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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 18 mars 1994

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

    Projet de loi C-14. Étape du rapport 2471
    Motion portant approbation 2471
    Adoption de la motion 2471
    Motion portant troisième lecture. 2471

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA PETITE ENTREPRISE

LE CONGRÈS JUIF CANADIEN

LA SOCIÉTÉ ROGERS COMMUNICATIONS

LE SERMENT D'ALLÉGEANCE

LA COMMISSION NORD-AMÉRICAINE DE COOPÉRATIONEN ENVIRONNEMENT

L'ÉCOLE SECONDAIRE CARLETON NORTH

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

LES ANCIENS COMBATTANTS

LE BUDGET

LA LÉGISLATION CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS ET LES FAILLITES

MME PRISCILLA DE VILLIERS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CODE CRIMINEL

L'ÉCONOMIE

LA SANTÉ

LA SANTÉ

QUESTIONS ORALES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

LES DÉPUTÉS

    M. Harper (Simcoe-Centre) 2481
    M. Harper (Simcoe-Centre) 2482
    M. Harper (Simcoe-Centre) 2482

LES COMMUNAUTÉS AUTOCHTONES

L'ÉCONOMIE

LE CHÔMAGE

HOCKEY CANADA

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AGRICULTURE

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

LE DÉFICIT FÉDÉRAL

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2486
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2486

L'IMMIGRATION

LES PRODUITS DANGEREUX

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE PROJET KEMANO

AFFAIRES COURANTES

LE IRVING WHALE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE IRVING WHALE

    M. Chrétien (Frontenac) 2490

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LOI SUR LA SUSPENSION DE LA RÉVISION DES LIMITESDES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-18. Adoption des motions portantprésentation et première lecture. 2492

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'approbation du douzième rapport 2492
    Adoption de la motion 2492

PÉTITIONS

LA LETTONIE

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

    M. Hill (Prince George-Peace River) 2492

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

    Projet de loi C-14. Reprise de l'étude de la motionportant troisième lecture 2493
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2493
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 2499
    Le président suppléant (M. Kilger) 2503
    Le président suppléant (M. Kilger) 2503
    Le président suppléant (M. Kilger) 2504

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES FÉDÉRAUX

    M. Chrétien (Frontenac) 2510

2471


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 18 mars 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-14, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1994-1995, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

L'hon. Marcel Massé (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

M. Massé (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

(1005)

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi portant pouvoir d'emprunt.

Ce projet de loi a été approuvé par le Comité des finances de la Chambre et il est crucial que la Chambre en fasse l'étude dans les plus brefs délais. En l'absence de ce pouvoir d'emprunt pour la nouvelle année financière, le programme financier du gouvernement serait soumis à de graves contraintes qui pourraient coûter cher au gouvernement et aux contribuables du Canada. Le gouvernement fédéral serait limité au financement à court terme. Le gouvernement serait donc exposé à un risque additionnel, pour ce qui est des taux qu'on lui consentirait, et le marché des capitaux serait perturbé, ce qui pourrait provoquer une hausse de la dette et des frais afférents.

Ce n'est pas à la légère que nous demandons le pouvoir d'emprunt. Nous savons que le fait d'alourdir le fardeau de la dette pourrait entraîner des coûts réels. L'importance du pouvoir d'emprunt demandé dans le projet de loi est directement liée aux besoins financiers établis dans le budget de 1994. Ce budget permet de prendre des mesures concrètes et responsables en vue de contrôler les finances du Canada.

Notre but ultime consiste à éliminer le déficit et, entre-temps, à le réduire pour qu'il corresponde à 3 p. 100 du PIB d'ici 1996-1997. Le budget trace la voie à suivre pour réaliser ce but. Nous réduirons le déficit pour qu'il s'établisse à 39,7 milliards de dollars dans la prochaine année financière, à 32,7 milliards en 1995-1996 et, misant seulement sur une croissance modérée, à 25 milliards de dollars en 1996-1997. Les besoins financiers sont moins élevés et se chiffrent à 30,2 milliards de dollars en 1994-1995 et à 22,7 milliards de dollars en 1995-1996.

Je tiens à être très clair. Aucune mesure additionnelle ne sera nécessaire pour que nous atteignions notre objectif et réduisions le déficit en trois ans. Cette réduction résultera directement des mesures prévues dans le budget de 1994.

Pour réaliser ces mesures, nous avons proposé les réductions les plus radicales imposées par un gouvernement depuis dix ans. Les compressions de dépenses pour la dette totaliseront 17 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Au cours de cette période, il y aura une compression des dépenses de 5 $ pour chaque 1 $ de nouvelles recettes.

Certains se sont dits déçus que le déficit ne soit pas plus bas pour la première année. Le gouvernement partage ce sentiment. Cependant, les raisons en sont bien simples.

Premièrement, il faut un certain temps avant que les effets des réductions de dépenses se répercutent intégralement dans les comptes de la nation. Par exemple, dans le cas de l'assurance-chômage, la loi doit être modifiée.

Deuxièmement, nous avons tenu tous nos engagements électoraux, y compris le lancement d'un important programme national d'infrastructure, engagements à l'égard desquels nous acquittons la facture tout de suite.

Il y a une troisième raison pour laquelle le déficit n'est pas plus faible la première année. Nous avons abandonné un grand nombre des pratiques utilisées précédemment. Au cours des dernières années, le gouvernement établissait des objectifs reposant sur des prévisions exagérément optimistes. Notre budget est fondé sur des hypothèses très prudentes.

[Français]

Premièrement, il faut un certain temps pour que les effets des réductions de dépenses se répercutent intégralement dans les comptes de la nation; par exemple, dans le cas de l'assurance-chômage, où la loi doit être modifiée.

Il y a une deuxième raison. C'est que nous avons tenu tous nos engagements électoraux, y compris le lancement d'un important programme national d'infrastructures, engagements à l'égard desquels nous acquittons la facture tout de suite.

Il y a une troisième raison pour laquelle le déficit n'est pas plus faible la première année. Nous avons abandonné un grand nombre des pratiques utilisées antérieurement. Au cours des dernières années, le gouvernement établissait des objectifs reposant sur des provisions exagérément optimistes. Notre budget est fondé sur des hypothèses très prudentes.


2472

[Traduction]

De plus, le budget contient toutes les dispositions nécessaires au financement des nouveaux programmes. Rien n'est caché. Nous avons prévu une réserve suffisante pour faire face aux dépenses imprévues sans être obligés de modifier nos objectifs budgétaires.

Enfin, nous n'avons pas passé le fardeau du déficit fédéral aux provinces. Nous croyons fermement que les deux niveaux de gouvernement doivent collaborer pour résorber leur déficit respectif.

Passons maintenant au projet de loi C-14. Comme les projets de loi portant pouvoir d'emprunt présentés ces dernières années, celui-ci comporte trois éléments fondamentaux. Je voudrais vous décrire brièvement chacun des trois éléments.

Le premier élément permet d'emprunter 30,2 milliards de dollars afin de couvrir les emprunts nécessaires pour répondre aux besoins financiers nets exposés dans le budget.

Le deuxième élément du projet de loi prévoit 1,1 milliard de dollars au titre des gains au Compte du fonds de change. Il s'agit des gains qui donnent lieu à des besoins supplémentaires en emprunt. Cela s'explique par le fait que ces gains, bien que consignés comme recettes budgétaires, sont conservés dans le Compte du fonds de change. Ces sommes ne peuvent servir au financement des opérations courantes du gouvernement.

(1010)

Le troisième élément du projet de loi prévoit une réserve de 3 milliards de dollars, somme identique à celle qu'on a demandée dans les projets de loi portant pouvoir d'emprunt au cours des six dernières années. Cette réserve est prévue pour des éventualités comme les transactions de change, les fluctuations saisonnières dans les besoins en emprunts et les délais dans l'adoption des prochains projets de loi portant pouvoir d'emprunt.

Le projet de loi C-14 prévoit une autre somme de 3 milliards de dollars pour financer les titres émis en vertu de l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

En résumé, le pouvoir d'emprunt s'inscrit dans le cadre normal des activités du gouvernement et ce projet de loi ne contient aucune disposition inhabituelle. Toutes les données essentielles sont à la disposition de la Chambre, soit dans le budget, soit dans le Budget des dépenses principal, soit dans les divers documents connexes.

Par conséquent, j'exhorte la Chambre à aller de l'avant avec ce projet de loi sans plus tarder afin que le programme régulier d'emprunt soit en place au début du nouvel exercice financier et que le gouvernement puisse éviter de payer des frais trop élevés pour rembourser la dette.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Monsieur le Président, depuis la lecture du Budget en cette Chambre, j'ai de nombreuses fois observé l'encensoir valser de l'autre côté de la Chambre. La premier ministre encense son ministre des Finances, comme s'il détenait la vérité éternelle. Les autres ministres l'encensent, le flattent et le remercient même d'avoir coupé dans leur propre budget. Pour conclure la farce, le ministre s'encense lui-même. Je n'ai jamais vu tant d'encens. Si j'ai été enfant de choeur pendant 10 ans et le curé, qui pourtant était très généreux, en mettait beaucoup moins. Beaucoup d'encens, pour embaumer un flot de paroles inutiles et futiles.

Plusieurs députés du Bloc québécois, mes collègues, ont décrié avec justesse ce Budget. À mon tour, je joins ma voix pour dire qu'il n'y a rien dans ce Budget pour redonner espoir aux plus démunis de notre société. C'est un Budget pensé et conçu par des fils des ténèbres, dont le père n'est nul autre que le premier ministre.

C'est quoi un fils des ténèbres? C'est quelqu'un qui pense en fonction de son parti et de sa carrière. J'ai beaucoup de collègues ici dans cette Chambre qui proviennent de milieux ruraux. De l'autre côté, il y a des jeunes loups qui disent à l'extérieur de la Chambre: Vous avez raison, mais comme nous commençons notre carrière, nous voulons une promotion, il faut parfois se taire. Il y a d'autres députés, beaucoup plus anciens, qui ont le verbe facile, et qui disent ceci: Pourquoi ne pas protéger notre carrière, et peut-être aboutir éventuellement au Sénat.

C'est quoi encore un fils des ténèbres? C'est quelqu'un qui n'accepte jamais ses erreurs. On a vu dans cette Chambre que le Collège militaire de Saint-Jean, un collège francophone, sera fermé. Tout le monde admet que c'est une erreur formidable de ce gouvernement, mais on n'est pas capable de le reconnaître.

C'est quoi encore? C'est quelqu'un qui protège les plus riches, les fiducies familiales, les grosses compagnies. C'est quelqu'un également qui ne donne jamais, ici en cette Chambre, de véritable réponse. On dit tout le temps: «Peut-être. . . Ça arrivera. . .» Mais on ne donne jamais de vraie réponse.

(1015)

C'est quelqu'un qui, également, accepte deux poids deux mesures. Les pauvres, on leur serre la ceinture tandis qu'un ministre peut partir et dépenser 160 000 $ pour un voyage.

C'est quelqu'un qui exploite les plus pauvres et s'entoure des riches pendant les campagnes électorales. Des repas avec des amis, de 1 000 $ ou 3 000 $, cela n'est pas gênant, ce sont des amis. C'est quelqu'un également qui est prêt à saigner à blanc nos aînés, à les imposer à partir de 24 000 $ ou 25 000 $. C'est quelqu'un qui ne valorise pas les travailleurs et qui écoeure les chômeurs.

Je n'ai pas d'exemple à donner ici parce que j'ai fait le tour de mon comté plusieurs fois. Les travailleurs et travailleuses, les chômeurs et les chômeuses me comprennent. C'est quelqu'un qui peut prendre n'importe quel moyen pour arriver à ses fins.

Le ministre des Affaires extérieures nous a donné une version en Chambre et à l'extérieur de la Chambre il en donne une autre. C'est quelqu'un qui se fiche de tout un peuple. Vous savez qu'au Québec il y a eu des fédéralistes très sincères. Il y a eu Jean


2473

Lesage qui a dit avec pertinence son slogan «Maîtres chez nous». Il avait siégé ici dans cette Chambre. Est-ce qu'on l'a écouté?

Immédiatement après, le premier ministre Daniel Johnson père a dit «Égalité ou indépendance». Est-ce qu'on l'a écouté, monsieur le Président? Pas du tout. Son fils qui est premier ministre du Québec ne l'écoute pas, il est encore pire.

Il y a eu René Lévesque qui a parlé de «Souveraineté association». À un moment donné il a dit «Beau risque». Est-ce qu'on l'a écouté? Pas du tout.

Monsieur le Président, vous avez reconnu les concepteurs de ce dernier Budget et c'est pourquoi je me permets de baptiser le premier ministre de père des ténèbres. Je vais vous dire pourquoi je baptise le premier ministre de père des ténèbres. Souvenez-vous du rapatriement de la Constitution en sens unique, le Québec n'était pas là, dans les brumes de Londres. Souvenez-vous du Lac Meech, son âme était autour. Souvenez-vous de Charlottetown, cela servira à écrire ses Mémoires d'outre-tombe.

Dans ce Budget il n'y a rien pour redonner espoir aux petites collectivités de mon comté aux prises avec des difficultés sociales et économiques très importantes. Si j'étais un citoyen forcé de vivre de l'assurance-chômage comme la plupart de mes concitoyens et concitoyennes, de l'assurance-chômage à caractère saisonnier temporaire, j'aurais aujourd'hui un sentiment profond de révolte.

(1020)

Où sont-ils ces emplois stables dans le monde rural et dans nos petites villes? Si j'étais un citoyen qui avait voté pour le Parti libéral, je crierais à la trahison. Qu'est-ce qu'on a dit pendant la campagne électorale, monsieur le Président? On a dit «job, job, job». Où sont-elles? À part les infrastructures qu'on va mettre en oeuvre le plus vite possible, dans la province de Québec particulièrement, s'il y a une élection, on verra des bulldozers un peu partout, pour donner l'illusion qu'on crée des emplois temporaires, uniquement pour cela.

Si j'étais maire d'une petite municipalité rurale, je serais convaincu que ce gouvernement vient tout simplement d'abandonner, une fois de plus, le monde rural. Toutes les belles promesses que ce gouvernement a faites à l'électorat canadien durant la dernière campagne électorale sur le sous-emploi, le chômage et le logement se sont envolées.

Non seulement ce Budget n'offre rien aux plus démunis, bien mieux, il pige dans les poches des plus pauvres, encore une fois. Il saigne à blanc et égorge les personnes âgées, des personnes qui ont bâti, construit ce pays. On va chercher certaines économies qui ont été faites de peine et de misère, et ces personnes devront retourner une partie de leurs économies qu'ils ont mis 50, 60 ans à accumuler. Ils devront en redonner à l'État, eux qui ont tout fait pour bâtir ce pays.

Ce que j'ai entendu dans cette Chambre le 22 février, c'est ce contre quoi je me suis battu au cours de la dernière campagne électorale dans mon comté. Il faut de toute urgence que, dans ce pays, on comprenne une fois pour toutes que ce n'est pas en s'attaquant aux plus démunis, aux personnes âgées, que nous allons régler ce déficit. Drôle de façon de remercier ces personnes qui ont bâti, de peine et de misère, avec leur santé, le Québec et le Canada.

Il faut de toute urgence que ce gouvernement crée des emplois durables, pas des emplois temporaires, pas des emplois préélectoraux, pas des emplois sporadiques, pas des emplois qui vont amener un certain crédit au Parti, mais des emplois pour les gens qui veulent travailler. Le ministre dit faire confiance à l'entreprise privée pour créer des emplois, je lui donne raison.

Le pilier du développement repose sur les PME, et j'en suis sûr, qui représente à peu près 99 p. 100 de toutes les entreprises du pays. C'est formidable! Cependant, les PME sont aux prises avec de nouveaux problèmes qui les empêchent de jouer efficacement le rôle de créateur d'emplois dans un élan de relance économique.

En effet, les PME connaissent des difficultés à trouver le financement nécessaire à leur développement auprès des établissements financiers. Les obligations administratives en provenance des différents paliers de gouvernement sont des fardeaux inutiles qui accaparent les énergies nécessaires à des activités de production.

(1025)

Les PME se plaignent des impôts trop lourds, de la nécessité d'éliminer le gaspillage et le double emploi dans les programmes et les services gouvernementaux. Ce gouvernement est-il prêt à identifier et réduire les contraintes d'origine fiscale, sociale, administrative, financière ou autre, faisant obstacle à la création ou au maintien des PME? Voilà des données claires, précises et partagées par plus des trois quarts des dirigeants des PME de ce pays.

Une réforme du régime d'assurance-chômage d'ici peu, un comité parlementiare qui étudiera des solutions de rechange à la TPS, un comité de travail sur le contexte économique qui timidement étudiera à son tour les moyens de faciliter l'accès au financement traditionnel, qui étudiera les nouvelles sources de capital à l'échelle locale et communautaire, bref, des études et des études. Des études ne créent pas d'emploi, sauf pour certains fonctionnaires et surtout pour certains consultants, amis du parti.

Monsieur le Président, vous me direz, avec raison, que l'homme ne vit pas seulement de pain. C'est vrai, mais l'homme vit également de pain. Quand dans mon comté des parents vaillants et généreux n'ont pas de sous pour payer l'épicerie, ils se fichent bien des comités d'études. Quand une mère, chef de famille, n'a pas de piastres à la fin du mois pour payer son loyer, elle aussi en a marre des comités. Qu'est-ce qu'on propose de l'autre côté? Formons des comités, on va régler les problèmes! Dans mon comté, ce n'est pas cela qu'on me dit. Il y a des urgences. Quand un chômeur de mon comté, pas seulement un car ils sont plusieurs, distribue 200 CV sans réponse, lui aussi en a marre des comités. Je suis très poli, ce n'est pas ça qu'ils me disent. Il y a des gros sacres qui sortent dans ce temps-là.


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Quand chez nous, dans le comté de Matapédia-Matane, les plus beaux cerveaux sont obligés d'aller ailleurs se chercher des jobs, ils se fichent bien des comités d'études. À Vancouver j'ai rencontré des gens de mon comté qui m'ont dit: «Monsieur le député, si nous sommes à Vancouver ce n'est pas parce que Vancouver n'est pas recevant, accueillant, c'est le contraire, mais nous sommes là non pas de gaieté de coeur, mais bien parce qu'il n'y a pas de travail chez nous».

Quelles mesures M. le ministre des Finances entend-il mettre en place pour aider les entreprises, les PME à créer des emplois? C'est une urgence et je lui demande. Ce ministre ou les autres ministres sont-ils prêts à aider le Comité d'aide aux entreprises, le CAE, à investir davantage en capital-actions et en capital de risque? À ce jour, la plupart des CAE prêtent à 80 p. 100. Ils sont devenus presque des banques, des caisses populaires. Ce n'est pas cela que je demande au ministre. C'est pour cette raison que je demande aux ministres de prendre certains risques. Ils sont là pour ça. Aujourd'hui, on dit qu'il faut rentabiliser les CAE. C'est sûr qu'il faut les rentabiliser, il ne faut pas dilapider l'argent du peuple, mais il faut quand même aider certaines entreprises.

(1030)

Ce gouvernement est-il prêt à investir davantage en foresterie? Vous savez sûrement l'importance des forêts pour le commerce et l'économie du Canada. Écoutez bien ceci. Il y a 1 emploi sur 17 au Canada créé par la foresterie, directement ou directement; 729 000 emplois en foresterie. Mme la ministre, jusqu'à maintenant, n'a jamais dit un mot sur ça, les ressources naturelles. Pas un mot. Je trouve ça réellement triste. Au Québec, 1 emploi sur 13 est créé par la foresterie. Pas un mot de Mme la ministre.

De plus-et ça m'insulte un peu-nous sommes le principal élément de la balance commerciale, 19 milliards par année. Et il semble que les ressources naturelles de ce pays passent en deuxième, dixième ou vingtième lieu. C'est une aberrance.

Des chiffres recueillis auprès de 39 organismes de gestion en commun permettent de voir l'impact des activités qu'ont réalisées ces PME sur le plan économique en 1992-1993. Uniquement au niveau des prélèvements à la source, taxes et impôts, il est à noter que ces organismes ont versé à l'État près de la moitié du montant investi. Les gouvernements ont récupéré en partie leurs mises de fonds initiales et ont contribué, de plus, à améliorer le potentiel forestier, à créer des milliers d'emplois et à soutenir une activité économique régionale et provinciale.

Les compressions budgétaires dans ce domaine n'entraîneront pas seulement que des pertes d'emplois. Les sociétés, que des propriétaires de lots boisés ont créé au cours des 20 dernières années, de peine et de misère, allant jusqu'à mettre leurs lots en commun et former des genres de coopératives pour créer de l'emploi, pour permettre à des personnes qui n'avaient pas de lots de venir y travailler, risquent de disparaître. Elles ont fait des sacrifices énormes. Et je pourrais vous en nommer des milliers.

Pour aider à aménager leurs forêts, tous ces propriétaires de lots ont pris des risques. Ils ont fait ça pour aider à aménager leurs forêts qui risquent maintenant de disparaître. Les organismes de gestion en commun ont énormément d'inquiétudes. RESAM qui représente 39 organismes, chaque année, se remet en question alors qu'il aurait besoin d'un petit coup de pouce. Et on n'a même pas-je ne dirai pas la générosité-la compréhension de dire que ça revient à l'État de créer des emplois. Pourquoi n'irions nous pas?

Mais il semble qu'ici dans cette Chambre les ressources naturelles ne sont pas importantes. Juste en foresterie, 19 milliards. Et la foresterie représente plus que l'agriculture, les pêches, l'industrie et l'énergie. Mais la foresterie ici, dans cette Chambre, on dirait que ce n'est pas important du tout.

J'espère que mes collègues du milieu rural vont oublier un petit peu leur parti pour dire: Allons-y pour le monde rural.

(1035)

Les ministres dans les grandes villes sont nombreux, mais dans le monde rural, il n'y a pas de voix, et je voudrais être la voix de ceux qui n'en ont pas, le porte-parole de ceux qui n'ont pas la parole. Évidemment, si je suis seul, et ce n'est pas une question de parti, je peux faire très peu de choses.

Je reviens à ces PME sylvicoles qui, comme vous le savez, monsieur le Président, sont réparties sur tout le territoire du Québec et du Canada. Elles sont de véritables leviers économiques régionaux. Sans elles, qu'adviendrait-il de nos régions-ressources? Qu'adviendrait-il de l'industrie forestière? Qu'adviendrait-il de la balance commerciale positive, de ce pays?

Cette année, les sociétés d'aménagement de mon comté demandent une aide supplémentaire pour fonctionner. Ils demandent simplement que le gouvernement canadien puisse investir, car c'est un investissement, ce ne sont pas des prêts, ce ne sont pas des subventions, c'est un investissement qu'on demande, et on nous le refuse très souvent. J'espère que cette année, votre gouvernement ne le refusera pas. Pour le gouvernement, c'est un investissement à long terme, un investissement rentable.

Je demande à ce gouvernement d'y répondre positivement, le plus rapidement possible, car la Société des Monts, qui a préparé un très important mémoire, l'an passé, les travailleurs sylvicoles, le personnel de la boîte, le directeur général en tête, M. Malenfant, ces travailleurs ont vu leurs salaires réduits de 10 p. 100, et ce, pour faire survivre, créer et conserver ces emplois. Quand vous gagnez 20 000 $ par année, en réduisant ainsi les salaires de 10 p. 100, cela veut dire que l'on enlève du pain, du beurre sur la table de vos enfants. Et quand arrive l'année scolaire, vous êtes incapables de payer les frais d'entrée pour vos enfants, car on sait le prix que ça coûte, surtout quand vous en avez trois ou quatre.

La Société des Monts, celle de la Vallée également, la Scierie Métis, doivent, le plus rapidement possible, planifier leurs travaux. Et je connais des centaines de travailleurs sylvicoles qui, maintenant rendus au début de mars-et là je ne fais pas du pathos-commencent à avoir des ulcères d'estomac parce qu'ils ne savent pas s'ils vont commencer à travailler. Ils ne le savent pas. Et puis nous autres, on attend. Il y a tout l'organisme


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gouvernemental, lourd, qui fait que la réponse arrivera dans un mois, dans deux mois, dans trois mois. C'est beau à dire, mais on ne pense pas à ce moment-là à des personnes, des pères de famille, des mères de famille, qui n'ont rien ou presque à mettre sur la table de leurs enfants.

Si vous n'avez pas vu cela, moi je l'ai vu. Je proviens d'un milieu pauvre, un des comtés les plus pauvres au Canada. On parle de l'est de Montréal, c'est vrai, là aussi il y a des problèmes tragiques. Dans vos villes également, il y a des problèmes tragiques. Chez moi, c'est encore pire. Je ne parle pas en mon nom, je parle au nom de ceux et celles qui ont voté pour moi, au nom de ceux et celles qui ont voté contre moi. Pour moi, il n'y a pas de différence, ce sont des personnes qui ont droit au travail et qui n'en ont pas, et à cause de mécanismes, difficiles à identifier, ces personnes-là sont «insécures» à chaque année.

Les gens de Matapédia-Matane sont tannés de voir sortir leur bois, après seulement une première transformation. Autrefois, on disait qu'on était des porteurs d'eau, moi je dis aujourd'hui que nous sommes des porteurs ou des «mangeux», c'est encore mieux, de bran de scie.

(1040)

Il ne reste dans nos cours que du bran de scie. Il ne nous reste plus que cela. Notre bois s'en va; les camions vont le porter ailleurs, partout ailleurs, sauf qu'on ne peut même pas le transformer chez nous.

Je vais vous donner un exemple. Chez nous, il y a beaucoup de moulins de lattes; on voulait faire des cages à homards, et on m'a dit qu'on ne pouvait pas en faire parce que le transport coûtait trop cher. On vient d'apprendre cette semaine que chez nous le CN ne passera peut-être plus parce qu'il n'y a pas assez de marchandise. Il me semble que l'État, pour aider des régions comme les nôtres, pourrait donner une certaine chance, et le train passant, cela ne coûterait pas plus cher et nous permettrait d'envoyer des produits finis.

Les gens de mon comté veulent travailler, ils veulent donner une valeur ajoutée à leurs ressources forestières qui contribuent au développement de leur région.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un petit coup de pouce, mais pas d'un coup de pouce qui arrivera dans trois ans, juste un petit coup de pouce parce que les gens de chez nous sont ingénieux. Ce qu'ils veulent c'est juste cela. De là, nous verrons naître chez nous une série de nouvelles PME, dynamiques et très créatrices d'emploi.

Pour en arriver là il faut une volonté politique ferme de transférer la technologie vers les ressources naturelles. Le Plan de l'est doit continuer après 1995. Il faut le bonifier, il faut l'ajuster. Il faut investir encore davantage. Tous les intervenants de l'est sont d'accord avec moi.

Dans ma région, le revenu per capita se situe à 25 p. 100 de moins que la moyenne québécoise. Vingt-cinq pour cent. Le ministre des Finances s'attaque à l'assurance-chômage, aux pensions de vieillesse. Travailler, les gens de mon comté le veulent de toutes leurs forces. Il faut que le marché du travail puisse offrir des emplois stables, comme je l'ai dit tout à l'heure.

La seule chose dont je sois parfaitement sûr c'est que dans ma région et dans toutes les régions rurales, ce Budget ne créera que plus de misère, plus de pauvreté pour les gens. Plus de personnes seront sur la sécurité du revenu. Comment voulez-vous que des citoyens et citoyennes de mon coin de pays croient aux vertus du fédéralisme rentable quand ce fédéralisme nous conduit à un état de dépendance et de pauvreté aussi accentué? Le présent Budget perpétue cette situation.

