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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 26 avril 1994

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA FORMATION MILITAIRE

LOI FÉDÉRALE SUR LES HYDROCARBURES

    Projet de loi C-25. Adoption des motions portant présentationet première lecture 3483

PÉTITIONS

LE SUICIDE ASSISTÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORTINTERNATIONAL PEARSON

    Projet de loi C-22. Motion visant à la deuxième lecture 3484
    M. Harper (Simcoe-Centre) 3493
    Sous-amendement 3496
    M. White (North Vancouver) 3505
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 3512

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA JUSTICE

L'AFRIQUE DU SUD

M. KURT BROWNING

    M. Mills (Red Deer) 3514

LE CENTRE D'APPRENTISSAGE INTERCULTUREL

LE TOURISME

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

LA COTE DE CRÉDIT DU CANADA

LE CURLING

LE BILINGUISME TERRITORIAL

L'INSTITUT DE RECHERCHE EFAMOL

LA SOCIÉTÉ BINNEY AND SMITH (CANADA)

LE IRVING WHALE

    M. Chrétien (Frontenac) 3516

L'AFRIQUE DU SUD

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3516

LE SOLDAT GEORGE ANDERSON

L'ÉCOLE SECONDAIRE DE YARMOUTH

QUESTIONS ORALES

LE PROGRAMME D'ADAPTATION DES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3517
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3517
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3518

LE PROJET HIBERNIA

L'ÉCONOMIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3518
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3519
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3519

LA LOI ÉLECTORALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3519
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3520

LE PARC THÉMATIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3520
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3520

TRANSPORT CANADA

LE DÉPUTÉ DE SAINT-LÉONARD

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3521
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 3521

BIO VAC

LE TRAITÉ SUR LE SAUMON DU PACIFIQUE

LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    M. Harper (Calgary-Ouest) 3522
    M. Harper (Calgary-Ouest) 3522

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE L'HÉMOPHILIE

LE PROGRAMME DE DÉPISTAGE DU VIH

LE FICHIER DES BOURREAUX D'ENFANTS

LA PUBLICITÉ

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

    M. White (North Vancouver) 3524
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 3524

VIA RAIL

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

    Projet de loi C-22. Reprise de l'étude de la motion portantdeuxième lecture, ainsi que de l'amendement et du sous-amendement. 3525
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 3525
    M. Mills (Red Deer) 3527
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 3537
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 3544
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 3548

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

    Reprise de l'étude de la motion 3548
    Mme Brown (Oakville-Milton) 3550
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 3553

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ÉTHANOL

LE PLAN D'ACTION POUR LES JEUNES

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 3559

VIA RAIL


3479


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 26 avril 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, conformément au Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à des pétitions.

* * *

LA FORMATION MILITAIRE

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, si je prends la parole devant la Chambre aujourd'hui, c'est pour informer mes honorables collègues d'un sujet qui nous tient tous à coeur. Il s'agit des possibilités que le ministère de la Défense nationale va offrir aux jeunes Canadiens de recevoir une formation d'officier dans les Forces canadiennes, dans le cadre d'un collège militaire canadien entièrement bilingue.

[Traduction]

Il y a quelques semaines, en réponse aux questions suscitées par la disposition budgétaire annonçant la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean, au Québec, j'ai promis au député de Roberval que, quelques semaines plus tard, je présenterais à la Chambre un rapport d'étape afin d'informer les députés des mesures prises par le ministère de la Défense nationale pour garantir le bilinguisme du collège militaire unifié à Kingston.

Demain, je dois comparaître devant le comité sénatorial des finances. Sauf erreur, les questions porteront précisément sur la fermeture du collège militaire. Par simple courtoisie envers les députés, j'ai pensé d'abord faire une déclaration à la Chambre et faire le point sur l'évolution de notre opinion à cet égard.

La fusion de nos trois collèges militaires en une seule institution est dictée à la fois par des restrictions budgétaires et par les exigences opérationnelles des Forces canadiennes. Depuis 1989, l'effectif du corps des officiers de la Force régulière diminue. Par suite du budget de 1994, la réduction du nombre des officiers se poursuivra jusqu'en 1998. Par conséquent, le nombre des cadets inscrits dans les collèges militaires sera évidemment réduit pour passer d'à peu près 1 600 qu'il est actuellement à environ 900. Un seul collège sera donc suffisant pour répondre à nos besoins.

Or, ce collège devra être complètement bilingue pour deux raisons. La première, c'est qu'il devra recevoir des jeunes Canadiens de toutes les régions, peu importe leur première langue officielle. Ces jeunes Canadiens doivent être bien accueillis au collège militaire, mais ils doivent aussi s'y sentir chez eux. La deuxième raison, c'est que, en vertu du principe d'égalité des deux langues officielles ainsi que de l'esprit de la Loi sur les langues officielles, nous devons garantir que la formation des officiers soit donnée dans les deux langues officielles.

Cette formation bilingue est aussi importante parce que nos corps d'officiers doivent être en mesure de commander des militaires venant des deux groupes linguistiques. On a donc décidé récemment qu'à partir de l'année universitaire 1996-1997, le bilinguisme fonctionnel sera exigé au Canada de tous les diplômés du collège militaire. Je reviendrai sur ce point dans quelques moments.

[Français]

La création d'un collège militaire entièrement bilingue représente un défi canadien par excellence. En effet, entre autres buts, elle vise à créer des liens basés sur le respect de la différence à promouvoir l'entente et la collaboration au nom d'une cause commune: le service et la défense du pays. Or, ce défi, le ministère de la Défense nationale s'est empressé de le relever. En effet, mon ministère a établi, d'une part, un plan de transition visant la période d'études 1994-1997 et, d'autre part, un plan visant à rendre le Royal Military College de Kingston entièrement bilingue.

Le plan de transition mettra en place les mesures nécessaires pour assurer la relève des programmes offerts par les trois collèges militaires d'ici à la fin de l'année universitaire 1996-1997. Nous envisageons aussi plusieurs options pour remplacer, à partir de l'année universitaire 1995-1996, l'année préparatoire offerte par le Collège militaire royal de Saint-Jean, au Québec.

(1010)

Parallèlement, la Défense nationale élabore un plan visant à rendre le Royal Military College entièrement bilingue, plan dont je tracerai maintenant les grandes lignes. Le Royal Military College est déjà partiellement bilingue, puisque les programmes d'études en sciences et en génie y sont offerts dans les deux langues officielles depuis de nombreuses années. On y utilise aussi depuis longtemps l'anglais et le français dans les activités


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quotidiennes, en alternant les deux langues, une semaine sur deux.

Le plan qu'élaborent actuellement les autorités de la Défense nationale vise à rendre le Royal Military College entièrement bilingue et à créer un milieu qui incite les jeunes francophones et anglophones à y entreprendre leurs études et à devenir des officiers bilingues au sein des Forces canadiennes.

Ce plan aura une incidence sur les quatre piliers du programme des collèges militaires canadiens, soit les études, le programme militaire, le sport et le conditionnement physique, ainsi que l'habilité en langue seconde. Il touchera le personnel enseignant et les élèves-officiers et aura des répercussions sur le soutien administratif et sur tous les aspects de la vie quotidienne au collège.

[Traduction]

Dans le cadre de la rationalisation de notre réseau de collèges militaires, tous les programmes scolaires retenus seront offerts aux nouveaux étudiants dans les deux langues officielles. À cette fin, les commandants et les directeurs évaluent les besoins en personnel francophone et anglophone, tant militaire que civil.

Étant donné que le niveau de bilinguisme exigé des diplômés du Collège militaire royal a été rehaussé, on insistera sur une utilisation quotidienne du français et de l'anglais au collège. Les cadets qui ont besoin de perfectionner leurs connaissances de la langue seconde suivront, pendant l'été, des cours de langue dans un environnement linguistique pertinent.

Le caractère bilingue du collège sera rehaussé du simple fait de l'arrivée des cadets du Québec. C'est ainsi que le collège comptera 30 p. 100 de francophones et 70 p. 100 d'anglophones, comparativement à 17 et 83 p. 100 respectivement à l'heure actuelle.

Pour ce qui est du personnel militaire, le commandant collabore déjà avec le bureau du personnel à Ottawa afin que la composition du personnel du collège reflète ses exigences.

[Français]

Madame la Présidente, je tiens à mentionner qu'au mois de juillet, le brigadier-général Charles Émond, qui est actuellement commandant du Collège militaire royal de Saint-Jean, débutera dans ses nouvelles fonctions de commandant de notre unique collège militaire.

[Traduction]

Autrement dit, le commandant du Collège militaire de Saint-Jean, au Québec, le brigadier-général Charles Émond, va aller au Collège militaire royal de Kingston s'assurer que la transition vers un seul collège se fasse en douceur et que le collège soit bilingue.

Je tiens à porter cela à l'attention des députés d'en face, notamment de mes collègues du Bloc québécois qui sont très préoccupés par la consolidation des activités collégiales à Kingston. J'ai bon espoir que le général Émond, maintenant commandant au Collège militaire royal, saura faire du collège de Kingston un établissement vraiment et fièrement bilingue que nous pourrons tous admirer.

[Français]

Le brigadier-général Émond est gradué du Collège militaire royal et diplômé du RMC. Nous comptons sur lui pour continuer à faire refléter à notre nouveau collège la vision que se fait la Défense nationale du bilinguisme chez les officiers des Forces canadiennes.

Je me permettrai d'apporter maintenant quelques précisions sur le concept de corps d'officiers bilingue au sein des Forces canadiennes. Ce concept a été adopté par le Conseil des Forces armées le 28 juin 1988. Il répondait aux besoins qu'ont les officiers supérieurs de pouvoir diriger leurs subordonnés dans les deux langues officielles.

À l'heure actuelle, ce concept est étudié par un groupe de travail conjoint spécial constitué des représentants du commissaire aux langues officielles et de la Défense nationale. Nous entendons raffiner ce concept et résoudre les points soulevés par le commissaire, lors de nos consultations.

(1015)

Notre but est d'établir la politique suivante: À partir du 1er janvier 1998, tous les officiers promus au grade de lieutenant-colonel devront normalement être bilingues. J'ai déjà mentionné ce fait à la période des questions en cette Chambre.

Les mesures visant à offrir une formation en langue seconde aux officiers francophones et anglophones s'inscrivent dans le cadre plus vaste du Programme des langues officielles du ministère de la Défense nationale. Ces programmes reposent entre autres sur la Loi sur les langues officielles de 1988 et touchent les domaines suivants: langue de travail, participation équitable, communication avec le public, prestation des services et formation linguistique.

[Traduction]

D'abord, en ce qui concerne la langue de travail, nous avons adopté un modèle spécial qui tient compte de notre environnement unique et des mesures organisationnelles nécessaires pour atteindre l'objectif du bilinguisme au ministère de la Défense nationale et dans les Forces canadiennes. Le second élément est une participation équitable.

En 1992, une analyse approfondie de la désignation linguistique de tous les services et de tous les postes a révélé qu'il restait encore beaucoup à faire pour accroître le nombre d'anglophones bilingues parmi les militaires.

[Français]

Pour examiner le taux de participation des francophones au sein des Forces armées canadiennes, nous avons procédé à une analyse complète de recrutement, d'enrôlement, de promotion et du taux d'attrition des officiers et des militaires au cours des 15 à 20 dernières années.


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Cet examen qui portait sur tous les grades et groupes professionnels militaires s'est terminé en décembre 1992. Il en ressort que dans l'ensemble nous atteignons l'objectif de la participation équitable sauf dans trois groupes professionnels militaires sur 135 groupes.

Le troisième secteur visé par le Programme des langues officielles concerne la communication et le service avec le public. Notre personnel collabore sur une base continue avec les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor pour s'assurer que la Défense nationale respecte l'esprit des règlements relatifs aux langues officielles.

[Traduction]

À l'heure actuelle, nous offrons des cours de langue seconde à l'interne. Afin de rationaliser ce programme, les hauts fonctionnaires de mon ministère, en collaboration avec des représentants de la Commission de la fonction publique et du Conseil du Trésor, étudient la possibilité de confier notre programme d'enseignement des langues secondes à la Commission de la fonction publique.

En ce qui concerne les critiques plus générales que nous a adressées le commissaire aux langues officielles, soyez assurés que mon ministère continuera d'améliorer son bilan. Permettez-moi de rappeler les trois domaines que je viens de mentionner, soit notre plan d'action pour un collège militaire entièrement bilingue, le concept d'un corps d'officiers bilingues et efficaces et la réalisation d'une étude visant à accroître l'efficacité de notre programme d'enseignement des langues secondes.

Voilà donc trois exemples frappants qui illustrent à quel point le ministère de la Défense nationale prend la question des langues officielles au sérieux. Nous poursuivrons nos efforts en respectant la Loi sur les langues officielles et les politiques connexes et en continuant de travailler en étroite collaboration avec le commissaire aux langues officielles.

[Français]

Madame la Présidente, j'espère avoir convaincu mes collègues que nous travaillons de pied ferme à rendre l'ensemble des Forces armées canadiennes plus conforme à la réalité canadienne. J'espère aussi leur avoir assuré que les portes du nouveau collège militaire canadien, l'une des importantes voie d'accès à la carrière d'officier dans les Forces armées canadiennes, sont grandes ouvertes à tous les candidats qualifiés, anglophones et francophones.

[Traduction]

En tant que ministre de la Défense nationale, je suis fier de participer à la création de ce collège militaire bilingue. En effet, nous pouvons tous être fiers de cette initiative, car notre collège militaire deviendra une institution unique, le miroir de la dualité linguistique de notre pays. Il accueillera ces jeunes Canadiens qui seront les leaders de demain, peu importe leur province ou leur territoire d'origine.

Avant de conclure, je voudrais m'excuser auprès des porte-parole des partis d'opposition. Je crains qu'on ne les ait pas avertis assez tôt de ma déclaration. Ils n'ont eu, je crois, qu'une heure ou deux d'avis, mais ont eu l'amabilité de me permettre de faire cette déclaration aujourd'hui.

Je voudrais signaler au député de Charlesbourg, arrivé au moment même où j'allais commencer mon intervention, que j'ai décidé d'intervenir aujourd'hui parce que j'estimais que je me devais, par politesse, de faire cette déclaration à la Chambre des communes. Demain, je témoignerai devant le comité sénatorial des finances qui me posera, paraît-il, des questions très épineuses sur la fermeture du collège militaire et l'avenir de nos collèges militaires.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Madame la Présidente, en commençant, j'avais l'intention de signaler au ministre qu'il avait tardé à nous fournir le temps de son allocution et j'accepte ses excuses.

(1020)

Je suis heureux d'intervenir à nouveau sur ce sujet qui fut relativement brûlant au Québec, c'est-à-dire la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean afin de n'utiliser qu'un seul collège, soit le Collège militaire de Kingston, pour la formation future des militaires. Doit-on rappeler que la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean n'a jamais été justifiée ni par les économies, ni par la condensation de la formation, ni par la capacité de compenser par le Collège militaire de Kingston. Le gouvernement n'a jamais démontré une telle justification.

Malgré le discours qu'a tenu le ministre ce matin, et je suis convaincu de sa sincérité, comme je suis convaincu qu'il fait des efforts en ce sens, nous voulons quand même être réalistes. La Loi sur les langues officielles n'existe pas depuis que le Parti libéral a pris le pouvoir, elle existe depuis plusieurs années. Cela fait plusieurs années que le Collège militaire de Kingston, le Collège militaire de Saint-Jean, le Collège militaire de Royal Roads auraient dû être bilingues et travailler dans les deux langues lorsqu'il y avait demande. Nous savons pertinemment, selon les informations que nous avons eues et même par les critiques sur les langues officielles soulignées par le ministre, que les résultats laissaient fort à désirer.

Ce matin, le ministre de la Défense nous trace les grandes lignes d'un plan qui vise à rendre le Collège militaire de Kingston entièrement bilingue. Je viens de vous signaler que nous nous permettons de douter de cette affirmation, malgré les bonnes intentions et les efforts qui seront faits. On nous trace les grandes lignes, mais en même temps, on nous dit que les autorités de la Défense nationale élaborent actuellement un plan. Faut-il comprendre que le ministre ne nous lance, ce matin, que de la poudre aux yeux? Il n'y a absolument rien de tangible dans ce plan.

Le ministre nous parle des incidences du plan qu'on n'a pas vu, qu'on ne connaît pas, de ses objectifs, de ses concepts, mais rien au niveau des moyens. Les francophones s'attendent à plus qu'à un vague concept. Les seules précisions que le ministre nous apporte relativement à son concept de corps d'officiers bilingues, c'est la date où il a été adopté. On nous dit qu'à l'heure


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actuelle, ce concept est étudié par un groupe de travail conjoint spécial. Un autre groupe de travail!

Ils entendent raffiner ce concept et résoudre les points soulevés par le commissaire aux langues officielles. On s'en remet au programme des langues officielles du ministère; on connaît les résultats que cela a donnés au niveau du Collège militaire de Kingston. Pis encore, ce n'est pas avant 1998 que tous les officiers promus au grade de lieutenant-colonel devront normalement être bilingues, affirmation déjà faite en Chambre suite à des questions posées au ministre. Je me demande ce que signifie un lieutenant-colonel «normalement bilingue». Qu'est-ce que c'est «normalement bilingue»? De quelle façon pourra-t-on l'accepter? C'est trop peu, trop tard.

Par ailleurs, le ministre ne nous dit rien sur les moyens qu'il entend prendre afin de favoriser la culture francophone au sein du Collège militaire de Kingston. L'environnement compte pour beaucoup dans la formation d'un élève-officier qui cherche à maîtriser une langue seconde. Apprendre une nouvelle langue est une démarche qui implique davantage qu'un programme académique. Apprendre une nouvelle langue est également une question d'environnement et d'immersion. Je suis bien placé pour en parler, j'ai de la difficulté à apprendre une nouvelle langue. Bien qu'on soit en immersion partielle, ici, j'ai l'intention de faire une immersion complète.

Lorsque je regarde les recommandations qui ont été produites par le comité ministériel sur les langues officielles au sein du ministère de la Défense et dans les Forces armées canadiennes, il appert que ce comité recommandait que ce facteur d'immersion soit un élément important de la formation des élèves-officiers. Il recommandait, et je cite: «Tous les élèves-officiers du Royal Military College et du Royal Roads Military College passeraient au moins un an au campus de Saint-Jean, alors que ceux de ce campus-soit le Collège militaire de Saint-Jean-devraient faire de même dans un des deux autres sites; ceci aiderait au développement linguistique de chacun et assurerait qu'ils soient, les uns, les autres, exposés à l'autre culture.»

Ce court extrait démontre à quel point, une politique de bilinguisme appliquée à une formation académique d'élèves-officiers n'est pas seulement une question qui se règle avec un programme académique improvisé à la dernière minute comme le suggère l'honorable ministre.

(1025)

Négliger cet aspect de l'immersion, de l'exposition d'une autre culture serait certainement plus prometteur.

Certaines positions expliquent pourquoi moi et mes collègues du Bloc québécois nous sommes opposés à la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean, et ce, depuis le début.

Nous savons tous que le bilinguisme dans les Forces armées canadiennes est davantage une réalité pour les francophones qui participent à ce corps armé que pour les anglophones qui, la plupart du temps, lorsqu'ils sont bilingues, ont passé par le Collège militaire de Saint-Jean.

Il y a un manque important de militaires bilingues dont la langue maternelle est l'anglais, et au contraire, il y a un surplus de militaires bilingues dont la langue maternelle est le français.

Un rapport interne des Forces armées canadiennes sur l'état du bilinguisme dans l'armée faisait état d'une carence importante à ce niveau. Ce rapport déclarait qu'il existait un surplus de 2 861 francophones bilingues, alors que le manque à gagner pour les anglophones bilingues était de 1 424.

Bien sûr, cet échantillonnage est plus large que le seul corps des officiers, mais il souligne à quel point la promotion du bilinguisme dans l'armée canadienne est l'affaire des francophones.

Rappelons-nous le climat entourant l'annonce de la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean. Le ministre de la Défense a annoncé la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean au nom de l'économie et c'est également au nom de l'économie qu'il décide de récluser des francophones dans un milieu anglophone pour leur formation militaire.

Le ministre, dans sa déclaration, parle de milieu incitatif pour les francophones qui entreprendront leurs études à Kingston. Moi, j'appelle cela, malheureusement, de l'hypocrisie, car nombreux sont les élèves-officiers, présents et anciens, à remettre en cause cette déclaration que le ministre a faite ce matin.

Le ministre a fait des prévisions optimistes sur le taux du bilinguisme dans le corps des officiers de l'armée. Moi, je lui fais des prédictions plus réalistes: oui, il y aura encore des élèves-officiers bilingues, mais ceux-ci seront de plus en plus de souche francophone. La réalité, c'est cela.

Il n'y a rien de concret dans ce plan. Pas de moyens, pas de coûts supplémentaires, rien qui nous satisfasse. Rien qui ne puisse justifier la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean ou qui ne puisse compenser la perte et le recul important que cette fermeture politique apporte aux francophones dans les forces canadiennes.

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan): Madame la Présidente, je veux dire tout d'abord que j'accepte les excuses qu'a présentées le ministre pour avoir tardé à nous communiquer sa déclaration. Nous nous sommes quand même débrouillés malgré la livraison tardive.

[Français]

En réponse au ministre, tout d'abord, il faut comprendre que le Collège militaire royal de Kingston est déjà une institution assez bilingue, et ce, depuis des années.

Il faut aussi reconnaître qu'avec la fermeture du CMR à Saint-Jean, il faut avoir un endroit où les élèves-officiers francophones peuvent poursuivre leurs études.

Alors, avoir une institution comme le CMR complètement bilingue est désirable et assez facile à réaliser.

J'aimerais aussi ajouter qu'en parlant ce matin avec un ancien commandant du collège, j'ai bien l'impression que ce bilinguisme là est un facteur qui renforce l'unité de notre pays.


3483

[Traduction]

Je suis d'accord que le bilinguisme au RMC est souhaitable et qu'il est réalisable sans trop de frais supplémentaires. En fait, on pourrait même faire valoir que la fermeture du CMR et du Royal Roads Military College permettra de réaliser des économies considérables.

Néanmoins, il est nécessaire de faire une mise en garde. Il ne faut pas que la Défense nationale prenne cette mesure à l'égard du RMC aujourd'hui dans l'intention de l'appliquer au reste du pays demain. Le danger est réel, comme en témoignent les paroles prononcées par le ministre de la Défense nationale à la Chambre en février, lorsqu'il a annoncé que, d'ici à 1997, les officiers des Forces canadiennes devront être bilingues s'ils veulent être promus au-delà du grade de lieutenant-colonel.

(1030)

Aussi souhaitable que puisse être le bilinguisme, les Canadiens anglophones devraient pouvoir avoir une longue et fructueuse carrière en anglais.

Voici ce qu'on peut lire dans une brochure publiée récemment par le ministère du Patrimoine canadien intitulée Les mythes et les réalités des langues officielles: «Les Canadiens d'expression française ou anglaise, indépendamment de leur origine ethnique ou de leur langue maternelle, ont droit à des chances égales en matière d'emploi et d'avancement.» Voici un deuxième extrait: «Le gouvernement fédéral est bilingue, mais les Canadiens n'ont pas à l'être. Chaque citoyen a donc le plein droit de demeurer unilingue. La politique linguistique du gouvernement n'a jamais visé le bilinguisme généralisé.» Enfin, un dernier extrait tiré de la page 16: «Le bilinguisme individuel est une question de choix personnel.»

En conclusion, nous pouvons appuyer la bilinguisation du RMC pour les raisons mentionnées précédemment, notamment les économies de coûts, mais nous demandons au gouvernement de ne pas pousser trop loin la politique du bilinguisme obligatoire comme il le fait actuellement dans le reste des Forces canadiennes.

Nous disons oui au bilinguisme volontaire, mais non au bilinguisme obligatoire.

* * *

[Français]

LOI FÉDÉRALE SUR LES HYDROCARBURES

L'hon. Fernand Robichaud (au nom du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) demande à présenter le projet de loi C-25, tendant à modifier la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

[Traduction]

PÉTITIONS

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition certifiée correcte par le greffier des pétitions. Elle est signée par 60 habitants du district de Hodgeville-Glen Bain, dans ma circonscription.

En bref, les pétitionnaires prient le Parlement de ne pas abroger l'article 241 du Code criminel et de maintenir la décision rendue le 30 septembre 1993 par la Cour suprême du Canada qui a interdit le suicide assisté ou l'euthanasie. J'appuie cette pétition.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Madame la Présidente, on répondra aujourd'hui à la question no 22.

[Texte]

Question no 22-M. Taylor:

Suite au rapport de 1989 du Groupe de travail sur l'indemnisation fiscale des localités isolées et du Nord, le gouvernement va-t-il mettre fin à l'indemnisation fiscale de certaines localités isolées et du Nord?
M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): En raison des iniquités inhérentes aux démarches adoptées dans le passé et consistant à accorder une aide fiscale aux habitants du Nord, en 1988, un groupe de travail a été mis sur pied pour étudier la question et formuler des recommandations. Le groupe ainsi établi a tenu des réunions publiques dans de nombreuses collectivités du pays et a reçu un certain nombre de présentations écrites. À l'issue des consultations tenues, le groupe de travail a conclu qu'il était préférable d'opter pour une approche fondée sur de vastes zones d'admissibilité. Les zones nordique et intermédiaire ont été définies à l'aide d'un système de classement qui a été établi par le groupe de travail et qui renferme des critères objectifs se rapportant aux facteurs environnementaux, aux caractéristiques des collectivités et à l'emplacement.

La mise en oeuvre complète du système aura pour effet de réduire graduellement le nombre de collectivités admissibles à une partie ou à la totalité des prestations. Par exemple, les collectivités qui deviennent non admissibles à la totalité des prestations ont eu droit à toutes les prestations jusqu'à la fin 1992, en ont reçu les deux tiers en 1993, en recevront le tiers en 1994, et ce sera la dernière année.

Un examen de la situation qui a abouti à la mise en oeuvre du système actuel a établi que l'approche par zone est la bonne approche. Nous devons laisser au système le temps de faire ses

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preuves. Ensuite, lorsque les mesures transitoires auront suivi leur cours, il sera possible d'évaluer si la politique en vigueur est plus juste, plus simple et plus efficace que les politiques qui l'ont précédée pour ce qui est de l'aide fiscale aux habitants des régions nordiques et isolées.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): On a répondu à la question énumérée par le secrétaire d'État.

M. Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Madame la Présidente, je vous suggère respectueusement que les autres questions soient réservées.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Les autres questions sont-elles réservées?

Des voix: D'accord.

(1035)

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément à l'alinéa 33(2)b) du Règlement, j'informe la Chambre que, en raison de la déclaration ministérielle, l'étude des initiatives ministérielles sera prolongée de 26 minutes.

_____________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports) propose que le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois et déféré à un comité.

-Madame la Présidente, aujourd'hui, j'ai le plaisir de commencer cette deuxième lecture concernant cette loi très importante et je veux profiter de l'occasion pour remercier mon honorable collègue, le ministre de l'Industrie, d'avoir eu la gentillesse de présenter ce projet de loi en mon nom.

Le projet de loi C-22 est une loi qui vise l'annulation des ententes entre Sa Majesté et la société T1 T2 Limited Partner-ship.

Les accords dont il est question ont été conclus par le gouvernement précédent. Ils prévoyaient la cession pendant 60 ans à des promoteurs du secteur privé du développement et de l'exploitation des aérogares 1 et 2 des plus grandes et des plus importantes installations de transport du Canada, l'Aéroport international Lester B. Pearson,

Après un examen attentif des accords, le gouvernement a déterminé qu'ils n'étaient pas dans l'intérêt public. Cet examen incluait un rapport de M. Robert Nixon où celui-ci fait état d'un processus de négociation irrégulier et de la possibilité de manipulation politique.

Le gouvernement rejette la façon qu'avait le gouvernement précédent de faire des affaires au nom des Canadiens. La grande confiance accordée à des lobbyistes, les accords secrets, la manipulation concernant le bien-fondé d'intérêts privés et le manque de respect pour l'impartialité des fonctionnaires sont tout simplement inacceptables.

Il convient de souligner que les appels d'offres concernant le projet ont été lancés en mars 1992 et que le ministre avait fait une annonce à ce sujet en octobre 1990. La demande d'indemnisation de la société démontre cependant que, dès août 1989, un des partenaires travaillait à l'élaboration d'une proposition de développement et d'administration des aérogares de l'aéroport Pearson. Cela permet de croire que quelqu'un d'autre que le gouvernement était responsable du projet de privatisation de Pearson.

Le gouvernement actuel entend décider lui-même de la ligne de conduite des pouvoirs publics et c'est lui qui prendra les décisions d'intérêt national. Nous croyons que les décisions à prendre sur des questions qui pourraient avoir des conséquences importantes sur notre économie et sur la position concurrentielle de notre pays devraient être tranchées grâce à un processus ouvert et accessible, non par des lobbyistes et certainement pas non plus par des gouvernements en toute fin de mandat après cinq années au pouvoir. Les décisions prises par notre gouvernement refléteront le sens traditionnel de l'équité et du franc-jeu des Canadiens.

En décidant de mettre fin par voie législative à ce gâchis, le gouvernement a tenu compte de plusieurs facteurs: la nécessité d'en arriver rapidement à une décision sur les besoins futurs de l'aéroport Pearson libéré de ces accords; l'intention du gouvernement de faire passer les intérêts nationaux avant le profit du secteur privé; et la prise de contrôle par le secteur privé de l'un des actifs les plus importants du pays en matière de transport, ce qui pourrait mettre en danger l'économie du pays et compromettre notre compétitivité à l'échelle internationale si cet actif n'était pas géré dans l'intérêt public.

Ces préoccupations et la réaction du gouvernement à cet égard se traduisent dans la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions. Il déclare que les accords ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique.

En outre, aucune action de quelque genre que ce soit ne peut être intentée ni contre Sa Majesté ni contre ses fonctionnaires ou ses mandataires en raison de ces accords ou du processus qu'on a suivi pour les conclure ou y mettre fin.

(1040)

Nul ne peut obtenir d'indemnité contre Sa Majesté en raison de l'application du projet de loi. Cependant, sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre des Transports pourra verser à la société en commandite des sommes qu'il juge indiquées pour les rembourser de leurs dépenses. Rien ne sera versé toutefois au titre des profits non réalisés ou des sommes versées pour lobbyisme.

La mesure à l'étude permettra au gouvernement du Canada de garder le contrôle sur l'avenir des aérogares 1 et 2 à l'aéroport Pearson et fournira un cadre permettant un règlement juste et équitable de cette affaire.


3485

Le projet de loi reflète les déclarations publiques que des membres du gouvernement actuel ont faites avant la conclusion de l'accord. Ces déclarations prévenaient clairement le promoteur de ne pas signer un accord et évoquaient le risque d'annulation de celui-ci s'il se révélait préjudiciable à l'intérêt public.

En outre, le gouvernement a ensuite déclaré qu'il étudierait la possibilité de payer les frais engagés, mais qu'il ne verserait rien pour le manque à ganger et les honoraires de lobbyistes. Le gouvernement a décidé de ne pas payer le manque à gagner parce qu'il estime que pareille indemnité n'a tout simplement pas sa raison d'être dans les circonstances.

Les mises en garde invitant les intéressés à ne pas signer les accords et les dispositions d'annulation prises subséquemment étaient tout à fait cohérentes. Il ne saurait être question, ni maintenant ni dans l'avenir, de fermer les yeux sur le lobbyisme effréné qui s'est déroulé derrière des portes closes et qui a mené à un accord préjudiciable à l'intérêt public. La décision du gouvernement de ne pas payer les honoraires des lobbyistes reconnaît le fait que les individus et les entreprises concernés n'ont pas tenu compte de l'intérêt public dans ce processus.

Le gouvernement veut qu'il soit bien clair qu'il est disposé à faire des affaires avec le secteur privé d'une manière ouverte, juste et responsable, mais qu'il prendra toujours en considération les intérêts des contribuables. Cette décision devrait montrer à toutes les parties que les abus que nous estimons inacceptables à l'égard des règles politiques à respecter ne seront pas tolérés.

Le gouvernement a décidé qu'il paierait peut-être les frais engagés parce que cette démarche de privatisation particulière, même si elle laissait considérablement à désirer, avait été acceptée par le gouvernement précédent et parce que les mesures prises par les lobbyistes ont largement influencé les parties visées.

Il est reconnu que l'annulation de l'accord aura des répercussions sur les promoteurs. Plusieurs des entreprises ont dépensé des sommes importantes pour planifier, concevoir et négocier cet accord. Certains diront, je le sais pertinemment, qu'il ne faut pas rembourser ces dépenses à cause de la manipulation qui s'est produite. Le gouvernement croit toutefois qu'il ne doit ménager aucun effort pour se montrer raisonnable et équitable.

J'aimerais apporter une autre précision. Ce projet de loi ne signifie pas que le gouvernement est moins désireux de conclure avec le promoteur un règlement négocié sur ces frais engagés. Des négociations à ce sujet sont en cours.

Le projet de loi établit toutefois clairement certains paramètres concernant ces négociations, y compris une date limite. Celle-ci garantira en effet que les négociations ne se prolongent pas indûment, ce qui permettra au gouvernement d'amorcer la planification future du plus grand et du plus important aéroport du Canada.

Il faut régler définitivement cette question pour que nous puissions planifier l'avenir de l'Aéroport international Pearson. Nous avons l'intention de donner des instructions claires quant à l'avenir de l'aéroport Pearson, d'ici la fin de l'année. Je l'ai dit à maintes reprises. Nous prendrons notamment des décisions sur le futur régime de gestion de l'aéroport Pearson et ses besoins en matière de développement.

Ces dispositions ne peuvent être arrêtées tant que ces accords ne sont pas annulés, car ils pourraient fort bien entraver les efforts déployés dans le nouveau régime de gestion pour répondre aux besoins essentiels de l'aéroport Pearson. Des retards prolongés pourraient avoir des conséquences économiques importantes non seulement dans l'agglomération torontoise, mais aussi partout au Canada, car l'aéroport Pearson est la plaque tournante des services aériens au Canada.

(1045)

Bref, le projet de loi vise à mettre fin officiellement aux accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Lester B. Pearson, accords conclus à l'issue d'un processus qui laissait à désirer.

En annulant ces accords, je tiens à le rappeler, le gouvernement tentera de négocier une indemnisation juste et raisonnable pour les frais subis, mais nous n'allons pas accorder d'indemnités pour les bénéfices perdus ni pour les frais des lobbyistes.

Le gouvernement ne se laissera pas entraîner dans des négociations interminables qui risquent de nuire à l'avenir de l'aéroport Pearson, à notre économie, à la compétitivité internationale de l'aéroport et, en fin de compte, au bien commun.

S'il n'est pas possible d'arriver à un règlement acceptable sans tarder, la loi prévoit qu'aucune indemnisation ne sera versée.

Il est temps de se mettre à l'oeuvre pour garantir au Canada un réseau aéroportuaire national efficace, sûr et à prix abordable. Il est temps de garantir l'avenir de l'Aéroport international Lester B. Pearson.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Madame la Présidente, le gouvernement nous présente le projet de loi C-22 comme la manifestation d'une transparence politique censément renouvelée. En réalité, cette proposition législative place à certains égards sous le manteau d'une discrétion complice les agissements qu'elle visait pourtant à sanctionner.

Le projet de loi C-22, je le dis d'entrée de jeu, n'est pas lui-même sans soulever plusieurs questions. J'espère que ce débat contribuera à éclairer les zones grises auxquelles nous ramènent plusieurs interrogations. En fait, ce n'est pas par ce qu'il énonce que le projet de loi C-22 est déficient, mais par ce qu'il passe sous silence.

Il est évident que le gouvernement entend se défaire en douce d'une patate chaude qu'on se renvoie, depuis des mois, des antichambres politiques aux cabinets d'avocats, des firmes de lobbyistes aux officines gouvernementales. Si on espère en haut lieu mettre un terme aujourd'hui à ce chassé-croisé honteux, on se trompe. Au contraire, certaines entourloupettes juridico-sémantiques en disent long sur les intentions cachées du gouvernement. Entre autres, j'en veux pour preuve le fait que l'article 9 du projet de loi stipule très clairement, comme le ministre vient de


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le dire et de s'en vanter, qu'il n'y a pas d'indemnité qui sera versée. En effet, l'article 9 édicte très clairement, et je cite:

9. Nul ne peut obtenir d'indemnité contre Sa Majesté en raison de l'application de la présente loi.
Pouvions-nous, du côté du gouvernement, énoncer une proposition plus vertueuse? Le problème, c'est qu'aussitôt après, madame la Présidente, l'article 10. (1) ajoute que:

10. (1) Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil. . .
il s'agit du Cabinet des ministres,

. . .le ministre peut, s'il le juge à propos.
Dans sa discrétion de ministre, éclairée par son intelligence, par l'intérêt de son gouvernement et celui de ses amis,

. . .le ministre peut, s'il le juge à propos, conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'application de la présente loi, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées.
On voit très clairement que le gouvernement s'apprête à désintéresser toutes sortes de gens dans ce dossier et cela va se faire à la discrétion du ministre, dans le silence feutré de son Cabinet, entouré des lobbyistes du Parti libéral. C'est cela la situation. C'est cela le projet de loi C-22. Et même si l'article 10. (2) précise:

(2) Les sommes visées par une entente conclue en vertu du présent article ne peuvent être versées au titre des profits non réalisés ou des sommes versées pour lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique. . .
nous ne sommes toujours pas fixés sur la nature des sommes que le ministre peut verser de façon discrétionnaire, ni sur l'identité des personnes susceptibles de profiter de cette nébuleuse discrétion ministérielle.

C'est inquiétant. C'est inquiétant parce que ce dossier fourmille de lobbyistes, de gens qui trafiquent dans les corridors du pouvoir des deux côtés des deux grands partis que sont le Parti libéral et le Parti conservateur.

(1050)

De plus, ça fait rire le ministre. Le ministre s'amuse, le ministre rit, puisque ce soir, pense-t-il, il aura un vote de la Chambre qui mettra fin à ses inquiétudes, qui présentement, empêchent de dormir les gens qui ont trempé dans cette sordide histoire.

De plus, même si les frais de lobbying ne sont pas indemnisés par le projet de loi, il n'en demeure pas moins que par le biais de déductions fiscales permises aux corporations qui font affaires à des services de lobbyistes, les contribuables défraieront une partie des dépenses engagées par l'entreprise.

Comment peut-on justifier que les contribuables et du Canada et du Québec participent au financement de ce patronage grossier? Même l'actuel ministre des Transports a suggéré que les frais de lobbying ne soient pas déductibles d'impôt. Même le ministre des Transports qui rit, aujourd'hui, en cette Chambre!

Son gouvernement ne l'a pas écouté; est-ce qu'il a protesté? Non, il sourit. Il a été vaincu par le Cabinet là-dessus. Il trouve ça drôle, il se soumet à la solidarité ministérielle et à celle du Parti.

Nous ne sommes donc pas seuls à nous insurger contre cette politique. Ce que le gouvernement nous demande, ici, qu'est-ce que c'est au fond?

C'est de cautionner un tour de passe-passe politique éhonté. Voudrait-il que l'on donne au ministre un chèque en blanc pour dédommager les petits copains et autres profiteurs du système qu'il ne s'y prendrait pas autrement!

Eh bien, jamais le Bloc québécois n'acceptera de porter une caution quelconque à un gouvernement qui se propose de faire de la main droite ce qu'il s'interdit, en l'apparence, de faire de la main gauche.

L'opération C-22 s'appelle en français populaire «passer un sapin». Pour bien saisir l'affaire, permettez-moi, madame la Présidente, de faire un bref retour dans un passé récent.

Il s'agit de remettre en lumière quelques éléments fondamentaux de ce dossier complexe. Je vois que le ministre n'est pas intéressé par son dossier, puisqu'il s'en va! Je vois qu'il a des choses plus importantes à faire que d'écouter la vérité sur ce dossier.

M. Young: Étais-tu ici, toi, quand j'ai parlé, mon hypocrite?

M. Bouchard: Madame la présidente, on vient de prononcer des paroles qui ne sont pas parlementaires par quelqu'un qui n'a pas le droit de parole en plus: je vous demanderais de le rappeler à l'ordre.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Pour que le débat reste courtois, je demanderais au ministre de bien vouloir retirer ses propos.

[Français]

M. Young: Madame la Présidente, je m'excuse. C'est que l'honorable chef du Bloc québécois faisait allusion à ce que je parlais avec un de mes collègues lorsque lui, il faisait son intervention.

J'ai simplement souligné que lui-même n'était pas dans la Chambre lorsque j'ai fait mon discours et c'est un peu hypocrite de parler de ma présence ou de mon manque de présence, lorsque lui-même n'était pas présent lorsque j'ai présenté mes remarques.

M. Plamondon: J'invoque le Règlement, madame la Présidente.

Je voudrais vous rappeler que lors d'un dépôt de pétitions, il y a moins d'un mois, j'avais prononcé le même mot, c'est-à-dire que j'avais dit que le député qui déposait cette pétition-là faisait


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un acte d'hypocrisie, qu'il était hypocrite de faire ce geste-là, et à ce moment-là, la présidence s'est levée et m'a demandé de retirer mes paroles.

J'ai tenté une explication qu'on m'a refusée, disant que je devais immédiatement retirer mes paroles, et par respect pour la présidence, j'ai répondu immédiatement au voeu de la présidence et j'ai retiré et présenté mes excuses au député que j'avais qualifié d'hypocrite. Voilà le respect que j'ai pour la présidence et pour cette institution et je pense qu'un ministre du gouvernement se devrait de faire exactement ce que j'ai fait, à la demande de la présidence d'ailleurs: retirer les mots et s'excuser.

M. Bouchard: J'ai remarqué, comme vous l'avez fait, que le ministre, sommé par la Présidente de se lever pour retirer ses propos, s'est levé pour les réitérer, puisqu'il a prononcé à nouveau le mot hypocrite dans ce qui aurait dû être des excuses.

Je crois que de la part d'un ministre, en particulier, qui est un vieil habitué de cette Chambre, à un moment où on discute d'une affaire extrêmement importante, dans un dossier qui le concerne directement puisqu'il est le ministre porteur du dossier, la moindre des choses serait, de la part d'un gentillhomme normal, de retirer ses propos.

(1055)

M. Young: Madame la Présidente, si, avec la vaste expérience que le chef de l'opposition a eue à l'intérieur du gouvernement qui a causé le problème qu'on essaie de régler aujourd'hui, il ne considère pas qu'il est un hypocrite, je vais retirer mon accusation.

M. Bouchard: Nous allons continuer ce débat très important qui traite d'un des plus grands scandales jamais survenus au cours des récentes années dans la vie politique canadienne auquel sont associés les deux grands partis. Il y a dans cette affaire quelque chose qui s'apparente au roman-feuilleton politico-financier. Quel est le scénario? Qui sont les acteurs? Qui signe la mise en scène? Cela fait bien des questions en suspens. Chose certaine, on chercherait en vain les réponses dans l'actuel projet de loi qu'on nous demande d'endosser.

Si on n'est pas entièrement fixés sur les acteurs et le scénario, une chose est claire depuis le début, c'est que les projecteurs inondent la scène de faisceaux lumineux rouges et bleus. Un rouge vif, très libéral et un bleu foncé conservateur bon teint. Le thème de la transparence y est réduit à sa portion congrue. En fait, la seule chose qui me semble transparente de ce dossier brûlant, c'est la volonté des intervenants de tout faire pour qu'il soit justement le plus opaque possible.

Ce qui est le plus affligeant dans cette pénible histoire, c'est que l'on en soit rendu aujourd'hui à débattre d'un projet concernant l'annulation d'un aéroport à privatiser, acceptée par un gouvernement dont la politique officielle, en matière de gestion des aéroports, visait, et vise encore aux dernières nouvelles, à redonner la gestion des aéroports aux gens du milieu et non à des intérêts privés. Comme on le voit, l'intrigue se corse avant même le levé du rideau.

[Traduction]

En avril 1987, les députés s'en souviendront, le gouvernement précédent a annoncé en grandes pompes sa politique globale de gestion des aéroports du Canada. Cette politique préconisait notamment que l'exploitation des aéroports devait être confiée aux administrations locales et non à des consortiums ou à des amis du parti au pouvoir.

En vertu de cette politique et reconnaissant l'importance économique des aéroports pour les régions qu'ils desservent, Transports Canada a favorisé les groupes locaux pour les gérer, c'est-à-dire des groupes formés d'élus et de gens d'affaires locaux. Autrement dit, le ministère favorisait les gens qui comprenaient le mieux les facteurs économiques en cause ainsi que le besoin d'une méthode de gestion réaliste et vigoureuse.

En outre, dans le cas de l'Aéroport international Pearson, un groupe de ce genre s'est formé en avril 1993 et s'est dit prêt à prendre charge de l'exploitation de l'aéroport.

Le gouvernement de l'Ontario était très favorable à l'idée de confier l'exploitation de l'aéroport à un organisme local sans but lucratif de ce genre. Prétextant qu'il y avait certaines mésententes au sein du groupe, le gouvernement fédéral a décidé de satisfaire l'appétit des bailleurs de fonds et des lobbyistes et, au mépris même de sa propre politique, il a décidé de privatiser l'aéroport.

Pourquoi cette hâte à privatiser l'aéroport? Pour deux raisons principales. La première remonte à 1993.

Une voix: Vous étiez dans le Cabinet.

M. Bouchard: Les libéraux semblent oublier que j'ai démissionné du gouvernement conservateur en mai 1990. Depuis lors, je suis un homme libre. J'en suis très heureux et très fier depuis trois ans.

Il y a donc deux raisons: l'appât du gain exercé par un régime amical et le désir du gouvernement de récompenser ses amis. Voilà qui explique la hâte indécente du régime conservateur à conclure une entente profitable pour tous, sauf le public en général. La privatisation n'était plus soudainement motivée par la nécessité, pour le gouvernement fédéral, de se débarrasser d'installations encombrantes puisque, selon les états financiers de l'aéroport qui ont été transmis à M. Robert Nixon, enquêteur spécial du premier ministre, l'aéroport aurait réalisé des profits d'environ 23 millions de dollars en 1993, et cela, sans tenir compte des revenus de location provenant de l'aérogare 3.

(1100)

N'oublions pas que l'aéroport Pearson est le plus important aéroport au Canada. Quelque 15 000 personnes y travaillent et, selon une étude de Transports Canada qui remonte à 1987, ses activités ont des retombées économiques de quatre milliards en Ontario. Environ 57 000 passagers passent chaque jour à l'aéroport, soit 20 millions par année. Quelque 800 avions s'y posent ou en décollent chaque jour vers quelque 300 destinations situées dans une soixantaine de pays.

L'aéroport Pearson est en fait le seul aéroport canadien qui soit vraiment une plaque tournante au Canada, ce que l'aéroport de Vancouver est sur le point de devenir, alors que celui de


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Montréal pourrait en faire autant si seulement les gouvernements lui donnaient le coup de pouce nécessaire.

Or, l'appât du gain est à l'origine de tout le tumulte politique et médiatique actuel qui oblige maintenant la Chambre des communes à se prononcer sur le projet de loi dont nous sommes saisis. Si le Parlement canadien est obligé d'intervenir, c'est que les manigances de coulisses ministérielles ont un caractère particulièrement scandaleux.

[Français]

Ces intrigues qui ont marqué l'évolution du dossier depuis le début ont d'ailleurs commencé dès que le gouvernement eut fait connaître sa politique de gestion des aéroports canadiens. En effet, la politique a été rendue publique en avril 1987, comme je l'ai dit précédemment, et déjà en juin de la même année le gouvernement désignait la Airport Development Corporation pour construire et exploiter l'aérogare 3 de l'aéroport Pearson.

En septembre 1989, Paxport Inc. présente au gouvernement une proposition pour privatiser les aérogares 1 et 2. Cette proposition fut rejetée parce que la politique du gouvernement n'était pas de privatiser. J'étais alors au gouvernement.

Un an plus tard-à l'époque, j'avais démissionné, c'est le gouvernement fédéral qui prend les devants et invite, sans autres explications, le secteur privé à participer à la modernisation des aérogares 1 et 2.

Et en mars 1992, la chasse aux éventuels soumissionnaires est officiellement ouverte, et le gouvernement demande des propositions pour la privatisation des aérogares 1 et 2. Toutefois, contrairement à ce qui a été fait pour l'adjudication du contrat visant à la construction et à l'exploitation de l'aérogare 3, qui comportait deux phases, l'une pour la soumission et l'autre pour la sélection des candidatures, les soumissionnaires pour la privatisation des aérogares 1 et 2 ne seront assujettis qu'à une seule phase de sélection et d'une durée de 90 jours seulement.

Pourquoi une telle précipitation? Serait-ce l'imminence des élections qui aurait inspiré une telle diligence? Au début de juin de cette même année, peut-être en raison des délais extrêmement serrés fixés par le gouvernement, deux soumissions seulement sont présentées, l'une par Paxport Inc., l'autre par Claridge, déjà à pied d'oeuvre à l'aéroport 3.

Le 7 décembre 1992, le gouvernement accepte la proposition de Paxport, qui a jusqu'au 15 février pour démontrer la viabilité financière de sa proposition. Or, elle n'y arrive pas, puisque, moins de deux mois plus tard, Paxport, en difficultés financières, doit fusionner avec son seul concurrent, Claridge Properties, créant le consortium T1 T2 Limited Partnership.

N'est-il pas pour le moins surprenant qu'un gouvernement fédéral octroie un contrat de plusieurs millions de dollars, d'une durée de 57 ans, à une entreprise de gestion en difficultés financières et qui, de surcroît, est proche du parti politique au pouvoir?

On sait que l'un des arguments invoqués par le gouvernement pour justifier sa décision d'adjuger le contrat à Paxport-tenait à la création d'une saine concurrence entre le gestionnaire des aérogares 1 et 2, Paxport, et le gestionnaire de l'aérogare 3, Claridge. Voilà la vertu dans son essence la plus pure.

Voici un gouvernement qui, bien que voulant privatiser, veut le faire en fonction des règles de la vie privée, c'est-à-dire la concurrence. Comment expliquer alors la volte-face de ce gouvernement qui accepte sans broncher la fusion des deux compétiteurs, car les deux compétiteurs, ennemis d'hier, deviennent amis le lendemain, pour ne faire qu'un, face à une soumission présentée au gouvernement? Le gouvernement aurait pu refuser. Non, le gouvernement ne cligne pas des yeux et du même souffle il accepte de traiter avec une seule personne, lui qui avait exalté les mérites et requis la nécessité de la compétition.

(1105)

N'est-il pas bizarre, alors que les deux seuls concurrents à un contrat aussi élevé se mettent en situation de monopole et que le gouvernement l'accepte! N'est-il pas curieux que la période de présentation des soumissions n'a été que de 90 jours, comme s'il s'agissait d'un appel d'offres ordinaire, alors que la durée et la complexité du contrat n'avaient absolument rien de standard! Pourquoi restreindre cette période, si ce n'est pour faire réviser les gens et les entreprises déjà intéressés, déjà au courant du dossier, puisque Paxport avait déjà soumis un plan de privatisation en 1989 et que Claridge administrait déjà l'aérogare 3 à l'aéroport Pearson!

Il est manifeste que quelqu'un quelque part a jugé bénéfique de contourner l'appareil bureaucratique et de s'infiltrer dans la machine politique du gouvernement pour en arracher des privilèges, au mépris des principes d'équité officiellement mis de l'avant. Ne faut-il pas y voir une manifestation limpide et particulièrement cynique d'intérêts privés plus soucieux de leur portefeuille que de l'intérêt commun! Que penser des élus qui leur ont emboîté le pas!

Le rapport Nixon en fait état d'ailleurs en termes sévères et je cite: «Les groupes de pression, cela ne laisse aucun doute, ont joué un rôle déterminant en vue d'infléchir les décisions prises à ce moment-là, débordant largement le principe acceptable de la consultation.» Et je cite toujours M. Nixon: «Lorsque les bureaucrates supérieurs, qui représentent le gouvernement du Canada dans des négociations, estiment que ces groupes influencent leurs actes et leurs décisions au point où ceux-ci l'ont fait dans cette affaire, le rôle de ces groupes dépasse, à mon avis, les limites permises.»

Ce jugement sévère devrait inciter le gouvernement actuel à tout mettre en oeuvre pour faire la lumière sur la participation des lobbyistes aux tractations relatives à la privatisation des aérogares 1 et 2. Mais non, le gouvernement actuel décide de tourner la page, et de la plus belle des façons, puisqu'il tente de le faire après un discours de 5 minutes du ministre responsable, qui n'assiste même pas au débat par la suite. Puisqu'il tente de le faire à la Chambre des communes, il demande à cette dernière de couvrir ses actes. Il veut cacher sous le manteau d'un vote de la Chambre des communes des gestes qui devraient être mis en pleine lumière. Au lieu d'aller plus loin dans la découverte des


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faits, de faire examiner dans le détail les agissements et motivations des acteurs, il tente de clore la discussion par une loi.

Qui peut douter que le projet de loi C-22, si la Chambre l'adopte, enterra définitivement cette affaire scabreuse? Des lobbyistes, des souscripteurs électoraux qui ont trempé dans l'opération pourront cesser de s'inquiéter. Certains même qui ne sont pas lobbyistes, mais des gens qui ont participé à l'opération comme soumissionnaires, pourront espérer recevoir des indemnités du ministre. Vous me direz, madame la Présidente: «Mais quels intervenants?» La loi ne nous le dit pas, se contentant d'exclure le remboursement des honoraires des lobbyistes et des profits anticipés. Pour le reste, il faudra s'en remettre à la discrétion et à la générosité du ministre.

Tout le monde sait que les lobbyistes fourmillent sur cette Colline parlementaire et grouillent dans tous les dossiers chauds. Il est vrai qu'un certain lobbying est acceptable. À cet égard, je fais miens les commentaires du Comité permanent de la consommation, des affaires commerciales et de la gestion gouvernementale, qui, dans son rapport sur les lobbies, publié l'an dernier, disait et je cite: «Le lobbying est un élément nécessaire du processus décisionnel moderne. Le droit de faire du lobbying est fondamental dans une démocratie.»

Toutefois, le comité ajoutait et je cite encore: «Lorsque le lobbying se fait à l'insu du public, les décisions prises risquent davantage d'aller à l'encontre de son intérêt.»

S'il y a un dossier dans notre histoire politique qui illustre la vérité et la conclusion du comité, c'est bien celui de Pearson, une affaire conclue dans la clandestinité, derrière les portes closes des Cabinets de ministres, des opérateurs politiques, des gens qui agitent les forces occultes au sein des gouvernements, des trafiqueurs de contributions électorales, des lobbyistes.

(1110)

S'il y a un dossier qui illustre que les choses doivent se faire en public, comme l'exigeait le comité sur le lobby de la Chambre, c'est bien ce genre d'opération. S'il y a une leçon à tirer de l'affaire de l'aéroport Pearson, c'est en effet qu'il faut absolument intervenir pour changer les règles du jeu.

[Traduction]

Il est clair que le lobbying a joué un rôle prépondérant dans le cas qui nous occupe aujourd'hui. Le résultat final coûtera des millions aux contribuables. Pour moi, cela s'appelle dépasser la mesure et c'est pourquoi j'invite le premier ministre à faire des propositions concrètes afin que cette importante activité soit la plus transparente possible.

