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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 21 avril 1994

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES PROPOS TENUS PAR LE DÉPUTÉ DE CARLETON-GLOUCESTER

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 3312

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CANADA-HONGRIE EN MATIÈRE D'IMPÔTS SUR LE REVENU

    Projet de loi S-2. Motion portant deuxième lecture 3312
    Mme Blondin-Andrew 3312
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité 3319

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-8 Étape du rapport 3319

DÉCISION DU PRÉSIDENT

    La présidente suppléante (Mme Maheu) 3319
    Rejet de la motion no 1 3321
    Motion portant approbation 3321
    Mme Blondin-Andrew 3321
    Adoption de la motion 3321
    Motion portant troisième lecture 3321
    M. Leroux (Shefford) 3321
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 3323

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 11 h 37 3323

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 14 heures 3324

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'AVORTEMENT

L'AIDE EXTÉRIEURE

LE SERVICE POSTAL À WARFIELD

LA FONDATION EVERGREEN

LES SOINS DE SANTÉ

LE BÉNÉVOLAT

LES LANGUES OFFICIELLES

    M. Leroux (Shefford) 3325

LE DÉCÈS DE M. FRANK A. GRIFFITHS

SKOPJE

LA CIRCONSCRIPTION DE FUNDY-ROYAL

LES ARTS DE LA SCÈNE

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

L'IMMIGRATION

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

L'ENVIRONNEMENT

LA DÉMOCRATIE DIRECTE

QUESTIONS ORALES

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3327
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3328
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3328
    M. Gauthier (Roberval) 3328
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3328
    M. Gauthier (Roberval) 3329
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3329

LA BOSNIE

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3330

LES PROGRAMMES SOCIAUX

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3330
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3331

LA SANTÉ

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

L'ACHAT DE VACCINS ANTIGRIPPE

LES RÉFUGIÉS

LES QUOTAS DE BLÉ

LES STUPÉFIANTS

LA MÉTIS SOCIETY

L'IRAK

LES RELATIONS OUVRIÈRES

L'AIDE AUX ENTREPRISES

    M. Mills (Broadview-Greenwood) 3335
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 3335

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Gauthier (Roberval) 3335
    Adoption de la motion 3336

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS PÉTROLIÈRES AU CANADA

    Projet de loi C-6. Étape du rapport 3336
    Motion portant approbation 3336
    Adoption de la motion 3336
    Motion portant troisième lecture 3336
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 3340

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 15 h 34 3340

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 16 h 30 3340

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Projet de loi C-218. Motion visant à la deuxième lecture 3340
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 3343

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 17 h 30 3348

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 18 h 03 3348

DÉBAT SPÉCIAL

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA SITUATION EN BOSNIE

    M. Gauthier (Ottawa-Vanier) 3376

3311


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 21 avril 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES PROPOS TENUS PAR LE DÉPUTÉ DE CARLETON-GLOUCESTER

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, lundi dernier, le Parti réformiste a présenté une motion voulant changer la Loi sur les langues officielles. Comme vous avez pu le constater, je n'ai pas partagé du tout les opinions émises par tous les députés du Parti réformiste, tant individuellement que collectivement, lorsqu'ils se sont adressés à la Chambre. Je ne partage pas non plus l'idée du Parti réformiste de diviser les langues officielles, c'est-à-dire que le français devrait être la langue exclusive au Québec et l'anglais exclusivement à l'extérieur du Québec.

Alors, vous pouvez comprendre que je me suis senti attaqué. Comme faisant partie de la minorité de la langue française hors Québec, j'ai trouvé les propos blessants de la part du Parti réformiste. Je me sentais comme si j'étais de moins en moins un Canadien à cause d'eux.

J'ai l'intention de continuer à poursuivre le débat sur les langues officielles et à protéger vigoureusement les droits des Canadiens français partout au Canada, ainsi que les droits des anglophones partout au Canada, que ce soient des minorités anglaises au Québec ou des minorités françaises à l'extérieur du Québec.

Cependant, à cause du grand respect que j'ai pour cette Chambre, si par hasard je l'ai offensée-et je dis bien la Chambre-par des paroles un peu émotives, je retire les paroles qui auraient pu l'offenser. Mais en ce qui touche la question de la langue des minorités, française ou anglaise, je répète que je vais continuer à poursuivre le débat pour défendre ces minorités.

Le Président: Je retiens les paroles du député de Carleton-Gloucester.

Hier, j'ai dit à l'honorable député de Kindersley-Lloydminster que s'il retirait ses paroles, c'en était fini. Alors, je retiens les paroles du député-

[Traduction]

. . .comme mettant un terme à ce recours au Règlement. Le député a retiré catégoriquement ce qu'il a dit et la présidence accepte ce retrait.

Nous passons maintenant au recours au Règlement du député de Saskatoon-Clark's Crossing.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, je me demande quand nous entendrons les excuses du premier ministre qui, hier soir, a reproché aux assistés sociaux de rester chez eux à ne rien faire.

Le Président: Je suis convaincu que le député se rend bien compte que ce n'est pas là un recours au Règlement. Peut-être trouvera-t-il un autre moyen de faire valoir son point de vue.

M. McClelland: Monsieur le Président, au nom des députés de ce côté-ci qui ont été offensés par les paroles du député de Carleton-Gloucester, j'accepte ses excuses sincères, mais je tiens à déclarer que le Parti réformiste ne s'oppose absolument pas au bilinguisme dans l'administration fédérale.

Le Président: Il arrive, bien sûr, que dans le feu du débat, des députés se laissent emporter par les sentiments et s'expriment avec vigueur. C'est normal à la Chambre des communes. Le recours au Règlement a été entendu et l'affaire est classée. Je voudrais que nous en restions là.

_____________________________________________

AFFAIRES COURANTES

(1010)

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer dans les deux langues officielles la réponse du gouvernement à trois pétitions portant les numéros 351-123, 351-131 et 351-134.

* * *

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Alfonso Gagliano (Saint-Léonard): Madame la Présidente, il y a eu des discussions et vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que la Chambre ne siège pas le

3312

vendredi 13 mai 1994. Elle sera réputée s'être réunie et avoir ajourné conformément au paragraphe 28(2) du Règlement.

(La motion est adoptée.)

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international): Madame la Présidente, nous répondrons aujourd'hui à la question no 9.

[Texte]

Question no 9-M. Simmons:

Le ministère de l'Environnement a-t-il pris des mesures pour répondre aux préoccupations soulevées par le vérificateur général dans son rapport de 1992 au Parlement, selon lesquelles «il n'existe nulle part au Canada, à l'heure qu'il est, une capacité d'intervention efficace en cas de déversement, un tant soit peu important, en milieu marin», même si «le Canada peut s'attendre chaque année à ce qu'il se produise au moins un déversement majeur et tous les 15 ans, un déversement catastrophique» et, dans l'affirmative, a) quelles sont ces mesures, b) a-t-il entrepris de prendre des mesures précises de protection de l'environnement au cas où surviendrait un déversement de produits toxiques en rapport avec le projet Hibernia?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): a) Les mesures prises à l'heure actuelle pour répondre aux préoccupations soulevées relèvent principalement du ministre des Transports. Au cours des trois dernières années, la Garde côtière canadienne a pris plusieurs mesures en collaboration avec le ministère de l'Environnement et le ministère des Pêches et des Océans afin d'améliorer la capacité d'intervention du Canada en cas de déversement en milieu marin.

Stratégie: Le 26 juin 1991, le gouvernement fédéral a annoncé que serait établie, dans le cadre du Plan vert, une stratégie d'intervention en cas d'urgence de 100 millions de dollars pour appliquer les recommandations les plus pressantes et les plus importantes formulées par le Comité d'examen public des systèmes de sécurité des navires-citernes et de la capacité d'intervention en cas de déversements en milieu marin.

Mesures de prévention: Tous les navires-citernes étrangers battant pavillon national sont maintenant inspectés à leur premier arrêt chaque année dans un port canadien. Le taux d'inspection de tous les navires étrangers qui entrent au Canada, incluant 100 p. 100 des navires-citernes étrangers, est passé de 9,2 p. 100 en 1989 à 38 p. 100 en 1992.

Mesures de protection: Depuis 1990, la Garde côtière a consacré plus de 15 millions de dollars à l'achat d'équipement de lutte contre la pollution.

Politique: La Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (projet de loi C-121) a reçu la sanction royale le 23 juin 1993. Elle prévoit des peines plus rigoureuses pour les actes de pollution ainsi que de nouveaux règlements sur la sécurité maritime et prescrit la mise en application de conventions internationales telles que la convention de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération et la convention sur le sauvetage.

b) Le gouvernement fédéral, au premier chef, le ministère des Ressources naturelles, s'occupe des mesures de protection de l'environnement contre les déversements pouvant être dus à Hibernia, par l'entremise de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures côtiers. Celui-ci veille à ce qu'il existe les plans d'urgence voulus pour réagir vite et bien à tout déversement de matières dangereuses.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): On a répondu à la question mentionnée par le secrétaire parlementaire.

M. Harb: Madame la Présidente, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


3312

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CANADA-HONGRIE EN MATIÈRE D'IMPÔTS SUR LE REVENU

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi S-2, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la République de Hongrie, un accord conclu entre le Canada et la République fédérale du Nigéria, un accord conclu entre le Canada et la République du Zimbabwe, une convention conclue entre le Canada et la République argentine et un protocole conclu entre le Canada et le Royaume des Pays-Bas, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et apportant des modifications connexes à d'autres lois, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Débat!

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international): Madame la Présidente, le projet de loi S-2 a pour objet la mise en application d'accords fiscaux réciproques ou conventions entre le Canada et la Hongrie, le Nigéria, l'Argentine et le Zimbabwe, lesquels permettront d'éliminer la double imposition de revenu. De même, ce projet de loi met en application un protocole de révision de l'actuelle convention fiscale entre le Canada et le Royaume des Pays-Bas.

(1015)

Permettez-moi d'abord de faire quelques commentaires sur le bien-fondé et le rôle des conventions fiscales. La convention fiscale entre les pays est un important mécanisme qui permet


3313

d'offrir les avantages de la certitude et de la stabilité relatives aux régimes fiscaux, avantages qui dans la réalité favorisent le commerce international et les investissements.

La certitude et la stabilité existent du fait que l'assiette de même que les taux d'imposition qui s'appliquent sont déjà prévus dans les conventions. Autrement dit, le taux d'imposition fixé dans la convention ne peut être augmenté à moins qu'on modifie la convention même, ou qu'on y mette un terme.

En fait, il est rare que l'on mette un terme à ces conventions et leur révision suit un long processus qui exige l'accord des deux gouvernements. Dans un cas comme dans l'autre, les contribuables seront normalement informés bien à l'avance des changements qui s'annoncent.

Ces conventions fiscales ont en outre l'avantage de réduire de différentes façons les obstacles au fonctionnement des régimes fiscaux nationaux. D'abord, elles éliminent l'obligation de payer un impôt sur les bénéfices d'entreprises réalisés dans le pays d'origine, s'il n'y a pas d'établissement permanent dans ce pays. De plus, elles prévoient un mécanisme de règlement des problèmes auxquels se heurtent les contribuables.

Ce qui importe encore davantage, les conventions fiscales éliminent ou réduisent la double imposition dans les cas où des opérations internationales sont susceptibles de donner lieu à l'imposition d'un même revenu à une même personne par plus qu'un pays.

Alors, voici quelques détails sur son mode de fonctionnement. Dans le but d'éliminer la double imposition, les conventions fiscales établissent deux catégories de règlements. D'abord, dans le cas d'un certain nombre d'éléments de revenu prédéterminés, un droit exclusif d'imposition est accordé à un seul des États contractants. De cette façon, l'autre pays en cause accepte de ne pas pouvoir imposer ce revenu et on évite ainsi la double imposition.

Ensuite, pour certains autres éléments du revenu, le droit d'imposition n'est pas exclusif. Les dispositions accordent au pays d'origine-ou situs-un droit d'imposition intégral ou restreint. À son tour, en vertu de la convention, le pays de résidence du contribuable doit accepter de ne pas percevoir l'impôt versé dans l'autre pays. Au bout du compte, on s'assure à nouveau qu'il n'y a pas de double imposition.

Je rappelle à la Chambre que les conventions mises en application par ce projet de loi sont les plus récentes dans le cadre d'un processus amorcé il y a déjà longtemps. L'importante réforme des lois canadiennes de l'impôt sur le revenu, en 1971, exigeait du Canada qu'il étende son réseau de conventions fiscales avec les autres pays. Depuis, des négociations ayant pour but la signature de nouvelles conventions ou la révision des conventions actuelles ont été entreprises avec près de 75 pays.

Dans ce projet de loi, les quatre conventions fiscales en cours de révision respectent le modèle général des conventions déjà approuvées par le Parlement. Le nombre de conventions fiscales en vigueur est actuellement de 52. Si vous me le permettez, j'aimerais faire ressortir brièvement les éléments principaux des nouvelles conventions fiscales visées par le projet de loi. Je parlerai du protocole de la convention avec les Pays-Bas à la fin de mes observations.

(1020)

Règle générale, ces conventions prévoient que les dividendes peuvent être imposés dans le pays d'origine à un taux maximal de 15 p. 100.

Toutefois, dans le cas de dividendes d'entreprises, le taux est souvent réduit si l'entreprise qui reçoit les dividendes détient certaines parts de l'entreprise qui verse les dividendes.

Ce taux réduit a été fixé à 10 p. 100 dans le cas des pays dont il est ici question, à l'exception du Nigéria, où il sera de 12,5 p. 100.

En ce qui a trait aux intérêts versés par un résidant d'un pays à un résidant d'un autre pays, les taux prévus dans le projet de loi sont de 10 p. 100 dans le cas de la Hongrie, de 12,5 p. 100 dans le cas de l'Argentine et du Nigéria et de 15 p. 100 dans le cas du Zimbabwe.

Cette règle comporte toutefois certaines exceptions. L'intérêt versé sur une obligation ou un autre titre du gouvernement national, d'une subdivision politique ou d'une administration locale, ne sera pas assujetti à l'impôt dans le pays où on a fait l'acquisition.

De plus, grâce à une disposition prévue dans ces conventions, à l'exception de celle avec le Zimbabwe, les versements d'intérêts sur les prêts ou les crédits consentis garantis ou assurés par certains organismes de l'État-au Canada, par exemple, par la Société de l'expansion des exportations-ne seront imposables que dans le pays de résidence du bénéficiaire du versement d'intérêts.

Ces conventions touchent également à l'imposition du paiement de redevances. Elles prévoient un taux général d'imposition à la source de 10 p. 100 dans le cas de la Hongrie et du Zimbabwe, de 12,5 p. 100 dans le cas du Nigéria et de 3 à 15 p. 100 dans le cas de l'Argentine, selon la nature des redevances.

Les droits d'auteur sont exemptés aux termes de la convention avec la Hongrie.

Un certain nombre d'autres questions sont abordées dans ces conventions fiscales. Par exemple, le gain en capital. En ce qui concerne les gains en capital, les dispositions de la convention reflètent la position actuelle du Canada et permettent aux pays d'origine d'imposer les gains provenant de la vente d'un immeuble, d'un fonds de commerce ou des parts dans des sociétés immobilières.

Deuxièmement, l'absence de discrimination. En vertu des conventions, toute forme de discrimination fondée sur la nationalité est prohibée. On s'assure ainsi que les ressortissants d'un pays ont droit au même traitement que ceux d'un autre pays dans les mêmes circonstances. Toutefois, cela n'empêche pas un pays d'accorder des incitations fiscales-par exemple, les déductions accordées aux petites entreprises par le Canada-basées sur le lieu de résidence du contribuable.

En troisième lieu, les pensions. Le Canada conserve son droit d'imposer les pensions versées aux résidants des pays visés par ce projet de loi. Dans le cas de l'Argentine, du Zimbabwe et de la Hongrie, le taux d'imposition maximal de versements périodiques de pensions et de rentes qui s'applique dans le pays d'origi-


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ne est de 15 p. 100. Dans le cas du Nigéria, aucun taux d'imposition maximal n'a été fixé pour le versement périodique des pensions.

Finalement, les pensions aux anciens combattants sont généralement exemptées d'impôt dans les quatre conventions.

Quatrièmement, la disparition de la double imposition. Les conventions prévoient qu'au Canada, la double imposition du revenu de source étrangère des résidants canadiens est compensée par un crédit pour impôt étranger, conformément aux limites prévues, certainement, dans la législation canadienne.

De plus, les dividendes que touche une entreprise installée au Canada sur le surplus exonéré des corporations étrangères affiliées installées dans un pays visé par une convention sont exonérées d'impôt au Canada. En contrepartie, l'autre pays partie de la convention élimine la double imposition conformément à la méthode reconnue par ce pays.

(1025)

Je vous entretiendrai maintenant d'une dernière initiative que prévoient les dispositions législatives. Le projet de loi S-2 permettra la mise en application d'un protocole à la convention fiscale signée par le Canada et le Royaume des Pays-Bas, en 1986. Ce protocole met à jour l'actuelle convention et tient compte des modifications apportées aux lois et politiques de chacun de ces deux pays.

Par exemple, dans le budget fédéral canadien de 1992, le gouvernement annonçait qu'il était disposé, dans les négociations sur les conventions fiscales, à réduire, sur une base réciproque, le taux de retenue d'impôt sur les dividendes directs. Il considérait que c'était un bon moyen d'encourager les investissements internationaux étrangers. Et dans le budget de 1993, le gouvernement a confirmé son désir de négocier bilatéralement des exemptions de retenues d'impôt sur les versements effectués pour l'utilisation de logiciels informatiques.

J'ai le plaisir d'annoncer que nous avons signé le premier accord du genre avec les Pays-Bas.

En vertu de ce projet de loi, lorsqu'un bénéficiaire de dividende détient 25 p. 100 ou plus du capital, ou 10 p. 100 ou plus du total des voix de la société qui verse les dividendes, la retenue d'impôt sera réduite à 5 p. 100 par rapport à l'actuel 10 p. 100. Cette réduction sera étalée sur la période de cinq ans à compter de 1993. En ce qui a trait aux versements d'intérêts, le protocole porte à 10 p. 100 l'actuel taux de 15 p. 100.

De même, l'accord élimine la retenue d'impôt sur les redevances relatives aux logiciels informatiques et sur l'intérêt versé sur les fonds de pension.

En conclusion, tout compte fait, les dispositions des quatre conventions fiscales et du protocole apportent certaines solutions équitables aux divers problèmes de double imposition qui existent entre le Canada et ces pays. Chacun de ces pays espère mettre en application la convention bilatérale le plus rapidement possible. En conséquence, je recommande ce projet de loi à la Chambre et lui demande de l'adopter le plus rapidement possible.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Je suis heureux, au nom du Bloc québécois, de discuter du projet de loi S-2, projet de loi qui, comme l'a exprimé mon collègue en cette Chambre, devient le projet qui met en oeuvre les conventions fiscales entre le Canada, la Hongrie, le Nigéria, le Zimbabwe, l'Argentine et les Pays-Bas.

Les conventions fiscales visent à éviter d'imposer deux fois les revenus d'exploitation d'entreprises des deux pays qui ont des filiales ou des compagnies dépendantes dans l'autre pays. Elles ont du mérite, et même ces conventions fiscales, dans certains cas, s'appliquent aux voyages des artistes québécois et canadiens qui vont à l'étranger ou même des sportifs, comme les joueurs de hockey ou des athlètes en général.

Par contre, il est évident que les conventions fiscales ne datent pas d'aujourd'hui: elles ont toujours existé. J'ai l'impression qu'elles vont toujours demeurer, d'autant plus que l'on est dans un monde qui se globalise, comme on a souvent l'occasion de le préciser.

(1030)

Les conventions fiscales établissent ce qu'on appelle une réciprocité dans le traitement fiscal, c'est-à-dire qu'on a de bons échanges entre ces pays au niveau fiscal, mais cette réciprocité n'est valable que dans la mesure où les taux d'imposition des sociétés canadiennes et des sociétés dans les pays avec lesquels on a signé de telles conventions fiscales sont équivalents ou à peu près, ou du moins sont comparables.

Or, madame la Présidente, le premier élément négatif que je mets en lumière aujourd'hui, le régime des conventions fiscales, à cause justement du taux de taxation différent sur les profits des sociétés entre le Canada et plusieurs des pays qui sont signataires de telles conventions fiscales: ces taux de taxation sont fort différents. Ce qui fait que le système est considéré, et depuis longtemps, comme une énorme passoire, un énorme canal qui favorise les évasions fiscales des sociétés canadiennes qui possèdent des filiales à l'étranger.

D'ailleurs, des pays considérés comme des paradis fiscaux, et je nomme précisément la Barbade, Chypre, Malte et Singapour, pour ne nommer que ceux-là, sont signataires de conventions fiscales avec le Canada. Le taux d'imposition dans ces paradis fiscaux est largement inférieur à celui qui prévaut au Canada. Ce qui fait que, comme le souligne le vérificateur général dans son rapport de 1992, et je cite:

Les revenus gagnés dans des pays qui sont des paradis fiscaux. . .
. . .comme ceux que j'ai nommés expressément. . .

. . .et qui sont désignés par décret peuvent entrer au Canada en franchise d'impôt, même s'ils n'ont pas été imposés ou s'ils n'ont été imposés qu'à un taux très faible.
Toujours selon le vérificateur général, le ministère du Revenu est au courant de ce qu'un certain nombre de contribuables ont utilisé ce moyen pour être en mesure de transférer 500 millions de dollars au Canada en franchise d'impôt. C'est proprement scandaleux un tel système! J'ai été étonné tout à l'heure d'entendre la présentation du projet de loi S-2, tellement romancé, avec tellement de sentimentalité à son égard, que je me suis dit «Ces gens-là, ces gens d'en face sont totalement décrochés de la réalité des conventions fiscales».

Madame la Présidente, le deuxième élément négatif relié aux conventions fiscales est ce qui amène aussi le Bloc québécois à réclamer depuis longtemps qu'on révise l'ensemble des conventions fiscales et qu'on regarde justement là où ça vaut vraiment la


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peine d'avoir de telles conventions, là où les taux d'imposition sont comparables, pour les profits des sociétés, à ceux du Canada, qu'on fasse une révision et ne conserve que celle-là. Le deuxième élément d'analyse, c'est que les revenus étrangers d'une corporation canadienne qui sont exonérés ou peu imposés, déjà en partant, donnent droit sur les dividendes versés aux actionnaires canadiens au même crédit d'impôt fédéral que les dividendes versés par une compagnie canadienne opérant au Canada et dont les revenus sont imposés au Canada.

Alors, lorsqu'on parle d'injustices fiscales, nous avons souvent soulevé ce problème; ici, on parlait d'injustices fiscales entre les individus, entre les Québécois et les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes, mais là on a une injustice fiscale qui touche les entreprises qui opèrent au Canada et qui décident d'investir au Canada, qui décident de créer des emplois au Canada, de générer des profits et d'être de bons citoyens corporatifs. D'autres décident d'ouvrir des filiales à l'étranger et bénéficient justement, par leurs investissements à l'étranger, d'exonérations fiscales sur le territoire canadien qui sont aussi généreuses sinon plus que pour ceux qui visent vraiment à créer et à alimenter la croissance économique.

Quand on regarde ces choses-là, quand on regarde ces failles-là, c'est carrément une mesure qui défavorise le développement économique chez nous. C'est un traitement de faveur très clair en faveur des investissements étrangers par des résidants canadiens.

Alors, si c'est comme cela qu'on développe l'économie québécoise et canadienne, c'est comme ça qu'on développe l'emploi, je pense qu'on fait fausse route. C'est une situation qui est carrément inacceptable.

Le troisième élément d'analyse qui a retenu mon attention dans toute la question des conventions fiscales, c'est que la loi permet à une corporation résidant au Canada de déduire l'intérêt sur les fonds qu'elle emprunte pour investir dans une filiale à l'étranger. Encore une fois, il y a une distorsion qui se fait en défaveur de l'investissement en sol québécois et en sol canadien, à partir des conventions fiscales signées entre le Canada et divers pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux.

Les entreprises qui investissent dans des paradis fiscaux échappent justement, donc ainsi doublement, à l'impôt en déduisant d'une part les intérêts sur leur emprunt et d'autre part en rapatriant leurs profits, peu ou pas imposés à l'étranger.

(1035)

On parle de taux de taxation qui varient entre 3 et 10 p. 100 dans certains cas. Ils sont peu ou pas imposés à l'étranger et exonérés d'impôt au Canada. Le système des conventions fiscales est une vraie passoire et c'est une passoire qui est là depuis un certain temps déjà.

Selon le vérificateur général, et je le cite encore:

Cette mesure de déduction d'intérêt réduit les recettes fiscales du Canada et le revenu connexe.
Ces revenus connexes, justement, ne sont pas assujettis à l'impôt canadien. En parlant du revenu tiré de cet investissement,

Il peut être reçu en tant que dividende exonéré et ne jamais apparaître dans l'assiette fiscale canadienne.
Lorsqu'on vit une crise financière importante comme celle que nous avons actuellement au Canada, on ne fait pas exprès d'occasionner délibérément des fuites de capitaux en sol étranger. On met surtout en place des mesures pour favoriser l'investissement chez nous, pour développer l'emploi, pour alimenter la croissance économique, ce que ne font pas, sauf exception, les systèmes de conventions fiscales.

Permettez-moi d'énoncer d'autres problèmes liés aux paradis fiscaux. Il y a des stratagèmes qui sont utilisés par certaines entreprises canadiennes pour éviter de payer leur juste part d'impôt au Canada, tels, ce qu'on appelle dans le jargon du milieu, des «prêts en amont» ou encore la méthode de «dépouillement des revenus» et je m'explique.

D'une part, ces stratagèmes permettent à des sociétés canadiennes d'éviter l'impôt en transférant à la société mère canadienne des pertes de filiales étrangères. Autrement dit, si une entreprise canadienne a une filiale à l'étranger, les pertes réalisées en sol étranger sont rapatriées au Canada et sont incluses dans l'impôt de la société canadienne.

De plus, ces stratagèmes permettent à des sociétés canadiennes d'éviter l'impôt en détournant à l'étranger le revenu des corporations canadiennes. Cela va dans l'autre sens. Il y a des entreprises canadiennes qui réalisent des profits en sol canadien, qui exportent ces profits-là dans les pays où ils disposent d'une filiale, pays avec lesquels on a signé une convention fiscale, et évitent de la sorte de payer de l'impôt en sol canadien.

Enfin, ces stratagèmes permettent à des sociétés canadiennes d'éviter l'impôt canadien en convertissant en revenu exonéré le revenu de corporations canadiennes.

L'histoire des conventions fiscales entre le Canada et les pays signataires regorge d'histoires d'horreur telles que le vérificateur général nous a habitués à en lire, à en voir, et à rager autour de ces mêmes histoires d'horreur. Je me permettrai de vous en raconter quelques-unes tirées du rapport du vérificateur général de 1992.

Une filiale dans les Antilles néerlandaises d'une compagnie canadienne avait un actif de 865 millions et un revenu de 92 millions non assujettis aux règles du revenu étranger. Bien que le revenu de la filiale étrangère n'ait pas été imposé à un taux semblable au taux canadien, il peut être transféré à la société mère canadienne en tant que dividende exonéré. Le revenu étranger n'est pas assujetti à l'impôt quand il entre au Canada mais donne droit au crédit d'impôt fédéral sur les dividendes versés aux actionnaires canadiens. La société mère canadienne a engagé des frais de financement pour son investissement. . .
elle était toujours en terre néerlandaise,

. . .dans la filiale et, ainsi, a pu déclarer au Canada une perte fiscale de 29 millions de dollars.
C'est comme si on disait du jour au lendemain, avec les problèmes financiers qu'on connaît et qui sont immenses: on prend 29 millions de dollars et on l'exporte, on fait délibérément fuir des capitaux, on occasionne délibérément, à cause des conventions fiscales et des trous de la passoire des conventions fiscales, un manque de rentrées dans les coffres fédéraux, alors qu'on pourrait corriger cela assez rapidement et facilement.

Je me permettrai de vous citer une autre de ces histoires d'horreur, tirée encore une fois du rapport du vérificateur général:


3316

Une société canadienne a transféré pour 318 millions de placements à sa filiale de La Barbade. Ces 318 millions ont généré en six mois un revenu de 37 millions de dollars non assujettis aux règles du revenu étranger.
(1040)

Même si le revenu de la filiale n'a pas été imposé à un taux semblable au taux canadien, on parle d'un taux de 3 p. 100, il peut être transféré à la société mère canadienne en tant que dividende exonéré. Et de cette façon, le revenu étranger n'est pas assujetti à l'impôt quand il entre au Canada, même si on n'a pas payé, ou pratiquement pas payé, d'impôts en territoire de la Barbade sur ce revenu. Lorsqu'il entre au Canada, il n'y a aucun traitement fiscal sur cette entrée de revenu net.

La société mère canadienne de cette filiale a engagé également des frais de financement pour son investissement dans la filiale de la Barbade et a donc déclaré-sans avoir généré aucune activité économique en sol canadien- une perte fiscale au Canada. Encore une fois, ce sont des millions qu'on perd en entrées fiscales annuellement, alors qu'on n'a pas besoin de ces pertes fiscales. Et tout le monde conviendra qu'on n'en a vraiment pas besoin. Avec une dette de 507 milliards et un déficit qui dépassera les 40 milliards, je pense qu'il ne faut pas faire exprès pour se faire mal. Il faut être masochiste pour présenter avec sentimentalité de tels projets de conventions fiscales. Comme on dit dans ma circonscription, ça peut bien aller mal à la «shop».

Il n'existe pas d'études exhaustives sur les 52 ou 53 conventions fiscales qui existent à l'heure actuelle entre le Canada et certains pays, mais le vérificateur général nous a donné certains indices de ce que cela pouvait occasionner comme pertes fiscales. Selon lui, les entreprise canadiennes qui avaient investi, en 1990, pour près de 92 milliards de dollars dans des compagnies non résidantes avec lesquelles elles entretiennent des liens de dépendance ont peut-être bénéficié en grande partie-il ne donne pas la proportion puisque les études exhaustives à cet égard n'existent pas-, mais ont probablement occasionné des pertes fiscales telles celles que j'ai mentionnées tout à l'heure.

Comme le mentionne si bien le vérificateur général, il y a de ces investissements qui sont probablement très légitimes et exempts de tout soupçon, mais il y en a d'autres qui ne le sont pas. Ils sont peut-être légaux, mais ils ne sont pas légitimes étant donné la situation financière du gouvernement fédéral. On regarde, par exemple, en 1990, 5,2 milliards de dollars qui ont été investis dans des entreprises à la Barbade, un paradis fiscal reconnu. Ces investissements à la Barbade ont généré des dividendes de 400 millions de dollars exempts d'impôts.

Un autre exemple, 10,9 milliards ont été investis dans des entreprises à Chypre, en Irlande, au Libéria, aux Pays-Bas et en Suisse, autres pays considérés comme des paradis fiscaux. Ces investissements ont généré des dividendes de plus de 200 millions de dollars non imposés, exempts d'impôts et bénéficiant pour les actionnaires canadiens, qui détenaient des titres dans ces entreprises, de l'exonération d'impôt sur les dividendes versés aux résidants canadiens.

On doit se rendre à l'évidence qu'une grande partie, sinon une majorité, de ces soi-disant investissements dans ces paradis fiscaux ne sont effectués que pour permettre aux maisons mères d'entreprises canadiennes d'échapper à l'impôt canadien et de contribuer à la détérioration des finances publiques déjà amochées par plusieurs années de laxisme budgétaire des gouvernements qui se sont succédé ici à Ottawa.

On peut raisonnablement conclure, comme le mentionne le vérificateur général, que le gouvernement canadien-encore une fois, on nous le prouve en présentant le projet de loi S-2 qui reconduit et qui crée d'autres conventions fiscales de cette nature-là-, que le gouvernement fédéral se prive délibérément de centaines de millions de rentrées fiscales annuellement.

Les problèmes liés aux conventions fiscales sont connus depuis longtemps. Ils sont surtout connus par les gens d'en face. Et je me permettrai de vous souligner depuis quand on relève ce genre d'incongruités, depuis quand on relève le problème des évasions fiscales liées aux conventions fiscales. Vous ne devriez pas rire parce que c'est loin d'être rose la gestion des finances publiques, c'est loin d'être rose la façon dont vous traitez les Canadiennes et les Canadiens en maintenant un tel régime éhonté et en coupant 7,5 milliards dans les programmes sociaux au cours des trois prochaines années.

(1045)

Le problème des évasions fiscales liées aux conventions est depuis longtemps bien connu. Par exemple, en 1987, le ministère des Finances annonçait qu'il étudierait l'imposition des corporations étrangères affiliées. Ces études n'ont jamais, mais jamais, été déposées.

En 1989, le Comité des comptes publics affirmait que le ministère des Finances devait veiller à ce que l'évasion fiscale liée aux conventions fiscales fasse l'objet d'une surveillance étroite et que des solutions soient proposées. C'était en 1989 et on attend toujours.

En 1992, dans ses commentaires annexés au rapport du vérificateur général, le ministère des Finances indiquait clairement qu'il n'avait pas l'intention de faire face au problème, même s'il le connaissait.

En décembre 1992-là, ça vaut la peine pour nos voisins d'en face d'ouvrir grandes leurs oreilles-Jean-Robert Gauthier, un vétéran député libéral, alors président du Comité des comptes publics, déclarait, et je cite: «Ce qui nous inquiète vraiment, c'est que le ministère des Finances n'a rien entrepris pour éliminer le plus possible de ces stratagèmes dont se servent les filiales étrangères pour éviter de payer de l'impôt. À mon avis. . .»-de l'avis de M. Gauthier, actuel député du Parti libéral du Canada-«. . .ce n'est pas un problème nouveau, et nous y revenons, encore une fois, cette année.»

Non seulement le projet de loi S-2 reconduit de telles conventions sans procéder à un examen sérieux des possibilités d'évasion fiscale dans des pays considérés comme des paradis fiscaux, mais il n'y a rien qui a été entrepris depuis le début du premier mandat de l'actuel gouvernement pour tenter, de quelque façon que ce soit, de colmater, ne serait-ce qu'en partie, les centaines de millions de dollars d'évasion fiscale qui sont liés à ces conventions.

Bien entendu, le ministre des Finances s'est émerveillé, lors du dépôt de son premier budget-budget désavoué, depuis ce temps, par le premier ministre du Canada, son propre premier ministre-en disant qu'il avait procédé, avec ce budget, à des modifications qui permettraient de colmater les brèches des conventions fiscales.


3317

Ce n'était que du théâtre, encore une fois, comme le «stand-up comic» de la politique économique canadienne nous a habitués depuis qu'il est ministre des Finances.

Certes, il y a eu quelques modifications, mais pas pour éviter des pertes de centaines de millions de dollars annuellement, pas pour éviter les problèmes qu'on rencontre et qu'on soulève, aussi, depuis 1982.

Ces mesures ne sont aucunement suffisantes pour faire face au problème et j'inviterais le gouvernement canadien à réviser l'ensemble des 52 ou 53 conventions fiscales qu'il a signées avec des pays, qui ne sont pas tous considérés comme des paradis fiscaux, mais qui, pour une bonne part, le sont, et qui occasionnent délibérément des pertes de rentrées fiscales au gouvernement canadien.

Il est tout à fait honteux de maintenir un tel système sans examen sérieux, alors qu'il est dénoncé depuis longtemps par le vérificateur général, par les libéraux, aussi, du temps qu'ils étaient au pouvoir, par les différents ministres des Finances, même, qui ont pris certains engagements qu'ils n'ont jamais respectés, pour justement colmater ces brèches. Il est inadmissible, voire honteux, de maintenir une telle passoire, alors que dans le dernier budget, on fait payer ceux qui ne devraient pas payer. On fait payer les chômeurs, 5,5 milliards de dollars de coupures, avec les réductions du nombre de semaines assurables.

On fait payer ceux qui ne devraient pas payer, parce que justement, ils sont dans la misère, et ce gouvernement est dans l'incapacité de leur assurer des emplois pour regagner cette dignité dont ils ont besoin et pour faire vivre leur famille.

On n'avait pas besoin non plus-et c'est honteux-de couper 2,5 milliards de dollars au cours des prochaine années dans le financement de programmes établis. Ça n'est pas là non plus qu'on devait aller chercher l'argent.

On ne devait pas non plus réduire et couper, même, éliminer le crédit d'impôt en raison de l'âge pour les personnes du troisième âge. Elles ne méritaient pas, justement, qu'on maintienne le régime des évasions fiscales par les conventions fiscales et qu'on leur fasse payer, elles qui ont déjà payé toute leur vie une partie des problèmes financiers du gouvernement canadien.

(1050)

On n'avait pas le droit, non plus, de pelleter les problèmes de déficit, de manque de contrôle et d'imagination pour contrôler ces finances publiques de l'autre côté. On n'avait pas besoin de les faire payer par les provinces en pelletant le déficit du côté des provinces par l'entremise de plafonds ou de gels de la péréquation, par exemple. Il y a déjà 1,5 milliard de pertes pour les provinces canadiennes.

Le projet de loi S-2 n'est en rien conforme à la réforme des conventions fiscales que nous demandons depuis le début de la campagne électorale qui nous a conduits à devenir l'opposition officielle en cette Chambre.

Je demanderais à mes collègues, et j'inviterais le gouvernement à réviser ses positions, et avant d'adopter quelque convention fiscale que ce soit ou d'en reconduire par rapport à celles qui existent déjà, de procéder à une révision totale, complète, en profondeur de ces régimes et des pays avec lesquels le Canada signe de telles conventions.

Je n'ai rien contre la Hongrie, mes collègues non plus, je n'ai rien contre le Nigéria, ni le Zimbabwe, ni l'Argentine, ni les Pays-Bas, mais avec un tel problème financier sur les épaules des Canadiens et des Canadiennes, des Québécois et des Québécoises, il ne faut pas faire exprès de perdre de l'argent, il ne faut pas faire exprès de faire en sorte d'occasionner un manque de rentrées fiscales de plusieurs centaines de millions de dollars annuellement. Il faut développer un sens des responsabilités que je ne retrouve absolument pas depuis que ce gouvernement a pris le pouvoir le 25 octobre dernier.

Ce sont des gens irresponsables, des gens qui, non seulement font payer ceux qui ne devraient pas payer, mais en plus, à cause de leur incompétence, font perdre, aux Québécois et aux Canadiens, des milliards de dollars à cause de la turbulence qu'ils créent sur les marchés financiers. On a pu le voir récemment, non seulement on a coupé auprès de ceux qui ne méritaient pas de se voir couper leurs revenus, mais en plus, on n'a même pas satisfait les milieux financiers qui ne voient rien dans le premier budget du gouvernement pour reprendre le contrôle des finances publiques afin de redonner une certaine crédibilité à ce régime qui est carrément dépassé.

Comme j'ai entendu un de mes collègues le soulever, non seulement on maintient les évasions fiscales des conventions, perpétuant ces évasions, en se contredisant aussi, parce qu'ils ont souvent dénoncé ces évasions, mais en plus, on maintient des régimes honteux comme celui des fiducies familiales.

Comme on l'a déjà dit au début, et de plus en plus, on y croit, ce gouvernement fait la même chose que le précédent. Il favorise ses amis, il favorise les amis du régime, il favorise les entreprises qui donnent des milliers de dollars annuellement à la caisse du parti. Et tant et aussi longtemps que la question du financement populaire, comme celle des lobbyistes, ne sera pas réglée, ne sera pas résolue dans le sens démocratique du terme, on va toujours avoir ce genre de problème d'incongruité et de «niaiseries» qui fait en sorte qu'on perd de l'argent, alors qu'on n'est pas dans une position pour en perdre.

Par conséquent, madame la Présidente, nous allons rejeter le projet de loi S-2, non pas comme je vous le mentionnais, parce que nous en avons contre ces pays, mais parce que nous voulons absolument que le gouvernement procède à une révision de l'ensemble des conventions fiscales.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui au nom du Parti réformiste pour parler du projet de loi S-2 qui a pour objet d'établir des conventions entre le Canada et un certain nombre d'autres pays en vue d'empêcher la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale à l'égard des ressortissants du Canada, de la Hongrie, du Nigéria, du Zimbabwe, de l'Argentine et des Pays-Bas travaillant à l'étranger dans ces pays.

Après avoir écouté le député du Bloc québécois qui vient d'intervenir, bon nombre d'entre nous voudront peut-être examiner comment on pourrait conclure un accord avec la Barbade


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pour y faire des affaires puisque son régime fiscal est si favorable.

Mon parti appuie le projet de loi S-2, mais je voudrais faire remarquer aux parlementaires des deux Chambres, ici et à l'autre endroit, que des millions de Canadiens qui ne travaillent pas à l'étranger seraient sûrement heureux de se soustraire aux impôts élevés qu'ils sont forcés de payer aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Il est noble de mettre en oeuvre des conventions fiscales entre le Canada et des pays comme la Hongrie, mais pourquoi ne pas mettre en oeuvre des conventions similaires entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités à l'intérieur de nos propres frontières, pour faire en sorte que le contribuable canadien ne soit pas accablé par une double imposition?

(1055)

Le texte de l'accord entre la Hongrie et le Canada a 20 pages. Je l'ai lu parce que mes parents sont hongrois, parce que je parle le hongrois et parce que je me sens directement intéressé par la Hongrie et par ce qui s'y passe. Si le gouvernement libéral actuel examinait les principes de cet accord entre le Canada et la Hongrie et tâchait d'en négocier et d'en appliquer certains des principes avec les gouvernements provinciaux, il en tirerait des outils permettant d'éliminer certains des obstacles aux échanges interprovinciaux. Cela pourrait faire épargner beaucoup d'argent à notre pays, à notre économie et à nos contribuables, car il en coûterait 4 à 5 milliards de dollars de moins pour faire des affaires.

L'une des plaintes les plus répandues à l'égard de la taxe sur les produits et services qu'on entend exprimer aux séances du comité des finances a trait au fait que lorsqu'ils achètent des biens, les consommateurs sont frappés par une taxe de vente provinciale de 8 à 12 p. 100, suivie de la TPS de 7 p. 100. La plupart des Canadiens y voient un double assaut contre leur portefeuille qui les a incités à faire passer dans l'économie parralèle des milliards de dollars de revenu imposable.

Dans le cadre d'une réunion tenue hier ou aujourd'hui à Vancouver, l'économie parallèle et sa valeur font l'objet d'un exposé. Mais pourquoi cette économie existe-t-elle? Elle existe parce que cette Chambre et le gouvernement continuent de hausser les impôts et de dépenser et qu'ils ne se sont pas encore vraiment employés à réduire les dépenses et à redonner les sommes ainsi économisées aux contribuables qui seraient alors disposés à payer des impôts justes et équitables et à tourner le dos à l'économie parallèle. Elle existe parce que cela coûte trop cher d'être honnête dans notre pays. Même le ministre des Finances l'a reconnu.

Pour la plupart des Canadiens, le système de double imposition avec les taxes de vente, les taxes camouflées et l'impôt sur le revenu est plus qu'une double calamité qui s'abat sur leur portefeuille; c'est une triple, voire une quadruple calamité qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, les a incités à agir de la sorte pour économiser de l'argent.

Selon la revue Canadian Business, et je cite «Malheureusement, le Canada se distingue maintenant parce que, de tous les pays industrialisés du Groupe des Sept, c'est lui qui adopte les taux d'imposition les plus élevés.»

J'espère que, contrairement à son prédécesseur conservateur, le gouvernement actuel ne mentionnera pas constamment l'exemple du Groupe des Sept et le fait que, de l'avis des Nations Unies, notre pays vient au premier rang. Il n'est plus au premier rang dans aucun domaine, sauf pour ce qui est des dépenses les plus élevées par habitant.

Quand le gouvernement se réveillera-t-il et comprendra-t-il que les investisseurs, les prêteurs et les consommateurs n'acceptent plus le système actuel de hausses d'impôts et de dépenses?

Voici ce qu'a déclaré une de mes électrices en réponse à un questionnaire que je lui ai envoyé: «Seul le gouvernement fédéral pourrait trouver des façons de faire payer aux gens le privilège de vivre plus simplement et modérément.»

Pendant trop longtemps, les gouvernements ont obligé les gens à vivre selon leurs moyens et à restreindre leur budget, alors que les politiciens, eux, ont vécu dans un contexte de pensions garanties et de voyages coûteux aux frais de la princesse. Pendant que de nombreux Canadiens s'installent autour de la table de cuisine pour se faire un budget et tracer la ligne entre le nécessaire et le superflu, les parlementaires ont parcouru la planète dans tous les sens, et leurs voyages ont coûté des millions de dollars aux contribuables. Des comités parlementaires vont aux quatre coins de notre pays sous prétexte de consulter la population.

Tous ces déplacements des comités et les voyages des parlementaires aux frais de la princesse ne coûtent pas des millions, mais plus de un milliard de dollars. Le gouvernement refuse pourtant d'examiner des façons d'économiser de l'argent dans l'intérêt des contribuables et de consulter ceux-ci grâce aux envois collectifs ou à des visites occasionnelles effectuées dans la circonscription et permettant de savoir ce qu'ils souhaitent.

Il faut que le greffier de la Chambre examine des façons de réaliser des économies relativement aux comités. C'est un effort tout à fait louable de sa part. Le gouvernement devrait d'ailleurs prendre en considération et encourager ce genre d'initiative.