Quand les collègues d'en face, les honorables ministres ou les honorables députés nous disent: Vous voulez la souveraineté, comment allez-vous vous en tirer? Je réponds facilement: Monsieur le Président, ça ne pourra jamais, jamais être pire; jamais!

Les sociétés d'aménagement sont en sérieuse difficulté. De plus, nous faisons face à un vieillissement de la population. Les jeunes, chez nous, s'en vont; c'est l'exode. Chez nous, dans tout mon comté il n'y a qu'un cégep. Il n'y a pas d'université. Ce n'est pas le fédéralisme qui a maintenu nos régions à bouts de bras. Savez-vous qui? Ce sont nos élus municipaux, les petites paroisses, les maires, qui ont travaillé très fort. Ce sont nos entrepreneurs qui ont très souvent risqué leur propre chemise. Ce sont surtout des femmes et des gars de terrain qui, sans jamais compter leurs heures, travaillent et ont travaillé d'une étoile à l'autre, sept jours par semaine. Et mon voisin d'une petite paroisse a eu une crise cardiaque un vendredi après-midi, on le conduit à l'hôpital, le médecin lui dit: il n'y a rien là; et, le lundi matin, il est allé reprendre sa scie mécanique, un M. Morrissette, pour gagner le pain de sa famille parce qu'il n'avait pas autre chose. Je veux remercier ce M. Morrissette et des M. Morrissette chez nous, il y en des centaines, des milliers que je ne pourrais pas tous nommer, évidemment, qui ont du coeur.

(1045)

Je veux remercier également ces mères de famille qui ont cru qu'elles pouvaient vivre dans un petit pays rural. Je veux remercier ces héros mal connus, ils ne seront jamais connus ici, qui ont dynamisé notre population. Je veux surtout remercier les jeunes qui sont revenus chez nous à des salaires moindres, des professionnels à des salaires moindres pour essayer de nous aider. J'invite d'autres jeunes à revenir chez nous. S'il y a un sacrifice à faire, faites-le, mais vous recevrez d'autre part la récompense d'une collectivité qui va se tenir et qui va se garder debout.

Je veux remercier les personnes plus âgées. Vous savez que les grands-parents de ces personnes-là ont labouré avec des boeufs, d'autres avec des chevaux. Ils ont travaillé. Est-ce qu'on doit faire disparaître toutes ces petites paroisses rurales? C'est ce qu'on veut, je pense. Je dis tout le temps: tant vaut le village, tant vaut une ville. Est-ce qu'on va les faire disparaître? On n'a pas de politique rurale. On coupe en foresterie, on coupe en agriculture, on coupe partout. Les PME sont très fragiles même si le ministre des Finances a dit qu'on allait essayer, mais avec les infrastructures on va faire des égouts, on a plusieurs projets, temporaires seulement, mais après, qu'est-ce qu'il arrive? Du temporaire, cela fait 20 ans que je vis cela chez moi. On a créé des emplois temporaires, cela ne donne rien. Il faut avoir une vision beaucoup plus forte.


2476

Au contraire, le fédéralisme a maintenu nos régions, je le répète, dans la pauvreté, laissant croire que nos régions n'étaient bonnes qu'à fournir des ressources brutes pour donner à ce pays une certaine balance commerciale. Fournissez les bras, nous autres, on ramasse l'argent. Formidable!

Qu'y a-t-il dans ce Budget pour le monde rural? En agriculture, rien! En foresterie, dimunition! De plus, on augmente les semaines pour être admissible à l'assurance-chômage, et on ne crée pas d'emplois. Si ce gouvernement avait une oreille attentive à la ruralité, on pourrait créer des centaines d'emplois. Si seulement on se donnait la possibilité de transformer chez nous nos matières premières, on pourrait créer des milliers d'emplois. Voilà un créneau où le ministre des Finances aurait dû investir.

Le ministre des Finances et la plupart des ministres ici ignorent complètement le monde rural. Qu'il soit natif d'une grande ville, bravo, mais il me semble qu'il devrait essayer de comprendre les petites gens les plus démunis, les plus pauvres de la société! Ce sont ceux-là, ces personnes, ces femmes qui ont bâti ce monde, qui ont bâti nos régions. Et là, sur une échelle internationale, je dirais presque planétaire, on est prêt à laisser les petites paroisses. Fermons les paroisses, fermez ces six paroisses-là! Est-ce qu'il va falloir se mobiliser pour faire valoir nos droits? Chez nous, on a eu l'Opération dignité, nous sommes descendus dans la rue. Il y a eu le Ralliement populaire, nous sommes descendus dans la rue. Et, à chaque fois que nous sommes descendus dans la rue, on a eu quelque chose. Quand on est descendus dans la rue, on a obtenu quelque chose. Et quand on ne fait pas cela, on n'a absolument rien! Est-ce qu'il va falloir encore descendre une fois de plus dans la rue? Cela devient fatigant, cela devient épuisant. S'il faut le faire, on descendra encore.

(1050)

Un investissement, si minime soit-il, dans nos régions rapporte des dividendes très importants à l'État. Le monde rural et les petites villes ne demandent pas la charité. Savez-vous ce qu'ils demandent ces gens-là? Leur dû! Un dollar investi en aménagement forestier rapporte au gouvernement, quel qu'il soit, 7 $. Est-ce que c'est ça, demander la charité? Il faut réellement être dans les ténèbres profondes pour ne pas voir cela, ou vivre encore dans des catacombes.

Les sommes en prestations de toutes sortes ne sont pas des outils dont nous avons besoin. Pour orienter notre développement, l'argent à court terme est quand même nécessaire. Il est urgent de l'investir dans des jobs durables, dans des projets sérieux.

J'ai rencontré beaucoup de gens de mon comté. Ils sont profondément déçus de ce Budget. De plus, ils sont surtout inquiets pour leur famille. Ils se posent des questions et ils me les ont confiées. Je les ai rencontrés dernièrement. La première question est celle-ci: Ont-ils encore le droit de vivre dans ce pays de lacs et de montagnes? Le comté de Matapédia-Matane est un des plus beaux comtés, tout le monde le dit, mais vous viendrez le voir et vous en aurez la preuve.

La deuxième question qu'ils m'ont posée: Peuvent-ils espérer terminer leur vie dans la dignité dans ce pays de paix et de tranquillité? Quel avenir, dans ce coin de pays, réservent-ils à leurs enfants? Quel est l'avenir qu'on leur réserve?

Pendant la campagne électorale, des députés d'en face, ces fils des ténèbres, étaient tous devenus en quelque sorte, monsieur le Président. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, à l'ordre! J'ai longuement hésité avant d'interrompre l'honorable député de Matapédia-Matane durant son discours, qu'il a donné avec éloquence et conviction, mais j'ai de grandes difficultés à comprendre lorsqu'on se sert des termes «fils et père des ténèbres». C'est une troisième mention.

Je dois dire en toute honnêteté que j'ai hésité à interrompre l'honorable député, peut-être par manque de compréhension du terme ou face à une certaine incertitude quant à la signification du terme. Mais si je comprends bien, «fils des ténèbres» voudrait dire «fils de l'enfer». Alors, je ne cherche d'aucune façon à enlever quoi que ce soit à l'éloquence et à la conviction du discours de l'honorable député de Matapédia-Matane, mais je lui demanderais de prendre en considération que je juge ces termes très sévères.

Nous avons maintenant dépassé la période de 40 minutes. Si le député pouvait m'indiquer quand il veut terminer son discours, je serai en mesure de savoir s'il faudra demander le consentement unanime pour qu'il puisse continuer, car d'ici les 4 ou 5 prochaines minutes, nous devrons passer à la période des questions.

M. Canuel: Monsieur le Président, quand je dis «fils des ténèbres», je veux dire «fils dans les ténèbres», ce n'est pas plus que cela. Je veux simplement dire quelqu'un qui serait dans l'obscurité, c'est dans ce sens-là.

(1055)

J'espère que ce terme est acceptable parce que l'obscurité, dans le sens où je l'entends ici, c'est une absence de lumière, bien évidemment. Donc je ne crois pas que ce soit blessant pour mes collègues.

Aujourd'hui, mises à part les infrastructures, il n'y a rien pour le monde rural. Les gens de mon comté, et des autres comtés du Québec, ne croient plus au fédéralisme. Les gouvernements conservateurs ou libéraux ont toujours mangé dans la main des multinationales. Jamais ces partis n'accepteront le financement populaire. Alors c'est toujours donnant, donnant. Je mets dans ta caisse, mets dans ma compagnie.

Au diable le monde rural! Au diable les sociétés d'aménagement! Au diable le plan de l'Est, ou à peu près! Au diable les plus pauvres! Vive les plus riches! Surtout, ne touchons pas aux fiducies familiales! Surtout, ne touchons pas aux multinationales! Plusieurs ne paient pas d'impôt. Plusieurs compagnies s'y dérobent.

Vous le savez, des amis c'est des amis. Le ministre des Finances ose même dire d'attendre en 1996, 1997 pour voir les effets bénéfiques de son budget. Je peux vous dire ceci, monsieur le Président. La population n'a plus le temps d'attendre, passivement, que les rêves d'un ministre des Finances se réalisent.

2477

Quand chez moi et ailleurs, des fermes se vendent à l'encan, presqu'à toutes les semaines il y a des fermes qui se vendent. . . Une ferme vendue, vous savez ce qui arrive après? Si le terrain est laissé en friche, ce sont de petits arbres qui repoussent. . . Quand les communautés rurales se meurent tranquillement, quand nos travailleurs sylvicoles gagnent moins qu'il y a dix ans-il y a beaucoup de personnes chez moi, et j'ai vu leur paye, qui gagnent moins qu'il y a dix ans-quand la classe moyenne devient la classe pauvre, quand les pauvres, chez moi, courent à la soupe populaire de ma région, du jamais vu! Ce sont des choses déchirantes, qui font mal à voir.

Aucune lumière au bout du tunnel, aucune volonté politique, aucun projet de société, aucune solution éclairée. Les personnes du monde rural s'interrogent et s'inquiètent.

Le Président: Comme il est 11 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations de députés, conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


2477

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA PETITE ENTREPRISE

M. Paul Zed (Fundy-Royal): Monsieur le Président, je veux dire quelques mots aujourd'hui au sujet de l'accessibilité du capital pour les petites entreprises.

Entre 1979 et 1989, les petites entreprises ont créé 80 p. 100 des emplois au Canada. C'est donc dire qu'elles sont la clé de la création d'emplois dans notre pays. Pour favoriser l'établissement et l'expansion des petites entreprises, il faut veiller à ce qu'elles aient accès aux capitaux dont elles ont besoin.

Le Comité parlementaire permanent de l'industrie tient à l'heure actuelle des audiences afin de déterminer ce que le gouvernement peut faire pour rendre les capitaux plus accessibles aux petites entreprises. Il va examiner le rôle que jouent les banques dans le financement des petites entreprises et explorer de nouvelles sources de financement.

Je rends hommage à tous les petits entrepreneurs de notre pays. Tous les membres du comité sont très déterminés à trouver des solutions. J'encourage tous les Canadiens qui souhaitent participer à ces audiences à venir faire connaître leur point de vue. Ces initiatives me redonnent espoir et courage et je sais que les besoins des petites entreprises seront satisfaits.

* * *

[Français]

LE CONGRÈS JUIF CANADIEN

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, c'est avec un grand plaisir que je me lève en Chambre aujourd'huui pour signaler le 75e anniversaire de la fondation du Congrès juif canadien. Cet organisme qui est bien connu de tous les Québécois et de tous les Canadiens est un pilier de la communauté juive chez nous.

Fondé à Montréal à la suite de la Première Guerre mondiale, le Congrès juif canadien a par la suite pris part à tous les grands débats politiques et sociaux du Québec et du Canada. Sa lutte en faveur de la liberté religieuse et contre toute forme de discrimination a été par la suite reprise par tous les Québécois et par tous les Canadiens.

À l'occasion de son 75e anniversaire j'aimerais remercier le Congrès juif de sa contribution importante à notre société et lui souhaiter longue vie.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ ROGERS COMMUNICATIONS

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, je veux parler aujourd'hui du rachat de la société Maclean-Hunter par la société Rogers Communications.

Je ne vais ni approuver ni condamner cette transaction car nous, dans notre parti, favorisons l'esprit d'entreprise qui a fait du Canada un grand pays.

Lorsque cette affaire sera soumise à l'approbation du CRTC, il faudra que celui-ci tienne compte de l'incidence que ce projet de loi risque d'avoir sur les petites villes canadiennes.

Dans Mission-Coquitlam, ma circonscription, un conflit de travail oppose à l'heure actuelle la direction et les employés du service local de la société Rogers Cablevision. Ce conflit est éprouvant pour les familles qui subissent le lock-out et ennuyeux pour toutes les personnes qui respectent les piquets de grève légaux. Je crois que les intérêts des petites localités et des régions rurales du Canada doivent toujours primer lorsqu'on examine l'incidence des décisions corporatives.

Un fort pourcentage de Canadiens n'ont pas beaucoup le choix de la source des nouvelles qu'ils reçoivent. Faisons attention de ne pas réduire encore davantage ce choix.

* * *

[Français]

LE SERMENT D'ALLÉGEANCE

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, lundi dernier, j'ai présenté mon projet de loi qui exigeait que tous les députés élus à la Chambre des communes prêtent un serment d'allégeance au Canada et à la Constitution.

Les députés du Bloc québécois ont refusé en bloc le consentement unanime nécessaire pour que le vote soit tenu.

Que craignent les députés du Bloc québécois? Que font-ils au Parlement du Canada s'ils refusent de donner leur parole qu'ils ont les intérêts de tous les citoyens, et je répète, tous les citoyens du Canada à coeur?


2478

[Traduction]

LA COMMISSION NORD-AMÉRICAINE DE COOPÉRATION EN ENVIRONNEMENT

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Monsieur le Président, le gouvernement décidera sous peu de l'emplacement du bureau principal de la Commission nord-américaine de coopération en environnement.

Winnipeg serait l'endroit tout désigné, puisque c'est dans cette ville que se trouvent déjà l'Institut international du développement durable et le Secrétariat du Conseil canadien des ministres de l'environnement.

Outre les avantages certains qui découleront de la proximité de ces organismes ayant des fonctions très connexes, Winnipeg offre un accès facile à tous les moyens de transport.

Le chemin de fer qui passe à Winnipeg se rend, via les États-Unis, jusqu'au Mexique. Winnipeg est aussi directement relié au Mexique par la voie de camionnage la plus fréquentée du Canada.

De même, il existe un grand nombre de vols à destination d'Ottawa, de Washington, D.C., et de Mexico, soit les trois capitales des signataires de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Je demande au gouvernement de choisir Winnipeg, qui est depuis longtemps un chef de file de la promotion du développement durable, comme emplacement de la Commission nord-américaine de coopération en environnement.

* * *

L'ÉCOLE SECONDAIRE CARLETON NORTH

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui à la Chambre pour féliciter deux entraîneurs de l'école secondaire Carleton North qui sont la fierté de la circonscription de Carleton-Charlotte que je représente.

La New Brunswick Interscholastic Athletic Association a tenu à honorer l'exceptionnelle contribution de M. Iain Dunlop et de M. Darrell Turnbull au basket-ball.

Tous deux ont satisfait aux six exigences, y compris la réussite de l'équipe et les bonnes relations entre joueurs et entraîneurs, qui leur ont valu ces récompenses.

Le 27 mars, Iain Dunlop recevra le prix Dave MacPherson pour sa contribution exceptionnelle dans la division masculine, tandis que le prix Peg McAleenan sera décerné à Darrell Turnbull pour son travail au sein de la division féminine.

Au nom de la Chambre des communes, je félicite Iain Dunlop et Darrell Turnbull pour leur dévouement envers le sport, la communauté et les jeunes de l'école secondaire Carleton North.

(1105)

[Français]

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

M. Gérard Asselin (Charlevoix): Monsieur le Président, on a bien vu, hier soir, l'accueil qui a été réservé au premier ministre, à son arrivée au Nouveau-Brunswick.

En guise de remerciement aux gens de Beauséjour pour l'avoir réélu en 1990, le premier ministre leur a effectivement offert un beau cadeau empoisonné: une réforme du Régime d'assurance-chômage, qui diminue de façon importante les bénéfices de milliers de prestataires au Nouveau-Brunswick, comme partout ailleurs au Canada.

Les Québécois et les Canadiens n'entendent pas faire les frais d'une stratégie qui consiste à tenter de régler les problèmes du déficit sur le dos des chômeurs et des personnes à faible revenu.

Les gens du Nouveau-Brunswick, par leur réaction hostile, disent non au projet de réforme des programmes sociaux, tout comme ceux de Toronto, qui l'ont dit au ministre responsable du Développement des ressources humaines.

De toute évidence, le gouvernement doit revoir en profondeur ses intentions à l'égard de la réforme des programmes sociaux.

* * *

[Traduction]

LES ANCIENS COMBATTANTS

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, le Canada honore depuis toujours nos anciens combattants. Il y a cependant certains anciens combattants que nous avons négligés et qui se font de moins en moins nombreux. Je parle ici des anciens combattants de la marine marchande qui ont été faits prisonniers de guerre et qui ont été détenus pendant des périodes pouvant aller jusqu'à cinq ans. Ils ont connu des conditions terribles aux mains de leurs ravisseurs. Pourtant, à l'heure actuelle, nous ne les indemnisons que pour trente mois de détention.

Il est bien plus urgent de s'occuper d'eux que de s'occuper d'autres programmes, car ces anciens combattants sont de moins en moins nombreux à cause de leur âge avancé. Nous ne demandons pas au gouvernement de dépenser plus d'argent, mais de mettre ses priorités au bon endroit.

Certains députés de la Chambre se battent pour conserver l'actuel régime de retraite des députés qui leur garantit de l'argent jusqu'à la fin de leurs jours. Ils devraient plutôt se battre pour que ces anciens combattants reçoivent un traitement juste et que nous leur versions ce que nous leur devons pour tous les mois, jusqu'à cinquante dans certains cas, où ils ont souffert pour défendre le Canada.

* * *

LE BUDGET

M. John Maloney (Erie): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le ministre des Finances des efforts louables qu'il a faits pour que les finances publiques du Canada soient administrées


2479

de façon plus responsable. Je sais qu'il ne sera pas facile d'y parvenir et que toutes les composantes de notre pays devront faire leur part.

Cependant, je voudrais faire remarquer que l'annonce, dans le budget, d'une prolongation de deux ans du gel de salaire de trois ans qui avait déjà été imposé à la fonction publique et de la suspension, pendant deux ans, des augmentations d'échelon de rémunération a été très mal accueillie parmi les fonctionnaires qui sont des employés loyaux, dévoués et travailleurs.

Je demanderais au gouvernement de suivre attentivement les économies réalisées grâce à ces initiatives, afin de raccourcir ou de lever ces gels le plus tôt possible.

Nous devons respecter les engagements que nous avons pris dans les conventions collectives.

* * *

LA LÉGISLATION CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS ET LES FAILLITES

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, la législation canadienne sur les sociétés et les faillites vise à encourager l'investissement dans notre économie, tout en évitant le risque d'une ruine financière personnelle.

Il est déplorable que des sociétés fassent faillite sans qu'elles y soient pour quelque chose, mais il est scandaleux d'utiliser des faillites pour frauder créanciers, investisseurs, employés et gouvernements.

Je propose donc que le Parlement modifie la législation canadienne sur les sociétés et les faillites de telle sorte qu'une personne condamnée pour infraction ou pour fraude aux termes de cette législation, ou contre laquelle un tribunal civil a rendu un jugement dans une cause de faillite, ne puisse devenir fondatrice, directrice, administratrice, actionnaire ou créancière de toute société dans les cinq ans qui suivent le jugement définitif du tribunal.

* * *

MME PRISCILLA DE VILLIERS

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain): Monsieur le Président, on a rendu hommage à bien des femmes pendant la Semaine internationale des femmes et on en saluera beaucoup d'autres au cours de cette Année internationale de la famille.

Je voudrais saisir cette occasion pour souligner la contribution d'une femme qui a attiré l'attention de tous les Canadiens sur une question très importante dans notre pays. Priscilla de Villiers, une femme qui a fait preuve de vision et de courage, après avoir perdu sa fille dans des circonstances extrêmement tragiques et insupportables, a trouvé la force intérieure nécessaire pour lancer un mouvement ayant pour but d'éviter les mêmes souffrances à d'autres familles canadiennes.

Elle a clairement montré qu'une personne à elle seule peut changer les choses. Afin de promouvoir la réforme du système de justice, elle a fait circuler une pétition que deux millions et demi de Canadiens ont signée et a fondé l'organisation CAVEAT, qui a pour but de bâtir une société juste, pacifique et sans danger.

En transformant une tragédie en une force positive de changement, Priscilla de Villiers peut affirmer avoir remporté un succès exceptionnel qui nous a tous touchés. Je suis heureuse d'ajouter le nom de Priscilla de Villiers à la liste des femmes qui méritent que nous leur rendions hommage et dont la contribution continue de changer la vie de bien des gens.

* * *

(1110)

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Monique Guay (Laurentides): Monsieur le Président, dans le dernier rapport annuel de la Commission canadienne des droits de la personne, le président de la Commission, M. Yalden, est catégorique. Il est urgent que des mesures énergiques soient prises par le gouvernement pour modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il est impérieux que le gouvernement libéral mette en place des solutions aux problèmes de la pauvreté des communautés autochtones, de l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes et de la non-reconnaissance légale des couples homosexuels.

Après des appels répétés de la Commission à l'endroit des gouvernements précédents, l'heure est venue pour que ce gouvernement libéral passe réellement de la parole aux actes.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Monsieur le Président, en 1978, Gregory Fischer a été condamné pour meurtre avec préméditation de l'agent de la GRC, Brian King. Il a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité d'obtenir une libération conditionnelle avant 25 ans.

Il a interjeté appel, en vertu de l'article 745 du Code criminel, et s'il a gain de cause, il aura droit à une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle, malgré la restriction imposée par le juge de première instance.

Le 20 janvier, le juge qui a entendu l'appel, à Saskatoon, a déclaré le procès nul, car, selon lui, la présence au tribunal de la famille de la victime et d'un groupe de policiers créait une atmosphère d'émotivité inopportune pour le jury.

Lorsque la peine capitale a été abolie au Canada, on a fait croire à la population que la peine minimum pour meurtre au premier degré serait de 25 ans. Vingt-deux détenus condamnés pour meurtre au premier degré ont réussi à obtenir une libération conditionnelle pleine ou de jour. Cela a été une cruelle déception pour les familles des victimes.

L'article 745 du Code criminel doit être abrogé.

2480

L'ÉCONOMIE

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour annoncer de bonnes nouvelles aux Canadiens.

Selon Statistique Canada, l'indicateur avancé composite a enregistré en février un bon rythme de croissance pour le deuxième mois consécutif. Neuf des dix indicateurs ont augmenté. Le dixième est resté inchangé.

Cela augure bien de la croissance de notre économie. Nous assistons à une relance qui est très importante pour les fondements de la croissance. En février, la création de 60 000 emplois a imprimé un nouvel élan qui devrait se poursuivre en mars. Les commandes de biens durables ont augmenté de 2,7 p. 100, la plus forte augmentation depuis 1988, malgré le rééquipement des usines de construction automobile. Plusieurs industries ont fait état d'un taux de croissance supérieur à 10 p. 100.

* * *

LA SANTÉ

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, en 1985, Johanne Décarie, une de mes électrices, a été infectée par le VIH, par suite d'une transfusion qu'elle a reçue à la naissance de ses deux filles jumelles. Mme Décarie a infecté son mari, et une autre fille qu'elle a eue par la suite a maintenant le SIDA. Mme Décarie a droit à l'aide offerte par le fédéral et le provincial, mais pas son mari ni sa fille, parce que ce sont des victimes indirectes.

Je demande à notre ministre de la Santé de modifier les critères d'offre de l'indemnité fédérale pour que ces deux victimes du scandale du sang puissent être dédommagées. On devrait au moins indemniser cette malheureuse enfant née avec la maladie.

* * *

LA SANTÉ

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, nous avons eu, cette semaine, trois événements reliés à la question des approvisionnements en sang.

Dans l'affaire Pittman, le tribunal a reconnu la responsabilité envers leur conjoint et leur famille des personnes infectées par des produits sanguins. L'offre provinciale a expiré et aucune province, à l'exception de la Nouvelle-Écosse, n'a admis être responsable de l'infection indirecte des membres de la famille des victimes directes. Enfin, la commission Krever continue de soulever plus de questions que de réponses sur toute cette affaire de sang contaminé.

Je demande à la ministre de la Santé de rouvrir l'offre fédérale d'indemnisation et de l'étendre aux membres de la famille qui ont été contaminés indirectement par la personne ayant reçu le sang contenant le VIH.

_____________________________________________


2480

QUESTIONS ORALES

(1115)

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre. En réponse à une question posée par l'opposition, le premier ministre a déclaré que son gouvernement n'avait pas l'intention d'étendre la TPS à la nourriture, aux soins de santé et aux médicaments. Or, pressé de questions à sa sortie de la Chambre, le premier ministre a prétendu avoir mal saisi la question et est revenu sur sa déclaration en refusant de s'opposer à une nouvelle taxe sur les soins de santé, les médicaments et la nourriture.

La vice-première ministre peut-elle nous indiquer la véritable position du gouvernement: le non catégorique en Chambre, ou l'ouverture du premier ministre à de nouvelles taxes, à sa sortie de la Chambre, devant les journalistes?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le premier ministre a été très clair à l'effet qu'il n'y aurait pas de nouvelle TPS. Alors, la question est de savoir si on va étendre la TPS à la nourriture et aux médicaments, cette question est pure spéculation, car nous nous sommes engagés à remplacer la TPS.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, on a le même problème qu'hier, puisque, hier, c'est justement la question que l'on a posée à la Chambre. On nous a répondu qu'il n'y aurait pas de nouvelle TPS. Mais à la sortie de la Chambre, on nous dit: «J'ai mal saisi la question.»

Or la question est très claire, aujourd'hui: on ne parle pas de TPS, on parle d'une nouvelle taxe. Or, le premier ministre nous a dit, hier: «J'ai mal saisi la question, on me posait la question sur la TPS.» Je n'ai pas parlé d'autres taxes. C'est pour cela qu'on la repose aujourd'hui, cela me semble très clair.

J'aimerais que la vice-première ministre nous réponde, puisqu'il n'y aura pas de nouvelle ou d'ancienne TPS, on est d'accord là-dessus, on comprend cela. Mais doit-on comprendre que l'hypothèse que privilégie le gouvernement est de taxer davantage de produits y compris les soins de santé, les médicaments et les aliments, par le biais d'une autre forme de taxe, peut-être cachée?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le gouvernement a promis, à partir de notre mandat du 25 octobre, qu'il y aura pleine


2481

participation de la Chambre des communes. Le député sait fort bien que ses propres députés travaillent actuellement aux moyens à employer pour remplacer la TPS.

Le premier ministre a dit carrément que la politique du gouvernement est à l'effet qu'il n'y aurait pas de nouvelle TPS. Maintenant, à savoir quels seront les résultats du comité qui étudie la question, je pense qu'il doit parler avec ses amis, ses collègues, qui siègent sur le comité pour qu'ils puissent présenter un rapport unanime recommandant une stratégie pour remplacer la TPS.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, justement j'ai parlé avec mes collègues et avec mon chef et, de ce côté-ci de la Chambre, on est très clair, on ne veut pas de taxe. TPS, ancienne, nouvelle, une taxe appelée XYZ, une taxe cachée, à moitié cachée ou non cachée, on ne veut pas de taxe sur les médicaments, sur la nourriture et sur les soins de santé, ce qui n'est pas clair de l'autre côté.

