout ce que n'importe quel petit journal jaune pourrait citer à la une. C'est en ce sens que j'ai dit que cette motion était lancée comme ça, à la va comme je te pousse. C'est un peu comme dire que nous sommes tous pour la vertu et que nous haïssons l'hiver. En fait, c'est un peu dans ce style-là que cette motion a été présentée, et c'est pour cela que j'ai essayé de la débattre d'une façon intelligente et correcte, parce que je trouvais qu'elle était vraiment d'un généralisme incroyable. Alors, c'est pour ça que je l'ai critiquée de la façon dont je l'ai fait.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney (Burlington): Madame la Présidente, j'interviens pour m'opposer à la motion de la députée.

En vue de représenter la circonscription de Burlington, j'ai consacré beaucoup de temps à ces questions au cours de la campagne électorale. Comme les orateurs de ce côté-ci l'ont fait remarquer avec raison, le gouvernement vient à peine de franchir le cap des 100 premiers jours.

Mes électeurs s'inquiètent beaucoup des questions concernant la justice. Ils sont également préoccupés par le crime. Ils demandent au gouvernement de se pencher sur ces questions et d'apporter des modifications qui auront un effet positif sur la société canadienne.

Le gouvernement vient à peine d'entamer ses travaux. En poste depuis à peine 100 jours, nous avons déjà envoyé des signaux clairs, de sorte que le ministre de la Justice et le solliciteur général ont déclaré fermement que ce gouvernement s'était engagé à prendre des mesures pour réformer le régime de justice pénale.

Je parle ici d'une réforme équilibrée et réfléchie, qui tient compte des besoins de protection des Canadiens et de leur foi dans la compassion.

[Français]

Je dois rappeler aux députés que ce gouvernement a déjà livré tous les détails de sa politique sur les questions de crime et de justice. Avant l'élection, nous avons dit ce que nous ferions pour réformer le système de justice criminelle lorsque nous formerions le gouvernement.

(1530)

Cet agenda reflète les attentes que la population canadienne a exprimées. Le Parti libéral a consulté les Canadiens et les Canadiennes et a reçu leur entière approbation.

[Traduction]

Notre parti a décrit de façon très explicite les mesures que nous avions l'intention de prendre dans plusieurs domaines, notamment le traitement accordé aux jeunes contrevenants, la prévention du crime, le contrôle des armes à feu, la prostitution, la détermination de la peine et la réadaptation des délinquants sexuels, la violence faite aux femmes et aux enfants, ainsi que la libération conditionnelle.

D'ailleurs, la longue énumération de tous ces problèmes en dit long. Elle signale la nécessité d'amorcer un processus où l'on tiendrait compte des causes premières de la criminalité et où l'on considérerait la prévention comme un élément clé de toutes les solutions envisagées, au lieu de réagir une fois que le mal est fait.

Contrairement à ce que la députée d'en face voudrait nous faire croire, cela ne signifie pas que, dans les solutions envisagées, nous accordons plus d'importance aux droits des criminels qu'aux épreuves et aux droits des victimes. Ce n'est pas le cas. L'hypothèse plutôt unidimensionnelle de la députée ne résistera pas à un examen serré.

Je le répète, nous avons déjà clairement indiqué notre intention de tenir nos promesses. Le ministre de la Justice et le solliciteur général ont affirmé que, dans ces domaines, les travaux vont bon train. Ces travaux nous permettront de réformer notre système de façon à ce que la protection des victimes d'actes criminels et de la population, aux sens à la fois large et précis du terme, soit l'objectif premier de notre système de justice pénale.

Le ministre de la Justice a mentionné à la Chambre qu'il a l'intention de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Quant au solliciteur général, il a déclaré, à la Chambre et ailleurs, qu'il proposerait des changements à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Je suis ravie de constater que toutes ces questions figurent à l'ordre du jour de la réunion que tiendront, la semaine prochaine, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice et à laquelle participeront le ministre de la Justice et le solliciteur général. Le gouvernement a rappelé son intention de modifier les dispositions concernant la détermination de la peine dans le but d'améliorer le traitement des victimes tout au cours du processus judiciaire.

Les mesures les plus importantes décrites dans notre document sur la criminalité et la justice sont probablement celles qui ont trait à la prévention du crime. Je suis ravie qu'on cherche à éliminer les causes premières de la criminalité. Parmi les criminels canadiens, bon nombre ont connu la pauvreté et l'injustice, bon nombre ont vécu dans un milieu où ils n'ont pas appris à régler leurs différends à l'amiable, un milieu que bien peu de députés connaissent.

Je suis heureuse qu'on mette l'accent sur la création d'un programme national de prévention du crime. C'est probablement dans ce domaine que nous pouvons le plus aider les victimes. Il faut faire tout en notre pouvoir, je crois, pour que le moins de Canadiens possible soient, au départ, victimes de la criminalité.

Les députés d'en face veulent nous faire croire qu'on résoudra le problème avec des solutions simplistes comme celle qui consiste à accroître le taux et la durée des détentions. Ma foi, nous avons déjà l'un des taux de détention les plus élevés au monde. S'il suffisait d'emprisonner les criminels pour mettre fin


2444

à la criminalité, le Canada serait parmi les pays les moins touchés par la criminalité. Je le répète, nous cherchons des solutions qui s'attaquent aux causes mêmes de la criminalité et qui intègrent des stratégies de prévention de la criminalité.

La répression criminelle est depuis toujours le pilier de la prévention de la criminalité, mais il a été démontré qu'elle ne suffit pas. L'expérience montre que, pour être vraiment efficace, la répression criminelle ne doit pas se résumer à emprisonner les gens, mais être intégrée au développement social et être notamment alliée à des programmes sociaux, à l'amélioration de l'enseignement et à la participation de la collectivité à la prévention et à la suppression de la criminalité.

Burlington, dans la région de Halton, a connu beaucoup de succès avec sa stratégie de prévention de la criminalité. Sous la direction du chef de police Harding, Burlington et la région de Halton sont devenues la collectivité la plus sûre de l'Amérique du Nord. Le programme Parents-secours, la participation de la collectivité aux stratégies de résolution des conflits et la collaboration de groupes de soutien, tels les clubs Rotary, nous assureront une démarche concertée de prévention de la criminalité.

Il importe aussi de se rappeler que Burlington a été le théâtre de crimes très sensationnels et que la collectivité en a beaucoup souffert. Deux jeunes femmes de la localité, Nina de Villiers et Leslie Mahaffy, et une autre de la région d'à côté, Kristen French, y ont connu une mort très violente. Un été, nous avons tous été horriblement rappelés à la réalité de la violence dans nos collectivités.

Toutefois, lorsque la seule façon de protéger la population consiste à emprisonner les coupables, notre gouvernement reconnaît qu'il faut le faire.

(1535)

Le solliciteur général a promis d'appliquer des mesures sévères dans le cas des délinquants sexuels qui récidivent et des contrevenants qui posent beaucoup de risques, car ces deux catégories présentent peu d'espoir de réadaptation immédiate. Le secrétaire parlementaire du solliciteur général a énuméré les changements que le ministre va instaurer afin de mieux protéger la société contre ceux qui s'en prennent aux plus vulnérables de ses membres. Il a aussi fait remarquer que le gouvernement n'a pas l'intention d'abandonner tout espoir dans le cas de ces contrevenants.

Certes, on juge si une société est civilisée à la façon dont elle traite ses contrevenants. Les collectivités doivent participer à la réintégration en toute sécurité des contrevenants à la société canadienne. Il faut élargir et améliorer les programmes de réadaptation de telle sorte que les contrevenants qui réintègrent la collectivité aient le moins de chances possible de récidiver. Il nous faut certes davantage de programmes d'aide aux victimes. Notre document sur la criminalité et la justice le montrait nettement. Nous y faisons également état de la nécessité d'accroître notre effort en éducation publique et en recherche sur la justice pénale, sur la récidive, sur la prévention du crime, sur les solutions de remplacement à l'incarcération et sur les services aux victimes.

La violence en milieu familial est un phénomène très grave et cause aussi beaucoup de souffrances. Ce type de violence fait énormément de victimes, directement et indirectement. Je crois que nous payons très cher en ne mettant pas fin à cette violence. Notre gouvernement s'est engagé à faire tout ce qu'il pourrait pour briser le cycle de la violence en milieu familial.

Les statistiques démontrent hors de tout doute qu'il existe un lien entre les abus sexuels commis contre des filles au sein de leur propre famille et la prostitution. Au Canada, beaucoup de prostituées sont toxicomanes et elles sont condamnées à mener une vie très dangereuse tout simplement parce qu'elles ont eu le malheur de naître dans des familles violentes.

Je crois que la motion réformiste est motivée par la peur, et s'il est vrai qu'il nous serait impossible de ne pas tenir compte de la crainte réelle et justifiée de certains Canadiens, nous devons tout de même la tempérer par la raison. En tant que femme, je sais que je peux devenir une victime de deux manières: premièrement, le simple fait d'être une femme m'expose plus que les hommes aux agressions, y compris aux agressions sexuelles, et deuxièmement, la peur du crime m'enlève ma liberté. Comme d'autres groupes vulnérables-enfants et personnes âgées-les femmes doivent en tout temps être conscientes de leur environnement, que ce soit dans la rue, à la maison ou au travail. Nous devons constamment être sur nos gardes. C'est parfois exténuant et toujours injuste.

La députée a parlé des vieilles femmes qui vivent seules et ont peur. Moi aussi je suis très préoccupée par leur sécurité, et pas seulement parce qu'il y a beaucoup de femmes célibataires et de femmes âgées qui habitent seules dans Burlington, mais parce que je sais qu'un jour, moi aussi je serai une de ces femmes. Je suis toutefois encouragée de voir que certaines jeunes femmes lancent des mouvements et organisent des marches comme «Taking back the night». Mon ancienne école secondaire à Hamilton, Cathedral Girls, a organisé une marche de ce genre après la mort de Nina de Villiers.

Je suis également consciente du fait que la pornographie, les cartes de tueurs et parfois les campagnes publicitaires qui présentent les femmes comme des objets, et non comme des personnes qui méritent respect et protection, sont tous des facteurs qui encouragent la violence contre les femmes.

En tant que pays, nous devons nous pencher sur ces questions. Nous devons enseigner à nos jeunes à respecter les autres; nous devons leur inculquer le respect de la personne et le respect du bien d'autrui. Le gouvernement doit jouer le rôle de chef de file à cet égard. Nous devons adopter des lois qui reflètent notre horreur de la violence contre les femmes, les enfants et les personnes âgées. Ce sont là les questions sur lesquelles nous devons nous pencher si nous voulons assurer le respect des droits des victimes. On peut difficilement s'attendre à ce que nous réglions un problème aussi complexe du jour au lendemain. Cependant, on peut s'attendre à ce que nous réfléchissions longuement pour trouver des solutions de portée générale.

Nous reconnaissons, dans notre document sur le crime et la justice, qu'il y a beaucoup de crimes, beaucoup de victimes et beaucoup de causes de ces crimes.


2445

Toute réaction spontanée qui consiste à promettre de l'aide aux victimes est vouée à l'échec. Je reconnais le sentiment d'indignation que le crime cause, particulièrement chez les victimes, mais je m'oppose à ce qu'on offre des solutions simplistes à des problèmes complexes qui ont une relation d'interdépendance dans notre société. Par exemple, on a tort de perpétuer le mythe que tous les criminels sont violents ou que le système fait passer les droits des criminels avant ceux du public.

(1540)

Soutenir qu'il suffit de rendre le système de justice pénale plus sévère, plus dur, plus implacable pour résoudre le problème de la criminalité, c'est offrir des réponses totalement inadéquates et, en dernière analyse, dénuées de sens. Une telle conception nous empêchera d'aller aux racines de la criminalité et de la victimisation et de remédier au problème. Tant que nous affirmons aux gens qu'il existe des solutions faciles, nous ne pouvons pas compter sur leur appui, et la participation à la recherche d'une solution multidimensionnelle à la criminalité sera limitée.

Je concède et je soutiens même que les gens se préoccupent de plus en plus de la criminalité et craignent de plus en plus d'en être victimes. Voilà pourquoi le Parti libéral a pris il y a près d'un an l'initiative sans précédent de se doter d'un plan d'action détaillé en matière de criminalité et de justice. Le gouvernement prévoit appliquer résolument, méthodiquement et systématiquement son plan d'action. J'y prendrai personnellement une part active.

Nous ne voulons pas nous précipiter et faire adopter des lois conçues à la hâte, agissant comme des bombes à fragmentation, et dont les répercussions sont impossibles à évaluer une fois que la poussière est retombée. Ce sont des problèmes cruciaux que le Parlement doit aborder avec précaution et étudier attentivement, et auxquels il doit consacrer un véritable débat. Elles doivent faire l'objet d'un débat public plus large dans les cités, villes et villages, dans les quartiers et souvent même au sein des familles.

À la fin, on nous évaluera d'après nos réalisations, non d'après nos promesses. Nous allons procéder à un rythme modéré à la réalisation de notre plan d'action, lequel, je le rappelle aux députés, reconnaît la nature complexe et les origines de la criminalité, et le besoin correspondant de solutions appropriées.

Les Canadiens attendent des solutions de notre gouvernement, et nous allons leur en donner.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Madame la Présidente, j'ai bien écouté les propos de l'honorable députée, propos très généreux et dont les objectifs sont nobles. Je comprends qu'elle ne fasse pas partie du conseil des ministres, mais j'aimerais qu'elle précise certaines idées qu'elle a émises en ce qui concerne la prévention, et particulièrement chez les jeunes.

En tant que critique de l'opposition en matière de jeunesse, c'est un sujet qui m'intéresse particulièrement. Souvent on décrit les jeunes comme étant des problèmes alors que finalement ce sont nos ressources humaines de l'avenir. Il est très important, je pense, d'avoir des mesures, surtout lors de premières offenses, visant à réhabiliter ces jeunes, afin de mieux les insérer dans notre société et pour qu'ils deviennent des citoyens productifs.

Avant que la députée ne réponde, j'aimerais faire un commentaire. Malgré les propos tenus par l'ensemble du gouvernement, on remarque quand même qu'il y a toute une série de lois qui sont annoncées, dont celle sur les jeunes contrevenants, la prostitution juvénile, etc. Mais chaque fois, pour expliquer pourquoi on ne passe pas à l'action, on souligne les difficultés d'application, même dans les lois existantes. C'est bien beau de suggérer une nouvelle loi, les parlementaires voudront bien collaborer, mais on se rend compte que le gouvernement a des problèmes d'application.

Je reviens donc à ma question: Quelles sont les mesures précises, concrètes, qu'entend prendre le gouvernement dans le domaine de la prévention et de la réhabilitation?

Mme Torsney: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. C'est une question pressante dans ma circonscription et dont je parle souvent en période d'élection.

Je pense qu'il y a un grave problème. On semble dire dans notre comité qu'il y a un problème avec les jeunes, que les jeunes contrevenants sont vraiment dangereux, qu'ils sont d'horribles enfants, qu'ils commettent des meurtres, etc. Ce n'est pas juste, car cela ne s'applique nullement aux jeunes que je connais. Je pense que ce n'est pas correct. On doit traiter de cette notion à notre comité.

(1545)

Il y a un problème avec certains jeunes. Quand un jeune commet une infraction à la loi, on doit reconnaître qu'il y a des conséquences à l'acte posé. On doit comprendre que des lois existent dans notre société, qui doivent être respectées.

Mais on entend souvent des gens dire qu'ils souhaiteraient que les jeunes comparaissent devant une cour pour adultes. J'ai un problème avec cela et je pense que cela est très dangereux. À mon avis, si on envoie un adolescent, un jeune homme à Millhaven, en fonction seulement de l'acte posé et sans tenir compte du délit commis, on ne fait que donner à ce jeune l'occasion de devenir un meilleur criminel. C'est tout simplement horrible, à mon avis. Ce gouvernement a parlé d'apporter des changements à la loi, en a discuté avec les autres ministres de la Justice provinciaux, puisque que ce sont les provinces qui doivent veiller à la réhabilitation des enfants et des jeunes.

On doit faire inscrire dans la loi qu'il y a d'autres jeunes qui sont dangereux, et il doit y avoir une autre approche pour ces jeunes, je pense. On doit avoir des règles précises là-dessus.

Je pense qu'il doit y avoir certains changements au système, en tenant des registres, par exemple, qui accompagnent ces jeunes.

[Traduction]

Je pense que je vais devoir parler en anglais à ce propos, sinon je vais m'attirer des ennuis.

Nous devons changer le système de sorte que l'on conserve un dossier sur les jeunes auteurs d'actes criminels, surtout quand ils sont très dangereux. Nous devons assurer la protection de notre société en veillant à ce que le dossier ne soit pas effacé dans le cas


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de certains jeunes délinquants et à les soumettre à une surveillance plus étroite de sorte qu'ils ne tombent pas dans une forme de criminalité plus grave.

Quant à la prévention de la criminalité, je pense que nous pouvons faire beaucoup grâce à l'éducation. Nous pouvons faire beaucoup en nous attaquant aux racines de la criminalité. J'ai déjà parlé de la violence familiale. Les enfants apprennent la violence à la maison. Ils l'apprennent parfois à la télévision. Ils l'apprennent d'un environnement qui est hostile à beaucoup de membres de nos collectivités. Ils apprennent qu'il est acceptable de traiter les femmes avec violence.

Nous devons tous en assumer la responsabilité et nous devons changer ce système. Nous devons dire aux enfants que ce n'est pas acceptable, qu'on peut résoudre les conflits par la discussion, en trouvant des solutions, en utilisant d'autres méthodes, que ce soit dans la cour de l'école, dans la famille ou avec les autres quand ils seront devenus adultes.

Nous pouvons faire beaucoup comme pays pour améliorer notre société si nous nous attelons à la tâche. Comme collectivité, nous avons accompli des progrès à Burlington sur certains aspects du problème. Je me suis réjouie de certaines des initiatives qu'on a prises dans la région de Burlington et dans celle de Hamilton, des initiatives qui ont mis à contribution les clubs Rotary et les écoliers pour leur apprendre à vivre pacifiquement.

Il nous reste cependant à nous attaquer à ces problèmes.

(1550)

M. Dale Johnston (Wetaskiwin): Madame la Présidente, je crois que la députée n'a pas saisi un aspect de la motion présentée aujourd'hui par le Parti réformiste, celui selon lequel s'il faut soupeser les droits du coupable et ceux de la victime, ceux de la victime devraient toujours avoir préséance.

La députée a parlé de prévention de la criminalité. À mon avis, c'est une excellente idée et c'est exactement l'orientation à prendre à long terme.