Combien de voyages les parlementaires, leurs conjoints et leurs adjoints ont-ils faits en Hongrie, au Nigéria, aux Pays-Bas, en Argentine et au Zimbabwe pour élaborer les détails du projet de loi S-2?

(1100)

J'ai été invité à me rendre en Hongrie à titre de parlementaire. Je parle le hongrois. C'était une belle occasion de visiter le pays où je suis né, mais j'ai décliné l'invitation, parce qu'il n'y avait rien à retirer de ce voyage. Il y a plus à faire ici. S'ils veulent faire des affaires avec nous, qu'ils viennent.

J'espère qu'on comprendra par là que nous sommes disposés à coopérer avec d'autres pays, mais que nous avons des problèmes à régler chez nous avant d'aller régler ceux des autres à leur place. Ces pays doivent s'efforcer de trouver des solutions eux-mêmes, et cela inclut la Hongrie.

Le projet de loi S-2 est essentiellement un projet qui vise à mettre de l'ordre dans nos affaires. J'invite le gouvernement à envisager des mesures pour mettre de l'ordre dans notre régime


3319

fiscal. Il faut arrêter de prendre des demi-mesures. J'exhorte les membres du gouvernement à retrousser leurs manches et à jeter des choses par-dessus bord, à se débarrasser de programmes inutiles.

Les libéraux devraient commencer par se débarrasser de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui fait plus de 2 500 pages et instaurer un nouvel impôt proportionnel simple fondé sur l'équité et la facilité de compréhension, adapté à la taille de la famille, à l'importance des revenus et à la capacité de payer de l'impôt sur ces revenus.

C'est notre lourde fiscalité qui explique que des gens s'en vont dans des pays comme ceux mentionnés dans le projet de loi S-2 et c'est pourquoi le gouvernement doit conclure ces conventions.

Nous avons un régime de crédits d'impôt pour emploi à l'étranger. Les contribuables qui travaillent à l'étranger pendant une période prolongée ne doivent pas, croit-on, payer l'intégralité de l'impôt parce qu'ils n'utilisent pas leur pleine part des services gouvernementaux. Ce régime leur évite donc de payer 80 p. 100 de leurs impôts s'ils sont à l'extérieur du Canada pendant six mois.

Ainsi, un ingénieur qui gagnerait 70 000 $ dans ces conditions paierait à peine 7 000 $ alors que, s'il travaillait au Canada, ses impôts seraient de 23 000 $. Un expert comptable de ma circonscription, Calgary-Centre, m'a dit à ce propos que c'était un énorme incitatif. Il vaut la peine de quitter sa famille pendant la moitié de l'année et d'aller travailler en Russie ou en Hongrie pour obtenir ce complément de revenu.

Le projet de loi à l'étude est essentiellement de nature technique. Il permet une meilleure compréhension entre le Canada et les pays étrangers. Permettez-moi cependant de poser quelques questions constructives qui découlent de l'étude du projet et qui permettront, je l'espère, d'apporter des améliorations dans l'intérêt du Canada.

Le projet de loi S-2 est une bonne première étape, mais pourquoi ne signons-nous des conventions qu'avec les pays mentionnés dans le projet de loi et non avec certains pays qui s'émancipent et avec qui nous aurons des échanges commerciaux à l'avenir?

Ces conventions existent à cause de l'évasion fiscale au Canada, qui est attribuable à notre niveau d'imposition comparativement élevé. Le gouvernement est-il prêt à prévenir ce problème en ramenant nos impôts à un niveau comparable à celui des autres pays?

Est-il réaliste de s'attendre à ce que ces conventions soient efficaces quand on sait que le régime fiscal canadien est beaucoup plus complexe que celui des pays avec lesquels nous avons conclu ces conventions?

Notre niveau d'imposition élevé pousse-t-il les contribuables à se réfugier dans ces pays et est-ce pour cela que nous avons besoin des conventions? Je pense que oui.

En conclusion, j'estime qu'il faut réduire le fardeau fiscal élevé du Canada pour attirer des investisseurs et des capitaux étrangers, accroissant ainsi notre PNB.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

(1105)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé au comité.)

* * *

LE CODE CRIMINEL

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières (force nécessaire), dont un comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je dois vous faire part d'une décision du Président sur le projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières (force nécessaire).

DÉCISION DU PRÉSIDENT

La présidente suppléante (Mme Maheu): Une motion d'amendement a été inscrite au Feuilleton pour l'étape du rapport du projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières (force nécessaire).

La motion no 1 sera débattue et mise aux voix.

[Français]

MOTION D'AMENDEMENT

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert) propose:

Motion no 1
Que le projet de loi C-8 soit modifié, dans la version anglaise à l'article 1, par substitution à la ligne 30, page 2, de ce qui suit:
«grounds that the inmate or any other inmate of the».
-Madame la Présidente, l'amendement que je propose ce matin est très simple. Pas seulement parce qu'il est court et se passerait de commentaires, mais cet amendement est simple à tous égards. Il suggère de simplifier la lecture de la loi. En d'autres mots, je propose d'exprimer, en termes clairs, ce qui est clair, séparément dans chacune des deux langues officielles. Je cherche à donner à l'intention législative une forme comparable, équivalente et semblable dans ces deux versions officielles, en français et en anglais.

Je ne discute pas le fond du projet de loi sur lequel je suis en accord. Et je ne crois pas que ces amendements au Code criminel changeront l'état du droit. Ils viennent codifier les paramètres que les tribunaux ont déjà tracés autour de l'article 25 en ce qui touche l'usage de la force meurtrière par les policiers.

Je ne suis pas persuadée que tous les policiers feront mentalement le test en cinq étapes, que le projet leur impose, lorsque viendra le moment d'une décision vitale, mais je ne pense pas non plus que cette nouvelle loi bouscule bien des choses. Nos consultations dans les milieux juridiques et policiers nous ont


3320

d'ailleurs appris que ce projet de loi, dans son esprit, rencontrait l'assentiment presque général. Ce n'est pas le fond qui est discutable, mais la forme.

Ce projet de loi nous fournit l'occasion de discuter d'un sérieux problème législatif. C'est un problème de rédaction législative. Dans chacune de leurs versions officielles, depuis quelques années, les textes des lois fédérales empruntent un style particulier. Et je ne parle pas du style sous ses aspects littéraires. D'ailleurs, j'invite les membres à un examen au hasard des lois fédérales.

J'ai commenté plus tôt cette semaine, lors du débat sur le projet de loi C-7, cette nouvelle technique de rédaction ténébreuse. J'y reviendrai sûrement à une autre occasion. Qu'il suffise de dire pour le moment que la loi, surtout s'il s'agit d'une loi pénale, doit être facile à comprendre par le citoyen ordinaire.

Ce qui me préoccupe, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi C-8 auquel je propose un amendement, c'est l'absence généralisée de concordance entre le français et l'anglais dans les lois fédérales. Mon amendement, qui est très simple, vise à rendre les deux textes pareils. Pareils, pas seulement semblables, pas seulement analogues, pas seulement ressemblants, pareils.

Les lois du Canada sont en vigueur partout au pays, dans leurs deux versions, qui sont également officielles. Elles sont adoptées, imprimées et publiées dans les deux langues officielles. D'après la Loi sur les langues officielles, les deux textes ont également force de loi ou, comme dit le statut, «même valeur».

(1110)

On doit donc comprendre que si l'anglais et le français sont diamétralement contradictoires, nous devrons appliquer deux lois différentes également obligatoires. D'ailleurs, cette même loi sur les langues officielles est une illustration très réussie de ses propres dispositions contradictoires. J'invite les membres de cette Chambre à une lecture rapide de la Loi sur les langues officielles pour s'en convaincre.

En effet, au Canada, nous avons deux lois sur les langues officielles, comme nous avons généralement deux lois simultanées lorsque nous adoptons une législation particulière. Il s'agit là d'une situation sans doute unique au monde, avec laquelle il nous faut composer, semble-t-il, pour le meilleur et pour le pire.

Comme je viens de le dire, même la Loi sur les langues officielles est différente jusqu'à la contradiction entre ses deux versions officielles. Et l'article 13 de cette loi, celui-là même qui décrète que les deux textes ont même valeur, ne le dit pas dans le même sens ni au même effet en français et en anglais.

Puisque la Loi sur les langues officielles présente des rédactions officielles contradictoires, il n'est pas étonnant que l'ensemble de la législation fédérale suive le même modèle.

Ainsi, dans le texte anglais du projet de loi C-8, par l'article 25(5) amendé autorisant le recours à la force meurtrière contre un détenu qui s'évade, on peut lire que: «any of the inmate. . .poses a threath of death. . .to the peace officer or any other person. . .»

En anglais, la menace de mort provient donc de l'ensemble des détenus et s'adresse à l'agent de la paix concerné et à toute autre personne. Dans le texte français, cet agent de la paix peut utiliser la force meurtrière contre ce détenu et tout autre détenu.

On comprend que l'ensemble des détenus comprend le détenu qui s'évade. On comprend également que, malgré la différence de vocabulaire, l'agent de la paix sera justifié d'employer la force meurtrière chaque fois qu'il est menacé par un détenu lors d'une tentative d'évasion.

Mais pourquoi faut-il le dire de façon différente en français et en anglais? Pourquoi faut-il à tout prix compliquer les choses au point de risquer la confusion? Any of the inmate, ce n'est pas «ce détenu et tout autre détenu». Qu'on dise clairement «un détenu» pour traduire any of the inmate, ou qu'on dise this inmate and any of the inmate pour correspondre à «ce détenu ou tout autre détenu». Mais qu'on arrête de compliquer ce qui est simple.

Voilà l'objet de mon amendement. Comme je l'ai dit, il est simple et vise la simplicité et j'ajouterais la clarté et l'équivalence entre les deux versions officielles.

[Traduction]

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice): Madame la Présidente, la députée de Saint-Hubert propose qu'on modifie la version anglaise du projet de loi C-8 pour qu'elle se rapproche davantage de la version française.

La rédaction des mesures législatives se fait parallèlement en anglais et en français. Chaque version officielle respecte et reflète le génie et l'esprit de chaque langue. Aucune des versions n'est la traduction littérale de l'autre, et ce n'est pas là l'intention du rédacteur. Par conséquent, des incohérences de forme sont inévitables.

Le libellé de l'article 1 et d'autres articles est censé être rédigé, dans la mesure du possible, en termes simples. Le libellé des versions française et anglaise sert à exprimer l'intention du projet de loi avec toute la clarté et toute la précision possibles, conformément aux règles grammaticales et pour éviter les répétitions inutiles et la surabondance de termes.

(1115)

L'expression «any of the inmates», utilisée à la ligne 30, est courte, claire et facile à comprendre. Ajouter des mots supplémentaires anglais, comme le propose la députée, uniquement pour obtenir une traduction anglaise littérale du français, n'ajoute rien d'important et ne fait que compliquer la version anglaise actuelle, qui est rédigée en termes simples. Par conséquent, on ne peut pas appuyer cette motion.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.


3321

La présidente suppléante (Mme Maheu): La question porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les non l'emportent. Je déclare la motion rejetée.

(La motion no 1 est rejetée.)

L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse)) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission de la Chambre, maintenant?

M. Gagliano: Madame la Présidente, les trois partis se sont entendus pour que nous passions maintenant à la troisième lecture.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Mme Ethel Blondin-Andrew propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-8 qui, je l'espère, recevra l'appui de tous les partis représentés à la Chambre.

Le projet de loi représente un progrès marquant par rapport à la règle anachronique relative aux criminels en fuite. Il préserve, en outre, le pouvoir des agents de la paix de se protéger eux-mêmes et de protéger le public contre un risque grave de lésions corporelles graves ou de mort. Il assure également un équilibre entre le pouvoir des agents de la paix de préserver la sûreté et la sécurité du public et le respect des droits des Canadiens.

Je signale aux députés que le projet de loi C-8 a reçu l'appui de l'Association canadienne des chefs de police et de l'Association canadienne des policiers. L'Association canadienne des chefs de police estime que le projet de loi C-8 répond à un besoin de changement puisqu'il donne aux agents de la paix les moyens nécessaires de faire leur travail dans les situations dangereuses, tout en leur imposant, lorsqu'ils utilisent contre des suspects en fuite une force susceptible d'entraîner la mort, la responsabilité de le faire dans les seules circonstances prévues par le nouveau paragraphe 25(4) proposé du Code criminel.

L'Association canadienne des policiers juge le projet de loi pondéré et conforme aux pratiques courantes des services de police. L'association estime que le projet de loi met un terme à l'incertitude qu'a engendrée une décision d'un tribunal de l'Ontario qui avait statué que le paragraphe actuel était inconstitutionnel.

(1120)

L'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne des policiers se disent satisfaites du libellé du nouveau paragraphe 25(4) proposé.

Le projet de loi C-8 s'intéresse également aux situations où des agents de la paix de pénitenciers fédéraux emploient la force pour empêcher des détenus pouvant être dangereux de s'évader d'un pénitencier.

L'adjonction au Code criminel du paragraphe 25(5) contenu dans le projet de loi C-8 assure un juste équilibre entre les droits de la personne et les besoins de la collectivité. Il préserve, en outre, l'autorité dont les agents de la paix des pénitenciers ont besoin pour assurer la protection de la société.

Enfin, cette mesure législative modifie la Loi sur la protection des pêches côtières en autorisant les gardes-pêche à employer la force pour désemparer un bateau de pêche étranger en fuite ou pour procéder à l'arrestation du capitaine du navire. L'article modificatif fait en sorte que le ministère des Pêches et des Océans pourra continuer d'utiliser ce moyen de dissuasion pour empêcher les navires étrangers de pêcher illégalement à l'intérieur des zones de pêche du Canada.

Le projet de loi accorde également l'autorisation de fixer par règlement les procédures régissant l'emploi de la force de neutralisation.

Le gouvernement entend établir des règlements qui soient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés et aux pratiques internationales reconnues et raisonnables en ce qui concerne l'emploi de la force de neutralisation en mer.

Le gouvernement entend surtout faire en sorte que seul le niveau minimum de force nécessaire soit employé pour procéder à une arrestation.

J'espère que les députés appuieront le projet de loi.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford): J'aimerais présenter la position de l'opposition officielle face au projet de loi C-8, modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières.

Premièrement, ce projet de loi modifie le paragraphe 25(4) du Code criminel, qui régit le degré de force que les agents de la paix sont justifiés d'utiliser pour appréhender un suspect en fuite ou un détenu qui tente de s'évader d'un pénitencier.


3322

Deuxièmement, le projet de loi C-8 modifie aussi la Loi sur la protection des pêches côtières pour autoriser explicitement l'emploi de la force pour désemparer un bateau de pêche étranger, dont le capitaine tenterait d'éviter d'être arrêté.

Comme on le sait sûrement, ce projet de loi de vaste portée suscite la controverse au Canada depuis un certain nombre d'années.

Je vais d'abord commencer par le premier volet du projet de loi. La question de l'emploi de la force par la police dans l'arrestation des suspects en fuite fait intervenir un certain nombre d'intérêts sociaux.

Manifestement, les intérêts de l'exécution de la loi sont en jeu. Le public a besoin de ce que le droit pénal soit appliqué et que les contrevenants soient arrêtés et traduits devant la justice.

Je conviens qu'il faut donner à la police les moyens de faire son travail, de se protéger et de protéger les autres. Cependant, l'exécution de la loi va bien au-delà du seul travail policier. Il est un principe fondamental voulant qu'il revienne à l'appareil judiciaire de juger les prévenus et d'imposer des peines aux coupables.

Lorsque l'intervention de la police entraîne la mort d'un suspect, comme cela arrive à l'occasion, on circonvient ce processus, et ce, au détriment de l'ensemble de la société.

(1125)

Cela peut également aller à l'encontre du souhait de la société de réduire globalement l'emploi de la force par la police.

Lorsqu'on peut recourir efficacement à des techniques policières moins violentes ou importunes, il est dans l'intérêt de la société de le faire. Il faut, je crois, aussi penser à la possibilité toujours présente que l'on confonde une personne innocente avec un suspect en fuite, et que cette personne soit blessée ou tuée.

Le public a également intérêt à assurer sa propre sécurité. On peut imaginer, à cet égard, deux types de situations. D'un côté, lorsque des criminels dangereux échappent à une arrestation, cela peut présenter des risques pour la population en général.

Dans ce cas, il peut être justifié de risquer de blesser gravement le contrevenant, compte tenu de la probabilité encore plus grande que la société ait à pâtir gravement de sa fuite.

D'un autre côté, lorsque le contrevenant ne représente pas un danger pour le public ou très peu, il peut être plus dangereux pour le public que la police cherche à l'appréhender par des moyens violents, par exemple en tirant des coups de feu en l'air, ou en visant un véhicule en fuite, plutôt que de recourir à des moyens moins violents, au risque de laisser échapper le suspect.

Un autre type d'intérêt public entre de plus en plus en jeu ces dernière années, en partie à la suite d'allégations de mauvais traitement des minorités visibles par la police.

Lorsque les gens ont l'impression que la police traite différemment les suspects appartenant à une minorité visible, cela crée parfois de très grandes tensions sociales.

La société a donc tout intérêt à réduire l'emploi de la force, pour éviter de provoquer la colère des minorités et mettre le feu aux poudres.

Ainsi, nous sommes d'accord sur le projet de loi qui clarifie les critères gouvernant l'usage de la force par les agents de la paix contre les suspects en fuite, ce qui confirme la pratique des dernières années.

Néanmoins, l'article 25(4), par l'utilisation de l'expression «imminente ou future», ouvre la porte à des abus.

Nous aurions souhaité que le gouvernement précise cette expression, qui nous paraît quelque peu ambiguë.

La deuxième partie de mon intervention porte sur la modification apportée à la Loi sur la protection des pêches côtières. En effet, le Code criminel permet à l'agent de la paix de recourir à la force pour arrêter un fuyard.

Nous acceptons le principe dans le cadre du code criminel, mais nous considérons que cette approche est peu adaptée au contexte des pêches.

À notre avis, il y a une disproportion énorme entre les volets du projet de loi C-8 et la portée des mesures ci-afférentes.

La situation est tendue dans le milieu des pêches et le recours à la force pour désemparer un bateau étranger pourrait susciter une escalade de violence.

De plus, la loi n'autorise pas le recours à la force nécessaire pour désemparer un bateau canadien, puisque d'autres mesures existent pour retracer les contrevenants en territoire canadien. Cette situation est l'abnégation propre du but recherché.

Le recours à la force pour tenter de désemparer un navire n'est pas le moyen le plus efficace pour mettre fin à des pratiques de surpêches étrangères. Par le passé, le recours à des tirs dissuasifs n'a pas permis d'arraisonner les bateaux étrangers en faute.

(1130)

Par conséquent, les gardes-pêche pourraient être tentés de recourir à une force plus solide, ce qui risque de provoquer une escalade de violence.

L'objectif de montrer à la communauté internationale la détermination du Canada de mettre un terme aux pratiques illégales est louable. Cela comporte toutefois des risques, alors que le problème de la pêche illégale n'est pas résolu à la source.

On ne pourra arrêter les pratiques illégales de pêche sans le concours des autres pays. Il faudrait poursuivre les efforts de négociations avec la communauté internationale, puisque le Canada ne peut légiférer dans une zone internationale, comme nous le savons tous ici. Par conséquent, la négociation devient la seule avenue possible.

Madame la Présidente, par des ententes bilatérales ou multilatérales, il est possible d'obtenir l'appui des gouvernements étrangers pour sanctionner des armateurs qui se risqueraient à pratiquer une pêche illégale en territoire canadien. Les sanctions doivent être dissuasives afin de décourager les contrevenants.

Bien que ces cas soient rares, nous pouvons y mettre un terme sans risquer de mettre la vie de l'équipage en danger. Désemparer un bateau en haute mer n'est pas si simple que cela.


3323

Alors que nous avons tous les moyens nécessaires pour identifier les contrevenants, le gouvernement doit plutôt miser sur la collaboration des autres gouvernements. La modification apportée à la Loi sur la protection des pêches ne donne aucun pouvoir au gouvernement canadien pour intervenir en zone internationale, là où les ententes ne sont pas respectées. L'unique façon de régler le problème à la source est de mettre en place avec les pays concernés les mesures de sanction appropriées.

Par ailleurs, l'adjonction de l'article 8.1 risque d'encourager le ministères des Pêches et des Océans à équiper davantage ses bateaux pour qu'ils détiennent une force de frappe susceptible d'intimider les bateaux étrangers. Ces investissements ne sont pas prioritaires, compte tenu des besoins criants de l'industrie des pêches.

Sans vouloir m'attarder davantage, je voudrais souligner que l'expression «désemparer» un bateau doit être mieux définie et la réglementation doit encadrer le recours à la force pour éviter tout risque d'abus.

Je souhaite que le gouvernement tienne compte de ces remarques. Le recours à la force comporte des risques qui ne peuvent être pris à la légère.

[Traduction]

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Madame la Présidente, le Partie réformiste appuie le projet de loi C-8. Nous reconnaissons que nous avions des réserves au sujet de cette mesure qui, de prime abord, semblait se limiter à la discrétion de la police dans l'exécution d'une tâche difficile. On aurait dit que ce projet de loi n'autorisait l'emploi de la force que dans le cas des criminels en fuite. Cependant, après avoir entendu les témoignages des particuliers et des groupes à l'étape de l'étude en comité, nous sommes convaincus que la mesure répond de façon satisfaisante aux points qui n'avaient pas été réglés dans le débat ayant trait à la Charte et à la décision rendue dans l'affaire Lines.

Ce projet de loi clarifie également l'emploi d'une force susceptible de causer la mort contre des prisonniers qui tentent de s'évader de pénitenciers à sécurité moyenne ou à sécurité maximale. De plus, il autorise l'utilisation de la force pour désemparer les navires étrangers qui fuient devant les autorités canadiennes.

Ce projet de loi est l'aboutissement d'un processus amorcé en 1979 par le comité Ouimet. En 1989, des groupes d'étude sur les relations entre la police et les minorités raciales en Ontario avaient fait des observations à ce sujet. Au fil des ans, la Commission de réforme du droit avait exprimé des réserves et, en avril 1993, la question avait été tranchée, dans l'affaire Lines, par les tribunaux en Ontario qui avaient déclaré inconstitutionnels les articles actuels du Code criminel.

Le projet de loi rejoint la position des tribunaux et l'approche adoptée dans les manuels de formation des policiers. Nous nous disions que les agents de la paix qui travaillent sur le terrain n'avaient pas été suffisamment consultés et nous le croyons toujours. Même s'il semble fondamentalement valable, ce projet de loi n'en reste pas moins l'oeuvre des autorités supérieures.

(1135)

Il est intéressant de noter que les défenseurs des droits des prisonniers et des libertés civiles qui ont comparu devant le comité se sont opposés à ce projet de loi. Ils veulent que les pouvoirs des agents de la paix soient beaucoup plus limités qu'ils ne le sont ici. Il est également intéressant de noter que les députés du Bloc se sont beaucoup préoccupés des dispositions relatives aux navires étrangers en fuite. C'est peut-être parce qu'ils estiment qu'ils seront eux-mêmes considérés, un jour, comme des navires étrangers qui fuient devant les autorités canadiennes s'ils contestent la souveraineté dans les eaux en litige. On pouvait clairement sentir, derrière tout cela, l'idée de la séparation.

Ce projet de loi, qui autorise les agents de la paix à employer la force contre des criminels en fuite, des prisonniers qui tentent de s'évader ou des navires étrangers qui s'enfuient, fait avant tout appel au sens des proportions. Nous espérons qu'il donnera lieu à un juste équilibre. D'une part, les agents de la paix doivent avoir les pouvoirs nécessaires pour s'acquitter de leur mandat, mais, d'autre part, les droits des particuliers doivent être protégés.

Pour terminer, je voudrais dire une chose au gouvernement, pour le réveiller un peu. Nous allons voter en faveur de ce projet de loi que nous considérons comme une mesure d'ordre administratif. Cependant, nous espérons que le ministre de la Justice proposera bientôt plus que des promesses pour resserrer le système de justice pénale, car force est de constater que, dans beaucoup d'autres secteurs, on a perdu tout sens de la mesure.

Les gens demandent au gouvernement de prendre des mesures pour resserrer son programme de justice qu'ils considèrent trop indulgent.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre a entendu le libellé de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

SUSPENSION DE LA SÉANCE

M. Gagliano Madame la Présidente, à la suite de certaines discussions, je pense que vous obtiendrez le consentement unanime pour qu'on suspende les travaux de la Chambre jusqu'à 14 heures.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La séance est donc suspendue jusqu'à 14 heures.

3324

(La séance est suspendue à 11 h 37.)

_______________

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 14 heures.


3324

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'AVORTEMENT

Mme Roseanne Skoke (Central Nova): Monsieur le Président, la vie commence dès la conception et se prolonge jusqu'à la mort naturelle. On a demandé au Parlement d'exercer son pouvoir, son autorité et sa compétence afin de promulguer une loi visant à protéger et à sauvegarder les droits et la vie de l'enfant dans le ventre de sa mère.

Il faut se rappeler que le préambule de la Constitution canadienne et notre Charte des droits reconnaissent la suprématie de Dieu. Pourtant, une nation, comme la nôtre, qui tolère, facilite et finance l'avortement est une nation sans conscience, une nation païenne.

Promulguez dès maintenant une loi afin de garantir le droit à la vie à toutes les étapes, depuis la conception jusqu'à la mort naturelle.

* * *

[Français]

L'AIDE EXTÉRIEURE

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, il y a quelques jours, on apprenait que de violents incendies sévissent dans l'île Isabela, dans l'archipel des Galapagos. Le feu menace des espèces rares de plantes et de fleurs, ainsi que les aires de reproduction des tortues géantes. L'Équateur n'a pas les équipements nécessaires pour pouvoir maîtriser ces incendies qui risquent de ravager un des plus importants patrimoines naturels du monde.

Les autorités gouvernementales de l'Équateur crient au secours et espèrent que l'aide internationale viendra rapidement, en demandant notamment au Canada de mobiliser ses avions-citernes Canadair, seul moyen pour mettre fin au sinistre, selon l'avis de tous les spécialistes.

Nous demandons au gouvernement de répondre positivement à l'appel lancé par le gouvernement équatorien et de faire parvenir sur-le-champ des avions-citernes afin de préserver cette faune et cette flore exceptionnelles du feu dévastateur.

* * *

[Traduction]

LE SERVICE POSTAL À WARFIELD

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, les habitants du village de Warfield sont très fiers de leur communauté.

Warfield possède un conseil de village, un corps de sapeurs-pompiers volontaires, une salle communautaire, une piscine, des locaux où sont dispensés des cours de la maternelle à la septième année, ainsi que divers magasins et services pour répondre aux besoins de ses citoyens. De plus, Warfield organise un défilé annuel consacré aux sports familiaux, qui aura lieu le 11 juin, cette année.

Bref, le village de Warfield a tout ce qu'il faut pour justifier sa fierté civique, à l'exception d'une chose. Ce qu'il lui manque, c'est une adresse. Tout le courrier à destination de Warfield est adressé à Trail, la ville voisine.

Les gens de Warfield veulent avoir leurs propres codes postaux. Cela ne nécessiterait aucun changement ni dépenses. Il suffirait que Postes Canada reconnaisse que les citoyens de Warfield ont droit à la mention de leur nom sur leur courrier.

En terminant, je tiens à préciser que les gens de Warfield ne demandent pas un bureau de poste ou un meilleur service, mais seulement qu'on les appelle par leur nom.

* * *

LA FONDATION EVERGREEN

M. Bill Graham (Rosedale): Monsieur le Président, c'est la Semaine de la Terre et, au nom d'une organisation très active dans la circonscription de Rosedale que je représente, je voudrais faire part à la Chambre d'une importante initiative dans le domaine de l'éducation environnementale.

Le Programme de naturalisation des terrains scolaires est un programme national mis en place par la Fondation Evergreen et qui vise à transformer les terrains scolaires en salles de classe en plein air où l'on apprend à valoriser l'environnement par l'expérience pratique. De nombreuses écoles au Canada ont un aménagement paysagé en asphalte et des cours de récréation en béton, avec une clôture tout le tour. On dirait plus des parcs de stationnement ou des prisons que des écoles.

Ces terrains présentent bien peu d'intérêt sur le plan de l'éducation, offrent peu d'avantages communautaires et n'apportent rien sur le plan de l'environnement et sur celui de la santé. Il faut leur ajouter des aires naturelles pour mieux sensibiliser les élèves à l'environnement.

Nous devons prendre conscience de l'importance que peut représenter pour nos enfants la création d'un cadre plus propice à l'apprentissage, en les rapprochant de la nature, et la transformation des terrains scolaires pour en faire non pas de tristes étendues de béton, mais des aires naturelles qui mettront quotidiennement les élèves en contact avec la nature et qui auront une valeur sur le plan éducatif.

C'est ce que fait le programme de la Fondation Evergreen. J'invite les députés à appuyer cette initiative dans leur circonscription.

* * *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton): Monsieur le Président, un petit nombre de gens dans notre pays souffrent de la maladie environnementale, la maladie du XXe siècle.

C'est une maladie causée, pense-t-on, par le travail en milieu contaminé ou dans des régions où l'eau et l'air ont été contaminés. Nous savons que les médecins et les scientifiques ont beaucoup de mal à définir les causes exactes de cette maladie.


3325

En 1990, le Laboratoire de lutte contre la maladie de Santé Canada a recommandé que les hypersensibilités environnementales soient examinées une à une pour que l'on reconnaisse les aspects invalidants de cette condition et que l'on fasse preuve de compassion à l'égard des personnes qui en souffrent.

Quatre ans après cette recommandation, des personnes comme Susan Andersen, de Calgary, se trouvent forcées d'aller à Dallas, au Texas, pour se faire traiter dans des centres médicaux spéciaux.

Malheureusement, notre système de soins de santé n'offre pas d'aide financière à ces personnes, bien qu'il n'existe pas de centres de traitement au Canada.

Je demande à la ministre de la Santé et à ses homologues provinciaux de trouver une solution afin de faire bénéficier les Canadiens d'un système de soins de santé vraiment universel et, ainsi que l'a recommandé le ministère de la Santé, de faire preuve à l'égard des personnes affectées et de leurs familles de la compassion à laquelle elles ont droit dans un pays qui se targue d'avoir un système de soins de santé universel.

* * *

[Français]

LE BÉNÉVOLAT

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, le bénévolat est une tradition bien ancrée au Canada. En cette période, où les ressources humaines et financières sont limitées, les bénévoles sont encore plus un élément indispensable dans notre société canadienne.

(1405)

À l'occasion de la Semaine nationale du bénévolat, j'aimerais souligner l'apport inestimable des organismes comme Centraide Montréal. C'est grâce à Centraide que plusieurs organismes bénévoles peuvent s'épanouir et continuer à rendre service aux plus démunis de notre société.

[Traduction]

Je profite de l'occasion pour féliciter tous les bénévoles de ma circonscription, Saint-Denis. Des organisations comme Les Femmes d'ici et d'ailleurs, l'organisation des jeunes de Parc Extension, Moisson Montréal, la Maison des grands-parents de Villeray, pour n'en nommer que quelques-unes, ont favorisé l'établissement d'un sens du partage et du souci d'autrui dans la collectivité de Saint-Denis.

Je prie mes collègues d'aider et de soutenir les bénévoles de leur circonscription et de les encourager à poursuivre les efforts qu'ils font pour aider ceux qui sont dans le besoin.

* * *

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jean H. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois sont de plus en plus inquiets devant la vague d'intolérance linguistique que font déferler leurs collègues des autres partis. Des députés tant réformistes que libéraux ont présenté des pétitions réclamant qu'on mette un terme au bilinguisme officiel.

Je suis choqué et même consterné d'entendre les membres du Parti libéral du Canada tenir constamment ce genre de propos contradictoires. On ne peut parler que d'hypocrisie pour décrire leur attitude. Ils disent une chose à leurs électeurs et une autre quand ils s'adressent à la Chambre.

Les députés du Bloc québécois n'approuvent pas ces pétitions qui témoignent de l'intolérance et de l'étroitesse d'esprit des signataires.

Le Bloc québécois est-il le dernier parti politique à défendre l'usage des deux langues officielles dans les institutions fédérales? Est-ce là le nouveau Canada? Les libéraux n'ont-ils pas honte?

* * *

LE DÉCÈS DE M. FRANK A. GRIFFITHS

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui rendre hommage au regretté Frank A. Griffiths, qui est né le 17 décembre 1916 et qui nous a quittés le 7 avril dernier, à 77 ans. Lui survivent sa femme Emily, deux fils, deux filles et 15 petits-enfants.

Comptable de formation, il est devenu chef d'entreprise en Colombie-Britannique. Il a établi un réseau de stations de radio et de télévision, notamment le poste CKNW dans ma circonscription, le plus écouté en Colombie-Britannique. La Western International Communications Company regroupe BCTV, 11 stations de radio, deux réseaux, et Satellite Communications. Frank Griffiths avait aussi acheté les Canucks de Vancouver, en 1974. Devenu vice-président de la LNH, il a été reçu au Temple de la renommée du hockey.

M. Griffiths a aussi travaillé auprès d'organismes de bienfaisance et s'est vu décerner plusieurs distinctions. Ses entreprises avaient leurs propres oeuvres de charité, comme le fonds pour les orphelins de CKNW, le téléthon Variety Club de BCTV et la fondation Canuck.

M. Griffiths était un bâtisseur, un habitant de la Colombie-Britannique qui a inspiré ses concitoyens par son exemple et a contribué à faire de sa collectivité un milieu plus chaleureux pour nous tous.

* * *

SKOPJE

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, l'action intentée par l'Union européenne devant la Cour européenne de justice contre le gouvernement grec qui refuse que l'ancienne république yougoslave de Skopje s'approprie le nom et les symboles de la Macédoine grecque ne prend pas en considération le fait que les pays membres de l'Union européenne ont eux-mêmes contribué aux problèmes en reconnaissant prématurément la République de Skopje en dépit du droit international régissant la reconnaissance de nouveaux États.


3326

LA CIRCONSCRIPTION DE FUNDY-ROYAL

M. Paul Zed (Fundy-Royal): Monsieur le Président, je voudrais féliciter trois athlètes universitaires de ma circonscription pour ce qu'ils ont accompli.

John Ryan, de Sussex, au Nouveau-Brunswick, a été nommé le meilleur athlète masculin de l'année au University College of Cape Breton. Dennis Lackie, de Smith Creek, a été élu le joueur le plus utile de l'équipe de soccer de la St. Thomas University. David Haley, de Sussex Corner, a été élu meilleur attrapeur de rebonds de l'équipe masculine de basket-ball de la St. Thomas University.

Je voudrais me joindre à leur famille, leurs amis et leurs admirateurs pour saluer le succès de ces jeunes athlètes. Leur dévouement et leur travail d'équipe en font des modèles pour tous les jeunes de Fundy-Royal. Au nom des habitants de la circonscription, je leur souhaite le succès dans leurs futures entreprises.

* * *

LES ARTS DE LA SCÈNE

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour saluer deux troupes de théâtre de ma circonscription d'Oxford. Le Woodstock Little Theatre a récemment gagné le Festival de la ligue dramatique de l'ouest de l'Ontario, à London. Un autre des principaux concurrents lors de cet événement était l'Ingersoll Theatre of the Performing Arts.

Les deux troupes ont fait une bonne présentation et la pièce de la première va maintenant être présentée aux championnats provinciaux qui auront lieu en mai à Cambridge, en Ontario.

Étant moi-même un acteur amateur, je sais par expérience le travail qu'exige une production. Il y a toujours beaucoup de gens en coulisse qui font un travail énorme sans recevoir les applaudissements et sans avoir la notoriété des acteurs. Tous ensemble, ces gens qui travaillent dans l'ombre contribuent à apporter des spectacles à des auditoires enthousiastes de nombreuses villes du pays. Nous nous devons de les applaudir.

* * *

(1410)

[Français]

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE
DU CANADA

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, hier, l'Alliance de la fonction publique du Canada a accepté à la quasi-unanimité la création d'un conseil régional pour le Québec. Il faut féliciter la vision et le courage de ce syndicat d'envergure pancanadienne qui, contrairement aux partis politiques traditionnels, a su reconnaître la spécificité du Québec.

De plus, le Bloc québécois félicite le courage de l'Alliance qui a décidé démocratiquement de s'adapter dès maintenant aux changements incontournables que connaîtront les structures politiques du Canada et du Québec dans un proche avenir.

Les événements d'hier confirment que le syndicalisme, quand il est près de sa base, est un puissant instrument de changement et de restructuration de la réalité pour l'adapter aux aspirations de la population.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, notre système de détermination du statut de réfugié ne répond plus aux besoins et le ministre de l'Immigration ne fait absolument rien à ce sujet.

Notre système, avec ses nombreux niveaux et ses échappatoires dangereuses, ne permet pas de distinguer entre les réfugiés véritables et les autres. Selon les Nations Unies, 60 p. 100 des gens que nous recevons seraient de faux réfugiés. Des revendications du statut de réfugié sont entendues dans des prisons canadiennes. Des milliers de réfugiés véritables sont forcés de languir dans des camps alors que des migrants économiques entrent au Canada furtivement.

Cette situation permet aux avocats de s'enrichir. Le Canada consacre plus d'argent à l'aide juridique qu'il accorde aux immigrants qu'aux programmes d'aide aux réfugiés à l'étranger.

Malgré l'échec de notre système, notre ministre de l'Immigration se rend en Europe pour dire aux Européens comment administrer leur politique concernant les réfugiés. Le ministre refuse de signer un traité avec les États-Unis afin d'endiguer le flot de faux réfugiés.

J'exhorte le ministre à annuler son prochain voyage en Europe, à ne plus essayer de convaincre les États-Unis d'adopter notre politique sur les réfugiés, et à commencer à corriger les lacunes de notre système.

* * *

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE

Mme Sue Barnes (London-Ouest): Monsieur le Président, en cette Semaine nationale de l'action bénévole, je félicite les bénévoles de nos collectivités pour leur contribution essentielle.

Le travail bénévole profite aux deux parties. Il permet l'épanouissement des bénévoles, qui s'acquittent de nombreuses tâches qui ne seraient pas effectuées autrement. La participation des bénévoles dans notre société renforce le tissu social de nos collectivités.

Plus de 13 millions de Canadiens font du bénévolat, seuls ou pour le compte d'un organisme. Les Canadiens donnent plus de un milliard d'heures de leur temps à des organismes bénévoles, ce qui représente 617 000 emplois à temps plein. Si on traduit ces chiffres en dollars de 1990, la valeur collective de ce travail est de 13,2 milliards de dollars annuellement.

Il est important de remercier ces personnes dévouées qui enrichissent et servent notre pays en partageant généreusement leur temps et leurs talents.

3327

Bravo, chers concitoyens.

* * *

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

M. Wayne Easter (Malpèque): Monsieur le Président, j'ai été choqué hier soir d'entendre le sénateur américain Kent Conrad proposer, lors d'une audience tenue aux États-Unis, de pointer des missiles Minuteman vers le Canada pour nous dissuader de prendre certaines de nos initiatives commerciales; cela m'a vraiment rendu furieux.

Cette attitude et ces paroles menaçantes de la part du sénateur et de certains de ses collègues américains sont à la fois déplacées et sans fondement. Le fait est qu'à quatre reprises, on a jugé que le Canada ne menait pas de concurrence déloyale. C'est ce qu'ont conclu le General Accounting Office des États-Unis, ainsi que la Commission américaine du commerce international, et on est parvenu à la même conclusion aux termes de l'accord commercial Canada-États-Unis et plus récemment, dans le cadre d'une vérification internationale.

Le sénateur Conrad devrait se regarder dans le miroir et voir où réside le véritable problème, à savoir le recours au programme de subventions aux exportations. Les Américains subventionnent les prix sur le marché international et épuisent ainsi leurs stocks, ce qui nous permet naturellement, à ce moment-là, de façon tout à fait loyale, d'écouler nos produits sur leur marché.

Le sénateur Conrad devrait se raviser et réorienter sa politique.

* * *

L'ENVIRONNEMENT

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, demain, le 22 avril, est désigné Journée de la Terre et, même si les spécialistes des sondages soutiennent que les problèmes écologiques inquiètent profondément huit Canadiens sur dix, le programme actuel de la politique gouvernementale néglige complètement ces problèmes au profit de ceux qui concernent l'économie, la dette et le déficit, les programmes sociaux et le chômage.

Or, la gravité de ces problèmes ne souffre pas la comparaison avec l'importance à long terme d'un environnement sain et durable.

(1415)

Il est temps de reconnaître que le déficit fédéral n'est pas la seule menace pour les futures générations de Canadiens. Si, par notre faute, la terre ne peut plus assurer notre mode de vie, il y aura sûrement moins d'emplois ou de programmes sociaux et les problèmes économiques qui retiennent actuellement l'attention des décideurs deviendront vraiment insignifiants.

En cette Journée de la Terre, les Canadiens qui se préoccupent de l'environnement vont donc insister pour que cette question reste un objectif prioritaire de la politique du gouvernement. Ce n'est qu'en revenant constamment sur cette question qu'elle restera au haut de la liste des priorités du gouvernement.

LA DÉMOCRATIE DIRECTE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, la ville de Rossland, en Colombie-Britannique, a mis en pratique la démocratie directe grâce aux initiatives de ses habitants.

Rossland s'est dotée d'une constitution autorisant les contribuables à remettre en question les décisions du conseil municipal. Cela a stimulé la participation des membres de la collectivité, protégé la gestion publique contre les groupes d'intérêts et permis aux contribuables de faire des économies. Fait étonnant, cette façon de fonctionner n'a entraîné aucune décision irresponsable.

Il y a cent cinquante ans, les politiciens se sont demandé publiquement si les gens ordinaires pouvaient voter. Il y a cent ans, ils se sont demandé si les femmes devaient avoir le droit de suffrage.

Aujourd'hui, certains politiciens se posent la question suivante: Peut-on se fier au Canadien ordinaire pour prendre des décisions entre les élections? L'histoire et l'expérience de Rossland confirment qu'il faut répondre catégoriquement par l'affirmative.

Mettons de côté nos programmes politiques particuliers et suivons le programme des Canadiens, en les laissant remettre les lois fédérales en question, voire en proposer de nouvelles.

_____________________________________________


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QUESTIONS ORALES

[Français]

LA RÉFORME DES PROGRAMMES SOCIAUX

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, le premier ministre a confié hier soir à un auditoire de Toronto ce qu'il pense des chômeurs et des bénéficiaires de l'aide sociale. Pour lui, ce sont des gens improductifs, et je cite: «qui restent assis chez eux à prendre de la bière». Ainsi a parlé le chef du gouvernement de ceux qui vivent le drame de l'insécurité, du rejet de leur milieu de travail et qui désespèrent de trouver un emploi malgré les efforts qu'ils font. Ces propos sont inadmissibles de la part de quiconque. Ils le sont encore plus de la part d'un premier ministre.

Je demande au premier ministre, qui vient de discréditer ceux qui souffrent le plus au Canada et au Québec, de retirer ses insultes et de présenter ici, maintenant, en cette Chambre, des excuses claires et nettes aux démunis qu'il a ainsi offensés.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si le chef de l'opposition veut regarder tout ce que j'ai dit, j'ai dit que les gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale et d'assurance-chômage n'ont qu'un seul désir, c'est de retrouver la dignité du travail. Ils ne veulent pas rester à ne rien faire. Peut-être que j'ai employé un mot que je n'aurais pas dû utiliser, mais j'ai dit, et cela a été le thème de notre campagne électorale, «la dignité du travail». J'ai dit qu'il y a des gens qui sont chez eux et qui ne travaillent pas, j'aurais pu employer une autre expression. Si cela a offensé des gens, je m'en excuse. Ce que j'ai voulu dire et ce que j'ai toujours répété, aussi bien durant la campagne électorale que quand je me promène dans le pays à l'heure actuelle, c'est que les gens veulent que tous les gouvernements et tous les députés de cette Chambre travaillent à créer des


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emplois. Ils sont fatigués des querelles de politiciens. Plutôt que de s'occuper des vrais problèmes tels que de redonner la dignité et du travail à tout le monde, on parle d'indépendance, de séparation, de problèmes constitutionnels, alors que les gens veulent avoir du travail. Ce que ces gens-là veulent, c'est travailler. Si j'ai offensé des gens, je m'en excuse. L'honorable député aurait dû lire tout le discours. C'est la réflexion de notre programme, la dignité des citoyens et le travail d'abord.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ce n'est pas un mot qui est tombé par accident de la bouche du premier ministre parce qu'il a aussi dit qu'il voulait briser la mentalité actuelle des chômeurs.

Je pense que le premier ministre se serait grandi s'il avait simplement fait des excuses pures et simples aujourd'hui; on aurait tourné la page et on aurait parlé d'autre chose.

Comment peut-il refuser de remplir ce devoir d'excuses et de retrait de ses propos, lui qui, en campagne électorale, promettait justement aux démunis et aux sans-emploi de redonner espoir et dignité à leur vie personnelle? En les qualifiant aujourd'hui de buveurs de bière, c'est du mépris et des préjugés.