Le gouvernement pourrait proposer de donner plus de mordant à la loi qui régit le lobbying, car cette loi manque pour le moins d'uniformité.

Dans son rapport, le comité permanent attire l'attention sur plusieurs lacunes et propose des solutions utiles. Entre autres, il juge inappropriées les exigences relatives à l'enregistrement des lobbyistes de deuxième catégorie. La loi actuelle est très peu précise quant à ce groupe de lobbyistes, qui n'ont qu'à divulguer leur nom et celui de leur employeur.

Selon le rapport, la divulgation de ces renseignements ne nous informe aucunement sur le genre de questions qui pourraient intéresser l'organisation, sans compter qu'il pourrait être très facile de déguiser le rôle réel des lobbyistes en recourant à diverses tactiques juridiques.

En ce qui concerne la question de la divulgation des objectifs poursuivis par les lobbyistes, les exigences de la loi ne sont pas assez rigoureuses, et la disposition concernant l'enregistrement des activités de lobbying est si vague qu'elle en est inutile.

[Français]

Pour combler les lacunes de l'actuelle loi sur les lobbyistes, nous devrions au moins envisager un régime de déclaration par lequel le titulaire de la charge publique sollicité par les lobbyistes aurait l'obligation de dévoiler ses contacts professionnels avec des lobbyistes. La transparence ne serait plus alors laissée aux seuls desiderata des lobbyistes, mais elle serait également du ressort des titulaires de charges publiques qui sont les cibles de leurs pressions.

Dans cette veine, il serait tout aussi bénéfique pour la qualité de notre vie politique et démocratique de rendre obligatoire un code d'éthique à l'intention des élus et des hauts dirigeants. Nous pourrions, pour ce faire, nous inspirer du projet de loi présentement en discussion chez nos voisins américains qui ont compris la nécessité de baliser l'activité politique par des mesures visant à en préserver l'intégrité.

D'ailleurs, même le Parti libéral, durant ses périodes de vertu où il sollicitait le pouvoir, avait une position à cet égard et je ne sache pas qu'il y ait renoncé. Son livre rouge, qui est la bible qu'on cite continuellement en cette Chambre, son livre rouge lancé avec fracas durant la campagne électorale affirme clairement à la page 91, ce sont les libéraux qui parlent avant de prendre le pouvoir:

. . .nous rédigerons un Code de déontologie à l'intention des ministres, des sénateurs et députés, des personnels politiques et des fonctionnaires pour bien encadrer leurs rapports avec les groupes de pression.
Le livre rouge, toujours le livre rouge, nous promet aussi, et je cite:

Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression sur l'application du Code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes.
Où est ce conseiller indépendant? Quand le gouvernement entend-il nous consulter? Pourquoi lésine-t-il depuis six mois? Où est la volonté politique? Où est la transparence? Nulle part, parce que maintenant les libéraux forment le gouvernement, et quand on forme le gouvernement, bien sûr, on se dépêche de renier ses engagements.

Ce ne sont là que des exemples, non seulement des failles, des silences, des imprécisions de cette Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et des questions qu'elle soulève, mais il y a aussi des pistes de solution qui s'offrent pour assurer cette transparence. Il faut aller plus loin et lier cette question à celle du financement


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des partis politiques. En effet, si le gouvernement, par souci de transparence, prétend donner à tous les citoyens un accès égal aux décideurs publics, pourquoi refuse-t-il de démocratiser le système de financement des partis politiques? Bonne question!

(1115)

Comment le gouvernement libéral peut-il prétendre rendre le système plus transparent quand il dépend lui-même du financement des grandes corporations? À titre d'exemple, en 1992, dernière année où les données sont disponibles, les six plus grandes banques canadiennes-je ne les nomme pas, on les connaît-ont contribué pour près de 500 000 $ aux caisses des partis libéral et conservateur, respectivement 244 301,54 $ et 241 493,92 $. Comme on le voit par la quasi-égalité des contributions, les banques canadiennes ont le sens de l'équité électorale. Parce que, n'est-ce pas, un parti est au pouvoir aujourd'hui, il peut perdre demain remplacé par l'autre: cela s'appelle des polices d'assurance. Les banques ont le sens de la stabilité, surtout quand il s'agit de leurs intérêts et surtout quand il s'agit d'influencer les pouvoirs publics par les décisions qu'elles prennent.

Au Québec, sous l'égide de René Lévesque, oui René Lévesque, un nom qu'on ne prononce pas ici en cette Chambre, oui sous René Lévesque, au Québec, nous l'avons fait au grand jour. Et l'épuration des moeurs politiques qui s'ensuivit est aujourd'hui, pour les Québécois et les Québécoises, un gage de fierté et de vitalité démocratique.

Des voix: Bravo.

M. Bouchard: La nécessité de démocratiser le financement des partis politiques est urgente et elle transcende tout clivage politique partisan puisqu'elle vise le mieux-être démocratique de la collectivité. C'est dans cet esprit que mon collègue, le député de Richelieu, a déposé une résolution sur le financement des partis politiques. Je profite de l'occasion pour inviter tous les parlementaires de cette Chambre à réfléchir à cette question et à faire pression sur le gouvernement pour enclencher le plus tôt possible ce processus de démocratisation du financement des partis politiques. Ce qu'il faut, c'est brancher notre système politique sur la réalité contemporaine en le rendant plus réceptif au citoyen ordinaire, ce qui lui redonnera un nouveau souffle.

Les connivences bien connues entre gros bailleurs de fonds et certains partis politiques, les grands partis essentiellement, et le Parti libéral, bien sûr, est un grand parti, qui va en disconvenir? Les libéraux sont les premiers à considérer qu'il font partie d'un grand parti. Alors, les connivences bien connues entre ces grands partis politiques et les gros bailleurs de fonds suscitent dans la population une méfiance malsaine à l'égard de nos institutions politiques. Il n'y a pas un député en cette Chambre qui ne se soit rendu compte, à plusieurs occasions, que ses électeurs tenaient dans la plus grande suspicion les rapports occultes, étroits, les rapports clandestins, presque incestueux, qui sont noués entre les grands bailleurs de fonds électoraux et les grands partis qui forment les gouvernements.

Tous les députés en cette Chambre le savent. Quels sont ceux qui agiront auprès du gouvernement pour le forcer, une fois pour toutes, à adopter une mesure fondamentalement démocratique dont nous avons terriblement besoin et dont le Québec a donné l'exemple? Le financement populaire, tel que nous le préconisons et que nous le pratiquons, outre qu'il nous permet de garder un contact permanent avec les concitoyens, donne à ceux et à celles qui contribuent financièrement une véritable voix au chapitre. Mais en même temps, il laisse le législateur parfaitement libre, puisqu'il doit tout à tout le monde et non à de petits cercles occultes.

En fait, par le financement populaire, nous nous assurerons que le parti demeure entre les mains de ceux et de celles qui le forment, indépendamment des pressions constantes que l'on peut exercer sur les élus de ce parti pour les amener à adopter des positions sectaires. Toute cette entreprise a un nom: transparence. Et cette transparence a une fonction: favoriser la démocratie. Cette même démocratie qui nous permet à tous et à toutes ici, aujourd'hui, de représenter nos compatriotes. La transparence doit être la clé de voûte à la gouverne de l'État. Il est impératif qu'elle soit manifeste dans toutes les affaires de l'État, y compris dans des décisions d'octroyer des contrats comme celui de l'aéroport Pearson.

Il en va de même pour les bailleurs de fonds associés au gouvernement. Encore une fois, dans le dossier de l'aéroport Pearson, on constate que les premiers et seuls bénéficiaires des largesses de l'État dans l'adjudication du contrat sont associés au précédent gouvernement conservateur aussi bien qu'au gouvernement libéral actuel. Permettez-moi de faire écho aux propos lucides du député de Richelieu lors du dépôt de sa proposition. La commission Lortie aurait pu étudier-la commission Lortie formée il y a quelques années pour examiner la réforme de la Loi électorale et qui avait comme mandat, en particulier, d'examiner cette question-la question du financement en profondeur et nous transmettre des recommandations plus hardies en matière de démocratisation du financement des partis politiques, mais elle n'a pas osé.

(1120)

Même si de nos jours, comme le disait mon collègue, la part des grandes compagnies dans le financement électoral couvre la moitié seulement des contributions versées aux partis politiques, c'est encore trop, car les montants versés sont toujours importants et ce système désuet laisse amplement de place pour les combines politiques de tout acabit.

La contribution électorale des lobbyistes elle, ne s'effectue pas tellement en argent, elle n'est pas en espèces sonnantes. En fait, les lobbyistes sont des gens qui paient de leur personne.

Ce sont des travailleurs d'élection de haute volée. Ils ne travaillent que rarement pour du menu fretin, par exemple, un simple député. Ils ont une prédilection pour les ministres et si possible, pour le premier ministre, et leur ferveur politique ne se manifeste pas uniquement durant les élections, car les courses au leadership déclenchent chez eux un dévouement infatigable.


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Et puis, les lobbyistes, pas sectaires pour deux sous, à chaque changement de gouvernement, on les voit rebrasser les cartes de leur boîte, embauchant généreusement des lobbyistes du camp victorieux. Admirable tolérance que celle des lobbyistes.

Il y a donc là un réseau naturel entre contributeurs, lobbyistes et candidats élus. Cette belle camaraderie s'active particulièrement devant la perspective d'un contrat gouvernemental juteux.

Juteux, il l'était, le contrat de Pearson. Je rappelle que l'aéroport Pearson avait réalisé, en 1993, des profits de 23 millions de dollars, sans compter l'aérogare 3.

Les loyers qui devaient être imposés à Pearson Development Corporation étaient de l'ordre de 27 millions de dollars la première année, de 27 millions de dollars la deuxième, de 28 millions de dollars la troisième, de 29 millions de dollars pour la quatrième et de 30 millions de dollars annuels de la cinquième à la dixième année.

À prime abord, la location des installations pour 27 millions de dollars la première année peut sembler une bonne affaire pour le gouvernement, en regard des retombées de 23 millions de dollars qu'il en reçoit actuellement.

Mais, si l'on y regarde de plus près, on constate qu'il n'en est rien. En effet, la société Pearson Development Corporation avait l'intention, après avoir terminé les rénovations des aérogares, de hausser les tarifs chargés aux compagnies aériennes de 2 à 7 $ par passager, ce qui aurait signifié, grosso modo, une augmentation de revenus de l'ordre de plusieurs millions de dollars par année. Sur l'ensemble de l'aéroport, 100 millions de dollars par année, mais comme les tarifs par passager dans l'aérogare 3 étaient déjà augmentés à 7 $, pour faire une règle de trois, pour calculer ce qui restait à imputer sur ce qu'on peut imputer sur les aérogares 1 et 2, c'est extrêmement considérable.

Mais, alors, qui aurait fait les frais de cette augmentation de tarif par passager? Les voyageurs, naturellement. Et dans ce contexte, nous n'avons pas été surpris d'apprendre que le gouvernement, pour gagner l'appui d'Air Canada à cette privatisation, avait accepté, en juillet 1993, de payer 15 p. 100 des frais de loyer de cette compagnie aérienne et celui de lignes étrangères opérant à l'aérogare 2.

Puisque le bail actuel d'Air Canada se termine en 1997 et que le nouveau bail s'étendra sur une période de 37 ans, cette mesure aurait représenté à elle seule des déboursés de l'ordre de 70 millions de dollars du gouvernement fédéral.

Tout ce grenouillage, il me semble, est déjà suffisamment suspect pour que l'on se pose de sérieuses questions sur la gestion des fonds publics, mais il y a plus.

Vous verrez des ramifications nombreuses de ce vaste gaspillage de l'argent des contribuables. Par exemple, je disais à l'instant que cette augmentation des tarifs aurait rapporté plusieurs dizaines de millions de dollars par année, une somme que le gouvernement fédéral pourrait très bien encaisser s'il conservait l'opération de l'aéroport et s'il procédait aux aménagements nécessaires et décrétait lui-même cette hausse des tarifs qui est, il faut le dire, le tarif actuel à l'aérogare 3, comme du reste de la plupart des grands aéroports nord-américains.

Bien sûr, cette augmentation de tarif prévue avec l'accord ne serait pas survenue immédiatement, mais seulement après un investissement de 700 millions de dollars promis par Pearson Development Corporation.

Mais cet investissement posait lui-même un problème. En effet, de cette somme, Pearson s'était engagée à investir initialement un montant de 100 millions de dollars pour la modernisation de l'aérogare 1.

Toutefois, pour favoriser l'investissement initial, le gouvernement avait accepté le paiement de 16 millions de dollars par année seulement du loyer de 17 millions de dollars, donc l'octroi d'un report de 40 p. 100 du loyer pour les années 1994, 1995, 1996 et une partie de 1997. Même s'il était prévu que ces sommes seraient remboursées ultérieurement, avec intérêts, cette remise de loyer équivalait pour le gouvernement fédéral à contribuer au financement de la modernisation de l'aérogare 1, ce qu'il s'était spécifiquement engagé à ne pas faire.

(1125)

Ne craignons pas d'utiliser les vrais mots. Par les machinations qui l'ont entourée, ces circonvolutions douteuses, cette entente entachée à la confiance qui doit lier les citoyens et leur gouvernement. Les acteurs de cette saga politico-financière faisaient fi des principes d'éthique élémentaire qui doivent sous-tendre les rapports entre les électeurs et les élus. C'est le fondement même de notre système politique qu'ils minaient par leur avidité. C'est l'essence même du contrat social, auquel l'ensemble des citoyens se rallient, qu'il dénaturait pour satisfaire aux exigences du profit à tout prix, puisque la révélation de sa tractation a discrédité ce qui restait du gouvernement au pouvoir à l'époque.

On comprend donc difficilement qu'après tout cela le ministre veuille se faire conférer le pouvoir de leur verser des indemnités. Je crois qu'il faut poser la question: Est-il bien nécessaire, est-il convenable, est-il légitime de verser à ces soumissionnaires, dans les circonstances où ils ont opéré, des dédommagements pour leur peine? Seule une enquête approfondie et publique pourrait nous dire exactement qui a fait quoi et, le cas échéant, à quelle indemnité il a droit.

À l'oeil, plusieurs intervenants paraissent avoir plutôt cherché à tirer profit de leurs liens avec les milieux politiques. Ici, on est loin d'une opération commerciale de type conventionnel. Conduite tambour battant sur des fonds de campagne électorale, les amis du régime sortant et ceux du régime qui pointaient font, entre gens raisonnables, une trêve admirable. Ils se disent: «Cessons nos luttes. Unissons nos allégeances libérales et conservatrices.» La main dans la main, ils concluront, au pas de charge, c'est-à-dire avant les élections, une opération qui les avait jusque-là malheureusement très divisés.

Il n'y a pas que des lobbyistes et personnalités conservatrices impliqués dans l'affaire. Le gouvernement présente cette loi comme un coup d'épée, d'un preux chevalier, qui coupe les liens, qui frappe dans un objet nauséabond qui est le contrat de l'aéroport Pearson. Loin de moi ce contrat honteux, ce contrat conser-


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vateur. Loin de moi! Je demande à la Chambre de m'aider à élever un mur entre les citoyens du Canada et ce contrat.

Mais, madame la Présidente, il n'y a pas que des lobbyistes et des personnages conservateurs. Les deux grands partis, comme ils aiment s'appeler, sont bien représentés dans cette brochette de financiers, contributeurs et lobbyistes.

L'un des administrateurs de Claridge est ce sénateur libéral qui a accueilli à sa résidence de Westmount le futur premier ministre libéral, lors d'une réception à 1 000 $ le couvert en pleine campagne électorale.

Une voix: Indécent! Indécent!

M. Bouchard: Un autre lobbyiste de Claridge, l'ancien organisateur de l'actuel premier ministre, de sorte qu'il faut se méfier des airs que se donne le gouvernement actuel à l'annulation du contrat. Le gouvernement sait très bien que ce contrat malodorant a été enfanté par les entourages des deux camps, donc pas seulement par les conservateurs. Le gouvernement sait très bien-je n'ai pas de limite de temps, madame la Présidente.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Non, je m'excuse d'avoir interrompu le ministre.

M. Bouchard: Il s'énerve actuellement de l'autre coté, parce qu'il n'aime pas ces propos; il aurait voulu que la loi soit passée comme tant d'autres, qu'on fasse un petit vote rapide. Cela ne se passera pas comme ça, il y avait un débat ici en cette Chambre.

Une voix: Voilà!

M. Bouchard: Les Canadiens et les Québécois ont le droit de connaître la vérité sur ce projet de loi.

Des voix: Bravo! Les patroneux!

M. Bouchard: Le gouvernement sait très bien que les projecteurs d'une enquête approfondie feraient cligner des yeux plusieurs de ses amis contributeurs, surpris dans les coins d'ombre où ils se terrent présentement, comme les grandes causes. Nous savons que les deux camps sont réunis dans cette affaire.

La conclusion à en tirer, c'est que comme les grandes causes et comme les grands idéaux, l'argent élève parfois les gens au-dessus des lignes de parti.

L'auteur du rapport Nixon est un ancien trésorier du gouvernement ontarien. Ce n'est pas un député du Bloc québécois.

(1130)

C'est un homme respectable, fédéraliste sans doute et je le respecte pour autant, qui a été très engagé dans le fonctionnement des institutions démocratiques de l'Ontario, un homme très connu, un homme intègre. Donc, celui qui va parler maintenant, et vous verrez qu'il va parler encore plus sévèrement que moi parce qu'il sait de quoi il parle, il a étudié le contrat à fond avec un mandat, que conclut-il? Je cite: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion: valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et possiblement après manipulation politique, serait inacceptable.»

Autrement dit, M. Nixon, qui n'avait ni les moyens, ni les pouvoirs, ni le temps de procéder à une investigation exhaustive, n'a pu qu'entrevoir, derrière les rideaux, à travers la fumée des coulisses du pouvoir, la possibilité d'une manipulation politique. Mais il ne faut pas en rester là puisque nous savons maintenant qu'il y a une possibilité de manipulation politique dans ce dossier. Il faut en savoir plus, il faut savoir qui ont été les acteurs, qui en ont été les auteurs, ne serait-ce que pour les empêcher de toucher les indemnités qu'ils ne méritent pas.

Si une enquête menée à fond devait révéler des agissements illégaux, inacceptables, contraires à l'éthique de certaines personnes qui ont trempé dans l'affaire, est-ce qu'il faudrait encore adopter l'article 9, et l'article 10, en particulier, qui permet au ministre de leur verser de généreuses indemnités? Non! Mais nous ne savons pas que le doute, un doute terrible, qui rongera les esprits tout le temps, a été créé par la conclusion des enquêteurs.

«Possibilité de manipulation politique», ce n'est pas une expression légère. Moi-même, je me suis abstenu de prononcer ce mot dans mon discours, mais l'enquêteur formel est arrivé à cette conclusion. Est-ce qu'on s'arrête là dans le cas où la commission d'enquête conclurait au bien-fondé de certaines indemnités? C'est possible, on ne sait pas, on ne connaît pas les faits, il y a peut-être là-dedans des gens qui ont été honnêtes. Il y en a peut-être; il faudrait savoir lesquels l'ont été et ceux qui ne l'ont pas été. Les gens honnêtes vont payer de leur réputation pour les agissements qu'on impute à ceux qui ne l'ont pas été. Il faudrait départager tout cela par une enquête publique qui ferait justice dans l'esprit de tout le monde.

En plus, une telle commission pourrait, si elle conclut que certaines indemnités sont dues en certains cas, devrait fixer les montants au vu et au su de tous et avec infiniment plus de garantie d'objectivité que celle de n'importe quel ministre libéral, y compris le ministre porteur du dossier. Nous pourrions aussi nous prémunir pour l'avenir en identifiant clairement les gens qui ont tiré les ficelles du côté libéral. Nous savons qu'il y en a, nous pourrions les identifier et ainsi leur interdire de continuer de faire de même avec le gouvernement actuel dans d'autres dossiers.

Je demande donc au premier ministre d'ordonner la tenue d'une telle enquête, d'une telle commission royale d'enquête, seule instance capable de départager les vraies responsabilités des intervenants dans cette affaire. C'est aussi la seule façon de susciter dans la population, comme en cette Chambre, un sain débat sur les liens qui doivent ou ne doivent pas exister entre un gouvernement démocratiquement élu et les instances politiques partisanes axées sur la promotion des intérêts particuliers.

Une telle commission pourrait aussi, au cours de ses travaux, étudier les questions sous-jacentes à toutes ces manipulations, par exemple, comme celle de l'administration des aéroports fédéraux. Dans le contexte économique actuel, qui est le meilleur garant de la viabilité et de la rentabilité du développement des aéroports? Est-ce le gouvernement fédéral? Sont-ce des corporations sans but lucratif créées à cette fin ou d'autres formules? Ne serait-il pas préférable de les confier plutôt à des


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administrations locales, comme à Montréal, ainsi que le préconisait la politique du ministère des Transports lors des incidents qui ont fait l'objet de l'enquête Nixon?

Qui, dans ce pays, peut le mieux gérer les aéroports? Question importante. Il semble que même le premier ministre actuel n'en soit pas certain, car il ne s'est opposé à la privatisation de Pearson qu'au dernier jour de la campagne électorale, lorsqu'il fut devenu évident que le caractère secret de l'entente scandalisait l'opinion publique.

Il y a ici pour tous un devoir évident de transparence, cette transparence qui fait dire à M. Nixon, à la page 11 de son rapport, et je cite: «La non-divulgation de l'identité complète des parties à cet accord et d'autres importantes dispositions du contrat éveillent, inévitablement, la méfiance du public. À mon avis, quand le gouvernement du Canada propose de privatiser un bien public, la transparence devrait être de mise. Le public devrait avoir le droit de connaître tous les détails de l'accord.»

(1135)

Sur ce point, le Bloc ne peut que soutenir l'opinion de l'enquêteur, M. Nixon, et exiger du gouvernement qu'il prenne véritablement acte des propos de son enquêteur et mette un terme à cette période de confusion où tous les gens s'interrogent.

[Traduction]

La transparence est une vertu politique que l'on ne retrouve plus depuis longtemps dans ce pays. La transparence doit nous guider constamment. Elle représente la sécurité et inspire la confiance. La confiance, on le sait, est une fleur qui s'est fanée ces dernières années au Canada.

Le désengagement des citoyens, la contrebande, le marché noir et le cynisme général, tous ces phénomènes sociaux qui sont les produits de facteurs en apparence très disparates ont tous la même origine: le manque de transparence de l'État qui opère en vase clos, qui se préoccupe des questions de gestion au point d'en être obsédé et qui oublie trop souvent les besoins réels des hommes et des femmes à qui il doit sa légitimité.

[Français]

Il est temps de revenir aux sources, de remettre la transparence politique à l'ordre du jour afin de redonner un sens à la démocratie canadienne. Le Bloc votera contre le projet de loi C-22. D'abord, parce qu'il est prématuré. D'abord et avant tout parce qu'il faut une commission royale d'enquête qui fasse toute la lumière sur cette affaire ténébreuse où le comportement éthique du gouvernement et d'acteurs associés a été pris en défaut.

De plus, et je termine là-dessus, il est essentiel qu'avant toute chose, surtout avant de cacher les gestes répréhensifs qui ont été posés, il est impératif qu'on mette en place des mécanismes rigoureux pour encadrer l'activité des lobbyistes. C'est l'objet même de l'amendement que je propose.

Je propose donc, appuyé par mon collègue député de Beauport-Montmorency-Orléans:

Que tous les mots suivant le mot «Que» soient retranchés et remplacés par ce qui suit:
Cette Chambre refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson:
Parce que le principe du projet de loi est défaillant puisqu'il n'entrevoit pas de mesures visant à rendre transparent le travail des lobbyistes.
[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Madame la Présidente, je me réjouis de pouvoir prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-22.

La revitalisation de l'aéroport Pearson et les études faites à ce sujet ont soulevé bien des questions. J'espère que ce débat apportera la réponse à certaines questions. En fait, l'étude de M. Nixon demande une réponse. Dans un communiqué publié dans la presse, M. Nixon a déclaré, et je cite: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable. Je vous recommande donc de l'annuler.»

(1140)

Ce sont là des propos sans équivoque qui, à mon avis, renferment un message, selon lequel nous devons être justes. J'ai porté une attention spéciale ce matin aux propos du ministre lorsqu'il a dit que nous devions être justes. Le ministre a mentionné que certains auraient tout lieu de s'interroger sur des paiements effectués en raison de manipulations. Il a reconnu qu'il était possible qu'il y ait eu certaines manipulations. Mais il veut que son gouvernement se montre juste et raisonnable.

Je voudrais poser la question suivante: Envers qui allons-nous nous montrer justes et raisonnables, les contribuables canadiens, les gens qui paient les factures, ou les groupes de pression qui vont profiter de ces fonds? Je pense que nous devons commencer par être justes et raisonnables envers les contribuables canadiens. Nous devons également être justes et raisonnables envers les personnes dont le nom et la réputation ont été salis dans cette affaire. Ces personnes devraient avoir la possibilité de se justifier si elles le peuvent. Des recettes fiscales ne devraient être pas investies tant que cette affaire n'aura pas été éclaircie.

Le projet de loi C-22 est pratiquement sans précédent. Par contre, je crois que les circonstances le sont aussi. Nous sommes témoins d'accusations de favoritisme, d'ingérence politique, de lobbyisme excessif et, apparemment, de l'élimination de la concurrence.

Le gouvernement a beaucoup parlé d'honnêteté et d'équité. Je voudrais citer un extrait du livre rouge, à la page 87. Le chapitre 6 débute comme suit:

Pour que le gouvernement joue le rôle constructif qui est le sien, tout en étant comptable de ses actions, il faut restaurer l'intégrité de nos institutions politiques.
Le capital de confiance des élus auprès des citoyens et citoyennes est de toute première importance.


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Le projet de loi C-22 ne fait rien en ce sens. Une divulgation complète de tout ce qui s'est passé contribuerait grandement à atteindre cet objectif. Examinons l'historique du réaménagement de l'aéroport Pearson pour nous mettre au fait des événements. Les points de vue contradictoires sont nombreux.

À la suite d'une série de marchés compliqués, deux sociétés deviennent partenaires: Paxport, qui est contrôlée par Matthews Group Limited, qui a des liens très puissants avec les conservateurs, et Claridge Investments qui, elle, a des liens très puissants avec les libéraux. Ces deux sociétés se réunissent sous le nom de Pearson Development Corporation.

Le projet de loi C-22 est le début de la fin d'un processus qui a commencé en fait en 1987 et qui visait à remettre les aéroports d'un peu partout au Canada entre les mains des autorités locales. En général, les aéroports du Canada ont été transférés aux autorités aéroportuaires locales. Ceux dont elles sont se chargées jusqu'ici ont connu d'excellents résultats.

L'aéroport Pearson était un cas différent. L'ancien gouvernement conservateur était déterminé à le privatiser au profit d'un certain nombre de ses amis, entre autres, David Matthews, ancien président et collecteur de fonds du Parti conservateur et ancien ministre du Cabinet conservateur. Otto Jelinek s'est joint à Paxport, propriété de Matthews, peu avant les élections. Il siège au conseil d'administration et il est le président de l'aile asiatique de Paxport. La privatisation de l'aéroport Pearson a fait l'objet de trop nombreuses tractations de couloir, car au moins dix entreprises sont intervenues dans le dossier.

(1145)

Ce qui ressort nettement de toute cette affaire, c'est que les libéraux y sont fortement mêlés. Depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement libéral a désigné un ancien ministre libéral d'un cabinet provincial pour qu'il procède à l'examen et a nommé l'ancien associé en affaires juridiques du premier ministre à la tête des négociations en vue de déterminer le montant des dédommagements.

Certes, il peut s'agir de gens très compétents et tout ce qu'il y a de plus honnêtes. Mais, vu les circonstances, il aurait mieux fallu éviter l'existence de liens politiques directs. Ce qui était un marché suspect et secret des conservateurs semble s'être transformé en une annulation suspecte et secrète des libéraux.

M. Keyes: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je suis curieux de savoir jusqu'à quand la présidence va tolérer que le député tienne des propos qui peuvent porter atteinte à la réputation des personnes qu'il cite, surtout quand on connait les conclusions du rapport de M. Nixon.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Désolée, mais il s'agit d'un élément de discussion, plutôt que d'un rappel au Règlement.

M. Harper (Simcoe-Centre): Madame la Présidente, toute cette affaire remonte à 1987, année où le Parlement du Canada a adopté la Loi sur les transports nationaux qui allait régir l'aviation civile canadienne récemment déréglementée.

Le 8 avril 1987, le gouvernement du Canada a rendu publique sa nouvelle politique établissant le cadre de gestion des aéroports au Canada. On considérait les autorités aéroportuaires locales comme les mieux placées pour assurer la gestion des aéroports. C'est à peine s'il était question de privatisation.

Trois mois plus tard, nous étions témoins d'un revirement. Le 22 juin 1987, l'Airport Development Corporation devenait le promoteur idéal pour construire et exploiter l'aérogare 3 de Pearson. Un consortium, Matthews Group Ltd., a participé au concours, mais son offre n'a pas été retenue. Il ne tardera pas cependant à réapparaître dans le décor.

En septembre 1989, ce consortium soumet au gouvernement du Canada, sans qu'on le lui ait demandé, une proposition visant à privatiser les aérogares 1 et 2. Elle est rejetée. Or, il n'était pas question de frais à l'époque.

En octobre 1990, le gouvernement annonçait qu'on inviterait le secteur privé à participer à la modernisation de ces deux aérogares, au moyen d'un appel d'offres ultérieur. On n'avait alors donné aucun détail. En fait, quand l'administration aéroportuaire locale a fait des démarches à cette fin, on a rejeté sa demande. On ne l'a même pas encouragée à soumissionner, malgré le succès de telles administrations à Vancouver, à Edmonton et à Calgary.

Le 11 mars 1992, le gouvernement a lancé un appel d'offres en imposant un délai de 90 jours, ce qui pressait grandement les soumissionnaires. Le groupe Matthews s'est ainsi trouvé avantagé puisqu'il avait déjà soumissionné en 1989. Deux groupes ont présenté une soumission, soit Paxport, contrôlé par Matthews, et Claridge.

Il faut noter que 90 jours, c'est un délai très court pour la présentation de propositions sur un projet de cette importance. Il convient de noter également que le processus se faisait en une seule étape. En fait, quand on a envisagé la construction de l'aérogare 3, le processus prévu comportait deux étapes. La première était la sollicitation et la présélection des soumissionnaires et la deuxième, l'appel d'offres détaillées. Ce ne fut pas le cas quand on a cherché des soumissionnaires pour les aérogares 1 et 2.

Il y a un autre aspect intéressant, c'est que les soumissionnaires pouvaient présenter des projections quant au volume des passagers. Les intéressés devaient recueillir beaucoup d'information et établir un prix.

À cette époque, énormément de sociétés cherchaient du travail, mais très peu ont eu une chance de soumissionner pour ce projet.

(1150)

En décembre 1992, on a annoncé que Paxport Inc. avait présenté la meilleure proposition d'ensemble. La société devait alors démontrer sa viabilité avant février 1993. Entre-temps, Paxport avait découvert qu'elle n'avait pas le soutien financier nécessaire et s'était adressée à Claridge pour en obtenir.

La question qui se pose ici, c'est comment un projet de cette envergure peut aller de l'avant sans qu'on ait d'abord vérifié la solidité financière de l'entreprise. Après avoir découvert qu'elle


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n'était pas assez solide financièrement, on peut se demander pourquoi Paxport s'est adressée à Claridge. N'avait-elle aucun autre choix?

En février 1993, les sociétés Paxport et Claridge annonçaient qu'elles s'associaient pour former un consortium sous le nom T1 T2 Limited Parternship, devenu plus tard la Pearson Development Corporation lorsqu'une troisième aérogare a été incluse dans le plan de réaménagement de l'aéroport, conformément à la proposition de Paxport.

Il était implicite dans la demande de propositions qu'il devait y avoir concurrence entre T1 T2 et T3. D'ailleurs, dans sa soumission, Paxport soulignait l'importance de la concurrence. Toutefois, en s'associant, les sociétés éliminaient de fait toute possibilité de satisfaire à cette exigence.

En mai 1993, Claridge a pris, à toutes fins utiles, le contrôle du consortium. La concurrence est inexistante, et pourtant Paxport est toujours là.

En juin 1993, la Pearson Development Corporation et le gouvernement ont signé une lettre d'entente portant sur l'essence de l'accord précédent. Juste avant ça, Huguette Labelle, qui était sous-ministre des Transports, avait perdu son poste parce qu'elle s'opposait à la décision du gouvernement.

Le 30 août, le ministre des Transports annonçait la conclusion d'une entente à long terme avec la Pearson Development Corporation pour réaménager T1 et T2 et ajoutait qu'elle serait finalisée à l'automne par un accord juridique précisant les conditions dans lesquelles les aérogares seraient gérées, exploitées et réaménagées. Les élections n'étaient qu'à quelques jours de là. En effet, le 8 septembre 1993, les élections sont déclenchées.

Avant la signature de l'accord juridique, le chef de l'opposition, M. Chrétien, avait prévenu les parties concernées qu'elles concluaient cette transaction à leurs risques et périls et que le nouveau gouvernement n'hésiterait pas à adopter une mesure législative pour bloquer la privatisation des aérogares T1 et T2, si cette transaction n'était pas dans l'intérêt du public.

Le négociateur en chef pour le gouvernement fédéral a alors demandé des instructions écrites sur la pertinence de poursuivre la transaction.

Le 7 octobre 1993, le premier ministre a donné des directives écrites pour que la transaction soit conclue. On était en pleine campagne électorale lorsque ces directives ont été données. On ne peut faire autrement que demander pourquoi.

Le 7 octobre, l'accord juridique décrétant la privatisation de Pearson a donc été signé. À cette date, nous étions à 18 jours des élections générales. Tout en sachant que cette question serait l'un des enjeux des élections et que l'accord devrait être annulé s'il n'était pas dans l'intérêt public, le gouvernement a quand même poursuivi sa démarche.

Le 28 octobre 1993, le premier ministre a demandé à Robert Nixon, ancien ministre du Cabinet libéral, de faire un rapide examen du dossier de l'aéroport Pearson.

De nombreux événements se sont produits en coulisses et, comme je l'ai dit au début, bon nombre de questions ont été soulevées à la Chambre dont plusieurs sont demeurées sans réponse.

Nous devrions prendre une minute pour examiner certaines observations et opinions de M. Nixon sur cette affaire. À la page 8 de son rapport, il déclare:

Comme la demande de propositions ne comportait qu'une seule phase et obligeait leurs auteurs à entreprendre la définition de projet et à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours, l'un d'entre eux s'est trouvé fortement avantagé, à mon avis, du fait qu'il avait déjà fait une proposition pour la privatisation et l'aménagement des aérogares 1 et 2.
. . .Comme les projets de construction et d'aménagement se faisaient rares, d'autres sociétés auraient dû être invitées à présenter des propositions et se voir accorder à cette fin un délai raisonnable.
(1155)

À la page 9 du rapport, on lit ce qui suit au sujet du rôle des groupes de pression et du personnel politique:

Les groupes de pression, cela ne laisse aucun doute, ont joué un rôle déterminant en vue d'infléchir les décisions prises à ce moment-là, débordant largement le principe acceptable de la «consultation». Lorsque les bureaucrates supérieurs qui représentent le gouvernement du Canada dans des négociations estiment que ces groupes influencent leurs actes et leurs décisions au point où ceux-ci l'ont fait dans cette affaire, le rôle de ces groupes dépasse, à mon avis, les limites permises.
De plus, le personnel politique a donné l'impression que cette transaction l'intéressait de manière fort peu commune. En fait, les pressions qui entouraient ce dossier ont entraîné la réaffectation de plusieurs fonctionnaires et en ont poussé d'autres à faire eux-mêmes une demande en ce sens.
En terminant, c'était un processus bien imparfait qui semblait conduire à la fin de ce projet. M. Nixon, dans son étude, a déclaré que ce projet devait aller de l'avant. Cinq présidents et 32 municipalités appuient cette position.

Il faut également tenir compte du facteur sécurité, dont les pilotes ont souligné l'importance. Je voudrais citer un passage tiré d'un article paru dans le Toronto Star, qui faisait suite aux préoccupations exprimées par des pilotes de ligne qui ont assisté à une audience du comité.

Comme le pilote Rick Anderson l'a fait remarquer, «les avions sont conçus pour atterrir dans le vent. Les vents latéraux peuvent causer des problèmes, surtout sur des pistes glissantes. Lorsque de forts vents latéraux soufflent, il serait plus sûr d'utiliser une autre piste nord-sud plutôt que les pistes actuelles est-ouest, ce qui permettrait également de réduire les retards. Il ne faudrait pas sous-estimer la valeur de ce dernier avantage alors que nous sortons de cette récession. Étant donné que les avions brûlent environ 1 360 kilogrammes de carburant par heure lorsqu'ils attendent pour atterrir, il serait bon pour les voyageurs, les compagnies aériennes et l'environnement qu'on réduise les heures de vol et partant, les coûts de carburant et la pollution de l'air.»

Des milliers d'emplois dans le secteur de la construction sont en jeu. Les retards actuels nuisent à des projets de création d'emplois dans toute la province et, en fait, dans tout le Canada. Selon Mike Sifton, président de Toronto Airways, «les aéroports créent des emplois et stimulent l'activité économique, et les véritables emplois qu'un aéroport crée se retrouvent à un mille et demi des pistes.»


3496

Il est inutile et inacceptable que cette étude retarde les travaux de construction. À l'heure actuelle, des députés de la région de Toronto font traîner les choses pour des motifs purement locaux. Des emplois et la croissance du Canada sont en jeu et l'aéroport Pearson est une question nationale et non locale, car il représente des emplois à Kitchener, Windsor, North Bay, Kingston, Oshawa et Barrie.

Il y a bien des choses en jeu dans ce dossier: l'honnêteté et l'intégrité du système; la confiance dans les politiciens; des millions de deniers publics peut-être; le nom et la réputation de beaucoup de gens; la revitalisation de l'aéroport Pearson; des milliers d'emplois et la croissance future de notre économie.

Selon moi, le projet de loi C-22 ne fait rien pour régler ces questions. Nous allons appuyer l'amendement du Bloc. Je propose:

Qu'on modifie l'amendement en ajoutant immédiatement après les mots «le travail des lobbyistes» les mots «au Canada».
(1200)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je voudrais dire au député de Simcoe-Centre que nous allons considérer le sous-amendement qu'il propose.

Pour le moment, nous allons reprendre le débat. La parole est au secrétaire parlementaire du ministre des Transports.

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Madame la Présidente, avant de commencer mon discours comme tel, je voudrais faire une ou deux observations qui sont assez frappantes et assez troublantes.

Nous avons entendu le Bloc québécois et le Parti réformiste. Ils ont critiqué la façon dont a été conclue l'entente Pearson, de même que la substance de cette entente. Nous sommes tous d'accord pour dire que le processus avait été sérieusement déficient à bien des égards et que le résultat n'était pas meilleur, car l'entente ne protégeait pas les intérêts du public canadien. Pourtant, les deux partis d'opposition vont voter contre le projet de loi.

C'est plutôt curieux. Je dois admettre que j'ai été plutôt surpris que le chef du Bloc québécois prenne le temps de parler de cette question. Il a parlé de beaucoup de choses, depuis les lobbyistes jusqu'à d'autres circonstances. Il s'est étendu interminablement sur le fait qu'il avait quitté le gouvernement avant d'avoir eu à traiter de cette affaire. Peut-être n'a-t-il pas la conscience tout à fait tranquille.

Il a raison. Il a quitté le gouvernement en mai 1990, mais il faisait partie de cette bande, du Cabinet, de ce groupe de prétendus amis dont il veut maintenant se distancer en niant avoir participé à cette entente pourrie. Il est curieux que le chef du Bloc québécois veuille tellement qu'on sache qu'il a divorcé d'avec ce groupe, car les Canadiens le savent. Pourtant il a participé, peut-être pas à l'entente Pearson, mais dès le début, il savait exactement de quoi il était question.

S'il s'est attardé, c'est sûrement parce qu'il se sent coupable d'avoir fait partie de ce groupe qui a dirigé à Ottawa pendant neuf ans.

Nous le voyons ensuite s'attaquer à ce projet de loi en disant que c'est un paravent, puis il parle vraiment comme si l'aéroport Pearson était un instrument économique essentiel et une installation importante pour les transports. Où veut-il donc en venir? Une enquête publique coûterait plusieurs millions de dollars aux contribuables et entraînerait probablement une perte de temps considérable. Or, il faut aller de l'avant avec la planification des travaux et, pour cela, nous devons adopter cette mesure législative pour mettre en vigueur l'annulation, car nous savons que l'ancien gouvernement n'avait prévu aucune clause d'annulation dans l'accord.

Je trouve plutôt bizarre que le Bloc parle tant d'intégrité, mais qu'il se dise vraiment disposé à perdre encore plus de temps et à faire en sorte que nous ne puissions prendre les mesures qui sont dans l'intérêt de la population en ce qui concerne l'aéroport Pearson.

La position du Parti réformiste est tout aussi absurde. Ses députés parlent de l'imperfection du processus ou du contrat, et pourtant ils veulent remettre les décisions à plus tard.

Le député de Simcoe-Centre soutient que le projet de l'aéroport Pearson est important. C'est un important générateur d'emplois. Il nous permet de remettre des Canadiens au travail. Les réformistes disent toutefois ne pas pouvoir appuyer ce projet de loi tant que certains événements ne se seront pas produits. Cette position ne reflète pas la responsabilité financière que les réformistes prétendent assumer; c'est du moins ce que pensent les Canadiens. En ce qui concerne l'opportunité du projet de loi, je ne comprends vraiment pas la position du Parti réformiste, puisque nous voulons faire exactement ce que le député a dit, soit aller de l'avant et planifier l'avenir de l'aéroport Pearson et du secteur des transports au Canada.

Je profite de l'occasion pour dire que je participe avec plaisir au débat sur cette importante mesure législative qu'est le projet de loi C-22. J'ajoute que j'appuie le ministre des Transports qui parraine ce projet de loi visant à annuler les accords conclus par un ancien gouvernement concernant l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Pearson. J'ai dit que c'était un pas qu'il fallait franchir, non seulement pour assurer l'avenir de l'aéroport Pearson, mais aussi pour rétablir la confiance des Canadiens dans leurs institutions démocratiques.

(1205)

Nous n'annulons pas cet accord sous prétexte qu'il a été conclu par un ancien gouvernement. Il serait frivole et inexcusable de le faire uniquement pour des raisons d'esprit de parti. Au contraire, notre gouvernement a déclaré que nous allions miser sur les initiatives de l'ancien gouvernement lorsque, et j'insiste sur cet aspect, ces dernières favorisent les intérêts des Canadiens. Ce n'était pas le cas de l'accord concernant l'aéroport Pearson.

Les Canadiens se sont prononcés aux dernières élections pour un gouvernement ouvert et transparent. Le processus menant à cet accord n'était ni ouvert ni transparent; d'ailleurs, il n'a pas résisté à l'examen d'un observateur impartial, M. Robert Nixon. Nous nous rappelons tous que M. Nixon, ancien trésorier de l'Ontario, a recommandé au gouvernement de rejeter cet accord


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et je cite: «Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.»

Permettez-moi une légère digression. Le gouvernement s'est notamment engagé à renouveler les infrastructure du Canada, y compris le réseau des transports.

Comme mon collègue ministre des Transports l'a déclaré dans un discours en février, nous voulons bâtir une économie solide. Une façon d'y parvenir, c'est en observant des politiques qui font augmenter sans tarder l'efficacité des transports. Ce genre de perspicacité favorisera la croissance économique à long terme, en permettant aux Canadiens de faire des affaires et d'acheminer leurs produits rapidement et efficacement, à des prix compétitifs. Oui, nous devons améliorer notre infrastructure de transport, mais pas au détriment des intérêts à long terme des Canadiens.

Revenons à l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui. Il serait peut-être bon de faire l'historique de cette transaction pour voir où les choses ont commencé à se gâter, même si d'autres députés l'ont déjà fait. Le 8 avril 1987, le parti qui formait le gouvernement du Canada à l'époque a diffusé son cadre stratégique pour la gestion des aéroports du Canada. Le 22 juin 1987, le gouvernement a choisi l'Airport Development Corporation pour construire et gérer l'aérogare 3 de l'aéroport Pearson. Je devrais signaler que, à l'époque, le chef de l'opposition faisait partie du Cabinet conservateur.

L'offre présentée par le Falcon Star Group, qui comprenait les entreprises du Matthews Group, a été rejetée le 22 juin 1987. En septembre 1989, le Matthews Group a présenté une soumission spontanée en vue de la privatisation des aérogares 1 et 2, mais sa proposition a été rejetée par le gouvernement de l'époque.

En octobre 1990, le ministre des Transports a annoncé que le gouvernement irait de l'avant et privatiserait les aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson. Environ un an et demi plus tard, soit le 11 mars 1992, le gouvernement formulait une demande de proposition pour la privatisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2. La demande originale ne donnait que 90 jours aux soumissionnaires pour réagir, même si ce délai a par la suite été prolongé de 30 jours, si l'on peut appeler cela une prolongation.

À l'époque, le secteur de la construction était loin d'être florissant dans le sud de l'Ontario. Pourtant, le gouvernement n'a pas accordé aux autres entreprises un délai raisonnable pour présenter une offre. C'est donc dire que le processus était boiteux dès le début.

Le 7 décembre 1992, le gouvernement a annoncé que la société Paxport avait présenté la meilleure offre. Cependant, il restait à cette société à prouver que son offre était rentable. Incapable de le faire, elle a demandé de l'aide financière à sa rivale, la société Claridge. En fait, le 1er février 1993, la société Paxport s'est jointe au soumissionnaire original pour former une entreprise conjointe qui est devenue la société T1 T2 Limited Partnership.

En mai 1993, une fois la plupart des questions réglées de façon satisfaisante et au moment d'entamer les négociations officielles, on s'aperçoit que la société Claridge, le soumissionnaire qui s'était classé au deuxième rang, avait, si l'on peut dire, le contrôle effectif de l'entreprise conjointe.

(1210)

Le 30 août 1993, le ministre des Transports de l'époque annonçait qu'un accord général avait été conclu afin de réaménager et d'exploiter les deux aérogares. Puis, neuf jours plus tard à peine, ou finalement, selon le point de vue, soit le 8 septembre 1993, le gouvernement déclenchait les élections tant attendues. Nous nous souvenons tous bien de la campagne et des préoccupations que la vente de Pearson avaient soulevées dans la population et dans les médias.

Celui qui devait bientôt devenir le premier ministre prévint les parties à la transaction de ne pas conclure celle-ci et qu'un nouveau gouvernement n'hésiterait pas à l'annuler si elle ne se révélait pas être dans l'intérêt public.

Il faudrait peut-être remarquer ici que la situation était telle que le négociateur en chef du gouvernement avait demandé qu'on l'instruise par écrit de ce qu'il devait faire, soit conclure la transaction ou non. Et le négociateur en chef a obtenu ses instructions le 7 octobre 1993. En dépit des préoccupations exprimées par beaucoup de Canadiens, celle qui devait bientôt cesser d'être la première ministre avait donné l'ordre explicite de conclure ce marché. Je le répète, l'ancienne première ministre avait donné l'ordre explicite de conclure ce marché. Nous savons donc d'où les pressions sont venues pour que cette transaction aille de l'avant. Il semble que les Canadiens avaient aussi des doutes, et nous savons comment ils se sont exprimés lors du vote.

Qu'aurait gagné le gouvernement fédéral à conclure cette entente? Eh bien, n'oubliez pas qu'il s'agissait d'un contrat de location d'une durée de 37 ans avec possibilité d'une prolongation de 20 ans. Cela veut dire que le gouvernement aurait fort bien pu perdre son droit de regard sur un important actif national pendant presque trois générations.

Cette entente prévoyait aussi une contrainte concernant l'aménagement d'autres installations aéroportuaires dans un rayon de 75 kilomètres de Pearson. Et comment le gouvernement précédent croyait-il que le gouvernement actuel servirait les gens de London et du sud de l'Ontario en général avec une disposition de ce genre?

Des études approfondies ont révélé que les installations aéroportuaires du centre-sud de l'Ontario doivent être coordonnées. Les aéroports du sud de l'Ontario doivent, à des fins de planification, être considérés comme faisant partie d'un réseau intégré unique. À elle seule, cette disposition aurait sérieusement limité les gouvernements futurs en supprimant beaucoup de bonnes options de planification. Conformément à cette entente, le gouvernement n'aurait rien pu faire pour alléger les pressions d'expansion aux autres aéroports tant que Pearson n'aurait pas atteint un achalandage de 33 millions de voyageurs par année.

Comme l'a dit M. Nixon-et c'est le moins qu'on puisse dire-, cette entente ne servait pas les intérêts de la population.

Je sais que le temps mis à ma disposition tire à sa fin. Toutefois, je ne peux pas ne pas signaler le fait que ce marché avait des


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allures d'affaire entre copains. Et c'est cela qui mine tellement la confiance de la population dans le gouvernement et ses institutions. Nous ne laissons pas entendre que l'une ou l'autre des parties a fait quoi que ce soit d'illégal, mais leurs façons de faire ont parfois donné l'impression qu'elles avaient quelque chose à cacher.

Tout le monde sait les préoccupations exprimées par des groupes de pressions et des membres du personnel politique qui semblaient exercer une influence indue sur des décisions qui auraient dû être prises en fonction de l'intérêt public et cela, à tel point que de hauts fonctionnaires se sont sentis coincés.

Nous avons au Canada une longue tradition d'ouverture et de transparence dans toute entreprise touchant aux deniers publics. Les Canadiens ont le droit d'être renseignés au sujet d'un marché intéressant leurs biens.

Je crains qu'il y ait encore beaucoup à dire, mais le temps me manque. Ce qui importe pour le moment, c'est que nous nous rendions compte que nous n'avons pas de temps à perdre. Le gouvernement comprend que la population de l'Ontario, en fait, que tous les Canadiens touchés par le fonctionnement de l'aéroport, attendent qu'une décision soit prise rapidement sur son mode de gestion. C'est là une bonne raison d'adopter le projet de loi le plus rapidement possible pour annuler l'accord. Pearson est un actif national trop important pour laisser le débat s'éterniser. Comme l'a déclaré le ministre de l'Industrie en présentant le projet de loi, il faut annuler l'accord pour pouvoir planifier les activités futures de l'aéroport.

(1215)

Cependant, comme l'a clairement affirmé le ministre des Transports, nous ne nous mettrons pas dans la situation intenable où nous devrions concocter une solution. Pearson est trop important, et nous sommes trop sensibles à notre responsabilité envers les Canadiens pour agir précipitamment tout simplement pour pouvoir dire que nous faisons quelque chose, comme semblent le souhaiter certains de nos vis-à-vis sans tenir compte des effets à long terme de la décision.

Le fait est que les décisions que nous prenons au sujet de Pearson ne se répercutent pas uniquement sur cet aéroport. C'est pourquoi nous consultons beaucoup de gens. Oui, nous consultons les députés de Toronto. Ces députés ont été élus par la population. Ce sont des gens investis d'une légitimité. Ils sont la voix légitime des électeurs de leur circonscription au Parlement, au sein de notre caucus et auprès du gouvernement. Nous consulterons les gouvernements provincial, municipaux et régionaux, ainsi que les personnes influentes au sein de la collectivité. Nous l'avons fait, et le ministre l'a fait. Nous voulons agir dans les formes, contrairement au gouvernement précédent.

Comme des députés de l'opposition l'ont déclaré, Pearson n'est pas un aéroport local. C'est un aéroport national. Nous voulons faire des consultations nationales.

Le fait que notre parti soit un parti national qui a des représentants dans toutes les régions du pays est un atout pour nous, ce n'est pas un handicap. Je ne pourrais pas dire la même chose du Bloc québécois qui n'a de députés que dans une seule province, ni du Parti réformiste qui n'a de députés que dans deux ou trois provinces. Nous sommes un parti national qui représente toutes les régions du Canada, et nous consulterons nos caucus régionaux sur ce qu'il faut faire au sujet de notre aéroport national.

Le gouvernement a l'intention de prendre une décision définitive au sujet de la structure administrative de l'Aéroport Pearson avant la fin de l'année. Il est temps de mettre le point final à ce malheureux chapitre et de penser à planifier l'avenir de la plaque tournante du transport au Canada. L'adoption de cette mesure législative nous permettra de planifier l'avenir de l'Aéroport Pearson sans tenir compte de ces ententes imparfaites.

Ce projet de loi ne devrait surprendre personne. Il ne fait que refléter ce que nous avons dit que nous ferions avant les élections, après les élections et lorsque nous avons présenté cette mesure.

Nous ne négocierons des ententes que pour les dépenses directes. Nous ne négocierons pas d'ententes pour les profits non réalisés ni pour les sommes versées aux lobbyistes. Nous faisons exactement ce que le Bloc et le Parti réformiste nous ont recommandé de faire. Nous ne verserons pas un sou au titre des profits non réalisés ni au titre des sommes versées aux lobbyistes. Nous paierons seulement les dépenses directes.

Le projet de loi ne limite pas le montant de tout versement possible et n'empêche pas non plus les négociations. En fait, les négociations doivent se poursuivre. Cependant, il dit clairement à toutes les parties ce que le gouvernement est prêt à considérer et ce qu'il n'est pas prêt à considérer. Il dit aussi clairement que ces négociations ne peuvent pas continuer indéfiniment.

Nous ne disons pas que les lobbyistes ne devraient pas être payés. Nous disons simplement qu'ils devraient prendre des arrangements à cet égard avec les gens qui ont retenu leur services, les promoteurs, et non avec les contribuables canadiens.

Je voudrais terminer en rappelant à tous que l'atout le plus précieux qu'un gouvernement puisse avoir, c'est la confiance des citoyens. Durant les neuf années où le gouvernement précédent a été au pouvoir-et j'ai écouté avec plaisir la leçon d'histoire du chef du Bloc québécois puisqu'il a été membre de ce gouvernement pendant une partie de ces neuf années-, nous avons été témoins de l'érosion progressive de la confiance des Canadiens envers le secteur public.

Les causes de cette érosion étaient nombreuses, allant du comportement de certains élus jusqu'à un style arrogant de leadership politique. Une des principales causes de cette érosion était l'habitude qu'avait le gouvernement de conduire les affaires de l'État dans les coulisses, ce qui donnait vraiment l'impression qu'il y avait du favoritisme.

Les Canadiens méritent mieux que cela, et notre gouvernement a l'intention de leur donner le leadership et l'innovation qu'exige le monde d'aujourd'hui, de faire preuve d'intégrité et de ne jamais sacrifier ses principes sur l'autel de l'opportunisme politique.


3499

(1220)

Nous sommes impatients de travailler avec les deux partis de l'opposition en comité pour améliorer le projet de loi si c'est possible, mais nous devons vraiment commencer dès maintenant à planifier l'avenir de l'aéroport Pearson. J'écouterai avec plaisir les observations des députés des deux côtés de la Chambre.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Avant de passer aux questions et aux observations, je tiens à préciser que le sous-amendement proposé par le député de Simcoe-Centre est recevable si ce dernier demande qu'on ajoute les mots «au Canada» après le mot «lobbyistes». C'est bien ça, n'est-ce pas?

M. Harper (Simcoe-Centre): C'est cela, madame la Présidente.

M. John Harvard (Winnipeg St. James): Madame la Présidente, je voudrais faire deux ou trois observations avant de poser une question au secrétaire parlementaire.

