Publications de la Chambre
Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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TABLE DES MATIÈRES
AFFAIRES COURANTES
DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
- M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 259
LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENTFÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET SUR LES CONTRIBUTIONS FÉDÉRALESENMATIÈRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE ET DE SANTÉ
- Projet de loi C-3. Adoption des motions portant présentationet première lecture 259
- M. Gray 259
LOI INTERDISANT L'EXPORTATION DES EAUX DU CANADA
- Projet de loi C-202. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 259
- M. Riis 259
LE RÈGLEMENT
- M. Milliken 259
- Motion 259
- M. Robinson 261
- Amendement 261
- Adoption de l'amendement 261
- Adoption de la motion modifiée 261
PÉTITIONS
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
- M. Jackson 261
LE JEU DES TUEURS EN SÉRIE
- M. Gouk 261
QUESTIONS AU FEUILLETON
- M. Milliken 261
RECOURS AU RÈGLEMENT
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 261
- M. Manning 262
- Mme McLaughlin 262
- M. Charest 262
- M. Riis 262
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
- Motion 263
- M. Ouellet 263
- M. Bouchard 267
- M. Frazer 271
- M. Tremblay (Rosemont) 273
- M. Robinson 273
- M. Mills (Red Deer) 274
- M. Caccia 275
- M. Robinson 275
- M. Collenette 276
- M. Tremblay (Rosemont) 279
- M. Robinson 279
- M. Manning 280
- M. Jacob 280
- M. Duceppe 282
- M. Mifflin 282
- Motion 282
- M. Flis 282
- M. Plamondon 284
- Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 286
- M. Mercier 287
- M. Cannis 287
- M. Mifflin 288
- M. Ringma 288
- M. MacDonald 289
- M. Robinson 290
- M. Mifflin 290
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
- M. Steckle 292
LA COMMUNAUTÉ SÉPHARADE DU QUÉBEC
- M. Duceppe 292
LE POÈTE ROBERT BURNS
- M. Williams 293
LA FORMATION PROFESSIONNELLE
- M. Gauthier 293
LE RÉGIME ENREGISTRÉ D'ÉPARGNE-RETRAITE
- Mme Gaffney 293
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
- M. Finlay 293
LE TRAIN À GRANDE VITESSE
- M. Laurin 293
LA CONSOMMATION D'ALCOOL
- M. Schmidt 294
L'ÉQUITÉ SALARIALE
- M. MacDonald 294
LA YOUGOSLAVIE
- Mme Stewart 294
LA SEMAINE NATIONALE DE SENSIBILISATION AUX RISQUES DE BRÛLURE
- M. Gallaway 294
LA DÉMOCRATIE EN HAÏTI
- M. Pomerleau 295
LE MAINTIEN DE LA PAIX
- M. Abbott 295
LE HOCKEY
- M. Nunziata 295
LA ONTARIO COALITION OF SENIOR CITIZENS' ORGANIZATIONS
- Mme Augustine 295
L'INDUSTRIE FORESTIÈRE
- Mme Wayne 296
QUESTIONS ORALES
LA CONTREBANDE DE CIGARETTES
- M. Bouchard 296
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 296
- M. Bouchard 296
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 296
- M. Bouchard 296
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 296
- M. Duceppe 296
- M. Gray 296
- M. Duceppe 296
- M. Gray 297
LA FISCALITÉ
- M. Manning 297
- Mme McLellan 297
- M. Manning 297
- Mme McLellan 297
- M. Manning 297
- Mme McLellan 297
LA DÉFENSE NATIONALE
- M. Gauthier 297
- M. Collenette 297
- M. Gauthier 298
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 298
LE COMMERCE EXTÉRIEUR
- M. Penson 298
- M. MacLaren 298
- M. Penson 298
- M. MacLaren 298
LA DÉFENSE NATIONALE
- M. Jacob 298
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 298
- M. Jacob 298
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 298
L'ÉTHIQUE
- Mme Hayes 299
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 299
- Mme Hayes 299
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 299
LA DÉFENSE NATIONALE
- M. Leroux (Richmond-Wolfe) 299
- M. Collenette 299
- M. Leroux (Richmond-Wolfe) 299
- M. Collenette 299
LA SUPERAUTOROUTE DE L'INFORMATION
- M. Culbert 299
- M. Manley 299
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
- M. Thompson 299
- M. Massé 300
- M. Thompson 300
- M. Massé 300
LES AFFAIRES INDIENNES
- M. Bachand 300
- M. Irwin 300
- M. Bachand 300
- M. Irwin 300
LE PROJET KEMANO
- M. Cummins 300
- M. Tobin 300
- M. Cummins 301
- M. Tobin 301
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
- M. Cannis 301
- M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 301
L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
- Mme Venne 302
- M. Rock 302
- Mme Venne 302
- M. Rock 302
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
- M. Harper (Simcoe-Centre) 302
- M. Collenette 302
- M. Harper (Simcoe-Centre) 302
- M. Collenette 302
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
- Mme Debien 302
- M. Ouellet 303
- Mme Debien 303
- M. Ouellet 303
LES ARMES À FEU
- M. Abbott 303
- M. Rock 303
LES FINANCES
- Mme Brushett 303
- M. Walker 304
LA CRÉATION D'EMPLOIS
- M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 304
- M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 304
LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURES
- M. Charest 304
- M. Chrétien (Saint-Maurice) 304
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
- Reprise de l'étude de la motion 305
- M. Mifflin 305
- M. Williams 305
- M. Bergeron 305
- M. Nunez 306
- M. Taylor 309
- M. Plamondon 309
- M. Rompkey 310
- M. Adams 311
- M. Robinson 312
- M. Hopkins 312
- M. MacDonald 314
- M. Paré 314
- M. Milliken 315
- Motion 315
- M. Manning 315
- Adoption de la motion 315
- M. Langlois 317
- M. O'Brien (London-Middlesex) 317
- M. Robinson 317
- M. Kerpan 318
- M. Chan 319
- M. de Jong 320
- M. PeriG 320
- M. de Jong 322
- M. St. Denis 322
- M. Adams 323
- Mme Dalphond-Guiral 323
- M. Ménard 325
- M. Caron 326
- M. Proud 326
- M. Paré 328
- Mme Gaffney 328
- M. Robinson 330M. Stewart 333
- M. Caron 334
- Mme Skoke 334
- M. Pomerleau 335
- M. Crête 335
- M. Finlay 336
- M. Comuzzi 336
- Mme Meredith 337
- M. MacDonald 339
- M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 340
- M. MacDonald 342
- M. Flis 343
- M. Fillion 343
- M. McWhinney 344
- M. Crête 345
- M. Caccia 346
- M. Plamondon 347
- M. Brien 347
- M. de Savoye 348M. Berger 350
- M. Plamondon 350
- M. Caron 350
- M. Bodnar 351
- M. Asselin 351
- M. Fillion 352
- M. Patry 352
- M. Crête 353
- M. Plamondon 354
- M. Abbott 354
- Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 355
- M. Bryden 356
- M. Brien 356
- M. Speaker (Lethbridge) 356
- M. Crête 357
- M. Reed 357
- M. Charest 359
- M. Volpe 360
- Mme Bakopanos 362
- M. de Jong 364
- Mme Brown (Oakville-Milton) 365
- M. Crête 366
- M. Culbert 367
- M. Richardson 368
- M. Berger 369
- M. English 370
- M. Nunziata 372
- M. Bryden 373
- M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 374
- Mme Augustine 375
- M. Pagtakhan 375
- M. O'Reilly 376
- M. Wappel 377
- M. Telegdi 377
259
CHAMBRE DES COMMUNES
La séance est ouverte à 10 heures.
_______________
Prière
_______________
AFFAIRES COURANTES
[Français]
DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe, à la réunion annuelle de l'assemblée parlementaire de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, CSCE, tenue à Helsinki, Finlande, du 6 au 9 juillet 1993.
* * *
[Traduction]
LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET SUR LES CONTRIBUTIONS FÉDÉRALES EN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE ET DE SANTÉ
L'hon. Herb Gray (pour le ministre des Finances): demande à présenter le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé.(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
M. Riis: Monsieur le Président, je désire présenter un projet de loi visant à interdire l'exportation des eaux du Canada par voie d'échanges entre bassins.
Le Président: À l'ordre! Je suppose que le député a procédé à des consultations et demande le consentement unanime. La Chambre consent-elle à la présentation de ce projet de loi d'initiative parlementaire?
Des voix: D'accord.
LOI INTERDISANT L'EXPORTATION DES EAUX DU CANADA
M. Nelson Riis (Kamloops): demande à présenter le projet de loi C-202, Loi visant à interdire l'exportation des eaux du Canada par voie d'échanges entre bassins.-Monsieur le Président, j'ai une très courte explication à donner.
Dans le cadre des discussions sur l'Accord de libre-échange nord-américain d'aucuns ont demandé si l'adoption de cette mesure législative ne faciliterait pas l'exportation des eaux du Canada aux États-Unis et au Mexique, par voie d'échanges entre bassins. Bien que des gens s'inquiètent à ce sujet, le présent projet de loi les rassurera du fait qu'il interdirait tout simplement l'exportation des eaux du Canada aux États-Unis ou au Mexique par voie d'échanges entre bassins.
(Les motions sont adoptées, et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
(1010)
LE RÈGLEMENT
M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader parlementaire du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, avec le consentement unanime de la Chambre, avec l'appui du député de Laurier-Sainte-Marie, je propose:
I. Que l'article 104 du Règlement soit modifié de la manière suivante:
1. Au paragraphe (1), par la substitution, aux mots «gestion de la Chambre», de l'expression suivante: «procédure et des affaires de la Chambre».
2. Par la substitution, aux paragraphes (2), (3) et (4), de ce qui suit:
«(2) Les comités permanents, qui, sous réserve du paragraphe (1) du présent article, comprennent au moins sept et au plus quinze députés et pour lesquels on dressera une liste de membres, sont les suivants:
a) le Comité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire
b) le Comité du patrimoine canadien
c) le Comité de la citoyenneté et de l'immigration
d) le Comité de l'environnement et du développement durable
e) le Comité des finances
f) le Comité des pêches et des océans
g) le Comité des affaires étrangères et du commerce international
h) le Comité des opérations gouvernementales
i) le Comité de la santé
j) le Comité du perfectionnement des ressources humaines
k) le Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées
l) le Comité des affaires indiennes et du Nord canadien
m) le Comité de l'industrie
n) le Comité de la justice et des questions juridiques
o) le Comité de la défense nationale et des anciens combattants
p) le Comité des ressources naturelles
260
q) le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre
r) le Comité des comptes publics
s) le Comité des transports
(3) Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dresse et présente aussi une liste de députés qui représenteront la Chambre aux Comités mixtes permanents:
a) de la Bibliothèque du Parlement
b) des langues officielles
c) d'examen de la réglementation
Toutefois, il faut nommer à ces comités mixtes un nombre suffisant de députés pour y maintenir le rapport numérique qui existe entre députés et sénateurs.
(4) Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dresse aussi, pour chacun des comités permanents et des comités mixtes permanents mentionnés dans le présent article, des listes des noms des membres associés qui sont réputés membres de ce comité pour les fins des articles 108(1)b) et 114(2)a) du Règlement et qui pourront servir de substituts au sein de ce comité conformément à l'article 114(2)b) du Règlement.».[Français]
II. Que l'article 108 du Règlement soit modifié de la manière suivante:
1. Par la substitution, à l'alinéa (1)b), de ce qui suit:
(b) Les comités permanents sont autorisés à créer des sous-comités dont les membres pourront être choisis parmi ceux dont les noms figurent tant sur la liste de membres que sur celle des membres associés, prévue à l'article 104 du Règlement, et ceux-ci sont réputés membres de ce comité pour les fins du présent article.
2. Au paragraphe (2), par la substitution, à l'expression «(3)b)», de l'expression «(3)c)», et par la suppression de l'expression «(3)e)».
3. À l'alinéa (3)a):
a) par la substitution, aux mots «gestion de la Chambre», de l'expression «procédure et des affaires de la Chambre»;
b) par l'ajout, au sous-alinéa (ii), immédiatement après «deux Chambres», de l'incise «sauf en ce qui a trait à la Bibliothèque du Parlement»;
4. Par la substitution, aux alinéas (3)b), (3)c) et (3)d), de ce qui suit:
b) celui du Comité du patrimoine canadien comprend, entre autres, la surveillance de la mise en oeuvre des principes de la politique fédérale et du multicuralisme dans l'ensemble du gouvernement du Canada, dans le but:
-d'encourager les ministères et organismes fédéraux à refléter la diversité multiculturelle du Canada; et
-d'examiner les politiques et les programmes existants et nouveaux des ministères et organismes fédéraux qui tendent à encourager la sensibilité aux intérêts multiculturels, ainsi qu'à préserver et à favoriser la réalité multiculturelle du Canada;
c) Celui du Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées comprend notamment:
-l'étude de tout rapport de la Commission canadienne des droits de la personne qui est réputé être déféré en permanence au Comité dès que ledit document est déposé sur le Bureau, et la présentation de rapports à ce sujet; et
-la formulation des propositions d'initiatives visant à l'intégration et à l'égalité des personnes handicapées dans tous les secteurs de la société canadienne, ainsi que la promotion, le contrôle et l'évaluation de ces initiatives;
5. Par la substitution du numéro d'alinéa (3)d) au numéro (3)e);
6. Par la substitution, au paragraphe (4), de ce qui suit:(1015)
(4) À l'égard de la Chambre, le mandat du Comité mixte permanenta) de la Bibliothèque du Parlement comprend l'étude de l'efficacité, de l'administration et du fonctionnement de la Bibliothèque du Parlement;
b) des langues officielles comprend notamment l'étude des politiques et des programmes de langues officielles, y compris les rapports annuels du Commissaire aux langues officielles qui sont réputés déférés en permanence au Comité dès qu'ils sont déposés sur le Bureau, et la présentation de rapports à ce sujet;
c) d'examen de la réglementation comprend notamment l'étude et l'examen des textes réglementaires qui sont déférés en permanence au Comité conformément aux dispositions de l'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires;
Les deux Chambres peuvent toutefois, de temps à autre, déférer n'importe quelle autre question aux comités mixtes permanents susmentionnés.[Traduction]
III. Que l'article 112 du Règlement soit modifié:a) par la suppression du passage «pour chaque secteur, sauf le secteur Gestion,»;
b) par la substitution du mot «douze» au mot «six»;
c) par la substitution, à l'expression «Chaque groupe de», du mot «Les»;
d) par la suppression du passage «relevant du secteur du groupe».
[Français]
IV. Que l'article 113(2) du Règlement soit modifié par la suppression du mot «approprié».[Traduction]
V. Que l'article 114 du Règlement soit modifié:
1. À l'alinéa (2)a), par la substitution, au mot «sept», du mot «quatorze»; par la suppression des mots «attachés au secteur auquel ce comité a été affecté»; et par la suppression du passage qui suit les mots «membres permanents du comité.».
2. À l'alinéa (2)c), après l'expression «sur la liste», par la substitution, au passage «générale dressée pour le secteur en question», des mots «des membres associés du comité».
3. Au paragraphe (4), par la suppression des mots «qui comportent la nomination à un comité d'un député qui n'est pas déjà membre d'un comité du même secteur».[Français]
VI. Que l'article 115(2) du Règlement soit modifié par la substitution, à ce qui suit l'expression «séances des comités», du passage suivant: «qui examinent des projets de loi ou le budget des dépenses par rapport à celles des comités qui étudient d'autres questions.»[Traduction]
VII. Que les articles 91, 92(1), 106(1), 107(2), 113(1), 114(1), 114(2)a), 114(2)d), 114(4), 115(4), 119.1(2), 132, 133(2), 133(3), 133(4), 135(1), 140 et 141(4) du Règlement soient modifiés par la substitution, aux mots «gestion de la Chambre», de l'expression «procédure et des affaires de la Chambre».[Français]
VIII. Que l'article 73 du Règlement soit modifié:
1. Par la substitution, aux paragraphes (2) et (3), de ce qui suit:
(2) À moins qu'il n'en soit ordonné autrement, un projet de loi est, lors de sa deuxième lecture, renvoyé à un comité permanent, spécial ou législatif.
2. Par la substitution, aux numéros de paragraphes (4) et (5), des numéros de paragraphes (3) et (4), respectivement.
IX. Que le Greffier de la Chambre soit autorisé à réassigner au besoin, après consultations, tout ordre de renvoi qui aura déjà été confié à un comité au moment de l'adoption du présent ordre;
X. Qu'un message soit transmis au Sénat pour l'inviter à participer avec la Chambre à la création des comités mixtes permanents ci-dessus mentionnés.[Traduction]
Je m'excuse d'avoir dû lire une motion aussi longue, mais je pense que la Chambre consentira à l'adopter à l'unanimité aujourd'hui.
Le Président: À l'avenir, lorsque le député doit présenter des motions comme celle-ci et qu'il y a consentement unanime de tous les partis, nous pourrions peut-être nous dispenser d'en faire donner lecture. Je ne pense là qu'à l'avenir.
Pendant que vous lisiez la motion, je ne faisais que penser à ce qui ce serait passér si vous aviez dû la répéter au complet. Cela aurait été épouvantable.
261
Les députés ont entendu le texte de la motion. Plaît-il à la Chambre de l'adopter?
(1020)
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je suis certainement d'accord avec cette motion.
Il y a un amendement que j'aimerais proposer et avec lequel, je l'espère, les autres députés seront d'accord. Il concerne le nom anglais du comité proposé au paragraphe (2)k), soit le «committee on human rights and the status of the disabled».
L'ancien comité s'appelait, en anglais toujours, le «committee on human rights and the status of disabled persons».
À titre d'ex-membre de ce comité, je me souviens très bien que les personnes atteintes d'un handicap n'aimaient vraiment pas qu'on les appelle «les handicapés» ou en anglais «the disabled».
[Français]
Je note qu'en français, il s'agit du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.
[Traduction]
Je voudrais aussi signaler que le texte de l'alinéa 4 c) du mandat du comité mentionne ce qui suit: «la formulation de propositions d'initiatives visant à l'intégration et à l'égalité des personnes handicapées («disabled persons» en anglais) dans tous les secteurs de la société canadienne, ainsi que la promotion, le contrôle et l'évaluation de ces initiatives».
Nous parlons ici de personnes avant toute chose. J'espère que la Chambre sera d'accord avec moi pour que nous maintenions l'ancien nom du comité.
Je voudrais le proposer si la Chambre y consent.
(L'amendement est adopté.)
(La motion modifiée est adoptée.)
* * *
PÉTITIONS
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition concernant la Loi sur les jeunes contrevenants au nom de Delores et Edward Howey d'Owen Sound.Leur fille Karen Howey Black a été brutalement assasinée le 15 février 1993, en Colombie-Britannique. Ils demandent que la loi soit modifiée afin de viser aussi les jeunes contrevenants qui commettent ces crimes atroces.
LE JEU DES TUEURS EN SÉRIE
M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de prendre la parole pour présenter une pétition des résidents soussignés de Kootenay-Ouest-Revelstoke, en Colombie-Britannique. Ces gens aimeraient informer la Chambre d'un grief.Ce grief concerne un nouveau jeu appelé «Serial Killer board game» qui doit arriver bientôt au Canada. Ils prient humblement la Chambre d'interdire la vente de ce jeu et d'empêcher que des jeux semblables soient mis en vente au Canada, et ce, afin de protéger nos enfants.
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.Le Président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?
Des voix: D'accord.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement pour situer le débat d'aujourd'hui dans son contexte.Il s'agit du premier de nombreux débats à venir. Ces dernières années, lorsque les gouvernements ont élaboré des politiques, ils n'ont tenu compte du Parlement qu'après coup ou l'ont complètement laissé de côté.
Lors des dernières élections fédérales, j'ai promis aux Canadiens que je rétablirais le respect envers la Chambre des communes ainsi que la pertinence de son rôle. C'est pourquoi aujourd'hui le débat porte sur le rôle du maintien de la paix et demain, sur les essais des missiles de croisière.
J'aimerais également annoncer que la semaine prochaine marquera la première fois dans l'histoire canadienne que cette Chambre servira de tribune à des consultations pré-budgétaires avec les députés. Ce sera la première fois que les députés pourront discuter d'importantes questions budgétaires avant la préparation du budget.
[Français]
Monsieur le Président, aujourd'hui nous abordons la question de la Bosnie. Demain, nous aborderons la question des missiles de croisière, la permission à donner aux Américains pour effectuer des tests sur les missiles au Canada. Le semaine prochaine, ce sera un débat sur le Budget.
Comme je le disais en cette Chambre hier, il s'agit d'une procédure tout à fait nouvelle. On l'essaie. Autrefois, les députés de ce Parlement étaient toujours appelés à faire des commentaires «après une décision». Ce qui voulait dire que généralement lorsqu'on est dans l'opposition, on oppose, et il est trop tard pour avoir un effet réel sur la décision du gouvernement. Donc c'est nouveau. J'espère que les députés voudront rendre cette procédure la plus efficace possible, de telle façon qu'on exprime un point de vue. Ensuite, le gouvernement décidera. Il y a certaines personnes qui ont dit qu'il n'y aura pas de vote sur ce genre de débat. Évidemment, il ne doit pas y avoir de vote parce que le but est de donner un avis au gouvernement, avant que le gouvernement agisse.
(1025)
Si les députés de l'opposition, ou même des députés de mon parti avaient des choses à redire, il leur sera possible par la suite de présenter, comme à l'habitude, des motions de blâme contre le gouvernement sur une décision qui a été prise. J'espère que cette nouvelle procédure que nous mettons de l'avant donnera une chance plus grande aux députés de s'exprimer, d'avoir un débat plus serein, moins partisan.
262
Je profite de l'occasion pour féliciter à ce jour tous les députés de cette Chambre. Je pense que la presse a noté, et le peuple canadien en particulier, que l'atmosphère est beaucoup mieux qu'elle ne l'était autrefois. Évidemment, cela dépend de l'opposition et aussi beaucoup du gouvernement. J'ai invité mes ministres à se modérer, car c'est toujours très tentant, lorsqu'on a la dernière chance de parole, de donner un petit coup de couteau qui peut nous satisfaire et créer de la perturbation chez les députés de l'opposition.
La nouvelle discipline démontrée par cette Chambre est donc bienvenue, et je tiens à féliciter tous les députés pour leur attitude. Je les invitererais à exprimer leur point de vue bien candidement au cours des trois débats que nous proposons dans les jours à venir: la question du maintien de la paix; la question des missiles de croisière; et la troisième question qui sera débattue la semaine prochaine, soit un débat préliminaire concernant le Budget qui doit être présenté en cette Chambre avant la fin du mois de février.
[Traduction]
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, en ce qui concerne le rappel au Règlement du premier ministre, j'aimerais le remercier, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, de rendre ce débat possible et ce, avant que le gouvernement prenne une décision de principe.
J'aimerais formuler une autre proposition dans l'esprit de ce que vient de dire le premier ministre, à savoir qu'à l'avenir, nous abandonnions l'usage voulant que les chefs de parti entament le débat. Il me semble que notre contribution serait meilleure si nous nous contentions d'écouter ce que les autres députés ont à dire. Nous pourrions apporter notre participation, le cas échéant, vers la fin du débat, afin de tâcher de définir le terrain d'entente auquel en sont arrivés les députés, qui pourrait de servir de base à la politique du gouvernement. Merci, Monsieur le premier ministre.
L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, j'aimerais également féliciter le premier ministre de s'être engagé à tenir ce genre de débats à la Chambre des communes. J'estime qu'ils sont d'une grande importance. Le premier ministre a indiqué qu'il s'agit d'une première. À mon avis, là où le gouvernement fait ses preuves, c'est lorsqu'il est prêt à écouter divers points de vue. Je remercie le premier ministre d'avoir pris cette initiative.
Comme nous débattons de la Bosnie aujourd'hui, j'aimerais dire brièvement que je suis sûre que chacun au Canada partage l'opinion de notre parti, à savoir que nous reconnaissons l'excellent travail de la GRC et des gardiens de la paix en Bosnie.
Je tiens à nouveau à remercier le premier ministre de cette possibilité qu'il nous offre et j'espère que le gouvernement tiendra compte de ce qui, à mon avis, sera une série constructive de débats qui serviront les intérêts du pays. Nous aurons tous nos propres points de vue mais je crois que chacun d'entre nous aura à coeur l'intérêt du pays, tant sur la scène nationale qu'internationale. J'attends avec intérêt la tenue de ces débats.
[Français]
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, je tiens à joindre ma voix à celles de ma collègue de Yukon, du chef du Parti réformiste ainsi que du premier ministre pour
mentionner que c'est une excellente idée que d'ouvrir le Parlement à ce genre de débat. Si cela peut nous aider dans cette Chambre à avoir des débats qui soient beaucoup plus constructifs, c'est tant mieux. C'est l'objectif que nous poursuivons et qui d'ailleurs reflète bien les sentiments du gouvernement tels qu'exprimés à l'intérieur même du discours du Trône.
(1030)
Cela étant dit, je veux, parce que nous sommes actuellement à réfléchir un peu sur ce thème du fonctionnement du Parlement actuel, ajouter le commentaire suivant.
[Traduction]
Puisque nous réfléchissons actuellement au fonctionnement du Parlement actuel, je tiens à dire que nous sommes heureux de pouvoir participer au débat et que nous y participerons activement afin de favoriser l'ouverture à la Chambre des communes.
Je tiens toutefois à me prononcer au sujet du fonctionnement du Parlement et à reformuler notre préoccupation, à savoir que même si les députés indépendants de cet endroit sont considérés comme indépendants par le président et ne comptent que douze personnes, nous représentons 25 p. 100 des suffrages exprimés aux élections générales.
Une de nos préoccupations n'est toujours pas réglée et je l'ai soulevée à propos d'une question de privilège qui traite véritablement de deux questions. La première vise le temps de parole qui sera accordé à ces députés.
Il s'agit d'une question très fondamentale, puisque le premier ministre et, je crois, beaucoup de députés avec lui, sont d'avis qu'il faut offrir à tous les députés la possibilité de participer à un nouveau type de débat.
Pour que cela puisse se produire, il faut tout d'abord que les députés soient en mesure de participer. Si tel est l'esprit de cette nouvelle Chambre, j'y fais bon accueil. Mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter.
Je terminerai en parlant de la partie de la question que la Chambre vient de régler par consentement unanime, sans qu'il n'y ait eu de consultation. Je n'ai pas formulé d'objection, parce que je ne tiens pas à m'opposer constamment à tout, mais à mon sens, c'est un exemple des questions soulevées qui, dans des circonstances plus normales, exigeraient une consultation, si tant est que nous formons une nouvelle Chambre et que nous préconisons une nouvelle façon de fonctionner.
M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, je souhaite simplement remercier le premier ministre pour cette initiative. C'est une nouvelle façon de procéder à laquelle il me semble que le gouvernement précédent n'a jamais eu recours, puisqu'il n'a jamais donné l'occasion aux parlementaires de jouer un rôle dans le processus de décision.
À plusieurs occasions, le premier ministre a indiqué à la Chambre que ce nouveau procédé donnera la possibilité à tous les députés que la question intéresse de faire part de leurs points de vue au nom de leurs électeurs.
Je suppose que pour le débat d'aujourd'hui, nous ne tiendrons pas compte de l'heure, si nécessaire, de manière que tous les députés qui souhaitent participer au débat auront la possibilité de le faire, même si cela nécessite plus de temps.
263
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Français]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères) propose: Que la Chambre prenne note des dimensions politiques, humanitaires et militaires du rôle du Canada dans le maintien de la paix, y compris dans l'ancienne Yougoslavie, et d'une possible réorientation future de la politique canadienne de maintien de la paix et de ses opérations.-Monsieur le Président, lors de son récent voyage en Europe, on a demandé au premier ministre si le gouvernement maintiendrait les troupes canadiennes dans l'ancienne Yougoslavie, au printemps. Le premier ministre a répondu qu'une décision ne serait prise qu'après un débat dans cette Chambre. Vous vous souviendrez que lorsque le gouvernement précédent avait décidé d'envoyer des troupes dans l'ex-Yougoslavie, il n'y avait pas eu de débat, le Parlement n'avait pas été consulté et notre parti, à l'époque, s'était vivement opposé à ce qu'une décision aussi importante soit prise sans consultation avec le Parlement.
Aujourd'hui, cette motion qui est déposée devant la Chambre et qui invite tous les parlementaires à s'exprimer sur cette question tient donc compte des engagements de notre parti, comme le premier ministre l'a rappelé, à consulter les parlementaires, le Parlement, avant de prendre des décisions très sérieuses et très importantes.
Il n'y a aucun doute que cette décision, quelle qu'elle soit, aura des conséquences importantes sur notre rôle futur dans le domaine du maintien de la paix et aura aussi des conséquences sur notre politique étrangère et notre politique de défense.
(1035)
Nous devons être bien conscients que notre position aura également des conséquences sur nos relations avec des pays qui sont des amis, des alliés, ou avec des pays qui sont très largement impliqués ou affectés par ce conflit qui sévit en ex-Yougoslavie.
La position du gouvernement sur la question générale de la place du maintien de la paix dans la politique étrangère et dans la politique de défense est bien connue. Nous avons déclaré publiquement notre intention de renforcer le rôle de chef de file du Canada dans les opérations internationales de maintien de la paix.
Dans nos examens des politiques en matière d'affaires étrangères et de défense, nous allons prochainement étudier divers moyens de le faire, y compris plusieurs qui sont expliqués dans le fameux Livre rouge. Je sais que vous avez tous eu l'occasion de le lire, je n'ai pas à le rappeler, mais je voudrais quand même, avec votre permission, monsieur le Président, citer pour mémoire quelques exemples.
Nous pensons qu'il est important, d'une part, de faire le réexamen de la notion des forces de réserve pour le maintien de la paix. Deuxièmement, nous pensons qu'il est important de faire une étude sur la formation des soldat de la paix; troisièmement, nous pensons qu'il est important de faire une révision de nos politiques d'approvisionnement.
Dans tout débat sur le maintien de la paix, je pense qu'il faut commencer par situer la question dans le cadre de la contribution historique du Canada dans ce domaine et, deuxièmement, les immenses bouleversements qui affectent la nature des opérations de paix.
Depuis l'initiative prise en 1956 par l'ancien premier ministre, alors ministre des Affaires étrangères, Lester B. Pearson, le Canada a été intimement associé dans l'esprit des Canadiens, ainsi que dans celui des citoyens des autres pays, au leadership et à l'expertise qu'il a démontrés dans le domaine du maintien de la paix pendant longtemps. Il est clair, nous avons participé à toutes les opérations de maintien de la paix mandatées par le Conseil de sécurité.
Nous continuons aujourd'hui à contribuer à la plupart des missions, y compris je dirais, les plus difficiles. Comme on le sait, le gouvernement a énoncé très clairement sa conviction que le maintien de la paix est une composante très importante de la contribution canadienne au système multilatéral et à la préservation de la paix dans le monde.
Les Canadiens ont toujours cru à l'importance de promouvoir des mécanismes multilatéraux de sécurité et de gestion des crises. Le maintien de la paix est l'un de ces mécanismes les plus importants. Aussi notre approche à cet égard s'inscrit dans une perspective plus large où il s'agit de favoriser la prévention des conflits et la résolution pacifique de ceux qui ont déjà éclaté.
Au fil des années, le Canada a développé des lignes directrices guidant sa participation aux opérations du maintien de la paix. J'en résume les grandes lignes.
Il faut d'abord un mandat clair et réalisable provenant d'une autorité politique compétente, comme le Conseil de sécurité.
Il faut ensuite que les parties au conflit s'engagent à respecter un cessez-le-feu et, évidemment, acceptent la présence de troupes canadiennes.
Également, l'opération de paix doit soutenir un processus de règlement politique du conflit.
Enfin, le nombre de troupes et la composition internationale de l'opération doivent être appropriés au mandat. L'opération doit être adéquatement financée et son organisation logistique doit être satisfaite.
Voilà les grands éléments qui, traditionnellement, ont guidé le Canada dans ses décisions de participer à une mission de paix. Si l'on reprend chacun de ces points, on se rendra compte qu'à certains égards le gouvernement précédent n'a pas suivi ces critères avant de décider de s'engager comme il l'a fait dans l'ex-Yougoslavie.
264
(1040)
Il nous apparaît que, par le passé, le niveau du risque encouru par nos soldats était rarement un problème. Malheureusement, ce n'est plus le cas aujourd'hui et le facteur risque est devenu un élément essentiel dans nos prises de décisions.
J'inviterais donc les parlementaires à réfléchir à cet aspect, à cette nouvelle dynamique, lors de leurs interventions.
Si ces lignes directrices que je mentionnais plus tôt demeurent valables, il faut reconnaître que le contexte international dans lequel les opérations de maintien de la paix se déroulent a changé radicalement depuis 1989 et, je le pense, continuera à évoluer. C'est pourquoi nous invitons également la Chambre à nous donner ses vues à ce sujet.
Traditionnellement, je le répète, les opérations de maintien de la paix ont été lancées lorsque les parties à un conflit ont conclu que la réalisation de leurs objectifs ne serait pas servie par la continuation d'un conflit armé mais plutôt par un règlement négocié avec l'aide d'une tierce partie. Ces opérations étaient par conséquent déployées pour vérifier un cessez-le-feu ou pour vérifier le retrait de troupes hors de zones disputées.
Mais en 1989-1990, des opérations beaucoup plus considérables ont vu le jour, visant à aider les parties à un conflit à mettre en vigueur un règlement négocié de ce conflit. Au Cambodge, par exemple, les Nations Unies ont eu pour mandat de désarmer des factions, d'assurer la sécurité à travers le pays, de rapatrier des réfugiés, de faire respecter les droits de la personne, de superviser les ministères clés d'une administration nationale et, finalement, d'organiser des élections provisoires. On se rend donc compte qu'une composante civile très importante s'est alors ajoutée au traditionnel volet militaire.
En Bosnie et en Somalie, un nouveau concept a vu le jour: celui de l'intervention humanitaire. Nos soldats n'ont pas été envoyés là pour maintenir un cessez-le-feu ou une paix qui de toute évidence n'existait pas et n'existe pas encore. Leur mandat est de faciliter l'acheminement de convois humanitaires. L'exemple de la Somalie, en particulier, montre que ce type d'intervention peut avoir des résultats très positifs, car malgré les problèmes que l'on sait et qui affectent essentiellement Mogadiscio, la crise humanitaire en Somalie a largement été surmontée dans le reste du pays.
Le Secrétaire général des Nations Unies a reconnu cette évolution dans son agenda pour la paix, en cette déclaration qu'il a faite intitulée «Agenda pour la paix», qui part du principe que la gestion des conflits exige toute une gamme d'outils dont le maintien de la paix en est un parmi d'autres. Les objectifs de la communauté internationale sont donc devenus beaucoup plus ambitieux: prévenir les conflits, consolider ou rétablir la paix par des moyens diplomatiques comme par la médiation ou les bons offices, mais aussi maintenir la paix ou encore assumer la reconstruction politique et sociale de sociétés effondrées.
Certaines opérations reflètent un mélange de ces divers éléments. Le terme «maintien de la paix» a pris un caractère que je qualifierais de quelque peu élastique; on s'éloigne bien souvent du concept des forces d'interposition que l'on a connu à Chypre, par exemple.
Il est important de noter le contexte international qui a permis cette évolution. La fin de la confrontation entre les deux super-puissances a permis-au moins jusqu'ici-un degré de consensus sans précédent au sein du Conseil de sécurité. Traditionnellement, par le passé, les membres du Conseil de sécurité utilisaient leur droit de veto pour empêcher plusieurs interventions.
Donc, plus récemment, grâce à ce nouveau consensus, le Conseil de sécurité a donc pu, ces dernières années, exercer une autorité qui lui est bien sûr reconnue par la Charte des Nations Unies, mais qui était restée sans effet jusque là.
(1045)
Il faut reconnaître que cette évolution chamboule nos idées préconçues sur la nature du maintien de la paix et sur la façon dont la communauté internationale doit répondre. Je dirais, sans vouloir faire de la sèche terminologie, que je pense qu'il est important de souligner que les nouveaux concepts utilisés par le Secrétaire général dans «Agenda pour la paix» ne sont pas interchangeables. Le terme «rétablissement de la paix», peacemaking, comme on le dit en anglais, se réfère à des activités essentiellement diplomatiques employées pour résoudre un conflit, alors que celui «d'imposition de la paix» caractérise les situations où la communauté internationale utilise résolument la force contre un état membre comme ce fut le cas lors de la Guerre du golfe.
Monsieur le Président, vous constaterez que ce qui complique singulièrement les choses, c'est qu'un élément de force est de plus en plus souvent introduit dans les résolutions du Conseil de sécurité mandatant des opérations de maintien de la paix en quelque sorte à des opérations d'imposition de la paix. C'est évidemment le cas de la Somalie et celui aussi de la Bosnie.
Les conséquences de cette évolution pour les Nations Unies sont évidentes. L'organisation se retrouve soudain obligée de gérer des opérations comprenant plus de 80 000 soldats à travers le monde. Cette augmentation a eu un grand impact sur le coût du maintien de la paix. Les quotes-parts du Canada au maintien de la paix, par exemple, sont restées stables à 3,11 p. 100 du budget total du maintien de la paix de l'ONU depuis cinq ans. Mais en termes absolus, les contributions du Canada sont passées de 10 à 12 millions en 1991-1992 à, aujourd'hui, environ 130 millions de dollars canadiens. C'est une contribution substantielle qui nous oblige à réfléchir et à revoir de très près les engagements que nous devons prendre dans ce contexte, et nous serons très attentifs aux suggestions qui pourront nous être faites dans cette Chambre par les parlementaires au cours de ce débat. Il est évident que l'Organisation des Nations Unies n'a évidemment pas les ressources humaines financières et techniques que demande cette tâche.
Pour compenser ce déficit, l'ONU compte de plus en plus sur des organisations régionales telles que la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, sur l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, sur l'Organisation des États américains ou sur l'Organisation de l'unité africaine. Cette coopération entre l'ONU et les organisations régionales était prévue dans la Charte des Nations Unies, mais l'ampleur qu'elle a prise en pratique est inusitée. Encore une fois, je voudrais bien que la Chambre nous fasse connaître ses vues sur les répercussions de cette tendance.
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La multiplication du nombre de missions de paix engendre de nombreux défis. Défis politiques d'abord: la communauté internationale assume de plus en plus une responsabilité pour les situations qui, il y a peu de temps, étaient considérées comme étant uniquement de la compétence interne des États. Défis militaires ensuite: la demande exponentielle ne cesse de croître pour des militaires suffisamment entraînés et équipés pour des missions aussi dangereuses que complexes. Je ne vous cacherai pas que nos militaires canadiens étant très compétents, très bien entraînés, sont demandés partout dans le monde. Dès le moment qu'il y a une demande aux Nations Unies pour une nouvelle force de paix, spontanément on pense aux Canadiens et on demande leur participation à ces efforts de paix. Je parle de défis, défis politiques, défis militaires, mais je dis aussi défis financiers posés par des opérations où le personnel s'élève à des dizaines de milliers plutôt qu'à quelques milliers des opérations de jadis.
(1050)
Pour faire face à ces nouveaux défis, les Nations Unies ainsi que les pays membres devront, je pense, revoir de fond en comble la façon dont on gère les opérations de maintien de la paix.
Au plan national, nous, il nous faudra être de plus en plus critiques dans l'engagement que nous prendrons et, surtout, avant de prendre des engagements, dans l'examen de ces engagements.
Au niveau international, je pense qu'il est urgent de renforcer la capacité des Nations Unies de répondre professionnellement et vite aux crises qui demandent son attention.
Je souligne que le Canada répond généreusement aux demandes des Nations Unies et des organismes régionaux pour les experts qui lui manquent, en particulier le conseiller militaire du Secrétaire général est un Canadien, le général Baril, et bien d'autres Canadiens ont été mis à la disposition des Nations Unies et de la CSCE. Nous payons nos contributions financières en entier et à temps et nous avons soumis au Secrétaire général des recommandations sur la façon de rendre la structure onusienne plus efficace.
Nous sommes déterminés à accroître cet effort et à exercer le leadership que les autres pays attendent de nous en ce domaine.
[Traduction]
J'aimerais dire que les Canadiens et Canadiennes qui servent sous la bannière des Nations Unies sauvent des vies et soulagent la misère. Nous avons tous à l'esprit les images poignantes de ces soldats qui sont venus en aide à des victimes sans défense dans un hôpital de Bosnie. Il est également évident que leurs conditions de travail sont de plus en plus risquées. Je pense à une autre image, celle des onze soldats canadiens menacés par des troupes serbes près de Sarajevo le mois dernier.
Les événements de Bosnie sont donc très médiatisés. Les images puissantes des souffrances du peuple bosniaque et des épreuves que doivent surmonter nos troupes font désormais partie intégrante des nouvelles du soir. Mais même si cela nous est difficile, nous devons regarder au-delà de ces images et nous occuper des questions plus vastes que pose la Bosnie.
Ces questions que je vous présente se divisent en deux catégories. D'une part, l'avenir de notre contribution aux efforts onusiens dans ce pays et, d'autre part, les répercussions de cet épisode particulier sur notre politique générale de maintien de la paix. Voilà les questions auxquelles le gouvernement doit maintenant s'atteler. L'opinion des députés, mais aussi celle du grand public, sont d'une importance cruciale pour nos délibérations.
N'oublions pas, dans le débat sur les événements de Bosnie, certains facteurs qui ont guidé jusqu'ici notre action. Mais reconnaissons tout d'abord que les deux opérations en cours dans l'ex-Yougoslavie sont, bien que toutes deux placées sous l'égide de la Force de protection des Nations Unies, relativement distinctes l'une de l'autre sur le plan des activités qu'elles supposent et des dangers qu'elles font courir.
Tout d'abord, l'opération des Nations Unies en Croatie est plutôt classique: deux factions ont convenu de respecter une ligne de cessez-le-feu stable en attendant la négociation d'un règlement permanent de leurs différends. Pendant que les négociations progressent, elles ont demandé à l'ONU de fournir une force internationale pour contrôler le cessez-le-feu et patrouiller le long de cette ligne. Quoique relativement stable, la situation est largement tributaire des événements qui surviennent en Bosnie et je pourrais dire, et je suis sûr que le ministre de la Défense développera cet argument, que les risques auxquels sont exposées nos troupes ne sont pas très élevés. Ce type d'opération nous est familier et nous le pratiquons depuis des décennies.
(1055)
En Bosnie, en revanche, la situation est radicalement différente. Il n'y a pas de cessez-le-feu et certainement pas de ligne de démarcation. Même le désir de négocier semble faire défaut. Dans ces circonstances, le Conseil de sécurité de l'ONU a donné pour mission à nos forces de prêter leur concours à la prestation de secours humanitaire aux civils pris dans ce conflit et d'offrir une protection grâce à une présence militaire modeste à Srebrenica, désignée «zone sûre à par l'ONU.»
Notre action à Stebrenica illustre parfaitement l'évolution du maintien de la paix dont j'ai parlé tout à l'heure. Dans ce contexte, les soldats de la paix doivent encore demander la permission des parties au conflit pour accomplir leurs fonctions.
La tâche à accomplir en Bosnie est infiniment plus difficile et plus dangereuse que celles auxquelles étaient habitués nos soldats. Outre les dangers qu'occasionne le simple fait d'opérer en zone de guerre, nous devons tenir compte du fait que les belligérants ne veulent pas toujours laisser passer l'aide humanitaire.
Malgré tous ces dangers, certains maintiennent que la contribution de la force onusienne est essentielle. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés et la Croix-Rouge ont confirmé que l'aide parvient à des gens qui, sans cela, seraient morts aujourd'hui. À
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cet égard, les troupes canadiennes ont joué-et continueront de jouer-un rôle vital.
Mis à part l'effort humanitaire, on fait souvent observer que notre présence en Bosnie sert également à prouver l'engagement permanent que nous avons pris de collaborer, avec nos alliés de l'OTAN, à la promotion de la sécurité en Europe. Elle montre également au monde que le Canada est prêt à assumer ses obligations internationales dans des conditions difficiles, alors que d'autres se contentent de donner leur avis en coulisse.
Au demeurant, nous devons nous poser de sérieuses questions dans ce débat sur la poursuite de notre participation à la force onusienne. Y a-t-il, dans un proche avenir, des perspectives raisonnables de progrès vers la paix? Pourrons-nous continuer de faire passer une aide humanitaire suffisante? À quel niveau de danger la présence de nos troupes et les avantages qu'elle procure ne seront-ils plus justifiés?