(1420)

Qui va s'étonner maintenant de l'acharnement et de l'insensibilité que ce gouvernement met dans l'attaque aux programmes sociaux, ce par quoi le premier ministre justement, monsieur le Président, veut briser la mentalité des chômeurs?

Quel message est aussi lancé aux employeurs éventuels qui pourraient engager ces chômeurs, quand on leur dit maintenant qu'ils sont des fainéants?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Si l'honorable chef de l'opposition avait lu le texte ou avait été là, il aurait su que j'ai dit que les travailleurs du Canada sont les meilleurs; j'ai dit que les Canadiens sont ceux qui dépensent le plus pour former les gens et leur donner le soutien d'une éducation universitaire; nous dépensons plus que tous les autres pays du monde occidental pour l'éducation. J'ai parlé tout à fait positivement et j'ai dit que j'étais une personne optimiste, qui avait confiance dans les travailleurs canadiens et qui avait confiance en l'avenir du Canada.

Seulement, nous travaillons dans des circonstances difficiles. Alors qu'on veut faire des choses concrètes pour faire avancer le pays, on a droit à une opposition qui s'applique à détruire ce même pays, qui pourrait donner des garanties à long terme à tous les travailleurs du Canada.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je voudrais rappeler au premier ministre que ce ne sont pas nous qui avons dit que les chômeurs étaient des gens assis chez eux à prendre de la bière, et que la séparation n'est pas en cause, ici. C'est un débat où la souveraineté n'est pas en cause, mais où le respect des gens, par exemple, l'est. Au-delà des projets collectifs, il y a la dignité et le respect qu'on doit aux gens qui souffrent.

Car, plutôt que de chercher aussi à conscrire les éditeurs de journaux dans sa croisade contre les démunis, le premier ministre aurait dû, je crois, et aujourd'hui je le lui demande: Est-ce qu'il reconnaît qu'il aurait dû plutôt leur présenter un véritable programme de relance de l'emploi pour vraiment, cette fois-ci, redonner espoir et dignité aux chômeurs et à ceux qui sont démunis?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est exactement ce que nous tentons de faire. Nous voulons apporter les changements qui s'imposent à l'heure actuelle au Canada et redonner aux Canadiens la dignité que procure un emploi.

Le chef de l'opposition parle de secteurs de compétence et de Constitution et ne se soucie guère des véritables problèmes que vivent ceux qui se cherchent un emploi.

Je l'ai déjà dit dans un discours et je le répète, les travailleurs canadiens sont les meilleurs au monde. Ils ne veulent pas rester à la maison. Ils ne sont pas heureux lorsqu'ils n'ont pas d'emploi. Ils ne sont pas heureux lorsqu'ils sont improductifs. Ils veulent que nous conjuguions nos efforts pour veiller à ce qu'ils retrouvent du travail et leur dignité. Ils ne veulent plus nous entendre parler de Constitution et de secteurs de compétence. Ils veulent nous voir créer des emplois, et c'est ce que fera notre gouvernement.

Des voix: Bravo!

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, comment le premier ministre du Canada peut-il s'étonner qu'on dénonce un système qui ne fait que produire chômage et misère, comment peut-il s'étonner de cela?

Depuis deux semaines déjà, le gouvernement fédéral nage dans la confusion la plus totale quant à la réforme des programmes sociaux. Résultat: la guerre est prise et bien prise entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Pour ajouter à la situation, on apprend aujourd'hui que le ministre des Ressources humaines a monté tout un spectacle sans même en avoir écrit le scénario. Je le cite: «Nous n'avions pas de document à mettre sur la table, parce qu'en toute franchise, je n'ai pas encore de document en main, je n'ai pas présenté de propositions au cabinet ni à mon caucus. Je ne suis pas prêt.»

C'est le ministre des Ressources humaines qui dit ça. Le premier ministre peut-il confirmer que le moratoire dont parlait son ministre des Finances, hier, qui a été convenu entre ses ministres et le ministre des Finances du Québec fait suite à l'improvisation maintenant reconnue de son ministre du Développement des ressources humaines?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Je ne comprends pas ce que dit le député. Il dit toujours qu'on doit consulter.


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(1425)

Quand le ministre se lève et qu'il dit, en toute honnêteté, à la population: «Je ne peux pas déposer de propositions sur la table présentement parce que je veux m'asseoir avec tous mes confrères et explorer les différentes avenues pour obtenir ce que nous recherchons tous», c'est-à-dire une formule qui va favoriser l'emploi et aider les gens à retrouver la dignité du travail. Maintenant, le député s'offense parce que le ministre fait des consultations.

Est-ce que le député veut que le ministre arrive ici avec un plan clair, défini, définitif, et qu'il utilise la majorité en Chambre pour l'adopter en une semaine? On pourrait le faire, mais ce n'est pas notre technique. Notre technique est de convaincre toutes les provinces et tous les intervenants que nous devons travailler ensemble dans l'intérêt de la création d'emplois et de la dignité du travailleur.

Je ne comprends pas que le député ne veuille plus qu'on consulte. On va en prendre note.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, doit-on comprendre des propos clairs-obscurs du premier ministre qu'un moratoire a maintenant été décrété et négocié-tel que l'a dit le ministre des Finances hier-entre les ministres de son Cabinet et le ministre des Finances du Québec? Y a-t-il un moratoire, oui ou non, et est-il causé par le degré de non-préparation de son ministre du Développement des ressources humaines qui fait mal son job?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines avait convoqué une réunion pour lundi. Plusieurs gouvernements ont dit qu'ils n'étaient pas prêts et qu'ils souhaitaient prendre quelques semaines de plus. Alors, le gouvernement a accepté un moratoire-si vous voulez l'appeler ainsi-pour leur donner la chance de se préparer. Le ministre des Finances a fait la même chose parce qu'il y a eu plus de consultations entre le ministre du Finances et ses homologues des provinces au cours des six derniers mois qu'il y en a jamais eu au Canada.

Puisqu'ils nous ont demandé plus de temps, nous allons leur donner plus de temps, parce qu'on veut que tout le monde puisse travailler ensemble pour trouver la bonne solution. Mais, un jour, le système devra changer parce que, si le système ne change pas, le chômage va continuer à augmenter, les gens vont se décourager et ils vont perdre encore plus leur dignité.

C'est le devoir de tous les parlementaires, aussi bien fédéraux que provinciaux, de toutes les juridictions, de travailler dans le même but, c'est-à-dire créer des emplois, augmenter la productivité, augmenter la richesse du pays et faire une société qui est meilleure que celle dans laquelle on vit à l'heure actuelle.

* * *

[Traduction]

LA BOSNIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le récent enlèvement de soldats canadiens, la détention d'autres représentants de l'ONU et la recrudescence des offensives autour de Gorazde et dans la ville même démontrent clairement que les leaders serbes éprouvent très peu de respect pour les forces des Nations Unies déployées en Bosnie et pour la volonté de l'ONU de prendre des actions efficaces.

La situation à Gorazde est critique si elle n'a pas déjà dépassé le stade critique. Beaucoup de gens sont morts, beaucoup sont blessés et beaucoup d'autres sont exposés à un danger imminent.

Le premier ministre s'est entretenu avec le président Clinton, et je crois que le Cabinet s'est réuni ce matin. Le gouvernement a-t-il décidé s'il appuiera la demande de frappes aériennes formulée par les Nations Unies?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, le député a bien décrit la situation dans le préambule de sa question. Il est clair que les choses ont pris une tournure tout à fait inacceptable.

Des efforts ont été déployés pour amener toutes les parties à la table des négociations afin d'élaborer un plan de paix. Les Croates et les Musulmans se sont entendus et ont signé un accord à Washington, mais les Serbes bosniaques refusent de coopérer et de participer au processus de paix.

Le secrétaire général des Nations Unies a demandé que l'on fasse pour d'autres zones libres de Bosnie la même chose qui a été faite pour Sarajevo.

Le Cabinet s'est réuni ce matin et il a été décidé que nous consulterions le Parlement comme nous l'avons déjà fait lorsqu'il a fallu prendre des décisions importantes de même nature.

(1430)

C'est pourquoi le leader parlementaire du gouvernement a reçu l'ordre de consulter ses homologues au sujet de la tenue d'un débat d'urgence sur la question ce soir.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au ministre de la Défense nationale. Je veux cependant profiter de l'occasion pour remercier le ministre des Affaires étrangères d'avoir acquiescé à notre demande pour la tenue de ce débat d'urgence ce soir.

Le ministre sait certainement que le commandant des Forces canadiennes en Bosnie a refusé de déployer ses troupes dans des territoires contrôlés par les Serbes parce qu'il craint pour leur sécurité.

Si on décide de recourir à des frappes aériennes, quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour protéger les Forces canadiennes contre des représailles possibles?


3330

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je préférerais ne pas répondre à cette question hypothétique dans le climat chargé d'émotion qui règne aujourd'hui.

Je crois que nous devons reconnaître que le lieutenant-colonel Moore a pris la bonne décision pour réduire au minimum le danger auquel ses troupes sont exposées à Visoko et dans les environs. Pour ce qui est des autres mesures à prendre, ce sera à lui d'évaluer la situation au fur et à mesure. Nous ne devrions pas préjuger de ce qu'il pourrait faire plus tard.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, si le Canada accepte que l'OTAN recoure à des frappes aériennes, le ministre a-t-il discuté avec les Nations Unies du déploiement d'un plus grand nombre de Casques bleus et le gouvernement songe-t-il à envoyer un plus grand nombre de militaires canadiens en Bosnie?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, le secrétaire général des Nations Unies a demandé, il y a déjà un certain temps, qu'on augmente considérablement le nombre de soldats dans la région. Malheureusement, très peu de pays ont répondu favorablement à cette demande jusqu'à maintenant.

À un certain moment, le Canada s'est demandé s'il s'agissait vraiment de missions de maintien de la paix. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes engagés à affecter le même nombre de soldats, soit près de 2 000, aux missions des Nations Unies pour une autre période de six mois.

Nous croyons sincèrement que notre participation à ces missions exige beaucoup de nos troupes et de nos forces armées. Le Canada voudrait bien que d'autres pays répondent plus rapidement à la demande du secrétaire général des Nations Unies. Malheureusement, cela ne s'est pas encore produit.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, à l'instar de mon collègue du Parti réformiste, j'aimerais m'adresser au ministre des Affaires étrangères en demandant ceci : On sait que la décision finale des seize pays de l'OTAN doit être prise demain en ce qui concerne les frappes aériennes. J'aimerais connaître la position des négociations, surtout en ce qui concerne la position de la Russie.

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, il est très difficile pour moi de donner la position des autorités russes. Nous avons pris connaissance, probablement comme l'honorable député l'a fait, des dépêches qui font part que les autorités russes sont ambivalentes quant aux propositions qui ont été formulées. C'est que, d'une part, les autorités russes déplorent le manque de coopération des Serbes et croient que les Serbes de Bosnie auraient dû répondre à l'invitation et se joindre aux Croates et aux Musulmans pour signer un accord de paix. Par ailleurs, ils ont exprimé certaines réserves quant à l'utilisation des frappes aériennes.

Je peux simplement dire en ce moment que des discussions se poursuivent entre les différentes autorités qui ont un intérêt à voir ce conflit se terminer le plus rapidement possible, et je pense qu'il faudra attendre que ces discussions soient complétées avant de connaître la position exacte de chacune des puissances qui sont intéressées par ce conflit.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, ce que j'aurais aimé savoir, c'est que lorsque les membres de l'OTAN prendront la décision d'accentuer ou non les frappes aériennes, y aura-t-il consultation au préalable avec les représentants de la Russie, comme cela ne s'était pas fait antérieurement? Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a eu des relations entre les dirigeants de l'OTAN et ceux de la Russie?

(1435)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, lorsque j'ai eu l'occasion de parler avec le président Clinton hier, je lui ai fait part de ce point-là. Je lui ai demandé quelle était la situation au sujet de la Russie. Il m'a dit qu'il communiquerait avec les Russes car il avait placé un appel à peu près un même temps. Je dois lui reparler ce soir. Il m'a assuré qu'il y aurait des communications avec M. Eltsine avant que l'OTAN ne prenne une décision demain matin.

* * *

[Traduction]

LES PROGRAMMES SOCIAUX

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le gouvernement est sur le point d'entreprendre un examen complet de tous les programmes sociaux, y compris le régime d'assurance-chômage. Alors que le premier ministre devrait manifester de la compassion et de la compréhension à l'endroit des Canadiens malchanceux, il les insulte par des propos insensibles.

Cela me rappelle l'automne dernier, quand il reprochait à Kim Campbell l'intellectualisme arrogant dont elle faisait preuve en parlant elle aussi de chômeurs buvant leur bière.

Un réaménagement fructueux du système de sécurité sociale exigera de l'habileté et de la compréhension de la part des responsables politiques. Compte tenu des propos qu'il a tenus hier soir, le premier ministre peut-il expliquer pourquoi les Canadiens devraient avoir confiance qu'il saura être à la hauteur?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si la députée se donnait la peine de lire mon discours, elle comprendrait ce que j'ai dit.

J'y disais en effet que les travailleurs canadiens étaient les meilleurs au monde et les mieux préparés. Je disais également que les Canadiens ne veulent pas rester chez eux à ne rien faire. Ils veulent travailler.

J'ai peut-être employé un mot malencontreux. J'aurais pu dire autre chose, mais on utilise parfois dans un discours un terme qui prête aux malentendus. J'ai clairement dit cependant que les


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Canadiens veulent travailler. Je le sais, parce que je siège depuis longtemps au Parlement. Les Canadiens veulent du travail. Beaucoup de gens nous recommandent de ne rien faire. Nous voulons au contraire faire quelque chose. Personne n'aime vivre de l'assistance sociale ou de l'assurance-chômage. Les Canadiens veulent des emplois.

Voilà pourquoi nous avons créé certains programmes et tâchons d'affecter toutes les ressources de notre gouvernement à des programmes permettant aux chômeurs de devenir productifs. Voilà ce que nous voulons faire. Tel est le programme de notre gouvernement.

Certains prétendent que nous voulons agir trop rapidement. C'est une des difficultés. Nous étions trop impatients de résoudre le problème. Certains gouvernements provinciaux avaient peur que nous agissions trop vite. Hier, à l'occasion d'un discours, le premier ministre de l'Ontario a dit vouloir collaborer avec nous pour trouver des solutions.

Nous prendrons le temps qu'il faudra, car nous croyons en la dignité des gens. Au lieu de refuser de faire quelque chose, nous y travaillons. Nous espérons que la députée nous appuiera dans nos initiatives.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, il n'y a rien de digne dans le fait d'être chômeur au Canada et de se faire accuser par le premier ministre de rester chez soi à boire de la bière. Ma question supplémentaire s'adresse elle aussi au premier ministre.

Plusieurs provinces ont exprimé une certaine hésitation devant l'intention du gouvernement d'entreprendre une réforme globale des programmes sociaux. L'insouciance avec laquelle s'exprime le premier ministre va-t-elle faciliter ou gêner ce processus extrêmement délicat?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je me réjouis de constater que le Parti réformiste a posé aujourd'hui pour la première fois une question au sujet des chômeurs canadiens.

rQuand les réformistes interviennent à la Chambre, c'est toujours pour nous recommander de réduire les dépenses en disant qu'il ne faut pas aider les gens, qu'on n'a qu'à les laisser mourir de faim. Telle n'est pas notre politique. Nous considérons au contraire que nous devons nous mériter le respect des gens en ce sens. Je suis heureux de voir que le Parti réformiste se rend maintenant compte que les chômeurs veulent que notre gouvernement leur vienne en aide.

* * *

[Français]

LA SANTÉ

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Dans le cadre du Plan d'action de lutte à la contrebande de cigarettes annoncé en février dernier, le gouvernement ajoutait une campagne publicitaire de lutte contre la consommation des produits du tabac de l'ordre de trois millions de dollars visant à sensibiliser, à informer principalement les jeunes. Or, on apprend que, à la suite de réunions avec des jeunes, la ministre a mis fin à la campagne.

(1440)

La ministre peut-elle confirmer en cette Chambre, comme elle l'a déjà reconnu publiquement, que cette campagne de publicité antitabac a été annulée parce que, de son propre aveu, elle n'a eu aucun impact auprès des jeunes?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je remercie la députée de m'avoir posé cette question. Premièrement, je dois dire que j'ai en effet hérité de la campagne publicitaire que vous avez vue dernièrement, car c'est une campagne publicitaire amorcée par le gouvernement précédent. Lors de mes voyages à travers le pays, mes propres opinions se sont confirmées. Quand j'ai vu cette campagne publicitaire, je n'étais pas convaincue que c'était celle dont on avait besoin aujourd'hui, puisqu'elle avait été conçue il y a déjà trois ou quatre ans. Et, en effet, les jeunes ont confirmé ce que je pensais.

J'ai demandé à mon ministère de revoir toutes les annonces publicitaires et c'est ce qu'on fait maintenant pour que l'argent dépensé en annonces publicitaires soit dépensé d'une façon efficace.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, la ministre ne réalise-t-elle pas que cette campagne de prévention était le seul moyen dont elle disposait pour préserver un minimum de crédibilité auprès du lobby antitabac, à la suite de la baisse de taxe décrétée sur la cigarette par son gouvernement et que, dorénavant, elle ne pourra compter sur aucune crédibilité?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Oui, je suis en train de revoir toutes les campagnes de relations publiques et de publicité, mais je tiens à dire aux députés d'en face que j'ai beaucoup de cordes à mon arc.

J'ai dit que nous étudierons de nouveaux messages publicitaires. Nous continuerons certainement de faire de la publicité, mais celle-ci devra être très rigoureuse, très ciblée et très efficace, car nous n'avons pas beaucoup d'argent à dépenser à la légère. Toutes les dépenses que j'engagerai seront mûrement réfléchies.

Nous sommes donc à mettre au point une nouvelle campagne que je soumettrai aux membres du lobby antitabac ainsi qu'aux gouvernements provinciaux. Nous travaillons en collaboration pour que cette campagne soit la plus efficace possible.

* * *

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Pour la première fois depuis sa création il y a 28 ans, le Régime de pensions du Canada a dû puiser dans sa caisse pour éventualités. De nombreux Canadiens croient que, à moins de subir une réforme, le Régime de pensions du Canada sera à sec avant longtemps.

Qu'entend faire le gouvernement pour protéger à long terme le Régime de pensions du Canada?


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M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, la députée s'inquiète inutilement. Le régime fonctionne essentiellement comme prévu. La caisse du RPC a justement été établie pour répondre aux éventualités comme celles dont la députée vient de parler.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, malgré les paroles rassurantes du député, de nombreux analystes croient que, parce que notre population vieillit, le Régime de pensions du Canada ne peut survivre dans sa structure actuelle. La situation est tellement grave que de nombreux Canadiens croient qu'ils ne toucheront pas de pension du RPC au moment de leur retraite et considèrent leurs cotisations à ce régime comme un impôt sur la jeunesse.

Le RPC vient de franchir un cap. Les montants que la caisse perçoit en cotisations ne lui suffisent plus pour payer les prestations versées. Le gouvernement a-t-il des mesures précises à proposer pour réformer le RPC?

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je devrais peut-être présenter certaines données à la députée.

À long terme, le régime est censé s'autofinancer, les cotisations et les prestations devant plus ou moins s'équilibrer. Les cotisations de deux années devaient être accumulées comme protection en cas de fluctuation de l'économie. La caisse possède actuellement des fonds suffisants pour payer environ trois années de prestations.

(1445)

Lorsque les hausses de cotisations prévues dans la loi entreront en vigueur, on prévoit que les recettes et les dépenses du régime seront plus équilibrées. Les réserves passeront de 41 milliards de dollars à près de 55 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.

J'espère que cela répond à la question de la députée.

* * *

[Français]

L'ACHAT DE VACCINS ANTIGRIPPE

Mme Monique Guay (Laurentides): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics. En réponse aux questions que je lui posais hier, le ministre des Travaux publics affirmait que BioVac vendait son vaccin antigrippe 1,85 $ la dose comparativement à 1,69 $ pour Connaught, dans le cadre d'appels d'offres. En divisant le contrat en parts égales entre Connaught et BioVac, le ministre prétend que le gouvernement paiera 1,77 $ la dose.

Le ministre des Travaux publics reconnaît-il que les chiffres qu'il a avancés hier sont inexacts puisque dans le cadre de l'appel d'offres, BioVac a soumissionné à 1,70 $ la dose comparativement à 1,46 $ pour Connaught et qu'en fractionnant le contrat en deux, le gouvernement paiera non pas 1,77 $ la dose, comme le ministre l'a dit hier, mais bel et bien 1,85 $ la dose? Pourrait-il reconnaître l'inexactitude de ces chiffres?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je dois dire à la députée que mes données sont bien différentes des siennes.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides): Monsieur le Président, le ministre reconnaît-il qu'en accordant le contrat à 100 p. 100 à BioVac, seul fabricant canadien de vaccins antigrippe, au prix de 1,70 $ la dose, il aurait permis aux contribuables canadiens d'économiser plus de 600 000 $ tout en préservant des emplois de haute technologie?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je comprends la préoccupation de la députée à l'égard de la responsabilité et des ressources du gouvernement du Canada en matière financière, mais une chose me paraît plutôt étrange. Lorsqu'il s'agit de ressources humaines, on nous accuse de ne pas consulter les provinces.

Lorsque deux sociétés, BioVac et Connaught Laboratories, consultent les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que le gouvernement du Canada, et conviennent d'un prix pondéré, fournissant des emplois et des débouchés au Québec et à l'Ontario, la députée juge cela méprisable.

La députée devrait savoir que BioVac demandait 1,85 $ la dose et Connaught 1,69 $. Le prix pondéré est de 1,77 $.

* * *

LES RÉFUGIÉS

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté.

Selon des nouvelles rendues publiques récemment par les médias, pas moins de 24 000 anciens revendicateurs du statut de réfugié dont la demande a été rejetée après une audience n'auraient pas encore été renvoyés du Canada. Comme la plupart d'entre eux n'ont pas le droit de travailler, cela va constituer une charge supplémentaire pour les contribuables.

Le gouvernement peut-il renseigner la Chambre sur le nombre de personnes qui sont dans cette situation et sur la date de leur renvoi? Peut-il garantir à la Chambre que cela ne portera pas préjudice à l'intégrité du programme de réfugiés du Canada?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Scarborough-Rouge River.

Je suis en mesure de dire au député et à la Chambre que le nombre réel est inférieur au chiffre de 24 000 dont les médias ont fait état. Quelque 10 000 de ces personnes seraient des revendicateurs dont la demande a été rejetée, mais qui n'ont pas été renvoyés à cause de lignes directrices précédemment en vigueur. Par exemple, les personnes venant de la République populaire de Chine et d'autres pays font partie de ce nombre.


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Comme vous le savez, monsieur le Président, le gouvernement tente de mettre au point une stratégie pour clarifier leur statut en toute justice pour eux-mêmes et le système.

Un tiers de ces personnes ne seraient plus au Canada et ne seraient donc plus un fardeau pour les contribuables. D'autres sont incarcérés. Il y a aussi certains cas qui passent entre les mailles du système, comme il arrive parfois dans l'administration.

Je souligne toutefois que le gouvernement a accordé des permis de travail aux revendicateurs du statut de réfugié durant le traitement de leur dossier. Soixante-dix p. 100 environ des revendicateurs du statut de réfugié demandent un tel permis. Comme le premier ministre l'a dit il y a quelques instants, en leur accordant un permis de travail, nous leur redonnons leur dignité tout en atténuant le fardeau qu'ils représentent pour nos programmes sociaux.

* * *

(1450)

LES QUOTAS DE BLÉ

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Pourquoi le ministre songe-t-il à approuver les quotas sur les expéditions de blé dur aux États-Unis?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, nous n'approuvons pas la position adoptée par les États-Unis dans les dernières négociations commerciales qui portaient, entre autres, sur l'imposition d'un sous-plafond sur le blé dur dans le cadre du plafond global qu'ils avaient déjà proposé. Nous n'avons pas l'intention d'approuver ce sous-plafond.

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, le sénateur américain Kent Conrad estime que les États-Unis devraient lancer une bombe atomique sur le Canada. Mickey Cantor, pour sa part, se dit prêt à se bagarrer avec le Canada. On ne parle que de bataille.

Les producteurs de blé veulent que le gouvernement fasse preuve de fermeté dans cette affaire et qu'il leur donne l'assurance qu'il ne cédera pas aux demandes des Américains concernant les quotas de blé. Le ministre peut-il garantir aux producteurs qu'il n'approuvera aucun quota?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, nous avons fait connaître notre position aux États-Unis. Nous estimons que leur position actuelle sur l'établissement d'un plafond pour les exportations de blé dans leur pays n'est pas acceptable pour le Canada.

* * *

[Français]

LES STUPÉFIANTS

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, le quotidien La Presse de samedi dernier faisait état du dernier rapport du gouvernement américain sur le contrôle international des stupéfiants, rapport qui présente le Canada comme un «paradis pour le blanchiment de l'argent» provenant du trafic de stupéfiants.

Ma question s'adresse au solliciteur général. Est-ce que les informations dont dispose le solliciteur général lui permettent de confirmer le constat du rapport du gouvernement américain tel que repris dans La Presse?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai demandé à des hauts fonctionnaires de me communiquer toutes les données qu'ils possèdent pour faire la lumière sur ce rapport du gouvernement américain. Ils me disent n'avoir encore trouvé aucune preuve empirique allant dans le sens du rapport.

Qui plus est, le Canada est membre du groupe d'action financière des pays industrialisés du G-7, et on m'a dit que notre pays satisfaisait aux exigences minimales de ce groupe qui est chargé du dossier du blanchiment de l'argent pour les principaux pays du G-7.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, qu'est-ce que le solliciteur général a l'intention de faire pour rétablir la réputation du Canada à cet effet?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, au fil des ans, nous avons adopté diverses mesures pour lutter contre le blanchiment de l'argent et nous continuerons d'intensifier nos efforts dans ce domaine.

Si l'on s'en tient au rapport du groupe d'action financière des pays du G-7, je pense que l'on peut affirmer que la réputation du Canada est des plus solides. Néanmoins, nous travaillons constamment au maintien de cette réputation et nous intensifions nos efforts en vue de faire échec au blanchiment de l'argent.

* * *

LA MÉTIS SOCIETY

M. John Duncan (North Island-Powell River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Que fait le ministre au sujet de l'activité criminelle que constitue l'altération du procès-verbal de la Métis Society of Saskatchewan?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné à la Chambre l'autre jour, nous espérons recevoir à la fin du mois la version officielle du rapport final sur l'affaire concernant la Métis Society. J'espère que nous aurons alors toutes les données utiles à cet égard.

Je n'ai pas l'intention d'en dire plus tant que je n'aurai pas reçu la version officielle du rapport final. Comme je l'ai dit l'autre jour, je déplore le fait que certains éléments d'information aient été divulgués aux médias et rendus publics. Je trouve trouve cela très injuste. Pour sa part, le ministère de la Justice fait


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enquête afin de s'assurer que cet incident n'est pas le fait de quelqu'un qui travaille pour nous.

Je serai en mesure de répondre aux questions du député quand j'aurai le rapport, ce que je ferai alors avec plaisir.

M. John Duncan (North Island-Powell River): J'ai une question supplémentaire, monsieur le Président.

Les réponses évasives du ministre sont-elles dues au fait que Marc LeClair, directeur général du Ralliement national des Métis, conseiller de la Métis Society of Saskatchewan, coauteur du livre rouge des libéraux et membre du groupe extraordinaire des autochtones libéraux, est impliqué?

(1455)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je peux assurer au député que nous suivons un échéancier qui a été arrêté depuis fort longtemps selon les procédures administratives habituelles. Loin de moi l'idée de vouloir donner des réponses évasives. C'est que je ne suis tout simplement pas en mesure de répondre à des questions relatives à un rapport qui ne m'a pas encore été communiqué sous sa forme finale.

Je promets au député que, dès que j'aurai le rapport sous sa forme finale, je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions qu'il voudra bien me poser à ce sujet.

* * *

L'IRAK

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest): Monsieur le Président, hier, j'ai pris la parole à la Chambre pour décrire les catastrophes écologiques et humaines qu'on inflige aux musulmans chiites.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Notre gouvernement envisagera-t-il de demander à des observateurs de la paix des Nations Unies de visiter les marais du sud de l'Irak pour faire rapport sur ce qui suit: les mesures prises pour empêcher l'eau de s'écouler librement jusqu'aux marais et qui détruisent leur écosystème, un blocus autour des marais qui restreint la circulation de la nourriture, des personnes et des soins médicaux, et la torture et le meurtre systématiques de femmes, d'enfants et de personnes âgées.

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je partage assurément le point de vue de la députée au sujet de la situation horrible dont sont victimes les personnes qui vivent en Irak et de la violation continuelle des droits de la personne par les autorités de la région.

Le représentant du Canada aux Nations Unies, et surtout au Comité des droits de l'homme, a proposé des résolutions visant à envoyer des surveillants, notamment dans cette région de l'Irak, pour venir en aide à ces personnes victimes des sévices des autorités. Malheureusement, pour trouver un remède, nous avons besoin de la collaboration des autorités, qui refusent systématiquement l'envoi de missions ou d'observateurs des Nations Unies.

Nous suivrons ce dossier et espérons que, grâce à notre persévérance, les autorités irakiennes accepteront l'envoi de surveillants des Nations Unies.

* * *

[Français]

LES RELATIONS OUVRIÈRES

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Monsieur le Président, depuis deux mois aujourd'hui, 400 employés de la Q.N.S. & L. de Sept-Îles sont en lock-out. La loi fédérale n'empêche pas l'employeur, une compagnie minière, d'embaucher des briseurs de grève. Comme rien ne l'empêche de fonctionner, la compagnie refuse de négocier avec ces employés qui eux veulent pourtant négocier et aussi travailler.

Le premier ministre est-il d'accord pour dire que c'est l'absence de loi fédérale anti-briseurs de grève qui est la cause de la détérioration des négociations entre la Q.N.S. & L. et le syndicat des métallos tout particulièrement dans ce dossier?

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je la prendrai en délibéré et lui ferai rapport dans les plus brefs délais.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan): Monsieur le Président, j'aimerais quand même poser une question complémentaire, parce qu'étant donné que je n'ai quand même pas reçu de réponse au préalable, j'aimerais avoir en même temps l'engagement du gouvernement libéral, donc du premier ministre aussi, afin de voir ce qu'ils peuvent faire pour aider ces gens-là dans le conflit actuel en raison du manque précis de loi antibriseurs de grève dans le décor.

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, comme je l'ai dit plus tôt, je prendrai la question en délibéré et ferai rapport au député dans les plus brefs délais.

* * *

L'AIDE AUX ENTREPRISES

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap): Monsieur le Président, on peut lire, à la page 21 du livre rouge publié pendant la campagne électorale, ce qui suit:

Des économies considérables peuvent certes être réalisées dans le dédale des aides aux entreprises puisqu'il existe plus de 700 mécanismes fédéraux et provinciaux. Cette hypertrophie est tout à fait inadmissible.
Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie ou au secrétaire parlementaire. Que fait le gouvernement libéral et qu'a-t-il fait pour alléger l'appareil bureaucratique?


3335

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question parce qu'elle nous donne l'occasion de revenir sur la position exposée par le ministre des Finances dans le budget.

(1500)

Le député doit savoir que le ministère de l'Industrie effectue déjà un examen en collaboration avec le secteur privé. Nous allons réduire ou éliminer la paperasserie. Il s'agit d'un exercice très important que le secteur privé a bien accueilli et qui est déjà bien engagé. Le comité présentera son rapport au ministre des Finances d'ici la fin du mois de juin.

En passant, je rappelle au député que nous continuons d'étudier des moyens de rendre les capitaux accessibles aux petites et aux moyennes entreprises. Le premier ministre a déclaré à plusieurs reprises que, pour nous, le principal espoir de remettre les Canadiens au travail se trouvait dans les quelque 900 000 entrepreneurs canadiens qui travaillent très durement à relancer l'économie canadienne.

Le député a fait allusion au tourisme; c'est un autre domaine où nous cherchons des solutions.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap): Malheureusement, monsieur le Président, nous ne parlons pas ici de prêts.

Les prévisions de dépenses budgétaires montrent que le gouvernement prévoit dépenser 3,3 milliards de dollars en subventions aux entreprises, en 1994-1995, et encore 3,1 milliards, en 1995-1996. Or, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante avait recommandé de ne pas octroyer de subventions aux entreprises.

Alors que le livre rouge annonçait des économies substantielles sur le chapitre des subventions aux entreprises et que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante elle-même s'oppose aux subventions, pourquoi le gouvernement prévoit-il dépenser des milliards de dollars en subventions au cours des deux prochaines années?

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, si le député vérifie les prévisions de dépenses du ministère de l'Industrie, il constatera que ce ministère a apporté des réductions considérables à ce chapitre.

Il constatera également, s'il analyse ces prévisions de dépenses, que nous avons pris grand soin de verser l'argent des contribuables aux industries qui ont fait la preuve de leur dynamisme et qui ont, selon nous, les meilleures chances de remettre les Canadiens au travail, de même qu'aux industries les plus susceptibles de maintenir la compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux.

* * *

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Le 1er janvier, le gouvernement a signé l'ALENA, qui était censé mettre un terme aux guerres commerciales avec les États-Unis.

Pourtant, à peine quatre mois après la signature de l'accord, nous n'avons pas un simple différend, mais une attaque en règle contre les producteurs de blé canadiens, avec missiles Minute-men et tout. L'ALENA semble nous protéger à peu près autant qu'un parapluie contre un missile américain. Ne regardez pas en l'air.

Puisque l'ALENA ne protège pas nos producteurs de blé et d'orge, le ministre du Commerce international pourrait-il nous dire quelles assurances il a données aux agriculteurs que leurs intérêts seraient pris en considération? Que peut-il nous dire de précis aujourd'hui?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je pourrais donner à la députée une très longue réponse à ce sujet.

Je me contenterai de dire que ce différend avec les États-Unis à propos du blé ne relève pas de l'ALENA. Les Américains cherchent des remèdes en vertu du GATT et non de l'ALENA.

Deuxièmement, en ce qui concerne notre position dans les discussions avec les États-Unis, je dirais qu'elle respecte et défend les intérêts des céréaliculteurs canadiens.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, pendant la période des questions, le premier ministre a dit que les réformistes auraient dit, en parlant des chômeurs, et je cite: «Ne faites rien. Laissez les gens mourir de faim.» Ce n'est pas vrai. Je demande au premier ministre. . .

Le Président: Il nous arrive tous, comme la députée, de faire de temps à autre des rappels au Règlement qui sont en réalité des points à débattre, ce qui me semble le cas ici.

Mme Grey: Monsieur le Président, vous avez souvent dit vous-même, dans cette Chambre, que l'on ne saurait prêter des intentions. En ce qui me concerne, c'était le cas.

(1505)

Le Président: À l'ordre. J'estime que ce n'est pas un rappel au Règlement, mais une question à débattre, et j'espère que la députée sera d'accord.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je voudrais demander à mon collègue le leader du gouvernement en Chambre de nous faire part du menu législatif des prochains jours.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, tout d'abord, après avoir fait part à la Chambre de nos travaux pour la prochaine semaine, j'entends demander le

3336

consentement unanime pour permettre la tenue d'un débat spécial, ce soir, sur la situation en Bosnie.

À cet égard, je voudrais remercier le leader parlementaire du Parti réformiste d'avoir proposé la tenue de ce débat, d'avoir soumis un thème pour ce dernier et d'avoir présenté la motion sur laquelle le débat sera basé. Sa requête est venue au moment même où nous songions nous-mêmes à un débat de ce genre et je voudrais le remercier d'avoir fait part de son point de vue constructif sur cette question.

Cet après-midi, nous étudierons à l'étape du rapport et en troisième lecture le projet de loi C-6 concernant les opérations pétrolières au Canada. Vendredi, la Chambre étudiera le projet de loi C-4 sur les accords parallèles de l'ALENA aux étapes du rapport et de la troisième lecture. Lundi, la Chambre sera saisie en deuxième lecture du projet de loi C-16 portant sur certaines revendications territoriales.

Mardi, nous étudierons en deuxième lecture le projet de loi C-22 concernant l'aéroport Pearson. Par la suite, nous passerons à la deuxième lecture du projet de loi C-21 portant sur les voies ferrées et du projet de loi C-12, qui a pour objet de mettre à jour la Loi sur les sociétés par actions. Ce qui devrait nous amener à mercredi.

Il y a deux projets de loi que la ministre de l'Environnement présentera lundi et que la Chambre pourrait vouloir étudier la semaine prochaine également. Enfin, le jeudi 28 avril sera une journée d'opposition.

Comme je l'ai dit juste avant de commencer ma déclaration, il y a eu des consultations et je pense qu'il y a consentement pour adopter la motion suivante:

Que, nonobstant tout article du Règlement, à 18 heures aujourd'hui, la Chambre prenne en considération la motion du ministre des Affaires étrangères dont voici le texte:
«Que cette Chambre, à la lumière des événements tragiques qui se déroulent à Gorajde, et prenant note qu'au mois de février de cette année, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord a donné son accord à la demande des Nations Unies pour un appui aérien pour défendre une zone protégée autour de Sarajevo, considère la demande contenue dans la lettre du 18 avril du secrétaire général de 1'ONU au secrétaire général de l'OTAN demandant que les arrangements pour défendre Sarajevo soient étendus aux cinq autres zones protégées en Bosnie.»;
Que pendant le débat sur ladite motion, les quatres premiers députés à prendre la parole puissent parler au maximum pendant quinze minutes et que tous les autres députés qui suivront parlent au maximum pendant dix minutes; et
Que, lorsqu'aucun député ne demande à prendre la parole, mais au plus tard à 22 heures, le Président ajourne la Chambre.
J'aimerais, monsieur le Président, que vous demandiez à la Chambre si elle est d'accord pour adopter la motion que je viens de lire. Dans l'affirmative, je serai disposé à proposer qu'elle soit mise aux voix et à demander le consentement unanime de la Chambre afin qu'elle soit adoptée et que le débat sur cette question d'un grand intérêt qui préoccupe beaucoup les députés commence à 18 heures ce soir.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que cette motion soit mise aux voix?

Des voix: D'accord.

Le Président: La Chambre est-elle d'accord pour que la motion soit débattue ce soir à 18 heures selon les modalités qui y sont établies?

Des voix: D'accord.

Le Président: Il en est ainsi ordonné.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


3336

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1510)

[Traduction]

LA LOI SUR LES OPÉRATIONS PÉTROLIÈRES AU CANADA

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la Loi sur les hydrocarbures, la Loi sur l'Office national de l'énergie et d'autres lois en conséquence, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission de la Chambre, maintenant?

Des voix: D'accord.

Mme McLellan propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Madame la Présidente, honorables députés, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd'hui à la Chambre, à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la Loi sur les hydrocarbures et la Loi sur l'Office national de l'énergie.

Le projet de loi C-6 vise principalement à transférer à l'Office national de l'énergie le pouvoir de réglementer les activités pétrolières et gazières. Il ne touchera pas les hydrocarbures extracôtiers des provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse où il existe des accords fédéraux-provinciaux de cogestion. Le projet de loi C-6 favorisera une plus grande transparence du processus de réglementation, en ce sens que les décisions seront prises par un organisme indépendant expérimenté.

Les principales responsabilités de l'Office national de l'énergie consisteront à protéger la sécurité des travailleurs, à maximiser la conservation des ressources en veillant à la conformité des pratiques sur les champs pétrolifères, et à protéger l'environnement.

Je suis très sensible aux préoccupations concernant la protection du fragile environnement du nord et d'autres régions pion-


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nières. Dans la perspective des efforts que l'on fait pour tenir compte davantage des considérations environnementales dans les décisions stratégiques, une évaluation environnementale des changements législatifs proposés a été effectuée par Ressources naturelles Canada, en collaboration avec l'Office national de l'énergie. La conclusion a été que les changements proposés n'auraient aucune conséquence néfaste pour l'environnement.

Le gouvernement s'est aussi engagé à avoir concrètement, avec tous les principaux intéressés, de vraies consultations qu'il considère comme un élément essentiel du processus législatif. D'importantes consultations ont été menées avec les parties intéressées aux divers stades de la préparation de ce projet de mesure législative. Ont été consultés, entre autres, les gouvernements des provinces et des territoires, les groupes autochtones, l'industrie et les organismes oeuvrant pour la protection de l'environnement.

Je voudrais maintenant passer à certains points soulevés au cours de la deuxième lecture et de l'étude en comité du projet de loi C-6.

Certains députés se sont dits inquiets quant à l'incidence que pourrait avoir le projet de loi C-6 sur la compétence provinciale dans le domaine des ressources des régions pionnières.

[Français]

Ce projet de loi n'aura aucune incidence sur les compétences exercées dans les régions extracôtières du Québec et dans les autres régions pionnières. Il ne fait que transférer à l'Office national de l'énergie des pouvoirs de réglementation qui relèvent déjà du gouvernement fédéral; il ne fixe aucunement des limites au domaine extracôtier.

[Traduction]

En outre, rien dans ce projet de loi ne préjuge de l'issue des discussions qui se tiennent avec les gouvernements territoriaux au sujet de la délégation des pouvoirs sur les terres, ni n'influe sur les discussions avec les autres provinces côtières en ce qui concerne de futurs accords de cogestion.

(1515)

Certains députés ont également exprimé la crainte que, dans l'éventualité exceptionnelle d'un appel, l'Office national de l'énergie n'ait pas le degré d'expertise ou d'indépendance nécessaire pour donner à l'industrie une audience juste et équitable. Actuellement, les décisions de l'ONE ne font pas l'objet d'un examen externe, sauf de la part des tribunaux, et encore s'agit-il uniquement de questions de droit ou de compétence.

Le projet de loi abolit le processus d'appel du Comité du pétrole et du gaz, parce que l'intégrité du processus de l'ONE et par conséquent son indépendance et son efficacité, reposent en grande partie sur ce principe.

Nous avons élaboré le projet de loi en étant convaincus que l'ONE s'acquittera des appels avec compétence et objectivité dans les rares cas où il sera appelé à exercer cette fonction.

L'Office national de l'énergie est déjà investi d'un large éventail de pouvoirs de réglementation. Il est habilité, notamment, à accorder des licences d'exportation de pétrole, de gaz et d'électricité, à délivrer des certificats relatifs à des pipelines internationaux et à établir des droits justes et raisonnables. Il est bien placé pour exercer les pouvoirs de réglementation que lui confèrent les modifications proposées sur le pétrole et le gaz des régions pionnières.

J'ai l'entière conviction que, dans l'exercice de toutes ses fonctions de réglementation, l'office continuera d'agir dans l'intérêt du public, de façon équitable et avec efficacité, en tenant compte des opinions de toutes les parties intéressées.

[Français]

En conclusion, le gouvernement du Canada se propose, par ce projet de loi, de donner à l'industrie des règles de fonctionnement claires et précises.

[Traduction]

Sans ces modifications, l'ONE ne pourra pas exercer ses fonctions de manière efficace et l'industrie continuera à subir les longueurs du processus d'approbation.

L'Office national de l'énergie a reçu en 1991 des ressources humaines et des responsabilités additionnelles pour gérer le gaz et le pétrole des terres domaniales. Le projet de loi C-6 lui conférerait enfin le pouvoir légal de faire le travail qui lui a été confié.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Madame la Présidente, le Bloc québécois appuiera le projet de loi C-6. Mais étant donné que ce projet de loi accorde à l'Office national de l'énergie, dorénavant, le pouvoir reconnu d'entendre des appels et de conseiller des ministres, nous espérons fortement que l'Office national de l'énergie entendra l'appel que nous voulons faire aujourd'hui et saura conseiller les ministres du gouvernement qui en ont drôlement besoin.

Nous savons que depuis quelques années le gouvernement fédéral s'est engagé dans des ententes de soutien financier à des projets de grande envergure, des projets énergétiques, que nous appelons des mégaprojets, et ceci, pour une valeur globale initiale dépassant trois milliards de dollars. Je dois rappeler ici, pour le bénéfice des citoyens qui nous écoutent, que un milliard c'est mille millions. On parle donc, pour le projet Hibernia, puisque c'est de ce projet dont on parle, de sommes engagées de 2 700 millions.

Ces projets mettent en cause des fonds publics considérables, qu'on va chercher bien sûr dans la poche des citoyens déjà surtaxés. On le sait, la classe moyenne actuellement est en train de mourir de la surtaxe et, comme le souligne le vérificateur général du Canada: «Le contribuable a le droit de s'attendre à ce que les dépenses de fonds publics soient gérées avec prudence.»

Or, que voyons-nous dans les faits, et c'est encore une fois le vérificateur général du Canada qui nous le dit: «Nous avons examiné les mégaprojets énergétiques qui reçoivent une aide et un financement du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Notre étude des projets de mise en valeur du champ Hibernia, de l'usine de valorisation biprovinciale de Lloydminster et de l'usine de valorisation NewGrade de Regina a fait ressortir certaines faiblesses fondamentales.»

Je cite maintenant cinq des faiblesses que le vérificateur général du Canada a déjà relevées: premièrement, l'absence d'un ensemble complet d'objectifs clairs et mesurables; deuxièmement, une coordination insuffisante de la surveillance des retombées; troisièmement, des lacunes dans le suivi des recommandations et des engagements qui découlent de l'évaluation


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environnementale; quatrièmement, des lacunes persistantes dans la mesure de l'efficacité; et cinquièmement-on aurait pu en citer d'autres mais on s'arrêtera à cinq-un rapport limité et de piètre qualité à l'intention du Parlement et du public, dans la partie du budget des dépenses.