Le projet de loi C-22 est raisonnable et prudent. Il protège les contribuables canadiens. Après tout, les promoteurs à l'origine des accords concernant l'aéroport Pearson avaient été prévenus. Le Parti libéral avait déclaré longtemps avant les élections de 1993 que ces accords sentaient mauvais. Nous avions déclaré publiquement que nous allions prendre une mesure de ce genre si nous constations que les accords avaient quelque chose de pourri. Puisque le rapport Nixon l'a confirmé, nous avons maintenant présenté le projet de loi C-22. C'était la seule mesure à prendre.

Pour en arriver à ma question, je suis heureux que le gouvernement ait pris cette mesure, car cela me donne à croire que le gouvernement attache une grande importance à la transparence et à l'obligation de rendre des comptes.

La Chambre sait probablement déjà qu'on propose d'établir des administrations aéroportuaires locales dans d'autres villes canadiennes, notamment dans ma ville, Winnipeg. Le modèle retenu et proposé par le gouvernement précédent pour le projet d'administration aéroportuaire locale à Winnipeg est imparfait.

L'obligation de rendre des comptes prévue dans le plan proposé par le gouvernement conservateur est faible. Il y manque de la transparence. Par exemple, il n'y a aucune disposition concernant le processus d'appel d'offres. Quant aux lignes directrices en matière de conflits d'intérêts, c'est de la blague, et on peut certainement améliorer la représentation.

Si nous voulons vraiment établir des administrations aéroportuaires locales, que ce soit celle qui remplace l'administration prévue dans les accords concernant l'aéroport Pearson à Toronto ou celle qui remplace l'administration assurée par Transports Canada dans d'autres villes du pays, faisons-le bien. Notons-le par écrit si nous voulons avoir l'obligation de rendre des comptes au public, la transparence et ainsi de suite.

Voici ce que je veux demander au secrétaire parlementaire. Allons-nous de l'avant avec l'établissement d'autres administrations aéroportuaires locales du genre proposé pour Winnipeg, à des fins non lucratives, mais quand même une administration aéroportuaire qui constitue une certaine privatisation? Une fois que ces administrations aéroportuaires locales seront établies, l'obligation de rendre des comptes au public constituera-t-elle leur première priorité?

Je ne veux pas que les aéroports soient exploités par des clubs privés. Je veux qu'ils le soient par des organismes qui se soucient de l'intérêt public et dont la première priorité est de rendre des comptes au public.

M. Fontana: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Winnipeg St. James de ses observations. Il a abordé un certain nombre de questions importantes au sujet des administrations aéroportuaires locales. Il a parfaitement raison de dire que nous voulons bien faire les choses.

Le gouvernement actuel a appris des erreurs des autres. Le ministre des Transports et Transports Canada cherchent des façons de remédier aux lacunes dont le député a parlé et qui concernent les administrations aéroportuaires locales. Il y a là des possibilités extraordinaires.

(1225)

Le ministre et Transports Canada estiment que les localités peuvent jouer un rôle positif, constructif et proactif dans l'administration des aéroports et devenir les instruments économiques qu'elles peuvent être, mais pas au détriment de l'intérêt public. Nous sommes justement en train de définir comment cet intérêt public se traduit sur le plan de la sécurité et à d'autres égards.

Le député a raison. Nous voulons améliorer les dispositions concernant les administrations aéroportuaires locales afin que celles-ci aient davantage de comptes à rendre, qu'elles soient plus transparentes, qu'il y ait une vaste représentation au sein des conseils d'administration et que, au bout du compte, les intérêts de la collectivité aient toujours préséance. Nous voulons nous assurer qu'il en soit ainsi.

Je remercie le député de ses remarques constructives. Nous espérons mettre en oeuvre les mécanismes d'examen le plus tôt possible car, comme il l'a dit, il y a un certain nombre de localités que ces possibilités intéressent.

Comme le Parti réformiste ne cesse de nous le rappeler, le gouvernement doit être le plus efficace possible pour économiser les deniers publics. Or, si les administrations aéroportuaires locales peuvent bien s'acquitter du travail en réalisant leurs objectifs locaux, pourquoi pas? Le gouvernement est prêt à envisager cette possibilité.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Des propos du secrétaire parlementaire du ministre des Transports, je dénote une certaine contradiction et j'explique pourquoi.

Il me semble que le secrétaire parlementaire parle des deux côtés de la bouche, pas en même temps, bien entendu, mais j'explique.

Le 10 mars, le ministre des Transports, en réaction au discours sur le budget de l'honorable ministre des Finances, a dit à plusieurs endroits-je n'ai pas le hansard dans les mains, mais j'ai très bien étudié son discours-que plusieurs activités effectuées actuellement par Transports Canada devront être commercialisées et privatisées.


3500

J'aimerais que le secrétaire parlementaire m'indique s'il n'y a pas une contradiction entre les propos qu'il tenait tout à l'heure du fait que l'aéroport Pearson devrait continuer à demeurer dans le patrimoine public.

[Traduction]

M. Fontana: Madame la Présidente, je comprends bien les observations et la question de mon collègue, le porte-parole du Bloc québécois en matière de transport.

Le ministre et le gouvernement ont dit que Transports Canada et notre gouvernement voulaient étudier des possibilités de commercialisation. Commercialisation ne veut pas nécessairement dire que, lorsque des activités sont cédées au secteur privé, les intérêts privés sont protégés, mais non les intérêts publics.

Le député n'est pas sans savoir que nous avons déjà annoncé des mesures comme le système de navigation aérienne, au sujet duquel nous consulterons tous les intéressés afin de savoir s'il y a une meilleure façon de contrôler ces systèmes en garantissant la primauté de la sécurité, la prise en considération des points de vue de tous les intéressés et des économies pour les contribuables.

Inutile de rappeler au député pourquoi nous devons chercher à faire des économies. Il y a un problème de déficit et de dette à régler, et les contribuables exigent que le gouvernement ne néglige aucune occasion d'assurer le maximum d'efficience et d'efficacité sans sacrifier l'intérêt public.

Nous ne sommes pas en mesure d'annoncer les solutions qui seront retenues pour Pearson. Comme je l'ai dit dans mon exposé et comme le ministre lui-même l'a déclaré, nous annoncerons avant la fin de l'année notre plan d'action pour Pearson, ce qui englobe aussi bien la structure administrative que les plans d'avenir. Nous menons des consultations.

Ce n'est pas de l'incohérence de notre part ni un discours contradictoire lorsque nous disons que l'accord conclu par l'ancien gouvernement était un mauvais marché. Il était mal structuré. Le processus laissait à désirer, il répugnait aux contribuables et, dans ses détails et par le fond, il était mauvais et ne servait pas l'intérêt public.

(1230)

Nous ne voulons pas commettre les mêmes erreurs. Nous avons tiré des leçons des erreurs des autres, je l'espère. Nous allons concevoir un plan pour l'aéroport Pearson et pour d'autres aéroports, ainsi que d'autres modes de transport, qu'il s'agisse de la voie maritime, des chemins de fer, ou encore du transport maritime ou routier, en collaboration avec tous les intéressés, les provinces, les municipalités, les collectivités et ainsi de suite en vue de garantir au Canada le réseau intégré de transport le plus efficace et le plus efficient possible pour servir les Canadiens.

En fin de compte, nous devons concurrencer les États-Unis, le Mexique et tous les autres pays. Or, à moins de pouvoir transporter les voyageurs et les marchandises avec le maximum d'efficience, nous ne pourrons livrer concurrence. Si nous ne pouvons le faire, nous n'allons pas pouvoir créer d'emplois et, s'il n'y a pas d'emplois, nous aurons des problèmes économiques et sociaux.

J'espère que le terme commercialisation n'est pas tabou. Le gouvernement cherche simplement comment nous pouvons améliorer notre efficacité et notre efficience dans tous les modes de transport.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Madame la Présidente, en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, vous comprendrez que j'ai pris extrêmement au sérieux le projet de loi C-22, présenté en première lecture le 13 avril 1994. C'est aussi avec intérêt que j'ai étudié le rapport de M. Robert Nixon présenté à l'honorable premier ministre le 29 novembre 1993.

Je m'étais empressé d'étudier le contrat signé le 7 octobre 1993 entre le gouvernement du Canada et T1 T2 Limited Partnership. J'ai aussi cru nécessaire de demander le point de vue de certains regroupements d'employés et de consulter les administrateurs de certains aéroports. Après ces lectures et consultations, je ne dévoilerai pas de secret d'État si je vous affirme que je suis d'accord sur l'amendement du chef de l'opposition officielle et que je demande à cette Chambre d'autoriser la mise en place d'une commission royale d'enquête sur les circonstances entourant la signature du contrat entre le gouvernement et T1 T2 Limited Partnership.

Le projet de loi C-22 comprend actuellement une douzaine d'articles. Nous sommes d'accord sur certains articles du projet de loi, mais pas du tout tel que libellé actuellement sur l'article 10(1), et je cite:

Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre peut, s'il le juge à propos, conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées en raison de l'application de la présente loi, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées.
Durant la dernière campagne électorale, le chef du Parti libéral fédéral, et premier ministre actuel, a prévenu les partis qu'il n'hésiterait pas à annuler cet accord après son élection. Après cette déclaration, le négociateur en chef de l'ancien gouvernement réclame des instructions écrites pour procéder à la signature du contrat. La première ministre conservatrice d'alors demande expressément que la transaction soit faite le jour même. Pourtant, il n'est pas dans les usages démocratiques normaux de signer une transaction de cette ampleur en pleine campagne électorale, ce qui aura pour effet de lier le gouvernement qui sera élu à une politique établie par le précédent gouvernement.

Il faut admettre que le premier ministre libéral élu le 27 octobre dernier s'est empressé, le 3 décembre 1993, de régulariser la situation et d'annoncer l'annulation de l'accord de privatisation de l'aéroport Pearson. Malheureusement, il s'est probablement vite aperçu que certaines personnes impliquées dans le dossier étaient aussi des gens de son parti. C'est probablement la raison pour laquelle, le 13 avril 1994, son gouvernement présentait un projet de loi pour concrétiser l'annulation tout en se gardant, par l'article 10(1), le droit de conclure au nom de Sa


3501

Majesté des ententes en vertu du versement des sommes qu'il estime lui-même indiquées.

Vous comprendrez qu'il est inacceptable d'exclure le Parlement d'une décision aussi importante et de donner un chèque en blanc au Conseil des ministres et, plus particulièrement, au ministre des Transports.

(1235)

Lors de la dernière campagne électorale, notre parti mentionnait que les libéraux et les conservateurs, c'était du pareil au même. Comme on dit chez nous, à Beauport ou à l'Île d'Orléans, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Ce projet de loi nous le confirme.

Il est inacceptable d'autoriser le versement d'une compensation sans être persuadé qu'il y a compensation à verser. Lorsque je prends connaissance de toute la documentation, et particulièrement du volumineux rapport Nixon, je m'interroge à savoir s'il y a eu malversation entourant cette opération, et je suis très inquiet de la réponse.

Après étude par la commission royale d'enquête et décision et recommandation, peut-être en viendrons-nous à la conclusion que c'est la compagnie T1 T2 Partnership qui aura compensation à faire au gouvernement du Canada. Si toutefois la commission royale en vient à la conclusion qu'il y a compensation à verser, il sera toujours temps pour le Parlement de prendre une décision juste et éclairée.

J'ai mentionné que nous n'étions pas d'accord avec l'article 10(1), mais j'aimerais ajouter qu'il aurait dû y avoir un article supplémentaire au projet de loi pour déterminer qui devrait administer l'aéroport Pearson. Nous ne sommes pas sans savoir que Transports Canada continue actuellement d'administrer Pearson, mais nous aurions souhaité que le projet de loi détermine clairement que l'aéroport de Toronto sera administré par un organisme à but non lucratif, comme c'est le cas à Montréal, Calgary, Vancouver et Edmonton.

Ces administrations sont composées de représentants du milieu et sont donc aptes à défendre les intérêts de leurs commettants. Je cite comme exemple Aéroports de Montréal qui administre les deux aéroports de Montréal et dont le conseil d'administration est composé de sept représentants de la communauté des affaires, qui sont aussi membres du conseil d'administration de la Société de promotion des aéroports de Montréal, la SOPRAM.

Le huitième membre est le président et chef de la direction d'ADM. Il est aussi intéressant de souligner que SOPRAM est une société à but non lucratif formée de 21 membres nommés par les organismes suivants: la Ville de Montréal, la Ville de Laval, la Conférence des maires de banlieue, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, the Board of Trade of Metropolitan Montreal, COPAM, la Corporation de promotion de l'aéroport de Mirabel, SMD, la Société montérégienne de développement et la Ville de Longueuil.

Cette représentation assure à ADM une approche attentive aux intérêts locaux et une perspective enracinée dans le monde des affaires. C'est un prérequis indispensable que nous aurions voulu voir dans le projet de loi C-22. Je voudrais revenir sur la commission royale d'enquête demandée. Pourquoi une commission d'enquête?

Premièrement, pour déterminer pourquoi, le 11 mars 1992, le gouvernement demande officiellement des propositions pour la privatisation des aérogares 1 et 2 de Pearson. Le tout sera fait en une seule phase, pas de préqualification, méthode différente du processus de l'aérogare 3 qui, lui, comportait 2 phases.

Deuxièmement, en prenant connaissance du rapport Nixon, nous notons que l'appel d'offres a été étonnamment court, soit de 90 jours, et qu'il a été impossible pour des groupes qui n'étaient pas déjà impliqués dans l'administration de l'aéroport, comme Claridge et Paxport, de présenter une soumission valable. C'est pourquoi deux soumissions seulement ont été reçues. En effet, Paxport avait déjà présenté un plan de privatisation en 1989 et avait dû se désister, et Claridge exploitait l'aérogare 3.

La troisième raison invoquée pour demander une commission d'enquête, c'est pour savoir pourquoi le contrat a été signé le 7 octobre 1993, en pleine campagne électorale, et après les réticences certaines du négociateur en chef qui a exigé des instructions écrites avant de signer.

Quatrièmement, quel a été le rôle exact des lobbyistes et auprès de qui ont-ils fait leur travail? Cinquièmement, qu'a coûté à la population cette décision hâtive, et qui en a vraiment profité? Sixièmement, pourquoi le gouvernement conservateur a-t-il voulu privatiser l'aéroport Pearson, alors qu'il est le plus rentable au Canada? Septièmement, pourquoi le gouvernement a-t-il alloué à T1 T2 Partnership un taux de rendement de 24 p. 100 avant impôt et 14 p. 100 après?

(1240)

Huitièmement, pourquoi le rapport Nixon recommande-t-il de ne pas compenser pour pertes d'occasions d'affaires et de frais de lobby? Serait-ce qu'il a découvert encore plus d'irrégularités que nous en connaissons?

Neuvièmement, quel rôle ont joué certains intervenants reliés de près au Parti conservateur, et quelques-uns au Parti libéral du Canada?

Dixièmement, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas inclu dans le projet de loi C-22 un article l'autorisant à transférer l'administration de l'aéroport Pearson à une société sans but lucratif?

Voilà quelques raisons pour lesquelles une commission royale d'enquête est nécessaire pour prendre une décision éclairée. Aussi, il est important que cette commission fasse clairement ressortir l'impact qu'ont eu les lobbyistes dans ce dossier. Elle


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devra approfondir les coûts sur les finances publiques, sur l'incidence de l'emploi dans la grande région métropolitaine de Toronto, et particulièrement les impacts sur les transports au Canada.

Je m'attarderai plus particulièrement aux impacts de cette transaction sur le transport canadien. Mes collègues qui me suivront appuieront plus spécifiquement sur les finances publiques et l'incidence de l'emploi dans la région du Toronto métropolitain, mais aussi sur le rôle des lobbyistes dans ce dossier.

Les aéroports constituent avec les avions et les ressources humaines qui y travaillent le pilier central de l'industrie du transport aérien. Ce sont les infrastructures aéroportuaires qui permettent de développer le réseau des destinations offertes, d'accueillir différents types d'aéronefs et de permettre l'éclosion de différents types de services.

Le transport aérien influence grandement l'économie générale d'une région. Un aéroport, c'est la porte d'entrée des investisseurs étrangers dans une région donnée, et le point de départ vers l'extérieur des ressources matérielles et humaines de cette même région. Un aéroport constitue pour la région qui l'accueille, tout comme les destinations qui y sont reliées, un levier économique considérable.

Une étude de l'École des hautes études commerciales de Montréal, faite à la fin des années 1980, prévoyait que la contribution des aéroports montréalais au produit intérieur brut en valeur ajoutée pour l'année 1992 s'élèverait à 1,3 milliards de dollars en ne tenant compte que des effets directs seulement, et à 2,2 milliards en comptabilisant les effets indirects.

Pour illustrer à quel point les structures aéroportuaires peuvent influencer le développement d'une région, citons un exemple tiré d'un rapport de l'IATA datant de décembre 1991. À Toronto, l'ajout d'une piste augmenterait de 3,5 milliards les revenus de la région au cours des 15 prochaines années et enrichirait la province de plus de 9 milliards de dollars. L'impact sur l'emploi serait également très important: localement, cet ajout de piste créerait 3 300 emplois annuellement et 3 700 emplois à travers l'Ontario, ce qui totaliserait pour la province une augmentation de plus de 7 000 emplois.

Notons également que dans la revue L'Actualité d'octobre 1992, un article fait état du fait que le critère du nombre et de la fréquence des liaisons aériennes entre les villes les plus importantes arrive en cinquième place dans la liste hiérarchisée des éléments considérés pour investir dans un lieu donné.

L'industrie du transport aérien est directement dépendante des structures aéroportuaires. Les transporteurs sont les premiers clients des aéroports et c'est par la conviabilité de leurs structures que les sociétés aériennes peuvent se développer et générer par leurs activités des revenus importants pour la communauté.

La principale raison qui a apporté ces diminutions est assez précise: au milieu des années 60, compte tenu des projections de trafic voyageurs et du cargo pour les années futures, les autorités gouvernementales ont cru bon de planifier la construction d'un deuxième aéroport à Montréal: Mirabel. Ces prévisions, faites en 1967 pour les années 80, laissaient entrevoir 14 millions de passagers pour 1985 et 2 020 000 tonnes de cargo pour 1985.

On anticipait également, au milieu des années 60, un taux de croissance du trafic voyageurs de l'ordre de 15 p. 100 pour la région de Montréal, c'est-à-dire environ 10 600 000 voyageurs en 1975, lors de l'ouverture de Mirabel.

Enfin, Mirabel devait être la seule porte d'entrée au Canada de tous les vols transatlantiques et éventuellement de tous les vols internationaux autres que transfrontaliers.

(1245)

Or, la réalité est tout autre. En 1985, pour Dorval et Mirabel combinés, le trafic voyageurs a été de 7 millions, c'est-à-dire la moitié de ce qui avait été prévu initialement. En 1985, pour Dorval et Mirabel combinés, il y a eu environ 105 000 tonnes de cargo, ce qui est inférieur à ce que Dorval a traité, à lui seul, en 1975. Cette quantité représente 5 p. 100 de ce qui avait été projeté en 1967.

Au cours des années qui ont suivi l'ouverture de Mirabel, Montréal a perdu le statut privilégié qu'on lui avait promis. Mirabel n'est plus l'unique porte d'entrée et de plus en plus de compagnies aériennes reçoivent l'autorisation de relier directement d'autres aéroports canadiens à des destinations étrangères.

Le taux de croissance du trafic voyageurs à Montréal entre 1966 et 1975 a été d'environ 9,9 p. 100, ce qui est 5 p. 100 de moins que ce qui avait été prévu. Toutefois, ce taux de croissance ne s'est pas maintenu après 1975. Il a plutôt été de 2,24 p. 100 entre 1975 et 1984, ce qui fait un taux annuel de progression de moins de un quart de 1 p. 100. Les deux aéroports de Montréal se situent ainsi à environ 10 p. 100 du taux de croissance canadien durant la même période.

Les augmentations du trafic voyageurs au Canada entre 1975 et 1984 se sont faites surtout à Toronto, à Vancouver, à Calgary, à Edmonton, à Ottawa ainsi qu'à Halifax. Montréal n'a recueilli que 1,86 p. 100 de l'augmentation du trafic au Canada au cours de ces neuf années. Par ailleurs, au cours des dix dernières années, soit de 1981 à 1991, Montréal a obtenu un taux de croissance de trafic voyageurs très faible en comparaison avec Toronto à 44,55 p. 100.

En 1981, Dorval et Mirabel avaient 7,5 millions de voyageurs annuellement et Toronto 14,7 millions. La lenteur de la croissance de l'activité aérienne à Montréal depuis le début des années 70 est particulièrement évidente face à Toronto au cours de la même période. Les données statistiques constituent un critère reconnu de mesure du volume de l'activité d'un aéroport.

Il est ainsi possible d'imaginer que l'impact négatif de ce déplacement d'activités économiques de Montréal vers Toronto a joué un rôle majeur dans l'érosion de la base de pilotes d'Air Canada à Montréal en faveur de la capitale ontarienne. À titre d'exemple, mentionnons qu'en 1979, Air Canada avait 461 pilotes basés à Montréal, alors que Toronto n'en avait que 451, soit 10 de moins qu'à Montréal. Quelque 13 ans plus tard, soit en 1992, Montréal n'a que 301 pilotes d'Air Canada alors que Toronto en a 781, c'est-à-dire 480 de plus qu'à Montréal. En 13 ans, Montréal a perdu 160 pilotes et Toronto en a gagné 480. Tout


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ça, principalement parce que Montréal a perdu son statut privilégié lui permettant de desservir directement l'Europe, ce qui a permis le déplacement des activités économiques de Montréal à Toronto.

J'aimerais citer, en terminant, M. Tory Hine, analyste financier de Scotia McLeod dont la revue Wings publie les propos dans le numéro 5 à l'automne 1992.

[Traduction]

«Notre industrie aérienne ne possède qu'un centre principal, l'Aéroport international Pearson de Toronto, et des centres secondaires, la porte de l'Ouest qu'est Vancouver et Montréal. La prééminence du centre de Toronto constitue le principal atout de l'industrie canadienne. La possibilité que Toronto devienne le centre nord-américain modèle est importante pour la création d'emplois et la production de revenus dans la région de Toronto; en outre, si cela se réalisait, Toronto deviendrait une plaque tournante importante permettant au Canada de participer pleinement à l'ALE et à l'ALENA. La répartition des services entre les deux aéroports de Montréal, soit les vols internationaux à Mirabel et les vols intérieurs et transfrontaliers à Dorval, a eu pour effet que les deux aéroports desservent principalement le marché local. Il en résulte que Montréal n'est pas devenu un centre à part entière.»

[Français]

Encore une fois, si Montréal avait conservé le statut qu'elle possédait dans les années 70, elle ne serait pas réduite à desservir le monde local.

(1250)

En conclusion, ADM administre actuellement très bien les deux aéroports de Montréal. Les gens d'affaires et du milieu se parlent et la solution idéale sera bientôt trouvée. Nous espérons que ADM tentera d'inciter les compagnies aériennes à faire effectuer les vérifications des appareils, de même que leurs réparations dans un centre où un très grand nombre d'appareils passent. Ceci aurait un impact majeur sur les emplois du Centre d'entretien technique d'Air Canada à Montréal qui emploie environ 3 500 personnes et qui est mondialement reconnu pour son excellence et son expertise.

Mon parti n'a pas l'intention de se substituer aux gens du milieu pour décider si Montréal devrait avoir un aéroport ou deux. Nous sommes persuadés qu'ils sont aptes à prendre les bonnes décisions.

Le gouvernement aura bientôt des décisions importantes à prendre concernant l'aéroport Pearson et je ne parle pas de compensations, mais de son avenir et de son administration. Avant de prendre des décisions qui feraient qu'une région du pays serait plus prospère qu'une autre, pourquoi ne pas en profiter pour revoir tout le système aéroportuaire canadien, discuter avec les hommes et les femmes d'affaires, les organismes du milieu et impliquer les gouvernements provinciaux pour s'assurer de la prospérité de toutes les régions et pas uniquement d'une seule.

[Traduction]

M. Barry Campbell (St. Paul's): Madame la Présidente, je suis en faveur du projet de loi C-22 concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Lester B. Pearson.

Ce projet de loi vise à annuler les accords conclus par le gouvernement précédent pour l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson. Comme mon collègue, le député de London-Est, l'a fait remarquer il y a quelques instants, il est temps de mettre un terme à ce projet mal conçu afin que nous puissions commencer l'important travail de planification de l'avenir de l'aéroport Pearson.

Je suis en faveur du projet de loi pour un certain nombre de raisons, parce qu'il met fin à une entente contraire à l'intérêt public qui a été conclue dans des circonstances douteuses, c'est le moins qu'on puisse dire. Le projet de loi dont nous sommes saisis permet au gouvernement de poursuivre la planification de l'avenir de l'aéroport Pearson et des transports aériens. Cet avenir est trop important pour qu'on s'empêtre dans des questions de procédure.

Par dessus tout, ce projet de loi devrait être adopté parce qu'il prépare le terrain pour la tâche importante que constitue le réaménagement du système de transports du Canada, y compris notre réseau de transport aérien dont le centre se trouve à Toronto.

L'une des priorités de notre gouvernement est d'assurer l'avenir économique du Canada, une tâche dans laquelle les transports jouent un rôle clé. Il ne fait pas de doute que le coût de transport des biens et des voyageurs est un facteur de première importance pour la santé économique de notre pays. Pour le Canada, c'est un défi à relever tous les jours.

La croissance et la prospérité du Canada ont toujours reposé sur les transports. C'était le cas avant la Confédération, et c'est encore vrai aujourd'hui. C'est encore plus vrai aujourd'hui. Un système de transport rapide, fiable et peu coûteux est essentiel à la prospérité du Canada. Les transports sont le système vital de soutien de nos exportations, ils sont essentiels à notre compétitivité et font l'unité de notre pays.

Les transports aériens contribuent de façon toute particulière à l'unité nationale. Lorsque nous partons en congé, que nous prenons des vacances ou que nous voulons étendre nos activités professionnelles, nous prenons l'avion. L'aéroport Pearson est la plaque tournante du transport aérien au Canada. C'est le premier aéroport en importance au Canada et l'un des principaux points d'accès en Amérique du Nord. Le tiers de tous les voyageurs qui prennent l'avion au Canada passe par l'Aéroport international Lester B. Pearson. Quelque 21 millions de voyageurs y passent, que ce soit pour aller visiter des amis ou des membres de leur famille, pour des raisons professionnelles ou encore pour fouler le sol canadien pour la première fois.

Dans son rapport au premier ministre, M. Nixon précise que l'aéroport Pearson est un point d'entrée national extrêmement important et un point de service central pour les voyageurs, les familles et les expéditeurs. Aucune autre installation ne peut l'égaler dans la région, voire dans toute la province ou n'importe où ailleurs au pays.


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L'aéroport est cependant plus qu'une plaque tournante. Il est aussi une source d'activité économique pour le sud de l'Ontario. Ses installations emploient directement ou indirectement quelque 57 000 personnes, dont 14 000 travaillent sur place, et elles gagnent deux milliards de dollars de salaires annuels. À cela viennent s'ajouter près de quatre milliards de revenus directs pour les entreprises locales et le tourisme, ainsi que 633 millions d'impôts que touchent les diverses administrations gouvernementales sur les activités de l'aéroport. Ces chiffres donnent une idée de l'importance économique de l'aéroport pour la région du Grand Toronto, le sud de l'Ontario et même l'ensemble du Canada.

(1255)

Si l'on tient compte de son importance socio-économique pour la région, les provinces et l'ensemble du pays, l'aéroport Pearson est beaucoup plus qu'un service de transport. Cet aéroport, qui dessert toute la région, l'Ontario et même l'ensemble du Canada, est l'un des principaux actifs publics de notre économie.

Je trouve inconcevable que le gouvernement précédent ait envisagé, dans la fièvre d'une campagne électorale, de se départir d'un actif aussi indispensable sans procéder à une évaluation financière préalable et restreindre l'expansion de l'industrie aéroportuaire dans l'ensemble de la région.

Comme le disait M. Nixon, il s'agissait d'un contrat inadéquat conclu de façon irrégulière et, possiblement, après manipulation politique. Cette entente était contraire à l'intérêt public.

Le fait d'être contre le contrat de vente de l'aéroport Pearson ne signifie pas qu'on est contre le renouvellement de notre système de transport, loin de là. Le ministre des Transports affirmait dans sa réponse au budget que le gouvernement était déterminé à aider les Canadiens à relancer notre économie. L'un des éléments essentiels de cet effort est le renouvellement de l'infrastructure du Canada, laquelle comprend le réseau de transport. Ce projet contribuera à la croissance à long terme de l'économie puisque les Canadiens pourront faire des affaires et transporter les marchandises avec rapidité et efficience, à prix concurrentiel.

Certes, l'actuel gouvernement s'est engagé à améliorer l'efficacité des transports, mais il nous faut éviter les solutions simplistes qui procèdent davantage d'un programme politique que d'un sérieux effort de planification. Nous devons éviter de sacrifier les intérêts de la nation sur l'autel d'une vision sectaire et étriquée des choses.

Voilà pourquoi le gouvernement travaille à l'élaboration d'une politique nationale de transport, d'un cadre qui nous permettra de faire en sorte que nos installations et nos services répondent aux besoins d'aujourd'hui et répondront à ceux de demain.

Pour répondre à ces besoins, un système de transport intégré s'impose. Pour tirer le maximum d'avantages dans le domaine des transports, nous devons considérer tout le système, pas seulement ses diverses composantes, qui sont nombreuses. La transition sera peut-être difficile à certains égards pour notre industrie des transports qui est mise à dure épreuve, mais il faut passer par là.

De plus, nous devons favoriser et stimuler la compétition. À cet égard, le gouvernement peut fournir le cadre réglementaire, les incitatifs et l'infrastructure dont le secteur privé a besoin pour offrir des services de transport qui soient à la fois sûrs et à prix concurrentiel.

Le gouvernement se propose de poursuivre une approche qui privilégie l'intégration modale, l'innovation et le réalisme. Transports Canada procède actuellement à un examen de l'ensemble de ses politiques et de ses programmes. Devant aboutir à une stratégie de réforme globale et cohérente, cet examen se veut une réponse aux défis et aux pressions auxquelles est confronté le secteur canadien des transports.

Être contre la mauvaise transaction commerciale touchant l'aéroport Pearson, ce n'est pas être contre la participation du secteur privé à des activités qui, jusqu'à présent, étaient assurées par le gouvernement.

Le gouvernement est d'avis qu'il n'est pas nécessaire qu'il possède et exploite un système pour réaliser ses objectifs d'ordre public. Par contre, il doit jouer un rôle de facilitateur, de catalyseur, c'est-à-dire qu'il doit établir des objectifs, imprimer une orientation stratégique, assurer le suivi, puis veiller à ce que tout soit fait et bien fait.

Le gouvernement fédéral a une responsabilité à assumer lorsqu'il s'agit de faire en sorte que le Canada soit doté d'un bon système national de transports, et nous avons l'intention d'assumer cette responsabilité. Par contre, nous ne voyons pas pourquoi nous ne devrions pas inviter le secteur privé à faire ce qu'il sait faire le mieux. Le gouvernement estime que la commercialisation est une solution qui présente des avantages certains, qui permet d'imposer une discipline chère aux milieux d'affaires dans la prestation de services traditionnellement assurés par le gouvernement.

Mais qui dit commercialisation ne dit pas nécessairement privatisation pure et simple. Elle peut revêtir différentes formes allant de la sous-traitance, pour certains services, à la création de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, ou encore au recours à des entreprises sans but lucratif, à des organismes de service spécial et à des sociétés d'État.

Peu importe la forme qu'elle prendra pour la prestation des services, il faut toujours adopter une approche commerciale, qui soit plus efficace, qui permette une meilleure réaction et qui compte moins sur les contribuables canadiens.

Cela entraînera une meilleure planification des immobilisations, un meilleur accès au financement privé, une approbation plus rapide, une introduction plus facile des nouvelles technologies et une participation accrue des clients et des usagers. Par exemple, le gouvernement estime qu'on peut faire beaucoup en commercialisant le système de navigation aérienne. Selon l'Organisation de l'aviation civile internationale, il y a clairement une tendance à la création d'administrations autonomes qui possèdent et exploitent les services aéronautiques dans le monde entier.

La commercialisation de ce secteur et d'autres secteurs où le gouvernement exerce des activités peut entraîner des économies importantes pour les contribuables et une amélioration des services aux clients. Toute mesure qui favorise la commercialisation doit toujours assurer le respect des normes élevées du Canada en matière de transport. En annulant ce contrat, on n'attaque pas le secteur privé. On ne fait que dénoncer ce qui est un contrat louche, imparfait et contraire à l'intérêt public.


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(1300)

Même si nous adoptons une telle attitude face à cette transaction, cela n'empêche pas le secteur privé de participer, à l'avenir, à des activités entreprises par le gouvernement. En fait, nous examinerons toutes les possibilités de collaborer avec le secteur privé pour assurer des services de transport aux Canadiens.

Le secteur privé a un rôle à jouer dans les opérations aéroportuaires. Actuellement, ce sont des groupes administratifs sans but lucratif du secteur privé qui gèrent cinq des principaux aéroports du Canada. Nous devons aujourd'hui prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au contrat mal fait qui vise les aérogares 1 et 2 et laisser le gouvernement aller de l'avant avec ses projets concernant Pearson.

En vertu de la mesure législative proposée, le gouvernement peut verser des sommes aux promoteurs, mais cela ne comprendra pas les profits non réalisés ou les montants versés aux lobbyistes. Quand il a présenté ce projet de loi, le ministre de l'Industrie a déclaré que son gouvernement avait demandé publiquement à l'ancien gouvernement et à cette société de ne pas signer ce contrat très controversé pendant la campagne électorale, mais que ceux-ci ne l'avaient pas écouté.

Cette mesure législative ne met pas fin aux négociations ou aux indemnisations et ne les empêche pas non plus. Elle ne fait que fixer les limites nécessaires quant à la durée de ce processus et quant à la période où les négociations pourraient empêcher le règlement de cette question.

Le gouvernement préfère un règlement négocié. Toutefois, une fois cette mesure législative adoptée et promulguée, le gouvernement et les promoteurs disposeront de 30 jours pour parvenir à une entente. Après ce délai, il ne sera plus question de discussion ou d'autre indemnisation. Après tout, le gouvernement négocie avec la Pearson Development Corporation pour le compte de la société T1 T2 Limited Partnership depuis décembre dernier, c'est-à-dire depuis que le premier ministre a annoncé l'intention du gouvernement d'annuler les accords.

Je rappelle à la Chambre que cette mesure législative est nécessaire pour finaliser l'annulation de ce contrat, étant donné que l'accord initial négocié par le gouvernement précédent ne contenait pas de clause d'annulation.

Le ministre des Transports a dit que les décisions concernant les projets d'agrandissement de l'aéroport étaient directement liés à celles concernant la structure administrative de ce dernier. Ces décisions ne peuvent pas être prises tant que les anciens accords n'auront pas été annulés. Cela veut dire que rien ne peut avancer tant que nous n'aurons pas annulé cet accord qui n'aurait pas dû être conclu au départ. Nos décisions concernant l'aéroport Pearson ne peuvent plus être retardées par ces accords.

Cela aurait pour conséquence d'empêcher tous les travaux d'aménagement aux aérogares 1 et 2 ou tous les travaux de prolongement de piste qui pourraient se faire cette année. Je suis sûr que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est dans l'intérêt des habitants du sud de l'Ontario et du Canada en général de mettre au point, aussi vite que possible, une nouvelle structure administrative pour cet aéroport afin que nous puissions aller de l'avant et prendre les décisions critiques qui s'imposent, si nous voulons que l'aéroport Pearson demeure l'actif économique crucial qu'il constitue pour notre pays.

C'est maintenant qu'il faut agir. Nous ne devons plus attendre. L'adoption de cette mesure législative nous permettra d'aménager au Canada une plaque tournante du transport aérien dans l'intérêt du public et sans que les erreurs d'hier ne fassent obstacle. Nous devons agir maintenant.

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, dans quelle situation étrange nous nous trouvons aujourd'hui! En effet, nous tenons un débat pour savoir si nous devrions adopter un projet de loi qui pourrait déterminer le montant d'indemnisation pouvant être versé à la suite de l'annulation du contrat de privatisation de l'aéroport Pearson.

En temps normal, dans le secteur privé, l'annulation d'un contrat fait suite à un règlement négocié ou judiciaire qui tient compte des possibilités et des recettes perdues.

J'admets que ces négociations peuvent parfois prendre des années et que, souvent, seuls les avocats y trouvent leur compte. Cependant, une société privée n'a pas le luxe de légiférer elle-même pour se soustraire à l'obligation d'indemniser une autre partie lorsqu'elle rompt un contrat.

(1305)

Il est un peu désagréable de penser qu'un gouvernement puisse agir d'une manière qui est interdite à une entreprise privée en se soustrayant à la nécessité d'indemniser un groupe et en empêchant quelqu'un d'intenter une action contre lui.

Je dois avouer que je me sens quelque peu mal à l'aise du fait que le gouvernement puisse déposer un tel projet de loi pour se protéger. Je sais que ce gouvernement libéral compte un pourcentage élevé d'avocats, alors que le caucus du Parti réformiste n'en a qu'un seul.

C'est peut-être cette abondance d'avocats parmi les libéraux qui a entraîné le dépôt de ce projet de loi. Ils célèbrent probablement leur capacité de contrôler l'issue d'une affaire, ce qui est probablement le rêve de tous les avocats. Pourquoi aurait-on besoin d'un juge et d'un jury lorsqu'on peut tout simplement légiférer sur l'aboutissement de l'affaire en interdisant tout recours?

J'admets que cette situation me rend un peu mal à l'aise, bien que je doive également avouer que les circonstances sont plutôt exceptionnelles. C'est en août 1993 que le ministre des Transports de l'époque a annoncé qu'une entente générale avait été conclue avec la Pearson Development Corporation pour réaménager les aérogares 1 et 2.

Le ministre avait déclaré qu'on mettrait la dernière main à l'entente à l'automne, dans un document juridique portant sur la gestion, l'exploitation et le réaménagement à long terme des aérogares. Quelle liste impressionnante de joueurs y participaient! Il y avait, entre autres, Donald Matthew, ancien président et collecteur de fonds du Parti conservateur, Otto Jelinek, ancien ministre du Cabinet conservateur et Bill Neville, ancien chef de


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cabinet du Parti conservateur et membre de l'équipe de transition du premier ministre précédent. Il y avait un multimilliardaire du Québec, Charles Bronfman, ainsi que certains libéraux bien connus, un certain sénateur, Herb Metcalfe, et Bob Wright, un collecteur de fonds libéral.

C'est la participation de ces libéraux très connus qui m'a incité à utiliser le mot «pourrait» dans ma première phrase lorsque j'ai déclaré que le projet de loi pourrait déterminer le montant de l'indemnisation. Est-il possible que l'article 10 du projet de loi permette au ministre des Transports de s'occuper de certains amis libéraux tout en laissant tomber d'autres personnes?

On dit ce qui suit dans la partie en question du projet de loi: «Sous réserve de l'autorisation du gouverneur en conseil, le ministre peut, s'il le juge à-propos, conclure au nom de Sa Majesté des ententes en vue du versement des sommes qu'il estime indiquées.»

Je me demande si l'indemnité qui convient pour un partisan libéral sera différente de celle versée à d'autres. C'est une question qu'on peut se poser tout haut. Malgré tout cela, il y a un aspect des circonstances entourant la signature et l'annulation subséquente de cette entente qui milite fortement en faveur de l'adoption du projet de loi C-22.

Cela vient du sens naturel de la justice qu'on a lorsqu'on sait qu'une personne qui a été avertie des conséquences d'une action donnée va quand même de l'avant et en subit ensuite, bien entendu, les conséquences.

À peine neuf jours après l'annonce, le 30 août 1993, de l'entente sur l'aéroport Pearson, l'ancienne première ministre a déclenché les élections. Avant la conclusion de cet accord juridique, le chef de l'opposition de l'époque, qui est maintenant premier ministre, a déclaré clairement que les parties à l'entente le faisaient à leurs propres risques, car un gouvernement libéral n'hésiterait pas à adopter un projet de loi pour bloquer la privatisation des aérogares 1 et 2 si la transaction n'était pas dans l'intérêt public.

Le négociateur en chef du gouvernement à l'époque a même pris cette déclaration si au sérieux qu'il a demandé des instructions écrites pour savoir au juste s'il devait conclure cette transaction. Le 7 octobre 1993, dans les derniers jours de son gouvernement, l'ancienne première ministre a donné par écrit l'ordre de le faire et, le même jour, l'entente a été signée.

Les événements qui ont suivi à compter du 28 octobre 1993 avec la nomination de Robert Nixon pour étudier la transaction, ont conduit à son annulation. Même si l'idée qu'un gouvernement puisse s'exempter de la responsabilité d'indemniser les personnes lésées m'inquiète, je serais disposé à appuyer ce projet de loi, car toutes les parties intéressées avaient été clairement averties des conséquences. Peut-être certaines d'entre elles ont-elles cru que cette transaction serait annulée et ont misé sur la possibilité que des indemnités seraient versées, comme cela se fait normalement après l'annulation du projet. C'était tout un risque.

(1310)

Je doute qu'une partie puisse prétendre qu'elle ignorait tout de la position de l'actuel premier ministre sur cette question lorsqu'il siégeait dans l'opposition, en octobre 1993. Il y a eu beaucoup de publicité à ce sujet, et on avait toutes les raisons de croire que cette entente serait bel et bien annulée si les libéraux prenaient le pouvoir. Or, à l'époque, les sondages montraient certes que c'était là une possibilité.

Soit dit en passant, je me suis souvent demandé pourquoi ces mêmes sondeurs qui ont prédit avec tant d'assurance la victoire des libéraux n'ont jamais prévu que le Parti réformiste obtiendrait 52 sièges. J'ignore s'ils étaient au courant et ont caché la nouvelle ou s'ils n'ont pas effectué de véritable sondage.

Je vais continuer d'écouter le débat sur le projet de loi C-22 et de recevoir les instances des électeurs qui m'écrivent et me téléphonent parfois relativement à cette question. J'exhorte tous mes collègues à faire de même. Ils doivent suivre le débat et connaître l'opinion de leurs électeurs avant de décider une fois pour toutes d'appuyer ou non le projet de loi C-22.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, j'ai l'honneur d'exprimer aujourd'hui mon appui au projet de loi C-22. Je voudrais en premier lieu décrire vraiment l'objet du débat et examiner plus précisément les questions concernant l'aéroport de la région de Toronto.

L'Aéroport international Lester B. Pearson est le plus important aéroport du Canada. Trente pour cent de tous les passagers des transports aériens au Canada passent par Pearson, ce qui a représenté 20 millions de personnes en 1992. Il fait partie des 30 plus grands aéroports du monde et est le troisième point d'entrée en Amérique du Nord après l'aéroport J.F. Kennedy et celui de Miami. C'est une plaque tournante pour bon nombre de villes plus petites de l'Ontario et de tout le Canada.

L'aéroport Pearson emploie 15 000 personnes sur place et crée 56 000 emplois en Ontario; il suscite annuellement une activité économique de plus de 4 milliards de dollars. Voilà pourquoi le dossier de l'aéroport Pearson est si important.

Le projet de loi C-22 dont nous sommes maintenant saisis traite précisément de questions concernant l'aéroport Pearson. Permettez-moi de résumer l'historique des événements qui ont mené aux accords juridiques dont il est question dans le projet de loi C-22.

En 1989, le groupe de compagnies Matthews a présenté une proposition spontanée au gouvernement fédéral pour la privatisation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson. Le gouvernement a refusé cette proposition, mais l'année suivante, il a annoncé qu'il procéderait à une demande de propositions afin d'obtenir la participation du secteur privé dans la modernisation des deux aérogares de Pearson.

Le gouvernement fédéral a demandé des propositions pour la privatisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2 en mars 1992; les soumissionnaires avaient 90 jours pour répondre. Deux propositions furent reçues, celle de Paxport Inc., entreprise sous le contrôle de Matthews Group Ltd., et celle de Claridge Holdings Inc.


3507

En décembre 1992, la proposition de Paxport a été jugée la plus acceptable, et le gouvernement a accordé à cette société jusqu'au milieu du mois de février 1993 pour prouver que sa proposition était financièrement viable. Lorsque Paxport a constaté qu'elle ne pourrait ni fournir cette preuve ni trouver le capital nécessaire, elle s'est tournée vers Claridge pour de l'aide. Afin de réaliser le projet, les participants du secteur privé ont alors formé le partenariat Pearson Development Corporation, aussi appelé PDC, et T1 T2 Limited Partnership.

En août 1993, le gouvernement fédéral et PDC ont annoncé qu'ils étaient arrivés à une entente pour le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2. Les accords juridiques devaient être finalisés à l'automne 1993.

On a déclenché des élections fédérales le 8 septembre 1993. Durant la campagne électorale, le chef de l'opposition d'alors, maintenant premier ministre, a déclaré que, sous son leadership, le nouveau gouvernement annulerait toute entente menant à la privatisation des aérogares 1 et 2 si la transaction était jugée contraire à l'intérêt public. Le négociateur en chef pour le gouvernement a demandé qu'on lui dise par écrit s'il devait conclure la transaction et, le 7 octobre 1993, il recevait des instructions écrites précisant que la première ministre Campbell désirait que l'accord soit conclu le jour même. Les accords juridiques furent donc signés le 7 octobre.

(1315)

Après les élections, l'une des premières décisions de ce gouvernement fut de revoir l'accord Pearson. Et comme on l'a déjà mentionné, le gouvernement engagea M. Robert Nixon pour faire une étude indépendante. J'aimerais vous lire ce qu'il dit dans la conclusion de son rapport: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable. Je vous recommande donc de l'annuler.»

J'ai poursuivi ma lecture car, de toute évidence, une déclaration aussi catégorique devait s'appuyer sur des faits concrets. On ne parle pas ainsi sans preuve à l'appui. Pour que les Canadiens aient une idée des irrégularités découvertes par M. Nixon et figurant dans son rapport, j'aimerais lire des passages du chapitre 3 de ce dernier, et plus particulièrement ce qu'il dit à la page 8:

«Comme la demande de propositions ne comportait qu'une seule phase et obligeait leurs auteurs à entreprendre la définition du projet et à présenter leurs offres, le tout dans un délai de 90 jours, l'un d'entre eux s'est trouvé fortement avantagé, à mon avis, du fait qu'il avait déjà fait une proposition pour la privatisation et l'aménagement des aérogares 1 et 2. Les autres sociétés de gestion et de construction qui n'avaient pas trempé dans le magouillage antérieur à la demande de propositions n'avaient aucune chance de faire assez vite pour préparer leur offre dans le bref délai imparti.»

M. Nixon fait alors état d'irrégularités et peut-être même de malhonnêteté, du moins en apparence, dans le délai accordé.

«Comme les projets de construction et d'aménagement se faisaient rares, d'autres sociétés auraient dû être invitées à présenter des propositions et se voir accorder à cette fin un délai raisonnable.» Il poursuit en disant: «De plus, il est important de noter qu'aucune analyse financière préalable n'était exigée dans cette demande de propositions. Il me semble fort peu habituel et malavisé que, pour un projet de cette envergure, la meilleure proposition globale ait été choisie sans qu'on soit absolument sûr de sa viabilité financière», conclut-il.

M. Nixon dit plus loin: «Enfin, la conclusion de cette transaction sur l'ordre de la première ministre en pleine campagne électorale, à un moment où cette affaire soulevait une controverse, bat en brèche, à mon sens, les usages démocratiques normaux et dignes de ce nom. Il est de tradition notoire et respectée jalousement par les gouvernements que, lorsqu'ils dissolvent le Parlement, ils doivent exercer un pouvoir de décision restreint en période électorale. Il ne fait aucun doute qu'une transaction financière d'une telle envergure, qui devait privatiser pour 57 ans un bien public d'importance, n'aurait pas dû être conclue à ce moment-là.»

Je dois répéter que le gouvernement a dit très clairement, pendant la campagne électorale, que l'entente Pearson ne devait pas être entérinée et que, si elle l'était, un gouvernement libéral examinerait le contrat et l'annulerait s'il se révélait ne pas être dans l'intérêt du public. L'entente a été entérinée, et le gouvernement a honoré la promesse qu'il avait faite à la population canadienne.

Beaucoup de députés ont déjà parlé du processus et de ses défauts. Ils ont ajouté que le contrat avait de sérieux défauts également et que nous avons vraiment besoin en fait d'une politique des transports pour le Canada, une stratégie générale pour tous les moyens de transport.

Pendant la campagne électorale, j'ai pu constater que les Canadiens n'accordaient aucune crédibilité à leurs représentants politiques. Une chose que tous les députés ont apprise, c'est que la crédibilité politique passe par la responsabilité financière. C'est cette dernière qui restaurera la confiance des Canadiens dans le processus législatif et dans l'intégrité et la crédibilité des politiciens. L'entente Pearson, comme beaucoup l'ont dit, ne rendait pas justice à la population canadienne. Notre initiative est la bonne.

(1320)

Je voudrais maintenant me pencher plus spécialement sur le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, qui a été lu pour la première fois le 13 avril 1994. Je voudrais lire à la Chambre les notes explicatives qui disent:


3508

Le texte vise les accords qui découlent de la demande de propositions en vue du réaménagement des aérogares à l'Aéroport Lester B. Pearson ou des négociations qui ont suivi. Il déclare que ces accords ne sont pas entrés en vigueur et n'ont aucun effet juridique. De plus, il empêche d'intenter certaines actions ou autres procédures contre Sa Majesté du chef du Canada à l'égard des accords.
Le texte autorise aussi le ministre, avec l'approbation du gouverneur en conseil, à conclure des ententes en vue du versement de sommes liées à l'application du texte.
Le projet de loi a été présenté à la Chambre par l'honorable John Manley au nom du ministre des Transports. En bref-pour ceux qui n'ont pas suivi le débat jusqu'à maintenant-, la mesure législative proposée annule les accords qui avaient été conclus. Elle indique que le gouvernement n'est pas tenu de dédommager le promoteur et elle permet au ministre d'effectuer certains paiements, à condition que ce ne soit pas pour payer des lobbyistes ou au titre de profits non réalisés.

Le gouvernement a toujours eu pour politique de rembourser les dépenses réelles engagées, à l'exception du coût des lobbyistes, mais il n'a jamais été question de verser une indemnisation pour profits non réalisés.

En examinant les nombreux documents qui ont été mis à notre disposition, j'ai pris note avec un certain intérêt de questions que beaucoup de Canadiens et même beaucoup de députés se posent probablement. La première question qu'on peut se poser, c'est si les entreprises du secteur privé ne craindront pas de faire affaire avec le gouvernement. Je pense que c'est une préoccupation fondée, mais la réponse est non, pas du tout. Le gouvernement prend ses obligations contractuelles au sérieux, mais il s'agit ici d'une situation bien particulière, qui risque peu de se reproduire.

Le Parti libéral a clairement fait savoir qu'il craignait que l'entente soit contraire à l'intérêt public, mais les intéressés ont décidé de courir le risque et l'ont signée quand même. Je crois qu'il importe de retenir que le gouvernement les avait mis en garde. Même s'ils avaient clairement été mis au courant, ils ont décidé d'aller de l'avant.

Par la suite, le nouveau gouvernement a examiné l'entente en détail et en a conclu qu'elle était effectivement contraire à l'intérêt public, faisant ainsi exactement ce qu'on attend des autorités gouvernementales.

La deuxième question qui mérite qu'on s'y attarde est pourquoi le gouvernement se montre tellement impitoyable envers la Pearson Development Corporation. On dirait que cette société est condamnée à perdre beaucoup d'argent pour avoir commis le crime de négocier un marché avec le gouvernement de l'époque. Là encore, c'est une question très pertinente et valable, mais il faut comprendre que ceux qui ont signé ces ententes sont des gens d'affaires professionnels et responsables de leurs actes et que le gouvernement souhaite négocier avec eux de façon juste et raisonnable.

Durant la campagne électorale, notre parti a fait savoir très clairement qu'il craignait que cette entente soit contraire à l'intérêt public, mais les parties en cause l'ont signée quand même. Cette facette de l'affaire est un élément extrêmement important dans la conception de ce projet de loi.

Par la suite, le gouvernement a examiné l'entente et en a conclu qu'elle était effectivement contraire à l'intérêt public. Il s'en tient toutefois à ses engagements. Il ne versera pas d'indemnisation pour les profits non réalisés ou le coût des lobbyistes.

On peut enfin se demander quels sont les plans d'avenir du gouvernement pour l'Aéroport international Pearson. Cette question compte probablement parmi les plus importantes. J'ai parlé un peu plus tôt de ce que l'aéroport Pearson apportait au Canada, sur le plan de la création d'emplois et de soutien de l'économie. Le ministre des Transports a justement dit que, d'ici la fin de l'année, il compte rendre une décision au sujet de la structure administrative de l'aéroport et de son expansion éventuelle. Il consulte des sources diverses et nombreuses, dont les membres de son propre caucus qui lui feront part de leur opinion sur les décisions à prendre.

(1325)

La question de l'aéroport Pearson me tient particulièrement à coeur, car celui-ci est situé directement au nord de ma circonscription, à peine à dix minutes d'auto de son extrémité est. Au fil des ans, il y a eu de nombreuses assemblées publiques; bon nombre ont porté sur des questions controversées et sur la privatisation, et certaines, sur l'expansion de l'aéroport. Récemment, il y a d'ailleurs eu un débat très émotif au sujet de l'agrandissement des pistes, les nouvelles pistes nord-sud qui faisaient déjà l'objet d'une évaluation environnementale.

Ayant assisté à deux assemblées publiques dont la dernière a eu lieu, sauf erreur, il y a à peine deux semaines, j'ai entendu ceux qui ont participé au débat depuis de nombreux mois dire qu'ils reconnaissaient que l'aéroport Pearson était un instrument économique très important pour le Canada et qu'il fallait envisager son avenir d'une manière globale pour que cet aéroport demeure la plaque tournante de notre pays.

Pour l'instant, je ne veux pas débattre les mérites de l'expansion de l'aéroport et de sa privatisation. Tout ce que je puis dire, c'est que les électeurs que je représente et qui ont assisté à ces assemblées publiques demandent au gouvernement de faire preuve de leadership à l'égard de cet instrument économique important.

Je crois que le projet de loi à l'étude est la prochaine étape à franchir. Le moment n'est jamais mal choisi pour annuler un mauvais accord et pour commencer à étudier l'avenir de l'aéroport Pearson, ce que fait le gouvernement aujourd'hui.

Je conclurai mes observations en parlant de l'amendement que propose le chef du Bloc québécois et qui préconise essentiellement la tenue d'une enquête publique. Les tenants de cet amendement invoquent surtout, pour le justifier, le fait que le projet de loi ne prévoit pas assez de mesures pour garantir la transparence des activités des lobbyistes canadiens, ce qui correspondait à l'amendement du Parti réformiste.


3509

Je vois mal ce que cette question a à voir avec le projet de loi à l'étude. Le gouvernement a dit clairement que le lobbying est au nombre de ses priorités et qu'il étudiera effectivement certaines questions concernant les activités des lobbyistes au Canada.