[Français]
En ce qui a trait à la première question, je voudrais dire que je suis en contact constant avec mes collègues qui ont aussi des troupes très nombreuses dans cette région. J'ai parlé aujourd'hui même avec le ministre des Affaires étrangères de France de l'évolution de la situation, et je compte m'entretenir dans les prochains jours avec le secrétaire Hurd qui revient de Bosnie et qui nous donnera une évaluation personnelle à la suite d'une visite sur le terrain. La France, l'Angleterre et le Canada sont les trois pays qui ont le plus contribué en troupes dans cette région. Il est certain que nous voudrons conjuguer nos efforts.
Nous pensons que la solution, c'est une solution négociée à la table de négociations. Nous pensons qu'il est essentiel de faire des pressions sur les parties afin qu'elles en viennent à une solution négociée. Nous allons multiplier nos efforts diplomatiques afin de faire pression sur ceux qui sont des amis naturels des parties en cause, afin que ces gens qui sont mieux placés que d'autres pour parler aux Serbes, pour parler aux Croates, pour parler aux Musulmans, fassent des pressions pour convaincre ces parties en cause que la solution n'est pas la prolongation de la guerre, mais une paix négociée.
(1100)
Monsieur le Président, je peux vous assurer que par-delà les opérations militaires de maintien de la paix ou d'aide et d'assistance aux convois humanitaires, par les voies diplomatiques, nous continuons, sans relâche, de tenter de trouver une solution à ce conflit.
[Traduction]
J'aimerais mentionner brièvement le dernier sommet de l'OTAN où la question des dangers auxquels nos troupes sont exposées à fait l'objet d'un long débat. Dans les principaux comptes rendus du sommet, on a accordé une large place à l'éventualité d'attaques aériennes visant à atténuer ces dangers.
Étant donné la confusion qui semble régner chez le public à ce sujet, je voudrais profiter de cette occasion fort opportune pour préciser la position du gouvernement à propos des attaques aériennes et notre interprétation des procédures autorisant aujourd'hui un tel recours. J'espère que ces précisions seront utiles non seulement aux députés et aux membres du grand public mais également aux membres de la presse qui ont fait certains commentaires à cet égard qui, à mon avis, étaient parfois hors contexte.
Les attaques aériennes relèvent de deux scénarios bien distincts. Dans le premier, les troupes onusiennes sont directement attaquées. Dans ce cas précis, l'OTAN a convenu en juin que le commandant de la FORPRONU demanderait au Secrétaire général de l'ONU d'autoriser une attaque aérienne pour venir en aide aux troupes.
En raison des considérations politiques hautement délicates qui entoureraient cette décision, le Canada a insisté pour que le Secrétaire général en soit l'ultime responsable. Le temps constituant un facteur essentiel, aucun débat n'aurait lieu au sein de l'OTAN avant l'intervention.
Nous sommes d'accord avec cette procédure et estimons qu'il est approprié que nous puissions réagir si nos troupes sont attaquées. Dans de telles circonstances, une attaque aérienne pourrait s'avérer nécessaire et nous sommes tout à fait d'accord avec cette procédure.
Dans le second scénario, l'attaque aérienne aurait pour objet de lever un obstacle que rencontrerait la FORPRONU dans l'accomplissement de son mandat et sans que les troupes soient directement menacées. L'intervention perdrait alors son urgence et le commandant de la Force soumettrait une requête au Secrétaire général, qui devrait l'autoriser, comme dans le premier cas. La requête serait également discutée au Conseil de l'Atlantique Nord de l'OTAN, qui, à son tour, aurait à l'appuyer.
Comme le Conseil de l'Atlantique Nord fonctionne par consensus, aucune décision de lancer une attaque aérienne ne serait prise dans ce cas sans le consentement de tous les alliés. La position du Canada à ce sujet est bien connue et guiderait notre représentant au Conseil.
Nous avons indiqué, et je le répète, que dans le second cas, nous ne croyons pas qu'une attaque aérienne permettrait de remédier à la situation. En fait, nous avons indiqué à maintes reprises que nous ne devrions recourir aux attaques aériennes qu'en dernier ressort. Nous sommes effectivement d'avis que le lancement d'une attaque aérienne pourrait mettre en danger le processus d'aide humanitaire et faire courir d'énormes risques à nos soldats.
Nous tenons à bien préciser qu'il s'agit de toute évidence d'une décision qui doit être discutée au sein de l'OTAN et acceptée à l'unanimité par ses membres, y compris évidemment par le Canada.
267
(1105)
Nous avons dit que nous approuverons de telles frappes aériennes uniquement si nos militaires nous disent que nous pouvons le faire. Il faudrait absolument que la mesure soit acceptée et recommandée par nos officiers.
S'agissant de la deuxième grande question qui nous occupe, celle des répercussions que les événements de Bosnie auront sur notre politique générale de maintien de la paix, la situation illustre clairement ce que j'ai dit de la tournure que prennent ces opérations.
Nous devons admettre que les décisions sur la poursuite de notre engagement onusien en Bosnie doivent être envisagées dans un plus large contexte. Sommes-nous prêts à rester partie prenante à la gamme croissante des activités de maintien de la paix?
Mes remarques sont destinées à soulever plusieurs questions, notamment sur l'avenir du maintien de la paix en général et sur celui de notre présence en Bosnie en particulier. Dans l'immédiat, le gouvernement doit prendre une décision quant à l'avenir de notre engagement en Bosnie et nous voulons connaître les vues de la Chambre à ce sujet.
À plus long terme et en général, sur la politique canadienne en matière de maintien de la paix, nous voulons consulter les Canadiens dans le cadre des examens en cours de nos politiques touchant les Affaires étrangères et la Défense. Vous n'êtes pas sans savoir que le comité parlementaire sur les affaires extérieures sera prié de présenter des suggestions et des recommandations concernant notre politique extérieure.
Je crois comprendre que le ministre de la Défense demandera au comité parlementaire de la défense et de la sécurité d'effectuer une étude semblable. Je soupçonne que ces deux comités parlementaires entendront des témoins, voyageront dans tout le pays, consulteront les Canadiens sur l'évolution de notre politique extérieure et de notre politique sur la défense, ainsi que sur les modifications à y apporter. Je suis donc persuadé que les comités parlementaires voudront, dans le contexte général des opérations de maintien de la paix, poursuivre le débat et présenter leurs conseils au gouvernement.
Pour ce qui est de la question plus immédiate qui se pose pour le mois de mars, à savoir: «Faut-il quitter la Bosnie ou y rester?», nous demandons aux parlementaires d'exprimer leur point de vue aujourd'hui même, puisque le gouvernement devra trancher la question dans les prochaines semaines. Nous voudrons prendre une décision après avoir évalué tous les aspects, comme je l'ai dit précédemment. Évidemment, nous consulterons aussi nos alliés avant de décider. Il convient de souligner que le Canada joue un rôle très important par le biais de l'ONU et de l'OTAN; nous ne pouvons donc pas prendre une décision de façon isolée.
En conséquence, je suis heureux de présenter, avec l'appui de mon collègue le ministre de la Défense nationale, cette motion visant la tenue d'un débat sur les opérations de maintien de la paix. Le gouvernement voudrait en particulier connaître l'opinion des députés sur deux grandes questions: l'avenir de nos opérations de maintien de la paix et celui de notre engagement en Bosnie.
Certes, le point de vue des députés sur l'avenir du Canada dans le domaine du maintien de la paix nous intéresse, mais les députés auront l'occasion d'en parler plus tard. Toutefois, c'est peut-être aujourd'hui la dernière fois que les députés auront l'occasion de nous faire connaître leur avis sur notre présence en Bosnie avant que le gouvernement ne prenne une décision. Je les invite donc à le faire de façon ouverte, candide et constructive. Nous sommes ouverts aux commentaires. C'est une décision difficile et nous sommes heureux de pouvoir compter sur l'apport des députés.
(1110)
[Français]
L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'Opposition): Monsieur le Président, au nom de tous les députés qui forment l'opposition officielle, je voudrais remercier le gouvernement d'avoir eu cette initiative de lancer un débat dans cette Chambre, débat qui sera, j'en suis convaincu, non partisan, pour nous permettre d'éclairer d'abord nous-mêmes et tout le monde, de façon à ce que nous puissions prendre une décision qui soit conforme à nos intérêts les plus fondamentaux.
Je crois que c'est une mesure qui devrait être répétée à l'occasion, quand les débats sont de nature à le permettre. Je voudrais dire au Président qu'en ce qui nous concerne, nous avons réfléchi sérieusement à la question. Nous ne prétendons pas avoir de recette; nous l'avons fait modestement. Ce que nous dirons aujourd'hui, nous le dirons en toute déférence à la vérité, à la complexité de cette question qui requiert une décision très difficile.
Dans la mesure où nous pourrons aider le gouvernement à prendre une décision conforme à l'ensemble de nos intérêts, nous le ferons en toute sincérité. Nous nous félicitons donc de cette opportunité que nous avons de participer au débat.
Nous croyons bien que le gouvernement a voulu soumettre à la présente discussion toute la politique canadienne en matière de maintien de la paix et non pas seulement l'intervention en cours dans l'ancienne Yougoslavie, quoique celle-ci soit expressément mentionnée dans le texte du libellé.
Personne ne peut ignorer cependant que ce sont les interrogations soulevées par cette dernière opération qui ont provoqué le débat d'aujourd'hui. En un sens, il était fatal que les inquiétudes suscitées par une mission si difficile déterminent une remise en cause du rôle du Canada dans le maintien de la paix.
Voilà donc fixé le cadre dans lequel doit s'effectuer la réflexion à laquelle nous sommes conviés: d'une part, il faut répondre à une question épineuse et pressante d'actualité, et de l'autre, définir les attitudes à adopter pour l'avenir. Bien que les deux questions soient liées, il ne s'ensuit pas que la politique canadienne future doive s'établir uniquement à partir de l'expérience yougoslave.
Car le Canada n'en est pas à sa première participation à des opérations de maintien de paix, comme l'a justement rappelé le ministre des Affaires étrangères. Pionniers de ce genre de missions, nous avons acquis dans le domaine une expérience et une
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expertise respectées de par le monde. Ce qui se passe en Yougoslavie est sans véritable précédent. L'apparente inutilité de nos efforts, le danger couru par nos soldats, les chiffres astronomiques qui ont circulé sur les coûts de l'opération et la complexité inouïe de la situation politique et militaire qui prévaut là-bas ont ébranlé l'appui que l'opinion publique avait donné jusqu'ici à ce genre d'engagement.
Il faut donc tenir compte des difficultés que rencontre notre incursion en Bosnie, plus particulièrement, aux côtés des autres contingents de Casques bleus. Mais, justement pour fonder notre décision sur des bases larges et solides, il importe de ne pas perdre de vue la perspective générale du rôle que le Canada s'est donné dans le maintien de la paix. Cette perspective est singulièrement plus large, dans le temps et dans l'espace, que le seul épisode de l'ancienne Yougoslavie.
Je voudrais ici saluer très sincèrement le courage et la dignité avec lesquels nos militaires s'acquittent de la tâche difficile qui leur a été confiée outre-mer. Ils méritent notre admiration et notre soutien le plus entier. Nous avons aussi une pensée pour les proches qui vivent eux aussi, par leurs inquiétudes pour les personnes qui leur sont chères, des moments très difficiles.
Il faut tout d'abord rappeler qu'avant d'être perçues, comme c'est le cas aujourd'hui, comme une épine dans le pied de notre diplomatie et de notre engagement à l'étranger, les missions canadiennes de paix ont été, avec l'ACDI, un grand sujet de fierté canadienne et québécoise. Les deux sont à l'origine de la crédibilité du Canada dans le monde. On a constamment salué le caractère désintéressé et humanitaire de nos interventions internationales. Un prix Nobel n'a-t-il pas été attribué à l'architecte du rôle canadien de gardien de la paix?
(1115)
Plus que quiconque, Lester B. Pearson symbolise en effet cette nécessaire prise en charge des obligations morales qui incombent aux pays démocratiques. C'est là une dimension qu'il faut garder à l'esprit au moment de décider si on doit, par exemple, rester en Bosnie-Herzégovine ou s'en retirer, et ensuite de fixer les critères auxquels devra répondre toute intervention ultérieure.
Un autre aspect des missions de paix ne doit pas nous échapper: c'est leur grande diversité. De quoi parle-t-on exactement lorsqu'on traite des missions internationales remplies par les soldats canadiens dans le cadre des mandats décernés par l'ONU? Il faut éviter les simplifications parce qu'en fait on classe sous cette rubrique toute une série d'actions et d'interventions variées, voire disparates.
Le Canada a gardé 27 hommes pendant 30 ans, de 1949 à 1979, pour surveiller le cessez-le-feu au Cachemire. Il en a engagé 9 000 pour faire la guerre en Corée, de 1951 à 1954, puis il en garde un seul sur place depuis ce temps pour surveiller les accords d'armistice. Il affecté 248 soldats à la surveillance de la zone démilitarisée durant la guerre du Vietnam. Il a envoyé une mission d'observateurs sous le chapeau de l'ONU, pour surveiller les élections qui ont porté le président Aristide, qui nous a visité hier, au pouvoir, le 16 décembre 1990. Il a dépêché 55 hommes pour surveiller la démilitarisation et le respect des droits de la personne au Salvador, en 1991. Il a expédié 103 soldats pour aider à déminer le Cambodge, en 1991-1992. Puis, il a doublé les effectifs pour aider l'ONU à procéder au désarmement des factions en guerre depuis des années. Enfin, il a envoyé un contingent pour coordonner l'acheminement des vivres en Somalie l'an dernier.
Le Canada a participé à 44 des opérations des Nations Unies depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. On a dit que nous avons joué aux boy-scouts; le terme fait image, mais je crois qu'il apporte un sens péjoratif à un effort remarquable qui a été consenti par le Canada au plan international, et il ne faut pas minimiser cet effort.
Durant ces 44 opérations, nous avons subi 98 pertes de vie, incluant les huit survenues sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. C'est ainsi que le Canada a perdu 25 soldats durant les 30 ans de sa présence à Chypre. Mais sait-on que c'est au Moyen-Orient qu'il a perdu le plus de soldats: 46, au Liban, en Israël, en Égypte et en Syrie?
Et qu'en est-il des coûts? En théorie, notre part devrait s'élever à 3,1 p. 100 des dépenses; c'est un pourcentage basé sur le PIB, la population, enfin, une pondération compliquée de facteurs. Mais, en fait, il n'y a pas de normes fixes, parce que les mandats évoluent avec les situations et le type d'ententes. À Chypre, le Canada a payé tout seul; en ex-Yougoslavie, l'ONU, théoriquement-j'insiste sur le mot «théoriquement», nous savons bien que cela ne devrait pas arriver demain-lui remboursera une partie des frais. Incidemment, beaucoup de chiffres fantaisistes ont été lancés à propos des coûts de l'opération en Bosnie. On a notamment parlé de un milliard de dollars. Je crois que c'est une façon un peu irresponsable, et je dirais même très irresponsable, de donner de l'information, puisque la vérité est différente. C'est encore un chiffre considérable, bien sûr, mais il faut plutôt parler de moins de 200 millions de dépenses supplémentaires qui ont été engagées là-bas d'une façon spécifique, puisque les militaires auraient été payés quand même et l'équipement aurait été utilisé quand même ici. Donc, si on parle d'un coût ponctuel qui est directement lié à notre présence là-bas, il faut parler de quelque chose qui est davantage plus près de 160 millions de dollars.
Bien que s'inscrivant dans une continuité, notre engagement dans l'ancienne Yougoslavie a donc très vite présenté des aspects qui l'ont radicalement distingué des précédents. L'opération en Slovénie et en Croatie en est véritablement une de maintien de la paix, en ce sens que nos troupes ont la responsabilité d'assurer le respect d'ententes de paix déjà conclues. Mais le cas de la Bosnie se démarque nettement du modèle traditionnel d'intervention. Nous sommes là en pleine zone d'hostilités, coincés entre parties belligérantes. Comment faire régner la paix dans une contrée où elle n'existe pas, où aucun règlement politique n'a encore été conclu, où tous les cessez-le-feu ont été violés? C'est là que les choses se sont détériorées, d'autant plus que le monde entier a pu assister, par les images insoutenables retransmises par la télévi-
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sion, à des atrocités qu'on ne croyait plus possibles à la fin du XXe siècle.
La perception du bien-fondé de notre mission là-bas a été fortement marquée par le contexte mondial.
(1120)
C'est avec horreur qu'on a vu et qu'on voit encore des enfants mourir dans les rues, des enfants qui ressemblent aux nôtres, des blessés privés de soins et agonisant dans les hôpitaux, privés du nécessaire. Le monde s'était mis à espérer l'avènement d'un ordre nouveau qui ne laissait rien présager d'une répétition d'atrocités comme celles de Bosnie-Herzégovine.
L'ouverture du mur de Berlin, en novembre 1989, plongea le monde dans une euphorie aussi soudaine qu'inattendue. Le 31 décembre 1989, von Karajan alla diriger, dans ce qui fut pendant 42 ans Berlin-Est, la Neuvième de Beethoven. Et l'on croyait rêver: Vaclav Havel venait de couronner la Révolution de velours à Prague, «Solidarnosc» était sur le chemin du pouvoir à Varsovie, la Hongrie retrouvait toute sa liberté. Le Pacte de Varsovie venait de s'effondrer comme un château de cartes, après plus de 40 ans de grisaille et de dictature. Tout cela s'est fait à la fin de 1989, et jamais on ne le dira assez, sans un seul coup de feu et sans une seule victime.
Qui n'a pas senti le vent de l'Histoire en ces semaines de douceur? Qui n'a pas éprouvé une certaine fierté, à l'idée que certains idéaux comme la liberté et la démocratie venaient de franchir un pas de géant? Dix-huit mois plus tard, Boris Eltsine monta sur son char d'assaut et agita le drapeau tricolore russe. L'URSS venait, elle aussi, de s'effronder.
Dès la fin de la guerre froide, on avait pensé à la création de nouvelles institutions, pour prendre la relève, pour baliser ce qu'on a rapidement appelé le Nouvel ordre mondial. En particulier, la Conférence sur la sécurité de la coopération en Europe fut créée, regroupant tous les pays d'Europe, plus le Canada et les États-Unis, donc un nouveau forum pour assurer la paix et le dialogue, de Vancouver à Vladivostok, pour reprendre les mots de l'ancien Secrétaire d'État, James Baker.
Que reste-t-il aujourd'hui de cette flamme incandescente, de cet espoir d'un monde nouveau? Bien sûr, la République tchèque, la Pologne, la Hongrie semblent sur la bonne voie. Mais la Russie semble sombrer. Et puis survint la tragédie de l'ex-Yougoslavie, présentée en direct sur nos écrans de télévision depuis deux ans.
Dans le Nouvel ordre mondial, le droit international devait être respecté. Les simples rapports de force ne gouverneraient plus exclusivement les relations entre États, le fort ne pourrait plus mettre à genoux le faible. Cela s'est vu une fois pour le Koweït et contre l'Irak à l'hiver de 1991. Des personnes à l'esprit mal tourné ont remarqué qu'il y avait quelque chose dans le sous-sol du Koweït qui semblait valoir autant, sinon plus, que les personnes vivant sur le sol.
Dans cette République de Bosnie-Herzégovine vivent trois communautés: les Musulmans, les Serbes et les Croates. Les premiers sont les descendants des Slaves qui se sont convertis à l'Islam après la conquête ottomane, il y a quelque 500 ans. Il s'agit donc de trois communautés très anciennes, également enracinées dans cette terre. Démographiquement, les Musulmans formaient une majorité relative, 44 p. 100 de la population, soit 1,9 million de personnes, suivis des Serbes, 31 p. 100 et des Croates, 17 p. 100. Cependant, à la différence des autres communautés, et ce n'est pas un petit détail, les Musulmans ne peuvent compter sur une communauté voisine importante dans une république proche.
Après l'accession à l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, ni les Musulmans ni les Croates de la Bosnie ne voulaient demeurer dans une Yougoslavie réduite où la prédominance serbe serait encore plus marquée. Ils se prononcent donc en faveur de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine à la fin de février 1992. Les Serbes de Bosnie refusent d'être englobés dans ce nouvel État.
S'ils s'étaient contentés de fortifier leur position et de marquer leur territoire, là où ils étaient vraiment majoritaires, on aurait assisté à une impasse politique qu'aurait fini par résoudre une longue et laborieuse négociation. Mais cela ne correspond malheureusement pas au film des événements car les Serbes de Bosnie ont pu rapidement, avec l'aide de l'armée yougoslave, une armée relativement bien équipée et contrôlée par les Serbes, prendre le contrôle de 70 p. 100 du territoire de la Bosnie-Herzégovine, incluant les territoires où ils étaient fortement minoritaires, et en expulser systématiquement les non-Serbes, des Musulmans surtout, et même en exécuter un certain nombre.
On se souvient des cas d'internement qui ont défrayé la manchette au cours de l'été 1992; plusieurs de ces camps existent toujours. De plus, les symboles culturels et religieux ont été systématiquement dynamités, dont des mosquées du XVIe siècle appartenant au patrimoine universel, et les maisons souvent incendiées.
(1125)
En réaction, et c'est la spirale, le même traitement a été infligé par des Musulmans contre des Serbes et des Croates, et par des Croates contre des Serbes, sur une échelle évidemment plus réduite.
Un journaliste du quotidien parisien Le Monde, Yves Heller, a bien résumé la situation le 1er octobre dernier, et je cite: «Les Musulmans, victimes d'un «nettoyage ethnique» d'une sauvagerie inouïe ont perdu de très importants territoires en Bosnie orientale, conquise par les Serbes avec toute la brutalité que l'on sait. . .»
On sait aujourd'hui que l'on discutait de purification dans les couloirs du pouvoir à Belgrade, capitale de la Serbie, dès la fin des années 1980.
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Si l'on déroulait toute la trame du siècle dernier, on verrait que chacune des trois communautés nourrit des griefs historiques à l'égard des deux autres. Il ne nous appartient pas de départager ici les torts mais force est de constater que s'est déroulée, en 1992 et 1993, une exécution méthodique d'une stratégie concertée qui rappelle à bien des égards, je le dis avec infiniment de tristesse, puisque je pensais comme la grande majorité des Occidentaux ne jamais revoir une telle barbarie, qui rappelle donc ce que d'autres peuples, y compris les Serbes eux-mêmes, ont vécu aux mains des troupes hitlériennes.
Et tout cela s'est déroulé à quelques heures de route de Venise.
Il faut rappeler cela aujourd'hui, et rappeler également que ce jugement est celui de l'ensemble de la communauté internationale. Les Européens ont reconnu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine le 6 avril 1992, les États-Unis l'ont reconnue le lendemain et la Bosnie a été admise aux Nations Unies le 22 mai 1992. La majorité d'un État légitime a été attaquée par une minorité nationale bénéficiant d'une aide importante d'un pays voisin. Cette majorité aurait donc dû bénéficier de la protection offerte par la Charte des Nations unies, mais ce ne fut pas le cas.
À plusieurs reprises, les représentants reconnus de la Bosnie ont appelé à l'aide internationale, mais en vain. Mais où est la différence entre l'Irak annexant le Koweït et les Serbes de Bosnie annexant une partie importante d'un État reconnu?
Les Nations Unies ne sont pas venues énergiquement au secours de la Bosnie mais elles ont nommé l'agresseur. Le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité impose un triple embargo commercial, pétrolier et aérien contre la Serbie et le Monténégro. Le 9 octobre, le même Conseil interdit à l'aviation serbe l'espace aérien bosniaque, et le 1er décembre la Commission des droits de l'homme de Genève emploie pour la première fois le terme de «génocide» et condamne la politique de nettoyage ethnique pratiqué par les dirigeants serbes en Bosnie et en Croatie. On ne peut pas être plus clairs.
Il serait d'ailleurs injuste de prétendre que les Nations Unies ont été totalement indifférentes. Elles ont réussi à prendre le contrôle de l'aéroport de Sarajevo pour l'utiliser afin d'acheminer l'aide humanitaire. Les quelque 30 000 Casques bleus déployés dans toute la Bosnie réussissent, malgré le harcèlement des différentes factions, à acheminer une partie de l'aide destinée aux villes musulmanes ou croates assiégées par les Serbes, ou dans quelques cas par les Musulmans, leur procurant un soulagement partiel mais indispensable, et six enclaves musulmanes bénéficient de la protection des Nations Unies. Ainsi, à Srebrenica, 150 Casques bleus canadiens s'interposent entre les 45 000 personnes qui y sont entassées et l'hostilité de l'environnement serbe.
Mais les Forces de protection des Nations Unies ont haussé le ton: elles se disent incapables de mener à bien les missions qu'on leur assigne, faute de moyens suffisants. Par ailleurs, les négociations entre les belligérants se sont enlisées: la paix apparaît plus éloignée qu'avant. Alors, faut-il rester?
[Traduction]
Ce serait facile de lever les bras en l'air, de ramasser nos choses et de partir, mais ce n'est pas ainsi que le Canada s'est acquis une solide réputation de gardien de la paix prêt à fournir un effort supplémentaire pour la maintenir.
Il faut reconnaître que nous sommes en terrain inconnu, mais aussi dans un monde nouveau. Nous nous réjouissons de la fin de la guerre froide. L'univers change sans arrêt et il ne conviendrait pas que nous abandonnions la partie à ce moment-ci.
En Bosnie, la France avait des responsabilités plus lourdes que le Canada et en a payé le prix: 18 morts et 269 blessés. Elle semble disposée à rester. Ce serait exagéré de dire qu'il n'y aucune opération de rétablissement de la paix en Bosnie. Il y a six enclaves musulmanes que seuls des Casques bleus séparent des Serbes. La paix est maintenue même s'il s'agit d'une paix un peu particulière.
(1130)
Cent cinquante Canadiens ont protégé 45 000 musulmans de Srebrenica contre les terribles traitements qu'on a infligés à un si grand nombre de leur coreligionnaires.
Qu'arriverait-il si nous partions? C'est la question qu'il faut se poser. Qu'arriverait-il si tous les Casques bleus quittaient la Bosnie? Nous devons absolument répondre à cette question. Premièrement, toutes les enclaves seraient très vite attaquées sauf peut-être celle de Sarajevo. Deuxièmement, les Serbes concentreraient leur action sur des villes et villages plus stratégiques dans l'espoir de briser la résistance bosniaque. Troisièmement, les Croates du centre de la Bosnie devraient chercher par tous les moyens à sauver leur peau. Bref, ce serait la guerre totale et la purification ethnique totale.
Mais ces Casques bleus sont aussi nos représentants sur place. Ils justifient et complètent les autres mesures prises par la communauté internationale. Supposons qu'ils retournent tous dans leur pays à la fin de leur mandat actuel, soit à la fin de mars. Nous devrions lever l'embargo sur les armes destinées à la Bosnie puisqu'une décision contraire équivaudrait à de la froide cruauté. Puis, comment pourrions-nous justifier la poursuite de l'opération àInterdiction de volà qui empêche les forces aériennes serbes de survoler les cieux bosniaques?
Ce serait vraiment la guerre totale avec le risque très réel que s'insinuent vraiment dans la bataille des alliés des deux camps comme la Russie et la Turquie, qui sont déjà dans les coulisses. La situation constituerait alors un prolongement de l'histoire des Balkans.
En fait, toutes ces mesures ont été prises pour atténuer l'agression serbe. Elles visent à protéger les musulmans de la Bosnie. Si nous renonçons à l'une de ces mesures, dans ce cas-ci la présen-
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ce de la force des NU sur le terrain, c'est le commencement de la fin. Ce n'est pas une idée mûrement réfléchie.
Mais doit-on rester les bras croisés? Pouvons-nous tolérer le harcèlement et l'enlèvement de Casques bleus? Non, nous ne le devrions pas. Nous devrions leur donner des instructions claires et non de vagues directives. Nous devrions leur donner les moyens militaires de faire leur travail. Si les Nations Unies veulent jouer un rôle significatif dans cette partie du monde, elles doivent s'organiser.
Ce qui pourrait le plus encourager les forces de l'ONU, ce serait d'apprendre qu'elles ne sont pas enlisées dans un bourbier. Il doit y avoir de l'action à la table de négociation. Cette décision ne relève toutefois pas de nous. Elle incombe aux diverses parties concernées.
[Français]
La vérité, c'est que le premier ministre a été pour le moins imprudent quand il a évoqué à son départ pour Bruxelles, au début du mois, la possibilité d'un retrait canadien unilatéral de la mission de paix en Bosnie. Quoi que nous fassions, nous devrons agir en concertation avec nos alliés. Le Canada ne peut rompre le pacte de solidarité qu'il a sagement, généreusement et courageusement tissé au cours des années avec ses partenaires et amis du Conseil de l'Atlantique.
Deuxièmement, il serait contraire à l'idée que nous nous faisons de nos obligations humanitaires de nous retirer en abandonnant dans le dénuement et l'insécurité une population civile qui a survécu jusqu'ici en bonne partie grâce à notre présence et à notre aide.
Troisièmement, nous ne pourrions nous-mêmes tolérer le spectacle des massacres auxquels seraient presque certainement exposés les Bosniaques après notre départ, car notre départ serait le signal d'autres départs. L'opinion publique, chez nos alliés et amis, ne manquerait pas de tirer de graves conclusions de notre retrait. Après avoir donné l'exemple de l'engagement et de la compassion, nous donnerions alors l'exemple du désengagement et de l'indifférence. Nous craignons que d'autres nous suivent dans cette deuxième voie comme ils nous ont suivis dans la première.
Enfin, le maintien des Casques bleus dans l'ancienne Yougoslavie est la seule garantie que nous ayons de contenir le conflit à l'intérieur du territoire ou il sévit déjà. Un retrait abattrait toutes les digues ouvrant la porte à la prolifération des hostilités à la Macédoine, la Grèce et toute la poudrière des Balkans. Mais en décidant de rester, nous devons le faire dans des conditions propres à assurer la sécurité de nos troupes. Ce qui signifie une bonification des moyens d'autodéfense et d'intervention.
(1135)
Les Casques bleus doivent rester, et le Canada d'abord, je dirais, si on veut que le conflit de la Bosnie se règle par entente à la table de négociations, plutôt que sur le champ de bataille, par la violence et les massacres. Il nous appartient, au fond, de décider si le dénouement de ce drame sera le fait de la force ou de la raison.
Pour l'avenir, il est impératif de fixer les critères qui doivent guider nos engagements. Une fois sur le terrain, il est généralement trop tard pour envisager un retrait. Cette définition requiert l'apport de militaires, de diplomates et de nombreux autres experts. Je souhaite que le gouvernement propose un plan analytique que nous pourrons étudier en détail, dans le Livre blanc sur la défense, qui a été annoncé. Mais l'essentiel, pour le moment, c'est de garder à l'esprit que nous devons continuer, à la mesure de nos moyens, d'assumer notre juste part des obligations que nous impose notre allégeance aux valeurs de démocratie, de paix et de justice, et que nous devrons nous rappeler que ces valeurs, puisqu'elles sont universelles, méritent que l'on fasse des efforts pour en favoriser le respect ailleurs.
[Traduction]
M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, je tiens à vous informer que les réformistes qui interviendront dans ce débat parleront chacun 10 minutes, ce qui laisse cinq minutes pour les questions et les observations.
Je me joins tout d'abord à mes collègues pour féliciter le Président de son élection et vous féliciter de votre nomination comme président adjoint. Soyez assurés tous les deux de mon entière coopération.
À l'occasion de mon premier discours dans cette chambre, je tiens à dire quelques mots de ma circonscription, Saanich-Les Îles-du-Golfe, dans la merveilleuse province de la Colombie-Britannique. Elle englobe au sud une bonne partie de Victoria, la ville-jardin du Canada. En remontant vers le nord la péninsule de Saanich, on rencontre un beau mélange de fermes et de villes et de villages côtiers, les commodités de la ville dans un environnement rural idyllique.
Ma circonscription englobe aussi la partie sud des îles du Golfe, qu'on appelle les joyaux et la couronne de la côte ouest du Canada. C'est un paradis de la pêche et de la voile.
En août prochain, le monde aura les yeux fixés sur les activités des 15es Jeux du Commonwealth, dont plusieurs se dérouleront dans ma circonscription.
Pendant la campagne électorale, le président d'élection m'a appris que, pour le nombre d'habitants, la circonscription de Saanich-Les Îles-du-Golfe vient au deuxième rang en Colombie-Britannique et au dixième rang au Canada. Entre les élections de 1988 et celles de 1993, le nombre des électeurs est passé de 77 000 à plus de 95 000 commettants. En fait, je crois que je suis actuellement le fier représentant de beaucoup de Canadiens qui ont déjà habité dans les circonscriptions de beaucoup de mes collègues.
Peut-être à cause de la diversité de leurs origines, mes commettants sont des Canadiens intelligents, bien informés et patriotiques, très représentatifs en somme du pays tout entier. Je les remercie de m'avoir choisi comme représentant et leur promets que je remplirai de mon mieux cette lourde responsabilité.
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Avant d'entrer dans le débat, je tiens à remercier le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères d'avoir bien voulu charger des fonctionnaires de leurs ministères de nous mettre au fait de la situation en Bosnie et dans la région. Je leur sais gré d'avoir accédé si rapidement et si aimablement à notre demande.
Nous sommes d'accord avec la position du gouvernement sur les frappes aériennes. Selon nous, dès qu'une frappe aérienne a lieu, les bérets et les casques bleus de l'ONU prennent la couleur du casque du pilote qui a laissé tomber les bombes. On jugera qu'ils ont pris parti, qu'ils sont devenus des antagonistes et donc des cibles. Les frappes aériennes ne devraient être autorisées que si les forces de l'ONU subissent ou risquent de subir une attaque directe.
Nous remercions également le major-général Lewis MacKenzie, ancien commandant canadien dans la région, d'avoir pris le temps de venir nous donner des impressions et informations de première main sur la situation en Bosnie.
D'entrée de jeu, je tiens à reconnaître l'excellence des forces canadiennes que nous avons envoyées dans l'ancienne Yougoslavie. Ces soldats sont bien entraînés, disciplinés, motivés et tout à fait capables d'exécuter les tâches raisonnables qu'on leur assigne. Ils ont gagné et méritent notre respect et notre admiration.
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Ils méritent aussi que nous pesions bien le pour et le contre avant de prendre une décision quant à l'avenir de leur participation à ce conflit extrêmement complexe dans lequel ils sont engagés à l'heure actuelle. En Bosnie, de profonds différends séparent les Serbes, les Croates et les musulmans qui, bien qu'ayant une origine ethnique commune, sont maintenant radicalement et violemment divisés-en fait opposés. Et, qu'on ne s'y trompe pas, aucun des belligérants n'a les mains propres; tous ont commis des atrocités envers les autres.
Le Canada a une fière tradition de participation aux opérations de maintien de la paix qui, au fil des ans, a coûté plus de 140 vies et un nombre encore plus élevé de blessés. Je crois néanmoins que, dans l'ensemble, les Canadiens appuient la participation du Canada à ces opérations. Les électeurs de ma circonscription semblent cependant être inquiets au sujet de la présence des troupes canadiennes en Bosnie. Ils craignent qu'on ne soit en train de risquer vainement la vie de Canadiens. Si les habitants de la Bosnie ne sont pas prêts à faire abstraction de leurs divergences de vues pour trouver une solution pacifique à leur problème, la présence des forces canadiennes peut-elle vraiment aider à mettre un terme au conflit ou sert-elle à le perpétuer?
Les soldats canadiens ont été envoyés en Bosnie pour y acheminer de l'aide humanitaire, et malgré les difficultés, les dangers et les frustrations, ils ont dans l'ensemble accompli leur mission. Il faut bien se rendre compte que ce n'est pas là une mission de maintien de la paix, puisque la paix n'existe pas. Nos forces fonctionnent en pleine guerre civile, car c'est véritablement de cela qu'il s'agit.
Le Canada n'a jamais, depuis la guerre de Corée, envoyé autant de soldats sur des théâtres d'opérations. Nous sommes en train d'utiliser nos ressources au maximum, surtout l'infanterie, au point où si un autre incident comme celui qui s'est produit à Oka survenait, il se pourrait fort bien que les Forces canadiennes ne soient pas en mesure d'y répondre adéquatement.
Quoi qu'il en soit, il est préférable d'attendre les résultats du prochain examen de la défense pour décider de la taille des Forces canadiennes et des tâches qui devraient lui être attribuées. Sur ce point, les réformistes félicitent le gouvernement d'avoir décidé de procéder à cette étude. Il y a longtemps qu'elle se fait attendre.
On ne peut toutefois pas attendre les conclusions de cet examen de la défense pour prendre une décision à propos de la présence du Canada en ex-Yougoslavie. Notre engagement actuel envers la Bosnie tire à sa fin et nous devrons bientôt prendre position. Il me semble que deux options seulement s'offrent au Canada: rester et se préparer à une présence à long terme dans la région, ou prendre l'initiative d'exiger que les belligérants s'engagent à faire des progrès réalisables, mesurables et obligatoires vers une solution pacifique.
Dans ce deuxième cas, le Canada préciserait que si les belligérants ne respectent pas cet engagement, les Forces canadiennes se retireront de la région.
Nos études et nos séances d'information nous ont au moins permis de constater clairement qu'il n'existe pas de solution simple. En maintenant notre participation, nous allégeons les souffrances de dizaines de milliers de civils mais, parallèlement et inévitablement, nous approvisionnons les forces combattantes et leur permettons et peut-être même les aidons à poursuivre la guerre. Notre présence diminue les combats mais des enfants continuent d'être mutilés et tués, des femmes d'être violées et la population générale d'être bombardée sans discrimination. On continue ainsi à alimenter toujours plus la haine.
Inversement, le retrait des troupes de l'ONU déchaînerait les forces adverses et pourrait entraîner une recrudescence des hostilités et dans certains cas, un bain de sang, sans compter le risque que cette guerre déborde ses frontières actuelles. Par conséquent, quoique nous décidions, nous aurons tort. Que faire?
Mes antécédents de pilote de chasse y sont sans doute pour quelque chose, mais il me semble préférable d'agir que de ne rien faire. Nous ne savons pas quel sera le résultat, mais le temps est peut-être venu pour le Canada de se montrer intraitable et de dire aux belligérants: «Si vous n'êtes pas prêts à faire quelques concessions et compromis en vue de mettre un terme à cette guerre de façon pacifique, nous nous retirons et vous abandonnons à votre sort.»
Une telle déclaration aurait bien sûr plus de poids si elle était exprimée par toutes les forces onusiennes participantes. Mais étant donné la réputation du Canada dans le domaine du maintien de la paix, je crois que même une menace unilatérale d'un retrait des forces canadiennes saurait indubitablement attirer l'attention du monde entier et agirait puissamment sur les dirigeants serbes, croates et musulmans.
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Si telle est notre décision, il faudra montrer clairement que ce n'est pas l'âpreté de la lutte qui cause le retrait du Canada. Les Canadiens ont fait leurs preuves au fil des ans durant deux guerres mondiales, pendant la guerre de Corée et lors d'activités de maintien de la paix. Ils ont également montré ce dont ils sont capables depuis qu'ils sont en Bosnie et nos forces ont prouvé leur désir de continuer de le faire. Cependant, notre présence continue en Bosnie ne semble pas vouloir amener une solution pacifique au conflit. Nous semblons plutôt nous engager à rester pour être les témoins de la guerre civile pendant encore de nombreuses années.
Les «belligérants» se sont rencontrés à Genève les 18 et 19 janvier, mais les pourparlers ont avorté. D'autres négociations doivent se dérouler à Genève le 10 février. Je suis d'avis qu'il est temps que le Canada prenne les devants et qu'il accueille, ici à Ottawa, une conférence au début de février, avant la conférence de Genève. Il y inviterait tous les pays dont des troupes sont actuellement sur place en ex-Yougoslavie. Il exhorterait les Nations Unies à lancer un ultimatum net et sans équivoque aux àbelligérantsà: ils acceptent les mesures prises pour conclure la paix et la faire respecter, sans quoi les troupes de l'ONU seront retirées.
Si les participants à la conférence sont incapables de s'entendre, le Canada devrait déclarer qu'à moins qu'on ne parvienne d'ici là à faire de réels progrès en vue d'une paix en Bosnie, il a l'intention de retirer ses troupes en avril, à la fin de leur mandat.
[Français]
M. Benoît Tremblay (Rosemont): Monsieur le Président, je voudrais tout simplement essayer de comprendre l'intervention de mon collègue de Saanich-Les Îles-du-Golfe, en particulier lorsqu'il dit que les gens impliqués dans le conflit partagent une même ethnicité, alors qu'on sait que ces gens-là ont 500 ans d'histoire fort différente et que précisément cette situation d'un pays fédéral qui leur a été imposée à un moment donné et qui a éclaté évidemment avec la nouvelle situation internationale a été largement reconnue par les Nations Unies dans la reconnaissance de l'indépendance de la Bosnie. La concertation nécessaire pour reconnaître cette réalité-là est précisément au coeur des efforts de paix et le retrait potentiel, à ce stade-ci du conflit, conduirait simplement pratiquement à l'élimination des Bosniaques. Je n'arrive pas à comprendre le raisonnement qui a été présenté par le député. Je voudrais qu'il essaie de m'expliquer ce qu'il veut dire.
[Traduction]
M. Frazer: Monsieur le Président, si l'on remonte suffisamment loin dans le temps, l'on se rend compte que les habitants de cette région sont tous essentiellement d'origine slave. Au fil des ans, des facteurs externes les ont incités à adopter différentes religions. Lorsque je parle de leur ethnicité commune, je parle d'une époque extrêmement lointaine. De toute évidence, des différends importants et fort violents les opposent actuellement. Le fait que la Bosnie ait été officiellement reconnue a été jugé par certains comme une erreur. L'on estime qu'en fait, l'issue actuelle était inévitable.
Si j'ai bien compris, la faction musulmane est en train d'acquérir de lourds armements. Nous pouvons donc nous attendre, selon toute vraisemblance, à une intensification de ses attaques. À mon avis, même si la disparité des pays avoisinants a un effet incontestable sur le conflit, compte tenu du grand nombre de Serbes, je pense qu'à l'intérieur de la Bosnie, les Musulmans seront en mesure de rendre les coups et de gagner si l'on en arrive à une telle situation; j'espère profondément que cela ne se produira pas.
Je suis convaincu qu'à moins que le monde, et le Canada en particulier, ne prennent une position qui force ces gens à accepter de faire des concessions et des compromis dans la tradition canadienne, rien ne se produira et le conflit s'éternisera.
(1150)
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, j'aimerais également poser des questions au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe au sujet de la position qu'il a prise.
Je suis rentré il y a quelques jours de Croatie. Non seulement vous y ai-je rencontré les commandants de l'ONU, mais j'y ai aussi rencontré nos troupes canadiennes dans le secteur sud et ailleurs. Nos troupes s'opposent profondément à ce que le Canada indique simplement son retrait après expiration du mandat à la fin mars.
À leur avis, un tel retrait entraînerait une effusion de sang encore plus incroyable et une escalade de la violence; le travail humanitaire fort important qu'ils effectuent en facilitant l'arrivée des ONG et en les escortant pour qu'elles puissent apporter des aliments et des médicaments serait gravement mis en péril. Beaucoup d'innocents périraient et mourraient de faim.
Compte tenu des préoccupations des Canadiens sur le terrain, de celles des ONG sur le terrain et de l'avis des Nations Unies au sujet d'une telle proposition, que veut dire exactement le député lorsqu'il parle de compromis et de concessions? Il a déclaré que toutes les parties devraient faire des compromis et des concessions.
Les Serbes bosniaques et Radovan Karadzic sont très clairs à cet égard. Ils contrôlent 70 p. 100 du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Ils représentent un tiers de la population environ. Quelles concessions sont-ils prêts à faire maintenant?
Si le Canada se contente d'indiquer son retrait et que d'autres troupes des Nations Unies fassent de même, non seulement consolideront-ils leur position, mais encore, il me semble parfaitement clair que cela augmentera bien plus le risque d'effusion de sang, de destruction et de famine généralisées.
Ma deuxième question est la suivante: Qu'en est-il de la Croatie? Que propose l'honorable député à propos du rôle des Nations Unies en Croatie?