(1520)

Le vérificateur ajoute ceci:

Nous avons relevé un autre problème clé dans les accords visant les projets d'usines de valoriation biprovinciale et d'Hibernia, soit l'absence de lien entre le rendement et le paiement. Les paiements fédéraux se fondent sur les dépenses de projets et non sur des jalons de construction ou sur la réalisation de certaines retombées économiques précises escomptées de ces projets. Même si le ministère déterminait par ses propres contrôles que certaines retombées escomptées n'étaient pas réalisées, il n'aurait aucune autorité juridique qui lui permette de cesser ces paiements liés au projet.
Et le vérificateur général souligne:

En l'absence d'un lien direct entre le rendement et le paiement, le paiement a le caractère d'une subvention.
On parle donc de milliards de dollars alloués à des compagnies dans le projet Hibernia qui ne sont en réalité que des subventions. En d'autres termes, ce que le vérificateur général nous dit ici, c'est que les milliers de millions pris dans la poche des contribuables et réinvestis dans ces projets, soi-disant pour créer de l'emploi et pour engendrer toutes sortes de retombées industrielles, ne sont en fait que des mots vides de sens, et le gouvernement n'a en fait aucun moyen légal de garantir les retombées qu'il promet.

Bien sûr, à la suite de cette affirmation du vérificateur général, le ministère s'est engagé par la déclaration suivante:

Le ministère affectera des ressources supplémentaires aux activités de surveillance, surtout en ce qui a trait aux retombées industrielles et à l'emploi.
Jobs, jobs, jobs. C'est sur la promesse de créer de l'emploi que le gouvernement libéral s'est fait élire, et on pourrait s'attendre, au minimum, à ce que l'argent dûment gagné par les contribuables et qui est réinvesti dans de grands projets serve au moins à créer de l'emploi chez nous. Mais il n'en est rien! Malgré toutes les promesses du ministère dont je viens de parler, une loi a été promulguée il y a à peine quelques mois. Elle s'intitule: Loi abrogeant les exigences en matière de participation canadienne.

Selon un document qui provient directement de la ministre des Ressources naturelles, en substance cette loi dit ceci:

Les faits saillants de la loi comprennent l'élimination du seuil de 50 p. 100 de participation canadienne comme condition à l'attribution de licences de production d'hydrocarbures en régions pionnières; la suppression de la nécessité d'obtenir l'approbation du ministre pour transférer, en totalité ou en partie, des droits de propriété dans le cadre d'un contrat de licence de production d'hydrocarbures en régions pionnières; et l'abolition des dispositions actuelles de la réglementation qui permettent à certains particuliers de détenir des licences de production ainsi que des exigences connexes en matière de lieu de résidence.
En somme, non seulement le gouvernement fédéral ne peut garantir légalement de retombées définies pour les milliards investis qui proviennent de la poche des contribuables, mais en plus, il retire délibérément les mesures minimum imposées aux compagnies qu'il subventionne pour qu'elles créent des emplois au Canada.

Nous reconnaissons que certaines améliorations, au cours des mois, ont été apportées dans la gestion du projet, mais elles ne vont certainement pas aussi loin que nous l'aurions voulu. Une évaluation serrée de ce projet aurait dû avoir lieu avant et non pas après le début des travaux.

Où est-ce qu'on se retrouve avec tout ça? On va chercher des milliards dans les poches des contribuables canadiens et québécois déjà surtaxés. On subventionne de très grandes compagnies sur lesquelles on a un droit de regard légal à peu près nul, c'est le vérificateur général qui nous le dit. On les autorise, avec notre argent, à créer de l'emploi ailleurs que chez nous. Jobs, jobs, jobs pour la Corée, pas pour ici. Pendant ce temps-là, on a la certitude absolue que la dette épouvantable de 500 milliards que l'on a aujourd'hui sera dans trois ans de 600 milliards de dollars, quoi qu'on fasse, et à condition que cela aille bien, parce qu'il se pourrait bien que ce soit beaucoup plus que cela. Nous sommes en réalité au bord de la faillite dans l'état actuel des choses.

On a aussi la certitude que le taux de chômage demeurera exactement où il est et que nos jeunes n'auront pas d'emploi. On coupe les avantages aux chômeurs et aux gens âgés: c'est la solution que le gouvernement a choisie actuellement.

(1525)

Bien sûr, on ne pourrait faire accepter cette situation aux chômeurs, aux petites gens, à ceux qui sont sans voix, sans d'abord les culpabiliser et leur faire croire que ce sont eux, au fond, qui sont le problème au Canada.

On a vu, dans les déclarations qui ont été faites par le premier ministre, hier, à la télévision, et qui ont été rapportées encore ce matin, à quel point cette politique-là se poursuit.

J'aimerais citer Le Droit qui a été produit aujourd'hui, qui titre-ce ne sont peut-être pas directement les paroles du premier ministre-«Les fainéants coûtent 500 milliards de dollars. Il faut briser leur mentalité.» On cite ce que l'honorable premier ministre a dit: «Il faut briser cette mentalité, parce que le pays est dans le trou de 500 milliards de dollars. Nous ne pouvons garder des fainéants à boire de la bière chez eux.»

Je m'oppose ouvertement à ce que le premier ministre a dit aujourd'hui. Je pense que c'est une déclaration tout à fait abominable, et je voudrais réitérer au premier ministre que les ex-employés de Hyundai qui ont perdu leur emploi ne sont pas des fainéants buveurs de bière. Ce sont des gens qui cherchent du travail.

Les pêcheurs de la Gaspésie qui ne peuvent plus pêcher ne sont pas des fainéants buveurs de bière, ce sont des gens qui cherchent du travail. Les ex-employés du CN, du CP, de la MIL Davie de Lauzon, à qui le gouvernement ne veut pas accorder le contrat de traversiers et qui ont perdu leur emploi, ne sont pas des buveurs de bière regardant la télévision. Ce sont des gens qui cherchent du travail.


3339

Les jeunes, actuellement, dont le taux de chômage est abominable, qui sortent de l'école avec deux diplômes universitaires et dont une bonne partie font faillite avant même de commencer leur vie, ne sont pas des buveurs de bière regardant la télévision, ce sont des gens qui cherchent du travail.

J'invite le premier ministre à venir faire un tour dans mon comté d'Anjou-Rivière-des-Prairies le lundi matin, pour venir rencontrer les gens qui viennent me voir pour chercher du travail. Je ne sais pas ce qu'il pourrait leur dire. S'il leur disait qu'ils sont des buveurs fainéants, je pense que les gens de mon comté auraient quelque chose à lui répondre là-dessus.

On sait que le Québec fournit près de 25 p. 100 de ses revenus au Canada et que, dans la plupart des réinvestissements canadiens créateurs d'emplois, le Québec n'a pas de retombées équivalentes à ce qu'il fournit, que ce soit au niveau de la recherche et du développement, au niveau des achats du fédéral, au niveau des dépenses de l'armée, au niveau des fonds consacrés à l'agriculture ou aux mégaprojets.

Dans le cas d'Hibernia, bien que les Québécois paieront quelque 800 millions de dollars en taxes et en impôts fédéraux pour ce projet, sans compter les subventions qui devront être versées pour chaque baril de pétrole qui sortira d'Hibernia si le prix international n'augmente pas suffisamment, l'avenir du chantier maritime MIL de Lauzon reste sombre et des mises à pied sont prévues pour 1994.

Bien que le chantier maritime de Lauzon soit le seul, en fait, à avoir réalisé des plates-formes de forage au Canada, dont 13 pour le Texas au début des années 1980, le fédéral a gavé la province de Terre-Neuve de contrats accordés sans soumission. On a eu la construction de bases de béton; la construction des cinq super-modules, les autres ayant été octroyés à des firmes étrangères, après que le fédéral eut aboli le droit d'entrée de 25 p. 100 exigé depuis 1983 pour l'importation des plates-formes pétrolières. L'une des raisons fondamentales pour lesquelles ça va mal dans ce pays, c'est parce qu'on investit des milliards de dollars pour créer de l'emploi ailleurs, et qu'on traite les chômeurs ici, qu'on a créés de toute pièce, de buveurs de bière fainéants regardant la télévision.

On a également accordé la construction d'un chantier maritime à grand gabarit à Bull's Arm, payé à même un fonds de développement régional de 300 millions de dollars. On a accordé la modernisation du chantier maritime de Marystown et un vaste programme de formation de la main-d'oeuvre pour Terre-Neuve.

Bref, si le Bloc québécois approuve l'adoption du projet de loi C-6 en troisième lecture, il est maintenant du devoir des membres de cette Chambre de s'assurer que les mégaprojets, comme celui d'Hibernia, puissent réellement générer les retombées qui ont été promises, autant par ce gouvernement que par celui qui l'a précédé, auxquelles les contribuables canadiens et québécois sont en droit de s'attendre.

Quant aux déclarations irresponsables du premier ministre du Canada, il peut être certain que les gens du Québec s'en souviendront au cours des prochaines élections provinciales et au cours du référendum qui ne saurait tarder dans les mois qui viennent.

(1530)

[Traduction]

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, je suis le seul député du Parti réformiste à prendre la parole sur ce projet de loi, et je serai bref.

Le projet de loi C-6 est essentiellement d'ordre administratif. Comme nous l'avons déjà dit à la Chambre, nous sommes d'accord avec le principal objectif du projet de loi C-6, qui est de transférer à un organisme indépendant, l'Office national de l'énergie, le pouvoir de réglementation des activités d'exploitation du pétrole et du gaz des terres domaniales, qui relève actuellement de la compétence du gouvernement. Nous croyons que la plupart des parties intéressées de l'industrie approuvent cette mesure.

Ce projet de loi présente toutefois une grave lacune que l'on n'a pu corriger au comité. Il donne à l'Office national de l'énergie le pouvoir illimité de déterminer ce qui constitue une découverte importante ou exploitable et de prendre des décisions unilatérales concernant certaines opérations techniques.

Les parties qui se jugent lésées ne pourront en appeler d'une décision de l'office qu'à l'office lui-même. Ainsi, l'organisme quasi judiciaire devient dans les faits juge, jury et bourreau. Bien sûr, toute partie pourra en appeler devant les tribunaux pour les décisions qui touchent des questions de droit, si elle est disposée à assumer le coût et les délais qu'entraîne cette procédure. Cependant, les questions de fait, les décisions techniques ne pourront pas être contestées.

Les représentants de l'industrie nous ont signalé que l'Office national de l'énergie fonctionne bien dans sa forme actuelle, que son personnel est très qualifié et qu'il présente un bilan intéressant.

Ce qui nous inquiète, c'est que nous évaluons l'office sur une très courte période. Nous ne savons rien de ce qu'il sera d'ici une quinzaine d'années. Le projet de loi C-6 lui donne pourtant un pouvoir extraordinaire, sans que rien ne soit prévu pour contrebalancer ce pouvoir.

Les lois sont comme des contrats. Elles devraient être conçues pour pouvoir s'appliquer aux pires situations et non pas selon l'hypothèse que toutes les parties en cause se montreront toujours nobles, rationnelles et justes.

En comité, nous avons essayé de rectifier le problème en proposant des amendements faisant en sorte qu'on puisse en appeler des décisions de l'office en dernier ressort auprès d'un second organisme indépendant, le Comité du pétrole et du gaz instauré par la Loi sur les opérations pétrolières au Canada. N'ayant pu obtenir cette garantie en comité, le Parti réformiste ne s'obstinera pas à poursuivre une cause qui est déjà perdue.

3340

Dans l'ensemble, le projet de loi et son objet nous sont acceptables. Nous l'appuierons donc, bien qu'avec quelques réticences.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

[Français]

SUSPENSION DE LA SÉANCE

M. Gagliano: Madame la Présidente, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour qu'on suspende les travaux jusqu'à 16 h 30, heure à laquelle nous pourrons entreprendre l'heure réservée aux affaires émanant des députés.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La séance est suspendue jusqu'à 16 h 30.

(La séance est suspendue à 15 h 34.)

[Français]

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 16 h 30.

Le Président: La Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


3340

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert) propose: Que le projet de loi C-218, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-chômage (emplois exclus), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je voudrais remercier tous les députés qui ont manifesté leur appui à ce projet de loi. Malheureusement, comme ils sont très nombreux, ils ne peuvent pas tous figurer au Feuilleton, car on le sait, le Règlement limite à 20 noms la liste d'appui publiée à un projet de loi. Permettez-moi donc de remercier en Chambre tous ceux qui sont cités au Feuilleton ainsi que tous les autres députés qui m'appuient mais qui n'y figurent pas.

Ce projet de loi C-218 vise l'abrogation de l'article 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage. Cela peut paraître technique, mais en réalité, j'invite cette Chambre à corriger une injustice majeure infligée à près de un million de Canadiens, dont 650 000 femmes.

(1635)

Nous avons tous le souvenir de la réforme omnibus de l'assurance-chômage. Nous commençons maintenant à mesurer ses effets sociaux. Et certains de ces effets sont nettement discriminatoires.

Auparavant, l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage excluait clairement et directement du bénéfice des prestations toute personne à l'emploi d'un conjoint ou d'une entreprise contrôlée par le conjoint. La loi était simple, facile à comprendre et ouvertement discriminatoire. Plus personne ne voudrait d'un tel régime. Une femme qui travaillait pour son mari était automatiquement exclue des cotisations et des prestations. C'était dit franchement dans la loi et dans les règlements.

Cette loi a été soumise aux tribunaux qui lui ont fait subir les tests de validité de la Charte des droits et libertés. Comme il fallait s'y attendre, les tribunaux sollicités sont intervenus pour rétablir le droit. En effet, puisque la loi ne visait que les conjoints et non l'ensemble des personnes entretenant un lien de dépendance, certaines décisions du Tribunal des droits de la personne de la Division d'appel de la Cour fédérale, de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour suprême ont déclaré invalides et injustifiés les anciens articles 3(2)c) et 4(3)d) de la loi.

La loi actuelle a été sanctionnée le 23 octobre 1990. L'article 3(2)c) a été modifié pour tenir compte des décisions judiciaires qui avaient prononcé son invalidité constitutionnelle. Le législateur conservateur a trouvé un truc pour contourner la difficulté. Depuis la réforme, la femme à l'emploi de son conjoint n'est plus la seule personne exclue des bénéfices de la loi. Dorénavant, toutes les personnes qui entretiennent un lien de dépendance envers leur employeur sont exclues des bénéfices. De cette façon, sur le plan juridique, la loi ne paraît plus discriminatoire.

Tout salarié qui ne traite pas à distance avec son employeur n'a plus droit aux bénéfices automatiques des prestations. En apparence, le fils, le frère ou l'associé minoritaire de l'employeur, tout comme la femme à l'emploi de son conjoint, sont maintenant sur un pied d'égalité. Ils doivent tous montrer patte blanche au fonctionnaire de Revenu Canada parce que c'est ce fonctionnaire qui est chargé de déterminer si le salarié n'est pas un fraudeur.

La loi est formelle: dès qu'une personne a travaillé pour un employeur avec qui elle entretenait un lien de dépendance, elle devra prouver que l'emploi aurait été donné à un étranger dans les mêmes conditions.

Il suffit de lire l'article 3(2)c) pour se convaincre au premier coup d'oeil de la différence de traitement infligée par les conservateurs à ces salariés dont la faute aura été de travailler pour un parent ou pour un conjoint.


3341

Aucune autre catégorie de chômeurs n'a l'obligation d'établir à la satisfaction du ministre du Revenu national qu'il ne cherche pas à frauder l'assurance-chômage. Mais la loi l'impose aux parents et aux conjoints.

Il peut sembler normal à première vue qu'une attention particulière soit apportée aux dossiers des personnes dont l'emploi pourrait être l'occasion d'une évidente complaisance de la part de l'employeur.

Dans certains milieux, on peut penser que le fils et le père, la femme et son mari ou le frère et la soeur sont des fraudeurs en puissance. Pour plusieurs, il ne peut y avoir d'emploi véritable entre des conjoints et des parents. Entre cette idée de la réalité du marché du travail et la conviction que des personnes en état de dépendance sont complices dans une fraude contre le gouvernement il n'y a qu'un pas et les conservateurs l'ont franchi allègrement en adoptant la nouvelle Loi sur l'assurance-chômage.

Avant, la loi ne visait que les conjoints. Qu'à cela ne tienne, puisque'elle était discriminatoire on a décidé de la bonifier. En noyant la catégorie des conjoints dans l'ensemble des salariés en dépendance d'un employeur on pensait bien régler la question.

En effet, les conjoints n'étant plus les seuls exclus, la loi n'était plus discriminatoire. Elle ne l'était plus parce qu'elle excluait du bénéfice automatique toutes les personnes liées entre elles au sens de la Loi de l'impôt, pas seulement les conjoints.

La présomption d'honnêteté est maintenant renversée dans tous ces cas par une présomption de fraude. C'est maintenant le salarié qui a la charge de prouver, à la satisfaction discrétionnaire du fonctionnaire de l'impôt, que le contrat de travail rencontrait toutes les caractéristiques d'un emploi que l'employeur aurait donné à une personne qui lui était totalement étrangère.

(1640)

Dans l'examen de la demande, le fonctionnaire peut faire toutes les enquêtes qu'il juge opportunes chez l'employeur. Il peut notamment vérifier les états financiers, approcher les clients et les fournisseurs, consulter les états bancaires, étudier l'organisation du travail dans l'usine ou le bureau, interroger des tiers. Bref, le fonctionnaire peut aller aussi loin dans son enquête qu'il le juge nécessaire pour se former une opinion. Dans les faits, c'est exactement comme cela que les choses se passent.

Ces macoutes n'ont pas d'autre objectif que de déclasser des prestataires. Le moindre élément de doute milite en faveur de l'exclusion. On ne cherche pas à établir l'admissibilité, on vise à prouver la fraude.

Je souligne que c'est la Division des retenues à la source de Revenu Canada Impôt qui fait cette enquête. Aux termes de l'enquête, Revenu Canada transmet son opinion à l'assurance-chômage qui décide en conséquence. Les prestations sont alors accordées ou refusées.

En cas de refus, c'est la ronde des appels administratifs et judiciaires qui commence. D'abord, une demande de révision à Revenu Canada, Division des appels. Si la décision est maintenue, un appel final est possible à la Cour canadienne de l'impôt. De là, si la personne en chômage possède encore quelques forces, des ressources et une bonne dose d'optimisme, il y a possibilité d'un ultime recours en révision judiciaire à la Division d'appel de la Cour fédérale. La décision de la Cour fédérale peut encore faire l'objet d'un appel à la Cour suprême par le ministre ou le contribuable.

Pendant ce temps, ce dernier, je devrais dire cette dernière puisque dans la majorité des cas ce sont des femmes, cette personne en chômage vit de ses espérances et tente de comprendre pourquoi le système s'acharne sur elle.

Pourquoi punit-on la conjointe ou le parent d'un employeur? Où est la justification du système? Pourquoi fait-on d'une catégorie de salariés des fraudeurs présumés? En quoi même la méfiance est-elle plus justifiée à l'égard de parents qu'à l'égard d'étrangers? Est-il plus facile de frauder entre parents qu'entre concitoyens d'un petit village où tout le monde se connaît si bien qu'on est en famille?

Il est inacceptable que le législateur érige la méfiance en critère d'application de la loi. C'est exactement ce que fait l'actuel article 3(2)c).

Dans l'application de la loi, les conjoints et les parents sont tenus pour suspects. Le gouvernement leur dit: «Vous n'êtes pas comme les autres citoyens parce que vous avez travaillé pour un parent ou pour un conjoint. Prouvez-nous que vous êtes honnête.»

Quel citoyen canadien, inspiré d'esprit démocratique, peut accepter un tel affront à ses valeurs fondamentales? Monsieur le Président, il est possible que des salariés et des employeurs conjoints ou parents fraudent l'assurance-chômage, comme il est possible et d'actualité que des fraudes se commettent entre de parfaits étrangers, peut-être plus facilement qu'en famille. Mais les dispositions pénales de la loi sont suffisamment explicites et punitives pour couvrir toutes les demandes frauduleuses de prestations.

Ce qui choque ici, c'est la charge qu'on impose à la personne en chômage de prouver dès l'étape de sa demande de prestations qu'elle ne fraude pas. Aucune autre catégorie de prestataires n'est soumise au fardeau d'une telle démonstration. Non seulement une telle personne serait-elle sujette à des poursuites pénales, et même à des procédures criminelles en cas de violation de la loi, mais encore est-elle présumée vouloir frauder dès l'étape initiale de sa demande de prestations.

Je serais tout autant choquée, mais peut-être moins motivée à demander l'abrogation de l'article 3(2)c) s'il s'appliquait à un ensemble de salariés de diverses catégories, mais en réalité, la loi vise d'abord un groupe bien identifiable. Je crois même que le principal effet de la loi, qu'il soit voulu ou qu'il résulte des circonstances sociales, aura été l'exlusion systématique des femmes à l'emploi d'un conjoint.


3342

Elles sont 650 000 dans cette situation, monsieur le Président. Si elles perdaient leur emploi, toutes ces femmes salariées d'une entreprise contrôlée par leur conjoint, ces travailleuses qu'on désigne comme «collaboratrices» seraient actuellement exclues du bénéfice inconditionnel des prestations d'assurance-chômage en raison de leur état.

(1645)

Le groupe des femmes collaboratrices forment la très grande majorité des cas d'exclusion visés par l'article 3(2)c). En plus, par effet direct, le recoupement des personnes désignées par les dispositions cumulatives de la Loi de l'impôt et de la Loi sur l'assurance-chômage isole majoritairement les femmes salariées d'un conjoint comme étant le groupe exclu. Inutile de se cacher cette réalité, la loi actuelle nie aux femmes le droit à l'égalité en matière d'assurance-chômage.

On me répliquera que si la loi est si manifestement discriminatoire, les tribunaux la mettront en pièces dès qu'ils en auront l'occasion. Et alors, laissons donc les tribunaux faire leur travail. À cela je répondrai d'abord que c'est aux législateurs que revient la responsabilité d'amender ces lois. Les tribunaux n'interviennent qu'en dernier lieu pour corriger les injustices qui en résultent. Et jusqu'à la décision finale d'un tribunal de dernière instance sur une question fondamentale, combien de recours auront été abandonnés faute de ressources ou d'espoir? Laisser aux tribunaux la tâche de faire la loi, c'est abdiquer notre propre responsabilité politique et sociale.

Je répondrai ensuite que même si les tribunaux ne trouvaient pas la loi discriminatoire sur le plan juridique, nous devrions quand même intervenir pour en rappeler les effets injustes sur les plans humain et politique. Et enfin, malheureusement, et en dépit des injustices qu'elle institutionnalise, je ne crois pas que cette loi paraîtrait discriminatoire selon les critères contemporains appliqués par les tribunaux canadiens. La loi n'est pas discriminatoire sur le plan technique, elle l'est dans ses effets à cause de la réalité sociale et démographique. C'est pour cette raison principalement qu'il faut agir et qu'il faut agir vite. Parce que les tribunaux ne le feront pas.

Par sa réforme de 1990, le défunt gouvernement conservateur avait contourné les gains marqués par les femmes collaboratrices devant les tribunaux. En effet, quelques décisions avaient transmis des messages sans équivoque aux législateurs. L'ancienne loi était invalide parce qu'elle était discriminatoire à l'égard des conjoints engagés dans une relation de travail. Après ces décisions, les femmes à l'emploi de leur conjoint ont été, pendant une très courte période, admises aux cotisations et aux prestations. C'était sans compter sur la conscience sociale des conservateurs.

La trève fut de courte durée. Par ses amendements de 1990, le gouvernement Mulroney rattrapait les femmes collaboratrices et les renvoyait à la case départ. L'opération s'est faite à la sauvette, dans la confusion d'une législation massive où l'amendement est passé presque sans signalement. En incorporant les conjoints dans un groupe en apparence plus large, celui des personnes ayant entre elles un lien de dépendance, la nouvelle loi respecte probablement la Charte des droits. Comme dans une affaire récente décidée par la Cour suprême, je crois que les tribunaux hésiteraient longtemps avant de déclarer invalide l'article 3(2)c). Je fais référence à l'affaire Symes, dans laquelle la Cour suprême a rendu jugement en décembre 1993.

Il s'agissait d'une avocate qui réclamait la déduction des frais de garderie au chapitre de ses dépenses d'opération. On sait que la Loi de l'impôt accorde un maximum de 1 000 $ pour des frais de garde d'enfant. L'avocate réclamait plutôt la totalité de ses dépenses en garderie, au même titre que des frais de représentation. Après tout, si les dépenses de golf sont déductibles, pourquoi pas les frais de garde d'un enfant, nécessités par le travail du contribuable?

Pour la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême, la loi devait s'analyser dans ses effets concrets en regard du contexte actuel. D'accord avec la preuve que les frais de garderie étaient presque universellement assumés par des femmes, elle concluait que dans le contexte social contemporain, la Loi de l'impôt devait être interprétée et appliquée sous les principes de la Charte. Elle aurait donné gain de cause à l'avocate parce que l'application de la loi dans ce contexte aurait des effets discriminatoires.

Je partage cet avis fondé sur une approche évolutive et contextuelle de la législation.

(1650)

Je fais miens les propos de la juge L'Heureux-Dubé que je cite: «Lorsque des questions sont examinées dans leur contexte, il devient évident que certaines présumées vérités objectives peuvent correspondre seulement à la situation d'un groupe donné dans la société et peuvent, en fait, être entièrement inadéquates relativement à la situation d'autres groupes.»

Malheureusement, cette opinion n'était pas celle de la majorité dans l'affaire Symes. L'analyse contextuelle des lois devant les tribunaux n'est pas pour demain. Ils s'en tiendront, comme dans cette affaire, à la lettre de la loi.

La Cour suprême a donc refusé d'examiner l'appel sous ses aspects constitutionnels, après avoir conclu brièvement que la Loi de l'impôt renfermait son propre système de référence. Sous ses aspects fiscaux, la loi traite tous les contribuables également.

En effet, toute personne est susceptible d'assumer des frais de garderie, peu importe que dans la réalité contemporaine ces coûts soient supportés par des femmes. Je suis persuadée que les tribunaux réagiraient de la même manière devant l'article 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage.

Je pense donc qu'il est inutile d'attendre une décision finale de la Cour suprême pour rendre immédiatement justice aux femmes à l'emploi de leur conjoint, comme à tous les Canadiens qui travaillent pour un parent.


3343

Les femmes collaboratrices qui, souvent, contribuent au produit intérieur brut par des sacrifices énormes sur leur rémunération doivent être traitées avec tous les égards dus à leur participation active sur le marché du travail.

Je vous remercie, monsieur le Président. Je n'aurai pas besoin d'utiliser la minute supplémentaire.

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, je désire exprimer mon opposition au projet de loi.

D'après ce que je comprends du projet de loi de la députée, il aurait pour effet d'éliminer la disposition concernant les liens de dépendance contenue dans la Loi sur l'assurance-chômage et qui sert aux préposés au règlement des demandes à déterminer si les gens qui travaillent pour leur conjoint ont une véritable relation employeur-employé et sont, par conséquent, admissibles aux prestations d'assurance-chômage en cas de mise à pied. C'est le but de la disposition.

Donc, le projet de loi rendrait tous les travailleurs et toutes les travailleuses à l'emploi de leur conjoint admissibles aux prestations d'assurance-chômage sans que le gouvernement n'ait aucun moyen de vérifier s'il existe véritablement entre eux des relations employeur-employé légitimes.

Selon les agents de l'assurance-chômage, cette modification entraînerait au moins 2 000 demandes d'assurance-chômage non légitimes chaque année. Sachant que l'on a payé en moyenne 6 613 $ à chaque prestataire en 1992, cela se traduirait par le paiement, chaque année, d'au moins 13 millions de dollars de plus en prestations d'assurance-chômage.

Si nous utilisons les chiffres fournis par le bureau de la députée, le total de ces prestations pourrait même dépasser les 26 millions de dollars par année. De plus, lorsque les gens apprendraient que le gouvernement ne dispose d'aucun moyen d'enquêter sur les abus possibles, il se pourrait très bien que le nombre de demandes illégitimes du genre augmente en flèche.

C'est là le point central de mon argumentation. Si nous approuvons le projet de loi, le nombre de demandes de prestations augmentera radicalement parce que des gens pourront congédier leur conjoint en sachant qu'il retirera des prestations d'assurance-chômage. À notre avis, c'est totalement inacceptable. Les coûts supplémentaires ne seraient pas seulement de 13 ou de 26 millions de dollars, mais ils seraient bien supérieurs à cela.

Nous nous opposons au projet de loi parce qu'il rendrait le système d'assurance-chômage plus perméable aux abus et parce qu'il entraînerait du gaspillage. En ce moment, nous devons plutôt chercher à éliminer les échappatoires et aider les employeurs et les employés à conserver les fonds pour les demandes légitimes.

Je crois que tout le monde profiterait d'un petit cours sur l'historique du projet de loi.

(1655)

Avant août 1988, toutes les personnes employées par leur conjoint n'avaient pas un emploi assurable aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage. Cependant, en août 1988, la Cour d'appel fédérale a confirmé une décision du Tribunal canadien des droits de la personne selon laquelle cette disposition de la Loi sur l'assurance-chômage constituait de la discrimination fondée sur le statut familial.

Afin d'assurer la validité de la relation employeur-employé, le gouvernement a inclus dans le projet de loi C-21 une disposition sur le lien de dépendance. Ainsi, conformément à l'alinéa 3(2)c), lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, l'emploi n'est pas assurable sauf si les modalités d'emploi sont à peu près semblables à celles prévues dans un contrat de travail entre deux personnes qui n'ont pas de lien de dépendance. Nous estimons que c'est suffisant. Si l'employeur veut assurer son conjoint, il a la possibilité de le faire.

C'est à Revenu Canada de déterminer s'il y a ou non un lien de dépendance entre un employeur et un employé. Dans 80 à 90 p. 100 des cas, Revenu Canada juge qu'il n'y a pas de lien de dépendance.

L'emploi du conjoint est donc assurable dans la plupart des cas. Cela semble être une façon très raisonnable de traiter ces cas, et les hauts fonctionnaires au bureau de l'assurance-chômage sont de cet avis.

Il est clair que, si ce projet de loi était adopté, le gouvernement fédéral n'exercerait plus aucun contrôle à l'égard des demandes présentées par des personnes employées par leur conjoint. Ce contrôle disparaîtrait à toutes fins pratiques. Cela créerait une échappatoire dont des milliers de personnes pourraient profiter.

Lorsque le grand public se rendrait compte qu'on vient de supprimer de la Loi sur l'assurance-chômage le dernier élément de contrôle des prestations à l'égard de l'emploi des conjoints, le nombre des demandes illégitimes de prestations augmenterait probablement, comme je voulais le démontrer, et il augmenterait très probablement de façon considérable.

Les contribuables canadiens se préoccupent avant tout des risques d'abus. Nous recevons constamment des plaintes dénonçant le pillage du Trésor public de la part des fraudeurs de l'assurance-chômage.

Nous croyons que le régime d'assurance-chômage devrait redevenir un véritable régime d'assurance fondé sur de solides principes financiers. Cette mesure d'initiative parlementaire ne fait rien en ce sens.

Nous voudrions soulever une question encore plus générale, à savoir s'il peut vraiment y avoir une relation de travail sans lien de dépendance entre mari et femme.

Un employeur qui emploie son conjoint jouit déjà d'un avantage fiscal additionnel, car le revenu de l'entreprise est partagé par deux salariés vivant au sein d'un même ménage. Un employeur devrait-il en outre être autorisé à mettre à pied son conjoint quand il le désire, de sorte que son conjoint puisse ensuite


3344

toucher des prestations d'assurance-chômage? Nous ne le pensons pas. Les raisons pour lesquelles cela ne fonctionnerait pas me paraissent évidentes.

Nous devrions plutôt chercher des moyens de rendre le système plus rigoureux au lieu de l'ouvrir à d'autres abus.

La députée soutient que cette disposition est discriminatoire à l'endroit des femmes. Je rappelle à la Chambre qu'un conjoint peut être un homme ou une femme.

Les Canadiens veulent un régime d'assurance-chômage équitable. Je trouve équitable le système actuel en vertu duquel il appartient à Revenu Canada de déterminer si les employeurs qui emploient leur conjoint ont avec lui une véritable relation employeur-employé. Cette disposition de la Loi sur l'assurance-chômage est plus qu'équitable, et c'est pourquoi nous nous opposons à son abrogation.

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir participer au débat sur le projet de loi présenté par ma collègue.

Cette mesure législative nous invite à examiner une question très importante pour la Chambre et pour l'ensemble de notre pays, celle de l'intégrité financière du régime d'assurance-chômage.

Tous les députés savent à quel point les petites entreprises sont importantes. Tous connaissent personnellement des familles de leur circonscription qui travaillent de longues heures pour être indépendantes, pour réaliser leurs objectifs et pour favoriser l'épanouissement de leur collectivité. Nous savons tous à quel point une entreprise familiale peut être difficile, exigeante, mais également gratifiante.

(1700)

Le régime d'assurance-chômage a joué un rôle extrêmement important pour des milliers d'entreprises familiales de toutes les régions du Canada. Il est venu en aide aux propriétaires de milliers d'entreprises, de commerces et d'usines qui ont vu leurs affaires ralentir temporairement et qui, à cause de cela, ont dû licencier un membre de leur famille.

L'employé de la famille qui a cotisé avec les autres employés de l'entreprise au compte d'assurance-chômage et qui a droit à des prestations a reçu un revenu temporaire du régime d'assurance-chômage. De nombreuses personnes ayant travaillé pour l'entreprise familiale ont reçu de l'aide pour obtenir de la formation et chercher du travail ailleurs, auprès d'une autre entreprise.

À l'instar de millions d'autres Canadiens, les gens employés dans l'entreprise de leur famille ont obtenu les prestations auxquelles ils avaient droit. Des milliers de Canadiens et de Canadiennes ont aussi travaillé pour de petites entreprises avec lesquelles ils entretenaient des rapports très étroits. Ces hommes et ces femmes ont eux aussi bénéficié du régime d'assurance-chômage.

Dans toutes les régions du Canada, les membres de ces deux groupes ont reçu régulièrement les prestations auxquelles ils avaient droit pour avoir travaillé à titre d'employés légitimes, auprès d'entreprises elles aussi légitimes. Ils confirment qu'ils sont d'authentiques participants à notre régime d'assurance-chômage et ils obtiennent un revenu temporaire lorsqu'ils sont à la recherche d'un nouvel emploi.

La Loi actuelle sur l'assurance-chômage est venue en aide à des centaines de milliers de Canadiens dans ce cas, lorsqu'ils en avaient besoin. C'est là l'intention de la loi.

Ma collègue qui a présenté le projet de loi C-218 se préoccupe à juste titre des besoins des petites entreprises familiales sur le plan de l'emploi. Je suis sûr que tous les députés partagent ses inquiétudes.

Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des entreprises familiales qui ont eu du mal ces dernières années. Qui n'a pas vu son père, sa mère, sa soeur ou son frère se retrouver au chômage lorsque l'entreprise a éprouvé des difficultés. Malheureusement, de trop nombreuses familles ont été au service de leur collectivité pendant 10, 25 ou même 50 ans et ont perdu leur entreprise.

Les faits montrent que ces familles ont été bien traitées par le régime d'assurance-chômage. Ainsi, au cours de l'exercice 1992-1993, les entreprises familiales ont fait des dizaines de milliers de demandes de prestations. Quinze mille de ces demandes ont été étudiées, dont 75 p. 100 ont été jugées admissibles.

Il s'agit là d'un résultat très satisfaisant tant du point de vue des employeurs et des employés qui financent le programme que de celui des administrateurs à qui est confiée la charge de recueillir et de distribuer les fonds.

Tous les députés qui connaissent bien l'objet du régime d'assurance-chômage comprennent qu'il faut maintenir un juste équilibre et être équitable. Ils savent que les fonds doivent servir à suppléer au revenu en cas de chômage temporaire et involontaire et à faciliter le retour au travail des prestataires. C'est le mandat de Développement des ressources humaines Canada.

Il s'agit de fonds recueillis auprès des employeurs et des employés pour aider ceux qui ont cotisé et sont temporairement sans emploi. La Loi sur l'assurance-chômage ne permet aucune autre utilisation de cet argent perçu à des fins spécifiques.

(1705)

Le gouvernement a la responsabilité de gérer ces fonds avec prudence et équité et de veiller le plus possible à atténuer les difficultés de ceux qui y ont contribué et qui ont eu le malheur de perdre leur emploi. S'il agissait autrement, le gouvernement mettrait en péril le régime d'assurance-chômage tout entier, outrepasserait les limites de sa responsabilité, de sa compétence et de la stabilité financière du fonds.


3345

Cela ne veut pas dire que la Loi sur l'assurance-chômage peut se passer du processus d'examen et de révision par la Chambre. Comme le ministre du Développement des ressources humaines l'a clairement fait remarquer, tous nos programmes sociaux doivent faire l'objet d'une réforme. Les Canadiens appuient ce point de vue. Ils exigent une réforme globale, tournée vers l'avenir et, peut-être, radicale pour que les programmes sociaux répondent aux besoins des Canadiens à l'aube du XXIe siècle.

Par conséquent, j'estime qu'il serait prématuré d'examiner l'application de l'assurance-chômage à ces situations isolées où l'employeur et l'employé ont un lien de dépendance.

Nous partageons tous les préoccupations de la députée qui a présenté ce projet de loi. Nous avons tous dans nos circonscriptions des entreprises familiales qui éprouvent des difficultés. Nous connaissons des employés d'entreprises familiales ayant contribué au régime qui ont eu besoin de l'assurance-chômage et en ont touché.

Je suis d'avis que ce projet de loi, même s'il vise à aider les entreprises familiales, n'est pas ce qu'on pourrait considérer comme une mesure législative souhaitable en ce moment.

J'estime qu'il conviendrait mieux que cette question fasse partie de la réforme globale des programmes sociaux, qui est déjà en cours. J'assure au député que ce sera fait.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides): Monsieur le Président, encore une fois aujourd'hui, j'interviens sur l'assurance-chômage. Mon intervention se veut un appui au projet de loi C-218 présenté par ma collègue de Saint-Hubert.

Ce projet de loi a pour objet de soustraire de la catégorie des emplois exclus les emplois caractérisés par un lien de dépendance entre l'employeur et l'employé. Le dépôt de ce projet démontre très bien que nous, de ce côté de la Chambre, sommes au fait de ce qui se passe dans nos comtés, que nous y sommes sensibles.

Tous les jours, des demandeurs de prestations cognent à nos portes de bureau de comté et sollicitent notre aide parce qu'ils se sentent lésés ou brimés par l'administration fédérale de l'assurance-chômage. Bien plus, ces gens sont découragés, écoeurés de la façon dont on les traite.

Ils se sentent souvent impuissants devant une loi et des fonctionnaires tout puissants. Les problèmes avec l'assurance-chômage sont fort nombreux et complexes: délais déraisonnables, décisions incorrectes, enquêtes injustifiées viennent régulièrement hanter les demandeurs et brimer leurs droits.

Je suis persuadée que les députés d'en face reçoivent eux aussi un grand nombre de personnes à leur bureau pour solutionner leurs problèmes avec l'assurance-chômage. S'ils ont du courage et la volonté de bien représenter ces gens, je les mets au défi de ne pas appuyer ce projet de loi.

Depuis les débuts de ce gouvernement, il est clair cependant que les gens de la base ont été totalement oubliés, mis de côté par les libéraux. La déconnexion de la base fut très rapide et bien nette. Les décisions et les actions du gouvernement en constituent des preuves évidentes.

Il faut bien comprendre que le but du régime d'assurance-chômage est de soutenir, pour une certaine période, des cotisants qui se retrouvent sans travail. Ce but m'apparaît très clair. Hélas, la loi elle-même, toute son administration, toute la bureaucratie qui gravite autour font souvent perdre de vue l'objectif visé. Ce sont les demandeurs qui en subissent les conséquences.

(1710)

Évidemment, le problème premier de tous ces gens, c'est le manque de travail. Si notre économie produisait des emplois durables en quantité suffisante, tous ces problèmes d'assurance-chômage s'amenuiseraient, s'élimineraient. Mais ce n'est pas le cas. Dans mon comté-celui de Laurentides-le taux de chômage est de 18 p. 100. Si on ajoute à ce fort pourcentage tous les gens qui ne cherchent plus, découragés par le néant du marché du travail, plus tous les gens devant se rabattre sur l'assistance sociale, on se retrouve avec un taux effrayant de sans-emploi de 30 p. 100. La situation m'inquiète grandement.

Tous ces gens sont aussi très inquiets. Le chômage est une grande source de tensions et d'interrogation pour ceux et celles qui le subissent. Imaginez-vous chef de ménage, avec des enfants, et que du jour au lendemain vous perdez votre emploi. Vous n'avez plus que 57 p. 100 de votre revenu, bientôt un maigre 55 p. 100 décidé par les insouciants libéraux, pour faire vivre votre ménage. C'est très inquiétant et préoccupant pour les gens qui, sans le vouloir, deviennent des chômeurs.

Malheureusement, certains déclarent qu'on s'habitue au chômage et d'autres diront même que certains s'y sont habitués. Loin de moi ces allégations tendancieuses. Être ou devenir prestataire de l'assurance-chômage n'est pas un but pour personne dans notre société. Personne ne se lève un beau matin et se dit: «Bon, eh bien ce matin je veux perdre mon emploi et ainsi je vais devenir un chômeur payé.» Personne ne désire sincèrement ou volontairement cette situation. Les gens veulent bien au contraire travailler. Ils veulent des jobs durables et bien rémunérés. Je ne crois pas que de recevoir chaque semaine un chèque diminué, de chercher jour après jour du travail et de ne pas en trouver représente le paradis pour les chômeurs de mon comté.

Les gens d'en face ne comprennent pas ce qui se passe sur le terrain ou ils font l'autruche bêtement, étant incapables de livrer la marchandise tant promise durant la campagne électorale. Leurs promesses se transforment en miettes. Des miettes tombées du programme des infrastructures qui ne créeront ou ne maintiendront que quelque 45 000 emplois pour combler les besoins de 1,5 million de chômeurs. Une vraie plaisanterie, une vraie farce des bouffons d'en face qui suscitent de plus en plus le rire et le scepticisme de tout le monde.


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Dans mon comté, ce miraculeux programme rouge ne règle rien. Une goutte d'eau dans l'océan. Que des jobs précaires et de courte durée. Voilà le résultat des illusionnistes qui siègent en face.

Qu'attendez-vous pour produire une vraie politique d'emploi? Qu'attendez-vous pour créer, pour établir des programmes nouveaux, intelligents et prometteurs? Qu'attendez-vous pour lancer de l'aide et du soutien techniques et financiers aux entreprises et à ceux qui veulent en créer de nouvelles? Qu'attendez-vous pour investir massivement dans la recherche et le développement? Rien. Vous attendez, vous êtes sur le neutre et, je crois même, à reculons dans bien des domaines.

Mais ce qui est d'autant plus navrant, désolant de la part des libéraux c'est qu'en plus de délaisser les emplois ils viennent couper dans l'assurance-chômage. On coupe les prestations des gens à qui on n'offre rien, à qui on ne donne aucune chance. Les illusionnistes d'en face raisonnent à l'envers.

Toute cette réalité quotidienne des sans-emploi leur crée des problèmes certains. L'un de ces problèmes est lié à la loi de l'assurance-chômage, et ce projet de loi C-218 vient l'éliminer. Il vient en fait reconnaître une décision de 1989 de la Cour suprême qui indiquait que l'exclusion des conjoints de l'assurance-chômage est discriminatoire. Hélas, le gouvernement conservateur insensible de 1990 est venu compliquer la vie des conjoints. Je peux vous dire que dans mon comté, où les conjoints s'embauchent en grand nombre pour répondre aux besoins des périodes touristiques, nous sommes confrontés à des centaines de ces cas problèmes dus à l'alinéa 3(2)c) de la loi. Ces conjoints, majoritairement des femmes, vivent véritablement un cauchemar lorsqu'ils demandent des prestations. En effet, pour obtenir des prestations, l'employé lié par le sang, le mariage ou l'adoption doit convaincre le fonctionnaire que son emploi est justifié et qu'il n'est pas un fraudeur.

(1715)

Le fardeau de la preuve repose ainsi sur ses épaules avec toutes les enquêtes que cette disposition implique. Ces enquêtes, devenues quasi systématiques, entraînent des délais inacceptables pour ces personnes qui, souvent, ont un besoin impérieux de ces prestations.

De plus, on considère, puisqu'ils doivent faire la preuve, que tous ces gens sont déjà des fraudeurs. C'est inacceptable dans notre monde libre, démocratique où tous sont présumés innocents. Les principales victimes de cette disposition sont encore une fois les femmes. Nous, on a le dos large. Il y a 650 000 femmes qui feraient partie de cette catégorie.

Je demande donc aux gens d'en face d'appuyer ce projet de loi et aux femmes de cette Chambre de sensibiliser des collègues masculins afin de corriger cette injustice faite aux femmes en abrogeant cette disposition de la loi.