Si votre maison est la proie des flammes, je suppose qu'il faut chercher la cause de l'incendie, mais il faut avant tout éteindre le brasier. C'est le genre de situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

Nous avons des problèmes, notamment avec les jeunes contrevenants. La députée approuve-t-elle le fait que, de nos jours, les jeunes contrevenants, en particulier les récidivistes, ne soient pas jugés devant des tribunaux pour adultes? Je sais qu'elle a parlé des tribunaux pour adultes. Soit dit en passant, aucun député réformiste n'approuve l'idée d'incarcérer des jeunes contrevenants dans des établissements comme celui de Millhaven.

La présidente suppléante (Mme Maheu): J'imagine que vous souhaitez que la députée de Burlington réponde. Avec le consentement unanime de la Chambre, je lui laisserai deux ou trois minutes pour répondre si elle le désire.

Des voix: D'accord.

Mme Torsney: Aucune partie de la motion ne m'a échappé, je ne pense pas.

Il y a peut-être certains de nos concitoyens et des députés réformistes qui pensent que la maison est en flammes et que c'est le sauve-qui-peut général. Cette impression est sans fondement.

J'ai entendu des députés prétendre que des tas de gens meurent à droite et à gauche. Pas au Canada. C'est peut-être ce qui se passe aux États-Unis, mais je vais certainement tout faire pour que nous n'en arrivions jamais au même point. La maison n'est pas en feu. Il y a de la fumée dans une des pièces, dans deux peut-être, mais la maison n'est pas la proie des flammes.

Nous devons nous soucier des droits des victimes. Je crois pour ma part que nous devons tenir compte des déclarations des victimes sur les torts qui leur ont été causés. À Burlington, CAVEAT et d'autres groupes se sont intéressés à la question et essaient de trouver des solutions avec le gouvernement.

Je ne crois pas que nous soyons tous en danger à tout moment, et je refuse qu'on propage des idées semblables. Je suis probablement en danger la plupart du temps, mais il ne faut pas oublier que nous devons trouver un compromis délicat. Je ne veux pas que le gouvernement ait des réactions primaires à tout ce qui se passe. Nous devons trouver le juste milieu. Nous devons aborder les problèmes de façon méthodique, sous peine de commettre des erreurs qui ne feront qu'encourager le crime, ce à quoi je me refuse.

Je vais plutôt encourager le ministre, comme je l'ai fait bien des fois, il vous le dira. Je pense que nous sommes assez grands pour veiller à la prévention du crime et régler certains des problèmes que pose la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous allons nous occuper de la prévention et faire disparaître certaines des causes profondes de la criminalité. Je crois que nous pouvons y arriver.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Madame la Présidente, cette motion est assez directe; sa formulation est rude car elle condamne le système actuel et condamner n'est pas une expression des plus faibles. Toutefois, c'est ce que font les Canadiens.

Dans ma région du pays du moins, ils condamnent les divers aspects et les diverses parties du système de justice pénale qui remet en liberté des meurtriers et des violeurs qui vont commettre leurs crimes à nouveau, et qui ne peut même pas tenir responsables de leur conduite criminelle des jeunes de 10 ans. Voilà certains points que je soulèverai durant mon discours.

Je suis convaincu que l'élaboration de la Loi sur les jeunes contrevenants ne s'est pas faite à la hâte. Ce fut certainement le résultat d'une réflexion et d'une planification de la part du gouvernement libéral de l'époque. On voit aujourd'hui quels sont les effets de cette loi mal conçue, dont certaines parties du moins doivent maintenant être révisées. Je répète la question que j'ai posée un peu plus tôt: à quel genre de prévoyance et de vision nos dirigeants ont-ils fait appel pour produire une loi aussi déficiente?


2447

L'objet de la motion de l'opposition d'aujourd'hui, soit l'inaction des gouvernements antérieurs et de celui-ci à l'égard de la réforme du système de justice pénale, me préoccupe tout particulièrement.

(1555)

Je prends la parole afin de traiter d'un article du Code criminel qui constitue un exemple flagrant de mépris des droits des victimes par opposition aux droits des criminels.

L'article 745 du Code criminel, qui donne accès aux tribunaux à tous les assassins déclarés coupables qui veulent demander une réduction du délai préalable à leur libération conditionnelle, est un exemple de premier ordre de ce mépris; cet article rend dérisoire la notion d'emprisonnement à perpétuité.

J'aimerais faire un bref historique de cet article du Code criminel pour les députés de la Chambre. En 1961, on a divisé les meurtres en deux catégories-qualifiés et non qualifiés. Avant cette date, il n'existait qu'une seule peine pour le meurtre, la peine de mort. Après 1961, seul le meurtre qualifié demeura punissable de la peine de mort. Le meurtre qualifié était le meurtre prémédité et commis de propos délibéré ou le meurtre d'un policier ou d'un garde de prison. Par la suite, on limita la peine de mort au meurtre d'un policier.

La peine des gens condamnés pour un meurtre non qualifié était l'emprisonnement à perpétuité, mais ils étaient admissibles à la libération conditionnelle après sept ans d'emprisonnement. Toutefois, cette disposition fut elle aussi modifiée et, à partir de 1967, tous ceux qui purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité pour un meurtre devaient demeurer au moins 10 ans en prison avant d'avoir droit à la libération conditionnelle.

En 1974, on modifia à nouveau le Code criminel et l'on permit au juge qui prononçait la sentence d'augmenter le délai préalable à la libération conditionnelle jusqu'à un maximum de 20 ans. Le projet de loi C-84 a été déposé le 24 février 1976; il abolissait la peine de mort et créait deux nouvelles catégories de meurtres, le premier et le deuxième degré, les deux étant punissables d'une peine minimum d'emprisonnement à perpétuité.

Les individus condamnés pour meurtre au premier degré devaient purger une peine de 25 ans d'emprisonnement avant d'être admissibles à une libération conditionnelle, et les personnes condamnées pour meurtre au second degré devaient purger entre 10 et 25 ans de leur peine.

Il semble que la peine minimale de 25 ans d'emprisonnement avait été acceptée en échange de l'abolition de la peine de mort. En remplacement de la peine capitale, la société se protégeait en incarcérant les meurtriers pendant une période minimale de 25 ans. Avant l'adoption du projet de loi C-84, les détenus condamnés à mort et dont la peine avait été commuée en emprisonnement à perpétuité purgeaient en moyenne 13,2 ans de leur peine avant de bénéficier de la libération conditionnelle.

Le projet de loi C-84 contenait une disposition créant l'article 745 du Code criminel. Bien que les personnes reconnues coupables de meurtre aux premier et second degrés ne soient pas admissibles à la libération conditionnelle avant 25 ans, l'article 745 du Code criminel permet à un meurtrier qui a purgé 15 ans de sa peine de demander une libération conditionnelle, ce qui a pour effet de réduire la durée de sa peine.

Le paragraphe 745(1) du Code criminel stipule:

La personne qui a purgé 15 ans de sa peine après avoir été déclarée coupable [. . .]peut demander au juge en chef compétent de la province où a eu lieu cette déclaration de culpabilité la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle.
L'article 745 tourne en dérision la peine d'emprisonnement à perpétuité. Un parlementaire a déjà déclaré que cette disposition laissait une lueur d'espoir aux grands criminels qui se voyaient imposer cette lourde peine. Cet ancien parlementaire n'a certainement pas pensé aux victimes de meurtres et à leurs familles.

Quel meurtrier a jamais laissé une lueur d'espoir à sa victime ou à sa famille? Un meurtrier ne peut rendre la vie qu'il prend. La victime ne peut être ramenée à la vie et, de même, le meurtrier qui est condamné à l'emprisonnement à vie devrait, effectivement, être emprisonné pour le reste de sa vie sans espoir ni aucun moyen d'alléger le poids ou la sévérité de la peine qui lui a été imposée pour son horrible crime.

Les partisans de l'espoir ont tourné le système pénal en dérision en reconnaissant aux meurtriers un droit qu'ils ont eux-mêmes refusé à leurs victimes. L'article 745 n'a été révisé qu'en 1991 et 1992, à la faveur du dépôt de deux projets de loi d'initiative parlementaire qui contestaient l'existence de cet article.

Ce matin, le député de York-Sud-Weston a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à abroger cette disposition législative qui accorde aux meurtriers condamnés une chance de bénéficier d'une libération conditionnelle anticipée. Je tiens à dire au député qu'il peut compter sur le ferme appui de mon parti à son projet de loi. Je crois également que de nombreux Canadiens feront de même, notamment la famille Potts de Hamilton, en Ontario, dont la fille a été assassinée il y a 15 ans par Norman Joseph Clairmount.

En 1978, Clairmount, reconnu coupable du meurtre brutal et sauvage de la jeune Potts, âgée de 19 ans, s'est vu infliger une peine statutaire d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

(1600)

Le 8 février 1993, un jury en Ontario a délibéré moins de trois heures avant de décider de réduire de 25 à 18 ans le délai préalable à la libération conditionnelle de ce meurtrier. Du fait de l'article 745 et de la décision favorable du jury, Clairmount a pu immédiatement demander à la Commission nationale des libérations conditionnelles des permissions de sortir sans surveillance. Il est maintenant admissible à une libération conditionnelle totale en 1995, au lieu de l'an 2002.

Ce n'est pas un cas isolé. Plusieurs meurtriers condamnés ont réussi à obtenir une réduction de peine aux termes de l'article 745.

Brian John Boyko, de Colombie-Britannique, condamné en 1974 pour un meurtre qualifié a obtenu qu'on réduise le délai préalable à sa libération conditionnelle de 20 ans à 16 ans après une audience, en 1990.


2448

Toujours en 1990, à la suite d'une révision de son cas à Winnipeg, Larry Sheldon, condamné en 1974 à l'emprisonnement à perpétuité pour un meurtre non qualifié, soit le viol et le meurtre d'une petite fille de neuf ans, ce criminel qui n'était pas censé être admissible à une libération conditionnelle avant 20 ans a obtenu une réduction du délai à 17 ans.

Condamné pour le meurtre au premier degré d'un policier de Calgary dans le cadre d'un hold-up à une coopérative de crédit et d'une prise d'otages en 1976, William John Nicols a obtenu lors d'une audience tenue en Alberta une réduction à 20 ans du délai préalable à sa libération conditionnelle.

Jean-Louis Rodrigue, condamné pour meurtre au deuxième degré d'un agent de la paix de Montréal, Charles Simard, qui a assassiné deux adolescents, et le tueur reconnu Gilles Levine, tous du Québec, ont vu cette période réduite à 15 ans.

Toujours au Québec, Réal Chartrand, condamné à la pendaison en 1972 pour le meurtre d'un policier dans le cadre d'un vol à main armée, a obtenu, grâce à l'article 745, une libération conditionnelle totale après avoir purgé 17 ans de sa peine.

De très nombreuses demandes ont été présentées aux termes de cet article du Code criminel. Certains meurtriers obtiennent gain de cause et d'autres non, mais ceux dont la demande est rejetée peuvent en présenter de nouvelles et tout cela coûte très cher aux contribuables canadiens.

En vertu du paragraphe 745(1), la personne condamnée peut présenter une demande au juge en chef compétent de la province où a eu lieu la déclaration de culpabilité. La révision du dossier par le jury doit être effectuée dans la même province et on doit donc y transporter le détenu.

L'Association canadienne des policiers croit que ce n'est là qu'un début. Selon elle, environ 655 meurtriers au cours des 15 prochaines années et jusqu'à 180 au cours des quatre prochaines demanderont une libération conditionnelle anticipée aux termes de l'article 745. On réduira ainsi, à son avis, les peines d'emprisonnement à perpétuité de 40 p. 100 environ. En d'autres termes, des tueurs pourraient ne servir qu'un peu plus de la moitié de leur peine de 25 ans. Cela soulève deux questions importantes.

La première touche les aspects financiers et la seconde, l'intégrité du système de justice pénale. L'abrogation de l'article 745 permettrait de réduire énormément les coûts associés aux révisions judiciaires par jury et au transport des détenus vers la province où ils ont été condamnés.

Or, la question la plus importante au coeur de tout ceci, l'objet de la motion d'opposition d'aujourd'hui, c'est que le système de justice pénale permet que les droits des criminels passent avant ceux des victimes.

L'article 745 en est un excellent exemple. Il donne à un tueur condamné le droit de demander une réduction de sa peine et le jury n'examine que certaines preuves. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais le temps de parole du député est écoulé.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord): Madame la Présidente, on constate, d'après le discours du député, qu'il a consacré beaucoup de temps et d'efforts à faire de la recherche et à examiner des statistiques.

Pourrait-il dire à la Chambre s'il a passé autant de temps ou s'il a fait un peu d'efforts pour étudier les mesures proposées pour la prévention du crime que les comités de la Chambre ont étudiées par le passé? A-t-il examiné certaines de ces recommandations afin de voir si elles pouvaient être utiles?

M. Ramsay: Madame la Présidente, j'essaierai de répondre aussi franchement et aussi directement que possible à ces questions. J'essaierai de ne pas les éluder.

Le député pourrait-il me citer précisément les études réalisées et les rapports qui ont été présentés? J'ai travaillé 14 ans comme agent de la paix et, dans le cadre de mes fonctions, j'ai pris connaissance de toutes sortes de plans et de programmes de prévention. J'appuie tous les programmes qui pourraient donner de bons résultats dans le domaine de la prévention.

(1605)

Je sais que c'était le but recherché avec la Loi sur les jeunes contrevenants, ainsi qu'avec certaines autres mesures. Je signale cependant au député que l'indulgence n'enlève rien à la justice. Quand des crimes commis contre des personnes sont graves au point que les victimes perdent leur mobilité ou même leur vie, les criminels doivent être punis en conséquence. Si, dans notre désir de nous montrer cléments, nous créons un système judiciaire qui ne demande pas aux coupables d'assumer les conséquences de leurs actes, nous ne devons pas nous attendre à ce que les peines imposées en vertu d'un tel système aident à prévenir le crime. Cela ne peut tout simplement pas fonctionner.

Si nous ne commençons pas à faire appliquer la loi, lorsqu'elle existe déjà mais qu'elle n'est pas appliquée, si nous ne modifions pas les dispositions qui tiennent les gens responsables de leurs actes, comme celles de la Loi sur les jeunes contrevenants visant les enfants de dix ans, tous les programmes de prévention sont voués à l'échec. Nous en avons mis quelques-uns à l'épreuve.

J'espère que ma réponse satisfait le député.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Madame la Présidente, j'interviens simplement aux fins de clarification de l'article 745 et je demande au député, dont je respecte beaucoup la position sur cette question, comment son point de vue peut rejoindre celui de la victime, considérant, bien sûr, le libellé de la motion que l'opposition présente aujourd'hui.

En vertu de l'article 745, quelqu'un qui purge une peine d'emprisonnement de 25 ans au moins peut demander à bénéficier d'une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle avant l'échéance des 25 ans. Celui qui est condamné à l'emprisonnement à perpétuité purge une peine à perpétuité. Par conséquent, c'est le délai préalable à la libération conditionnelle qui est réduit, et pas nécessairement la peine.


2449

Le député peut-il faire des observations sur le lien qu'il pourrait y avoir avec la position de la victime, celle qui vit toujours, bien sûr. On parle des proches de la victime dans le cas d'un meurtre.

M. Ramsay: Madame la Présidente, je remercie le député d'avoir posé cette question. Je n'avais pas terminé mon discours. Autrement, j'aurais peut-être abordé cette question. Les inquiétudes exprimées par les proches de la victime d'un meurtre, lorsqu'ils apprennent la libération hâtive du meurtrier, sont très importantes. Il devrait y avoir des dispositions stipulant que les proches puissent assister et comparaître aux auditions visées à l'article 745. Nous sommes d'avis que l'article en entier devrait être abrogé.

Je m'arrête un moment là-dessus, parce que le député soulève un bon argument. Il faut se demander si la libération conditionnelle devrait être accordée à celui qui est condamné à 25 ans d'emprisonnement. Ceux qui sont favorables à l'article 745 et à son maintien répondront par l'affirmative, bien sûr. Alors, où faut-il s'arrêter?

Si le meurtrier déclare devant le tribunal: «Je regrette; je ne recommencerai jamais», devrait-on le libérer ou le condamner à un mois d'emprisonnement? À ce point, la question concerne davantage la détermination de la peine et je ne crois pas qu'on l'ait réglée.

J'espère avoir répondu à la question du député.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, je suis ravie d'avoir l'occasion de participer au débat d'aujourd'hui. Je voudrais féliciter le député de Crowfoot pour son intervention. Je ne savais pas, avant qu'il le mentionne, qu'il avait travaillé dans le domaine de l'application de la loi. Je tiens à dire que, pendant toutes les années où j'ai pratiqué le droit, en tant qu'avocat de la défense, puis procureur, j'ai beaucoup travaillé avec les membres de divers corps policiers, notamment les services de police des municipalités de Halifax et de Dartmouth de même que la GRC, et j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour ces gens qui accomplissent un travail très difficile. Le député qui a travaillé dans ce domaine sait très bien à quel point leur tâche est difficile.

(1610)

Cependant, lorsque nous débattons ces questions, et je ne fais pas allusion ici au député de Crowfoot, mais je pense à la résolution à l'étude, il nous arrive souvent d'oublier le fondement sur lequel repose la loi, le fait que le système qui nous régit et qui nous gouverne est, au mieux, boiteux. Pourtant, c'est le meilleur système que nous ayons pu concevoir jusqu'à maintenant, étant donné l'évolution des politiques et de l'application de la loi.

Je m'arrête au libellé de la résolution: «Que la Chambre condamne le gouvernement pour son inaction en ce qui touche à la réforme du système de justice pénale et en particulier pour avoir permis que les droits des criminels passent avant ceux des victimes.»

La résolution est tellement naïve qu'elle en est presque charmante. Je ne m'étendrai pas sur le fait que le gouvernement est au pouvoir depuis à peine quatre mois et qu'il lui reste beaucoup de travail à accomplir en matière législative pour qu'il puisse fonctionner comme il se doit et respecter ses promesses, ce qu'il a fait jusqu'à maintenant et ce qu'il continuera de faire. Toutefois, il y a quelque chose qui m'agace ici. Je veux parler de la partie de la motion qui dit que le gouvernement a «permis que les droits des criminels passent avant ceux des victimes». Comme toujours, j'aime bien exposer ma position dès le début de mon intervention.