M. Frazer: Monsieur le Président, j'ai dit durant mon intervention qu'il n'y avait pas de solution facile à ce dilemme. Je comprends les propos du député et je crois qu'il a raison de dire
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que nous risquons de voir ce conflit s'envenimer si nous retirons nos forces.
Toutefois, si nous demeurons sur place, nous devrons aussi continuer à assister constamment à ce carnage, à ces tueries, à ces mutilations et à ces bombardements. Je ne crois pas qu'il existe de solution entièrement satisfaisante à ce dilemme. C'est pourquoi je propose que seuls des gestes fermes pourraient peut-être faire la différence.
En ce qui touche au pourcentage que j'ai mentionné il y a quelques instants, les musulmans de la Bosnie et de la Croatie représentent plus de 40 p. 100 de la population. Je crois comprendre qu'ils obtiennent des armes des Serbes comme des Croates et qu'ils sont en mesure d'au moins se défendre.
En ce qui touche à la deuxième question concernant la présence de nos troupes en Croatie, les relations sont suffisantes entre les peuples de cette région pour que nous posions des exigences et que nous fassions des menaces à chacun d'entre eux. C'est-à-dire qu'il faudrait que nous leur disions que nous allons retirer nos forces s'ils ne cherchent pas à trouver une solution pacifique au conflit.
M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, il s'agit de mon tout premier discours et il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'il pourrait porter sur un sujet aussi important. En effet, cette question nous touche maintenant et nous touchera encore pendant longtemps.
Je tiens à vous féliciter, monsieur le Président, vous et tous les autres députés, et je tiens tout particulièrement à remercier les électeurs de ma circonscription du centre de l'Alberta. Je suis évidemment convaincu de représenter la plus belle circonscription du pays et les meilleurs électeurs qui soient.
Je désire féliciter le premier ministre et ses ministres pour avoir rendu ce débat possible. Voilà un bon exemple du genre de Parlement que les Canadiens veulent avoir. Nous devons procéder plus souvent à des votes libres, former des assemblées constituantes et, comme l'honorable ministre l'a mentionné, parcourir le pays en tous sens pour connaître l'opinion des Canadiens sur des questions aussi cruciales.
Il est très difficile de déterminer ce que nous devons faire et de prendre aujourd'hui une décision relativement au maintien de la paix. Nous devons prendre en considération un certain nombre de facteurs. Il nous faut comprendre que, compte tenu de leur histoire, des endroits comme la Bosnie sont des points chauds et que la situation pourrait devenir encore beaucoup plus sérieuse qu'elle ne l'est actuellement.
(1155)
Selon moi, nous devons également reconnaître que la volonté de régler ce conflit n'existe pas; c'est d'ailleurs le cas dans bon nombre des situations où les casques bleus interviennent. Ce dont il faut se préoccuper, c'est de la grande puissance du monde musulman et de ce qui pourrait survenir à l'occasion d'un tel conflit.
Nous devrions également regarder ce qui se passe en Russie sur la scène politique, qui change presque sous nos yeux. Il faut sans aucun doute tenir compte du fait que ce pays veut protéger les Slaves. Nous devons aussi penser à la Grèce, à la Macédoine, à la France et à sa position au sein de la CE. L'Italie, l'Allemagne et l'Albanie y ont certainement des intérêts. Pour prendre une décision au sujet de la Bosnie, nous devons prendre en considération l'histoire récente.
Il ne faut pas non plus oublier la présence et l'importance des caméras de télévision. Les réseaux CNN, BBC et évidemment Newsworld sont omniprésents. Le petit écran nous montre dans notre propre salon les atrocités, les côtés terribles de ces conflits. Nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer l'importance de cette sorte d'influence.
Il nous faut évidemment admettre ici que nous ne nous retrouvons pas face à des bons d'un côté et des méchants de l'autre. Contrairement à ce que nous, Nord-Américains, souhaiterions, personne n'a complètement tort ni complètement raison. Des atrocités sont perpétrées de tous les côtés et nous devons en être conscients.
Nous devons aussi nous rendre compte que le massacre ne prendra pas fin, que nous demeurions sur place ou que nous quittions la Bosnie. Il se poursuivra. Nous devons reconnaître les succès obtenus sur le plan humanitaire, et sans aucun doute féliciter nos troupes pour le travail accompli.
Beaucoup de choix s'offrent à nous, mais que devrait vraiment faire le Canada au sujet du maintien de la paix? J'ai tenté de me mettre à la place de mes électeurs; j'ai tenté de penser aux gens de l'Alberta dont un très grand nombre sont des militaires. Je me suis interrogé sur ce que devrait être ma position en tant que Canadien.
Au début, je me disais que nous devrions rappeler nos soldats et laisser les Serbes et les Bosniaques régler leurs comptes, et que c'était une guerre civile dans laquelle nous ne devrions pas nous immiscer. Je dois cependant admettre que, après mûre réflexion, on se rend compte que la situation n'est pas si simple. Il y a l'aspect humanitaire, la question des crimes de guerre et le sort des populations civiles innocentes dont nous entendons parler chaque fois que nous allumons le poste de télévision. Nous devons tenir compte de tout cela avant de prendre une décision.
Nous devons bien sûr être conscients des risques que nous faisons courir à nos soldats. À mesure que la situation se détériore-et tout porte à penser qu'elle va encore s'aggraver ce printemps-force est de nous demander combien de vies nous sommes prêts à sacrifier. Nous ne pouvons pas échapper à cette question, laquelle doit jouer un rôle important dans notre décision.
Nous devons penser à notre rôle de chef de file en matière de maintien de la paix. Retirer nos troupes reviendrait à nous décharger d'une partie de ces responsabilités. Nous devons nous demander quelles en seraient les conséquences pour l'image que nous avons de nous-mêmes en tant que Canadiens. On a bien sûr
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aussi évoqué les coûts qu'entraîne cette mission, et notre dette et notre déficit entrent en ligne de compte.
Ce n'est pas une décision facile puisqu'il faut tenir compte d'une myriade de facteurs. J'ai essayé de voir s'il pouvait y avoir un élément positif dans toute cette situation; si cette opération de maintien de la paix a une certaine valeur.
J'en suis venu à la conclusion que la participation du Canada au maintien de la paix stimulait notre fierté nationale. Qu'est-ce qui nous rend fiers d'être Canadiens? Le mois prochain, nous allons observer nos athlètes aux Jeux olympiques et nous allons en être fiers. Lorsque nous entendrons jouer notre hymne national, nous serons fiers, car nos athlètes se seront distingués.
Aujourd'hui, nous allons prendre une décision dont les Canadiens seront fiers, parce que nous avons un bon gouvernement. Tout un chacun, quelles que soient ses convictions politiques, pourra exprimer sa pensée.
Qu'est-ce que le maintien de la paix a à voir dans tout cela? Nous avons une réputation à préserver. Nous savons que les Canadiens sont les mieux entraînés et sont les mieux équipés, du point de vue politique et psychologique, pour les opérations de maintien de la paix. Nous avons déjà cela à notre actif, et nous devrions exploiter cette force et en faire un élément de fierté nationale.
(1200)
Nous devons, bien sûr, mettre en valeur notre rôle de chef de file dans ce domaine. Nous ne devons pas céder notre place, lorsqu'il s'agit de maintien de la paix et de règlement des différends dans le monde.
Pour ce qui est de la formation, nous devrions exploiter ce domaine en offrant des programmes de formation en contrepartie de frais. Que faire des bases militaires que l'on songe à fermer? Pourquoi ne pas les convertir en écoles militaires spécialisées dans la formation de troupes de maintien de la paix?
Il faut déborder le cadre du maintien de la paix. Parlons du règlement de toutes sortes de différends. Parlons de la surveillance des élections et d'une meilleure compréhension des éléments culturels que sous-tendent les efforts de maintien de la paix. Occupons-nous de gestion des conflits, de respect des droits de la personne, d'administration civile, de mesures d'urgence. Nous ne pouvons pas nous empêcher de songer que la planète aurait peut-être besoin d'être secouée par quelque chose qui s'apparente au récent tremblement de terre survenu à Los Angeles.
En terminant, je tiens à répéter qu'à mon avis, nous devons continuer à assumer notre rôle dans le maintien de la paix. Nous devons miser là-dessus. Nous devons être des chefs de file sur la scène internationale. Voilà ce dont il s'agit. En édifiant ce nationalisme en nous, en manifestant notre fierté d'être canadiens, nous finirons par amener les Québécois à vouloir rester des nôtres.
Nous pouvons tirer tellement d'avantages de toute la question du maintien de la paix. Si nous, de la 35e législature, réussissons à créer cette fierté nationale, nous aurons, je crois, accompli de grandes choses. C'est précisément ce pourquoi nombre d'entre nous sommes ici.
L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, en félicitant le député de Red Deer de son analyse sincère, je voudrais lui demander s'il serait juste de conclure qu'il est d'accord pour que les troupes canadiennes demeurent en Bosnie. Si tel est le cas, son opinion reflète-t-elle la position de son parti ou si la position de son parti est celle qu'a exprimée plus tôt le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe?
M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, ce qu'il y a de merveilleux aujourd'hui, c'est que nous pouvons exprimer nos points de vue en tenant compte de tous nos électeurs et de tous nos collègues à la Chambre.
À mon avis, il convient de retirer nos troupes lorsqu'il est impossible de garantir leur sécurité. Ce sont les autorités militaires qui devraient se charger de prendre cette décision. Cependant, j'estime que les efforts humanitaires que nous déployons là-bas devraient avoir un certain poids dans cette décision.
Au début, j'ai dit que nos troupes devaient être retirées et que le plus tôt serait le mieux, car c'est la guerre civile là-bas. Quoi qu'il en soit, pour les raisons que j'ai exposées, j'ai modifié ma position et je dis maintenant qu'elles ne devraient être retirées qu'en dernier recours. J'estime qu'il est bon d'avoir cette diversité d'opinions au sein de notre groupe. Tout au long de la journée, vous entendrez les députés de mon parti donner ces divers points de vue. L'important dans ce débat, c'est que nous élaborions une politique canadienne générale à court terme et, bien sûr, à très long terme. Le ministre en a touché un mot plus tôt, et c'est réellement ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je remercie le député de Red Deer de ses commentaires.
Le député pourrait-il me dire ce qu'il pense du problème que soulève l'écart énorme qui existe entre la série de résolutions adoptées par les Nations Unies et la situation sur le terrain, particulièrement en Bosnie? Nous venons tout juste d'apprendre qu'à Mostar, des enfants ont été tués, alors qu'ils jouaient dans la neige. La même chose s'est produite il y a quelques jours, à Sarajevo, où six enfants ont connu une mort brutale, alors qu'ils faisaient de la luge. Il ne faut pas tellement de courage pour tirer des obus à une distance de 30 kilomètres.
Le député de Red Deer pourrait-il me dire ce qu'il pense des demandes formulées par des commandants qui jouissent d'un grand respect aux Nations Unies? Je ne sais combien d'entre eux ont fait de telles demandes. Tout récemment, le général Francis Brakmo, qui remplaçait le général Moreo en Bosnie, a déclaré qu'il y avait un écart énorme entre les résolutions du Conseil de sécurité, la volonté d'exécuter ces résolutions et les moyens mis à la disposition des commandants.
(1205)
Pas plus tard que la semaine dernière, le dirigeant serbe bosniaque, Rodovan Karadzic, déclarait que les habitants de Sarajevo ne compteront plus les morts, mais les vivants.
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Que pense le député de Red Deer de la proposition de renforcer le mandat des Nations Unies? Un certain nombre de soldats en poste en Croatie ont demandé que nous renforcions le mandat des Nations Unies pour leur permettre non seulement de défendre les zones protégées, qui sont loin d'être sûres, mais aussi de mettre fin aux bombardements d'artillerie.
M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, je souscris à bien des choses qui ont été dites. Bien entendu, le fait que les Nations Unies ne semblent pas faire preuve du leadership que nous serions en droit d'attendre de cette organisation contribue à aggraver le problème.
Nous avons eu sept ou huit séances d'information en prévision du débat d'aujourd'hui. On nous a dit et redit les difficultés que posait, notamment sur le plan militaire, le fait que personne ne soit vraiment en charge des opérations. Il y a aussi le fait que les troupes viennent de divers pays et n'ont pas eu le même entraînement.
Je suppose que ma proposition d'école militaire internationale de formation des troupes au maintien de la paix pourrait, avec la participation des Nations Unies, apporter une solution à certains problèmes. À tout le moins, les soldats y recevraient le même entraînement. Si seulement il pouvait en être de même du leadership! Si seulement il pouvait en être de même du renforcement du mandat des Nations Unies!
Il faut dire à la décharge des Nations Unies qu'elles ont eu beaucoup de mal à convaincre les pays, entre autres choses, à participer aux opérations et à détacher des contingents. C'est une voie à sens unique, et nous devons régler ce problème.
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir participer au débat d'aujourd'hui sur la motion concernant le rôle du Canada dans le maintien de la paix.
[Français]
Je dois d'abord féliciter l'honorable chef de l'opposition pour son discours raisonnable.
[Traduction]
Je tiens également à féliciter les deux membres du Parti réformiste qui se trouvent à ma droite, les députés de Saanich-Les-Îles-du-Golfe et de Red Deer, pour leurs interventions éclairées.
Le débat d'aujourd'hui sur le maintien de la paix et celui de demain sur les missiles de croisière vont être du genre permettant aux députés d'exprimer leur opinion personnelle. Nous n'avons pas de whip de ce côté-ci de la Chambre. Notre position en faveur des opérations de maintien de la paix est bien connue. Nous en avons fait état dans le Livre rouge et je serais très surpris que des députés libéraux se prononcent contre notre participation au maintien de la paix.
Toutefois, en ce qui a trait plus particulièrement à notre mission dans l'ancienne Yougoslavie, sur laquelle porte le débat d'aujourd'hui, et à la question que nous aborderons demain, à savoir la reprise des essais de missiles de croisière aux termes de l'entente concernant l'évaluation de ces derniers, les députés des deux côtés de la Chambre, et certainement ceux de notre parti, sont libres d'exprimer leur opinion personnelle. Le gouvernement en tiendra compte.
Il est tout naturel qu'à l'instar des députés d'en face, je commence mon intervention en rendant hommage aux hommes et aux femmes des forces armées canadiennes qui, au moment même où nous parlons, s'emploient à faire régner la paix dans les points chauds du globe. Je sais que les députés partagent l'admiration et l'estime que je leur porte; qu'ils soient à Srebrenica, dans les Balkans, en Extrême-Orient, sur le continent africain ou au large de la côté sud-ouest de Haïti, leur tâche est extrêmement difficile. Au nom de tous les Canadiens, je leur dis merci beaucoup, thank you very much.
[Français]
Aujourd'hui le Parlement a l'occasion de se pencher sur les activités de nos soldats de la paix, sur les divers aspects de la contribution canadienne au maintien de la paix et sur l'orientation future de notre engagement dans ce domaine.
Les Canadiens sont fiers, à juste titre, de la contribution exceptionnelle de notre pays aux efforts de maintien de la paix de l'ONU. Depuis 47 ans, le Canada contribue largement et de façon soutenue aux missions de maintien de la paix. Le nombre total des Canadiens qui ont servi comme soldats de la paix au fil des ans a dépassé récemment le cap des 100 000.
Ce haut niveau de participation du Canada est particulièrement impressionnant lorsqu'on songe que notre pays ne compte qu'un demi de 1 p. 100 de la population mondiale.
(1210)
Aucun autre pays n'a un dossier comparable à celui du Canada dans le domaine du maintien de la paix. Aucun autre pays ne connaît aussi bien que nous le maintien de la paix sous son aspect «opération militaire» et aucun autre pays ne possède une expertise comparable à la nôtre. Ceci explique peut-être le fait que le Canada soit le seul pays au monde à avoir érigé un monument national au maintien de la paix.
Certains attribuent au Canada l'invention du concept de maintien de la paix. La plupart des observateurs sont d'accord pour dire que c'est la Force d'urgence des Nations Unies conçue par Lester B. Pearson, notre ancien premier ministre, en 1956 qui a prouvé la valeur et le potentiel d'une force internationale de Bérets bleus.
Pendant les années 1960 et jusque dans les années 1980, le Canada a intensifié ses efforts et a renforcé sa réputation dans le domaine du maintien de la paix. Nous étions l'un des rares pays acceptables comme force neutre pouvant s'interposer entre deux parties belligérantes. C'est pourquoi, à maintes reprises, la communauté internationale a fait appel à nous pour participer à toutes sortes de missions, un peu partout dans le monde.
[Traduction]
La première participation du Canada à une force de maintien de la paix remonte à 1949. Des soldats canadiens avaient été envoyés au Cachemire afin de participer aux activités de ce qui devint bientôt le Groupe d'observateurs militaires des Nations Unies dans l'Inde et le Pakistan, dont le sigle est GOMNUIP.
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Malheureusement, le personnel militaire canadien a subi des pertes humaines dès sa première mission de maintien de la paix. Depuis, près de 100 soldats canadiens ont perdu la vie durant des missions de ce genre.
Le maintien de la paix n'a jamais été sans risque, comme le disaient plus tôt aujourd'hui le ministre des Affaires étrangères et des députés de l'autre côté. Ce genre de mission a toujours comporté des dangers mais le personnel de nos Forces armées en est bien conscient lorsqu'il s'enrôle pour servir le Canada à l'étranger.
Le Canada participe également depuis longtemps à l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve. Cette mission, la plus ancienne créée par les Nations Unies, consiste à surveiller l'application des accords de cessez-le-feu au Moyen-Orient. Quelque 13 observateurs militaires canadiens participent actuellement à cette force, à laquelle le Canada est associé depuis 1954.
À ce jour, des Canadiens ont servi en Indochine, au Liban, au Congo, en Nouvelle-Guinée occidentale, au Yémen, au Moyen-Orient, à Chypre, en Afghanistan, en Namibie, en Angola, au Cambodge et en Amérique centrale. Voilà un dossier plutôt impressionnant pour un pays qui ne compte que 27 millions d'habitants.
[Français]
Au cours de ces dernières années, un nouveau chapitre s'est ouvert dans l'histoire des opérations de maintien de la paix de l'ONU. À la fin des années 1980, avec la disparition de la confrontation Est-Ouest, l'ONU a pu commencer à fonctionner à peu près comme ses fondateurs l'avaient envisagé en 1945.
Depuis 1988, l'ONU a créé plus de missions de maintien de la paix que pendant les quatre décennies précédentes.
[Traduction]
J'ai déjà fait état de la contribution du Canada aux forces des Nations Unies envoyées au Cachemire et au Moyen-Orient. Le Canada affecte également dix militaires et membres de la police militaire à la force de maintien de la paix des Nations Unies à Chypre; plus de 200 militaires sont affectés à des fonctions d'approvisionnement, de transport et de communication au sein du groupe d'observateurs des Nations Unies chargé de surveiller le désengagement sur les hauteurs du Golan entre Israël et la Syrie. D'autres seront envoyés au cours des semaines à venir afin de trouver une solution au dilemme du Moyen-Orient. Quelque 27 membres des Forces canadiennes font partie de diverses équipes de contrôle aérien et de soutien administratif au quartier-général de la force multinationale en Égypte, une mission indépendante des Nations Unies créée dans le sillage de l'accord de Camp David signé en 1979. Le Canada compte également cinq observateurs militaires des Nations Unies au sein de la mission d'observation Irak-Koweit.
Nous comptons également deux officiers au Rwanda, dont le commandant de la force des Nations Unies présente dans ce pays. Le Canada a aussi envoyé quelque 30 observateurs militaires, officiers et personnel auprès de la mission des Nations Unies chargée de surveiller le référendum au Sahara occidental, connu sous le sigle français MINURSO.
En ce qui concerne Haïti, le Canada demeure disposé à détacher quelque 110 membres de ses forces militaires auprès de la mission des Nations Unies dans ce pays. La majorité des Canadiens participeraient, entre autres, à la réalisation de projets d'ingénierie.
[Français]
Le Canada continue également de participer à la mission d'observation des Nations Unies au Salvador, qui surveille le cessez-le-feu, le désarmement et la situation des droits de la personne dans ce pays.
(1215)
Nous continuerons également de soutenir l'opération des Nations Unies en Somalie par la présence d'un petit nombre d'officiers d'état-major. À un moment donné, il y avait plus de 1 000 Canadiens en Somalie, au sein de la force multinationale de l'ONU chargée de protéger les opérations d'aide humanitaire.
[Traduction]
Je dois dire que malgré quelques incidents malheureux qui sont maintenant devant les tribunaux, nos militaires se sont rendus utiles en Somalie. Ils ont vraiment contribué à rétablir l'ordre au pays et à reconstruire l'infrastructure de cette nation très pauvre.
[Français]
Enfin, le Canada participe à la mission des Nations Unies au Mozambique, qui a pour mandat de surveiller le cessez-le-feu et de superviser les élections de ce pays.
[Traduction]
Les Canadiens ont aussi participé à la Commission militaire d'armistice du commandement de l'ONU en Corée, qui est chargée de surveiller le respect de la convention d'armistice de 1953.
Nous avons aussi oeuvré au sein de la commission spéciale des Nations Unies chargée d'inspecter et de détruire les missiles balistiques de l'Irak ainsi que ses installations chimiques, nucléaires et biologiques.
Nous avons des hommes et des femmes en service sur les navires chargés de faire appliquer l'embargo imposé contre la Serbie, au Monténégro, et d'autres sont à bord des navires qui patrouillent le long des côtes d'Haïti. Finalement, des membres des Forces canadiennes travaillent à détecter et à désamorcer des mines terrestres au Cambodge en collaboration avec le groupe de consultation technique sur les mines, mis sur pied dans le cadre des programmes des Nations Unies pour le développement.
Je mentionne toutes ces missions de maintien de la paix parce que, même si nous discutons aujourd'hui d'un conflit particulièrement dévastateur, nous ne devons pas oublier les centaines d'autres Canadiens qui servent auprès des forces des Nations Unies, dans ces autres régions, aux quatre coins du monde.
Venons-en maintenant aux Balkans. Cette tragédie se poursuit depuis 15 ans, soit depuis la mort du maréchal Tito, l'ancien président. Je ne partageais absolument pas l'idéologie que M. Tito appliquait en Yougoslavie, et je suis sûr que tous les députés partagent mon avis, mais il a tout de même laissé en héritage sa ferme détermination à unir en une même nation les différentes
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factions religieuses et ethniques qui luttent désespérément pour leur cause respective.
La Yougoslavie nous sert une leçon aujourd'hui: les États où se côtoient plusieurs ethnies, plusieurs religions et plusieurs races ne peuvent rester unies dans notre monde contemporain que si l'on parvient à réglementer les droits de la personne et à créer des institutions nationales puissantes chargées de protéger ces droits. Ces institutions nationales et cette protection constitutionnelle se sont dégradées en Yougoslavie. Le reste du monde a dû intervenir, par l'intermédiaire des Nations Unies, pour tenter de préserver un peu de la dignité, de la paix et du sens du devoir chez les habitants de l'ancienne république de Yougoslavie
[Français]
Face à l'évolution du conflit des Balkans, les Nations Unies ont élargi progressivement leur mandat au-delà des frontières de la Croatie. C'est ainsi que la mission a été chargée d'ouvrir l'aéroport de Sarajevo.
Je dois dire quelques mots concernant les actions du Président de la France, François Mitterrand. Il a démontré un grand courage quand il a visité Sarajevo, il y a deux ans.
[Traduction]
Le président de la France s'est montré très courageux en attirant l'attention du monde entier sur le conflit yougoslave. Je me joins à mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, pour féliciter l'ensemble des Français et leur gouvernement ainsi que le gouvernement britannique qui, avec les Canadiens, ont dépêché les plus forts contingents de soldats en Yougoslavie.
Aujourd'hui, environ 2 000 soldats canadiens se trouvent en Bosnie et en Croatie, et leur présence là-bas est l'un des thèmes, peut-être même le principal thème de ce débat. Ces Canadiens nous préoccupent. Ce sont les nôtres. Ils sont sous nos ordres.
Nous avons rempli notre rôle dans deux guerres mondiales et dans la guerre de Corée, mais je doute que nous soyons disposés à finir ce siècle et à entrer dans le XXIe siècle en participant à une autre grande guerre. Ce sont les leçons que nous avons tirées de notre participation dans ces guerres qui ont amené les Canadiens à utiliser leur compétence dans l'art militaire, leur savoir-faire technique et leur compréhension des conflits pour aider les Nations Unies à rétablir la paix dans certains points chauds du globe.
(1220)
Monsieur le Président, j'ai eu l'honneur de visiter nos troupes pendant quelques jours, en décembre dernier, d'abord en Croatie, puis à Sarajevo et à Visoko, et j'ai ensuite rejoint le navire canadien Iroquois dans l'Adriatique, où il applique les sanctions avec d'autres membres de l'OTAN et des Nations Unies.
J'ai été frappé de constater avec quelle uniformité et unité d'esprit les Canadiens et les Canadiennes qui sont là-bas voient notre rôle en Croatie et en Bosnie. Jamais, monsieur le Président, je ne les ai entendu prononcer un seul mot remettant en question l'utilité de leur présence dans ce coin troublé. Le soir, pendant que nous dormions dans le camp de Visoko, des coups de feu ont retenti, puis, en route vers Sarajevo, on tirait tout autour de notre convoi, mais pas un seul d'entre eux n'a manifesté de la peur.
Je vous assure que j'avais des craintes. Or, ces hommes et ces femmes vivent avec cela quotidiennement. Ils sont prêts à suivre les ordres que leur transmet la population canadienne par l'intermédiaire du Parlement et du gouvernement. Si nous voulons qu'ils rentrent au pays, ils rentreront; si nous voulons qu'ils restent là-bas, ils resteront. Je peux cependant vous dire qu'il n'y a pas discorde au sein de nos troupes.
En fait, le commandant adjoint des opérations de l'ONU, le général John MacInnis, est un Canadien et il a fait des déclarations très courageuses, notamment celle qui a paru l'autre semaine dans les journaux au sujet de Srebrenica: «Il ne revient ni aux Serbes ni à une faction de dicter quels bataillons ou groupes de soldats vont prendre la relève. Nous ne sommes pas ici sous les ordres de ces factions. C'est nous qui allons décider si nos troupes seront remplacées par des Ukrainiens, des Hollandais, des Scandinaves ou des Malaysiens.»
Le général MacInnis bénéficie de l'appui de tous ceux qui sont placés sous son commandement et je lui rends hommage pour la tâche qu'il accomplit. Je souligne également le travail du colonel David Moore, que de nombreux députés ont entendu soit à la radio ou à la télévision. C'est lui qui est responsable de nos forces à Visoko, en plein centre de la Bosnie; c'est lui qui se préoccupe nuit et jour de la sécurité de nos soldats, mais aussi de celle de la population des régions environnantes.
Comment oublier la description éloquente de l'excellent travail que nos troupes effectuent en faisant en sorte que restent ouverts les hôpitaux de Fojnica et de Dakovica? Quand les civils ont dû fuir parce qu'ils craignaient les représailles et que leur vie était menacée, ce sont les soldats canadiens qui ont permis à ces hôpitaux de poursuivre leurs activités, en y faisant la lessive et en assurant leur ravitaillement. Voilà le véritable aspect humanitaire du travail de maintien de la paix qu'effectuent les forces canadiennes en Bosnie.
Je ne veux pas critiquer les médias d'information, les Canadiens en général ni certains observateurs, mais je trouve curieux que bien des gens n'aient pris conscience des risques accrus auxquels nos soldats sont exposés quotidiennement que lorsque le New York Times a dit que leur travail était dangereux. C'est peut-être très révélateur de notre attitude comme Canadiens: il nous faut jeter lire le New York Times pour savoir si nos soldats sont en danger ou non. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons toujours été conscients des risques auxquels sont exposés nos soldats. Eux aussi en sont conscients.
Nous ne pouvons toutefois nous laisser intimider par certains gestes posés quotidiennement sur le terrain. Deux incidents survenus dimanche dernier ont été rendus publics.
Les soldats qui sont là-bas travaillent fort. Ils sont dévoués et continueront de travailler d'arrache-pied aussi longtemps que nous leur demanderons de le faire. Il ne faut donc pas prendre à la légère les opinions exprimées aujourd'hui, et d'ailleurs je ne dis pas que c'est ce que feront les députés. Je tiens toutefois à souligner qu'il est très important que nous témoignions notre appui à nos soldats et que nous affirmions notre engagement à
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l'égard des objectifs des Nations Unies et du maintien de la paix en général.
À mon avis, la population canadienne continue d'appuyer ces activités de maintien de la paix. Selon certains sondages d'opinion, les Canadiens seraient en faveur du retrait de nos troupes. Après avoir entendu aujourd'hui certaines des réflexions des députés d'en face et, espérons-le, certaines réflexions émanant de ce côté-ci, les Canadiens se rendront compte que le problème ne se limite pas à un retrait pur et simple et que certaines de ces inquiétudes ont déjà été exprimées.
(1225)
Il incombe aux représentants élus que nous sommes de prendre les décisions difficiles touchant ce que le Canada et, par extension, les forces canadiennes devraient faire. Le maintien de la paix continue de dominer nos activités opérationnelles, et cela pose des défis spéciaux aux forces canadiennes qui doivent établir un équilibre entre leurs engagements en matière de maintien de la paix et leurs autres engagements nationaux et internationaux.
Cela ne sera pas facile. Nos missions actuelles de maintien de la paix et autres missions connexes sont considérables en ce qui concerne aussi bien la simple dispersion géographique des forces canadiennes que les différents types d'opération et d'engagement en cause.
À mesure que les missions de maintien de la paix deviennent de plus en plus complexes et onéreuses, nous faisons face ici au Canada aux dures réalités de la réduction des budgets et des effectifs réguliers. J'ai déjà fait des déclarations à ce sujet, et les députés en apprendront davantage à cet égard au fil des semaines à venir.
Il faut nous rendre compte d'un fait bien réel: plus nous réduisons le budget consacré à la défense, plus nous réduisons notre capacité d'exécuter ces tâches essentielles de maintien de la paix tout en remplissant nos autres obligations militaires.
Si les Canadiens veulent continuer de jouer un rôle de premier plan en matière de maintien de la paix, s'ils veulent continuer d'apporter cette importante contribution à la stabilité des régions en proie aux conflits, les forces canadiennes doivent être suffisamment entraînées et dotées d'un équipement convenable. Autrement dit, elles doivent être aptes au combat.
Enfin, les Canadiens doivent accepter le risque associé à l'envoi de troupes à l'étranger dans des régions en proie à des conflits récents ou persistants.
Nous avons observé l'évolution des efforts de maintien de la paix de l'ONU. Nous ne pouvons pas en prédire l'évolution future, mais l'ONU devra probablement continuer d'intervenir dans les points chauds de la planète, du moins pendant quelques années encore. Cela présentera de très nombreux défis pour notre gouvernement et pour tous les Canadiens. J'invite les députés à bien réfléchir avant de préconiser un retrait précipité de l'ex-Yougoslavie et de réfléchir également à la poursuite de nos activités de maintien de la paix en général.
[Français]
M. Benoît Tremblay (Rosemont): Monsieur le Président, nous sommes heureux de participer à ce débat, en particulier sur la Bosnie, mais le ministre de la Défense nationale admettra que la question budgétaire sera abordée dans quelques semaines, et même dès la semaine prochaine. Je pense que le débat d'aujourd'hui porte beaucoup plus sur notre engagement à l'égard de la paix dans le monde, en particulier en Bosnie.
À cet égard, le ministre de la Défense nationale n'admet-il pas qu'évoquer, comme le premier ministre l'a fait, le retrait unilatéral du Canada de la situation bosniaque, alors que nous savons que ce sont nos soldats aux Nations Unies qui ont désarmé en grande partie les Bosniaques, n'est pas, au fond, très réaliste? En toute équité, peut-on, après avoir nous-mêmes désarmé les Bosniaques, dire maintenant que nous envisageons sérieusement de nous retirer de façon unilatérale?
Je comprends la difficulté du conflit actuel et la difficulté qu'il y a à le résoudre, mais il reste que nous avons posé des gestes dans cette situation-là, particulièrement à l'égard des Bosniaques. Le ministre admettra qu'il est très difficile et même impossible, après avoir désarmé les Bosniaques, de dire que nous nous retirons et laissons les Bosniaques complètement à la merci des Serbes.
M. Collenette: Je pense, monsieur le Président, que l'honorable député a donné sa propre réponse à sa question. Il a souligné un facteur très important. J'espère entendre les points de vue des autres députés sur la question qu'il a soulevée.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, comme je l'ai dit il y a quelques minutes, lorsque je suis allé en Croatie, j'ai rencontré les troupes dans le secteur sud de la Croatie, un secteur où il y a plein de difficultés. Le commandant, le colonel Marc Lessard, m'a donné des renseignements. Encore une fois, je veux rendre hommage au courage des hommes et des femmes qui travaillent dans ce secteur, ainsi que dans les autres, en Croatie et en Bosnie. Le colonel Lessard m'a aussi dit qu'il y avait des problèmes. J'espère que le ministre va examiner de très près ces problèmes et essayer de les corriger. Les trois problèmes en sont d'abord un d'effectifs de BATCAN I. Selon le colonel Lessard, ils ont besoin de plus d'effectifs. En effet, ils ont besoin de 49 personnes supplémentaires, par exemple, pour renflouer les sections d'infanterie, de 9 à 10 personnes. Ils ont aussi d'autres problèmes. Par exemple, ils ont besoin de mécaniciens, de cuisinières et d'autres personnes pour accomplir leur travail de la façon dont ils doivent le faire. Apparemment, il y a des difficultés avec la flotte de véhicules et des problèmes d'approvisionnement.
(1230)
Je vais donner les détails de ces problèmes au ministre, et je lui demande maintenant de s'engager à prendre au sérieux les demandes du colonel Lessard en vue d'obtenir les ressources nécessaires afin de faire le travail si important qu'ils doivent faire en Croatie.
[Traduction]
M. Collenette: Monsieur le Président, je comprends que le député essaie de transmettre de l'information entre les soldats qui sont sur le terrain, en Croatie, et le commandement, au
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Canada, mais toutes ces observations, je les ai moins même entendues et il en est question dans toute la structure de commandement des forces armées, et nous tentons de trouver des solutions.
La difficulté, c'est que certaines routes par où doivent passer les ravitaillements sont difficilement praticables, surtout dans des conditions hivernales qui ne sont pas sans faire penser à celles qu'on observe à l'extérieur du Parlement, mais il n'y a là-bas ni chasse-neige, ni camions pour épandre du sel ou du sable, ce qui rend les routes extrêmement dangereuses. En fait, deux de nos hommes du 2e régiment de Valcartier ont perdu la vie il y a quelques semaines, juste avant Noël, à cause d'accidents de circulation.
Il est certain qu'il serait utile à nos troupes de pouvoir compter sur un meilleur matériel et de meilleurs conditions. Je prends les observations du député comme une liste d'améliorations que n'importe quel commandant souhaiterait voir sur le terrain. Mais je ne crois pas que cela prouve que nous ne sommes pas bien préparés à assumer ces très lourdes tâches.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je me demande si le ministre pourrait nous donner des précisions quant à la priorité que le ministère de la Défense accorde lui-même aux activités de maintien de la paix sur le plan international. On demande aux militaires de remplir quatre fonctions avec un budget de 12 milliards de dollars, à savoir la protection de la souveraineté canadienne, la participation à la sécurité européenne par le truchement de l'OTAN, le maintien de la paix sur le plan international, sans oublier bien sûr l'aide accordée aux autorités civiles en cas de besoin comme à Oka.
Je me demande si le ministre pourrait nous dire où il situe le maintien de la paix dans la liste de priorités du ministère, car il semble que l'on demande aux militaires d'exercer beaucoup de fonctions.
M. Collenette: Monsieur le Président, je suis heureux que le député de Calgary-Sud-Ouest et chef du Parti réformiste soulève cette question. Comme mon collègue le ministre des Affaires étrangères l'a dit plus tôt, nous allons réexaminer la politique étrangère et celle de la défense. Les questions globales comme celle du député devraient s'inscrire dans ce cadre-là. Compte tenu de l'urgence du maintien de la paix et de celle des essais des missiles de croisière, j'espère que le débat d'aujourd'hui ne nuira pas à ces études qui ne seront pas terminées avant la fin de l'année.
Les questions posées par le député sont fort pertinentes. Nous espérons que le comité fera des recommandations au gouvernement sur les activités des militaires pour les années à venir.
[Français]
M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, c'est un honneur et un privilège pour moi de présenter une opinion sur un sujet qui revêt une très grande importance à mes yeux et aussi, sans nul doute, à ceux de tous mes collègues de cette Chambre.
Les discours de chacun des représentants des partis politiques se sont, jusqu'à maintenant, entrecoupés, parfois opposés. Il y a eu aussi des explications techniques sur différents sujets à caractère monétaire ou encore sur des équipements ou des modifications quant au nombre de nos soldats à l'extérieur du Canada.
(1235)
Je souhaite ardemment participer en vue de favoriser une décision plus éclairée que prendra cette Chambre sur la politique internationale des missions des Nations Unies.
Pour tenter de comprendre cette litigieuse mission, comme chacun d'entre vous, du moins je l'espère, j'ai parcouru l'historique de l'ex-Yougoslavie qui s'est scindée au fil des mois et des années en différents pays indépendants que sont, comme l'a mentionné à maintes reprises le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine.
Comment comprendre qu'une fédération qui dure depuis plus de 40 ans se dissocie? Les idéaux politiques, les territoires et les cultures ont sans doute accentué cette division nationale. Par contre, comment expliquer toutes ces tueries auxquelles sont mêlés, plus souvent qu'autrement, des civils innocents? La réponse n'est pas simple car chacun des belligérants se croit dans son droit légitime de reconquérir le territoire dont il est certain qu'il est le sien.
La légitimité des belligérants est telle qu'ils jugent parfois illégitime l'intervention des Nations Unies ou, à tout le moins, la contestent sporadiquement par leur refus de faire cesser les hostilités.
Les nations du monde on pu voir à la télévision et lire dans les médias le nombre de morts, de viols, tant et si bien que personne ne peut rester indifférent à une telle situation, et c'est là le noeud du problème. De quelle façon les Nations Unies, et par le fait même le Canada, doivent-elles agir pour faire cesser ce que l'humanité considère comme une honte dans sa marche vers une civilisation meilleure et plus humaine?
Les Nations Unies se sont dotées d'une organisation basée sur des principes de maintien de la paix et de sécurité internationale après la Deuxième Guerre mondiale. Cette organisation prend des mesures collectives et efficaces en vue de prévenir, d'écarter les menaces à la paix et de contrer tout acte d'agression ou toute autre rupture à la paix par des moyens pacifiques, conformément aux principes de justice et de droit international.
Par la suite, les Nations Unies favorisent le développement de relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.
Le rôle du Canada doit demeurer dans la tradition de ses interventions de maintien de la paix. C'est le rôle du Canada de maintenir, et non de forcer, la paix, car ce serait une entaille majeure à ce que le Canada a toujours fait antérieurement.
Je pense que les Casques bleus doivent demeurer en Bosnie afin de poursuivre la mission de surveillance de convois humanitaires et le reconnaître, malgré les médias qui semblent vouloir donner l'image de Casques bleus qui comptent pendant que des Bosniaques meurent. . . Il faut aussi se rendre compte des bienfaits que nos soldats ont contribué à apporter.
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Les soldats ont réouvert et maintenu en état de fonctionnement deux hôpitaux, ils ont fourni de l'eau potable à la population par l'installation de pompes et, bien sûr, ils ont escorté plusieurs convois humanitaires, apportant nourriture et vêtements pour ce peuple assiégé et désemparé.
Cependant, même si la présence des forces des Nations Unies a minimisé les dégâts, la situation a grandement besoin d'amélioration. Il m'apparaît nécessaire que les Casques bleus jouissent d'une plus grande sécurité dans l'exercice de leur mandat.
Les négociations devront continuer et s'accélérer, car la population canadienne commence à grincer des dents par rapport au coût de cette intervention, et la plupart de nos commettants s'impatientent de voir que les Casques bleus tentent de maintenir la paix où il n'y en a pas présentement. Certaines personnes au sein de la population pensent aussi que nous devrions imposer la paix, mais la plupart croient que les gouvernements n'ont pas la volonté politique de prendre les décisions d'intervention militaire, et ce faisant, que les Casques bleus devraient se retirer et laisser ces peuples à leur propre sort. Et c'est justement ce que les Nations Unies et le Canada ne peuvent faire.
(1240)
Tout à l'heure, lorsque mon collègue de Rosemont a souligné que les Nations Unies ont effectivement désarmé les Bosniaques, il y avait une entente pour conserver les Casques bleus afin de protéger ces mêmes Bosniaques. C'est un argument de plus que nous devons garder en mémoire de façon à ne pas retirer les Casques bleus.
Cette perte de confiance de la population est certes un reflet assez fidèle de ce qui se passe dans l'opinion publique chez certains membres des Nations Unies. C'est pourquoi le retrait du Canada, que l'on considère comme chef de file dans les missions de paix, pourrait entraîner un mouvement de retrait injuste et fatal pour les populations civiles de ces pays.
Cependant, il semble que ces dernières années le maintien de la paix ait parfois pris plus d'importance que les véritables intérêts du peuple canadien, car le Canada a investi des ressources militaires dans plusieurs opérations de maintien de la paix en oubliant parfois d'évaluer la nécessité d'obtenir un mandat ferme et clair. De plus, dans cette course au maintien de la paix, le Canada a diminué ses resources budgétaires allouées à la défense, forçant ainsi nos troupes à remplir un rôle tout en leur fournissant des moyens diminués, mettant ainsi en péril leur propre sécurité.
Le Canada devra se souvenir de ses dernières missions et en tirer des leçons. Les Nations Unies devront repenser le processus des missions de paix, et en ce sens, des chiffres révélateurs montrent bien que la situation a fortement changé et que les interventions des Nations Unies ne se font plus dans le même esprit et dans les mêmes circonstances. Des chiffres des Nations Unies révèlent que de 1948 à 1988, soit pendant 40 années de missions de paix, les forces des Nations Unies ont compté 754 morts parmi leurs membres, en comparaison de la seule année 1993, où les forces des Nations Unies ont perdu 197 soldats en Somalie et en Bosnie. Cette disproportion montre clairement que le contexte de maintien de la paix a malheureusement changé de façon radicale et que toute nouvelle intervention devra être précédée d'une prise de position claire et sans équivoque. D'ailleurs, presque toutes les interventions médiatiques des généraux de la Force de protection des Nations Unies, FORPRONU, ont livré un sentiment de frustration et d'impuissance devant des situations explosives contre lesquelles leur pouvoir d'intervention était quasi inexistant.
J'aimerais, à ce stade de mon exposé, tenter de cerner ce qui dans l'avenir devrait guider les décisions du Canada de participer à une mission des Nations Unies.
Il est clair de par les ressources financières dont le Canada dispose qu'il ne peut plus se permettre de participer à toutes les missions.
Le gouvernement canadien devra se poser de sérieuses questions avant d'entreprendre une action. Il devra répondre à des critères universels, soit des critères humanitaires, des critères politiques, et aussi des critères économiques, malheureusement. Lorsque ces critères auront été évalués, on devra déterminer le délai pour atteindre les buts fixés par ces évaluations et toujours garder en mémoire leur implication financière.
Comme dans tout ce qui entoure les activités canadiennes, il faudra cesser de vivre dans le mythe du Canada riche et prospère et regarder la réalité en face.
Nos soldats sont fiers de participer à ces missions, mais nous devrons mieux définir le cadre et l'équipement requis et adéquat. En avons-nous encore les moyens et est-ce que la population est encore prête à soutenir ces efforts?
Je pense que dans le processus de concertation des Nations Unies ainsi que des forces de l'OTAN, on pourrait établir une spécialisation dans la contribution que chacun des pays participants devrait y apporter.
Cette concertation doit faire l'objet d'une discussion aux Nations Unies où l'on devra décider tous ensemble à la fin d'avril du mandat des Casques bleus de la Force de protection des Nations Unies en Bosnie.
Il ne faut surtout pas croire que cette mission est un échec complet car la stabilisation de la situation en Croatie est réelle et, de plus, l'extension de ce conflit en Macédoine et au Kosovo a été complètement stoppée.
(1245)
En conclusion, le retrait des Casques bleus de Bosnie est une option qui n'est pas souhaitable dans le contexte actuel, car les conséquences seraient des plus désastreuses pour les populations civiles et aussi pour les Bosniaques, désarmés presque complètement par les forces de l'ONU qui, en contrepartie, ont assuré leur protection.