Faisons-nous confiance, faisons confiance aux gens, si nous voulons qu'ils fassent confiance et à nous, et au système.

[Traduction]

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir prendre la parole en une occasion aussi importante au sujet de l'assurance-chômage.

Dernièrement, j'ai passé deux semaines dans ma circonscription. Mes électeurs sont préoccupés par le coût élevé de l'assurance-chômage au Canada et cela, non seulement pour les travailleurs et leurs employeurs, mais encore pour les contribuables. Ils craignent qu'on abuse du système et j'ai pu constater par moi-même que cela arrive effectivement.

Les abus du régime de l'assurance-chômage entraînent une hausse des coûts pour les employés, pour les employeurs et pour tous les contribuables. Ils font monter le coût des biens et des services. Supprimer la sauvegarde qui est en place en ce qui concerne les conjoints qui se rémunèrent l'un l'autre ne fera que créer un problème terrible d'abus à l'avenir. Cela m'apparaît absolument évident.

Je reconnais que si les conjoints n'ont pas le droit de toucher des prestations lorsqu'il y a un lien de dépendance entre eux, ils ne devraient pas non plus verser de cotisations. Il y a là un problème qu'il faut régler. Mais il vaut mieux s'y attaquer directement plutôt que de tourner autour du pot. D'autres personnes doivent verser des cotisations. En tant qu'agriculteur, j'ai exploité une ferme pendant quelque temps et je devais verser des cotisations, mais je n'ai jamais pu retirer de prestations. Il y a là un problème qu'il faut régler.

Si les conjoints n'ont pas le droit de toucher des prestations parce qu'ils ne passent pas le test du lien de dépendance, présentons un projet de loi qui s'attaquera directement au problème. Cette pratique discriminatoire doit cesser.

Le gouvernement a promis de revoir tout le programme de l'assurance-chômage. C'est une bonne idée et les Canadiens attendent cela depuis longtemps. Écoutons ce que les Canadiens ont à dire au cours des audiences sur cette question, notamment. Ils vont nous dire, je crois, qu'ils veulent qu'on cesse d'abuser du système.

Il y a au Canada des jeunes dont les parents n'ont jamais gagné un salaire ou occupé un emploi véritable et qui ont toujours vécu de l'assurance-chômage. C'est une tragédie. Un programme qui était fondé sur de bonnes intentions et qui avait pour but d'aider les gens dans un moment de crise est devenu un mode de vie pour beaucoup de personnes. Et cela se perpétue de génération en génération.

Cette pratique doit cesser, dans l'intérêt non seulement des contribuables, mais aussi des jeunes qui vont poursuivre ce cycle de dépendance. Ce n'est pas bon pour l'estime de soi et le plus tôt on mettra fin à cette pratique, le mieux ce sera. Je crains seulement qu'en supprimant la sauvegarde qui a été mise en place pour empêcher les abus dans les cas où des conjoints s'emploient l'un l'autre, on ne suscite davantage d'abus. Par conséquent, je ne


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peux pas appuyer ce projet de loi et j'encourage les députés à voter contre. Il faut présenter un nouveau projet de loi qui s'attaquera au problème des conjoints qui doivent verser des cotisations alors qu'ils n'ont pas droit à des prestations.

(1720)

L'intention est bonne ici, mais elle est mal orientée. Je ne tiens certes pas à ce qu'on abuse encore plus du régime de l'assurance-chômage. Tâchons de bien analyser ce problème au cours des audiences qui seront tenues dans tout le pays lors de l'examen du programme de l'assurance-chômage. Je propose qu'on attende cela avant d'agir.

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui traite d'une préoccupation qui existe chez tous ceux qui connaissent et qui comprennent l'importance des entreprises familiales à notre époque.

La Loi sur l'assurance-chômage stipule que les employés qui ont un lien de parenté avec leur employeur peuvent toucher, comme les autres, des prestations d'assurance-chômage s'ils y sont admissibles. Ils ont le même genre de contrat de travail que d'autres employés sans lien de parenté avec leur employeur. Leur emploi est assurable et ils versent des cotisations.

Ainsi, s'ils deviennent chômeurs, ils pourront demander toutes les prestations auxquelles ils ont droit. Des facteurs comme le taux salarial, les conditions d'emploi, la durée, le type et l'importance de leur travail détermineront si leur emploi est assurable. De toute évidence, la question fondamentale qui consiste à accorder aux employés d'entreprises familiales des prestations équivalentes à celles d'autres employés a été traitée dans la loi actuelle, et les lignes directrices concernant la gestion des dispositions du régime d'assurance-chômage sont établies.

Au cours des quatre dernières années, comment les choses se sont-elles passées pour les entreprises familiales qui ont participé au régime de prestations prévues en cas de chômage involontaire et temporaire?

Je suis convaincu qu'un bref examen de la situation dans une circonscription typique donnera une bonne idée de ce scénario. Les entreprises familiales qui ont cotisé à la caisse d'assurance-chômage ont constaté qu'elles avaient besoin des prestations. Elles ont présenté leurs demandes au nom du mari, de la fille, de la mère ou du fils qui avait été mis à pied. Elles ont prouvé que les demandes étaient légitimes et ont obtenu les prestations auxquelles elles avaient droit. Les prestations auxquelles elles peuvent avoir droit comprennent une vaste gamme de services conçus pour les aider à mettre fin à leur situation de chômage temporaire et involontaire.

Parmi les prestations spéciales qui visent particulièrement les entreprises familiales, mentionnons: 15 semaines de prestations de maternité offertes pendant la période précédant et suivant immédiatement la naissance d'un enfant; 10 semaines de prestations parentales accordées aux parents naturels ou adoptifs, soit au père, soit à la mère, soit aux deux à la fois, selon leurs préférences; une mixture variable de prestations ordinaires, parentales, de maladie et de maternité. Il est possible de réclamer plusieurs types de prestations spéciales pendant la même période, jusqu'à concurrence de 30 semaines. En outre, les prestataires peuvent toucher à la fois des prestations spéciales et des prestations ordinaires.

Imaginons le cas d'une mère et d'un père qui dirigent ensemble une entreprise. Or, l'un tombe malade. L'avenir de cette entreprise s'en trouve immédiatement menacé. En vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage, une personne qui tombe malade peut toucher des prestations qui peuvent l'aider à maintenir le niveau de son revenu et à assurer la survie de l'entreprise familiale.

Des dizaines de milliers d'entreprises légitimes qui ont présenté des demandes valables de prestations pour lesquelles l'employeur et l'employé ont cotisé touchent ces prestations. La gestion responsable et compétente du fonds de l'assurance-chômage a rapporté des milliards de dollars de prestations. Ces prestations ont contribué à assurer la survie financière d'un nombre incalculable de familles qui exploitent leur propre entreprise.

Il y a aussi le cas de l'entreprise familiale qui connaît un ralentissement des affaires et qui doit se passer des services d'une fille ou d'un fils qui y travaille à titre d'employé. Bon nombre de ces personnes ont pu toucher des prestations d'assurance-chômage pendant qu'elles lançaient une nouvelle entreprise pour répondre à un nouveau besoin du marché.

Cela montre à quel point la Loi sur l'assurance-chômage est souple et polyvalente et peut apporter des solutions concrètes à des problèmes concrets.

(1725)

Je propose que nous communiquions tous avec des familles qui, à notre connaissance, ont bénéficié de la loi actuelle et que nous leur demandions ce qu'elles en pensent. Les gens qui connaissent toute la portée de la Loi sur l'assurance-chômage nous diront que cette loi sert bien les entreprises familiales légitimes qui présentent des demandes valables.

Il est plus facile de régler des anomalies qui peuvent survenir dans une loi d'une manière globale, dans le contexte des différents programmes sociaux assurés par le gouvernement fédéral.

Malgré les intentions de la députée qui a présenté ce projet de loi, je pense que cette proposition n'est pas dans le meilleur intérêt des entreprises familiales, des gens qui contribuent au régime d'assurance-chômage ou de tous les Canadiens.

Pendant les vacances de Pâques, j'ai tenu trois rencontres dans ma circonscription au sujet de l'examen de la sécurité sociale. Les gens y sont venus nombreux et de toutes les régions et les participants comptaient notamment des intervenants des services d'aide. Les recommandations très variées que j'ai reçues ne feront qu'enrichir le débat national qui se tient actuellement sur la question.

Je crois que tous les députés devraient consulter leurs électeurs et transmettre leurs préoccupations au ministre. Mon personnel et moi-même avons dressé un compte rendu des rencontres en vue de le soumettre à l'examen du ministre du Développement des ressources humaines. Une fois que le ministre en aura pris connaissance, je serai heureux d'en communiquer


3348

le contenu à tous les députés qui voudraient eux aussi tenir des rencontres sur cette importante question.

Je crois que le projet de loi dont nous sommes saisis devrait aussi être examiné dans le contexte de l'examen de la politique sociale. Nous aurions avantage à consulter la population canadienne sur cette question fondamentale puisque nous gérons leur argent.

Il y a eu des discussions sur l'assurance-chômage et sur la façon d'améliorer le régime. En général, les gens estimaient que puisqu'il s'agit d'un régime d'assurance, ceux qui sont le plus susceptibles de perdre la protection du régime devraient payer des cotisations plus élevées que ceux qui occupent des emplois plus sûrs. Le montant des cotisations serait en quelque sorte établi en fonction du risque.

Les gens sont également très préoccupés, comme le faisait remarquer le député d'en face, par les abus dont le système fait l'objet. Certaines personnes passent le plus clair de leur temps à recevoir des prestations d'assurance-chômage sans contribuer au régime. Je ne vise pas nécessairement ici les entreprises familiales.

Je ne suis député que depuis cinq mois, mais déjà je me suis rendu compte que beaucoup d'électeurs attendent de nous des solutions à tous les problèmes. Nous sommes censés tout savoir et régler tout ce qui ne va pas. Vous savez par expérience, monsieur le Président, qu'ils ne font pas toujours la distinction entre les régimes fédéraux et les régimes provinciaux, pas plus qu'entre les régimes municipaux et les régimes du secteur privé.

J'ai reçu de nombreuses demandes concernant des problèmes d'impôt, d'assurance-chômage, de Régime de pensions du Canada, ainsi que des problèmes à propos d'autres régimes, services et avantages sociaux qui ne me disaient rien. Je peux dire honnêtement que ce problème qu'on dit si sérieux et qui est le sujet de cet amendement est entièrement nouveau pour moi. Personne ne s'est encore plaint à ce sujet, et je suis sûr qu'il y a des tas d'entreprises familiales à Oxford, comme dans d'autres circonscriptions.

Je félicite la députée d'avoir présenté ce projet de loi. Je lui demande cependant de le présenter dans le cadre de l'examen de la politique sociale afin qu'il puisse être examiné en même temps que d'autres recommandations de Canadiens qui s'intéressent à la question.

Le Président: L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément à l'article 93 du Règlement, la motion retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

SUSPENSION DE LA SÉANCE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour suspendre la séance jusqu'à 18 heures afin que nous puissions procéder au débat sur lequel nous nous sommes entendus plus tôt aujourd'hui.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Le Président: Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 18 heures et nous reprendrons ensuite le débat.

(La séance est suspendue à 17 h 30.)

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 18 h 3.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 18 heures, la Chambre commence maintenant un débat spécial conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui.

_____________________________________________

DÉBAT SPÉCIAL

[Français]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA SITUATION EN BOSNIE

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères) propose:

Que cette Chambre, à la lumière des événements tragiques qui se déroulent à Gorazde, et prenant note qu'au mois de février de cette année, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord a donné son accord à la demande des Nations Unies pour un appui aérien pour défendre une zone protégée autour de Sarajevo, considère la demande contenue dans la lettre du 18 avril du Secrétaire général de l'ONU au Secrétaire général de l'OTAN demandant que les arrangements pour défendre Sarajevo soient étendus aux cinq autres zones protégées en Bosnie.
-Madame la Présidente, le gouvernement s'est engagé, dès le début de son mandat, à consulter le Parlement et les Canadiens sur les grands sujets de politique étrangère. Comme je l'avais dit lors du débat sur la révision de notre politique étrangère: «Les Canadiens et les Canadiennes prennent à coeur la politique étrangère de leur pays.» L'on comprend facilement cela lorsque nous faisons l'appel de tous nos Casques bleus à l'étranger.

La Bosnie-Herzégovine est sans doute le théâtre le plus dangereux dans lequel opèrent nos troupes à l'heure actuelle.

Le massacre sur la place du marché à Sarajevo, en février dernier, a poussé la communauté internationale à agir avec plus de force et de détermination qu'auparavant. Encore une fois, la communauté internationale est amenée à prendre une position claire et ferme en Bosnie, suite aux incidents totalement inacceptables de Gorazde.

Notre objectif, et je tiens à le répéter, est toujours d'arriver à une paix durable en Bosnie. Tous nos efforts en Bosnie ont toujours visé à la promotion du processus de négociation. En aucun cas devons-nous escalader le conflit. Seule une solution diplomatique peut amener une paix durable en Bosnie. Toutes les parties au conflit, et plus particulièrement les Serbes bosniaques, doivent prendre conscience qu'il ne peut y avoir de solution militaire. Nous devons trouver un moyen de remettre le processus de négociation de paix en marche, car si la paix ne s'installe pas en Bosnie, et que la guerre persiste, c'est la stabilité de toute la région qui est en danger.

Je suis contraint de dire ce soir que malgré tous les efforts, tant des Nations Unies que des membres de l'OTAN, que des membres de l'Union européenne, que des efforts particuliers, à la fois


3349

des Américains et des Russes, la situation s'est dégradée rapidement.

Devant l'offensive serbe contre la ville de Gorazde et le non-respect des divers cessez-le-feu qui ont été négociés au cours des derniers jours, le Secrétaire général des Nations Unies a formellement demandé à l'OTAN de prendre les mesures nécessaires pour protéger les cinq zones de sécurité en Bosnie, Tuzla, Zepa, Gorazde, Bihac, Srebrenica et Sarajevo, par l'intermédiaire de frappes aériennes étendues, malheureusement, essentiellement contre les forces serbes.

Le Conseil de l'OTAN a discuté de la question hier et a demandé à ses autorités militaires de préparer divers scénarios pour répondre à une telle demande du Secrétaire général des Nations Unies. C'est donc demain que le conseil rendra sa décision à cette requête du Secrétaire général des Nations Unies.

Nous aurons à prendre position à l'occasion de cette réunion du Conseil de l'OTAN. Avant de prendre cette décision, nous pensons qu'il est important d'entendre les parlementaires se prononcer sur cette demande du secrétaire général.

Nous permettrons aux députés, tant du gouvernement que de l'opposition, de nous faire des suggestions. Mon collègue, le ministre de la Défense, et moi-même écouterons les interventions et nous aurons, à 22 heures ce soir, après ce débat, une séance spéciale du Conseil des ministres pour donner nos instructions à ceux qui nous représenteront demain à la réunion de l'OTAN.

Permettez-moi de dire, cependant, qu'en février dernier, le Canada avait émis des réserves quant à l'utilisation des frappes aériennes pour protéger Sarajevo. Mais en fin de compte, nous étions arrivés à la conclusion que c'était le seul moyen de réagir à une situation qui devenait de plus en plus grave. Les préoccupations canadiennes avaient été prises en considération dans la décision de l'OTAN en février. Nous avions, par ailleurs, indiqué de façon très claire qu'advenant un changement important dans la nature des opérations des Nations Unies en Bosnie, où nos troupes ne seraient plus là en tant que troupes de maintien de la paix, nous pourrions reconsidérer la présence de nos troupes en Bosnie.

(1810)

J'aimerais souligner que le représentant canadien au Conseil de l'OTAN a réitéré hier les réserves du Canada quant à l'utilisation des frappes aériennes. La puissance aérienne ne peut, à elle seule, résoudre le problème en Bosnie. Nous devons situer nos décisions dans le cadre de nos objectifs stratégiques qui demeurent avant tout la paix et les négociations.

Cependant, face au déluge quotidien d'images horrifiantes en provenance de la Bosnie, nous ne devons pas oublier que des progrès significatifs ont quand même été accomplis comme le démontre d'une part l'accord d'une fédération croate-musulmane. L'OTAN et l'ONU avaient préconisé, en février dernier, une opération plus ferme afin de protéger Sarajevo et faire cesser l'enfer dans lequel la ville vivait depuis trop longtemps. Nous avons réussi à faire taire les canons et les mortiers et ce, sans avoir recours aux frappes aériennes de l'OTAN.

Malheureusement, la logique de la guerre a repris le dessus dans d'autres régions de Bosnie. L'ONU a déclaré Gorazde zone de sécurité. Il en va de notre devoir de protéger les populations qui y sont réfugiées. Cependant, ce qui s'est passé la semaine dernière à Gorazde montre qu'une action plus musclée de la part de la communauté internationale comporte des risques. Il faut en être pleinement conscient.

Si nous adoptons une approche plus ferme telle que celle demandée par le Secrétaire général des Nations Unies et telle que proposée à l'OTAN, nous devons le faire avec les yeux ouverts et accepter les conséquences de notre décision.

[Traduction]

Nous savons aussi que le conflit s'est aggravé et nous devons en tenir compte. Le progrès en Bosnie est compromis par une armée serbe bosniaque totalement incontrôlable. Nous devons reconnaître que les Russes ont joué un rôle très positif pour chercher à arriver à une solution négociée à ce sanglant conflit. Nous devons donc prendre plus au sérieux les observations qu'ils ont faites ces derniers jours en disant que l'intransigeance des Serbes bosniaques était la principale cause de l'impasse actuelle.

Dans ce contexte, il sera bien avisé d'étudier la position russe à l'égard de toute mesure de l'OTAN. Nous en discuterons certainement avec nos alliés membres de l'OTAN demain. Si nous voulons mettre un terme à ce conflit, nous devrons dire sans la moindre équivoque aux Serbes bosniaques que leur façon d'agir est inacceptable et ne peut être tolérée.

Comme nous l'avons déclaré au sujet de Sarajevo, s'ils ne respectent pas le cessez-le-feu, s'ils ne respectent pas les zones de sécurité, nous sévirons en effectuant des frappes aériennes. Comme c'était le cas à Sarajevo, nous sommes prêts à le faire. Heureusement, le bon sens a prévalu et nous n'avons pas eu à recourir aux frappes aériennes.

S'il le faut, nous suivrons le même raisonnement, la même stratégie en ce qui concerne les autres régions où des habitants sont pris en otages par les belligérants qui résistent aux demandes généralisées de s'asseoir à la table pour signer un accord de paix.

De toute évidence, nous devons admettre que le mandat initial des troupes canadiennes dépêchées là-bas pour garantir le maintien de la paix et faciliter la distribution d'aide humanitaire est singulièrement compromis en ce moment.

(1815)

Le mandat confié aux missions de maintien de la paix en Bosnie ne fonctionne pas; il peut s'avérer efficace uniquement si les parties conviennent d'une solution pacifique aux conflits. Les seuls qui refusent jusqu'à maintenant sont les Serbes bosniaques et nous sommes déterminés à leur faire comprendre qu'ils ne peuvent continuer à livrer une guerre que toutes les autres parties veulent arrêter.

Je pense donc que nous devons prendre des décisions difficiles au nom de la paix et de la sécurité. Nous devons consulter nos alliés et planifier le mode d'action nécessaire pour aider les responsables à faire la paix dans cette région de la planète.

Par le passé, le Canada a rempli de façon exemplaire de nombreuses missions de maintien de la paix de l'ONU. En tant que fier participant de l'OTAN, il a toujours été prêt à servir dès qu'on le lui demandait et à fournir le type d'aide nécessaire. Si nous ne pouvons accomplir des missions de maintien de la paix au nom de l'ONU, nous devrons répondre aux demandes qui nous seront peut-être faites de participer à des mesures très énergiques de l'OTAN pour faire entendre raison aux Serbes bosniaques.


3350

Espérons que les frappes aériennes ne seront pas nécessaires. Cependant, nous devons dire ce soir qu'au besoin, il y aura des frappes aériennes.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Madame la Présidente, je voudrais d'abord féliciter le gouvernement d'avoir convenu de l'opportunité de tenir ce débat qui va permettre à tous les parlementaires qui le souhaitent de s'exprimer et qui, surtout, vont pourvoir le gouvernement du point de vue de l'opposition.

Je crois, en écoutant le discours du ministre des Affaires étrangères-soulignons en passant qu'il s'agit pour moi d'un discours très responsable et très nuancé-que l'on peut souhaiter que la Chambre fasse l'unanimité autour de cette très grave décision que le gouvernement doit prendre. C'est très important, je crois, qu'on puisse travailler dans ce dossier avec un consensus qui réunit toutes les allégeances politiques au sein de cette Chambre.

Il n'y a pas de doute que nous devons faire un constat d'échec de la mission de maintien de paix, telle que nous l'avons définie jusqu'à maintenant. Premièrement, parce qu'il n'y a pas de paix, il y a la guerre, et même le massacre des civils. Nous voyons à la télévision des enfants tués, éventrés par des obus. Nous voyons des femmes mourir, des femmes violées. Nous voyons un pays qui est mis à feu et à sang où 200 000 personnes ont été tuées depuis deux ans.

Aujourd'hui seulement, 28 personnes sont mortes à Gorazde. Elles ne sont pas mortes sur un champ de bataille, mais à l'hôpital, car les Serbes ont décidé d'utiliser les moyens les plus inimaginables dans une guerre, soit d'attaquer les hôpitaux. Hier, on a tiré des roquettes sur un hôpital, on a tué les gens dans une salle d'urgence, on a détruit les salles d'opération. Aujourd'hui, on a tiré encore sur l'hôpital. Donc, ce n'est pas un coup malchanceux; c'est de propos délibéré qu'on a décidé de s'en prendre aux hôpitaux. Même lorsqu'on veut secourir les blessés, on ne peut pas le faire, car on tire sur les secouristes.

Non seulement il n'y a pas de paix, mais il n'y a pas de volonté de paix. On a beaucoup parlé de négociations. Mais jusqu'à maintenant, toutes les négociations ont été marquées de la mauvaise foi serbe. C'est le cas de la violation des cessez-le-feu autour de Gorazde; les cessez-le-feu qui ont été conclus ont été systématiquement violés. Ils n'ont même jamais été appliqués. On les violait avant même que l'encre de la signature soit sèche.

En parlant de violation d'entente, on me dit que depuis trois mois les Serbes ont violé pas moins de 57 ententes qui ont été conclues autour de Gorazde et de Sarajevo.

(1820)

De plus, les grandes négociations de paix piétinent. En réalité, les négociations ne fonctionnent pas en raison du refus des Serbes de se joindre au désir de paix des Croates et des Musulmans bosniaques. On sait que les Croates et les Musulmans ont conclu un accord et les Serbes se sont abstenus d'y participer. À vrai dire, il faut parler maintenant de duplicité serbe. Ils profitent des négociations qui ont lieu pour endormir la vigilance occidentale et, pendant ce temps, intensifier leurs efforts militaires. La stratégie serbe crève manifestement les yeux. Pendant que d'un côté ils font semblant de négocier, de l'autre ils profitent du temps qui s'écoule pour occuper du terrain et se placer en position stratégique pour les événements qui vont suivre.

Voilà donc que ce constat d'échec nous amène même à conclure que, dans l'état actuel des choses, la présence des Casques bleus en Bosnie risque même de contribuer à la prolongation du conflit. Il y a une confusion dans les instructions. Les militaires ne savent pas à quoi s'en tenir. Ils ne peuvent pas se défendre. Ils sont exposés à devenir des otages impuissants à la moindre volonté exprimée en ce sens par les Serbes. Il faut absolument que nous prenions une décision.

De plus, nous parlons de la sécurité de nos troupes dans le cas où il y aurait des attaques aériennes, mais il faut aussi en parler dans le cas actuel. Nos troupes ne sont déjà pas en sécurité. La sécurité des soldats canadiens est dès à présent menacée par la situation actuelle. Ces soldats ne peuvent pas se défendre. Ils doivent assister, impuissants, à des hostilités qui se déroulent à un rythme et à une intensité extrêmement vifs.

Pour conclure, au plan diplomatique, c'est surtout la crédibilité des démocraties occidentales et de l'ONU qui sont en cause. Que reste-t-il de la crédibilité du Canada comme pays qui veut maintenir la paix, comme pays qui a de la suite dans les idées, de la cohérence dans l'action? Que reste-t-il de la crédibilité des Anglais, des Français, des Américains, de l'ONU, si nous ne faisons rien? C'est justement en jouant sur le désir de paix, sur le pacifisme de nos démocraties que les Serbes ont réussi à occuper maintenant la plus grande partie de la Bosnie et qu'ils sont peut-être en train de se livrer à des actes qui ressemblent étrangement à un nettoyage ethnique.

Autrement dit, la situation a atteint un seuil critique et il faut redéfinir la mission canadienne. Il faut, et c'est une option, soit la redéfinir afin de donner d'autres orientations à l'action des Casques bleus canadiens qui sont là-bas, soit les retirer. Est-il possible de les retirer? Non. En réalité, il n'y a pas de choix puisque l'un des termes du choix n'est possible ni en pratique ni en principe.

Les retirer, qu'est-ce que cela voudrait dire? Tout d'abord, cela voudrait dire mettre fin à l'aide humanitaire. N'oublions pas qu'à côté des actes de maintien de la paix, même si ceux-là ont échoué, il y a les actes d'intervention pour convoyer la nourriture et faire en sorte que les gens aient un minimum d'eau et d'hygiène, et des médicaments pour protéger quelques vies quand cela est possible. Il y a donc beaucoup de choses qui ont été faites à ce sujet et il faut pouvoir continuer.

Deuxièmement, cette crédibilité de l'ONU et des missions de paix serait peut-être définitivement compromise si l'on se retirait aujourd'hui. Que penserait le monde entier d'une abdication totale des responsabilités de l'ONU et des pays de l'OTAN si nous devions nous retirer maintenant? De plus, ce serait abandonner les Bosniaques. Imaginons ce qui arriverait par la suite si nous nous retirions, d'autant plus que nous avons désarmé les Bosniaques. On sait mal que l'embargo que nous avons imposé aux Bosniaques a été d'une efficacité telle qu'ils se trouvent désarmés et de plus en plus incapables de répliquer aux attaques


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serbes. Et puis, enfin, on livrerait la région aux expansions possibles.

Il s'agit d'une poudrière. Il s'agit des Balkans. Plusieurs des grandes guerres ont commencé dans les Balkans. Il y a déjà le danger iranien qui pointe à l'horizon. D'après les déclarations faites récemment par les autorités iraniennes, on a vu que la solidarité religieuse des musulmans risque de jouer, et partir serait, en effet, permettre le déraillement du conflit.

Il faut donc redéfinir la mission del'ONU. Je pense que nous serons tous d'accord pour répondre à l'appel du secrétaire général et souscrire à la proposition du président américain qui suggère que l'approche de Sarajevo soit appliquée aux six zones de sécurité qui subsistent en Bosnie. Cela veut donc dire utiliser les frappes aériennes, cette fois-ci d'une façon offensive et les faire précéder d'un ultimatum. Utilisons le mot juste, c'est bien d'un ultimatum qu'il s'agit. Il faut que les Serbes sachent que s'ils ne se rendent pas à l'invitation expresse qui leur sera faite de dégager les six zones de sécurité et de livrer leurs armements lourds ils vont s'exposer, et ce faisant, décider eux-mêmes d'être la victime et l'objet de frappes aériennes.

(1825)

Ces frappes aériennes, si malheureusement il faille y recourir, doivent être significatives. On ne peut pas parler de demi-mesure maintenant. Il faut qu'elles visent des objectifs stratégiques. Ce sera autant d'acquis pour la sécurité de nos troupes, au cas où on voudrait exercer contre elles des représailles par la suite. Il faut détruire l'armement lourd serbe, si les Serbes ne se rendent pas aux ultimatums.

Il faut, bien sûr, se prémunir. Il faut avoir l'aval russe. Je ne sais pas si ce sera possible, les dépêches ne nous permettent pas de connaître exactement la situation en Russie. Nous le savons, il y aura ce soir à New York une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. Les Russes y seront. Ils ont un droit de veto. Il faut passer l'étape de ce Conseil de sécurité et il faut souhaiter que la diplomatie occidentale convaincra la Russie de laisser tomber sa sympathie pour les Serbes, compte tenu qu'elle a été traitée très durement par les Serbes. L'honneur russe est en cause aussi parce que les Russes ont répondu du respect des traités et des cessez-le-feu par les Serbes qui les ont violés quand même. On peut espérer que les Russes voudront rejoindre le camp de ceux qui veulent une paix là-bas.

Ensuite, il y a aussi, bien sûr, un très grand souci pour la sécurité de nos troupes. Nous n'ignorons pas que la situation est très dure pour nos troupes. Nos soldats, déjà, ont été pris en otages. Heureusement, ils ont pu être libérés. Il faut donc s'assurer cette fois-ci que les dispositifs militaires seront mis en oeuvre pour qu'on ne puisse pas impunément et aussi facilement qu'avant prendre nos soldats en otages.

Il y a aussi la question des troupes additionnelles qui pourraient être requises. Nous savons bien que plusieurs experts militaires, dont le général MacKenzie, ont dit que le soutien au sol est requis pour donner une efficacité aux frappes aériennes. Si des troupes additionnelles sont requises, j'ignore si c'est le cas, les militaires le diront, je ne pense pas que c'est le Canada qui doive fournir de nouveaux soldats.

Le Canada a déjà fait un effort extrêmement considérable. Huit p. 100 des effectifs actuels des Casques bleus en Bosnie sont Canadiens, alors que le Canada ne souscrit qu'à la hauteur de 3 p. 100 des budgets de l'OTAN. Il y a des pays qui n'ont pas encore de soldats là-bas, et il y en a d'autres qui n'en ont pas suffisamment par rapport à ce qu'ils devraient avoir. Je pense qu'il faut inviter nos alliés et nos pays amis membres de l'OTAN à faire un effort à la hauteur de celui du Canada, et je ne doute pas que nous ayons alors suffisamment de troupes au sol pour maintenir les attaques.

[Traduction]

En conclusion, le Bloc appuie la mise en oeuvre du plan proposé par le président des États-Unis et recommande fortement au gouvernement du Canada d'acquiescer à la demande du secrétaire général des Nations Unies.

Devant la situation, nous devons nous unir. Dans les circonstances, nous ne pouvons faire autrement que montrer notre solidarité à la communauté internationale, car c'est ce que commandent nos sentiments humanitaires et une menace pèse directement sur les droits d'un peuple et sur la démocratie.

Le gouvernement peut avoir l'assurance que nous appuierons toute mesure allant dans le sens de mon intervention de ce soir.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Madame la Présidente, encore une fois, je tiens à remercier le gouvernement d'avoir accepté de tenir le débat de ce soir. Je tiens aussi à exprimer notre grande satisfaction devant la décision de ne pas convoquer le Cabinet pour discuter de la question avant la conclusion de notre débat. Les Canadiens doivent avoir la possibilité de faire entendre leur point de vue et les décisions doivent nécessairement se prendre en toute impartialité.

La situation en Bosnie est devenue très sérieuse et la décision qui sera prise bientôt aura de graves répercussions sur les Forces canadiennes qui participent aux missions des Nations Unies sur place. Cette décision aura aussi de très grandes répercussions sur les citoyens bosniaques qui sont exposés à de graves dangers.

Je rappelle qu'aucune des parties qui s'affrontent dans le terrible conflit bosniaque ne peut prétendre avoir les mains nettes. Toutes ont à se reprocher des actions qu'elles savent condamnables. Cependant, il semble que, en ce moment, les Serbes bosniaques soient les grands responsables de l'escalade et de la poursuite de la guerre en Bosnie.

Madame la Présidente, vous vous souviendrez peut-être que, à l'occasion du débat que nous avons eu sur la Bosnie le 25 janvier dernier, j'ai dit qu'il était temps que le Canada prenne les devants et, je cite, «qu'il accueille, ici à Ottawa, une conférence au début de février, avant la conférence de Genève. Il y inviterait tous les pays dont les troupes sont actuellement sur place en ex-Yougoslavie. Il exhorterait les Nations Unies à lancer un ultimatum net et sans équivoque aux belligérants: qu'ils acceptent les mesures


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prises pour conclure la paix et la faire respecter, sans quoi les troupes de l'ONU seront retirées.»

(1830)

On n'a pas écouté ce conseil. Nous nous retrouvons maintenant, quelque trois mois plus tard, dans une situation encore plus critique. Des soldats canadiens et d'autres représentants des Nations Unies ont été pris en otages, détenus et empêchés de faire leur travail. Beaucoup de personnes ont été tuées et blessées dans le bombardement d'une zone déclarée sûre par les Nations Unies à Gorazde.

Il est maintenant clair qu'au moins un des protagonistes en Bosnie n'apprécie guère notre présence là-bas et ne respecte pas la volonté des Nations Unies de trouver une solution pacifique à ce conflit.

À la fin de mars, le Canada a accepté de laisser ses troupes en Bosnie pendant six mois encore, ce qui nous amène à la fin de septembre. Toutefois, lorsque cet engagement a été pris, il semblait y avoir de la lumière au bout du tunnel. Les chances d'en arriver à une solution pacifique au conflit semblaient bonnes.

Cela a maintenant changé et, à la lumière des événements récents, le Canada devrait réévaluer la situation et réexaminer ses options. Le retrait des Forces canadiennes est une option. Les Canadiens n'ont pas l'habitude de fuir devant les difficultés, et nous l'avons bien prouvé. Toutefois, pour le moment, notre rôle en Bosnie se limite à observer des atrocités, des massacres et des actes de cruauté. Si on n'arrive pas à convaincre les Serbes bosniaques qu'ils doivent changer d'attitude, est-il vraiment utile pour les Canadiens de rester là-bas, particulièrement lorsque tout semble indiquer que certains d'entre eux risquent d'être tués ou blessés?

Même le président Eltsine a reconnu que les Serbes ont violé l'accord. Le président Clinton a dit, lors d'une conférence de presse, que les consultations se poursuivent toujours et que, bien qu'il ne puisse pas préjuger de la position que prendra le président Eltsine jusqu'à ce que ce dernier voie la proposition des États-Unis par écrit, il peut dire que, en général, le président Eltsine a reconnu que l'entente actuelle en ce qui concerne les frappes aériennes est insatisfaisante et que les Serbes ont simplement violé l'accord en s'attaquant à Gorazde. Cependant, il pense, comme tout le monde, que les frappes aériennes de l'OTAN ne pourront pas à elles seules régler ce conflit. Il faudra le régler au moyen de négociations.

Sans prétendre d'aucune façon que mon conseiller est aussi informé que ces deux présidents, je suis d'accord avec leur évaluation de la situation. Les frappes aériennes ne pourront pas à elles seules mettre un terme à la guerre en Bosnie. Mais le recours judicieux et ferme à la puissance de frappes aériennes convaincra peut-être les Serbes bosniaques qu'il est de leur intérêt de se présenter à la table de conférence pour négocier de bonne foi.

Je préconiserais par conséquent que le Canada approuve la demande de l'ONU en faveur de frappes aériennes de l'OTAN à condition que ces raids soient réclamés par les commandants sur le terrain. Lorsqu'on recourt à de telles frappes aériennes, il est important d'en informer les gens qui seront directement touchés par d'éventuelles représailles et d'obtenir leur consentement.

Les frappes aériennes constituent évidemment une arme dont on peut tirer grand avantage. On propose actuellement de recourir à ces frappes aériennes pour protéger directement les enclaves musulmanes et plus précisément celle de Gorazde. Elles pourraient cependant s'attaquer à la chaîne logistique, aux dépôts d'approvisionnements, aux dépôts de munitions, aux routes et aux ponts ferroviaires qui permettent aux Serbes de se réapprovisionner. Je ne pense pas que nous songions à cela pour le moment, mais c'est un autre aspect de l'action que pourrait exercer au besoin la puissance aérienne.

Nous devrions examiner également l'embargo décrété par l'ONU sur la fourniture d'armes aux Bosniaques musulmans. Lorsque le vice-président Ganich est venu ici il y a deux jours, il a dit au cours d'une conversation qu'il considérait l'ONU en grande partie responsable de la situation en Bosnie à cause de cet embargo. Il le croyait très fermement et a démontré de façon éloquente qu'à cause de l'inégalité dans la puissance de feu entre les Serbes bosniaques et les Bosniaques musulmans, il était impossible d'en arriver à une réconciliation. Il préconisait très fortement qu'on lève cet embargo et qu'on permette aux Musulmans de s'armer convenablement.

(1835)

Quand je lui ai demandé si cela ne risquait pas d'accroître les hostilités, il a reconnu que cela pourrait très bien se produire au début, mais il était convaincu qu'il s'agissait là de la seule mesure qui permette un véritable espoir d'en arriver à une solution à long terme au conflit en Bosnie.

Pour terminer, je tiens à féliciter le gouvernement de sa position. Je tiens à dire que le Parti réformiste l'appuiera de nouveau. C'est une décision qu'on ne devrait pas prendre en fonction des positions des partis, mais dans l'intérêt des Canadiens. Je pense que la décision de retirer maintenant le contingent canadien serait très mal accueillie chez les Canadiens en général. Je crois que nous devrions y maintenir notre contingent et tâcher de faire en sorte qu'on en arrive à une solution pacifique.

Je crois cependant qu'on devrait faire clairement comprendre que si nous restons là-bas uniquement pour être les témoins d'autres atrocités et d'autres effusions de sang, nous devrons reconsidérer cette possibilité en temps opportun.

[Français]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Madame la Présidente, en septembre 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU a élargi le mandat de la FORPRONU et augmenté l'effectif de cette dernière dans le but d'assurer la protection des convois d'aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine, sous les auspices du Haut--


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Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le Canada a accepté de fournir quelque 1 200 soldats de plus et, au 15 novembre 1992, le second groupe-bataillon avait été déployé. En décembre 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU a établi une présence dissuasive dans l'ex-République yougoslave de Macédoine. Une compagnie du second groupe-bataillon canadien a exécuté cette tâche de janvier à mars l'année dernière.

Lors de la relève des troupes qui a eu lieu durant l'automne passé, l'engagement des forces canadiennes à l'égard de la FORPRONU a été modifié pour s'établir à environ 2 000 militaires formant deux groupes-bataillons plus petits. À l'heure actuelle, presque 2 000 militaires canadiens sont affectés à la FORPRONU en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

[Traduction]

Nous avons pris un certain nombre de mesures ces dernières années. À mon avis, celles dont je viens de parler témoignent de l'engagement du Canada à maintenir la paix et la stabilité dans la République de la Bosnie-Herzégovine, dans l'ancienne République de la Yougoslavie. Ce fut un grand défi à relever pour des milliers de Canadiens, pour les parents et amis de ceux qui ont été touchés et qui ont été envoyés en mission là-bas.

Nous croyons que, au cours des deux dernières années, notre contribution dans l'ancienne République de la Yougoslavie, aussi bien en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine, a été importante. Les Forces canadiennes ont fait une différence. Elles ont permis de sauver des vies. Elles ont aidé au maintien de la paix là où elle existe dans cette région et elles ont participé efficacement aux efforts humanitaires.

Nous discutons ce soir de la grave détérioration de la situation en Bosnie. Les forces serbes bosniaques ont poursuivi implacablement leurs attaques contre Gorazde, zone de sécurité désignée par les Nations Unies. À maintes occasions les représentants des FORPRONU ont tenté de persuader les serbes bosniaques de cesser leurs attaques. Jusqu'à maintenant ces efforts ont été vains, et des Serbes bosniaques continuent de détenir des représentants de l'ONU et d'empêcher la livraison de l'aide humanitaire.

Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile pour les FORPRONU d'atteindre leurs objectifs. La communauté internationale, notamment les États membres de l'OTAN, ceux de l'Union européenne et la Russie, sont aux prises avec un dilemme fondamental: comment encourager la coopération sans pour autant envenimer ou étendre le conflit?

Après avoir pris tous ces facteurs en considération, le secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, en est venu à la conclusion qu'une intervention militaire plus musclée s'impose.

La Chambre se souviendra sans doute qu'en février dernier, l'OTAN a accepté de fournir un appui aérien pour protéger la zone de sécurité de l'ONU à Sarajevo. Il y a trois jours, M. Boutros Boutros-Ghali a écrit au secrétaire général de l'OTAN, M. Manfred Woerner, pour lui demander d'étendre l'entente conclue pour protéger la zone de sécurité de Sarajevo à cinq autres zones de sécurité de l'ONU situées à l'intérieur et aux environs de Gorazde, de Srebrenica, de Zepa, de Tuzla et de l'enclave de Bihac.

(1840)

Hier, le Conseil de l'Atlantique Nord a discuté de cette requête et demandé aux autorités militaires de l'OTAN d'élaborer un plan opérationnel. Ce plan portera sur des questions comme le commandement et le contrôle, le choix des cibles et la sécurité du personnel des Nations Unies.

Avant de souscrire à la proposition du secrétaire général des Nations Unies, nous devons être certains que le commandement et le contrôle de ces frappes aériennes répondent, en fait, aux attentes canadiennes et respectent les exigences normales de l'OTAN en matière d'efficacité et de sécurité. Les autorités de nos forces armées sont en rapport avec celles des autres pays de l'OTAN pour s'assurer que si ces frappes aériennes ont bel et bien lieu, on tiendra compte de nos réserves.

Le plan du secrétaire général définira l'étendue des zones d'exclusion à l'intérieur et autour des zones de sécurité et précisera dans quelles conditions on pourra avoir recours à des frappes aériennes. Certains députés vont arguer que le gouvernement s'est opposé à des frappes aériennes dans le passé et se demander pourquoi nous n'avons pas rejeté carrément la dernière requête du secrétaire général.

Je voudrais mieux expliquer notre position. Mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, nous a éclairés quelque peu là-dessus ce soir.

Nous avons été en faveur des frappes aériennes pour protéger les troupes des Nations Unies. Nous avons dit que nous envisagerions d'autres requêtes si elles tenaient compte d'un certain nombre de facteurs: elles doivent contribuer au processus global de paix, elles ne doivent pas associer clairement les Nations Unies à une partie au conflit, elles ne doivent pas empêcher les forces des Nations Unies d'aider à la distribution de l'aide humanitaire et elles ne doivent pas exposer le personnel de l'ONU à des risques inacceptables.

On a beaucoup discuté du plan américain proposé par le président Clinton hier. Il s'agissait d'un plan beaucoup plus global que la demande présentée par M. Boutros Boutros-Ghali. On y prévoit non seulement d'étendre la protection aérienne autour de Sarajevo à d'autres zones de sécurité, mais également de prendre des sanctions plus strictes destinées à limiter la capacité de la Serbie et de la Bosnie de faire la guerre, et on propose de tenir une réunion au sommet entre les États-Unis, l'Europe, la Russie et les Nations Unies.

Comme mon collègue des Affaires étrangères l'a déclaré, demain matin, le Conseil de l'OTAN va se réunir pour examiner le plan opérationnel élaboré par les autorités militaires et pour discuter de la proposition du président Clinton.


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Bien entendu, toute décision que prendra l'OTAN aura des répercussions sur la FORPRONU et plus précisément, nous devrons étudier de près la question pour savoir si toutes ces propositions vont modifier la nature de sa mission. En outre, il faudra examiner le plan opérationnel pour déterminer sa viabilité militaire et ses effets sur la sécurité du personnel des Nations Unies.

Nous savons depuis le début qu'en déployant des forces dans l'ancienne Yougoslavie, nous exposons notre personnel à certains risques. Cette crainte nous habite depuis le début de la mission et en raison de la situation à Srebrenica. En outre, l'incident de la semaine dernière au cours duquel 16 membres des Forces canadiennes ont été détenus par les Serbes bosniaques nous a rappelé que le danger était bien réel.

Je voudrais maintenant rendre un hommage particulier à ces 16 militaires et à l'autre observateur des Nations Unies, un Canadien, qui a lui aussi été détenu.

Des voix: Bravo!

M. Collenette: Un membre de nos forces se trouve aujourd'hui à Gorazde, qui croule sous les obus. Un Canadien se trouve là-bas et nous prions pour qu'il revienne.

La décision de demain ne sera pas prise à la légère, mais comme mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, l'a déclaré, trop souvent dans le passé les nations ont choisi de fermer les yeux sur des agressions flagrantes et accepté que des atrocités inqualifiables soient commises. Ces choses ont lieu également dans d'autres régions du monde et cela aussi devrait nous inciter à les condamner.

Lorsqu'on est témoin de ce genre de situation en Europe, en 1994, au coeur de la civilisation occidentale, si on peut dire, lorsqu'on voit des gens de mêmes racines ethnoculturelles divisés fondamentalement par leur religion se livrer à des atrocités indescriptibles les uns contre les autres et que l'on constate qu'une faction n'hésite absolument pas à faire ouvertement un pied de nez à la communauté internationale, le moment est venu d'agir.

Nous ne pouvons rester sans rien faire, nous devons agir comme nous l'avons fait, à l'instar d'autres pays, plus tôt au cours de ce siècle, sinon nous ne ferons qu'encourager l'agresseur encore davantage. Nous permettrons que les atrocités et les violations des droits de la personne s'intensifient.

(1845)

De plus en plus, nous verrons disparaître tout comportement civilisé dans cette région du monde, où il a été largement la norme, ces 50 dernières années, dans une paix relative en dépit des inimitiés du passé.