Comme le savent certes les députés de ce côté-ci de la Chambre, je représente ici la ville de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il y a un nom qui va figurer pendant encore de nombreuses années dans les annales de la justice criminelle en Nouvelle-Écosse, à savoir celui de Donald Marshall Jr. J'ignore si mes collègues d'en face sont au courant de l'affaire Marshall-ils devraient certes l'être-mais je puis vous affirmer que, jusqu'en 1989-1990, cette affaire a longtemps et beaucoup préoccupé un fort pourcentage des avocats, tant de la Couronne que de la défense, tout le corps judiciaire de la Nouvelle-Écosse, en fait. Une commission royale d'enquête a été spécialement chargée d'examiner ce qui s'était passé.

Donald Marshall, qui était un jeune homme à l'époque, a passé 11 ans de sa vie en prison pour un crime qu'il n'a pas commis. La Commission d'enquête Marshall a mis au jour des choses terribles sur la façon dont le système de justice criminelle a fonctionné, ou n'a pas fonctionné plutôt, dans la province de Nouvelle-Écosse.

On a beaucoup parlé ici dernièrement de racisme et de fanatisme. Il ne fait aucun doute que le racisme est une des raisons pour lesquelles Donald Marshall a passé 11 ans de sa vie en prison pour un crime qu'il n'avait pas commis. Le fanatisme en est une autre. Des agents de police ont suborné des témoins. Il y a eu erreur judiciaire flagrante. On n'a tenu aucun compte des particularités culturelles et de mode de vie, à tel point qu'on n'a même pas permis à l'accusé de s'exprimer. Et la liste s'allonge encore et encore. On a fait disparaître des preuves. C'est une tache sur le blason de la province de Nouvelle-Écosse.

Le rapport de la Commission Marshall comporte 26 volumes. J'en ai une copie à mon bureau et j'en ai lu de grandes parties mais, compte tenu de son emploi du temps, un parlementaire aurait du mal à le lire en entier. La plupart des avocats criminalistes de la Nouvelle-Écosse l'ont sûrement lu.

Lorsqu'on lit le rapport de la Commission Marshall, lorsqu'on lit ce qui est arrivé au jeune Marshall, des expressions comme «innocent jusqu'à preuve du contraire», «primauté du droit» et «garanties procédurales» viennent et reviennent sans cesse à l'esprit.


2450

(1615)

Il y a un autre point que je veux établir clairement. Pendant toutes mes années dans les tribunaux, lorsque j'étais avocate, et surtout lorsque je luttais pour les droits des femmes et que je défendais les femmes et les enfants victimes de mauvais traitements, j'ai probablement passé plus de temps à rager contre notre système qui protège si peu les victimes d'actes criminels que contre quoi que ce soit d'autre.

Le Canada, comme malheureusement d'autres pays occidentaux, est infesté par le cancer de la violence contre les femmes et contre les enfants. Néanmoins, nous devons adopter une vue d'ensemble du problème plutôt que de mettre l'accent sur un seul aspect et préconiser une solution qui, à mon sens, et sauf le respect que je dois à ceux qui ont formulé la motion, serait manifestement inadaptée à la situation.

Nous avons parlé à la Chambre d'abaisser la limite d'âge des jeunes contrevenants, mais je ne pense pas que ce soit la réponse. Ayant beaucoup réfléchi à la question et ayant, depuis cinq ans, fait partie de comités de la Chambre sur le droit pénal je peux vous dire que nous devons toujours nous souvenir de l'affaire de ces deux garçons qui ont assassiné un bambin en Angleterre. C'est une affaire que nous devons constamment garder à l'esprit dans notre débat d'aujourd'hui.

Il y a une minute, j'en discutais dans le hall avec un employé du cabinet d'un ministre. Nous étions tous deux horrifiés du geste de ces garçons de 10 ans. Nous avons même évoqué le témoignage qui nous a appris que le bambin de deux ans s'obstinait à se relever entre les coups qui lui étaient assenés.

Je suis aussi horrifiée que les tribunaux anglais aient déclaré que ces deux garçons de 10 ans étaient, si l'on peut dire, de la mauvaise graine. Je trouve cela étrange et très improbable que deux êtres aussi fondamentalement méchants se retrouvent voisins par pure coïncidence. Il y a certainement d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte.

J'ai donné cet exemple pour montrer que le simple fait d'imposer des peines plus sévères, d'incarcérer les gens pendant de plus longues périodes, ne nous donnera pas la clé du problème.

Ce qu'il faut faire, c'est examiner les causes, et elles sont nombreuses et diverses. Je sais que mon collègue de Crowfoot et mon collègue de Calgary, qui est aussi un ancien policier, seraient d'accord avec moi pour dire qu'il y a d'autres facteurs qui sont à l'origine de l'activité criminelle, comme la pauvreté, le manque d'éducation, la mauvaise alimentation, la violence au foyer et ainsi de suite.

On naît très rarement criminel; on le devient.

Il ne devrait pas être question de priorité dans la façon de traiter les victimes et dans la façon de traiter les criminels. Les droits des victimes doivent être respectés. Les victimes doivent être écoutées. On doit indiscutablement offrir des services aux victimes.

Je suis parfaitement d'accord avec la motionnaire pour dire que c'est une question sur laquelle nous devons nous pencher sans plus tarder.

Nous n'avons pas le choix. On ne soulagera pas la douleur des familles des victimes du McDonald à Sydney River, au Cap-Breton, en imposant des peines plus sévères aux meurtriers qui ont maintenant été reconnus coupables. Les lois criminelles ne doivent pas être axées sur la vengeance, mais bien sur la dissuasion et sur la protection de la société. C'est pour cela que nous légiférons dans ce domaine.

(1620)

Si nous examinons la question du point de vue de la réparation, quel genre de réparation pouvons-nous donner aux familles des victimes du McDonald? Quel genre de réparation pouvons-nous donner à ces familles? Nous ne pouvons pas ramener les victimes à la vie. Nous ne pouvons pas soulager la douleur que ces familles ressentent. Aucun montant d'argent ne peut combler le vide terrible qu'on ressent lorsqu'un perd un enfant. Aucun montant d'argent ne pourra changer quoi que ce soit au fait que la fille des McNeil a subi des lésions cérébrales graves et que, peu importe combien de temps elle vit, elle ne sera jamais la jeune femme brillante qu'elle était lorsqu'elle est allée travailler chez McDonald en mai dernier. Rien ne peut changer cela. Ça ne devrait pas être rattaché.

Oui, nous établissons la preuve du crime et nous lui apportons le châtiment approprié et nous nous occupons des victimes, mais nous avons affaire à une tout autre question.

Nous parlons des droits des victimes par rapport à ceux des criminels. Je reviens encore une fois à l'affaire Donald Marshall, et j'invite les députés d'en face, qui pensent que nous sommes un peu laxistes de ce côté-ci en matière de droit pénal, j'invite chacun d'entre eux à se rappeler l'adage, dont ceux d'entre nous qui ont peiné sur les bancs de la faculté de droit se rappellent tous, à savoir qu'il vaut mieux laisser en liberté mille coupables que de condamner un innocent.

Je me demande si les députés d'en face sont d'accord ou non avec cet adage. Je vois que mon collègue de Calgary n'est pas d'accord. Il est intéressant de constater que cet adage circule depuis très longtemps. Je me demande si les députés d'en face peuvent réfléchir à cette question d'une façon non pas objective, mais subjective, autrement dit, s'ils étaient l'innocente victime, cet adage deviendrait-il plus valable? Si c'était votre enfant qui était l'innocente victime, cet adage deviendrait-il plus valable? Et si c'était l'enfant de votre voisin-toutes les politiques, toutes les questions ont une dimension locale; il faut y réfléchir dans le contexte de son propre groupe, de son propre cercle-l'adage serait-il plus pertinent?

On a soutenu ici aujourd'hui qu'on devrait abaisser l'âge des jeunes délinquants. Je n'ai pas d'enfants. J'emprunte ceux de mes amis car je peux les rendre. Je sais que la plupart des députés d'en face sont des parents; ils ont des enfants et ils savent que les enfants se créent des ennuis, qu'ils commettent des erreurs. Faut-il les punir sévèrement?


2451

Une voix: Oui.

Mme Clancy: Vraiment? J'imagine que c'est pour cette raison que vous êtes de ce côté de la Chambre et que, Dieu merci, mon parti se trouve de ce côté-ci avec la majorité des sièges.

Tout ce que je puis dire c'est que, durant les nombreuses où j'ai été procureur et où l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur, j'ai été témoin d'un certain nombre de cas où l'on a donné le bénéfice du doute au jeune. Je me souviens d'un jeune homme contre lequel pesaient 40 chefs d'accusation de vol avec effraction. Il s'introduisait par effraction dans des autos pour en voler les radios. Un jour, il a commis une erreur alors qu'il se livrait à cette activité dans un centre commercial de Halifax. Les voitures étaient toutes garées le long d'une clôture. Or, un policier en congé qui tondait sa pelouse a entendu du bruit; il a regardé par-dessus la clôture de sa cour et, ce qui devait arriver arriva.

Des accusations ont été portées contre le garçon. J'étais alors le procureur. Un certain nombre de personnes sont venues témoigner. Le contexte familial était très difficile.

(1625)

Un directeur d'école très respecté est venu parler en faveur du garçon qui avait obtenu d'excellents résultats aux tests d'intelligence et qui avait certainement beaucoup de potentiel, mais aussi bien des facteurs jouant contre lui. Le procureur, l'avocat de la défense, le juge, les agents de probation et les policiers se sont tous réunis pour décider de la ligne de conduite à adopter en l'occurrence. Ils sont arrivés au consensus suivant: un parent était disposé à s'occuper du jeune homme et veillerait à ce qu'il ne subisse pas les mêmes influences familiales, à ce qu'il soit soustrait aux mauvaises influences de la famille, etc.

Bref, disons que le jeune homme a finalement obtenu une bourse d'un établissement d'enseignement supérieur de réputation internationale, qu'il mène aujourd'hui une vie très productive et agréable dans notre pays et que sa contribution à la société est énorme.

Par souci de la vérité et dans l'intérêt de la justice et de notre pays, je n'hésite pas à dire que c'est là une histoire qui s'est bien terminée. Par contre, comme mes deux collègues d'en face qui étaient chargés de l'application de la loi vont certainement s'empresser de le reconnaître, les échecs sont plus nombreux que les réussites.

Ce qu'il faut toutefois retenir, c'est que si le jeune homme en question avait alors été expédié dans une maison de détention pour les jeunes, je ne crois pas qu'il serait devenu ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire un membre productif de la société. Il serait probablement dans un établissement de détention à sécurité maximale ou peut-être mort.

Je dois dire que les réussites ont plus d'importance pour moi que tous les échecs attribuables au fait que les individus étaient rendus trop loin, qu'il était trop tard pour agir, etc. Ceux avec lesquels nous n'avons pas réussi ont connu la détention. Nombre de ces détenus, quand ils ont eu 18 ans, ont été libérés et ont commis d'autres délits, ce pourquoi ils ont pris le chemin du pénitencier de Dorchester ou du centre correctionnel de Sackville.

Si nous ne prenons pas de risques afin de sauver ces jeunes gens, nous ne faisons que les condamner à une vie de criminel. C'est pourquoi je m'oppose à cette motion. C'est pourquoi j'estime qu'il faut chercher à savoir ce qui ne va pas chez ces enfants. Je dis bien enfants, car les jeunes contrevenants ne sont que des enfants et non pas des criminels endurcis.

En conclusion, compte tenu de l'identité de la motionnaire et des déclarations faites par les députés réformistes en particulier, je suis convaincue que nous pourrons compter sur l'appui de députés comme ceux de Crowfoot et de Calgary-Nord-Est lorsque nous présenterons, et je vous assure que nous le ferons, des mesures plus strictes sur le contrôle des armes à feu. Je suis sûre que des anciens policiers comme ces deux députés savent combien il est important que des armes à feu ne tombent pas dans les mains d'une majorité de gens qui ne savent absolument pas s'en servir.

Que fait-on des enfants qui sont des criminels en puissance? Vous ne laissez sûrement pas des armes à feu traîner dans la maison?

J'espère que les députés auront la clairvoyance d'appuyer ce genre de projet de loi si nous le présentons à la Chambre pendant la session en cours.

J'ai parlé à des agents de police de ma propre circonscription, en Nouvelle-Écosse et j'ai constaté que les policiers comptaient parmi les plus farouches partisans du renforcement des dispositions sur le contrôle des armes à feu.

Quoi qu'il en soit, je tiens simplement à dire que je suis heureuse d'aborder cette question aujourd'hui parce que je suis très fière du programme que nous avons énoncé dans le livre rouge en ce qui concerne la justice et la criminalité. Je sais que ce programme se traduira en temps et lieu par un projet de loi particulier. Je suis convaincue que toutes les mesures législatives et promesses qu'on trouve dans le livre rouge amélioreront la qualité de vie au Canada, qu'elles feront du Canada un pays plus humain et compatissant.

(1630)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Avant de passer aux questions et observations, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce


2452

soir, à savoir: Le député de Frontenac-L'environnement; le député de Brant-Le revenu minimum annuel garanti.

Je présente mes excuses au député de Fraser Valley-Ouest, dont nous avons passé le tour. Nous aurons maintenant les dix minutes de questions et observations.

[Français]

M. Benoît Tremblay (Rosemont): Madame la Présidente, je ne peux qu'applaudir, en particulier aux dernières remarques de l'honorable députée d'Halifax sur la question du contrôle des armes à feu. On sait qu'on a eu l'occasion, à la suite d'événements tragiques, d'étudier en profondeur cette question en comité, mais on a abouti à un projet de loi qui était un compromis dans son contenu, mais aussi un compromis dans sa forme. On sait très bien que la majorité des actions qui pourraient être posées relèvent moins de la législation que des règlements qui doivent être adoptés par le Cabinet ou par le gouvernement. C'était une lacune importante, à notre avis, dans ce projet de loi, puisque cela permettait, à l'époque, à la ministre d'adopter un projet de loi qui pouvait avoir l'air de faire un pas substantiel, mais qui laissait une très large marge discrétionnaire au gouvernement dans la détermination de la réglementation, contrairement à l'ancienne loi.

Il n'est pas surprenant que, par la suite, on ait eu, effectivement, une réglementation qui est largement insatisfaisante, qui laisse des armes, qu'on dit semi-automatiques mais qui sont presque des armes d'assaut, continuer à être vendues à travers le Canada. En particulier, l'arme qui a été utilisée à Polytechnique peut encore être achetée comme une arme de chasse.

Je sais que le ministre de la Justice a l'intention d'agir. Je veux simplement souligner qu'il peut agir très rapidement sur un bon nombre d'éléments de contrôle des armes à feu par la réglementation, sans être obligé de passer par tout un processus législatif.

Je mentionne par ailleurs que nous sommes très ouverts à l'amélioration du processus législatif, de la loi elle-même, en particulier en ce qui concerne l'enregistrement des armes à feu. Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion, lors de cette consultation, de rencontrer plusieurs chasseurs et groupes de chasseurs qui n'ont aucune objection à l'enregistrement des armes à feu. Et contrairement aussi à ce qui a été dit, en particulier à l'égard des coûts, comme on enregistre les automobiles et toute une série de biens, il ne serait pas très difficile, avec les moyens modernes à notre disposition, d'enregistrer les armes à feu. Il s'agit d'un encouragement, mais aussi d'une demande.

Est-ce qu'on peut compter sur l'appui de la députée d'Halifax pour essayer que le gouvernement accélère, peut-être même avant la législation, l'adoption d'une réglementation plus sévère à l'égard des armes à feu?

[Traduction]

Mme Clancy: Madame la Présidente, je suis heureuse que le député ait posé cette question. Il sait bien que le ministre a dit assurément plusieurs fois à la Chambre combien il faisait sien le dossier du contrôle des armes à feu.

Pour ce qui est de l'avancement des travaux dans l'élaboration du texte législatif, le député va devoir poser la question au ministre. Il n'y a pas de doute que cette question s'inscrit dans notre politique. Le député n'est pas sans savoir que c'est une affaire qui me tient énormément à coeur et que nous sommes nombreux de ce côté-ci de la Chambre à appuyer fermement cette mesure.

Je demanderais seulement au député de patienter un peu, car ça ne devrait pas tarder.

(1635)

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Madame la Présidente, la députée fait preuve d'une aptitude au débat qu'elle a probablement acquise durant les années qu'elle a passées à la cour. Je dois dire que pour débattre d'une question comme celle dont nous sommes saisis aujourd'hui, il faut connaître les faits.

Prenons l'affaire Marshall, en Nouvelle-Écosse. M. Marshall a en fait contribué à son propre malheur en mentant à la police, ainsi que l'a fait ressortir ce procès.

La députée fait appel à des événements survenus dans la société qui sont peut-être contraires à la norme et où il peut y avoir des erreurs de jugement de la part des tribunaux. La société dans laquelle nous vivons n'est pas parfaite. C'est pourquoi nous avons des lois. Nous attendons aussi beaucoup des députés, qui ont souvent fait des choses de travers. Ils devraient être tenus responsables de leurs actes et il faudrait démontrer qu'ils n'ont pas une immunité totale aux yeux de la loi, même si c'est ce qui s'est produit à l'occasion, comme si c'était le cas.

Non seulement justice doit-elle être faite, mais elle doit être perçue ainsi. La députée devrait sortir des salles de comité et se mêler à la société dont elle parle. Il ne peut y avoir dissuasion sans châtiment. La députée pourrait-elle nous dire comment il peut y avoir dissuasion sans châtiment?

Mme Clancy: Madame la Présidente, je remercie le député de Calgary-Nord-Est de sa question et de ses commentaires. Tout d'abord, je voudrais régler une question, car je sais qu'il ne voudrait pas laisser une fausseté se perpétuer.

La question de savoir si Donald Marshall fils a contribué à son propre malheur a été examinée par une commission d'enquête. En fait, les juges de la cour d'appel qui avaient examiné l'affaire ont été réprimandés par le Conseil de la magistrature pour avoir dit exactement ce qu'a dit le député-je sais que le député n'a pas voulu perpétuer une chose fausse. Donald Marshall n'a pas contribué à son propre malheur. Il n'a pas menti. Il était dans le parc cette nuit-là et a été en fait assailli par le même homme qui a tué Sandy Feal. Or, il n'a pas menti et les juges qui ont dit cela ont été réprimandés par le Conseil de la magistrature. Pour reprendre les termes de Casey Stengel, le député peut vérifier.

Pour ce qui est de la dissuasion, je n'ai à aucun moment donné à entendre au député ou à la Chambre qu'il ne devrait pas y avoir dissuasion et châtiment.

Une voix: La peine capitale.