Quant à l'intervention militaire, il est certain qu'elle rendrait le travail des Casques bleus moins frustrant, mais peut-être plus dangereux. Comme je le disais antérieurement, la négociation doit s'intensifier en espérant qu'une entente intervienne avant la fin du mandat en avril prochain, peut-être même en considérant un embargo plus sévère vis-à-vis des Serbes de Bosnie.
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De plus, dans un autre ordre d'idées, il m'apparaît impensable de vouloir clarifier et déterminer le futur rôle du Canada sans joindre cette optique à l'intérieur d'une révision de la politique globale de la défense nationale.
Je profite donc de cette intervention pour signaler à l'honorable ministre de la Défense qu'une révision de la politique doit se faire dans les plus brefs délais, que l'impatience grandit dans la population au regard des considérations monétaires et chez les militaires qui ont besoin de mandats précis afin de bien «performer» dans leur travail.
En terminant, je veux signaler à toutes les forces canadiennes en mission de paix notre respect et notre admiration pour tout le travail accompli en terrain difficile et très souvent inhospitalier.
Plus particulièrement, je salue les officiers et les militaires de Valcartier qui composent plus de 80 p. 100 de la force d'intervention en Bosnie. Cela me touche d'autant plus qu'une partie de cette base se situe dans ma circonscription de Charlesbourg ainsi que dans celle de mon collègue de Portneuf.
Par leur engagement et leur travail, ces militaires ont contribué à maintenir la tradition d'excellence du Canada à l'intérieur du cadre des missions de paix.
Je leur réitère toute ma compréhension et tout le soutien que je pourrai leur accorder ainsi que ceux de ma formation politique.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, je demande le consentement unanime de la Chambre afin que l'on poursuive nos travaux entre 13 heures et 14 heures.
Le président suppléant (M. Kilger): Vous avez entendu la demande. Y a-t-il consentement unanime?
[Traduction]
M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, s'il y a consentement unanime, les députés ministériels n'ont aucune objection à siéger pendant l'heure du déjeuner.
Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
Le président suppléant (M. Kilger): Après l'intervention du député de Charlesbourg, la Chambre passera à la période consacrée aux questions et aux observations.
Comme il n'y en a pas, que le débat reprenne. La parole est au secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères.
M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je profite de la première occasion qui m'est donnée de prendre la parole pour vous féliciter de votre nomination au poste de vice-président.
Je tiens également à remercier et à féliciter le très honorable premier ministre d'avoir permis à la Chambre de tenir, si tôt au cours de la 35e législature, ce débat sur les questions touchant le maintien de la paix et la défense. Nous pouvons constater qu'il existe une grande différence entre la 35e et la 34e législature, puisque bien des débats que nous avions réclamés alors n'ont jamais eu lieu.
J'espère que les députés de tous les partis répondront au voeu formulé par le très honorable premier ministre quand il a dit souhaiter que chacun exprime son avis. Un député du Nouveau Parti démocratique arrive tout juste de la région dont il s'agit. Je pense qu'il est très important d'écouter ce qu'il a à dire. À mon avis, l'occasion est toute indiquée pour faire preuve d'imagination et de créativité, sans nous soucier de la discipline de parti, et pour exprimer l'opinion de nos électeurs et notre avis personnel.
Je tiens également à féliciter les électeurs de Parkdale-High Park, en particulier les Canadiens d'origine croate, serbe ou musulmane. Je dois préciser qu'au cours des dix années où j'ai représenté cette région, qui compte beaucoup de Canadiens de pareilles origines, nous n'avons jamais eu de conflits, de querelles, de bagarres ou quoi que ce soit. Les Canadiens d'origine musulmane, serbe ou croate sont donc la preuve que ces trois peuples peuvent cohabiter en paix et en harmonie. Je profite de l'occasion pour les féliciter, ainsi que tous les autres Canadiens qui témoignent qu'ils veulent la paix et non la situation qui a actuellement cours en Bosnie.
(1250)
Le chef de l'opposition officielle nous a rappelé les événements qui ont marqué la fin de la guerre froide et ceux qui ont suivi immédiatement. Ainsi, il a expliqué comment Solidarnosc avait déclenché le mouvement et que les pays baltes avaient suivi. Chose sûre, depuis la fin de la guerre froide, loin de se simplifier, la situation internationale s'est compliquée.
Comme le ministre l'a mentionné dans sa déclaration, l'assemblée internationale que constituent les Nations Unies a du mal à répondre au nombre croissant de demandes d'intervention qui lui sont faites. Le Canada cherche à atténuer la pression qui s'exerce sur l'ONU. Nous nous situons dans une perspective globale. Il s'agit de renforcer et de consolider l'ONU elle-même en lui fournissant au besoin du personnel dans des domaines-clés comme celui du maintien de la paix. Il s'agit de promouvoir le concept de sécurité coopérative qui permet à des institutions régionales renforcées de jouer, dans le cadre de certains arrangements, un rôle plus important dans l'effort de maintien de la paix et de sécurité, soulageant d'autant le fardeau qui pèse sur l'ONU.
Au cours de cette brève intervention, je voudrais me concentrer sur les efforts que déploie le Canada pour encourager les organisations régionales à appuyer plus activement les Nations Unies. Je pense que si nous faisons le nécessaire pour assurer la présence des institutions régionales dans les régions où il existe des risques de conflit, cela allégera les pressions exercées sur les Nations Unies qui pourront alors se montrer plus efficaces dans le cas d'une crise comme celle que connaît actuellement l'ex-Yougoslavie.
En janvier 1992, le Secrétaire général des Nations Unies a lancé son Agenda pour la paix. Comme le ministre l'a mentionné, dans ce document, le Secrétaire général a parlé de la prévention des conflits et de la diplomatie préventive. Il a souligné le rôle de plus en plus important que les organisations régionales pouvaient jouer dans la prévention et la résolution des crises afin
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d'éviter que celles-ci ne soient tout le temps portées à l'attention des Nations Unies.
Comme la Chambre le sait, le Canada est totalement en faveur de l'Agenda pour la paix et procède actuellement à la mise en oeuvre d'un bon nombre de recommandations du Secrétaire général. Je suis heureux que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur ait fait des recommandations au sujet de l'Agenda pour la paix au cours de la 34e législature. L'Agenda pour la paix a également été examiné par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères.
On dit que le Secrétaire général souhaite que les organisations régionales exercent une plus grande influence sur la scène internationale. Pour être plus précis, je voudrais parler de trois grandes régions où l'on peut voir le leadership exercé par le Canada: l'Europe, l'Asie du Pacifique et l'Amérique latine, et toucher un mot des nouvelles initiatives qui sont prises au sein du Commonwealth et de la Francophonie.
Au lendemain de la guerre froide, l'Europe est devenue une région où il existait d'énormes débouchés, mais aussi de grands défis. Comme le ministre l'a mentionné, le Canada insiste considérablement sur le renforcement de notre instance de sécurité pan-européenne et transatlantique, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, pour prévenir et régler les conflits.
Grâce en grande partie aux efforts déployés par le Canada ces quelques dernières années, la CSCE est, de toutes les organisations régionales, celle qui possède aujourd'hui le cadre le plus vaste pour la gestion des conflits. Nous essayons à présent de parfaire ces mécanismes et de renforcer la capacité qu'a la CSCE de prendre des mesures afin de prévenir les conflits. L'essentiel pour prévenir les conflits est de s'attaquer aux causes à l'origine des tensions et du conflit, dont beaucoup se trouvent au niveau des droits de la personne, notamment des droits des minorités. C'est pourquoi le Canada appuie vivement les instruments de la CSCE, comme le Haut-commissaire pour les minorités nationales dont le mandat consiste à servir de mécanisme d'alerte en désignant un expert canadien pour faire partie de l'équipe d'enquête du Haut-commissaire en Slovaquie et en Hongrie.
La CSCE a aussi des missions de gestion des conflits dans divers endroits, comme la Lettonie, l'Estonie, la Géorgie, la Moldavie, à Skopje et au Tajikistan. Le Canada a pris une part active à ces missions. Il a dirigé la mission dépêchée en Moldavie, fait partie de la mission dans l'ex-Yougoslavie et a participé à des missions à court terme en République tchèque, en Slovaquie, en Hongrie, au Nagorny-Karabakh et en Bosnie-Herzégovine. Ces missions recueillent des informations, cherchent à concilier les parties, font enquête sur les cas de violation des droits de la personne et aident généralement ces pays à faire la transition vers la démocratie.
(1255)
Le Canada continue toujours de parfaire le cadre des opérations de maintien de la paix, une initiative canadienne, qui sont menées sous l'égide de la CSCE. Ce mécanisme adopté en 1992 lors du sommet d'Helsinki fait de la CSCE la seule organisation régionale pouvant rendre obligatoire une opération pacifique. Ainsi, la CSCE peut faire appel aux compétences et à l'aide des Nations Unies, de même qu'à celles d'autres organisations régionales, notamment l'OTAN. Bien que ce mécanisme n'ait pas encore servi, les États membres de la CSCE pourront y recourir si jamais ils en ont besoin. Espérons que non, mais si c'est le cas, ils pourront s'en servir.
Comme le ministre des Affaires étrangères l'a déclaré à ses collègues, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de la CSCE qui a eu lieu à Rome, le Canada encouragera l'adoption de mesures novatrices pour gérer les conflits dans la région placée sous l'égide de la CSCE. Il a souligné que le gouvernement avait pris un engagement envers la CSCE et que le Canada était disposé à jouer un rôle de chef de file au sein de cette organisation. Il a également déclaré que le Canada s'engageait à procéder à une évaluation exhaustive des efforts que la CSCE a déployés jusqu'ici pour gérer les conflits et de formuler des recommandations pratiques précises qui aideront la CSCE à relever plus efficacement les défis à venir.
Cette organisation a aussi ses défauts. Il faut que je sois très honnête à la Chambre. Encore une fois, c'est là mon opinion personnelle. J'ai assisté à quelques-unes des réunions de la CSCE, où les décisions sont prises par consensus. Les députés savent combien il est parfois difficile, dans leur propre caucus, d'en arriver à un consensus.
Pendant que politiciens et diplomates cherchent à s'entendre sur un libellé acceptable à tous, nous voyons des reportages comme ceux d'hier soir, au réseau CTV, où six jeunes ont été tués le week-end dernier, où un garçonnet se faisait extraire des éclats d'obus de son côté, où un enfant marchait sur une seule jambe. Les députés ont entendu parler des enfants commotionnés par les éclatements d'obus, des effets psychologiques causés par le seul fait d'être blessé ou témoin de ce qui se passe là-bas. Dans le reportage, on parlait du syndrome de Sarajevo. Les enfants doivent prendre des tranquillisants pour pouvoir dormir. Le même reportage mentionnait le taux élevé de suicide et de suicide passif. Des gens se promènent littéralement dans les rues pour se faire tuer. Ils ne peuvent plus supporter ce qui se passe dans cette région. Ils sortent tout simplement dehors, en espérant qu'une balle les atteindra et mettra fin à leur vie.
Pendant que des centaines de milliers de personnes meurent chaque jour, la CSCE argumente sur un libellé qui soit acceptable pour tous les pays membres. Même si je parle beaucoup de la CSCE, parce que j'ai participé à une importante conférence que cette organisation a tenue à Madrid, il y a 12 ans, je n'approuve pas nécessairement tout ce qu'elle fait. Je demande à la communauté internationale de faire en sorte, avec l'aide du Canada, que la CSCE devienne plus efficace.
Comme les députés le savent, depuis 1990, le Canada fait partie de l'OEA, l'Organisation des états américains. J'ai pris la parole à la Chambre, du temps où j'étais député de l'opposition, pour reprocher au gouvernement non pas son adhésion à l'OEA, mais la façon dont il s'y était pris pour faire adhérer le Canada à cette organisation. Le Canada a joint les rangs de l'OEA sans que les Canadiens ne soient consultés ou sans qu'il n'y ait, à la Chambre, un débat comme celui qui se déroule actuellement, sans même que l'on demande au Comité permanent des affaires étrangères d'examiner les conséquences de cette adhésion. Nous avons critiqué non pas l'adhésion comme telle à l'OEA, mais la
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façon dont l'ancien premier ministre avait pris sa décision, sans tenir de consultations ou de débat.
Depuis qu'il fait partie de cette organisation, le Canada s'est fixé, entre autres priorités, celle de renforcer le rôle de l'OEA dans la promotion de la stabilité et de la sécurité régionales. Même s'il n'est membre de l'OEA que depuis peu de temps, le Canada a réussi à faire inscrire ces questions au programme de l'organisation.
(1300)
L'OEA a maintenant un comité permanent responsable de la sécurité de l'hémisphère. Le Canada demande à ce comité d'axer ses travaux sur des questions de sécurité telles que la prévention et la gestion des conflits, les mesures propres à accroître la confiance, les armes classiques et les mesures de non-prolifération. Il insiste également sur l'importance d'intensifier la coopération entre l'OEA et les Nations Unies pour la prévention et la gestion des conflits.
Organisée à l'initiative du Canada, une réunion de l'OEA sur les mesures propres à accroître la confiance aura lieu en Argentine, en mars. En ma qualité d'ancien directeur de l'Argentina Public School dans ma circonscription, Parkdale-High Park, et en ma qualité de membre de l'Argentine-Canadian Friendship Institute, je suis très heureux que cette réunion ait lieu dans cette partie du monde. L'Argentina School, dont j'étais le directeur, était jumelée avec l'école du Canada, à Buenos Aires.
Quand nous parlons de paix, il faudrait, à mon avis, commencer par les enfants, les futurs habitants de cette planète, parce qu'il n'est pas facile de changer nos attitudes. Il faut commencer par jumeler les enfants d'ici avec des enfants d'autres pays. Il est surprenant de voir tout ce que les enfants, des enfants qui n'ont parfois que cinq ans, peuvent apprendre au sujet de la langue, de la culture et des habitants d'un pays aussi éloigné que l'Argentine.
Malheureusement, en raison de la guerre des Malouines, le conseil scolaire de Toronto a décidé de redonner à cette école son ancien nom, Garden Avenue. Je trouve déplorable que l'on fasse payer aux enfants la guerre des Malouines. C'est une mesure que je désapprouve, et tous les députés devraient pouvoir en discuter avec leurs électeurs. Soyez attentifs. Il y a peut-être une école dans votre circonscription que vous pourriez jumeler avec une école d'un autre pays; nous en serions tous plus riches.
En juin prochain, à l'assemblée générale de l'OEA, le Canada fera de nouvelles propositions pour renforcer le rôle de l'Organisation en présence de problèmes de sécurité régionaux.
Je voudrais dire un mot maintenant de nos efforts au sein du Commonwealth et de la Francophonie, deux organisations qui transcendent les divisions Nord-Sud ou Est-Ouest dans le monde. Ni l'une ni l'autre de ces organisations ne s'est réellement attaquée à la question de la gestion des conflits. C'est pour cette raison que le Canada leur a soumis des propositions de développement de mécanismes de gestion des conflits, l'été dernier. Ce ne sont pas là des idées neuves, mais le Canada continuera de travailler pour qu'elles deviennent réalité.
J'ai parlé de beaucoup d'initiatives entreprises par le Canada dans des organisations régionales, mais je n'ai pas le temps de parler de l'ANASE et des autres organisations susceptibles de s'occuper des conflits dans cette partie du monde.
Les députés auront remarqué des thèmes communs dans les sujets que j'ai abordés. Tout d'abord un appui à l'ONU; deuxièmement, une insistance sur la prévention des conflits; et troisièmement, le développement de mécanismes auxquels, une fois qu'ils seraient en place, les États pourraient recourir pour tenter de résoudre les problèmes avant qu'ils ne deviennent des conflits et exigent alors l'intervention de l'ONU dont les ressources sont déjà insuffisantes.
Comme le disait le ministre, le gouvernement appuie l'ONU. Notre gouvernement désire également que les organisations régionales se préparent à jouer un rôle actif et efficace, de façon à venir appuyer l'ONU dans ses efforts pour promouvoir une sécurité basée sur la coopération, et la paix et la stabilité internationales.
Je demande à la communauté internationale, que j'ai assez souvent le plaisir de rencontrer ici, à Ottawa, par l'intermédiaire de son corps diplomatique, de faire tout ce qu'elle peut pour renforcer les diverses organisations régionales, pour les rendre mieux aptes à répondre aux urgences futures, et réduire ainsi les pressions sur l'ONU, et lui faciliter son rôle de garant de la paix et de la sécurité internationales.
Si nous ne faisons pas cela, alors Ian Malcolm, le lieutenant-colonel qui a servi dans les Forces canadiennes pendant 23 ans et a participé à des opérations de maintien de la paix en Égypte, en Irak et en Namibie, aura peut-être raison de se demander, comme il le fait dans un document récent: «Le casque bleu est-il toujours de mise?».
(1305)
[Français]
M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, je voudrais également féliciter le gouvernement pour cette initiative en ce qui concerne ce débat d'urgence qu'il a qualifié de non partisan. Depuis ce matin, nous voyons à quel point chacun des députés des deux côtés de la Chambre a su se faire un devoir de parler en dehors de toute partisanerie.
Je pense que cette initiative du gouvernement, qui est tout à son honneur, devrait être répétée en plusieurs autres occasions, ce qui, je pense, serait le désir de tous les députés, surtout de ceux qui, comme moi, n'ont pas la chance d'avoir une responsabilité, que ce soit du côté du pouvoir ministériel ou ailleurs. C'est pour nous une occasion de nous exprimer et, en même temps, de démontrer que différents points de vue peuvent quand même conduire à des consensus, surtout en ce qui a trait à de grandes questions comme celle que nous étudions aujourd'hui.
J'ai écouté avec admiration le discours de l'orateur précédent qui parlait en son nom et qui exprimait son désir de voir son gouvernement maintenir des troupes de gardiens de la paix dans le monde. Il a parlé avec éloquence des enfants. Je pense qu'on ne soulèvera jamais assez cet aspect-là. Ce sont souvent les enfants qui sont les victimes de ces guerres qui ne profitent qu'aux
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vendeurs d'âmes ou aux idéalistes capables d'utiliser n'importe quel moyen pour arriver à leurs fins.
Je voudrais cependant lui demander une précision au sujet des raids aériens qui sont au coeur du débat sur la Bosnie. Devons-nous, lorsque nous allons en mission de paix, faire des raids aériens ou fonctionner dans le sens inverse, c'est-à-dire nous contenter de répondre à des attaques aériennes après en avoir reçu l'ordre du commandant en chef? On sait qu'une telle consultation peut prendre environ une heure. J'aimerais que l'orateur précédent me précise davantage sa pensée en ce qui concerne ces raids aériens.
[Traduction]
M. Flis: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations et compliments et je le remercie aussi d'appuyer le débat d'aujourd'hui. S'il croit que nous n'engageons pas suffisamment de débats de cette sorte, j'espère qu'il nous en avisera. À mon avis, de tels échanges font ressortir le meilleur aspect de tous et chacun des 295 députés.
En fait, les remarques et questions du député correspondent exactement aux résultats d'un sondage rapportés aujourd'hui dans le Citizen d'Ottawa, qui laissent entendre qu'une vaste majorité des Canadiens approuve le principe du maintien de la paix par les troupes de l'ONU en général, mais montrent aussi que 6 répondants sur 10 estiment que la mission du Canada en Bosnie était trop dangereuse et devrait se terminer en avril. Selon le sondage, de plus en plus de Canadiens croient que c'est trop coûteux et trop dangereux et qu'il faudrait laisser un autre pays prendre la relève.
Ce sondage montre aussi que lorsque les combats, et donc le danger, augmentent en Bosnie, l'attitude des Canadiens tiédit à l'égard du maintien de la paix, mais que lorsque les tirs diminuent, les Canadiens veulent que leurs soldats restent sur place afin d'administrer l'aide humanitaire.
Lorsque nos troupes s'en vont ainsi en mission, notre premier devoir devrait être d'assurer leur sécurité. C'est fort bien de négocier des attaques aériennes, mais comment négocier et lancer de telles attaques alors que les casques bleus canadiens sont encore dans la région visée? Si nous devions prendre de telles mesures, nous n'aurions plus du tout l'appui des Canadiens.
S'il advenait que l'un de nos soldats revienne de là-bas dans l'état que vous savez, je crois que les Canadiens n'approuveraient plus les missions de maintien de la paix. Mais la réputation de nos troupes est la meilleure au monde.
(1310)
J'ai eu la chance de visiter nos Forces canadiennes à Chypre. J'ai parlé au commandant britannique qui nous suppliait de ne pas retirer nos troupes parce qu'elles donnaient un excellent exemple aux autres pays qui possèdent des forces de maintien de la paix.
Nous en avons eu un exemple dans la région de la Bosnie-Herzégovine lorsque ce fut le temps de remplacer nos soldats par des soldats d'un autre pays. Les Serbes ont dit non. Ils ont dit qu'ils accepteraient les Canadiens, mais pas les troupes d'un autre pays. Les Forces canadiennes ont la particularité d'être respectées à la fois par les musulmans, par les Croates et par les Serbes. Voilà pourquoi nous pouvons jouer un rôle si important. Toutefois, si nous nous mettons à lancer des bombes, les contribuables canadiens vont certainement nous faire savoir qu'il est temps de ramener les troupes au pays.
Avant de prendre de telles mesures, je crois donc que nous devons assurer la sécurité des soldats canadiens qui se trouvent sur place.
[Français]
M. Plamondon: Monsieur le Président, le député dit, et avec raison, que nos contribuables s'inquiètent. Dans le sondage auquel vous avez fait allusion, on parle même d'un désir de se retirer de cette force de paix qui se trouve actuellement en Bosnie. Je me demande, monsieur le député, si nous n'avons pas là une occasion en or de faire une réflexion sur tous nos équipements militaires.
Comme membres de l'opposition, nous avons approuvé votre décision d'annuler le contrat des hélicoptères, mais on sait que présentement, en Ontario, on est en train de construire 800 chars d'assaut extrêmement sophistiqués. On a également différents autres équipements militaires, notamment nos avions F-18. L'entraînement d'un pilote de F-18 coûte un million de dollars.
N'y aurait-il pas une réflexion à faire au niveau de nos Forces armées en vue de diminuer les équipements de toutes sortes et de spécialiser davantage nos troupes dans ces missions de paix? Nous pourrions diminuer nos activités dans d'autres secteurs militaires où nous n'utilisons pas souvent ce matériel-là et laisser à d'autres pays de l'OTAN certaines spécialisations, étant donné que nous avons une expérience de toutes les missions depuis la dernière guerre. N'y aurait-il pas une réflexion à faire là-dessus?
Le budget global des équipements moins nécessaires ne pourrait-il pas être réduit afin que l'argent ainsi économisé nous permette de continuer nos missions de paix tout en ne surchargeant pas nos contribuables? J'aimerais avoir le point de vue du député.
[Traduction]
M. Flis: Monsieur le Président, lorsque la guerre froide a pris fin, tout le monde espérait des dividendes de la paix; les sommes qui allaient à la défense pourraient servir à stimuler l'économie, à combattre la pauvreté à l'échelle du globe, etc. C'est dans cet esprit que le gouvernement recommande un réexamen de notre politique en matière de défense et d'affaires étrangères.
Comme le premier ministre l'a mentionné, les deux comités permanents vont consulter les Canadiens à cet égard. J'espère
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que le député témoignera alors à nouveau au nom de ses électeurs.
Je rappelle au député que demain nous aurons un autre débat, celui-là sur la pertinence de reprendre les essais de missiles de croisière. Ce sera pour lui une autre excellente occasion d'aborder cette question.
Je pense que notre pays est parvenu à un stade de développement où il convient de revoir notre politique extérieure et d'en faire une étude approfondie en consultation avec les Canadiens.
(1315)
Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur et un privilège de prendre la parole et de vous féliciter pour votre élection à la présidence de la Chambre. Je ne doute pas que vous considérerez toujours comme une source d'encouragement le fait que vos pairs vous aient confié le mandat de guider la Chambre et de lui tracer la voie de la prudence dans les décisions qu'elle aura à prendre durant les prochains jours.
Je salue également chacun de mes collègues, hommes et femmes, qui ont été élus comme moi à la 35e législature. Les électeurs de ma circonscription de Calgary-Sud-Est m'ont élue pour les servir à la Chambre du peuple et j'ai bon espoir que nous saurons mettre notre sagesse collective au service de la population.
[Français]
Mon honorable collègue de la circonscription de Québec-Est a mentionné qu'il était le dernier de son caucus à se lever et à s'adresser à cette Chambre. Moi aussi, j'ai le même sentiment. Cela m'a permis de prendre de l'expérience. Cependant, je dois mentionner que le débat d'aujourd'hui revêt un caractère extrêmement important et exige que chacun d'entre nous y apporte tout le sentiment nécessaire.
[Traduction]
Je tiens à ce que mes électeurs de Calgary-Sud-Est le sachent. Je suis sûre que tous les résidants de ma circonscription ont une opinion au sujet de la guerre en Bosnie, où ils souhaitent voir s'installer une paix durable, une plus grande tolérance et la charité. Je crois que le point de vue de mes électeurs est à l'image de celui de la plupart des Canadiens.
On parle du conflit en Bosnie en termes abstraits, mais de façon plus concrète, les combats couvrent une superficie de 178,000 kilomètres carrés, soit l'équivalent d'un territoire qui s'étendrait de la limite nord d'Edmonton jusqu'au sud de Calgary. Il y a plus de personnes déplacées dans la région touchée que d'habitants dans les villes d'Edmonton et de Calgary réunies, soit plus de 1,6 million de personnes. Ces chiffres bouleversants devraient nous convaincre que nous ne pouvons pas nous cantonner dans l'indécision alors que les combats se poursuivent, des familles sont dispersées, des enfants sont tués ou deviennent orphelins, et que de plus en plus de gens en viennent à accepter la haine et l'intolérance comme un mode de vie.
Étant moi-même d'ascendance croate, je suis extrêmement sensible à la question, dont j'aimerais vous parler aujourd'hui. Ma mère est née dans un petit village situé tout près de Zagreb. Plusieurs membres de ma famille y vivent encore. Ils sont âgés et ne souhaitent pas quitter leur foyer. En cela, ils sont tout à fait représentatifs des gens qui vivent encore sur place.
Les femmes et les enfants ont déjà été évacués mais les hommes, époux et pères, sont restés pris dans l'engrenage de la guerre. Ni vous ni moi ne pouvons nous imaginer à quoi ressemble l'existence dans ce village.
Il m'est difficile de croire que des membres de ma famille, qui vivent suffisamment près du théâtre des hostilités pour pouvoir entendre tomber les obus, c'est-à-dire à une distance d'environ dix kilomètres, en soient venus à se dire que la guerre n'est pas trop près et qu'ils se débrouillent tant bien que mal.
Je disais plus tôt que les Canadiens se considèrent comme une nation qui recherche des solutions pacifiques et estiment qu'ils font preuve de tolérance et de charité les uns envers les autres. Il s'agit maintenant de mettre ces vertus à contribution afin de définir notre ligne de conduite au sujet de ce conflit particulièrement brutal et impitoyable. Cela dit, alors que je réfléchissais à ce que j'allais dire ici aujourd'hui, il me revenait constamment à l'esprit trois questions, dont nous devrons tenir compte dans la décision que nous prendrons.
Premièrement, est-ce que les parties au conflit sont déterminées à se détruire mutuellement? Deuxièmement, une intervention assurera-t-elle une paix durable? Troisièmement: le Canada est-il prêt à voir des soldats canadiens se faire tuer dans un conflit qui semble vouloir s'éterniser?
En ce qui concerne la question de savoir si les parties au conflit sont déterminées à se détruire mutuellement, il semble bien que la réponse soit oui. Tandis que les démarches diplomatiques pour mettre fin à la guerre se poursuivent sans succès, la tuerie continue avec la même intensité. Les habitants sont réduits à un mode de vie rudimentaire, n'ayant ni électricité ni eau courante. Les voisins et les amis d'autrefois sont devenus, du jour au lendemain, d'impitoyables ennemis. Les Serbes tuent les musulmans bosniaques et les Croates, les Croates tuent les musulmans et parfois les Serbes, et les musulmans tuent tous ceux qui les attaquent. Je ne peux imaginer qu'on puisse rester objectif quand on vit en plein centre de ce carnage.
(1320)
Maintenant, une intervention permettra-t-elle d'instaurer une paix durable L'objet même de notre débat crée nécessairement une certaine tension parce que nous avons l'obligation légale et morale d'intervenir dans la région. Donc, allons-nous intervenir? Si nous intervenons sans faire d'intervention parallèle pour tenter de mettre fin au conflit, jusqu'à quel point sommes-nous prêts à en accepter les conséquences? Sommes-nous prêts à voir les soldats canadiens mourir dans une mission d'aide humanitaire à la région?
Le Canada a toujours, en tant que signataire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, joué un rôle de chef de file en matière de responsabilités internationales. Les Canadiens en sont très fiers, et avec raison. Nous remplissons nos obligations internationales de diverses façons.
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Entre autres, nous envoyons des militaires très compétents et expérimentés dans les zones de combat, où ils soignent les malades et les blessés et nourrissent ceux qui ont faim. Nous offrons aussi le refuge, ici-même, au Canada, à un grand nombre de personnes désireuses de fuir les combats.
Sur la question de l'intervention, j'en arrive à dire que je ne crois pas que notre aide humanitaire puisse le moindrement faire pencher la balance.
La dernière question que je me pose, c'est si nous sommes prêts, en tant que nation, à regarder nos soldats mourir dans cette guerre apparemment interminable.
On dit que nos militaires sont chargés du maintien de la paix et de la pacification. Comme c'est dérisoire quand il n'y a pas de paix à maintenir et aucun moyen de la rétablir. Je reconnais que nos soldats apportent de l'aide nécessaire à des centaines de milliers de civils, mais ils assurent la même aide aux factions en guerre. Ce faisant, ils alimentent indirectement la guerre. Dans nos fonctions humanitaires, nous en sommes réduits à assurer sans fin la survie d'une organisation meurtrière. Ferions-nous donc plus de mal que de bien en assurant une présence dans cette région?
Je suis personnellement incapable d'accepter que même un seul soldat canadien soit sacrifié dans cette guerre. Ce n'est pas que nous ayons peur ou que cela nous laisse indifférents, mais je ne peux approuver qu'on envoie des Canadiens se faire tuer là où personne ne peut gagner.
Je crois que les mesures que prendra notre gouvernement peuvent conférer au Canada un rôle important en tant que grand défenseur du sens moral et de la paix mondiale.
[Français]
En terminant, je crois sincèrement que notre action permettra au gouvernement du Canada de jouer un rôle de premier plan et aussi de faire preuve d'un autre leadership dans la défense de la paix mondiale.
[Traduction]
Pour ce faire, il faut établir un plan de paix fondé sur une volonté politique mondiale de mettre fin à la guerre. Nous voulons une intervention des milieux diplomatiques et rien de moins qu'un ultimatum sommant tous les agresseurs de négocier un traité de paix.
Les événements dont nous avons été témoins en Bosnie nous ont amenés, en notre âme et conscience, à une conclusion inévitable. Je crois que nous ne pouvons maintenir notre présence là-bas, dans l'état actuel des choses. Nous avons une chance d'ouvrir la voie en demandant que la paix soit établie et en quittant la région si l'on n'accède pas à notre demande.
(1325)
[Français]
M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes): Monsieur le Président, j'ai écouté ma collègue avec attention et une certaine émotion; une certaine émotion parce que j'ai moi-même vécu une intervention de l'ONU pendant quatre ans au Congo, de 1961 à 1965, et que j'ai eu l'heureuse chance de ne pas y laisser mes os.
D'autre part, je félicite ma collègue pour sa préoccupation quant à la question de savoir si nos soldats doivent ou non risquer leur vie. J'estime que cette question en pose une autre, très technique, dont d'ailleurs je ne connais pas la réponse. Mais je pose la question, espérant de ce débat qu'il m'éclairera là-dessus. Devons-nous ou ne devons-nous pas demander à l'ONU d'élargir le droit de nos soldats de se défendre en cas d'agression, le droit de riposte risquant d'aller loin et incluant aussi des patrouilles qui peuvent nous attirer l'inimitié des populations et provoquer une interprétation de notre rôle qui serait fausse parce que ce serait un acte agressif, bien évidemment, que de riposter?
Si nous disons qu'il convient d'élargir ce droit de défense, nous risquons d'une certaine manière la vie de nos soldats parce que toute riposte comporte des risques. Si nous disons qu'il ne faut pas élargir ce droit de riposte, nous risquons la vie de nos soldats d'une autre manière parce qu'on les laisse sans défense face à des actes agressifs.
[Traduction]
Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. J'ai une ou deux choses à dire. Comme lui, je ne suis pas technocrate. Le député a bien dit qu'il serait très difficile de répondre à sa question.
Je dois dire qu'en raison de mon origine, j'ai eu beaucoup de mal à rédiger ce discours. J'y ai mis mon coeur et mon intellect. J'ai formulé des questions auxquelles je m'estime capable de répondre. J'estime que c'est à la communauté diplomatique de prendre une décision concernant les questions que vous avez soulevées.
M. John Cannis (Scarborough-Centre): Monsieur le Président, c'est plus une observation qu'une question que j'aimerais adresser à la députée.
Elle a dit que nous ne pouvions rester là-bas. Nous devons rétablir la paix et partir. Mais pour rétablir la paix, nous devons passer davantage de temps à comprendre la région et ses habitants.
Hier, j'ai assisté à la séance d'information offerte par des militaires qui nous ont dit qu'eux aussi ne savaient pas toujours ce qui se passait, que les médias donnaient sans cesse des versions contradictoires des événements. Hier soir, j'ai regardé une émission à la télévision, je ne sais plus trop sur quelle chaîne, qui faisait état de la persécution et de la purification ethnique en cours. Je ne sais qui croire, que croire, quel journal lire, c'est très déroutant.
Il ne fait aucun doute que nous sommes tous en faveur de la paix. Le député de Kamloops a dit un peu plus tôt que c'était pays contre pays, nation contre nation, région contre région, et les Grecs contre les Macédoniens. J'aimerais faire remarquer que nous nous devons de présenter l'information telle que nous la recevons.
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Si nous citons certaines résolutions des Nations Unies reconnaissant l'ancienne république yougoslave de Macédoine, nous devons nous en tenir aux termes de ces dernières tels qu'adoptés par les Nations Unies et auxquels les deux parties ont souscrit. Autrement, nous ne faisons que jeter de l'huile sur le feu.
L'autre jour, à la rubrique des sports, j'ai lu qu'on était en train de constituer les groupes qui participeront l'an prochain aux différents championnats européens; le journaliste disait que la Grèce ferait partie de tel groupe, la Macédoine de tel autre. Je pense que nous devons nous efforcer de présenter les faits tels qu'ils sont lorsque nous parlons de l'ancienne république yougoslave de Macédoine.
(1330)
M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je suis honoré de me lever pour prendre part au débat d'aujourd'hui et ce, pour diverses raisons.
Tout d'abord, je crois qu'en encourageant la tenue d'un tel débat si tôt dans la 35e législature, le premier ministre rend hommage à nos gardiens de la paix et au genre d'opérations où le Canada est passé maître depuis quelques années.
Ensuite, je voudrais souligner que. . .
Le président suppléant (M. Kilger): Je regrette de devoir interrompre le secrétaire parlementaire. À lui et à tous les députés, je demande un peu d'indulgence. J'ai fait une erreur, car le Parti réformiste a demandé plus tôt de pouvoir répartir son temps en périodes de dix minutes pour le discours et de cinq minutes pour les questions et observations.
Je voudrais, avec votre consentement, donner la parole au député de Nanaimo-Cowichan. Je prie le secrétaire parlementaire de bien vouloir m'aider.
M. Mifflin: Monsieur le Président, comme j'ai moi-même oublié de vous féliciter pour votre nomination, je crois que je devrais me racheter en cédant la parole au Parti réformiste.
Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie le secrétaire parlementaire.
M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): Monsieur le Président, je n'ai pas protesté quand vous avez par erreur donné la parole à M. Mifflin, parce que c'est un homme que je connais et que j'estime depuis des années; j'étais donc disposé à entendre son intervention. Je n'ai donc qu'à exercer ma patience.
Je passerai très brièvement sur les observations d'usage d'un premier discours, pour pouvoir accorder plus de temps au débat sur la question du maintien de la paix.
[Français]
Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. Parent pour son élection en tant que Président de la Chambre des communes ainsi que vous féliciter pour votre propre nomination en tant qu'adjoint. Pour moi, c'est une petite victoire pour la démocratie, que l'on améliore peu à peu.
[Traduction]
Je remercie également ma femme Paula, pour l'appui qu'elle me donne inlassablement depuis 40 ans et, en particulier, pour l'aide qu'elle m'a apportée ces deux dernières années.
Rendu à ce point, un député décrit habituellement sa circonscription. Je dirai simplement que si j'embellissais toutes les descriptions des circonscriptions qui ont été données jusqu'à maintenant à la Chambre, je donnerais une bonne idée de celle de Nanaimo-Cowichan. C'est un coin de pays qui offre une vue splendide des tranquilles îles du Golfe qui se découpent sur le paysage sauvage et accidenté de la côte ouest, juste en face de l'île de Vancouver.
Je remercie mes électeurs de Nanaimo-Cowichan qui m'ont fait l'honneur de pouvoir les représenter à Ottawa. Je vais les aider à comprendre ce qui s'y passe, dans la mesure où je comprendrai moi-même, et surtout, je vais défendre leurs intérêts à Ottawa et non ceux d'Ottawa auprès d'eux.
J'en arrive maintenant à la question d'aujourd'hui, qui concerne le maintien de la paix et, en particulier, la situation dans l'ancienne Yougoslavie. Qu'est-ce que mes électeurs pensent de cette question? Je crois exprimer l'opinion des habitants de Nanaimo-Cowichan, et celle de nombreux Canadiens, en disant: Nous sommes fiers du travail accompli par les casques bleus canadiens. Nous sommes très fiers des troupes qui se chargent aujourd'hui de maintenir la paix, y incluant le bataillon du Royal 22e Régiment de Valcartier.
Or, il semble que le Canada piétine actuellement parce qu'à l'échelle internationale, il manque de leadership et de volonté politique.
(1335)
Il semble aussi que nous n'ayons pas le personnel nécessaire pour nous acquitter adéquatement de toutes nos obligations actuelles. Par conséquent, la révision proposée par le gouvernement des politiques liées aux affaires étrangères et à la défense est tout à fait à-propos et souhaitable. Nous devons déterminer si nos activités de maintien de la paix sont conformes à ces politiques, ou si les politiques en question doivent être modifiées.
Mes électeurs perçoivent la situation en Bosnie comme l'aboutissement de siècles d'hostilité liée à des différences religieuses et ethniques. Il ne semble pas y avoir de façon de mettre fin à cette haine. Cela dit, les Canadiens sont conscients qu'une telle hostilité ne se manifeste pas uniquement dans les Balkans. Il s'agit d'un problème mondial qui entraîne des atrocités et des guerres. La communauté internationale doit par conséquent trouver de meilleures solutions. À cet égard, les Nations Unies, l'OTAN et la Communauté européenne ne sont pas perçues comme étant efficaces.
Le ministre des Affaires étrangères a mentionné ce matin qu'il avait eu des discussions avec ses homologues de France et de Grande-Bretagne; il serait utile pour la Chambre de connaître la portée exacte de ces discussions. J'aimerais vraiment savoir ce que pensent et ce que font ces deux pays. De même, quel est le
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point de vue des membres de la Communauté européenne face à cette terrible situation dans l'ancienne Yougoslavie?
La perception de mes électeurs est que des soldats canadiens qui s'efforcent d'apporter leur aide sont parfois humiliés dans le cadre de cet exercice. Cette situation en choque beaucoup et certains vont même jusqu'à dire qu'il faut rapatrier les membres de notre force de maintien de la paix. Par ailleurs, d'aucuns font valoir que nos troupes empêchent de nombreuses atrocités d'être commises dans leur secteur et favorisent la prestation d'une aide humanitaire. Par conséquent, certains sont d'avis que nous devons demeurer sur place, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires. Ces points de vue de mes électeurs semblent correspondent à ceux de l'ensemble des Canadiens.
Outre l'opinion des habitants de ma circonscription, il y a d'autres facteurs dont il faut tenir compte en ce qui a trait à la Bosnie où, contrairement à la Croatie, il n'y a même pas d'accord de paix à préserver. Il ne semble pas qu'il y ait de solution à la situation, si l'attitude des combattants ne change pas. En effet, si la situation demeure la même, les forces de maintien de la paix pourraient devoir demeurer sur place indéfiniment.
Une autre considération est le fait que le retrait de cette force pourrait entraîner un génocide et d'autres atrocités. Le retrait complet de la force de maintien de la paix pourrait aussi provoquer une guerre puisque certains pays voisins tels que l'Albanie, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, la Grèce, et les anciens États russes pourraient intervenir pour aider une faction ou l'autre.
C'est dans ce contexte que se situe notre rôle de parlementaires. Nous devons d'abord écouter nos électeurs. Ensuite, nous devons réévaluer sans tarder nos politiques en matière d'affaires étrangères et de défense, comme le gouvernement a dit qu'il allait le faire. Troisièmement, nous devons tenir les Canadiens informés; enfin, nous devons, à titre de parlementaires, faire preuve d'initiatives pour trouver une solution.
Je pense qu'il est essentiel que nous fassions preuve de leadership si nous voulons espérer trouver une solution. Nous, les députés de la Chambre des communes, devons prendre l'initiative, et le Canada, en tant que pays, doit en faire autant sur la scène internationale.
(1340)
Si le statu quo est inacceptable, nous devons effectuer des changements. Il faut contraindre les protagonistes en Bosnie à s'asseoir à la table de négociation et à y rester jusqu'à ce qu'ils échafaudent un plan de paix dont l'application pourra être supervisée par d'autres. Le Canada ne peut provoquer ce changement tout seul, mais la communauté internationale le peut sûrement.
Par conséquent, je suis d'avis que le Canada doit se servir de sa crédibilité et de son prestige en tant qu'intervenant dans les activités de maintien de la paix, de façon à assurer le leadership nécessaire. Toutefois, nous devons d'abord discuter avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, puis avec l'OTAN et ses associés, ainsi que les Nations Unies. Il faut insister pour que, collectivement, nous adoptions une stratégie qui forcera l'adoption d'un plan de paix par les combattants. Si cela n'est pas possible, alors le Canada devrait envisager de se retirer de l'ancienne Yougoslavie.
Je termine en revenant sur les propos de mon collègue, le député de Saanich-Les Îles-du-Golfe, portant que d'autres pourparlers de paix sont prévus à Genève le 10 février.
Le Canada doit prendre l'initiative en tenant une conférence ici à Ottawa avant cette date. Les participants seraient tous les pays représentés au sein des forces de maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie. Il faudrait que cette conférence, d'elle-même ou par l'entremise des Nations Unies, lance un ultimatum clair aux belligérants, à savoir que ceux-ci doivent s'entendre sur un plan de paix applicable, ou, autrement, accepter le retrait des forces des Nations Unies. Si les participants à cette conférence ne pouvaient s'entendre sur cet objectif et réaliser des progrès concrets pour ce qui est de rétablir la paix en Bosnie, le Canada devrait alors annoncer son intention de se retirer à la fin de son engagement actuel, soit en avril.
M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'intervenir à la Chambre depuis les dernières élections et je voudrais vous féliciter pour votre nomination à la Présidence. Je vous connais depuis assez longtemps pour savoir que vous ferez l'impossible pour défendre les intérêts de tous les députés, peu importe leur allégeance politique, y compris même les indépendants.
Le député d'en face a très bien su résumer son opinion sur le rôle du Canada dans les missions de maintien de la paix et la situation dans l'ex-république yougoslave qu'est la Bosnie, l'État souverain de la Bosnie.
J'ai, moi aussi, de nombreux électeurs qui m'ont fait part de leur opinion à ce sujet, puisque je représente la circonscription de Dartmouth où vivent de nombreux employés du ministère de la Défense nationale. Nous avons Shearwater dans notre région. De nombreux membres de la Marine canadienne vivent dans ma circonscription. Je peux vous dire que le rôle du Canada en tant que gardien de la paix est leur plus grande préoccupation.
J'ai un frère qui revient tout juste d'une mission peut-être un peu moins difficile, mais néanmoins en dangereuse, au Cambodge où des forces de l'ONU observaient le déroulement des élections.