J'aimerais que la vice-première ministre ait la même transparence que de ce côté-ci de la Chambre et qu'elle se prononce. Je lui demande si elle ne reconnaît pas que les premières victimes d'une nouvelle taxe cachée ou non sur les médicaments, les soins de santé et la nourriture seraient les personnes à faible revenu, particulièrement les familles monoparentales et les personnes âgées?

[Traduction]

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, on l'a déjà dit et le député le sait très bien, un comité a été saisi de cette question.

Il y a plusieurs semaines, le comité s'est entendu sur une motion prévoyant l'étude de tous les aspects de cette taxe afin de s'assurer qu'elle est plus juste pour tous les Canadiens. Nous avons adapté notre façon de faire pour qu'elle se prête à une discussion libre. Ainsi, tous les membres peuvent interroger tous les témoins. Le comité commence maintenant à voyager d'une province à l'autre pour rencontrer les députés et ministres provinciaux et connaître leurs idées sur la façon d'intégrer cette taxe.

Nous prenons notre temps afin de nous assurer qu'il s'agit bien de la meilleure taxe que puissent souhaiter tous les Canadiens.

* * *

[Français]

LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre. On apprend ce matin qu'en matière de déclaration d'intérêts, l'ampleur des intérêts considérables du ministre des finances soulève des questions importantes à cet égard. Le ministre des Finances, qui est aussi responsable du développement régional au Québec, ne peut prendre part aux discussions du Conseil des ministres relatives aux chantiers maritimes, au transport maritime et ferroviaire, à la Voie maritime du Saint-Laurent et au transport de passagers par train et autobus.

(1120)

Attendu que le ministre des Finances est le principal responsable de la politique économique, la vice-première ministre reconnaît-elle que les avoirs diversifiés de son collègue posent un problème considérable au fonctionnement du Conseil des ministres, puisque ce dernier ne peut intervenir dans plusieurs dossiers économique majeurs?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je pense que même le Bloc québécois ne devrait pas être si indigne que de suggérer que quelqu'un qui a des intérêts commerciaux au Québec n'a pas le droit de siéger au Cabinet du gouvernement du Canada. Ce serait quand même ridicule!

Je pense que si le député veut examiner l'éthique du ministre des Finances, il verra qu'en 1989, il a été le premier à dévoiler à tous les Canadiens et Canadiennes tous ses intérêts commerciaux. Je pense que le Parlement du Canada est un endroit où il y a des députés qui n'ont pas d'argent, comme moi, et d'autres qui ont des intérêts commerciaux, et c'est ce qui fait une bonne démocratie.

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, je voudrais que la vice-première ministre comprenne bien qu'il ne s'agit pas pour nous d'attaquer la crédibilité du ministre, ni son intégrité, ni son honnêteté.

La question que j'ai posée, c'était pour demander à la vice-première ministre si elle ne reconnaissait pas que l'on risque de se retrouver dans une situation fort délicate et particulière de conflit d'intérêts, puisque l'une des entreprises dont le ministre des Finances est propriétaire a intenté trois poursuites judiciaires contre le gouvernement fédéral.

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le ministre des Finances a confié toutes les affaires de ses entreprises à une société de fiducie qui n'est nullement influencée par ses décisions.

Pour revenir à son raisonnement-que je trouve tout à fait déplacé-le député laisse entendre que le ministre des Finances ne devrait pas être membre du Cabinet du gouvernement du Canada parce qu'il a déjà mené plusieurs affaires fructueuses.

Il me semble que, pour être en mesure de prendre des décisions équilibrées, le Cabinet, le caucus et le gouvernement doivent pouvoir compter sur des personnes qui connaissent de près les syndicats, le monde des affaires et les activistes des questions sociales. C'est le fondement même de la démocratie. Juste ciel, admettez donc que Paul Martin est un excellent atout pour le Cabinet!

* * *

LES DÉPUTÉS

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Hier, monsieur le Président, vous avez invité les députés à se montrer plus courtois. Le Parti réformiste a promis de rétablir un certain niveau de civilité à la Chambre. Cependant, déjà il y a trois ans, un député d'en face appelait le chef de notre parti le David Duke du nord. Les partisans du Parti libéral ont été encouragés à utiliser les termes «racistes» et «fanatiques» en parlant


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des réformistes. Même lorsque nous n'avions qu'une seule députée à la Chambre, les libéraux, alors dans l'opposition, faisaient des remarques désobligeantes envers les réformistes.

Ma question est simple et directe: la vice-première ministre est-elle prête à promettre aujourd'hui même de persuader ses collègues que l'époque de la meute est bien révolue?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, tout d'abord, je n'ai jamais fait les commentaires qui me sont attribués.

Le député devrait savoir que la déclaration que j'ai faite il y a trois ans se rapportait uniquement à la nature du programme que le Parti réformiste avait adopté à son congrès de 1990. J'ai dit que ce programme était raciste. D'ailleurs, le parti a décidé par la suite de le modifier.

Deuxièmement, je me trompe peut-être, mais je crois avoir vu le député, ou un autre député réformiste qui revendique l'étiquette de «redneck», prendre la parole à la Chambre hier pour affirmer avec fierté que, personnellement, il se qualifiait lui-même de «redneck».

Si le terme «redneck» déplaît au député, je crois qu'il devrait régler son problème avec ses collègues de son propre parti parce qu'il est évident qu'un certain nombre d'entre eux sont fiers de cette étiquette.

(1125)

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, nous parlons ici d'une attitude très répandue.

De ce côté-ci de la Chambre, nous faisons notre travail au nom des Canadiens et nous contribuons aux débats sur les grandes questions de l'heure.

Je demande à la vice-première ministre si nous pouvons terminer la semaine en faisant à tous les Canadiens la promesse que les ministériels cesseront de lancer des insultes personnelles.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que la population canadienne aimerait voir la Chambre s'occuper de questions sérieuses.

Je dois préciser que j'ai lu cette semaine dans le journal que le chef du parti du député aurait dit qu'il se sentait obligé d'adopter un code de conduite sur la consommation d'alcool et les moeurs. Il savait pertinemment que les gens de l'industrie énergétique utilisent des renseignements sur la vie privée des députés pour les influencer. Je trouve cette pratique plutôt répréhensible et répugnante.

J'espère que tous les députés de tous les partis se rendent compte que le Parlement et le gouvernement sont là pour remettre le Canada sur les rails et non pas pour passer leur temps à discréditer le travail des députés.

Le Président: Je pourrais ajouter que personne ne serait plus heureux que votre Président si nous pouvions nous entendre, sinon sur un code de conduite, au moins sur la nécessité de ne pas se lancer d'insultes d'un côté à l'autre de la Chambre.

Je vous laisse réfléchir là-dessus. Le député de Simcoe-Centre a la parole.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, le Parti réformiste est parfaitement capable de s'occuper de ses propres membres et nous n'essayons pas du tout d'imposer nos règles aux autres députés.

Je remercie la vice-première ministre pour ses commentaires. Pour terminer la semaine sur une note de civilité, je demande à la vice-première ministre d'exiger que le ministre des affaires autochtones présente des excuses au député d'Athabasca.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je pense que tous les députés conviendront que la Chambre doit s'occuper en priorité des milliers de Canadiens sans travail qui attendent que nous les aidions.

Il me semble qu'il y a eu un échange assez énergique à la Chambre des communes. Je dois dire au député que, depuis que je siège ici, on m'a traitée de bien des choses. Cependant, je ne ferai pas perdre de temps à la Chambre pour déplorer ce que quelqu'un a pu dire hier, avant-hier, la semaine dernière ou le mois passé.

La Chambre doit revenir à ses affaires et se pencher sur les questions cruciales comme le taux de chômage au Canada.

* * *

[Français]

LES COMMUNAUTÉS AUTOCHTONES

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

Dans son rapport annuel remis hier, le commissaire aux droits de la personne dénonce sévèrement le traitement subi par les communautés autochtones au Canada.

Tout en se prononçant pour l'autonomie gouvernementale, il met en garde le gouvernement en déclarant que «ce n'est pas une solution magique». Il presse le gouvernement de mettre fin à la ségrégation et au paternalisme engendrés par la Loi sur les Indiens.

Quelle stratégie et mesures concrètes le gouvernement entend-il mettre en place pour donner suite aux recommandations du commissaire aux droits de la personne, en vue de mettre fin à la dépendance économique engendrée par la Loi sur les Indiens dont découlent les problèmes sociaux graves qui affligent plusieurs communautés autochtones au Canada?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, le député a tout à fait raison lorsqu'il dit que les problèmes des communautés autochtones ne peuvent pas être résolus par une solution magique. Il n'existe pas qu'une seule communauté autochtone, comme il n'existe pas qu'une seule communauté anglaise au Canada. Il y a plusieurs communautés.


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Et je pense que la stratégie du ministre des Affaires indiennes, qui d'ailleurs cherche même à changer ce terme, parce que ce terme, ministre des Affaires indiennes, a un caractère paternaliste, qui ne reflète pas la place, à égalité, que les autochtones doivent prendre dans la société, donc le ministre a déjà dit qu'il était en train de négocier des accords sur l'autonomie gouvernementale des autochtones pour, par la suite, faire disparaître son propre ministère.

(1130)

Je pense que ce sont déjà deux piliers d'une politique très importante pour faire avancer la cause de l'égalité de tous les peuples autochtones au pays.

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, je crois que le gouvernement devrait faire d'autant plus diligence que c'est l'actuel premier ministre qui est le parrain de la Loi sur les Indiens qui est en vigueur actuellement au Canada. Cela s'est fait au début des années 1970.

Le gouvernement ne reconnaît-il pas qu'il peut donner un signal positif concret de sa volonté d'améliorer la condition des autochtones, en assurant à très court terme le retour à la terre ferme de la communauté innu de Davis Inlet, comme il s'y est engagé?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, ce sont justement des affirmations comme celle-là, manifestement fondées sur une connaissance incomplète des faits, qui donnent à la population une mauvaise impression.

Le député dit que le premier ministre lui-même est le parrain de la politique actuelle sur les affaires indiennes. La Loi sur les Indiens remonte à environ 75 ans avant l'arrivée du premier ministre actuel à la Chambre des communes. On a donc absolument tort de prétendre qu'il est responsable de tous le problèmes auxquels les collectivités autochtones sont confrontées.

Le premier ministre et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien travaillent d'arrache-pied pour l'autonomie gouvernementale des autochtones. L'engagement du premier ministre à l'égard de l'abolition du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien montre bien que nous n'avons pas besoin d'une politique paternaliste. Nous avons besoin d'une politique fondée sur l'égalité, et c'est exactement ce vers quoi nous tendons.

* * *

L'ÉCONOMIE

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse également à la vice-première ministre.

Hier, le gouvernement libéral de Terre-Neuve a annoncé qu'il aura un budget équilibré l'an prochain. En présentant un budget qui se distingue par l'absence de nouveaux impôts et de programmes de création d'emplois, le ministre des Finances, Winston Baker, a déclaré:

Nous ne devons pas prendre, aujourd'hui, des engagements qui imposeront un fardeau financier insupportable aux contribuables de demain. Nous ne pouvons plus hypothéquer l'avenir de nos enfants pour réaliser des gains politiques à court terme. Cette façon de gouverner est révolue.
Les problèmes économiques auxquels Terre-Neuve doit faire face sont certainement aussi graves que ceux du gouvernement fédéral. Si Terre-Neuve est capable d'équilibrer son budget, pourquoi le gouvernement du Canada ne peut-il pas en faire autant?

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, la question est très pertinente. Je crois que nous devrions tous féliciter le gouvernement de Terre-Neuve pour son excellent travail.

Je tiens à signaler à la députée que, si Terre-Neuve arrive presque à équilibrer son budget, selon son ministre des Finances, c'est principalement grâce aux généreux paiements de péréquation que lui verse le gouvernement fédéral.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, les Canadiens disent qu'il faut prendre des mesures dès maintenant pour cesser de vivre au-dessus de nos moyens. L'un des signaux que beaucoup de Canadiens lancent à leurs représentants élus, c'est qu'ils veulent voir une réforme du régime de pensions en or dont bénéficient les députés.

Quand le gouvernement réagira-t-il à l'intense indignation exprimée par la population au sujet d'un régime qui donne aux députés une pension viagère après seulement six ans de service?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, on dirait bien que les questions sur le régime de pensions font maintenant partie de la routine du vendredi.

Le fait est que le gouvernement s'est engagé à réformer ce régime de pensions. Le premier ministre lui-même a déclaré sans équivoque, durant la campagne électorale, après les élections, à la Chambre et ailleurs, qu'on devrait examiner, selon lui, l'âge auquel les députés peuvent commencer à toucher leur pension. Cela doit se faire dans le cadre d'un examen général qui portera aussi sur la question du cumul de pension et de traitement.

Je sais que la députée elle-même voudra réfléchir sur le fait que plusieurs membres de son caucus touchent actuellement des pensions de divers ministères fédéraux en plus de leur salaire.

La question des pensions est évidemment fort complexe. Nous proposerons certains changements très précis, mais la députée a tort de laisser entendre qu'une simple révision du régime de pensions des 299 députés permettra au gouvernement du Canada de régler ses problèmes financiers. La gravité de ces problèmes exige qu'on apporte des changements structurels à l'économie, ce que nous avons l'intention de faire.


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(1135)

[Français]

LE CHÔMAGE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, ma question en est une de tous les jours, puisqu'elle porte sur la situation dramatique du chômage, et elle s'adresse à la vice-première ministre.

Le ministre du Développement des ressources humaines a été durement pris à partie par plusieurs membres de groupes sociaux lors d'un échange sur la réforme des programmes sociaux à Toronto. Plusieurs participants ont accusé le gouvernement de vouloir combattre les problèmes économiques du pays sur le dos des plus démunis, les chômeurs, les pauvres, c'est-à-dire ceux qui ont besoin des programmes sociaux. Le premier ministre a, lui aussi, été pris à partie au Nouveau-Brunswick dans ce dossier.

La vice-première ministre reconnaît-elle, comme a lancé un des participants au ministre du Développement des ressources humaines, et je cite ce participant: «Le problème, c'est le chômage, pas l'assurance-chômage, pas les programmes de sécurité sociale. Le gouvernement essaie d'utiliser les programmes sociaux pour régler les problèmes économiques.» Est-ce que la vice-première ministre partage ce point de vue?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il est évident que les changements industriels au Canada créent des bouleversements. Dans mon comté, il y a des travailleurs qui ont vécu de tels bouleversements parce que maintenant, dans l'industrie de l'acier, on peut fabriquer beaucoup plus d'acier avec beaucoup moins de monde. Les anciens emplois que nous avions, dont nous étions très fiers, disparaissent, que ce soit dans l'industrie de l'acier ou dans d'autres industries. Il faut qu'il y ait des remplacements.

Ce que le ministre du Développement des ressources humaines essaie de faire, en collaboration avec tous les ministères et aussi les provinces, c'est de mettre en place un système d'aide pour ceux qui ne peuvent jamais travailler. Il veut aussi permettre à ceux qui ont la capacité de travailler, ceux qui cherchent du travail mais n'en trouvent pas, d'avoir les atouts qu'il faut pour s'intégrer à un nouveau système d'industrialisation.

Si vous prenez l'exemple de quelqu'un qui a 40 ans, qui a toujours travaillé dans l'industrie de l'acier, et qui a perdu son emploi, il a besoin de subir un entraînement pour acquérir de nouvelles connaissances et avoir d'autres possibilités. C'est ce que nous essayons de faire avec des changements qui sont très durs, très difficiles, mais aussi très nécessaires pour assurer la concurrence de notre peuple pour le XXIe siècle.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, maintenant qu'elle a traversé le parquet, la vice-première ministre semble vraiment moins sensible au drame que vivent les chômeurs.

La vice-première ministre reconnaît-elle que plutôt que de s'attaquer aux plus démunis par la réforme des programmes sociaux, le gouvernement doit mettre en place une véritable politique de création d'emploi, conformément au consensus intervenu lors du Sommet du G-7 sur l'emploi?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je ne pense pas qu'en tant que membre du gouvernement, je sois moins sensible que le député d'en face à l'égard des gens de ma circonscription qui ont perdu leur emploi. Je reconnais le fait que tous les députés souffrent quand une personne de leur circonscription perd son emploi.

Le fait est qu'il nous faut, d'une part, mettre en place des stratégies particulières destinées à protéger les aînés, les malades, et ceux qui n'ont aucune chance, ou aucun moyen ou nul besoin de rentrer dans la population active. Il faut protéger leur niveau de revenu. Mais d'autre part, il faut faire en sorte que les gens de mon âge qui voient disparaître les anciens emplois disposent des outils dont ils ont besoin pour réintégrer les rangs de la main-d'oeuvre productive.

Il s'agit d'un équilibre délicat à établir. Cela va causer certaines difficultés, mais nous allons devoir le faire car, si nous voulons éviter le désagrément du changement dans la population active, nous allons entrer dans le XXIe siècle sans aucun emploi nouveau pour les gens de mon groupe d'âge qui ont besoin de réintégrer les rangs de la main-d'oeuvre productive.

* * *

HOCKEY CANADA

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse elle aussi à la vice-première ministre.

Comme elle le sait, M. Alan Eagleson, un ancien membre du conseil d'administration de Hockey Canada, fait l'objet d'un acte d'accusation aux États-Unis et doit faire face à des procédures d'extradition ici au Canada.

Entre-temps, de graves questions ont surgi à propos des relations financières entre M. Eagleson et Hockey Canada, un organisme fédéral à but non lucratif créé par le gouvernement du Canada qui lui a versé jusqu'à maintenant en subventions plus de 3 millions de dollars du Trésor public.

(1140)

La vice-première ministre pourrait-elle communiquer à la Chambre toutes les données financières sur tous les aspects de Hockey Canada, y compris les registres de voyages par avion, c'est-à-dire un état détaillé des revenus et des dépenses de Hockey Canada depuis sa création?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, à titre de ministre responsable du sport amateur, je suis peut-être mieux en mesure que la vice-première ministre de répondre à la question.

Il faut reconnaître que cette affaire fait l'objet d'une poursuite en justice et qu'il ne convient donc pas de faire des commentaires à ce sujet. Je dirai cependant, sans aucun égard à la poursuite en justice, que des sommes d'argent ont effectivement été versées à Hockey Canada dans le cadre du programme Héritage Canada,


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mais qu'il n'y a aucun lieu de croire que cet argent ait pu être mal affecté et donc constituer un motif de préoccupation.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, si le ministre a pu reconnaître certains éléments de cette question, c'est qu'il s'agit essentiellement de la même question qui a été posée au gouvernement précédent il y a 15 mois par un député qui fait actuellement partie du Cabinet. Il s'agit donc d'un problème qui perdure, et on ne fait que continuer à éluder la question depuis un bon bout de temps.

Quoi qu'il en soit, ma question supplémentaire s'adresse maintenant au ministre de la Justice. Ce dernier assurera-t-il la Chambre de l'entière coopération du gouvernement pour l'extradition de M. Alan Eagleson qui fait l'objet de poursuites aux États-Unis?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, les procédures d'extradition établies dans la Loi sur l'extradition prévoient la présentation d'une demande devant les tribunaux quand on veut faire extrader quelqu'un. Elles prévoient ensuite une formalité par laquelle j'aurai à approuver la demande d'extradition elle-même.

Il ne convient donc pas que je fasse des commentaires à ce sujet pour le moment; je me contenterai de dire au député que j'ai bien confiance que le système fonctionnera comme il devrait le faire.

* * *

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre. Dans un rapport faisant état des choix militaires qui s'imposent au Canada à l'époque d'après-guerre froide, un comité de réflexion, appelé Conseil Canada 21, a formulé plus d'une trentaine de recommandations sur la sécurité et la défense. Or, le comité recommande, entre autres, de favoriser la construction au Canada de trois navires de soutien à l'aide humanitaire et au maintien de la paix.

La vice-première ministre peut-elle s'engager aujourd'hui à mettre en application cette recommandation de Conseil Canada 21 et à donner mandat au chantier MIL Davie de développer le Smart Ship, un navire qui pourrait appuyer efficacement l'effort du Canada aux activités de maintien de la paix?

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je remercie le député de son excellente question.

Le rapport Canada 21 dont parle le député a été rédigé par un groupe de spécialistes qui ont examiné la question générale de la sécurité du Canada. Je tiens à dire au député que le ministère a immédiatement fait un examen préliminaire des recommandations et qu'il continue de les étudier en détail. Évidemment, certaines d'entre elles ne visent pas nécessairement le ministère de la Défense nationale, car elles traitent de la sécurité dans son sens large.

Nous nous penchons sur chacune des recommandations. Je ne veux pas en commenter une en particulier, mais je profite de l'occasion pour dire que l'une des principales recommandations sur la défense préconise un examen de la politique de défense. Je suis heureux de dire à la Chambre que celui-ci est déjà bien amorcé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, je désire poser une question supplémentaire à la vice-première ministre concernant un autre aspect relatif à la MIL Davie. Est-ce que la vice-première ministre peut nous indiquer qui, dans ce gouvernement, sera désormais chargé de défendre le dossier du chantier MIL Davie, un des dossiers prioritaires au Québec, comme vous le savez, puisque le ministre des Finances, également responsable du développement régional au Québec, ne pourra donner suite aux engagements électoraux du Parti libéral en raison des intérêts personnels qu'il détient dans le transport maritime, et qu'il s'interdit lui-même d'en parler à ses collègues du Conseil des ministres?

(1145)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il est évident que la politique de transport maritime relève du ministre des Transports. D'ailleurs, le ministre a déjà et à plusieurs reprises répondu à des questions en Chambre. Suggérer, tel qu'il l'a fait et comme l'a fait son collègue, que, pour une raison ou une autre, le ministre des Finances n'a pas le droit d'agir sur certains dossiers ou qu'il a adopté une politique parce qu'il était dans le monde des affaires anciennement, c'est honteux.

Je pense que si vous parlez de Ghislain Dufour, il demande que les bonnes personnes du monde des affaires viennent ici au Parlement. C'est la deuxième fois qu'il essaie, d'une façon ou d'une autre, de suggérer qu'il n'y aurait pas un bon processus parce que notre ministre des Finances était dans le monde des affaires. Ce n'est pas juste.

Et le ministre des Transports lui-même a déjà fait des engagements en ce qui concerne le Smart Ship ici, en Chambre.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Le secrétaire américain à l'Agriculture, M. Espy, a apparemment dit qu'il prendra des mesures unilatérales s'il est impossible d'en arriver à un accord lors de sa prochaine rencontre avec son homologue canadien. Le secrétaire Espy veut un plafond sur les exportations de blé aux États-Unis et la suppression des droits de douane sur la volaille, les produits laitiers et les oeufs.

Quelle assurance avons-nous que le ministre de l'Agriculture défendra les droits des agriculteurs canadiens lors des pourparlers avec les États-Unis?


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L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question sur un sujet qui, je le sais, lui tient beaucoup à coeur.

Ce matin, j'ai eu un entretien téléphonique avec le secrétaire américain à l'Agriculture, l'honorable Mike Espy. Nous avons essayé de déterminer si nos positions respectives au sujet du commerce des produits agricoles entre le Canada et les États-Unis étaient suffisamment proches pour qu'une rencontre que nous aurons peut-être la semaine prochaine puisse être fructueuse. Les problèmes que nous tentons de résoudre sont évidemment très épineux.

Il se peut que nous ayons un nouvel entretien aujourd'hui et qu'il puisse être utile d'organiser une rencontre entre le secrétaire américain et moi-même la semaine prochaine.

Le député demande quelles assurances nous pouvons lui donner de notre détermination à défendre les intérêts des agriculteurs canadiens. À titre de ministre de l'Agriculture et à l'instar du ministre des Affaires étrangères, du ministre du Commerce international et du premier ministre, j'ai déjà donné à la Chambre des assurances en ce sens; la ligne de conduite que nous suivrons lors de nos prochaines rencontres avec les Américains demeurera sensiblement la même.

* * *

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Ken Epp (Elk Island): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le budget prévoit pour le prochain exercice financier des dépenses de 163 milliards de dollars, dont il faudra emprunter environ 40 milliards. Réparties sur l'ensemble de la population, ces dépenses représentent environ 1 500 $ par famille et par mois. Cet argent est perçu sous forme de recettes fiscales et autres, et nous dépensons 500 $ que nous empruntons.

Ma question est la suivante: comme des milliers de familles ne gagnent même pas 2 000 $ par mois et que, pour beaucoup d'autres, ce sont des dépenses bien trop grandes, le ministre n'admettra-t-il pas que ce niveau de dépenses dépasse largement ce que nous pouvons nous permettre à long terme?

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, le député sait pertinemment que le projet de loi C-14 sur le pouvoir d'emprunt est à l'étude à la Chambre aujourd'hui et que les chiffres cités dans sa question sont passablement erronés. Si le député consulte les débats et s'adresse à ses collègues qui y prennent part, il trouvera des chiffres justes.

Le gouvernement, comme tous les Canadiens, s'inquiète vivement de l'ampleur de ses besoins financiers, et il a un plan extrêmement clair qu'il entend suivre au cours des deux prochaines années. Le député sera heureux de prendre connaissance du plan, de voir que nous remettons de l'ordre, que le gouvernement agit énergiquement et que notre déficit est maîtrisé.

M. Ken Epp (Elk Island): Monsieur le Président, je me servais du chiffre du déficit, 39,7 milliards de dollars. Je sais bien que l'autorisation d'emprunter porte sur 35 milliards.

Le gouvernement s'engagera-t-il à définir des objectifs réalistes pour réduire le déficit et la dette, à les rendre publics et à encourager les citoyens à collaborer? En d'autres termes, pouvons-nous espérer que, dans un avenir prévisible, nous allons arrêter d'alourdir notre dette?

(1150)

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, la question m'étonne un peu, car le gouvernement y a répondu à maintes reprises. Les documents budgétaires disent clairement quel est notre plan. Nous avons choisi le bon cap. Les chiffres nous disent que le déficit est maîtrisé.

Nous allons continuer de surveiller la situation de très près au nom de tous les Canadiens et, dans quelques années, nous verrons la lueur au bout du tunnel et nous aurons un budget équilibré.

* * *

[Français]

LE DÉFICIT FÉDÉRAL

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, un peu dans le même sens que mon collègue qui m'a précédé, ma question s'adresse à la vice-première ministre. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas de lui poser une question qui normalement s'adresse au ministre des Finances.

On apprend ce matin que le déficit fédéral pour l'année 1993-1994 atteindra un nouveau record. En raison des pressions à la hausse sur le déficit en fin d'année budgétaire, le déficit pourrait passer, dans les deux derniers mois de l'exercice en cours, au-dessus des 45,7 milliards de dollars.

La vice-première ministre confirme-t-elle que le déficit fédéral pourrait dépasser la prévision faite dans le Budget d'un déficit record de 45,7 milliards de dollars?

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

[Traduction]

Je crois que nous sommes tous soulagés devant les derniers chiffres de Statistique Canada, selon lesquels le déficit de l'exercice en cours semble diminuer un peu au fur et à mesure que le temps passe. Toutefois, nous pensons qu'il vaut mieux tenir compte de l'ensemble de la situation en fin d'exercice, au lieu de s'attarder aux données mensuelles.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, ma question n'a rien à voir avec une comptabilité mensuelle, mais tout de même, j'aimerais savoir, du représentant du gouvernement, s'il peut prendre des engagements, au nom de son gouvernement, que des mesures spécifiques de resserrement des dépenses empêcheront le déficit de


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dépasser la prévision record de 45,7 milliard de dollars pour la présente année budgétaire?