Mme Clancy: La peine capitale. Pas de ce côté-ci de la Chambre. Le député devrait attendre; il aura peut-être son tour. Tout d'abord, je n'ai à aucun moment laissé entendre qu'il ne devrait pas y avoir de châtiment adéquat. Bien au contraire. C'est


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pour cette raison que nous avons le Code criminel. C'est pour cette raison que nous avons des politiques de détermination de la peine. Certaines sont insatisfaisantes et devraient être modifiées.

Ce que je veux dire au député, pour reprendre un cliché similaire à celui qu'il a utilisé lorsqu'il a dit: «Non seulement justice doit être faite, mais elle doit être perçue ainsi», on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain. Il y a des enfants qui tournent mal dans ce pays. Nous devons tout faire pour les remettre sur la bonne voie et la solution n'est pas nécessairement d'abaisser à dix ans l'âge auquel ils peuvent être jugés par un tribunal pour adultes.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, je n'ai pas l'intention d'être aussi indulgent envers le système de justice pénale. Je ne suis pas avocat, mais je suis un de ceux pour qui des choses comme le système de justice pénale ont eu des conséquences et j'habite une région entourée de nombreux pénitenciers.

Je voudrais citer brièvement un extrait d'un article qui a paru récemment dans le journal de ma collectivité, le Abbotsford Times.

Le Service correctionnel du Canada rapporte que les 57 détenus des pénitenciers de la Colombie-Britannique qui avaient bénéficié d'une permission de sortir pour les fêtes sont retournés dans leurs cellules.
Mais cela n'impressionne pas la police locale.
J'en reparlerai un peu plus tard. Il est agréable de constater qu'ils sont revenus de leurs vacances de Noël.

Je prends la parole aujourd'hui pour traiter de l'un des aspects les plus controversés du système de justice pénale du Canada, un aspect qui soulève beaucoup les passions; il s'agit de la réforme du système des libérations conditionnelles. Toute cette question des droits des victimes gravite autour du système des libérations conditionnelles et du fait qu'il nous a laissés tomber. Ne confondons pas les choses ici ce soir. Le système nous a bel et bien laissés tomber.

(1640)

Les histoires d'horreur concernant des détenus en libération conditionnelle sont tellement monnaie courante dans les médias que la majorité des Canadiens ont complètement perdu confiance dans le système. On en a la preuve la plus probante lorsqu'on s'entretient avec des gens qui ont perdu un être cher à cause de l'effondrement de ce système. Il faut voir les yeux des familles dont la vie a été changée à jamais, comme cela m'est arrivé récemment à Langley, en Colombie-Britannique, lorsqu'une famille m'avait invité chez elle. Ces gens sont des victimes. Il y a de la tristesse, du désespoir et de la colère dans leurs yeux. Rencontrer ces gens a été pour moi une expérience très émouvante. Je ne sais pas si j'aurais la force d'être aussi clément que certaines de ces victimes.

Quoi qu'il en soit, ce qui me rend fou, c'est l'attitude des bureaucrates qui sont responsables de cette tragédie. On ne voit aucune émotion dans leurs yeux; ils ont seulement un regard froid, dur, vide lorsqu'ils évoquent continuellement les règlements. Personne n'est responsable. Ce n'est la faute de personne. Personne ne semble vouloir faire quoi que ce soit.

Comme je l'ai dit, dans ma circonscription, nous sommes entourés d'établissements correctionnels fédéraux, et les incidents impliquant des détenus en libération conditionnelle sont loin d'être rares. Dans cet article du Abbotsford Times, la GRC de la localité disait que chaque fois qu'elle est incapable de résoudre un crime, elle n'a qu'à vérifier la liste des libérés conditionnels qui courent les rues et à chercher à savoir ce qu'ils faisaient au moment du crime. Et bingo! le crime est résolu. Lorsque cet article a été rédigé, elle réussissait à résoudre 75 p. 100 des crimes de cette manière. Même si ces cas ne sont pas très nombreux, les gens ont toujours l'impression que ces criminels sont remis en liberté trop tôt.

Que peut faire pour nous un système de justice pénale qui fonctionne mal? Je sais que la Commission des libérations conditionnelles et que le Service correctionnel du Canada sont deux organismes distincts. Cependant, lors d'une réunion tenue récemment avec le directeur des services correctionnels pour la région du Pacifique, on m'a dit que c'est le Parlement qui avait la responsabilité d'améliorer le système de justice pénale et que ces services ne faisaient que suivre les règles établies par les politiciens.

On nous cite souvent des sondages. La Commission des libérations conditionnelles aime bien citer des chiffres. Elle dit que des recherches à long terme ont montré que 75 p. 100 des libérations conditionnelles consenties dans les pénitenciers fédéraux ont été couronnées de succès. Comme on le sait, il y a différentes façons d'interpréter les statistiques. Dans certains cas, elles peuvent être très décevantes.

Benjamin Disraeli a d'ailleurs reconnu qu'il existait trois sortes de mensonges, dont les statistiques. S'il est vrai que 75 p. 100 des libérations conditionnelles sont couronnées de succès, je veux savoir combien coûte à la société les 25 p. 100 qui restent. Cela signifie qu'une libération conditionnelle sur quatre échoue, un taux d'échec que je considère inacceptable.

Il est temps de changer les règles. Il est temps d'arrêter de récompenser les vieux copains et les amis du parti en les nommant à la Commission des libérations conditionnelles. Il est temps de faire subir des tests de compétences aux membres de cette commission pour vérifier s'ils connaissent bien le système de justice pénale. Il est temps d'instaurer un système pour réparer les torts causés aux victimes qui ont été pénalisées en raison de l'incompétence de cette commission. Les membres de cette commission doivent rendre des comptes. Il est temps, surtout, que les criminels purgent des peines proportionnelles aux crimes qu'ils ont commis.

Dans cette discussion, nous devons reconnaître que quelque part, en tant que pays, nous avons perdu la détermination de nous lever et de dire que lorsqu'un criminel est condamné à une peine de dix ans, il doit purger non pas trois ou cinq ans, mais dix ans. La réforme de la détermination de la peine est indispensable et doit être mentionnée, dans cette discussion, comme une partie intégrante de la solution.

Par où faut-il commencer? L'un des problèmes, c'est que les gens pensent que ces questions relèvent toutes d'un même endroit. C'est vrai, en un sens. Elles relèvent toutes du système judiciaire. Ce qui arrive, c'est que l'indignation du public se trouve diluée parce que trop dispersée. Les gens reprochent aux corps policiers de ne pas avertir les collectivités même s'ils ont les mains liées par la Charte des droits. Ils reprochent aux pénitenciers de laisser sortir les détenus même si ce ne sont pas


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eux mais la Commission des libérations conditionnelles qui décide de cela. Ou bien ils reprochent aux juges de ne pas imposer de peines assez sévères, alors que c'est peut-être la mauvaise plaidoirie du procureur de la Couronne qui a conduit à ce résultat.

(1645)

Comme je l'ai déjà dit, personne n'est à blâmer. Si le système est si compliqué et si intimidant pour ceux qui n'y sont pas intimement associés, la première chose à faire est de le simplifier. Nous devons nous engager à permettre que les victimes aient davantage accès aux antichambres de ce que l'on qualifie de justice. Le public a le droit de participer au processus décisionnel. Il doit faire partie intégrante des audiences de libération conditionnelle.

Avant cela, les victimes doivent avoir plus de possibilités de se faire entendre à l'étape du procès. Actuellement, les déclarations des victimes ne reçoivent pas d'attention suffisante. En bref, voici la demande que nous faisons en ce qui concerne le système de justice pénale. «Ouvrez vos oreilles et vos portes aux gens dont les droits ont été piétinés, aux victimes de ce pays.»

Je voudrais terminer sur une note personnelle qui aidera à expliquer pourquoi j'ai parlé plus tôt des yeux des victimes. J'ai récemment été reçu chez M. Chris Simmonds, de Langley, en Colombie-Britannique. Il a sur sa table à café la photo de ses deux filles. Mais la photo et la mémoire sont tout ce qui reste de l'une d'elles, Sian.

Elle a été brutalement assassinée par un tueur à gages qui a prétendu vouloir seulement l'effrayer avec un fusil chargé. Il était en liberté sous caution sur engagement, par suite d'une inculpation de possession d'arme prohibée. Je n'ai pas besoin de vous expliquer ce cas complexe maintenant, mais ce qui est frappant, c'est la froide volonté de M. Simmonds de s'assurer que justice sera faite.

La dernière insulte dans cette affaire est la décision du tribunal de transférer le procès de l'homme accusé d'avoir embauché l'assassin de ma circonscription à Port Alberni. Selon le tribunal, il pourra ainsi avoir un procès impartial loin des influences de la presse. Une fois de plus, les droits de la victime sont secondaires. Les droits du criminel passent en premier.

Par respect pour la vie privée des Simmonds, je ne parlerai pas des conséquences de ce crime sauvage sur le reste de la famille. Il y a, bien sûr, des difficultés financières, mais c'est surtout la ruine sur le plan émotif. Malgré tout, ils poursuivent leur lutte.

Lorsque M. Simmonds s'est adressé à l'aide aux victimes pour obtenir une indemnité pour se rendre à Port Alberni, un bureaucrate de glace lui a dit qu'il n'y avait pas droit, car il n'avait pas été témoin de la mort de sa fille. C'est le seul moment où il a perdu son calme. Il a répondu à ce bureaucrate de ne plus jamais lui dire qu'il n'avait pas été témoin de la mort de sa fille, car chaque nuit, lorsqu'il ferme les yeux, il la voit mourir.

Madame la Présidente, de temps à autre, vous êtes témoin d'un vote à la Chambre et vous devez déclarer que les oui l'emportent. Lorsque nous devrons voter sur la réforme tant attendue du système de justice pénale, je me rappellerai du regard de Chris Simmonds.

Je demande à tous mes collègues de se joindre à moi et de dire oui à la réforme des libérations conditionnelles et non à ceux qui placeraient les droits des délinquants au-dessus des droits des victimes.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Madame la Présidente, je tiens d'abord à dire que j'ai écouté avec plaisir le discours du député, comme tous les autres discours prononcés à la Chambre d'ailleurs.

Permettez-moi de poser au député la question suivante: Quelle est sa position sur le contrôle des armes à feu d'abord, puis sur la peine capitale? De ce coté-ci de la Chambre, nous proposons de modifier les lois. Le député peut-il nous décrire sa position sur ces deux sujets pour que nous en tenions compte dans nos travaux? Les Canadiens qui suivent le débat aujourd'hui seront également heureux de connaître sa position.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame le Présidente, je vais définir ma position sur ces deux sujets, mais je souligne que tout ce que nous entendons aujourd'hui, ce sont des engagements à étudier ceci et cela, et à parler encore et encore.

Il n'y a rien de nouveau. Nous devons discuter du régime de justice pénale et des problèmes qu'il soulève. C'est la même chose depuis des années. Si nous continuons pendant un autre mandat, nous aurons de graves problèmes au Canada. Arrêtons de parler et de discuter. Mettons-nous au travail.

(1650)

Je vais vous expliquer quelle est ma position sur le contrôle des armes à feu. Les députés d'en face ne seront pas d'accord avec moi parce qu'ils sont plus libéraux à cet égard, mais je crois que nous devons cesser d'essayer de contrôler les armes à feu des sportifs, des agriculteurs et des chasseurs pour nous inquiéter bien davantage des criminels et de leurs armes à feu. En réalité, si un criminel utilisait une arme à feu pour braquer une banque, il serait passible de deux accusations distinctes. Arrêtons de nous en prendre aux sportifs, aux agriculteurs et aux chasseurs et occupons-nous des criminels pour faire changement.

Quant à la peine capitale, j'y suis favorable.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Madame la Présidente, je suis particulièrement heureux d'intervenir après le député de Fraser Valley-Ouest qui a conclu son discours en nous donnant un exemple des plus émouvants. Cela rend ma tâche d'autant plus difficile, car je veux aborder la question à l'étude sous un autre angle, en parlant du coût de la criminalité que doivent absorber les contribuables canadiens. Nous n'y pensons pas très souvent.

Au cours de la campagne électorale, pendant que je faisais du porte à porte, il y a une chose qui m'a frappé plus qu'auparavant, et je suis persuadé que la plupart des autres députés l'auront également remarquée. Tout le monde a un système d'alarme. Combien de députés l'ont remarqué? Dans les quartiers plus huppés, en plus d'un système d'alarme, les gens ont un chien.

Il reste que le coût de la criminalité et la paranoïa ainsi que la crainte qu'elle suscite correspondent à une véritable taxe que chacun d'entre nous doit absorber, parce que les gens se font installer des systèmes d'alarme, de même que les entreprises, qui augmentent les prix pour payer cette dépense supplémentaire.


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Tous les députés et tous les Canadiens qui nous écoutent savent ce qui se produit lorsque nous sommes victimes d'un acte criminel. Pendant la campagne électorale, pour illustrer mon point, je demandais aux gens: «Combien d'entre vous ont été victimes d'un acte criminel au cours de la dernière année, que ce soit vous personnellement ou un membre de votre famille?» Les députés seraient surpris des réponses que j'obtenais. Je pense que, à chaque fois, il y avait 15, 20 ou 25 p. 100 des gens qui levaient la main. Et il ne s'agissait que de la dernière année.

Je sais que la victime a avant tout le sentiment d'avoir été agressée. Elle ne se sent plus en sécurité dans son quartier; elle n'a plus confiance à ses voisins qu'elle connaît depuis des années. Tout d'un coup, elle se met à verrouiller les portes. Elle n'a plus de tranquillité d'esprit. Cela se tasse petit à petit. Elle finit par s'en remettre. Elle se procure un système d'alarme. Puis, un beau jour, elle a besoin de quelque chose qu'elle ne se rappelait plus avoir et elle se rend compte que c'est au nombre des objets volés.

Il n'y a pas de limite au sentiment de frustration que les gens peuvent éprouver à l'égard des jeunes contrevenants, surtout lorsqu'ils savent qui ils sont. Dans une rue comportant une vingtaine ou une trentaine de maisons, cinq sont dévalisées et toutes par les mêmes personnes.

Telle est la situation. Et cette situation, nous la devons en partie à notre merveilleuse Charte des droits et des libertés, avec laquelle on s'est trouvé à mettre la charrue avant les boeufs. Les droits du criminel passent avant ceux de la victime.

Permettez-moi de vous citer le cas d'une victime de viol qui voulait savoir si elle avait été infectée au virus du SIDA. Elle a demandé une ordonnance de la cour pour que son violeur passe le test du sida. On lui a répondu que ce serait violer ses droits à lui. Voilà quelqu'un qui viole une femme et ce serait violer ses droits que de l'obliger à passer le test du SIDA qui pourrait rassurer sa victime!

(1655)

Chers collègues, cela n'est pas normal! Pas étonnant que les gens pensent que nous avons perdu le contrôle de la situation!

En préparant cette intervention, je me suis demandé quand on avait bien pu commencer à perdre les pédales. Personne à la Chambre, de quelque côté que ce soit, ne s'est levé un beau matin en se demandant comment il pourrait bien bousiller le système de justice criminelle, comment on pourrait l'empirer au lieu de l'améliorer. Ce n'est pas ainsi que cela a commencé. Mais c'est cela qui s'est finalement produit.

Une erreur est une erreur tant qu'on ne l'a pas corrigée. Une fois corrigée, elle devient une leçon. Alors tâchons de tirer une leçon de ceci.

Le tout a commencé le jeudi 7 octobre 1971, lorsque le solliciteur général de l'époque, l'honorable Jean-Pierre Goyer, a tenu des propos qu'on peut lire dans le hansard de ce jour-là et que je vais citer ici. Ces propos risquent de vous scandaliser.

Canadiens et Canadiennes, lorsque vous allez entendre ce que je vais dire, vous allez comprendre pourquoi nous sommes aujourd'hui dans un tel pétrin. Il s'agit d'une intervention longue et compliquée, mais voici le passage clé: «Nous avons donc décidé d'insister sur la réhabilitation de l'individu plutôt que sur la protection de la société.» C'est écrit noir sur blanc dans le hansard. Le jeudi 7 octobre 1971, le solliciteur général du Canada, ici même, à la Chambre-et je parie qu'il se tenait là-bas, quelque part-a dit ceci: «Nous avons donc décidé d'insister sur la réhabilitation de l'individu plutôt que sur la protection de la société». Dites-moi: est-il étonnant, après cela, que nous en soyons où nous en sommes aujourd'hui?

Cela a commencé parce que, à ce moment-là, en 1971, le taux de récidive était de 80 p. 100. Les gens allaient en prison, purgeaient leur peine, et 80 p. 100 d'entre eux se retrouvaient de nouveau derrière les barreaux après avoir été libérés. Quelque chose n'allait pas, alors il fallait corriger la situation. C'était donc là une tentative en vue de corriger la situation.

Je crois que le gouvernement de l'époque était sur la bonne voie. Il est simplement allé trop loin. Nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation où les droits des criminels passent avant les droits des victimes. Nous nous retrouvons dans une situation où nous n'avons pas assez d'argent pour financer un programme de garderies et pour offrir d'autres services que les Canadiens aimeraient avoir, mais où nous pouvons dépenser 675 000 $ pour agrandir le complexe récréatif à l'établissement de Bowden. Nous avons aussi de l'argent pour construire, à Grande Cache, une prison où toutes les cellules ont vue sur les montagnes.

Je voulais simplement signaler le fait que nous ne nous sommes pas engagés dans cette voie hier. Nous suivons ce chemin depuis longtemps et le moment est venu de faire demi-tour.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Madame la Présidente, en écoutant le discours du député, je n'ai pu m'empêcher de noter que sa citation ne remontait pas au moyen-âge, mais à seulement 23 ans.

Je souligne également, et peut-être le député pourra-t-il commenter, qu'il y a environ un an et demi, lorsque nous avons étudié, puis adopté un projet de loi sur les pénitenciers, le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les priorités du ministère étaient énoncées dans ce projet de loi. Pour une raison que nous ignorons, la sécurité de la population n'était pas la première priorité.

Le comité qui a étudié ce projet de loi avait pourtant fait passer ce sujet du troisième ou quatrième rang des priorités au premier rang. Peut-être, après environ 20 ans, assistons-nous à un retour du balancier. Je suis d'accord avec l'opinion exprimée par le député et je me demande s'il ne pourrait pas ajouter quelque chose.

(1700)

M. McClellan: Je remercie le député pour sa question parce que ce sujet figurait au bas de ma liste et je n'ai pas eu le temps d'y arriver. Je crois que l'image du balancier est une bonne


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illustration. Il ne faut pas laisser le balancier aller trop loin, ni dans un sens, ni dans l'autre.