Pour revenir aux commentaires de mon collègue, il ne fait aucun doute que la population du Canada appuie fortement le rôle historique et de premier plan que joue notre pays pour maintenir la paix dans le monde. Même en période de récession, au moment où nous tentons de trouver les moyens de subventionner les services essentiels auxquels s'attendent les Canadiens, la population canadienne appuie grandement, en général, les efforts que les hommes et les femmes membres de nos forces armées canadiennes ont déployés à l'étranger.
Cependant, la mission en Bosnie est différente des opérations auxquelles nous avons participé par le passé. De toutes les missions de maintien de la paix auxquelles nous avons été associés, celle en Bosnie se distingue par le fait suivant. Tous s'entendent pour dire qu'il n'y a pas de paix à maintenir là-bas. Les belligérants, les deux camps les plus agressifs, n'ont pas accepté les résultats du référendum tenu en Bosnie. Le camp serbe a clairement laissé entrevoir, de par les gestes qu'il a posés au cours de la dernière année, que, même s'il louait du bout des lèvres les efforts effectués par les Nations Unies pour bâtir une
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certaine paix, il n'était pas prêt à négocier de bonne foi avec les forces dépêchées sur son territoire.
Les gens de ma région ont été saisis du problème, tout comme les habitants de la circonscription de mon collègue. Même si mes électeurs veulent que le Canada continue de jouer son rôle, ils sont convaincus que le manque de détermination des Nations Unies qui n'ont pas donné suite aux menaces énumérées dans les résolutions qu'elles ont adoptées a clairement fait du tort à nos casques bleus. Chaque fois que les Nations Unies servent un avertissement à l'un des camps ou à tous les camps en présence, elles n'y donnent pas suite.
(1345)
Enfin, comme dernière observation sur l'intervention du député, je tiens à dire que les habitants de Dartmouth s'inquiètent, eux aussi, de la situation. Même s'ils sont fiers du rôle traditionnel de gardien de la paix que joue le Canada, ils se demandent si le gouvernement fédéral ne devrait pas, dans ce cas-ci, veiller à ce que la paix règne avant d'envoyer ses troupes la maintenir. Il arrive parfois que la paix ne soit pas au rendez-vous.
M. Ringma: Monsieur le Président, comme il est évident que le député partage mon avis et que ses électeurs partagent l'opinion des miens, je n'ai rien à ajouter.
Le président suppléant (M. Kilger): Il reste deux minutes à la période des questions et des observations, deux minutes qui pourront, du moins je l'espère, être divisées entre une question et une réponse.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je m'efforcerai d'être bref.
Je tiens à dire combien me préoccupe la position des réformistes, y compris le député de Calgary-Sud-Est qui a dit que, quoique fassent les soldats canadiens, ils n'influeront en rien sur la situation. Nos soldats jouent un rôle fort important en assurant le passage de l'aide humanitaire et, certes, en contribuant à sauver des vies.
Ma question est très simple. Au lieu que les soldats canadiens et les troupes des Nations Unies décident de quitter cette région troublée de la Bosnie et de la Croatie et compte tenu de l'échec des plans de paix, jusqu'à maintenant, à cause surtout de l'intransigeance des Serbes de Bosnie, le député et ses collègues seraient-ils disposés à envisager une autre possibilité, à savoir que les Nations Unies se décident enfin à accorder aux troupes qui sont là-bas le pouvoir dont ils ont besoin et qu'ils demandent par l'intermédiaire de leurs commandants pour faire régner la paix et mettre un terme au cycle des massacres et de la destruction?
Serait-il d'accord pour qu'on modifie les règles de la participation des Nations Unies et pour qu'on renforce cette position de telle sorte que prenne fin le cycle actuel des massacres et de la destruction, à tout le moins dans les six régions protégées de la Bosnie?
M. Rigma: Monsieur le Président, je remercie le député de Burnaby-Kingsway.
Je serais d'accord au moins pour que les Nations Unies examinent la possibilité de modifier les règles afin que nos troupes soient convenablement protégées.
Ce que le député ne comprend pas, je crois, c'est que, comme il n'y a pas d'accord de paix en Bosnie, il faudrait y envoyer des dizaines de milliers de soldats pour y faire régner la paix. Voilà ce que d'autres et moi-même essayons de faire valoir. Il faut d'abord amener les factions qui s'affrontent en Bosnie, et non dans l'autre partie de la Croatie, à négocier un plan. Il faut un plan avant de pouvoir parler de paix.
M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, ce que j'ai dit tout à l'heure tient toujours.
Je vous félicite et je tiens à dire que je suis heureux de prendre la parole dans le débat. Nous rendons aujourd'hui hommage à nos militaires qui participent à des missions de maintien de la paix, voire à l'ensemble de l'armée canadienne et à notre institution parlementaire où les députés peuvent exprimer leur point de vue sans craindre d'être réprimandés par leur whip et par les dirigeants de leur parti.
D'après les députés entendus jusqu'à maintenant, je peux dire que le débat est de haut niveau et qu'il n'est pas teinté d'esprit de parti. Les Canadiens s'attendent certainement à ce qu'il en soit ainsi tout au long de cette trente-cinquième législature.
Je ne pourrai pas m'en tenir à ce que j'avais prévu à l'origine. Je m'efforcerai de terminer avant le début de la période des questions, à 14 heures, mais il se pourrait que j'empiète un peu sur cette période.
Je veux expliquer brièvement pourquoi le Canada est devenu expert des missions de maintien de la paix et pourquoi le maintien de la paix est devenu le type d'intervention privilégié. Nous pouvons nous arrêter aux facteurs qui ont fait évoluer les choses dans ce sens. Peut-être pourrions-nous aussi examiner l'avenir des missions de maintien de la paix et énoncer quelques règles de base qu'il faudrait peut-être adopter. Nous participons en ce moment à un type particulier de mission.
(1350)
Les missions de maintien de la paix ont débuté, je crois, pendant la Guerre froide, lorsque la plupart des missions de l'ONU étaient paralysées, sauf celles de maintien de la paix dans les régions qui présentaient peu d'attrait pour les superpuissances et dans celles où les intérêts d'une superpuissance étaient menacés.
291
Je crois que notre première mission d'importance a été l'envoi d'observateurs au Cachemire en réponse à une demande de l'ONU, en 1949. Cette région occupe une position stratégique entre l'Inde et le Pakistan. Après quelques négociations, le Canada avait accepté d'envoyer quatre observateurs provenant de l'armée. L'année suivante, le nombre d'observateurs canadiens passait à huit et il ne provenaient plus des rangs de la milice, mais de l'armée régulière. Je crois que c'était le début du maintien de la paix.
Nous étions alors à la fin des années 1940 et nous participons encore aujourd'hui à ces missions. Peu après, nous avons été membre de l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve au Moyen-Orient, ONUST. Nous sommes toujours là.
En 1954, le Canada a pris part à la Commission internationale de contrôle en Indochine et même si les motifs de notre présence ont changé, nous sommes toujours là.
En 1956, la participation du Canada aux missions de maintien de la paix a pris une nouvelle ampleur avec le début de la crise de Suez. L'intervention d'un Canadien réputé, le très honorable Lester Pearson, alors ministre des Affaires extérieures, est bien connue. Nous sommes restés sur place tant que nos militaires n'ont pas été expulsés par M. Nasser, en 1967.
Notre gouvernement a envoyé un bataillon à Chypre en 1964 pour une mission qui devait durer six mois: elle a duré 30 ans. Comme l'a souligné le ministre de la Défense nationale, nous avons encore des soldats en mission de maintien de la paix à Chypre. Il ne s'agit pas du bataillon du début, mais de dix membres des forces armées.
Nous avons donc pris part à 44 missions de maintien de la paix et, si nous excluons la Corée, nos pertes de vies s'élèvent malheureusement à 98 parmi les 100 000 jeunes hommes et jeunes femmes qui ont participé à ces missions. Il faut aussi se demander comment le Canada s'est acquis la réputation qu'il a dans ces missions. Est-ce parce que les Canadiens sont des doux? Est-ce en raison de la nature de nos forces armées? Est-ce parce que nous avons d'énormes intérêts à défendre sur la scène mondiale? Est-ce parce que nous sommes une puissance moyenne?
Je ne crois pas qu'il y ait une réponse simple. Il faut examiner chaque mission individuellement. Nous sommes allés à Chypre parce que nous sommes un pays membre de l'OTAN et que l'OTAN s'est interposé entre deux pays membres. Nous avons fait partie de la Commission internationale de contrôle au milieu des années 50 parce que nous étions une démocratie de l'Ouest.
Je suppose que nous avons participé aux opérations au Moyen-Orient parce que nous avons fait preuve de professionnalisme durant les deux guerres mondiales et parce que nous avons des forces d'usage général facilement déployables qui sont fortes sur le plan logistique, qui jouissent d'une bonne réputation et qui sont capables d'intervenir dans ce genre de situation. Tout au long de notre participation à ces 44 opérations, le succès d'une d'entre elles nous menait tout de suite vers la suivante. Dès qu'on avait besoin de forces de maintien de la paix dans une région troublée du monde, qui appelait-on? Le Canada.
Jusqu'à il y a quelques années, ces opérations auxquelles nous participions avaient un point en commun, même si elles n'étaient pas toutes exactement pareilles. Il s'agissait de missions de maintien de la paix dans le sens où nous devions faire de la surveillance, sauf peut-être dans le cas du Congo belge, qu'on a déjà mentionné, et de la Corée évidemment. Ces opérations sont devenues acceptables pour les Canadiens parce que nous étions utiles en tant qu'armée et en tant que pays. Nous accomplissions quelque chose de bien. Nous contribuions à faire du monde un endroit où il fait mieux vivre. Nos militaires sont devenus des experts dans le domaine du maintien de la paix, et ces opérations sont devenues acceptables, à quelques exceptions près, pour tous les partis politiques.
(1355)
Toutefois, il y a quelques années, lorsque la guerre froide a pris fin, lorsque le mur de Berlin est tombé et lorsqu'un pays étranger a essayé d'envahir un autre pays souverain-et je veux parler ici de la guerre du Golfe-les règles du jeu ont changé. Après un débat à la Chambre des communes, le Canada a décidé de participer à la guerre du Golfe, même si les Canadiens n'étaient pas tous d'accord.
Après la guerre du Golfe, la situation a changé. Tout d'abord, la définition du maintien de la paix ne se limitait plus à la surveillance. Elle comprenait-et je vais employer des termes simples-l'établissement de la paix, ce qui comporte des mesures d'exécution; elle comprenait l'aide humanitaire, qui consiste à nourrir les gens et à protéger des vies; et elle comprenait d'autres genres d'opérations, comme au Cambodge où il fallait aider à diriger le pays jusqu'à ce qu'un gouvernement soit en place.
D'autres choses se sont produites également. Le pouvoir des Nations Unies a changé dans ce qu'on a appelé le «nouvel ordre mondial» et ce que beaucoup d'entre nous à la Chambre aujourd'hui avons décrit comme étant plutôt le «désordre mondial».
Tout cela a-t-il un impact sur le nombre d'opérations auxquelles nous participerons et sur l'intensité de ces opérations? Je crois que la réponse est oui. À mon avis, nous verrons un accroissement des besoins en matière de maintien de la paix dans le sens général du terme. Nous verrons une augmentation de l'intensité des opérations et une augmentation de la nécessité pour des pays comme le Canada d'intervenir dans les affaires d'autres pays.
Je dis cela parce que, dans les 179 pays qui forment le monde aujourd'hui, on compte 4 000 langues. Soixante de ces pays ont une population inférieure à 1 million, et 40 ont une population inférieure à 200 000. Ce qui est plus important encore-et je crois que c'est ce qui donne le plus de force à mon argument-c'est que moins de 10 p. 100 de ces pays ont une population ethnique homogène, et moins de 5 p. 100 ont un groupe ethnique qui représente plus de 75 p. 100 de la population. Nous sommes donc témoins d'une explosion des nations qui sont désormais composées d'un ensemble de petits groupes ethniques et religieux.
Si on ajoute à cela le niveau peu élevé de tolérance à l'égard des différences religieuses, sociales et ethniques qui semble régner dans le monde aujourd'hui, je vous assure que nous allons voir une augmentation des besoins en matière de maintien de la paix.
Quelle devrait être la réponse du Canada? Notre réponse doit dépendre de ce que nous pouvons faire. Que pouvons-nous faire? Je commencerai par faire remarquer à la Chambre et à ceux qui nous écoutent que peu importe que nous restions, que nous participions ou non ou que nous nous retirions, cela n'aura jamais rien à voir avec la volonté des Forces canadiennes, car elles feront le travail qu'on leur aura demandé de faire.
Notre histoire garde le souvenir de la participation des Canadiens à une opération qu'il avait été jusque là impossible d'accomplir, et je veux parler de la bataille pour la crête de Vimy. En tant que Terre-Neuvien, je rappelle ici l'action héroïque du Royal Newfoundland Regiment en 1916, lorsque presque tous les membres du bataillon ont été fauchés en l'espace de quelques heures. Aussi, monsieur le Président, qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agira pas d'un retrait si nous ne voulons pas rester.
Nous devons cependant tenir compte de certaines des règles de base. La capacité de l'ONU à contrôler ce qui se passe au niveau de la direction de ces opérations, au niveau du commandement et du contrôle de ces opérations, a-t-elle changé? Les mandats ont-ils été clairs? Je me rappelle un discours, dont beaucoup d'entre nous doivent se rappeler également, que le général MacArthur a prononcé au Congrès à son retour de Corée, et plus spécialement la fin de son discours où il célébrait l'esprit de corps.
Je me rappelle un exposé que j'ai entendu lorsque j'étais jeune officier, de la bouche de celui qui est peut-être le père des missions de maintien de la paix, le général E. L. M. Burns, qui commandait les troupes envoyées au Moyen-Orient dans le cadre de notre première participation vraiment importante au maintien de la paix. S'il avait une expression consacrée, c'était bien: «Où est le mandat?» Sans mandat, nous ne pouvons rien faire. Sans mandat véritable des Nations Unies, ce que nous faisons peut ne pas être approprié. Ou peut-être pas accompli comme il faut. Notre action dépend du soutien que nous recevons, non pas seulement au Canada, mais du monde en général.
Je voudrais dire en terminant qu'avant d'intervenir en tant que pays dans le cadre d'une opération de maintien de la paix, nous devons bien vérifier en quoi consiste notre mandat. Quelle capacité l'ONU possède-t-elle pour commander et contrôler ses opérations en la matière? Nous pouvons nous interroger sur nos exigences à cause du genre de pays que nous sommes, à cause de notre constitution; il est dans notre intérêt de participer à toute activité qui contribue à accroître la stabilité dans le monde.
Il nous incombe également de veiller à ce que les missions que nous entreprenons ne compromettent pas les ressources de notre pays ni encore moins n'exposent nos jeunes hommes et nos jeunes femmes en uniforme à de plus grands périls que ceux que nous pourrions être tenus d'affronter en tant que pays souverain.
Le Président: Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés, aux termes de l'article 31.
_____________________________________________
292
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, ces dernières semaines, j'ai reçu un grand nombre d'appels et de lettres de Canadiens qui vantent les mérites du régime d'accession à la propriété devant prendre fin le 2 mars prochain.Dans une lettre récente à ce sujet, une agence immobilière locale fait état d'un sondage réalisé par l'Association canadienne de l'immeuble. D'après ce sondage, 86 p. 100 des acheteurs de premières maisons ont dit que le régime y avait été pour quelque chose dans leur décision d'acheter une maison. En outre, 80 p. 100 des répondants ont dit qu'ils estimaient impératif de rembourser d'abord leur RER, 41 p. 100 prévoyant le faire plus rapidement que ne l'exige le programme. Les auteurs de cette lettre ajoutent que, d'après les données de la SCHL, 26 p. 100 des acheteurs de maison se sont prévalus de ce programme en 1992.
Je souscris entièrement au régime d'accession à la propriété et j'exhorte le ministre des Finances non seulement à le prolonger, mais aussi à apporter à la loi les modifications qui s'imposent pour permettre aux acheteurs de maisons de s'en prévaloir en permanence.
En cette période d'austérité budgétaire, nous devrions justement envisager des programmes comme celui-là, des programmes qui ne coûtent rien au gouvernement ou aux contribuables.
* * *
[Français]
LA COMMUNAUTÉ SÉPHARADE DU QUÉBEC
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, j'ai participé, dimanche dernier, au Congrès de la communuaté sépharade du Québec. J'ai constaté que cette communauté en est une fort active, non seulement dans l'ensemble de la communauté juive du Québec, mais également dans toute la société québécoise.Les sépharades témoignent d'un engagement communautaire exemplaire pour tous les citoyens du Québec. La solidarité vivante au sein de cette communauté s'accompagne d'efforts incessants afin d'être partie prenante du Québec contemporain.
Les échanges et les débats qui ont eu lieu durant ce congrès ont permis de mieux connaître et conséquemment de mieux comprendre les différentes orientations politiques qui dominent la scène politique québécoise.
De telles occasions ne peuvent qu'enrichir la démocratie. Je remercie et félicite la communauté sépharade du Québec pour la tenue de telles manifestations.
293
[Traduction]
LE POÈTE ROBERT BURNS
M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour commémorer l'anniversaire de naissance de Robert Burns, le grand poète écossais né le 25 janvier 1759.Les Écossais du monde entier célébreront aujourd'hui la mémoire de ce grand homme issu d'une famille de pauvres paysans. Sa gloire littéraire se trouve célébrée dans les paroles d'une chanson écrite en son honneur plus d'un siècle après sa mort:
Des rois et des empires qui naissent et disparaissent, le monde en a vu beaucoup,
Mais l'étoile de Robbie Burns brillera toujours au-dessus d'eux.
* * *
[Français]
LA FORMATION PROFESSIONNELLE
M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le Président, la formation professionnelle est une des solutions importantes au problème du chômage, du recyclage des travailleurs plus âgés, voire de la pauvreté. Pourtant, c'est l'accès à cette formation que le gouvernement ontarien refuse à sa minorité francophone en ne lui permettant pas de participer pleinement au Conseil ontarien de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre. À cause de cette décision, des milliers de francophones en Ontario se voient privés de formation.(1405)
C'est pourquoi, lors du renouvellement de l'entente fédérale-provinciale en matière d'enseignement en mars prochain, le gouvernement fédéral doit tenir compte des graves lacunes du COFAM et de ses effets sur l'assimilation des francophones en Ontario et exiger du gouvernement ontarien qu'il crée un conseil de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre qui servira effectivement toute la population canadienne vivant en Ontario.
* * *
[Traduction]
LE RÉGIME ENREGISTRÉ D'ÉPARGNE-RETRAITE
Mme Beryl Gaffney (Nepean): Monsieur le Président, les REER sont des régimes de retraite autofinancés à l'intention des Canadiens ne bénéficiant pas de régimes de retraite du gouvernement ou d'un employeur.Permettez-moi de vous lire un extrait d'une lettre que m'a fait parvenir un résident de Nepean, M. Denis Deschenes. Il dit ceci:
J'ai 42 ans et je n'ai pas de régime enregistré de retraite d'un employeur. Mes revenus au moment de la retraite dépendront uniquement des sommes que j'aurai versées dans mon REER personnel et dans celui de ma conjointe; ma femme et moi voulons en effet éviter d'être à la charge de l'État au moment de notre retraite.
En voulant aujourd'hui modifier ce régime pour accroître ses recettes, le gouvernement commet une erreur monumentale et va à l'encontre du but recherché.
Je reconnais que notre pays est aux prises avec d'énormes difficultés financières, mais je n'accepte pas d'être pénalisé pour avoir travaillé durement et avoir été prévoyant financièrement. Le REER est le seul régime de pension dont nous disposions ma femme et moi.
Si le gouvernement veut imposer des restrictions à ceux dont les revenus futurs dépendent uniquement de leur REER, je lui recommande fortement de se montrer équitable et d'appliquer ces restrictions à tous.
* * *
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, je crois que mes observations sont un peu mieux chronométrées aujourd'hui. Je vais donc en profiter pour vous adresser mes meilleurs voeux dans l'exercice des lourdes et importantes fonctions que la Chambre vous a confiées. Je suis sûr que vous et les adjoints qui ont été nommés pour vous assister avez assez de jugement, de patience, de perspicacité et de bonne humeur pour supporter 200 députés néophytes. Nous ferons de notre mieux.Je voudrais parler brièvement d'une question importante pour tous les Canadiens, le développement durable. Le Livre rouge de notre gouvernement, Pour la création d'emplois-Pour la relance économique, dit que le développement durable suppose l'intégration des objectifs économiques et environnementaux.
L'ancien gouvernement conservateur faisait comme si la préservation de l'environnement et la création d'emplois étaient des objectifs diamétralement opposés. Je suis en complet désaccord. J'ai la conviction qu'il y a de nombreux avantages économiques, surtout à long terme, à retirer d'une intégration de la création d'emplois et de l'innovation technologique, d'une part, et de la protection de l'environnement, d'autre part. En fait, dans les décisions que nous prendrons à la Chambre. . .
Le Président: Comme le député a utilisé un peu de son temps pour tenir des propos flatteurs, nous devrons entendre la suite une autre fois.
* * *
[Français]
LE TRAIN À GRANDE VITESSE
M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, à la suite de l'annulation du contrat pour la construction d'hélicoptères à des fins militaires, le Bloc québécois a insisté à plusieurs reprises pour que l'argent ainsi économisé soit réinvesti pour l'implantation d'un TGV dans le corridor Québec-Windsor.En 1991, le groupe de travail sur le train rapide Québec-Ontario a reconnu la pertinence du projet et l'importance des multiples retombées économiques qui en résulteraient. Le groupe a mené de vastes consultations au cours desquelles la population a rappelé la nécessité de rendre les villes du corridor plus efficaces, si on veut qu'elles réussissent dans un marché compétitif.
Ce projet créerait 120 000 emplois, auxquels s'ajouteraient des centaines d'emplois hautement spécialisés et permanents, découlant des transferts technologiques et des ententes industrielles.
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Malgré cela, le premier ministre a déclaré à la presse que l'implantation d'un TGV ne faisait pas partie de ses priorités.
Nous sommes inquiets de l'indifférence du gouvernement devant un projet novateur, créateur d'emplois, qui valorise des technologies porteuses d'avenir et qui stimule la recherche et le développement technologique au Canada et au Québec.
* * *
[Traduction]
LA CONSOMMATION D'ALCOOL
M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, aujourd'hui, en lisant le Globe and Mail, j'ai été renversé par la manchette suivante: «Congé de maladie pour gueule de bois préméditée».Selon une décision rendue récemment en Ontario, il serait acceptable ou au moins tolérable de se prévaloir d'avantages sociaux parce qu'on s'est volontairement enivré.
Un employé de la Metro Housing Authority a décidé un vendredi qu'il aurait besoin d'un congé de maladie le lundi, prévoyant les effets d'une consommation excessive d'alcool pendant le week-end.
J'interviens à la Chambre parce que j'ai la certitude que ce n'est pas un cas isolé. Ce type d'abus n'est-il pas trop fréquent? Combien de temps encore les Canadiens qui travaillent dur devront-ils subir les conséquences financières de ce genre d'irresponsabilité sociale et de comportement capricieux?
(1410)
Par respect pour les Canadiens que cela scandalise, il faut bannir ces abus à tous les niveaux. Les citoyens honnêtes et travailleurs n'ont pas à être les victimes de ceux qui ont trop d'indulgence pour eux-mêmes.
* * *
L'ÉQUITÉ SALARIALE
M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, au cours de la législature précédente, la question des taux régionaux de rémunération au sein de la fonction publique fédérale a fait l'objet de deux motions d'initiative parlementaire que j'ai présentées à la Chambre. En fait, l'existence de taux régionaux de rémunération inéquitables a été à l'origine de la grève nationale des équipages de navires déclenchée en 1989 et continue d'être une pomme de discorde dans la fonction publique fédérale.Des milliers de fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans la région de l'Atlantique et qui exercent les mêmes fonctions que leurs collègues du centre et de l'ouest du pays sont moins bien rémunérés que ces derniers-dans certains cas, ils touchent jusqu'à 30 p. 100 de moins-simplement parce qu'ils ont choisi de vivre dans cette région.
Jeudi dernier, à la Chambre, le président du Conseil du Trésor a déclaré:
L'un des programmes auxquels le gouvernement tient le plus est justement l'équité salariale.Et il s'agit bien ici d'une question d'équité salariale. J'exhorte le président du Conseil du Trésor à prendre des mesures immédiates pour en finir avec cette pratique odieuse et discriminatoire des taux régionaux de rémunération.
* * *
LA YOUGOSLAVIE
Mme Jane Stewart (Brant): Monsieur le Président, le poème suivant a été lu par le caporal Stewart Lowe au Jour de l'An dans ma circonscription. Il a été écrit par son ami, le caporal Ron Hefferman, en l'honneur de leurs camarades qui ont été tués dans l'ancienne Yougoslavie.Il me semble que l'occasion se prête bien à ce que je vous en fasse lecture.
Ne nous oubliez pas
Nous qui avons quitté nos parents nos amis
Dans l'espoir qu'un jour nous soyons tous frères
Je prie pour que cessent un jour toutes les guerres
Et que d'autres ne subissent pas mon sort
C'était la dernière des guerres
Nous avait-on dit
Mais après soixante-seize longues années
Le Canada compte encore ses morts
Je suis un vrai Canadien, puissiez-vous comprendre
Que je n'ai qu'un seul espoir. . . Ne m'oubliez pas
En mourant au combat, j'ai cru que la guerre cesserait
Coiffé du béret bleu, j'ai donné ma vie pour la paix mondiale
Comme Michael, Ralph, John Zerpapolski
Et les milliers de soldats morts avant eux
Le 11 novembre, j'ai donné ma vie pour la paix, pas la guerre
Je suis un vrai Canadien, puissiez-vous comprendre
Que je n'ai qu'un seul espoir
Ne m'oubliez pas.
* * *
LA SEMAINE NATIONALE DE SENSIBILISATION AUX RISQUES DE BRÛLURE
M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton): Monsieur le Président, je profite de l'occasion pour presser tous les députés, et tous les Canadiens, d'offrir leur soutien à la Semaine nationale de sensibilisation aux risques de brûlure, qui se tiendra du 6 au 12 février.Les blessures causées par les brûlures constituent une des principales causes de décès accidentel au Canada, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées étant les plus exposés à ce genre de blessures. La plupart des blessures et des décès causés par des brûlures peuvent être évités par une sensibilisation et une éducation accrues.
Pour prévenir les brûlures, il faut promouvoir un plus grand usage des détecteurs de fumée, inciter les gens à établir un plan d'évacuation de leur logement et apprendre aux enfants à ne pas se cacher du feu. Grâce à la prévention par l'éducation, nous
295
pourrons sauver quantité de vies et épargner ainsi bien des souffrances aux gens.
Enfin, je voudrais remercier les membres du Shrine of North America ainsi que l'Association canadienne de sécurité-incendie des efforts qu'ils ont déployés pour soutenir la Semaine nationale et en faire la promotion.
* * *
[Français]
LA DÉMOCRATIE EN HAÏTI
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, j'aimerais vous remercier, au nom de tous les Canadiens et de tous les Québécois, d'avoir accueilli ici le président Aristide.De nombreux liens unissent nos deux communautés depuis longtemps et il n'est pas étonnant que de nombreuses personnes provenant d'Haïti aient choisi de vivre parmi nous.
Je suis certain qu'ils joignent aujourd'hui leur voix à la mienne pour souhaiter que le respect des droits de la personne et la démocratie soient rétablis le plus tôt possible en Haïti, et que le président Aristide revienne enfin diriger le pays, car lui seul a la légitimité démocratique de le faire.
* * *
[Traduction]
LE MAINTIEN DE LA PAIX
M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, puisque la nouvelle tradition réformiste est de faire des remarques constructives à la Chambre, je voudrais féliciter le gouvernement libéral d'avoir inscrit à l'ordre du jour un débat où les députés sont libres d'exprimer leurs opinions personnelles et, espérons-le, celles de leurs électeurs.J'ai confiance que cela pourrait créer un précédent, celui d'un gouvernement qui écoute ce qu'ont à dire les Canadiens avant de prendre de nouvelles mesures législatives. Étant donné que les groupes d'intérêts spéciaux qui savent se faire entendre et attirer l'attention semblent souvent fixer le programme du gouvernement, il serait bon que celui-ci maintienne sa nouvelle politique d'écouter ce qu'ont à dire les députés et les Canadiens ordinaires.
Les députés réformistes surveilleront de près les mesures que prendra le gouvernement au sujet du rôle que jouera le Canada dans le maintien de la paix, ainsi que de la future orientation de la politique et des opérations canadiennes dans ce domaine, afin de s'assurer que les mesures prises correspondront aux souhaits exprimés aujourd'hui par la majorité des députés.
* * *
LE HOCKEY
M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, les amateurs de hockey au Canada ont été déçus de ce que le conseil d'administration de la LNH ait en fait empêché la star des Maple Leaf de Toronto, Glenn Anderson, de faire partie de l'équipe canadienne de hockey qui participera aux Jeux olymiques le mois prochain. Le conseil d'administration a refusé d'examiner une motion proposée par le président des Maple Leaf, Cliff Fletcher, qui aurait permis à Anderson de représenter le Canada.(1415)
Les excuses invoquées par la LNH sont assez piètres si l'on considère que la LNH a permis à ses joueurs de participer aux Jeux olympiques par le passé.
Il n'est pas juste que les propriétaires de la LNH-pour la plupart des Américains-puissent imposer leur choix quant aux joueurs qui représenteront l'équipe canadienne de hockey aux Jeux olympiques. Le Canada devrait pouvoir présenter au monde ses meilleurs athlètes. Il faut ajouter, à la décharge de M. Anderson et de l'Association des joueurs de la Ligue nationale de hockey, qu'ils ne sont pas prêts à laisser tomber cette affaire. Il est temps que les amateurs de hockey au Canada disent à la LNH ce qu'ils pensent de son refus d'accepter Anderson dans notre équipe olympique.
Je demande au ministre responsable de la condition physique et du sport amateur d'organiser dès que possible une rencontre avec le commissaire de la LNH, Gary Bettman, afin de le convaincre de laisser M. Anderson participer aux Jeux olympiques avec les autres membres de l'équipe canadienne.
* * *
LA ONTARIO COALITION OF SENIOR CITIZENS' ORGANIZATIONS
Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à la Coalition of Ontario Senior Citizen's Organizations.Cette coalition de 56 organismes de l'Ontario, comptant au total 460 000 membres, a réussi a préparer un mémoire qui contient des recommandations et à le distribuer à tous les députés fédéraux. Ce mémoire est très bien écrit et expose très succinctement les craintes des personnes âgées. Je suis certaine qu'il sera très utile dans les discussions qui ont constamment lieu au sujet de notre population vieillissante.
Je souhaite à la coalition beaucoup de succès dans ses entreprises et je présente ce mémoire.
* * *
L'INDUSTRIE FORESTIÈRE
Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, le programme d'épandages aériens d'insecticide pour lutter contre la tordeuse du bourgeon d'épinette se poursuit au Nouveau-Brunswick depuis plus de 30 ans. Ce programme a réussi à minimiser les dommages aux arbres et a permis de conserver à l'industrie forestière du Nouveau-Brunswick sa viabilité à long terme et sa vigueur.La santé de l'industrie et des ressources forestières du Nouveau-Brunswick dépend d'une bonne protection contre la tordeuse du bourgeon d'épinette. Si l'on retirait l'enregistrement du Fenitrothion, pour ne dépendre que du Bt, les forêts du Nouveau-Brunswick seraient sérieusement menacées. Actuellement, nous n'avons qu'un produit réellement fiable, c'est le Fenitrothion.
Sur le plan opérationnel, le Bt n'en est encore qu'au stade expérimental.
L'industrie forestière est la plus importante du Nouveau-Brunswick.
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296
QUESTIONS ORALES
[Français]
LA CONTREBANDE DE CIGARETTES
L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il s'agit d'une question qui s'adresse au premier ministre.Il s'est produit hier, à Saint-Eustache, un événement très grave qui devrait inquiéter tout gouvernement responsable. Plus de 1 000 citoyens se sont délibérément et ouvertement dressés contre une loi qu'ils ont bravée.
Le premier ministre sait parfaitement bien pourquoi et quelles sont les raisons qui ont amené d'honnêtes citoyens à poser ce geste inacceptable. Ces gens sont excédés par l'inaction chronique du gouvernement fédéral et de la GRC à faire échec à la contrebande de cigarettes. Pis encore, le mouvement menace maintenant de s'étendre demain à la région de Sherbrooke. Autrement dit, le gouvernement fait face à un mouvement organisé de désobéissance civile.
Ma question est celle-ci: Est-ce que le premier ministre aurait oublié que son premier devoir est de faire respecter la loi?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons demandé à la Gendarmerie royale de faire respecter la loi et les dispositions sont prises pour la faire respecter. Des poursuites seront intentées contre ceux qui ne respectent pas la loi.
Entre-temps, j'ai eu l'occasion de discuter avec plusieurs premiers ministres provinciaux dont celui du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard pour pouvoir avoir un front commun pour pouvoir régler ce mal que je déplore, tout comme le chef de l'opposition. Nous espérons en venir à un accord dans les jours qui viennent, sinon, nous agirons de façon unilatérale. Mais j'espère que nous aurons l'appui de l'opposition.
L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, on se réfugie derrière d'éventuelles discussions et accords hypothétiques avec les provinces, alors que le pouvoir est entre les mains du gouvernement et que c'est lui qui a la responsabilité d'agir.
Je vais poser au premier ministre une question très simple qui est sur les lèvres de toute la population. Puisque l'identité des trafiquants et leurs agissements sont ouvertement connus depuis longtemps par tous, comment expliquer que le gouvernement fédéral et la GRC n'agissent pas immédiatement pour y mettre fin?
(1420)
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'apprends que la police a procédé à certaines arrestations au cours des dernières semaines. Si des députés de cette Chambre ont des noms précis de trafiquants, j'espère qu'ils auront la bonne conscience de citoyen de les transmettre à la police pour qu'elle puisse agir. Si l'honorable député connaît des trafiquants, c'est son devoir de soumettre ces noms à la police.
L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je suppose que le premier ministre a un écran de télévision dans son bureau. Il n'a qu'à regarder cet écran et il verra qui sont les responsables. De plus, tout à l'heure, il rejetait la responsabilité sur le dos des gouvernements des provinces, maintenant il la rejette sur le dos des députés de l'opposition. C'est lui le gouvernement, c'est lui le premier ministre, c'est à lui d'agir.
Je voudrais lui demander comment il peut s'attendre à ce que la population lui fasse confiance pour faire respecter la loi alors qu'un simple citoyen de Jonquière, au bout d'une heure de vente illégale de cigarettes, s'est fait arrêter, pendant que les trafiquants organisés poursuivent depuis longtemps, d'une façon systématique, des activités de contrebande illimitée. Ma question est la suivante: La justice, dans ce pays, a-t-elle deux poids, deux mesures?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la réponse est non.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général. Les contrebandiers professionnels de cigarettes, actifs depuis plusieurs mois, causent des préjudices importants aux propriétaires de dépanneurs et au Trésor public. L'inaction du gouvernement ne fait qu'empirer la situation et la manifestation de Saint-Eustache en constitue une preuve accablante.
Ma question est la suivante: Le solliciteur général nous a dit hier ne pas être intervenu directement afin de recueillir auparavant des preuves suffisantes. Je lui demande donc, si, aujourd'hui, il possède des preuves, non seulement pour Saint-Eustache, mais également pour Akwesasne, Kahnawake et Kanesatake?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, la question des preuves relève de la Gendarmerie royale et il n'appartient pas au solliciteur général de faire de telles décisions opérationnelles. Mais je désire informer la Chambre qu'au cours de l'an passé, la Gendarmerie royale a arrêté 3 500 personnes et a aussi saisi des dizaines de millions de dollars de contrebande de tabac. La GRC continuera de faire respecter la loi à travers notre pays.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Fort bien, monsieur le Président. Je demande donc au solliciteur général si la GRC lui a soumis des preuves que des contrebandiers agissent depuis plusieurs mois au vu et au su de tout le monde à Akwesasne, Kahnawake et Kanesatake? Et s'il en a, pourquoi n'agit-il pas?
297
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, il est vrai que jusqu'à maintenant, la GRC a donné la priorité à la lutte aux grands réseaux criminels qui font la contrebande du tabac. Comme je viens de le dire, il appartient à la GRC de soumettre des preuves au procureur de la Couronne et si les preuves sont convenables, on portera des accusations contre les gens impliqués.
* * *
[Traduction]
LA FISCALITÉ
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles que je tiens à féliciter de sa nomination. Je n'aurai pas besoin d'élever la voix pour faire valoir mon point de vue.Le ministre des Finances et d'autres ministres ont laissé entendre que le problème du gouvernement résidait dans les recettes et non dans les dépenses. Ces déclarations ont eu pour effet de susciter, surtout en Alberta, la crainte que le gouvernement n'envisage d'imposer une taxe sur les hydrocarbures aux producteurs et aux utilisateurs de combustibles fossiles.
En tant que ministre des Ressources naturelles et députée d'Edmonton-Nord-Ouest, fera-t-elle clairement valoir au ministre des Finances le caractère discriminatoire d'une telle taxe ainsi que les effets négatifs qu'elle pourrait avoir sur l'emploi dans le secteur pétrolier?
L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord et avant tout de remercier le député pour les bons mots qu'il a eus à mon endroit.
Pour ce qui est de sa question proprement dite, je la qualifierais de purement spéculative. Comme le député le sait, le ministre des Finances a entrepris un processus de consultation sans précédent. Aujourd'hui, il est à Toronto. Au cours de la fin de semaine, il sera à Calgary. Vous-même et les membres de votre groupe ont été invités à prendre part à ces consultations.
(1425)
Je me réjouis d'avance d'entendre samedi vos observations au sujet de la taxe sur les hydrocarbures.
Le Président: Je suis convaincu que la ministre voulait s'adresser à la Présidence.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai procédé de cette façon lorsque j'ai posé mes premières questions.
J'aurais une autre question à poser à la ministre des Ressources naturelles. Les mêmes spéculations qui laissent entendre que le gouvernement a un problème de recettes et non un problème de dépenses ont fait naître une autre crainte, celle de l'éventuelle abrogation par le gouvernement de la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique qui permet que les taxes payées par les entreprises privées soient remboursées à leurs clients, afin que ceux-ci soient traitées de la même façon que les clients des entreprises d'État qui ne paient pas ces taxes.
La ministre des Ressources naturelles et députée d'Edmonton-Nord-Ouest interviendra-t-elle avec fermeté auprès du ministre des Finances pour dénoncer les aspects discriminatoires de l'abrogation de cette loi et les conséquences négatives d'une telle mesure, surtout pour les consommateurs d'énergie, dans sa propre province?
L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, je voudrais dire au député de Calgary que je sais qu'il s'agit d'une question très importante.
Hier encore, on m'a fait des commentaires au sujet de cette mesure fiscale. J'en ai déjà discuté avec mes collègues du ministère des Finances et je sais qu'il sera tenu compte de mes observations dans le cadre du processus de consultation en cours.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais poser une autre question à la ministre. Il s'agit d'une question terrible pour un nouveau ministre.
Si, malgré ses interventions, le budget fédéral devait prévoir une taxe sur les combustibles fossiles ou l'abrogation de la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique, la ministre serait-elle prête à remettre sa démission?
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, je qualifierais la question du député de purement hypothétique.
Des voix: Bravo!
* * *
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, hier, à une question que j'adressais au premier ministre, son collègue, le ministre de la Défense, s'est empressé de se lever et de me fournir une réponse.Je voudrais le citer: «Je dois dire que la Sûreté du Québec se demande pourquoi une balise de la Défense nationale s'est déclenchée dans cette région, alors qu'il n'y a de toute évidence aucun avion porté disparu. La Sûreté du Québec enquête sur cette question.»
Ma question s'adresse au ministre de la Défense: Pourquoi ce dernier a-t-il déclaré en cette Chambre que la Sûreté du Québec enquêtait sur cette question, alors que ce midi, aux nouvelles de Radio-Canada, un porte-parole officiel de la Sûreté du Québec démentait formellement ces propos?
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, pour réaffirmer la réponse que j'ai donnée hier, un hélicoptère de recherche et de sauvetage a atterri près du secteur de Oka-Kanesatake afin de répondre à un appel de détresse émis par une balise de détresse.
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Un petit groupe s'est rassemblé près de l'hélicoptère; un individu s'est approché de l'équipage et a informé celui-ci qu'il était la cible de tir d'armes à feu. Ces commentaires étaient informatifs et non menaçants.
[Traduction]
Ayant par la suite déterminé qu'il ne semblait y avoir aucun avion dans le secteur, nos forces ont décidé de quitter l'endroit. Étant donné l'instabilité qui règne dans cette région, elles ne voulaient pas provoquer d'autres incidents.
En ce qui a trait à la Sûreté du Québec, d'après les renseignements que j'avais quand je suis arrivé à la Chambre hier, la Sûreté et mes propres collaborateurs faisaient enquête sur cette question. Puisque le député en a parlé, j'irai certainement m'informer sur le déroulement de l'enquête, s'il y en a effectivement une. Mes collaborateurs examinent cette question.
Si j'obtiens d'autres renseignements, je les signalerai à la Chambre.
(1430)
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au premier ministre. Je voudrais lui demander bien simplement pourquoi lui et son gouvernement tentent de camoufler la gravité des événements qui sont survenus à Kanesatake?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Je ne pense pas, monsieur le Président, qu'on veuille cacher quoi que ce soit. Il y a eu un appel et les services de l'armée canadienne, comme toujours dans une telle situation, ont envoyé un hélicoptère pour se rendre compte si oui ou non un avion s'était écrasé dans ce territoire canadien. Ils n'en ont pas trouvé et sont retournés à leur base. Ils ont fait leur devoir et il n'y a pas eu plus d'incident que cela.
C'était leur devoir de se trouver là. Si certains n'étaient pas contents de voir un hélicoptère de l'armée canadienne sur la réserve, ils doivent réaliser que tout le territoire canadien est couvert par ces services pour tous les Canadiens, aussi bien à Oka que partout ailleurs au Canada.
* * *
[Traduction]
LE COMMERCE EXTÉRIEUR
M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international et porte sur les prochaines négociations commerciales bilatérales avec les États-Unis.Il semble y avoir un profond désaccord sur les règles commerciales qui auront la préséance: celles du GATT ou celles de l'ALENA? Le ministre a assuré aux Canadiens que ses conseillers juridiques sont convaincus de la primauté des règles du GATT sur celles de l'ALENA.
Le ministre peut-il produire, pour la gouverne de la Chambre et, surtout, des milliers d'agriculteurs canadiens, une copie de cet avis juridique?
L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je serais ravi de remettre cet avis au député.
M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa collaboration.
Cette situation ne se réglera probablement pas devant les tribunaux, mais plutôt dans le cadre de négociations politiques. Ma question supplémentaire est donc la suivante: Le ministre peut-il donner aux Canadiens l'assurance qu'on ne laissera pas de côté les producteurs de blé dur au cours de ces négociations?
L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, tout au long de nos discussions avec les États-Unis, qui ont été menées en partie par mon collègue, le ministre de l'Agriculture, notre intention a été de protéger les intérêts des agriculteurs canadiens.
* * *
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, des citoyens de Kanesatake ont affirmé avoir menacé un hélicoptère de l'armée canadienne, avoir effrayé les soldats, et les ayant ainsi chassés, avoir mis fin à une mission de sauvetage. Et ainsi, le premier ministre considère qu'il n'y a pas eu d'incident.Est-ce que le premier ministre pourrait me dire s'il trouve normal que l'armée canadienne ne puisse pas effectuer partout et en toute sécurité, sur le territoire canadien, des missions de sauvetage?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit que lorsqu'il y a un appel de détresse, n'importe où au Canada, que l'armée doive s'y rendre pour faire un sauvetage, elle fait son devoir. C'est exactement ce que l'armée a fait hier, elle a fait son devoir et elle le fera tout le temps, en toutes circonstances et dans toutes les parties du Canada, y compris toutes les réserves indiennes au Canada.