[Traduction]

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, tous les ministres sont très conscients des limites imposées à leur ministère. Tout est mis en oeuvre pour tenir un suivi de la situation non seulement d'une année à l'autre, mais encore d'un mois à l'autre.

Nous avons bon espoir que les données présentées dans le budget feront l'objet d'un suivi durant l'exercice en cours et que nous atteindrons nos objectifs en mars prochain.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Depuis trois mois, mes électeurs ne m'envoient que des lettres critiquant le taux d'immigration actuel et aucun d'entre eux ne m'écrit pour me dire que le taux actuel est acceptable ou qu'il devrait être relevé.

Le ministre pourrait-il nous donner une réponse brève et simple à la question brève et simple suivante? Combien de Canadiens ont communiqué avec lui en sa qualité de ministre ces derniers mois pour critiquer ou appuyer ses objectifs au sujet du nombre d'immigrants qu'il prévoyait admettre au Canada l'an prochain?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, comme c'est sans doute le cas pour le ministre, il ne se passe pas une journée, voire une semaine, sans que je reçoive des appels ou des lettres d'électeurs se disant favorables ou non aux questions dont nous sommes saisis. Ce n'est évidemment pas comme ça que doit s'élaborer la politique d'intérêt public. La bonne façon de procéder est de faire des consultations sérieuses.

Pour répondre à la question du député, je dirai que le pourcentage de 1 p. 100 de la population qui est utilisé cette année pour l'immigration a été déterminé par suite des larges consultations qu'a tenues le gouvernement précédent en 1993 au moyen de huit assemblées publiques organisées dans tout le pays et auxquelles ont participé des centaines de Canadiens de toutes les classes sociales.

Je souligne également que ce chiffre de 1 p. 100 figurait dans la plate-forme électorale de notre parti aux élections que nous avons remportées en automne dernier. Enfin, je tiens à faire remarquer que le ministre s'est engagé, le 2 février, à amorcer un examen du plan décennal de la politique d'immigration auquel tous les Canadiens pourront participer, y compris ceux qui ont écrit ou téléphoné au député.

(1155)

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, j'ai donné un avis de trois jours pour poser au ministre une question que j'ai le droit de poser, selon mon conseiller juridique.

Je voudrais savoir combien de gens ont communiqué avec le ministre. . .

Le Président: À l'ordre. Je pense que le député pourrait obtenir ce renseignement en faisant inscrire une question au Feuilleton. Je me permets d'informer le député qu'il ne peut obtenir de réponse aujourd'hui, pour des raisons évidentes.

Si le député faisait inscrire la question au Feuilleton, il pourrait obtenir une réponse plus tard.

* * *

LES PRODUITS DANGEREUX

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

En décembre 1993, une résidente de la circonscription de Halton-Peel a été victime d'un accident alarmant lorsque le peignoir en coton qu'elle portait a pris feu, dégageant de fortes flammes bleues.

Le laboratoire fédéral chargé de l'enquête, après cet incident, a révélé que les assouplissants rendaient le coton beaucoup plus inflammable.

Quelles mesures ont été prises pour faire connaître ce danger et pour y remédier?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je suis au courant de l'incident que vient de rapporter le député. La personne en question, qui portait un peignoir en tissu éponge, s'est penchée au-dessus d'une bougie allumée. Son peignoir s'est embrasé pour s'éteindre aussitôt. Heureusement, elle s'en est tirée sans blessure et en fut quitte pour la peur.

Je suis également au courant du rapport faisant état du fait que les assouplissants peuvent accroître le caractère inflammable de certains tissus. Malheureusement, les essais n'ont porté que sur un genre de tissu, et nous ne pouvons donc en tirer des conclusions générales.

Nous poursuivons notre étude de la question. Permettez-moi, par votre entremise, monsieur le Président, de rassurer tous les Canadiens ainsi que le député que les règlements concernant l'inflammabilité des textiles, adoptés en 1971 en vertu de la Loi sur les produits dangereux, ont jusqu'à maintenant été très efficaces pour empêcher l'arrivée sur le marché de textiles inflammables.

Nous avons fermement l'intention de continuer à les appliquer.

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[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, je désire adresser ma question au ministre de la Justice. Dans son rapport annuel, le commissaire aux droits de la personne révèle que le gouvernement fédéral contrevient à plusieurs de ses propres dispositions législatives en permettant à Revenu Canada de refuser aux couples homosexuels l'accès à divers régimes d'avantages sociaux dont bénéficient pourtant les couples hétérosexuels.

Est-il de l'intention du ministre de la Justice de proposer des modifications aux lois canadiennes concernées pour mettre fin à la discrimination que vivent les couples homosexuels?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, pendant la campagne électorale, dans le discours du Trône et à l'occasion de déclarations faites par la suite devant la Chambre, le gouvernement s'est engagé à modifier la Loi sur les droits de la personne pour y ajouter l'orientation sexuelle comme motif inacceptable de discrimination.

Nous avons l'intention de tenir notre engagement.

* * *

LE PROJET KEMANO

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, selon de nombreux scientifiques éminents, les travaux d'achèvement du projet Kemano pourraient avoir des répercussions catastrophiques sur le saumon sauvage du bassin hydrographique du fleuve Fraser.

À l'heure actuelle, la Utilities Commission de la Colombie-Britannique surveille les effets de ce projet et tient des audiences sur l'incidence qu'il aurait sur le bassin de la rivière Nechako seulement. La Rivers Defence Coalition, une coalition de groupes opposés au projet, a épuisé ses ressources et est forcée de se retirer des audiences.

Quelles mesures le ministre des Pêches et des Océans va-t-il prendre pour s'assurer que l'intérêt public représenté par la coalition continuera d'être défendu dans le cadre de ces audiences?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, à la suite d'un certain nombre d'entretiens au cours des derniers jours, notamment la conversation que j'ai eue, hier, avec le député qui vient de poser la question, j'essaie d'établir tous les faits au sujet de la poursuite des audiences et de la participation de tous les groupes concernés.

(1200)

J'ai eu l'occasion de discuter de ce sujet avec les députés intéressés, notamment ma collègue, la ministre de l'Environnement. Une fois que nous aurons en main tous les faits pertinents, nous allons essayer de voir si le gouvernement pourrait prendre d'autres mesures pour veiller à respecter l'engagement pris par le premier ministre au sujet d'audiences ouvertes et transparentes.

Nous ne voulons rien d'autre que la vérité, toute la vérité et rien que la vérité dans les jours à venir.

_____________________________________________


2488

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LE IRVING WHALE

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je dépose, dans les deux langues officielles, un certain nombre de documents relatifs au Irving Whale. Il s'agit, notamment, de l'évaluation des risques environnementaux liés aux différentes options de récupération du navire, du rapport final, de l'étude de faisabilité pertinente et de l'étude sur le Irving Whale.

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

* * *

LE IRVING WHALE

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour annoncer une bonne nouvelle. Je voudrais aviser la Chambre que le gouvernement du Canada propose de renflouer l'épave de la barge pétrolière Irving Whale afin d'éviter une catastrophe environnementale.

Les habitants de l'Île du Prince Édouard se réjouiront de voir disparaître ce nuage menaçant au-dessus de leurs têtes.

[Français]

Les citoyens et les citoyennes des îles de la Madeleine seront contents d'apprendre qu'ils ne seront plus menacés de pollution par la bombe à retardement qu'est le Irving Whale. L'industrie touristique et la pêche au homard ne seront plus hypothéquées.

Mon collègue, le ministre des Transports, et moi-même avons soigneusement évalué tous les renseignements disponibles et nous avons décidé d'avancer une proposition de renflouement et de récupération du Irving Whale. C'est un exemple extraordinaire de collaboration entre les deux ministères. Transports Canada et Environnement Canada ont travaillé ensemble, de façon efficace et rapide, pour régler un vieux problème. Le Irving Whale a


2489

reposé au fond de la mer pendant 8 593 jours en menaçant à tout moment de répandre sa cargaison d'hydrocarbures.

Je cite un rapport intitulé le Rapport Brander-Smith qui venait de l'ancien ministre de l'Environnement, l'actuel chef de l'opposition, qui réclamait une décision au sujet du Irving Whale. C'est un rapport annoncé par le ministre de l'Environnement de l'ancien gouvernement conservateur du nom de Lucien Bouchard. Il va de soi que rien n'a été fait depuis pour renflouer cette barge. Or, il n'a fallu que 135 jours au présent gouvernement pour y trouver une solution.

[Traduction]

Le Irving Whale repose sur le fond de la mer depuis 8 593 jours, ce qui a donné lieu à des commentaires et a suscité l'indignation des gens de la région de l'Atlantique et des îles de la Madeleine.

Plus récemment, le chef de l'opposition actuel, qui était alors ministre de l'Environnement, a demandé en 1989 avec grands apparats qu'on examine la sécurité des navires-citernes et notre capacité d'intervention en cas de déversements accidentels en milieu marin; le comité Brander-Smith, créé à cette fin, a fait rapport à ce sujet.

(1205)

Durant les audiences qu'il a tenues en 1989 dans toutes les régions de l'Atlantique, ce comité a reçu à maintes reprises les mêmes avertissements concernant la menace que représentait le Irving Whale. On a répété les mêmes avertissements à Halifax et à Saint John. À Charlottetown, le ministre de l'Environnement de l'Île-du-Prince-Édouard a tenu les mêmes propos. Malheureusement, le ministre de l'époque n'a pas agi.

[Français]

Dans le rapport d'examen annoncé, je le rappelle, par l'ancien ministre de l'Environnement, on peut lire à la page 135, et je cite: «le chaland Irving Whale a coulé dans le golfe Saint-Laurent. . . Jusqu'ici, aucun plan n'a été dressé pour essayer de récupérer cette cargaison.» Malgré cet état, rien n'a été fait.

[Traduction]

Dans le rapport, à la page 234, la recommandation 613 dit qu'il faudra décider s'il faut remonter l'épave ou la vider de son contenu d'hydrocarbures. Mais rien n'a été fait.

Il n'a fallu que 135 jours à ce gouvernement pour entendre les préoccupations des habitants de la région de l'Atlantique et des Îles-de-la-Madeleine et décider de trouver une solution à ce problème.

[Français]

Le Irving Whale a sombré en septembre 1970 et repose par 70 mètres de fond au large de la pointe nord de l'Île-du-Prince-Édouard. Il contient actuellement environ 3 100 tonnes de mazout Bunker C. Nous prenons cette mesure aujourd'hui parce que nous savons qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Évidemment, cette proposition de renflouement du Irving Whale fera l'objet d'une évaluation environnementale et le public aura l'occasion de se prononcer avant qu'on n'arrête une décision finale.

Des consultations publiques débuteront sous peu et seront faites auprès des pêcheurs, des industries du tourisme, des groupes environnementaux, des autorités municipales et du grand public. Des rencontres publiques seront tenues au Québec, aux Îles-de-la-Madeleine.

[Traduction]

Des consultations publiques auront aussi lieu à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. Nous commencerons immédiatement le travail préparatoire, y compris la planification, l'élaboration des contrats et l'examen des évaluations environnementales. Si l'évaluation environnementale et les audiences publiques sont en faveur de la proposition du gouvernement, le renflouement sera fait cet été, au plus tard durant l'été 1995.

Le renflouement du Irving Whale pourrait être terminé en 40 jours environ, soit la moitié du temps requis pour en retirer le pétrole par pompage. Cette option éliminerait toute éventualité de pollution future. Une fois la barge renflouée, elle sera transportée à un endroit approprié pour être vidée et nettoyée sous surveillance contrôlée.

Une surveillance aérienne et maritime des lieux a été maintenue pendant de nombreuses années et se poursuit encore. En septembre dernier, la Garde côtière canadienne et la Marine canadienne ont terminé une opération conjointe qui a permis de colmater les orifices fissurés et de renforcer les panneaux de la soute.

Dès que les conditions atmosphériques le permettront, des plongeurs retourneront sur place pour vérifier l'état de la barge. Ceci devrait assurer qu'il n'y aura pas de fuites avant le renflouement.

Le secteur privé a préparé trois rapports sur l'élimination du pétrole du Irving Whale et, tel que promis, je suis heureuse de déposer ces études à la Chambre aujourd'hui.

[Français]

Sur la foi des meilleurs renseignements techniques et scientifiques disponibles en ce moment, et prenant en compte les conclusions de ces rapports, le ministre des Transports, qui a travaillé férocement sur ce dossier, et moi-même croyons que la meilleure option est de renflouer la barge et d'en retirer la cargaison.

Selon une analyse de la Garde côtière canadienne, le renflouement est sécuritaire, techniquement plus facile et rentable. Renflouer le navire coûtera environ 10 millions de dollars, alors que le pompage du mazout pourrait coûter plus de 27 millions de dollars.

[Traduction]

Le renflouement comporte également moins de risques pour l'environnement et pour la sécurité de ceux qui vont procéder à l'opération. En outre, une opération de renflouement fait appel à une technologie connue, ne laisse pas de résidus et est moins sujette à une escalade incontrôlée des coûts et à des délais imprévus.

Je tiens à souligner publiquement non seulement le travail qu'a accompli le ministre des Transports dans cet important dossier mais en particulier le dévouement des fonctionnaires des deux ministères qui ont travaillé très dur à la réalisation de cette solution, autant du point de vue du financement que de sa mise en oeuvre technique.


2490

(1210)

Je m'en voudrais également de ne pas reconnaître publiquement le leadership exercé par le ministre responsable de ce dossier à l'Île-du-Prince-Édouard, soit le secrétaire d'État (Anciens combattants), qui suit en ce moment-même mon discours depuis l'Île-du-Prince-Édouard. Je signale également la contribution des députés des régions respectives, notamment le député d'Egmont, qui s'est beaucoup dévoué dans ce dossier, et le député de Malpèque, qui a su jeter un éclairage nouveau sur la question.

[Français]

Et de même que le travail féroce qui a été fait par le député des Îles-de-la-Madeleine.

[Traduction]

Monsieur le Président, je vois que le député rit. Il ne le devrait pas car le gouvernement a toutes les raisons d'être fier d'avoir réussi à résoudre, en seulement 135 jours, un problème que le gouvernement précédent avait laissé en suspens pendant près de neuf ans.

Je suis très heureuse que nous ayons maintenant une loi et les moyens financiers nécessaires au renflouement du Irving Whale.

Sur la foi d'une évaluation de tous les renseignements dont nous disposions, la Garde côtière canadienne et Environnement Canada proposent le renflouement du Irving Whale. Ce choix est celui qui convient le mieux à la solution complète du problème et présente le moins de risques pour l'environnement et la sécurité des personnes.

Je veux insister sur le fait que le gouvernement s'engage à faire une revue environnementale minutieuse et complète des travaux proposés. Nous étudierons sérieusement toute information nouvelle qui sera présentée lors de l'évaluation environnementale et du processus de consultation.

Enfin, je désire remercier mon collègue, le ministre des Transports pour le dévouement et la collaboration dont il a fait preuve dans la recherche de cette solution. Je remercie également encore une fois mes collègues, le secrétaire d'État aux Anciens combattants et les députés d'Egmont, de Malpèque et de Bonaventure-Les-Îles-de-la-Madeleine, qui ont travaillé très fort pour trouver une solution à cette catastrophe en puissance.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, étant un écologiste, étant un environnementaliste reconnu, je ne peux donc que me réjouir de cette annonce. En effet, dès mon accession au poste de critique de l'opposition officielle en environnement, j'ai commencé à m'intéresser à cette bombe écologique qu'est le Irving Whale.

Dès le 21 janvier dernier, j'avais l'honneur de poser en cette Chambre ma toute première question orale et celle-ci touchait justement le Irving Whale. Depuis ce jour, à mon bureau de comté, tout comme à celui d'Ottawa, je reçois téléphone après téléphone, télécopie après télécopie, et tous ces messages me viennent soit des Îles-de-la-Madeleine, soit de l'Île-du-Prince-Edouard.

Ces messages, une fois décodés, me disaient quelque chose de très bizarre: les préoccupations des gens de ce coin de pays sont de deux ordres. Premièrement, c'est qu'on enlève le contenu de ce cadavre qui constitue une véritable bombe, au plus sacrant; deuxièmement, qui va payer pour cette opération de nettoyage? Dans la déclaration ministérielle, pas un traître mot!

Pour ce qui est de la première question, on nous annonce cet après-midi qu'on va renflouer la barge. On fait une proposition, avec laquelle on ira de l'avant si les audiences publiques l'acceptent et si l'évaluation environnementale le permet.

Si je comprends bien, les trois rapports déposés ce midi, qu'on nous présente, serviraient à trouver la solution qui serait la meilleure pour écarter cette menace. Comment se fait-il qu'on n'ait pas tenu compte, à ce moment-là, des composantes environnementales?

(1215)

Ce qui risque de se passer, c'est que la solution retenue, celle de renflouer, ne passe pas le test de l'évaluation et qu'on revienne à la case départ.

On a déjà dépensé des sommes importantes pour les trois études. C'est bien gentil de vouloir tenir des audiences publiques, mais si on n'arrive pas aux mêmes conclusions que les rapports, est-ce à dire que ceux-ci sont boiteux et qu'on recommence encore une fois?

Le temps presse. J'imagine donc que les audiences dont on parle prendront davantage l'allure de réunions d'information, surtout que le comité-écoutez bien ça, monsieur le Président-surtout que le comité Easter-Gagnon, dis-je, a déjà consulté la population il y a à peine deux semaines. La ministre nous annonce cet après-midi qu'il y aura encore de nouvelles consultations. Alors, si les consultations Easter-Gagnon ont été si efficaces, pourquoi en tenir d'autres? Pour dépenser de l'argent? Pour faire un show médiatique? Je pose la question.

Je m'interroge maintenant sur le sérieux du comité Easter-Gagnon qui a tenu deux séances de consultations publiques au début du mois de mars 1994 et qui a rencontré plus de 25 groupes, associations, municipalités, partis politiques et individus. La ministre nous annonce en grande pompe, encore une fois, une autre série de consultations publiques. Est-ce là une façon d'étirer, et je le répète, d'étirer la période de solutions? C'est bien beau de créer des comités d'étude, c'est bien beau des études, mais c'est encore plus beau un gouvernement qui agit.

Quant à la deuxième solution, pas un mot. Irving, qui est toujours propriétaire de la barge, s'en sort encore une fois indem-


2491

ne. Deux fois en 24 ans d'intervalle, avec le même parti au pouvoir.

À cet égard, la majorité des résidants de cette région, comme nous tous ici du Bloc québécois, on se pose de sérieuses questions. Ce n'est pas aux contribuables à payer pour ce nettoyage. Aussi, le Bloc québécois aura l'oeil vif et ouvert sur les frais réels directement reliés à cette épave.

Il est vrai que la barge Irving dort depuis 8 593 jours au large des Îles, mais n'oublions pas que sur ces 8 593 jours, il y a quelque 3 450 jours conservateurs et 5 308 jours libéraux. De plus, à ces 5 308 jours libéraux, nous devons ajouter tous les jours à venir d'ici à l'été 1995.

Alors là, si la ministre est fière d'elle et de ses collègues, moi, j'en connais plusieurs qui gagnent leur vie grâce à la mer qui ont hâte que cette aventure Irving cesse et au plus vite, s'il vous plaît.

Le problème est simple. Depuis un quart de siècle, il y a une barge remplie de 3 100 tonnes de Bunker C à 70 mètres au fond de la mer, au large des Îles-de-la-Madeleine et de l'Île-du-Prince-Édouard.

(1220)

La rouille fait son travail lentement mais sûrement.

La famille Irving a été dédommagée pour la perte de son pétrolier. Elle a été payée par sa compagnie d'assurance. Quelqu'un doit être assez brillant pour décider qu'on ne peut laisser ce cadavre au fond, encore un autre quart de siècle, et quelqu'un doit prendre l'initiative de le sortir pendant qu'il en est encore temps.

Comme le dit si bien la ministre de l'Environnement, nous prenons cette mesure de renflouement parce que nous savons que la prévention vaut mieux que le nettoyage après coup.

En effet, chaque jour que la ministre perd en études, en consultations, sont des jours à risque. . . Le Bloc québécois encourage ici le gouvernement à faire vite, à faire payer les responsables, et à agir en toute sécurité, car nous n'avons pas le droit de causer un désastre écologique dans ce beau coin du Québec et de l'Île-du-Prince-Édouard.

En terminant, je voudrais remercier toutes les personnes, tant aux Îles-de-la-Madeleine qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, qui ont communiqué régulièrement à mon bureau de comté, ou encore à mon bureau ici à Ottawa, pour me donner des informations, mais surtout pour me faire part de leur plus grande préoccupation. Je suis conscient, monsieur le Président, aujourd'hui, que si le gouvernement a agi si vite, après seulement 135 jours, c'est parce qu'il y avait sur les banquettes de l'opposition quelqu'un qui. . .

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Chrétien (Frontenac): Et je termine là-dessus, monsieur le Président, c'est parce qu'il y avait sur les banquettes de l'opposition un critique qui s'occupait de l'environnement, qui avait cela à coeur, et même au sein du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, à chaque séance du comité, j'intervenais et on me disait: Attends, attends, on va faire quelque chose.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le président suppléant (M. Kilger): On voit qu'on est à vendredi!

[Traduction]

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la ministre pour l'annonce qu'elle a faite aujourd'hui. Depuis qu'il avait coulé, en 1970, le Irving Whale constituait une véritable bombe à retardement, sur le plan écologique, d'autant plus qu'un autre gouvernement libéral ne faisait rien pour le récupérer.

Néanmoins, la ministre mérite des félicitations à cet égard. Par contre, il faut blâmer son inertie en ce qui concerne un autre problème qui se pose dans la région du golfe, à savoir le projet de rejeter les eaux usées de l'usine de pâtes et papiers de la Scott Maritimes Limited à une distance de deux kilomètres dans le détroit de Northumberland.

Il y a près de 30 ans, on avait dit aux habitants de la région que le système de traitement des effluents de l'usine de la Scott Maritimes serait tellement efficace que l'eau serait propre à la baignade et même à la consommation. Aujourd'hui, la lagune est dans un tel état qu'elle empeste et que, d'après les pêcheurs, les bas-fonds y sont morts sur une distance d'un mille près de Powell's Point, où on ne trouve plus ni plancton ni poisson.

La solution que propose la Nouvelle-Écosse, à l'heure actuelle, comprend la modernisation, au coût de 17 millions de dollars, du système de traitement des effluents qu'elle exploite, la dérivation de l'étang de stabilisation et l'extension du pipeline transportant les effluents jusqu'à deux kilomètres dans le détroit de Northumberland.

Dans une lettre qu'ils vous ont adressée le 8 novembre 1993, madame la ministre, et à laquelle vous n'avez pas répondu, Mary J. Gorman et Percy Hayne fils vous apprenaient que les pêcheurs en ont assez. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je veux seulement rappeler aux députés qu'ils doivent adresser leurs observations par l'intermédiaire de la présidence et non pas directement les uns aux autres.

M. Cummins: Je m'excuse, monsieur le Président. Dans une lettre qu'ils ont adressée le 8 novembre 1993 à la ministre et à laquelle la ministre n'a pas répondu, Mary J. Gorman et Percy Hayne fils lui apprenaient que les pêcheurs en ont assez de voir la Scott Maritimes Limited déverser quotidiennement 87 millions de litres d'effluents dans le détroit de Northumberland.

(1225)

Ils demandaient en premier lieu à la ministre comment le gouvernement fédéral pouvait approuver la proposition faite récemment par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse d'acheminer les effluents vers le fond de la baie de Mackenzie que les pêcheurs considèrent comme une frayère essentielle.

Ils lui demandaient en second lieu si le gouvernement fédéral pouvait garantir que les produits chimiques qui n'ont pas été déversés dans le détroit, ces 30 dernières années, mais qui se sont accumulés dans les bassins de sédimentation de Boat Harbour ne seront pas aspirés par inadvertance dans la baie de Mackenzie.

Ils lui demandaient en troisième lieu si le gouvernement fédéral et toutes les parties aux négociations considéraient qu'il est justifié de disperser dans nos océans des produits chimiques toxiques et bioactifs qui influent sur la maturation sexuelle et la


2492

reproduction des poissons, alors que des techniques de rechange existent.

Ils lui demandaient en quatrième lieu si le gouvernement fédéral et toutes les parties aux négociations vont exercer des pressions auprès de la Scott Maritimes, dont les nombreux millions de profit ont été subventionnés par les contribuables de la Nouvelle-Écosse, ces 30 dernières années, afin qu'elle envisage d'adopter un autre procédé de blanchiment et qu'elle cesse une fois pour toutes de polluer Boat Harbour et le détroit de Northumberland.

Le Chronicle Herald de Halifax réclame une enquête publique en bonne et due forme sur le projet de modernisation du système de traitement des effluents. À son avis, ce projet provincial de 17 millions de dollars devrait faire l'objet d'un débat public.

Les auteurs de la lettre ajoutent que les bancs de poissons de la région canadienne de l'Atlantique comptent déjà si peu de bonnes frayères qu'on ne peut pas risquer d'en sacrifier d'autres sur l'autel de l'opportunisme politique.

Nous félicitons la ministre pour l'annonce qu'elle a faite au sujet du Irving Whale, mais nous estimons qu'elle ne devrait pas s'asseoir sur ses lauriers tant qu'une autre catastrophe écologique potentielle n'aura pas été prévenue.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 12e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui porte sur la composition du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Si la Chambre donne son consentement, je proposerai l'adoption de ce rapport plus tard aujourd'hui.

* * *

LOI SUR LA SUSPENSION DE LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada) demande à présenter le projet de loi C-18, Loi suspendant l'application de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, avec le consentement unanime de la Chambre, je propose, appuyé par l'honorable député de Windsor-Ouest, que le douzième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre aujourd'hui, soit adopté.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée)

* * *

(1230)

[Traduction]

PÉTITIONS

LA LETTONIE

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je veux présenter une pétition venant de Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui s'inquiètent de ce qui se passe en Lettonie.

Plus de 600 Canadiens se joignent au député de Parkdale-High Park pour demander au Parlement d'exhorter la Russie à retirer ses troupes de la Lettonie. Les Lettons eux-mêmes ont réclamé à plusieurs reprises le retrait des troupes russes d'une station radar près de leur frontière. Ils sont inquiets des effets que les radiations venant de cette station peuvent avoir sur leur santé.

Les Canadiens qui ont signé cette pétition voudraient que l'aide accordée à la Russie par le gouvernement fédéral à l'avenir soit conditionnelle au respect des droits de la personne en Lettonie.

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Jay Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter à la Chambre une pétition provenant de résidents de Moberly Lake, en Colombie-Britannique.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une loi visant à modifier la politique de la Société canadienne des postes. Des gens qui reçoivent leur courrier à un bureau de poste depuis de nombreuses années sont forcés d'aller le cueillir à un autre endroit déterminé par Postes Canada. S'ils refusent de le cueillir à l'autre endroit, ils doivent payer des frais pour continuer à recevoir leur courrier à leur ancien bureau de poste.

Les pétitionnaires ne trouvent pas juste cette politique de «change ou paie». Tous les Canadiens ont droit à un mode gratuit de livraison du courrier, et ces résidents croient qu'ils devraient au moins avoir la possibilité de cueillir leur courrier au bureau de poste où ils le font depuis des décennies.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 12.

2493

[Texte]

Question no 12-M. Easter:

Qui faisait partie de l'équipe du gouvernement du Canada à la table de négociation du GATT, de juin 1992 à janvier 1994, quels sont les antécédents professionnels de ces personnes, les postes qu'elles occupaient avant d'en faire partie et leur date de nomination?
L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Comme l'ordre du jour des négociations de l'Uruguay Round menées sous l'égide du GATT englobait une large gamme de questions, des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, du ministère des Finances, d'Agriculture Canada et d'Industrie Canada (incorporant l'ex-ministère de la Consommation et des Affaires commerciales et Investissement Canada) ainsi que des ministères du Patrimoine canadien, des Transports, des Services gouvernementaux et de la Justice ont participé aux négociations.