Lorsque nous prendrons une décision définitive au Cabinet ce soir, nous tiendrons compte des observations des députés d'en face et de ceux du gouvernement.

Nous sommes reconnaissants au chef de l'opposition et au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe, le porte-parole du Parti réformiste, de leur précieuse contribution. Nous sommes tous ici ce soir comme citoyens canadiens, non comme membres du Parti libéral, du Parti réformiste, du Bloc québécois ou d'un autre parti.

Les Canadiens qui sont sur le terrain nous servent avec détermination et ils ont, j'en suis sûr, notre appui total. Ils seront heureux de savoir que les députés pensent à eux et essaient de faire en sorte que la communauté mondiale adopte une ligne de conduite qui leur permettra de rentrer sains et saufs lorsque leur mandat sera terminé et qui, ce qui est tout aussi important, instaurera une paix durable dans l'ancienne Yougoslavie.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Madame la Présidente, pour la deuxième fois dans cette 35e Législature, je prends la parole sur cette question du conflit en Bosnie ainsi que sur les missions de paix. Les partis présents en cette Chambre lors du premier débat avaient tous abondé dans le sens du maintien des missions des Casques bleus canadiens dans une mission qui était cependant très différente des missions antérieures exécutées par le Canada.

Malheureusement, la situation a évolué. Les collègues du Parti réformiste ainsi que les ministres de la Défense et des Affaires extérieures ont élaboré longuement sur l'évolution du conflit et sur les moyens diplomatiques employés. On voit maintenant où en est la situation. Des scènes d'horreur provenant de Sarajevo, on s'en souviendra avec tristesse, avaient ému l'humanité. À ce moment, l'OTAN avait décidé, suite à un ultimatum, d'entreprendre des frappes aériennes afin de libérer le pourtour de Sarajevo.

Par la suite, tous les efforts diplomatiques ont été tentés par les pays occidentaux auxquels s'est jointe même la Russie qui, par négociation, avait obtenu des Serbes bosniaques un accord de cessez-le-feu et des ententes signées par les Croates et les Bosniaques musulmans. On semblait alors se diriger vers une solution, mais les Serbes bosniaques ont manqué à leur parole et cela plus d'une fois. Du même coup, les Serbes bosniaques ridiculisaient les membres de l'ONU et par le fait même ces mêmes Serbes trompaient la confiance de la Russie qui avait négocié avec eux.

Je pense que cela ne m'apparaît plus du tout une question d'alliance entre pays qui tentent d'en arriver à une solution négociée, mais plutôt une atteinte à l'existence même de l'humanité, à ses valeurs et à son évolution. Comment peut-on tolérer plus longtemps une situation que le monde entier rejette? Lorsqu'on en est réduit à bombarder les hôpitaux comme à Gorazde, comme on l'avait fait à Sarajevo, il est clair que la diplomatie dans toute son utilité a failli en partie à la tâche. Rien ne ramènera à la vie les gens qui ont été tués dans ce conflit et rien ne justifie de tels actes de barbarie.

Mon préambule donne une vision sur la prise de position que suggère le Bloc québécois. En effet, nous sommes d'avis que le Canada se doit d'appuyer la proposition du président des États-Unis, M. Clinton, et que cet appui doit être sans équivoque: le fait


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de décréter six zones de sécurité comme l'a fait l'OTAN et d'appliquer le modèle de Sarajevo, c'est-à-dire de soumettre un ultimatum qui, je suggère, doit se limiter à une période relativement courte et, s'il n'est pas respecté, être suivi de frappes aériennes stratégiques et intensives.

(1850)

D'aucuns diront qu'il y a escalade dans les moyens et que cette forme d'intervention est tout à fait différente de toutes celles que le Canada a appuyées antérieurement.

Cependant, ce massacre doit cesser. Tous les intervenants sur le terrain ont dit et disent encore ne plus accepter l'inaction devant l'horreur de ce théâtre conflictuel. Assister impuissants à l'assassinat de civils bien souvent sans armes, les Casques bleus en ont la nausée.

Ils ont oeuvré avec brio, malgré les moyens et les directives parfois imprécises qu'ils recevaient. Ils ont sauvé des milliers de vies humaines et je peux dire, pour l'avoir entendu de la bouche même de certains d'entre eux, qu'ils sont prêts même à risquer leur vie pour arrêter cette sanglante hécatombe.

J'ai rencontré quelques Bosniaques musulmans qui sont maintenant des résidants du Canada-peut-être qu'ils ont contacté aussi le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense-et ces gens décrivaient le théâtre de Sarajevo et le théâtre de Gorazde maintenant, comme une chose inacceptable par des pays supposément civilisés. Ils s'étonnaient de voir que le Canada, dans lequel ils demeurent et aiment demeurer, puisse assister à cela sans avoir de plus vives réactions.

Il est important que tous les intervenants, soit les pays occidentaux, la Communauté européenne, la Russie et les États-Unis fassent front commun dans la prise de décision d'une intervention inflexible et inéluctable. En effet, les Serbes bosniaques, ayant maintes fois manqué à leur parole, ne peuvent plus faire croire aux autres pays de leur bonne foi dans les négociations diplomatiques.

Il est certain que ce ne sera pas une décision facile à prendre, mais dans le contexte actuel, je pense que c'est la seule solution qui se veut humanitaire. De plus, nous avons signalé que la sécurité des Casques bleus canadiens et aussi des Casques bleus des autres pays est primordiale à nos yeux, mais devant une telle tuerie, l'action ne peut qu'être bénéfique et valorisante.

L'atermoiement a sans doute prolongé ce conflit barbare et a parfois mis en plus grand danger la vie de Casques bleus, en raison d'un manque de décisions et de stratégies claires. Il serait mal venu de comptabiliser la vie humaine et cela, tous nos courageux soldats nous l'ont bien démontré. Ils veulent arrêter ce conflit, même en le faisant au risque de leur vie. Ils sont conscients que leur métier et leur formation les amènent sur des sites d'action parfois dangereux, mais ils sont formés pour l'action et en acceptent les conséquences.

La sécurité de nos Casques bleus canadiens est primordiale à nos yeux et à mes yeux et je suis d'autant plus concerné que la majorité des représentants des Casques bleus canadiens viennent de mon comté. J'en ai rencontré plusieurs qui sont revenus, et sans nécessairement parler en leur nom, je transmets un message de ces vaillants soldats qui disent: «Agissons avec clairvoyance et circonspection, mais agissons pour terminer ce massacre.»

En terminant, je pense qu'il n'y a aucune autre solution que le décret de ces zones de sécurité. Si les Serbes bosniaques ne respectent pas ces zones, un ultimatum ferme et inflexible devra être émis pour enrayer cet épisode honteux dans l'histoire de l'humanité. Lorsqu'on en est rendu à bombarder des hôpitaux et à tuer des civils ainsi que des enfants, je pense qu'on se doit de prendre des décisions qui, parfois, peuvent sembler difficiles.

Si l'ONU s'est rendue sur le site malheureux de l'ex-Yougoslavie, elle ne peut maintenant agir en observateur. Elle doit prendre des décisions qui, possiblement, porteront à discussion, mais malgré le fait que les Casques bleus ont sauvé beaucoup de vies humaines, je pense qu'en arriver à cette solution ne peut qu'en sauver davantage.

[Traduction]

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Madame la Présidente, c'est un débat très sérieux que celui de ce soir.

J'ai écouté cinq députés parler, et tous l'ont fait sans égard à leur affiliation politique. En tant que Canadien, je suis très fier de prendre la parole ce soir et de dire qu'ils ont tous parlé comme des Canadiens ayant à coeur l'intérêt supérieur du pays. Je suis très heureux de prendre part à ce débat qui porte sur une question très sérieuse.

(1855)

Je voudrais aborder la question sous un angle légèrement différent, soit celui de notre intérêt national. Car c'est cela qui nous intéresse en tant que Canadiens.

L'intérêt national dans ce débat a trait à la paix et à la sécurité dans le monde, ainsi qu'à l'aversion pour le génocide auquel nous assistons. Mais pour tout objectif national et tout souhait national, il doit y avoir un risque.

Quel est donc ce risque? Ce n'est pas notre réputation de gardien de la paix qui est en cause. Nous avons montré dans le conflit israélo-arabe de 1967 que nous pouvons certes maintenir la paix, mais que nous pouvons aussi partir quand les parties veulent vraiment se battre. Nous avons donc créé deux précédents dans la même mission.

Mais il y a bien un risque pour nous, et ce risque a trait aux quelque 2 000 Canadiens qui participent à la mission. Les Canadiens doivent savoir qu'en poursuivant cet objectif national de la paix et de la sécurité ainsi que de l'aversion pour le génocide, nous faisons courir un risque à nos troupes de maintien de la paix.


3356

Cela dit, je voudrais maintenant parler de cette mission que l'on pourrait qualifier d'opération typiquement marquée par l'escalade. La question que je me pose en pareil cas, c'est où cela va-t-il s'arrêter?

Nous avons commencé par envoyer une poignée d'officiers et de sous-officiers en septembre 1991 pour appuyer la Communauté européenne dans sa mission de surveillance du cessez-le-feu à la frontière et pour fournir de l'aide humanitaire.

En février 1992, nous avons envoyé un bataillon composé de 1 200 personnes. En juin 1992, nous avons chargé une partie de ce bataillon d'ouvrir l'aéroport de Sarajevo. Les Canadiens se souviendront des vives tensions qu'avait suscitées cette opération. Et en septembre de la même année, nous avons envoyé 1 200 soldats supplémentaires.

Eh bien, les 57 cessez-le-feu bidon et l'utilisation que les Serbes bosniaques en ont faite contribuent à l'escalade du conflit que nous connaissons aujourd'hui. Chaque escalade nous enfonce de plus en plus dans un bourbier, et c'est là où nous nous trouvons actuellement. Nous sommes véritablement dans un bourbier.

Quelles options nous sont offertes? J'estime qu'il y en a trois principales, et on les a décrites d'une façon ou d'une autre ici, ce soir.

La première option est de déclarer que nous avons perdu la bataille, qu'il ne nous sert à rien de continuer ainsi et de nous retirer de la région. Cette décision enverrait un certain message aux Serbes bosniaques. Elle mettrait en danger la vie de milliers de civils, la plupart musulmans, ainsi que d'autres populations musulmanes, dans l'est de la Bosnie, pour lesquelles nous nous inquiéterions.

Elle enverrait également un message à d'autres agresseurs qui veulent peut-être faire la même chose. L'histoire des génocides et notre opinion, en tant que Canadiens, sur des atrocités de ce genre sont très claires. Nous avons toujours agi de la même façon dans ces cas.

La deuxième option est de poursuivre ce que nous faisons actuellement. Or, je ne sais pas au juste à quoi cela nous servirait. Nous offrons une aide humanitaire et proposons des attaques aériennes, mais à moins que des changements ne se produisent, j'estime que nous perdrons totalement toute chance d'établir la paix. Le gouvernement, qui est, je crois, musulman bosniaque, interprétera peut-être mal les choses et pensera peut-être que, tôt ou tard, nous allons nous en prendre à lui. Tous les députés savent que nos soldats n'ont pas été envoyés là-bas pour cette raison et qu'ils ne sont pas équipés pour cela.

(1900)

Cela pourrait peut-être aussi amener les Serbes à penser, à tort, que nous allons rester là-bas. Ils continueront leurs petits jeux de cessez-le-feu et chaque fois qu'il y aura un cessez-le-feu, ils renforceront leur position. C'est ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Pourquoi en serait-il autrement?

La troisième option est celle que propose actuellement cette motion et qui semble recueillir l'appui total de la Chambre ce soir. Elle consiste à mettre nos soldats dans une zone de sécurité et à envisager plus sérieusement le recours à des frappes aériennes.

En examinant cette option, nous devons nous rappeler que c'est dimanche dernier que le secrétaire général des Nations Unies a autorisé le recours aux frappes aériennes, en vertu des résolutions nos 824 et 836 de l'OTAN. Il s'est écoulé quatre jours depuis.

Quel message envoyons-nous aux Serbes? Que pensent-ils? L'histoire nous apprend que les frappes aériennes qui ne sont pas suivies de mesures de la part des soldats au sol ont parfois pour effet de renforcer la détermination des personnes visées par ces interventions.

Le bilan des interventions aériennes qui ont été faites jusqu'à maintenant dans ce pays montagneux n'est pas très positif. Il y a des problèmes avec les frappes aériennes. Celles qui ont été faites jusqu'ici ont été réussies, mais il y a des problèmes, et nous devons en tenir compte.

Il y a une autre question qui n'a aucunement été abordée ce soir. Je voudrais donc attirer l'attention de la Chambre sur cette affaire et demander au ministre des Affaires étrangères de s'y pencher. Il s'agit du blocus naval à trois dans l'Adriatique. Y participent la force opérationnelle de l'Union européenne, qui regroupe des pays de l'Europe de l'Ouest, la force navale permanente de l'Atlantique, dont un commodore canadien vient tout juste de céder le commandement le 14 avril, et, enfin, la force navale permanente de la Méditerranée sous les ordres du commandant des forces navales Sud Europe en Méditerranée. Je crois que nous devons voir comment cela s'inscrit dans le plan d'action qui sera élaboré au cours des discussions qui auront lieu demain.

Ce n'est pas sans hésitation aucune, je dois l'admettre, que je me prononce en faveur des frappes aériennes. Je suis en faveur, à condition que se tienne un sommet réunissant les Russes ainsi que toutes les forces de l'OTAN et toutes les forces des Nations Unies en cause, et ce, quoi qu'on fasse. Au cours des négociations que nous tiendrons demain-je sais que je n'ai pas à le rappeler à la Chambre au cours de mon intervention ce soir-il ne faudra pas oublier les risques que courent nos Casques bleus là-bas. Il faudra tenir compte du fait que toute nouvelle initiative que nous pourrions prendre dans le cadre du plan d'action qui sera élaboré au cours des prochains jours constituera une mesure d'escalade, ce qui demande mûre réflexion.

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Madame la Présidente, je prends la parole ce soir sur cette très importante question. Je sais que la plupart des députés avaient certainement des choses plus agréables à faire ce soir. Lorsque j'ai été élu, il y a à peine six mois, je ne me doutais pas que la Chambre serait appelée, aujourd'hui, à se prononcer sur une question aussi grave.

En janvier, j'ai prononcé mon premier discours sur le même sujet, c'est-à-dire le rôle du Canada en Bosnie. J'ai prononcé ce discours pour deux raisons. Premièrement, ma famille est originaire de cette partie du monde. Mon héritage culturel vient de cette région et je me préoccupe certes de ce qui se passe là-bas.


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(1905)

Deuxièmement, nous avons omis de parler, durant les débats, d'un élément important qui est l'histoire de la région. L'histoire nous apprend en effet qu'au cours des 500 dernières années, la région a fréquemment été le théâtre de crises soudaines semblables. Il y a eu des guerres. Les gens se sont entretués, massacrés. Il n'y avait ni bons, ni méchants. Cette région du monde a toujours été très instable.

Lorsque j'ai prononcé mon premier discours en janvier, j'espérais que nous n'aurions pas à tenir le genre de débat que nous tenons ce soir. Malheureusement, mon voeu ne s'est pas réalisé.

J'ai une double préoccupation. D'abord et avant tout, je suis très préoccupé par la sécurité des troupes canadiennes dans cette région. En tant que Canadiens, notre priorité absolue doit être de protéger nos troupes et d'empêcher que des choses comme celles qui se sont produites dans cette région n'arrivent à nos troupes.

Deuxièmement, je suis préoccupé par le sort des victimes innocentes. Des milliers de personnes ont déjà été victimes de cette guerre.

Je ne crois pas que nous puissions demander aux Nations Unies de maintenir la paix dans une région du monde où il n'y a tout simplement pas de paix à préserver. Je ne suis pas un adepte de la violence. Je hais la violence et ce qu'elle fait aux innocents. Toutefois, depuis deux ans, nous ne cessons de reculer dans cette région du monde, nous envoyons de l'aide, puis nous reculons encore. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

Les menaces et les ultimatums n'ont tout simplement rien donné. Je pense que nous devons nous montrer plus fermes. Je dis cela avec des sentiments partagés. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai des parents dans cette partie du monde et je me fais évidemment beaucoup de souci pour leur sécurité.

Mais je ne pense pas que nous ayons d'autre choix, à ce stade. J'estime que la communauté internationale a l'obligation de protéger les êtres innocents où qu'ils se trouvent. Des milliers de vies ont déjà été perdues et des dizaines de milliers d'autres sont directement menacées.

Il y a vingt minutes, j'ai reçu une lettre d'une électrice. J'aimerais vous lire ce qu'elle m'écrit. Voici ce qu'elle dit: «En tant qu'épouse d'un soldat de la paix ayant servi en Croatie, je sais ce que c'est d'avoir peur de ne plus jamais revoir son mari. C'est avec fierté que mon mari s'est acquitté de son rôle de soldat de la paix pour son pays et pour les Nations Unies. Il ne savait jamais si la patrouille qu'il effectuait allait être la dernière. J'estime qu'il faut par tous les moyens forcer les Serbes à respecter les zones de sécurité établies par les Nations Unies. Mais, dans l'intérêt de nos soldats, soyons très clairs dans ce que nous faisons. Il ne s'agit plus de maintien de la paix. Les soldats qui travaillent maintenant sous l'égide des Nations Unies doivent se voir confier un nouveau mandat précis et réalisable. Sinon, ils devraient être carrément retirés de la région et l'OTAN devrait intervenir.

Dennis vient de me dire, il y a quelques minutes, qu'il serait heureux de reprendre son uniforme de combat et de repartir. En tant que son épouse et mère de son enfant, tout ce que je vous demande, c'est-si vous le renvoyez là-bas, lui ou ses compagnons-de lui confier un mandat précis et de lui donner les ressources et le soutien nécessaires pour qu'il puisse revenir sain et sauf.»

Comme je l'ai déjà dit, c'est avec des sentiments partagés que je prends aujourd'hui la parole à la Chambre pour appuyer les frappes aériennes, non parce je cherche à punir qui que ce soit, mais parce que je veux qu'il soit mis fin dès maintenant à cette horrible guerre.

À mon avis, la seule option que nous ayons, celle que nous devons choisir, c'est de placer tous les Canadiens dans des zones de sécurité et de mettre ensuite tout en oeuvre pour stopper ce bain de sang. Ce n'est qu'alors que nous pourrons parler de maintien de la paix et que nos soldats de la paix pourront s'acquitter du rôle qui nous a rendus célèbres dans le monde entier.

M. Nelson Riis (Kamloops): Madame la Présidente, avant tout, je tiens à remercier le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le gouvernement d'avoir donné à tous les députés une chance de faire valoir leur point de vue et d'aider le gouvernement à prendre une décision délicate, plus tard ce soir. Je veux aussi remercier le gouvernement d'avoir reporté le moment où le Cabinet devra rendre une décision, pour prendre le temps de consulter les députés.

(1910)

Je tiens à dire, au nom du Nouveau Parti démocratique, que nous sommes favorables à cette initiative, et que nous unirons nos efforts pour obtenir l'appui unanime de la Chambre sur cette question absolument fondamentale.

Je veux rendre hommage à nos gardiens de la paix, pour la performance extraordinaire qu'ils réalisent en remplissant leurs fonctions dans cette région. En contribuant ainsi à préserver la sécurité de gens innocents, ils se distinguent d'une façon exceptionnelle. Je suis sûr que nous gardons tous une place pour eux, dans nos coeurs et nos pensées, ainsi que pour leurs familles qui attendent.

Il est vrai cependant qu'aucune des parties visées ce soir n'est au-dessus de toute critique, et certains sont à blâmer beaucoup plus que d'autres, mais sur la question serbe, nous ne pouvons tout simplement plus permettre que se perpétue une guerre que tous veulent maintenant voir finir. Il faut prendre immédiatement des mesures extraordinaires pour mettre fin à la brutalité, à la cruauté, à l'horreur et aux souffrances inimaginables imposées aux gens de la région, et particulièrement aux innocents civils.

Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées dans ce conflit. Des dizaines de milliers d'autres se sont enfuies pour se réfugier dans d'autres pays. On a violé systématiquement des milliers de femmes; c'est une tactique de guerre. Nous entendons parler de purification ethnique, de camps de concentration, de massacres et de destruction d'édifices religieux.


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On en arrive au point où les Canadiens ne peuvent plus observer sans rien faire et laisser cela continuer. Nous devons nous y opposer fermement. Par conséquent, comme les Nations Unies nous demandent d'appuyer les frappes aériennes, ce n'est que juste que nous accédions à cette demande, en tant que pays.

Quant à nos propres troupes en poste dans ces secteurs, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité. Si, pour ramener la paix dans la région et obtenir éventuellement un accord négocié, il faut qu'un appui au sol soutienne les forces aériennes, le mandat de nos troupes en sera certainement modifié. Ce sera alors à nous de leur donner le matériel et le soutien dont ils auront besoin pour s'acquitter de leur mission.

Ce qui a été décisif pour nous, ce fut de voir à la télévision, au cours des derniers jours, des reportages nous montrant les bombardements, le pilonnage des maisons et des hôpitaux, et même des églises, ce qui représente le summum de la sauvagerie subie par cette région. Aucun de nous ne peut tolérer davantage d'être le témoin passif de cette guerre et de permettre tacitement qu'elle se poursuive.

Je félicite le gouvernement d'avoir pris la peine de nous consulter avant que le Cabinet ait à prendre cette décision très délicate. Nous ne pouvons qu'espérer et prier que nous n'ayons pas à réévaluer notre participation dans quelques semaines parce que la situation se serait encore dégradée au-delà des limites inconcevables qu'elle a déjà atteintes.

Je cède maintenant la parole à mon collègue de Regina, qui utilisera le reste de mon temps de parole.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Madame la Présidente, je remercie mon collègue de me donner la possibilité de participer à ce débat et je remercie le gouvernement, l'opposition officielle et le Parti réformiste d'avoir permis que ce débat important ait lieu.

Plus tôt, j'ai parlé à une de mes électrices, une mère de famille dont le fils, militaire, vient de revenir de l'ancienne Yougoslavie. Ce qu'elle me disait surtout c'est que, au dire de son fils, nous ne sommes plus capables de jouer un rôle de maintien de la paix dans cette région. Étant donné que les parties n'acceptent pas notre position et ne respectent pas les cessez-le-feu, nous ne pouvons pas jouer notre rôle.

Nos forces ne sont pas équipées pour rétablir la paix. Pourtant, ce que demande l'OTAN, c'est que le rôle de l'ONU cesse d'être le maintien de la paix pour devenir le rétablissement de la paix. Il semble que les forces serbes aient fini par conduire l'ONU et la communauté mondiale à cette décision.

La situation est devenue ridicule et nous sommes à un stade où il faut prendre un décision sérieuse. Je suis heureux que le Cabinet attende la conclusion de ce débat pour se réunir et je suis convaincu qu'il prendra en sérieuse considération toutes les conséquences de sa décision.

(1915)

Certains sont d'avis que ce pourrait être le début d'une nouvelle guerre comme celle du Viêt-Nam. Je suis allé en Bosnie et en Croatie et, au cours des années, j'ai suivi attentivement tous les événements. Je sais que le terrain ne se prête pas au genre de guerre auquel nous pensons. Ce n'est pas le désert comme au Moyen-Orient. Il faut se souvenir aussi de la poignée de partisans qui avaient pu tenir en échec des divisions allemandes entières pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Nous ne pouvons nous retirer et laisser les viols et les massacres se poursuivre. J'ai été au front et j'ai vu les hôpitaux qui ont été attaqués avec des bombes à fragmentation. J'ai été témoin d'assauts contre des églises; j'ai vu des attaques contre des populations civiles et le mépris total d'innocents. C'était absolument immoral.

Quelqu'un a dit: «C'est le diable qui fait la fête là-bas.» Nous ne pouvons tolérer cela. Nous ne pouvons regarder tout cela à la télévision sans réagir. Je pense qu'il faut recourir aux frappes aériennes.

La question qu'il faut se poser est la suivante: Qu'en est-il des Forces canadiennes? Elles ne sont pas équipées. Elles sont pratiquement retenues en otages là-bas. Je crois qu'avant de procéder aux frappes aériennes, il faut immédiatement retirer les troupes de l'ONU qui sont là-bas et qui sont mal équipées pour se protéger, et les envoyer dans des zones sûres.

Aux termes de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, un État a le droit de se protéger. Or, il y a un État dans ce cas-ci; il existe une fédération entre les Bosniaques croates et musulmans. Il existe aussi une confédération entre le nouvel État de la Bosnie et la Croatie. Pourquoi ne pas lever l'embargo sur les armes et permettre aux Musulmans et aux Croates de protéger leurs maisons et leurs villes? Ce serait fort logique.

Les jeunes Canadiens n'ont pas à verser leur sang inutilement dans les champs de la Bosnie. Permettons aux Musulmans et aux Croates bosniaques de protéger leurs maisons et leurs villages. Utilisons-les en tant que troupes au sol, ou forces terrestres, nécessaires pour protéger les zones sûres et appuyons-les au moyen d'une puissance aérienne. Grâce à cette combinaison, les règles du jeu seront équitables.

Je crois que les Serbes négocieront alors de bonne foi. La situation n'est pas équitable actuellement puisque les Serbes possèdent des armes qu'ils ont héritées de l'armée qui se classait, à la fin de la guerre froide, au troisième ou quatrième rang en Europe pour ce qui est de la puissance, soit l'armée yougoslave. Ils ont hérité de toutes ces armes puissantes qu'ils utilisent contre les Musulmans et les Croates. Les règles du jeu ne sont donc pas équitables.

L'embargo sur les armes a aidé les Serbes et désavantagé les Croates et les Musulmans. Éliminons le déséquilibre et permettons aux armées musulmane et croate de protéger leurs villes. Appuyons-les au moyen d'une puissance aérienne. De cette façon, nous pourrons être efficaces et faciliter le règlement du conflit, puisque les forces serbes seront bien obligées de négocier et de le faire de bonne foi.


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D'après moi, il faudrait étudier diverses solutions susceptibles d'éviter un bain de sang, bien qu'il soit déjà en train de se produire. Nous ne pouvons l'empêcher. Cependant, nous pouvons peut-être aider à l'arrêter si nous levons l'embargo et appuyons les forces musulmanes et croates au moyen d'une puissance aérienne. Je crois que le résultat pourrait être positif.

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national): Madame la Présidente, si j'interviens ce soir, c'est pour traiter d'une question très grave, soit la position du Canada concernant la Bosnie.

Nous avons toujours maintenu une politique cohérente à ce sujet. En mai 1993, nous avons diffusé un document sur notre politique étrangère dans lequel nous faisions la mise en garde suivante: «Il faudra des années pour régler la situation en Yougoslavie. Le Canada doit être disposé à consacrer des ressources et du temps pour créer de nouveaux États et de nouvelles communautés dans cette région.»

(1920)

Avant de pouvoir contribuer à la reconstruction de cette région, il faut d'abord régler la situation tragique qui secoue la Bosnie.

Ce soir, nous devons examiner la possibilité d'avoir recours à des frappes aériennes pour protéger les zones de sécurité dans l'ex-République yougoslave, question très délicate qui est abordée de façon très différente par le Canada et les États-Unis. Comme certains l'ont déjà mentionné, nous abordons cette question d'un angle différent parce que nous avons des Casques bleus en mission dans cette région. Si le gouvernement américain avait donné suite au plan Vance-Owen et s'était engagé à envoyer des soldats américains pour appuyer les forces de l'ONU sur le terrain, nous n'aurions peut-être pas à débattre de cette question ce soir.

Le 2 mai 1993, les États-Unis ont promis d'envoyer 25 000 militaires. Jusqu'à maintenant, aucun soldat américain n'a été envoyé en mission dans l'ex-Yougoslavie.

Nos troupes ont, quant à elles, participé à des missions de l'ONU extrêmement difficiles. En juin 1992, elles ont été dépêchées à Sarajevo pour rouvrir et protéger l'aéroport afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. En janvier et février 1993, d'autres soldats canadiens ont été déployés temporairement dans l'ex-République yougoslave de Macédoine pour surveiller les activités près de la frontière serbe. En avril 1993, d'autres troupes canadiennes ont été envoyées à Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, pour établir la présence de forces de protection de l'ONU dans cette ville assiégée.

Nous devons appuyer le recours aux frappes aériennes et veiller à ce que le pays qui appuie cette mesure avec le plus d'empressement envoie des troupes sur le terrain. Il nous faut une stratégie solide nous permettant de protéger les Casques bleus canadiens qui se retrouvent dans une situation très explosive.

Il nous serait très difficile de proposer le retrait de nos troupes, étant donné la brutalité qui règne dans cette région où la population a grandement besoin d'aide humanitaire.

Nous nous sommes rendus dans cette région pour promouvoir un règlement pacifique au conflit bouleversant l'ex-Yougoslavie et offrir de l'aide aux victimes, ces innocentes victimes qui ont connu, nous le savons, des supplices incroyables et ont été témoins de morts insensées. Nous savons que des femmes ont été violées, que d'innocents enfants ont été tués et que des hommes et des femmes ont été torturés de façon aberrante. De nos jours, nous ne devrions pas tolérer une telle situation.

Mais voilà, quelle est la solution au problème? Quelle est la prochaine mesure à prendre? Nous devons établir un plan stratégique, un plan à long terme, un plan d'avenir, un plan qui comprend un règlement garantissant une paix durable dans cette région. Doivent être parties à ce règlement les forces de l'OTAN, les Russes, les Serbes, les Bosniaques, les Musulmans et tous les autres intervenants, afin que nous puissions enrayer à jamais cette haine engendrée il y a plus de 1 000 ans.

[Français]

M. André Caron (Jonquière): Madame la Présidente, les Canadiens et les Québécois ont accepté d'envoyer des troupes en ex-Yougoslavie pour maintenir la paix. Nos troupes font partie du contingent de 23 000 soldats des Nations Unies qui, depuis des mois, font des efforts méritoires pour que la paix s'installe dans ce pays d'Europe. Avec dignité, courage et efficacité, nos soldats ont rempli le mandat qui était le leur, un mandat étroit, un mandat exigeant. Mais nos soldats ont fait en sorte de le remplir avec efficacité.

Nos troupes ont sauvé des vies, nos troupes ont soigné des gens. Nos troupes ont aidé des personnes à fuir les lieux du combat.

(1925)

Après de longs mois d'efforts, une entente est intervenue récemment, où les Serbes de Bosnie acceptaient que six zones de sécurité soient définies. Parmi ces zones, il y a Sarajevo et Gorazde.

Nous devons constater que les Serbes de Bosnie n'ont pas respecté la parole donnée, comme ce fut malheureusement trop souvent le cas au cours des derniers mois. La guerre a repris. La ville de Gorazde est actuellement sous le feu des troupes serbes de Bosnie. Une population désarmée, sans défense subit chaque jour le pilonnage des mortiers. Des civils, des femmes, des enfants meurent sous le tir aveugle. Aujourd'hui même, dans un hôpital, 28 personnes sont décédées. L'hôpital avait été bombardé.

Nous sommes devant une décision difficile. Devrons-nous assister impuissants à la victoire de la force brutale, de la mauvaise foi, de la duplicité? Devrons-nous continuer à craindre pour le sort de nos soldats qui oeuvrent sur le terrain? D'un autre côté, ne pourrions-nous pas appuyer ceux qui proposent une action concertée, efficace, pour forcer les Serbes de Bosnie à respecter les ententes intervenues, à mettre fin aux bombardements, à retirer leurs armes des environs des zones de sécurité garantie? Je crois que oui. Je crois que les nations présentes sur le terrain doivent livrer, doivent lancer un ultimatum clair à ceux


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qui bombardent des populations sans défense, à ceux qui bombardent des civils, des enfants, à ceux qui bombardent des hôpitaux.

L'ultimatum doit être clair et limité dans le temps. Il semble que ce soit le seul langage que comprennent les soldats qui oeuvrent sous les couleurs des Serbes de Bosnie.

Nous devons lancer cet ultimatum et, s'ils ne s'y rendent pas, nous nous devrons, comme il a été suggéré, d'exercer une force de frappe efficace, rapide, de façon à ce que les armes qui tirent sur des civils et des populations sans défense soient détruites, de façon à ce que les troupes qui sont sur place ne soient plus soumises à la mauvaise foi des Serbes de Bosnie qui, on le voit bien, se croient dispensés de respecter la parole donnée.

Nous devons lancer cet ultimatum et exercer la force nécessaire si les Serbes de Bosnie ne s'y rendent pas, parce que c'est un devoir humanitaire. Nous sommes témoins d'actes barbares. Nous sommes témoins de choses effroyables. Nous n'avions pas vu depuis longtemps, en Europe, des populations soumises au mortier, aux tirs aveugles, aux bombardements.

Les Canadiens n'acceptent pas dans leur pays que la violence s'exerce. De plus en plus, ils demandent que des mesures soient prises et je crois qu'ils ont la même attitude dans les situations où la violence à l'étranger s'exerce sur des populations sans défense.

C'est donc un devoir humanitaire d'intervenir. C'est aussi se rendre aux leçons de l'histoire.

(1930)

Si la Société des nations, quelques années avant 1939, avait fait le nécessaire pour arrêter la folie hitlérienne en Allemagne, peut-être n'aurions-nous pas eu les dizaines de millions de morts que nous avons eus pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L'histoire nous enseigne qu'assister sans rien faire à des massacres, à de l'injustice, à des situation de violence sans nom sur des civils, sur des populations sans défense, assister à toutes ces scènes horribles sans réagir fait que nous devons le payer chèrement plusieurs années plus tard. C'est aussi se rendre à la leçon de l'actualité.

Actuellement, il se passe, en Afrique, au Rwanda, des situations presque hallucinantes. On voit des populations qui sont massacrées et on se dit: «Dans les premières heures du déclenchement de la folie, aurions-nous pu faire quelque chose?» Je crois que oui. Alors, je crois que nous devons intervenir. Nous avons le devoir d'intervenir face à la montée de la violence, face au retour de la barbarie dans cette Europe qui ne l'avait pas connue depuis bientôt 50 ans.

C'est donc avec regret, bien sûr, mais également avec le sentiment d'un devoir à accomplir que je crois que le Canada devrait accepter la mise en oeuvre du programme proposé par l'ONU à l'OTAN et, advenant le cas où l'ultimatum serait rejeté par les Serbes de Bosnie, déclencher les frappes aériennes nécessaires pour les forcer à respecter la parole donnée. En toute conscience, je crois que c'est un devoir de solidarité humaine.

[Traduction]

Mme Roseanne Skoke (Central Nova): Madame la Présidente, je prends ici la parole en étant fière d'être Canadienne, une Canadienne qui a de la famille en Croatie.

Si nous voulons résoudre le problème dont la Chambre est saisie, nous devons en tant que gouvernement déterminer où se situe l'intérêt supérieur de notre pays, le Canada. Et ce faisant, nous devons considérer la paix et la sécurité internationales.

Le 26 janvier dernier, au cours d'un débat tenu dans cette honorable enceinte, j'ai déclaré croire que le Canada devait retirer ses troupes de maintien de la paix de la Croatie et de la Bosnie. J'estimais alors qu'il fallait retirer les troupes canadiennes de maintien de la paix de l'ancienne Yougoslavie puisqu'il n'y avait pas là-bas de paix à maintenir.

Toutefois, étant donné que la situation change constamment sur le terrain, il devient extrêmement difficile, voire peut-être insensé, de rester sur ses positions en ce qui a trait aux aspects de la guerre dans l'ancienne Yougoslavie.

Aujourd'hui, le mandat original des troupes canadiennes de maintenir la paix et d'acheminer l'aide continue d'être sérieusement compromis. Comme les Serbes de Bosnie refusent de faire la paix, il est urgent de redéfinir le rôle du Canada en matière de défense et d'affaires étrangères.

Il n'y a toujours pas de paix à maintenir et la guerre continue. En conscience, nous ne pouvons pas tolérer le massacre de victimes innocentes livrées à un véritable génocide. Nous ne pouvons faire confiance aux Serbes pour négocier la paix. Nous ne pouvons risquer de perdre notre crédibilité en tant que pays.

C'est la plus délicate question de politique étrangère de notre temps. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada a fièrement fait figure de chef de file dans les affaires internationales, prenant le devant de la scène chaque fois que la paix et la sécurité internationales étaient menacées. Toutefois, la guerre froide est terminée et le monde est devenu beaucoup plus complexe.

Au lieu de la paix anticipée ont ressurgi des conflits ethniques profonds et souvent brutaux. La situation dans l'ancienne Yougoslavie est l'exemple le plus terrifiant de ce problème.

(1935)

La position que prendra le gouvernement canadien dans cette très importante affaire aura sans aucun doute des répercussions profondes, premièrement, sur la sécurité des Forces canadiennes; deuxièmement, sur l'avenir du maintien de la paix; troisièmement, sur l'évolution et le mandat de l'ONU; quatrièmement, sur le rôle de l'OTAN; et, cinquièmement et surtout, sur l'avenir de la démocratie dans le monde occidental et sur la paix et la sécurité internationales.

Il me semble que le Canada n'a d'autre choix que d'appuyer les frappes aériennes exigées par l'OTAN. C'est dans l'intérêt supérieur des Canadiens. C'est dans l'intérêt supérieur des habitants de l'ancienne Yougoslavie. Toutefois, je demande au gouvernement de considérer attentivement, dans ses négociations avec l'OTAN, le rôle de la Russie.


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L'OTAN doit tenir compte de la position de la Russie et en considérer attentivement l'incidence sur la résolution du conflit. À l'heure actuelle, la Russie est la clé de la paix dans le conflit entre les Bosniaques et les Serbes. Je compte que tous les efforts seront déployés pour s'assurer que la Russie appuie la position de l'OTAN en ce qui concerne les frappes aériennes.

Je profite de l'occasion pour féliciter notre ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale d'avoir accordé immédiatement leur attention à cette affaire urgente. Je prie pour que les décisions de notre gouvernement amènent une paix durable dans l'ancienne Yougoslavie.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Madame la Présidente, l'une des grandes tragédies de notre temps a été la destruction de notre rêve de paix dans le monde par divers conflits ethniques et nationaux.

Aussi naïve que cette vision ait pu être, lors de l'effondrement du rideau de fer, les gens partout dans le monde croyaient que, après toutes les guerres et les atrocités qui ont marqué l'histoire, l'humanité était enfin sur la voie de la coexistence pacifique. Évidemment, cela n'a pas été le cas.

Il y a quatre-vingts ans, le monde a été entraîné dans la Première Guerre mondiale par des événements qui se sont produits dans la même malheureuse région dont nous parlons ici ce soir. La destruction qui en a résulté a produit l'un des chapitres les plus tristes de l'histoire de l'humanité. Nous ne devons pas nous laisser prendre au même piège.

La différence aujourd'hui, c'est que cette guerre civile se joue à la télévision devant des millions de spectateurs. Nous voyons presque chaque jour, au petit écran et dans les journaux, des images horribles d'enfants mutilés et de civils massacrés. Selon un article publié dans le Globe and Mail, le maire de Gorazde aurait dit que sa ville ressemblait à un abattoir. On rapportait des tas de morts et de blessés qui gisaient parmi les débris. Hier, on a entendu un radioamateur qui disait: «Le sol est jonché de blessés. La situation est désespérée.» Les récits d'atrocités abondent, et l'expression «purification ethnique», méprisée par tous les peuples civilisés depuis l'époque d'Hitler, est réapparue dans notre vocabulaire.

La cause profonde de cet éternel conflit est l'intolérance ethnique et la cupidité. Cela remonte à l'époque de l'Empire austro-hongrois et de l'Empire turc, et même avant cela. Ce sont des vieilles querelles qui ont été ravivées, des nouvelles batailles causées par des haines et des différends vieux de toujours. Les combats sont amers, et on ne choisit pas les victimes.

Il y a deux ans, les Nations Unies ont envoyé une force de maintien de la paix dans une zone de guerre sauvage où la Croix-Rouge et d'autres organisations humanitaires ne pouvaient même pas apporter leur aide aux civils. Pour la première fois, des forces des Nations Unies étaient déployées pendant un conflit pour alléger le sort des innocents. Cela aussi, la télévision nous l'a montré. Nous savons le terrible prix payé par les non-combattants, ces enfants mutilés, ces orphelins abandonnés par leurs gardiens, toutes ces femmes brutalement violées, ces marchés bombardés et ces vieillards étendus parmi les ruines. Les peuples civilisés ne pouvaient pas rester sans rien faire devant tant de misère et devant un tel massacre.

Dans un autre article, le premier ministre bosniaque déclarait: «L'OTAN doit immédiatement prendre des mesures décisives pour empêcher un massacre à Gorazde.»

(1940)

Les forces de maintien de la paix des Nations Unies ont fait de leur mieux pour apporter de la nourriture et des médicaments à ces gens, pour leur livrer des produits essentiels à la vie. Les Casques bleus ont vaillamment fait leur travail en dépit de tous les obstacles. Ils ont été soumis à des blocus, ils ont été assiégés, ils ont été menacés de mort, capturés, pris en otages, terrorisés, ils ont été pris pour cibles et attaqués au mortier, mais ils ont fait leur travail avec un dévouement exceptionnel, apportant l'espoir aux victimes de cette guerre.

Tous les efforts déployés pour parvenir à un règlement pacifique du conflit se sont heurtés à l'opposition des Serbes. Les mensonges, la duperie, les actions irresponsables de ces gens constituent un affront à l'humanité. Des trêves ont été déclarées pour être rompues en quelques heures, sinon en quelques minutes. Des cessez-le-feu ont été signés pour n'être respectés que le temps de déplacer les forces sur le terrain.

Pour que la paix puisse être maintenue, il faut que les parties en présence le souhaitent. Pour que la paix soit possible, il faut que les combattants admettent que la guerre reste un dernier recours, que les actes inhumains commis pendant les guerres sont répugnants et que toutes les avenues doivent être explorées avant de recourir à la guerre. Mais on ne veut rien entendre de tel en Bosnie.

Il semble y avoir au moins une partie au conflit, la Serbie, qui estime que la guerre est le moyen d'atteindre ses objectifs nationaux. Personne n'a les mains propres dans ce conflit, mais il semble que les deux autres protagonistes, les Croates et les Musulmans, aient finalement compris que la poursuite d'un conflit armé ne peut que se solder par une catastrophe pour le peuple et que, en définitive, personne n'y gagne. Par contre, les Serbes continuent une guerre d'agression qui vise à subjuguer ou à éliminer les autres groupes ethniques.

Devant toutes les horreurs de ce conflit et sa capacité apparente de durer éternellement, il est compréhensible que les nations civilisées envisagent de prendre des mesures plus draconiennes pour y mettre un terme et que certains réclament de toute urgence un usage plus énergique de la force militaire.

Les dirigeants serbes se sont montrés arrogants comme s'ils estimaient ne pas devoir répondre de leurs actes, et leur mépris total pour les Nations Unies montre clairement leur attitude primitive, comme celle d'un tyran plein de rancoeur. Les dirigeants serbes ont mis l'ONU au défi de prendre des mesures pour les arrêter.


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Quels que soient nos sentiments, nous devons faire preuve de sagesse et nous contenir. Nous devons examiner soigneusement où se situe la limite entre le fait d'assurer des secours humanitaires aux civils innocents et celui de devenir nous-mêmes des participants à cette guerre. Nous ne devons pas donner raison au tyran en adoptant ses méthodes.

Le recours à des frappes aériennes aux environs de Sarajevo s'est avéré un succès parce que celles-ci ont montré la détermination de l'ONU à protéger les zones de sécurité qu'elle a créées. Ce fut extraordinaire pour les gens de cette ville, mais cela a mené l'ONU sur la voie d'une intervention et d'une guerre civile qui pourrait être dangereuse. L'appareil britannique Harrier qui a été abattu au-dessus de Gorazde en est la preuve. Les réactions en chaîne peuvent être très dangereuses.

L'OTAN est actuellement saisie d'une demande visant à étendre les frappes aériennes pour protéger les autres zones de sécurité. Cela amène l'ONU et l'OTAN un cran plus loin. Quand cessons-nous d'être neutres pour devenir des participants au conflit? Nous devons nous demander si nous ne serons pas à l'origine de représailles contre nos soldats qui sont chargés de maintenir la paix là-bas. Les Forces canadiennes et l'OTAN doivent à tout le moins coordonner leurs efforts pour faire en sorte que nos troupes, nos soldats canadiens soient le plus possible à l'abri des représailles.

Ces interventions amélioreront-elles la capacité de nos soldats d'acheminer l'aide humanitaire ou lui nuiront-elles? Que ferons-nous si des soldats canadiens chargés de maintenir la paix sont attaqués et qu'il y a des victimes? Est-ce bien là ce qu'il faut faire?

(1945)

L'armée canadienne éprouve déjà des difficultés pour maintenir ses opérations au niveau actuel. Si nous approuvons ces frappes aériennes, nous allons implicitement nous engager à fournir plus de troupes si on nous le demandait.

Plusieurs questions se posent à la Chambre. Pouvons-nous, par ailleurs, fermer les yeux sur les souffrances provoquées par les agresseurs serbes dans les enclaves musulmanes et dans les zones de sécurité? Il est intolérable qu'on bombarde les hôpitaux et qu'on mette ainsi en danger, avec tant d'insouciance, la vie d'innocents civils.