En 1971, au moment de la réforme du système carcéral, nos prisons étaient très dures et il est clair que nous ne sauvions pas autant de détenus que nous aurions pu le faire. Par contre, il est possible que nous ayons laissé le balancier aller trop loin. Il serait temps de redonner aux droits des victimes la place qu'ils devraient avoir, c'est-à-dire avant ceux des criminels.

J'accepte l'argument soulevé par le député et je l'en remercie.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je m'attendais à ce que le député invoque le Règlement. Il y a eu un mélange dans les listes et, à cause d'une erreur de la présidence, le Parti réformiste, dont les membres divisent leur temps de parole, a perdu une période de dix minutes. J'ai redonné leurs dix minutes aux réformistes, puis le gouvernement a eu la parole et nous revenons maintenant à l'opposition.

M. Nunziata: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Est-ce votre intention d'accorder la parole à deux députés du même parti à la suite l'un de l'autre?

La présidente suppléante (Mme Maheu): C'est ce que j'étais en train d'expliquer. La présidence a commis une erreur en accordant la parole à un député ministériel plutôt qu'à un député réformiste.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Madame la Présidente, c'est un honneur que de pouvoir prendre la parole à la Chambre sur une question d'une telle importance. J'espère seulement que mes collègues d'en face examineront cette motion avec beaucoup de sérieux.

Dans l'esprit d'un grand nombre de Canadiens, il n'y a pas de question plus importante que la criminalité et l'impuissance du système de justice pénale à s'y attaquer adéquatement.

Au cours de ma campagne électorale, j'ai eu l'occasion de sonder de façon non scientifique l'opinion de mes électeurs pour découvrir quelles questions retenaient le plus leur attention. Dans ma circonscription, aucune autre question ne touchait peut-être aussi directement les gens que la criminalité.

Il n'y a pas de problème plus criant et plus susceptible de défrayer la chronique que celui des crimes commis par des non-citoyens, surtout ceux qui sont venus dans notre pays accueillant, dont certains ont vraiment abusé de la générosité du Canada et qui, pour empirer encore davantage les choses, sont choyés par notre système judiciaire.

Je sais bien que le nombre des immigrants délinquants est faible par rapport au grand nombre des immigrants qui viennent chez nous. Il est certain que l'immense majorité des immigrants tiennent à mener une existence paisible et à améliorer leur sort au Canada. Néanmoins, beaucoup pensent que les droits des criminels qui ne sont pas des citoyens ou des résidents légaux du Canada l'emportent sur ceux des membres de la société qui respectent la loi, qu'ils soient citoyens ou non-citoyens.

Comme je l'ai déjà dit, on connaît de nombreux cas d'activité criminelle de la part de résidents illégaux et de nouveaux résidents du Canada. Le point de mire de ces manchettes et le tollé général que suscitent ces cas n'a pas été l'acte criminel en lui-même, mais le fait que ces criminels ont eu droit de passer par le système judiciaire canadien au lieu d'être simplement expulsés.

Dans ma ville, j'ai récemment obtenu des informations sur deux trafiquants de drogue qui étaient illégalement au Canada pour y être demeurés plus longtemps que leur visa ne les y autorisait et qui ont été condamnés à purger de lourdes peines d'emprisonnement. Voici la question qu'il faut évidemment se poser: pourquoi ces deux criminels sans statut légal au Canada sont-ils encore ici après avoir perpétré ces crimes et purgé leur peine, ou du moins une partie de celle-ci? C'est une excellente question à poser.

L'histoire ne se termine pas là. Les deux hommes, c'était à prévoir, n'ont pas purgé toute leur peine. Après en avoir purgé une partie, ils ont été libérés sous condition et ont pu reprendre leur vie dans la société, même si ni l'un ni l'autre n'étaient légalement autorisés à demeurer au Canada.

Ce n'est toujours pas la fin de l'histoire. Alors qu'il était en liberté sous condition, un de ces vendeurs de drogue n'a pas tenu les autorités au courant de ses allées et venues; autrement dit, il n'a pas respecté les conditions de sa mise en liberté.

Cela revient à dire que le système de justice pénale n'a pas eu le bon sens d'expulser ces deux individus du pays. Il a plutôt dépensé des milliers de dollars des contribuables pour les poursuivre en justice et les incarcérer brièvement. Il a ensuite eu la générosité de les libérer sous condition, indépendamment du fait que ces deux individus ne devaient pas, en premier lieu, être autorisés à rester en sol canadien.

(1705)

Lorsque j'ai parlé de cette affaire aux responsables des libérations conditionnelles, ils m'ont dit que toute décision que la Commission des libérations conditionnelles rend à l'égard d'un étranger illégalement au pays a préséance sur les procédures visant son expulsion. Il ne s'agit pas d'un cas unique au Canada.

Certains interpréteront peut-être cela comme un effort du système judiciaire pour infliger des peines justes. Toutefois, mes électeurs et beaucoup d'autres Canadiens de toutes les régions estiment que des cas comme ceux-là grèvent le système et présentent des risques pour nos collectivités, parce que notre système judiciaire obéit à des règles plutôt qu'au bon sens.

Quand les Canadiens doivent faire vivre pendant des années dans leurs prisons des criminels étrangers qui sont illégalement au Canada et doivent ensuite les côtoyer lorsqu'ils sont en libération conditionnelle, nous devenons tous des victimes, victimes non seulement du crime, mais aussi d'une justice pénale qui n'a pas assez de bon sens pour régler rapidement et logiquement le cas des étrangers qui viennent au Canada et y commettent des crimes.

Je ne suis pas sûr que la Chambre soit au courant que des demandes de statut de réfugié sont entendues non dans les locaux d'Immigration Canada ou ses bureaux à l'étranger, mais dans les prisons canadiennes. Difficile à croire, mais la politique actuelle


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permet d'entendre ces demandes dans les prisons. Plus difficile à croire encore, lorsque les membres de la Commission du statut de réfugié vont entendre une demande dans une prison, ils ne peuvent tenir compte de la moralité du demandeur, dont témoigne son incarcération, pour juger si cette personne peut être acceptée comme réfugié.

Deux problèmes ressortent ici. Le premier est que, de façon tout à fait ridicule, on néglige de tenir compte de la moralité dans l'étude des demandes de statut de réfugié. Le deuxième, c'est que le Canada est prêt à loger dans ses prisons des contrevenants qui n'ont pas encore obtenu le droit de vivre au Canada.

Les Canadiens sont scandalisés que le gouvernement non seulement paie les procès et l'incarcération d'étrangers, illégaux et autres, mais mette aussi la sécurité des citoyens en péril, alors que la solution serait une prompte expulsion.

L'un des principes qui guident le Parti réformiste, c'est l'attention et le respect accordés au bon sens des simples citoyens du Canada. Les gens qui ne font pas partie du système judiciaire doivent tout de même le financer par leurs impôts. C'en sont les victimes, lorsque le système n'assure pas leur protection. Or, ces gens m'ont dit, à moi et à mes collègues, que ce système a grand besoin d'une réforme fondée sur le bon sens. Cette opinion est partagée non seulement par les réformistes de ce côté-ci de la Chambre, mais aussi par des députés d'en face.

Mes collègues ont dénoncé la tragique irresponsabilité d'un système qui assure la promotion et la protection des droits des criminels plutôt que des victimes. Je déclare à la Chambre que les Canadiens ont perdu foi en un système qui dépense des milliers de dollars pour abriter des étrangers qui sont ici illégalement alors même que ces personnes commettent des crimes. Comme je l'ai déjà dit, cela cause un préjudice à tous les Canadiens qui doivent payer pour un tel non sens ou qui sont forcés de vivre dans des localités qui accueillent des criminels étrangers dont on pourrait se passer.

Récemment, on a découvert la présence d'un autre genre de criminel étranger ici à Ottawa. En effet, on a appris qu'un ancien ministre de la justice du régime tyrannique somalien de Barre vivait à Ottawa.

On sait depuis un certain temps que cet individu vit au Canada. Les membres de la communauté somalienne de Toronto ont attiré mon attention sur le fait qu'ils avaient informé le gouvernement de la présence au Canada de plusieurs autres membres de ce régime, de gens qui avaient également commis des crimes horribles contre leur propre population en Somalie, mais que cela avait été en pure perte.

Malgré l'envoi de nombreuses lettres au gouvernement et la parution de reportages prouvant la présence de ce genre d'individu au Canada, les Somaliens respectueux des lois ayant élu domicile au Canada attendent toujours que justice soit faite.

(1710)

Les nombreux Somaliens qui ont fui la Somalie pour se réfugier au Canada ont vite appris non seulement que le système d'immigration du Canada ne pouvait faire la distinction entre réfugiés légitimes et faux réfugiés, mais encore que les politiciens canadiens n'avaient pas la volonté politique de prendre les mesures nécessaires pour appréhender et expulser les criminels politiques qui les ont suivis au Canada. Voilà un autre exemple du mépris apparent des droits des innocents et des citoyens respectueux des lois et de la protection des droits et des privilèges des criminels.

Quand le gouvernement actuel fera-t-il preuve de la volonté politique nécessaire pour faire respecter ses lois? Je crains qu'il ne le fasse jamais. Au contraire, j'ai bien peur qu'au lieu de propositions fermes en faveur de la protection de tous les Canadiens contre les criminels canadiens et étrangers on entendra encore parler de la Charte, de la nécessité d'être juste, de la nécessité de protéger les droits de quelques-uns.

J'estime que le gouvernement sera gravement menacé dans quatre ans si tous les laissés-pour-compte se soulèvent et exigent que le contrôle du système de justice pénale soit enlevé aux avocats constitutionnels et aux groupes d'intérêts spéciaux et remis dans les mains de ceux qui sont plus aptes à écouter et à répondre aux appels en faveur du bon sens, de la protection, de la vérité, de la justice et de la sécurité nationale qui fusent de partout dans le pays.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Madame la Présidente, le député qui vient de parler ainsi que certains de ses collègues ont touché des aspects bien particuliers. À tour de rôle, on voit que chacun a choisi un sujet. Dans ce cas-ci, il s'agit des immigrants illégaux qui, lors de leur séjour illégal au Canada, commettraient des meurtres.

La motion à l'étude aujourd'hui porte sur le droit des victimes, on doit en convenir, mais elle est très, très générale. Je voudrais juste souligner au député qu'une étude, que je n'ai pas en main à ce moment-ci, rapporte qu'environ 80 p. 100 des meurtres commis au Canada le sont par des membres de la famille ou de l'entourage immédiat de la victime. Il faut y penser, car la très grande majorité des meurtres sont commis dans ces circonstances. Sachant cela, il me semble qu'il faudrait se pencher à nouveau sur toute la question de la disponibilité des armes à feu ou des armes dangereuses que des conjoints violents ou d'autres membres de l'entourage d'une victime risquent d'utiliser.

Il y a aussi un autre aspect. Il y a d'autres types de crime part le meurtre, le vol en est un exemple, mais toutes les études démontrent que ces crimes sont souvent liées à des phénomènes de pauvreté et de problèmes sociaux.

J'aimerais entendre les commentaires du député sur ces deux aspects particuliers et non pas insister, comme il le fait, uniquement sur la situation des immigrants illégaux qui, somme toute,


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représentent des cas extrêmement isolés par rapport au problème dont on parle aujourd'hui.

[Traduction]

M. Hanger: Madame la Présidente, mes commentaires ne portaient pas uniquement sur les meurtres; ils étaient plus généraux. J'ai parlé, et le député s'en souviendra, de trafiquants de drogue qui sont entrés illégalement dans notre pays, même si je suis au courant de plusieurs autres situations dont certaines où des immigrants illégaux ont commis des crimes violents, des meurtres, des vols ou des voies de fait.

Il ne s'agit pas de diriger notre attention ailleurs. Nous avons de nombreux problèmes dans ce secteur, et si nous appliquions les règlements, cela découragerait toute personne qui arrive dans notre pays avec de mauvaises intentions.

Ce que je veux dire ici, c'est que lorsque ces personnes commettent des actes répréhensibles, on ne les punit pas comme on devrait le faire. Il existe des lois et il faudrait les appliquer.

Dans le secteur judiciaire, on semble penser qu'une personne qui n'est pas d'ici devrait être traitée différemment. Ça n'a aucun sens! Les gens en ont assez de cette façon de voir les choses. Ils veulent que l'on prenne des mesures, que toute personne qui commet un crime dans notre pays soit punie, peu importe d'où elle vient. Ils veulent qu'elle soit traitée comme toute personne qui vit ici et qui enfreint la loi, à la seule différence que cette personne devrait être expulsée immédiatement de notre pays après avoir purgé sa peine.

(1715)

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain): Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de York-Sud-Weston. J'écourterai donc mon intervention afin que chacun de nous ait le temps d'exprimer son point de vue.

Je suis heureuse de me prononcer sur cette motion présentée par le troisième parti qui dit s'inquiéter de ce que le gouvernement n'entreprenne pas la réforme du système de justice pénale. Je ne voudrais pas me montrer trop critique à l'endroit du Parti réformiste. Je tiens, toutefois, à rectifier les faits en ce qui concerne le gouvernement et son projet de réforme du système de justice pénale.

Il est bien entendu que nous nous préoccupons des droits des victimes et de leurs proches. Ces Canadiens souhaitent que nous adoptions des mesures de courte et de longue durée, comme la participation de la population, y compris les victimes, au processus décisionnel. Les libéraux ont opté pour une solution globale. Nous entendons mener la vie dure aux criminels. Nous allons faire le ménage dans le système judiciaire.

Comme le ministre le disait le 27 janvier, et je cite: «La prévention du crime doit tenir compte des causes profondes de la criminalité: la pauvreté, l'exploitation sexuelle des enfants, les dysfonctionnements de la famille, les inégalités raciales et l'inefficacité ou les sous-financements des services.»

Il poursuivait: «Notre gouvernement est résolu à élaborer une stratégie intégrée de prévention du crime. De concert avec les autres paliers de gouvernement, la police, les groupes de victimes et les organismes communautaires, nous chercherons en priorité à examiner et à éliminer les causes profondes du comportement criminel.»

Quant à moi, je trouve étonnant que le Parti réformiste veuille condamner le gouvernement pour son inaction, alors que les députés de ce parti savent pertinemment que, sitôt assermenté, le ministre de la Justice s'est mis à l'écoute des gens et s'est lancé dans l'action. En fait, la motion dont nous sommes saisis semble plutôt reprocher au ministre et au gouvernement d'écouter les citoyens. Je croyais que l'écoute attentive figurait sur la liste des priorités du Parti réformiste. Les réformistes devraient plutôt faire l'éloge du ministre de la Justice.

Nous avons enfin un ministre de la Justice qui agit en tenant compte des voeux exprimés par les Canadiens. Certaines mesures ont été prises. On travaille activement à la mise sur pied d'un conseil national de prévention du crime, qui devrait être opérationnel d'ici quatre à six semaines. Des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants seront présentées au début du mois de mai. Le rétablissement de la Commission de réforme du droit est en cours. Le Programme de contestation judiciaire fonctionnera de nouveau d'ici environ six mois. Les nominations, fondées sur le mérite et la compétence, à la Commission nationale des libérations conditionnelles ont été effectuées.

D'accord, il y a encore du pain sur la planche. Le ministre a promis bien des choses dès le début. Ainsi, dans son allocution du 27 janvier, il a notamment promis de s'attaquer au problème de la libération des criminels dangereux à la fin de leur peine et au non moins sérieux problème de la violence faite aux femmes et aux enfants. Il a promis de mettre fin à la contrebande d'armes à feu illégales. Il va se pencher sur la vaste question de l'égalité de tous devant la loi.

Le ministre cherchera de meilleurs moyens de reconnaître les besoins des autochtones en matière de justice pénale et de répondre à ces besoins. Dans le cadre du droit pénal, il déposera un projet de loi qui portera sur la peine.

J'ai travaillé pendant deux ans et demi avec Priscilla de Villiers, dont la fille Nina a été assassinée en août 1991. C'est Priscilla de Villiers qui a été la première à adresser au gouvernement une pétition disant que le système de justice pénale du Canada comportait de graves lacunes. La pétition demandait au Parlement de reconnaître que les crimes de violence contre la personne sont graves et odieux dans notre société.

Nous avons appris que le cas de Nina n'était pas unique. La pétition mettait en lumière d'autres cas semblables où le système de justice pénale avait échoué. En fait, 2,5 millions de Canadiens ont manifesté leur inquiétude en signant des pétitions de ce genre. Le ministre de la Justice a accepté ces pétitions lors d'une conférence de presse tenue le 7 février et a exprimé son intention d'offrir aux Canadiens le système de justice pénale le plus équitable et le plus efficace qui soit.

Mme de Villiers sait que le système de justice pénale ne peut pas à lui seul venir à bout des crimes de violence. Nous devons


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tous prendre l'engagement à long terme de bâtir une société plus sûre qui rejette la violence et inculque des valeurs de non-violence à ses enfants.

Au moyen d'une organisation appelée CAVEAT, que Mme de Villiers a formée, beaucoup de Canadiens qui sont vivement préoccupés par la criminalité continueront de promouvoir la sensibilisation de la population et la prévention du crime dans son sens le plus large.

(1720)

Dans toutes les régions du Canada, de nombreux groupes participent à des échanges de vues sur les réformes qui s'imposent dans le système de justice pénale. L'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des policiers élaborent toutes deux un projet de déclaration des droits des victimes. Dans bien des régions, y compris à Hamilton, les forces policières locales interrogent directement les citoyens pour mieux comprendre leurs besoins.

J'ai écouté les gens et je suis maintenant de plus en plus convaincue de la nécessité de ce débat rationnel qui a lieu un peu partout dans le pays. Nous avons tous besoin de partager nos expériences. Je trouve étrange que le Parti réformiste désire que nous agissions sans prendre le temps de consulter tous les Canadiens, y compris les victimes de crimes.

L'opposition doit se rendre à la réalité. Elle doit se rendre compte du lien qui existe entre la criminalité et les structures sociales. Elle doit se rendre compte de la nécessité de consulter les Canadiens et les victimes elles-mêmes afin d'apporter au système de justice pénale des changements vraiment significatifs.

À vrai dire, nous devons féliciter le ministre de la Justice. Il a entendu ce qu'avaient à dire la Chambre et tous les Canadiens. Priscilla de Villiers m'a dit, pas plus tard que ce matin, qu'elle avait l'impression que le ministre était sur la bonne voie, étant donné les consultations qu'il avait eues et les changements qu'il avait proposés.

La députée qui a présenté cette motion voudra peut-être savoir qu'à la fin de la semaine dernière, le ministre a rencontré, à Vancouver, un groupe de victimes et entendu personnellement leurs préoccupations. Les députés de l'opposition doivent se tenir à l'écoute des habitants de leur circonscription et faire part de leurs préoccupations à la Chambre.