Étant donné le nombre des officiels engagés dans le processus pendant la période de deux ans visée par la demande, il n'est pas pratique d'identifier et de lister chaque personne. Sont mentionnés ci-dessous les noms du négociateur en chef et ambassadeur auprès du Gatt et du sous-ministre adjoint, Négociations commerciales multilatérales, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Les ministres fédéraux assument l'entière responsabilité pour toutes les décisions de politique prises par le gouvernement pendant les négociations au GATT.

Ambassadeur G.E. Shannon, ambassadeur du Canada auprès du GATT et négociateur en chef, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; nommé en 1990.

M. Germain A. Denis, sous-ministre adjoint, Négociations commerciales multilatérales, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; nommé en 1988.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): On a répondu à la question énumérée par l'honorable secrétaire parlementaire.

M. Milliken: Monsieur le Président, je suggère que toutes les autres questions soient réservées.

Le président suppléant (M. Kilger): Les autres questions sont-elles réservées?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je signale à la Chambre que, en raison de la déclaration ministérielle, l'étude des initiatives ministérielles sera prolongée de 25 minutes, conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement.


2493

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LE POUVOIR D'EMPRUNT POUR 1994-1995

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-14, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1994-1995, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour participer au débat de troisième lecture de ce projet de loi portant pouvoir d'emprunt. Je ne ferai pas perdre le temps de la Chambre en disant tout de go que nous nous opposons au projet de loi et à la politique budgétaire en général et aux mesures d'emprunt du gouvernement.

[Français]

Ce projet de loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1994-1995 veut dire une augmentation de la dette nationale pour cette année, ce qui portera le déficit à 40 milliards de dollars et le pouvoir d'emprunt à 34,3 milliards de dollars. Cela veut dire une augmentation de la dette nationale pendant les trois prochaines années de près de 100 milliards de dollars. C'est pour ces raisons que les députés du Parti réformiste continuent à s'opposer à ce projet de loi.

[Traduction]

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances a dit dans son intervention plus tôt aujourd'hui au sujet du projet de loi à l'étude que cet emprunt constitue, d'une manière générale, un élément normal des opérations gouvernementales. C'est exact. Il est certainement devenu normal pour le gouvernement du Canada d'emprunter, et d'emprunter des montants de ce genre. C'est devenu un élément normal des opérations non seulement du gouvernement du Canada, mais aussi des sociétés d'État. Pour les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, c'est maintenant une pratique courante d'emprunter des millions, voire des milliards de dollars.

(1235)

Quelle est la conséquence de cela? C'est que, je le répète, au niveau fédéral, nous avons une dette d'un demi-billion de dollars à laquelle viendront s'ajouter 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, cela, à cause de la politique budgétaire actuelle. La dette publique de notre pays, celle de nos trois ordres de gouvernement, représente à peu près la valeur de toute notre production économique d'une année. Voilà ce qui arrive quand on emprunte.

Le premier ministre a dit plus tôt cette semaine que nous empruntons à gauche et à droite. En fait, nous empruntons des Canadiens et des étrangers. Nous empruntons pour aujourd'hui. Nous empruntons pour demain. Nous empruntons pour payer les intérêts sur les emprunts contractés hier. Nous empruntons, cela, c'est certain. C'est ce que font les gouvernements. C'est ce que


2494

fait le gouvernement actuel et c'est ce qu'ont fait les conservateurs. Tous empruntent sans arrêt.

Cela dit, voyons maintenant les sommes visées dans cet exercice d'emprunt particulier. Le projet de loi demande l'autorisation d'emprunter 34,3 milliards de dollars pour l'exercice financier 1994-1995, les besoins liés au déficit s'élevant ou étant actuellement évalués à 39,7 milliards de dollars.

Dans sa déclaration durant la période des questions, le secrétaire parlementaire a laissé entendre que l'analyse du député d'Elk Island n'était pas juste et que nous n'empruntons pas plus que 34,3 milliards de dollars. Ce n'est pas exact. Nous demandons l'autorisation d'emprunter 34,3 milliards de dollars sur le marché, mais comme je vais l'expliquer, nous empruntons davantage. Nous empruntons d'un certain nombre de comptes non budgétaires, notamment le compte de pension de retraite du gouvernement, qui constitue un passif de l'État.

L'analyse du député d'Elk Island était tout à fait juste, même si, en principe, l'emprunt demandé dans ce projet de loi est légèrement inférieur au montant du déficit. Je parlerai un peu plus de cette question.

Comme je l'ai dit dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, il est difficile pour le simple citoyen et la plupart d'entre nous d'avoir une bonne idée de ce que représentent ces chiffres. Permettez-moi toutefois d'essayer de vous en donner une idée. Je l'ai déjà fait auparavant. Laissez-moi essayer de rendre cela un peu plus limpide.

Quand on parle d'un emprunt ou d'un déficit de 40 milliards de dollars, on parle de suffisamment d'argent pour supprimer entièrement la taxe sur les produits et services et pour la rembourser deux fois. On parle de suffisamment d'argent pour non seulement payer nos prestations actuelles de la Sécurité de la vieillesse, mais pour aussi doubler le montant versé à chaque prestataire. On peut aussi dire qu'avec autant d'argent, on pourrait envisager d'accroître de 30 p. 100 le budget de chaque programme fédéral.

Voilà la conséquence de la politique d'emprunt que les gouvernements de toute allégeance et de tous les niveaux ont poursuivie au Canada depuis une génération.

Que faisons-nous de cet argent? Quelle est la solution de rechange? L'une des raisons pour lesquelles nous empruntons autant cette année, c'est le fameux programme d'infrastructure, en voie de devenir un programme pour à peu près n'importe quel projet que souhaite réaliser une municipalité. Le gouvernement fédéral encourage aussi les autres paliers de gouvernement à emprunter des fonds supplémentaires pour financer les nouveaux projets d'infrastructure.

Qu'est-ce que l'infrastructure comprend? Il y a, en économie, des définitions classiques claires de l'infrastructure. Elle n'est pas synonyme d'investissement ou d'immobilisations. L'infrastructure, ce sont les immobilisations qui sont utiles pour faciliter toute une gamme d'activités économiques.

La définition a commencé à s'élargir lorsque le programme a été utilisé pour financer des centres de congrès. À Calgary, le débat porte en ce moment sur le financement éventuel de l'expansion des installations et des activités du Saddledome, afin de persuader les gens de garder à Calgary une franchise de la ligue nationale de hockey. Cela fait partie des négociations entre la société du Saddledome, les Flames de Calgary et d'autres protagonistes.

Beaucoup de Canadiens sont amateurs de hockey, moi le premier. Mais bon nombre de ceux qui appellent à mon bureau pour protester sont aussi des amateurs de hockey. S'agit-il vraiment de travaux d'infrastructure? Est-ce bien à cela que nous voulons consacrer notre argent?

(1240)

Notre parti insiste beaucoup sur la nécessité de réduire les dépenses pour des choses comme les retraites des députés et quelques autres avantages et même une partie de la rémunération, et je sais que cela en dérange certains qui sont députés depuis plus de six ans. Nous songeons en particulier aux très généreuses allocations non imposables qui servent à des dépenses pour lesquelles on n'a pas à produire de reçus et qui, en fait, sont englobées dans le traitement de tous les députés. Nous soulevons ces questions. Pourquoi ne le ferions-nous pas? Nous n'agissons pas de la sorte parce que nous croyons qu'il serait possible d'éliminer le déficit de cette manière. Cela a plus à voir avec quelque chose que j'ai lu récemment en avion.

Je ne me souviens pas qui l'a dit, mais c'étaient des propos intéressants. Quelqu'un a dit que ce qui le préoccupait au sujet de la politique budgétaire, c'était qu'il souhaitait qu'elle soit élaborée par des gens ayant intérêt à ses résultats. C'est la même chose quand il s'agit des pensions des députés. C'est pourquoi il faut s'inquiéter de l'utilisation de l'argent que nous empruntons.

Je dirai très brièvement, et nous aurons un débat là-dessus, qu'avant longtemps la valeur totale des pensions des anciens députés dépassera le montant total que les contribuables canadiens paient maintenant pour les députés en poste. Ce sont ces gens-là qui ont pris les décisions qui sont à l'origine de la situation financière actuelle et ils se comportent comme les gardiens permanents de l'État pour que nous empruntions toujours pour financer sans cesse cette arnaque extravagante. C'est pourquoi les Canadiens s'inquiètent de ce genre de dépense et de ces emprunts.

Reportons-nous au livre rouge. Le gouvernement nous invite toujours à lire le livre rouge. Évidemment, nous prenons à coeur ces suggestions. Prenons donc quelques instants pour parler de ce que dit le livre rouge au sujet des emprunts.

Je voudrais citer quelques extraits des pages 17 et 18 du livre rouge où le gouvernement parle de politiques équilibrées pour l'emploi et la croissance. Voici une citation relative à sa politique économique.

D'autre part, nous allégerons le déficit.

En vertu de cette politique budgétaire et de ce projet de loi portant pouvoir d'emprunt, le déficit sera plus élevé qu'on ne l'avait prévu l'an dernier. Il est censé diminuer si on tient compte


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de changements comptables. Il est censé diminuer, mais il est plus élevé que les projections qui ont été faites pendant que nous discutions du livre rouge durant la campagne électorale. En fait, il est plus élevé de 10 milliards de dollars. Ainsi, nous n'avons pas allégé le déficit.

On lit plus loin dans le livre rouge:

Les nouveaux efforts financiers respecteront le cadre des budgets actuels.
J'admets qu'il y a eu des réductions et des réaménagements, mais il reste que les dépenses ont augmenté. En fait, comme les dépenses de programmes ont augmenté, ce ne sont pas tous les nouveaux efforts financiers qui ont respecté le cadre des budgets actuels.

On lit dans le livre rouge:

Pendant le règne de neuf ans des conservateurs, notre dette a presque triplé, passant de 168 milliards de dollars en 1983-1984 à 458 milliards aujourd'hui. Les conservateurs ont enregistré des déficits d'environ 30 milliards de dollars pas an, malgré leurs nombreuses promesses. Et le déficit le plus récent s'élève à 35,5 milliards.
Évidemment, tout ça était exact. C'étaient les meilleures données disponibles au moment où le livre rouge a été rédigé. Mais quelle est la politique d'aujourd'hui? La politique d'aujourd'hui, c'est d'accroître le déficit d'un autre montant de 150 milliards de dollars au cours de la présente législature. Nous allons donc dans la même direction que les conservateurs ont empruntée ces dix dernières années.

Est-ce que le budget prévoit un déficit inférieur à 30 milliards de dollars? Pas tout à fait. Le budget prévoit que la troisième année, nous serons sous le seuil des 30 milliards de dollars. Or, les données pour la troisième année n'y figurent pas, pas plus d'ailleurs que les colonnes qui nous permettraient de suivre la trajectoire du déficit se dirigeant vers les 30 milliards de dollars. On nous dit simplement d'accepter cela comme un acte de foi et comme le résultat de la vague de prospérité que nous sommes censés connaître.

À la page 18 du livre rouge-le livre à l'encre rouge, j'aime bien l'expression-on peut lire ceci:

Après neuf budgets conservateurs, le déficit fédéral représente 5,2 p. 100 du produit intérieur brut. Ce chiffre est excessif.
Que prévoit le budget pour cette année? Un budget avec un déficit supérieur à 5,2 p. 100 du PIB. Je n'ai pas le chiffre exact en mémoire, mais je crois que ça avoisine les 6 p. 100.

(1245)

Mon deuxième point a trait à l'objectif de 3 p. 100 recommandé par les États membres de la Communauté européenne et fixé dans le traité de Maastricht, ce qui n'est pas tout à fait exact. J'en ai parlé dans des débats précédents et j'y reviendrai aujourd'hui si j'en ai le temps.

Quoi qu'il en soit, ce budget et ces mesures d'emprunt s'éloignent beaucoup des promesses figurant dans le livre rouge. Je ferai également observer, comme je l'ai dit précédemment, que ce sont le déficit planifié et l'emprunt planifié les plus élevés de notre histoire. Nous avons déjà eu des déficits plus élevés et nous en aurons peut-être un encore plus élevé après le changement de méthode comptable. Le déficit de l'année dernière peut toujours se révéler supérieur à celui de cette année. C'est la première fois qu'il nous arrive de commencer l'exercice avec un déficit et des besoins d'emprunt aussi élevés.

Ces dernières années, on a eu tendance à sous-estimer nos besoins et à les dépasser au cours de l'année. L'an dernier, le projet de loi C-117, qui a reçu la sanction royale le 6 mai 1993, réclamait pour l'exercice 1993-1994 un pouvoir d'emprunt de 31,5 milliards de dollars, compte tenu de besoins financiers évalués à 26,5 milliards de dollars. Cela, c'était pour l'année dernière. Or, nous constatons que ce projet de loi réclame une augmentation du pouvoir d'emprunt.

Le gouvernement justifie ces politiques, et notamment le niveau d'emprunt, en faisant valoir deux arguments. C'est que ça va nous aider à réduire le déficit par la suite et que le gouvernement sera ainsi en mesure de réaliser ses objectifs de croissance économique et de création d'emplois. En tant que contribuable et économiste, je suis sceptique au sujet de la réduction du déficit et, en particulier, de l'objectif provisoire de 3 p. 100 du PIB.

J'appuyais l'ancien gouvernement, quand il a été élu, la première fois. Il faisait alors le même genre de raisonnement pour ne pas traiter ce problème rapidement. Qu'est-il arrivé dans les années 80 et 90? Comme le gouvernement refusait de s'attaquer aux problèmes de la dette et du déficit, ceux-ci n'ont cessé d'augmenter. Si nous sommes dans cette situation aujourd'hui, ce n'est pas tant à cause de la récession qu'à cause de la dette accumulée et des paiements d'intérêt sur la dette.

Dans un tel contexte, il devient très difficile de réduire le déficit, car celui-ci s'ajoute à la dette et au fardeau de la dette.

Certains ministériels ont tendance à citer un grand économiste du début du XXe siècle, lord John Maynard Keynes, pour justifier ce genre d'économie. Je me demande combien d'entre eux ont vraiment lu ce qu'il a écrit sur la question et savent quel genre d'analyse il utilisait et dans quelles circonstances il justifiait le recours à de telles politiques budgétaires.

J'ai lu ce qu'il avait écrit là-dessus et je sais que le député de Capilano-Howe Sound l'a fait lui aussi. Nous pouvons vous affirmer que ce ne sont pas là les politiques que préconisait ce grand homme. Je ne suis pas d'accord sur tout ce qu'il a écrit, mais jamais il n'a préconisé de déficits structurels permanents et constants.

Il faut dire aussi qu'il a écrit à une époque où les gouvernements avaient très peu d'obligations financières permanentes. En fait, les gouvernements n'engloutissaient pas les fonds, mais en généraient. La situation était fort différente d'aujourd'hui et c'est pourquoi il ne convient pas de s'y référer dans le contexte actuel.

(1250)

Le deuxième argument avancé par le gouvernement est que ces politiques d'emprunt vont mener à la croissance économique.


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Simplement pour vous donner une autre opinion-je sais que notre parti a une orientation économique très différente-permettez-moi de vous lire ce que les entreprises à l'origine de la création d'emplois disent au sujet de la croissance économique et de la création d'emplois. Nous savons que, étant donné l'insolvabilité croissante des gouvernements, les emplois qui seront créés à l'avenir le seront grâce au secteur privé. Je pense que le Parti libéral le reconnaît en général.

Dans un communiqué publié le 14 février, la Chambre de commerce du Canada a déclaré que, selon les résultats préliminaires d'une enquête menée auprès des entreprises, un million d'emplois peuvent être créés. Je crois qu'elle a reçu jusqu'ici 658 réponses de la part d'employeurs représentant toute une gamme d'entreprises, allant de la très petite entreprise à la très grosse société. Selon ces firmes, la mise en place de mesures économiques judicieuses devrait faire en sorte que des emplois soient créés pour un million de Canadiens.

Selon le communiqué, de telles mesures-une réduction de la dette et du déficit, une réduction des impôts des particuliers et des sociétés, un allégement de la réglementation gouvernementale et une amélioration de la formation et du perfectionnement de la main-d'oeuvre-permettraient à chaque entreprise de créer en moyenne 14 emplois au cours des trois prochaines années.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Demandez à la Chambre de commerce de rembourser la subvention qu'elle a obtenue pour cette étude.

M. Harper (Calgary-Ouest): Le député a dit qu'on demande à la Chambre de commerce de rembourser la subvention qu'elle a obtenue pour cette étude. Elle serait probablement disposée à le faire. En fait, notre parti a préconisé, avec l'appui des associations commerciales de ce pays, que l'on élimine non toutes, mais la plupart des subventions en faveur des grandes sociétés et de l'industrie. Je sais que certaines firmes vont s'y opposer, mais nous ne nous sommes heurtés à aucune résistance de la part des associations commerciales. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nombre d'entre elles ont appuyé le Parti réformiste et l'appuient, je dirais, encore en plus grand nombre depuis la publication du budget.

Ce sont là les mesures jugées nécessaires. Le programme d'infrastructure ne figure pas dans la liste des mesures proposées par les milieux d'affaires pour accroître l'emploi. Pas plus que l'accroissement des dépenses. Au contraire. Ils n'ont pas dit qu'ils avaient besoin d'emprunts supplémentaires de 40 milliards de dollars cette année et de 100 milliards au cours des trois prochaines années. Il y a ici certaines choses qui sont conformes à l'orientation qu'a prise le gouvernement, mais il y a aussi une politique qui diffère beaucoup de celle dont les entreprises qui créent des emplois disent avoir besoin.

Revenons un instant au budget qui sous-entend ce projet de loi d'emprunt, car il est important de l'examiner même si je l'ai déjà fait. Le budget repose sur une série d'hypothèses économiques, notamment que, la première année, le pays connaîtra une croissance de 3 p. 100, les taux d'intérêt oscilleront entre 4,5 p. 100 à court terme et 6,4 p. 100 à long terme, l'inflation demeurera à un faible niveau, soit de 1 à 2 p. 100, et le régime fiscal pourra générer des recettes gouvernementales avec la reprise de l'économie. L'année dernière, il y a eu un recul de 17,7 p. 100 à 16,1 p. 100.

Toutes ces hypothèses sont importantes et la plupart sont défendables, mais comment les hypothèses pour les années suivantes peuvent-elles justifier ces objectifs? On prévoit que le taux de croissance atteindra environ 3,8 p. 100 et se maintiendra à ce niveau. L'inflation restera aux plus faibles niveaux jamais enregistrés. Le ratio des recettes par rapport au PIB établi par le régime fiscal augmentera. Le taux de chômage diminuera et le nombre d'emplois augmentera. Non seulement les taux d'intérêt baisseront, mais ils demeureront à des niveaux sans précédent.

Je souligne, comme je l'ai fait dans mes observations précédentes, que ces hypothèses sont légèrement meilleures que celles du Parti progressiste-conservateur, mais elles reflètent beaucoup le même raisonnement: après une très courte période, nous sommes à la fois assez optimistes et assez pessimistes pour la première année, mais par la suite, nous pourrons être plus optimistes. C'est toujours la même ritournelle: des taux d'intérêt extrêmement bas et sans précédent, une inflation aux plus faibles niveaux jamais enregistrés, une reprise de la croissance, mais pas à un niveau aussi élevé que les conservateurs l'avaient prévu, et la création d'emplois.

(1255)

Ce qui est intéressant, et j'insiste à nouveau sur ce point, c'est que les prévisions globales du gouvernement sont plus honnêtes que celles des conservateurs, même si elles vont dans le même sens. Les prévisions sur la création d'emplois présentent un intérêt particulier car il s'agit des prévisions les plus réalistes du budget, compte tenu des politiques de ce gouvernement.

On prévoit que le taux de chômage passera d'une moyenne annuelle de 11,2 p. 100 à 11,1 p. 100 cette année et à 10,8 p. 100 l'année prochaine. Autrement dit, on prévoit un changement très modeste, presque nul, de la situation globale de la main-d'oeuvre au pays. Il s'agit là d'une prévision intéressante pour un gouvernement qui prétend que la création d'emplois constitue sa principale priorité.

Ce que ce gouvernement a fait, et je l'en félicite même si je souhaiterais qu'il soit plus franc à ce sujet, c'est qu'il a reconnu l'existence d'un lien direct entre un déficit constamment élevé, des dépenses très importantes et de hauts taux de chômage. Il a admis pour la première fois qu'il existait un lien entre ces trois phénomènes.

Les gouvernements précédents avaient dit qu'ils pouvaient maintenir des déficits élevés et amorcer des stratégies de réduction graduelle, que le taux de chômage descendrait même si les déficits demeuraient à des niveaux très élevés. Ce gouvernement a admis que tant que le déficit demeurera aussi considérable, le taux de chômage restera élevé.

L'explication découle d'une simple réalité économique; les fonds requis pour la création d'emplois proviennent d'investissements du secteur privé. Ce sont ces mêmes fonds que les gouvernements s'accaparent lorsqu'ils empruntent sur le marché des sommes de l'ordre de 40 milliards de dollars par année.

Une des faiblesses des données présentées par le gouvernement, non seulement pour l'avenir, mais même pour cette année, est la prévision relative aux taux d'intérêt; ce point a déjà été soulevé à la Chambre et je voudrais le soulever à nouveau. Lors de ma première intervention sur le projet de loi C-14, j'avais


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signalé à la Chambre que les projections de taux d'intérêt étaient déjà, sur les placements à long terme, supérieures d'environ un demi-point à ce que prévoyait le budget.

J'avais dit que les taux s'établissaient alors quelque part entre 6,8 et 6,9 p. 100. Je présente mes excuses aux députés si je les ai induits en erreur à cet égard. J'avais rédigé ce discours quelques jours plus tôt et, avant que j'aie pu le prononcer, les taux d'intérêt avaient grimpé à plus de 7 p. 100 pour les obligations d'État de dix ans.

C'est intéressant, dans les circonstances, d'examiner le schéma qui s'est établi. C'est vraiment un schéma qui se dessine sur les marchés financiers depuis le dépôt du budget et nos débats prébudgétaires, quand le gouvernement avait donné un aperçu de l'orientation qu'il comptait prendre.

Les 1er et 2 février, les taux d'intérêt ont atteint un creux comme on n'en avait pas vu depuis longtemps dans notre pays. Laissez-moi vous faire part des taux d'intérêt sur les titres d'État. Le taux d'escompte se situait à 3,87 p. 100. Le taux sur les bons du Trésor de six mois se chiffrait à 3,76 p. 100, et à 6,4 p. 100 sur les obligations d'État à long terme, soit dix ans.

Le gouvernement projetait dans son budget de cette année, 1994, que le taux sur les obligations de dix ans chuterait à 6,4 p. 100-c'est exactement à ce taux qu'il s'établissait le 2 février-et qu'il baisserait davantage dans les années ultérieures, jusqu'à environ 6,1 p. 100.

Pour les placements à court terme, prenant pour base les billets de trésorerie de 90 jours, il prévoyait que le taux augmenterait légèrement, soit jusqu'à 5 p. 100 cette année, et qu'il resterait stable pour les cinq années suivantes. En fait, ces chiffres sont maintenant identiques aux projections sur lesquelles l'ancien gouvernement avait fondé ses dernières politiques budgétaires.

Je signale également que le gouvernement aime à faire remarquer que le taux sur les billets de trésorerie reste inférieur à ses projections. C'est vrai, mais dans l'ensemble, les taux montent constamment. Simplement, ce taux n'a pas grimpé aussi rapidement que les taux sur les principaux titres d'État.

Selon le Globe and Mail d'aujourd'hui, du 2 février à maintenant, le taux d'escompte est passé de 3,87 p. 100 à 4,22 p. 100. C'est une hausse de 35 points de base. Le taux sur les bons du Trésor de six mois est passé de 3,76 à 4,58 p. 100, c'est-à-dire de trois quarts de point de pourcentage chaque semaine durant cette période, et surtout depuis le dépôt du budget. Sur les bons de dix ans, l'intérêt est passé de 6,4 à 7,38 p. 100. Ce taux tourne autour de 7,4 p. 100 depuis quelques jours, soit 1 p. 100 de plus que ce que le gouvernement avait prévu.

(1300)

Le gouvernement continuait d'affirmer qu'il n'avait pas publié toutes ses prévisions sur les taux d'intérêt pour cette année, seulement deux. Il persiste à dire que malgré des chiffres comme ceux-là, il sera quand même en mesure d'atteindre l'objectif visé dans le budget. J'en doute.

Le gouvernement ne peut certes se permettre une augmentation continue des taux au cours des prochaines semaines. Depuis que le taux d'escompte de la Banque du Canada a été établi la semaine dernière, on a assisté à une autre baisse d'un quart de cent de la valeur du dollar canadien.

C'est se qui se passe. Nous en savons les raisons quand nous bavardons avec nos amis et nos voisins. Ceux qui analysent la politique du gouvernement et qui lisent certains des bulletins financiers publiés au Canada, savent très bien à quoi s'en tenir. Les gens sortent leurs capitaux du pays et ils revendent leurs obligations d'État, car elles sont libellées en dollars canadiens. Ils placent leur argent ailleurs, car ils sont de plus en plus inquiets face à la situation financière de notre institution, le gouvernement du Canada.

Ce manque de prudence dans ses prévisions sur les taux d'intérêt constitue, selon moi, et je le répète, la plus grave erreur du gouvernement dans sa planification financière. Une bonne partie de notre dette est à court terme. L'échéance moyenne sur la dette du gouvernement au Canada est de deux années et demie. Si on exclut les bons du Trésor, elle est de quatre années et demie. Ce sont des délais très courts et nous sommes donc très exposés à des augmentations imprévues des taux d'intérêt.

Le gouvernement fournit également dans le budget des renseignements qui sous-estiment les répercussions possibles de l'évolution des taux d'intérêt sur ces emprunts. Pourtant, l'analyse de sensibilité est un aspect important.

Les gens me demandent pourquoi le gouvernement affirme que si les taux d'intérêt montent de 1 p. 100, sa dette n'augmentera que de 1,7 milliard de dollars. Pourquoi pas 5 milliards de dollars? Pourquoi ne serait-ce pas 1 p. 100 de notre dette?

Cela s'explique, bien entendu, par le fait que la dette est refinancée régulièrement, mais pas entièrement dans une seule année. Cependant, sur une très brève période, de deux, trois ou quatre ans, la majeure partie sera refinancée et la véritable lacune de cette analyse de sensibilité, c'est qu'on ne tient pas compte du fait que ce ne sont pas simplement les intérêts qui sont composés, mais également la dette elle-même, lorsqu'on sous-estime le niveau des paiements d'intérêt et le déficit. C'est là une question très grave et c'est ce qui explique que nous sommes confrontés à des problèmes de ce genre.

Je rappelle au gouvernement l'importance d'avoir des objectifs réalistes en matière de déficit. Encore hier, dans le Financial Post, on affirmait que le gouvernement avait, en fait, des chiffres pour la troisième année de sa période de planification financière et les années suivantes et qu'il était disposé à les déposer en août. Pourquoi à ce moment-là? Pourquoi ne le fait-il pas maintenant? Je suppose que nous aurons droit en août à la même histoire que celle qu'on nous a servie dans ce budget, à savoir que la situation est beaucoup plus grave que les libéraux ne le pensaient et qu'il


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faut donc réévaluer les choses. Nous avons déjà entendu cette rengaine.