Il n'y a toutefois pas de lien direct entre ce projet de loi et les activités des lobbyistes. Ce projet de loi traite des accords légaux et de ce que nous pouvons faire à partir de maintenant pour garantir que l'avenir de l'aéroport Pearson soit planifié comme il se doit.

L'amendement me semble tout à fait injustifié. Je ne le comprends pas. L'aéroport Pearson demeurera le principal aéroport du Canada. Je suis heureux d'avoir pu me prononcer aujourd'hui en faveur du projet de loi C-22.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): J'écoutais avec beaucoup d'attention les propos de mon collègue qui vient immédiatement de s'asseoir.

Tout au long de ses propos, il parle d'annulation: annulation de contrats, annulation d'ententes. J'ai de la difficulté à m'expliquer que le projet de loi C-22 sous étude soit effectivement un projet de loi d'annulation, parce qu'en droit, au Québec comme partout ailleurs au Canada j'imagine, les choses nulles ne produisent nul effet. Ab initio, lorsque quelque chose est nul, c'est nul, ça ne fait pas de petits, une chose nulle.

Par contre, dans le projet de loi C-22, on dit que les ententes sont nulles et que tout cela est nul, mais par contre, on veut donner un caractère de vivacité à la nullité, je pense bien.

On arrive avec l'article 10 et on dédommage les petits amis du régime qui pourraient avoir gravité autour de tout ce pot-là. C'est ma première question.

(1330)

Le député qui a pris la parole précédemment dit ne pas comprendre grand-chose dans l'intervention du Bloc québécois qui intervient dans le domaine des lobbyistes par le biais du projet de loi déposé. J'ai comme l'impression, depuis ce matin, que les libéraux comprennent ce qu'ils veulent bien comprendre et préfèrent ignorer ce qui ne fait pas leur affaire. Il y a eu de la gravitation là-dedans, et ce n'est pas nous qui le disons, c'est le rapport Nixon. Il y a eu des choses tout à fait inhabituelles dans ce dossier de la part de certains amis des gouvernements, tant celui-ci que le précédent.

Je pense que ce n'est pas la future loi sur le lobby qui contrecarrera les agissements de l'automne dernier. La nouvelle loi sur les lobbys, si Dieu veut un jour que le premier ministre la dépose, réglementera, je l'espère, les activités des lobbyistes dans le futur. Pour ce qui est du passé, je m'étonne de l'attitude actuelle des libéraux qui disent: «On annule tout ça, on veut se dépêcher, on ne veut pas faire de mal à personne, on ne veut pas ternir de réputation.» Je trouve scandaleux des propos comme ceux-là face à un projet comme celui-ci sur l'aéroport de Toronto, où à peu près tout le patrimoine canadien aurait été englouti au bénéfice de certaines personnes, si on les avait laissé faire. C'est tout ce que j'avais à dire à cet égard. Je demande donc au député, s'il peut me répondre: S'agit-il d'une annulation ou d'une reconnaissance juridique d'un contrat valablement signé et s'apprête-t-on à dédommager ses principaux acteurs?

[Traduction]

M. Szabo: Madame la Présidente, je comprends parfaitement la préoccupation du député et ses questions.

Il a soulevé deux points. Il a d'abord invoqué la question relative aux lobbyistes, puis il a commenté mes propos au sujet de l'amendement proposé par son chef.

En ce qui concerne les lobbyistes, il s'agit d'une question importante qu'il faut résoudre. Le gouvernement s'est engagé à se pencher sur cette question des lobbyistes et à l'examiner à fond. À mon avis, il y aurait peut-être lieu de créer une commission d'enquête afin de savoir ce qui s'est passé et le pourquoi, que ce soit dans l'affaire de l'aéroport Pearson ou ailleurs, histoire de mettre les pendules à l'heure.

L'amendement proposé par le chef du Bloc québécois vise essentiellement à empêcher l'adoption de cette mesure législative. Le député n'a pas posé la vraie question qui est de savoir s'il y a lieu d'aller de l'avant avec cette loi. Si elle est adoptée, cela ne veut pas dire que nous ne pourrons pas aborder, entre autres, la question relative à l'enregistrement des groupes de pression.

Le député s'interroge sur la nature du projet de loi, se demande s'il y a entente et cherche à savoir quelles sont nos intentions. Or, le gouvernement s'est demandé si cette mesure législative s'imposait. Il a fondé sa décision sur l'avis de ses meilleurs experts en droit qui ont estimé qu'il était nécessaire de présenter cette mesure législative d'abord et avant tout pour rompre les ententes, pour les déclarer nulles et-je poursuis la lecture au profit des députés-non exécutoires. Il semble qu'elles ne soient pas devenues exécutoires et qu'elles soient nulles, ce qui met le gouvernement à l'abri de certaines poursuites.

Donc, il faut une loi, et nous avons présenté ce projet de loi pour que le gouvernement du Canada puisse enfin régler cette affaire.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Madame la Présidente, le projet de loi faisant l'objet de la présente lecture s'impose, compte tenu du contexte prévalant lors de la signature de certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international de Toronto. Les conclusions du rapport Nixon, rapport commandé par le premier ministre, sont éloquentes.


3510

[Traduction]

«Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable. Je vous exhorte à annuler le contrat.»

(1335)

[Français]

Si le projet de loi sous étude rend caduques et sans effet toutes les ententes signées avec T1 T2 Limited Partnership, il convient à tout gouvernement responsable de s'enquérir des raisons qui l'ont conduit là.

Notre Très Gracieuse Majesté s'est engagée dans certaines tractations avec des personnes occultes dont les identités sont à ce jour encore très obscures. Elle doit, comme le lui recommande le rapport Nixon, résilier unilatéralement lesdites ententes dû au fait qu'elle fut induite en erreur par ses principaux conseillers et mandataires à la fin de la dernière législature, la 34e. Nous tenterons d'exposer à cette Chambre le rôle qu'ont joué certains intervenants et nous comprendrons alors mieux pourquoi ils préfèrent conserver le plus entier anonymat.

Le rapport Nixon n'est pas tendre envers les auteurs de toute cette polémique qui entoure la signature desdites ententes et il est à craindre que des personnes très influentes auprès des autorités gouvernementales d'alors aient joué de leur influence de façon indue et au détriment du patrimoine canadien. Le rapport Nixon croit à des jeux d'influence politique du plus haut niveau.

Si cette Chambre en est rendue à faire fi du consensualisme-c'est un principe de droit qui signifie un accord des volontés-et à faire perdre la face à notre très chère souveraine en annulant unilatéralement ce contrat, c'est, il me semble, à cause du fait que cette dernière fut bien mal avisée.

Qu'est-ce qui pressait un régime, de toute évidence moribond, à passer de tels contrats de privatisation des seules aérogares rentables du pays, engageant ainsi à long terme, pour une période de 57 ans, les gouvernements canadiens futurs, alors que le chef de l'opposition officielle d'alors et actuel premier ministre du Canada mettait en garde quiconque tenterait de clore ces ententes avant le scrutin du 25 octobre dernier, y allant même de la menace de tout annuler?

Avant la signature définitive de l'accord, le futur premier ministre fait connaître publiquement et prévient les parties qu'il n'hésitera pas à annuler tout cela. À la suite de cette déclaration, le négociateur en chef du gouvernement dans ce dossier réclame des instructions écrites avant de procéder à la séance de signature des contrats. Le 7 octobre 1993, la première ministre d'alors, par directive interne, exige que la séance de signature ait lieu le jour même. Pendant la période finale des négociations, certains hauts fonctionnaires impliqués demandent à être mutés ailleurs, incertains qu'ils sont d'agir correctement.

Peut-on associer cette démarche à celle à peu près contemporaine de 500 nominations partisanes en faveur de petits amis du régime alors en pleine déconfiture? Il n'est pas inopportun de le croire.

En plus des sommes considérables impliquées en termes de pertes et autres dépenses relatives à ce volumineux dossier dont certains de mes collègues feront état ultérieurement, les principes de transparence et de probité en ont pris un coup, et rien de ce que je viens d'affirmer n'est de mon cru. Tout se trouve dans le rapport Nixon.

En prenant à la légère tout le développement d'une industrie d'avenir qui a coûté très cher aux Canadiens et Canadiennes, le gouvernement s'est donné l'allure d'un sauve-qui-peut aux yeux de la population, et c'est sérieux de la part de celui qui se doit d'être le plus probe et le plus droit de tous nos instruments démocratiques.

Le gouvernement de la 34e législature s'est conduit en véritable pique-assiette, ternissant par ses agissements l'image que se faisait de lui la population canadienne. Le verdict rendu quelques jours plus tard ne laisse aucune équivoque à cet égard.

Le rapport Nixon nous apprend également que notre gouvernement s'est même prêté de bon gré à une collusion, afin de priver le gouvernement ontarien du droit de toucher 10 millions de dollars en regard de l'application de la Loi sur les transferts de terrains qui a cours dans cette province.

Un gouvernement responsable ne peut se permettre d'avoir deux régimes de droit différents; l'un qui lui soit propre et l'autre qui soit applicable aux citoyens. Plusieurs arrêts percutants du plus haut tribunal du pays nous l'ont par le passé rappelé, et ce de façon retentissante. Voilà cependant devant quel odieux nous mènent les agissements du gouvernement précédent: celui de résilier unilatéralement les effets d'un contrat. Cela frôle l'indécence.

(1340)

Les simples citoyens ne peuvent invoquer le dol-le dol c'est la fraude, ce qui nous a induits en erreur-pour demander la résiliation d'un contrat, sauf au Québec, bien sûr, où cette procédure est permise en vertu des dispositions du nouveau Code civil. Encore une fois, notre belle province, dans ce domaine comme dans bien d'autres d'ailleurs, a fait preuve de clairvoyance et d'innovation, contrairement à certaines autres provinces qui sont incapables d'une vision de leur pays autre que celle qu'ils ont toujours connue.

Mais je m'égare, monsieur le Président, je m'égare et je reviens à ce fameux projet de loi C-22 qui fait mal paraître notre Souveraine à tous, tant en droit qu'en fait.

Les principes de Common Law ne reconnaissent pas au simple citoyen le droit d'invoquer le dol, la jurisprudence est constante à cet égard.

Perdre la face, monsieur le Président, le mot n'est pas trop fort. Comment notre Souveraine gracieuse peut-elle invoquer le dol pour résilier ce contrat, elle qui est pourtant si bien avisée, munie du plus gros cabinet d'aviseurs légaux qui soit, celui de la Fonction publique du Canada?

Notre très chère Majesté ne doit certainement pas être très heureuse de ce qui se passe actuellement. N'eut été de ses pouvoirs illimités, notre souveraine se serait fait avoir. Heureusement que, comme on l'apprenait en première session du BAC en


3511

droit, la seule chose que la Couronne ne peut faire, c'est changer un homme en femme, et j'ajouterai «et encore».

The Queen can do no wrong. C'est en vertu de ce principe de Common Law pourtant bien cher à nos concitoyens d'en face que ce véritable marché de dupes peut encore être annulé ou ses effets anéantis, Dieu merci!

Je me demandais plus tôt comment on en était rendu là. Qu'on annule à toutes fins de droit les ententes concernant les aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson, j'y souscris, mais que l'on n'essaie pas de le faire sur le dos de nos fonctionnaires. Qu'on le fasse sur le dos du gouvernement précédent comme en a pris si bien l'habitude le parti au pouvoir, cela se conçoit, mais je mettrais en garde les libéraux de jeter la première pierre, les conservateurs n'ayant que poussé juste un peu plus loin la rondelle mise au jeu par leurs prédécesseurs.

Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour que de tels affronts ne puissent se reproduire à l'encontre de notre bien-aimée Souveraine? Le parti au pouvoir avait fait la promesse formelle aux contribuables canadiens, par le biais de son fameux livre rouge, de déposer une loi qui aurait pour effet de limiter les activités des lobbyistes sur la Colline parlementaire, et ce, précisément en critiquant à bon droit les contrats conclus à quelques jours des élections du 25 octobre. A-t-il tenu parole? Pas du tout!

L'actuel premier ministre et député de Saint-Maurice nous avait promis une loi régissant la pratique des lobbyistes sur la Colline parlementaire. Cette loi se fait encore attendre.

Dans le quotidien Le Droit du 21 mars dernier, M. David Zussman, responsable du dossier lobbyiste auprès du premier ministre, disait à propos du dépôt de cette loi, et je cite: «Les principes sont clairs, mais il faut parfois plus de temps pour rédiger les règles que pour s'entendre sur les principes. Il y a tellement d'éléments et tellement de joueurs dans tout cela qu'il nous a fallu beaucoup plus de temps que quiconque ne l'avait imaginé.»

Cette citation a de quoi laisser perplexe, surtout si on l'entend en gardant à l'esprit les paroles du premier ministre lorsqu'il s'est fait chahuter dans sa circonscription récemment, et qui disait: «C'était écrit dans le livre rouge, il fallait lire entre les lignes. . .»

Toute bonne loi se doit d'être claire, précise et nette. Ses principes doivent être précis et n'être sujets à aucune interprétation, le nombre de personnes visées et leur statut politique ou social ne doit en aucun cas en atténuer la portée, mais si cette loi est rédigée en fonction des intérêts corporatifs de tous les amis du parti au pouvoir, on ne peut en arriver qu'à l'élaboration d'une loi difficile de rédaction, évasive, permissive et facilement contournable; ça devient une loi de compromis. Devons-nous comprendre qu'il s'agit du genre de difficulté que rencontre l'élaboration de cette loi actuellement?

Les contrats de l'aéroport Pearson ont été accordés in extremis par l'ancien régime lorsqu'il a senti le tapis lui glisser sous les pieds. Qu'entend faire le gouvernement pour se prémunir contre lui-même d'une pareille tentation à la fin de son actuel mandat? J'ose croire qu'une telle vision du futur ne lui commande pas le freinage dont il fait preuve dans l'élaboration de son code de déontologie.

(1345)

L'actuel gouvernement, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à son prédécesseur, ne pourrait-il pas rassurer notre chère souveraine, les Canadiens et Canadiennes, Québécois et Québécoises, que des gestes aussi aberrants que ceux commis par l'ancien gouvernement dans le dossier de l'aéroport de Toronto ne sont plus susceptibles de se reproduire?

Ces divines agapes à 3 000 $ le couvert, auxquelles se sont présentés les membres les plus influents du présent gouvernement et du Sénat, les brunches à 1 000 $ la tête, voilà où sont susceptibles de s'exercer les principales activités des plus influents lobbyistes, l'élocution du premier ministre ne pouvant à elle seule justifier un pareil investissement.

Loin de moi l'idée de jeter le discrédit sur la personne de notre très honorable premier ministre: sa longévité politique étant à cet effet la preuve juris et de jure de son intégrité. On peut cependant reprocher au premier ministre un certain laxisme dans la sauvegarde de son image en nommant un solliciteur libéral hors pair comme M. Robert Wright afin de négocier l'annulation du contrat relatif à la privatisation des aérogares de Toronto, surtout lorsque l'on sait que M. Wright, qui possède bien des qualifications, fut jadis solliciteur de fonds en faveur du premier ministre lors de la course à la chefferie du Parti libéral en 1984.

L'article 10 du projet de loi à l'étude accorde au ministre, «s'il le juge à propos, le pouvoir de conclure, au nom de Sa Majesté, des ententes en vue du versement de sommes qu'il estime indiquées en vertu de l'application de la présente loi». C'est ainsi rédigé.

Cette disposition joint le geste à l'injure. Non seulement notre divine Majesté s'est-elle faite rouler dans ces divers contrats, mais encore lui fait-on supporter l'odieux de la contestation amorcée par le présent projet de loi. Se sert-on encore de notre trop bonne Majesté pour lui soutirer quelques millions de dollars en faveur des bons amis du régime?

Loin de moi l'idée de mettre en doute l'intégrité du ministre des Transports qui, je le crois sincèrement, pourrait exercer son pouvoir tout à fait discrétionnaire de façon honnête et réservée. Mais c'est, je crois, mettre sur ses épaules une charge herculéenne et on ne peut moralement exiger cela de lui.

Ceux qui ont transigé avec le gouvernement dans le dossier qui nous occupe savaient, pour en avoir été mis en garde par l'actuel premier ministre, qu'ils s'engageaient sur une pente abrupte et que, si le Parti libéral prenait le pouvoir, ces contrats seraient annulés. C'est pour cette raison que le négociateur gouvernemental a demandé instructions avant de procéder à la signature des accords. Ceux qui ont traité avec le gouvernement connaissaient toutes les implications de leur geste; ils ont joué et ils ont perdu. Nul ne peut en droit alléguer sa propre turpitude, c'est une règle stricte.


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Les personnes impliquées dans ces contrats n'ont jamais été perdantes de toute façon dans leurs tractations avec le gouvernement quel qu'il soit. Je me demande, pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt, en vertu de quels principes d'éthique nous leur serions collectivement redevables.

Tout au long de ce discours, j'ai utilisé sciemment, volontairement et à dessein les termes «majesté, souveraine, reine». Les gens d'en face, ceux d'à côté savent que c'est d'eux qu'il s'agit, et aussi des Canadiens et Canadiennes. Ceux-ci le savent-ils? Les personnes roulées, flouées, volées, ce sont elles les rois et reines du Canada, du Québec aussi.

Les citoyens de ce pays savent-ils et comprennent-ils que le cas de l'aéroport de Toronto n'est que la pointe de l'iceberg? Depuis 127 ans maintenant, la Fédération canadienne existe; depuis autant de temps, les citoyens ont l'impression de posséder leur pays et d'en conduire les destinées. Pays austère, froid, nordique pour tout dire, cependant pays de forts, de braves, de hasardeux. Ceux qui l'ont choisi ne l'ont-ils pas fait par amour, dans le rêve de bâtir, abnégation totale, peu de soleil, peu de chaleur, peu de tout et tout de peu, mais avec beaucoup d'amour.

Floués depuis toujours par les compagnies étrangères pratiquant le commerce des fourrures, trahis par des politiciens avides de pouvoir, sinon carrément d'argent, rêves arrêtés, vision limitée. Qu'allons-nous laisser à nos enfants? Six cents, sept cents, huit cents, neuf cents milliards de dette.

(1350)

J'ai honte, monsieur le Président, j'ai honte! Honte pourquoi? Je suis de la génération qui s'est sauvée avec la caisse, avec le cash, comme on dit. J'ai reçu un pays beau, propre, net, et voilà qu'en moins de 50 ans, je le transmets endetté, pollué, sali, déchiré par des politiciens tristes dont la seule préoccupation était leur confort personnel.

Pays décimé par le lucre, vandalisé par ceux qui ne se proclament d'aucun pays, par le tétard qui suce le fond, par des politiciens aveuglés par leurs projets personnels, politiciens instruits, mais de peu d'envergure.

Un grand philosophe disait: «Ce n'est pas la dernière goutte qui fait déborder la coupe, c'est la première.» C'est vrai.

L'aéroport de Toronto est peut-être la dernière goutte. Il y a ici trop de doutes, trop de confusion, trop d'erreurs pour que nous ne nous posions pas de véritables questions.

Dans cette saga, de hauts fonctionnaires ont démissionné, d'autres ont réclamé une réaffectation, d'autres se sont tus par crainte de représailles. La manoeuvre était si grossière que seuls les détenteurs du pouvoir absolu se sont crus intouchables.

Le rouleau compresseur était en marche. Contre tout avis, on avançait, l'avidité ne connaissait plus de fin. Le lucre, le projet, l'avidité étaient rois.

De gens fiers on a fait des laquais, d'honnêtes, on a fait des fourbes, de francs, des menteurs. Il faut que ça change, que ce pays regagne sa dignité, son envie, ses rêves et surtout la primauté du droit. C'est pourquoi il faut illico, sans délai, au risque de se faire mal collectivement, que la justice renaisse, que la fierté rejaillisse, que l'espoir revienne pour ceux qui suivent, qu'on se prenne en main!

Ainsi, il faut commander sans délai une commission royale d'enquête sur le dossier de l'aéroport Pearson, que ses conclusions soient appliquées, qu'on mette un terme à la folle enchère, que les Canadiens, y compris les Québécois, regagnent leurs fierté et dignité, que les principes d'égalité, fraternité et justice regagnent leur noblesse. Peut-être ainsi aurons-nous considérablement réduit le contentieux Québec-Ottawa, peut-être comprendrons-nous que les Québécois qui optent pour leur émancipation ont décidé d'en finir avec ce colonialisme socio-économique et financier dont sont encore otages trop de Canadiens.

Qui bene amat, bene castigat, «Qui aime bien châtie bien», maxime latine millénaire mais encore d'actualité. Si notre premier ministre est sincère en déposant le projet de loi C-22, s'il entend rétablir les principes de justice en ce pays, qu'il proclame sans délai l'avènement d'une commission royale d'enquête sur la concession des aérogares 1 et 2 de Toronto et qu'ainsi, selon les conclusions de ces enquêteurs, tous ceux qui sont fautifs, riches, autant puissent-ils l'être, soient confrontés à une justice, droite et honnête, celle des Canadiens.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, on aurait dit que le député, à la fin de son intervention, avait pris la position du gouvernement.

Ce sont nous, les libéraux, qui, avec le premier ministre, nous sommes opposés au démantèlement de l'Aéroport international Pearson, non seulement quand nous siégions de ce côté-là de la Chambre des communes, mais aussi pendant la campagne électorale, lorsque nous avons entendu dire que le gouvernement de l'époque, le gouvernement conservateur, allait donner suite à ce projet. Nous avons dit que cela ne faisait pas partie de nos plans. Nous ne voulions pas privatiser l'Aéroport international Pearson. Nous avons fait campagne contre la privatisation de cet aéroport et nous avons pris des mesures en ce sens dès que nous sommes arrivés au pouvoir.

Les Canadiens comprennent très bien la décision qu'a prise le premier ministre. Cette décision était ferme, et c'était la décision à prendre dans l'intérêt à long terme de tous les Canadiens.

L'approche qui a été adoptée aujourd'hui est plutôt étrange, parce que nous essayons d'exécuter la décision, de classer le dossier Pearson et de payer comme il se doit les gens qui, malheureusement, ont conclu une mauvaise entente avec l'ancien gouvernement.


3513

(1355)

Nous essayons de classer ce dossier pour pouvoir repartir à neuf, à Toronto. Le député sait sûrement qu'il y a beaucoup de chômeurs à Toronto et que nous n'avons pas l'intention de laisser indéfiniment l'aéroport Pearson dans l'état où il se trouve actuellement.

Nous voudrions faire de ce projet un projet du gouvernement du Canada, car, comme le député l'a si bien reconnu, il s'agit d'un bien du gouvernement qui génère des profits pour les Canadiens. C'est ce qui explique en partie que nous ne voulions pas donner suite à cette entente. Elle n'était pas avantageuse pour les contribuables.

Je ne pense pas que ce soit la chose à faire que de mêler, comme on le fait aujourd'hui, la question du lobbying aux mesures prévues par ce projet de loi. Le député ne pense-t-il pas qu'il vaudrait mieux attendre, pour discuter des activités des lobbyistes en général ou de celles qui concernent plus particulièrement l'Aéroport international Pearson, que soit déposé le projet de loi sur l'enregistrement des lobbyistes, cette mesure qui sera étudiée non seulement à la Chambre, mais aussi en comité? Ainsi, nous ne ralentirions pas tout le processus. Nous en aurions terminé de ce projet de loi.

[Français]

M. Lebel: Madame la Présidente, je l'ai dit tantôt, je le répéterai parce que les libéraux comprennent ce qui fait leur affaire et ce qui apporte de l'eau à leur moulin. Quand on déposera le projet de loi ou le code d'éthique ou le code de déontologie, prochainement, il ne sera pas pertinent de traiter des cas passés. Cela, le député qui a posé la question le sait pertinemment. Il est en train d'essayer de me tendre un piège. Il sait qu'on ne pourra pas traiter de l'histoire de l'aéroport Pearson au moment où ils se décideront enfin à déposer leur loi.

On discutera des principes de la loi elle-même, de ses forces ou de ses faiblesses, j'en anticipe plusieurs. Mais on ne pourra pas parler de toute la véritable magouille qui a prévalu dans la saga de l'aéroport de Toronto et il le sait mieux que moi parce qu'il a beaucoup plus d'expérience. Je ne comprends pas que les libéraux, qui se sont élevés pendant la campagne électorale pour bannir ce contrat qu'on était en train de signer, soient devenus tout moutons parce qu'ils ont constaté depuis le 7 octobre, date de la signature du contrat, qu'il y avait une partie de leurs amis qui étaient impliqués dans ce contrat. C'est pour ça le dédommagement de l'article?

Des voix: Bravo.

M. Plamondon: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Je suis debout depuis une minute et la coutume veut qu'après qu'un député ait posé une question au député du Bloc, ce soit ensuite un député d'un autre parti qui s'adresse à l'orateur précédent. Alors, je me demande pourquoi vous ne me reconnaissez pas plutôt que le député qui se lève.

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'orateur était un orateur du Bloc québécois. M. Mills s'est levé pour les questions et commentaires et la coutume veut qu'on reconnaisse le parti opposé. Dans ce cas, l'orateur était du Bloc québécois.

M. Plamondon: Madame la Présidente, j'aimerais que vous consultiez les greffiers et le Règlement. C'est celui qui se lève le premier qui a le droit de parole et s'il y a plusieurs personnes qui se lèvent en même temps, vous respectez la tradition d'alterner de parti en parti. Mais lorsque je suis debout depuis une minute, mon droit de parole est évident. Il n'y a personne d'autres partis qui se soit levé et j'ai la priorité pour m'adresser à l'orateur précédent. Je vous demande de consulter et de rendre une nouvelle décision.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Madame la Présidente, je pourrais peut-être clarifier la situation. J'étais sur le point de prendre part au débat, et c'est pourquoi je me suis levé. Quand j'ai vu le député du Bloc se lever tout d'un coup, je me suis rassis. Il reste encore quelques minutes.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je vais revenir à l'honorable député de Richelieu. Il est vrai que le secrétaire parlementaire désirait prendre la parole, mais il y avait un autre député en arrière. Alors je m'excuse, ce n'était pas que je vous oubliais ni que je vous ignorais, c'est absolument à l'opposé.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Madame la Présidente, je veux répondre à une observation du député qui visait essentiellement à prêter des intentions au gouvernement. Je sais que le Président met souvent les députés en garde de ne pas prêter d'intentions dans leurs propos.

Le député a dit que le gouvernement libéral avait annulé l'entente pour pouvoir plutôt favoriser les siens. J'ai trouvé cela de très mauvais goût. J'invite le député à lire le rapport de M. Nixon et à se faire une idée, à savoir si le processus comportait vraiment des lacunes et si le gouvernement a eu raison d'annuler l'entente. Au lieu de prêter des intentions au Parti libéral, il devrait tirer ses propres conclusions. Ce n'était pas une bonne entente. Elle a été annulée, et le gouvernement a ainsi fait preuve de bon sens.

Le Président: À l'ordre. Il semble que j'arrive au coeur d'un débat passablement animé.

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

3514


3514

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA JUSTICE

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain): Monsieur le Président, l'avant-projet de modification du Code criminel et du Tarif des douanes, que le ministre de la Justice a déposé la semaine dernière pour contrer la prolifération des cartes et des jeux de société sur les tueurs en série, signale clairement à tous les Canadiens que notre ministre de la Justice est à l'écoute et qu'il réagira promptement pour apporter les changements nécessaires à notre système de justice.

Comme le ministre l'a dit, en tant que société, nous devons empêcher que les enfants et les jeunes soient exposés à du matériel qui exploite la violence, la cruauté et l'horreur. Il faut aussi équilibrer cet objectif en préservant l'application des importantes garanties prévues dans la Charte des droits et des libertés au chapitre de la liberté d'expression.

Notre gouvernement veut rendre plus sûrs nos rues, nos foyers et nos collectivités. La menace de violence qui s'infiltre dans notre société inquiète et trouble la plupart des Canadiens. En cherchant à interdire la vente ou la distribution de matériel qui exploite la violence, nous rendons un grand service non seulement à la majorité des Canadiens respectueux de la loi, mais aussi aux jeunes qui méritent de se développer pleinement sans que leurs intérêts et leurs talents soient teintés de telles influences négatives.

* * *

[Français]

L'AFRIQUE DU SUD

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, la journée d'aujourd'hui restera longtemps dans la mémoire des hommes et des femmes du monde entier. Nos institutions parlementaires démocratiques s'inscrivent désormais dans la réalité politique sud-africaine car, depuis ce matin, pour la première fois, des Noirs de tous les villages et villes de l'Afrique du Sud ont débuté le vote qui conduira à l'élection démocratique de leurs représentants.

On ne peut rester indifférents, comme parlementaires, à un témoignage venant d'une personne âgée qui nous dit: «Je peux mourir maintenant, car j'ai voté pour la première fois de ma vie.»

Malgré les attentats et la violence, malgré les obstacles nombreux qui se dressent sur le chemin de la démocratie sud-africaine, nous sommes confiants que le peuple sud-africain vaincra.

[Traduction]

KURT BROWNING

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, dimanche dernier, j'ai assisté à Caroline, en Alberta, au coeur de ma circonscription de Red Deer, à un événement qui m'a vraiment rendu très fier d'être Canadien.

Le village de Caroline a organisé un barbecue pour rendre hommage à un modèle pour tous les Canadiens, M. Kurt Browning. Les gens sont venus de tous les coins de ma circonscription et de bien plus loin pour célébrer les exploits de ce Canadien de renommée internationale. Les honneurs remportés par Kurt rejaillissent non seulement sur la localité de Caroline, mais également sur toute l'Alberta et le Canada dans son ensemble. Ses quatre championnats mondiaux sont une inspiration pour tous les Canadiens. Les exploits de Kurt et sa détermination bien canadienne donnent aux Canadiens un sentiment de fierté et d'identification nationale dont nous avons vraiment besoin pour unir notre pays.

La fierté qui se lisait sur tous les visages est bien canadienne. Kurt nous donne sans cesse des preuves de sa belle personnalité et de son grand amour pour les gens de notre pays. C'est pourquoi je demande à la Chambre de saluer un véritable champion canadien, M. Kurt Browning.

Des voix: Bravo!

* * *

(1405)

LE CENTRE D'APPRENTISSAGE INTERCULTUREL

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, le Centre de formation interculturelle de London est un établissement d'enseignement multidisciplinaire qui sert les nouveaux arrivants au Canada depuis plus de 25 ans. Ce centre offre maintenant une combinaison unique de programmes et de services basés sur l'initiation aux différences culturelles au sein de la collectivité.

Pour favoriser l'éducation interculturelle dans la collectivité, cet établissement compte un centre d'information et reçoit régulièrement des conférenciers extérieurs, en plus de présenter des films et d'organiser des expositions spéciales. En outre, il collabore avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et la collectivité pour donner des cours de langue pour les immigrants au Canada, des CLIC.

Il y a une diversité culturelle croissante dans la collectivité de London-Middlesex, et je félicite de leur dévouement et de leurs efforts les gens qui ont réussi à créer un centre d'apprentissage interculturel aussi unique que celui-là.

* * *

LE TOURISME

M. John Maloney (Erie): Monsieur le Président, le tourisme est très important pour l'économie de la circonscription d'Erie et, en fait, de toute la région de Niagara.


3515

C'est une industrie qui peut employer plus de gens qu'elle n'en emploie actuellement dans cette région où le taux de chômage est très élevé. L'industrie du tourisme met à contribution des entreprises, petites et grandes, des hommes et des femmes d'affaires de tous les milieux, des jeunes et des personnes âgées. Nous devons examiner les besoins de ces gens et de l'industrie touristique afin de les aider non seulement à survivre, mais aussi à prospérer.

Le tourisme, au Canada, est une industrie de 28 milliards de dollars. Les petites et les moyennes entreprises forment la grande majorité des 60 000 entreprises touristiques de notre pays. On estime que les différents paliers de gouvernement retirent chaque année du tourisme des recettes fiscales de l'ordre de 11 milliards de dollars. Le tourisme est donc un important secteur de l'économie.

Malgré cela, en 1993, nous avons eu un déficit commercial de huit milliards de dollars, dont environ 5,5 milliards de dollars avec les États-Unis. Nous pouvons et nous devons faire mieux.

* * *

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, jeudi, CNN a signalé que, en raison de la faiblesse du dollar canadien, les Américains venaient en masse dans les localités frontalières canadiennes pour y acheter des voitures neuves. Les Américains ont constaté qu'ils pouvaient économiser des milliers de dollars en achetant au Canada.

Cela pose un problème. Non, cela ne concerne aucun des deux gouvernements nationaux. Grâce à la libéralisation des échanges, ces ventes sont maintenant autorisées. Le problème, ce sont plutôt les trois grands de l'automobile qui interdisent à leurs concessionnaires de vendre des voitures pour l'exportation.

Les trois grands ont en effet menacé leurs concessionnaires de rompre leur contrat de franchise s'ils vendent des voitures pour l'exportation. Cela va à l'encontre des concessionnaires qui disent que, si on les y autorisait, ils pourraient vendre des centaines de voitures à nos voisins américains. Cette mesure est préjudiciable à ces concessionnaires puisque leurs compétiteurs qui ne sont pas associés aux trois grands ne sont pas tenus de se plier à cette interdiction.

Les milieux d'affaires se plaignent depuis longtemps qu'avec ses lois commerciales importunes, le gouvernement nuit à leurs efforts de vente. Le gouvernement y a vu, mais voilà que ce sont les grandes entreprises qui s'emploient à renforcer les barrières non tarifaires. L'économie canadienne souffre du magasinage transfrontalier depuis trop longtemps. Le moment est venu de renverser la tendance et de profiter de la situation pendant qu'elle nous est encore favorable.

* * *

[Français]

LA COTE DE CRÉDIT DU CANADA

M. Jean Landry (Lotbinière): Monsieur le Président, hier, le président de Moody's de New York affirmait: «Les élections au Québec ne constituent pas un facteur à analyser en ce qui a trait à la réévaluation de la cote de crédit canadienne.» Le président de Moody's a confirmé que c'est en raison de la situation financière du pays et des dettes élevées que la cote de crédit du Canada est sous surveillance. Le résultat de l'évaluation en cours pourrait s'avérer coûteux en ce qui a trait aux taux d'intérêt élevés.

En fait, depuis le dépôt du premier budget libéral, l'écart entre les taux d'intérêt canadiens et les taux d'intérêt américains a grandement augmenté. Cette réaction des marchés provient du fait que les investisseurs étrangers sont inquiets de l'absence de mesures concrètes de lutte au déficit du premier budget libéral.

Les déclarations du président de Moody's viennent confirmer que c'est l'état lamentable des finances publiques qui explique les soubresauts récents du marché et non la situation politique interne du Canada.

* * *

[Traduction]

LE CURLING

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, c'est avec fierté et plaisir que je prends aujourd'hui la parole pour rendre une nouvelle fois hommage aux curleurs canadiens.

Pour la première fois, les principales équipes canadiennes de curling ont raflé des championnats mondiaux. Que ce soit dans la catégorie femmes et hommes seniors ou dans la catégorie femmes et hommes juniors, les curleurs canadiens ont raflé la médaille d'or.

Je tiens à féliciter particulièrement Elaine Dagg-Jackson, de Saanich-Les îles-du-Golfe, qui était à la tête de l'équipe canadienne junior de curling mondial. Elaine et les membres de son équipe ont prouvé que le Canada était un champion mondial du curling. Même dans les parties serrées, ils ont toujours atteint le bouton.

Je suis sûr que tous les députés se joignent à moi pour féliciter ces remarquables athlètes.

* * *

[Français]

LE BILINGUISME TERRITORIAL

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle): Monsieur le Président, la semaine dernière, un des députés du Parti réformiste présentait en cette Chambre une motion proposant qu'on modifie la Loi sur les langues officielles de manière à refléter le principe du bilinguisme territorial, c'est-à-dire des services fédéraux presque seulement en français au Québec et presque seulement en anglais dans le reste du Canada.

(1410)

Ce concept de bilinguisme territorial est aberrant et témoigne d'une profonde ignorance de l'histoire de la fondation de notre pays. Une telle idée fait abstraction de notre identité nationale canadienne et prône ni plus ni moins l'intolérance.

Après un quart de siècle d'existence de la politique de langues officielles du gouvernement fédéral, elle fait sans équivoque partie intégrante de l'identité canadienne.


3516

Selon un sondage Angus Reid mené en mai 1993, près de 70 p. 100 des Canadiens voient d'un bon oeil que le gouvernement fédéral favorise et encourage l'épanouissement des minorités de langue officielle.

Il est inconcevable qu'on ose proposer un retour en arrière!

* * *

[Traduction]

L'INSTITUT DE RECHERCHE EFAMOL

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour sensibiliser la Chambre à d'intéressants travaux de recherche et de développement actuellement en cours à l'Institut de recherche EFAMOL, dans ma circonscription, Annapolis Valley-Hants.

Cet institut est le leader mondial de la recherche sur les avantages médicaux dérivés de l'huile d'onagre. Il se concentre sur la recherche de nouveaux traitements pour le cancer, le sida, le diabète, les maladies cardio-vasculaires et l'arthrite.

L'EFAMOL est l'huile d'onagre utilisée dans plus de 95 p. 100 de tous les essais médicaux publiés. Cette substance est généralement considérée comme l'huile d'onagre la mieux étudiée sur le marché.

Le mercredi 4 mai, la société de recherche EFAMOL procédera à l'inauguration de son nouveau laboratoire de recherche et de développement. Je demande à tous les députés de se joindre à moi pour féliciter les membres de l'Institut de recherche EFAMOL pour leur travaux de calibre mondial dans ce domaine.

* * *

LA SOCIÉTÉ BINNEY AND SMITH (CANADA)

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton): Monsieur le Président, la société Binney and Smith (Canada) n'est peut-être pas un nom familier pour la majorité des Canadiens, mais, en y regardant de plus près, vous constaterez certainement que ce n'est pas votre cas.

La société s'est établie au Canada en 1926. En 1933, elle est déménagée à Lindsay, en Ontario, et a été rebaptisée la Canada Crayon Company. Dès 1934, la société a commencé à fabriquer les crayons Crayola et elle est devenue, en 1958, une filiale à part entière de la Binney and Smith Incorporated. Elle est actuellement le seul fabriquant de crayons de couleur au Canada.

Mais elle en produit et combien! L'an dernier, 185 employés ont produit 150 millions de crayons et 30 millions de crayons marqueurs. Cette société est un modèle de réussite dont toutes les entreprises canadiennes devraient s'inspirer. En 1992, la gamme complète de produits de cette société a été nommée Jouet de l'année par le Conseil canadien d'évaluation des jouets. En septembre de l'année dernière, elle a été l'un des cinq lauréats du Outstanding Business Achievement Award décerné par la Chambre de commerce de l'Ontario en reconnaissance de la qualité exceptionnelle de ses produits et de son excellence en tant qu'entreprise commerciale.

Nous rendons hommage à une grande société canadienne, la Binney and Smith (Canada) de Lindsay, en Ontario.

* * *

[Français]

LE IRVING WHALE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, la famille Irving essaie une fois de plus de se défiler de ses obligations auprès des contribuables canadiens. Dans une habile tentative de diversion, la compagnie proposait que les frais de renflouement de la barge échouée soient payés par la Caisse d'indemnisation financée par l'industrie du pétrole.

Il semble que la Caisse en question ne pourrait contribuer puisqu'elle fut créée après l'accident. Ottawa n'a toujours pas indiqué qui paiera pour cette opération. Connaissant la réputation apatride de la famille Irving, dont une partie des affaires échappe au fisc canadien en raison de son implantation aux Bermudes, les contribuables sont en droit de s'inquiéter face à la décision que prendra le gouvernement.

Il appartient au gouvernement de faire payer les responsables de cette situation. Le comité Gagnon-Easter a été muet à ce sujet

* * *

[Traduction]

L'AFRIQUE DU SUD

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, les premières élections multiraciales en Afrique du Sud débutent aujourd'hui.

Ces élections constituent une première dans ce pays et marquent la fin du racisme institutionnalisé. Elles sont également l'aboutissement d'années de dur travail pour de nombreux citoyens de ce pays.

Je formule l'espoir et le voeu que ces élections se déroulent de façon juste et équitable et que les membres du nouveau gouvernement multiracial parviendront à travailler ensemble à la réalisation d'un avenir pacifique et prospère pour tous.

Seules la tolérance, la compréhension et la modération permettront à la population de ce pays magnifique d'enterrer son sombre passé. L'Afrique du Sud a appris que l'égalité de tous est indispensable à la paix dans une société et que le fait de conférer un statut spécial à certains groupes aux dépens d'autres groupes ne peut qu'engendrer les conflits et la division.

(1415)

J'espère que les Canadiens sauront en tirer la leçon qui s'impose pour régler leurs propres problèmes constitutionnels. J'invite personnellement les Canadiens de toutes les régions et de toutes les races à pratiquer la tolérance et la compréhension mutuelles.

3517

LE SOLDAT GEORGE ANDERSON

L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges): Monsieur le Président, je voudrais saluer le courage d'un jeune homme, un de mes électeurs, le soldat George Anderson, de Cape Ray, à Terre-Neuve.

Les députés sauront qu'il est un des deux casques bleus canadiens qui ont été gravement blessés dimanche dernier, en Croatie, au cours d'un incident où il a perdu un oeil et la partie inférieure de ses deux jambes, pendant qu'il faisait sa part pour aider à rétablir la paix et la stabilité dans cette région du monde.

Hier soir, je suis allé voir sa famille, Ralph et Mary, ses parents, et Angela et Leroy, sa soeur et son frère. Son père m'a dit qu'il savait que cet endroit était dangereux.

Je voudrais me faire le porte-parole des députés pour dire à ce soldat et à sa famille que nos pensées et nos prières l'accompagnent en cette période très difficile de sa vie.

* * *

L'ÉCOLE SECONDAIRE DE YARMOUTH

M. Harry Verran (South West Nova): Monsieur le Président, je profite de cette occasion pour souhaiter la bienvenue à un groupe d'élèves de 12e année de l'École secondaire de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, la plus grande ville de la circonscription de South West Nova.

M. Ken Langille et son groupe effectuent dans la capitale une visite parrainée par la société du barreau. Ces jeunes ont recueilli les fonds nécessaires à ce voyage en rédigeant, en publiant et en vendant une revue qui décrit diverses activités et affaires criminelles.

M. Ken Langille est bien connu dans tout le système d'enseignement de la Nouvelle-Écosse comme un enseignant innovateur pour ce qui est de notre système pénal.

Au nom du gouvernement et de la Chambre, nous sommes très heureux de les accueillir à Ottawa. J'espère qu'ils trouveront leur voyage éducatif et enrichissant. Je sais que tous les députés se joindront à moi pour leur souhaiter du succès et un bon voyage de retour.

_____________________________________________


3517

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE PROGRAMME D'ADAPTATION DES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Par son programme d'adaptation des pêches de l'Atlantique, le gouvernement obligera les pêcheurs à signer un contrat les engageant à suivre des cours de formation, de rattrapage scolaire ou à faire des travaux communautaires. Autrement, ils ne pourront pas recevoir les bénéfices du programme. Le ministre du Développement des ressources humaines a même confirmé que sa réforme pourrait étendre l'imposition de ce contrat à l'ensemble des programmes sociaux d'un océan à l'autre.

Je demande au premier ministre de nous indiquer si, par sa réforme, il entend obliger les chômeurs et les assistés sociaux à suivre des cours et à faire des travaux pour pouvoir toucher les prestations auxquelles ils ont droit et je lui demande de nous dire s'il reconnaît que la généralisation d'un tel contrat ne serait pas légale actuellement.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, comme c'est une situation tout à fait exceptionnelle d'avoir des gens qui ont perdu globalement le moyen de gagner leur vie, en collaboration avec le gouvernement provincial de Terre-Neuve, nous avons essayé de faire un programme qui pourrait aider ces gens-là à se replacer dans la vie.

Comme on sait qu'il y aura la moitié des pêcheurs qui ne pourront pas retourner pêcher, ils ont besoin de se réadapter au marché du travail, c'est pourquoi nous avons préparé un plan global comme celui-là et nous voulons que ceux qui ne pourront pas retourner au travail dans les pêcheries soient aptes à retourner au travail ailleurs et ils recevront leur formation dans les maisons d'éducation des provinces concernées.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Il semble y avoir une contradiction, encore une fois, entre le premier ministre et le ministre porteur du dossier, puisque le premier ministre nous dit que le programme des pêcheurs a été façonné en fonction d'un besoin très spécifique et que, donc, il serait limité aux pêcheurs. Pourtant, le ministre, lui, a laissé entendre que l'ensemble des programmes sociaux pourrait être soumis à ce genre d'imposition.

(1420)

Je demande donc au premier ministre s'il peut nous dire si l'opposition farouche de plusieurs provinces à son programme de réforme sociale s'explique par leur refus d'endosser l'approche coercitive que privilégie son ministre.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, ce que mon ministre essaie de faire, en ce moment, c'est de s'entendre avec les provinces. Elles ont demandé des délais pour pouvoir étudier de façon plus approfondie quelles sont les meilleures méthodes d'adaptation pour les gens qui veulent revenir au travail, ce qui, pour nous, est prioritaire. Ce que nous voulons, c'est que les gens retournent au travail, qu'ils aient la dignité du travail, la satisfaction de gagner le pain et le beurre de leur famille. C'est pourquoi le ministère du Développement des ressources humaines négocie et discute avec les provinces en ce moment, parce que nous avons, tout comme elles, des programmes et nous préférons trouver une solution qui soit convenable et aux provinces et au gouvernement fédéral.

Notre souhait est que les gens puissent se recycler et se préparer pour être capables de gagner honorablement leur vie.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, premièrement tout le monde sait que, contrairement à ce que prétend le premier ministre, ça ne négocie pas bien fort, puisque les provinces, en tout cas plusieurs d'entre elles, ont refusé d'assister à la dernière conférence fédérale-provinciale que le ministre voulait tenir à ce sujet.


3518

Deuxièmement, les provinces savent bien que le premier ministre, dans toutes ses réponses, laisse entendre que si elles n'acceptent pas son point de vue, il va le leur imposer.

Alors, je lui demande s'il faut comprendre qu'il cherche à casser les provinces les plus pauvres en brandissant la menace d'une réduction substantielle des paiements de transfert.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le chef de l'opposition est tout à fait dans l'erreur. Il est regrettable qu'il passe tout son temps à la Chambre à parler de difficultés qui n'existent même pas.

La réalité, c'est que nous venons tout juste, la semaine dernière à peine, de rencontrer les ministres provinciaux qui sont toujours déterminés à collaborer, pour réformer complètement les programmes devant aider à remettre les Canadiens au travail.

Il n'y a au Canada qu'une seule personne avec son groupe qui souhaitent l'échec de ces programmes, et c'est le chef de l'opposition.

* * *

[Français]

LE PROJET HIBERNIA

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, le projet Hibernia était déjà loin de faire la preuve de sa rentabilité. En raison des dépassements de coûts annoncés, le coût de production d'un baril de pétrole d'Hibernia serait nettement plus élevé que les cours sur les marchés internationaux. L'injection d'investissements additionnels du gouvernement est tout à fait injustifiable. Défendre la rentabilité d'Hibernia apparaît comme un acte de foi dont nous n'avons plus les moyens.

Ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles, bien sûr. Comment la ministre peut-elle invoquer la rentabilité du gouffre financier d'Hibernia, alors qu'il semble assuré qu'il en coûtera plus cher d'extraire le pétrole de la nappe d'Hibernia que les prix du pétrole sur les marchés internationaux?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, pour répondre à la question du député, je dirai d'abord que nous avons pris des engagements contractuels. Nous sommes l'un des cinq propriétaires du projet Hibernia, dans lequel nous avons un intérêt de 8,5 p. 100. Nous devons respecter nos engagements contractuels. Nous allons donc assumer 8,5 p. 100 de tous les dépassements de coûts.

Je me permets d'ajouter qu'au gouvernement, nous continuons de croire que le projet Hibernia sera rentable d'ici 18 à 20 semaines.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, doit-on comprendre qu'après avoir engagé 4 milliards dans la construction d'Hibernia, le gouvernement est en train de nous dire qu'il a le bras dans le tordeur, qu'il ne peut plus reculer et qu'il ira de l'avant coûte que coûte, en continuant d'engloutir des millions de dollars pris dans la poche des contribuables?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, je tiens d'abord à rectifier les faits. Le gouvernement n'a pas investi 4 milliards de dollars dans le projet Hibernia. Le coût total du projet devrait s'élever à 5,2 milliards de dollars à répartir entre tous les coparticipants.

(1425)

Il est donc absolument faux de prétendre que le gouvernement fédéral a investi 4 milliards de dollars et, malheureusement, c'est une déformation de la situation actuelle.

De plus, permettez-moi de réitérer l'opinion du gouvernement, qui est confortée par les prévisions ainsi que par les données que j'ai en main, et selon laquelle le projet Hibernia sera vraisemblablement rentable au bout du compte et représentera un élément important de la sécurité énergétique à long terme des Canadiens.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le Fonds monétaire international et la maison Moody's Investors Service ont encore une fois exprimé certaines inquiétudes devant les dépenses excessives du gouvernement du Canada. Il n'y a pas que l'ampleur du déficit et de la dette qui inquiète le marché monétaire, il y a aussi l'incapacité apparente du gouvernement fédéral de mettre un frein à ses dépenses excessives.

Quelles mesures, le gouvernement prendra-t-il pour permettre au Conseil du Trésor, aux gestionnaires des ministères et au Parlement lui-même de juguler les dépenses fédérales?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je répondrai à la question en disant que nous travaillons en permanence à la recherche de moyens.

Il suffit de lire le budget. Nous y disons que nous allons prendre des mesures pour réduire radicalement le déficit et nous sommes convaincus que nous aurons réussi à le ramener à 3 p. 100 du PIB dans trois ans. Nous travaillons constamment pour atteindre cet objectif.

Par exemple, le ministre de l'immigration a annulé tous les postes de juges de la citoyenneté, ce qui se traduira par des millions de dollars d'économies.

J'attends encore que le député me fasse parvenir sa liste de compressions. Dès que nous réduisons les dépenses dans un programme, nos vis-à-vis nous disent que ce n'est pas là qu'il faut couper. Par exemple, j'ai reçu des plaintes de citoyens de la


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province du député parce que nous avions réduit le budget de la Défense nationale. Les choix ne sont pas faciles. Nous faisons de notre mieux. Nous avons présenté un plan qui a permis de nous faire élire et nous allons livrer la marchandise.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je remercie le premier ministre pour sa réponse. Il a peut-être pris un peu de retard dans ses lectures. Nous avons déposé à la Chambre une liste de compressions totalisant 20 milliards de dollars qu'il serait possible de faire au cours des trois prochaines années. C'était notre contribution au règlement du problème des dépenses.

Ma question supplémentaire propose au premier ministre d'envoyer un message encourageant au marché monétaire en invitant ouvertement les comités parlementaires à ne plus se contenter d'approuver automatiquement les crédits prévus, mais à les réduire.

Le premier ministre peut-il dire à la Chambre que, si les comités proposaient de réduire les crédits qui sont soumis à leur examen, le gouvernement accepterait ces propositions et n'y verrait pas l'expression d'une défiance face à son budget?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous examinons toutes les dépenses. Si les comités veulent faire davantage de recommandations, nous serons heureux de les examiner, mais il y a certains secteurs où, par principe, nous n'accepterons aucune compression.

Nous n'éliminerons pas l'assurance-maladie au Canada, même si des députés nous le demandent.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Très bien, il y en a en face qui applaudissent. Est-ce qu'il y a des députés qui veulent que nous éliminions les pensions de vieillesse?

Des voix: Non.

M. Chrétien (Saint-Maurice): D'accord. Est-ce qu'il y a des députés qui veulent que nous mettions fin aux transferts. . .

Des voix: Bravo!

Des voix: Encore, encore.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, c'est maintenant à nous qu'on pose les questions. Nous serons heureux d'y répondre.

Sérieusement, le premier ministre n'a pas répondu à ma question simple et directe. Je la répète. Tout ce que nous voulons, c'est une réponse directe. Le premier ministre peut-il nous garantir que, si les comités proposaient des réductions dans les dépenses prévues, le gouvernement les accepterait et n'y verrait pas une expression de défiance face à son budget?

(1430)

Je ne demande pas cela uniquement au nom des membres des comités qui siègent de ce côté-ci de la Chambre, mais au nom des députés de tous les partis.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, les crédits sont étudiés par les comités, et ceux-ci nous font des recommandations. Nous en sommes satisfaits, c'est pour cela que nous avons des comités. Mais il est très facile de faire de grandes déclarations à la Chambre.

Chaque fois que je dis que nous allons réduire le budget d'un programme, le Parti réformiste s'y oppose. Qu'il se décide. Il est obsédé par un ou deux programmes, comme le bilinguisme. Il ne réduira pas le déficit en éliminant le programme de bilinguisme. De plus, le jour où nous devrons faire face à ces gens qui veulent se séparer du pays, il me reprochera de ne pas avoir voulu d'une politique pour préserver l'unité nationale.

Le Président: J'ai à nouveau cette vieille sensation bien connue.

* * *

[Français]

LA LOI ÉLECTORALE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Le directeur général des élections au Québec, M. Pierre-F. Côté, a reconnu hier que le premier ministre et ses ministres ne sont pas liés par les dispositions de la loi électorale du Québec, particulièrement au regard des dépenses électorales. Le premier ministre et ses ministres peuvent ainsi dépenser comme ils le veulent pendant la campagne électorale sans rendre compte des frais encourus. Les autres députés fédéraux dont ceux du Bloc québécois sont, eux, tenus de se conformer aux dispositions de la loi.

Ma question est la suivante: Est-ce que le premier ministre s'engage au nom de l'ensemble des membres de son gouvernement à respecter l'esprit de la loi électorale du Québec lors de la prochaine campagne électorale, comme le lui demande, par souci d'équité démocratique, le directeur général des élections du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je n'ai pas lu ce rapport. Est-ce que vous avez peur que je fasse campagne au Québec?

Des voix: Oh! Oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Tant mieux! Je vais certainement trouver des occasions pour dire que ce sera un désastre pour les Québécois si les séparatistes sont élus.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Et ça ne coûte pas cher, je le dis ici dans cette Chambre, je n'ai pas l'intention d'abuser des privilèges que j'aurai comme premier ministre pendant la campagne électorale. Je vais respecter l'opinion des gens là-bas. C'est sûr que j'aurai l'occasion de m'exprimer et mes ministres aussi. Ne vous inquiétez pas. Nous n'avons pas l'intention d'abuser. Cependant, nous représentons le gouvernement, et le gouvernement a le droit de parole dans toute province quand il y a des élections, et nous allons nous servir de notre droit de parole. Mais je pense que M. Johnson n'est pas comme M. Parizeau: il


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n'a pas besoin de l'aide du palier fédéral pour gagner ses élections.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, nous souhaitons que le premier ministre vienne débattre des vraies questions au Québec. Cependant, nous ne voudrions pas payer pour des coups de la Brinks à même l'argent que l'on envoie à Ottawa, comme il l'a fait dans le passé avec ses amis et Trudeau.

Des voix: Bravo!

M. Duceppe: J'aimerais demander au premier ministre s'il peut s'engager à ne pas entreprendre de vastes campagnes publicitaires gouvernementales susceptibles d'aider la cause de son allié fédéraliste québécois? Est-ce qu'il peut s'engager à ne pas dilapider les fonds publics à des seules fins partisanes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, si l'honorable député veut me promettre que chaque député du Bloc québécois et chaque employé dans les bureaux de circonscription ne participeront pas du tout aux élections, qu'ils vont faire leur devoir comme députés et rester à Ottawa, je vais lui promettre de rester à Ottawa aussi.