M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire: Au-delà du fait qu'il n'y ait pas de traces de balle sur l'hélicoptère, le premier ministre ne considère-t-il pas que le fait de tirer sur un hélicoptère de l'armée au point où les soldats ont cru leur vie menacée constitue un incident grave qui porte atteinte à la souveraineté du Canada sur son territoire?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il ne peut pas y avoir atteinte à la souveraineté du Canada lorsque des Canadiens sont sur un territoire. Il n'y a eu aucune preuve de la part de qui que ce soit que des coups de feu ont été tirés. L'armée a fait son devoir et je dis qu'elle a bien agi. Elle avait le droit d'aller là et si un autre appel de détresse devait survenir, dans les mêmes circonstances, elle y retournerait. Per-
299
sonne ne pourra empêcher l'armée de faire son travail, comme c'est exigé par la loi canadienne.
* * *
[Traduction]
L'ÉTHIQUE
Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.Le premier ministre l'a reconnu, les Canadiens veulent qu'on rétablisse l'intégrité des gouvernements. Dans le discours du Trône, le gouvernement a fait un pas en ce sens en promettant de nommer un conseiller chargé de l'éthique.
Compte tenu des questions soulevées hier dans cette Chambre relativement à l'un des députés, le premier ministre n'est-il pas d'avis qu'il est encore plus urgent de nommer ce conseiller?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, cela fait partie du programme du gouvernement et ce poste sera comblé dès que la loi aura été promulguée, s'il est nécessaire d'adopter une loi pour ce faire.
(1435)
Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Le premier ministre pourrait-il faire connaître à la Chambre quelles mesures il entend prendre pour voir à ce que la personne nommée soit libre d'agir selon son propre jugement et en vertu de sa propre autorité et qu'elle soit indépendante de toute manipulation politique?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Lorsqu'on assermente une personne à un poste au sein de ce gouvernement et qu'on lui confie une tâche, elle fait son travail, voilà tout.
* * *
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, au sujet de l'incident de Kanesatake, le premier ministre dit que tout le monde a fait son devoir et le ministre de la Défense dit qu'ils sont partis sans donner suite. Donc, le mystère perdure au sujet de la nature du signal de détresse qui est à l'origine des incidents de vendredi dernier à Kanesatake.Ma question s'adresse au ministre de la Défense: Le ministre peut-il nous dire s'il a obtenu davantage d'informations concernant la nature et la provenance de ce signal?
[Traduction]
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je crois avoir répondu à cette question tout à l'heure. Nous étudions actuellement la question afin de trouver pourquoi ce signal, utilisant une fréquence réservée au MDN, a été émis dans la réserve ce jour-là. Dès que j'aurai plus d'information, j'en ferai part à la Chambre.
[Français]
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Voici ma deuxième question, monsieur le Président: Le ministre a-t-il été informé, a-t-il été mis au courant du fait que le signal en question proviendrait d'un large bâtiment situé sur le territoire de Kanesatake?
[Traduction]
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je pense que le député et ses collègues sont en train de faire tout un plat de ce qui semble bien n'avoir été qu'une opération ordinaire. Nous cherchons à savoir pourquoi ce signal s'est déclenché dans cette région, mais je ne crois pas que nous devions y attacher trop d'importance.
* * *
LA SUPERAUTOROUTE DE L'INFORMATION
M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'industrie, des sciences et de la technologie.Son ministère a-t-il l'intention de collaborer avec les provinces à la mise au point d'une superautoroute de l'information au Canada? Le premier ministre McKenna est désireux d'établir une telle autoroute de l'information électronique au Nouveau-Brunswick. Je crois qu'on a également besoin de ce genre de service dans l'ensemble du Canada.
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Je tiens à remercier le député d'avoir posé cette question. Vous savez certainement que le discours du Trône annonçait la mise en oeuvre d'une stratégie canadienne en vue de l'établissement d'une superautoroute de l'information. Nous croyons que c'est un projet très important, qui devrait jeter les bases d'un mécanisme d'échange de données tant dans le domaine scientifique et technique que dans celui des services à la clientèle. Nous avons l'intention d'établir un tel réseau à l'échelle du Canada, et dans un bref délai.
Le gouvernement fédéral et les provinces s'y intéressent tous. J'en ai parlé au premier ministre McKenna. Il a pris des mesures, la semaine dernière, pour nommer un ministre d'État chargé de ce projet. Le secteur privé a aussi montré beaucoup d'intérêt et a déjà entrepris des démarches à cet égard.
[Français]
Même qu'hier, il y eu l'annonce d'une autoroute électronique projetée pour la région de Chicoutimi.
* * *
[Traduction]
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
M. Myron Thompson (Wild Rose): Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales.Le vérificateur général rapporte que le ministre et son épouse se sont rendus à Boston et à la Nouvelle-Orléans à bord d'un Challenger du gouvernement. Le vérificateur général affirme que le voyage a coûté 172 920 $ alors qu'il aurait coûté 5 356 $ si le ministre et son épouse avaient utilisé des vols commerciaux.
300
Ma question est la suivante: la politique du ministère permet-elle au ministre d'utiliser à grand frais un aéronef payé par les contribuables alors qu'il pourrait utiliser des vols commerciaux?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, j'ai été invité à la dernière minute à donner une conférence sur la réforme de la fonction publique à l'Université Harvard. Des activités étaient déjà prévues lundi matin dans ma circonscription. Je n'avais d'autre choix que de prendre l'avion si je voulais pouvoir prononcer ma conférence à 16 h 30, revenir en soirée et être prêt pour la réunion du Cabinet qui devait avoir lieu mardi matin.
Dans ces circonstances, monsieur le Président, je crois que la dépense était pleinement justifiée.
(1440)
M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, faut-il comprendre que le ministre entend continuer d'agir de la sorte, ou est-ce qu'il a plutôt l'intention de dépenser l'argent des contribuables avec un peu plus de retenue?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, tout ce qui je puis promettre c'est que je continuerai d'utiliser l'argent des contribuables de manière à être le plus efficace possible, exactement comme je l'ai fait au cours de mon dernier voyage.
* * *
LES AFFAIRES INDIENNES
M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.Au cours d'un récent voyage dans le Nord canadien, j'ai constaté les conditions de vie déplorables des Inuit. La misère des habitants de Davis Inlet au Labrador a été mise au jour par suite de la révélation du haut taux de suicide, de toxicomanie et d'alcoolisme chez les jeunes de la collectivité, et de l'absence de traitement.
Le gouvernement compte-t-il mettre un terme au traitement honteux et inhumain infligé aux habitants de Davis Inlet en relocalisant le village, par exemple, et ces problèmes sont-ils une priorité pour le ministre?
L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je remercie le député de Lac-Saint-Jean pour sa question et son intérêt.
Il s'agit effectivement d'une priorité. Il y a deux semaines, mes fonctionnaires ont rencontré les membres de mon cabinet et des fonctionnaires de la Justice. Au début de mars, nous présenterons probablement un ensemble de propositions acceptables, notamment en matière de santé et de justice.
Je vous prie de croire que je tiens absolument à ce que ce soit fait ce mois-ci. Je conviens que nous ne pouvons tolérer une telle situation au Canada. Ce sont nos compatriotes et nous ne pouvons les abandonner.
Le Président: Je sais que c'est un détail, mais je prie les députés de toujours adresser leurs questions et leurs réponses à la présidence.
M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, permettez-moi de signaler au ministre que je suis le député de Saint-Jean et non de Lac-Saint-Jean, qui est un autre député à la Chambre. Cette distinction est importante.
Des voix: Oh, oh!
M. Bachand: Je voudrais demander au ministre si son gouvernement est disposé à exercer son influence auprès du gouvernement libéral de Terre-Neuve afin que des mesures concrètes soient prises pour améliorer les conditions de vie des habitants de Davis Inlet et, plus précisément, pour aider les jeunes de cette collectivité qui sont désespérés.
L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, j'ai personnellement rencontré le premier ministre et le procureur général de Terre-Neuve.
Depuis une semaine, le procureur général de Terre-Neuve a eu deux entretiens de deux heures avec mon adjoint exécutif. On aurait tort de croire que Terre-Neuve ne veut pas s'attaquer au problème. C'est tout à fait le contraire, croyez-moi. Les responsables de cette province s'en inquiètent autant que nous et, ensemble, nous nous efforçons de régler la situation de notre mieux. Le XXIe siècle sera déjà bien entamé avant que les problèmes de Davis Inlet soient réglés.
Nous allons collaborer et faire tout notre possible pour apporter une solution.
* * *
LE PROJET KEMANO
M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.Les travaux d'achèvement du projet Kemano, en Colombie-Britannique, ont soulevé beaucoup d'inquiétude.
Dans une lettre qu'il a adressée au cours de la campagne électorale à la bande indienne Cheslatta, de Burns Lake, le premier ministre a promis qu'un gouvernement libéral participe-
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rait aux audiences en cours de la B.C. Utilities Commission, publierait tous les renseignements sur les audiences dont dispose le fédéral et lèverait l'ordonnance qui empêche maintenant les employés anciens et actuels de dévoiler des renseignements pertinents aux audiences. Voici que la société Alcan elle-même demande que le gouvernement fédéral participe aux audiences.
Le premier ministre est-il disposé à tenir aujourd'hui sa promesse électorale?
L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Je le félicite de son élection en tant que député réformiste.
Le député aura constaté qu'une nouvelle tendance se dessine clairement, à savoir que notre gouvernement essaie toujours de s'assurer qu'on donne suite aux engagements et aux déclarations du premier ministre.
Le Cabinet se penchera jeudi sur cette affaire. Nous espérons pouvoir vous informer peu après du résultat de nos délibérations.
(1445)
M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, je remercie le ministre de sa réponse.
Dans la lettre en question, le premier ministre s'est aussi engagé à entreprendre sans tarder une étude de toutes les options possibles pour assurer le maintien d'un secteur des pêches et d'une économie régionale durables dans la région de Nechako ainsi que le bien-être des autochtones touchés par l'achèvement du projet Kemano.
Trois mois se sont écoulés depuis les élections. Ma question s'adresse au premier ministre. Va-t-il tenir sa promesse et entreprendre sans tarder une étude?
L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, le député n'ignore pas que la transaction a été conclue en 1987, que les conditions régissant les travaux d'achèvement du projet Kemano ont été négociées par le gouvernement précédent.
Il n'est que raisonnable qu'un tout nouveau gouvernement veuille examiner attentivement cette question très complexe, qui suppose des centaines de millions de dollars de dépenses, soit 600 millions pour la Phase II et plus d'un milliard pour la Phase I, et assumer pleinement sa responsabilité d'explorer la question avant d'aller de l'avant.
Je ne peux manifestement pas en dire plus sans violer la solidarité ministérielle. Les députés constateront que le premier ministre et son gouvernement veillent toujours à ce que les engagements soient tenus le plus possible. Le Cabinet est désormais saisi de cette question.
* * *
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
M. John Cannis (Scarborough-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.Dans le rapport qu'il a publié la semaine dernière, le vérificateur général nous apprend que la direction de la sécurité du revenu a beaucoup de mal à répondre aux nombreux appels de demande de renseignements qu'elle reçoit. Il semblerait qu'il y a beaucoup plus de gens qui abandonnent qu'il n'y en a qui obtiennent une réponse.
Il est difficile d'obtenir la ligne et elle est constamment occupée. Cela pose un véritable problème aux personnes âgées qui, souvent, ont un besoin urgent de renseignements au sujet de leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada.
Comment le ministre entend-il résoudre ce problème de telle sorte que les Canadiens obtiennent le service qu'ils méritent?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je remercie le député de Scarborough-Centre de se faire l'avocat de cette cause très importante.
Il importe de signaler aux députés, notamment à ceux qui insistent constamment pour que le gouvernement réduise ses dépenses, que le nombre des demandes téléphoniques de renseignements sur la sécurité de la vieillesse et les pensions a augmenté de 60 p. 100 au cours des six ou sept dernières années. Nous recevons maintenant plus de 11 millions d'appels par année.
Pendant ce temps-là, on a réduit le personnel de 20 p. 100 dans le cadre d'un programme de contraintes budgétaires. Il s'ensuit que beaucoup de personnes âgées ne reçoivent pas les services dont elles ont besoin et qu'elles méritent.
Cela étant dit, nous avons pris des mesures pour tenter de corriger la situation. Nous allons mettre en place, dans le cadre d'un programme spécial, un système de centres téléphoniques employant 200 personnes qui, par l'entremise d'un ordinateur, auront immédiatement accès à tous les systèmes téléphoniques de notre ministère à la grandeur du Canada. Nous allons consacrer trois millions de dollars environ à améliorer cet équipement. Ce sera la première étape d'une tentative de modernisation du système. Nous croyons que celui-ci offrira un bon service, espérons-le, d'ici quatre ou cinq semaines.
302
Le député voudra bien patienter jusqu'à ce que le système soit en place, car celui-ci fera la preuve qu'on peut réorganiser les ressources existantes afin d'offrir un service direct aux Canadiens.
* * *
[Français]
L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, il y a quelques jours, une jeune fille de Verdun, Sarah Dutil, a été assassinée. Son présumé meurtrier serait un individu relâché le 15 novembre 1993 à la suite de l'avortement de son procès pour meurtre. La mise en liberté de cet individu résulte directement de la mutation du juge de la Cour supérieure, Henry Steinberg, à la Cour d'appel du Québec, en plein procès, le 23 juin 1993.Le premier ministre de l'époque a agi sans égard aux engagements du juge Steinberg. Il s'agit là d'une procédure inacceptable qui risque de déconsidérer l'administration de la justice et d'entacher la crédibilité de tout le processus judiciaire.
Je pose ma question au ministre de la Justice. Le ministre est-il d'accord avec la suggestion faite par le Barreau du Québec de rendre obligatoire la consultation préalable du juge en chef d'un tribunal avant d'affecter un juge de ce tribunal à d'autres fonctions judiciaires?
(1450)
[Traduction]
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à exprimer l'horreur et la tristesse que ressentent tous les députés devant le décès tragique de Sara Dutil. Nos pensées vont vers la famille de la victime.
La réponse à l'importante question posée par la députée comporte deux volets. Premièrement, si je comprends bien, la pratique veut que, lorsqu'un juge d'un tribunal de première instance est nommé à un tribunal d'appel, le ministre ou le juge en chef du tribunal d'appel en question s'informent pour être certains que la nomination n'empêche pas le rendu de jugements dans des affaires en instance. J'ai la ferme intention de respecter cette pratique dans les processus de nomination auxquels je participerai. Par ailleurs, j'ignore entièrement ce qui s'est passé en juin de l'an dernier, au moment de la nomination dont il est ici question.
Deuxièmement, le ministère de la Justice présentera bientôt un projet de loi omnibus visant à modifier le Code criminel, notamment l'article 669.2. Cette modification fera en sorte qu'un procès au criminel puisse se poursuivre même si le juge qui entend l'affaire doit être remplacé, peu importe la raison, ce qui évitera que des événements comme celui que dénonce la députée se reproduisent.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, considérant alors que de telles mesures de mutation en cours de procès constituent des interventions inopportunes et inacceptables du gouvernement dans l'administration de la justice, quelles sont les mesures vraiment immédiates, actuelles? J'ai très bien écouté, et le ministre nous a dit qu'éventuellement, il déposerait un projet de loi. Ce que je veux savoir immédiatement, maintenant, c'est ce que le ministre a l'intention de faire.
[Traduction]
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je ne peux que garantir à la députée que dorénavant, avant de nommer un juge d'un tribunal de première instance à un tribunal supérieur, je ferai enquête pour être certain que la nomination ne nuit pas au déroulement juste et sûr de tout procès auquel pourrait présider ce juge.
* * *
LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale et m'a été suggérée par un citoyen intéressé, M. John MacIntosh, de Dundas, en Ontario.Le ministre peut-il expliquer à la Chambre quelles sanctions, s'il en est, ont été prises contre les employés de son ministère qui n'ont pas fourni au Parlement les coûts réels du transport de ministres et d'autres personnes au Canada, comme l'a révélé le rapport du vérificateur général?
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu publiquement à cette question. Les fonctionnaires de mon ministère et le vérificateur général ne s'appuient pas sur les mêmes principes comptables. J'ai demandé des précisions à ce sujet.
M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, le ministre peut-il nous dire dans quelle mesure les fonctionnaires de son ministère seront tenus responsables de leurs actions dans l'avenir?
L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, ce n'est pas à moi que cette question devrait être posée, mais au gouvernement. Je ne sais pas qui pourrait y répondre.
* * *
[Français]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
303
Le ministre des Affaires étrangères a annoncé hier, après des entretiens avec le président élu d'Haïti, M. Jean-Bertrand Aristide, que le gouvernement fédéral s'engage en faveur d'un embargo total contre Haïti et son régime militaire.
L'actuel embargo militaire et pétrolier contre Haïti, que le président Aristide considère insuffisant, serait ainsi étendu à tous les domaines, à l'exception, bien sûr, de l'aide internationale.
Ma question est la suivante: Pour s'assurer du respect de l'embargo par la communauté internationale, incluant les pays voisins d'Haïti, quels moyens concrets le gouvernement entend-il développer en collaboration avec les pays amis d'Haïti pour renforcer le blocus commercial et favoriser ainsi le retour du président élu, M. Aristide?
(1455)
L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je pense que la question de l'honorable députée est tout à fait pertinente. Il est évident que dans le contexte actuel où Haïti a principalement quatre amis qui essaient, à l'intérieur des Nations Unies, de faire avancer la cause de la démocratie dans ce pays, nous manquons d'appui et de soutien.
L'un des objectifs que nous poursuivons est d'élargir le cercle des amis d'Haïti et d'y inclure un certain nombre de pays des Caraïbes en particulier, voisins d'Haïti qui pourraient, en collaboration avec les quatre amis traditionnels d'Haïti, aider à s'assurer qu'un blocus total et complet soit vraiment efficace.
Mme Maud Debien (Laval-Est): Monsieur le Président, comme il en a été fait mention à plusieurs reprises, le gouvernement canadien entend-il contribuer à la formation et à l'entraînement de forces policières haïtiennes qui auraient pour mandat d'assurer la restauration des institutions démocratiques? Et y a-t-il eu des engagements fermes qui ont été pris par le ministre avec M. Aristide à ce sujet lors de leurs entretiens?
L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Cette question, monsieur le Président, a été discutée par le premier ministre lors de sa rencontre à Paris avec le Secrétaire général des Nations Unies. Nous pensons qu'il serait opportun d'avoir, sous l'égide des Nations Unies, un tel programme d'entraînement pour des corps policiers dans des pays qui subissent la dictature militaire.
Cette proposition, mise de l'avant par le Canada, en est une qui pourrait bien sûr s'appliquer d'abord à Haïti mais qui pourrait s'appliquer aussi dans plusieurs autres pays où il y a des dictatures militaires et où un contrepoids, telle une force policière, peut être utile à l'instauration et au respect de la démocratie. Par conséquent, dans nos discussions hier avec le président Aristide, nous avons obtenu son aval pour une telle initiative.
Il est évident que nous ne pouvons faire ceci sans l'approbation du gouvernement haïtien. Nous l'avons obtenue. Nous allons nommer un représentant qui, avec le représentant du président Aristide, étudiera les modalités d'application d'un tel programme de formation de policiers.
* * *
[Traduction]
LES ARMES À FEU
M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.J'ai fait remarquer la semaine dernière à la Chambre qu'on était inondé de demandes de renseignements concernant le nouveau règlement sur les autorisations d'acquisition d'armes à feu. On note énormément de confusion et d'exaspération chez les propriétaires d'armes à feu, la GRC et les inspecteurs chargés de veiller au maniement sécuritaire des armes à feu. Pas plus tard que jeudi dernier, mon adjoint obtenait des réponses complètement différentes à des questions de base auprès de la GRC et des responsables de la formation au maniement sécuritaire des armes à feu.
Je voudrais que le ministre nous dise s'il est au courant du problème et, dans l'affirmative, quelles mesures prend son ministère pour y remédier.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, en réponse à la question du député, je commencerai par dire que la mise en oeuvre le 1er janvier des cours de formation au maniement sécuritaire des armes à feu à l'intention des propriétaires d'armes à feu constitue simplement une mesure de plus qu'on a prise pour assurer la sécurité du maniement des armes à feu au Canada; il s'agit d'une mesure importante, et nous sommes heureux qu'elle soit maintenant en vigueur dans six provinces, les autres devant leur emboîter le pas le 1er avril.
Quant aux circonstances entourant les cours à l'heure actuelle, je ne suis pas vraiment d'accord avec la description qu'en donne le député. Je reconnais qu'on en est encore dans certaines provinces à la phase de conception des cours de formation. Je crois savoir que les enseignants principaux ont déjà été formés dans la plupart des provinces et se préparent à donner les cours.
Je prévois que la période de transition, qui nécessitera naturellement quelques adaptations, sera terminée d'ici un mois ou deux, que ces cours seront bien rodés et que la sécurité des Canadiens s'en trouvera davantage assurée.
* * *
(1500)
LES FINANCES
Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, en l'absence du ministre des Finances, je m'adresse à son suppléant.Le taux d'escompte de la Banque du Canada est à son plus bas niveau en 30 ans, 3,94 p. 100, et on s'attend à une nouvelle baisse de cinq centièmes aujourd'hui. Pourtant, les taux hypothécaires sur cinq ans sont encore de 7,25 p. 100. L'écart est de plus de trois points.
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En 1963, le taux d'escompte de la Banque du Canada se situait à 4 p. 100 et le taux des hypothèques de cinq ans était de 6,25 p. 100. Écart de deux points, donc.
Quelles mesures le gouvernement du Canada va-t-il prendre pour veiller à ce que les banques canadiennes réduisent cet écart et abaissent les taux hypothécaires en fonction du taux d'escompte?
M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, je remercie la député de Cumberland-Colchester de cette excellente question sur le coût des hypothèques de cinq ans.
Comme le député l'a signalé, le taux préférentiel est de 5,5 p. 100, son plus bas niveau depuis 1956, et le taux d'escompte a encore fléchi aujourd'hui non de cinq, mais de six centièmes. Les taux hypothécaires sur un an sont à leur plus bas depuis que ces contrats sont offerts, soit depuis 1980, mais les taux sur cinq ans restent élevés. Le gouvernement observe la situation de très près, et nous sommes certains que tous les établissements financiers au Canada souhaiteraient une baisse plus rapide.
* * *
LA CRÉATION D'EMPLOIS
M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre du Développement des ressources humaines.Le ministre n'ignore pas que le programme de création d'emplois du Livre rouge a subi quatre sérieux contretemps ces derniers mois: la signature de l'ALENA, le relèvement des cotisations d'assurance-chômage, le remplacement de John Crow par Gordon Thiessen et la suppression de 300 millions de dollars du fonds destiné à la formation.
Le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi il a perdu toutes ces batailles au Cabinet et nous dire ce que la Chambre peut faire pour l'aider à faire en sorte que la création d'emplois devienne la principale priorité de son gouvernement?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, le député n'a pas bien lu le livre rouge et, de surcroît, il n'a pas bien évalué les réalisations du gouvernement.
En fait, nous avons remporté de nombreux succès. Nous avons mis en oeuvre le programme d'infrastructure, qui a été très bien accueilli partout au Canada en raison de son potentiel de création d'emplois. Nous avons gelé le taux de cotisation à l'assurance-chômage pour deux ans afin de stimuler vraiment la création d'emplois par la petite entreprise.
Monsieur le Président, je sais que notre temps est précieux, et je m'en voudrais de retenir les députés tout l'après-midi en leur faisant lecture de toutes nos grandes réalisations des trois derniers mois. Cependant, je dirai au député de Saskatoon-Clark's Crossing que le Parlement aura en fait l'occasion sans doute de faire sa plus grande contribution-et je sais que le député s'y connaît en la matière-en examinant sérieusement la structure de nos programmes de formation de la main-d'oeuvre dans tout le Canada afin d'inciter vraiment des millions de Canadiens à trouver un emploi et de leur redonner leur dignité.
J'ai hâte que le député participe à cette étude pour que nous jouissions tous de ses lumières en tant que parlementaires.
[Français]
* * *
LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURES
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, j'adresse ma question au premier ministre.Le ministre responsable du programme des infrastructures a avoué en Chambre, la semaine dernière, que le programme était vulnérable à des influences politiques, entre autres pour le programme du Centre des congrès.
Depuis ce temps-là, j'ai pris connaissance d'une note de service secrète, envoyée au premier ministre, dans laquelle on allègue, et c'est le greffier du Conseil privé qui écrit au premier ministre, que son ministre des Ressources humaines et son ministre des Travaux publics ont demandé un contrôle plus direct du programme des infrastructures, et ce, seulement dix jours après l'assermentation du gouvernement.
[Traduction]
La même note de service secrète adressée au premier ministre dit encore que. . .
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député aurait-il l'obligeance de poser une très brève question?
M. Charest: Ma question s'adresse au premier ministre et a trait à la note de service secrète rédigée à son intention. A-t-il, oui ou non, clarifié les mandats des ministres des Ressources naturelles et des Travaux publics devant leur tentative d'exercer une influence indue dans leurs régions respectives à l'égard de tout projet fédéral, ainsi qu'il est dit dans la note de service secrète?
(1505)
[Français]
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, tous les membres du Cabinet peuvent participer à ce programme. Évidemment, les intérêts régionaux sont discutés à l'intérieur du Cabinet, d'autant plus que chacun des deux ministres mentionnés sont en charge d'organismes qui servent de véhicule pour la distribution des fonds parce que c'est la seule façon dont dispose le gouvernement pour mettre de l'avant efficacement et rapidement ce programme-là. Alors, c'est l'ACOA et. . .
[Traduction]
. . .le ministère de la Diversification de l'Économie de l'Ouest qui sont chargés de l'exécution des programmes, ainsi que les deux ministres responsables, soit un sur la côte Atlantique et l'autre dans l'Ouest.
_____________________________________________
305
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
La Chambre reprend l'étude de la motion.Le Président: Le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants dispose encore de six minutes.
M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, j'ai terminé mon exposé. J'ai voulu être bref pour que nous disposions d'environ cinq minutes pour des questions et des observations.
M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a dit croire que le rôle de nos troupes de maintien de la paix sera maintenu et peut-être même intensifié dans l'avenir et qu'il était de la plus haute importance d'élaborer un mandat ou un énoncé de mission afin de pouvoir en déterminer le rôle à assumer.
Le secrétaire parlementaire pourrait-il nous dire comment le gouvernement entend préciser ce rôle et faire en sorte que les Nations Unies sachent exactement ce que le Canada pense? Quelle est notre position à l'égard des troupes de maintien de la paix qui sont actuellement détachées un peu partout dans le monde? À son avis, le nombre des demandes d'intervention va-t-il augmenter au cours de quelques années à venir?
M. Mifflin: Monsieur le Président, je remercie le député de cette question.
Je voudrais corriger ce qu'a dit le député. Je suis certain qu'il s'agit d'un malentendu et qu'il n'essaie pas de me faire dire ce que je n'ai pas dit. Je soutenais que, d'une façon générale, la nécessité de poursuivre des opérations de maintien de la paix augmenterait probablement en raison de la tendance qui existe dans les 180 autres pays dont la population est moins nombreuse et qui compte des groupes ethniques, religieux et raciaux non homogènes.
Je soutenais qu'il serait probablement nécessaire de poursuivre des opérations générales de maintien de la paix. Je souligne également qu'à mon avis, l'intensité, la nature et la complexité de ces opérations augmenteraient elles aussi.
Que fait le gouvernement pour aider à régler la situation? Je rappelle au député que, par exemple, seulement pour la Bosnie, il existe je ne sais plus combien de résolutions des Nations Unies. Je sais qu'il y a les résolutions 743, 7707, 76 et 800, celles que je connais bien, et je suis sûr qu'il y en a d'autres. Tout d'abord, nous voudrions, dans la mesure du possible, obtenir notre mandat plus rapidement et d'une façon moins complexe. Ensuite, nous devrions tenter, peut-être en ayant un débat à la Chambre des communes, ce qui, nous en convenons tous, constitue une initiative nouvelle, mais fort utile, de faire connaître aux Nations Unies, et ce, plus tôt que nous ne l'avons fait par le passé, nos désirs sur les activités que nous voudrions voir exercer par nos forces de maintien de la paix.
(1510)
En ce qui concerne les Nations Unies, le gouvernement travaille à certains aspects, par l'entremise de son personnel en poste aux Nations Unies, de son ambassadeur et, en fait, de ceux qui font partie du personnel international, en vue d'améliorer la composante des Nations Unies qui surveille les opérations de maintien de la paix.
Je songe, entre autres, à des ressources de commandement et de contrôle déployées vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il y a aussi la dotation à l'aide de militaires peut-être plus expérimentés et plus nombreux. Nous pourrions nous inspirer du type d'opération de commandement et de contrôle qui existe, par exemple, au NORAD ou au quartier général de l'OTAN, où l'on peut intervenir sur-le-champ et où l'on peut recevoir, analyser et peser des opinions politiques avant de rendre des décisions. Ainsi, nos opérations seraient plus claires, et j'hésite à employer le terme «efficientes», mais néanmoins plus efficaces qu'à l'heure actuelle.
Je peux assurer au député que ceux d'entre nous, de ce côté-ci de la Chambre, qui s'intéressent à ces activités connaissent bien l'importance de ces dernières et d'autres opérations pour la clarification du mandat du Canada. Nous pourrions alors choisir avec plus d'efficacité les opérations auxquelles le Canada désire participer et nous pourrions mieux réagir aux désirs de la population canadienne.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, je remercie et félicite mon honorable collègue pour son intervention. J'aimerais, dans un premier temps, lui demander ce qui suit: on a entendu au cours de son intervention un certain nombre de remarques très louables sur la valeur de l'intervention canadienne à l'étranger, mais j'aimerais savoir, dans les faits, quelle est sa position à l'égard de la présence canadienne en Bosnie-Herzégovine. Serait-il possible de connaître sa position précise?
[Traduction]
M. Mifflin: Monsieur le Président, j'ai bien expliqué ce que j'espérais voir accepter par la Chambre et par ceux qui m'écou-
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taient -dont sans nul doute le député-et qui allait déterminer l'avenir des opérations et notre orientation future.
Je rappelerai au député que ceux d'entre nous à la Chambre qui allons être chargés d'examiner cette question, à l'occasion de fuures opérations, notamment les députés ministériels assis aux côtés du premier ministre, vont écouter attentivement les députés dont ils veulent avoir l'opinion avant qu'une décision définitive ne soit prise à la Chambre.
En tant que secrétaire parlementaire, il m'incombe de prêter attention à chaque intervention, quel que soit le motif à la base, afin que le gouvernement puisse faire un choix pondéré et prendre une décision au sujet de certaines questions. Il m'incombe de prêter également attention aux interventions comme celle du député de Esquimalt-Juan de Fuca qui a fait clairement savoir que l'opinion qu'il exprimait était celle des habitants de sa circonscription.
Ce débat devrait se prolonger jusqu'à une heure avancée de la soirée. Néanmoins, je peux garantir au député que les autres députés ministériels et moi-même écouterons très attentivement les remarques de chaque orateur pour qu'il en soit dûment tenu compte au moment de prendre des décisions.
Le député ne doit pas oublier qu'en tant que député expérimenté à la Chambre des communes et membre du parti au pouvoir, j'ai mon mot à dire sur l'avenir de cette opération, entre autres. On verra quelles décisions seront prises au sujet des opérations futures.
Si vous le permettez, il me reste un point à aborder. Je me reporte très brièvement à une intervention que le député a faite en décembre 1992. Outre les autres mesures auxquelles j'ai fait référence, j'estime-et cela a été mentionné à la Chambre aujourd'hui-qu'il est important que les députés examinent la possibilité d'établir un calendrier.
(1515)
Alors que nous examinons cette question, je pense que nous devrions proposer aux Nations Unies d'établir un calendrier auquel nous pourrions nous reporter pour voir: a) si la situation a changé, b) si les mesures que nous avons demandées ont bien été prises et c) si notre mandat est clair et correspond bien à l'idée qu'on s'en faisait. Je pense qu'un tel calendrier est important pour l'examen des orientations futures qui seront adoptées par le Parlement-pas seulement le gouvernement, mais par le Parlement-pour répondre à la question de savoir à quelles opérations participera désormais notre pays, certainement à plus d'opérations du genre de celle menée en Bosnie, mais, par contre, à un plus grand nombre d'opérations du genre du celle menée en Croatie, ou des seize opérations de maintien de la paix auxquelles nous participons actuellement et auxquelles nous pouvons être appelés à participer à l'avenir.
Le vice-président: Avant de passer la parole au député de Bourassa, je voudrais faire savoir aux députés de la Chambre que s'ils désirent diviser leur temps de parole, ils permettront ainsi à plus de députés d'exprimer leurs vues maintenant et non à trois heures du matin ou à quelque heure que se terminera ce débat. Je crois que l'un des partis a déjà fait savoir qu'il voulait que les députés fassent à la Chambre une intervention de dix minutes, suivie de cinq minutes de questions. C'est bien sûr aux partis de décider.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Monsieur le Président, félicitations pour votre nomination à titre de vice-président de cette Chambre.
Je prends la parole dans ce débat avec une certaine émotion, avec des appréhensions, mais aussi avec énormément d'espoir. Je représente la circonscription de Bourassa, qui comprend la municipalité de Montréal-Nord, soit environ 85 000 habitants, dont 70 p. 100 de francophones et 30 p. 100 d'allophones venant d'un peu partout dans le monde, surtout des Italiens et des Haïtiens, mais aussi des personnes venant de l'ancienne Yougoslavie.
Il s'agit d'une circonscription composée de gens à revenus modestes. Ma circonscription a été durement frappée par la récession, mais on y trouve aussi énormément de vitalité surtout au niveau des organismes communautaires, des groupes populaires et des agents économiques. Ce sont des gens qui s'intéressent énormément aux problèmes internationaux, et particulièrement à ce qui se passe dans l'ancienne Yougoslavie.
Moi et mon personnel recevons des appels qui nous demandent d'agir. Il faut mettre fin au massacre de personnes innocentes, de femmes, de vieillards, de jeunes et d'enfants. Comme nous l'avons vu au cours de la dernière fin de semaine, six enfants ont été tués à Sarajevo par des obus.
Je suis un Québécois qui vient du Chili. J'habite Montréal depuis 20 ans. Nous avons connu au Chili et en Amérique latine, des conflits, des guerres, mais surtout en Amérique centrale. Au Chili, nous avons vécu une dictature qui a duré 17 ans, et c'est justement la cause qui m'a fait fuir ce pays que j'aime énormément. La violation des droits de la personne y était faite de façon systématique et flagrante. Je suis aussi le premier Québécois d'origine chilienne dans l'histoire de ce pays à avoir été élu député à la Chambre des communes.
Je suis donc très touché par le conflit et la barbarie qui règnent dans l'ex-Yougoslavie, dont nous voyons des images dramatiques chaque jour à la télévision.
(1520)
Monsieur le Président, permettez-moi de vous dire que même avant de venir m'établir ici avec ma famille, j'avais lu et entendu parler du rôle pacifique et de l'engagement du Canada à promouvoir la paix et la sécurité dans le monde. À ce moment-là, nous souhaitions que le Canada devienne membre de l'Organisation des États américains, décision qui malheureusement a beaucoup tardé à être prise.
J'écoutais ce matin avec beaucoup d'attention les commentaires très pertinents du secrétaire parlementaire du ministre des Affaires extérieures à propos du rôle de l'Organisation des États américains et de l'implication du Canada à cet égard. J'encourage le Canada à participer d'une façon plus active au sein de l'OEA.
En ce qui concerne l'Amérique latine, je suis satisfait aujourd'hui que le Canada ait décidé de participer à la mission d'observation des Nations Unies au Salvador depuis septembre 1991. Actuellement, deux membres des forces canadiennes surveillent l'application des accords entre le gouvernement salvadorien et le Front Farabundo Marti de libération nationale sur les
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droits de la personne, la cessation des hostilités et le désarmement.
Le mandat de cette mission expire le 31 mai 1994. Personnellement, je souhaite que la participation du Canada à cette mission soit prolongée. C'est à cause des problèmes qui persistent au Salvador que j'ai demandé au gouvernement canadien de ne pas exécuter l'ordre d'expulsion qui pèse sur une trentaine de Salvadoriens résidant au Québec dont le statut de réfugié a été rejeté. Malheureusement, jusqu'à présent, je n'ai pu obtenir aucune réponse du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. De plus, le Canada devrait envoyer une mission d'observation aux élections qui auront lieu au Salvador le 20 mars prochain.
En Haïti, onze officiers des forces canadiennes ont participé au sein du groupe d'observation des Nations Unies pour la vérification des élections, groupe qui avait été formé en novembre 1990, et ce pour une période de quatre mois.
Monsieur le Président, hier nous avons salué dans cette Chambre la présence du président démocratique et légitime d'Haïti, le père Jean-Bertrand Aristide. L'ONU et l'OEA s'efforcent actuellement de favoriser son retour à Haïti. La résolution 875 du Conseil de sécurité des Nations Unies prévoit l'application de sanctions appropriées contre les militaires au pouvoir.
Je souhaite que le Canada poursuive sa contribution à la Force maritime internationale qui patrouille les eaux d'Haïti et au rétablissement immédiat de la démocratie dans ce pays. C'est également le désir de la nombreuse communauté haïtienne qui vit dans ma crconscription de Bourassa, à Montréal-Nord.
Le président Aristide a été élu démocratiquement le 16 décembre 1990. Il a obtenu 67 p. 100 du suffrage populaire. Il représente donc la volonté du peuple haïtien.
(1525)
Le temps est donc venu de renforcer et d'intensifier les pressions contre le régime militaire du général Raoul Cédras. Il faut que l'ONU et l'OEA mettent en place un boycottage économique complet et total contre Haïti. Il faut viser tous les produits sauf, naturellement, l'aide humanitaire, médicale et alimentaire.
J'espère que le gouvernement sera conséquent avec ses déclarations et passera à l'action dans ce dossier. Moi, j'ai l'intention de le surveiller là-dessus et de très près.
Aborder la question du rôle du Canada face aux conflits dans le monde nous ramène à des questions fondamentales qui font appel aux grandes valeurs de solidarité et de justice sur lesquelles nous avons voulu fonder notre société. De ces grandes valeurs, nos prédécesseurs en cette Chambre ont élaboré un code de comportement inscrit dans des lois définissant nos devoirs d'assistance aux personnes en danger et nos obligations morales envers ceux et celles qui sont dans la détresse extrême.
Or, ces devoirs et ces obligations morales, nous avons voulu les étendre non seulement aux cas de nos concitoyens affectés, mais aussi aux populations du reste du monde subissant des conflits qui mettent leur vie en danger, en leur apportant une aide déterminante qui, bien souvent pour eux, fait la différence entre vivre et mourir.
Ce sont justement ces grandes valeurs qui ont présidé à nos interventions à l'étranger et qui ont valu au Canada sa réputation internationale et sa crédibilité comme défenseur de la paix.
Pourtant, le premier ministre, lors de son dernier voyage en Europe, a semblé vouloir remettre en question cette grande tradition et, par là même, les valeurs qui la sous-tendent en avançant que le Canada en avait un peu marre de jouer au boy-scout international.
Étrange prise de position que celle-ci: se réclamant d'une part de la grande tradition libérale qui a élaboré ces politiques d'aide internationale, mais s'en démarquant quand la soupe devient trop chaude. C'est pourtant dans l'épreuve qu'on mesure les vrais amis, pas dans les moments d'accalmie.
Au contraire de ce que semble avancer le premier ministre, je crois que le Canada se doit de maintenir sa présence dans les zones de conflit où celle-ci est jugée indispensable à la sauvegarde des populations civiles impliquées. Couper aujourd'hui ce devoir d'assistance serait non seulement renier certaines de nos valeurs sociales, mais, pire encore, il faudrait aider une personne en danger, pour autant qu'elle vive au Canada.
Certes, il ne s'agit pas ici d'exposer nos soldats à des situations dangereuses. S'il faut renforcer leur sécurité en leur donnant les moyens de se défendre et accomplir efficacement leur mission, faisons-le, mais ne les retirons pas pour autant.
Au nom du respect des droits humains, de la vie de milliers d'innocents et de la tradition d'engagement dans les missions de paix de l'ONU, dont il tire une très large part de sa crédibilité sur la scène internationale, le Canada doit continuer à assumer ses responsabilités. Il doit le faire en favorisant une solution négociée des conflits, en travaillant avec ses partenaires de l'ONU à assurer une présence plus efficace encore des Casques bleus, en maintenant et même en accroissant son aide humanitaire aux populations civiles concernées et en apportant une assistance appropriée aux milliers de réfugiés qui fuient l'enfer de cette guerre fratricide.
(1530)
Le conflit en ex-Yougoslavie et les affrontements inter-ethniques en Bosnie et en Croatie ont provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes.
Des exactions, des mauvais traitements, des viols, des meurtres ont été commis à l'endroit des populations et des minorités ethniques.
Selon des chiffres de novembre 1993, plus de 4,2 millions d'habitants de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine se sont vus obligés d'abandonner leurs foyers ou se trouvent pris sous le feu des combats.
Plus de 800 000 personnes ont trouvé refuge dans d'autres pays.
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Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a reçu le mandat d'assurer le ravitaillement des populations déplacées à l'intérieur de l'ex-Yougoslavie, ainsi que celui des personnes dites «vulnérables» réparties principalement en Bosnie-Herzégovine.
Je tiens ici à rendre hommage au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui réalise un excellent travail dans la distribution de l'aide humanitaire, malgré la situation extrêmement difficile qui exise dans cette région.
En plus de distribuer de la nourriture, des médicaments et des vêtements, le Haut-Commissariat s'occupe, dans certaines régions, de rétablir les aqueducs et l'électricité, construit des habitations et accorde une aide monétaire aux familles qui accueillent des réfugiés.
L'acheminement de l'aide humanitaire s'avère parfois très difficile, voire impossible, dans certaines régions de la Bosnie. Les convois sont souvent retardés, bloqués ou même pillés. La ville de Sarajevo est ravitaillée par des convois terrestres et par le plus important pont aérien de l'histoire.
Le personnel des organisations humanitaires est parfois victime de harcèlement ou d'agressions et a souvent besoin de la protection des Casques bleus.
La communauté internationale fait de grands efforts pour accueillir plus de 800 000 personnes touchées par les conflits en ex-Yougoslavie.
L'Allemagne, à elle seule, a accueilli plus de 340 000 réfugiés; la Hongrie, 128 000; la Suède, 92 000; la Suisse, 72 000; l'Autriche, 90 000. Pour sa part, le Canada n'a accueilli que 10 000 réfugiés environ sur son territoire.
Les ressortissants de l'ex-Yougoslavie peuvent entrer au Canada à titre de réfugiés ou en faisant partie du programme de réunification des familles, dans le cadre des mesures spéciales mises en place en 1992.
Je pense que le gouvernement canadien devrait poursuivre son programme d'accueil aux réfugiés et aux immigrants provenant de l'ancienne Yougoslavie.
Le quota prévu pour 1994 devrait être considérablement augmenté. De plus, des familles et des groupes devraient s'organiser pour accueillir et subvenir aux besoins de ces réfugiés.
(1535)
J'ai rencontré personnellement plusieur réfugiés provenant de l'ancienne Yougoslavie. Il s'agit de personnes très dynamiques, souvent très qualifiées, qui constituent un grand apport pour la société québécoise et canadienne.
Je profite d'ailleurs de cette occasion pour leur souhaiter la bienvenue au Québec et au Canada, et pour leur manifester toute ma sympathie et ma solidarité.
Le Canada fournit une cinquantaine de millions de dollars en aide humanitaire à l'ex-Yougoslavie. Ainsi, d'avril à décembre 1993, le Canada a versé un million et demi de dollars à l'UNICEF. Le quart de cette somme est allé aux femmes victimes de viol. Pour cela, je lui dis bravo!
Mais il faut faire plus. Il faut appuyer les actions de l'UNICEF visant à traiter les traumatismes des enfants et des femmes victimes de la guerre. Cela devrait constituer aussi une priorité pour le Canada.
J'ai écouté très attentivement l'excellent discours prononcé ce matin par le leader de l'opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean.
Je suis pleinement d'accord sur les positions qu'il a exprimées dans cette Chambre. Je souligne ici les principaux points sur lesquels nous devrions insister.
Premièrement, je me prononce vigoureusement contre le retrait unilatéral des Casques bleus canadiens en Bosnie évoqué récemment par le premier ministre.
Deuxièmement, je crois que la présence des soldats canadiens est nécessaire en Bosnie pour éviter la dégradation et l'expansion du conflit à d'autres régions de l'ancienne Yougoslavie.