Nous devons avoir un objectif bien précis relativement à notre déficit. C'est le cas de tout pays qui éprouve des problèmes financiers comme nous. Je reviens sur le fait que dans le Traité de Maastricht, il n'est pas simplement question de ramener à 3 p. 100 la proportion du déficit par rapport au produit intérieur brut, mais on précise également que la dette ne peut être supérieure à 60 p. 100 du produit intérieur brut. La seule façon d'atteindre cet objectif serait d'avoir un déficit nul, voire des excédents.

Selon ce budget, si on en croit les propres hypothèses du gouvernement, notre endettement devrait être de 75 p. 100 de notre PIB à la fin de la période de planification. Cela s'applique uniquement au gouvernement fédéral et sur une base nette, alors que le Traité de Maastricht fait référence à une base brute et à l'ensemble des paliers de gouvernement. Ces niveaux ne peuvent être maintenus.

Nous étions convenus, à l'étape de l'étude en comité et du rapport, de ne pas tenir de débat à l'étape du rapport parce que nous sommes impatients de passer au véritable débat et que le comité n'a pas proposé d'amendement. Je voudrais néanmoins faire état de certains points qui auraient pu être soulignés à l'étape du rapport. Je ne veux pas retarder le processus mais je crois que la question est importante.

(1305)

Des problèmes se posent relativement au processus et à certains éléments formels. Nous étions convenus de ne pas tenir de débat à l'étape du rapport, mais nous avions jugé nécessaire d'avoir au moins en notre possession, avant le débat en troisième lecture, les procès-verbaux officiels des audiences du comité chargé de son étude. Cela pose un autre problème et je tiens à souligner à quel point le gouvernement voit dans le processus une façon de faire adopter le projet de loi sans discussion.

Je n'ai pas la version officielle des procès-verbaux en main et je doute de pouvoir l'obtenir aujourd'hui. Avant de prendre la parole, j'ai obtenu une transcription des délibérations du comité sur ce projet de loi. Or, ni le public ni nous n'avons reçu la version officielle des procès-verbaux du comité ou celle du débat sur les dispositions formelles du projet de loi, bien que nous ayons déjà franchi l'étape du rapport et que nous soyons à l'étape de la troisième lecture.

Cette situation est inexcusable. Le dossier n'est pas urgent au point que le Parlement et le public ne puissent obtenir la version officielle des procès-verbaux et des délibérations qui se rapportent à la discussion que nous tenons actuellement à la Chambre.

Aussi, je prendrai quelques minutes seulement pour faire un survol des dispositions formelles du projet de loi. Je passerai rapidement en revue certains aspects qui ont été discutés en comité et expliquerai comment cela pourrait être utile au gouvernement dans l'avenir.

Selon les projections, le déficit budgétaire atteindra 39,7 milliards de dollars. Pour financer ce déficit, le gouvernement emprunte, au moyen des comptes internes, une somme d'environ 9,5 milliards. Il s'agit d'un excédent temporaire au titre des comptes non budgétaires et principalement les comptes de pensions de retraite.

Le gouvernement doit emprunter 1,1 milliard de dollars pour couvrir les profits du Fonds des changes, qui sont inclus dans les recettes budgétaires mais qui ne sont pas disponibles pour les fins budgétaires normales, et 3 milliards de dollars aux fins de la réserve pour éventualités. Le gouvernement a notamment recours à ce moyen pour s'assurer une certaine marge de manoeuvre, même s'il s'engage à maintenir le déficit dans les limites. Le gouvernement dispose ainsi d'une réserve considérable qui accroît son pouvoir d'emprunt sans qu'il ait à s'adresser directement au Parlement pour l'exercice financier courant. Voilà comment le montant du pouvoir d'emprunt a pu atteindre 34,3 milliards de dollars; le public remarquera que ce montant est différent du déficit budgétaire.

Ce système de contrôle n'est pas le plus efficace qui soit. Le déficit budgétaire comme tel comprend une réserve de 2,4 milliards de dollars pour des dépenses non prévues. Même s'il est vrai que le Parlement devrait autoriser des dépenses supplémentaires qui seraient non législatives, les diverses réserves pour éventualités de 2,4 milliards de dollars prévues dans le déficit budgétaire et de 3 milliards au titre du pouvoir d'emprunt comme tel assureront au gouvernement une liberté d'action considérable qui lui laissera une marge d'erreur non seulement en ce qui concerne les projections de taux d'intérêt mais à divers autres chapitres de la planification financière.

Le fait de s'assurer une légère marge de manoeuvre n'a rien de répréhensible, mais je crains que si nous nous laissons la possibilité de faire des erreurs de cette ampleur, il serait indiqué que le gouvernement se dote d'un système qui l'oblige à revenir au Parlement pour expliquer les écarts, lui demander le pouvoir d'emprunt nécessaire et discuter des raisons des erreurs commises.

Un des problèmes relatifs aux réserves obligatoires et aux besoins pour éventualités, c'est qu'il est possible d'invoquer toutes sortes de raisons pour les utiliser. Nous n'avons tout simplement pas de marge d'erreur concernant les taux d'intérêt ou les dépenses obligatoires. Il y a généralement moyen d'y recourir pour une raison ou une autre. Je considère que c'est un grave défaut de ce processus particulier.

Il y a un autre problème important qui a été soulevé au cours des audiences du comité sur ce projet de loi et sur lequel le gouvernement devrait se pencher, c'est-à-dire, la nature de la gestion de la dette.

Il y a eu certaines questions techniques concernant non seulement l'échéancier de la dette, mais aussi la tendance du gouvernement à emprunter presque exclusivement en dollars canadiens, alors que la valeur de notre devise est de plus en plus instable, ce qui entraîne l'imposition de primes de risque. Cela fait augmenter le coût des emprunts pour tous les Canadiens, pour le gouvernement et pour les contribuables.

(1310)

Cela encourage aussi le gouvernement à adopter une attitude un peu moins responsable en matière d'emprunt. Les emprunts en dollars canadiens font croire à une plus grande flexibilité en cas de crise financière. Étant donné les rendements plus faibles offerts sur les autres devises, on devrait envisager de diversifier ces emprunts et, bien sûr, de les réduire.

Je conclus rapidement en rappelant la situation budgétaire. Le gouvernement est confronté à un déficit de 40 milliards de dollars. Ce déficit était même plus élevé que nous le pensions au


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cours de la campagne électorale. Le gouvernement a réagi en imposant les plus faibles compressions possible et des mesures fiscales encore plus inoffensives, et en adoptant divers programmes qui se révéleront, à notre avis, probablement inefficaces pour relancer l'économie et qui ne feront qu'alourdir inutilement notre fardeau.

Je m'oppose à ce projet de loi. J'invite à nouveau le gouvernement à repenser ses emprunts et certains des programmes de dépenses qui sous-tendent ces emprunts. Je m'engage à continuer de lutter contre ce projet de loi et contre les politiques du même acabit.

J'invite le gouvernement à regarder chez nos voisins américains, où les démocrates ont repensé la stratégie qui consiste à ajouter des programmes de dépenses à la difficile gestion du déficit.

Le président suppléant (M. Kilger): En troisième lecture du projet de loi C-14, les trois premiers orateurs ont eu 40 minutes à leur disposition. Nous passons maintenant à la deuxième étape du débat, qui prévoit des périodes de 20 minutes pour les discours et de 10 minutes pour les questions et les observations.

Je donne la parole au secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie qui voudra bien indiquer d'abord à la présidence s'il entend prendre toute la période de 20 minutes ou partager son temps de parole.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je partage mon temps de parole avec un autre député. Je comprends que je ne peux pas poser de questions à l'orateur précédent, mais je voudrais commencer mon intervention en faisant une observation.

J'ai écouté le député du Parti réformiste qui parlait de toutes les compressions budgétaires que son parti veut pratiquer et de la réduction des subventions accordées aux entreprises.

Le député est même allé jusqu'à proposer que la Chambre de commerce rembourse au Trésor la somme de 400 000 dollars qu'elle a reçue pour effectuer une étude sur les attentes du secteur privé en matière de réforme fiscale. Je tiens d'abord à préciser que je n'ai que du respect pour le travail qu'accomplit la Chambre de commerce, mais je ne crois pas qu'elle accepte de rembourser ce montant.

Je me demande parfois si le Parti réformiste se rend compte que l'obstacle majeur à la réforme fiscale est la loi de l'impôt. Je me demande ce que fera le Parti réformiste lorsque viendra le temps de s'attaquer au problème. Je me demande s'il respectera toujours le principe du régime d'impôt unique.

Je me demande si, compte tenu des 40 ou 50 millions de dollars en subventions fiscales que reçoivent les entreprises, pour la plupart des sociétés étrangères et des multinationales oeuvrant surtout dans le secteur de l'énergie, le Parti réformiste tiendra toujours autant aux compressions qu'il réclame aujourd'hui. Lorsque je lui ai posé la question un peu plus tôt, le chef du Parti réformiste n'a pas voulu se prononcer sur la réduction de ces dépenses fiscales. Nous aurons l'occasion, en temps et lieu, de constater à quel point le Parti réformiste est déterminé à procéder à une réforme fiscale exhaustive.

J'ai bien écouté les députés d'en face, aujourd'hui, et les uns après les autres, ils ont parlé de malheur. À leur avis, rien dans le budget ne saurait redonner espoir dans notre pays. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'ils sont nombreux à avoir oublié leur promesse de se montrer positifs à la Chambre. Nous ne sommes au pouvoir que depuis deux mois et cela me renverse de constater que les députés d'en face ne trouvent rien de bon dans ce budget.

(1315)

Je tiens à soulever un point que je crois très significatif pour le secteur canadien de la petite entreprise. Oh oui, les députés d'en face ont dit aujourd'hui qu'il faut appuyer les petites et moyennes entreprises de notre pays. Ils ont convenu que notre plus grand espoir de redonner du travail aux Canadiens réside dans le secteur de la petite entreprise. Pour avoir tous frappé aux mêmes portes et pour nous être tous entretenus avec des petits entrepreneurs de tout le pays, nous savons que le plus grand problème avec lequel les petites entreprises sont aujourd'hui aux prises, c'est la difficulté d'obtenir des capitaux.

Comme on peut le lire aux pages 5 et 6 du discours du budget, le ministre des Finances a annoncé que pour la première fois de son histoire, le Parlement aurait un comité chargé d'étudier l'accès des petites entreprises aux capitaux dont elles ont besoin. Ce comité ne se compose pas uniquement de députés ministériels. Il comprend aussi des députés du Bloc québécois et du Parti réformiste.

Les députés d'en face auraient dû dire aujourd'hui aux Canadiens que le gouvernement mérite des félicitations pour avoir constitué aussi rapidement le Comité de l'industrie, qui se réunit déjà depuis quatre semaines. Des douzaines d'entrepreneurs intelligents de tous les coins du pays sont venus y confirmer ce que nous avons tous entendu dire au sujet des problèmes des petites entreprises. Déjà, les banques commencent à réagir à ce problème très difficile qui existe aujourd'hui au Canada.

Nous, parlementaires, ne devons pas critiquer pour le simple plaisir de critiquer. Soit dit en passant, j'encourage la critique constructive. Certaines des mesures budgétaires sont dures pour tout le monde. Il n'y a jamais eu de budget parfait au Canada. C'est un budget sévère que commande une situation financière difficile. Toutefois, il faut reconnaître aussi qu'un certain mouvement se dessine pour ce qui est de mettre davantage de capitaux à la disposition de la petite entreprise. C'est là le message d'espoir que tous les députés devraient transmettre à leurs électeurs.

Il nous arrive, à la Chambre des communes, d'être sévères à l'endroit des banques. Cependant, nous devons aussi le souligner lorsque les banques et les gérants de banque commencent à bouger. Je ne veux pas dire que tout a été fait, mais, la semaine dernière, la Banque Canadienne Impériale de Commerce a annoncé qu'elle aurait un ombudsman à qui les petites et moyennes entreprises pourront s'adresser pour recevoir un traitement plus juste si elles ont des problèmes avec une succursale de la banque. Aujourd'hui, la Banque Toronto Dominion a annoncé la mise sur pied d'un système fonctionnant avec trois ombudsmans, un peu sur le modèle d'une cour d'appel, pour s'occuper des plaintes des clients insatisfaits.


2500

Ce n'est là qu'un début, mais, à mon avis, ce n'est pas négligeable. Comme nos vis-à-vis l'ont dit à maintes reprises, les petites entreprises sont notre plus grand espoir. Nous devons les appuyer. Ce qu'elles attendent d'abord et avant tout de nous, c'est que nous amenions les banques et les institutions financières à changer d'attitude, et que nous les aidions à trouver de nouvelles sources de capitaux pour qu'elles puissent à nouveau libérer leur esprit d'entrepreneuriat. Nous avons commencé le processus.

(1320)

Je dois aussi préciser que les députés bloquistes et réformistes qui font partie du comité travaillent fort et collaborent pleinement. À la fin de juin, nous pourrons présenter au Parlement et au ministre des Finances des recommandations constructives sur la modification de la réglementation et sur les pratiques et les attitudes des banques. Je pense que nous pourrons peut-être mettre à contribution les fonds mutuels et les caisses de retraite pour en faire de nouvelles sources de financement.

Même si tout n'a pas encore été fait, tous les députés peuvent dire à leurs électeurs que les choses bougent. Nous ne formons le gouvernement que depuis quatre mois, mais dans deux mois, vous devriez être à même de constater des résultats impressionnants.

Lorsque nous allons dans nos circonscriptions, nous ne devrions pas y apporter uniquement des mauvaises nouvelles. J'ai entendu un député du Bloc nous qualifier ce matin de parti de l'obscurité, comme si les bloquistes étaient les seuls à pouvoir comprendre la détresse d'un étudiant sans travail ou d'un père ou d'une mère au chômage. Nous comprenons cette détresse et nous nous efforçons avec la même énergie que nos vis-à-vis de redonner du travail aux Canadiens.

Par conséquent, lorsque l'on juge que certains éléments d'un exposé budgétaire sont constructifs et propres à susciter l'espoir-et je crois que faire changer l'attitude des banques est quelque chose dont nous reconnaissons tous la grande utilité-il ne faut pas hésiter à le reconnaître ou à dire que, dans ce domaine particulier, le gouvernement fait des progrès, qu'il est sur la bonne voie.

Ce n'est pas que nous cherchions des félicitations, mais nous avons une responsabilité à la Chambre, soit celle d'essayer de donner espoir aux 1 300 000 dirigeants et dirigeantes de petites entreprises qui traversent actuellement une période très difficile.

Il y a d'autres projets qui ont été annoncés dans ce budget au nom des petites entreprises. Les fonctionnaires de tous les ministères qui font affaire avec les petites entreprises ne sortent presque plus de leurs bureaux tant ils sont affairés à essayer de simplifier les formulaires et d'alléger les formalités que les petites entreprises doivent remplir dans leurs contacts avec le gouvernement, tous les formulaires de Revenu Canada et de Consommation et Affaires commerciales, par exemple. Il y a vraiment un effort concerté de la part des fonctionnaires et des gens d'affaires pour essayer de réduire la paperasserie. Je crois qu'il est important pour nos électeurs de savoir que nous travaillons activement en vue d'atteindre cet objectif. C'est là une autre mesure qui découle du budget.

Je veux aussi mentionner le fait que je crois sincèrement que le Comité des finances travaille à une vaste réforme fiscale. C'est, à mon avis, un autre signe d'espoir pour les petites entreprises de notre pays. Il est très important de justifier la voie que nous avons choisie pour le pays. Nous accepterons de justifier nos choix à l'égard de n'importe quelle question.

(1325)

C'est vendredi après-midi, et les députés s'apprêtent à rentrer dans leurs circonscriptions. Ils ne devraient pas hésiter à parler à leurs électeurs de certaines des bonnes choses que fait le gouvernement.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, c'est toujours avec beaucoup de plaisir que j'échange avec le secrétaire parlementaire, et je devrais lui dire en toute amitié, qu'il a dans son discours, à mon point de vue, révélé deux contradictions. Je voudrais porter à son attention que son vibrant plaidoyer, pour la petite et moyenne entreprise, a toujours reçu un écho favorable de la part de ma formation politique. Je sais que certains de mes collègues qui sont présents aujourd'hui travaillent d'arrache-pied avec lui au comité.

Il sait que Montréal est la ville la plus pauvre du Canada; Montréal est la ville qui, actuellement, compte sur son territoire le nombre le plus élevé de familles et de gens démunis. Donc, dans l'est de Montréal, nous avions un programme qui s'appelle le programme PRIEM, qui avait été mis en place il y a cinq ans, et tous les intervenants du milieu avaient demandé au gouvernement de reconduire ce programme-là. Ce dernier permettait à des petites et moyennes entreprises d'avoir accès à des capitaux, de moderniser leurs installations et cela avait créé à peu près 30 p. 100 de nouveaux emplois dans l'est de Montréal.

Si le ministre et son gouvernement avaient été sérieux dans leurs intentions de passer par les PME dans leur véritable stratégie de relance, il me semble que Montréal aurait trouvé un écho favorable dans ses revendications de reconduire le programme. Tel ne fut pas le cas, monsieur le Président. Nous avons rencontré, avec d'autres collègues, le ministre des Finances et nous lui avons fait des représentations à cet égard, comme le milieu montréalais lui en a fait, et en vain, car on se rend compte que le programme ne sera pas reconduit. Voilà une première contradiction, en toute amitié, que je veux soulever et j'aimerais que le ministre puisse réagir.

Je voudrais aussi l'entendre sur un deuxième volet qui est la question de la technologie. À plusieurs reprises, dans cette Chambre, le ministre s'est levé avec énormément d'éloquence pour dire que son parti prenait le virage technologique et que c'était une préoccupation importante. Quelle n'est pas la déception des milieux scientifiques de se rendre compte qu'en définitive, au total, même dans nos fantasmes politiques les plus audacieux, on se rend compte que dans le Budget, il n'y a pas grand-chose qui permet de mettre en oeuvre une véritable statégie nationale au niveau de la technologie.

J'aimerais qu'il nous parle un peu de l'autoroute électronique. Tous les milieux concernés sont d'accord pour dire que s'il doit y avoir une autoroute nationale électronique qui doit voir le jour, il devra y avoir des capitaux d'État. Il n'est pas vrai que seulement l'entreprise privée peut investir. On ne retrouve aucune indica-


2501

tion dans ce Budget, de la part du gouvernement, pour mettre en oeuvre l'autoroute électronique.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je tiens à dire au député que j'apprécie, comme toujours, l'esprit dans lequel il intervient dans le débat.

Premièrement, je ne peux pas commenter le cas particulier qu'évoque le député. Je ne suis pas au courant. Le député pourrait me transmettre des détails à ce sujet et nous pourrions étudier la question.

Deuxièmement, je ne peux pas prendre d'engagement, mais cela me paraît étrange à cause de l'intérêt que nous portons à la ville de Montréal et à cause également de la sensibilité particulière que nous éprouvons à son égard.

Le troisième point avait trait à l'autoroute électronique. Il y a deux jours, le ministre de l'Industrie a annoncé la nomination du nouveau président du Conseil consultatif national concernant l'autoroute électronique, l'ancien vice-chancelier de l'Université McGill à Montréal. Le député devrait savoir que le processus général d'étude de l'autoroute électronique sera tout le contraire de ce qu'on a dit dans les journaux. Il sera en effet très ouvert. Nous entendrons des experts de toutes les régions du pays. Ces séances auront lieu en public. Naturellement, quand un conseil tient des réunions, il est normal que certaines d'entre elles se déroulent à huis clos, mais nous tiendrons de vastes consultations publiques, et notre gouvernement et le ministre de l'Industrie ont fait une priorité de l'autoroute électronique.

(1330)

Comme le premier ministre l'a dit plus tôt cette semaine à la Chambre des communes, notre engagement à l'égard de ce secteur de l'économie est très important sur le plan de la création d'emplois, et le député constatera avec le temps que notre détermination ne faiblira absolument pas à cet égard et que nous ne réduirons absolument pas notre participation à ce secteur très important de l'économie.

Le président suppléant (M. Kilger): Le secrétaire parlementaire a laissé entendre à la présidence qu'il partageait son temps de parole.

S'il n'en est rien, je serais disposé à m'en remettre à la volonté de la Chambre en demandant s'il y a consentement unanime pour accorder cinq minutes de plus au secrétaire parlementaire pour des questions et des observations. Je sais que beaucoup de députés cherchent à obtenir la parole. Sinon, nous pourrions tout simplement reprendre le débat.

S'il n'y a personne du côté ministériel qui partage le temps de parole du secrétaire parlementaire, avec le consentement unanime de la Chambre, pourrions-nous prolonger de cinq minutes la période réservée aux questions et observations?

Des voix: Non.

[Français]

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Monsieur le Président, chaque année, après les grandes réjouissances du temps des Fêtes, la population canadienne et québécoise entre dans une difficile période de craintes. En fait, les gens craignent deux types de catastrophes à ce temps de l'année: les tempêtes de neige et le dépôt du Budget fédéral.

Dans les deux cas, ils ne peuvent pas prévoir l'ampleur des dégâts qui seront causés, et dans les deux cas, ils ont l'impression de n'avoir aucun contrôle sur le déroulement des événements. Tout ce qu'ils savent avec certitude, c'est que ces deux expériences, qu'elles soient d'origine naturelle ou ministérielle, risquent d'être accablantes et d'affecter leur qualité de vie.

D'un côté, on peut se prémunir contre les caprices météorologiques de l'hiver et se dire que, dans le fond, la neige c'est passager et que tout cela finira pas fondre au printemps. Il en est tout autrement du blizzard infernal que peut provoquer le dépôt d'un budget fédéral. En effet, les caprices fiscaux et budgétaires des ministres des Finances canadiens sont de moins en moins prévisibles et de plus en plus douloureux.

La population s'attendait donc, pour cette année, à un hiver des plus rigoureux et à un budget des plus sévères. Dans les deux cas, on a l'impression que c'est le ciel qui nous est tombé sur la tête. Parce que, voyez-vous, la neige et le froid, on peut s'y faire, et on va sans aucun doute passer au travers, mais le budget, lui, a infligé de profondes blessures à l'économie du pays et les cicatrices risquent d'être permanentes.

En effet, le ministre des Finances et le gouvernement qu'il représente, a fait preuve d'un manque flagrant d'imagination et de créativité en décidant de faire encore payer la note par les chômeurs et les personnes âgées qui se sont vus infliger d'ignobles coupures par ce budget. Et tout cela parce que le ministre des Finances n'a pas voulu s'attaquer aux vrais problèmes économiques du pays et couper dans les dépenses inutiles du gouvernement.

Pourtant, le ministre des Finances n'avait que deux gestes responsables à poser avant d'élaborer son Budget. Premièrement, le ministre aurait dû profiter des longues et froides soirées de janvier pour consulter, et je doute fort qu'il l'ait fait, le rapport du vérificateur général du Canada.

(1335)

Deuxièmement, il n'avait qu'à écouter attentivement les suggestions concrètes et progressistes avancées par l'opposition officielle. Cela lui aurait évité d'avoir à se creuser la tête pour manigancer un plan qui lui permettrait de frapper encore une fois sur les plus démunis de notre société.

Le vérificateur général a donc déposé son rapport à la Chambre des communes pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1993. Une brique de 800 pages! Huit cents pages d'affreuses constatations sur la gestion lamentable des fonds publics au Canada. Huit cents pages de recommandations concrètes sur la façon de mieux administrer l'appareil étatique canadien. Je le répète, je doute que le ministre des Finances ait pris la peine de feuilleter ce précieux document qu'est le rapport du vérificateur général, car les dispositions contenues dans le Budget ne répondent en rien aux attentes exprimées dans le rapport annuel de ce dernier pour 1993.

Le vérificateur a réussi à résumer en une seule phrase les attentes et aspirations de la population canadienne, et je crois qu'il est important de la citer en cette Chambre, pour que le gouvernement ne puisse plaider l'ignorance quand viendra le temps pour lui de constater les effets sur l'économie d'un budget aussi pitoyable. Voici donc le message des contribuables canadiens que le vérificateur général a voulu livrer au gouvernement,


2502

et je le cite: «Aujourd'hui plus que jamais, il est clair, tant pour les fonctionnaires que pour les parlementaires, que les Canadiens s'attendent qu'ils gèrent avec fermeté et prudence, plutôt que de les voir trouver de nouvelles façons de dépenser de l'argent emprunté.»

J'avoue que le rapport du vérificateur général du Canada n'est pas un ouvrage agréable à consulter. Je comprends un peu que le ministre des Finances essaie de s'en distancier le plus possible puisque les vérités qu'il contient ne sont pas toujours belles à lire. Les journalistes les surnomment à juste titre «les histoires d'horreur du vérificateur général.» En effet, son rapport fourmille d'exemples pathétiques, de mauvaise gestion et de dépenses gouvernementales particulièrement injustifiées et toutes aussi condamnables les unes que les autres. Je ne citerai que deux cas, deux situations déplorables qui illustrent bien la nonchalance gouvernementale quand vient le temps de dépenser les deniers publics.

Une des grandes folies gouvernementales relevées par le vérificateur général concerne l'utilisation des avions Challenger pour assurer les déplacements ministériels ou autres proches du gouvernement. L'utilisation de ces appareils entraîne des coûts de près de 20 000 $ l'heure. Pour 1993 seulement, la facture totale pour ces déplacements s'est élevée à 54 millions de dollars, et l'exemple donné à cet égard par le ministre des Affaires intergouvernementales n'a rien pour nous consoler. Imaginez un peu une journée aux États-Unis, pas six mois au Japon, les frais de déplacement du ministre des Affaires intergouvernementales pour une seule journée aux États-Unis se sont élevés à plus de 170 000 $. Nos ministres voyagent dans de véritables palais volants et pendant ce temps-là le gouvernement enlève une roue de la modeste trottinette des chômeurs. Cette situation est totalement absurde!

En parlant d'absurdité, comment peut-on justifier que la nouvelle présidente d'Investissement Canada ait procédé au réaménagement de son bureau au montant de 132 000 $. Cette somme exorbitante a servi à changer la salle de bains, et la cuisine du bureau de madame la présidente d'Investissement Canada.

(1340)

N'y avait-il donc personne au gouvernement qui aurait pu empêcher cette folle et inutile dépense? Pendant qu'on installe des bidets chromés dans les bureaux des hauts fonctionnaires, on coupe littéralement le papier hygiénique aux personnes âgées. N'ont-ils pourtant pas tous les mêmes besoins, monsieur le Président?

En tout et pour tout le vérificateur général a identifié pour plus de cinq milliards par année en dépenses superflues et en gaspillages éhontés. Le ministre des Finances n'avait pas vraiment besoin d'aller chercher ces milliards dans les poches des petits contribuables. Il a choisi de le faire et la population s'est sentie trahie par ce gouvernement libéral qui nous avait pourtant affirmé dans son livre rouge, et je cite: «Nous voulons un pays où efficacité et innovation sont les mots d'ordre des pouvoirs publics.»

Quand on voit les résultats, il n'est pas étonnant de constater que ce gouvernement a déjà perdu toute crédibilité aux yeux de la population. Ce n'est pas peu dire, les libéraux n'auront pas mis six mois pour se mettre à dos les contribuables canadiens et québécois, ce que les conservateurs ont mis quand même des années à accomplir. Les libéraux s'attendaient-ils vraiment à maintenir leur cote de popularité en reconduisant les fiducies familiales tout en s'attaquant aux chômeurs et aux personnes âgées en plus de maintenir les chevauchements administratifs?