Des voix: Oh! Oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Alors, s'ils ne sont pas d'accord à ce moment-ci. . .

(1435)

Non, non, c'est ça. Les 54 députés du Bloc québécois ont des employés payés par le fédéral pour s'occuper des problèmes fédéraux, et ils ne devraient pas faire la promotion de la séparation du Québec avec l'argent du fédéral.

Des voix: Bravo!

* * *

[Traduction]

LE PARC THÉMATIQUE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Outre les compressions budgétaires de 20 millions de dollars qui ont été déposées, nous avons un exemple très pratique. Hier, le premier ministre a parlé du vaste appui que le secteur privé accorde à la construction du parc thématique dont sa circonscription se verra favorisée.

Je signale au premier ministre qu'Hydro-Québec, qui fournit presque tout le financement prétendument privé, est une société d'État provinciale. En fait, les contribuables du Canada et du Québec avancent presque tous les fonds nécessaires à la réalisation de cette futilité.

Étant donné que ce parc thématique est presque entièrement financé par des fonds publics et non privés, le gouvernement fédéral retirera-t-il son appui à ce projet qui est voué à l'échec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le rapport dont s'inspire le député a été publié il y a deux ans. Depuis, le projet a été réexaminé et réduit, et les gouvernements provincial et fédéral ont convenu d'aménager ce parc. Dans la localité, cela fait longtemps qu'on travaille à ce projet.

S'il s'était agi d'un projet d'infrastructure, le gouvernement fédéral aurait payé le tiers du coût. Or, dans le cas présent, nous en payons moins de 20 p. 100. À lui seul, l'ouvrage nous rapportera tout probablement plus que notre part d'impôt sur le revenu et d'autres taxes.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, il est vraiment décevant de voir le gouvernement porter ainsi des oeillères. Selon le rapport du Bureau fédéral de développement régional, les entrées au parc rapporteront moins de la moitié des recettes prévues. Il en coûtera près de 900 000 $ par année de plus que prévu pour entretenir les installations et, pour bien fonctionner, le parc devra peut-être tripler son personnel.

Les faits montrent que ce parc à saveur de népotisme sera chaque année déficitaire.

Le gouvernement du premier ministre est-il disposé à renflouer tous les ans une affaire déficitaire, ou le premier ministre va-t-il faire preuve d'autorité et retirer l'appui du fédéral à cette futilité?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le député s'appuie sur un document qui, je le répète, a été rédigé en 1992. Depuis, le projet a été ramené à des dimensions plus raisonnables, et le groupe responsable a été bien averti par les gouvernements québécois et fédéral que, s'il n'arrivait pas à rentabiliser le projet, il ne devait pas compter sur notre aide à l'avenir.

Les gens du coin sont consciencieux et ils sont déterminés à assurer le succès de cette affaire, et je suis persuadé qu'ils y arriveront. Notre contribution n'est pas grande à côté de celle d'Hydro-Québec, une société indépendante du gouvernement. Comme tout député provincial vous le dira, elle fonctionne comme une société tout à fait indépendante.

* * *

[Français]

TRANSPORTS CANADA

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, dans un document de travail en provenance de Transports Canada, on nous apprenait que le ministre des Transports envisage de supprimer 14 000 emplois par la privatisation de plusieurs de ses activités et on évoque même la privatisation de l'ensemble des activités de la Garde côtière canadienne.


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Le ministre des Transports est-il en mesure de confirmer qu'il s'apprête à réduire de façon substantielle les effectifs de son ministère en supprimant 14 000 postes?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, comme l'honorable député le sait, dans le Budget, on a fait référence à un processus de commercialisation des activités de Transports Canada.

Nous allons regarder l'ensemble des activités dont le ministère est responsable et nous allons procéder à des consultations qui nous permettront de fournir aux Canadiens des services efficaces mais toujours sécuritaires. Lorsque la décision sera prise, on avisera l'honorable député.

(1440)

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, en complémentaire, le ministre peut-il nous confirmer que le gouvernement privatisera les activités de la Garde côtière, ce qui affaiblira la capacité concurrentielle des ports du Saint-Laurent en obligeant les armateurs à refiler une facture d'environ 200 millions de dollars par année?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, l'opposition officielle et d'autres partis représentés à la Chambre nous ont dit de mettre de l'ordre dans nos finances, que nous ne devons négliger aucun domaine où il est possible de réduire les coûts et d'améliorer l'efficience.

Nous allons examiner tout l'éventail des activités dont Transports Canada est responsable, celles de la Garde côtière comprises. Nous allons cependant prendre grand soin de nous acquitter de la responsabilité que les Canadiens nous ont confiée, soit de garantir leur sécurité dans tous les modes de transport. Mais toutes les possibilités seront envisagées en consultation avec les provinces et les clients que nous avons à servir.

Nous n'avons pris aucune décision sinon de faire de notre mieux pour appliquer, en matière de transports, une politique efficace et intégrée dans tous les domaines qui sont de notre ressort.

* * *

LE DÉPUTÉ DE SAINT-LÉONARD

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Des informations plutôt troublantes ont été publiées dans La Presse ce matin au sujet du député de Saint-Léonard. Le premier ministre a-t-il personnellement examiné le dossier de la GRC et la vérification de sécurité du député en question? Dans l'affirmative, le premier ministre peut-il garantir à la Chambre qu'il a la conviction que le député a eu une conduite irréprochable?

Le Président: À l'ordre. Des sujets délicats sont parfois soulevés à la Chambre. Je rappellerais à tous les députés que les questions doivent être exemptes de toute attaque contre la personne ou l'intégrité d'un autre député.

Néanmoins, ces questions, pourvu qu'elles relèvent de la responsabilité administrative du gouvernement, sont évidemment recevables. La dernière question me semble réglementaire, et je permettrai au très honorable premier ministre d'y répondre.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai effectivement étudié toute la situation à fond.

Lorsque je suis devenu chef de gouvernement, et même avant de former le Cabinet, j'ai demandé aux forces policières de faire enquête sur tous les députés de mon parti. Elles avaient des doutes au sujet de certains clients du député, mais rien du tout au sujet du député lui-même.

J'ai donc demandé au député s'il avait fait quelque chose de répréhensible et il m'a répondu que non. Il a demandé: «Comment est-ce que je peux faire disparaître tout doute dans mon dossier?» Je lui ai répondu: «Demandons à la police d'aller au fond de l'affaire.» En janvier, le greffier du Conseil privé m'a informé qu'il n'y avait aucune allégation retenue contre le député, qui est notre whip.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, je connais le député. Il a été whip de notre parti quand nous étions dans l'opposition et il s'est très bien acquitté de ses fonctions. Je lui ai demandé d'être whip de nouveau, et vous pouvez constater les résultats de son travail. Nous avons retranché 5 millions de dollars aux avantages indirects des députés.

Voici un autre bel exemple de son excellente administration. En 1988, lorsque 55 nouveaux députés ont été élus, le gouvernement précédent a dépensé 1,3 million de dollars pour installer tout le monde. Cette fois-ci, avec 205 nouveaux venus, le whip a réussi à limiter ces dépenses à 185 000 $. Il a économisé plus. . .

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Le Parlement serait en bien meilleure posture s'il pouvait compter sur un nombre beaucoup plus grand de Gagliano.

Des voix: Encore!

Des voix: Bravo!

(1445 )

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je voudrais remercier le premier ministre du soutien non équivoque qu'il a offert au député.

J'estime qu'il n'y a rien dans ces rapports. Y a-t-il un avantage à ce que le premier ministre dépose à la Chambre tant le rapport préliminaire que celui de janvier afin que les spéculations cessent une fois pour toutes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il y a une règle qui veut que l'on croit en la parole d'un député. C'est très malheureux parce que c'est une fuite qui vient d'on ne sait où.


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En cas de fuite semblable, un doute plane sur la personne en cause. Cet homme a été innocenté par tous. Je suis même surpris que la question soit soulevée à la Chambre. À cause d'une fuite, des gens peuvent porter contre l'un d'entre nous des accusations qui ne sont pas fondées. Le simple fait que la presse en fasse état laisse planer un doute sur la personne en question. C'est terriblement injuste.

À mon avis, cet homme-là jouit de notre appui. Il a été un excellent député et il m'a donné une explication très satisfaisante. Je suis très fier qu'il fasse partie de mon caucus.

* * *

[Français]

BIOVAC

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Le 8 juin 1992, BioVac du Québec déposait une demande d'homologation pour son vaccin BCG-cancer. Après 22 mois, cette demande est toujours en attente. La compagnie Connaught a déposé une demande d'homologation pour un vaccin semblable, le 2 mars 1989, qui a été accordée après seulement 14 mois. Le retard dans l'homologation de son vaccin cause de sérieux préjudices commerciaux à BioVac qui risque de perdre d'importants contrats.

La ministre peut-elle nous expliquer les raisons qui retardent indûment l'homologation du vaccin BCG-cancer de BioVac?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je ne peux vous donner d'opinion sur ce qui s'est passé avant que je n'arrive au ministère de la Santé. Mais je peux vous dire qu'il y a plusieurs raisons pour expliquer des délais. Dans ce cas-ci, si vous voulez, on peut étudier la question un peu plus en détail et vous répondre plus tard. Vous devez être assuré que nous souhaitons toujours servir le peuple canadien du mieux possible.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, j'aimerais faire remarquer à madame la ministre que j'ai déjà posé cette question dans l'antichambre et j'attends toujours une réponse. Alors, j'aimerais bien qu'elle m'explique quelle est cette situation de deux poids, deux mesures où BioVac, après 22 mois, attend toujours une réponse du ministère, qui n'a mis que 14 mois, dans le cas de Connaught, pour l'homologation de son vaccin.

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je suis toujours intéressée à répondre aux questions de l'honorable députée. Lorsque j'aurai une réponse je la lui donnerai.

* * *

[Traduction]

LE TRAITÉ SUR LE SAUMON DU PACIFIQUE

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

La plus récente session tenue dans le cadre des négociations de 1993-1994 concernant le Traité sur le saumon du Pacifique n'a donné aucun résultat. Les négociations avec les États-Unis sont encore une fois dans une impasse, ce qui aura des conséquences graves du point de vue de la conservation en 1994 et au cours des années subséquentes. Cet échec aura aussi des conséquences sur les relations entre le Canada et les États-Unis dans le domaine des pêches.

Le ministre pourrait-il dire à la Chambre quelles autres mesures le gouvernement compte prendre pour en arriver à une entente avec les États-Unis et pour protéger nos pêcheurs et nos ressources en vertu du droit international?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je veux remercier le député pour sa question sur ces négociations à la fois importantes et inquiétantes.

Nous avons fait tout ce que nous pouvons pour faire avancer les négociations et pour éviter tout conflit avec les Américains au sujet du plan de gestion du saumon du Pacifique cette année. Pas plus tard que la semaine dernière, le premier ministre a soulevé la question directement auprès du président des États-Unis, précisant qu'il s'agissait là d'une importante affaire à régler entre les deux pays.

(1450)

Je serai en Colombie-Britannique cette semaine pour rencontrer les représentants de l'industrie et pour les consulter avant que le Canada n'aille plus loin dans cette affaire.

D'après ce que les États-Unis nous ont laissés savoir jusqu'à maintenant, ils veulent un accès accru au saumon canadien-60 ou 70 millions de dollars de plus pour être plus précis-et ils veulent que les pêcheurs canadiens aient un accès réduit à notre propre saumon et au saumon américain. En fait, ils veulent que le déséquilibre qui existe depuis neuf ans soit maintenu. Je peux assurer à la Chambre que cela ne se produira pas.

* * *

LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, alors que les Sud-Africains votent aujourd'hui à l'occasion de leurs premières élections vraiment démocratiques, la démocratie canadienne vient de subir un recul.

Le projet de loi C-18, qui est conçu pour bloquer le redécoupage de la carte électorale jusqu'au siècle prochain, a été carrément condamné au Canada, notamment en Colombie-Britannique où il a été dénoncé par tous les partis, y compris les libéraux provinciaux.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement à la Chambre. Le gouvernement retirera-t-il son projet de loi C-18, maintenant que des audiences publiques sont en cours, afin d'éviter le risque de contestations constitutionnelles et une confrontation inutile avec le Sénat?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, nous sommes convaincus que le projet de loi est constitutionnel. Il a reçu l'appui de la Chambre, et je suis impatient d'en discuter avec les membres de l'autre endroit.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je suis évidemment déçu de cette réponse.


3523

Les raisons pour lesquelles on a présenté ce projet de loi ont donné lieu à bien des conjectures. Le Globe and Mail a rapporté le 25 mars que le leader du gouvernement à la Chambre avait promis à une réunion de députés libéraux tenue à huis-clos au début de mars qu'il bloquerait le redécoupage de la carte électorale pour répondre aux besoins politiques et sectaires des députés libéraux ontariens.

Le ministre confirmera-t-il à la Chambre que la réunion dont fait état le Globe and Mail a bien eu lieu?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, il est considéré inconvenant de prêter des intentions à la Chambre, comme le député devrait maintenant le savoir.

La pertinence du processus de redélimitation des circonscriptions électorales a été mise en doute dans de nombreux coins de la Chambre et dans de nombreuses provinces; on doute en effet qu'il reconnaisse des facteurs comme la communauté d'intérêts, l'unité géographique et ainsi de suite.

Encore une fois, je tiens à dire que je suis impatient de discuter du projet de loi avec les membres de l'autre endroit. Quant aux députés libéraux de l'Ontario, ils ont montré lors des dernières élections qu'ils peuvent très bien se débrouiller par leurs propres moyens.

* * *

[Français]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE L'HÉMOPHILIE

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé, dans l'espoir d'être plus chanceux que ma collègue de Drummond.

Un groupe d'experts internationaux a récemment été assigné à la Commission Krever sur le sang contaminé afin d'effectuer une étude comparative des meilleurs systèmes d'approvisionnement sanguin au monde et de faire des recommandations pour améliorer le système d'approvisionnement des produits sanguins au Canada.

Pourquoi la ministre accorde-t-elle des sommes très importantes à ces experts internationaux, alors que la Société canadienne de l'hémophilie attend toujours l'argent nécessaire pour représenter adéquatement ses propres membres à la commission?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, le juge Krever qui est en charge de l'enquête dépense son argent comme il le juge nécessaire, et c'est lui qui a embauché ces experts. Nous continuons nos démarches envers la commission. Il faut dire qu'il n'y a eu de problème en aucun cas jusqu'ici. Les gens qui veulent participer à la commission en ont le droit et disposent même de l'argent nécessaire pour comparaître devant la commission.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je dois différer d'opinion. En effet, la Société canadienne de l'hémophilie doit présentement faire des mises à pied parce que la ministre n'a pas accordé les sommes requises, muselant ainsi ladite société.

La ministre ne reconnaît-elle pas que la création du comité d'experts n'aidera absolument en rien à faire la lumière sur le scandale du sang contaminé?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, lorsqu'une commission d'enquête est instituée, le président de cette commission a beaucoup de latitude. À ma connaissance, c'est lui qui a formé le comité de spécialistes.

(1455)

Par ailleurs, la société dont le député vient de parler a demandé des fonds additionnels. Sa demande est à l'étude, mais à ce jour, jamais on n'a refusé à des gens souhaitant comparaître devant la commission Krever les fonds nécessaires pour les y aider.

* * *

LE PROGRAMME DE DÉPISTAGE DU VIH

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Le gouvernement reconnaît que, pour les détenus des pénitenciers fédéraux, les risques de contracter le VIH sont de moyens à élevés parce que de nombreux détenus ont déjà utilisé des drogues intraveineuses, que l'injection de drogues au moyen d'aiguilles non stérilisées se poursuit en milieu carcéral, que des détenus se font tatouer avec des aiguilles non stérilisées ou qu'ils ont des relations sexuelles non protégées.

Compte tenu des coûts sociaux et financiers élevés que le sida impose à la société, pourquoi la ministre n'a-t-elle pas institué un programme concerté de dépistage du VIH dans les prisons?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'espère que le député n'aura pas d'objection à ce que je réponde à sa question. Celle-ci relève du Service correctionnel du Canada.

Récemment, un comité de spécialistes de l'extérieur du gouvernement a étudié la question et formulé des recommandations; le gouvernement, par l'entremise du Service correctionnel du Canada, a annoncé qu'il acceptait la plupart de ces recommandations, dont celles concernant les mesures à prendre pour faire face au problème du sida.

J'invite le député à jeter un coup d'oeil à ce rapport et à la réponse du Service correctionnel. J'espère que cela l'éclairera.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, j'ai examiné le rapport qu'a mentionné le ministre.

J'ai constaté que dans la deuxième partie du rapport qui, sauf erreur, a été préparé le 4 février, il est dit très clairement que le programme de dépistage du VIH actuellement en place laisse malheureusement à désirer à bien des égards.

Le ministre pourrait-il me dire quelles mesures on prend pour améliorer la situation?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, si je me souviens bien, en réponse à ce rapport, le Service correctionnel intensifie son programme de dépistage, de sorte qu'on fait davantage à ce chapitre.


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LE FICHIER DES BOURREAUX D'ENFANTS

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Je sais que le ministre est au courant des injustices et des mauvais traitements dont sont victimes de nombreux enfants au Canada. Il conviendra sûrement que ces infractions sont trop longtemps restées secrètes.

Le ministre pourrait-il s'engager à prendre des mesures immédiates pour établir un fichier national des bourreaux d'enfants? Les employeurs, avant d'embaucher une personne à qui ils confieraient la garde d'enfants, seraient tenus de consulter ce fichier pour s'assurer que cette personne n'a jamais été condamnée pour une infraction à caractère sexuel contre des enfants?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je peux prendre cet engagement tout de suite.

Suite aux travaux que le solliciteur général, la ministre de la Santé et moi effectuons depuis quelques semaines, nous nous apprêtons à remettre, au cours du mois de mai, à tous les intéressés partout au Canada, un énoncé des mesures que nous pouvons prendre pour établir un fichier des bourreaux d'enfants au Canada.

Ce matin encore, j'ai rencontré Monica Rainey qui a présidé activement et très efficacement l'organisme Citizens Against Child Exploitation. Le message qu'elle m'a transmis ce matin à mon bureau montre bien l'urgence de cet engagement. Nous devons protéger nos enfants contre les mauvais traitements répétés de gens qui ont déjà été condamnés pour de telles infractions.

Nos efforts sont centrés à la fois sur des objectifs à court et à long terme. Il faut d'abord établir le fichier, peut-être en adaptant le système qu'utilise le Centre d'information de la police canadienne pour les condamnations et, ensuite, un système de triage efficace permettant à un employeur, qui s'apprête à embaucher une personne devant assumer la charge d'enfants, de vérifier si cette personne a déjà été condamnée.

Je partage donc le sentiment d'urgence du député à l'égard de cette question. Je veux l'assurer que nous prenons des mesures et que notre document lui sera remis d'ici quatre semaines.

* * *

[Français]

LA PUBLICITÉ

Mme Monique Guay (Laurentides): De sa propre initiative, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a reconnu hier avoir prolongé d'un an le lucratif contrat accordé à Genesis Media Inc. pour le placement média des publicités du gouvernement fédéral. Ce contrat, d'une valeur de 1,8 millions de dollars, a donc été prolongé de façon discrétionnaire par le ministre, sans appel d'offres.

(1500)

Comment dans le cadre de la nouvelle éthique du gouvernement, si chère au premier ministre, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux justifie-t-il sa décision de prolonger d'un an un contrat de près de deux millions de dollars sans appels d'offres et sans avoir avisé le Cabinet?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je remercie la députée pour une question excellente. La condition préalable que le gouvernement a posée concernant l'attribution de divers contrats, c'est la capacité et la compétence nécessaires pour réaliser les travaux.

La députée sait sûrement que, chaque jour, cette société effectue quelque 1 500 opérations. Il nous était pratiquement impossible d'apporter une modification. Nous avons prolongé le contrat aux termes des règles existantes pour une période de douze mois, pendant laquelle nous allons exécuter notre étude. Il y aura ensuite un appel d'offres, ce qui permettra à d'autres sociétés intéressées à ce type d'activités de présenter des soumissions.

* * *

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

M. Ted White (North Vancouver): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le 16 avril dernier, un groupe d'électeurs de North Vancouver, choisis à partir de la liste électorale, ont étudié les demandes de subvention faites dans le cadre du Programme Emploi d'été/Expérience de travail et visant à créer des emplois d'été pour les étudiants. Des 52 demandes, le groupe en a rejeté 16 qui auraient, selon eux, entraîné le gaspillage des fonds publics.

Emploi Canada a décidé de soumettre les demandes rejetées à l'examen du ministre. Le ministre peut-il garantir aux électeurs de North Vancouver qu'il ne renversera pas la décision démocratique qui a été prise?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que les 16 personnes choisies par le député représentent les 75 000 habitants de North Vancouver et surtout le nombre élevé de jeunes chômeurs de North Vancouver qui se cherchent désespérément un emploi afin d'avoir les moyens de poursuivre leurs études.

* * *

VIA RAIL

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports et concerne la révélation que la société américaine de transport Railex

3525

aurait offert d'acquérir l'infrastructure de Via Rail située à l'ouest de Winnipeg, à la condition que tous les employés actuels de Via Rail soient mis à pied.

Le ministre profitera-t-il de l'occasion que lui offre cette affaire pour écarter officiellement et très publiquement ici toute possibilité de privatiser Via Rail dans l'ouest du Canada et, quant à cela, où que ce soit, surtout dans les conditions proposées en ce qui concerne l'Ouest?

Peut-il nous dire quand il rendra publiques les recommandations du groupe de travail qui a parcouru le Manitoba, notamment, et qui était coprésidé par les députés de Saint-Boniface et de Churchill? Comment le gouvernement reçoit-il cette proposition?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question.

Tout d'abord, en ce qui concerne la proposition de la société Railex, elle n'est pas à l'étude et elle n'est pas du genre à nous attirer le moindrement.

En ce qui concerne le travail des députés, ces derniers ne sont pas sans savoir qu'ils sont certes libres de mener des sondages afin de s'assurer que l'opinion de leurs électeurs sur quelque sujet que ce soit est entendue. Je suis impatient d'entendre les députés qui ont tenu au Manitoba les audiences auxquelles le député fait allusion et dont je tiendrai certes compte.

Je tiens à préciser que cette initiative ne vient pas du ministre des Transports. Toutefois, comme chaque fois qu'un député consulte ses électeurs, nous allons écouter très attentivement ce que ces députés auront à nous dire.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune du très honorable Donald McKinnon, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Nouvelle-Zélande.

Des voix: Bravo!

[Français]

Le Président: J'aimerais aussi souligner la présence à notre tribune de M. Jean-Louis Roy, secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique.

Des voix: Bravo!


3525

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR CERTAINS ACCORDS CONCERNANT L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité; ainsi que de l'amendement et du sous-amendement.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Si je comprends bien, on avait posé une question au député de Chambly avant la période des questions orales. Alors, je vais donc demander au député de Chambly de bien vouloir compléter sa réponse.

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, il y a sûrement confusion. J'avais répondu à la question et le député de Mississauga avait pris la parole après moi là-dessus.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-22 parce que, comme le savent les députés, il porte sur un sujet auquel je me suis beaucoup intéressé lorsque je siégeais du côté de l'opposition et pendant la campagne électorale. L'Aéroport international Pearson ne se trouve pas dans ma circonscription, mais il est situé dans la ville que je représente avec de nombreux autres députés libéraux.

Je veux parler de l'époque où nous étions dans l'opposition, lorsque nous nous opposions à la privatisation de cet aéroport, et je tiens à ce qu'il soit bien clair que, lorsque nous avons dit au gouvernement de l'époque que nous nous opposions à son projet, nous avions d'excellentes raisons.

Une des raisons que nous avons avancées, c'est que l'Aéroport international Pearson constitue probablement l'entreprise contrôlée par le gouvernement qui génère le plus de revenus. J'ai consulté des chiffres que m'a fournis mon collègue, le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, pendant la période des questions. Ces chiffres se rapportent aux années 1991-1992 et 1992-1993. Ils font état de revenus nets, après déduction des frais d'exploitation et des dépenses d'immobilisation, de 50 millions de dollars. C'était à une époque où les recettes et les voyages étaient à la baisse. En 1992-1993, la marge brute d'autofinancement a été de 67 millions de dollars et, en 1993-1994, elle se rapproche de nouveau des 68 millions de dollars.

(1510)

Si nous retournons au milieu et à la fin des années 80, il y a eu deux ou trois années où l'Aéroport international Pearson générait près de 100 millions de dollars par année. À l'époque, le gouvernement conservateur disait que, si nous cédions l'aéroport Pearson au secteur privé, celui-ci pourrait faire mieux que les bureaucrates.


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Notre avons adopté la position suivante: s'il existe des gestionnaires qui pourraient faire mieux que les bureaucrates qui arrivent à générer 100 millions de dollars par année et, même en pleine récession, plus de 50 millions de dollars par année, qu'on nous les présente et nous les embaucherons à titre de conseillers en gestion.

Autrement dit, si ces gestionnaires prétendent pouvoir relever la marge brute d'autofinancement de ces aéroports de 51 à 60 ou à quelque autre chiffre précis, nous leur donnerons un salaire de base plus un pourcentage des fonds supplémentaires générés grâce à eux.

En adoptant cette position, nous pensions pouvoir faire probablement tout ce que le gouvernement précédent voulait faire, c'est à-dire accroître la marge brute d'autofinancement, rénover les aérogares et nettoyer les stationnements, sans céder l'aéroport. C'est la position que nous avons adoptée.

Je sais que, durant la campagne électorale, beaucoup de gens s'intéressaient à cette transaction concernant l'aéroport. Ils sont venus me voir à mon bureau de campagne et m'ont dit: «Dennis, j'espère que ta position concernant l'aéroport Pearson n'est pas aussi inflexible.» Je leur répondais: «Je suis aussi inflexible aujourd'hui que je l'étais alors.» Je ne m'oppose pas à ce qu'on accorde un contrat pour réaménager un bâtiment ou en construire un nouveau à l'aéroport. Je ne m'oppose pas à ce qu'on ait recours au secteur privé pour assurer les services de restauration, de stationnement ou de nettoyage, tous ces services que le secteur privé peut assurer avec plus d'efficacité. Je m'oppose cependant à ce qu'on cède un bien de la Couronne, que dis-je, un joyau de la Couronne, qui pouvait permettre de payer toutes les rénovations et les travaux de réaménagement nécessaires pendant une période de dix ans sur le fonds de roulement existant.

Encore une fois, j'estime que nous avions une position constructive dans l'opposition quand nous disions: «Si l'on peut accroître l'efficience, nous approuverons le projet. Il y a toujours une possibilité, mais embauchons ces prétendus experts qui peuvent mieux exploiter l'aéroport. Accordons-leur un contrat, mais sans aller jusqu'à leur céder la franchise tout entière. Ne cédons pas tout le commerce.» Si vous aviez une entreprise prospère et que quelqu'un venait vous dire: «Je peux faire augmenter vos bénéfices ou votre marge brute d'autofinancement de 10 ou 20 p. 100», vous diriez: «D'accord, faisons-le.» Mais s'il vous disait: «Non, non, je veux être propriétaire de l'entreprise, je veux avoir votre entreprise», il n'y a pas un député qui accepterait ce marché.

Le premier ministre avait donc pris la bonne décision pendant et après la campagne électorale, quand il a dénoncé ce contrat parce qu'il ne le jugeait pas dans les intérêts à long terme des Canadiens.

Ce que je trouve regrettable à propos de ce contrat, c'est que nous aurions pu avoir cette aérogare en construction à l'heure actuelle si les gens qui avaient toutes ces compétences et tous ces plans de réaménagement et de rénovation s'étaient présentés avec une proposition dans laquelle il n'était pas question qu'ils en soient propriétaires. C'est vrai que nous devons nettoyer le terrain de stationnement et faire les rénovations, et que des gens auraient pu travailler. C'est dommage que le compromis suggéré par bon nombre d'entre nous n'ait pas été retenu. Espérons que nous finirons l'examen de ce projet de loi aujourd'hui et que nous pourrons peut-être réexaminer la question dans une nouvelle optique.

(1515)

Il y a une autre partie du contrat qui me déplaisait. Je tiens à remercier mon collègue, le député de York-Sud-Weston, d'avoir soulevé cette question. Comme tous les Canadiens le savent, c'est lui qui a vraiment lancé le débat sur le bien-fondé de ne pas conclure cet accord de privatisation.

Je n'oublierai jamais cette réunion à laquelle nous avons assisté un soir. C'était comme dans n'importe quelle famille: il y avait des gens qui étaient en faveur ou contre et qui avaient des opinions différentes sur la question. Je me souviens d'avoir vu le député de York-Sud-Weston se tourner vers quelqu'un qui connaissait assez bien la teneur du contrat et de l'avoir entendu lui demander: «Y a-t-il une disposition de revente dans ce contrat de privatisation de l'aéroport Pearson?» Et la personne de répondre: «Oui, dans dix ans, les propriétaires pourront procéder à la revente.» C'est exactement ce qui s'est dit.

Je me souviens que nous avons soudainement tout compris. Nous avons dit: «Si ce contrat était conclu et que, dans dix ans, les intérêts privés propriétaires de l'Aéroport international Lester B. Pearson décidaient de vendre cet aéroport aux Libyens ou à d'autres intérêts étrangers, pouvez-vous imaginer la réaction des Canadiens?» Je me souviens qu'un soir, nous avons dit en plaisantant que, dans dix ans, il s'appellerait l'aéroport international Kadhafi.

Je n'arrive pas à croire qu'on puisse vouloir vendre l'aéroport Pearson à des intérêts étrangers-s'il est une installation qui a contribué au bien-être de notre collectivité et du pays tout entier, c'est bien l'aéroport Pearson. C'est incroyable qu'on soit assez stupide pour vouloir conclure une entente qui permettrait que cet aéroport soit cédé dans dix ans.

Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis. Je voudrais dire aux députés du Bloc québécois, qui ont proposé aujourd'hui que le projet de loi soit renvoyé à une commission d'enquête, que je sais exactement où ils veulent en venir. Ils veulent qu'on fasse une analyse détaillée de chacune des parties à l'entente. Si cette question est renvoyée à une commission d'enquête, l'étude va durer des mois et des mois, voire des années, et coûter littéralement des millions de dollars.

L'objectif fondamental que visent les députés du Bloc, à mon avis, pourrait être atteint à l'occasion de l'étude du projet de loi sur l'inscription des lobbyistes. Il nous faut maintenant adopter sans tarder le projet de loi pour que nous puissions recommencer à zéro le renouvellement et la rénovation de l'Aéroport international Pearson. Il faut le faire non seulement pour créer immédiatement des emplois, mais aussi parce que Toronto est un important point d'entrée pour les touristes, les foires commerciales et une foule d'autres activités. L'aéroport Pearson est une plaque tournante non seulement pour l'agglomération de Toronto, mais


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aussi pour l'ensemble du pays. Il importe donc vraiment que nous mettions ce projet en oeuvre.

J'espère que, lorsque nous discuterons de nouveau avec le secteur privé, celui-ci comprendra que nous respectons ses compétences en tant qu'expert-conseil en matière de gestion de l'aéroport. Nous confierons sûrement au secteur privé les travaux de construction et tout cela parce que cela n'est pas l'affaire du gouvernement. Le secteur privé doit également comprendre que dans l'intérêt à long terme des Canadiens il vaut mieux que l'Aéroport international Lester B. Pearson reste entre les mains du gouvernement du Canada.

(1520)

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à l'honorable député de Broadview-Greenwood. Il nous fait part dans son discours que, après avoir pris conscience du fait que l'État pouvait faire des profits avec l'aéroport Pearson et après avoir considéré que l'industrie privée n'avait plus sa place dans cette transaction, il a décidé d'abandonner et d'annuler le contrat. Le député nous dit que l'État, le gouvernement, voudrait ramener l'aéroport Pearson comme propriété de l'État, mais il nous dit en même temps: «Lorsque nous retournerons discuter avec l'entreprise privée, nous verrons à établir de meilleures conditions pour nous assurer que l'État a été bien servi.»

Alors, est-ce qu'on doit comprendre de l'analyse que fait le député du dossier que l'État entend redonner à l'entreprise privée la propriété de l'aéroport Pearson dans un avenir plus ou moins éloigné et que, pour l'instant, il s'agit d'annuler une transaction qui a été faite avec l'industrie privée? En fait, que l'État reprendrait temporairement la possession pour ensuite la retransmettre à l'industrie privée, peut-être dans quelques mois, dans un an ou deux?

Si c'était là la question, il faut se demander quelles sont les véritables intentions de l'État. Est-ce que le gouvernement voudrait annuler le contrat tout simplement pour transmettre la propriété à d'autres individus qui feraient mieux l'affaire du gouvernement que ceux choisis par l'ancien gouvernement? J'aimerais que le député nous précise les intentions du gouvernement là-dessus.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je sais gré au député de sa question et je voudrais qu'il soit parfaitement clair que nous avons adopté la position suivante: non seulement le contrat concernant cet aéroport était déficient, mais l'approche qu'on a utilisée au sujet de sa privatisation n'était pas conforme à nos intentions.

Nous n'annulons pas ce contrat simplement pour aller l'accorder à un autre groupe quelconque du secteur privé. Nous examinons toutes sortes d'options pour nous assurer d'obtenir le meilleur contrat au profit des Canadiens, non seulement à court terme, mais aussi à long terme.

Cela signifie qu'il ne sera peut-être pas exécuté par le ministère des Transports, mais par un organisme quasi gouvernemental. Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais entendu un député de notre parti déclarer que nous songeons à annuler ce contrat pour pouvoir simplement l'accorder à quelque autre entrepreneur du secteur privé.

Personnellement, j'estime que les fonctionnaires de Transports Canada font un excellent travail de gestion de l'Aéroport international Pearson. Le député me demande-t-il s'ils peuvent faire un meilleur travail? Nous pouvons tous faire un meilleur travail, peu importe de quoi il s'agit. Cela veut-il dire que nous devrions peut-être aller demander les conseils d'entrepreneurs du secteur privé sur les moyens d'accroître les recettes ou de recueillir des fonds plus efficacement? Je n'y vois pas d'inconvénient. Accordons simplement le contrat aux experts-conseils. Ne cédons pas tout.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, à l'instar du député qui a pris la parole avant moi, je suis convaincu que l'aéroport Pearson est la plaque tournante de l'aviation commerciale canadienne. La construction d'un réseau de transport aérien efficace au Canada dépend du concept de réseau en étoile. L'aéroport Pearson est sans doute le plus important de nos aéroports et, comme je le disais, il représente un élément important de l'infrastructure de l'Ontario et du Canada. C'est pourquoi les effets de tout projet de loi ou de toute mesure sur l'aéroport Pearson sont de la plus grande importance pour les Canadiens.

(1525)

L'aéroport Pearson doit donc constituer la pierre angulaire de ce processus de planification. Les activités de l'Aéroport international Pearson génèrent deux milliards de dollars de salaires, quatre milliards de revenus d'entreprises et 700 millions de recettes fiscales.

L'aéroport Pearson reçoit le tiers de tous les vols intérieurs et la moitié des vols internationaux et transfrontaliers.

Nous reconnaissons tous que l'accord passé l'an dernier entre le gouvernement conservateur et la Pearson Development Corporation était inacceptable. Cette transaction correspond à l'ancien style de gestion. Je suis d'accord avec le ministre des Transports qui déclarait plus tôt aujourd'hui que l'accord devait être annulé à cause des manigances de coulisses et autres agissements malhonnêtes. Si le ministre a raison et que le gouvernement actuel n'est pas responsable de l'entente concernant l'aéroport Pearson, le gouvernement ne doit pas honorer le contrat.

Je crois que c'est le cas et, par conséquent, le gouvernement actuel serait sage d'annuler le contrat. Le fait de légiférer pour mettre fin à un fiasco et, espérons-le, rendre le processus de rénovation de l'aéroport Pearson transparent nous semble acceptable, à mon parti et à moi. Nous jugeons cependant inacceptable la disposition du projet de loi qui autorise le ministre à négocier le paiement de sommes aux entrepreneurs. Le premier ministre avait promis avant les élections qu'il annulerait l'accord au complet. Il a annulé une partie du contrat, mais voilà que le ministre des Transports va dédommager les personnes qui ont été mêlées à cette affaire sordide. De plus, le ministre n'a rien fait


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pour rendre plus transparent ce dossier ouvert par le gouvernement précédent.

Voici ce que Greg Weston de l'Ottawa Citizen disait dans sa rubrique du 9 mars: «Les libéraux ont accompli le remarquable exploit de transformer un contrat hautement suspect et secret des conservateurs en un processus d'annulation hautement suspect et secret des libéraux: une enquête secrète suivie des négociations en cours en vue d'établir le montant des dédommagements!» Le gouvernement ne doit pas régler à moitié la question relative aux dédommagements à accorder aux personnes qui ont participé à cette affaire louche. C'est simple: pas d'indemnisation pour quiconque a trempé dans cette affaire. . . un point, c'est tout!

La privatisation de l'aéroport Pearson a donné lieu à de trop nombreuses tractations de couloir, et les libéraux comme les conservateurs y sont mêlés de près. Parmi les principaux acteurs figurent Charles Bronfman, le sénateur Leo Kolber, Herb Metcalfe et bien d'autres. La liste comporte une cinquantaine de noms.

Les libéraux ont nommé un ancien ministre libéral d'un cabinet provincial, Robert Nixon, et l'ancien associé de l'étude d'avocats du premier ministre, Bob Wright, à la tête des négociations en vue de déterminer le montant des dédommagements. Le gouvernement libéral, par l'intermédiaire de négociateurs libéraux, dédommage des bailleurs de fonds libéraux! Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est louche.

Quelles sont les solutions de rechange? Ces montants qui, selon certains, atteindraient 40 millions de dollars, on pourrait les réinvestir dans l'aéroport Pearson. Avec l'argent que nous devrons repayer pour ce marché, nous pourrions y faire de grandes choses. Il en a été question plus tôt aujourd'hui.

Nous pourrions aider l'aviation commerciale qui cherche par tous les moyens à devenir plus efficace et plus compétitive face au marché international. J'aimerais également, si vous me le permettez, parler brièvement de l'aménagement de nouvelles pistes à l'aéroport international Pearson et de tout ce qui devrait arriver là-bas.

L'aménagement de nouvelles pistes est le moyen le plus sûr et le plus rentable d'assurer la viabilité future de l'Aéroport international Pearson. La première piste dont cet aéroport a besoin est une nouvelle piste vent de travers, et il en a besoin le plus tôt possible car elle contribuera à éliminer près de la moitié des retards enregistrés. Ces retards coûtent très cher aux voyageurs canadiens, parce que les avions tournent en rond et consomment de grandes quantités de carburant.

On a déjà investi quelque 30 millions de dollars dans les travaux préparatoires à l'aménagement de la piste vent de travers sur l'axe nord-sud. Une piste vent de travers augmenterait considérablement la sécurité à l'aéroport Pearson. Récemment, des pilotes qui se posent à Pearson ont parlé des dangers que peuvent présenter des vents de travers extrêmes sur les pistes actuelles.

(1530)

On pourrait aussi utiliser les 40 millions de dollars que le gouvernement va dépenser pour amener des entrepreneurs à financer la construction de deux pistes est-ouest, ce qui permettrait d'utiliser Pearson au maximum et d'en faire une plaque tournante d'envergure internationale.

Si ces travaux ne se concrétisent pas, il faudra avant longtemps détourner le trafic de cet aéroport. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'autres solutions raisonnables à l'expansion de Pearson. De plus, toute tentative de détourner le trafic de Pearson nuira aux aéroports régionaux. Pour nombre de ces collectivités, deux tiers des vols allant à l'aéroport Pearson assurent la correspondance avec un autre aéroport.

Enfin, ces nouvelles pistes peuvent être aménagées maintenant sans que cela empêche pour autant les discussions concernant la future structure administrative de l'aéroport Pearson. Les fonds actuellement affectés au paiement des frais d'annulation des contrats découlant de l'entente Pearson pourraient être utilisés pour l'extension de la piste. Cela créerait un nombre estimatif de 2 500 emplois dans le secteur de la construction et jusqu'à 6 000 emplois à long terme.

Comme dans le cas de beaucoup d'autres décisions prises par ce gouvernement, les fonds qui vont servir à payer les frais d'annulation des contrats pourraient être utilisés pour financer l'agrandissement de l'aéroport Pearson, l'une des infrastructures les plus importantes du Canada.

Il faut également dire un mot des problèmes que cela pose sur le plan international. Selon un reportage paru dans le Financial Post, l'une des sociétés qui demande à être indemnisée est une société d'État néerlandaise, la firme Schiphol.

Cette société a déposé, auprès d'un tribunal de l'Ontario, une plainte afin de réclamer des dommages-intérêts de 7,5 millions de dollars. Les autorités de l'aéroport d'Amsterdam se sont dites choquées de voir qu'Ottawa était prêt à user de son pouvoir pour faire adopter des mesures législatives visant à annuler un contrat valide.

Loin de moi l'idée de vouloir dire que le gouvernement doit revenir sur sa position qui est de rejeter une telle requête, mais je me demande comment le gouvernement va s'y prendre avec une firme comme Schiphol, qui est apolitique et qui n'a rien à voir avec le népotisme politique canadien. Cette firme sera-t-elle indemnisée de ses menus frais? Sera-t-elle indemnisée des pertes entraînées par la rupture de son contrat initial? Quelles sont les ramifications politiques et diplomatiques de toutes considérations internationales?

Nous voulons un gouvernement transparent, qui ne conclut pas des ententes en coulisses, comme dans le cas de l'entente Pearson.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, le député s'inquiète d'autres sociétés qui pourraient être impliquées de bonne foi dans ce processus.

Je voudrais lui rappeler que le contrat relatif à la rénovation de l'Aéroport international Pearson n'a été signé que le 7 octobre


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1993, quelques semaines avant la campagne électorale et après que le chef du Parti libéral eut déclaré sans équivoque que, s'il était élu, il annulerait ce contrat.

Sachant cela, le consortium a signé le contrat et, en fait, toutes les autres personnes susceptibles de demander une indemnisation étaient également au courant. Ne croit-il pas que, dans les circonstances, ceux qui ont été parties à ce contrat tout à fait inacceptable sont, en réalité, les seuls responsables de ce qui leur arrive, car ils savaient, bien à l'avance, que le contrat serait annulé lorsqu'ils l'ont signé? Ne pense-t-il pas que leur demande d'indemnisation n'est pas fondée en principe, sur le plan moral ou autre?

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je suis certes d'accord là-dessus et je souscris de tout coeur aux observations du député qui affirme que les intéressés étaient parfaitement au courant et que, manifestement, ils ne devraient s'attendre à être indemnisés.

(1535)

Cependant, du fait que certaines de ces entreprises, dont Schiphol, sont internationales, le problème diplomatique est probablement peut-être plus important que la possibilité pour les intéressés de retirer quoi que ce soit de cette transaction.

Lorsque des gouvernements étrangers commencent à poursuivre notre gouvernement parce qu'ils jugent qu'il s'est immiscé dans une transaction privée, à juste titre ou non, des problèmes diplomatiques se posent, et c'est pourquoi j'ai pris cet exemple. Il pourrait y avoir d'autres entreprises qui pourraient demander à être indemnisées et, chose certaine, un certain nombre d'autres compagnies aériennes avaient des projets et avaient entrepris des négociations avec ce groupe. C'est là où le problème réside.

Sur le plan financier, cela ne devrait rien nous coûter et, bien entendu, je le répète, je ne recommande pas de verser un seul sou pour indemniser qui que ce soit.

M. Nunziata: Monsieur le Président, le contrat a été signé le 7 octobre, et le député dit se préoccuper du problème diplomatique qui pourrait surgir.

Or, le premier ministre et le ministre des Transports ont dit haut et fort lorsque ce contrat a été annulé que, pour traiter avec le gouvernement du Canada, il fallait agir de façon correcte, réfléchie et raisonnable et que l'on devait tenir compte de l'intérêt public.

Dans le cas présent, M. Nixon a précisé très clairement qu'il y avait beaucoup d'aspects louches dans cette transaction. Bien des négociations se sont déroulées dans les coulisses. On a assisté à beaucoup de magouillage. Un grand nombre de pots-de-vin ont été versés. Les lobbyistes vendaient l'accès aux autorités. Ils organisaient des rencontres pour des montants très importants.

Le député parle de l'une de ces entreprises qui peut se sentir particulièrement lésée, et il y a lieu de se demander si, en fait, elle avait engagé l'une des firmes de lobbying en cause. Manifestement, en tant que gens d'affaires responsables, les intéressés savaient ce qui se passait.

Quoi qu'il en soit, le député n'est-il pas d'accord pour dire que leur demande porte sur des profits non réalisés et non des dépenses qu'ils auraient effectuées, et que ces dépenses n'auraient pu être effectuées qu'après la signature de l'entente elle-même, le 7 octobre. Par la suite, bien entendu, ils savaient le 25 octobre que le gouvernement allait changer.

Je demande encore au député s'il ne reconnaît pas que toute entreprise qui est liée de près ou de loin à ce contrat et qui espérait s'enrichir grâce à ce dernier savait fort bien, même avant sa signature, qu'il serait annulé. Pourquoi ces gens s'attendraient-ils à recevoir un seul sou alors qu'ils savaient déjà parfaitement à quoi s'en tenir?

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je répète que je souscris à ces observations tout à fait légitimes.

Cependant, après m'être entretenu avec un représentant de l'ambassade des Pays-Bas, je sais que le gouvernement de ce pays croit que le projet de loi C-22 punit injustement des tierces parties associées à l'aéroport Pearson. En outre, on estime que, comme l'administration aéroportuaire de Schiphol est un organisme apolitique, elle ne devrait pas être victime de toute la corruption politique au Canada dont le député a parlé. Selon l'ambassade, cette entreprise des Pays-Bas croit avoir une juste revendication.

On en revient au problème diplomatique. Je ne dis pas que ces gens ont raison; manifestement, ce sont les tribunaux qui trancheront la question. Cependant, ils se sont adressés aux tribunaux canadiens pour être indemnisés, ils considèrent que la question n'est pas réglée et qu'ils peuvent encore la soulever.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, je serais plutôt porté à faire miennes les recommandations du député qui a parlé avant celui du Parti réformiste. Je me demande en vertu de quels principes. Je comprends bien qu'il puisse y avoir des compagnies qui, malheureusement de bonne foi, aient amorcé des négociations ou des tractations quelconques avec T1 T2 Partnership Limited. Mais je reviens plutôt dans le même sens que le collègue libéral qui dit: En vertu de quoi aurions-nous à dédommager des gens qui ont véritablement participé à une magouille quelconque contre le gouvernement?

(1540)

Un groupe de malfaiteurs qui dépensent des sommes considérables pour aller voler une banque, par exemple, s'ils manquent leur coup, la banque n'a pas à leur rembourser les frais de dépense pour avoir tenté d'essayer leur mauvais coup. C'est ce principe-là que j'ai du mal à comprendre. J'espère que ce n'est pas ce que le député du Parti réformiste tente de me dire, à savoir qu'on serait peut-être mieux de compenser cela pour ne pas être blâmé par les compagnies étrangères. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, permettez-moi d'être absolument clair: je recommande que nous ne versions pas d'indemnisation à qui que ce soit, y compris les sociétés étrangères qui font des revendications comme elles le font devant les tribunaux. Nous ne devrions pas les indemniser. Tout ce que je


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dis, c'est qu'on a formulé des demandes, que celles-ci nuisent certainement à l'image de notre pays et qu'il ne faut verser d'indemnisation à personne.

M. Nunziata: Monsieur le Président, le contrat de tierce partie dont parle le député est certainement inclus dans la définition du mot «accord» selon ce projet de loi. En fait, ce projet de loi annule ou exclut tout recours juridique quel qu'il soit, pour tous les contrats, qu'il s'agisse du consortium ou d'une tierce partie qui aurait pu participer au projet. Je voulais simplement souligner ce point.

Un autre élément à noter: la demande de propositions du mois de mars 1992 était très explicite pour tous ceux qui voulaient soumissionner pour ce contrat; le gouvernement n'était absolument pas obligé d'accepter l'un des contrats ou l'une des propositions. En fait, le gouvernement avait et se réservait le droit de rejeter toutes les propositions, ou l'une d'entre elles, et de choisir de ne pas aller de l'avant avec le projet.

Toutes les entreprises participant au processus de soumission, et peut-être cette société étrangère faisait-elle partie du groupe, savaient à l'avance que toute somme qu'elles consacreraient à la préparation d'une proposition pourrait bien être perdue car le gouvernement avait fait savoir très clairement dans sa demande de propositions qu'il pouvait ne pas donner suite au projet.

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je souscris entièrement à cette observation.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay-Nipigon): Monsieur le Président, je participe également avec plaisir aujourd'hui au débat concernant le projet de loi C-22, qui vise essentiellement à cerner les problèmes relatifs au réamémagement du plus gros aéroport au Canada depuis quelques années. Non seulement le projet de loi cerne ces problèmes en fixant un échéancier, mais il prévoit une compensation, s'il doit y en avoir une, aux soumissionnaires retenus.

Dans sa déclaration aujourd'hui, le ministre a dit que la solution au problème ne tiendra compte ni des honoraires des lobbyistes, ni des coûts divers, ni des profits non réalisés.

Je fais remarquer avec fierté le sens de la continuité au sein du Parti libéral qui, lorsque ses députés étaient assis en face, s'est opposé dès le départ à la privatisation de l'aéroport Pearson.

Le 12 juin 1989, mon collègue, qui est intervenu tout à l'heure et qui a été membre d'un groupe de travail du caucus libéral sur l'avenir de l'Aéroport international Pearson, a recommandé qu'il ne faudrait jamais permettre la privatisation de l'aéroport, qui devrait toujours demeurer un élément rentable et important de l'infrastructure canadienne et servir aux fins de la politique officielle et aux intérêts de tous les Canadiens. Mon collègue a fait cette déclaration dans un rapport présenté en 1989.

Le problème est vraiment apparu lorsque le gouvernement de l'époque a décidé de privatiser une nouvelle aérogare qui était en construction à l'aéroport Pearson. Par conséquent, il a autorisé un consortium privé à construire ce que nous appelons maintenant Trillium ou l'aérogare 3.

(1545)

Bien que nous ayons tenté, à l'époque où nous formions l'opposition, de découvrir les conditions de l'entente contractuelle signée par les propriétaires de Trillium et le gouvernement, nous n'avons pu obtenir ce document très important qui autorisait la privatisation d'une premiere aérogare à l'aéroport Pearson.

Le gouvernement de l'époque nous a précisé qu'il avait décidé de privatiser l'aérogare 3 parce que les Canadiens n'avaient pas les moyens d'agrandir l'infrastructure aéroportuaire de cette région. À l'époque, cela nous a semblé assez juste, mais ce que nous ne savions pas, c'est qu'il aurait suffi de quelques millions de dollars pour moderniser l'aérogare 1 et la rendre plus efficace.

Les travaux de construction ont donc commencé et, avant même l'ouverture de l'aérogare 3, nous apprenions que le gouvernement songeait à privatiser les aérogares 1 et 2. Il envisageait cette possibilité, parce qu'il voulait, et voilà un concept très important, faire jouer la concurrence à l'aéroport international Pearson. En opposant les intérêts privés associés à l'aérogare 3 à ceux des aérogares 1 et 2, dirigées par une tout autre organisation, le gouvernement cherchait à établir un certain équilibre, et ce dans l'intérêt du consommateur qui utilise les services de cet aéroport. Voilà pourquoi le gouvernement de l'époque a proposé la privatisation des aérogares 1 et 2.

Comme nous avions des réserves au sujet de la notion de privatisation, nous, libéraux, toujours de ce côté-là de la Chambre, avons proposé de créer un autre groupe de travail. C'était le 12 septembre 1990, soit un an après la première proposition. Nous avons découvert que le contrat intéressant l'aérogare no 3 avait été signé, mais aucune ligne aérienne n'avait encore été associée à cet aéroport.

Je tiens à citer des conclusions de ce groupe de travail. Rappelez-vous que, en 1990 tout comme aujourd'hui d'ailleurs, les compagnies aériennes éprouvaient de graves difficultés financières et nous avons notamment découvert que les lignes aériennes du Canada, en particulier Canadien, étaient aux prises avec le dilemme suivant: elles ne pouvaient pas se permettre de ne pas être présentes dans cet aéroport et de ne pas utiliser l'aérogare no 3, mais elles n'avaient pas les moyens de le faire. Ce serait pour elles la catastrophe financière. C'est ce que disait alors un dirigeant de l'industrie aérienne du Canada.

Ce que cette étude menée en 1990 nous a aussi permis de découvrir-et il en a été question à la Chambre juste avant l'ouverture de Trillium-, c'est qu'il serait prohibitif pour le consommateur canadien moyen de voyager par l'aérogare no 3. Nous, qui voyageons parfois aux frais de la princesse, ne sommes


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peut-être pas aussi conscients que nous le devrions du coût élevé du transport aérien. Toutefois, le salarié canadien moyen n'aurait pas eu les moyens de prendre l'avion avec sa famille à l'aérogare no 3 pour visiter le Canada.

Les frais de location y étaient exorbitants. C'est ainsi que, après l'ouverture de l'aérogare no 3, il y eut une révolte ou presque de tous les locataires de l'aérogare no 3. Le coût des baux exigés des lignes aériennes et des détaillants seront refilés aux passagers.

Si les aérogares nos 1 et 2 sont privatisées, tous les consommateurs doivent s'attendre à des hausses de prix. Si la privatisation a lieu, il arrivera pour les aérogares nos 1 et 2 ce qui est arrivé pour l'aérogare no 3. Peu importe qu'il s'agisse d'un consortium pour l'aérogare no 3 et d'une autre société pour les aérogares nos 1 et 2, le résultat sera le même, à savoir qu'il en coûtera nettement plus cher de passer par l'aéroport de Toronto, qui est l'un des plus importants au Canada. Ce sont là nos constatations. C'est ce que nous recommandions, mais le gouvernement est allé de l'avant même si nous tentions de bonne foi de le faire changer d'idée.

(1550)

Voyons ce qui s'est passé après cela. Tout à coup, des gens ont commencé à se présenter à nos bureaux, et aussi au bureau du député qui vient de parler, j'en suis sûr, pour nous dire qu'ils avaient des propositions à nous montrer. Cela se passait longtemps avant que le gouvernement lance des appels d'offres pour la privatisation des aérogares 1 et 2.

En 1991, des gens se sont présentés à mon bureau pour me montrer leurs propositions pour les aérogares 1 et 2. Je leur ai dit que le gouvernement n'avait pas encore lancé d'appels d'offres, mais ils ont répliqué qu'ils s'attendaient à ce que le gouvernement le fasse.

Enfin, en mars 1992, je crois, le gouvernement a demandé des propositions officielles en vue de la privatisation des aérogares 1 et 2. Trois propositions ont été reçues. La première provenait des propriétaires de l'aérogare 3. Cette proposition n'a pas été bien cotée car on voulait conserver un élément de concurrence entre les aérogares 1 et 3.

Une très bonne proposition a été présentée par la British Airport Authority, c'est-à-dire par les gens qui administrent les aéroports en Angleterre et ailleurs en Europe. Elle avait quelques bonnes idées qui, je crois, devraient être transposés dans les plans que nous avons pour Pearson. Cependant, sa proposition a fait long feu. Elle n'a pas été retenue.