Ce serait faire une utilisation plus efficace de notre temps et cela permettrait de mieux servir notre objectif commun qui est d'apporter des changements significatifs au système de justice pénale. Je compte bien travailler avec les députés des deux côtés de la Chambre à la réalisation de cet objectif commun.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Madame la Présidente, la motion du Parti réformiste, dont nous parlons aujourd'hui, est une motion malveillante.

Le Parti réformiste a été élu sur une plate-forme qui disait que, plutôt que d'être malveillants à la Chambre, les députés seraient constructifs et travailleraient avec le gouvernement pour obtenir des changements qui soient dans l'intérêt de tous. Le Parti réformiste a présenté une motion qui condamne le gouvernement pour son inaction. Comme le gouvernement est au pouvoir depuis si peu de temps, je ne peux que conclure à l'intention malveillante.

Je me serais attendu à mieux du Parti réformiste. Je me serais attendu à des solutions ou à des suggestions constructives qui auraient aidé le gouvernement dans son effort de réforme du système de justice pénale.

Pendant la campagne électorale, le Parti libéral a dit clairement, dans son livre rouge, qu'il réformerait de façon efficace le système de justice pénale, contrairement à ce qu'a fait le gouvernement précédent.

Qu'il me suffise de renvoyer la motionnaire et le Parti réformiste à la page 79 du livre rouge où le Parti libéral annonce son programme en ce qui concerne la justice.

On dit, à la page 79, que «la lutte contre la délinquance sera prioritaire pour un gouvernement libéral.» Je peux garantir que les députés de notre côté sont résolus à modifier et à améliorer le système de justice pénale.

J'ai confiance que le ministre de la Justice proposera des modifications importantes. Il fera en sorte que, avec le temps, les Canadiens retrouveront leur respect pour la justice pénale et leur confiance dans le système.

Le ministre signalait un peu plus tôt les initiatives qu'il a prises. Tout ce que je demande au Parti réformiste, c'est de collaborer avec le ministre et les autres députés de notre côté pour que les modifications proposées soient adoptées.

Je dispose de quelques minutes seulement pour parler de certains aspects du système de justice pénale. Nous reconnaissons sans aucun doute que le système de justice pénale a désespérément besoin d'une réforme.

J'ai sous les yeux le Code criminel du Canada, qui est le fondement du système de justice pénale. Ce code prescrit le traitement à appliquer aux criminels et cette brique a effectivement besoin d'être révisée. Depuis quelques semaines, j'ai abordé deux aspects de la question au moyen d'initiatives parlementaires.

J'ai déposé aujourd'hui un projet de loi qui vise à abroger l'article 745 du Code criminel. Comme je le disais à la Chambre aujourd'hui, l'article 745 permet aux individus condamnés pour meurtre au premier ou au second degré de demander à un tribunal de réduire le délai préalable à leur libération conditionnelle. Dans les faits, cela signifie qu'une personne reconnue coupable de meurtre au premier degré, c'est-à-dire de meurtre délibéré et prémédité, peut demander à un tribunal de lui accorder une libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de sa peine. Je ne crois pas que cette disposition ait l'appui de la population.

(1725)

Cela équivaut à dire qu'une condamnation à perpétuité n'en est pas une. La plupart des Canadiens en sont conscients, de sorte qu'une personne qui commet un meurtre au premier degré peut s'attendre à ne pas passer le reste de sa vie en prison. La plupart des Canadiens croient qu'une peine d'emprisonnement à perpétuité dure 25 ans. Or, en vertu de l'article 745, une peine d'empri-


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sonnement à perpétuité peut signifier seulement 15 ans d'emprisonnement.

Ce qui fait qu'un criminel comme Clifford Olson sera admissible à une libération conditionnelle dans moins de trois ans. Helmut Buxbaum, qui a fait assassiner son épouse, serait admissible à une libération conditionnelle d'ici cinq ans. Colin Thatcher pourra demander une réduction de peine quelques années après, puisqu'il aura purgé 15 ans de sa peine d'emprisonnement. Je crois que cette disposition du Code est une erreur de notre système de justice pénale et qu'elle devrait être abrogée.

L'autre sujet dont je voulais parler est la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous savons tous que cette loi est inefficace.

Le 17 février, j'ai déposé à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire qui traite de trois aspects de la loi dont nous devons nous occuper le plus rapidement possible, bien qu'il y en ait un plus grand nombre qui méritent également notre attention.

Premièrement, il faut modifier les limites d'âge contenues dans la loi. À l'heure actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants définit un jeune contrevenant comme un enfant âgé de 12 à 17 ans. En vertu du projet de loi que j'ai déposé, il s'agirait d'un jeune de 10 à 15 ans. Ainsi, les jeunes de 16 et 17 ans seraient traduits devant des tribunaux pour adultes et poursuivis au criminel comme le seraient des adultes.

À mon avis, un jeune de 16 ou 17 ans connaît et comprend très bien la différence entre le bien et le mal et devrait être traité en conséquence.

Le deuxième aspect de mon projet de loi et, comme le ministre l'a déjà indiqué, les amendements qu'il proposera, porteront à 10 ans la peine maximale pour un meurtre au premier degré. Je félicite le ministre pour cette mesure.

Le troisième aspect de ce projet de loi permettrait la publication du nom d'un jeune contrevenant après la deuxième infraction punissable sur acte d'accusation.

En fait, le jeune contrevenant aurait deux chances. La troisième fois, à mon avis, ce serait dans l'intérêt public que la population connaisse l'identité du jeune contrevenant et les circonstances de son crime.

Il faudra aussi s'intéresser à d'autres aspects. Le ministre en a signalé quelques-uns dont il s'occupera durant les prochains mois. J'ai déjà fait valoir, par exemple, qu'une réforme du système de libération conditionnelle s'imposait de toute urgence. Il faudrait à mon avis éliminer la liberté surveillée et la libération automatique des détenus lorsqu'ils ont purgé deux tiers de leur peine. Le ministre a aussi déclaré qu'il proposerait une réforme du système de détermination de la peine. Et, je le répète, la réforme du système de libération conditionnelle est très importante. En matière de prostitution, certains changements s'imposent à cause des répercussions de la prostitution sur les collectivités de toutes les régions du pays.

Dans les quelques instants qu'il me reste, je voudrais simplement indiquer aux députés du Parti réformiste qu'ils ne détiennent certainement pas le monopole de l'intérêt porté au système de justice pénale et à la réforme de ce système.

Les membres du Cabinet et les députés de l'arrière-ban du gouvernement sont tous déterminés et engagés à faire des changements. Je voudrais demander aux députés du Parti réformiste de faire connaître leurs idées car je sais que le ministre et d'autres personnes y prêteront une oreille attentive. Dans un an ou deux je leur demanderai de regarder ce qui a été fait et ils seront fiers du travail accompli par ce gouvernement dans le domaine de la réforme du droit criminel.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, je voudrais remercier mes collègues de leur contribution d'aujourd'hui. Ils ont formulé un certain nombre de suggestions et recommandations importantes.

Tout le monde a entendu le ministre de la Justice dire aujourd'hui qu'il écouterait très attentivement les idées des gens et qu'en fait, il les accueillerait avec plaisir.

(1730)

Un certain nombre d'observations ont été faites et j'aimerais en aborder quelques-unes très brièvement. On semble vouloir, et je pense que c'est un besoin réel, faire en sorte que les victimes d'un crime reçoivent un appui beaucoup plus grand qu'à l'heure actuelle. Le ministre de la Justice a précisé qu'il était d'accord là-dessus et qu'il voulait prendre des mesures en ce sens.

Les gens ont également le sentiment que dans le cas de certains crimes au moins, on devrait prévoir des peines plus sévères et je souscris tout à fait à cela. Cependant, comme l'un de mes collègues réformistes l'a signalé, nous devons faire très attention de ne pas aller trop loin dans l'autre direction, car nous risquerions de créer d'autres problèmes tout aussi graves peut-être.

À quel point est-il important de s'attaquer aux causes du crime, c'est-à-dire la pauvreté et le chômage, afin de réduire la criminalité? Je voudrais obtenir l'opinion de mon collègue à ce sujet.

M. Nunziata: Madame la Présidente, une stratégie équilibrée est sans aucun doute nécessaire. Nous devons, bien entendu, nous occuper absolument du cas de ceux qui commettent des actes criminels. Il faut le faire de façon efficace en tenant compte de l'intérêt du public et des possibilités de réinsertion sociale des contrevenants.

Je suis d'accord avec ceux qui affirment que nous sommes allés trop loin dans une direction. Nous devons parvenir à cet équilibre. Par contre, il nous incombe de faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les gens ne choisissent pas de vivre toute leur vie dans la criminalité et nous devons donc nous attaquer aux causes profondes de ce phénomène comme le chômage. Je suis persuadé que le gouvernement va résoudre ce problème. Les gens qui travaillent ont moins de chances de commettre des crimes.

Nous devons aussi nous attaquer au problème de la pauvreté et au fait qu'un grand nombre de Canadiens ne mangent pas à leur

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faim. En réglant le problème de la pauvreté, nous lutterons également contre la criminalité. Nous pourrons la réduire. Il faut donc aborder la question de façon globale. À l'instar du député, je crois qu'on doit agir sur les causes profondes de la criminalité, car à long terme, ce sera une solution plus efficace.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 17 h 34, j'ai le devoir d'informer la Chambre que, conformément au paragraphe 81(19) du Règlement, les délibérations sur la motion sont maintenant terminées.

La Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River) propose: Que le projet de loi C-219, Loi modifiant la Loi sur l'immigration (visas de séjour), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, les circonstances qui nous ont amenés à présenter ce projet de loi ont trait au mode de fonctionnement de la Loi sur l'immigration. Au cours de la dernière législature, nous avions présenté un projet de loi d'initiative parlementaire semblable à celui-ci. Je suppose qu'on peut dire que nous faisons une deuxième tentative.

Ce qui nous amène à présenter cette mesure, ce sont les procédures auxquelles doivent s'astreindre les visiteurs qui veulent venir au Canada et qui ont besoin d'un visa pour ce faire. Le Canada exige en effet des visiteurs de certains pays qu'ils présentent un visa avant d'entrer au Canada. Ce projet de loi permettrait aux parents canadiens de ces visiteurs de présenter une caution ou une sûreté et obligerait l'agent des visas à tenir compte de cette caution ou de cette sûreté au moment de la demande.

La meilleure façon pour moi de décrire les difficultés que ce projet de loi permettrait de résoudre est de vous faire part d'un cas particulier. Les personnes en cause savent que j'en parlerai, parce que je l'ai fait à la Chambre il y a quelques années. Elles sont assez bonnes pour me permettre d'utiliser leur cas comme un bon exemple de situation où une telle mesure pourrait être utile.

Il s'agit de la famille Saravia, qui vit à Scarborough. Ces gens vivent au Canada depuis une vingtaine d'années. Ils sont originaires de Bolivie où ils ont encore de la famille, des frères et des soeurs entre autres.

(1735)

Il y a un ou deux ans, après mûre réflexion, il fut décidé que l'un des frères viendrait leur rendre visite à Noël. Il ne connaissait ni ses neveux ni ses nièces et tout le monde pensait que c'était une bonne idée. En fait, leur mère était déjà venue les voir au Canada un an et demi plus tôt et n'avait eu aucune difficulté à obtenir un visa. Cette fois-ci, le visiteur, M. Torres, se rendit au Pérou pour faire sa demande une semaine avant Noël, étant donné que nous n'avons plus de bureau des visas en Bolivie. Il présenta son billet d'avion et un document que lui avait envoyé sa famille du Canada. Son visa lui fut refusé. Malheureusement, alors qu'il était à Lima, des gens défavorisés le dévalisèrent. L'essentiel c'est qu'il ne put se rendre au Canada pour Noël, à la grande déception de mes électeurs.

Ceci n'est qu'un cas parmi les centaines qu'on me soumet en tant que député. Je sais qu'il n'y a pas un seul député dans cette Chambre, particulièrement ceux qui viennent des régions urbaines, qui ne soit confronté au problème que pose la demande de visas de visiteurs par des membres de la famille.

Dans le cas présent, j'ai reçu une lettre d'explication de notre bureau. C'est une bonne lettre, une bonne réponse, et je ne critique pas nos fonctionnaires en poste à Lima. Ils m'ont répondu et m'ont donné leur version des faits. Je vais vous en lire des passages qui vous donneront une idée des raisons de leur décision. Voici ce qu'ils m'ont écrit:

Les visas de visiteurs constituent une partie très délicate de notre travail. Comme vous le savez, un grand nombre d'étrangers entrent au Canada chaque année comme touristes et essaient d'y rester à la fin de leur séjour. Dans chaque cas, nous devons déterminer, sur la foi de quelques maigres renseignements si le demandeur est réellement un visiteur ou s'il essaie d'émigrer au Canada avec un visa de touriste. La seule façon pour un demandeur de nous convaincre qu'il est vraiment un visiteur est de prouver que des liens tellement forts l'attachent à son pays qu'il ne peut manquer d'y retourner.
C'est ce que nous avons expliqué à M. Torres. Il a déclaré qu'il laissait sa femme et ses deux enfants en Bolivie et que son travail l'y attendait. Malheureusement, il n'a pu nous donner de preuve qu'il était financièrement à l'aise ni qu'il avait des biens en Bolivie ou de bonnes raisons d'y retourner.
Pour un résident canadien il est très frustrant de savoir qu'un frère, une soeur, un père, une mère, un fils ou une fille ne peuvent rendre visite à leur famille parce qu'ils ne possèdent aucun bien et qu'ils n'ont pas de ressources financières alors que ce n'est pas le cas de leur famille au Canada.

Par conséquent, ce projet de loi vise à corriger cette omission. Nous parlions tout à l'heure de la procédure pénale, dont la victime a été exclue. Voici une autre procédure, soit celle de la délivrance des visas de visiteur, dont le résident permanent, le parent, celui qui a invité son père ou sa mère à venir lui rendre visite, est exclu. Il n'a aucun rôle à jouer. Ce projet de loi permettra à ces familles canadiennes de participer à la procédure en fournissant une garantie ou un cautionnement, ce qui accroîtra les chances de délivrance du visa.

La sûreté proposée n'exige pas de l'argent comptant. Le montant serait fixé par le ministère de l'Immigration, comme il le fait dans d'autres cas. Cette modification donne au résident canadien un rôle à jouer dans la procédure et une raison de veiller à ce que les conditions du visa de visiteur soient respectées. Comme il s'agit de membres d'une même famille, il existe un certain degré de responsabilité. Le fait qu'il y ait un lien de parenté entre le visiteur et la famille qui l'a invité incite certainement cette


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dernière à s'assurer que le visiteur respecte les conditions du visa.

(1740)

La loi, sous sa forme actuelle, pose un dilemme. Le paragraphe 8(1) dit ceci:

Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.
C'est donc au visiteur que cette responsabilité incombe. Le résident canadien n'a aucun rôle à jouer. Puis, le paragraphe 8(2) dit ceci:

Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge.
Par conséquent, on présume donc dès le départ qu'un visiteur qui doit obtenir un visa n'est pas un véritable visiteur. On présume qu'il est un immigrant.

C'est prévu dans la loi. C'est un bon moyen de faire peser le fardeau sur le visiteur. Si, en tant que Canadien, je voulais inviter un membre de ma famille à venir me visiter de l'étranger, je ne serais pas très heureux de cela.

À mon avis, ce n'est pas juste pour les Canadiens. De plus, le fardeau qui pèse sur le visiteur est encore plus lourd lorsque la langue constitue un obstacle. Beaucoup de visiteurs qui viennent au Canada n'ont pas l'anglais comme langue maternelle. Si l'agent des visas est en quête de subtilités au niveau des intentions, il va être extrêmement difficile de relever ces subtilités quand la langue parlée n'est pas la langue maternelle du visiteur. Dans les quelques questions qui sont posées, l'information échangée va être plutôt élémentaire.

Quant aux statistiques dont s'inspire le projet de loi, elles ne paraissent pas trop mal à première vue. En 1993, le ministère a accordé 545 000 visas, soit plus d'un demi-million, dans le monde entier, et en a refusé près de 82 000. Ce n'est pas mal. On pourrait se dire en effet que ce n'est pas si mal par rapport au demi-million de visas accordés. J'ai l'impression que 79 000 des visas refusés concernaient des parents de mes électeurs, mais ce n'est pas vrai. Il suffit de deux ou trois de ces cas pour exaspérer un député.

Plus de la moitié des habitants de ma circonscription sont des immigrants. Cela signifie qu'il est bien probable que beaucoup de ces Canadiens ont de la famille ou des parents à l'étranger qui veulent venir en visite. Quatre-vingt-deux mille est donc un grand nombre. Même s'ils n'étaient que 1 000, 2 000 ou 3 000 à être concernés par le projet de loi, cela reste un grand nombre quand on parle de Canadiens qui souhaitent recevoir la visite de membres de leur famille.

Il vaut la peine de noter deux faits importants à cet égard. Tout d'abord, la forte augmentation du nombre des familles au Canada qui ont des parents à l'étranger. Les gens voyagent partout autour du monde de nos jours. Il y a une forte augmentation du nombre des voyages et une forte augmentation du nombre des immigrants au Canada, de sorte qu'il se produira probablement beaucoup plus de visites familiales.

Deuxièmement, le processus de détermination du statut de réfugié a empoisonné l'atmosphère pour les demandes de visas de séjour. Dans tous les cas, les agents des visas sont à l'affût des faux réfugiés. Il pourrait même y avoir d'authentiques réfugiés qui cherchent à entrer au Canada grâce à un visa de séjour. Nos agents des visas mettent leur carrière en jeu quand ils accordent des visas. Je comprends, et les autres députés le comprennent sûrement, qu'ils ne peuvent pas trop commettre d'erreurs. Chaque fois qu'un faux demandeur du statut de réfugié reste ici grâce à un visa de séjour, l'addition commence à monter. On ne parle pas de 1 000 $, mais bien d'un coût de 20 000 $ ou 30 000 $ pour le contribuable aux niveaux fédéral, provincial et municipal pour l'aide juridique, pour les prestations d'aide sociale durant le processus, pour le coût du processus, pour le logement et ainsi de suite. C'est une affaire très exaspérante, et aux enjeux élevés. Ce sont là quelques-unes des nouvelles réalités dont nous devons tenir compte. On a négligé les Canadiens dans ce processus.