Je trouve d'ailleurs plutôt inquiétant que des expressions comme «chevauchements de juridiction», «ingérence fédérale» ou «dédoublement administratif» soient devenues des formules courantes, familières, voire même normales dans le jargon politique canadien. Ce qui nous a amenés à banaliser ces expressions, c'est le fait que le gouvernement fédéral a utilisé à outrance au fil des années ces fameux pouvoirs discrétionnaires qui lui ont permis d'intervenir dans des champs de compétence provinciale. Et cela s'est fait tellement souvent depuis les débuts de la Confédération que c'est devenu une sorte de tradition qui s'est lentement imposée dans les relations fédérales-provinciales.

Le Budget de cette année n'a pas fait exception à cette belle tradition canadienne. Le ministre des Finances s'est appliqué à perpétuer la grande logique centralisatrice du gouvernement fédéral qui veut que ce gouvernement ait le pouvoir et le devoir de s'ingérer de plus en plus dans les juridictions des provinces, ou en tout cas de ne jamais s'en retirer, au nom bien sûr de l'éternelle unité canadienne.

C'est que ça commence à nous coûter cher ce semblant d'unité nationale. Une étude du Conseil du Trésor de 1991 révélait que 67 p. 100 de tous les programmes fédéraux chevauchent en quelque part les programmes provinciaux. En plus des dizaines de milliards de dollars dépensés inutilement chaque année, on se retrouve avec une immense machine bureaucratique et administrative tellement complexe que ces programmes-là, fédéraux et provinciaux, deviennent redondants et inefficaces, quand ils ne sont pas tout simplement incompatibles.

La bureaucratie canadienne est une grosse baleine échouée et le fédéral ne fait rien pour la sauver. La preuve la plus frappante de ce manque de volonté du fédéral demeure encore le dossier de la formation professionnelle au Québec. Alors que les conservateurs avaient reconnu en fin de mandat la nécessité de rapatrier au Québec tous les pouvoirs en matière de formation professionnelle, les libéraux, eux, ont arrêté le processus enclanché. Il n'est pas question pour les libéraux de prendre des mesures qui auraient pour effet de faire perdre du prestige au gouvernement fédéral, même si cela entraînait des économies de 250 millions de dollars par année. L'ego du gouvernement fédéral me semble aussi gros et immuable que la baleine échouée mentionnée plus tôt. Et on sait bien qu'une baleine, même à l'agonie, ne se laisse pas facilement dégonfler.

(1345)

Le Bloc québécois avait pourtant demandé au gouvernement de couper dans le gras. Celui-ci a malheureusement encore


2503

choisi de faire appel à une petite diète miracle qui promet des résultats sans effort. L'assainissement des finances publiques devra passer par un véritable régime minceur, accompagné d'exercices parfois épuisants mais nécessaires à l'aboutissement de nos objectifs économiques.

Le gouvernement fédéral continue de s'endetter impunément, et le quart de cette dette est contracté au nom du Québec. Mais attention, le Québec n'attendra pas qu'une liposuction soit nécessaire avant de prendre la mesure qui s'impose pour assurer son développement économique d'avenir. La seule façon pour les Québécois et les Québécoises de se débarrasser de toutes ces histoires d'horreur demeure donc encore et toujours la souveraineté du Québec.

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, je félicite le député du Bloc québécois de s'être donné la peine de lire le rapport du vérificateur général, surtout en ce qui a trait aux dépenses ministérielles. Ayant fait partie pendant cinq ans du Comité des comptes publics, je sais de quoi il parle. Mais je me demande si le député du Bloc québécois sait de quoi il parle. N'a-t-il pas oublié de mentionner que le premier ministre et le vérificateur général sont en train de faire une étude sur les voyages ministériels?

Le député du Bloc québécois s'est amusé à parler du Challenger. J'aimerais savoir si le député du Bloc québécois sait où les Challenger sont bâtis ou fabriqués? Jaimerais savoir également si le député aimerait qu'on cesse la construction des Challenger, et puis demander à ce que les ministres utilisent d'autres moyens pour voyager.

Pour terminer, monsieur le Président, le député du Bloc québécois a fait une citation qui est en partie comme ceci: «Certaines personnes-j'ai manqué à qui il faisait allusion exactement-ont dit qu'elles avaient été trahies par le gouvernement libéral.» J'ai trouvé le commentaire, la citation, un peu curieuse, venant d'un membre du Bloc québécois qui, lui, d'après moi, est une trahison au pays en étant séparatiste.

M. Plamondon: J'invoque le Règlement, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Kilger): Si j'ai bien compris les paroles du député de Carleton-Gloucester, on a parlé de trahison d'une façon spécifique ce que, je crois, est non parlementaire. Je lui demanderais, s'il vous plaît, de reconnaître qu'il est de la responsabilité de la Présidence de voir à ce que les débats se déroulent conformément au Règlement de la Chambre, et aussi de respecter l'esprit non seulement du Règlement mais l'esprit de cette Chambre des communes, et je lui demanderais de retirer sa remarque dans le contexte où il l'a utilisée. J'accorde la parole au député de Carleton-Gloucester.

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, est-ce que vous suggérez que le député du Bloc québécois, lui, a le droit d'appeler les membres, collectivement, les membres du Parti libéral, des gens qui trahissent la communauté canadienne et que, moi, je n'aurais pas le droit de dire, monsieur le Président, de ne pas conclure que quelqu'un qui espionne, par exemple, sur le pays. . .

(1350)

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! À ma connaissance, le dernier député qui a parlé, le député du Bloc québécois, n'a pas fait la remarque à laquelle le député de Carleton-Gloucester se réfère. Je crois que le député de Carleton-Gloucester fait référence à une remarque qui a été faite plus tôt dans cette Chambre, aujourd'hui, par un autre député.

Je n'ai certainement pas devant moi les textes de tous les débats qui se sont tenus aujourd'hui à la Chambre. Alors, je demande tout simplement que l'on reconnaisse la difficulté dans laquelle la Présidence se retrouve, dans les circonstances. Il n'est pas question que la Présidence accepte, d'un côté de la Chambre ou de l'autre, que l'on traite l'un ou l'autre de traître.

Des voix: Bravo!

Le président suppléant (M. Kilger): En terminant, je prendrai le temps nécessaire pour revoir les textes, et s'il y a matière à revenir à la Chambre, je le ferai le plus tôt possible.

M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement, et c'est en fonction de l'expression que le député vient de se servir. Ce n'est pas la première fois que ce député-là parle de trahison ou dit que l'on n'a pas un mandat démocratique pour siéger ici, ou qu'on n'a pas le droit de siéger ici parce qu'on est députés du Bloc québécois. Il le fait à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre. Or, le droit de siéger n'est pas une question de débat politique à l'intérieur ou à l'extérieur, c'est un droit inné à la population d'élire les représentants qu'elle veut bien élire.

Or, les électeurs et électrices ont élu certains députés et ce n'est pas à lui de remettre en question notre droit de siéger, comme il l'a fait la semaine dernière ou aujourd'hui, en utilisant le mot «trahison».

Le président suppléant (M. Kilger): Je m'excuse, mais cela ne constitue pas un rappel au Règlement, c'est plutôt un sujet de débat en ce moment.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je crois qu'il serait bon, comme vous l'avez mentionné, d'étudier ce problème et de revenir devant la Chambre la semaine prochaine.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je veux bien que vous reportiez à la semaine prochaine votre décision quant aux propos qu'aurait utilisés précédemment, en cours de journée, quelqu'un du Bloc québécois. On les vérifiera avec les textes.

Cependant, les propos du député de Carleton-Gloucester, eux, vous les avez entendus. Il a parlé de «traître» et de «trahison», et ce député devrait retirer ses paroles immédiatement, parce que ce qu'il a dit est clair. On verra par la suite si effectivement il y a des députés de notre côté qui ont utilisé des propos inacceptables. Mais il faudra les placer dans le contexte. Si moi je dis que vous trahissez votre mandat, je ne dis pas que vous êtes des traîtres à la nation.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Je cède donc la parole à l'honorable député de Carleton-Gloucester.

2504

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, est-ce que pourriez peut-être sortir le dictionnaire puis nous lire la définition de «trahison», et puis. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Pour compléter ce sujet, je m'engage envers tous les députés de la Chambre, des deux côtés, à faire la revue la plus complète afin de revenir à la Chambre dans les plus brefs délais.

Comme il est 13 h 55, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


2504

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES FÉDÉRAUX

M. Louis Plamondon (Richelieu) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer afin de limiter aux seuls individus le droit de contribuer au financement d'un parti politique fédéral, et restreindre cette contribution à 5 000 $ annuellement.
Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable député de Laurier-Sainte-Marie invoque le Règlement.

M. Duceppe: Monsieur le Président, je pense que le député admet lui-même avoir utilisé les termes de traître et de trahison. Tantôt. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je dois dire à l'honorable député que je m'engage à revoir les textes afin de bien m'assurer des mots utilisés et aussi pour savoir s'ils étaient dirigés à l'un ou l'autre des députés; en d'autres mots, je désire connaître tout le contexte pour rapporter à la Chambre la décision la plus juste possible dans les circonstances.

J'aimerais qu'on puisse poursuivre maintenant avec les initiatives parlementaires. Je cède donc la parole à l'honorable député de Richelieu.

M. Plamondon: Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer cette motion à la Chambre et d'ouvrir le débat aujourd'hui avec cette motion-ci: «Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait légiférer afin de limiter aux seuls individus le droit de contribuer au financement d'un parti politique fédéral, et restreindre cette contribution à 5 000 $ annuellement».

Je voudrais remercier le député de Frontenac d'avoir appuyé cette motion, et remercier les nombreux députés du Bloc québécois qui ont demandé de prendre la parole dans ce dossier.

J'espère recevoir également une écoute attentive et collaboratrice de la part du Parti réformiste, de même que de la part du Parti libéral et des députés indépendants, afin que nous fassions un pas de plus vers une meilleure démocratie en nous attaquant au problème du financement des partis politiques.

Cette motion est extrêmement importante, parce qu'elle touche aux racines mêmes, au fondement même de la démocratie. Elle nous rappelle qui sont nos véritables patrons: les électeurs et les électrices et non les gros bailleurs de fonds des partis politiques.

Depuis plusieurs années, plusieurs expériences de financement populaire ont été menées avec succès. Le contexte socio-politique a clairement démontré qu'une authentique réforme du financement des partis s'impose. La Commission Lortie, mise sur pied par le précédent gouvernement, devait d'ailleurs se pencher sur la question, mais elle n'a fait qu'effleurer le problème du financement, préférant le statu quo à une véritable réforme.

Il y a moins de 20 ans, plusieurs partis politiques au Canada n'étaient financés que par des grandes corporations ou syndicats. Aujourd'hui, la part de ces grandes compagnies dans le financement électoral ne constitue que la moitié de l'ensemble des contributions financières reçues par les partis politiques, selon les données recueillies par Élections Canada en 1991-1992.

Si la proportion a changé, les montants en cause sont toujours importants et demeurent une source de conflits potentiels. Parallèlement, depuis la réforme de 1974 et l'évolution consécutive de la collecte de fonds, les petites contributions, surtout celles des particuliers, représentent une part plus importante de financement pour les partis politiques. Cette démocratisation, on la doit beaucoup à l'instauration du crédit d'impôt fédéral relatif aux contributions politiques adopté en 1974.

Certains pourraient croire que les mesures actuelles sont suffisantes pour limiter les abus d'influence et qu'il n'est nullement nécessaire de réglementer le plafonnement des dons. Or, les accusations portées, au cours des dix dernières années, contre des membres du Sénat et de la Chambre des communes, relativement au trafic d'influence, tendent à prouver le contraire.

Selon moi, l'assainissement des finances des partis passe par le financement populaire. La crédibilité des législateurs et des hommes politiques ne pourra qu'en être gagnante.

(1400)

Sur quoi se fonde cette certitude? Sur deux grands principes, deux principes fondamentaux qui devraient guider toute notre activité politique: la transparence et la démocratie. Les Canadiens et les Canadiennes, comme les Québécois et les Québécoises, exigent maintenant de leurs élus la plus limpide transparence. L'appât du gain est sans doute un réflexe tout à fait humain, mais il est incompatible avec l'idéal politique qui doit être au service du bien commun. Le rôle des gouvernements dans ces conditions est de décourager tout ce qui, dans la pratique politique, peut donner prise à l'utilisation d'une charge publique à des fins de profit personnel. Tous les partis politiques qui oeuvrent actuellement sur la scène fédérale ont d'ailleurs senti l'urgence de clarifier leur position sur cette question et en ont fait l'un des principaux thèmes de la dernière campagne électorale.

Les exemples ne manquent pas. Ainsi, certains ex-députés ou candidats ont durement goûté à cette médecine qui leur a valu de se voir retirer l'appui officiel de leur parti. Des organisateurs politiques ont été rabroués publiquement, des décisions politiques ont été renversées au-delà de toute espérance. Que ce soit dans les cas de lobbying, de patronage, de conflits d'intérêts,


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nous avons été informés la plupart du temps par les médias que des personnes avaient cherché à influencer les fiduciaires des fonds publics afin d'en tirer un avantage personnel pour elles-mêmes ou pour leurs mandataires. Le nerf de ces activités est, bien sûr, l'argent.

Tant qu'une proportion importante des revenus des partis politiques proviendront de sources corporatives ou syndicales, le citoyen sera en droit de se demander qui nous servons. Et, comme élus, nous avons le devoir de tout mettre en oeuvre pour redorer notre blason. Tellement de gens ont une image négative de la politique, en parlent comme quelque chose de douteux, d'immoral, d'obscur, dont il faut se tenir loin. L'assainissement des finances publiques résoudrait sûrement une partie du problème. Un tel projet permettrait de créer un climat nouveau, un climat de transparence, qui redonnerait de la crédibilité aux partis politiques et aux politiciens.

Le travailleur de mon comté qui gagne à peine 15 000 ou 20 000 $ par année peut-il sérieusement croire qu'une firme d'ingénieurs, une grande banque ou un entrepreneur puisse verser 50 000 $ à un parti politique sans espérer en obtenir un retour sur son investissement. Peut-il sérieusement penser qu'il a autant de poids que cet ingénieur dans le processus de décision? Poser la question, c'est y répondre. Il faudrait vraiment jouer à l'autruche pour refuser d'admettre l'intérêt de ces donations désintéressées.

Et que dire maintenant des grands collecteurs de fonds? La réponse est souvent le jeu des miroirs. De bons contacts dans les milieux d'affaires qui permettent ensuite d'accéder au saint des saints, le Sénat, ou alors d'être en mesure d'exiger quelque ristourne que ce soit.

Le financement populaire des partis politiques sera un message clair, de transparence et le signe non équivoque que les compagnies, les syndicats et les importants bailleurs de fonds n'ont plus cette influence démesurée sur le système de décision politique. Allons-nous continuer à laisser les banques à charte canadiennes, qui sont les plus importants fournisseurs de capitaux aux caisses électorales, continuer de diriger les partis derrière les rideaux?

Le financement populaire n'est pas seulement une initiative liée à la transparence, ce serait aussi, s'il était adopté, un message de démocratie. Les compagnies, les associations et les syndicats ne votent pas. Il n'y a donc pas de raison pour que ces organismes jouent un rôle prépondérant dans notre système électoral et politique, en finançant plus de la moitié des activités des partis politiques canadiens. Ils ont d'ailleurs de nombreuses tribunes ailleurs qu'en politique pour pouvoir déposer leurs revendications.

Ce sont les électeurs et les électrices qui doivent contrôler notre système électoral. Ce sont eux qui constituent les assises de notre démocratie. Mais la démocratie, ce n'est pas seulement le droit de voter librement et en toute confidentialité, ce n'est pas seulement le fait d'avoir des élections à tous les quatre ou cinq ans.

(1405)

C'est une multitude d'éléments dont le financement des partis est une composante importante, tout aussi importante que l'a été la refonte de la carte électorale il y a quelques années afin de favoriser une meilleure répartition des sièges par rapport au vote populaire exprimé.

Il est évident qu'il est plus facile pour les collecteurs de fonds des partis politiques d'obtenir une contribution de 5 000 $ que 100 dons de 50 $, mais cette facilité, pour ne pas dire cette paresse, mène à des partis très centralisés où le membre ordinaire n'a plus sa place.

En se laissant aller à des réflexes de paresse, les partis politiques consentent à se mettre au service d'un contributeur corporatif, délaissant ainsi des milliers et des milliers de Canadiens et Canadiennes. Le processus est plus simple mais sûrement moins démocratique.

Contrairement à ce que prétendent certaines personnes, nous sommes loin d'être en terrain vierge au Canada dans le domaine de la réglementation du financement des partis politiques. Au moins sept provinces canadiennes, en plus du fédéral, sont gouvernées par des lois relatives au financement des partis.

Quatre provinces canadiennes, le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et l'Alberta limitent déjà la valeur des dons faits aux partis politiques ainsi qu'aux candidats et candidates. Quatre autres législations, celles du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Île-du-Prince-Édouard et le gouvernement fédéral ne réclament, quant à elles, que des renseignements sur les sources et les montants des contributions. En outre, sept de ces huit juridictions allouent des fonds publics aux formations politiques qui répondent à certains critères précis.

De toute évidence, cependant, c'est la législation québécoise qui est la plus progressiste, non seulement à l'égard du financement des partis, mais aussi sous tous les aspects du système électoral et des mesures touchant les partis politiques.

La Loi régissant le financement des partis politiques a été adoptée en 1977 au Québec, mais les premières réformes remontent à 1964 sous le règne de Jean Lesage.

Le Québec a modernisé de fond en comble les règles électorales, par exemple en décriminalisant tout le processus et en faisant exercer un contrôle strict des activités électorales par le directeur général des élections.

Il est particulièrement intéressant de noter que le Parti libéral provincial du Québec, qui jusque là était largement financé par des sources corporatives, s'est adapté de manière très harmonieuse et avec beaucoup de succès aux nouvelles règles de financement. Ses recettes annuelles dépassent sept millions de dollars au Québec, soit deux fois et demi ou plus en proportion que le Parti libéral au pouvoir présentement à Ottawa.

Les exigences de la loi quant aux sources et au montant des contributions font maintenant partie des moeurs de la société québécoise. L'expérience du Québec a démontré hors de tout doute la faisabilité du financement populaire.

Au niveau fédéral, l'expérience du Bloc québécois est également plus que concluante. Le Bloc, depuis sa fondation ne se


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finance que par les gens qui ont le droit de vote. Aucune corporation, syndicat ou association ne peut contribuer et nous avons remporté 75 p. 100 des sièges au Québec.

Nous avons déjà à Ottawa une loi qui assure la divulgation des sources et des montants recueillis par les partis poilitiques. Cette même loi contrôle également les dépenses des partis politiques. La motion présentée vise à permettre aux seuls électeurs et électrices le droit de contribuer financièrement, et limite à 5 000 $ le montant qu'ils auront le droit de verser annuellement. C'est un choix difficile peut-être, mais c'est un choix qui s'impose.

La base d'un parti politique, c'est son membership. C'est à partir de ce noyau que les partis remportent du succès ou connaissent l'échec.

Une refonte du processus de financement redonnera de la vigueur aux partis. On assistera à la fin des partis contrôlés par un establishment et à la naissance des partis vraiment populaires, des partis vraiment démocratiques.

Je vous rappelle, en terminant, que l'Assemblée nationale du Québec a endossé à l'unanimité le projet de loi lorsqu'est venu le temps de décider du financement populaire des partis politiques. À l'unanimité, cet objectif fondamental qu'est la démocratisation des institutions politiques. Adopter la même attitude ici en Chambre, ce serait un beau geste d'unité, un message clair qui serait très bien reçu par l'ensemble des citoyens et citoyennes.

En terminant, je voudrais rendre hommage à un député qui a parlé et a fait une longue bataille sur ce sujet, il s'agit de l'ex-député François Gérin, de Mégantic-Compton-Stanstead qui, à l'intérieur du Parti conservateur, avait mené une bataille pendant six ans pour le financement populaire des partis politiques et également il l'avait menée à l'intérieur du Bloc québécois puisque c'est lui qui avait proposé, lors de la fondation du Bloc québécois, que les partis politiques ne soient financés que par les individus ayant le droit de vote.

(1410)

Alors cet ex-député qui a siégé neuf ans à la Chambre, François Gérin, a été le pionnier en cette matière au Canada pour ce qui est du financement populaire des partis politiques. Il me fait plaisir de l'en remercier et de prendre le collier à sa place en amenant le dossier, non pas à l'intérieur des partis, mais directement à la Chambre, en espérant recevoir, et du Parti libéral et du Parti réformiste et des députés indépendants, un appui unanime pour faire un pas de plus vers la démocratie.

Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable député de Carleton-Gloucester invoque le Règlement.

M. Bellemare: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement, car j'ai constaté que certains de mes collègues ont jugé que mes propos étaient inacceptables. Alors, après mûre réflexion, j'en conclus que mes propos ont été interprétés comme étant insultants par certains de mes collègues. Donc, je retire le mot «trahison» ou «traître», et je le fais sans équivoque.

Le président suppléant (M. Kilger): Je tiens à remercier l'initiative et la décision du député. Je respecte le député de sa décision. Je reconnais quand même que, de temps à autre, nous avons eu et nous continuerons à avoir des débats qui soulèveront beaucoup d'émotions. Nous espérons cependant que la Présidence, avec votre coopération, saura tenir ces débats de façon respectueuse l'un envers l'autre, car nous avons tous été élus par des Canadiens et des Canadiennes pour les servir au cours de cette 35e législature.

Nous en revenons aux affaires émanant des députés avec l'honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de l'honorable député de Richelieu et je suis heureux qu'il ait proposé cette motion en Chambre, parce que le débat sur cette motion est importante au niveau de la réforme parlementaire. Je note que nous avons plusieurs motions d'initiatives parlementaires de cette nature devant cette Chambre, et j'espère que nous tiendrons plusieurs débats sur ces sujets au cours des semaines qui suivront.

[Traduction]

Je tiens à souligner que le député a très bien expliqué la situation qui existe au Québec depuis un certain temps, relativement aux contributions à des partis politiques. Je reconnais que certains de ses arguments sont valables, mais je crois qu'il en existe peut-être d'autres à prendre en considération. Bien que la perspective qu'il décrit soit peut-être juste et raisonnable, il en existe d'autres qui le sont tout autant, dont celle qui est prévue dans la Loi électorale du Canada et qui diffère de celle préconisée par le député. De toute évidence, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a présenté à la Chambre la proposition dont nous sommes actuellement saisis.

Je signale que d'autres personnes que moi ont exposé leur opinion sur la question. Le député doit reconnaître que ces opinions ont été exprimées par des gens que j'estime très compétents et qui connaissent bien la question.

Comme l'a expliqué le député, dans sa forme actuelle, la Loi électorale du Canada ne limite pas le montant des contributions. Elle ne prévoit pas non plus de restriction quant aux personnes pouvant verser des contributions, si ce n'est le fait qu'elles doivent être canadiennes. À mon avis, le libellé de la loi est un peu vague à cet égard.

Le député sait que, durant la dernière législature, un comité spécial sur la réforme électorale a été formé et chargé d'étudier les recommandations de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. J'ai eu l'honneur de faire partie de ce comité et je puis vous dire que nous avons discuté longuement de la question des contributions à des partis politiques. Le comité a présenté à la Chambre un rapport sur cette question, rapport auquel le gouvernement précédent n'a pas donné suite.

Je suis persuadé que, durant la présente législature, nous aurons l'occasion de revoir les dispositions de la loi et de peut-être recommander des modifications à y apporter. Je suis certain


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que la proposition du député sera examinée. Il y a toutefois une différence entre examiner une proposition et l'accepter.

Dans le cadre de ses travaux, le comité a examiné la possibilité de fixer des limites comme celles que le député a proposées dans sa motion, parce que cette idée enthousiasmait beaucoup certains de ses membres. Toutefois, cette proposition n'a pas séduit la majorité des membres. Elle ne se retrouve donc pas dans le rapport.

(1415)

Pourquoi? La réponse se trouve dans le rapport de la commission royale. Celle-ci a fait une grande étude sur les dons aux partis politiques. Elle a examiné non seulement l'importance de chacun, mais aussi leur nombre total, le nombre de personnes qui ont contribué, et l'origine des dons.

Je vais lire un bref passage du premier volume du rapport. Le numéro de page ne figure pas sur ma photocopie, mais le texte vient après le tableau 7.1:

Les contributions importantes provenant de particuliers constituent une proportion encore plus faible des fonds des partis. En 1988, les dons de plus de 2 000 $ émanant de particuliers ne représentaient que 11,3 p. 100 de l'ensemble des contributions faites au Parti progressiste-conservateur et 7,9 p. 100 de celles faites au Parti libéral; seulement 14 personnes ont versé plus de 10 000 $ aux trois grands partis cette année-là. La somme la plus importante à cet égard a été un don de 103 000 $ versé par Mme Irene Dyck au Nouveau Parti démocratique. Quant aux dons faits par des particuliers au Parti progressiste-conservateur et au Parti libéral, les plus élevés se chiffraient à 40 000 $ dans chaque cas.
En 1988, le don le plus important dépassait légèrement 1 million de dollars; il a été versé au Nouveau Parti démocratique par le Congrès du travail du Canada.
Je doute qu'il soit aussi généreux à l'avenir.

Les dons de plus de 10 000 $ émanant de syndicats ont représenté 11 p. 100 des contributions totales reçues par le Nouveau Parti démocratique en 1988.
En examinant la situation, la commission a constaté que, si les contributions des particuliers étaient limitées à 5 000 $, les conséquences auraient été terribles pour ce qui était à l'époque l'un des trois plus grands partis du Canada. Je ne dis pas que c'était l'un de ceux qui avaient le plus d'importance, mais c'était l'un des plus grands. Modifier la loi pour imposer des restrictions semblables aurait de lourdes conséquences.

Je dirai, aux fins du compte rendu, quelle était la recommandation de la commission royale. La recommandation 1.7.10 était, et je cite:

Nous recommandons que la Loi électorale du Canada n'impose pas de limite à la valeur des dons pouvant être versés aux partis politiques enregistrés, aux associations de circonscription enregistrées, aux aspirants et aspirantes à l'investiture ainsi qu'aux candidats et candidates aux élections ou à la direction des partis.
J'estime qu'il est très juste de souligner que le point essentiel de cette partie du rapport de la commission est la recommandation qu'on trouve à la page précédente:

Nous recommandons en effet l'élargissement des exigences de divulgation de façon à englober les associations de circonscription enregistrées, de même que les campagnes d'investiture et de direction. Nous préconisons en outre que les partis et associations de circonscription enregistrés déclarent deux fois l'an les dons reçus en précisant la date de réception et que leurs rapports soient produits dans les trois mois suivant la fin de la période couverte.
La commission a recommandé un net renforcement des exigences de divulgation auxquelles doivent se plier les partis et les associations de circonscription afin que le public sache qui leur verse des contributions. La commission a estimé-avec raison, à mon avis-que la transparence compenserait l'absence de limites parce qu'on peut contourner trop facilement les exigences liées aux limites.

Le député de Richelieu était membre du Parti progressiste-conservateur avant de s'écarter du droit chemin. Il sait très bien que les députés de son parti qui sont membres du comité de la réforme électorale, dont j'avais l'honneur de faire partie, ont examiné la situation des lois au Québec et en ont longuement discuté. Ils estimaient que la limite de 5 000 $ était facilement contournée par les sociétés ou par les syndicats, par les organismes qui faisaient des cadeaux en argent à des gens qui pouvaient alors faire passer cet argent pour des contributions pour le financement d'un parti politique.