Troisièmement, leur présence est aussi indispensable au maintien des opérations d'aide humanitaire auprès des populations civiles.
Quatrièmement, il faut éviter l'intensification des combats.
Enfin, la présence des Casques bleus en Bosnie peut et doit permettre la poursuite du processus de négociations diplomatiques. Ainsi, j'ai l'espoir que les parties belligérantes en arriveront à un règlement négocié dans les plus brefs délais.
À l'instar de ses alliés occidentaux, le Canada a fait une première erreur en Bosnie: il n'est pas intervenu assez tôt et a laissé se développer le mal qui ronge maintenant ce malheureux pays et qui naguère rongea l'Espagne et l'Allemagne. Ne commettons pas une deuxième erreur qui, elle, pourrait être fatidique.
En effet, retirer nos Casques bleus de Bosnie pourrait provoquer une boucherie de toute une population qui compte sur nous et sur l'ensemble de la communauté internationale pour la protéger.
Ne commettons pas l'irréparable. Renouvelons le mandat des Casques bleus canadiens en Bosnie.
Le vice-président: Merci au député de Bourassa. Il y a une période de questions et commentaires. Il n'est pas nécessaire que des centaines de députés parlent. Est-ce que quelqu'un a envie de poser des questions? En général, comme vous pouvez l'imaginer, je choisis les membres d'autres partis pour poser les questions.
309
[Traduction]
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Je suis heureux de pouvoir poser une question. Comme nous en sommes à la période des questions et des commentaires, je voudrais faire un ou deux commentaires qui seront probablement plus pertinents que ma question. Je voudrais aussi profiter de la présence du ministre pour lui adresser une remarque. Je ne m'attends pas nécessairement à une réponse immédiate de sa part ou de la part du député qui a pris la parole.
Le vice-président: Je dois interrompre le député. Je suis sûr qu'il sait que cette façon d'agir est contraire au Règlement. Il doit poser une question ou faire un commentaire. Pourquoi ne fait-il pas simplement un commentaire?
M. Taylor: Je ferai un commentaire et, comme je l'ai mentionné, je suis très heureux de pouvoir le faire en présence du ministre.
(1540)
Comme nous avons pu le constater dans le débat d'aujourd'hui, le maintien de la paix est une question très importante pour tous les députés de la Chambre. D'après ce que j'ai entendu, il ressort essentiellement de ce débat que les députés de la Chambre souhaitent, en grande partie, appuyer les soldats chargés du maintien de la paix et les efforts déployés dans ce domaine, mais surtout appuyer les jeunes gens, hommes et femmes, qui sont compétents, talentueux, courageux et qui, parfois, sont un peu déconcertés par les tâches difficiles et dangereuses qu'on leur demande d'exécuter. Nous en avons vu des exemples à la télévision et nous en avons entendu parler aujourd'hui dans ce débat.
Comme vous le savez, monsieur le Président, et je dis cela pour la gouverne du ministre, on leur demande souvent d'intervenir dans des situations qu'ils n'ont jamais vécues auparavant. On leur demande souvent d'intervenir très rapidement. Le ministère de la Défense, l'actuel gouvernement et les députés reconnaissent que nous devons soutenir ces soldats dans la situation où ils se trouvent.
Aujourd'hui, un jeune homme repose troublé, frustré et furieux dans un hôpital d'Ottawa. Ses parents, membres de la bande indienne de Flying Dust dans ma circonscription, au nord-ouest de la Saskatchewan, se demandent ce qui est arrivé à leur fils, un jeune homme très bien, ne souhaitant que servir son pays, un exemple pour les jeunes de sa collectivité. Le caporal-chef Clayton Matchee s'est rendu en Somalie avec les Forces canadiennes pour participer aux opérations de maintien de la paix. Ses blessures physiques et psychologiques ne sont pas le résultat de sa participation aux activités militaires, mais d'une tentative de suicide par pendaison dans le campement canadien. Selon des représentants de l'armée, il aurait essayé de se pendre pour s'enlever la vie.
En dépit des contradictions dans les éléments de preuve, en dépit des réserves exprimées au sujet de son commandant, en dépit de son incapacité de se défendre, le caporal-chef Clayton Matchee est accusé de meurtre au deuxième degré et d'avoir torturé à mort un Somalien.
On demande aux soldats canadiens affectés au maintien de la paix de faire quotidiennement des tas de choses. En tant que parlementaires, lorsque nous parlons du rôle des troupes dans le maintien de la paix, nous devons nous souvenir que nous ne sommes pas sur le front. Nous pouvons penser que nous connaissons la situation, mais ce n'est pas vrai du tout. Comme tout bon entraîneur, nous devrions encourager notre équipe pour qu'elle obtienne les meilleurs résultats possibles.
Je voudrais profiter de ce débat pour demander au ministre de la Défense nationale d'abandonner les poursuites contre le caporal-chef Clayton Matchee. Les circonstances entourant son cas sont confuses. Il faudrait plus qu'un tribunal militaire pour démêler les événements qui ont conduit au décès de Somaliens, aux gestes de certains membres du bataillon aéroporté canadien, à la tentative de suicide du caporal-chef Matchee et aux accusations qui ont été portées contre lui et aussi contre son commandant.
Je dirais en conclusion que les circonstances doivent être examinées. Je ne doute pas que la vérité sera faite un jour, mais j'aimerais, pour le bien de la famille du caporal-chef Matchee et dans l'intérêt de tous les soldats affectés au maintien de la paix, que le ministre prenne des mesures pour abandonner les poursuites et montrer ainsi qu'il soutient nos troupes, quel que soit le milieu dans lequel elles se trouvent plongées.
[Français]
Le vice-président: Il semble que ces commentaires ne s'adressent pas au député de Bourassa, mais s'il veut faire un commentaire ou apporter une réponse. . .
M. Nunez: Je voudrais m'associer aux commentaires de l'honorable député pour offrir mes remerciements et mes félicitations aux soldats canadiens, dont la plupart viennent du Québec, qui servent leur pays en Bosnie et dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie.
Le vice-président: Il reste trois minutes. Y a-t-il quelqu'un du parti ministériel qui veut poser une question? L'honorable député a la parole.
M. Louis Plamondon (Richelieu): Je voudrais féliciter mon savant confrère et député qui a soulevé un aspect différent de ce débat que j'écoute depuis ce matin. Mon confrère a parlé de l'aide humanitaire. Il a fait une relation entre l'action que doit poursuivre le Canada à travers le monde en tant que corps de paix et l'aspect humanitaire du soutien à certaines régions du monde.
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Il a parlé également de soutien à l'organisation ou à la supervision d'élections à travers le monde.
Je pense que c'est le premier discours entendu en Chambre aujourd'hui qui démontre l'importance de ces deux aspects-là.
J'aimerais demander à mon savant confrère d'élaborer sur cette question puisque c'en est une qui préoccupe énormément la plupart des Québécois et des Canadiens.
(1545)
Le vice-président: S'il vous plaît, monsieur le député de Bourassa, une réponse très brève.
M. Nunez: Monsieur le Président, je pense que le rôle du Canada au niveau international est également de promouvoir la démocratie et le processus démocratique partout dans le monde. J'ai fait partie dernièrement d'une délégation officielle du Canada qui a été envoyée en Russie pour surveiller les élections du 12 décembre. Les gens ont énormément apprécié notre rôle et, dans ces élections, il y avait également un référendum. Aussi, je pense qu'on devrait accentuer le rôle du Canada non seulement dans le maintien de la paix dans le monde, mais aussi dans le développement de la démocratie dans le monde.
[Traduction]
L'hon. William Rompkey (Labrador): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de féliciter tous ceux qui ont été élus à la présidence de cette Chambre.
J'aimerais avant tout faire une remarque au sujet du présent débat. Je participe aux travaux de la Chambre depuis 21 ans et je crois que c'est le meilleur débat qu'il m'ait été donné d'entendre. Les intervenants sont bien informés, les échanges sont francs, utiles et constructifs et le débat a vraiment lieu en vue d'une prise de décision. Je félicite le gouvernement qui a bien voulu mettre ce débat à l'ordre du jour et tous les députés pour leur façon d'y participer.
J'aimerais souligner les points suivants relativement à cette question. D'abord, il me semble que le maintien de la paix est l'un des principaux éléments qui nous définissent en tant que Canadiens. Nous cherchons à nous définir en tant que Canadiens et il me semble que le maintien de la paix est justement l'une de ces choses qui nous définissent puisqu'elle montre à toutes les nations quel genre de peuple nous sommes, quelles sont nos convictions et quel genre de rôle nous sommes prêts à jouer en tant que citoyens du monde.
Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été si bien dit au sujet du rôle du Canada dans le maintien de la paix au fil des ans. Nous avons bien exécuté notre tâche; notre réputation mondiale en témoigne amplement. Nous nous sommes acquis une réputation enviable, justifiée et très réelle, même aujourd'hui, et je crois que nous devrions nous efforcer de la maintenir.
Nous menons maintenant plusieurs missions de maintien de la paix à travers le monde. Le Canada a toujours réalisé ces opérations avec brio et il continue de le faire; je crois que l'engagement du Canada à cet égard devrait être l'une des priorités de la politique de défense du pays. La politique de défense vise plusieurs buts et objectifs, mais je crois que le maintien de la paix devrait être prioritaire parmi les objectifs de défense à l'extérieur du pays.
Toutefois, nous devons comprendre que nos possibilités et nos ressources sont limitées et que nous devrons à l'avenir justifier en fonction de critères bien établis notre participation aux opérations de maintien de la paix. Nous convenons tous, je crois, que le pays fait déjà tout ce qu'il peut et que nous ne pouvons donner davantage.
Je voudrais aussi ajouter que le maintien de la paix offre aux Forces canadiennes l'occasion de faire leurs preuves. À l'heure actuelle, c'est peut-être l'une des rares situations où les Forces canadiennes sont appelées à exercer leurs talents à l'extérieur du pays. Le maintien de la paix permet à nos soldats, à nos aviateurs et à nos marins de mettre en pratique l'entraînement qu'ils ont reçu et de faire preuve du professionnalisme dont ils sont un exemple remarquable.
Ces missions de maintien de la paix nous donnent l'occasion de montrer à quoi sert l'entraînement de nos troupes et de faire preuve de leadership. Environ 2 000 membres des Forces canadiennes se trouvent maintenant en ex-Yougoslavie et notre mission en Bosnie n'en est pas une de maintien de la paix conventionnel. Notre présence là-bas ne sert pas uniquement à écarter l'une de l'autre des factions en guerre, elle permet aussi d'apporter de l'aide humanitaire.
De nombreuses personnes ont été troublées par les récents événements, alors que des Canadiens se sont trouvés en difficulté, qu'ils ont été harcelés et même agressés dans l'exercice de leurs fonctions. J'ai eu le privilège de passer quelques jours avec les soldats du Royal 22e à Valcartier le printemps dernier, avant qu'ils ne partent pour l'ex-Yougoslavie. Je peux dire à la Chambre que nos troupes reçoivent une excellente formation avant de partir et je crois qu'elles ont tout ce qu'il faut pour prendre leurs décisions. Nos militaires se sont trouvés dans des situations très difficiles et ils ont su se tirer d'affaire dans l'honneur et avec distinction.
(1550)
Nous accomplissons une tâche importante en Bosnie. On y voit encore beaucoup d'horreurs, mais les gens sont encore en vie parce que nous sommes en Bosnie. Ils mangent parce que nous sommes là. Il n'y a ni holocauste ni génocide parce que nous sommes sur place. Autrement dit, les choses pourraient être bien pires qu'elles ne le sont actuellement si nous n'étions pas en Bosnie.
J'estime que nos troupes doivent rester en Bosnie tant qu'elles pourront y jouer un rôle utile, ce qu'elles font à l'heure actuelle. C'est pourquoi je suis contre un retrait unilatéral. Le Canada est membre des Nations Unies et il est aussi membre de l'OTAN. Cette organisation a un rôle à jouer en Bosnie. Outre sa participation aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies depuis de nombreuses années, le Canada jouit d'une excellente réputation au sein de l'OTAN. Dans l'état actuel des choses, il est
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important de donner l'heure juste en ce qui concerne la force de l'alliance transatlantique.
Certains députés ont fait valoir ce matin qu'une menace de retrait pourrait donner des résultats. Une telle mesure pourrait aussi aller à l'encontre du but recherché en donnant à entendre aux belligérants en Bosnie qu'ils n'ont pas à négocier ou du moins à négocier sérieusement et qu'ils peuvent continuer comme avant. À mon avis, une menace de retrait risquerait d'envoyer un message contradictoire.
Je crois que le Canada doit poursuivre sa mission actuelle et n'engager un retrait qu'après avoir consulté les autres pays membres des Nations Unies. Il faut plutôt remédier aux faiblesses des moyens de mise en oeuvre des décisions des Nations Unies. Cette lacune a été dénoncée non seulement par notre personnel, notamment le général MacKenzie, mais récemment encore par le général belge.
Nous devons nous efforcer de corriger les faiblesses du processus de mise en oeuvre des mesures décidées par les Nations Unies. Il faut renforcer l'institution en Bosnie mais aussi en prévision de toutes les autres Bosnies qui risquent de survenir. Il est vrai que la guerre froide est terminée, et nous n'avons peut-être pas suffisamment insisté sur ce point aujourd'hui. Toutefois, beaucoup font valoir que cela n'a pas assuré une plus grande stabilité, mais bien le contraire. La situation mondiale demeure instable. Des menaces pèsent encore sur la paix mondiale, et tant qu'il en sera ainsi nous serons probablement appelés à consacrer encore plus de temps et d'efforts à des situations comme celle qui sévit actuellement en Bosnie.
C'est pourquoi il est important de renforcer le processus décisionnel et les mécanismes de mise en oeuvre des décisions d'institutions comme les Nations Unies. Il faut aussi assurer un partage équitable des responsabilités, ce que nous sommes parfaitement en droit d'exiger. Le Canada a peut-être fait plus que sa part et certainement plus que d'autres pays. Nous sommes en droit d'attendre un partage équitable du fardeau.
Je voudrais terminer en parlant des soldats canadiens et je citerai plus particulièrement un militaire dont le convoi a été la cible de harcèlement et de tirs de la part de ceux que les soldats canadiens ont justement pour mission d'aider. De retour au Canada, ce soldat déclarait tout récemment à la télévision: «J'ai été formé en prévision de ce genre de situation, et c'était pour moi l'occasion de mettre mes compétences en pratique. C'est le genre de travail que nous devons faire et que nous voulons faire.» Je crois que ces propos illustrent la détermination des militaires canadiens de faire le meilleur travail possible. Aussi j'estime qu'il nous incombe, en tant que parlementaires, de leur donner tout le soutien dont ils ont besoin pour remplir leur mission.
M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos du député. Je trouve qu'il s'exprime vraiment très bien. Le débat que nous tenons aujourd'hui me semble revêtir une importance très particulière. Nous parlons de la Bosnie et des problèmes liés à la guerre dans cette région.
(1555)
J'ai une observation à formuler et une question à poser au député. Il me semble que ce débat souligne l'urgence de procéder à l'examen de la défense. Je sais que cette initiative doit prendre la forme d'un examen public. Il me semble qu'il serait grandement préférable que nos forces armées comptent davantage sur la population civile. Elle pourrait ainsi offrir un éventail de services beaucoup plus grand, allant du service très professionnel des militaires à plein temps jusqu'à celui que permettrait un renforcement des rangs des corps de cadets, sans oublier l'apport d'effectifs à temps partiel. Je pense que ce genre d'organisation nous permettrait de répondre beaucoup plus efficacement qu'on ne peut le faire aujourd'hui aux divers besoins qui se manifestent dans les domaines du rétablissement et du maintien de la paix.
J'espère aussi qu'on recommandera, dans le cadre de l'examen public, une meilleure utilisation de nos bases, afin qu'elles puissent servir aux missions internationales et à d'autres choses du genre.
L'autre examen que l'on prévoit faire bientôt-l'an prochain ou l'année d'après, je crois-est un examen officiel complet de l'Organisation des Nations Unies. Le député nous a beaucoup parlé de la façon dont les Nations Unies menaient leurs opérations en Bosnie.
Pour ma part, et c'est un grand défendeur des Nations Unies qui vous le dit, il me semble que cette organisation est devenue inutilement grosse et complexe dans des domaines comme la science et l'éducation, entre autres. Le Canada a un rôle majeur à jouer dans la revitalisation des Nations Unies.
Le député a-t-il des commentaires à formuler sur ces deux examens, l'examen de la défense et celui des Nations Unies?
M. Rompkey: Monsieur le Président, j'ai déjà indiqué que j'étais d'accord avec lui sur ce qu'il a dit à propos des Nation Unies. Notre problème en Bosnie n'a rien à voir avec les troupes ou le personnel militaire; il s'explique par le manque de volonté politique, par la structure des institutions politiques qui les dirigent. C'est là que les réformes sont nécessaires. Si nous ne réformons pas ces institutions, nous serons encore plus mal en point.
Les Nations Unies sont vraiment la seule institution à même de prendre la situation en mains. Peut-être la CSCE ou l'OTAN peuvent jouer un rôle à titre d'organismes complémentaires mais, à moins que les Nations Unies soient fortes et dotées de la structure et de la volonté politique voulues, je doute qu'à l'avenir nous soyons en mesure de faire face à ce genre de situation.
Sur la question des réservistes, je suis en faveur du concept de la force totale. Des réservistes participent déjà aux opérations de maintien de la paix outre-mer. Nous comptons beaucoup sur eux. Je pense et j'espère qu'à l'avenir nous le ferons encore davantage. C'est de toute évidence la voie à suivre. J'ai moi-même été réserviste à la division universitaire d'instruction navale, maintenant défunte. C'était une excellente façon pour les jeunes de faire leurs débuts dans la vie, de gagner quelque argent, de faire leurs études et, dans mon cas, de devenir Canadien. C'est une chose à laquelle nous devrions attacher plus d'importance.
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Pour ce qui est de l'utilisation des bases, il y a déjà eu des idées très novatrices, comme par exemple, à St. Margarets, au Nouveau-Brunswick, où une entreprise privée a racheté toute la base pour en revendre les maisons à des particuliers et créer une communauté nouvelle. Cela me semble une idée très originale. En Nouvelle-Écosse, en particulier, on songe à utiliser les installations militaires pour la formation des jeunes. Les idées originales pour tirer parti des bases des forces armées ne manquent pas. J'appuie entièrement ce que le député a dit.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je remercie le député qui est intervenu et s'est dit favorable à ce que les Forces canadiennes continuent de jouer leur rôle dans l'ancienne Yougoslavie.
Je voudrais lui poser des questions précises au sujet des problèmes qui ont été soulevés concernant le mandat et les règles d'engagement. Étant donné son expérience dans le domaine, le député est sûrement au courant des préoccupations mentionnées à cet égard par le général Briquement, le général Cot et d'autres encore.
Est-ce que le député serait d'accord pour qu'on renforce le mandat, afin de vraiment pouvoir parler de zones protégées? D'une façon plus particulière, pensons aux six zones protégées désignées par les Nations Unies dans la résolution 836 de juin l'an dernier; de toute évidence, la protection y est nulle puisque des enfants innocents ont été massacrés de sang froid pendant qu'ils s'amusaient en faisant de la luge. Le député convient-il qu'il faut renforcer la capacité des soldats qui sont sur le terrain de riposter à une attaque aussi grave?
M. Rompkey: Monsieur le Président, je suis totalement d'accord avec cela. Je crois que c'était d'ailleurs une partie de l'argument que je faisais valoir. Le problème n'est pas sur le terrain; il concerne plutôt les structures qui régissent les activités des soldats. Je suis d'avis qu'il faut renforcer le mandat à cet égard. Nous devons aussi fournir le personnel nécessaire pour exécuter ce mandat.
(1600)
À l'heure actuelle, il me semble que nous n'avons pas assez de ressources dans l'ancienne Yougoslavie pour accomplir le travail. En plus des resources qui s'y trouvent, nous avons peut-être besoin d'un plus grand nombre de soldats pour exécuter le mandat, mais de toute évidence, il faut renforcer ce mandat.
M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Monsieur le Président, je tiens à féliciter ceux qui ont pris la parole aujourd'hui et qui ont exprimé leurs points de vue concernant cette question très importante.
Quelqu'un a demandé comment le Canada avait acquis sa réputation dans le secteur du maintien de la paix. Je signale que ce rôle assumé par le Canada n'est pas quelque chose de nouveau. En effet, il ne faut pas oublier que 66 000 jeunes Canadiens ont perdu la vie au cours de la Première Guerre mondiale. Je rappelle aussi que la Société des Nations, qui a été fondée vers 1931, a dû relever son premier grand défi 12 ans plus tard lorsque le Japon a envahi la Mandchourie et que la Société ne disposait d'aucune force d'intervention. Personne ne voulait prendre position. Tous avaient des problèmes internes plus pressants et de toute façon l'Asie était trop éloignée. Par conséquent, la Société des Nations a échoué dans ce dossier.
En 1935, la SDN a encore une fois échoué lorsque les Italiens ont pris possession de l'Abyssinie. Trop de problèmes se posaient. La France ne voulait pas perturber ses relations avec l'Allemagne. En fait, la communauté internationale a tout simplement glissé vers deux conflits mondiaux parce que ses membres n'étaient pas prêts à faire bloc et à adopter une position ferme. De nos jours, les Nations Unies symbolisent précisément cette unité qui fait se rassembler les pays du monde et adhérer à une position, celle de la communauté internationale, contre les agresseurs.
J'estime qu'il ne faut absolument pas laisser un agresseur se permettre quoi que ce soit. La commission des crimes de guerre est présentement sur place en Yougoslavie, et des accusations devraient être portées contre ceux qui commettent et qui ont commis des crimes de guerre contre des enfants, des femmes et des personnes âgées, de même que ceux qui détruisent tout ce qui existe dans l'ancienne Yougoslavie et qui sont responsables de la tragique situation qui prévaut. Ces personnes doivent être traduites en justice. Si cela n'est pas fait, c'est qu'il existe une lacune au sein de l'ONU elle-même. Cela dit, je pense que la communauté internationale exigera que les coupables comparaissent devant la justice.
C'est aussi grâce au très honorable Lester B. Pearson que le Canada joue aujourd'hui un rôle de premier plan dans les opérations de maintien de la paix. Cette tradition a commencé en 1956, en Égypte et au Moyen-Orient. C'est à cette occasion que les Canadiens ont vraiment établi leur réputation. Le premier véritable test pour les Nations Unies en matière d'opérations de maintien de la paix a évidemment été la guerre de Corée. Plus de 1 500 jeunes Canadiens ont perdu la vie dans ce conflit.
À mon avis, la question ne consiste pas à savoir si nous avons les moyens de maintenir une force de maintien de la paix, mais plutôt à savoir si nous pouvons nous en passer. Ma réponse est non. Nous ne pouvons nous passer des forces de maintien de la paix parce que le Canada et les autres pays qui ont une responsabilité à cet égard se doivent de l'assumer pleinement.
Si nous ne prenons pas position collectivement contre tous les petits agresseurs dans le monde, nous allons finir par avoir un grave conflit. Nous allons devoir envoyer d'autres jeunes Canadiens, c'est-à-dire la crème de la crème, intervenir dans un autre conflit mondial. Dieu sait ce qui pourrait se produire. Par conséquent, il faut absolument éviter une telle situation. Nous devons nous occuper des conflits, peu importe où ils se produisent dans le monde.
J'aimerais dire un mot sur ce qui se passe chez nous. Lorsqu'on songe au personnel militaire, on pense immédiatement aux soldats. Mais qu'en est-il de leurs conjoints? Qu'en est-il des familles des soldats qui sont affectés à des missions de maintien de la paix durant six mois, comme c'est le cas aujourd'hui? Sur quelle aide ces conjoints et ces familles peuvent-ils compter? Avez-vous songé à la mère qui reste à la maison avec trois ou quatre enfants en bas âge? Quelle aide cette mère reçoit-elle?
En fait, cette personne peut compter sur l'aide fournie par un groupe de soutien qui est en communication avec ces familles. Il s'y trouve toujours quelqu'un pour aider les familles et leur
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donner des renseignements sur ce qui se passe dans la région où se trouvent les forces des Nations Unies, où se trouve le conjoint, le père ou la mère, selon le cas. Des groupes de conjoints font partie du groupe de soutien créé sur la base. Les conjoints rencontrent les membres du groupe de soutien. Ils écrivent à leur être cher et lui envoient des nouvelles et des messages enregistrés. Personne n'est laissé à lui-même.
(1605)
Un centre de ressources a été mis sur pied à Petawawa. Je vis à trois milles de l'entrée de la base à Petawawa, en Ontario, et j'ai enseigné sur cette base. J'ai travaillé là-bas pendant cinq ans et demi avant de me lancer en politique. J'ai donc appris à connaître la vie que mènent les membres d'une communauté militaire; j'ai pu constater par moi-même comment ils fonctionnaient et je n'ai que de l'admiration pour ces gens.
Le centre de ressources familiales offre des conseils et de l'aide au groupe de soutien. Il collabore avec les organisations de la localité. Je dois dire que les gens de ma région, du comté de Renfrew, dans la région de Petawawa, où nous avons trois Petawawa, le village, le comté et la base, sans oublier la ville de Pembroke située 10 ou 12 milles plus loin ainsi que Deep River et Chalk River au nord, de même que les autres localités situées autour du comté de Renfrew, tous ces gens appuient la base. Ils offrent un soutien moral aux familles des militaires, notamment le jour du Souvenir, et les aident de bien des façons. Ils se fréquentent et entretiennent des relations très chaleureuses.
Lorsque les soldats sont envoyés en mission, les travailleurs sociaux se rendent sur la base pour aider les familles. Chaque groupe compte un officier supérieur qui aura recueilli des renseignements sur les familles avant le départ des troupes. Ces officiers connaissent les conjoints et les familles des militaires et leur font parvenir des bandes vidéos. Les aumôniers et les médecins, tant sur le terrain que sur la base, apportent également leur aide.
Il existe donc un plan global de soutien aux familles de militaires, un système bien organisé. Combien tout cela coûte-t-il? Rien. Toutes les dépenses sont payées. Je tenais à apporter cette précision aux contribuables canadiens. Elles ne sont pas payées au moyen de fonds publics, mais à l'aide de tombolas, des profits des mess et des cantines et d'autres choses du genre. Cela en dit long sur le dévouement et l'esprit de solidarité de la collectivité militaire canadienne.
Les organismes de la collectivité accomplissent un travail très important. À Noël, ils facilitent l'acheminement du courrier entre les soldats et leurs familles et avant même le départ de ceux-ci, ils s'assurent que leur testament est bien fait de telle sorte que s'il leur arrivait quelque chose, leurs familles n'auraient pas à se battre pour obtenir justice. Tout serait déjà prévu.
Le dévouement et la débrouillardise des membres des Forces canadiennes constituent en soi un véritable modèle de citoyenneté canadienne. Les soldats canadiens vont faire le travail qu'on leur demande de faire. Comme l'a dit cet après-midi le secrétaire parlementaire, on les a préparés à accomplir ce travail. Il y a aujourd'hui parmi nous des députés qui sont d'anciens militaires et je me réjouis que nous puissions bénéficier de leur expérience propre.
Le mandat doit être très clair au sein des Nations Unies, monsieur le Président. Il faut que toutes les parties collaborent. Sinon, nos troupes sont effectivement en danger. Il faut que les parties assument la responsabilité de respecter les décisions internationales. On nous demande pourquoi nous n'armons pas nos troupes de telle sorte qu'elles puissent se battre. Ce serait prendre partie dans le conflit et aller à l'encontre du but premier que visent les Nations Unies en envoyant des troupes là-bas.
J'ai reçu aujourd'hui un appel d'un de mes électeurs qui souhaite que nos soldats soient armés. Il faudra que la Chambre débatte et que les Nations Unies déterminent la mesure dans laquelle ils devraient être armés pour arriver à se défendre. Toutes les parties doivent convenir d'un mandat, puis le respecter.
Je me réjouis de ce que la Commission des crimes de guerre soit aujourd'hui en Yougoslavie pour attraper les personnes qui violent le droit international en commettant des crimes de guerre. Après le conflit, il faudra les traîner devant la Cour internationale pour qu'ils y soient formellement accusés, jugés et condamnés à la peine idoine. Nous ne pouvons tolérer cela plus longtemps.
(1610)
Comme je le disais, les militaires canadiens feront leur travail. Doivent-ils rester en Yougoslavie? Si le pays, à titre de membre des Nations Unies, ne fournissait pas de soldats pour s'occuper de l'aspect humanitaire de la situation en Yougoslavie, pour tenter de concilier les parties et d'instaurer la paix, il ne serait pas à la hauteur de l'esprit international qui a donné naissance aux Nations Unies.
Je pose à nouveau la question: Avons-nous les moyens d'être là? Devant les nombreuses régions troublées du monde, je ne crois pas que nous, les Canadiens, qui comptons parmi les principaux fondateurs des Nations Unies, pouvons nous retirer. Oui, il faut changer certaines choses aux Nations Unies, il faut améliorer cette organisation pour qu'elle puisse relever les nombreux défis que réserve l'avenir.
Mais pour relever ces défis, la communauté internationale doit travailler en collaboration et l'ONU doit être renforcée et améliorée pour être en mesure de relever tous les défis. Nous ne pouvons pas laisser souffrir de jeunes enfants et des femmes. Si les Nations Unies se retiraient de la Yougoslavie, il y aurait encore plus de viols, de mauvais traitements infligés aux enfants, de meurtres d'enfants, de femmes et de personnes âgées. Il n'y aurait plus de lois.
En tant qu'êtres humains, nous ne pouvons pas laisser durer ces atrocités. Nous l'aurions sur la conscience. N'oubliez pas qu'une simple escarmouche a donné naissance à la Première Guerre mondiale et que c'est la dépression économique des années trente qui a préparé le terrain pour la Seconde Guerre mondiale. Personne ne voulait intervenir, s'interposer avant qu'il soit trop tard; tous avaient trop de problèmes à régler.
C'est vrai, nous avons beaucoup de problèmes au pays et nous devons les régler, y trouver des solutions. Mais nous devons aussi nous rendre compte que le monde est bien petit. Tout ce qui se passe dans le monde finit par se répercuter sur toutes les nations et nous ne pouvons pas laisser brûler les petits incendies
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qui se déclarent ici et là sans tenter de les éteindre. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une lutte de tous les instants. Il y a des régions troublées partout dans le monde et les Nations Unies doivent intervenir partout sinon nous risquons de connaître une guerre pire que toutes celles que nous avons connues jusqu'à maintenant et qui menacera même la survie de l'espèce humaine.
Avons-nous les moyens de demeurer des gardiens de la paix pour les Nations Unies? Je ne crois pas qu'une nation saine pourrait aujourd'hui répondre autre chose que oui. Il n'y va pas de dollars et de sous, mais des valeurs de l'humanité et de l'avenir du monde.
M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt le député de Renfrew, comme je le fais depuis de nombreuses années. Il a toujours défendu de façon fort convaincante la cause des militaires canadiens afin qu'on leur donne les outils dont ils ont besoin pour faire le travail qu'on leur demande de faire. En fait, je ne crois pas que les hommes et les femmes qui ont choisi de servir leur pays au sein des Forces armées canadiennes puissent trouver un meilleur porte-parole que le député qui vient de parler.
Je veux poser au député des questions bien précises. Même après un mandat, comparativement à mon collègue ici, je suis encore une recrue lorsque nous parlons d'un sujet comme celui-là. L'une des choses qui m'inquiète beaucoup au sujet de la situation en Bosnie, c'est l'impuissance ou l'impuissance apparente des Nations Unies à se servir de leur pouvoir collectif pour essayer d'arrêter les agresseurs en Bosnie et pour trouver une solution diplomatique et non militaire à ce conflit.
Le problème dure depuis beaucoup trop longtemps. Beaucoup trop d'enfants ont été tués. Beaucoup trop de gens ont été déplacés. Nous avons entendu parler de beaucoup trop de viols et d'actes de brutalité, choses dont nous n'avions pas entendu parler depuis la Deuxième Guerre mondiale. L'ONU, cette grande et vénérable institution, ne cesse d'adopter des résolutions. Cependant, elle semble avoir oublié de donner du mordant à ses résolutions. Elle semble ne pas avoir trouvé comment faire respecter ses résolutions pour mettre un terme à toutes ces atrocités dont nous entendons parler. À ce sujet, je veux vous citer les paroles du commandant sortant de la FORPRONU, le lieutenant-général Briquemont, de Belgique. Comme on le rapportait dans le Globe and Mail du 24 janvier dernier, il a dit ceci: «Nous sommes confrontés à une grave crise parce que les politiciens rédigent et adoptent des tas de résolutions, mais nous ne sommes pas en mesure de les mettre en application.»
(1615)
Voici les questions que je veux poser à mon collègue. À son avis, qu'est ce que le Canada peut faire? Lorsque les Nations Unies choisissent d'adopter des résolutions dans des cas comme celui-là, quel rôle de premier plan pouvons-nous jouer pour voir à ce que ces résolutions soient respectées? Quel rôle le Canada peut-il jouer pour renforcer ces résolutions?
M. Hopkins: Monsieur le Président, le Canada est aimé et respecté partout dans le monde. Il y a une grande différence entre les deux. Il se trouve que les autres pays nous aiment et nous respectent à la fois.
Ce que le Canada peut faire de mieux, de nos jours, c'est réunir les nations par des moyens diplomatiques et les amener à discuter pour arrêter des mesures, exactement comme le premier ministre l'a fait lorsqu'il s'est rendu à Bruxelles récemment pour la conférence de l'OTAN.
Nous devons protéger nos propres soldats pendant qu'ils se trouvent là-bas. Nous n'allons pas les laisser dans une situation où ils risquent de tomber sous les balles ou sous les bombes. Nous devons nous occuper d'eux. Il ne faut pas qu'ils deviennent des cibles pour les belligérants.
Je dirai encore au député, que je remercie de ses aimables propos, qu'il est très important que l'ONU soit renforcée. Si quelque chose de bon doit sortir de la situation de l'ancienne Yougoslavie, c'est la prise de conscience que les Nations Unies doivent être renforcées. Il faut que cette organisation soit modernisée pour entrer dans le XXIe siècle. Comme je l'ai dit dans mon intervention, l'ONU devra faire face à de nombreux problèmes tout au long du prochain siècle. Elle n'y arrivera pas si elle garde une mentalité d'un autre âge.
[Français]
Le vice-président: Le député de Louis-Hébert a la parole pour une brève question car le temps est presque écoulé.
M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, étant d'accord sur l'intervention du député de Renfrew-Nipissing-Pembroke, je ne poserai pas de question. Cependant, j'aimerais ajouter un commentaire. Lorsque j'essaie de comprendre pourquoi les Canadiens et les Québécois hésitent tant devant les missions de paix, cela m'amène à trouver deux pistes pour interpréter cette hésitation-là. D'une part, il m'apparaît qu'on a toujours de la difficulté à se voir comme étant des citoyens du monde. Je pense qu'à partir du moment où de plus en plus de Canadiens et de Québécois se verront sous cet angle-là, ils comprendront davantage la nécessité d'être présents.
Voici un deuxième élément: je pense que les missions de paix auxquelles a participé le Canada se sont peut-être trop axées sur le maintien de la paix ou des efforts pour tenter d'obtenir la paix, et ce faisant, je pense qu'on a un peu mis de côté tout le volet humanitaire. Le député de Renfrew-Nipissing-Pembroke en a parlé et je veux insister en rappelant qu'il y a au Canada au-delà de 250 organisations non gouvernementales qui, dans le monde, veulent exercer des actions humanitaires. Je pense que le rôle des Casques bleus lorsqu'ils interviennent dans un pays, c'est pour maintenir la paix, mais c'est surtout et peut-être autant, en tout cas, pour permettre à ces organisations, à des centaines de Canadiens d'oeuvrer pour l'aide humanitaire, de rendre cette aide-là à destination.
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M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je vous félicite de votre nomination.
Il y a eu des discussions entre les partis et je crois que vous aurez le consentement unanime pour la motion suivante:
[Traduction]
Que, le mardi 25 janvier et le mercredi 26 janvier 1994, l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien soit différée jusqu'à 22 heures et que, au cours de cette prolongation de séance, aucune motion dilatoire ne soit acceptée par la Présidence ou absence de quorum ne puisse lui être signalée.[Français]
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?
M. Langlois: Monsieur le Président, la proposition qu'a faite l'honorable député de Kingston et les Îles est exactement ce qui a été décidé et c'est avec plaisir que l'opposition officielle y concourt.
(1620)
M. Robinson: C'est pour une simple vérification. Étant donné les propos du premier ministre, je présume que s'il y a toujours des députés qui veulent participer au débat à 22 heures, on pourra toujours continuer le débat et c'est avec cette entente que je donnerai mon appui à la proposition.
Le vice-président: Je me pose la même question. Est-ce que vous pouvez nous éclairer à ce sujet, monsieur le secrétaire parlementaire?
M. Milliken: Monsieur le Président, on pourrait certainement avoir des discussions vers 22 heures pour continuer le débat si c'est nécessaire. Mais l'intention des leaders de tous les partis à la Chambre, c'est de terminer le débat à 22 heures si possible. C'est le but des leaders à la Chambre, savoir qu'avec deux séances très longues, soit aujourd'hui et demain, et peut-être la semaine prochaine, il faut terminer les débats à une heure acceptable pour tous les députés, et nous l'essayons cet après-midi.
(La motion est adoptée.)
Le vice-président: Le débat continue. Je crois que le député de Saanich-Gulf Island veut prendre la parole. Vous désirez invoquer le Règlement, monsieur le chef du Parti réformiste?
[Traduction]
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais d'abord vous féliciter de vos nouvelles fonctions. Comme la discipline de parti a déjà été à l'origine de problèmes dans le passé, vous devez éprouver une certaine satisfaction à. . .
Le vice-président: Je m'excuse, mais on me signale que je n'ai pas demandé à la Chambre si elle donnait son consentement unanime relativement à la motion proposée par le secrétaire parlementaire. J'en déduis qu'il n'y a pas de problème et que personne ne s'opposera? Il y a donc consentement unanime, et tout le monde est content.
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
M. Manning: Monsieur le Président, je voulais simplement vous féliciter de vos nouvelles fonctions. Je le répète, comme la discipline de parti a déjà été à l'origine de problèmes dans le passé, vous devez éprouver une certaine satisfaction à présider les travaux de l'actuel Parlement, d'autant plus que la discipline de parti a été assouplie durant la présente session.
Je félicite aussi les autres députés qui ont pris la parole aujourd'hui de leurs interventions très intéressantes et sincères. Personnellement, j'ai trouvé cela très utile et impressionnant.
Cela dit, à l'instar de tous les autres députés, je m'intéresse vivement à la question dont nous sommes saisis, aussi bien en ce qui concerne la sécurité internationale que du point de vue humanitaire.
Cette question revêt également une importance toute particulière pour les députés de Calgary, étant donné que 1 600 employés de la base de Currie, à Calgary, sont censés se rendre en Croatie et en Bosnie dans les mois à venir. À mon avis, il est important que nous puissions leur expliquer ainsi qu'à leurs proches les raisons de leur envoi là-bas, le travail qu'ils seront censés y effectuer et les ressources qui seront mises à leur disposition.
Les députés réformistes ont abordé ce débat sans idée ou position préconçue. Nous espérons toutefois l'enrichir en cernant les questions clés qui nécessitent des réponses, en faisant diverses observations sur ces questions et en essayant de résumer dans des lignes directrices qui pourraient être utiles au gouvernement les réponses que les différents députés auront données à ces questions.
Quelles sont les principales questions auxquelles le gouvernement doit répondre? À notre avis, il y en a trois. La première est de nature générale et concerne la politique étrangère: le Canada devrait-il, en tant que pays, continuer de jouer un rôle important dans les opérations d'imposition et de maintien de la paix à l'échelle internationale? La deuxième est de nature générale et concerne la politique en matière de défense: quel rôle les forces armées canadiennes devraient-elles jouer à l'aube du XXIe siècle et quelles répercussions cela devrait-il avoir sur les opérations d'imposition et de maintien de la paix? La troisième question est moins générale. Ce sont les événements tragiques et l'urgence de la situation dans l'ancienne Yougoslavie qui nous obligent à y répondre: le Canada devrait-il continuer de participer aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans cette région du monde? Il serait évidemment plus facile de répondre à la troisième question si nous avions des réponses claires aux deux premières.
(1625)
Le Canada devrait-il, en tant que pays, continuer de jour un rôle important dans les opérations internationales de maintien et d'imposition de la paix? Des arguments solides militent en faveur de cette proposition. Tout d'abord, nous vivons dans un monde instable, et il existe un besoin évident d'intervention internationale de maintien et d'imposition de la paix. Deuxièmement, le Canada possède une expérience et une compétence internationalement reconnues dans ce domaine d'activité. Le député de Red Deer a d'ailleurs proposé que le Canada se spécia-
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lise dans les stages d'entraînement aux opérations de maintien de la paix et peut-être même les exporte dans le monde entier. Troisièmement, le Canada jouit, comme gardien de la paix, d'un degré plus élevé d'acceptation que beaucoup d'autres pays dont les États-Unis.
Ce sont tous là des arguments solides, mais il y a lieu également de formuler quelques réserves. Premièrement, ce ne sont pas toutes les situations de conflit qui peuvent être résolues par des forces internationales de maintien de la paix. Il faudra apprendre à distinguer entre les situations qui peuvent être ainsi résolues et celles qui ne peuvent pas l'être. Deuxièmement, le Canada dispose de ressources limitées, et nous ne pouvons pas acquiescer à n'importe quelle demande d'intervention de maintien de la paix qu'on nous présente. Troisièmement, nous devons nous préoccuper davantage, comme un certain nombre de députés l'ont fait remarquer, de la capacité de la structure organisationnelle sous les auspices de laquelle sont entreprises les opérations de maintien de la paix.
Il faut évidemment que l'Organisation des Nations Unies fournisse le cadre juridique et politique aux les activités de maintien de la paix. Mais l'ONU est-elle capable d'assurer le commandement sur le terrain et le soutien logistique nécessaires, ou cela devrait-il venir d'ailleurs, par exemple d'un OTAN réorganisé ou directement d'un consortium des pays qui fournissent des troupes pour ces opérations?
Donc, à la question de savoir si le Canada, en tant que pays, devrait continuer de jouer un rôle important dans les opérations internationales de maintien et d'imposition de la paix, la réponse qui me paraît suggérée par les commentaires que l'on a fait jusqu'ici aujourd'hui est oui, mais un oui conditionnel en se préoccupant beaucoup plus à l'avance de la façon dont les activités de maintien de la paix sont organisées, ce qu'elles pourraient coûter et les chances d'apporter une contribution significative.
Passons maintenant à la deuxième question: Quel devrait être le rôle des Forces armées canadiennes à l'approche du XXIe siècle, et quel rapport ce rôle a-t-il avec les activités internationales de maintien et d'imposition de la paix? Bien que cela ne fasse pas l'objet du débat, comme nous l'a rappelé le ministre de la Défense nationale, c'est la question à laquelle doit répondre l'examen de la politique de défense que le gouvernement a promise dans le discours du Trône.
Les Forces militaires canadiennes se font dire actuellement, de façon très vague et imprécise, qu'elles ont au moins quatre tâches à remplir avec un budget de 12 milliards de dollars. Elles doivent protéger la souveraineté canadienne, y compris le long de notre longue côte orientale, dans le contexte de la défense nationale. Elles doivent contribuer à la sécurité européenne dans le cadre des accords de l'OTAN. Elles doivent fournir un soutien aux autorités civiles canadiennes dans des situations spéciales comme à Oka, et elles doivent participer à de multiples opérations internationales humanitaires et de maintien de la paix sous les auspices des Nations Unies.
Il est clair que la présente législature et le gouvernement actuel doivent fournir aux militaires canadiens un énoncé de leur mission pour les années 1990 et le XXIe siècle plus clair que ce qu'il leur a donné jusqu'ici. Il faut à notre avis établir un ordre de priorité entre ces quatre fonctions et attribuer les ressources correspondantes aux priorités ainsi attribuées. Si on le faisait, comme le député de Charlesbourg l'a dit plus tôt aujourd'hui, nous aurions alors une idée plus claire du genre d'engagement que le Canada pourrait prendre à un moment donné dans le cadre d'un projet d'intervention internationale de maintien de la paix dans différentes situations.