La troisième proposition a été présentée par Paxport. Pour une raison ou une autre, Paxport semblait toujours avoir une longueur d'avance sur ses concurrents. Finalement, au cours des discussions sur ces propositions, Air Canada a fait savoir que c'est la proposition de Paxport qu'elle jugeait la plus intéressante et que, comme ses activités étaient concentrées exclusivement dans l'aérogare 2, c'est cette proposition qu'elle appuierait.

N'oublions pas, si on retourne à la déclaration initiale, que la concurrence devait être un des principaux facteurs dans la privatisation des aérogares 1 et 2. Ainsi, après qu'Air Canada se fut prononcée en faveur de la proposition de Paxport, quelque chose d'étrange s'est produit.

L'aérogare 3 a été cédée par son propriétaire à une société du nom de Pearson Development Corporation.

Une voix: À qui appartient la Pearson Development Corporation?

M. Comuzzi: Puis, Paxport, la société qui était favorisée, a disparu. Et où a-t-elle refait surface? Pearson Development Corporation. Le gouvernement nous avait bel et bien assuré qu'il y aurait de la concurrence à l'aéroport à Toronto, mais soudainement, au moment où le gouvernement s'apprêtait à adjuger le contrat, nous découvrons qu'il n'y aura pas de concurrence à l'aéroport Pearson. En fait, les trois aérogares, soit l'aérogare 3 appelée Trillium ainsi que les aérogares 1 et 2, seraient toutes sous le contrôle direct de la Pearson Development Corporation.

Une voix: Un véritable monopole.

M. Comuzzi: Un véritable monopole dans le plus grand aéroport du Canada, un aéroport qui fait la joie et la fierté de tous les Canadiens. C'était tout simplement impensable.

Nous, les libéraux, avons continué d'exprimer notre mécontentement à l'égard de ce qui se passait à l'aéroport Pearson. Tout au long de la campagne électorale, nous avons dit que la privatisation de l'aéroport Pearson n'était pas une décision logique et judicieuse pour le Canada.

Ce qui a été proposé pour tous les autres aéroports du pays, c'est qu'ils soient confiés à des administrations aéroportuaires locales. Cela voulait dire que l'aéroport local dans chacune de nos localités serait administré par un organisme sans but lucratif formé de gens d'affaires de l'endroit dont la première préoccupation serait les intérêts de la collectivité. Ce n'était pas une mauvaise idée, et nous avons appuyé la mesure législative.

(1555)

Nous avons demandé ceci au gouvernement de l'époque: S'il est bon de céder à des administrations aéroportuaires locales les installations de Vancouver, d'Edmonton, de Calgary, de Winnipeg, de Mirabel, de Dorval et d'ailleurs au Canada, pourquoi la formule ne le serait-elle pas aussi pour l'Aéroport international Pearson?

On nous a donné pour toute réponse qu'il était difficile de s'entendre avec toutes les municipalités qui entourent l'aéroport Pearson. Nous n'avons pas gobé ça.

Une deuxième raison nous a été donnée: Pearson était un aéroport international important dont on ne pouvait céder le contrôle à des administrations locales. On n'appliquait pas le même raisonnement à Dorval, Winnipeg, Edmonton, Calgary ou Vancouver. Tout cela n'a jamais vraiment tenu debout.


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Ceux qui en savaient sans doute le plus long sont les gens qui formaient Paxport et ont ensuite fait partie de Pearson Development Corporation. Pendant les mois de juin, juillet, août et septembre 1993, la question est devenue un sujet de plus en plus brûlant sur la scène politique. Monsieur le Président, le temps ne me permet pas d'évoquer les longues rencontres avec les lobbyistes.

Des anciens ministres du gouvernement intervenaient dans les négociations avec Pearson Development Corporation et le ministère des Transports. Lorsque les lobbyistes ont senti l'affaire leur échapper, ils ont conclu un contrat en sachant pertinemment que, s'il y avait changement de gouvernement, ce contrat serait annulé. C'est effectivement la première chose que le gouvernement a faite, et je lui en suis reconnaissant.

Cela nous amène à la situation d'aujourd'hui. Mes collègues et moi sommes d'avis que, d'ici quatre à huit semaines, l'entente relative à l'aéroport Pearson sera conclue et adoptée d'une façon définitive. Nous pourrons alors passer aux choses qu'il faut faire à l'aéroport Pearson dans l'intérêt non seulement de l'agglomération de Toronto et du sud-ouest de l'Ontario, mais aussi de tous les voyageurs au Canada.

Quand nous aurons réglé ce problème, quand nous en aurons fini avec cette affaire, nous devrons examiner l'entente qui a été conclue le 7 ou le 8 octobre, soit 20 jours avant les élections. Cela est en soi inacceptable. On a parlé aujourd'hui à la Chambre de l'octroi d'une compensation. Le ministre, qui est beaucoup plus généreux que beaucoup d'entre nous de ce côté-ci de la Chambre, a dit que le gouvernement n'allait pas indemniser les intéressés pour leur manque à gagner et leurs frais de lobbying, mais qu'il examinerait leurs débours dans la mesure où ils seraient liés aux propositions.

Allons-nous examiner les frais engagés par la British Airport Authority, qui a fait une excellente proposition, mais n'a pas eu la chance de faire une offre avec la moindre certitude?

Il n'est que juste et équitable que nous examinions les dépenses engagées par cet organisme pour présenter la meilleure offre possible à la Chambre et au gouvernement d'alors. Nous devons aussi examiner les autres propositions qui ont été faites et déterminer les frais qui ont été engagées par elles. Ce n'est que juste et équitable.

Il ne convient pas de songer à verser une compensation uniquement à la Pearson Development Corporation pour ses débours. Nous devons tenir compte aussi des dépenses de tous ceux qui ont consacré beaucoup de temps et d'argent pour présenter des propositions.

En terminant, permettez-moi d'ajouter qu'au cours des quatre à huit prochaines semaines, j'espère que mes collègues de tous les côtés de la Chambre seront heureux d'en finir avec ce problème le plus rapidement possible afin de pouvoir être libres pour se pencher sur la question de savoir si l'on a besoin d'une piste nord-sud à l'aéroport Pearson, si l'on va de l'avant avec le projet de deux autres pistes est-ouest et si l'on s'attaque à la situation qui règne à l'aérogare 1. Devrait-on le remettre en état? Il s'agit d'un très bon aéroport qui peut accueillir sans problème de huit à neuf millions de personnes par an.

(1600)

En ce qui concerne nos besoins en transport, nous devons commencer à rattraper le temps perdu. Nous sommes supplantés par des collectivités qui n'ont même pas la moitié de la taille de Toronto, et ces retards sont dûs au fait que nous n'agissons pas et que nous ne faisons pas le nécessaire, non seulement dans le secteur du transport aérien, mais également dans celui du transport ferroviaire de passagers. Enfin, nous devons trouver une façon économique d'acheminer nos marchandises vers le marché afin de pouvoir être compétitifs dans le monde.

J'implore donc mes collègues de tous les côtés de la Chambre et je leur dis: passons aux actes, réglons le plus rapidement possible le cas de l'aéroport Pearson et faisons en sorte que Pearson devienne un aéroport de niveau international dont nous puissions tous être fiers. Je suis persuadé que l'actuel gouvernement, avec l'appui des gens de l'autre côté, assumera ce rôle essentiel pour cet aéroport, pour notre pays, bref, pour nous tous.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, je comprends mal l'intervention du député de Thunder Bay-Nipigon. Presque sur toute la ligne, il semble d'accord avec les propos qu'on tient de ce côté-ci de la Chambre depuis le matin. Je prends la population canadienne à témoin ici, la population québécoise entre autres, de l'embarras à peine dissimulé et non dissimulable des intervenants du parti au pouvoir dans ce dossier du projet de loi C-22.

On nous dit: «Il y a eu de la magouille, il y a eu des actes qui, par ailleurs, seraient de nature purement criminelle, commis tant par des politiciens que par des hommes d'affaires. Passons l'éponge, pour le bien de l'aéroport de Toronto qu'on veut développer. Oublions tout cela. Ne parlons plus de cela, ça ne fait pas progresser les choses.» Les choses sont-elles aussi urgentes maintenant qu'elles l'étaient le 7 octobre dernier? Qu'est-ce qui nous empêche d'aller au fond des choses et de regarder ce qu'il y avait là-dedans, l'urgence, comme dit le député de Thunder Bay-Nipigon?

Je comprends que l'urgence soit là, qu'il soit impératif, à un moment donné, de régler ce dossier-là, mais les députés du parti d'en face donnent l'impression d'essayer de se cacher derrière une mèche de vilebrequin. Ils réussissent presque, mais il y a encore des petits bouts qui dépassent. Il y a des choses qui ne sont pas claires là-dedans. Il faut tirer ça au clair.

Pourquoi ne veulent-ils pas le tirer au clair? S'il n'y a rien de grave là-dedans, s'il ne s'est pas commis d'impair, contrairement à ce que M. Nixon avance dans son rapport, la population canadienne aura au moins l'impression que c'était bien, que son gouvernement de l'époque, comme celui d'aujourd'hui, a agi selon les intérêts de la population canadienne. Pourquoi s'acharner à tout prix, mordicus, à ne pas vouloir qu'on aille au fond des choses dans ce dossier-là?

Je demande au député de Thunder Bay-Nipigon d'essayer de nous justifier ce fait, s'il pense qu'il en a encore la force et qu'il est encore capable de le faire.


3533

[Traduction]

M. Comuzzi: Monsieur le Président, je ne me suis peut-être pas exprimé clairement au début de mon intervention aujourd'hui. Je ne défends rien de ce qui s'est produit dans le passé. En fait, j'estime, à l'instar du député, qu'on dévoilera peut-être au grand jour, à un moment donné, bien des choses qui se sont passées au sujet de la privatisation.

Je ne crois pas que ce soit là notre tâche aujourd'hui. À mon avis, nous devons maintenant décider si une partie, la Pearson Development Corporation, doit être indemnisée. Laissons donc à plus tard les problèmes de fonctionnement du gouvernement et leur évolution, pour ne pas nuire à notre préoccupation immédiate. Je n'ai rien à cacher, pas plus que le gouvernement, sur ce que nous avons fait.

(1605)

Si quelqu'un a quelque chose à cacher, c'est bien le gouvernement précédent, qui devrait nous expliquer comment il nous a mis dans cette situation avec la Pearson Development Corporation.

Tout ce que nous essayons de faire, et j'insiste là-dessus auprès du député, c'est de réparer un gâchis. Je crois que le député fait allusion à une commission royale. Qu'est-ce qu'une commission royale? C'est quatre, cinq ou six personnes indépendantes qui n'ont peut-être pas encore été exposées au problème et qui reçoivent des fonds. Combien coûte une commission royale de nos jours? La dernière dont j'ai eu connaissance et qui portait sur la politique des transports a coûté 22 millions de dollars. Avons-nous besoin de nous lancer dans ce genre d'entreprise aujourd'hui? Avons-nous besoin d'une inquisition de la sorte pour nous dire ce que nous savons déjà? Sommes-nous prêts à dépenser un tel montant? Nous aurions un rapport dans 18 ou 24 mois-c'est le temps qu'il faut pour obtenir les conclusions d'une commission royale de nos jours-sur quelque chose que nous savons déjà.

Je comprends le député et je lui sais gré des observations qu'il vient de faire, mais je dis que nous devrions nous mettre au travail, régler cette situation et oeuvrer ici non seulement pour l'Aéroport international Pearson, mais pour tous les autres aéroports du pays.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je suis d'accord avec le député du Bloc. Je le remercie d'avoir fait ressortir le côté sordide de cette affaire.

Je me souviens que l'opposition avait demandé au gouvernement libéral alors au pouvoir de divulguer, au vérificateur général, tous les détails de la vente de Petrofina. Le gouvernement avait refusé d'accéder à cette demande. Ensuite, le gouvernement a changé et les Canadiens ont entendu l'opposition libérale demander au gouvernement conservateur de faire exactement la même chose, c'est-à-dire de révéler au vérificateur général tous les détails financiers de la vente de Petrofina pour qu'il puisse présenter un rapport précis au public. Ça n'a jamais abouti.

Le député a parlé d'un contrat qui aurait été passé pour l'aménagement de la troisième aérogare et a dit qu'ils avaient demandé des détails au sujet de ce contrat.

Le gouvernement est-il prêt à divulguer tous les détails de ce contrat? Nous n'avons pas besoin d'une commission royale d'enquête. Il suffirait d'apporter tous les documents pertinents et de les déposer à la Chambre pour que le public et les représentants des Canadiens puissent y avoir accès et que tous ceux qui veulent les examiner et présenter des observations puissent le faire.

Le député aurait-il des commentaires à faire à ce sujet?

M. Comuzzi: Monsieur le Président, j'aimerais effectivement faire des commentaires à ce propos et je suis heureux d'entendre le député dire que nous n'aurons pas besoin d'une commission royale d'enquête.

Sa question tombe à pic. Le Comité permanent des transports vient justement d'avoir une réunion ce matin. Deux représentants du Parti réformiste participaient à cette réunion où nous avons déclaré, à l'unanimité, vouloir que le Comité permanent des transports de la Chambre des communes examine cette question de façon aussi approfondie que possible, recueille le plus d'informations possible et se penche sur celles-ci dans les meilleurs délais, de sorte que les députés et les Canadiens sachent exactement comment a été conclue cette entente qui empiète sur leurs droits.

J'espère que cela apprendra aux députés de notre côté et de votre côté de la Chambre que, s'ils veulent honnêtement représenter les habitants du Canada, ils ne doivent jamais plus se lancer dans un processus de négociation comme celui-ci. Je serais personnellement très contrarié si je voyais quiconque à la Chambre se lancer dans un processus de négociation où les pressions et l'influence seraient telles qu'il serait gênant d'être un ministériel.

(1610)

Je suis content que le député ait posé cette question. L'information que le député veut obtenir lui sera donnée par le Comité permanent des transports et les membres de son parti.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député du discours qu'il a prononcé aujourd'hui. Son allocution a certainement convaincu tous les députés qu'il était un spécialiste des questions touchant l'Aéroport international Pearson et même les transports en général.

J'ai toujours admiré les profondes connaissances de mon collègue. Je ne dis pas cela seulement parce que je suis d'accord avec lui, mais parce que, depuis son élection au Parlement en 1988, il s'est fait connaître comme l'un de nos meilleurs spécialistes des questions de transport, en particulier en ce qui concerne l'accord de l'aéroport Pearson. Mon collègue m'a beaucoup conseillé sur cette question.


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Lui et moi somme d'avis qu'il faut beaucoup d'audace à M. Bronfman et aux autres dirigeants de la Pearson Development Corporation pour demander un dédommagement de près de 200 millions de dollars, surtout après toutes les manigances qui ont eu lieu.

Mon collègue a rappelé certains éléments de l'accord qui ont amené M. Nixon à tirer une conclusion, et je cite: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-ci, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.» Et M. Bronfman a le front de réclamer un dédommagement.

Ma question est la suivante: Mon collègue croit-il que ces gens ont droit à quelque chose? Sauf le respect que je leur dois, M. Bronfman et la Pearson Development Corporation méritent de se faire envoyer promener, après tout ce que nous avons appris. Ils ne méritent pas un cent en vertu de ce contrat déraisonnable.

Si mon collègue est d'accord sur ce point, ne reconnaît-ilpas. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre s'il-vous-plaît. Je regrette, mais nous ne pouvons pas prolonger davantage. Je demanderais au député de Thunder Bay-Nipigon de bien vouloir répondre.

M. Commuzzi: Monsieur le Président, je voudrais d'abord remercier mon collègue de ses aimables paroles. Je tâcherai d'être bref. Je crois que ces négociations sont sans valeur au départ.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, le premier ministre avait promis, dans l'histoire de la privatisation de l'aéroport Pearson, de faire toute la lumière sur les circonstances entourant la négociation et l'accord de privatisation comme tel.

Au lieu de cela, nous avons eu droit à une étude réalisée par un ex-ministre libéral de l'Ontario, derrière des portes closes, et qui nous explique que le personnel politique et les lobbyistes ont eu un rôle à jouer, un rôle hors de l'ordinaire dans la négociation de cette transaction. On ne rentre pas suffisamment dans les détails et on ne blâme personne. La lumière doit être faite et elle ne peut se faire que par une enquête publique.

Tant et aussi longtemps que nous ne saurons pas quel a été le rôle des intervenants, c'est-à-dire du gouvernement, des fonctionnaires, du personnel politique, des lobbyistes et des investisseurs comme tels dans le déroulement de la négociation, et tant que nous ne saurons pas qui a poussé pour que cette transaction soit signée coûte que coûte, même en pleine campagne électorale, nous ne pourrons pas déterminer si les investisseurs sont effectivement des victimes de cette signature et qu'il faille compenser le cas échéant, les dédommager pour y avoir concouru, ou si ces investisseurs sont des acteurs de cette signature précipitée, auquel cas ils ne devraient pas recevoir de compensation.

Puisque le gouvernement veut montrer patte blanche et être un gouvernement transparent, il devrait permettre la tenue d'une commission royale d'enquête, comme nous le lui demandons depuis le début, pour que toute la lumière soit faite sur ce qui pourrait s'avérer un des plus importants cas de patronage dans l'histoire du Canada.

(1615)

Notons que dans ses premiers jours-et j'entendais, ce matin, ses commentaires odieux quelquefois, déplacés souvent-le ministre des Transports ne s'opposait pas à ce qu'une enquête publique soit ordonnée pour éclaircir les circonstances entourant la transaction de Pearson. Et plusieurs députés libéraux du caucus de Toronto étaient favorables à une telle enquête. Mais c'est après avoir réalisé que des intérêts d'amis du parti étaient en jeu, et non seulement d'amis du parti conservateur, que le gouvernement s'est rabattu, que le premier ministre s'est rabattu sur un simple rapport réalisé à huis clos, soit le rapport Nixon.

Il est certain que lorsqu'on regarde les personnes impliquées, et surtout les lobbyistes impliqués dans cette affaire, il y a beaucoup de lobbyistes tout près de l'administration précédente, l'administration conservatrice. Je n'en nommerai que quelques-uns. Il y a Pat MacAdam, lobbyiste conservateur et ami de collège de Brian Mulroney. Il y a Bill Fox, lobbyiste et conservateur, ancien attaché de presse et ami personnel de Brian Mulroney. Il y a Harry Near, lobbyiste conservateur et militant conservateur de longue date. Il y a Don Matthews, ex-président de la campagne d'investiture de Brian Mulroney en 1983, ex-président du Parti conservateur et ex-président de la campagne de financement du Parti conservateur. Il y a Hugh Riopel, lobbyiste, homme fort du Cabinet Mulroney. Il y a John Llegate, un ami particulier de Michael Wilson. Il y a Fred Doucet, toujours lié de près ou de loin au Parti conservateur.

Mais il y avait aussi des libéraux, et c'est probablement là que le bât blesse, et c'est probablement là que se trouve l'argument qui a fait en sorte que malgré les promesses faites sur l'éventualité d'une commission royale d'enquête qui pourrait faire la lumière sur l'ensemble des rouages et des choses inconnues entourant la privatisation de l'aéroport Pearson, c'est probablement à cause de ça qu'on n'a pas fait cet examen avec toute la transparence que l'on demandait à l'actuel gouvernement.

Il y avait, par exemple, dans les personnages impliqués, le sénateur Leo Kolber. On s'en rappelle, il a fait les manchettes pendant la campagne électorale en organisant pour l'actuel premier ministre un dîner causerie très intime, quelque chose de pas compliqué à 1 000 $ le couvert. Et le sénateur Kolber avait invité des personnalités très connues, comme Charles Bronfman, qui lui aussi était impliqué dans l'histoire de Pearson.

Il y avait aussi Herb Metcalfe, un lobbyiste du groupe Capital Hill et représentant de Claridge Properties et ancien organisateur de l'actuel premier ministre. Il y en avait d'autres et il y en aura d'autres, comme Ramsay Whitters, lobbyiste libéral avec des liens profonds avec le premier ministre actuel. Disons qu'il y en avait pour tous les goûts.


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Alors, lorsqu'on regarde cela, je comprends fort bien qu'au risque d'éclabousser les amis du parti qui sont aussi de façon indirecte, probablement, par la participation qu'ils ont dans certaines entreprises canadiennes, des contributeurs à la caisse du Parti libéral du Canada, mais c'est probablement à cause de cela que le gouvernement actuel n'a pas voulu faire toute la lumière sur ce dossier.

Je vois nos amis d'en face qui sont fâchés qu'on nomme de leurs amis, qu'on pointe du doigt le facteur principal qui a joué en faveur d'un projet indécent comme celui qu'on nous présente aujourd'hui en cette Chambre, et qui veut passer l'éponge sur l'implication des amis du Parti libéral du Canada dans l'histoire de la privatisation de l'aéroport Pearson.

Le public a droit de connaître tous les détails de l'accord, et c'est pour ces raisons que le Bloc québécois exige une enquête publique et indépendante pour que le gouvernement fasse la lumière sur ces événements. La situation est suffisamment grave et suffisamment sérieuse pour que le ministre des Transports ait lui-même affirmé que le gouvernement fédéral songeait à mettre sur pied une commission royale d'enquête. Il a fait cela le 29 novembre 1993. Il est vrai qu'on est toujours un peu plus pur lorsqu'on prend les rênes d'un ministère. Probablement qu'il s'est fait rappeler à l'ordre rapidement par l'establishment de son parti.

Il n'y a pas seulement l'implication des amis du Parti libéral du Canada dont il faut faire mention dans ce dossier. Il y a aussi un cumul, une somme d'incongruités, de bizarreries, d'anomalies, de choses pratiquement indécentes sur le plan financier au niveau de la transaction comme telle dont il est important de faire mention. J'en nommerai quelques-unes. Nous nous sommes penchés sur le contrat en entier et c'est pour cela qu'il serait intéressant d'avoir une commission royale d'enquête pour faire le tour de l'ensemble de ces incongruités.

(1620)

Tout d'abord, j'en viens au terme du contrat. On dit que le terme est divisé en deux pour les premières 37 années, auxquelles s'ajoute une possibilité de renouvellement de 20 ans. Pourquoi avoir fait cela? Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il accepté, à ce moment-là, d'agir ainsi avec les investisseurs de l'aéroport Pearson? C'était justement pour économiser une taxe ontarienne sur le transfert de propriété qui fait en sorte que quand vous avez des baux supérieurs à 50 ans, d'un seul coup comme cela, vous devez payer environ 10 millions de dollars.

Alors avec la complicité du gouvernement fédéral, les investisseurs ont pu contourner, par cette clause, la taxation ontarienne. A-t-on déjà vu un gouvernement fédéral se faire complice d'une évasion fiscale d'un gouvernement provincial?

La deuxième incongruité se retrouve dans le calcul du loyer de base. Selon le contrat, il y a deux façons de calculer le loyer. Je n'en mentionnerai qu'une autour de laquelle on ne retrouve pas moins de dix choses bizarres, dix clauses qui ne se retrouvent pratiquement jamais ou qui se retrouvent peu dans des contrats de la sorte, et surtout, dans des transactions impliquant des centaines de millions de dollars, comme celle de la privatisation de Pearson. Selon le contrat, Pearson Development Corporation, PDC, doit payer 30,5 p. 100 de ses revenus bruts de l'année précédente au gouvernement, et ce, jusqu'à concurrence de 125 millions de dollars de revenus bruts. Pour tout montant supérieur à 125 millions de dollars de revenus bruts, PDC, c'est-à-dire Pearson Development Corporation, devait payer au gouvernement 45,5 p. 100 de ses revenus bruts en loyer.

Or, le calcul du revenu brut inclut normalement tous les revenus générés par les opérations des aérogares, mais exclut, dans le cas de Pearson, pas moins de 10 déductions considérées comme inhabituelles dans ce genre de contrats. La première touche les taxes prélevées auprès des consommateurs, passagers et occupants, qui ont été encaissées par Pearson Development Corporation pour le compte du gouvernement. La deuxième: des éléments de revenus extraordinaires ont été enlevés du calcul de revenu brut. C'est une chose inhabituelle. Si vous enlevez ces revenus extraordinaires du calcul du revenu brut, nécessairement, cela se reflète à la baisse sur le loyer de Pearson.

Alors, on a enlevé délibérément dans le contrat les éléments de revenus extraordinaires, pour faire en sorte que, sur les 57 années, on puisse réduire le loyer de Pearson. Le troisième aspect d'incongruité dans la transaction financière a trait aux revenus qui, sans être extraordinaires, donc, qui sont d'autres types de revenus, ne sont toutefois pas fréquents et n'émanent pas des opérations normales des terminaux, y compris la vente d'actifs. Autrement dit, encore une fois, par ces revenus non extraordinaires, en les exemptant du calcul du loyer brut, on réduit à la baisse, justement, ce loyer brut.

Il y avait des incongruités aussi dans les dispositions concernant les revenus d'investissement. Je me passerai de détails, car il y a des tables d'actualisation autour de cela, mais je voudrais toutefois dire que ce type de disposition sur des revenus d'investissement ne se retrouve que peu fréquemment dans ce genre de transaction. Je pourrais nommer les rabais et remboursements octroyés par PDC aux occupants de l'aéroport. Je pourrais parler du recouvrement et des dépenses faites par le gouvernement pour l'occupation d'espaces à l'aéroport où on a relevé des incongruités partout, des choses bizarres, des choses qui sont anormales dans ce type de transaction.

On peut parler aussi des sommes encaissées d'un tiers par PDC pour le compte du gouvernement ou de tout autre tiers, clause assez inhabituelle dans ce genre de contrat. Bref, il y a une clause aussi dont je voudrais faire mention, c'est que le gouvernement fédéral a pris à sa charge des créances de Pearson, alors qu'il n'est aucunement impliqué dans les opérations. Autrement dit, le gouvernement fédéral se portait garant pour les mauvaises créances, alors qu'il n'était plus impliqué dans la gestion de l'aéroport. C'est révoltant, monsieur le Président!

Pour en nommmer d'autres, je pourrais parler des 70 millions de dollars qu'on a payés à Air Canada pour la convaincre de soutenir le projet de privatisation. Imaginez, convaincre Air Canada d'appuyer un projet de privatisation aussi incongru, aussi irrégulier que celui de l'aéroport Pearson.

(1625)

On pourrait parler aussi de la prime de séparation aux employés de Transports Canada. Le gouvernement du Canada avait offert des primes de séparation à 160 de ses employés, et ça même si leurs emplois étaient garantis pour deux ans, auprès de Pearson Development Corporation, et ce, à des conditions simi-


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laires à leur emploi actuel. Cette prime de séparation aurait coûté aux contribuables canadiens, absolument pour rien, monsieur le Président, pas moins de 5,5 millions de dollars.

On peut aussi déplorer, surtout dans une transaction de cet ordre, l'absence d'analyses financières, d'analyses de prévision de revenu sérieuse et indépendante des principaux intimés, c'est-à-dire des deux sociétés d'investisseurs qui se sont fusionnées, et aussi l'absence d'analyses de la situation de ces investisseurs eux-mêmes. Quand vous regardez la situation de Paxport, quand vous regardez la situation de l'autre participant à la transaction, vous vous apercevez que ce n'était pas le Pérou pour ces gens-là. La situation financière de Paxport était déplorable.

Alors, on pourrait en parler des incongruités, on pourrait en parler pendant une journée, je vous dirais, parce que lorsqu'on passe le contrat au peigne fin, on ne cesse de relever des choses sur lesquelles on se pose de sérieuses questions dans cette transaction.

Alors, en allant de l'avant avec le projet de loi qu'il nous a présenté ce matin et en refusant de mener une enquête publique sur ce dossier, le gouvernement perd toute sa crédibilité, un gouvernement qui prétendait en pleine campagne électorale redonner confiance aux citoyens en leur gouvernement en misant sur la transparence et sur l'intégrité. Je pense que déjà en partant, ça va mal, «ça va mal à la shop» comme on dit.

Il serait peut-être temps que les députés d'en face, les députés libéraux, qui sont devant moi, qui semblent un peu attristés par le cours des choses, que ces députés-là se réveillent. Qu'ils se réveillent, parce que, pour moi et pour mes collègues, j'ai l'impression qu'ils sont des marionnettes de l'establishment de leur parti, des marionnettes de leur ministre aussi qui arrive avec des réponses toutes faites au caucus, en disant: «Il faut voter pour ça, il faut appuyer ci, il faut appuyer ça.» Ils sont surtout des marionnettes des grands mandarins de l'establishment du Parti libéral.

Alors, je leur demanderais de se réveiller, parce que la population commence aussi à se réveiller et commence à en avoir assez du patronage, du graissage de pattes des amis du parti, de l'absence de politiques de financement populaire, aussi de l'absence de transparence, de l'absence d'intégrité, bref, de gens qui se sont battus pendant des années en dénonçant le manque d'intégrité du gouvernement précédent, et en dénonçant justement ce type de transaction qu'ils ont pratiquement béni, parce que justement les amis du Parti libéral du Canada sont impliqués et ils sont impliqués directement.

Alors pour toutes ces raisons, je m'opposerai à l'adoption du projet de loi C-22 et je réclame aussi, au nom de mes collègues, et le chef de l'opposition l'a aussi demandé ce matin, la tenue d'une commission royale d'enquête pour faire la lumière dans toute cette histoire.

Je vous remercie, monsieur le Président, et j'espère que mes collègues d'en face sauront un jour se réveiller, parce que c'est un comportement irresponsable qu'ils adoptent à l'heure actuelle.

[Traduction]

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Monsieur le Président, les déclarations du député sont, pour le moins, non fondées. Il est totalement ridicule d'accuser ce parti qui a tenu sa promesse et a annulé la transaction, et de nous qualifier ainsi de marionnettes.

Nous ne sommes pas le parti qui tente de se soustraire à ses responsabilités envers le public canadien car, en vertu de ce projet de loi, nous remplissons une promesse faite avant les élections et réitérée après notre élection, soit celle d'annuler la transaction que nous savions être contraire aux intérêts des Canadiens. Même le Bloc québécois admet que le processus n'est pas valable et que le contenu des accords n'est pas satisfaisant.

J'aimerais toutefois que le député emploie un langage un peu plus noble. Car c'est son chef qui, pendant de nombreuses années, a fait partie de cette bande de malfaiteurs, comme nous appelions le gouvernement précédent. J'en ai assez de votre hypocrisie, de vous voir pointer du doigt. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je tiens à rappeler aux députés de bien vouloir s'adresser à la présidence.

(1630)

M. Fontana: Monsieur le Président, par l'intermédiaire de la présidence, je voudrais dire au député qu'il est un hypocrite comme son chef et. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Ce genre de langage est antiparlementaire. La présidence doit demander au secrétaire parlementaire de retirer cette remarque non parlementaire.

M. Fontana: Monsieur le Président, c'est antiparlementaire uniquement lorsque ce n'est pas vrai. Je ne retirerai pas ma remarque parce que nous faisons l'objet de toutes sortes d'accusations. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Je sais que les députés croient fermement aux causes qu'ils défendent à la Chambre. Dans l'ensemble, nous nous conduisons tous de façon respectueuse afin de préserver la tradition et aussi, à mon avis, pour répondre aux attentes de nos électeurs, qui peuplent ce grand pays qui est le nôtre. Il arrive parfois que les débats à la Chambre soulèvent de grandes passions. Je demande tout de même au député de London-Est, le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, de réfléchir et de retirer ses propos.

M. Fontana: Monsieur le Président, je retire mes propos et je présente mes excuses à la Chambre.

Des voix: Bravo!

M. Fontana: J'aimerais que le député d'en face réussisse aussi, de son côté, à ne pas utiliser de paroles désobligeantes. Par exemple, en traitant de marionnettes les députés qui siègent de ce côté-ci de la Chambre, il s'attaque à leur réputation.

Le Bloc a présenté un amendement et une proposition réclamant des audiences publiques. Je veux savoir comment nous pourrions justifier le long retard que cela engendrerait et les dépenses faramineuses qui s'ensuivraient. Ne serait-il pas plus prudent d'oublier cela? Le projet de loi est assez clair sur ce qui sera payé et ce qui ne le sera pas. Nous ne paierons ni les lobbyistes, ni les profits non réalisés ni les occasions ratées, mais nous paierons les dépenses engagées. Le projet de loi est assez explicite. En fait, il dit que nous devons négocier selon ces conditions. Si nous ne pouvons pas nous entendre dans ce cadre,


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les négociations se termineront 30 jours après la proclamation de cette loi et les gens n'auront rien.

Les bloquistes parlent des responsabilités du gouvernement sur le plan fiscal, de transparence, de la nécessité de bâtir notre pays et d'agrandir l'aéroport Pearson, ainsi de suite. Comment peuvent-ils présenter une telle proposition qui ne fera qu'augmenter le coût du projet pour les contribuables canadiens et retarder encore son aboutissement?

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au député de Saint-Hyacinthe-Bagot, au nom de tous ceux qui occupent ce fauteuil, je tiens à faire part au député de London-Est de mon appréciation et de mon respect devant le fait qu'il a retiré ses propos.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, j'accepte les excuses de mon collègue.

Pourquoi tenir une commission royale d'enquête? Je vais vous donner quelques raisons. La première, c'est pour répondre justement aux recommandations de M. Robert Nixon qui a mis en lumière un tas d'aspects, un tas d'incongruités. Il affirmait, à un moment donné, que les lobbyistes avaient joué un rôle très important dans toute cette histoire-là, de même que les amis du Parti conservateur et du Parti libéral aussi.

Alors, c'est pour faire la lumière sur cela et pour faire en sorte que les lobbyistes qui se promènent sur la Colline parlementaire, qui essaient d'influencer les ministres, qui essaient d'influencer les députés, qui essaient d'influencer les caucus, le premier ministre aussi, que ces lobbyistes se comportent comme des bons citoyens et qu'ils ne se comportent pas comme des magouilleurs, avec la complicité d'anciens hauts fonctionnaires liés de près au Parti libéral.

S'ils n'ont rien à se reprocher de l'autre côté de la Chambre, pourquoi refusent-ils d'avoir cette commission royale d'enquête, qui est une recommandation même du ministre des Transports, il n'y a pas si longtemps? Pourquoi ne voulez-vous pas la tenir, cette commission royale? De plus, je trouve que mon collègue fait preuve d'un cynisme absolu lorsqu'il dit qu'avec ce projet de loi, on ne graissera plus la patte à tous ceux qui en ont profité probablement dans d'autres projets, peut-être pas d'une ampleur comme celle de Pearson, mais dans d'autres, ailleurs, parce que les lobbyistes demeurent des lobbyistes professionnels partout, dans tous les dossiers fédéraux.

(1635)

Pourquoi dit-il qu'il n'y a plus de graissage de patte dans ce projet-là, alors qu'il est précisé être à la discrétion du ministre des Transports d'indemniser ou non les parties intimées et que c'est à lui aussi que revient le choix du montant de l'indemnité à donner et à qui la donner? Imaginez-vous, c'est presque une dictature, c'est presque dictatorial.

Alors, je demanderais à mes collègues de cesser de se conduire avec ce cynisme, de cesser de se conduire comme des olibrius.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, je veux dire à mon collègue que je suis d'accord avec lui que nous avons besoin d'une enquête royale.

[Traduction]

Je tiens à dire au député que je suis d'accord avec lui et son parti sur la nécessité de tenir une enquête sur cette question, surtout à la lumière de ce que M. Nixon avait à dire.

Des voix: Bravo!

M. Nunziata: Je voudrais vous citer à nouveau ce qu'il déclarait dans son rapport. Il disait: «Valider un contrat inadéquat comme celui-là qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.»

Il a ajouté que le rôle des groupes de pression était allé bien au-delà de ce qu'il considérait comme les activités appropriées de consultants auxquels les entreprises pouvaient avoir recours pour se mettre en rapport avec le gouvernement.

On pourrait presque conclure que ces activités étaient pratiquement criminelles. J'ai un très grand respect pour M. Nixon, mais il a effectué son enquête et rédigé son rapport en privé. Alors que nous étions dans l'opposition, puis au gouvernement, nous nous sommes plaints du processus qui avait conduit à la signature de ce contrat avec la Pearson Development Corporation.

M. Nixon a procédé à ses audiences en privé. À l'heure actuelle, M. Wright poursuit les négociations de la même façon et, en toute déférence, je tiens à dire que M. Nixon n'a nommé personne, mais qu'on aurait peut-être dû le faire pour que les Canadiens comprennent exactement ce qui s'est produit; ils sauraient ainsi si oui ou non des indemnités doivent être versées.

On nous dit dans ce projet de loi qu'on devrait indemniser certains pour les dépenses engagées. Selon moi, il ne devrait y avoir aucune indemnisation.

À la suite d'une enquête ou si les Canadiens sont mis au courant de tous les faits dans le cas présent, je suis persuadé qu'eux aussi jugeront qu'il est inutile d'indemniser les parties.

Je voudrais poser une question à mon collègue du Bloc québécois. À la lumière des renseignements qu'il a en main aujourd'hui, ne trouve-t-il pas comme moi qu'aucune indemnisation n'est nécessaire?

Dans l'affirmative, le Bloc québécois appuierait-il un amendement supprimant l'article 10 de ce projet de loi qui permet au ministre, en fait, d'obtenir un chèque en blanc pour rembourser leurs frais aux parties en cause?

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, la suggestion du député sera étudiée au mérite par mon parti. Nous accueillons certes avec satisfaction la déclaration de l'honorable député, et nous sommes contents qu'il n'y ait pas que des marionnettes et des pantins de l'autre côté de la Chambre.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter mon collègue de Saint-Hyacinthe de sa brillante intervention et des


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faits troublants qu'il a exposés et qui justifient la mise sur pied d'une commission royale d'enquête.

J'aimerais également faire un commentaire concernant mon collègue et néanmoins ami, le député de London, qui, lui, s'oppose à une enquête royale et qui a accusé notre chef d'utiliser des mots antiparlementaires, l'associant aux décisions du gouvernement antérieur qui allaient dans le sens des décisions qui ont été prises concernant l'aéroport Pearson. Je pense qu'il devrait changer d'avis et convenir avec nous de la nécessité d'une commission royale d'enquête. Il verrait qui sont les véritables acteurs, autant du côté des conservateurs que du côté des libéraux et il comprendrait mieux l'importance de saisir le public de toute l'information.

(1640)

Alors j'invite mon collègue, tout comme son collègue, à appuyer cette demande d'enquête. Je pense qu'après le caucus de demain, les députés du parti ministériel vont ajuster leur tir. Je suis tout à fait convaincu que demain après-midi ils vont appuyer d'emblée l'amendement du Bloc québécois.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Leeds-Grenville, l'éthanol; l'honorable député de Lévis, le Plan d'action pour les jeunes; l'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup, VIA Rail.

[Traduction]

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir faire quelques commentaires sur le projet de loi C-22 dont le Parlement est saisi.

À titre de député de la région du Grand Toronto, je me suis particulièrement intéressé à ce dossier, non seulement durant la campagne électorale de l'automne dernier, mais aussi pendant les années où j'ai présidé les travaux d'un groupe de travail libéral fédéral chargé d'étudier l'avenir de l'Aéroport international Pearson.

Le 12 juin 1989, le groupe a présenté un rapport dans lequel il concluait que ce serait une erreur de privatiser n'importe lequel des aérogares de l'aéroport Pearson. Notre parti a toujours défendu cette position depuis nombre d'années.

L'ancien gouvernement conservateur a toutefois décidé, dans sa grande sagesse et à notre vif dépit, de privatiser les aérogares 1 et 2 de l'Aéroport international Pearson, ayant déjà autorisé des intérêts privés à aménager et à exploiter l'aérogare 3 à cet endroit.

Au cours de la dernière année et des mois qui ont précédé les élections générales, ce qui s'est produit relativement à la privatisation des aérogares de l'aéroport Pearson est devenu très clair: les ministres conservateurs, y compris le premier ministre Mulroney et même la première ministre Campbell, savaient parfaitement ce qui se passait au regard de la privatisation et ont en fait donné leur bénédiction à un processus envers lequel M. Nixon n'a pas été tendre et qu'il a qualifié d'irrégulier

Les négociations ont eu lieu à huis clos. L'accord a été achevé dans l'ombre. Des lobbyistes sont intervenus. Ils ont gagné des centaines de milliers, voire des millions de dollars à la suite de cela.

J'en reviens toujours à ce que M. Nixon a déclaré dans son rapport: «Mon examen m'a mené à une seule conclusion. Valider un contrat inadéquat comme celui-là, qui a été conclu de façon si irrégulière et, possiblement, après manipulation politique, serait inacceptable.» Il a ajouté que les lobbyistes avaient joué un grand rôle, un rôle dépassant nettement ce qu'il considérait être des activités légitimes de la part d'experts-conseils aidant des entreprises dans leurs démarches auprès du gouvernement. Dans son rapport, il a aussi dit que de hauts fonctionnaires des Transports avaient été remplacés après s'être opposés au contrat.

Peut-on imaginer que l'ancien gouvernement ait, d'une manière constructive, démis de leurs fonctions et replacé ailleurs des fonctionnaires qui avaient à coeur l'intérêt public et qui, pour cette raison, s'opposaient à ce contrat? Le gouvernement les a remplacés par des gens qui approuvaient un contrat récompensant, dans les faits, les fidèles et les amis des conservateurs.

Durant la campagne électorale, le gouvernement et le consortium ont senti que le règne conservateur tirait à sa fin; ils ont signé le contrat le 7 octobre 1993, deux semaines et demie avant les élections générales.

(1645)

Ce gouvernement croyait - et mal lui en a pris - qu'une fois le contrat signé, le nouveau gouvernement libéral n'allait pas l'annuler. Pourtant, pendant la campagne électorale, M. Chrétien, qui était alors chef du Parti libéral et donc pas encore le premier ministre, avait clairement dit, longtemps avant que le contrat ne soit signé, que, s'il était élu, il l'annulerait.

Voici les propos qu'il a tenus la veille, le 6 octobre: «Je prie instamment le premier ministre de mettre un terme au processus dès maintenant.» Il a ajouté: «Vous ne devez pas conclure une affaire de ce genre à trois semaines de la tenue d'élections, puisque ce sont des centaines de millions de dollars qui sont en jeu. Nous ne l'accepterons pas. Je ne plaisante pas! À tous ceux qui y sont mêlés, je dis: «Ne vous montez pas trop la tête demain. Nous examinerons le marché quand nous formerons un gouvernement. Si ce n'est pas une bonne affaire, nous n'irons pas de l'avant.»

Il a dit aussi: «C'est la mentalité Mulroney à son comble. On essaie vraiment de nous avoir jusqu'à la toute fin, ce qui est absolument inacceptable.» Voici encore ce que disait le premier ministre pendant la campagne électorale: «Je préviens toutes les personnes en cause que, si nous formons le gouvernement, nous nous pencherons sur cette transaction.»


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Le chef de l'opposition officielle d'alors pouvait-il être plus clair à la veille de la signature de l'entente? Pouvait-il dire plus clairement que son gouvernement allait annuler l'entente? Que M. Charles Bronfman et le consortium se présentent humblement devant les contribuables canadiens, après toutes leurs manigances pour faire signer cette entente et après l'avoir conclue, malgré l'avertissement formulé par celui qui allait devenir le prochain premier ministre du Canada, afin de soutirer aux contribuables canadien 200 millions de dollars, il faut pour cela avoir un sacré culot! Cela prend une bonne dose d'audace!

Je trouve que M. Bronfman et sa société devraient avoir honte d'avoir eu l'audace de faire cela après ce que M. Nixon en avait dit et ce que le premier ministre avait affirmé, quand il était chef de l'opposition.

Le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit le versement d'une certaine indemnisation. J'ai le devoir de m'opposer au versement de toute indemnisation. Personne n'a pu démontrer qu'il fallait en verser une. On pourrait invoquer toutes sortes de raisons. Nous avons entendu plusieurs députés nous expliquer qu'il ne devrait y avoir aucune indemnisation. Par contre, je n'ai entendu personne dire que, comme on avait agi de bonne foi ou qu'on avait dépensé de l'argent sans savoir, on n'était coupable d'aucune faute et avait droit à une indemnisation. Je n'ai entendu personne nous donner une raison.

Il n'existe pas de raison valable. C'est pourquoi nous n'avons entendu aucune justification, aucune explication ni aucun raisonnement qui légitime le versement d'une somme quelconque à la Pearson Development Corporation. C'est pour cette raison que je crois que l'article 10, qui permet au ministre de verser une indemnisation, devrait être supprimé.

J'exhorte les membres du comité, qui ont étudié ce projet de loi, à proposer la suppression de l'article 10, parce que c'est celui qui donne carte blanche au ministre, mis à part les dispositions prévoyant qu'on ne rembourse pas le coût des lobbyistes ou les profits non réalisés. Ainsi, le ministre pourrait signer des chèques pour indemniser non seulement la Pearson Developement Corporation, mais tous ceux qui ont collaboré à ses travaux-pour payer leurs dépenses.

J'affirme que ce serait déraisonnable de leur verser quelque somme que ce soit, non seulement à cause de ce qui s'est dit durant la campagne électorale et de ce qui s'est passé dans les coulisses, mais aussi en raison de l'énoncé très clair qu'on pouvait lire à l'alinéa 8.6.3 de la demande de propositions émise en mars 1992. Je répète que M. Bronfman et tous ceux qui étaient liés par ce marché connaissaient très bien les termes de la demande de propositions.

Voici ce que l'alinéa disait: «Tous les coûts et les dépenses engagés par les soumissionnaires relativement aux propositions sont à la charge des soumissionnaires. En aucune façon, le gouvernement n'est tenu d'acquitter ces coûts et ces dépenses, ni de verser un remboursement ou une compensation aux promoteurs, quelles que soient les circonstances, y compris en cas de rejet des soumissions et de l'annulation du projet.»

(1650)

On ne saurait être plus explicite, et l'appel d'offres précisait que tous ceux qu'un tel contrat avec le gouvernement du Canada intéressait s'y engageraient à leur propre risque puisque, non seulement leur soumission pouvait être rejetée, mais le gouvernement se réservait même le droit d'annuler le projet et donc de rejeter la soumission la plus avantageuse.

Comment expliquer le versement d'une compensation? L'appel d'offres stipulait au paragraphe 8.7.1 que le gouvernement avait le droit, premièrement, de rejeter toute soumission, deuxièmement, d'accepter toute soumission et, troisièmement, de décider s'il allait exécuter ou non le projet, uniquement selon sa propre discrétion.

Peut-on être plus clair? Ainsi, comme tous les intéressés savaient ce qu'ils faisaient, comment expliquer qu'on ait demandé aux pauvres contribuables canadiens de verser un montant à la Pearson Development Corporation dont le propriétaire majoritaire est Charles Bronfman, de Montréal?

Voilà la question à laquelle le comité et le Parlement sont confrontés. D'après moi, la grande majorité des députés de ce côté-ci, voire du Parlement conviendraient que, dans les circonstances, il ne devrait y avoir aucune compensation.

Il y a une expression latine qu'on nous apprenait dès la première année de droit et qui signifie: D'une cause honteuse une action ne naît pas. Autrement dit, pour se présenter devant le tribunal, il faut avoir les mains propres. On ne peut causer son propre malheur, participer à une transaction frauduleuse ou être coupable d'une façon ou d'une autre et s'attendre aller devant un tribunal pour réclamer justice, équité ou compensation.

Dans le cas de M. Bronfman, de la Pearson Development Corporation et de ses prédécesseurs, Paxport et tous ceux qui ont participé à cette malheureuse et regrettable transaction, on peut difficilement soutenir qu'ils sont innocents, dans le sens qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient ni ce qui se passait derrière les portes closes.

L'ancien gouvernement conservateur a jeté de la poudre aux yeux des Canadiens. Par exemple, on nous a dit qu'il y aurait de la concurrence à l'aéroport et, pourtant, le contrat a été accordé à un ami du premier ministre Mulroney. Puis, pour des raisons financières, il va dire à M. Bronfman qu'il ne peut pas respecter ce contrat. M. Bronfman, qui possède l'aérogare no 3, devient donc tout à coup le seul propriétaire de tous les aérogares de l'Aéroport international Pearson.

Qu'est-il advenu de l'intérêt public? S'est-on soucié de l'intérêt public tout au long de cette triste affaire? Je ne le crois pas, car beaucoup de gens-des gens qui demandent maintenant au Parlement d'être indemnisés-ont seulement cherché à tirer le plus d'argent possible des contribuables canadiens. Ils étaient prêts à agir d'une façon qui pouvait être perçue comme criminel-


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le ou frauduleuse afin de conclure un marché qui, je le répète, est absolument déraisonnable.

La responsabilité en incombe entièrement au gouvernement précédent. L'actuel premier ministre a bien précisé au cours de la campagne électorale qu'il allait annuler ce marché et c'est ce qu'il a fait. Personne ne peut mettre en doute l'intégrité du premier ministre en ce qui concerne l'annulation du contrat de vente de Pearson. Il a mené une étude. Une étude a été effectuée, et la transaction a été annulée. En fait, elle a été annulée le 3 décembre 1993. Nous sommes saisis aujourd'hui d'un projet de loi qui légalise la décision que le premier ministre a prise le 3 décembre. Mais il fait plus que cela. J'approuve en principe l'annulation de la transaction prévue par le projet de loi, mais je ne suis absolument pas d'accord pour qu'une indemnité soit versée conformément au paragraphe 10. Plus important encore, monsieur le Président, je ne suis pas d'accord pour que le Parlement soit appelé à discuter d'une proposition dont nous ne savons rien.

(1655)

Le consortium dirigé par M. Bronfman a présenté une réclamation. J'estime que les Canadiens ont le droit de savoir ce qu'est au juste cette réclamation. Que veulent ces gens-là? Pourquoi au juste devraient-ils être indemnisés? Nous savons qu'ils ne recevront rien pour les profits non réalisés, mais ils ont apparemment l'intention de réclamer une indemnisation de 30 à 35 millions de dollars pour leurs frais remboursables.

Avant que le Parlement puisse examiner efficacement la question, le comité devrait demander un état détaillé de tout ce qui entre dans le calcul de l'indemnisation demandée-si, bien sûr, le Parlement doit leur donner quoi que ce soit, et, à mon avis, il ne devrait rien leur donner.

J'espère que le ministre n'est pas prêt à émettre un chèque à l'ordre de la société sans dire aux contribuables ce que couvre exactement ce chèque. Je crois sincèrement à l'intégrité du ministre des Transports, et je sais qu'il ne fera pas cela, mais qu'il soumettra la réclamation au Parlement. Par conséquent, j'espère que le comité demandera ce document détaillé pour que nous sachions exactement ce qui entre dans le montant de l'indemnisation.

C'était là mon point de vue sur l'indemnisation. Je conviens qu'il faut annuler l'accord par voie législative. Il est évident que la société, Pearson Development Corporation, n'acceptera pas d'en rester là. On devrait lui dire d'aller se faire voir ailleurs, mais il semble qu'elle ait plutôt l'intention de revenir à la charge.

Cependant, il faut aussi s'occuper de l'avenir de l'aéroport international Pearson. J'utiliserai les quelques minutes qu'il me reste pour parler de l'avenir de cet aéroport.

Maintenant qu'il a décidé d'annuler l'accord, le gouvernement doit réfléchir à la suite des événements. Après débat, on décidera si, en fin de compte, un groupe privé ou une administration aéroportuaire locale doit gérer Pearson ou si Transports Canada doit continuer de contrôler directement un établissement fédéral qui procure près de 100 000 emplois directs et indirects, et dont les retombées économiques se calculent en milliards de dollars.

Il faudra tenir un débat plus approfondi sur la question, mais j'estime que, compte tenu de l'importance de l'aéroport Pearson pour l'économie nationale et pour le système de transport canadien, le gouvernement devrait en conserver le contrôle par l'intermédiaire du ministère des Transports et que nous ne devrions pas en confier la gestion à une administration aéroportuaire locale, car un tel organisme se préoccuperait surtout du rôle de l'aéroport dans la région de Toronto plutôt que dans l'ensemble de la nation.

J'espère que le ministre fera en sorte que le Parlement ait un jour la possibilité de se prononcer sur la question plus vaste de l'avenir de l'Aéroport international Pearson et de la responsabilité de sa gestion. Je crois que la plupart des députés conviennent que l'aéroport ne doit pas être privatisé, que ce serait une erreur. Notre premier aéroport international en importance ne devrait pas être cédé à des entreprises privées qui en retireront des profits dont elles seront les seules bénéficiaires.

Nous voulons tous voir l'aéroport Pearson remis à neuf, mais il y en a certains qui soutiennent que le gouvernement n'a pas l'argent pour le faire. Ce n'est pas tout à fait vrai. Si nous regardons l'état des résultats de l'aéroport international Pearson au cours des 10 ou 20 dernières années, particulièrement au cours des quelques dernières années où nous étions en pleine récession, l'aéroport a réalisé et réalise encore d'importants profits. On pourrait utiliser ces profits pour rénover.

(1700)

En dernier recours, si chacun des quelque 20 millions de voyageurs qui passent par l'aéroport Pearson chaque année devait payer des droits de 5 $ pour la rénovation de l'aéroport, ce qui est raisonnable, on aurait les fonds nécessaires sans avoir à privatiser l'aéroport.

Étant donné l'importance de l'aéroport Pearson, le groupe de travail dont j'ai fait partie a recommandé la création d'une commission royale d'enquête chargée d'examiner l'avenir de l'Aéroport international Pearson, son rôle et son utilisation, les problèmes de contrôle de la circulation aérienne, la nécessité de construire des pistes additionnelles et l'impact de ces nouvelles pistes sur l'environnement. Je ne crois pas que nous puissions regarder un aspect en particulier de l'aéroport Pearson sans tenir compte de tous les autres aspects.

J'exhorte le ministre à engager le Parlement dans un débat sur l'avenir de l'aéroport Pearson et sur le meilleur moyen de déterminer quelle voie nous devons choisir.

En terminant, je tiens à répéter ce que j'ai dit plus tôt, soit qu'on doit modifier ce projet de loi afin qu'il soit absolument clair qu'aucune indemnité ne sera versée à la Pearson Development Corporation. De plus, d'ici à ce que le Parlement ait eu le temps de terminer l'étude de ce projet de loi, la demande présentée par M. Bronfman devrait être rendue publique afin que les


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contribuables canadiens sachent exactement quelle en est la nature.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député pour la clarté de sa présentation. Il est évident qu'il connaît assez bien le dossier.

J'aimerais qu'il nous dise quel sera l'impact, pour la population québécoise et la population canadienne, de ne pas tenir d'enquête publique dans une telle situation si, effectivement, comme il apparaît très clairement, il y a eu beaucoup de malversations dans ce dossier, il y a beaucoup de gens qui se sont servis de la surreprésentation des lobbyistes et de pratiques de lobbying plus ou moins acceptables?

Donc, j'aimerais qu'il nous dise quel sera l'impact, selon lui, sur la population et sur l'avenir du gouvernement libéral actuel, de donner l'image qu'on veut laisser les souris danser et on veut continuer à fonctionner dans le même genre de système. En même temps, quelle image cela donne-t-il à ceux qui ne font pas partie de ce merveilleux ensemble, de ce merveilleux système où ce sont les contacts privilégiés qui importent ou le fait d'avoir un ami à un endroit ou à un autre?