Autrement dit, une société qui voulait donner 50 000 $ ou 100 000 $ à un parti pouvait le faire en répartissant cette somme en montants forfaitaires de 5 000 $ qu'elle donnait à 20 associations de comté ou. . . Le député trouve ça drôle. C'est une façon de contourner les choses. Il pense peut-être, avec sa motion, que c'est légitime, mais j'en doute fort.

(1420)

L'autre possibilité consiste à remettre l'argent à des administrateurs et autres dirigeants de la société et à leur demander de le verser, en contributions, aux partis politiques visés. L'argent peut arriver là si un syndicat ou une société le veulent.

Il est tout à fait déraisonnable d'imposer cette restriction à ces organismes s'ils doivent divulguer le montant de leur contribution, et c'est exactement ce que la commission royale a proposé.

C'est exactement ce que notre parti a proposé au comité au cours des discussions. C'est ce que nous voulions et, si nous n'avions pas rencontré autant d'opposition de la part des conservateurs à ce moment-là, nous aurions aujourd'hui une loi qui ferait exactement ça et qui rendrait obligatoire la divulgation de ces renseignements.

J'espère que le député acceptera ces commentaires tels qu'ils ont été formulés, qu'il examinera sa motion sous un nouvel angle et, peut-être, qu'il la retirera.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin): Monsieur le Président, je comprends les observations que le député vient de


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faire. Cela montre qu'il y a un débat et peut-être une certaine divergence d'opinions sur cette question.

Je suis heureux de faire part de mon point de vue à la Chambre aujourd'hui. Ce débat représente une occasion pour le gouvernement de redonner confiance aux Canadiens dans le processus électoral.

Dans le passé, notre Parlement a peut-être été l'otage de tout un éventail de groupes d'intérêts, qui avaient versé des contributions importantes et qui ont reçu l'appui de certains des partis politiques reconnus, sinon tous. Dans le cadre de ce débat, je voudrais éviter tout sectarisme.

Ces groupes d'intérêts ont reçu l'appui des partis politiques reconnus. Ainsi, pour répondre aux exigences de généreux donateurs, des politiciens ont mis de côté l'intérêt des Canadiens. Un large éventail de demandes de la part d'entreprises, de syndicats et même de groupes d'intérêts financés par le gouvernement fédéral sont présentées régulièrement aux députés et au gouvernement lui-même.

En politique, on apprend rapidement que rien n'est gratuit. Chaque fois qu'on accepte une faveur quelconque, on doit la payer un jour ou l'autre. Plus le cadeau est important, plus le prix à payer est élevé.

Les prémisses de cette motion n'ont rien de nouveau. Comme le député de Richelieu l'a déjà signalé, au Québec, une loi semblable est déjà en vigueur depuis plus de 15 ans. Il y a une différence. Dans cette province, les contributions ne peuvent dépasser 3 000 $. Même avec cette limite, le Parti libéral provincial a été en mesure de recueillir 6,5 millions de dollars dans le cadre de sa campagne de financement de 1986-1987.

Les partis n'ont jamais eu de problèmes à garnir leurs caisses électorales. Au lieu de cela, le Québec a été en mesure, grâce à ces réformes, d'accroître la crédibilité de son assemblée législative.

Dans le cadre de cette campagne de financement, John Parisella, directeur-général du Parti libéral du Québec, a appuyé cette limite des contributions en prétendant qu'aucun gouvernement n'allait vendre son âme pour 3 000 $, qu'aucune société n'avait prise sur son parti et que personne ne l'avait dans sa poche.

Il suffit de se pencher sur la situation du gouvernement néo-démocrate actuel de la Colombie-Britannique pour comprendre les dangers de la manipulation politique. Les syndicats appuient fortement les campagnes néo-démocrates. Depuis les dernières élections provinciales, ils ont trouvé un bon filon. Seules les entreprises syndiquées peuvent soumissionner pour la plupart des contrats gouvernementaux. En outre, des sociétés qui ont la réputation de bien traiter leurs employés sont maintenant forcées d'accepter l'intervention des syndicats, sans que leurs employés aient même la possibilité de se prononcer. Nous ne pouvons permettre à des groupes d'intérêts de décider du programme politique des gouvernements, du seul fait qu'ils contribuent à la caisse électorale d'un parti politique donné.

Comme le député l'a mentionné, François Gérin, député conservateur du Québec durant les deux derniers mandats du gouvernement, était le principal partisan d'une réforme fédérale des contributions politiques. Il affirmait qu'en acceptant d'importantes contributions, un parti se mettait en position de conflit d'intérêt et que cela faisait peser des soupçons sur tout le processus politique. Il comprenait bien les sentiments de ses électeurs. Il disait que lorsqu'un individu travaille toute l'année pour gagner 15 000 $ et qu'il doit soutenir une famille de trois personnes, il ne peut comprendre que certains fassent des dons de 25 000 $ sans rien attendre en échange. Dans sa circonscription, à cette époque, le revenu familial moyen n'était que de 15 000 $.

(1425)

François Gérin avait fait la preuve, chez lui, qu'il est possible de mener une campagne électorale fructueuse sans compter sur l'entrée de contributions énormes entre les périodes électorales. Avec des sondages d'opinion qui ne donnaient que 23 p. 100 de l'appui populaire à son parti, à l'échelle nationale, son association de circonscription avait réussi à accumuler trois fois plus d'argent qu'il ne lui en a fallu pour financer sa campagne électorale. Dans son cas, il avait fixé la contribution maximale absolue à 1 000 $.

Malgré ses nombreuses tentatives, M. Gérin n'a jamais pu convaincre le gouvernement conservateur de modifier la Loi électorale du Canada. Il a tout de même convaincu le caucus québécois du Parti conservateur d'adopter cette politique. Lors des élections générales de 1988, tous les députés du Québec se sont engagés à n'accepter que les contributions personnelles.

Les résultats ont été assez surprenants: 62 des 75 candidats conservateurs ont été élus. C'est un succès plus important encore que celui du Bloc québécois aux dernières élections. Dans l'ensemble du Canada, les conservateurs n'avaient obtenu que 43 p. 100 de l'appui populaire en 1988, mais ce pourcentage grimpait à 51 p. 100 au Québec. Dans sa propre circonscription, M. Gérin avait obtenu un appui sans équivoque de 60 p. 100 des électeurs. S'il a obtenu un plus grand appui de l'électorat, c'est pour une bonne part parce qu'il avait communiqué davantage avec ses électeurs.

En imposant un plafond aux contributions, on oblige les candidats à rechercher un appui plus généralisé. Pour obtenir cet appui généralisé, un candidat doit multiplier les contacts avec ses électeurs. Ainsi, l'appui financier dont jouit un candidat devient un bon indicateur de la confiance que lui manifeste l'électorat.

Dans l'état actuel des choses, il arrive que des électeurs décident d'aller voter à la dernière minute et donnent ainsi un caractère aléatoire au résultat du vote. En pareil cas, les personnes qui votent accordent parfois peu d'importance à la valeur de leur vote.

Par contre, ce pourrait être l'inverse si les candidats et leurs partis se donnaient la peine de rejoindre même ceux qui ne peuvent faire que de petites contributions financières. Une personne qui songe à participer financièrement à une campagne électorale prendra le temps de comprendre les enjeux de l'élection et de connaître les candidats et les partis politiques qu'ils représentent.

Aux fins de l'impôt, l'importance accordée à une contribution peut varier considérablement selon qu'elle est faite par une société ou par un particulier, bien que le crédit d'impôt accordé soit le même dans le cas d'une entreprise ou d'un particulier. En effet, alors que le crédit d'impôt n'a qu'une valeur limitée pour le particulier, une société qui réclame un crédit d'impôt pour une contribution pourra, et de nombreuses entreprises l'ont déjà fait, défalquer des sommes encore plus élevées en tant que dépense de publicité ou de promotion.

Des dirigeants d'entreprises ou de syndicats, des lobbyistes, des groupes d'intérêts spéciaux ont pu ainsi contribuer financiè-


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rement à des campagnes politiques en utilisant leur influence et l'argent des autres au lieu de leurs fonds personnels.

La motion qui est présentée vise à empêcher ce genre d'abus. Quelques individus puissants sont souvent en mesure de prendre des décisions qui sont financées avec l'argent d'autres personnes et sans leur consentement.

Des syndicats ouvriers ont appuyé des partis politiques en utilisant librement l'argent provenant des cotisations de leurs membres. Des sociétés à participation publique ont peut-être utilisé les profits des actionnaires pour appuyer un parti politique. L'argent donné à des groupes d'intérêts spéciaux à des fins particulières est parfois détourné pour financer des campagnes politiques.

La motion ferait en sorte que seuls des particuliers puissent contribuer financièrement à un parti politique légitime ou à la campagne d'un candidat, et ce jusqu'à concurrence de 5 000 $.

Les élections ont pour objet d'élire démocratiquement des gouvernements qui représentent les intérêts de la population. Nous ne devons pas permettre à des individus puissants d'utiliser l'argent des autres pour influencer le programme politique ou le système démocratique.

En limitant le montant des contributions individuelles, nous élargirons les assises populaires des partis politiques.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'ai du mal à croire ce que je viens d'entendre de la bouche du député réformiste.

Le député prétend qu'une limite devrait être imposée sur les sommes que peuvent recevoir les candidats des partis politiques, alors qu'il y a seulement quelques jours, son chef disait que les partis non politiques devraient avoir le droit de faire campagne, de contester ou d'essayer de révoquer les députés et autres sans aucune restriction.

(1430)

Il y a quelque chose qui ne va plus lorsque ce genre d'attitude prévaut. Il y aurait des règles pour les députés alors que la National Citizens Coalition aurait droit de faire campagne contre eux sans être soumise à aucune règle, et les pauvres députés eux devraient respecter des règles encore beaucoup plus strictes que celles qui existent déjà.

Les propositions avancées par le député me posent un autre problème. Il a dit au début de son intervention que plus le cadeau était important plus le prix à payer était élevé. C'est une insulte envers chaque Canadien qui contribue au processus électoral. Personne ne va me dire que les électeurs qui gagnent de 20 000 à 25 000 $ par an et qui, lors de ma soirée-bénéfice annuelle, me donnent 100 $, vont recevoir quelque chose en échange. Non, mes électeurs ne méritent pas d'être insultés de la sorte. Et ceux du député non plus, d'ailleurs.

M. Plamondon: Personne n'a dit ça.

M. Boudria: Je n'ai fait que citer le député réformiste qui m'a précédé. Il a dit au début de son intervention que plus le cadeau est important, plus le prix du cadeau est élevé. C'est bien ce qu'il a dit des Canadiens qui donnent l'argent gagné à la sueur de leur front, pour s'assurer que les candidats qui se présentent aux élections sont des gens de qualité. Les Canadiens ne méritent pas d'être insultés de la sorte.

M. Plamondon: Qui te paie pour parler comme ça?

M. Boudria: Monsieur le Président, je veux prendre une ou deux minutes pour dire à la Chambre comment je m'y prends pour financer ma campagne électorale. Chaque année, dans ma circonscription, il y a une soirée-bénéfice à laquelle les gens contribuent, à raison de 100 $ par personne. L'an dernier, 400 personnes y ont participé. Je vous l'accorde, c'était une année d'élections. Normalement, cette soirée attire entre 300 et 325 personnes. Plusieurs députés libéraux sont du nombre. Je connais des gens qui ne gagnent que 15 000 $ par an et qui pourtant viennent à cette soirée. J'organise aussi, chaque année, trois autres activités-des repas communautaires-auxquelles peuvent participer les gens, moyennant la somme de cinq dollars.

Et voilà que le député du Parti réformiste qui vient tout juste de prendre la parole dénigre tous ceux qui ont versé une contribution pour financer un parti politique.

Une voix: Quelle honte! C'est une honte!

M. Boudria: Je pense que le député devrait retirer ses commentaires. Les gens versent des contributions à un parti parce qu'ils veulent un bon gouvernement. Les personnes qui ont financé sa campagne pensaient qu'il ferait du bon travail, et c'est pour cette raison qu'ils l'ont élu. Ils voulaient un bon gouvernement, tout comme les gens qui m'ont élu ou qui vous ont élu, monsieur le Président. C'est pareil. Ces gens ne méritent pas d'être insultés parce qu'ils ont utilisé certains de leurs congés pour travailler à une campagne électorale, qu'ils ont versé l'équivalent d'un ou de deux jours de salaire pour contribuer au financement d'un parti ou qu'ils ont consacré à un parti une quinzaine de minutes qu'ils auraient autrement prises en pause-café.

Revenons maintenant à la question qui nous intéresse, la motion du député de Richelieu.

[Français]

Le député de Richelieu n'est pas sans savoir que la Commission Lortie a en fait recommandé qu'il n'y ait aucune restriction sur les montants contribués. Bien sûr, il devrait toujours y avoir des restrictions sur les contributions venant de sources étrangères afin de s'assurer que le système canadien est imputable à la population canadienne. Je suis d'accord avec cela.

M. Milliken: Les conservateurs n'étaient pas d'accord avec la proposition.

M. Boudria: On sait que d'autres n'étaient pas d'accord avec la proposition, comme vient de le dire si bien et avec tant d'éloquence l'honorable député de Kingston et les Îles.

[Traduction]

Il y a aussi toute la question de l'application de la Charte à ce genre de limite.

Pour terminer, je voudrais attirer l'attention des députés sur la façon de mettre en oeuvre une règle comme celle proposée par le député de Richelieu.


2510

[Français]

Nous savons que dans certaines juridictions des règles semblables existent, comme par exemple en Ontario, au niveau provincial où j'ai été député provincial, comme la plupart des députés le savent. Dans cette législature ou dans ce système, il y a une limite de contribution. Si un individu veut donner plus que la limite, et je pense que la limite en Ontario est de 1 150 $ par année, tout ce qu'on fait c'est qu'on donne 1 150 $ à son épouse ou à son mari, selon le cas, à son fils, et tous les gens contribuent afin de contourner la règle qui existe en. . .

(1435)

M. Louis Plamondon (Richelieu): J'invoque le Règlement, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable député de Richelieu a la parole sur un recours au Règlement.

M. Plamondon: Monsieur le Président, la précision qu'il vient de donner démontrerait que les Ontariens sont malhonnêtes. Les Ontariens ne sont pas malhonnêtes. Ce n'est pas vrai qu'ils trichent.

Le président suppléant (M. Kilger): Il ne s'agit pas d'un recours au Règlement, je crois qu'on veut s'engager dans un débat.

M. Boudria: Monsieur le Président, comme vous l'avez si bien dit, il ne s'agit pas d'un recours au Règlement, ce n'est même pas un bon point. Le député d'en face le sait sans doute.

Le point que je faisais ressortir, c'est que lorsqu'une telle règle peut être si aisément contournée, et qui est même absurde dans une certaine mesure, que la règle en question ne devrait pas être mise en vigueur.

Je crois beaucoup plus qu'il incombe à tous les parlementaires de cette Chambre, d'une part, de cesser de dire que tous ceux et celles qui contribuent au système politique s'attendent à avoir quelque chose en retour, comme l'a dit le député du Parti réformiste. Je félicite, toutefois, le député de Richelieu pour avoir apporté le dossier aux députés de la Chambre. Je sais qu'il a une intention fort honnête en proposant cette motion et qu'il veut, lui aussi, assainir les moeurs publiques.

Il y a un engagement à cet égard de la part de notre parti, de la part de notre gouvernement, et déjà depuis quelque mois on sent parmi la population canadienne que la population sait que le gouvernement est là pour servir la population et non se servir lui-même.

M. Milliken: C'est vrai.

M. Boudria: Je dirais la même chose de la part de mes collègues de l'autre côté de la Chambre que l'ère de ce régime, et on le connaît tous ce régime, n'est plus là. La population s'en est fort bien débarassée à presque totalité moins deux, pour ne pas les nommer.

Je voudrais conclure en disant que je n'ai pas l'intention d'appuyer cette motion. Je félicite toutefois le député de Richelieu parce que je connais ses bonnes intentions, mais je lance cet avertissement aux députés de la Chambre: nous devrions tous être un peu prudents avant de porter des accusations absurdes contre ceux et celles qui veulent contribuer au processus démocratique.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, c'est avec joie que je donne mon appui tout entier à cette motion sur le financement populaire des partis politiques que mon ami et collègue, le député de Richelieu, présente cet après-midi.

Je tiens à faire remarquer à cette Chambre que cette motion est historique parce que c'est la première fois qu'elle est présentée à la Chambre des communes, réclamant l'instauration du financement populaire des différents partis fédéraux au Canada.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que mon collègue, le député de Richelieu, s'intéresse à cette question. En effet, depuis 1988, le député de Richelieu travaille sur ce projet qui lui tient à coeur. Il demeure convaincu que les mentalités ont changé et que la population est disposée à vivre un changement majeur dans le domaine du financement populaire de nos partis politiques.

Le Canada, tout comme les autres puissances contemporaines, doit s'ajuster et vivre à l'heure de la modernité; il doit vivre à l'heure du Québec moderne qui n'a pas craint, pour sa part, de bousculer des pratiques électorales douteuses et antidémocratiques. Il est bien évident que si l'Acte constitutionnel de 1791 nous a donné le parlementarisme, il nous a légué aussi des moeurs électorales.

(1440)

De tout temps, la contribution intéressée de personnes et d'organismes a été omniprésente, donnant beaucoup pour contrôler beaucoup. Même les débuts du parlementarisme à la fin du XVIIIe siècle avaient ses champions du trafic d'influence. Les partis politiques et leurs bailleurs de fonds marchandaient facilement une récompense électorale avec un fier-à-bras en retour d'une bonne raclée à un électeur récalcitrant.

Plusieurs exemples démontrent que très souvent les notables du comté ou du pays étaient en éternel conflit d'intérêts avec les partis politiques. Les réalisations du gouvernement, pour peu qu'on en fasse l'analyse approfondie, étaient hors de tout doute favorables à ces contrôleurs de partis, à ces contrôleurs de démocratie, comme l'a si bien dit le député de Richelieu.

Force nous est de constater, monsieur le Président, et cette Chambre sera d'accord avec moi, que les moeurs électorales ont changé au Canada et les habitudes aussi.

Certaines pratiques ont disparu, bien sûr, d'autres demeurent. De nouvelles pratiques connaissent des réticences, tel le financement des partis politiques par les électeurs et les électrices seulement. C'est tout le système électoral qui est concerné.

Il n'y a pas si longtemps j'étais un jeune garçon vivant paisiblement dans la petite municipalité de Coleraine, dans le beau comté de Frontenac. Mon père, un homme d'affaires connu et un commerçant expérimenté, était membre et organisateur du Parti libéral. Bien sûr, ici, il faut remonter aux années 1940 et 1950, et à ce moment-là, le Bloc québécois n'existait pas comme parti politique au Québec. L'influence de mon père a été déterminante pour moi et c'est de lui que j'ai reçu le goût de la politique. Le seul défaut que j'aurais pu lui reprocher à l'époque, avec le bagage politique que je possède aujourd'hui, bien sûr, c'était d'être libéral.

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À l'époque, j'avais été frappé, et c'est vrai, j'avais été frappé par certaines activités électorales-cela se passait au Québec dans le comté de Mégantic à l'époque-que les organisateurs libéraux pratiquaient. J'ai mis un certain temps à saisir le lien entre un réfrigérateur et un électeur, entre un poêle électrique Bélanger et une électrice. J'ai saisi plus tard la signification du slogan «Donne une piastre au parti, il va te remettre ta piastre avec un intérêt de 1 000, 2 000, 3 000 p. 100.»

Monsieur le Président, j'ai vu cela de mes propres yeux. Je sais de quoi je parle. Toutefois, en 1994, cette époque est révolue. Cela ne doit plus exister et mon collègue, le député de Richelieu, l'a très bien exprimé en proposant dans sa motion un principe qui va permettre aux électeurs et aux électrices de «contrôler notre système électoral» et par ce fait même, de respecter la démocratie et d'être les véritables propriétaires de cette même démocratie.

L'urgence d'une réforme est reconnue par tous les partis. L'honorable député qui m'a précédé du côté des banquettes ministérielles l'a bien dit, que son parti réfléchissait à une réforme des financements politiques, mais on va voir jusqu'où le courage ira, jusqu'où le courage ira et surtout la rapidité. Formerons-nous un comité, un sous-comité? J'ai bien hâte de voir.

(1445)

En novembre 1988, le chef du Parti conservateur, M. Brian Mulroney, s'était engagé à instaurer le financement populaire des partis politiques. Reconnaissant l'efficacité de la loi québécoise à ce sujet, M. Mulroney était d'avis qu'il fallait «mettre la hache» dans ce genre de contributions financières des corporations et des syndicats.

Depuis quelque temps, les citoyens parlent de crédibilité et de confiance, et le gouvernement et son parti politique parlent de plus en plus de transparence. Or, on verra, car c'est le temps, justement, de prouver cette transparence. Ils ont en mémoire les tristes erreurs commises par les membres de l'ancien gouvernement. Ils ont en mémoire les conflits d'intérêts, les démissions, les renvois, et j'en passe.

Il ne doit pas y avoir d'hésitation quand c'est l'intégrité du gouvernement qui est en jeu et surtout, quand c'est l'intégrité du Parlement qui est en jeu. L'exemple d'honnêteté doit venir de cette Chambre. Elle doit venir de ceux qui ont été élus pour diriger la nation. Très tôt, lors de son premier mandat, René Lévesque a compris qu'il fallait assainir les pratiques électorales en interdisant à toute personne morale de contribuer à la caisse électorale des partis politiques. La loi de 1977, au Québec, à laquelle plusieurs de mes collègues ont fait allusion tout à l'heure, demeure un modèle concernant le financement populaire et l'épuration du système électoral lui-même.

Or, ceux qui doutent que cela pourrait fonctionner n'ont qu'à se payer un voyage à Québec pour aller vérifier comment cela fonctionne. Comme on l'a précisé tout à l'heure, le Parti libéral du Québec a ramassé beaucoup plus auprès des seuls électeurs que le Parti libéral du Canada dans la province de Québec avec les grosses compagnies, les banques, etc.

En 1977, la presse de l'époque fut catégorique et ici, je cite l'extrait d'un article: «Malgré des procédés péquistes de bousculades», lisait-on à l'époque, «cette législation est absolument indispensable; elle ébranle des comptabilités, bouleverse bien des chapelles et détruit des sphères d'influences occultes malsaines à un bon fonctionnement démocratique.» Ce qui était vrai au Québec en 1977 l'est encore plus au Canada en 1994. Avec cette motion, c'est la disparition des caisses électorales occultes et c'est la fin du trafic d'influence et le début d'une saine démocratie.

Je termine en disant que le financement populaire demeure la formule de l'avenir pour nos partis politiques. Le gouvernement actuel doit s'en préoccuper et accepter la motion du député de Richelieu. La démocratie canadienne, et je répète, la démocratie canadienne s'en portera beaucoup mieux.

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, j'ai suivi ce débat avec beaucoup d'attention dans le couloir, pendant que j'étais au téléphone, mais aussi ici.

Je suis ici aujourd'hui parce que la motion présentée par le député de Richelieu m'intéresse au plus haut point. Elle nous concerne tous. Il n'y a pas ici un seul député qui ne soit pas touché par cette question. S'il est une question qui nous affecte tous, c'est bien celle-là.

Je suis venu ici sans opinion précise à ce sujet. J'ai écouté de façon attentive et objective les arguments avancés par les députés des deux côtés de la Chambre. Je vous dirai honnêtement qu'étant donné ma perception de la démocratie, j'éprouve un certain réconfort à l'idée que nous avons déjà examiné cette question. Car nous l'avons fait. Nous avons envisagé d'autres solutions. Si on l'analyse bien, la motion du député de Richelieu propose deux choses. Premièrement, que les dons viennent exclusivement de particuliers. Deuxièmement, que ces dons ne dépassent pas 5 000 $.

(1450)

La Commission Lortie s'est penchée sur la question des contributions aux partis. Je sais que cette question a été examinée avec soin durant la dernière législature et qu'elle a fait l'objet de longs débats au comité et, en fait, à la Chambre.

Je sais qu'étant donné sa perception du monde et de la démocratie, le député estime que cela améliorerait la situation et serait une nouvelle façon de contrôler la sollicitation de suffrages au Canada. C'est la seule raison qui, à mon avis, explique qu'il ait proposé ce projet de loi d'initiative parlementaire. Comme je l'ai dit, nous nous sommes déjà penchés sur cette question.

En ce qui concerne les élections fédérales, des mesures sont déjà en place pour contrôler les contributions et les dépenses. La plus importante se trouve dans les instructions extrêmement précises et explicites à l'intention des députés et des candidats concernant: a) le montant qu'ils sont autorisés à dépenser; b) le genre de dépenses autorisées, c) le plafond exact qu'ils ne doivent pas dépasser et d) la déclaration des dépenses effectuées. Si

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c'est un contrôle que nous voulons, la politique électorale est très claire là-dessus.

Il est un autre aspect qui n'est pas nécessairement la responsabilité exclusive du candidat. Je veux parler de la déclaration des dons. Doit être déclarée et rendue publique toute contribution supérieure à 100 $ que l'on fait à une organisation politique fédérale. Pour répondre au député qui semblait se préoccuper de contrôle, je suis passablement persuadé que, si ces deux mesures étaient adoptées, nous serions à même d'exercer un excellent contrôle. Je ne crois pas que nous ayons besoin de faire plus à cet égard. J'ai déjà fait valoir que cette affaire avait été étudiée, débattue et décidée de façon démocratique.

Il y a d'autres aspects à considérer. Avant d'approuver ce que le député propose, il faut songer aux conséquences. Il ne faut pas considérer ce projet de loi comme une fin en soi, comme un cas à part.

Il y a donc lieu de se pencher sur ces aspects. Je veux parler ici de la source des contributions, de leur montant, d'autres formes de contribution aux partis et à leurs candidats, de ce qu'on entend par «dépense électorale», des restrictions relatives aux dépenses à un tiers parti, ainsi que des déductions fiscales. En un mot, si on ouvre la porte, il faut la garder toute grande ouverte.

À quelques reprises, j'ai entendu exprimer, bien qu'indirectement, l'idée très inquiétante qu'il peut y avoir un autre avantage que la participation au processus démocratique. Cette idée, elle me choque et me perturbe. Je trouve qu'elle va à l'encontre de la démocratie. Depuis le temps que je suis en politique, je n'ai jamais eu l'impression qu'être élu député pouvait signifier autre chose que représenter la population.

Prétendre, comme l'a fait un député, que ceux qui donnent bénévolement leur temps-ce qui est une dépense électorale-leur argent et d'autres ressources ne le font pas uniquement pour contribuer à la démocratie dans ce grand pays, je trouve ça offensant pour l'un des 295 députés de la Chambre que je suis.

Bref, j'ai examiné les points évoqués, dont certaines bonnes idées exprimées par les gens d'en face. Je dois dire néanmoins que je ne vois pas d'argument assez convaincant pour m'amener à appuyer ce projet de loi dans sa version actuelle ou même dans un contexte plus général.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée aux initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément au paragraphe 98(1) du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

Avant d'ajourner nos travaux, je vais donner la parole à la députée de Mission-Coquitlam. Si je me souviens bien, il y a quelques semaines elle nous a annoncé qu'elle serait bientôt grand-mère. Elle désire peut-être nous donner de plus récentes nouvelles à ce sujet avant que la Chambre ne s'ajourne pour la fin de semaine.

Mme Jennings: Merci, monsieur le Président. Effectivement, j'ai maintenant un septième petit-enfant; c'est un garçon nommé David Michael Jennings qui pesait 9 livres, 5 onces à la naissance.

Des voix: Bravo!

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 14 h 55, la Chambre s'ajourne à 11 heures lundi prochain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 14 h 55.)