Les Serbes ont affiché un flagrant mépris à l'égard des protestations et des inquiétudes de la communauté internationale. Ils ont repoussé de façon répétée les efforts des ambassadeurs de la paix et des délégations internationales venus négocier une trêve pour tâcher de résoudre ce conflit. Les forces de protection des Nations Unies se voient presque à chaque pas entravées dans leurs efforts pour fournir de l'aide.

Même la Russie, qui s'est beaucoup fait prier avant de se joindre au choeur de protestation internationale, a condamné avec colère les interventions récentes des Serbes.

J'appuie les mesures que nous pourrions prendre pour soutenir ces frappes aériennes, et j'inviterais tous les Canadiens à songer ce soir chez eux au moment de se coucher comme nous sommes en sécurité dans notre pays et à penser quelques instants à nos soldats canadiens de la paix qui accomplissent un travail extraordinaire pour le monde entier, et à prier pour eux.

M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants d'avoir saisi la Chambre de cette résolution ce soir et d'avoir invité les Canadiens à assister au fonctionnement de la démocratie.

Nous voyons aussi les députés mettre de côté leur esprit de parti pour débattre de cette très importante question et trouver, espérons-le, des solutions à quelques-unes des terribles situations qui abondent dans le monde. Je voudrais féliciter nos collègues qui ont déjà donné leur avis là-dessus.

Je devais initialement me rendre dans ma circonscription aujourd'hui parce que le Comité des finances doit s'y réunir demain matin. Je devais comparaître devant lui, mais quand j'ai appris que se tiendrait un débat d'urgence sur cette question, j'ai cru qu'il valait mieux que je reste pour prendre part à ce très important débat parce que je me suis déjà intéressé aux affaires de la défense en compagnie de députés de tous les partis.

C'est avec horreur que nous observons ce qui se passe en Bosnie depuis quelques années. Nous vivons vraiment dans le village planétaire puisque tous les soirs nous observons à la télévision tout ce qui se passe dans le monde. Ces reportages nous montrent avec quelle facilité la civilisation moderne peut sombrer dans la barbarie. Les valeurs humanitaires fondamentales de notre civilisation, que nous considérons comme allant de soi, ont été jetées par-dessus bord, permettant la perpétration de ces actes barbares par des humains contre d'autres humains.

Hélas, l'horreur de ces événements dans cette région qui fut le creuset de l'Europe, une terre en proie aux conflits pendant des siècles, nous montre que nous devons toujours être vigilants pour demeurer au niveau que nous pensons avoir atteint. La réalité dicte que notre société doit toujours veiller au maintien de ce que nous considérons comme nos droits fondamentaux en tant qu'humains et citoyens.

Quand le communisme est mort, nous avons pensé qu'un monde meilleur s'ensuivrait. Le vice-président de la Bosnie nous a dit l'autre jour que la chute du communisme avait créé un vide et qu'autre chose aurait pu se produire. Peut-être que la démocratie et l'apprentissage de la démocratie auraient pu remplir ce vide. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Les vieilles haines et les conflits ethniques ont surgi et provoqué ce genre de situation.

(1950)

Depuis de longues années, le Canada jouit d'une réputation enviable dans le maintien de la paix. Évidemment, nous craignons tous pour la sécurité de nos troupes, où qu'elles soient dans ce pays. Ce que nous ne devons jamais oublier, c'est que le Canada, qui a acquis cette réputation dans le maintien de la paix, a aussi pris part à d'autres types d'action militaire. Nous n'avons pas cédé notre place dans les deux grands conflits mondiaux ni à la guerre de Corée. Nous ne nous sommes pas défilés. Nous ne sommes pas un pays militariste. Notre pays n'est pas fondé


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là-dessus. Mais lorsqu'on nous a demandé de participer, nous n'avons pas refusé.

Les Canadiens ne sont pas gens à se vanter de leurs prouesses militaires. Mais chaque fois qu'ils ont été appelés à prendre part à un conflit dans l'intérêt du monde, ils ont répondu. Nous en sommes à nous demander si nous devons renoncer au rôle de gardiens de la paix pour en assumer un autre. Cela supposerait un nouvel ensemble de priorités et d'interventions.

Nous ne pouvons assurément pas tolérer des scènes comme celles de l'autre jour où des Canadiens ont été pris comme otages, comme on l'a rappelé ce soir. Je crois que le moment est venu d'agir énergiquement ou de tout laisser tomber. C'est là que nous en sommes dans le pays dont nous parlons ce soir. Et même si cela ne nous plaît pas du tout, si nous intervenons, nous devrons peut-être le faire différemment, et des jeunes Canadiens, hommes et femmes, risquent de participer à des opérations militaires. C'est peut-être le choix auquel la Chambre doit faire face.

Selon des experts militaires, à la demande d'un plus grand nombre de frappes aériennes doit correspondre une présence accrue d'effectifs au sol. D'après les gens qui ont une longue carrière militaire derrière eux, c'est ainsi qu'on peut être le plus efficace.

Or, les membres des Nations Unies et de l'OTAN sont-ils prêts à accroître leurs effectifs sur place? Il a été question ce soir de ce qui s'est passé après les bombardements, après les frappes aériennes à Sarajevo. Les opérations ne se sont pas prolongées parce qu'elles ont été couronnées de succès. Il est à espérer que, si cela doit se produire, s'il faut aller encore plus loin, les gens de sens rassis seront les plus nombreux et que les belligérants verront encore une fois que les Nations Unies et l'OTAN ne plaisantent pas et que nous ne saurions tolérer ces atrocités plus longtemps.

À tous les députés qui sont ici ce soir, je dis que nous amorçons un tournant dans notre histoire et dans l'histoire de l'humanité. Ce que les Nations Unies et nous, qui représentons ici la population canadienne, déciderons au cours des prochains jours, voire des prochaines heures, aura des répercussions sur la conduite des affaires internationales pour des dizaines d'années à venir.

Je souscris entièrement à la proposition présentée par les ministres et si je me fie aux propos que j'ai entendus à la Chambre ce soir, tous les autres en font autant. Je crois que nous devons montrer à ces gens qui, comme quelqu'un l'a dit plus tôt, font un pied de nez au reste du monde que les pays alliés, qui sont membres des Nations Unies et de l'OTAN, ne plaisantent pas et que nous sommes là pour faire cesser ces atrocités.

Si des frappes aériennes s'imposent, il nous faut être prêts à passer aux actes. Demain matin, au cours des réunions des représentants de l'OTAN, je suis sûr que la décision finale sera le fruit de moult négociations et réflexions.

(1955)

Madame la Présidente et députés de la Chambre, pour tous ceux qui prendront part à ce plan d'action, soit dans le cadre des négociations, au sol, dans les airs et sur mer, j'exprime l'espoir que, grâce à la décision prise ici ce soir, nous aurons contribué à mettre fin à ce terrible conflit.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, j'interviens ce soir en tant que député de Kamouraska-Rivière-du-Loup qui contribue, par les effectifs de la milice des Fusiliers de Saint-Laurent, à la force de l'Armée canadienne en Bosnie, et j'interviens aussi en tant que député, au nom d'un des membres de ces effectifs qui était parmi les 15 Canadiens qui, la semaine dernière, furent pris en otage en Bosnie.

Ce sont des éléments qui teintent un peu notre action, parce qu'il ne s'agit pas là d'un dossier noir ou blanc: nous sommes dans une espèce de situation un peu grise, où on a une décision assez difficile et complexe à prendre. Mais nous devons prendre nos responsabilités et agir en fonction de cela.

J'aimerais d'ailleurs vous citer une phrase du discours que je prononçais le 25 janvier 1994, sur le même sujet. Je disais à ce moment-là, et je cite: «Il est important que notre action contribue directement à la solution de la crise, qu'il ne contribue surtout pas à perpétuer l'imbroglio habituel.»

On peut d'ailleurs se poser des questions sur la suffisance de l'intervention qui a été faite à Sarajevo, alors qu'on s'est attaqué à une seule des zones de sécurité pour régler le problème. Depuis ce temps, le conflit s'étend à une autre zone, et il pourrait s'étendre encore à une autre, et ainsi de suite.

Il faut trouver une solution globale à cette situation. Il est, de plus, important de revenir à l'objectif premier de l'intervention, soit la paix en Bosnie.

Bihac, Gorazde, Sarajevo, Srebrenica, Tuzla, Zepa, ne sont pas des noms qui sont dans notre vocabulaire courant. Par contre, ce sont des noms qui sont devenus des images d'enfants qui meurent, d'adultes qui sont obligés de courir dans les rues pour être capables de rester en vie, et ces images font en sorte que nous devenons solidaires de cette situation.

Cela m'apparaît donc important que l'on prenne une position qui puisse mener à une solution complète et permanente, et que l'on tienne compte, pour ce faire, de certains éléments essentiels à la solution qu'il faut apporter, comme par exemple la nécessité d'un consensus dans l'opinion des nations. Je pense que si on se lançait dans des interventions sans être assurés au préalable de l'appui de la nation russe à une intervention qui pourrait se faire, on répéterait l'erreur, entre autres, de la Première Guerre mondiale, et je crois qu'il serait serait très nuisible de commettre une telle erreur.

Donc, il est très important, au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU, au niveau de l'ONU elle-même, que l'on fasse des représentations, que l'on s'assure que les Russes soient à la table et qu'ils participent à la décision. Je pense qu'eux-mêmes ont des raisons de comprendre que le comportement des Serbes


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bosniaques est inacceptable. Je pense qu'ils ont eux-mêmes été un peu trahis dans leurs engagements dans cette situation et on peut espérer qu'ils vont aller dans le même sens que le consensus qui semble se dégager ici.

Une autre condition me semble importante, soit celle d'un message clair et ferme aux Serbes bosniaques, parce que jusqu'ici ils ont joué le jeu des gens à qui on dit: «Vous prenez l'engagement de ceci ou de cela.» Et après, on les a laissés, à l'occasion, faire ce qu'ils voulaient, sans respecter nécessairement les accords.

Il s'est développé un comportement, qui, à la limite, ne respecte même pas les règles de guerre habituelles. Lorsqu'on nous présente des images où les gens tirent sur les hôpitaux, où on voit des obus entrer dans des murs d'hôpitaux, je pense qu'il y a quelque chose qui est devenu inacceptable et qu'il faut corriger de façon définitive.

Donc, dans ces conditions-ci, je parlais d'un consensus d'opinion publique, d'un message clair et ferme aux Bosniaques, mais cela m'apparaît aussi important qu'il y ait une initiative diplomatique des grandes puissances de ce monde pour bien indiquer la voie d'avenir vers laquelle on se dirige et les principaux acteurs qui peuvent intervenir à ce conflit. Si jamais on en venait à n'appliquer que la solution des frappes, sans suite dans les phases subséquentes, on n'aurait que déplacé le problème. Et si quelque chose doit être évité, c'est d'étendre le conflit.

(2000)

Tout ceci est d'une très grande importance. Je pense qu'il faut prendre nos responsabilités concernant ce conflit, mais j'ai aussi une préoccupation relativement à la sécurité des troupes. Il m'apparaît important qu'on s'assure de minimiser les risques que courent nos troupes, même si, en accord avec ce que le ministre des Affaires étrangères déclarait le 14 avril, et je le cite: «Le fait de risquer leur vie est inhérent à leurs responsabilités et à leur devoir de soldat». On est d'accord avec cette affirmation, à savoir que c'est une partie du travail, des fonctions, des engagements du soldat de prendre des risques en situation de guerre. Par contre, il faut prendre toutes les chances possibles pour éviter qu'il y ait des victimes.

Si on veut se donner des chances, il faut tout d'abord, selon moi, participer le plus possible à la définition des stratégies, éviter que les soldats québécois et canadiens puissent être l'objet de décisions inacceptables, qui soient des erreurs qui auraient pu être évitées. Par le fait même, il faut aussi s'assurer d'un minimum de garantie sur le choix des cibles stratégiques, de façon à ce qu'on ne vise pas des cibles qui ne devraient pas être l'objet d'attaques et qui, de toute façon, ne contribueraient pas à la solution de la crise.

Lorsqu'on approche un problème comme celui-là, on peut se dire qu'il est dangereux d'intervenir, qu'il y aura des soldats dont la vie sera possiblement en jeu. Par contre, je pense qu'il y a un message à tirer de la prise d'otages de la semaine dernière qui s'est bien résolue, mais qui aurait pu se dérouler dans des circonstances beaucoup plus tragiques. Mais quand même, cette prise d'otages est un peu le résultat des tergiversations de l'ONU; si on laisse la situation perdurer, on risque de se retrouver avec d'autres situations de ce genre-là, d'autres cas où la vie des soldats sera vraiment mise en danger. Il serait inexcusable de l'avoir fait par négligence, par le fait que nous n'aurions pas pris nos responsabilités.

Il m'apparaît important que le consensus qui se dégage ici au Parlement soit pris en ligne de compte par le Conseil des ministres et qu'avec la même circonspection ressentie en cette Chambre, on s'assure d'une action qui puisse être définitive et d'une action qui protège les troupes au maximum.

En conclusion, et on ne le fera jamais trop, je voudrais remercier les soldats qui font partie de la force canadienne, et particulièrement ceux qui sont originaires de ma circonscription, qui se sont portés volontaires pour ces missions de maintien de la paix dans le monde. Ils connaissent le danger inhérent à leur métier, mais je crois qu'ils ont droit à une direction politique fiable qui reflète l'importance qu'on accorde à la vie humaine et à la volonté de se sortir de cette crise qui est le résultat de plusieurs années de haine entre des populations. Il faut trouver la voie dans une solution politique qui mettra fin, une fois pour toutes, à ce conflit dévastateur.

[Traduction]

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Madame la Présidente, alors que nous sommes rassemblés ici, nous devons nous estimer heureux de beaucoup de choses. Nous jouissons de la liberté d'expression. Le Canada est un pays libre. Nous avons à manger. Nous avons l'eau courante. Nous avons des toilettes. Nous avons des hôpitaux dotés de bons effectifs médicaux. Ce soir, nous allons parler de gens qui n'ont pratiquement rien de tout cela.

Je félicite le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le gouvernement d'avoir soumis ce soir cette question à la Chambre. Je félicite également les autres partis d'avoir accepté de se pencher sur cette situation et de participer comme ils le font à ce débat. Les questions de politique étrangère de cette nature devraient être examinées sans parti pris. En tant que Canadiens, nous devrions faire front face à des problèmes comme celui-ci, qui mettent en cause de grandes valeurs humanitaires.

(2005)

La situation dans l'ancienne Yougoslavie est une chose dont nous n'aurions jamais pensé qu'elle puisse se produire au XXe siècle, en tous cas pas au centre de l'Europe. Pourtant, la réalité est là, et nous devons l'affronter.

Nous avons affaire à un groupe serbe incapable de respecter les accords, à des gens qui tiennent en otages des gardiens de la paix canadiens, ce que nous ne pouvons accepter sous aucun prétexte. Le monde ne peut rester inactif et laisser cette situation évoluer.

Au fil des ans, les affaires étrangères sont devenues à la Chambre un objet de discorde entre les partis. Cette question ne devrait pas en être un. Quel prix devons-nous payer pour notre liberté? Quel prix devons-nous payer pour promouvoir la décence dans le monde? Quel prix faut-il payer pour obtenir le respect? La réponse, bien sûr, c'est que l'argent ne peut pas acheter ces qualités. Il faut les gagner et les Canadiens l'ont fait au fil des ans.

Nous devons jeter un coup d'oeil à l'histoire et à la position que nous adopterons ici ce soir. Henry Ford a dit un jour que l'histoire, c'était de la foutaise. À mon avis, il s'agit là d'une des


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contributions les plus horribles que nous puissions faire à la race humaine.

Ce soir, nous devons nous demander pourquoi, dans les années 1930, la Ligue des Nations a été un échec. Elle a été un échec parce que personne ne voulait l'appuyer. Personne n'a défendu les causes de la liberté et des droits de la personne dans d'autres pays. Le monde ne s'était pas uni pour promouvoir ces qualités.

La Seconde Guerre mondiale n'a pas éclaté par hasard. Nous y avons plongé parce que nous n'avons rien fait pour l'empêcher. Nous savons ce qui s'est passé au cours de la Première Guerre mondiale. Un Serbe a tué un prince, ce qui a aussitôt déclenché un conflit d'ordre international.

Aujourd'hui, il y a plus de 60 points chauds dans le monde. Plus de 20 d'entre eux sont activement en conflit. Nous avons l'occasion de tirer des leçons de l'histoire, non pas de la considérer comme de la foutaise et de tomber dans les mêmes vieilles ornières qu'auparavant.

Les Canadiens ont pris part à des guerres partout dans le monde. Nos Forces canadiennes ont laissé leur marque et se sont taillé une réputation en faisant preuve des qualités qui sont chères aux Canadiens. Nous les en remercions.

Ce soir, au moment où Musulmans, Croates et Serbes vivent dans l'agitation, demandons-nous pourquoi il en est ainsi. Ils vivent dans l'agitation à cause de ce mot démodé, vieux de plusieurs siècles, qu'on appelle la haine. Nous parlons de tous nos maux. Reconnaissons qu'aucun mal n'engendre autant de problèmes pour l'humanité que la haine. Que ce soit ce soir, demain ou hier, nous ne devons permettre à aucun agresseur d'agir impunément en Bosnie.

Les droits de la personne et la dignité humaine sont des valeurs importantes pour le Canada et pour toute nation libre et civilisée. Nous ne pouvons demeurer passifs devant les tueries et les viols perpétrés en Bosnie.

Que ce soit dans un but de maintien de la paix ou de pacification, si nous demandons aux Forces canadiennes d'intervenir dans des situations aussi difficiles, je crois très sincèrement que le Parlement du Canada doit fournir les équipements nécesaires à nos troupes et continuer de leur donner le bon entraînement qu'ils reçoivent depuis des années.

(2010)

Apportons-leur un soutien concret, plutôt que de prononcer des discours de temps à autre. Les Forces canadiennes ont souvent fait la gloire de notre pays au cours de son histoire et elles le feront encore dans l'avenir. Il appartient au Parlement, comme à l'ensemble des Canadiens, d'accorder tout notre soutien à nos militaires.

La situation actuelle sera-t-elle un cas type? Allons-nous permettre un affaiblissement des Nations Unies? Laisserons-nous la division s'installer entre les pays occidentaux? N'allons-nous pas réagir et nous compter au nombre des nations? Allons-nous laisser dériver les choses et faire comprendre ainsi aux despotes et dictateurs du monde que les pays du monde libre n'ont plus toute la cohésion nécessaire pour pouvoir mettre fin à certaines des atrocités qui sont commises?

Si nous envoyons ce message, il y aura non pas une vingtaine de points chauds dans le monde, mais beaucoup plus parce que les despotes sauront qu'ils peuvent agir impunément.

Le Canada doit réagir et être compté parmi les nations, et l'Europe doit en faire autant. On peut reprocher, à juste titre, à de nombreux pays de ne pas être intervenus assez rapidement, alors que le Canada a été de toutes les opérations des Nations Unies depuis le premier jour. Nous n'avons pas à avoir honte de notre dossier et nous pouvons en être fiers. Or, si nous devons intervenir en Bosnie, il faut que tous les autres pays en fassent autant.

L'OTAN agit actuellement comme soutien des Nations Unies et elle ne doit être perçue autrement par aucun pays. La Russie devrait aussi se joindre à nous. Elle devrait intervenir dans la situation actuelle avec les autres pays du monde libre, car elle risque, elle aussi, d'être affectée. On ne peut se fermer les yeux et espérer que le problème va s'éclipser. Nous ne pouvons faire participer nos soldats légèrement armés à une opération de maintien de la paix qui se transforme, en fait, en une opération de guerre.

Nous devons prendre toutes les mesures possibles pour garantir leur sécurité. L'OTAN fera sa part.

La haine existe depuis que le monde est monde. Elle a toujours créé et créera toujours des problèmes aux hommes. Tout est dans la façon de régler ces problèmes. Nous devons faire entendre raison aux brutes et aux lâches de ce monde de la seule façon qu'ils comprennent.

Le Canada est respecté dans le monde entier. Nous ne pouvons perdre ce respect parce que bien des Canadiens ont payé un prix très élevé pour le gagner. Ils ont payé un prix très élevé pour que ce pays puisse exister en tant que nation, et c'est le prix, je suppose, que nous allons devoir continuer de payer. Nous devons être toujours là pour soutenir les soldats qui sont au combat et ceux qui sont à l'entraînement. Le Parlement doit toujours les soutenir. Nos soldats canadiens feront leur travail, mais nous, en tant que représentants des Canadiens au Parlement du Canada, nous devons faire le nôtre en les appuyant par des mesures concrètes.

Le Canada, en tant que nation, a joué un rôle important dans la fondation des Nations Unies et de l'OTAN.

Madame la Présidente, je constate que mon temps est écoulé. Je vais conclure. Aujourd'hui, ces deux institutions servent très bien les hommes. Continuons de faire équipe. En tant que nation responsable du monde libre, essayons de rassembler les autres pays et de travailler avec eux pour rétablir la paix dans les régions agitées et redonner la dignité, le respect et une vie décente aux malheureux habitants de l'ancienne Yougoslavie.

Je vous remercie de votre patience, madame la Présidente.

(2015)

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, je prends part au débat ce soir, mais je le fais avec peu d'enthousiasme. J'ai beaucoup réfléchi à la question. Je me suis toujours opposé à ce que le Canada ou ses


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alliés interviennent dans les guerres des autres pays, mais la situation actuelle me force à revoir ma position. La mesure est pleine.

Dans ma vie, j'ai souvent vu l'Occident faire des compromis, temporiser et assister sans réagir au massacre de nombreuses vies. Ces jours-ci, à Gorazde, des milliers de gens sont exposés à une mort imminente que seule une aide venant de l'extérieur peut empêcher.

Actuellement, il n'y a qu'une seule façon de le faire et c'est au moyen des frappes aériennes. Il n'y a aucune possibilité pour des troupes terrestres de se rendre dans la région assez rapidement pour aider ces gens.

Je ne parle pas de géopolitique, mais bien d'efforts humanitaires, parce que ce sont vraiment des multitudes de gens qui vont mourir. Cela ne fait aucun doute, à moins que le monde ne se décide à agir. Nous avons maintes fois entendu dire ce soir que la seule utilisation de frappes aériennes ne peut résoudre les problèmes en Bosnie. C'est exact, mais si on y recourt immédiatement, on pourra sauver les habitants de Gorazde et c'est ce qui compte.

Il n'y a pas de temps pour adresser un ultimatum ni pour discuter davantage. Tout est déjà en place. Il ne faut pas penser aux avertissements; on en a donné trop souvent de sorte qu'ils ne sont plus pris au sérieux. Non seulement les frappes aériennes sont urgentes, mais elles doivent aussi être implacables. Il faut détruire les chars d'assaut, l'artillerie de campagne, tout ce qui bouge. Il faut démolir les ponts. Il faut détruire tout dépôt de munitions ou de campagne, tout ce qui peut contribuer à l'effort de guerre des Serbes, pour que la situation soit équitable dans la région de Gorazde.

Si on fait cela, si on les punit assez sévèrement et sans perdre de temps, comme ce sont des êtres humains d'une certaine façon, ils voudront instinctivement se protéger. Ils reculeront. Le problème avec ce scénario, c'est qu'il ne donne pas le temps de retirer nos troupes. Pour sauver Gorazde, il faut agir maintenant. Nous n'avons pas le temps de déplacer nos troupes vers les zones sûres avant les frappes aériennes.

Nos chefs de commandement sur le terrain doivent être libres de prendre toutes les mesures qu'ils jugent nécessaires pour protéger nos troupes. En cas de frappes aériennes, en tant que pays et en tant que Parlement, nous devons envisager la possibilité que des Canadiens perdront la vie. C'est inévitable et c'est une responsabilité que doit assumer le gouvernement ainsi que la presque totalité des députés de l'opposition.

Nous avons tous eu droit à de longs briefings sur le fait que le terrain accidenté dans cette région complique énormément le mouvement des troupes et les opérations militaires courantes.

Bon nombre de militaires à qui j'ai parlé m'ont affirmé qu'il n'était pas nécessaire, pour intensifier les combats, d'envoyer des centaines de milliers de soldats étrangers en Bosnie.

Les Musulmans bosniaques sont déjà sur place. Nous avons réussi à les désarmer grâce à l'embargo que nous avons imposé supposément à l'ensemble de la Yougoslavie. Cette mesure a déjà eu de graves répercussions, mais seulement sur les Bosniaques. Ce sont eux les véritables victimes de ce conflit. Les Serbes ont trouvé le moyen de continuer d'acquérir des armes. J'imagine qu'ils sont capables d'en fabriquer, puisqu'il leur reste encore un certain nombre d'usines intactes. La guerre ne dévaste pas leur territoire depuis deux ans. Ils doivent aussi compter sur des fournisseurs étrangers. C'est évident.

(2020)

Levons l'embargo. C'est, à mon avis, ce que veulent les Musulmans bosniaques. On pourra ainsi aider ces gens sans envoyer d'innombrables soldats occidentaux. Donnons-leur la chance de mourir dans la dignité. Ils meurent de toute façon et ils continueront de mourir par dizaines, et même par centaines de milliers, si nous ne leur donnons pas la chance de s'aider eux-mêmes.

Je prie instamment le gouvernement de proposer à l'ONU de lever l'embargo. Donnons une chance à ces pauvres diables.

Je remarque que j'abonde dans le même sens que le député de Regina-Qu'Appelle. Il n'y a probablement personne d'autre en Amérique du Nord qui a des convictions politiques aussi différentes des miennes, mais je partage son avis à ce sujet. Donnons aux Musulmans bosniaques la chance de se défendre.

Avant tout, sauvons la population de Gorazde. Cessons de faire de vaines menaces. Cessons de lancer des ultimatums. Ayons recours à des frappes aériennes et faisons-le avant qu'il ne soit trop tard.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Madame la Présidente, ce soir, les députés sont priés de présenter des observations sur une affaire très importante et délicate qui intéresse le monde entier.

Les agressions continuent de se multiplier en Bosnie-Herzégovine et le secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali, a demandé au Canada et à d'autres pays d'envisager-et c'est le mot clé, d'après le ministre-l'opportunité d'autres frappes aériennes.

Tous les députés, je crois, sont très reconnaissants au gouvernement de les consulter avant de prendre une décision. Les décisions seront prises demain.

Pourquoi faisons-nous cela? Parce qu'aujourd'hui encore, les journaux, le Citizen d'Ottawa, notamment, titrent: «Les Américains veulent faire payer les Serbes». Cela fait des mois que nous lisons des manchettes de ce genre et ce qui est en jeu désormais, c'est notre crédibilité pour ce qui est d'en arriver à une décision, la crédibilité de l'ONU quant à prendre en temps opportun les mesures qui s'imposent, la crédibilité de l'OTAN et de nos alliés au sein de l'OTAN quant à savoir si l'on a bien fait d'opter ici pour le maintien de la paix plutôt que pour la pacification.


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Beaucoup de députés ont souvent dit ici que la paix n'existe pas en Bosnie. Comment pouvons-nous donc y maintenir la paix? Les troupes canadiennes sont entraînées et équipées pour maintenir la paix et non pour la faire.

Comme le ministre l'a signalé tout à l'heure à la Chambre, le 18 avril dernier, le secrétaire général de l'ONU a écrit au secrétaire général de l'OTAN, Manfred Woerner, lui demandant que les mesures prises pour protéger l'enclave de Sarajevo soient étendues à cinq autres secteurs, à savoir Gorazde, Srebrenica, Zepa, Tuzla et Bihac.

Gorazde, où l'agression se déroule à l'heure actuelle, est très près de la frontière serbe, soit à quelque 15 ou 20 kilomètres. Où sont les troupes canadiennes? Je tiens à le signaler, car le député qui a pris la parole avant moi a peut-être suscité plus de craintes qu'il n'est justifié à l'heure actuelle.

(2025)

La Princess Patricia Canadian Light Infantry, de Calgary, est près de la ville croate de Gradacac, et il y a d'autres troupes canadiennes dans la ville bosniaque de Visoko, à quelque 30 kilomètres au nord-ouest de Sarajevo. En ce moment, les troupes canadiennes ne sont pas sérieusement menacées par les agressions contre la ville de Gorazde. Cependant, un officier canadien, le major Stogran, se trouve dans la région de Gorazde et ses déplacements sont restreints.

Les Canadiens ont de sérieuses craintes. Ces craintes se sont amplifiées au cours des semaines et des mois. Nous nous souvenons tous de nos soldats à qui on a fait subir une fausse exécution. Nous savons aussi que les Serbes ont pris quelques-uns de nos braves soldats en otages.

Les Serbes bosniaques n'ont montré aucune bonne foi en dépit des efforts déployés par la communauté internationale pour mettre fin aux atrocités commises contre des innocents. Bien au contraire, les Serbes ont manifesté la soif de tuer.

Avant de venir à la Chambre, ce soir, j'ai demandé quelles étaient les dernières nouvelles, et on m'a dit que les Serbes avaient pris Gorazde. La ville est tombée. Il y a maintenant des combats de rue. Je crains que demain nous lisions dans les journaux d'autres comptes rendus de carnages, d'atrocités et de massacres d'innocents dans cette ville de Bosnie.

En tant que Canadiens, nos craintes sont alimentées par la connaissance que nous avons des conséquences des frappes aériennes. Il y a eu des frappes aériennes à Sarajevo, mais la différence, c'est que nous avions des troupes au sol pour appuyer ces frappes aériennes. La situation n'est pas la même à Gorazde. Nous n'avons pas de troupes au sol pour protéger les gens.

Beaucoup de chiffres sur le nombre de victimes de ces conflits ont été avancés. On me dit maintenant que plus de 100 000 personnes ont perdu la vie dans ce conflit.

Ce soir, j'ai demandé à des fonctionnaires du ministère de la Défense combien il y a de gens à Gorazde, combien il y a de Musulmans dans cette prétendue zone de sécurité. Nous ne le savons pas, madame la Présidente. Nous ne savons pas combien il y a de gens là-bas. Tout ce que nous savons, c'est que les gens se sont rendus en foule dans cette zone de sécurité et qu'il est impossible de tenir un compte plus ou moins exact. On estime qu'il pourrait y avoir quelque 45 000 Musulmans à Gorazde, mais personne ne le sait vraiment.

Et maintenant? L'ONU, les Américains et la plupart des autres membres de la coalition de l'ONU ont dit essentiellement que nous devons avoir le droit de recourir à des frappes aériennes. Et comment cela se passerait-il? Eh bien, nous avons certainement la capacité de le faire. Il y a plus de 100 avions de chasse prêts à participer à ces frappes aériennes. Il y en a en Italie, il y en a sur des porte-avions, etc.

J'ai pris le temps de consulter le plus grand nombre possible de mes collègues pour essayer de trouver un sens à tout cela. Tous les députés de tous les partis étaient unanimes à dire qu'ils étaient profondément inquiets quant à la sécurité de nos courageux soldats en Bosnie.

J'ai demandé au personnel du ministre si je pouvais avoir une copie de son discours. Je veux rappeler l'inquiétude qu'éprouve le ministre pour les troupes canadiennes là-bas parce que je crois que c'est très important. Voici ce qu'il a dit en commençant son discours aujourd'hui: «Nous savions depuis le début que, en déployant nos forces dans l'ancienne Yougoslavie, nous nous trouverions à mettre notre personnel en danger dans une certaine mesure. Cette question nous préoccupe depuis le début de la mission. La situation à Srebrenica et l'incident de la semaine dernière où 16 membres des Forces canadiennes ont été détenus par des Serbes bosniaques nous a rappelé que les risques étaient réels.» Il a aussi dit ceci: «En ce moment où l'ONU et l'OTAN envisagent des mesures plus vigoureuses, la sécurité de nos troupes continuera d'être un facteur clé pour le gouvernement canadien.»

Il est extrêmement important que les Canadiens comprennent que le gouvernement, l'opposition officielle et le Parti réformiste ont tous déclaré qu'ils désiraient sincèrement protéger nos troupes canadiennes.

(2030)

Il est grand temps de mettre fin à ces massacres et à ces atrocités qui n'ont aucun sens. Nous n'avons pas besoin d'un autre Viêt-Nam dans le monde. Nous avons besoin de paix et de stabilité. Nous avons besoin de coopération internationale. Nous avons besoin d'un Canada qui appuie avec fierté et détermination ses partenaires de l'ONU. Nous avons besoin d'accepter la résolution du secrétaire général concernant le recours à des frappes aériennes contre les Serbes bosniaques.

[Français]

M. Gaston Péloquin (Brome-Missisquoi): Madame la Présidente, si je prends la parole ce soir en cette Chambre, dans le cadre du débat spécial sur la situation en Bosnie, c'est non seulement à titre de député de Brome-Missisquoi, mais surtout à titre d'être humain. Personne ne peut rester insensible devant les atrocités commises depuis quelques mois en ex-Yougoslavie. Tout le monde s'entend pour dire que la situation ne peut plus


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durer et qu'il faut prendre des mesures pour arrêter toutes ces horreurs.

Comment expliquer alors que le Canada et toute la communauté internationale aient pu laisser ce conflit dégénérer au point où la Bosnie est aujourd'hui le théâtre d'actes sauvages et particulièrement barbares? Pourtant, la situation qui prévaut actuellement en Bosnie n'est pas apparue du jour au lendemain. Elle a évolué d'une façon régulière depuis le début du conflit et la communauté internationale s'est contentée d'observer de loin ou de près le déroulement de l'action.

Au début, on trouvait la situation en ex-Yougoslavie plutôt intrigante, mais il n'y avait pas de quoi envoyer des troupes sur place. Un peu plus tard, des rumeurs de purification ethnique ont rendu le conflit carrément inquiétant. Mais encore là, on privilégiait la dissuasion diplomatique et la négociation. Ensuite, les bombardements de Sarajevo ont porté le conflit à un niveau inacceptable de violence gratuite mais toujours pas d'intervention massive de la part des forces de l'ONU.

Les hésitations et tergiversations de la communauté internationale ont fait en sorte que l'on se retrouve aujourd'hui avec une situation totalement inacceptable dans un monde dit civilisé. En effet, les gestes posés récemment par les troupes serbes m'ont particulièrement révolté. Comment peut-on laisser ces gens bombarder ainsi et des quartiers résidentiels et des hôpitaux? Comment peut-on prétendre encore vouloir régler ce conflit en envoyant des forces préventives et en privilégiant la simple négociation? Les Serbes ont pourtant prouvé depuis longtemps le peu de respect qu'ils portent aux ententes qu'ils ont déjà signées. D'ailleurs, l'honorable chef de l'opposition le disait plus tôt ce soir, à 57 reprises en moins d'un mois, ils ont manqué à leur parole. Je ne vois pas comment on peut encore vouloir négocier avec de tels hypocrites inconséquents.

Les troupes des Casques bleus actuellement sur place ne sont plus en sécurité. Le Conseil de sécurité des Nations Unies se doit d'entreprendre des bombardements aériens sur les positions serbes. Il faut également envoyer des troupes au sol afin d'appuyer nos Casques bleus dans leur effort d'instaurer la paix dans ce pays. Nous ne pouvons plus nous contenter d'observer de loin sans réagir. Les Serbes ont eu toutes les chances possibles de prouver leur bonne foi dans ce conflit et, chaque fois, ils se sont retournés pour attaquer encore plus sauvagement des populations civiles. Des centaines d'enfants et de personnes âgées ont ainsi été sacrifiés inutilement.

Le Canada doit exprimer une position claire dans ce dossier. Nous devons faire savoir au monde entier que le Canada est prêt à prendre les mesures qui s'imposent pour régler le conflit. Les Casques bleus ont peut-être réussi jusqu'ici à sauver des vies, mais leur mandat est actuellement trop limité pour pouvoir continuer à le faire efficacement. L'attitude des forces serbes nous oblige, en effet, à considérer la possibilité d'entreprendre des manoeuvres militaires massives. On ne peut plus leur laisser le bénéfice du doute, car trop de vies humaines ont déjà été sacrifiées par notre trop grande tolérance.

(2035)

La destruction de Sarajevo n'aura pas suffi à nous convaincre de la nécessité d'une intervention militaire musclée. C'est aujourd'hui la ville de Gorazde qui en paye le prix.

Les présidents des États-Unis et de la Russie ont convenu de tenir un sommet sur la question d'ici à un mois. Combien d'écoles et d'hôpitaux les troupes serbes auront-elles le temps de détruire en un mois? Hier encore, 28 personnes sont décédées à la suite du bombardement d'un hôpital de Gorazde. Nous devons donc immédiatement faire des pressions auprès de ces pays, car le temps presse pour les innocentes victimes de ce conflit.

On apprend à l'instant par une dépêche de presse que un des dix orateurs invités à prendre la parole à l'ouverture d'une séance du Conseil de sécurité confirme les informations selon lesquelles l'offensive menée par les Serbes bosniaques à Gorazde se fait maintenant maison par maison. C'est horrible!

En terminant, j'aimerais rappeler au gouvernement que, au-delà de nos divergences politiques, nous devons, en tant que parlementaires d'un pays pacifique, démontrer une puissante solidarité en cette Chambre quand vient le temps de sauver des vies humaines.

Je suis convaincu que la population du Québec et du Canada nous appuiera sans réserve dans notre démarche. Le temps n'est plus aux discussions; il faut maintenant agir en martelant les positions serbes et en les forçant, s'il le faut, à négocier honnêtement une entente qui mettra fin à ce conflit qui a maintenant déjà trop duré.

M. Dan McTeague (Ontario): Madame la Présidente, c'est avec une certaine tristesse que je prends la parole ce soir, suite aux nouvelles que nous avons entendues en tant que membres de caucus et députés de la Chambre des communes. Les événements qui se sont déroulés dans une partie du monde où les gens, pour la première fois, connaissent l'inhumanité des gestes des belligérants.

[Traduction]

Je dois avouer à la Chambre que je ne suis pas de ceux qui ont participé au débat précédent sur la présence des soldats canadiens en Bosnie, mais je sens que je dois, pour diverses raisons, exprimer mon opinion de mon mieux et le plus rapidement possible. Comme le savent bon nombre de députés de la Chambre des communes, très peu d'entre nous ont vraiment eu l'occasion de préparer de grands discours. Aussi, madame la Présidente, c'est le mieux que je puisse faire. C'est ma réaction émotive et cérébrale à ce qui s'est produit dans une partie du monde que nous n'oublierons pas de sitôt.

Lorsque j'avais 16 ans, j'ai eu le privilège de visiter la Yougoslavie avec mon parrain et ma marraine. À mon avis, il n'est pas important de mentionner leur culture ou leurs origines ethniques. La réalité, c'est que j'ai visité ces villages et endroits où l'on voit aujourd'hui des gens vivre dans des conditions inhumaines et insupportables. Il n'en serait pas ainsi si ce n'était des agressions serbes.

Certains soutiennent que nous ne devons pas attaquer les Serbes parce que nous avons des réticences historiques à le faire, parce que les Balkans ont toujours été un endroit explosif de la


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planète et que chaque fois qu'il y a eu une guerre, des milliers, voire des millions de personnes en ont souffert. Ce soir, cette excuse historique est tout simplement inacceptable.

Certains ont dit que, lorsque l'armée wehrmacht ou nazie a envahi la Yougoslavie ou ce qui était alors considéré comme la Serbie lors de la Seconde Guerre mondiale, elle n'a pas réussi à se débarrasser complètement de l'opposition, en l'occurrence, l'armée serbe. Je dois avouer que les Nazis étaient les agresseurs, et non les Serbes.

(2040)

En avril 1994, cependant, l'armée serbe est effectivement l'agresseur en Bosnie. Ce sont eux, les belligérants. Il existe peut-être d'autres possibilités, mais je crois qu'il n'y en a qu'une seule qui s'offre à nous. Il s'agit, en tant que pays, de tâcher d'instiller un peu de bon sens dans la situation très difficile et très absurde que l'on vit au moment où nous nous parlons à Gorazde.

Il y a plusieurs semaines, j'ai eu l'occasion de travailler avec plusieurs députés à la Chambre des communes et d'aller voir un film très émouvant, « La liste de Schindler ». Ce film dépeignait un événement atroce qui s'est produit parce que les bonnes gens restaient sans rien faire, tous sauf Oscar Schindler. Il y a peut-être plusieurs Oscar Schindler ici au Canada ce soir. Il y a peut-être des Oscar Schindler partout dans le monde, mais à la fin on ne peut pas ignorer la difficulté à laquelle nous confronte cette question et on ne peut pas la considérer isolément de ce qui s'est passé dans l'histoire.

En 1941, nous savions très bien ce qui se passait à Varsovie. Nous avons vus la ségrégation des Juifs dans des ghettos. Nous les avons vus enfermés dans un endroit où il ne leur arriverait aucun mal mais au moins ils étaient dans un endroit où ils ne pourraient toucher personne d'autre. Il est intéressant de voir tous les parallèles existants dans l'histoire.

Nous avons une obligation non pas envers la postérité, non pas envers l'histoire, mais envers l'humanité de notre époque. Le mal triomphe quand les bonnes gens restent à ne rien faire.

Je tiens à dire que nous sommes peut-être à la toute veille d'une situation très difficile sinon explosive si nous ne faisons pas entrer dans le contexte le fait que ce sont les Musulmans, et plus particulièrement ceux de Bosnie, qui sont les victimes de cette atrocité.

Nous pouvons bien dire que l'ONU n'a pas été à la hauteur, qu'elle n'a pas fait son travail pour protéger ces gens, en retirant les armes, comme beaucoup de mes collègues l'ont dit, et en laissant ces gens sans défense après leur avoir promis un refuge sûr. C'est d'accord, et je l'admets. Les faits sont là. Mais nous avons maintenant l'occasion d'intervenir.

Nous sommes conscients que les troupes canadiennes qui sont là-bas risquent d'être en difficulté, mais pensons à tous les Musulmans qui ont perdu la vie dans cette région, pensons à la patience de ceux qui, face à une haine si féroce, en sont réduits à assister à l'extermination de ceux dont ils partagent le sort.

Nous pouvons dresser un parallèle avec le Koweït et dire: « Nous ne devons pas faire à Sarajevo, en Bosnie, à Gorazde ce que nous avons fait en Irak. » Il n'y a pas de préoccupation pour la mauvaise publicité, les relations publiques, cette fois-ci. Nous savons que la situation est très réelle, que ces souffrances ne sont que trop vraies. Nous avons l'obligation de soulager cette souffrance et de mettre de côté les poncifs et les grandes déclarations.

Je suis une personne pacifique, mais, dans ce cas-ci, je souhaite que la volonté de protéger la dignité des personnes et leur vie s'exprime bien dans notre pays, le Canada. Nous avons une obligation, et j'espère que nous allons l'honorer.

[Français]

Nous ne devons pas oublier l'histoire. Nous devons agir sur des bases fondamentales qui sont de sauver des vies lorsque cela est possible. Nous avons déjà investi du temps et des armes; nous avons donné notre appui aux Nations Unies. Il faut faire davantage pour protéger ces gens.

[Traduction]

Si je me trouvais ce soir en compagnie de nos nombreux amis musulmans, ils me diraient: «Inch'Allah. Dieu soit avec vous. » Nos ministres auront à prendre ce soir une décision difficile. Quelle que soit cette décision, je les appuie, avec les milliers de personnes que je représente, dans la tâche difficile qui les attend.»

(2045)

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Madame la Présidente, je suis d'accord avec mes collègues des deux côtés de la Chambre pour dire que ce n'est pas une situation bien réjouissante. Nous savons que la situation ne date pas des dernières heures, mais, comme nous l'avons appris ce soir, qu'elle remonte à de nombreuses semaines. En fait, si on remonte quelques années et quelques décennies dans le passé, on se rend compte que c'est une région du monde qui a connu beaucoup de souffrances, de violence et de tensions internationales.

Je voudrais remercier les députés des deux autres partis, le Parti libéral et le Bloc québécois, de leur collaboration et de permettre à tous les députés de prendre la parole dans ce débat avant que des décisions graves soient prises dans les prochaines heures. La crédibilité et la force du Parlement se trouveront accrues du fait que les représentants de la population peuvent vraiment débattre d'une situation qui touche non seulement tous les pays du monde, mais encore plusieurs centaines de gardiens de la paix canadiens, qui sont directement touchés par la violence dans l'ancienne Yougoslavie.

Je tiens également à remercier le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères de leur patience en écoutant ce que nous avons à dire. Je suis heureux qu'ils nous aient dit qu'ils tiendront compte de nos préoccupations quand ils discuteront au Cabinet et prendront une décision au sujet des frappes aériennes qui pourraient être ordonnées dans un très proche avenir.


3370

Je me demandais ce que les Canadiens pouvaient bien penser en ce moment où notre gouvernement et d'autres membres des Nations Unies ont des décisions difficiles à prendre à l'égard de l'ancienne Yougoslavie. Je suis convaincu qu'en écoutant les nouvelles du soir à la télévision ils ont été choqués et blessés par la violence, la brutalité et le carnage insensé d'innocentes victimes dans l'ancienne Yougoslavie. Ils voient ce combat inégal et sans pitié entre des troupes qui semblent bien armées et d'autres qui semblent incapables de se défendre.