Pour les citoyens ordinaires qui sont pris avec les contraintes économiques actuelles, avec toutes sortes de difficultés et sur qui on s'acharne, par exemple, en augmentant le nombre de semaines nécessaires pour l'assurance-chômage, quel message transmet-on lorsqu'un gouvernement en entier tolère de telles situations et chercherait à les laisser aller en ne tenant pas l'enquête publique qui pourrait permettre de clarifier cela?

[Traduction]

M. Nunziata: Monsieur le Président, je puis dire au député que le premier ministre a promis d'instaurer l'intégrité au gouvernement. Le 3 décembre dernier, il a fait savoir très clairement à tous ceux qui voulaient faire affaire avec le gouvernement du Canada que l'intérêt public était primordial; l'intérêt public devait donc être respecté, et il n'hésiterait pas à dénoncer et annuler toute transaction qui serait conclue d'une façon contraire à l'intérêt public.

Il faut faire remarquer au crédit du premier ministre qu'il a toujours maintenu qu'on devrait respecter la justice et l'équité dans les relations avec le gouvernement du Canada. Je pense que ce message a été bien accueilli par les Canadiens.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, il paraît clair que l'article 10, y compris tous ses paragraphes, constitue un instrument permettant de verser une indemnité. Cela paraît clair. On peut donc conclure que cet article résulte directement d'instances dont le gouvernement a fait l'objet.

(1705)

Par conséquent, il semble donc qu'une indemnité sera payée. Quelqu'un a dû soumettre une demande d'indemnisation au gouvernement, et le montant a dû être clairement établi. Grâce à l'article 10, ce document permettra de verser une telle indemnité.

Le député a tellement bien exposé la situation qu'il semble s'opposer clairement à ce que fait son propre gouvernement. Pourrait-il confirmer ce qui semble se faire jour, c'est-à-dire qu'une demande d'indemnisation a été présentée, qu'une mesure législative sera adoptée pour permettre de verser cette indemnité en vertu de l'article 10, et qu'il n'y a rien que nous puissions faire à ce propos?

M. Nunziata: Je ne suis pas d'accord, monsieur le Président. Je pense que nous pouvons faire beaucoup.

Le Parlement est saisi du projet de loi. Nous sommes tous des parlementaires. Nous avons le devoir de veiller à ce que le projet de loi respecte l'intérêt public. J'espère que tous les députés qui sont de mon avis prendront la parole pour réclamer la suppression de l'article 10 du projet de loi.

À l'article 9 du projet de loi, on peut lire que nul ne peut obtenir d'indemnité contre Sa Majesté en raison de l'application de la présente loi. Cette disposition établit clairement que le marché est annulé, mais j'ai de sérieuses réserves à l'égard de l'article 10.

Le député a raison. C'est l'instrument qui permettra de libeller un chèque à l'ordre de la société Pearson Development Corporation, et c'est répréhensible. J'estime qu'on ne devrait absolument rien lui payer.

Je ne fais pas partie du Comité des transports, mais j'espère que les membres du Comité des transports proposeront un amendement au lieu de se laisser distraire par des questions comme la possibilité de créer une commission royale d'enquête. C'est une question distincte. Quant au projet de loi dont le Parlement est saisi, j'espère que les députés proposeront un amendement visant à supprimer l'article 10. Grâce à la suppression de l'article 10, absolument aucune indemnité ne pourra être payée.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de York-Sud-Weston pour la franchise et le courage dont il fait preuve. Malheureusement, on n'a pas constaté les mêmes qualités chez tous les députés du parti d'en face.

Je voudrais demander au député si, à son avis, et selon son expérience - et je le respecte énormément parce qu'il siège en cette Chambre depuis longtemps maintenant et sa renommée et son honnêteté ne sont plus à faire -, selon le menu législatif qui nous est présenté ou qu'on peut anticiper, on aura la chance, comme le disait le député de Thunder Bay-Nipigon plus tôt, de revoir toute cette saga de l'aéroport Pearson, notamment lorsqu'on va déposer la fameuse loi sur les conflits d'intérêts ou sur les lobbyistes sur la Colline parlementaire? En tout cas, le type de loi qui s'en vient est assez difficile à saisir, mais je pense qu'il sait à quelle loi je fais référence. Est-ce que, à son avis, on


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pourra aborder tout ça à ce moment-là, comme l'affirmait le député de Thunder Bay-Nipigon?

[Traduction]

M. Nunziata: Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur le Président, je crois qu'il est important de rendre publics tous les détails de l'accord sur l'aéroport Pearson, mais je ne suis pas certain du moyen à utiliser pour le faire. Je pense que tous les documents devraient être rendus publics.

M. Nixon a fait des remarques très sévères, mais il n'est pas entré dans les détails; or, je crois qu'il faut connaître ces détails pour savoir, par exemple, quelles entreprises de lobbying d'Ottawa et quels particuliers faisant actuellement des affaires avec le gouvernement du Canada ont participé à des activités que M. Nixon jugeait totalement inacceptables. Je crois qu'il est dans l'intérêt public que l'on divulgue tous ces détails. Pour cette raison, je suis donc en faveur de la tenue d'une enquête.

(1710)

Le Comité des transports pourrait s'en charger. Un commission royale doté d'un mandat limité à trois mois et d'un modeste budget pourrait aussi s'en acquitter. M. Nixon, qui s'est déjà intéressé au dossier, pourrait également mener une enquête publique, de manière que tous les témoignages puissent être entendus et que les Canadiens connaissent exactement les détails de cette affaire.

Je ne crois pas que nous puissions discuter d'une manière éclairée de l'indemnité à verser à moins de connaître les détails actuellement disponibles. Comme je l'ai dit tout à l'heure, à la lumière des informations que j'ai et des déclarations de M. Nixon, j'en suis venu à la conclusion qu'aucune indemnisation ne devrait être versée.

Comme le Parlement étudiera dans l'avenir un code d'éthique, je pense que cet accord pourrait très bien illustrer comment les délibérations des gouvernements et des lobbyistes peuvent porter préjudice à l'intérêt public et à quel point il faut éviter ce genre d'activité.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur cette question. Je remercie le député d'en face d'avoir aussi nettement ouvert le débat pour nous tous. J'espère que cela va attirer l'attention des Canadiens moyens d'un bout à l'autre du pays et susciter leur colère.

La privatisation de l'aéroport Pearson et l'annulation hâtive, par le gouvernement, de la décision de privatiser ce dernier s'apparentent à des épisodes d'un mauvais feuilleton politique entraînant des conséquences très réelles pour les gens concernés, les Torontois et tous les Canadiens. À ce stade, on peut prédire que ce feuilleton n'aura pas un dénouement heureux.

La privatisation de l'aéroport était un projet complexe dès le départ, l'une des raisons étant bien sûr que tout s'est fait derrière des portes closes. C'est une décision dont la complexité n'a cessé de s'accroître avec le temps et la participation d'un nombre de plus en plus grand d'intervenants politiques.

Le gouvernement présente maintenant le projet de loi C-22, qui n'est pas vraiment complexe, quand on y pense, mais je crains que sa simplicité même ne cache ce que nombre d'entre nous croient être des intentions complexes de la part du gouvernement.

Il va sans dire que le Parti réformiste appuie l'annulation de l'entente de privatisation de l'aéroport Pearson même si la privatisation de la plupart, sinon de la totalité, des entreprises du gouvernement représenterait un grand pas en avant pour l'édification d'un nouveau Canada. Il est vraiment déplorable que le gouvernement précédent et le parti qui était auparavant au pouvoir aient été si embourbés dans le scandale et le népotisme qu'ils ont présenté sous un si mauvais jour toute la question de la privatisation aux Canadiens.

Certes, le projet de loi C-22 n'est pas une solution ni un remède au gâchis que nous a laissé le gouvernement précédent. Il ne fait qu'ajouter au gâchis. C'est pourquoi nous devons absolument rejeter le projet de loi C-22 en adoptant la motion présentée par mes collègues et l'opposition officielle, ainsi qu'en recommençant à zéro pour démêler cet écheveau d'intrigues politiques, de népotisme et de politique de bas étage.

À mesure que nous démêlerons l'écheveau, il se pourrait que nous trouvions une nouvelle liste de noms de gens ayant joué un rôle de premier plan dans toute cette affaire. Je crains que ce ne soit là l'objectif visé par la disposition du projet de loi C-22 donnant carte blanche au remboursement de débours. Le projet de loi C-22 ne règlera pas le problème, il ne fera que le faire disparaître en douce.

Je qualifie cette saga de mauvais feuilleton, mais ce sont des gens bien réels qui ont été victimes de ce gâchis. Comme d'habitude, ce sont les gens qui sont le moins responsables du problème qui en souffriront le plus et qui sont le moins susceptibles de bénéficier de la solution proposée par le gouvernement.

Je pense aux Torontois qui ont tellement besoin que l'aéroport Pearson devienne un aéroport de calibre international pour servir une ville de calibre international. Je pense aux gens qui auraient travaillé à la rénovation de l'aéroport Pearson. Ces gens comptaient sur des emplois. Je fais allusion par là à tous les Canadiens qui, qu'ils en soient conscients ou non, dépendent de l'aéroport Pearson, la plaque tournante la plus importante au Canada, pour maintenir les échanges commerciaux et assurer le transport aérien des Canadiens qui se rendent pour affaires à l'étranger, ainsi que des commerçants étrangers qui viennent faire des affaires au Canada.

(1715)

Chaque fois qu'un gouvernement prend une décision de ce genre, il y a un effet de ruissellement. C'est précisément pour cette raison que le gouvernement doit apprendre à se contrôler. En effet, chaque fois qu'il fait quelque chose, la vie des gens qui n'ont rien à voir avec un projet particulier se trouve bouleversée.

Encore une fois, il faut encourager la privatisation. Mais si celle-ci échoue à cause d'une mauvaise gestion et de la corrup-


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tion, comme dans le cas qui nous préoccupe, il faut virer de bord avec le plus grand soin, même si ça prend du temps.

Ce n'est pas ce qui s'est produit ici. Ce gouvernement veut faire franchir de façon expéditive toutes les étapes au projet de loi C-22. Chaque fois qu'un gouvernement décide d'étudier une question et de publier un rapport, il faut normalement s'attendre à ce que, d'ici à ce que les bureaucrates arrivent à une conclusion, le problème soit totalement différent tellement de temps se sera écoulé, tellement de poussière se sera accumulée sur les documents et tellement les pages de ces derniers auront jauni.

Cela a sans nul doute été le cas pour l'ancien gouvernement et presque à coup sûr pour ce parti la dernière fois qu'il s'est trouvé au pouvoir. Mais pas cette fois-ci. Je suis devenu tellement sceptique quant aux rouages de la politique traditionnelle que je ne puis m'empêcher de penser que, si ce gouvernement a fait preuve d'une telle célérité pour publier le rapport de l'étude Nixon et a décidé d'indemniser les entrepreneurs, c'est parce qu'il a peur que cette question ne traîne trop longtemps.

L'entente Pearson qui a été conclue doit être révoquée. Faisons-le. Mais plutôt que d'accorder au ministre le pouvoir de distribuer de vastes sommes d'argent, quelque chose comme 30 ou 40 millions de dollars, pour rembourser les menus frais, une expression politiquement douteuse si j'en ai entendu une, approfondissons la question pour déterminer une chose ou deux: premièrement, dans quelle mesure l'ancien gouvernement a bousillé cette entente?

Une enquête publique, autrement dit une affaire déjà réglée qui mérite qu'on en discute encore de crainte qu'elle ne rejaillisse et foule aux pieds encore une fois le processus politique au Canada. Prenons le temps de découvrir toute l'ampleur de cet impair politique. Essayons plus particulièrement de découvrir le rôle des lobbyistes dans cette affaire. Essayons de trouver combien de personnes ont pâti, inutilement et sans qu'elles l'aient cherché, de l'affaire Pearson pour que ce gouvernement puisse réparer ses erreurs.

Il est intéressant de voir qui a participé à cette affaire et quels sont les partis, les sociétés et les noms dont il a été question dans d'autres documents. Il faudrait les examiner attentivement. Nous devrions nous servir de cette histoire comme d'un exemple de ce qu'il ne faut jamais faire en politique.

Nous devons voir jusqu'à quel point Pearson a été un passif pour le gouvernement. Nous savons qu'il a été un passif très important et qu'il deviendra encore plus important si le projet de loi C-22 est adopté compte tenu, surtout, de l'article 10.

Pour terminer, nous devrions examiner de nouveau la privatisation de Pearson pour voir comment cela pourrait fonctionner. Cette fois, j'espère que le gouvernement au pouvoir aura la volonté politique et la sagesse de ne pas oublier que des décisions politiques de ce genre-là ne touchent pas seulement les intervenants politiques mais touchent tout le monde, les personnes qui travaillent à Pearson, celles qui réaménageraient cet aéroport et tous les Canadiens qui comptent tant sur cet aéroport.

Il y a une leçon valable à tirer de cette affaire. En présentant le projet de loi C-22, le gouvernement a montré aux Canadiens qu'il n'avait rien appris, surtout sur le plan de la rémunération. J'espère qu'il se rachètera en appuyant l'amendement qui anéantira ce projet de loi et qui mettra fin au faux pouvoir du ministre de rembourser des sommes énormes sans avoir à rendre de comptes, et en recommençant à zéro.

(1720)

Sinon, il aura montré que ce sont encore des intérêts politiques étroits qui contrôlent Ottawa et que les intérêts des travailleurs ne sont pas encore défendus comme ils le devraient par les partis politiques traditionnels.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, je félicite l'orateur précédent, car je trouve ses propos très pertinents.

Vu qu'il prône également la création d'une commission royale d'enquête, je voudrais lui demander s'il estime lui aussi que les coûts de cette commission seraient de l'ordre de 27 millions de dollars, comme nous l'a dit un intervenant précédent, car c'est bel et bien le chiffre qui a été donné par le Parti libéral tout à l'heure?

[Traduction]

M. Hanger: Monsieur le Président, c'est une bonne question qui touche l'évaluation des coûts. Qu'est-ce qu'il en coûtera s'il est question de remboursement? Je ne pense pas pouvoir évaluer l'offre globale proposée à titre d'indemnisation à ce moment-ci. Il faudra rendre les chiffres publics et ouvrir un processus d'examen transparent.

Le député a dit quelque chose au sujet d'une commission royale. Je me demande si une commission royale s'impose vraiment. Certes, je suis en faveur d'une enquête publique pour passer l'offre de dédommagement à la loupe, mais pas nécessairement d'une commission royale.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je voudrais retenir les propos de l'orateur précédent qui ne voulait pas qu'on mêle le bien-fondé de la privatisation dans certaines circonstances à une privatisation qui serait faite dans un contexte plus ou moins douteux, du type de celui qu'on a devant nous.

J'aimerais lui demander si dans une éventuelle loi sur les lobbies, il serait pertinent qu'il y ait un chapitre particulier sur les préoccupations, les protections qu'on doit prendre contre les lobbies dans des situations particulières où une privatisation est prévue? Est-ce qu'il faudrait des règles particulières concernant les lobbies qui pourraient s'appliquer dans le cas présent, mais qui pourraient s'appliquer aussi dans l'ensemble des cas, de telle sorte qu'on soit sûr que les mouches soient plus loin du miel?

[Traduction]

M. Hanger: Monsieur le Président, le métier de lobbyiste est aussi vieux que celui de politicien. Vouloir mettre fin au travail des lobbyistes par l'adoption d'une mesure législative est une gageure.


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Ce qu'il faut avoir à l'esprit dans le cas d'une entente, d'une offre de dédommagement ou d'une transaction quelconque qui amène le gouvernement à intervenir dans le secteur privé, c'est que, si tout est mis sur la table afin que le public en prenne connaissance et que tout le monde sache de quoi il retourne, on préviendra beaucoup d'activités douteuses. Si tout se passe dans le plus grand secret, les lobbyistes ont beau jeu. Par contre, si tout se déroule au grand jour, ils sont moins tentés de dépasser les bornes.

C'est dans cet esprit, c'est-à-dire au grand jour, que j'aimerais que l'on aborde à l'avenir toute proposition de privatisation.

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, il y a un aspect de la question qui m'inquiète un peu. On a entendu plusieurs orateurs s'inquiéter du coût d'une telle enquête, ou si une enquête royale est le bon choix. Peut-être pourrions-nous avoir un autre genre d'enquête? Ce qu'il importe de savoir et de se donner comme instrument, c'est une commission qui aurait le pouvoir de faire connaître la vérité. Quand vient le temps de choisir entre l'intérêt physique de la construction rapide d'un aérogare et l'intérêt du citoyen pour qu'il ait confiance en ses institutions, je pense qu'on n'a pas le droit d'hésiter deux minutes, on doit choisir l'intérêt du citoyen pour s'assurer qu'il soit protégé.

(1725)

S'il faut attendre six mois de plus pour obtenir la construction d'une troisième aérogare à Pearson, on attendra. Pendant ce temps-là, le citoyen qui paie des taxes saura que ses taxes sont utilisées à bon escient. Et si le parti ministériel n'a rien à se reprocher concernant les transactions menées par l'ancien gouvernement, si le gouvernement actuel prétend ne pas agir de la même façon, il ne devrait pas craindre une telle enquête. Il ne devrait pas craindre que cette enquête révèle des procédés dans lesquels il aurait pu lui-même tremper.

Un gouvernement transparent comme le Parti libéral se plaît à se qualifier ne devrait pas être inquiet des enquêtes menées par une commission royale. Il ne devrait pas avoir peur de répondre aux questions qui lui seront posées. Mais si le gouvernement continue de s'opposer à cette demande, il est fort possible que les contribuables commencent à douter de la sincérité de ce gouvernement. Il est possible que les contribuables se demandent pourquoi les libéraux cherchent tant à s'éviter l'odieux de passer devant un commissaire enquêteur. Lorsqu'on a les mains blanches, on ne craint pas la vérité, on ne craint pas les enquêteurs, on ne craint pas de révéler le passé des autres en ayant peur que ce passé puisse peut-être être assimilé au nôtre.

Selon moi, les commentaires qui ont été faits sont sincères, mais je ne pense pas qu'ils doivent s'arrêter là. Notre action doit faire en sorte que la vérité sorte au grand jour, que le grand public en soit informé et surtout, qu'on évite que dans d'autres transactions-ce pourrait être celle de Hibernia, celle du contrat des hélicoptères, un autre contrat qu'on a annulé-on ait à se poser les mêmes questions. Lorsque des questions se posent, lorsqu'il en va de l'intérêt public, on ne doit pas craindre de les poser et de le faire au grand jour.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne sais pas si le député de Calgary-Nord-Est veut faire une observation au sujet de la dernière intervention.

M. Hanger: Monsieur le Président, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question proprement dite. Son exposé de cinq minutes fourmillait de détails.

Toujours à propos de la commission royale et des deniers publics, qu'obtiendrait-on en en instituant une? Les précédentes commissions royales n'ont-elles pas été très coûteuses? Ne pourrait-on pas régler la chose de façon beaucoup plus efficace en recourant à d'autres moyens qu'une commission royale qui peut coûter des millions de dollars?

S'étant penché sur la question, M. Nixon a formulé certaines recommandations, et je crois que nous devrions les examiner de près. S'il est dit quelque part qu'il ne devrait pas y avoir d'indemnisation, il ne devrait tout simplement pas y en avoir! Voilà l'approche que je préconise.

Cela étant dit, je n'ai rien à ajouter aux observations du député.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, c'est un privilège de pouvoir prendre la parole dans le contexte de ce débat sur le projet de loi C-22. Pendant la dernière campagne électorale, le chef du Parti libéral du Canada s'est promené partout, d'un océan à l'autre, pour promettre à la population canadienne, entre autres, un gouvernement transparent. Où en est ce gouvernement après six mois de pouvoir?

Je rappellerai brièvement quelques faits qui, à mon avis, sont marquants dans ce domaine. Tel que promis, le gouvernement annule d'abord le contrat des hélicoptères, mais une grande surprise, nous ignorons, et la population ignore, le coût réel de cette transaction.

En décembre, pendant qu'à peu près personne ne s'intéressait à ce qui se passait à Ottawa, et pendant que nous étions préoccupés d'installer nos bureaux, tant à Ottawa que dans nos comtés, le gouvernement annonce une augmentation des cotisations à l'assurance-chômage. Par la suite, au moment de la présentation de son Budget, le 22 février dernier, il veut se donner une bonne image auprès de la population et il lui laisse croire qu'il est généreux, compréhensif et très bon administrateur en annonçant une baisse des cotisations qui, toutefois, ne sera effective qu'en 1995. Ce gouvernement se garde bien de dire clairement à la population qu'il ramène les cotisations au montant où elles se situaient avant qu'il les hausse.


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(1730)

Dans le dossier de Ginn Publishing, le gouvernement n'a berné personne qui a suivi le dossier, et la population n'a pas avalé les explications on ne peut plus étranges et contradictoires des différents ministres qui ont été interrogés sur le sujet.

L'opposition officielle a tenté par tous les moyens accessibles de faire la lumière sur cette vente d'une maison d'édition canadienne à un géant américain. Ce fut sans succès. Tous les libéraux, ministres comme députés, sont demeurés complices et ont préféré le silence aux réponses claires et sans équivoque. Ils nagent dans le clair-obscur, entre deux eaux, où l'oral seul laisse des traces sur ce terrain, où les libéraux se sentent liés par un engagement verbal venant apparemment d'un ministre du gouvernement précédent. Question pour laquelle un avis juridique, donné par le ministère de la Justice à la demande de son client, le ministère des Finances, tombe sous le secret professionnel des avocats, comme le stipule l'article 23 de la Loi sur l'accès à l'information.

Compte tenu du manque de transparence de ce gouvernement, il a été impossible pour la population de savoir vraiment qui on voulait protéger dans cette transaction et à qui cette transaction avait vraiment profité. Puis survint une autre situation troublante: des allégations sérieuses voulant que le Musée de la nature était mal administré. Un tollé général du monde scientifique, tant canadien qu'international, s'unissait pour réclamer une intervention avant qu'il ne soit trop tard.

Devant le Comité du patrimoine canadien, l'opposition officielle a rappelé, une fois de plus, que la population avait le droit de savoir si les allégations étaient fondées ou non, puisque les 18 ou 20 millions qui constituent le budget de ce musée viennent après tout de l'argent des contribuables. Les deux partis d'opposition ont alors réclamé le droit de recevoir en comité des témoins qui permettraient d'entendre les deux versions de cette histoire. Peine perdue! Les libéraux avec leur grande transparence ont refusé, encore une fois, que la lumière soit faite.

Loin de moi l'idée de prétendre que j'ai fait une revue exhaustive des six mois de cette administration et de ce gouvernement depuis qu'il est au pouvoir. Mon intention est plutôt d'attirer l'attention de la population sur une constante à partir des quelques exemples que je viens de rappeler. Et cette constante est la suivante: chaque fois que le gouvernement pourrait donner suite à sa promesse d'intégrité et de transparence, il choisit des faux-fuyants, même si dans le livre rouge ou dans ses discours tout au long de la campagne, le premier ministre a dit de différentes manières que la transparence était nécessaire pour que la population retrouve confiance dans le gouvernement et dans les hommes et les femmes politiques.

Voyons maintenant de plus près ce qu'il en est du projet de loi C-22, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson. J'irai droit au but pour rappeler brièvement et à ma manière quelques événements marquants qui débutent en avril 1987.

Dans un premier temps, le gouvernement conservateur convient d'abord de confier à une société immobilière, propriété de Charles Bronfman, la construction et l'exploitation de l'aérogare 3 de l'aéroport Pearson. Dans ce premier groupe d'amis se retrouvent entre autres Herb Metcalfe, démarcheur pour Claridge Properties Inc. et ancien organisateur de M. Jean Chrétien; Léo Kolber, le sénateur libéral qui, en campagne électorale, s'est permis d'organiser, comme on l'a rappelé à plusieurs occasions, le party à 1 000 $; Peter Coughlin, président de Claridge Properties Inc. qui est directeur général de Pearson Development Corporation; Ray Hession, ex-sous-ministre de tout ce qu'il y avait d'important dans les gouvernements libéraux précédents, et comme le rappelait le Ottawa Citizen, il est lié à la compagnie Paxport Inc.

(1735)

Par la suite, le gouvernement de Brian Mulroney revient sur une de ses décisions, et, en décembre 1992, décide de céder à l'entreprise privée le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson. Les délais sont très courts et seulement deux firmes peuvent répondre à l'appel du gouvernement et soumissionner: Claridge, de Charles Bronfman, et Paxport, du groupe Matthews. C'est Paxport Inc. qui est retenue.

Cette fois, on retrouve les vrais amis du régime conservateur, dont Don Matthews, président de Paxport Inc., qui, en 1983, était le président de la campagne à la chefferie de Brian Mulroney, ex-président du Parti conservateur et de plusieurs campagnes de financement. Son gendre, David Peterson, est l'ex-premier ministre de l'Ontario. C'est à Bob Nixon, ex-ministre du Cabinet Peterson que M. Chrétien confiera le soin d'enquêter à huis clos sur la transaction qu'il a promis d'annuler au tout dernier jour de sa campagne.

Otto Jelinek, ex-ministre dans le gouvernement conservateur, membre du Conseil d'administration de Paxport, est président d'une des filiales asiatiques du groupe Matthews. Fred Doucet, un démarcheur de profession et ami de très longue date de Brian Mulroney, sera engagé par Paxport et on le retrouvera également dans le dossier de Ginn Publishing. Comme vous voyez, monsieur le Président, tout se tient.

Bill Neville, démarcheur lui aussi pour Paxport-il est très intéressant; c'est un personnage intéressant, vous allez voir-ancien chef de Cabinet de l'ex-premier ministre Joe Clark, membre du cercle restreint de Brian Mulroney et responsable de l'équipe de transition de Mme Campbell. Alors, il les aura eus tous les trois. Lui, c'est mur à mur!

Paxport Inc. doit démontrer avant le 15 février 1993 que sa proposition est financièrement viable. Le gouvernement ne respectera pas cette condition, et Paxport, qui n'avait vraiment pas les reins assez solides pour faire cette acquisition, devra se tourner vers son ami Charles Bronfman et lui dire: «Viens au secours, mon concurrent, que nous nous fusionnions et que nous prenions le grand contrôle de cet aéroport très rentable. Nous allons pouvoir ajouter des millions à nos fiducies familiales.» Donc, T1 T2 Limited Partnership. Alors, s'ils veulent continuer la négociation avec le gouvernement, c'est la seule façon. Donc, Claridge, la concurrente, devient par surcroît majoritaire avec 66


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p. 100 des actions, et la compagnie qui avait été retenue pour mettre ce projet de l'avant se retrouve sans doute, selon ses moyens, avec uniquement 17 p. 100 des actions de la nouvelle compagnie.

Or, pour rendre toute cette aventure très avantageuse pour ses amis, le gouvernement s'engage à détourner la clientèle vers cet aéroport et à freiner, voire empêcher, tout développement aéroportuaire dans les 75 kilomètres de l'aéroport Lester B. Pearson.

Puisque le gouvernement est à même une caisse qu'il juge sans fonds, puisque des déficits, on peut en faire, il épuise plusieurs autres millions de dollars pour mener à terme cette privatisation qui permettra à de bons amis du régime de s'enrichir au détriment de la population. Pour faire accepter la privatisation à certains groupes clés, il offre les compensations suivantes: des primes de séparation pour les employés de Transports Canada pour un grand montant de 5,5 millions, et ce, même si tous les emplois avaient été garantis au préalable pour au moins deux ans auprès de Pearson Development Corporation.

Une contribution de 15 p. 100 pour défrayer une partie du loyer d'Air Canada et celui de lignes aériennes étrangères qui utilisent les installations de l'aérogare 2.

(1740)

De plus, alors que le gouvernement s'est spécifiquement engagé à ne pas financer les travaux de construction, de réparation ou de rénovation aux aérogares 1 et 2, il décide de financer de façon déguisée, par l'acceptation d'un report de 40 p. 100 sur le coût du loyer, en s'entendant, naturellement, avec une bonne clause, dans un contrat qui est à peu près de cette épaisseur-là-je l'ai vu ce matin, j'ai été assez surprise-que l'argent sera remboursé ultérieurement, portant intérêt du taux d'escompte de la Banque du Canada, plus 2,5 p. 100.

L'aéroport Lester B. Pearson génère des profits, ce qui pourrait le rendre intéressant pour des partenaires tiers. Mais voilà que le gouvernement canadien, dans ce contrat d'une telle épaisseur, n'a même pas prévu une clause qui lui permettrait de s'opposer à une telle transaction, de sorte que l'exploitation de l'aéroport pourrait passer à des intérêts étrangers sans que le gouvernement puisse même s'y opposer.

Il existe, semble-t-il, suffisamment de raisons pour justifier une enquête publique dans ce dossier. En effet, dans le rapport qui devait recommander l'annulation de l'accord de privatisation de l'aéroport Pearson, M. Nixon a mentionné que le rôle des démarcheurs dans ce dossier a largement dépassé ce qui est habituellement convenable, principalement en ce qui concerne la réaffectation de plusieurs hauts fonctionnaires. Le rapport précise de plus qu'il n'est pas dans les usages démocratiques de signer une transaction de cette ampleur en pleine campagne électorale.

Dans les huit premiers articles de la loi, le projet annule la transaction et interdit toute poursuite contre le gouvernement du Canada et ses représentants. Très bien. Le gouvernement libéral avait fait une promesse et, pour la deuxième fois, il se dégage d'un engagement écrit et signé qui mettait en cause plusieurs millions de dollars. La première fois, il se débarrasse du contrat des hélicoptères et, cette fois-ci, par une loi, il se débarrasse de ce contrat fait à la hâte dans le contexte de l'aéroport Lester B. Pearson.

Comment ce même gouvernement peut-il prétendre depuis des mois qu'il n'a pas pu se défaire d'un engagement verbal d'un ancien ministre de l'autre gouvernement, alors qu'il se défait de l'engagement écrit? Ce gouvernement ne berne personne, et l'enquête pourrait peut-être s'étendre à autre chose.

Que cache réellement l'annulation de tout ceci? Y avait-il trop de conservateurs et pas suffisamment de libéraux qui profitaient de la transaction? Ou a-t-on eu peur qu'on découvre finalement-j'ignore si c'est un mot parlementaire-la magouille?

Il y a là de quoi s'inquiéter, et la population apprendra vraiment le contenu de cette loi. Alors qu'on lui demande de se serrer la ceinture et qu'on s'apprête à revoir son filet de programmes sociaux, on veut faire adopter une loi pour graisser ceux qui permettent à certains partis politiques d'avoir le pouvoir.

À l'article 9, la loi établit le principe qu'il n'y aura aucune indemnité de versée, en raison de l'application de la présente loi. Par ailleurs, à l'article 10, il est écrit que l'indemnité à verser est laissée à la discrétion du ministre. Quel maquillage, monsieur le Président! J'étais très contente d'entendre d'autres collègues trouver que, vraiment, laisser tout ce pouvoir au ministre, quand on sait que le panier est percé et qu'on ne saura pas où il va s'arrêter, était très risqué.

J'en suis donc venue aux conclusions suivantes. Ce gouvernement a les pieds et les mains liés par les amis du régime qui, année après année, garnissent la caisse électorale du Parti libéral comme celle du Parti conservateur.

(1745)

Et je rappellerai que le chef de l'opposition nous a fait une excellente démonstration ce matin, en nous montrant que les cinq plus grandes banques du Canada donnaient à peu près 50-50, à peu près un demi-million de dollars, 250 000 dollars au Parti libéral et 250 000 dollars au Parti conservateur.

Ces vieux partis font de la politique en prenant en compte les intérêts de celles et de ceux qui leur permettent de détenir le pouvoir à tour de rôle en faisant fi des intérêts de la population.

Il est grandement temps d'assainir les finances publiques en introduisant une législation sur le financement des partis politiques, législation qui pourrait largement s'inspirer de la législation québécoise.

Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, il n'y a pas d'autres solutions que de mettre sur pied une commission royale d'enquête pour faire la lumière sur cette sombre histoire de patronage éhonté.

La commission pourrait elle-même recommander, s'il y a lieu, les sommes à verser en raison de l'annulation du présent contrat. Toutefois, il est bien entendu que ces sommes ne pourraient compenser des profits hypothétiques que T1 T2 Limited Partnership aurait pu réaliser à la suite de l'exploitation des terminaux 1 et 2 de l'aéroport Pearson, ou rembourser les som-


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mes versées aux démarcheurs auprès des titulaires d'une charge publique.

En clair, aucun remboursement pour l'argent donné aux lobbyistes qui ont finalement mené le gouvernement par le bout du nez en leur rappelant qui les avait réellement fait élire.

Les Canadiens et les Canadiennes en ont ras le bol du manque de transparence de ce gouvernement. Ils en ont ras le bol des promesses faites en catimini qui finissent par coûter très cher aux contribuables.

Les Canadiens et les Canadiennes en ont ras le bol de ce gouvernement qui protège ses amis et rembourse des donateurs généreux des campagnes électorales. Ils en ont ras le bol des promesses du livre rouge-le red book, quand j'étais petite, c'était pour les voitures d'occasion-qui donne belle figure au gouvernement et protège une fausse image de ce qu'il est en réalité.

En somme, les Canadiens et les Canadiennes en ont assez des promesses qui permettent que la roue tourne, que les riches deviennent de plus en plus riches, que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, et que les partis traditionnels se maintiennent en place à tour de rôle pour partager entre eux leur part de gâteau.

Les Canadiens et les Canadiennes ont atteint le seuil limite de la tolérance et ont perdu confiance dans ce gouvernement qui, en si peu de temps, a raté toutes les occasions de leur donner confiance, parce qu'il se refuse à gouverner avec transparence.

Aussi, en leur nom et à mon tour, je réclame une commission royale d'enquête pour faire la lumière sur cette transaction que je qualifie de scandaleuse.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je voudrais remercier ma voisine de la clarté de la démonstration qu'elle nous a faite. C'est un exercice pédagogique très éclairant, et on voit que son expérience d'enseignante lui sert beaucoup pour nous donner des exemples très précis.

J'ai bien aimé, d'ailleurs, la comparaison avec Ginn Publishing. Ici, on est dans un dossier qui, dans le cas de l'aéroport Pearson, fait référence à l'ancien gouvernement, et, dans le cas de Ginn Publishing, on est rendu dans les activités du présent gouvernement et on rencontre exactement le même modèle de comportement plus ou moins clair, plus ou moins précis, qui perpétue le pouvoir occulte du lobbying. J'aimerais là-dessus que ma collègue de Rimouski-Témiscouata nous parle un peu plus en détails du type de financement des partis politiques que ça prendrait pour réussir à nettoyer la situation qu'on vit ici.

Dans un certain sens, ça nous rappelle un peu ce qui peut s'être passé au Québec avant 1976, particulièrement dans les deux mandats de Robert Bourassa, de 1970 à 1976, les deux premiers mandats où les pratiques douteuses étaient très courantes.

On avait des gens un peu équivalents des personnes qu'on a nommées dans le discours. Ici, au Québec, c'était peut-être plutôt des Desrochers, par exemple, qui faisaient ce type de travail-là.

(1750)

Aujourd'hui, on a réussi, au Québec, à sortir de ce modèle, grâce particulièrement à l'action de M. René Lévesque sur la question du financement des partis politiques. J'aimerais que ma collègue nous précise quelles seraient les modalités qui permettraient d'éliminer les liens douteux qu'il y a entre les gouvernements et les lobbyistes.

Mme Tremblay: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de cette question et de l'occasion qu'il me donne de parler un peu du financement des partis politiques.

Il est évidemment extrêmement important que le gouvernement fédéral se penche sérieusement sur cette question et fasse une modification de base, c'est-à-dire interdise à toutes les compagnies de donner quelque somme d'argent que ce soit aux partis politiques. Il faut que le financement des partis politiques se fasse par les individus et qu'il y ait un montant maximum à ne pas dépasser.

Bien sûr, on l'a vu depuis plusieurs années au Canada. Regardons par exemple les chiffres avancés lors de la tenue du référendum de Charlottetown; on a vu la contribution versée par M. Desmarais-il y a huit personnes dans sa famille, y compris la petite de trois ans qui a donné 3 000 $, il ne pouvait pas aller plus loin que 24 000 $-on est très loin des chiffres de 250 000 $ qu'il aurait pu verser à la campagne.

Il en va de même avec Bombardier. Ils sont obligés de se peindre en rouge ou en bleu, mais les gens sont obligés de se faire connaître à ce sujet. Ce serait donc très long de donner des détails et de répondre à la question de mon collègue, mais encore là, si on enlevait aux compagnies le droit de donner de l'argent aux partis politiques, on ne serait pas pris dans le dédale dans lequel on se trouve. Si on avait une réforme de la Loi sur les lobbyistes, on saurait clairement comment cela se passe et on pourrait aller au fond de la question.

C'est la même chose quand on envoie les gens témoigner en comité. Il faudrait qu'on emprunte le système américain et qu'on puisse faire témoigner les gens sous serment, autrement les comités font du travail bidon.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, je crois que, lorsqu'un gouvernement annule un accord comme celui-ci, on doit se demander comment il a pu le faire sans s'aliéner les personnes très puissantes au Canada qui étaient parties à l'accord. Le gouvernement y est de toute évidence parvenu par le biais de l'article 10. Cet article montre clairement qu'une entente a été conclue. Et même plus, afin de satisfaire tout le monde, l'entente devra être conclue dans un très court laps de temps.

Le paragraphe 10(3) stipule:

Nulle entente ne peut être conclue en vertu du présent article plus d'un mois après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Ainsi, le versement de sommes interviendra un mois après l'adoption du projet de loi.

En vertu de l'entente qui a été conclue, et cela est évident pour moi comme pour quiconque a examiné la question, ces gens ont présenté des propositions de dédommagement au gouvernement, et une entente a été conclue. Quant à nous, notre tâche consiste

3548

simplement à passer les motions en revue. Comme nous avons un gouvernement majoritaire, cette entente va passer. Nous sommes devant un fait accompli.

Je voudrais poser une question à la députée qui a parlé de cette question avec beaucoup d'éloquence. Le Bloc recommande de créer une commission royale d'enquête. Ma collègue ne croit-elle pas que les comités permanents devraient avoir le pouvoir de traiter ce genre de questions et de citer des témoins à comparaître afin de les examiner? Les représentants élus ne devraient-ils pas jouer le rôle qu'ont rempli à grands frais les commissions d'enquête? Les députés ne devraient-ils pas remplir cette fonction? Je voudrais savoir si la députée est de cet avis? Dans l'affirmative, serait-elle prête à en faire la recommandation à son caucus?

[Français]

Mme Tremblay: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question fort pertinente et son commentaire très judicieux. Il est bien évident qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une boule de cristal ou des talents ésotériques pour voir ce que contient l'article 10 du projet de loi.

Cela veut dire que ce que les gens ont perdu par l'annulation de leur contrat, ils vont l'obtenir de nouveau grâce à l'article 10. Je partage tout à fait l'opinion de mon collègue à ce sujet.

(1755)

Malheureusement, je ne crois pas aux travaux des comités. Je n'y crois pas, de l'expérience personnelle que j'ai eue, je trouve ces comités bidons. Et à moins qu'on puisse avoir recours au subpoena et qu'on fasse témoigner des gens sous serment, ces comités ne servent qu'à distraire la majorité des backbenchers libéraux, mais commencent à nous faire perdre pas mal de temps de notre côté.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de féliciter ma collègue pour son intervention. Ce que je retiens de ses propos, c'est l'espèce de lien, de magouille qui est mise à jour dans ce dossier entre les différents régimes qui se succèdent à la Chambre des communes.

Dans le fond, ma collègue de Rimouski a démontré d'une façon très éloquente les liens qui existaient tantôt avec le gouvernement conservateur, tantôt avec le gouvernement libéral, les souscripteurs libéralo-conservateurs ou conservato-libéraux. Ce qu'on constate, c'est que c'est la même poutine. Il y a là de quoi s'interroger sérieusement. Quand notre collègue de Crowfoot soulève que l'article 10 du projet de loi laisse entendre qu'il y a eu un deal en quelque part, naturellement on ne peut le mettre dans le projet de loi. Ce qu'on met dans le projet de loi, c'est que le ministre pourra entériner toutes ententes qui lui seront soumises dans les 35 jours qui suivront l'adoption du projet de loi.

J'aimerais entendre ma collègue sur cette espèce de deal et également, je le rappelle, de poutine libéralo-conservatrice ou conservato-libérale qui fait qu'on se retrouve toujours dans ce genre de situation-là. Les gens qui participent au party à 1 000 $ ou à 3 000 $ le couvert ne sont pas le genre de personnes que le premier ministre a affublé du titre de buveurs de bière la semaine passée, ce sont plutôt les gens qui arrivent avec leur six pack de champagne et des souscriptions généreuses pour le Parti libéral.

La seule façon de régler ce problème, c'est d'avoir une législation sur le financement des partis politiques, le financement des campagnes électorales. J'aime rappeler qu'au Québec, depuis que cette loi a été adoptée, quel que soient les gouvernements qui se sont remplacés à Québec, aucun cas de malversations n'a été mis sur la place publique. Grâce à quoi? Grâce à la limpidité des fonds qui transitent à l'intérieur des partis. J'aimerais entendre ma collègue là-dessus.

Mme Tremblay: Monsieur le Président, je serai très brève. Évidemment, le deal est conclu, c'est très clair dans la loi. C'est la seule transparence de cette loi, le deal existe. Maintenant, je pense qu'on l'a répété tout le temps de la campagne, blanc bonnet, bonnet blanc, les conservateurs, les libéraux, c'est pareil. Si on peut se lever aujourd'hui en Chambre et dénoncer ce projet de loi, dénoncer la magouille, dénoncer le patronnage, c'est parce que nous avons les mains propres.

Des voix: Bravo!

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 56, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


3548

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 mars, de la motion.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, c'est un peu dommage de changer de sujet. Je pense que nous étions partis dans un débat très intéressant, très animé. Maintenant, on discutera de quelque chose d'un peu plus technique au niveau des pensions alimentaires, ce qui est quand même un sujet relativement important.

À la base de tout cela, il y a des phénomènes auxquels l'évolution des sociétés doit s'adapter. De plus en plus, on se retrouve avec un nombre assez grand de familles éclatées. Même si cela n'est pas une situation souhaitable, le gouvernement doit avoir la capacité de s'adapter à un contexte plus moderne.

La proposition de Mme Gaffney, la députée de Nepean, se lit comme suit:


3549

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, afin que les paiements de pension alimentaire ne soient plus considérés comme un revenu imposable pour le bénéficiaire.
(1800)

C'est une proposition qui nous semble très intéressante, mais il faut quand même regarder les impacts potentiels qui peuvent survenir des deux côtés. Déjà, des collègues ont parlé avant moi disant que le Bloc appuyait cette proposition, et c'est ce que nous allons faire.

Il y a cependant un point que j'aimerais soulever. Le système actuel fait en sorte que le parent qui doit verser une pension alimentaire-dans la plupart des cas et majoritairement, c'est l'homme-peut déduire de son revenu le montant qu'il verse en pension alimentaire. De l'autre côté, son ex-conjointe, la femme, doit inclure, elle, son revenu, sa pension alimentaire dans ses revenus.

La logique première est d'inviter soit une double imposition d'un revenu ou d'imposer la personne qui reçoit le revenu. Un autre élément est aussi de permettre que la personne ayant le plus faible revenu déclare, dans son revenu, le montant de la pension alimentaire. Donc, le montant total d'impôt payé est moindre. Ce sont des objectifs très corrects. Cependant, dans la pratique, cela crée un sentiment d'injustice profond.

La question qu'il faut peut-être se poser est: À qui va le revenu? À qui s'adresse le revenu? On parle d'un revenu qui va à la conjointe et qu'elle doit déclarer. En réalité, c'est un revenu qui va aux enfants, qui devrait servir les enfants et qui, dans la plupart des cas, sert les enfants. Souvent, même, il est insuffisant, car il doit tenir compte de la capacité de payer du conjoint ou de la personne qui doit verser la pension alimentaire. Et la personne qui la reçoit doit payer de l'impôt sur ce revenu.

Cela crée donc un sentiment d'injustice parce que, dans le fond, ce revenu-là doit aller à l'enfant. Est-ce que l'enfant doit avoir à payer ou supporter de l'impôt, finalement? L'enfant n'a pas de revenu, lui, et la question est peut-être là. Est-ce qu'on doit vraiment rendre ce revenu imposable?

C'est là, par exemple, où il faudrait peut-être raffiner la proposition. Dans la mesure où la personne qui reçoit la pension alimentaire ne doit pas payer d'impôt et ne doit pas la déclarer, il faudrait éviter dans les jugements, lorsqu'un juge donne le montant de la pension alimentaire, que celui-ci soit influencé par le changement du régime fiscal.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui recevait une pension alimentaire de 6 000 $ par année ou de 500 $ par mois; un revenu brut de 500 $ par mois, qui pouvait être un revenu net de 400 $, donc sur lequel 100 $ d'impôt étaient payés. On pourrait se retrouver dans une situation où un juge qui tient compte du nouveau système fiscal dise: Je vais demander au conjoint de ne verser que 400 $. Il ne sera imposé que sur 400 $ et, d'un autre côté, la conjointe recevra le même montant qu'avant.

On se retrouverait donc dans une situation neutre pour la personne qui reçoit la pension alimentaire, et je ne pense pas que ce soit l'objectif de la motion de la députée de Nepean. Je pense que son objectif est de s'assurer que le montant brut qui est versé devienne un montant net, et que le conjoint qui verse la pension alimentaire supporte le fardeau de l'impôt, comme si, dans le fond, il faisait encore partie du couple et qu'il devait assumer les dépenses des enfants.

On pourrait dire: «Oui, mais, dans le fond, on aurait juste à ne pas imposer ni d'un côté ni de l'autre.» C'est un danger, parce qu'on favoriserait facilement un transfert de revenu d'un conjoint à l'autre et, de cette façon, on rendrait une bonne partie des revenus non imposables. Cela n'est pas tellement souhaitable. Il faut qu'une partie des revenus reste imposable.

La question qu'il faut se poser est: Est-ce que les enfants doivent supporter une partie de cet impôt-là? Pour le gouvernement même, faire payer l'impôt par la personne qui verse la pension alimentaire aurait un effet stimulant sur les revenus, étant donné que, souvent, il s'agit d'un revenu plus élevé que celui de la personne qui reçoit la pension alimentaire. Cela permettrait peut-être, d'un autre côté, de stimuler l'encouragement aux familles monoparentales. Il faudrait examiner cela.

Il y a aussi un aspect du dossier qu'il ne faut pas négliger. Une bonne partie des problèmes ne vient pas nécessairement du traitement fiscal, mais souvent de l'incapacité pour un conjoint ou une conjointe qui reçoit une pension alimentaire d'aller chercher cette pension-là dans la réalité.

(1805)

On connaît ou on entend souvent dire des gens que l'ex-conjoint ou conjointe a un revenu, souvent des revenus non déclarés. On connaît l'expansion de notre économie souterraine, et un conjoint peut éviter de payer sa pension alimentaire. Les recours sont difficiles, difficilement exerçables. Ce sont des procédures qui sont longues et coûteuses et il y a là une non-responsabilisation d'une catégorie d'individus. Je ne dis pas que tout le monde est comme cela. Il y a beaucoup de gens qui, malgré le fait que leur famille soit éclatée, ont encore un souci très grand par rapport au développement de leurs enfants et un sens des responsabilités.

Il existe quand même des cas où c'est beaucoup plus difficile. Il faudrait porter une attention particulière aux conjoints, particulièrement les anciennes conjointes, parce que c'est beaucoup plus une problématique qui s'applique à l'ensemble des femmes qui ont de la difficulté à recevoir la pension alimentaires de leur conjoint. Je pense que ce sont des dossiers qu'il ne faut pas séparer. Il faut intégrer cela comme un tout. Dans ce sens-là, cette proposition est bonne, mais, comme je dis, il faudra en tenir compte.

Après avoir vérifié cet après-midi, selon les informations qu'on a pu avoir, les juges auraient tendance à tenir compte du traitement fiscal présentement lorsqu'ils vont donner une somme d'argent à un ex-conjoint ou une ex-conjointe. Et cela dit, s'ils le font actuellement, il est fort probable qu'ils vont continuer à le faire dans l'avenir et qu'ils vont tenir compte des modifications qu'on apporterait à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Il faudrait mettre les choses assez claires pour éviter que dans le fond il y ait un effet pervers à la mesure. Je comprends bien qu'il s'agit simplement d'une motion et qu'on veuille énoncer un principe. Je pense que tout le monde doit être en accord avec le


3550

principe. Même les députés du Parti réformiste qui ont dit qu'ils s'opposaient à la motion, je pense, reconnaissaient le principe. Ils n'étaient pas opposés au principe. Cependant, ils disaient que dans les détails, ils avaient des problèmes. Il peut y en avoir. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas moyen de les améliorer.

La députée de Nepean a très bien documenté sa recherche. Elle a étalé depuis l'origine des pensions alimentaires ou du traitement versus l'impôt sur le revenu, qui a commencé d'ailleurs dans les années 1940, et c'est pour cela qu'elle dit avec raison que le contexte ou la loi n'a pas su s'adapter avec le temps. On a inclus le principe de déduction-inclusion au fait qu'on peut déduire d'un côté, inclure dans l'autre revenu, ce qui n'est pas parfait et qui s'applique mal, en réalité, et pour plusieurs, paraît très injuste.

Dans ce sens, je pense qu'elle devrait maintenant aller encore une coche plus loin que sa motion, sachant aussi qu'elle a l'appui de ce côté-ci de la Chambre, et de sensibiliser son ministre du Revenu et son ministre des Finances.

Certainement que le ministère du Revenu s'est penché sur la situation. Il y a quelqu'un qui a fait référence dans le débat, lorsque le débat a passé plus tôt en Chambre, qu'aux États-Unis on faisait une distinction dans la pension alimentaire entre une portion qui va pour des dépenses que la femme doit supporter du fait qu'elle a les enfants et des dépenses reliées directement aux enfants. Il y a deux catégories avec des traitements fiscaux qui sont différents. Il y a peut-être là une alternative intéressante à examiner, une approche intéressante. Il faudrait regarder aussi ce qui se fait ailleurs. Il y a des choses qui se font bien et qui permettraient d'atteindre un peu plus de justice. C'est cela le sens de sa proposition.

Donc, en conclusion, ce sont des motifs profondément humains qui ont guidé la députée à déposer cette motion, et nous allons appuyer sa proposition, mais dans les détails, il va falloir aller encore une coche plus loin pour s'assurer qu'on ne créera pas d'effets pervers à ce qu'on veut mettre de l'avant.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole pour appuyer la motion d'initiative parlementaire présentée par ma collègue, la députée de Nepean. Sa démarche donne l'occasion à ce nouveau Parlement de s'attaquer non pas à une seule question, mais plutôt à trois phénomènes récents au Canada qui désolent les Canadiens.

La motion traite précisément des paiements de pension alimentaire considérés comme un revenu imposable, mais elle nous interpelle plus profondément en nous demandant d'analyser aussi la répartition de la richesse, l'augmentation de la pauvreté chez les enfants et la cohésion entre les valeurs des Canadiens et les politiques de leur gouvernement.

Examinons d'abord la répartition de la richesse. Si vous réunissiez toutes les familles du Canada et que vous les divisiez ensuite en cinq groupes égaux en nombre, il en ressortirait des données fort intéressantes. Les 20 p. 100 ayant le plus haut niveau de revenus encaissent 40 p. 100 du revenu total des familles. Les 20 p. 100 du niveau inférieur ne reçoivent, pour leur part, que 6 p. 100 du revenu total.

(1810)

Si vous poussez l'exercice un peu plus loin et réunissez les deux derniers groupes, le nouveau bloc renfermant 40 p. 100 des familles canadiennes est assez important en nombre et pourtant il vit avec seulement 18 p. 100 du revenu total de toutes les familles. Comparez ce groupe de 40 p. 100 qui reçoit 20 p. 100 du revenu total à celui du niveau supérieur, où 20 p. 100 des familles reçoivent 40 p. 100 du revenu total.

Les deux groupes qui restent au milieu gagnent respectivement 18 et 24 p. 100 du total, ce qui correspond à peu près à leur proportion en nombre, soit 20 p. 100.

Je demande aux députés si, en leur qualité de représentants des Canadiens, ils sont satisfaits de cette situation. Je sais que la question est vaste, mais je crois qu'il est opportun de la poser dès les débuts d'un nouveau Parlement car le débat d'aujourd'hui nous offre notre première occasion d'analyser ce phénomène; ainsi, on l'aura présent à l'esprit lorsqu'on discutera de réforme fiscale, du budget de 1995 et des budgets subséquents.

Je ne suis pas du tout contente du fait que 20 p. 100 de nos familles se battent pour survivre avec 6 p. 100 seulement du revenu total, car je sais que dans ces familles vivent des enfants qui ne reçoivent pas leur juste part de la richesse de leur pays.

En deuxième lieu, examinons le phénomène de la pauvreté chez les enfants au Canada. Statistique Canada indique que 1,2 million d'enfants de moins de 18 ans vivent dans la pauvreté. L'impact sur leur santé est particulièrement significatif car la pauvreté dès les premières étapes de la vie produit sur l'état de santé des effets qui se prolongent jusqu'à l'âge adulte.

C'est encore illustré par le fait que la mortalité infantile dans les quartiers pauvres est presque le double de celle des quartiers riches. En 1992, 900 000 enfants ont eu recours aux banques alimentaires et environ une famille sur huit vivait dans un logement insalubre.

Je ne suis pas heureuse non plus de ces statistiques. Elles me rappellent la situation dans un pays en développement où quelques rares personnes vivent comme des rois pendant que la majorité a du mal à survivre. Cela fait même apparaître à notre esprit le mot oligarchie, qui signifie que quelques puissants contrôlent la situation et tolèrent le spectacle d'enfants affamés.

Les Canadiens rejettent l'idée qu'un tel système puisse être acceptable. Les Canadiens tolèrent mal les salaires obscènes de certains présidents-directeurs généraux de compagnie. Dans Maclean's, Allan Fotheringham parle d'un PDG canadien qui, l'an dernier, a eu une rémunération de 6,9 millions et il se demande: «Est-ce que le travail d'une personne pendant un an peut valoir 6,9 millions?»


3551

De nombreux Canadiens ont de la difficulté, les banques alimentaires ne suffisent pas à la tâche, cependant il y a assez d'argent dans le système pour donner 6,9 millions à une seule personne. C'est scandaleux pour les Canadiens qui veulent justice et dignité pour tous. C'est scandaleux pour des gens attachés à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement.

C'est le contexte dans lequel on aborde la question de l'imposition des paiements de pension alimentaire au titre des enfants. Aujourd'hui, en cas de divorce, un des parents obtient habituellement la garde des enfants et l'autre doit faire des paiements réguliers. L'argent reçu par le parent qui a la garde des enfants est considéré comme un revenu et est donc imposé. L'autre parent, lui, peut déduire le montant transféré de son revenu imposable.

Je dirais tout de suite que je trouve cela injuste par rapport aux familles où les deux parents font des déclarations d'impôt. Dans une famille ordinaire, les deux parents consacrent de l'argent à leurs enfants pendant toute l'année. Mais aucun des deux ne peut déduire ces dépenses de son revenu imposable.

Aujourd'hui, on récompense le parent qui n'a pas la garde des enfants en lui donnant un avantage fiscal que n'ont pas les parents qui ont la garde des enfants ou les parents qui restent ensemble.