(1745)

En conclusion, je veux simplement souligner les points saillants de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Il permet aux résidents canadiens de participer officiellement au processus. Actuellement, ils peuvent seulement aller voir un avocat ou un notaire pour qu'il prépare une lettre attestant qu'un parent leur rendra visite et qu'ils s'occuperont de lui durant son séjour. Le notaire appose son sceau et demande pour ce faire 50 $ ou 100 $. Je ne parlerai pas de la légitimité de ces honoraires. Comme on peut le constater d'après la lettre venant de Lima, au Pérou, ce genre d'intervention de la part de la famille canadienne ne pèse pas lourd sur la décision.

Deuxièmement, mon projet de loi donnerait une garantie de nature financière que le visiteur va se conformer aux conditions de son visa.

Troisièmement, mon projet établit un lien réel entre le demandeur et la famille canadienne qui a fait l'invitation.

Quatrièmement, mon projet de loi ne causerait aucun préjudice aux demandeurs qui n'ont pas de parents au Canada ou ne donnent aucune caution. Il stipule expressément que le service des visas ne doit pas en tenir compte.

Cinquièmement, le projet laisse aux demandeurs qui ont des parents au Canada la même latitude pour être considérés comme des visiteurs faisant partie d'un groupe. Les groupes de visiteurs peuvent avoir des arrangements en matière de caution, ce qui n'est pas possible pour les personnes seules.

Sixièmement, rien n'est changé dans les vérifications relatives aux visas de visiteur. Les vérifications de base et les garanties resteront les mêmes. Le projet donnera un rôle important aux membres de la famille et procurera une plus grande assurance que les conditions du visa de visiteur seront respectées.


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En guise de conclusion, j'exprime le voeu que le gouvernement prêtera attention à cette proposition, tiendra compte de ce type de modification et la reprendra dans la Loi sur l'immigration lorsqu'il sera prêt à la modifier.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Madame la Présidente, ce n'est sûrement pas par hasard que le projet de loi C-219, qui vise à modifier l'article 9 de la Loi sur l'immigration, est discuté aujourd'hui, le 17 mars, fête de la Saint-Patrick. Souhaiter une bonne fête aux Canadiens et aux Québécois d'origine irlandaise est pour moi un privilège puisqu'une de mes aïeules maternelles était originaire de la verte Érin. À mes compatriotes irlandais, particulièrement ceux du Québec fiers de leur origine et de leur culture, il me fait plaisir de souhaiter la plus heureuse des fêtes.

Des voix: Bravo!

Mme Dalphond-Guiral: Les députés de l'opposition officielle ont, à de multiples reprises dans cette Chambre, souligné l'apport considérable des Néo-Québécois et Néo-Québécoises et des nouveaux citoyens canadiens à l'édification, ici, d'une société pluraliste et ouverte sur le monde. Un grand nombre de citoyens de toute origine et de toute provenance sont venus enrichir par leur culture et par leur savoir-faire le Québec et le Canada.

D'ailleurs, le portrait de cette Chambre reflète bien la réalité de la mosaïque canadienne puisque bon nombre de députés, pour Canadiens qu'ils soient, ont également des attaches profondes avec leur pays d'origine, le leur, ou celui de leurs parents. En terre canadienne, la preuve est faite, il y a place et accueil chaleureux pour les gens qui choisissent le Québec ou le Canada, qu'ils soient d'Europe, d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine. Mais leur nouvelle vie ne fait pas pour autant disparaître l'attachement profond qui les relie à leurs familles, à leurs amis, vivant toujours aux quatre coins de la planète. Ces liens sont nécessaires et un État civilisé se doit de reconnaître leur importance en ajustant ses lois de façon juste et humaine.

(1750)

Nous croyons que le projet de loi C-219, que nous étudions aujourd'hui, et qui vise à modifier l'article 9 de la Loi sur l'immigration, facilitera, s'il est adopté, l'obtention de visas de séjour aux membres de familles canadiennes ou de résidants permanents. Ce projet de loi est un ajustement législatif à la fois juste et humain.

Les députés de cette Chambre savent que dépendant de la durée présumée du séjour en terre canadienne, un certain nombre de personnes doivent obtenir un visa auprès de l'ambassade du Canada à l'étranger, visa les autorisant à séjourner au Canada.

L'autorisation de séjourner au Canada comporte un certain nombre d'exigences pour le demandeur. Il doit notamment être détenteur d'un passeport en rêgle et d'un billet de retour valide. Il doit également justifier les motifs de sa visite. Bref, le visiteur étranger qui demande un visa pour visiter le Québec ou le Canada et pour y retrouver des membres de sa famille, doit prouver qu'il est de bonne foi et qu'il correspond aux exigences de la Loi de l'immigration et de son règlement. Ce visiteur éventuel doit également prouver à l'agent de visas chargé d'étudier la requête, qu'il a les fonds suffisants pour assurer sa subsistance durant son séjour au Canada et qu'il a la ferme intention de retourner dans son pays d'origine.

Nous partageons l'avis du législateur à l'effet qu'une personne désirant venir au Québec ou au Canada en visite doit avoir les ressources financières suffisantes pour faire face aux exigences reliées au coût de la vie au Canada. Cette disposition va de soi compte tenu que la durée de séjour est habituellement de un à six mois, avec la possibilité de prolonger la durée de ce séjour une fois au Québec ou dans les autres provinces.

Cependant, selon les chiffres fournis par le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté en 1992, les bureaux canadiens à l'étranger ont refusé un visa de séjour à plus de 100 000 demandeurs. La plupart des demandes de visas de séjour refusées venaient, madame la Présidente, de pays du Tiers monde et de certains pays d'Europe de l'Est.

Peut-on croire que des raisons d'ordre monétaire soient l'une des principales raisons du refus de délivrer ces visas? Il n'est peut-être pas naïf de le supposer. Nous croyons en tant qu'initiateur de la motion, qu'il est immoral et totalement injustifié de présumer que les visiteurs moins bien nantis provenant de ces pays pourraient agir de mauvaise foi.

Il est par conséquent nécessaire que ces demandeurs puissent voir leur demande de visa de touriste examiné par un fonctionnaire de la même façon qu'un visiteur fortuné, si les membres de leur famille québécoise ou canadienne ou des membres résidants permanents sont prêts à leur offrir une garantie monétaire agissant ainsi comme caution.

Certaines personnes s'objecteront peut-être à cette motion en affirmant qu'une augmentation de l'obtention du nombre de visas de séjour ne fait qu'augmenter le nombre de demandeurs de statut de réfugié. Elles insisteront sur les données récemment rendues publiques par le ministère de l'Immigration à l'effet que l'on assiste présentement à une augmentation des revendicateurs du statut de réfugié qui entrent au Canada munis simplement d'un visa de visiteur.

Il faut leur répondre, que munies d'un visa valide ou de faux documents, les personnes qui craignent à raison d'être persécutées pour des motifs politiques, religieux, ethniques ou autres ont des droits, reconnus par des lois internationales, notamment la Convention de Genève, dont le Canada est signataire.

(1755)

Madame la Présidente, ce n'est ni un acte criminel ni un geste immoral que de chercher refuge dans un pays où les droits humains sont reconnus.

En conclusion, les députés de l'opposition officielle, fidèles aux valeurs fondamentales de la société québécoise, valeurs de générosité et d'ouverture aux autres, appuieront sans équivoque le projet de loi C-219. La Loi sur l'immigration ainsi modifiée n'en respectera que davantage les citoyens de ce pays qui par


2464

leurs différences et leur travail contribuent à l'enrichissement collectif de notre société.

[Traduction]

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de Scarborough-Rouge River de l'intéressant travail qu'il a fait au nom de ses électeurs et de tous les Canadiens en cette matière.

J'ajouterai, et je sais que le député en a fait mention, que ce n'est pas seulement au cours de la législature actuelle, mais aussi pendant la précédente. J'estime qu'il mérite nos félicitations. Son intérêt en ce domaine tombe pile, sans compter qu'il constitue un rappel de ceux qui y travaillent.

C'est un domaine qui intéresse tous les Canadiens et c'est pourquoi le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé la tenue d'une nouvelle consultation pour l'élaboration d'un plan d'immigration de dix ans. Le ministre espère faire ses premières déclarations à ce sujet cet automne.

Sont énoncés dans la Loi sur l'immigration des objectifs de politique clairs visant à faciliter l'entrée des visiteurs au Canada afin de promouvoir le commerce, le tourisme, les activités culturelles et scientifiques ainsi que la compréhension internationale.

La décision de délivrer ou non un visa de visiteur repose évidemment sur l'intention de la personne qui demande à visiter le Canada. Il est fort intéressant que ce projet de loi soit débattu aujourd'hui parce que j'ai justement parlé de cette question plus tôt dans la journée avec des hauts fonctionnaires avant de comparaître devant le comité. Un des fonctionnaires au rang des plus élevés m'a dit que, lorsqu'il se rendait dans nos bureaux à l'étranger, il se faisait un honneur d'aller à la section des visas pour observer les gens qui y travaillent.

Je suis bien de son avis et je crois qu'il faut le répéter à la Chambre. C'est merveilleux de voir à l'oeuvre la connaissance et l'habileté de nos agents des visas qui, petit groupe très spécialisé du Service extérieur, prennent rapidement les bonnes décisions, dans des pièces bondées, assaillis par une multitude de personnes désireuses de venir au Canada pour toutes sortes de raisons. En effet, la rapidité avec laquelle ces gens arrivent à prendre les bonnes décisions est vraiment extraordinaire. Les hauts fonctionnaires avec lesquels je me suis entretenue aujourd'hui n'ont cessé de me répéter que nous avons tous des raisons d'être très fiers de ceux qui servent le Canada à l'étranger.

Il faut savoir que nous pouvons compter sur 47 agents sur place et 25 agents spécialisés dans nos ambasssades, hauts-commissariats et consulats canadiens pour traiter en permanence les demandes de visas de séjour.

Au cours de la seule année 1993, les agents canadiens à l'étranger ont traité 627 394 demandes de visas de séjour. Sur ce nombre, 546 457 visas ont été délivrés. Seulement 81 937 demandes ont été rejetées ou annulées. Cela représente un taux d'acceptation de 87 p. 100, ce qui, ma foi, est un résultat étonnant. La plupart des demandes de visas de séjour sont traitées dans les 24 heures.

(1800)

En général, les problèmes dont nous avons vent, en tant que députés, ne représentent qu'un petit pourcentage du travail accompli par les bureaux du Canada à l'étranger.

Le ministre estime, je tiens à le préciser, que le député soulève, dans ce projet de loi d'initiative parlementaire, des questions très importantes. Ce sont des questions qui, sans nul doute, méritent d'être examinées, et je suis sûre que le ministre responsable de la citoyenneté et de l'immigration accordera l'attention voulue à ce qu'a dit le député et au projet de loi qu'il a présenté. Cette question devrait continuer de susciter beaucoup d'intérêt.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir parler d'un projet de loi qui traite de l'immigration.

Pour la deuxième fois aujourd'hui, je vais examiner sous un autre angle ce débat sur les visas de séjour. Je devrais souligner que la Chambre n'a pas cherché activement à favoriser la discussion sur une mesure législative portant sur l'immigration. Je félicite donc mon collègue de faire oeuvre de pionnier.

Bien qu'elle soit très volumineuse, notre actuelle Loi sur l'immigration ne semble pas très rigoureuse, car les mécanismes d'application lui font cruellement défaut. C'est également le cas pour les visas de séjour. En outre, beaucoup de Canadiens estiment que cette loi ne parvient pas à bien protéger le Canada contre les abus.

Il va sans dire que le Canada jouit d'une solide réputation de pays humanitaire et accueillant. Cependant, lorsqu'on abuse de cet accueil, il peut en résulter une réaction brutale, et la tolérance des Canadiens envers les nouveaux arrivants ou, pire, envers des lois qui ne semblent pas punir ces abus risque de diminuer. Selon les sondages, c'est précisément ce qui se passe actuellement.

Les Canadiens sont témoins d'innombrables cas d'abus du système et ne savent pas que les immigrants ou les visiteurs ne sont pas toujours à blâmer, puisque ceux qui abusent du système ne font que tirer parti des encouragements aux abus qu'offre notre Loi sur l'immigration.

Un abus qui ne fait peut-être pas souvent les manchettes, mais qui met néanmoins notre système d'immigration à rude épreuve, c'est le fait que beaucoup de visiteurs ne quittent pas le pays après l'expiration de leurs visas. Les autorités chargées de l'immigration ont donc resserré les exigences auxquelles doivent répondre les visiteurs pour obtenir un visa de séjour au Canada. Actuellement, un des facteurs déterminants dans l'attribution d'un visa de séjour est l'évaluation du risque que le demandeur ne respecte pas l'engagement qu'il prend de quitter le Canada.

C'est particulièrement astreignant pour les hommes jeunes et les célibataires, car on décide souvent qu'ils n'auraient guère de raisons de rentrer chez eux, d'autant plus que, dans la plupart des


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cas, les services d'immigration canadiens sont incapables d'appréhender et de déporter les personnes dont le visa a expiré.

Toutefois, si des membres de la famille, citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada, pouvaient déposer une caution, cela pourrait faciliter la décision de l'agent d'immigration, car non seulement cela réduirait les risques que la personne ne reste au-delà de la durée permise, mais cela empêcherait aussi que l'on refuse injustement un visa de séjour. Du moins, c'est ainsi que les choses devraient fonctionner en théorie.

En réalité, la mesure législative pourrait avoir pour effet d'encourager plus d'abus. Le projet de loi, s'il était adopté, pourrait amener au Canada beaucoup plus de gens n'ayant pas l'intention de repartir et qui resteraient sans jamais être appréhendés. Permettez-moi d'expliquer pourquoi.

Ce projet de loi ne mentionne pas la valeur ni le type de caution, il ne dit pas si elle serait en espèces ou autrement. On peut supposer que cette caution ne sera pas énorme. Si tel est le cas, les citoyens ou résidents permanents du Canada qui désirent faire venir un parent pourraient fort bien prendre la décision rationnelle, et économiquement raisonnable, de lui faire obtenir un visa de séjour, plutôt que de passer par le processus long et complexe du parrainage au titre de la réunification des familles.

De plus, lorsque l'on parraine un parent, on s'engage à subvenir à ses besoins pendant une longue période. Je sais que bon nombre de gens ne tiennent pas compte de cette exigence et que cela donne lieu à de nombreux abus. Néanmoins, cette exigence comporte une obligation que l'on pourrait faire respecter si seulement le gouvernement montrait la volonté politique nécessaire et s'il appuyait les agents et les divisions responsables de l'application des règlements.

(1805)

Puisque l'on peut parrainer un visa de séjour en versant une caution, il pourrait y avoir tout au plus la perte d'un ou de deux mille dollars, sans aucune autre obligation financière ou juridique. J'ai bien peur qu'au lieu de faire ce qu'il est censé faire, ce projet de loi n'ouvre la porte à d'autres abus.

J'ai fait lire ce projet de loi à des personnes qui connaissent beaucoup mieux que moi le secteur de l'immigration. Après l'avoir lu, elles m'ont dit que, même si ce projet de loi pouvait rendre le processus d'octroi des visas un peu moins discriminatoire, nous risquions de nous retrouver avec une foule de visiteurs ayant l'intention d'élire domicile au Canada, en restant dans notre pays une fois leur visa expiré.

De plus, on m'a dit qu'il était presque impossible, en raison de la pénurie de main-d'oeuvre et des limites légales, de repérer, d'arrêter et de déporter les immigrants illégaux qui restent au pays une fois leur visa expiré. Un énorme pourcentage d'immigrants illégaux ont suivi cette voie pour entrer dans notre pays. En permettant aux personnes très susceptibles de s'enfuir d'obtenir plus facilement un visa de séjour, cette mesure législative ne contribuera qu'à augmenter le nombre d'immigrants illégaux.

De plus, elle pourrait faire en sorte qu'il soit impossible d'accuser un citoyen ou un résident permanent du Canada d'aider ou d'héberger un immigrant illégal. Si une personne a versé une caution et perdu cet argent, il ne reste aucun recours en justice.

Il faut aussi penser à la fraude. On la retrouve un peu partout dans le processus d'immigration au Canada; elle prend la forme de documents de voyage contrefaits, de faux visas ou de transfert de documents. Il est regrettable que ce projet de loi ne s'intéresse pas à cette question. Il cherche plutôt à faciliter l'acquisition des visas et ne tient absolument pas compte des nombreux abus du système des visas de séjour qui sont commis de nos jours.

Je dois faire une autre remarque au sujet de ce projet de loi. Il tient pour acquis qu'un mécanisme nous permet de déterminer à quelle date, le cas échéant, un visiteur détenant un visa quitte le pays. Sinon, comment pourrait-on confisquer la sûreté, le cautionnement versé? Or, il n'existe aucun mécanisme de la sorte. Bien que les visiteurs disposant d'un visa de séjour soient obligés d'indiquer leur date d'arrivée à Immigration Canada, ils ne sont pas tenus d'indiquer la date de leur départ. Ainsi, ce projet de loi part d'une fausse hypothèse; il devrait certainement exister un mécanisme coercitif, mais tel n'est pas le cas.

En bref, je félicite mon collègue qui a présenté ce projet de loi et a ainsi amorcé la restructuration si nécessaire du droit de l'immigration. Toutefois, ce projet de loi pèche par manque de perspicacité et souffre du même mal que bien d'autres projets de loi présentés à cette Chambre.

En théorie, l'idée est excellente. Je sais que les intentions de mon collègue sont louables, mais ce projet de loi ne ferait qu'envenimer un problème déjà assez grave. En aggravant le fonctionnement de notre système d'immigration déjà déficient, on compromettrait l'avenir même de toute immigration au Canada, car on attiserait l'intolérance due justement aux lacunes de ce système.

Je m'oppose respectueusement à ce projet de loi.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Madame la Présidente, j'appuie le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de Scarborough-Rouge River, parce que je sais que dans ma circonscription, Don Valley-Nord, environ 50 p. 100 de la population est formée de néo-Canadiens. Je suis, bien sûr, l'un d'entre eux.

Je crois que ce projet de loi améliorera le système de bien des façons. Cela réduirait notamment la paperasserie, dans nos ambassades ou nos bureaux des visas à l'étranger. Ensuite, cela aiderait les familles d'ici. On leur donnerait ainsi la possibilité de se réunir pour les fêtes, les jours importants, les manifestations religieuses, les mariages et que sais-je encore.

(1810)

Je crois en outre que cela pourrait aider l'industrie touristique de notre pays. Plus nous aurons de visiteurs et moins nous leur imposerons de restrictions, plus ils seront contents de dépenser leur argent et de générer des revenus pour les entreprises canadiennes.