Nul doute que les Canadiens sont très inquiets pour les troupes canadiennes qui servent actuellement dans une mission de maintien de la paix, ce qui semble être une tâche impossible dans l'ancienne Yougoslavie. Nous nous joignons certes à d'autres députés, ce soir, pour exprimer notre inquiétude à l'égard de nos Casques bleus canadiens qui se trouvent dans cette région agitée. Nous voulons également qu'on prenne des décisions judicieuses qui tiendront compte de leurs intérêts.

En ce qui concerne les frappes aériennes de l'OTAN, nous devons examiner les options qui nous sont offertes. Je présume que nous pourrions en considérer trois. En tant que Canadiens, nous pourrions décider d'appuyer les frappes aériennes de l'OTAN, de sortir nos troupes du pays et d'attendre de voir ce qui se produira. Bien sûr, nous aurions probablement alors de meilleures chances d'éviter que les Casques bleus canadiens ne soient blessés ou tués. Cependant, la communauté musulmane de Bosnie risque d'en payer encore le prix en vies humaines et en souffrances.

Nous pourrions dire que nous nous opposons aux frappes aériennes de l'OTAN en général, mais nous aurions alors du mal à accepter que la violence se poursuive et que d'autres innocents soient tués. Nous devons aussi nous rendre compte que nous n'avons toujours pas réglé le sort de nos Casques bleus dans l'ancienne Yougoslavie.

Une autre option serait d'appuyer les frappes aériennes de l'OTAN, mais peut-être de commencer à organiser des lignes de défense. Autrement dit, nous pourrions appuyer les frappes aériennes, mais faire tout ce qui est possible pour protéger nos Casques bleus qui sont en service dans la région dangereuse entourant Gorazde et dans d'autres régions où il y a risque de violence et de danger pour les Canadiens. Nous voulons certainement éviter, dans toute la mesure du possible, que des Casques bleus canadiens soient encore pris en otages dans cette région.

J'ai eu l'impression que d'autres députés privilégient la troisième option et je partage leur opinion, à savoir qu'elle est peut-être la meilleure. Si c'est ce que d'autres membres des Nations Unies ont décidé et si nous pouvons participer pleinement au processus décisionnel, nous devrions effectivement appuyer les frappes aériennes comme moyen de mettre un terme à ce bain de sang ridicule et insensé.

(2050)

Nous devons également faire tout ce que nous pouvons pour que nos troupes de maintien de la paix disposent du matériel de protection le plus complet possible. Nous devons faciliter leur protection. Nous devons aussi faciliter la mise en oeuvre d'un plan et d'un programme de pacification dans cette région déchirée par la guerre. Nous ne devons à aucun prix abandonner les troupes canadiennes de maintien de la paix parce que les Nations Unies et l'OTAN ont pris la décision de procéder à des frappes aériennes dans cette zone de guerre.

Nous devons consulter nos partenaires des Nations Unies et de l'OTAN pour nous assurer que, si le Canada participe à une escalade militaire dans la région, il n'aura pas à supporter plus que sa juste part. Nous savons que le Canada jouit d'une excellente réputation dans le domaine du maintien de la paix. Les troupes canadiennes participent depuis plusieurs décennies à de nombreuses opérations de maintien de la paix dans divers points chauds du globe. Nous sommes fiers de la réputation que les troupes canadiennes de maintien de la paix ont méritée dans la tradition qu'ils ont bâtie.

Si le Canada demeure présent dans cette région du monde déchirée par la guerre, les autres pays favorables aux frappes aériennes, mais n'ayant pas les ressources humaines nécessaires pour y participer, doivent être prêts à s'impliquer autrement dans le conflit et à intervenir pour rétablir la paix et mettre un terme à ce massacre insensé.

Nous devons faire preuve de réalisme et reconnaître que des soldats canadiens de maintien de la paix risquent d'être blessés ou tués, quelles que soient les mesures prises. Peu importe que nous participions ou non aux frappes aériennes, nous n'avons aucune garantie que nos troupes ne vont pas courir de risques.

Nous devons aussi nous préoccuper de la situation à long terme dans cette région et ne pas oublier que des innocents incapables de se protéger se font tuer en nombre. En tant que citoyens du monde, il nous incombe de prendre part à la solution et de proposer des mesures pour que les Bosniaques sans défense puissent se défendre eux-mêmes. Il nous incombe également d'exercer des pressions sur les agresseurs serbes pour faire en sorte qu'ils reviennent à la raison et mettent fin à cette tuerie inutile.

Notre réputation internationale et notre bonne conscience nous interdisent d'abandonner complètement la population innocente de Bosnie. Si nous faisons une rétrospective, nous pourrons sans doute constater que le Canada et les autres pays ont commis beaucoup d'erreurs. Nous pouvons toujours faire des conjectures, mais je crois que nous sommes maintenant arrivés au point où les conjectures n'apportent plus de solutions. La situation commande des décisions concrètes.

Par conséquent, même si nous n'avons peut-être pas proposé de lignes directrices et, comme quelqu'un l'a souligné tout à l'heure, fixé concrètement des limites, si nous étions allés de l'avant, si nous avions adopté une position plus directe par suite des mauvaises décisions prises par les agresseurs dans cette région, nous ne serions pas rendus là où nous en sommes ce soir. C'est arrivé et, par conséquent, nous devons continuer d'essayer d'améliorer la situation dans le monde.

Au départ, Boutros Boutros-Ghali avait demandé une frappe contrôlée qui visait uniquement les postes d'artillerie, les chars et les positions de mortiers. À notre connaissance, le président


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Clinton aurait déclaré que la frappe comportait des éléments de représailles contre l'attaque des Serbes, et les représentants de l'OTAN auraient peut-être même suggéré des mesures plus fermes.

Si nous prenons des mesures, nous devons nous montrer catégoriques et faire en sorte qu'elles soient valables. Nous ne voudrions surtout pas frotter une plaie qui suppure et l'aggraver, mais plutôt faire une intervention valable et vider la plaie pour qu'elle guérisse. Nous rétablirons ainsi la paix dans cette région du monde fort agitée.

Ce sont de telles réflexions que se font les Canadiens ce soir, alors qu'ils écoutent les bulletins de nouvelles et qu'ils s'interrogent sur la situation qui règne là-bas et sur les mesures que nous devrions prendre. Ils veulent sûrement que nous protégions nos soldats et que nous aidions les Bosniaques qui sont d'innocentes victimes. Ils veulent probablement aussi que nous favorisions la paix au moyen de frappes dynamiques qui feront le moins possible d'effusions de sang.

(2055)

Même si les bombardements pourraient être la seule option qui nous reste, nous ne devrions appuyer les frappes de l'OTAN que si nous avons un plan concret et défini. Nous devrions également envisager un plan d'urgence au cas où nos mesures ne donneraient pas les résultats escomptés et où la violence continuerait.

Quand on entre dans l'eau, il faut s'attendre à se mouiller et peut-être, pour atteindre le but fixé, à devoir traverser des eaux assez profondes.

Je voudrais encore une fois remercier les ministériels de cette possibilité qu'ils nous donnent de prendre la parole sur cette question. Je les remercie de respecter suffisamment le Parlement pour lui permettre de participer au processus décisionnel. Puissent-ils faire preuve de sagesse et être éclairés dans les décisions difficiles qu'ils sont appelés à prendre!

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire): Madame la Présidente, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité ce soir de participer à cet important débat. Je remercie aussi le député qui a pris la parole avant moi, mon collègue de l'opposition, pour ses commentaires. Il est important, je pense, que nos dirigeants nous aient donné cette possibilité.

Pas plus tard que cet après-midi, j'ai participé à une discussion avec trois autres députés au sujet des réformes à apporter au Parlement et de la nature du Parlement. On a beaucoup critiqué les débats, leur qualité et l'utilité de ce genre de débat. J'arrive ici pour m'apercevoir que, en fait, les députés de tous les partis, dans un esprit de coopération, cherchent à aider le gouvernement et ses dirigeants à prendre une décision difficile, voire épouvantable à de nombreux égards.

Comme beaucoup de Canadiens, je ne m'y connais guère en politique étrangère. Mes intérêts sont, comme je le dis souvent, plutôt à Windsor. Mais, franchement, il s'agit là d'une question dont, même si je la connais mal, je me sens forcée de parler ce soir à la suite des appels et des réactions des habitants de ma circonscription et de la vive réaction qui a été la mienne à certains de ces appels.

Comme beaucoup de Canadiens, je trouve odieux ce qui se passe en Bosnie, où l'on massacre, pour des motifs purement ethniques, des innocents qui ne s'intéressent nullement au pouvoir, à la politique et aux enjeux. Comme beaucoup de Canadiens, je souhaite qu'il soit mis fin à ce massacre. J'estime que nous avons l'obligation d'être partie à la solution dans ce pays et j'espère vraiment que nos dirigeants prendront les mesures qui conviennent pour régler ce problème.

Mais je suis aussi inquiète pour nos soldats qui sont là-bas. Il y a deux semaines, Ryan Hendy, un élève de 13e de St. Anne's High School, à Tecumseh, en Ontario, dans ma circonscription, un garçon de 18 ans qui est un ami et dont les parents sont des amis, est venu me voir. Il est membre de l'Essex-Kent Scottish Reserves et a demandé à être envoyé dans l'ancienne Yougoslavie. Ce jeune et son patriotisme m'ont amenée à penser un peu plus aux soldats que nous avions là-bas.

Les Canadiens de Windsor-Sainte-Claire et d'ailleurs sont très fiers de leurs forces armées, très fiers des jeunes qui sont postés en Bosnie et ailleurs dans les Balkans depuis le début de ce conflit. La semaine dernière, les Canadiens ont vu avec inquiétude nos jeunes militaires être pris en otages là-bas et ils ont poussé un soupir de soulagement quand on les a relâchés.

Ces inquiétudes, elles nous touchent de près. En effet, nous tous ici savons qu'il y a de nos électeurs qui ont des gens en Bosnie. Beaucoup d'entre nous ont des amis et même des parents qui ont laissé des êtres chers là-bas. Certains de nos électeurs ont des enfants qui servent là-bas avec les Forces canadiennes. Certains de nos électeurs sont des militaires en service là-bas et d'autres, enfin, sont d'anciens habitants de Bosnie d'origine serbe, croate ou musulmane ayant encore des parents dans ce pays.

Madame la Présidente, une de vos électrices nous a envoyé une lettre aujourd'hui. Il s'agit de Marina Gavanski Zissis, une Canadienne d'origine serbe. Elle nous met en garde contre le danger que présentent ces frappes aériennes et elle s'inquiète surtout du sort des Canadiens au sol. Voici un extrait de sa lettre: «Mais ce qui importe encore davantage, c'est la sécurité des Canadiens qui sont déjà en Bosnie.»

À mon avis, Mme Zissis avance là un argument de poids. Nous ne saurions faire fi de la sécurité de ces gens et oublier la situation dans laquelle ils pourraient se trouver en restant sur place pendant un raid aérien. Ce sont les troupes américaines qui effectueront ces frappes aériennes et franchement, si vous voulez mon avis, leur dossier n'est pas trop reluisant en matière de tir ami meurtrier.

(2100)

Examinons un peu les données. Les tirs amis ont causé de 15 à 20 p. 100 des pertes américaines durant la guerre du Viêt-Nam et 16 p. 100 des pertes chez les soldats américains au cours de la guerre du Golfe. Le 14 avril 1994, 26 militaires et civils ont perdu la vie lorsque deux hélicoptères américains ont été abattus par des chasseurs américains.


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Cette fois, ce sont nos propres troupes et d'innocents civils bosniaques qui seront au sol. Le théâtre de ce conflit n'a rien du lieu idéal. Ce n'est pas un désert où l'on peut facilement différencier les bons des mauvais. Les combats ont lieu à l'intérieur et autour d'enclaves urbaines où se trouvent nos troupes ainsi que des milliers de civils.

Je ne suis pas une experte militaire, je ne connais même pas beaucoup toutes ces questions, mais je suis un être humain et une députée très inquiète. Je sais que nous devons coopérer avec nos alliés et que si nos alliés et nous-mêmes retirons toutes nos troupes, nous condamnons des milliers d'innocents au massacre.

J'ai confiance en nos leaders, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le premier ministre. Je suis convaincue qu'ils nous aideront à prendre cette décision judicieusement, mais je leur demande de ne pas oublier que ce sont nos soldats qui se trouvent sur les lieux du conflit et qu'ils doivent aussi songer à leur sécurité.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord souligner l'importance de la tenue de ce débat ce soir. Ce débat permet aux parlementaires de tous les partis de s'indigner face à la situation intolérable qui sévit en Bosnie. Il permet également aux parlementaires d'indiquer au ministre et au gouvernement que nous sommes tous unis pour une cause qui dépasse largement les intérêts de nos partis, pour une cause qui dépasse largement les orientations qui nous divisent sur d'autres questions, parce que je crois qu'au-delà de tout cela, l'ensemble des parlementaires ici partagent cette volonté que la paix règne dans toutes les parties du monde et partagent cette volonté de mettre fin au massacre qui sévit en Bosnie.

Il faut rappeler un certain nombre de faits. Il y a eu plusieurs cessez-le-feu dans cette région du monde, lesquels n'ont jamais été respectés par les Serbes bosniaques qui poursuivent aujourd'hui le bombardement contre des cibles civiles. Ces cessez-le-feu ont permis, d'une certaine façon, aux Serbes bosniaques de poursuivre leur offensive, alors que l'encre n'était même pas séchée sur les traités qu'ils avaient hypocritement signés.

Il nous faut rappeler qu'aujourd'hui, nous devons aller plus loin que ne l'exigeaient ces cessez-le-feu entre des parties dont l'une ne les respecte pas et dont l'autre, faut-il le rappeler, est maintenant désarmée. Nous devons donner un message clair et net. En ce sens, la stratégie de Sarajevo qui sera proposée, semble-t-il, par le président Clinton, est la seule stratégie qu'il nous semble réaliste d'adopter afin de mettre fin à ce conflit. Cette stratégie, c'est d'imposer et de signifier un ultimatum très clair aux Serbes bosniaques au-delà duquel, après quelques jours, dans un délai le plus court possible, nous devrons intervenir. L'OTAN et l'ONU devront intervenir pour cibler l'artillerie lourde des Serbes, afin d'exiger que cette stratégie, voulant que les combats prennent fin et que toutes les villes et les enclaves reconnues soient libres, soit respectée.

Il nous faut à travers cela exiger des garanties pour les Casques bleus. Le Canada est certainement, à ce jour, le pays qui est le plus intervenu sur le terrain même. Il faudrait rappeler à d'autres pays que, bien sûr, les raids aériens sont nécessaires-nous les appuierons d'ailleurs-il n'en demeure pas moins que ce sont les soldats canadiens et québécois qui sont présents sur le terrain. Et si ces raids aériens doivent s'accompagner d'une force plus grande au sol, les autres pays devront y participer, parce que le Canada a fait sa large part en ce sens.

Il faut rappeler aussi que bien que les raids aériens peuvent mettre en danger nos soldats, et cela, il faut le reconnaître, la situation actuelle n'est pas meilleure, puisque nos soldats sont actuellement en danger. La prise d'otages de la semaine dernière l'a bien illustré, d'autant plus que nous ne pouvons demeurer silencieux et impuissants devant cette situation.

(2105)

Ce qui se passe en Bosnie est d'autant plus grave que cette partie du monde a été une région qui, historiquement, a été un lieu de guerre. Ces différents conflits entre ethnies, entre différents pays, s'accompagnent aujourd'hui d'une dimension qui est celle de la guerre de religion. Et il faut tenir compte de la montée de l'extrémisme islamique présent, bien sûr, en Bosnie, mais également présent dans les ex-républiques de l'URSS, et je pense à Tadjikistan, à Ouzbékistan et à l'Azerbaïdjan. C'est une zone qui se répand jusqu'en Chine, qui touche l'ensemble du Moyen-Orient et qui pourrait embraser toute une partie du monde, allant de l'Europe à l'Asie, en passant par le Moyen-Orient.

Quand je parle de montée de l'extrémisme, l'islamisme extrémiste n'est pas le seul touché. On voit des forces extrémistes de droite également percer en France, en Allemagne, en Italie et en Russie; et je précise en Russie parce que nous savons que la Russie a un rôle particulier à jouer dans ce conflit, puisque les Serbes et les Russes ont en commun leurs racines slaves et que, tout au long de l'histoire, on a vu certaines unités se faire et se défaire en cette région. C'est d'autant plus grave quand on connaît les forces de droite, les forces fascistes existant actuellement en Russie et qui affrontent le président Eltsine.

On doit également se rappeler que la Première Guerre mondiale a débuté en cette région du monde. On a vu que le début de cette guerre en cette partie du monde s'est étendu à l'ensemble de l'humanité. On doit se rappeler également les erreurs commises par les démocraties occidentales dans les années 1930 qui ont vu monter le nazisme et le fascisme et qui sont restées silencieuses pour des motifs parfois animés par le pacifisme, mais un pacifisme aveugle. On a commis l'erreur de laisser Hitler envahir des régions du monde, déclencher un conflit mondial, et on ne peut se permettre que les Serbes soient le déclencheur d'un conflit mondial actuellement.

Il est vrai que la guerre froide est terminée, mais il y a des guerres régionales dans des parties du monde qui sont source de conflit mondial, et celle-ci nous semble encore plus importante et plus dangereuse que toutes les autres guerres régionales qui existent actuellement à travers le monde. C'est en ce sens que l'ONU et l'OTAN doivent encore mieux définir leur rôle, bien sûr, en étant des lieux de discussions pour animer l'ensemble de l'humanité d'un esprit de paix, mais en allant plus loin que cela quand on voit que, effectivement, les discussions ne mènent à rien. Quand on voit que, parmi ceux qui discutent, il y en a qui ne discutent que pour discuter et qui, hypocritement, ne font corres-


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pondre aucun acte aux paroles et aux engagements qu'ils prennent.

Il nous faut souligner également l'importance de la Russie dans ce conflit. L'OTAN peut, bien sûr, dégager une unité, mais cette unité sera renforcée par l'appui de la Russie, et l'inverse est aussi vrai. Dans la mesure où la Russie ne prend pas une position claire, n'intervient pas, ne joue pas son rôle auprès des Serbes bosniaques, il est bien évident que la position tant de l'ONU que de l'OTAN en sera affaiblie.

Il nous faut-et cela peut sembler paradoxal-imposer la paix. Il nous faut par ailleurs prévoir plus que cela. Il nous faut prévoir également la reconstruction dans cette partie du monde. Je pense que, bien sûr, imposer la paix signifie l'assurer, mais, plus que cela, il faut par la suite répandre et implanter la démocratie en cette partie du monde parce que ces pays, ces peuples, n'ont pas connu la démocratie, pas du tout ou bien depuis fort longtemps. Ces pays vivaient sous des dictatures, particulièrement l'URSS, ou sous un régime dictatorial, comme en Yougoslavie.

Il nous faut voir également que la paix ne peut être assurée que par un développement économique cohérent. En ce sens, nos organisations internationales devront, dans l'avenir, aller plus loin que simplement être un lieu de discussion et de diplomatie, plus loin que le rôle de gendarme de l'humanité, mais également assurer les conditions pour ne pas devoir rester partout où nous serons intervenus.

Nous n'en sommes pas là actuellement, bien sûr, mais toute intervention, même ponctuelle, même immédiate, ne peut se faire sans perspective d'avenir.

(2110)

Il n'en reste pas moins qu'actuellement toute perspective d'avenir est impossible dans la mesure où un pays comme le Canada, comme démocratie occidentale, n'impose pas la paix. Puisque nous en sommes là, la paix ne viendra pas si nous ne sommes pas capables de l'imposer.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Madame la Présidente, je suis très inquiet ce soir, car en écoutant le débat, je me suis aperçu que manifestement, il n'y avait pas de solution facile. Quelle que soit la mesure que nous prendrons, il continuera d'y avoir des tueries et un conflit en Yougoslavie et non seulement nos soldats, mais également ceux d'autres pays seront menacés.

Je voudrais simplement m'arrêter sur quelques points et dire ce que je ressens au sujet de ce dilemme. Je m'oppose à des frappes aériennes, surtout si elles ne sont pas liées à de forts mouvements de troupes. En effet, elles permettront peut-être de détruire du matériel, mais pas les troupes serbes qui entourent l'enclave.

Or, l'histoire nous apprend que plus une force d'invasion subit de lourdes pertes, plus elle a de chances de se livrer à des atrocités une fois qu'elle occupera enfin le terrain. Si les Serbes bosniaques déplorent des pertes à la suite de nos frappes aériennes, ils se vengeront sans aucun doute sur les civils musulmans sitôt qu'ils occuperont la ville.

D'un autre côté, quelles seraient les conséquences si nous renoncions aux frappes aériennes? Eh bien, nous risquons d'envoyer aux Serbes bosniaques et à d'autres peuples du monde qui voudraient se lancer dans une aventure militaire, le message que nous sommes impuissants et qu'ils peuvent agir comme ils le souhaitent. Nous pouvons nous attendre à voir ce type d'action militaire se répandre dans le monde entier et chose certaine, il serait tout simplement impossible de protéger les cinq autres enclaves dans l'ancienne Yougoslavie.

Je n'envie donc pas nos ministres qui devront prendre la décision ce soir, ni les autres membres de l'OTAN qui font face à ce choix très difficile.

Où allons-nous à partir de là? Qu'il y ait des frappes aériennes ou non en Bosnie, nous sommes confrontés à une guerre civile. Or, là encore, l'histoire nous apprend qu'on ne peut intervenir avec succès dans une guerre de ce genre. Les combattants vont continuer à se battre jusqu'au bout.

Je vais vous donner l'exemple de l'Afghanistan où l'Union soviétique, au faîte de son pouvoir, a essayé d'intervenir. Cela s'est soldé par un échec complet; les troupes soviétiques ont dû se retirer. Et, bien entendu, il y a également l'exemple classique de la guerre du Viêt-Nam qui était, en fait, une guerre civile. Là encore, l'une des nations les plus puissantes du monde a été incapable d'influer sur le déroulement du conflit.

Il y a de nombreux autres exemples comme le Sri Lanka. Que ferions-nous là? Nous ne pouvons changer le cours de l'histoire dans ce pays. Ce sont des haines ethniques qui conduisent à des luttes sanglantes. La situation est la même au Rwanda. Que pouvons-nous faire dans ce pays? Je pense que de plus en plus, les démocraties du monde vont être confrontées à une montée du tribalisme et à un accroissement des conflits ethniques.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de nos 2 000 soldats dans l'ancienne Yougoslavie. Je rappelle au gouvernement ce qui s'est passé à Hong Kong lorsque nous avons envoyé des troupes là-bas, juste avant la déclaration de guerre par les Japonais, en 1941. Nos troupes ont combattu avec bravoure. Cependant, lorsqu'on examine cet incident, on s'aperçoit que non seulement elles n'ont pas influencé le cours de la guerre, que leur présence n'a pas modifié les intentions des Japonais, mais plutôt que cela n'a fait qu'accroître le nombre de victimes. Si nous n'avions pas combattu pour Hong Kong, on aurait déploré moins de morts dans la région. Nous devons donc nous poser la question.

(2115)

Je crois sincèrement que la tradition des troupes canadiennes est d'être braves, d'aider les déshérités et d'intervenir, mais seulement pour maintenir la paix. Je ne nous vois pas en nation combattante. Je mets notre gouvernement en garde, s'il se sent vraiment poussé dans une situation où nos troupes devraient se joindre aux troupes de l'OTAN dans un rôle qui dépasse de beaucoup le maintien de la paix.


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Enfin, je voudrais dire un mot de la question des haines ethniques. Ce qui se passe dans l'ancienne Yougoslavie, et on pourrait dire la même chose de l'Afghanistan, du Viêt-Nam ou d'ailleurs, n'a rien à voir avec la race, la couleur, les minorités visibles. Nous ne parlons même pas de questions religieuses. Musulmans et chrétiens coexistent en paix dans de nombreux pays et, d'ailleurs, leur religion leur dicte la coexistence pacifique.

Non, ce qui se passe en Yougoslavie est un retour sur le passé. Si vous regardez la plupart des conflits ethniques, vous constaterez qu'ils résultent de ce que les gens regardent le passé et revivent les haines d'autrefois. Au lieu de regarder l'avenir ou le présent, et de voir ce qui pourrait les unir, ils regardent les crimes et les spoliations du passé, un passé parfois vieux de plusieurs siècles.

Ce que je voudrais ajouter, c'est que j'espère que le monde entier, mais ce pays-ci en particulier, prendra note de cela. Rappelons-nous de ne pas revenir sur le passé, de ne pas chercher à venger des crimes anciens, mais au contraire de regarder l'avenir et de voir ce qui peut nous unir.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Madame la Présidente, j'ai été étonné de constater, ce soir, que les discours étaient relativement brefs, qu'ils étaient absolument pertinents et que l'on s'inquiète de plus en plus, des deux côtés de la Chambre, de la direction que prendra, d'ici quelques heures, la décision du gouvernement. Le gouvernement devra en effet trancher une question très délicate, l'enjeu étant la possibilité d'avoir recours aux frappes aériennes à Goradze et à d'autres endroits, en Bosnie.

Je suis absolument certain que les points de vue qui ont été exprimés ici ce soir donneront beaucoup d'assurance aux membres du Cabinet, à notre gouvernement, au moment où ils prendront la décision. Ce sera difficile, mais il faut le faire et, quelle que soit la décision, elle engagera inévitablement tous les Canadiens-ceux qui paient de l'impôt, ceux qui portent l'uniforme, ceux qui ont de la famille à l'étranger et, enfin, les Canadiens de toutes les couches sociales.

Nous voyons ce soir un Parlement au travail, réuni pour faire connaître les vues des Canadiens, au bénéfice d'un gouvernement qui devra agir sous peu. D'après ce que j'ai compris, un certain nombre d'autres pays attendent que le Canada prenne une décision. Nous sommes donc sur le point de mettre fin au suspense.

À mon avis, mes collègues ont commenté très intelligemment la plupart des questions qui devaient être soulevées ce soir à la Chambre. Je ne reviendrai que sur deux d'entre elles. D'abord, nous avons entendu dire à plusieurs reprises que nous ne devrions pas nous engager dans ce genre de guerre, parce que nous ne pouvons pas gagner, que nous préférons nous engager dans des opérations de paix et qu'il faut prendre garde de ne pas transformer la Bosnie en un autre Viêt-Nam.

Dans ce cas particulier, je ne crois pas que l'intention soit de participer à une guerre. Personne ne prétend envahir la Bosnie. Il n'est même pas question de défendre toute la Bosnie. Nous parlons de nous engager dans cinq zones de sécurité, cinq endroits où le monde, par l'intermédiaire des Nations Unies, a dit aux Bosniaques, et principalement aux Musulmans, qu'ils y seraient en sécurité. À l'époque où nous avons élaboré notre position sur cette question, nous avons aussi imposé un embargo sur les armements. Peut-être avons-nous eu raison de le faire à l'époque. Nous avons pensé empêcher l'acheminement des armes jusqu'aux belligérants et, puisqu'ils ne pouvaient plus se protéger, leur envoyer des Casques bleus sur les lieux et ainsi constituer quelques zones de sécurité. Finalement, je crois que nous avons cinq zones de sécurité.

(2120)

Nous avons créé ces zones de sécurité. Nous avons imposé l'embargo. Les gens qui se trouvent maintenant au milieu des conflits sans armes pour se défendre, hommes, femmes et enfants, se comptent par dizaines de milliers, en particulier à Goradze, dont nous parlons ce soir. Nous observons le désastre, et certains d'entre nous disent que nous ne devrions pas nous trouver là. Moi, je dis que maintenant que nous y sommes, nous devons y rester pour tenir nos engagements.

Nous ne pouvons pas partir ainsi et livrer ces hommes, ces femmes et ces enfants aux canons qui avancent. On a parlé ici ce soir d'autres cas où nous ne sommes pas intervenus alors que nous aurions peut-être dû le faire. Disons seulement que nous sommes là-bas et que nous y sommes parce que nous voulions y être, bien que nous aurions préféré être ailleurs, et que nous avons une mission à accomplir. Je pense que nous devons achever ce que nous avons commencé et tenir nos engagements.

Deuxièmement, il y a de par le monde des millions de gens qui suivent de près ce qui se passe en Bosnie, sous un angle légèrement différent de la plupart des Canadiens. On ne peut s'empêcher de remarquer que la majorité des habitants de Gorazde et des zones de sécurité sont musulmans. Ils ont beaucoup de frères et soeurs en religion au Canada, qui eux aussi surveillent ce qui se passe dans le monde. Ils attendent pour voir si les autres pays, ceux qui ont des principes moraux et les ressources financières et humaines, les armes et le courage qu'il faut, sont prêts à se porter au secours de ces dizaines de milliers de vies.

Le fait que ce soient des Musulmans est très pertinent dans le monde d'aujourd'hui. Ils se comptent par millions les gens qui, dans le monde entier, surveillent si nous, Canadiens, allons défendre les principes moraux que nous avons faits nôtres depuis la création de notre pays.

Pour finir, j'aimerais mentionner l'expression honnie, «frappes aériennes». Les spécialistes, les gens qui s'y connaissent, nous disent que c'est un moyen qui devrait nous permettre de tenir nos engagements. Les frappes aériennes seules ne suffiront pas, mais elles nous permettront de protéger les zones de sécurité, un objectif bien limité, il est vrai.


3375

Nous ne voulons pas gérer à la petite semaine, minute par minute, jour après jour, ce qui se passe là-bas. On nous demande d'approuver le recours à cet instrument, et pour ma part, je suis prêt à dire oui.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Madame la Présidente, en prenant ici la parole pour appuyer la motion dont nous sommes saisis afin que le Canada endosse les attaques aériennes visant à protéger les cinq enclaves de la Bosnie, je me souviens d'une leçon que j'ai apprise lorsque j'étais enfant et qui rend bien l'essentiel de mon sentiment à l'égard de cette question.

Ma mère avait l'habitude de nous dire, à mes soeurs et frères et à moi, qu'on peut obtenir plus par la paix que par la guerre. Mais, ajoutait-elle, «il arrive qu'on doive faire la guerre pour obtenir la paix». C'est une leçon que je n'ai pas oubliée et que j'ai transmise à mes quatre fils.

(2125)

Le Canada n'a jamais été un pays agressif. Nous préférerions certainement voir le conflit dans l'ex-Yougoslavie se résoudre par des moyens pacifiques, mais les agresseurs ont continué de commettre leurs crimes contre l'humanité.

Le Canada est un pays caractérisé par son esprit de compassion et son attachement indéfectible aux droits de la personne, à la paix et à la promotion de la liberté et de la démocratie dans le monde entier. On observe à la Chambre une gamme remarquablement étendue d'idéologies et de convictions personnelles, mais j'y suis témoin ce soir d'une unité des coeurs et des esprits. L'unanimité manifeste d'opinion que nous avons vu émerger ce soir en dit long sur la nécessité pour le Canada d'approuver le recours à la force aérienne dans les zones de sécurité définies en Bosnie.

Je voudrais maintenant féliciter les braves soldats canadiens qui sont là-bas pour continuer de servir la cause de la paix; je tiens à leur rendre hommage. Tout au long de son histoire, le Canada a su prendre les bonnes décisions dans les moments les plus difficiles.

Les Croates et les Musulmans de Gorazde et de l'ancienne Yougoslavie vivent actuellement des moments extrêmement difficiles. Ce sont d'ailleurs des moments très pénibles pour tous les pays du monde qui chérissent la paix.

Il est toujours déchirant d'appuyer une manoeuvre militaire pouvant attiser une guerre qu'on cherche à éviter, mais nous ne pouvons plus tolérer le manque de respect flagrant pour la vie et la dignité humaines dont les Serbes bosniaques font montre quotidiennement.

Alors que les entraves à la liberté ont été supprimées, que le Mur de Berlin est tombé et que le Rideau de fer a été levé, nous souffrons de voir la sauvagerie de la guerre perpétrée par les Serbes dans cette partie du monde.

Le monde entier ne peut fermer les yeux sur les atrocités qui se déroulent dans cette région. En appuyant de façon non équivoque la demande des Nations Unies d'étendre le soutien aérien aux régions sécuritaires de la Bosnie, nous adresserions un message clair aux agresseurs.

Nombre de grands penseurs ont communiqué leurs idées à l'humanité sur des sujets comme la guerre et la paix. Il y a deux semaines, j'étais au siège des Nations Unies à New York pour assister à un colloque sur le développement humain. Dans une librairie voisine, un livre a attiré mon attention et je l'ai acheté. Intitulé Peace in 100 Languages, ce livre nous rappelle que la paix est un sentiment universel qui peut être exprimé dans bien des langues, mais qui a toujours pour fondement la compréhension entre les hommes.

Rappelons-nous ce que disait le grand président américain, Franklin Delano Roosevelt: «Quand la paix a été rompue quelque part, elle est menacée partout ailleurs.»

Rappelons-nous aussi ces mots d'Aristote: «La paix est plus difficile que la guerre.»

Rappelons-nous les mots d'Albert Einstein: «La paix ne peut être maintenue par la force, mais seulement par la compréhension.»

Enfin, rappelons-nous les mots de Mahatma Gandhi: «Il est possible de vivre en paix.»

Nous espérons ne pas avoir à faire la guerre pour rétablir la paix, mais il arrive qu'il faille s'y résoudre.

(2130)

[Français]

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Madame la Présidente, je pense que le sentiment unanime de tous les Canadiens, certainement de tous ceux qui participent à ce débat, est un sentiment de révolte devant ce carnage horrible qui se produit presque devant nous, parce que nous regardons la télévision tous les soirs, et tous les soirs c'est le même scénario: un carnage, un manque de respect total de la vie humaine, une violence inexplicable.

En regardant tout cela, on se demande qu'est-ce qui fait que des personnes puissent en arriver à une telle sauvagerie. Comme homme, je dois remarquer que c'est surtout la chose des hommes. En fait, tout ceux qui se font la guerre en Bosnie, comme en Somalie, comme au Rwanda, ce sont surtout et presque entièrement des hommes. Lorsqu'on regarde en arrière, on remarque que toutes les guerres ont été la chose des hommes.

[Traduction]

Aujourd'hui, en Bosnie, la violence tient en otages non seulement les Bosniaques, mais aussi les soldats canadiens, les soldats d'autres pays et même le monde entier. Nous ne pouvons nous laver les mains de ce conflit. Aucun d'entre nous, où que nous vivions, ne saura échapper aux conséquences du drame terrible qui se déroule.

Comme Canadiens, nous avons lieu d'être fiers que le Canada, fidèle à sa longue tradition, ait continué de faire sa large part, et même plus que sa part en Bosnie et dans l'ancienne Yougoslavie.

Ce soir, nos pensées vont vers les soldats canadiens qui sont sur le terrain, en Bosnie, vers leurs familles restées au Canada, vers leurs enfants qui doivent vivre des heures de profonde anxiété.

3376

Je pense exprimer le sentiment de la plupart des Canadiens en disant que nous éprouvons une grande amitié, beaucoup d'estime et un immense respect pour nos voisins du Sud, les Américains. Par ailleurs, j'ai l'impression que de nombreux Canadiens estiment que les Américains n'ont pas fait leur part en Bosnie et qu'ils y sont allés mollo. Ils croient que le recours à des frappes aériennes, décidées surtout parce que les Américains ont fait pression et effectuées par des avions de guerre américains, s'inscrit dans le programme des Américains, car, dans une certaine mesure, il s'agit effectivement d'un programme politique qui se résume à ceci: plutôt que d'envoyer des troupes terrestres, effectuons des raids aériens!

Je me demande s'il est normal que le plus petit, et de loin, des deux partenaires nord-américains doive envoyer des troupes terrestres là-bas et y poster des effectifs pendant des mois et des mois, tandis que l'autre, qui est infiniment plus puissant et plus important, a réussi depuis des mois à se dérober à la responsabilité d'en faire autant. Est-il également normal que de nombreux pays soient demeurés confortablement en marge, trouvant des excuses pour ne pas participer à l'effort de maintien de la paix des Nations Unies?

Beaucoup d'entre nous, sinon la grande majorité et peut-être même la totalité, redoutons une escalade du conflit. Nous craignons qu'il n'y ait encore plus de raids aériens. Nous avons des craintes au sujet de l'efficacité de ces raids. En cas d'échec, non seulement les Bosniaques et leurs familles, mais aussi nos troupes ne se retrouveraient-ils pas encore plus vulnérables qu'à l'heure actuelle?

(2135)

C'est avec l'esprit et le coeur déchirés que nous affrontons cette terrible décision. Qu'allons-nous faire? Je crois que nous devons absolument nous assurer qu'aucune décision n'est prise sans que les Russes puissent dire leur mot et puissent intervenir. Même si je suis tout à fait opposé aux frappes aériennes, je suis bien conscient que des décisions de cet ordre ne vont jamais tout à fait dans un sens ou tout à fait dans l'autre.

À la réunion de notre caucus cet après-midi, j'ai écouté très attentivement les deux principaux ministres, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale, parler de la question et j'ai été frappé par leur prudence et leur sagesse, car ils étaient bien conscients du fait qu'il n'y a pas de solution facile.

Je sais que, ce soir, le premier ministre et nos deux ministres doivent tourner et retourner dans leur tête ce terrible dilemme auquel nous sommes confrontés, car, au bout du compte, ce sont eux qui doivent décider. Qui suis-je donc pour leur conseiller ceci ou cela, alors que je ne connais pas les faits? Alors que je n'ai pas à répondre des conseils que je pourrais leur donner?

J'ai confiance en nos dirigeants. Je pense qu'ils sont sages. Ils l'ont été jusqu'ici. Ils se sont montrés très humains dans leur façon d'aborder la situation. Quelle que soit la décision qu'ils prendront, même si ce doit être, après mûre réflexion, celle de procéder à des raids aériens, je serai triste, mais je comprendrai qu'ils l'ont prise ayant jugé que c'était, en dernier recours, la seule façon peut-être d'arrêter les Serbes.

Si nos dirigeants en décident ainsi, j'espère que notre position s'accompagnera de quelques avertissements pour signaler aux autres pays qu'ils doivent faire leur part, particulièrement les États-Unis. On devrait demander au président Clinton de faire plus que simplement effectuer des frappes aériennes et d'envoyer des troupes là-bas. Si nous pouvons y envoyer 2 000 militaires, il peut sûrement en envoyer 3 000, 4 000, 5 000 ou même 10 000.

J'espère que nos dirigeants pourront convaincre les nations qui ne se sont pas engagées dans ce conflit de faire leur part pour la Bosnie.

Finalement, nous devrons tirer des leçons de tout cela. Que penser de la stratégie des Nations Unies? Que nous réserve l'avenir? Quelles leçons pouvons-nous tirer aujourd'hui des malheurs de la Somalie, du Rwanda et de la Bosnie, et que retiendrons-nous des conflits qui éclateront peut-être demain à beaucoup d'autres endroits du monde? Pouvons-nous faire régner l'ordre dans le monde? Pouvons-nous maintenir la paix partout dans le monde? Quelle devrait être notre stratégie pour l'avenir?

[Français]

Ce soir je dois dire, comme homme, que je me sens bien triste de penser que ce sont des hommes, comme moi, qui ont déclenché dans différentes parties du monde des carnages presque sans fin, que ce soit en Afrique, en Irlande du Nord, ou aujourd'hui en Yougoslavie.

Je remarque que ce sont toujours les femmes et les enfants qui sont les innocentes victimes de ces actes de violence. Ce soir, donc, c'est surtout vers les innocents que nous devrions tourner nos regards, prier pour que les décisions que nos chefs prendront soient des décisions remplies de sagesse, comme ils l'ont fait dans le passé, afin que nos troupes soient sauves et que tous les innocents conservent la vie.

[Traduction]

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Madame la Présidente, ce débat est difficile pour beaucoup d'entre nous et je voudrais prendre simplement quelques minutes pour rappeler aux Canadiens qu'on a demandé à la Chambre d'examiner la demande que le secrétaire général des Nations Unies a présentée au secrétaire général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord dans sa lettre du 18 avril; il souhaitait étendre la protection offerte à Sarajevo à cinq autres zones de sécurité en Bosnie.

(2140)

L'OTAN avait déjà accepté d'assurer une protection air-sol uniquement pour assurer la sécurité de nos forces, des forces de l'OTAN et de la FORPRONU, afin de faciliter certaines choses comme le remplacement des troupes de la FORPRONU et de protéger Sarajevo qui, comme nous le savons aujourd'hui, a été désignée zone d'exclusion depuis février dernier.

Une zone d'exclusion n'est pas la même chose qu'une zone de sécurité; les troupes serbes bosniaques doivent retirer leurs armes lourdes à 30 kilomètres d'une zone d'exclusion ou les remettre aux forces des Nations Unies, à la FORPRONU.

Je crois comprendre, d'après ce que je sais de la situation et d'après tout ce que j'ai entendu dire aujourd'hui, que le président Clinton propose que toutes les zones de sécurité deviennent des

3377

zones d'exclusion, que les sanctions soient renforcées et qu'une réunion au sommet ait lieu très bientôt.

L'OTAN doit se réunir demain pour décider quoi faire. Si nous donnons notre accord à cette proposition, cela prouverait aux Serbes bosniaques et à tous ceux qui mettent en doute la crédibilité de l'ONU, que la communauté internationale est prête à mettre ses promesses à exécution. Comme dans le cas de Sarajevo, cela pourrait protéger les autres zones de sécurité contre toute autre attaque.

Si nous ne donnons pas notre accord, nous pourrions être accusés de ne rien faire pour arrêter la purification ethnique et l'agression. On pourrait même nous accuser de génocide. Si nous ne donnons pas notre accord, toute action pourrait être insuffisante et arriver trop tard pour empêcher les Serbes bosniaques de continuer leurs exactions envers d'autres êtres humains.

Si nous ne donnons pas notre accord, nous mettrons nos troupes en danger. Cela pourrait créer une situation intenable pour bon nombre de personnes dans l'ex-Yougoslavie. Néanmoins, je trouve très difficile d'appuyer le recours aux frappes aériennes car, comme nous le savons, ce genre d'intervention peut avoir deux conséquences.

Tout d'abord, toute frappe aérienne sans un bon appui au sol n'est pas très efficace. Deuxièmement, cela changerait notre rôle au sein des forces de l'ONU; il ne s'agirait plus de maintien de la paix mais de pacification, et je ne suis pas sûr que les Canadiens soient prêts à accepter ce genre d'initiative.

[Français]

Certaines considérations doivent être rappelées, à savoir pourquoi nous avons envoyé nos troupes en Bosnie sous la bannière des Nations Unies. Tout d'abord, ce fut pour soutenir le maintien de la paix dans cette région du monde et, deuxièmement, pour des raisons humanitaires. Tous se souviendront des difficultés que nous avons eues à apporter le soutien humanitaire à Sarajevo. Je n'ai pas besoin de rappeler aux Canadiens et aux Canadiennes les difficultés que les forces des Nations Unies ont eu à surmonter dans ce conflit.

Nous devons nous rappeler que le Canada, dans le passé, a exprimé des réserves sérieuses quant à l'utilisation de frappes aériennes. La force de frappe aérienne, pour nous, n'est pas une solution au problème; nous recherchons une solution négociée. Nous devons nous rappeler que la Communauté internationale doit considérer quel effet cette décision aura sur le processus de paix. En fin de compte, une paix durable ne peut être qu'une paix négociée, sauf si la Communauté internationale est prête à imposer la paix par la force.

Pour l'instant, les forces en place sur le terrain, les forces des Nations Unies, ne sont pas équipées, ne sont pas en position d'imposer la paix. Quelle que soit la décision que prendra demain la Communauté internationale, elle doit être crédible à mes yeux et aux yeux de la communauté canadienne et internationale. On ne doit pas faire de déclaration qui ne peut être soutenue. Quelle que soit la décision, les frappes aériennes ne satisfont pas, d'après moi, à ces deux critères de faire la paix, à moins qu'on y mette le paquet.

Je ne pense pas que les Américains, qui n'ont pas de force militaire actuellement sur le terrain, peuvent, encore une fois, nous dire: «Vous, Canadiens, allez-y, car nous, on ne peut y aller.» Donc, il y a un facteur important d'une participation des Américains dans les forces terrestres. À mon avis, il faut que la Russie soit prête à participer et qu'elle ait un rôle important à jouer dans ce conflit. Si j'ai bien compris M. Eltsine, il est disposé à une rencontre au sommet et ça, c'est positif.

Pour ma part, je pense que cette proposition faite par MM. Clinton et Eltsine d'une rencontre au sommet est une initiative que le Canada doit soutenir, à laquelle nous participerons, j'en suis certain. Je suis de ceux qui appuient une position négociée, car je suis contre la violence et je suis contre les frappes aériennes, je le dis honnêtement.

Je ne pense pas que nous accomplirons beaucoup avec ça. Je suis de ceux qui sont fermement convaincus que c'est par la négociation que nous aboutirons-et c'est la réponse à notre problème-mais il faut attirer ces gens vers la table des négociations, sinon, c'est un désastre qui nous attend. L'histoire se répétera et je le dis avec beaucoup de peine, avec beaucoup d'hésitation d'ailleurs, parce que je sais que je m'inscris en faux contre beaucoup en cette Chambre. Ce n'est pas la façon de régler ce problème. Il va falloir le régler par des négociations et non par la force.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il n'y a plus de députés pour prendre la parole, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 21 h 48.)