Comment en sommes-nous arrivés là? On pensait au départ que, si l'impôt était payé par le parent ayant la garde, habituellement la mère ayant un revenu moindre, le gouvernement prélèverait moins et il en resterait donc plus pour les enfants. De toute évidence, cette façon de voir venait de personnes qui n'avaient jamais divorcé et qui pensaient que l'appui mutuel et le soin des enfants survivaient au divorce.

(1815)

On a fait fi de plusieurs réalités, à savoir que le divorce donne lieu à une confrontation et conduit généralement à des idées de revanche et à une certaine amertume, qu'il exige d'entretenir deux maisons avec les coûts que cela entraîne et que le parent qui n'a pas la garde des enfants adopte un nouveau style de vie qui s'accompagne de nouvelles demandes et de coûts imprévus. On a oublié que la famille qui reste perd un travailleur adulte pour partager les travaux ménagers, l'entretien de la maison et la garde des enfants. On n'a pas tenu compte de la réalité qui veut que le conjoint ayant la garde hérite du travail, des inquiétudes, ainsi que des problèmes émotionnels et intellectuels qui vont de pair avec le fait de s'occuper d'une maison et d'être à la disposition des enfants 24 heures sur 24.

Notre régime fiscal récompense le conjoint qui quitte le domicile et pénalise celui qui reste.

Certains vont dire que ce sont les tribunaux qui doivent décider des montants à verser et que les juges et les avocats tiennent compte à l'heure actuelle de tous ces faits lorsqu'ils calculent le montant de la pension alimentaire. Cependant, certaines de ces décisions remontent à 10 ou 15 ans. Non seulement les montants versés sont-ils totalement insuffisants, mais ils n'ont jamais été majorés.

Il y en a qui diront qu'il est temps de revenir devant les tribunaux pour qu'ils examinent le changement de situation. Je dirais que ceux qui donnent ce conseil n'ont jamais été divorcés ou n'ont jamais été forcés de subir la vie d'un chef de famille monoparentale. Les parents seuls sont généralement plus pauvres que les gens mariés. Ils sont souvent épuisés à cause du fardeau qu'ils doivent supporter.

Imaginez-vous une mère, chef de famille monoparentale, qui a trois adolescents et qui est divorcée depuis dix ans. Il y a de fortes chances qu'elle ait déjà dû s'adresser aux tribunaux plusieurs fois pour essayer d'obtenir les sommes qui lui étaient dues ou elle s'est peut-être enregistrée auprès d'un système provincial destiné à trouver les parents qui n'ont pas la garde des enfants pour les forcer à payer les montants qu'ils doivent. Aucun système ne procure à elle et à ses enfants ce qu'ils ont besoin.

Le résultat de ces systèmes qui ne fonctionnent pas, c'est que les membres des familles monoparentales ont le sentiment qu'ils sont moins utiles à la société et qu'ils sont marginalisés dans leur lutte pour survivre. Ils sont tentés de tout abandonner.

Lorsque les chefs de familles monoparentales pauvres lisent dans les journaux que 61 p. 100 des familles de ce genre vivent dans la pauvreté et que leur revenu est en moyenne de 9 000 $ par année inférieur au seuil de pauvreté, cela ne fait que confirmer la réalité dans laquelle ils vivent chaque jour. Cela n'a rien d'encourageant.

À l'instar des autres membres de ce nouveau Parlement, j'ai hérité d'un pays où, au cours des neuf dernières années, l'économie de marché et la non-ingérence du gouvernement étaient censées améliorer le bien-être économique de tous, mais les Canadiens s'entendent pour dire que ce système ne leur a pas apporté les résultats qu'ils attendaient.

Ils veulent que nous mettions un terme à la paralysie politique et que nous abandonnions l'idéologie qui consiste à ne pas intervenir. Ils nous demandent de libérer la volonté politique d'apporter des modifications qui redonneront à tous les Canadiens le sentiment d'être traités de façon équitable.

Le fait de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin que la pension alimentaire ne soit plus considérée comme un revenu imposable n'est là, je le reconnais, qu'un élément de la solution à ce problème, mais la motion dont nous sommes saisis ce soir est la première chance que nous avons de montrer que nous aussi sommes consternés par les statistiques sur la pauvreté dans laquelle vivent les enfants de familles monoparentales et que nous entendons redonner l'espoir à ces jeunes.

Notre appui à cette motion dit clairement que nous ne sommes pas timides: nous n'avons pas peur de remettre en question le statu quo. C'est plutôt le signe que nous, qui formons le gouvernement, reflétons les valeurs profondes des Canadiens et que nous avons la volonté politique nécessaire pour apporter les modifications voulues afin de faire à nouveau de l'équité un symbole de la société canadienne.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, je suis fière et heureuse d'appuyer la motion présentée par ma collègue de Nepean. La question des paiements de pension alimentaire est très importante pour beaucoup de personnes, particulièrement pour les femmes et les enfants.


3552

La loi actuelle présente une forme de discrimination envers les enfants qui sont nés dans des familles pauvres ou monoparentales. Cette motion est nécessaire pour l'amélioration de la condition des femmes et des enfants. La loi a été votée il y a maintenant 52 ans. Elle n'a pas beaucoup changé, mais la société et la situation des femmes, elles, ont beaucoup changé depuis.

Au cours des années 1940, lorsque le gouvernement a présenté la loi, il s'agissait d'une loi progressive. En 1994, ce n'est plus vrai.

(1820)

[Traduction]

En 1942, quand cette politique a été conçue, ceux qui payaient des pensions alimentaires, surtout des hommes à l'époque, gagnaient invariablement plus que leur femme. Les tranches d'imposition des deux parents n'étaient donc pas les mêmes. La déduction faisait épargner au mari une somme supérieure à ce que sa femme payait d'impôt. Il était donc logique de penser que cette épargne bénéficierait à l'enfant. Bien sûr, dans certains cas, c'est ce qui s'est produit, mais si peu souvent que ça n'a fait presque aucune différence. Il faut donc absolument appuyer cette motion, et pour trois raisons.

Premièrement, pensons à une conséquence courante des séparations et des divorces. Je suis sûre que tous les députés connaissent des cas où les enfants sont devenus les otages des disputes parentales. Les enfants n'ont généralement pas leur mot à dire dans ces histoires, et on ne leur demande pas leur avis sur leur avenir.

Ce n'est pas en modifiant le code de l'impôt sur le revenu qu'on éliminera ce problème, mais la mesure proposée pourrait aider grandement à le combattre.

[Français]

Je veux ajouter qu'après un divorce, le standard de vie du mari s'accroît, tandis que celui de la femme et des enfants diminue. La justice, en ce cas, n'est plus possible avec la loi qui prévaut.

[Traduction]

Deuxièmement, lors de la réforme du code de l'impôt, il y a quelques années, le nombre de tranches d'imposition avait été réduit à trois. La possibilité d'un écart entre les taux d'imposition des conjoints est donc passablement moindre, de ce seul fait.

[Français]

De nos jours, la probabilité que les deux parents soient au même échelon d'impôt est beaucoup plus grand. Donc, l'effet est de donner un sursis à l'époux qui n'a pas la garde de ses enfants, et que l'épouse doit payer sous forme d'impôt. Il s'agit d'un système ridicule et, après toute cette farce, l'argent qu'on sauve va rarement à ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les enfants.

[Traduction]

Troisièmement, si l'on considère également que de plus en plus de femmes sont sur le marché du travail, par rapport au moment où cette loi a été adoptée, il est encore plus évident que ce système favorise une discrimination subtile contre les femmes. Je fais allusion au fait que, s'étant taillé une place sur le marché du travail, les femmes ont conservé les mêmes responsabilités face à leur famille. La preuve en est qu'il est encore très rare que les hommes obtiennent la garde de leurs enfants.

Ayant la double responsabilité de s'occuper de la famille et de travailler, les mères qui élèvent leurs enfants seules ont un handicap supplémentaire parce que leurs pensions alimentaires sont frappées d'un impôt. Ce n'était pas là l'intention de la loi originale.

Examinons une situation type où la mère se voit verser une pension alimentaire. Partout au Canada, on connaît le problème de ces pères désintéressés qui ne paient pas régulièrement leur pension alimentaire. Si, par exemple, la pension alimentaire était de, disons, 10 000 $ par an, ce revenu serait naturellement imposé. Souvent, les tribunaux tiennent compte de ce revenu additionnel, de sorte que le montant net de la pension demeure le même.

Malheureusement, si la pension alimentaire n'est pas versée entièrement, le parent qui a la garde de l'enfant, et je le répète c'est presque toujours la mère, doit payer des impôts sur une somme déjà insuffisante pour subvenir aux besoins de son enfant, alors que la partie en défaut bénéficie d'un crédit d'impôt pour ce qu'elle a versé.

Si le père ne verse que la moitié de la pension alimentaire, soit 5 000 $ dans ce cas, la mère et l'enfant sont pénalisés parce qu'ils n'ont pas assez d'argent et qu'en plus ils doivent, de par la loi, payer des impôts alors que le père bénéficie d'un crédit d'impôt sur ce qu'il a versé sans être pénalisé.

Une loi qui permet ce genre d'absurdité est choquante et doit être modifiée.

[Français]

On entend souvent des histoires qui soulignent la difficulté des familles monoparentales à récupérer la pension alimentaire. Ces familles sont souvent pauvres et nous, le gouvernement, les pénalisons un peu plus.

J'espère que tous les députés de tous les partis se rendent compte que cette motion n'est pas seulement une question d'amendement à la Loi de l'impôt, mais au contraire, c'est vraiment une question de justice envers des individus qui survivront mieux que dans le présent.

Je dois dire aussi que les changements appuyés par ma collègue de Nepean sont tout à fait sensés, économiquement parlant. Les programmes sociaux supportent beaucoup de femmes qui doivent en retour payer à l'impôt des sommes qu'elles ne possèdent pas. Souvent, les femmes pauvres ne peuvent pas travailler, parce que la vie coûterait trop cher. Dépendre du Régime d'assistance sociale réduit la dignité et l'espoir.

(1825)

L'intention des programmes sociaux n'est pas l'assistance aux divorcés. Le système présent coûte cher sans aucune raison.

[Traduction]

Ne perdons pas de vue certains aspects du problème plus vaste qu'est celui des familles monoparentales. Une vaste proportion des enfants pauvres viennent de familles monoparentales dirigées par une femme. La plupart des familles monoparentales se maintiennent aux alentours du seuil de pauvreté ou en deçà.


3553

Je pense que nous devrions tous reconnaître que, si nous ne modifions pas cette loi, nous condamnons à l'échec certaines personnes-et je rappellerais aux députés qu'il s'agit d'enfants en chair et en os, pas de simples chiffres en l'air - qui auraient pu réussir si seulement on les y avait aidés en adoptant ce qui est, à nos yeux, une mesure relativement mineure.

Cette loi semble faite pour porter préjudice à nos jeunes. Les jeunes m'ont toujours tenue à coeur et, j'en suis sûre, il en est de même de tous mes collègues. Je m'oppose à toute mesure qui, de toute évidence, rend la vie encore plus difficile aux jeunes Canadiens.

Comme l'a fait remarquer ma collègue lorsqu'elle a présenté sa motion, parmi tous les pays développés, le Canada se distingue en imposant les pensions alimentaires. Le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Australie étaient au nombre des pays dont elle a dit qu'ils étaient plus en avance que le Canada.

Je veux maintenant m'en prendre au député de Calgary-Centre qui a affirmé en cette Chambre, le 22 mars, que si les pensions alimentaires devenaient non imposables, le gouvernement verrait ses recettes fiscales diminuer, ce qui nuirait au bien-être économique du pays.

Une fois de plus, le Parti réformiste ne tient pas compte de l'avenir. Si nous n'aidons pas nos enfants maintenant, il en résultera à long terme une insécurité familiale plus profonde, une dépendance accrue à l'égard de l'assistance sociale et une augmentation de la criminalité, sujets qui préoccupent beaucoup les députés à l'heure actuelle.

Je m'inscris en faux contre son analyse du bien-fondé de cette motion.

[Français]

Est-ce qu'on peut vraiment dire que le régime est juste? Non. On peut citer plusieurs experts qui disent à l'unanimité que la loi doit être changée dès que possible. Ce n'est pas simplement un débat entre hommes et femmes. Les enfants sont les plus affectés par une séparation ou un divorce et ce sont les enfants qui souffrent dans tous les cas.

Est-ce qu'on peut supporter le statu quo quand les mesures prises par le gouvernement en ce moment sont discriminatoires contre les jeunes? Non, monsieur le Président. Les jeunes sont notre ressource humaine pour l'avenir. Il y a plusieurs programmes de notre gouvernement qui sont très importants et je suis heureuse de les appuyer. D'une main nous donnons et de l'autre nous retirons. La prospérité ne s'établira jamais si nous maintenons des mesures discriminatoires envers les jeunes, ces jeunes qui n'ont pas toutes les opportunités auxquelles ils ont droit dans un pays riche et fort comme le Canada.

Je voudrais encore une fois féliciter ma collègue, la députée de Nepean pour cette motion votable. J'espère que tous les députés de cette Chambre prendront avis de cette motion et l'appuieront sans hésitation.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, c'est avec un vif plaisir que je participe au débat sur cette motion ce soir. Elle porte sur une question importante pour notre pays et pour les familles, qu'elles soient unies ou éclatées, car il s'agit de veiller à ce que les besoins des enfants soient satisfaits.

Cela dit, j'estime que la Loi de l'impôt sur le revenu ne devrait pas avoir des effets différents sur le revenu des familles qui restent unies et sur celui des familles qui se séparent. Pour l'instant, les effets ne sont pas les mêmes.

Je tiens à ce qu'il soit bien clair dès le départ que j'appuie le principe de la motion. Cependant, celle-ci ne va pas assez loin. Et c'est parce qu'elle n'est pas suffisamment fidèle au principe que, en fin de compte, je ne peux l'appuyer.

Je vais expliquer ce qui va bien et ce qui ne va pas dans la motion. Fidèle à la coutume qu'ont adoptée mes collègues réformistes, je vais faire des propositions constructives pour rendre la motion plus acceptable.

Je tiens à féliciter ma collègue, la députée de Nepean, d'avoir mis le doigt sur une disposition législative qui nécessite de toute urgence une réforme. Elle a fait remarquer que la loi a été adoptée à une époque où peu de femmes travaillaient à l'extérieur du foyer. C'était en 1942, et la mesure a été élaborée pour l'époque, en toute bonne foi.

(1830)

Cependant, l'article en cause de la Loi de l'impôt sur le revenu est maintenant largement dépassée. Il ne reflète plus la réalité contemporaine et le phénomène du divorce. Il ne tient pas compte non plus du fait que des millions de Canadiennes travaillent à l'extérieur du foyer. Permettez-moi de décrire brièvement le sort de ces femmes dont le conjoint est parti et qui doivent élever seules leurs enfants.

Statistique Canada révèle qu'un nombre important et croissant de parents, surtout des femmes, voient leur niveau de vie diminuer par rapport celui du parent qui ne vit plus avec ses enfants. L'argument a été invoqué à maintes reprises.

La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que le parent qui verse la pension alimentaire peut la déduire de son revenu tandis que celui qui la reçoit doit l'ajouter au sien. Si celui qui paie était resté dans la cellule familiale, sa capacité de déduire les frais de soutien des enfants aurait été réduite, dans la plupart des cas.

Ainsi, en Alberta, le principal soutien économique, dans la famille type formée du mari, de la femme et d'un enfant, aurait eu droit en 1993 à un crédit d'impôt pour enfants de 1 002 $ pour un enfant à charge de 7 à 11 ans. Si le revenu familial était supérieur à un certain seuil, il n'y avait pas de crédit, et les frais de soutien de l'enfant ne pouvaient en donner lieu qu'à fort peu de déductions, voire pas du tout. Si les parents se sont séparés en 1993 et que le parent gagnant le revenu le plus élevé s'occupe de l'enfant uniquement à l'aide de paiements pleinement déductibles d'impôt-500 $ par mois, par exemple-, il aurait droit à cette déduction d'impôt non négligeable.


3554

On estime qu'en accordant la déduction au parent qui n'a pas la garde des enfants et en prélevant de l'impôt sur le paiement versé au parent qui a la garde, généralement celui qui touche le revenu le moins élevé, le gouvernement a perdu 235 millions de dollars de recettes fiscales en 1992. Comme la législation obligeant plus de parents à payer pour le soutien des enfants a été renforcée, on prévoit que ce montant pourrait augmenter. On pourrait appeler cela un risque moral, si vous voulez.

Je suis d'accord avec la députée d'en face pour dire que la Loi de l'impôt sur le revenu semble traiter le parent qui met fin à une union et qui a moins de responsabilités dans l'éducation des enfants beaucoup mieux que celui qui reste avec les enfants, la mère le plus souvent. Permettez-moi de vous donner un exemple. C'est un exemple concret. Il illustre bien la situation dans laquelle se trouvent bien des Canadiens. Cela se passe dans la circonscription de Calgary-Sud-Est que je représente.

Il s'agit d'un couple, lui gagnait 85 000 $ par an et elle, ménagère, ne touchait aucun revenu. Le couple a divorcé et la femme a eu la garde des enfants. Lui continue de gagner 85 000 $ par an et elle fait un travail qui lui donne un revenu annuel de 17 000 $. Dans le cadre du règlement, il a convenu de verser à son ex-épouse 6 000 $ de pension alimentaire pour ses enfants.

Ce qu'il faut avoir à l'esprit ici, c'est le montant de 6 000 $ versé comme pension alimentaire. En vertu du régime fiscal actuel, la personne qui touche les 6 000 $ paie l'impôt sur ce montant et celle qui les lui verse, l'ex-mari en l'occurrence, reçoit un crédit d'impôt de 6 000 $. Ce système offre donc des incitatifs fiscaux aux conjoints qui rompent avec les liens du mariage et n'ont pas la garde des enfants.

Grâce à la loi actuellement en vigueur, une personne qui divorce touche une prime en changeant d'état civil. Certes, cette loi ne vise pas à récompenser financièrement une personne qui abandonne ses responsabilités familiales.

Telle qu'elle est rédigée, la Loi de l'impôt sur le revenu, pour les raisons que je viens d'invoquer, donne l'impression que les familles déchirées par le divorce n'ont pas grand-chose à attendre du législateur. Cette situation est intolérable. Ce sont les enfants qui en souffrent à la fin.

Selon moi, le système est fautif pour deux raisons. D'abord il permet à l'ex-mari de demander un crédit d'impôt, puis il applique un impôt sur le montant que perçoit l'ex-épouse. Ces deux lacunes montrent bien que le gouvernement ne se préoccupe pas de favoriser le maintien de l'unité familiale, d'en reconnaître l'importance et de prendre en charge les enfants en cause.

(1835)

La motion que ma collègue a présentée reconnaît l'existence de cette iniquité et tente de la réparer. Cependant, je crains qu'elle ne soit pas juste. Le pendule est peut-être rendu trop loin du côté de l'iniquité, mais la solution ne consiste pas à le balancer promptement dans l'autre sens.

Nous avons besoin d'un compromis réel qui assurera, en fin de compte, l'existence d'une norme efficace concernant la pension à verser et qui traitera toutes les parties de façon équitable.

Cette motion permet au bénéficiaire, peu importe son revenu, de ne pas avoir à déclarer le montant reçu. C'est la non-reconnaissance du revenu touché qui est injuste.

Il faudrait examiner les ressources du bénéficiaire pour déterminer s'il doit ou non payer de l'impôt sur la pension alimentaire. Cela pourrait se faire très simplement. Je propose qu'un bénéficiaire ne paie pas d'impôt sur les pensions alimentaires de 1 000 dollars ou moins par mois et que le parent bénéficiaire déclare dans son revenu imposable les pensions alimentaires de plus de 1 000 dollars par mois.

Je voudrais que cette motion dise que ni le conjoint qui a la garde ni le conjoint qui verse la pension alimentaire ne devraient payer d'impôt sur le montant qui est versé, tant que celui-ci n'atteint pas une certaine limite. Je propose de n'imposer la pension alimentaire comme partie du revenu du parent qui a la garde que si ce montant dépasse 1 000 dollars par mois. Dans le cas, par exemple, d'une pension alimentaire de 1 200 dollars par mois, 200 dollars viendraient s'ajouter au revenu du bénéficiaire, et c'est ce montant seulement qui serait imposé.

Dans l'ensemble, cela n'entraînera peut-être pas une perte de recettes gouvernementales, mais il est vraiment trop tôt pour dire quel en serait l'effet net et on ne sait pas au juste, à ce stade-ci, si cette approche donnerait effectivement lieu à une perte nette de recettes fiscales. En fait, à long terme, cela permettrait peut-être de garantir une meilleure aide financière pour les enfants.

J'ai consacré passablement de temps, au cours de la pause, à élaborer cette thèse, et elle n'est peut-être pas la même que celle que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre ont adoptée à cet égard. Cependant, j'ai estimé qu'il était également très important d'exprimer mon opinion au nom des électeurs qui s'adressent à moi depuis très longtemps au sujet de cette question.

Étant donné que la motion traite de changements à apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu, je dois aussi mentionner ceci en terminant: la députée désire que la Loi de l'impôt sur le revenu soit plus équitable pour toutes les parties. Adopter un régime d'impôt uniforme constituerait un bon début. Si cet impôt uniforme constituerait appliqué, nous n'aurions pas à examiner encore d'autres changements compliqués à un régime fiscal qui est déjà compliqué.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour parler en faveur de la motion no 14, qui a été présentée par ma collègue, la députée de Nepean.

La motion demande au gouvernement de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, afin que les paiements de pension alimentaire ne soient plus considérés comme un revenu imposable pour les bénéficiaires. Ce débat fournit au Parlement l'occasion de mettre fin à un problème que pose depuis longtemps la Loi de l'impôt sur le revenu.


3555

Les dispositions de la législation fiscale qui prévoyaient la déduction des paiements de pension alimentaire du revenu imposable étaient entrées en vigueur en 1942. Depuis les années 40, la société canadienne a fait beaucoup de progrès. Malheureusement, en ce qui concerne la pension alimentaire, la législation fiscale a pris bien du retard sur les réalités de la société d'aujourd'hui.

Il y aujourd'hui, au Canada, près de un million de familles monoparentales, soit 20 p. 100 des familles qui ont des enfants. Quatre-vingt pour cent de ces familles monoparentales sont dirigées par des femmes. La moitié de ces familles vivent dans la pauvreté et, même si elles ne représentent qu'un petit nombre de foyers canadiens, seulement 3 p. 100, les familles monoparentales où le chef de famille est une femme portent 17 p. 100 du fardeau total de la pauvreté au Canada.

(1840)

Le problème que nous examinons aujourd'hui ne consiste pas seulement à modifier la législation. Il s'agit fondamentalement d'un problème de justice envers les parents seuls, particulièrement les mères.

Durant ce débat, nous devons examiner l'intention de la loi actuelle et l'effet de cette loi sur les familles d'aujourd'hui. Étant donné que 90 p. 100 des personnes qui touchent une pension alimentaire sont des femmes, il est juste de dire que les dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives à la pension alimentaire ont un effet préjudiciable envers les femmes et les enfants de familles monoparentales.

Le traitement fiscal des paiements de pension alimentaire réduit en fait la capacité des mères seules de subvenir aux besoins de leurs enfants, après une séparation ou un divorce, et crée de plus grandes disparités encore entre les parents qui ont la garde des enfants et ceux qui ne l'ont pas. Le revenu des payeurs de pension alimentaire est à peu près le double de celui des bénéficiaires et des personnes à leur charge.

On a constaté que, après un divorce, le niveau de vie de la femme et de ses enfants tend à baisser, alors que celui de l'homme s'accroît. Étant donné que 57 p. 100 des familles monoparentales dirigées par des femmes vivent sous le seuil de la pauvreté, il est devenu nécessaire de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de tenir compte de la condition des familles monoparentales des années 90. En modifiant la loi, le gouvernement contribuerait à assainir les conditions de vie des enfants des familles monoparentales.

Le ministère des Finances considère la déduction d'impôt accordée aux payeurs de pension alimentaire comme un moyen de les inciter à payer la pension alimentaire. Toutefois, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme a signalé que, d'après certaines études, le taux de non-paiement de la pension alimentaire pour enfants peut atteindre 85 p. 100.

De plus, le ministère des Finances estime que la déduction actuelle favorise également le paiement de pensions alimentaires plus élevées. Puisque le fardeau du revenu imposable se répercute du payeur, qui est présumé se situer dans une tranche d'imposition plus élevée, au bénéficiaire, présumé être dans une tranche d'imposition moins élevée, il en résulte une économie d'impôt globale qui accroît les ressources disponibles et, par conséquent, le montant de la pension alimentaire versé. Dans les faits, cependant, c'est rarement le cas.

Lorsque la loi originale a été rédigée il y a 52 ans, on tenait pour acquis que la personne ayant la garde de l'enfant, c'est-à-dire la mère, avait un revenu inférieur à celui du payeur, le père. De nos jours, cette hypothèse n'est plus toujours vraie. Même si les femmes représentent aujourd'hui une part importante de la main-d'oeuvre, les disparités salariales existent encore, mais la structure fiscale actuelle n'en tient pas compte.

La seule façon pour une mère seule de tirer avantage de la loi actuelle est d'avoir un revenu qui se situe dans une tranche d'imposition inférieure. Heureusement, les Canadiens ont fait des efforts pour que les femmes bénéficient d'une plus grande égalité de traitement et pour qu'elles touchent un salaire égal pour un travail égal. Le régime fiscal actuel freine ce progrès pour les mères chefs de famille monoparentale qui travaillent, car il gruge leur revenu et alourdit ainsi leur fardeau.

Certaines études du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme ont montré que, dans 49 p. 100 des cas, les économies d'impôt réalisées par celui qui paie la pension alimentaire n'excédaient pas le montant de l'impôt à payer pour le bénéficiaire de la pension; autrement dit, les effets fiscaux s'annulent. Dans 20 p. 100 de ces cas, les dispositions relatives aux pensions alimentaires dans la Loi de l'impôt sur le revenu font diminuer les ressources qui peuvent être consacrées à la pension.

Nous devons modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de l'adapter à la réalité actuelle et de fournir un soutien à la personne qui en a vraiment besoin, c'est-à-dire le parent qui a la garde des enfants. Dans les familles monoparentales, le parent qui n'a pas obtenu la garde reçoit un incitatif fiscal même si ses responsabilités parentales persistent.

En cas de divorce, la responsabilité des deux parents envers leurs enfants demeure la même. Par conséquent, les paiements de pension alimentaire ne devraient pas être considérés comme un revenu imposable pour le parent qui a la garde, mais plutôt comme le prolongement de l'obligation de son conjoint à l'égard du soin et de l'entretien de ses enfants.

J'ai analysé certains points entourant cette question; j'aimerais maintenant revenir au thème principal, c'est-à-dire la justice. La plupart des familles monoparentales sont dirigées par une femme. Ces foyers vivent en majorité sous le seuil de pauvreté et supportent une partie tout à fait disproportionnée de la pauvreté totale qui existe au pays. La Loi de l'impôt sur le revenu, dans son état actuel, ne fait qu'accentuer ce malheureux problème.

(1845)

Il est évident qu'une telle situation n'est pas synonyme de justice. Nous avons la possibilité de faire un pas dans le sens de la justice envers les femmes et les familles monoparentales. J'espère sincèrement que cette motion sera adoptée par la Chambre des communes et confirmée par le gouvernement sous forme de modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui d'une mesure fiscale qui remonte à 1942 et qui définit les règlements régissant le versement des pensions alimentaires à la suite d'un divorce. Je suis heureux de participer à ce débat car je crois qu'une société avisée devrait


3556

essayer de donner à ses enfants le meilleur départ possible dans la vie.

Les Canadiens ont été consternés lorsqu'en 1993, le Comité des Nations unies des droits économiques, sociaux et culturels a reproché vivement au Canada le fait que la moitié de toutes les mères chefs de famille monoparentale et leurs enfants vivaient sous le seuil de la pauvreté. Dans la conclusion du rapport, on disait que le Canada n'avait pas établi ou prévu de nouvelles mesures pour remédier à la situation.

Nous essayons de déterminer aujourd'hui si la législation fiscale devrait être modifiée par mesure d'équité en ce qui a trait aux pensions alimentaires. En vertu de notre régime actuel, ceux qui versent des pensions profitent d'un avantage fiscal, alors que les bénéficiaires, les mères qui ont la garde des enfants, doivent considérer ces paiements comme un revenu imposable.

Je demande à la population, à mes collègues et aux bureaucrates qui défendent ce règlement de 1942 de décider dans leur for intérieur si ce sont les principes du régime fiscal ou les droits des enfants qu'on doit défendre.

Il y a 52 ans, lorsque cette politique a été élaborée, il y avait dix tranches d'imposition pour les Canadiens. Le conjoint qui versait une pension alimentaire avait un revenu qui le plaçait généralement dans une tranche d'imposition supérieure à celle du conjoint bénéficiaire. C'est pourquoi on croyait qu'en accordant un allégement fiscal au conjoint qui versait la pension tout en imposant le bénéficiaire dont la tranche d'imposition était inférieure, on réduirait le montant total d'impôt versé sur cette somme.

En outre, les bureaucrates se sont dit qu'en permettant aux parents qui n'avaient pas la garde des enfants de déduire ces paiements de leur revenu imposable, on les encouragerait à verser cette pension régulièrement. Même si cela peut être convaincant en théorie, c'est bien loin d'être le cas en pratique.

Les députés ont parlé aujourd'hui avec beaucoup d'éloquence du caractère désuet de la politique d'imposition des pensions alimentaires. En 1942, il était probable que les enfants recevraient davantage d'argent si on accordait au parent qui n'avait pas la garde des enfants un allégement fiscal pour imposer le conjoint bénéficiaire. De nos jours, il est beaucoup plus probable que les deux parents soient dans la même tranche d'imposition.

Étant donné la situation dans les années 90, nous devons décider lequel des deux parents doit bénéficier de cette subvention. Je crois que la mère, qui est dans 98 p. 100 des cas la bénéficiaire de la pension alimentaire pour les enfants, ne devrait pas avoir à payer d'impôt sur ces paiements.

Même s'il est vrai qu'en moyenne, les femmes gagnent encore moins que les hommes, elles ont beaucoup plus de chances qu'auparavant d'être dans la même tranche d'imposition que leur ancien conjoint. Au fur et à mesure que la législation sur l'équité salariale fera sentir ses effets, nous espérons que les femmes atteindront la parité avec les hommes au Canada. Ainsi, un système de pension alimentaire qui tient pour acquis que les femmes gagnent moins que les hommes est anachronique et doit être modifié.

Les modifications que nous souhaitons devraient permettre d'imposer moins les parents pour donner davantage aux enfants. En Nouvelle-Écosse, un enfant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté. Les modifications proposées ne seraient qu'un tout petit pas pour aider ces enfants.

On a proposé une autre solution dont les tribunaux sont saisis à l'heure actuelle; ce revenu pourrait être considéré comme celui de l'enfant et imposé en conséquence. Les parents pourraient également négocier entre eux l'allégement fiscal dont ils profitent généralement pour s'assurer que ce montant serve aux dépenses consacrées aux enfants.

Le débat sur les complexités du régime fiscal ou de la réforme fiscale ne devrait pas nous éloigner des questions plus larges qui se posent dans le cas présent. Dans un rapport publié par Ellen Zweibel et Richard Shillington, du Policy Research Centre on Children, Youth and Families, on trouve incroyablement faible la pension alimentaire de base avant impôt qui est accordée.

Notre gouvernement prouvera qu'il s'intéresse au sort des jeunes en respectant les promesses contenues dans le livre rouge.

(1850)

Les programmes d'apprentissage faciliteront la transition de l'école au travail. Nous créons un Service jeunesse et nous rétablissons le financement du programme national d'alphabétisation. Cependant, il faut commencer chez les plus jeunes. Nous devons investir toutes les ressources disponibles pour les enfants pendant leurs années de formation.

Une résolution de la Chambre des communes, en 1989, adoptée à l'unanimité, demandait l'abolition de la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Nous devons renouveler cet engagement et redoubler d'efforts.

En 1991, plus de 1,2 million d'enfants canadiens vivaient dans la pauvreté. Pendant cinq ans, j'ai travaillé avec la société des banques alimentaires de la région de Halifax-Dartmouth et je sais qu'il faut procéder à des changements durables et systématiques.

En 1992, on estimait que 900 000 enfants avaient dû recourir à l'une des 436 banques alimentaires de ce pays et que le nombre augmentait. En 1980, il n'existait pas de banque alimentaire au Canada, alors qu'aujourd'hui nous en avons plus de 400. C'est navrant et stupéfiant.

Pour renverser cette effrayante tendance, nous devons apporter les changements requis à la Loi de l'impôt sur le revenu, pour que les enfants ne soient pas les victimes économiques du divorce ou de la séparation de leurs parents. Il faut faire en sorte que les pères-car dans 98 p. 100 des cas, ce sont les pères qui sont les payeurs-versent régulièrement les pensions alimentaires.

On peut se faire une idée du mauvais fonctionnement du système en regardant les statistiques juridiques. En Nouvelle-Écosse, le réseau des tribunaux de la famille administre les paiements de pension alimentaire de 13 000 familles. En 1990-1991, ces tribunaux ont émis 7 000 sommations à des

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personnes qui n'avaient pas versé la pension qui leur avait été imposée. Ce ne sont pas des chiffres anodins. Chaque sommation est l'histoire d'une situation difficile.

J'ai mentionné plus tôt que le dégrèvement accordé au parent n'ayant pas la garde des enfants avait été vu comme un encouragement à payer. Ça n'a pas fonctionné. Cinquante-deux ans plus tard, un grand nombre de parents ne paient pas la pension alimentaire de leurs enfants. Nous avons fait quelques progrès. Dans toutes les provinces il existe une loi permettant de mettre une saisie-arrêt sur le salaire des personnes en défaut. Cela ne suffit pas. Il faudrait travailler à normaliser le niveau des pensions alimentaires et les mécanismes d'exécution dans tout le pays.

Les échappatoires abondent dans notre régime fiscal sans que l'on sache très bien pourquoi une catégorie en profite et une autre non. Le bons sens et les groupes qui oeuvrent dans ce domaine nous disent que les femmes ne devraient pas payer d'impôt sur les pensions alimentaires de leurs enfants. L'adoption de cette motion par la Chambre serait un pas dans la bonne direction. Un pas logique.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, je désire féliciter le député de Nepean pour avoir pris l'initiative de présenter un projet de loi visant à amender la Loi de l'impôt.

Son projet de loi s'adresse particulièrement à un règlement de 1942, c'est-à-dire il y a 52 ans passées, alors que la pension alimentaire était payée, la plupart du temps, à la femme, à la mère qui était responsable des enfants, qui avait la charge des enfants. Cette taxe permettait au mari, à l'époux, au père, de déduire de son impôt l'argent qu'il payait pour la pension alimentaire des enfants.

Comme vous savez, la Loi sur le divorce est mise en application par les provinces et ce sont les juges des cours provinciales qui décident du montant que le père doit payer lors d'un divorce ou d'une séparation pour la pension alimentaire des enfants.

On sait très bien qu'aujourd'hui, contrairement à 1942, les divorces se font très nombreux. C'est une chose malheureuse dans notre société, mais c'est une réalité.

[Traduction]

J'ai ici un rapport du comité fédéral-provincial-territorial du droit familial, qui signale que, sur le plan fiscal, un bon nombre de questions devraient être étudiées. La Loi sur le divorce ne dit rien, pas plus que la législation provinciale ou territoriale, des calculs à faire ou de la façon de partager l'avantage de la déduction entre les parties.

(1855)

Dans ce rapport, on mentionne une évaluation de la Loi sur le divorce, effectuée en 1990 par le ministère de la Justice. On y disait ceci: «Il importe de remettre cette question dans son contexte actuel, c'est-à-dire de garder à l'esprit que les deux tiers des femmes vivent dans la pauvreté après le divorce.»

Je me permets de vous lire des extraits d'une lettre qu'une de mes électrices m'a envoyée. Mme Jackie Cloutier m'a écrit au sujet de l'imposition des pensions alimentaires. Elle était très fière de me donner la permission de la citer. «Taxer la pension alimentaire versée au parent déjà appauvri, c'est inacceptable. De nombreuses femmes peuvent perdre, comme moi, jusqu'aux deux tiers de leur pension au profit de l'impôt. Elles ne vivent pas dans de belles maisons et ne conduisent pas des voitures luxueuses. Elles ne prennent pas des vacances de rêve. Elles ne peuvent pas se permettre de planifier leur retraite. Elles luttent tous les jours pour joindre les deux bouts. La plupart du temps, elles se contentent de planifier jusqu'au prochain chèque de paie et manquent régulièrement d'argent à la fin du mois. Chaque année, en avril, elles sont aux prises avec cette dette inutile envers Revenu Canada.»

J'en saute une partie pour vous lire sa conclusion: «Le rapport des Nations Unies sur le statut des femmes et des enfants au Canada affirmait que ces deux groupes vivent dans la pauvreté. Sil vous plaît, prenez dès maintenant des mesures pour modifier la loi. Ne laissez pas passer une autre année. Cela ferait souffrir pour rien des femmes et des enfants tombés aux mains du régime fiscal.»

[Français]

C'est donc avec plaisir que j'appuie l'initiative de la députée de Nepean de demander au gouvernement fédéral de changer la Loi fédérale sur l'impôt et de cesser d'imposer des taxes sur les paiements alimentaires pour les enfants.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): La période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est terminée.

[Français]

Conformément à l'article 93 du Règlement, l'ordre retombe au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

_____________________________________________


3557

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ÉTHANOL

M. Jim Jordan (Leeds-Grenville): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de participer ce soir au débat d'ajournement, conformément au paragraphe 37(3) du Règlement, sur la question de l'éthanol.

Le mélange d'éthanol et d'essence pour remplacer l'essence ordinaire remporte un vif succès dans l'ouest du Canada et, depuis des années, aux États-Unis. La proportion qui est proposée au Canada est de 90 p. 100 d'essence pour 10 p. 100 d'éthanol, soit 90 p. 100 de source non renouvelable et 10 p. 100 de source renouvelable.


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Ce mélange, qui est disponible dans l'ouest de l'Ontario, arrive maintenant sur les marchés de l'est de la province. Il est même question de construire une usine dans ma circonscription de Leeds-Grenville. Espérons que ce projet se matérialisera. Tout a commencé lorsque des agriculteurs, 135 environ, ont décidé de fabriquer de l'éthanol et d'y mettre chacun 2 500 $. Cela prouve leur détermination, il me semble.

Les avantages de ce mélange d'éthanol et d'essence peuvent être abordés de divers points de vue, mais c'est un de mes anciens collègues, Ralph Ferguson, qui a pris la défense de ce genre de carburant en cette Chambre lors de la dernière législature. C'est lui qui m'a intéressé à la question, alors qu'il était ministre de l'Agriculture et qu'il revenait sans cesse à la charge. En fait, on pourrait même appeler ce mélange «le carburant à Fergie» car, à chaque fois qu'on lui adressait la parole, il faisait la promotion de l'éthanol. Il était convaincu de son utilité en tant que source d'énergie.

Faute de temps, je vais devoir résumer mes arguments. Dans cette affaire, le grand gagnant, c'est l'environnement. Cela ne fait aucun doute. L'échappement d'un véhicule utilisant un mélange contient 30 p. 100 moins d'oxyde de carbone et de 6 à 10 p. 100 moins de bioxyde de carbone. La production d'éthanol à partir de céréales, surtout le maïs, a pour effet d'étendre le marché des producteurs de maïs et des agriculteurs en général.

(1900)

Un boisseau de maïs donne environ 10 litres d'éthanol. Le sous-produit obtenu une fois que la fécule est retirée du maïs pour produire l'éthanol est une excellente source alimentaire pour le boeuf et la vache laitière. Comme l'éthanol est produit à partir d'une ressource renouvelable, tout le monde en bénéficie. Ce n'est pas le cas des combustibles fossiles.

En fait, c'est le coût de production qui a suscité la question que j'ai d'abord posée au ministre des Finances. C'est là le problème. Si nous appliquions la taxe d'accise fédérale et la taxe d'accise provinciale à l'éthanol, le produit ne serait plus offert sur le marché car il deviendrait trop dispendieux. Les gens n'en achèteraient pas parce qu'il coûterait trop cher. Personne ne s'en servirait comme carburant de remplacement.

Nous ne fabriquerions pas le produit, nous ne le vendrions pas, mais le plus important, c'est que nous ne bénéficierions pas des avantages qu'il a pour l'environnement. J'ai obtenu du ministre des Finances l'assurance que le gouvernement n'appliquerait pas de taxe d'accise à l'éthanol.

Cependant, les gouvernements ne sont pas éternels, ils se succèdent, aussi les gens attendent-ils une garantie plus ferme. Les producteurs d'éthanol voulaient une garantie comme celle que l'Ontario leur a donnée il n'y a pas longtemps. Le gouvernement de l'Ontario a annoncé que, si un futur gouvernement provincial voulait imposer de nouveau la taxe d'accise provinciale sur l'éthanol, les fabricants seraient indemnisés. L'industrie de l'éthanol voudrait ce genre de garantie de la part du gouvernement fédéral.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole pour participer à ce débat sur une question qui revêt une grande importance pour de nombreux députés.

Les députés savent sans doute que la réduction de taxe de 8,5 cents le litre d'éthanol utilisé dans des carburants s'apparentant à l'essence a été proposée dans le budget de 1992 pour assurer une plus grande uniformité en ce qui concerne les taxes applicables aux combustibles de remplacement. Avant 1992, les taxes fédérales d'accise sur les carburants ne s'appliquaient pas au propane, au gaz naturel ou encore au méthanol et à l'éthanol purs utilisés comme carburants. Cependant, la taxe d'accise sur l'essence s'appliquait entièrement aux carburants mélangés comprenant une faible proportion d'éthanol ou de méthanol.

Lorsqu'on a décidé d'éliminer la taxe d'accise sur l'éthanol et le méthanol faisant partie de carburants mélangés, c'était pour que tous les combustibles de remplacement soient traités de la même façon aux fins de la taxe d'accise fédérale durant la période de développement technologique et commercial de ces combustibles.

Je devrais signaler que l'exemption de la taxe d'accise est limitée aux carburants mélangés qui utilisent de l'éthanol et du méthanol fabriqués à partir de matières renouvelables comme le maïs et le bois. Les carburants à base d'éthanol tirés de la biomasse présentent un certain nombre d'avantages importants sur le plan de l'environnement. Par exemple, ils produisent moins de monoxyde de carbone que l'essence.

[Français]

L'exemption de la taxe d'accise sur les mélanges essence-éthanol continue d'être entièrement compatible avec les politiques actuelles du gouvernement au sujet du régime fiscal des carburants de remplacement. En conséquence, j'aimerais vous assurer que l'éthanol et le méthanol produits à partir de la biomasse et utilisés dans des carburants de type essence demeureront exempts de la taxe d'accise de 8,5c. le litre pendant le mandat actuel de ce gouvernement.

En encourageant le mélange et la commercialisation des mélanges éthanol-essence, cet engagement devrait aider sensiblement les producteurs canadiens d'éthanol. Le secteur agricole devrait en profiter aussi, car cette mesure assurera des débouchés additionnels au grain et au maïs, et elle pourrait assurer de nouveaux débouchés pour le bois et les rebuts agricoles.

(1905)

LE PLAN D'ACTION POUR LES JEUNES

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, le 14 avril dernier, j'ai posé une question au ministre du Développement des ressources humaines au sujet de son Plan d'action pour les jeunes.

Or, au lieu de me répondre au sujet des problèmes de juridiction que son plan d'action suscitait, le ministre du Développement des ressources humaines s'est limité à critiquer le fait que je critiquais son plan d'action. C'est un peu spécial, parce que


3559

j'estimais qu'il était du devoir d'un député de l'opposition de critiquer l'action du gouvernement et que c'était quelque chose d'absolument normal, selon ce qu'on m'avait dit. Or, le ministre me critiquait là-dessus.

C'est d'autant plus mon devoir que ce plan d'action pour les jeunes était une intrusion de plus dans le champ de juridiction des provinces, le domaine de l'éducation, et je vais en faire la démonstration.

Premièrement, je vais lire le titre de ce plan d'action. La première partie ne cause pas de problème: «Stratégie d'emploi». Il est vrai qu'il s'agit d'un domaine de juridiction partagée.

La deuxième partie du titre du document se lit ainsi: «Et d'acquisition du savoir pour les jeunes». En somme, je me demande s'il y a quelque chose de plus clair comme titre qui indique qu'il s'agit du domaine de l'éducation. Or, je rappelle que l'éducation est un domaine de juridiction exclusive des provinces. Pourtant, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé, le 15 avril dernier, une stratégie qui s'avère une intrusion de plus dans le domaine de l'éducation.

D'abord, examinons le premier programme, le Service jeunesse Canada. Le premier secteur visé par ce programme concerne le développement des collectivités et l'acquisition du savoir concernant, et je cite le document, «le domaine de l'éducation». On ne s'en cache même pas.

Un deuxième aspect qui concerne l'éducation dans le Service jeunesse: le bon d'étude. À la fin du stage de neuf mois, un montant de 2 000 $ est réservé pour bon d'étude.

Deuxièmement, le programme des jeunes stagiaires. Il s'agit d'un nouveau titre pour ne pas parler de programmes d'apprentissage; on parle maintenant de jeunes stagiaires. Que dit ce programme de jeunes stagiaires, au deuxième paragraphe? «Le gouvernement fédéral travaillera à la mise en oeuvre de nouveaux modèles de formation»; puis à la page 7, au troisième paragraphe: «Le gouvernement fédéral travaillera à la normalisation des plans de formation existants, mais avec des normes communes pour tout le Canada.»

Je vais passer plus rapidement le programme d'emploi d'été qui ne soulève pas de problème de juridiction et aussi assez rapidement sur l'augmentation des prêts accordés aux étudiants, malgré le fait que je signalerai ici que, parmi nos étudiants, notamment au Québec, 16 p. 100 n'arrivent pas à rembourser leurs prêts étudiants et sont obligés de se placer sous la protection de la Loi sur les faillites personnelles parce qu'ils ne sont pas capables de rembourser. Pourtant que fait le ministre? Il augmente le niveau d'endettement des étudiants.

À la page 13, sous Initiatives relatives à l'acquisition du savoir, on parle d'établissement d'objectifs nationaux de formation; on parle aussi de la mise à jour d'instruments de mesure dans le domaine de la formation; on parle ensuite de la mise en place de ressources multimédias et d'ordinateurs dans les écoles; on parle ensuite d'une meilleure diffusion de l'information sur les grands enjeux concernant l'acquisition du savoir; ensuite, dernière mesure, maintien du Programme l'école avant tout. Tout cela relève du domaine de l'éducation.

Or, à la suite de l'annonce de ce programme, trois provinces ont décidé de ne pas se présenter à la conférence fédérale-provinciale prévue le lundi suivant. Le même jour, à l'Assemblée nationale du Québec, le Parti libéral et le Parti québécois adoptaient de façon unanime une motion demandant au fédéral non seulement de ne pas faire de nouvelles intrusions, mais de se retirer du domaine de la formation dans lequel il était.

Enfin, le dernier, c'est le Conseil permanent de la jeunesse, un organisme paragouvernemental québécois qui, vendredi dernier, dans une conférence de presse, dénonçait à son tour l'ingérence du fédéral dans le domaine de la formation. J'aurais aimé poser ma question au ministre, mais je vois que le secrétaire parlementaire n'est pas là. J'espère qu'il y a quelqu'un pour le représenter. Normalement, on devrait avoir une réponse à notre question.

(1910)

Quand le fédéral se retira-t-il du champ de juridiction de l'éducation?

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral, tout comme le gouvernement du Québec, s'est engagé à investir dans la jeunesse du Canada, particulièrement en s'assurant que nos jeunes aient les compétences et les connaissances nécessaires pour les emplois de demain.

Ce faisant, le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de débattre de la responsabilité provinciale pour l'éducation. Est-ce l'intention du gouvernement d'aider les jeunes de ce pays, grâce à des programmes qui complètent, et je dis bien qui complètent, ceux que les provinces offrent?

[Traduction]

En fait, des discussions sont en cours avec toutes les provinces au sujet des quatre composants de la stratégie d'emploi et d'acquisition du savoir pour les jeunes.

[Français]

Le rôle du gouvernement fédéral est celui d'un présentateur. Les provinces participeront à la mise en oeuvre des projets pilotes de stages pour les jeunes. Ces projets s'appuieront sur les programmes provinciaux actuels et respecteront les priorités provinciales.

Nous encourageons aussi les provinces à instaurer, ajuster ou proposer des mécanismes additionnels aux trois mécanismes existants pour le programme de stages pour les jeunes, c'est-à-dire les initiatives sectorielles, l'alternance travail-études et la formation axée sur les projets.

[Traduction]

Pour ce qui est des programmes de stage pour les jeunes au Québec, nous avons reçu des réactions très positives de la part des ministres de l'éducation, y compris celui du Québec.

3560

[Français]

Notre gouvernement souhaite harmoniser ses initiatives de stages pour les jeunes à celles du Québec et des autres provinces et nous poursuivrons des discussions productives et efficaces, toujours avec les provinces, afin de trouver les meilleurs moyens d'aider tous les jeunes où ils se trouvent au Canada.

VIA RAIL

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, le 24 mars 1994, j'interrogeais le ministre des Transports sur les opérations de rationalisation des activités de VIA Rail. Le ministre répondait:

S'il n'y a pas de progrès dramatique dans la capacité de VIA Rail de continuer à fournir des services à l'intérieur des budgets prévus par le gouvernement du Canada, il y aura certainement des changements majeurs.
J'inviterais le ministre à considérer le rapport du groupe libéral fédéral sur VIA Rail qui date de novembre 1989, dans lequel on retrouve un certain nombre de députés libéraux qui siègent ici présentement en Chambre, certainement au-delà d'une quinzaine, et qui faisaient des recommandations à ce moment-là sur ce que VIA Rail devait faire et qu'est-ce qu'on devrait faire de VIA Rail pour la rendre rentable, la rendre efficace. Je voudrais tout simplement citer une des conclusions: «Nous devons toutefois faire preuve de prévoyance en lançant dès aujourd'hui un programme de dépenses. . .»-on ne parle pas de coupures, on ne parle pas de rationalisation-«. . .d'investissement destinées à moderniser la totalité du réseau de VIA Rail.»

Ce rapport, signé par plus d'une vingtaine de députés libéraux fédéraux, le ministre des Transports aurait intérêt à le considérer, peut-être à en faire son programme pour assurer effectivement qu'à l'avenir, VIA Rail devienne une institution rentable, une institution efficace et qu'on cesse de jouer à la défensive, parce que depuis au moins 10 ans, dans l'est du Québec, on tente toujours de rester en vie au niveau des trains.

Là-dessus, j'inviterais le gouvernement fédéral à s'occuper de ses responsabilités avant de s'occuper de celles en éducation ou ailleurs. C'est toujours mieux de vérifier dans son champ d'action si on fait les choses correctement. Je pense que le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine en particulier a une responsabilité majeure, parce que dans cette région, il y a un train qui, d'année en année, est remis en question. Toute la ligne qui va jusque dans les Maritimes est aussi remise en question d'année en année.

On dirait que lorsque les partis fédéraux passent de l'opposition au pouvoir, leur vocabulaire change soudainement et ils deviennent des défenseurs du sous-développement des régions. On pourrait faire du développement ferroviaire un axe important pour assurer à nos régions des infrastructures de base nécessaires en matière de transport afin de s'assurer qu'on puisse, à l'avenir, développer les PME dans nos milieux et ainsi contribuer au développement, plutôt que de toujours être sur la défensive et de ne voir que les petites coupures qui peuvent être faites à droite ou à gauche.

Ce que je trouve assez étonnant, c'est de voir que lorsque le Parti libéral du Canada était dans l'opposition, les recommandations qu'il retenait étaient du genre de celles-ci: améliorer les équipements et l'infrastructure; moderniser et introduire le train à grande vitesse-ils ont plutôt pris la petite vitesse-faire renaître l'autobus sur rail; flexibiliser les tarifs et les horaires; faire intervenir le public.

Dans ce sens-là, il nous semble important qu'il y ait un moratoire sur les fermetures, sur la disparition du transport ferroviaire dans l'est du Canada, comme il y en a un dans l'ouest du Canada. Ce gouvernement, dans son document de 1989, lors de son dernier mandat au Parlement, alors qu'il était dans l'opposition, voulait que le public puisse participer à l'avenir de VIA Rail. Je demanderais au gouvernement actuel pourquoi il ne respecte pas les engagements qu'il a pris au moment où il formait l'opposition, pas simplement comme députés indépendants, mais c'est un rapport officiel du caucus libéral national, et plusieurs des membres du comité sont aujourd'hui des ministres qui devraient faire des représentations pertinentes au Conseil des ministres.

J'espère que le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine obtiendra de son gouvernement qu'il tienne son bout et qu'il respecte les engagements qu'il prenait à ce moment-là dans le document du caucus libéral national.

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre aux commentaires du député de Kamouraska-Rivière-du-Loup. Il est toujours important de mettre ces commentaires en perspective. Le ministre des Transports n'a pas caché le fait que le gouvernement n'a pas d'autres fonds à offrir à VIA Rail.

[Traduction]

L'avenir de VIA Rail dépendra des ressources financières disponibles de l'État, des recettes tirées du transport des voyageurs, de même que de l'issue des négociations collectives en cours. Au terme de ces négociations, VIA communiquera ses plans au gouvernement, et celui-ci prendra une décision.

Le gouvernement appuie les efforts que déploie actuellement VIA pour optimiser l'efficacité de ses activités avant qu'une décision ne soit prise quant à son avenir à long terme. Je signale au député que, depuis trois ans, VIA a réalisé des gains spectaculaires du point de vue de son efficience. En effet, la compagnie a fait des progrès importants au niveau de l'utilisation de sa main-d'oeuvre, de ses locomotives et de son matériel en général, mais elle peut faire encore mieux.

De toute évidence, il ne peut y avoir de changements immédiats dans le service. VIA doit présenter une proposition au gouvernement. Je répète qu'il ne peut y avoir de compressions sans l'approbation du gouvernement.

Il est très important de pouvoir transporter efficacement les personnes et les marchandises dans tout le pays. Les Canadiens veulent un réseau de transport pratique et abordable. Il serait prématuré de s'interroger sur les changements qui seront apportés au service. Ce qui est certain, c'est que VIA exploitera un réseau que les Canadiens auront les moyens de se permettre.

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Le député a aussi fait allusion au groupe de travail libéral. Je suis l'un des co-auteurs du document, comme le savent bon nombre de mes collègues. Il sera tenu compte de certaines des recommandations formulées, lorsque le ministre et le gouvernement étudieront les diverses options possibles. Nous allons aussi nous pencher sur la façon de moderniser le réseau VIA.

Il importe que le député comprenne cela. Celui-ci a soulevé la question de savoir si le gouvernement devait ou non s'immiscer dans les secteurs de compétence provinciale. Il s'agit ici d'un secteur où le fédéral devrait collaborer avec les provinces, comme il l'a fait avec l'Ontario. Nous serions heureux de travailler de concert avec le gouvernement du Québec, les municipalités, le secteur privé, les groupes communautaires et tous les autres intervenants afin d'en arriver à une solution qui permette de préserver le réseau VIA d'un bout à l'autre du pays.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 19 h 18, la Chambre s'ajourne jusqu'à 14 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 18.)