C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que j'appuie ce projet de loi. Je demande instamment aux députés d'accepter cette proposition et de renvoyer la mesure à un comité. Au

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comité, nous l'appuierons certainement. J'espère que les autres membres du comité appuieront comme moi cette mesure, quand ils l'auront examinée.

M. Julian Reed (Halton-Peel): Madame la Présidente, c'est avec fierté que j'interviens pour appuyer le projet de loi présenté par le député de Scarborough-Rouge River car il nous propose une façon pratique et réaliste de résoudre certains des problèmes qui se posent à l'heure actuelle dans notre système d'immigration.

Je voudrais que cette idée soit étendue au parrainage d'immigrants par des familles. Nous savons que dans un nombre croissant de cas, des familles parrainent des immigrants venus s'établir au Canada, puis peu de temps après, pour une raison quelconque, elles abrogent le contrat qui les lie avec le gouvernement fédéral et aux termes duquel elles devaient soutenir financièrement les intéressés. Ainsi, il me semble que le principe d'un cautionnement serait un moyen très pratique de remédier à cette situation.

Je tiens en outre à dire au député qu'on pourrait également appliquer ce principe aux visas d'étudiant pour les jeunes qui viennent ici pour s'instruire, car je pense que cela permettrait aux établissements d'enseignement canadiens d'offrir leurs services à des jeunes d'autres régions du monde.

Je peux vous parler de mon expérience personnelle lorsque j'ai essayé, avec certains de mes amis, de faire entrer au Canada un jeune Dominicain pour qu'il puisse suivre des cours qui n'étaient pas offerts en République dominicaine. Nous avons présenté une demande qui a été rejetée à deux reprises et nous avons été forcés de lancer une campagne de lettres auprès du ministre et de l'arbitre à Saint-Domingue. Ce jeune étudiant a dû participer à nos efforts et amener avec lui certains documents pour montrer qu'il avait remporté quatre années de suite le prix du président dans son pays et qu'il était un membre très respecté de sa collectivité, et le reste.

Enfin, à la troisième tentative, le jeune homme a été admis au Canada. Il est maintenant en train de terminer ses études en informatique et il va retourner chez lui et sera en mesure d'apporter quelque chose de tout à fait neuf et spécial à ce pays où sa mère continue d'habiter.

Ainsi, je crois qu'il s'agit d'un progrès extrêmement important. J'ai soumis cette idée à mes électeurs au cours des derniers mois, en m'adressant à des chambres de commerce et à diverses personnes et la réaction a toujours été positive. Les gens croyaient fermement qu'il s'agissait d'une excellente nouvelle orientation qui permettrait dans une large mesure de résoudre certains des problèmes qui suscitent souvent un tollé de la part des citoyens établis au Canada. Tout ce que nous pourrions faire pour remédier à cela serait constructif, selon moi.

Mon bureau de comté est en rapport avec divers employés des services d'Immigration où on fait circuler cette idée. Je peux vous dire que même là, elle est bien reçue.

Ainsi, je félicite mon collègue. Je pense que c'est une excellente initiative. Je voudrais l'étendre à d'autres domaines. Je ne crois pas un instant que mes collègues réformistes puissent être sérieux lorsqu'ils affirment que cela viendrait s'ajouter au prix que doivent payer les gens pour faire des affaires au Canada, pour acheter leur entrée chez nous.

(1815)

Selon moi, tout ce qui reste à régler, c'est la façon dont ce cautionnement sera appliqué et à quel niveau. Il s'agit d'un processus administratif et je ne pense pas que ce devrait être simplement le prix d'entrée au Canada.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de souscrire à ce projet de loi.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il n'y a plus de député qui souhaitent prendre la parole, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 96(1) du Règlement, l'ordre est rayé du Feuilleton.

Avant de demander le consentement unanime pour dire qu'il est 18 h 30, je voudrais souhaiter une joyeuse fête de la Saint-Patrick à tous.

[Traduction]

Je souhaite à tous une heureuse Saint-Patrick.

Mme Clancy: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement.

Puisque c'est aujourd'hui le jour de la Saint-Patrick et que je remarque que vous portez un trèfle, madame la Présidente, je crois indiqué de vous remercier, au nom de tous ceux d'entre nous qui sont d'ascendance irlandaise. J'inclus évidemment le ministre de la Justice. Bien sûr, je n'oserais jamais le désigner par son nom, mais il faut reconnaître que, pour un Irlandais, c'est un nom bien singulier.

Nous vous remercions beaucoup, madame la Présidente, pour vos aimables paroles.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Ai-je l'autorisation de déclarer qu'il est 18 h 30?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


2466

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Madame la Présidente, on devance de 10 minutes la période des délibérations sur la motion d'ajournement. Je ne peux présumer de l'absence de qui que ce soit en cette Chambre, mais j'inviterais, cependant, un membre du gouvernement à donner une réponse à la question.

Mardi de cette semaine j'ai posé une question à la ministre de l'Environnement au sujet de la phase I du Plan d'action Saint-Laurent. Mon indignation était à l'effet qu'Industrie Canada, pour la phase I, n'a dépensé que cinq millions de dollars au Québec pour la dépollution de ce fleuve, qui coule principalement au Québec.


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Voyons les chiffres initialement prévus à cette fin. Ici, j'arrondirai les chiffres pour une meilleure compréhension. À l'origine, Industrie Canada avait prévu un budget de 20 millions de dollars. Mais on a coupé-récession oblige-de 2 millions de dollars. Il reste donc 18 millions de dollars. Plus de 6 millions de dollars devaient servir à subventionner des projets qui, jugés pas tellement sérieux, ont été refusés. Faute de mieux, on a gardé ces 6 millions, si bien qu'Industrie Canada n'a donc investi qu'un maigre 11,3 millions de dollars des 20 millions prévus à l'origine pour avoir un fleuve propre. Mais là où le bât blesse, c'est qu'Industrie Canada n'a daigné dépenser qu'un maigre cinq millions de dollars au Québec.

(1820)

Je vous rappelle, madame la Présidente, que le fleuve Saint-Laurent coule principalement au Québec. Je m'explique mal donc qu'une somme importante, soit près de six millions de dollars, ait servi à subventionner une usine de pâtes et papiers ontarienne située à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, à plusieurs centaines de kilomètres du fleuve Saint-Laurent. Pourtant, le long du fleuve Saint-Laurent, il y a des dizaines et des dizaines d'usines de ce genre. Pourquoi celle de Miramichi?

Je m'explique mal aussi la subvention de 450 000 $ accordée à Marsh Engineering, une entreprise de Port Colborne, sur le lac Ontario, pour le traitement de rejets d'huile affectant des navires pouvant se retrouver un jour ou l'autre sur le fleuve Saint-Laurent. Pourtant, il y a plusieurs ports de mer sur le fleuve Saint-Laurent au Québec, tels Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sept-Îles et bien d'autres.

Alors pourquoi seulement 5 millions des 12 dépensés dans la phase I du Plan d'action Saint-Laurent au Québec? Pourtant, c'est là, et je le rappelle, que le fleuve coule principalement.

Je me souviens très bien que dans les années 1980, il y avait au Québec un grave problème avec les érables. Le gouvernement du Québec n'a pas acheté une forêt de conifères ou une forêt de chênes pour étudier le problème, il a acheté une énorme érablière et ses fonctionnaires ont fait des tests, des analyses de sol et ont apporté des remèdes pour trouver le problème du dépérissement des érables.

Pour dépolluer le fleuve, je pense qu'il était juste et opportun de concentrer les énergies là où le fleuve coule. Je trouve donc injustifié le comportement d'Industrie Canada.

En terminant, dans le rapport qui jette de la lumière sur ces faits, on affirme que le partenariat entre Environnement Canada et Industrie Canada est un échec. Les deux ministères ont tiré dans des directions opposées en ce qui concerne le volet technologique.

La ministre de l'Environnement s'est engagée formellement mardi dernier à ce que toutes les sommes allouées au Plan d'action Saint-Laurent soit dépensées au Québec. Peut-elle nous expliquer maintenant comment elle s'y prendra pour contrôler les sommes que les autres ministères investiront dans la phase II du Plan d'action Saint-Laurent pour que l'expérience de la phase I ne se répète pas?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Madame la Présidente, tout d'abord, ce que j'ai dit en Chambre, c'est que l'argent mis de côté pour la phase II du Plan d'action Saint-Laurent va être dépensé pour dépolluer le fleuve.

Ceci dit, il est bien évident que le Saint-Laurent commence en Ontario, à Brockville, et se déverse jusque dans le Bas-du-Fleuve. Justement, le beau-père de mon frère a un chalet à Carleton, dans la Baie des Chaleurs, juste en face du Nouveau-Brunswick.

C'est cela notre objectif, dépolluer le Saint-Laurent, et c'est justement à cela que nous nous sommes engagés en Chambre. Tout l'argent mis de côté pour ce projet va servir pour la dépollution.

Ceci dit, je pense que le député a une vision assez étroite des choses quand il prétend que si on a un problème de technologie, la source de l'investissement sera nécessairement fixée géographiquement. Il connaît certainement le nom du Dr Jonas Salk, ce médecin recherchiste qui a permis d'avoir le vaccin mettant fin à la poliomyélite qui affligeait beaucoup de gens à travers le monde.

(1825)

On n'a pas dit au Dr Salk que puisqu'il était de l'Université de Toronto, les sommes d'argent prévues devaient forcément être investies à Toronto.

Si la technologie utilisée pour dépolluer le Saint-Laurent est bonne, qu'elle vienne du Québec, ou vice versa, j'espère, si un problème survient dans le lac Ontario ou dans la baie de Hamilton, près de chez moi, si un chercheur de Montréal est capable de trouver un moyen technologique de le régler, de nettoyer le lac Ontario, par exemple, je ne vais pas lui dire: N'y touchez pas parce que vous venez du Québec.

Je crois qu'il est important d'allouer des sommes d'argent à la dépollution du Saint-Laurent. Ce n'est pas notre gouvernement qui a signé l'entente, qui a fait que des fonds n'ont pas été distribués de la bonne manière, c'est l'actuel chef de l'opposition, qui était ministre à ce moment-là, qui a signé, avec ses homologues du gouvernement conservateur, un plan quinquennal en ce qui concerne le fleuve Saint-Laurent, mais sans indiquer, au préalable, quelles sommes devaient être consacrées à la dépollution. Et ce n'est qu'une partie du problème.

L'autre partie du problème est de s'assurer qu'on se serve de la bonne technologie. Je suis certaine que les compagnies québécoises spécialisées en haute technologie environnementale sont très concurrentielles, et elles n'aimeraient pas se faire dire que toutes les sommes d'argent prévues pour les Grands Lacs devraient provenir de compagnies situées près des Grands Lacs. Ce qu'on cherche, c'est de la bonne technologie environnementale, qui pourrait être utile aussi bien en Ontario qu'au Québec ou dans d'autres provinces. C'est ça une vraie technologie environnementale.

[Traduction]

LE REVENU MINIMUM ANNUEL GARANTI

Mme Jane Stewart (Brant): Madame la Présidente, je voudrais revenir à une question que j'ai posée le 15 mars au sujet du concept de revenu annuel garanti.

2468

Pendant que le ministre du Développement des ressources humaines effectue l'examen de la politique sociale, je l'encourage à étudier à fond le concept de revenu annuel garanti et à effectuer à ce sujet une analyse coûts-avantages.

Je voudrais parler aujourd'hui de cinq avantages du concept, qui justifient que le ministre lui accorde son attention.

Premièrement, par souci d'efficience, nous avons besoin d'un programme général qui regroupe la mosaïque de programmes sociaux qui existent actuellement. Nous pourrions regrouper dans le revenu annuel garanti le supplément de revenu garanti, le crédit et les exemptions d'impôt pour enfants, les exemptions de mariés, les transferts fédéraux au Régime d'assistance publique du Canada, la sécurité de la vieillesse et peut-être aussi les crédits d'impôt pour TPS. On pourrait également y inclure l'assurance-chômage ou certains éléments du programme.

Ne serait-il pas plus sensé de créer un seul programme de soutien au lieu d'avoir de nombreux programmes et tout l'appareil bureaucratique nécessaire à leur administration?

Nous parlons de la nécessité de rationaliser le fonctionnement de l'État. Le revenu annuel garanti pourrait être un moyen de le faire.

Deuxièmement, qu'en est-il des incitatifs au travail? Nombreux sont ceux qui craignent qu'un revenu annuel garanti encourage les gens à ne pas travailler. C'est précisément ce que font tous nos programmes à l'heure actuelle. Les programmes sociaux prévoient un taux élevé de récupération sur le revenu additionnel gagné, voire une récupération totale dans certains cas, de sorte qu'il n'est pas possible aux bénéficiaires de retourner au travail. Si, en dénichant un emploi peu rémunéré, une personne risque de perdre une autre aide importante, elle ne peut vraiment pas sortir du régime.

Comme le revenu annuel garanti serait intégré au régime fiscal, on pourrait prévoir une récupération graduelle des prestations à mesure que le bénéficiaire trouve d'autres sources de revenus.

À mon avis, la preuve qu'un revenu annuel garanti serait un contre-incitatif au travail est bien faible. En fait, il existe peut-être une forte preuve du contraire. Selon une étude réalisée récemment au Manitoba, un revenu annuel garanti ne modifie pas les habitudes de travail.

De plus, le Conseil national du bien-être a publié dernièrement une étude établissant que les Canadiens ayant un faible revenu réagissent mieux aux incitatifs au travail que ceux qui ont un revenu supérieur à la moyenne. La personne qui a du mal à joindre les deux bouts ne peut se payer le luxe de se détendre au lieu de travailler.

Je suis convaincue que les Canadiens veulent travailler et que, s'il était bien structuré, un régime de revenu annuel garanti les encouragerait à le faire.

Quant à l'efficacité, la politique sociale est plus efficace si elle répond aux divers besoins des Canadiens. C'est précisément ce que fait un revenu annuel garanti. La flexibilité des taux de récupération et des niveaux de garantie peuvent appuyer efficacement le revenu des Canadiens qui ne sont pas susceptibles de retourner sur le marché du travail et de ceux qui sont en mesure de travailler. Dans notre économie en constante évolution, l'acquisition de compétences et la formation ouvrent bien des portes aux Canadiens à faible revenu.

(1830)

Un revenu annuel garanti offre une certaine forme de soutien du revenu aux gens qui participent à des programmes de formation et de perfectionnement.

Passons maintenant aux avantages économiques. C'est une bonne politique sociale qui se défend du point de vue économique car elle fournit aux personnes à faible revenu l'argent dont elles ont besoin pour faire vivre leurs familles et cet argent est dépensé dans l'économie locale.

Enfin, pour ce qui est de la dignité des Canadiens, je pense que le revenu annuel garanti contribue à protéger la dignité des Canadiens à faible revenu. Premièrement, il constitue un bon soutien du revenu qui permet aux Canadiens de subvenir à leurs besoins essentiels.

Deuxièmement, les gens n'auront plus à endurer l'humiliation de l'examen des besoins effectué dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada.

Avec un revenu annuel garanti, les gens n'auront pas besoin de vivre de l'aide sociale, simplement parce qu'ils trouvent que ce n'est pas avantageux de travailler. Grâce à ce genre de soutien, les Canadiens pourront acquérir les compétences nécessaires pour soutenir de nos jours la concurrence sur le marché du travail.

En terminant, je crois qu'un revenu annuel garanti offrirait de grands avantages à tous les Canadiens et c'est ce que j'ai tenté de démontrer. J'exhorte le gouvernement à étudier ce concept et à faire une bonne analyse coûts-avantages. Le temps est venu de procéder à une véritable refonte de la politique canadienne en matière d'assistance sociale.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Madame la Présidente, le ministre du Développement des ressources humaines m'a demandé de répondre à sa place ce soir.

Je sais que le ministre aimerait que, pour commencer, j'exprime notre gratitude et notre admiration à la députée de Brant pour son intérêt soutenu et aussi pour les suggestions qu'elles a faites ce soir et qui donnent matière à réflexion.

Puis-je dire, au nom du ministre, que le comité permanent du perfectionnement des ressources humaines a écouté les Canadiens exprimer leur point de vue sur la réforme du système de sécurité sociale. Le ministre a aussi formé un petit groupe de travail composé de Canadiens actifs dans la réforme des programmes de sécurité sociale et d'emploi pour l'aider à coordonner les différents éléments du processus de réforme.

En avril, le ministre présentera un plan d'action énonçant les différentes options sur lesquelles le comité se penchera l'été prochain. Ce comité fera appel au plus large éventail possible de moyens de consultation de la population.

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L'idée d'un programme de revenu annuel garanti répondant à tous les besoins des personnes dont les revenus sont insuffisants a été envisagé à maintes reprises par différents gouvernements, tant fédéraux que provinciaux.

Le principe général d'un revenu annuel garanti correspond au but que vise le ministère en réformant et en rationalisant les programmes de sécurité sociale pour qu'ils comblent mieux les besoins de la population.

La mise en place d'un programme de revenu annuel garanti exigerait une réforme en profondeur des structures administratives et financières de plusieurs composantes du système de sécurité du revenu dont l'assurance-chômage, l'aide sociale, les prestations pour enfants et l'impôt.

Une proposition de revenu annuel garanti qui a attiré beaucoup d'attention ces derniers mois est le programme de supplément du revenu présenté par la commission sur la relance économique de Terre-Neuve et du Labrador.

Des fonctionnaires provinciaux et fédéraux travaillent de concert à l'étude et à l'évaluation de la proposition de Terre-Neuve pour voir si elle est compatible avec le processus national de réforme de la sécurité sociale.

Toutefois, le gouvernement ne peut envisager de revenu annuel garanti autrement que dans le contexte de la réforme générale de la sécurité sociale.

L'établissement d'un revenu annuel garanti constitue une option très novatrice pour cette réforme qui n'est pas prisonnière des structures actuelles des programmes. Une telle proposition pourrait être présentée comme étant l'une des nombreuses options disponibles.

Avant d'envisager une telle option, il faudra examiner attentivement les divers objectifs du gouvernement, dont la création d'emplois et les objectifs financiers. Il faudra aussi s'attaquer aux injustices inhérentes au système actuel de programmes gouvernementaux.

La réforme de la sécurité sociale est un plan ambitieux qui doit être réalisé dans des délais serrés et qui va donner lieu à d'importants changements. L'examen du plan d'action sera ouvert au public. L'examen des différentes options devra se faire avec la participation de nos partenaires, des provinces et des Canadiens en général.

Ces programmes sont essentiels et le gouvernement n'a pas l'intention de négliger le moindre détail pour déterminer la meilleure façon de réformer le filet de la protection sociale.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 18 h 35, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 35.)