La troisième question que je me pose est celle de savoir si le Canada devrait continuer de participer aux opérations actuelles de maintien de la paix dans l'ex-Yougoslavie sous l'égide des Nations Unies. C'est probablement la question sur laquelle ont porté 50 à 60 p. 100 de tout ce qui s'est dit ici aujourd'hui.
(1630)
Ceux qui sont partisans du retrait semblent l'être pour diverses raisons. Ils sont d'avis que la situation politique dans les Balkans ne peut être réglée que par une intervention militaire massive ou des moyens dictatoriaux que le Canada ne saurait approuver. D'autres estiment trop élevés les coûts cumulatifs de la mission, qui n'ont jamais été pleinement divulgués à la population canadienne. Ils sont d'avis que si l'on consulte pleinement la population, celle-ci dira majoritairement que les troupes canadiennes doivent se retirer.
Ceux qui sont en faveur du maintien des troupes le sont pour les motifs suivants.
D'abord, la poudrière balkanique a déjà provoqué un conflit mondial et qu'elle pourrait encore le faire si nous n'intervenons pas.
Comme deuxième motif, tout fléchissement de la volonté canadienne en Croatie ou en Bosnie affaiblirait la détermination des autres troupes de maintien de la paix, laissant ainsi davantage la voie libre aux belligérants. Je pense que c'est l'argument défendu par le député de Labrador.
En troisième lieu, et je pense qu'il s'agit là du principal argument en faveur du maintien du rôle, ils sont d'avis que des préoccupations humanitaires pour les souffrances de centaines de milliers de gens, dont bon nombre de femmes et d'enfants, exigent une riposte internationale et canadienne, que pareille riposte semble efficace ou non. Le chef de l'opposition a éloquemment fait valoir cet argument au tout début du débat.
En suivant le débat, j'ai essayé de me mettre à la place de nos vis-à-vis et je me suis demandé s'il y avait un moyen terme raisonnable entre l'engagement envers le maintien et la préparation au retrait. S'il en est un, je crois que c'est le suivant.
D'abord, le Canada devrait dicter comme condition du maintien des troupes la mise en place d'une meilleure structure de soutien et de commandement pour l'initiative de maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie. Cette condition serait négociée avec les Nations Unies, et non avec les belligérants.
Ensuite, le Canada devrait formuler-à l'occasion de la conférence proposée par quelques députés-certaines attentes minimales pour le maintien de sa participation dans l'ancienne You-
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goslavie, comme la conclusion d'une entente exécutoire si fragile soit-elle en Bosnie avant la fin de l'année.
Enfin, le Canada devrait songer au retrait uniquement en dernier ressort si les premiers objectifs ne sont pas atteints. J'espère que ces modestes observations seront utiles au gouvernement dans l'élaboration de la politique canadienne en ce qui concerne, de façon générale, le futur rôle du Canada dans les activités de maintien de la paix et, plus particulièrement, le maintien de notre engagement dans l'ancienne Yougoslavie.
[Français]
Le vice-président: Vu que c'est maintenant la période des questions et des commentaires, je cède la parole à l'honorable député de Bellechasse.
M. François Langlois (Bellechasse): Monsieur le Président, ma question sera double et j'essaierai de la faire brève afin de permettre à l'honorable député de Calgary-Sud-Ouest et chef du Parti réformiste d'y répondre.
Au début de son intervention, l'honorable député a parlé de critères à établir pour juger les cas où le Canada devrait intervenir dans les missions internationales. Est-ce que l'honorable député pourrait premièrement préciser les critères qu'il voudrait actuellement voir appliquer pour l'intervention? Deuxièmement, à la fin de son allocution, il a suggéré -c'est ce que je crois comprendre, mais j'aimerais avoir une précision-que les troupes canadiennes pourraient demeurer à certaines conditions. Si les conditions qui sont au nombre de trois, je crois, sont remplies, est-ce que l'honorable député de Calgary-Sud-Ouest suggère que les troupes canadiennes demeurent dans l'ex-Yougoslavie?
[Traduction]
M. Manning: Monsieur le Président, je crois que la réponse aux deux questions est la même. Je proposais que nous définissions des critères qui guideraient les décisions du Canada sur la participation à des opérations de maintien de la paix ou sur la poursuite de cette participation. Vous aurez remarqué que, dans son intervention de ce matin, le ministre a énuméré quatre ou cinq lignes directrices que nous avons utilisées par le passé. À mon avis quelques-unes d'entre elles sont satisfaisantes.
(1635)
Il y en a une que je proposerais de préciser. Le Canada pourrait insister, plus que par le passé, pour qu'il y ait une structure de commandement adéquate et une bonne structure de soutien logistique dans toutes les opérations auxquelles nous participerions. Je crois qu'un certain nombre de nos militaires ont dit que l'ONU excellait pour obtenir les mandats d'intervention, mais qu'elle ne s'y prenait pas aussi bien pour gérer la logistique sur le terrain. Si ce critère était renforcé, ce serait déjà un progrès.
M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, je suis reconnaissant au chef du Parti réformiste de nous avoir fait part de son point de vue.
Il a dit que nous devions faire une distinction entre un conflit qui peut être règlé et un conflit qui ne peut pas l'être. Je voudrais lui demander de préciser sa pensée.
Le monde a pu constater récemment qu'on était en voie de trouver des solutions à de vieux conflits comme celui qui oppose Israëliens et Palestiniens ou celui qui perdure en Irlande du Nord et dont j'entends encore ma grand-mère me parler. Pourtant, d'aucuns estimaient que ces conflits étaient «sans issue.»
Le chef du Parti réformiste pourrait-il nous dire comment il s'y prendrait pour faire cette distinction extrêmement complexe? Parlant du rôle humanitaire que nous jouons là-bas, il semble lui-même laisser entendre qu'il est très difficile de déterminer si un conflit a ou non des chances d'être résolu et qu'il se peut fort bien que, vu leur expertise, les Canadiens aient un rôle à jouer dans une situation apparemment désespérée.
M. Manning: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.
Je ne voulais pas laisser entendre-et si je l'ai fait, c'est que je n'ai pas su me faire comprendre-que la décision de prendre part à une opération de maintien de la paix devrait être fondée sur les chances de règlement d'un conflit. À mon avis, vous faites ressortir le dilemme, en prenant ça comme critère.
Ce que je voulais dire, c'est que nous pouvons peut-être nous fixer des attentes modestes avant de nous lancer dans une opération. Non pas que nous allons régler des conflits vieux de centaines d'années. Même dans le cas de la Bosnie, il serait irréaliste de vouloir avoir des attentes. Au moins, en Croatie, où l'on est parvenu à un accord, aussi bancal soit-il, car ce n'est pas précisément un accord de paix, la situation est un peu mieux. Si telles étaient vos attentes, vous vous seriez au moins fixé un objectif. Cet objectif atteint, vous auriez pu dire qu'il y avait lieu de poursuivre les efforts.
Je parle seulement d'attentes très modestes, mais d'attentes qui peuvent vous aider à établir un critère.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je voudrais revenir sur la dernière question qu'on a posée.
Les députés du Parti réformiste qui ont pris la parole ont émis un certain nombre d'opinions différentes. À mon avis, cela est très sain.
Je dois cependant avouer que je suis un peu dérouté, ne sachant pas trop quelle est la position du Parti réformiste, s'il en a effectivement une. Je voudrais demander au chef du Parti réformiste de clarifier cette position.
Nous avons entendu la députée de Calgary-Sud-Est déclarer que, à son avis, les troupes canadiennes devraient quitter les lieux. Comme elle l'a dit, leur mandat prend fin le 31 mars et elles devraient être retirées puisqu'elles ne peuvent pas assumer un rôle humanitaire.
Je voudrais demander au chef du Parti réformiste de me dire de façon très précise s'il est d'accord avec la position qu'a adoptée sa collègue de Calgary-Sud-Est et qu'a également adoptée avec une certaine retenue, si je comprends bien, son collègue de
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Saanich-Les Îles-du-Golfe, ou s'il est plutôt d'accord avec celle qu'a adoptée son collègue de Red Deer, qui a laissé entendre, pour les raisons que certains d'entre nous ont mentionnées, que les Nations Unies avaient un rôle humanitaire très important à jouer et que le Canada devrait. . .
Le vice-président: Je prie le chef du Parti réformiste d'être très bref.
M. Manning: Monsieur le Président, c'est là une question complexe.
Tout d'abord, le Parti réformiste ne prend pas position sur cette question en particulier. Nous avons encouragé nos membres à exprimer leurs propres points de vue et ceux de leurs électeurs.
Je souligne toutefois au député que les points de vue exprimés par ces députés sont conciliables. À mon avis, ils désirent que le Canada prenne part à ces opérations de maintien de la paix, mais à certaines conditions, et ce, sur quoi ils ne s'entendent pas, c'est sur ce que devraient être ces conditions.
Certains disent que ces conditions ne peuvent pas être posées et que, par conséquent, nos troupes devraient partir, alors que d'autres seraient d'accord pour qu'on impose d'autres conditions. Ce que nous débattons, ce n'est pas de savoir si nos troupes devraient être retirées ou non, mais bien de savoir à quelles conditions elles devraient demeurer là-bas ou partir.
(1640)
M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Monsieur le Président, en ce septième jour de séance de la 35e législature, je voudrais me joindre à mes collègues pour vous féliciter de votre élection. Vos collègues et vous m'avez vraiment aidé et avez vraiment aidé d'autres députés à se familiariser avec les procédures de la Chambre.
Je voudrais également remercier de nombreuses autres personnes sans l'appui desquelles je ne serais pas à la Chambre. Je ne serais pas ici sans l'appui indéfectible et l'amour de mes parents, de mon épouse, Melanie, de nos quatre enfants, Joshua, Tyrel, Stephanie et Danielle, et de nombreux autres amis très chers que je voudrais saluer ici aujourd'hui.
Je voudrais remercier les habitants de Moose Jaw-Lake Centre de m'avoir fait l'honneur de m'élire pour les représenter ici, à Ottawa. Comme beaucoup de députés l'ont souligné, on ne perçoit plus toujours les politiciens avec autant de respect que jadis. L'objectif que je me suis fixé, en cette 35e législature, est de faire ma part pour redonner tout son sens à l'expression «honorable député».
Je représente la circonscription qui a souvent été décrite comme le coeur de la Saskatchewan. Moose Jaw-Lake Centre est entourée de neuf autres circonscriptions fédérales. C'est vraiment un pays de prairies, où l'agriculture est l'industrie primaire. La route transcanadienne et l'autoroute de Yellowhead traversent ma circonscription. Chaque année, des milliers de touristes empruntent ces deux routes pour se rendre tant à l'est qu'à l'ouest de cette magnifique région de notre pays.
La population se divise à parts égales entre la ville de Moose Jaw et les petites villes avoisinantes, environ 70 villes et villages. J'ai eu la chance de visiter chacune de ces villes au cours des derniers mois et d'écouter les préoccupations et les idées de tous les Canadiens, quelles que soient leurs tendances politiques.
Comme l'ont dit d'autres députés de leur circonscription, ma circonscription a déjà été représentée à la Chambre par des gens célèbres. Le grand John Diefenbaker a représenté une partie de ma circonscription du temps où il était premier ministre. Viennent également de chez nous les fameux Snowbirds de la 15e escadre de la Base des forces canadiennes à Moose Jaw. Nous sommes, en fait, de fiers Canadiens qui vivons au coeur de la Saskatchewan.
Je voudrais aujourd'hui parler d'une question qui m'inquiète énormément, un sujet qui me touche de très près à maints égards. Au début du siècle, mes grands-parents sont venus de Croatie pour s'établir dans ce magnifique pays qui est le nôtre. Ils ont émigré ici, comme des millions d'autres personnes, pour échapper à l'oppression et à la persécution politiques. Ils se sentaient prisonniers d'un régime politique qui ne leur laissait d'autre solution que la fuite.
J'ai moi aussi ressenti ce même désir urgent d'un changement politique. Au Canada, cependant, contrairement à ce que mes grands-parents en Croatie, je ne ressens aucunement le besoin de fuir. Je suis très heureux de pouvoir demeurer ici et de participer à l'important vent de renouveau politique qui souffle sur ce pays.
Comme je l'ai mentionné, la question dont nous parlons aujourd'hui me touche de très près. À l'instar de mon collègue, le député de Cambridge, ma famille est issue d'une région dévastée par la guerre et qui s'appelait autrefois la Yougoslavie.
L'histoire de cette région est très ancienne et mouvementée. Au cours des cent dernières années, chaque génération a transmis sa haine et sa méfiance de l'autre à la génération suivante. C'est précisément ce qui m'amène à conclure que notre mission dans cette région constitue un défi presque impossible à relever. Cette guerre n'oppose ni bons ni méchants. Dans une certaine mesure, chaque camp est responsable des maux dont nous sommes tous les jours témoins. Il en a toujours été ainsi.
La petite ville où j'habite a, depuis plus de 90 ans, l'insigne honneur d'être la nouvelle patrie d'un grand nombre d'immigrants venus de l'ancienne Yougoslavie. En effet, Kenaston est la ville canadienne qui a, par tête d'habitant, le plus grand nombre d'anciens yougoslaves vivant à l'extérieur de leur patrie.
Ces derniers mois, il m'a été donné d'être en étroite relation avec trois messieurs et leurs familles ayant quitté l'ancienne Yougoslavie pour s'installer au Canada. J'en suis venu à connaître intimement ces trois hommes et leurs familles. Leurs milieux socio-culturels et leurs idées différaient les uns des autres. L'un
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était croate, un autre mi-musulman mi-croate et le dernier serbo-croate.
Je voudrais maintenant citer brièvement les propos de ces trois messieurs, témoins directs de la torture qui est pratiquée et de l'horreur qui a cours dans leur patrie.
(1645)
L'un m'a dit: «On se déplace d'un bâtiment à un autre comme des souris. Ce qu'il faut, ce sont des troupes pour instaurer la paix et non des troupes pour maintenir la paix. De toute façon, il est peut-être trop tard. En tant que croate, j'estime que les Nations Unies étaient plus utiles au début des hostilités. Maintenant, elles ne sont plus d'aucune utilité. La guerre va se poursuivre, avec ou sans elles.»
Voici ce qui m'a dit le deuxième: «L'aide humanitaire permanente n'est possible que s'il y a un règlement du conflit. Les Nations Unies doivent adopter une nouvelle approche. Les casques bleus se trouvent dans une situation humiliante. Ils ne servent pas au maintien de la paix. Les Bosniaques ont perdu l'espoir de voir les Nations Unies contribuer à la solution du problème. Les Nations Unies doivent adopter un autre type d'intervention.»
Le troisième m'a dit: «L'aide humanitaire des Nations Unies, c'est bien beau, mais encore faut-il être à sa portée. De mai 1992 jusqu'à leur fuite en août 1993, mes parents n'ont reçu qu'un paquet de l'ONU contenant un kilo de farine et un pain de savon. La ligne de front est à 5 kilomètres de la maison. Il y a des jours entiers de combat où l'on entend les bombardements et les fusillades, tandis que d'autres jours ne sont ponctués que par quelques rares fusillades. Les familles craignent constamment l'arrivée des combats.»
Même parmi ces gens, les opinions varient sur le succès de l'aide humanitaire que nous essayons de fournir à la Bosnie. Le point commun de leurs déclarations, c'est qu'il n'y a pas de solution facile au problème. C'est une situation qui exigera probablement des opérations de maintien de la paix pendant très longtemps. Comme ces gens dont je viens de parler, je pense qu'il faut imposer la paix et non se limiter à une aide humanitaire.
Les forces de l'ONU sont actuellement prises entre l'arbre et l'écorce. Les belligérants ne s'entendent pas sur le rôle de l'ONU en Bosnie. Je pense que l'aide humanitaire est appréciée, tandis que l'élément militaire est honni. Les plus belliqueux voudraient voir partir l'ONU, tandis que les victimes souhaitent qu'elle reste.
Pour moi, la seule option qu'il nous reste, en tant que participant à la force de l'ONU, c'est de nous retirer temporairement et de réévaluer la situation. Les menaces et les ultimatums de l'ONU n'ont donné aucun résultat. J'estime que nous devons faire preuve de plus de fermeté. Je dis cela avec un sentiment partagé. Ce n'est pas sans difficulté que je propose le retrait, alors que des membres de ma famille pourraient périr faute de nourriture ou de médicaments. Cependant, je me rends très bien compte que nous ne pouvons pas continuer ainsi très longtemps.
Des Canadiens ont déjà péri et d'autres mourront pour une mission qui, j'en suis maintenant convaincu, n'aura pas de conclusion satisfaisante. Nous devons être prêts à donner aux forces de l'ONU un nouveau mandat.
En conclusion, j'invite le gouvernement à continuer d'étudier l'histoire, les populations et la situation de cette région, et à prendre une décision fondée sur les intérêts des Canadiens et de tous ceux qui sont en cause.
L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Monsieur le Président, j'aimerais profiter de cette occasion pour vous féliciter pour votre nomination au poste de vice-président de la Chambre et pour vous remercier de l'encouragement que vous m'avez apporté durant ma campagne électorale. Sans votre appui, je ne serais pas ici aujourd'hui.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour remercier les électeurs de ma circonscription de Richmond qui ont su voir au-delà de mon ethnie et me choisir comme leur représentant à la Chambre. Dans Richmond, on ne se contente pas de parler de multiculturalisme, on le pratique.
Le vice-président: J'hésite à vous interrompre compte tenu de la teneur de vos propos, mais je crois que vous faites plutôt une déclaration qu'un commentaire sur le discours que nous venons d'entendre n'est-ce pas?
M. Chan: Une dernière remarque, puis je pose ma question, monsieur le Président.
J'aimerais enfin préciser que je peux facilement me reconnaître lorsque le député parle de ses origines et de l'histoire de sa famille puisque moi aussi je suis venu au Canada à la recherche de liberté et de démocratie.
À mon avis, un des problèmes de l'ex-Yougoslavie ne se prête pas à une solution militaire.
(1650)
Comme l'a déclaré le député, les difficultés de ces gens découlent de la haine qui règne entre les différentes ethnies. Même s'ils vivent côte à côte depuis des centaines d'années, la haine persiste.
Il est important, je crois, que les Canadiens aillent expliquer là-bas comment ils arrivent à vivre en paix les uns avec les autres; c'est parce qu'ils ont compris le concept du multiculturalisme. Nous nous respectons, peu importe nos origines ethniques.
Voici ma question. Lorsque les membres du Parti réformiste du Canada visiteront cette région en difficulté, pourraient-ils profiter de l'occasion pour faire valoir auprès des gens de ce pays l'importance et la beauté du multiculturalisme et leur faire comprendre à quel point il fait partie de notre culture au Canada?
M. Kerpan: Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, c'est certainement là l'un des problèmes. Ce conflit n'a rien de nouveau. Il dure depuis des années, en fait depuis plus d'un siècle. Cela a toujours été un problème. De temps en temps, il y a
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une flambée de violence comme celle dont nous sommes maintenant témoins.
Comme je le disais, je pense que la clé de la situation serait tout d'abord de mettre fin aux combats, d'une façon ou d'une autre, que ce soit en imposant un ultimatum ou autrement, puis, à la cessation des hostilités, d'entreprendre une véritable mission humanitaire et d'amener les trois groupes à se parler.
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt l'intervention du député de Moose Jaw-Lake Centre dont les ancêtres sont originaires de Croatie.
J'ai moi-même été en Croatie et en Bosnie à plusieurs reprises, et j'ai aidé à organiser les premiers groupes de parlementaires qui ont surveillé les premières élections libres, tant en Croatie qu'en Bosnie. D'après eux, même si les casques bleus qui participent au maintien de la paix en Croatie ou aux opérations humanitaires en Bosnie sont souvent inefficaces, ils forment une ligne de démarcation ténue qui jusqu'à maintenant a empêché l'holocauste totale. Supprimer cette ligne entraînerait la mort de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants.
Sommes-nous vraiment prêts à le faire? Le député conseillerait-il que nous supprimions cette ligne ténue? Sommes-nous prêts à vivre le reste de nos jours avec le poids de la mort de tant d'innocents sur notre conscience?
M. Kerpan: Monsieur le Président, le député a posé une excellente question et présenté des arguments très valables que nous ne pouvons ignorer concernant l'aspect humanitaire de la situation.
D'après les gens à qui j'ai parlé, ceux qui sont le plus touchés, les factions opposées ne se font pas confiance. Ils m'ont dit que, que nous soyons sur place en tant que force de maintien de la paix ou en mission humanitaire, ou pas du tout, cela ne changera pas grand-chose à l'issue du conflit.
Je me suis inspiré du bon sens des gens ordinaires pour me faire une opinion.
M. Janko Peric (Cambridge): Merci, monsieur le Président. Je suis heureux de participer à cet important débat sur le rôle du Canada aux missions de maintien de la paix, plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.
J'éprouve un intérêt personnel pour ce qui se passe actuellement en Croatie et en Bosnie puisque je suis originaire de cette région. Je suis né en Croatie, j'y ai mes racines. Ma famille et mes amis y vivent. La situation dans ma mère patrie est pour moi une source de grande angoisse et de découragement, pour ne pas dire plus.
En 1992, lorsque le Conseil de sécurité des Nations Unies a annoncé l'envoi de forces de maintien de la paix en Croatie, et plus tard en Bosnie-Herzégovine, j'ai cru que la solution au conflit était imminente. J'avais bon espoir que la présence des gardiens de la paix serait une garantie de paix. Malheureusement, je me suis trompé.
(1655)
Le 21 février 1992, le Canada a annoncé qu'il détacherait jusqu'à 1 200 militaires auprès de la force de protection des Nations Unies en Croatie. Deux mois plus tard, 30 agents de la GRC étaient dépêchés en Croatie pour contribuer aux opérations de surveillance. Notre contingent fait partie d'une mission de paix de 13 000 militaires provenant de 31 pays, soit la plus importante opération de maintien de la paix lancée par les Nations Unies depuis 1960, au Congo.
Le mandat actuel de la FORPRONU prévoit actuellement son intervention dans les cinq républiques de l'ancienne Yougoslavie, soit la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Le contingent des Nations Unies remplit également un rôle de liaison dans la sixième république de Slovénie. En Croatie, la FORPRONU était déployée dans des régions où on estimait que sa présence pourrait contribuer au maintien d'un cessez-le-feu durable.
Ces régions ont été désignées zones protégées des Nations Unies. En Croatie, ces zones étaient peuplées d'une majorité ou d'une importante minorité serbe et les tensions ethniques ont dégénéré en conflit armé.
Le mandat initial des Nations Unies en Croatie, énoncé dans la résolution 743, comportait les objectifs suivants: assurer le retrait de l'armée nationale yougoslave de toutes les régions de la Croatie; assurer la démilitarisation de toutes les zones protégées des Nations Unies, par le retrait ou le démantèlement de toutes les forces armées s'y trouvant; veiller à ce que toutes les personnes résidant dans ces zones puissent vivre à l'abri de la peur et des attaques armées; contrôler l'accès à ces zones et veiller à ce qu'elles demeurent démilitarisées; surveiller les opérations de la police locale et contribuer à empêcher la discrimination et à assurer la protection des droits de l'homme; soutenir le travail des organismes humanitaires des Nations Unies; faciliter le retour dans leurs foyers, dans des conditions de sécurité, des civils déplacés, à l'intérieur des zones protégées des Nations Unies.
Je puis affirmer sans crainte d'erreur que la force des Nations Unies a été incapable de s'acquitter d'une bonne partie de son mandat en Croatie.
Il est vrai que l'armée nationale yougoslave n'est plus visible en Croatie et que les gardiens de la paix des Nations Unies ont en grande partie réussi leur effort de soutien des missions d'aide humanitaire, tant en Croatie qu'en Bosnie, mais la FORPRONU n'a pas réussi à démilitariser les zones protégées, et ses efforts en vue d'aider les civils déplacés à réintégrer leurs foyers ont connu un succès très limité.
Certains ont beaucoup critiqué l'incapacité des Nations Unies de remplir son mandat, non seulement en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, mais ailleurs dans le monde. Dans un article qu'il écrivait récemment, M. Robin Harris, qui était le conseiller politique du premier ministre Margaret Thatcher, accuse la FORPRONU d'avoir assisté sans rien faire aux «efforts constants de
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purification ethnique des Serbes qui expulsent les Croates de leurs foyers dans les territoires croates occupés».
Il écrit qu'au cours d'un récent voyage en Croatie, il a aussi assisté au bombardement quotidien par les Serbes des villes croates de Gospic, Karlovac, Zadar et Osijek. Tous ces bombardements provenaient de zones qu'on dit protégées par les Nations Unies.
Assez curieusement, toutes les parties en conflit ont des critiques à formuler. En janvier dernier, la mission elle-même a été remise en question quand le président croate Franjo Tudjman a déclaré qu'il ne voulait pas prolonger le mandat de la FORPRONU, parce qu'elle n'était pas parvenue à atteindre son but premier. C'est surtout parce que l'ONU n'était pas parvenue à démilitariser les forces en présence dans les zones protégées des Nations Unies que le président Tudjman réagissait ainsi.
(1700)
L'ONU elle-même a admis qu'en Croatie, la FORPRONU est incapable de faire respecter des conditions de paix et de sécurité qui permettraient le retour volontaire dans les zones protégées des réfugiés et des personnes déplacées. L'ONU a admis que malgré les efforts redoublés de la police civile, elle a été incapable d'empêcher la discrimination et les violations des droits de la personne dans les zones protégées, au cours de la première année de son mandat. Elle a aussi fait part de sa frustration devant son impuissance à amener les parties en guerre à accepter les accords négociés.
La situation qui a cours en Bosnie est un peu différente de ce qui se passe en Croatie. Au début, le mandat des troupes de maintien de la paix se limitait, en Bosnie, à faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire aux victimes de la guerre. Ce ne fut pas une tâche facile; très souvent, c'était délicat et dangereux. Des convois d'aide ont été retenus durant des heures, voire des jours aux divers postes de contrôle, tandis que les victimes de la guerre attendaient.
Une partie de ceux qui ont besoin de cette aide la reçoivent effectivement, mais au prix de grands risques pour ceux qui en assurent la livraison. La guerre continue de faire rage en Bosnie. Le feu des tireurs d'élite et les bombardements restent une réalité quotidienne. L'ONU parle de zones sûres dans certains secteurs de Bosnie, mais les combats se poursuivent tout de même à l'intérieur et en périphérie de ces secteurs.
En fait, c'est dans l'une de ces prétendues zones sûres que des troupes de maintien de la paix du Canada se sont trouvées encerclées. Ces gardiens de la paix ne peuvent pas partir avant l'arrivée des troupes de relève, mais celles-ci se sont vu refuser l'accès à la ville de Srebrenica et ne peuvent donc rien faire pour eux. Même si un accord permettant le départ de nos casques bleus semble avoir été théoriquement conclu il y a plusieurs semaines, les Canadiens attendent toujours la relève.
Je termine en disant que cette mission de maintien de la paix a donné d'inoubliables succès. En juillet 1992, les soldats canadiens ont libéré l'aéroport de Sarajevo, permettant ainsi d'établir des ponts aériens pour acheminer l'aide humanitaire dans une région qui était restée beaucoup trop longtemps sans nourriture ni autres choses essentielles.
Une autre fois, juste avant Noël, ce sont des casques bleus canadiens qui ont secouru des malades psychiatriques bosniaques qui avaient été abandonnés par le personnel de l'hôpital. Nous nous souvenons tous d'avoir vu à la télévision les reportages sur ces malheureux dans un champ près de l'hôpital, certains étaient nus et aucun d'entre eux n'étaient capables de voir à ses propres besoins. Sans nos casques bleus, ces gens ne vivraient peut-être plus.
Ce ne sont que deux faits saillants dans une guerre qui fait rage depuis plus de trois ans. Aussi nobles et braves que peuvent être ces actions, nous devons reconnaître que les tensions augmentent. On dirait que, parce que la situation leur semble correspondre au statu quo, toutes les parties se sentent frustrées et commencent à se décharger de leurs frustrations en s'en prenant à nos casques bleus.
La fin de semaine dernière, nous avons pris connaissance de deux incidents où la vie de nos soldats était menacée. Le premier est arrivé dans une prétendue zone protégée en Croatie et le deuxième, dans un camp de casques bleus à Visoko, à l'extérieur de Sarajevo. Ces incidents s'ajoutaient à d'autres qui se sont produits depuis deux mois.
Je suis convaincu que les députés se rappellent que des casques bleus canadiens ont été tenus sous la menace de fusils et soumis à une fausse exécution par des soldats serbes il n'y a pas longtemps. Nous nous rappelons tous qu'à peu près au même moment, d'autres Canadiens ont été détenus par des soldats croates, à Gospic. Il y a quelques semaines à peine, des casques bleus ont été pris au beau milieu d'une fusillade entre des musulmans bosniaques et des combattants croates.
(1705)
Les Canadiens sont des gens extrêmement compatissants. Nous sommes poussés par le désir d'aider ceux qui sont dans le besoin. C'est pourquoi nous ne pouvons tolérer la souffrance qui est infligée quotidiennement en Bosnie et en Croatie. C'est pourquoi nous avons envoyé des casques bleus canadiens dans ces deux pays. Nous avons pensé pouvoir aider à mettre un terme à la souffrance des victimes innocentes de la guerre. Cependant, nous devons décider si notre désir d'aider la population de Bosnie et de Croatie est plus importante que le risque auquel est exposée la vie de soldats canadiens.
La décision de retirer les casques bleus canadiens de la Bosnie et de la Croatie est difficile. Même si la situation en Croatie est grave, elle n'y est pas aussi instable qu'en Bosnie-Herzégovine. L'ONU peut y jouer un rôle. Il faut absolument redéfinir nos efforts.
Bien que je craigne que le départ de nos troupes de maintien de la paix de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine n'entraîne une escalade des hostilités dans la région et ne risque de mettre en danger la vie de mes amis et de mes proches, je ne peux plus souscrire à aucune initiative qui oblige souvent les soldats canadiens à servir de boucliers aux factions en guerre.
Il y a aussi des répercussions financières. Tout le monde sait bien que les coffres de notre pays sont loin d'être pleins. Nous
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avons un grave problème de dette et de déficit à résoudre. Il faudra déterminer si nous avons vraiment les moyens de financer notre présence non seulement en Bosnie et en Croatie, qui, l'an dernier seulement, nous a coûté quelque 120 millions de dollars et qui consiste aujourd'hui en plus de deux milliers de soldats de maintien de la paix, mais encore dans d'autres endroits du monde.
J'estime que nous devons ré-examiner et redéfinir complètement le maintien de la paix avant de nous engager à participer à d'autres missions de ce genre. Cet examen des opérations de maintien de la paix devrait avoir lieu au plan international, dans le contexte des Nations Unies. On pourrait peut-être proposer par la même occasion des moyens de rendre plus efficaces toutes les opérations des Nations Unies. Toutefois, cela pourrait faire l'objet d'un autre débat.
J'estime que nous ne devrions plus compromettre la sécurité des troupes canadiennes ni continuer à alourdir le fardeau financier des contribuables canadiens en appuyant une entreprise somme toute plutôt coûteuse.
Les députés comprendront que je n'ai pas pris cette décision à la légère. J'exhorte mes collègues à accorder toute leur attention à cette question afin que nous puissions trouver la meilleure solution possible, d'abord et avant tout pour les Canadiens.
Le vice-président: Les députés n'ont sûrement aucune question à poser après une allocution aussi magistrale; ils peuvent se contenter de faire des observations durant le reste de la période.
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député. Je crois comprendre qu'il est la première personne née en Croatie à être élue au Parlement canadien. Je le félicite chaleureusement.
Des voix: Bravo!
M. de Jong: Si vous analysez l'histoire du peuple croate, vous constaterez probablement que les Croates furent parmi les premiers explorateurs à s'aventurer dans le Saint-Laurent et dans d'autres régions de notre continent. Les Croates sont reconnus pour être de grands navigateurs. Les descendants des Croates ont pris racine un peu partout dans le monde. C'est un point qu'ils ont en commun avec mes ancêtres, les Hollandais. Les Hollandais étaient, eux aussi, de grands navigateurs, et ils le sont toujours.
Toutefois, j'ai été quelque peu consterné par la conclusion du député. Je comprends que la déception que nous ressentons et que tous les Canadiens ressentent lorsqu'ils lisent que les soldats canadiens ont été maltraités et menacés de mort en tentant de fournir une aide humanitaire puissent nous incitons à demander le retrait des troupes canadiennes. Nous ne cherchons qu'à faire le bien et voilà que nos vies sont menacées et que nous sommes humiliés. Je crois que nous devons réfléchir plus longuement à la situation avant de déterminer la direction que nous prendrons.
(1710)
J'espère que le gouvernement exploitera le réseau du renseignement qu'il a sûrement implanté en Bosnie-Herzégovine avant de prendre une décision, qu'il examinera tous les renseignements dont il dispose et qu'il se posera les questions d'usage avant d'en venir à une conclusion.
Si le Canada et les Nations Unies retirent leurs troupes, quelles seront les conséquences? Si nos agents du renseignement estiment que la présence des troupes de l'ONU, même si elle paraît faible et inadéquate, permet quand même de maintenir un semblant d'ordre et pourrait éviter un véritable holocauste, nous n'avons certainement pas d'autres choix que de rester sur place.
Le député peut-il nous dire s'il détient d'autres renseignements sur lesquels il fonde son opinion?
M. Peric: Monsieur le Président, comme mon collègue le sait, le rôle que nous jouons à l'heure actuelle est inacceptable. On nous confie un rôle bien mince et je n'appuierai le maintien des troupes de l'ONU dans l'ex-Yougoslavie que dans des conditions très différentes. Pour l'instant, je veux que nos soldats canadiens se retirent et reviennent au pays.
M. Brent St. Denis (Algoma): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans ce débat important et historique. Je crois que nous devons beaucoup à notre premier ministre pour avoir pris l'initiative de réformer la Chambre des communes. Non seulement parlons-nous d'une tragédie aux proportions historiques en Europe, mais je crois que nous sommes en train d'écrire une page d'histoire de notre Parlement. Je suis heureux de compter parmi ceux qui vivent cette nouvelle ouverture.
En préparant mon intervention, je me suis efforcé de résumer le plus possible la situation. Je doute qu'il y ait ici beaucoup de spécialistes des affaires internationales, mais, quoi qu'il en soit, nous avons la responsabilité, devant nos concitoyens, de prendre des décisions intelligentes et réfléchies.
Je dois préciser que je me sens particulièrement privilégié d'intervenir dans ce débat parce que le regretté Lester Pearson a représenté la circonscription d'Algoma et qu'en fin de soirée, vous saurez tous qu'il a joué un rôle dans la définition des missions de maintien de la paix des Nations Unies. Il a gagné le prix Nobel en 1957 pour son rôle dans la crise du canal de Suez. Le rôle joué par le Canada et par M. Pearson dans cette crise exige que nous fassions aujourd'hui preuve de leadership. La réputation de gardien de la paix du Canada dans le monde n'est plus à faire.
À mon avis, la crise dont nous parlons ce soir nous offre une occasion à saisir. La tragédie Yougoslave, comme la crise de Suez, nous met au défi de trouver des solutions originales. Nous ne voulons pas que ce genre de crises se reproduisent encore souvent dans le monde. Nous ne pouvons pas planifier les conflits, mais nous pouvons en tout cas planifier notre réaction aux conflits.
Malheureusement, les conflits auxquels nous assistons dans le monde aujourd'hui prennent de plus en plus une coloration
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ethnique ou religieuse. Puisque les conflits ne sont plus de même nature qu'autrefois, nous devons changer notre approche dans notre recherche de solutions. Je n'oserais pas présumer de la pensée de M. Pearson, mais je crois que s'il était ici, il réinventerait notre façon de maintenir la paix étant donné la situation à laquelle nous sommes confrontés.
Je recommande à mes collègues la lecture d'un rapport du Comité permanent des affaires étrangères de l'autre endroit intitulé Le Canada face au défi du maintien de la paix dans une ère nouvelle. Ce rapport est une réflexion la nouvelle génération de missions de maintien de la paix que doit remplir le Canada. La lecture de ce rapport, qui contient quelques idées avant-gardistes, est très intéressante. J'ai une suggestion à faire à la Chambre. Nous savons que nous devrons décider si nous resterons en Bosnie ou si nous nous en retirerons en avril. La relève des troupes stationnées à Srebrenica n'est pas directement liée à notre décision à cet égard.
(1715)
Nous pouvons aussi repousser la décision jusqu'en novembre. Notre engagement dans l'ex-Yougoslavie est renouvelé par périodes de six mois. C'est une condition qui s'applique à toutes les nations membres de l'ONU.
Étant donné que nous nous sommes engagés à examiner notre politique étrangère et notre politique de défense, ce qui devrait se faire avant l'automne, et étant donné que nous voulons faire participer les Canadiens aux décisions du gouvernement, comme le fait le ministre des Finances en ce qui concerne le budget, je crois que nous verrons des consultations publiques relativement à cet examen de la politique étrangère et de la politique de défense.
À mon avis, nous avons besoin d'un moratoire partiel sur la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie. Je ne veux pas dire que nous devrions nous retirer complètement de la région. Je dis simplement que notre ministre devrait prendre la décision de retirer nos troupes de la Bosnie pour les envoyer en Croatie du printemps jusqu'à l'automne prochain.
Comme je l'ai dit, notre engagement à l'égard des forces de l'OTAN là-bas est renouvelable tous les six mois. Je crois que nous devrions donner aux Canadiens un peu de répit non seulement sur le plan de notre présence en Bosnie, mais aussi sur le plan de notre participation au maintien de la paix en général.
Il y a quatre possibilités: premièrement, nous pouvons nous retirer complètement de la région; deuxièmement, nous pouvons nous retirer simplement de la Bosnie mais rester en Croatie; troisièmement, nous pouvons maintenir notre présence au niveau actuel en Bosnie et en Croatie; et, quatrièmement, nous pouvons augmenter nos forces.
Je crois que seules les deuxième et troisième possibilités conviennent dans le moment. À mon avis, la deuxième, qui consiste à retirer nos troupes de la Bosnie et à les envoyer en Croatie, est la meilleure.
L'examen qui se fera au Canada au cours des six à huit prochains mois revêt une grande importance à long terme, et je ne voudrais pas que nos troupes se retrouvent dans une situation dangereuse parce que nous n'avons pas clairement défini notre rôle dans les opérations mondiales de maintien ou d'établissement de la paix. Lorsqu'on considère que notre contingent est le troisième en importance là-bas, je me demande vraiment dans quelle mesure nous participons vraiment aux décisions.
Je reconnais que le retrait de nos troupes de la Bosnie peut avoir des répercussions sérieuses sur le plan humanitaire. Il y a beaucoup de travail humanitaire à faire en Croatie, et il y a aussi d'autres pays qui doivent faire leur part.
Je crois que, en retirant nos troupes de la Bosnie pour les envoyer en Croatie, nous pouvons faire comprendre de façon subtile à nos alliés et aux Nations Unies que nous sommes en train de réexaminer notre rôle dans le maintien de la paix. Nous reconnaissons ainsi que très peu d'efforts sont déployés par les protagonistes ou les antagonistes pour essayer de trouver une solution pacifique. Je crois que le Canada peut faire preuve de leadership en montrant clairement qu'il est en train de réexaminer sérieusement son rôle de gardien de la paix dans le monde.
Durant les six à huit prochains mois, nous voulons vraiment donner aux Canadiens l'occasion de voir comment nos troupes sont déployées et comment nous dépensons l'argent des contribuables canadiens pour le maintien de la paix dans le monde. Le Canada ne s'est jamais dérobé à ses responsabilités, mais ce serait peut-être le temps pour d'autres de faire leur part. Nous sommes tous reconnaissants à nos Casques bleus pour leurs efforts sur tous les théâtres d'opérations et, notamment, dans l'ex-Yougoslavie, mais nous ne voulons pas qu'ils soient dans une situation qui risque d'exploser et d'échapper à tout contrôle bientôt.
(1720)
Je rappelle aux députés que vers la fin des années cinquante le Canada jouait un rôle de chef de file sous la direction de M. Pearson. Si nous voulons qu'il continue à jouer ce rôle-je suis sûr que notre nouveau ministre des Affaires étrangères et tout notre nouveau gouvernement seront à la hauteur de la tâche-cela ne signifie pas nécessairement que nous devons mettre nos troupes dans une situation très dangereuse et précaire pendant que nous réexaminons notre vocation de gardiens de la paix dans le monde.
M. Peter Adams (Peterborough): Madame la Présidente, j'ai vraiment apprécié ce que le député a dit. Je me demandais si quelqu'un au Parti réformiste pouvait avoir des observations à faire à ce sujet.
Une voix: Où sont-ils? Ils ne sont pas ici.
Une voix: Était-ce une question ou une observation?
La présidente suppléante (Mme Maheu): C'est une observation. Y a-t-il d'autres questions ou observations? Nous reprenons le débat.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Madame la Présidente, compte tenu du fait qu'il s'agit de ma première intervention comme députée de Laval-Centre, je suis sûre que vous ne m'en voudrez pas, dans un premier temps, de vous féliciter de votre élection à la Présidence. Je voudrais également souligner le travail exceptionnel, l'efficacité et le professionnalisme de toute l'équipe de la Chambre des communes.
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Je voudrais également saluer très sincèrement mes électeurs de Laval-Centre qui ont montré, le 25 octobre, l'importance qu'ils accordaient au respect des personnes en me choisissant comme leur députée.
Je vais maintenant, si vous le voulez bien, entrer dans le sujet de mon intervention. Depuis plusieurs heures déjà, les parlementaires de cette Chambre confrontent les valeurs profondes de notre société nord-américaine à un débat à la fois douloureux et nécessaire: Y a-t-il lieu de revoir le sens de la présence des Casques bleus canadiens dans les points chauds du globe, à la lumière des expériences passées et à la suite des nouvelles situations géopolitiques issues des bouleversements récents, notamment en Europe de l'Est?
La réponse est, bien sûr, affirmative. Notre expérience personnelle nous a depuis longtemps appris, à chacun et chacune, que les situations, les contextes se modifient constamment, et que ce qui, hier, apparaissait évident s'avère aujourd'hui beaucoup moins clair. Le conflit bosniaque en est d'ailleurs une illustration criante. Il ne faut donc pas craindre d'analyser la réalité, même si l'on risque d'y voir poindre des éléments dont on n'avait même pas soupçonné la présence. C'est même notre devoir de société responsable.
La réalité que nous analysons aujourd'hui présente deux facettes. Je les appellerai la réalité du coeur et la réalité de la raison. Je ne sais laquelle aura préséance sur l'autre, mais j'espère que les décisions que nous aurons à prendre ensemble le seront à la lumière des valeurs fondamentales de la société canadienne et québécoise, à savoir les valeurs démocratiques de responsabilité collective et de respect des personnes.
Depuis que l'actualité nous a replongés brutalement dans la réalité de l'ex-Yougoslavie, un souvenir refait souvent surface à ma mémoire.
(1725)
Nous sommes au début des années 1960. C'est la fin de janvier et pour ne rien vous cacher, je suis sur une pente de ski. Il neige doucement. Une amie me présente celui qui allait devenir son conjoint. Il est Yougoslave, mais depuis quelques années Stéphane est avant tout Croate. Ce qui se passe dans ce coin du monde, il y a bien quelque trente ans que mon ami Stéphane l'avait prédit: «Quand Tito disparaîtra, ce faux pays sera à feu et à sang». Il avait, bien sûr, raison. Il n'a pas fallu longtemps pour que l'Apocalypse imaginée ne devienne plus vraie que nécessaire.
Si la Slovénie a pu résister à l'armée yougoslave et ainsi réussir à affermir son indépendance nationale à la fin de 1991, le territoire croate, lui, est rapidement devenu le siège d'une guerre civile qui a modifié de façon considérable et significative les frontières de la Croatie. Sans la présence des Casques bleus, le conflit aurait davantage dégénéré. Depuis un an, la Bosnie-Herzégovine est à la une de l'actualité politique internationale. Cet espace dans lequel avait réussi à cohabiter Croates, Serbes et Musulmans est devenu une véritable poudrière. Nous assistons, impuissants, à une tragédie qui n'a de comparable que le grand déplacement de millions d'hommes, de femmes et d'enfants victimes des atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale.
Quand mon ami Stéphane écoute les informations, lit les journaux, il pense aux victimes de ce conflit qui ne semble pas vouloir s'éteindre. Ces victimes, quelles sont-elles? Des femmes, des enfants, bien sûr. À Sarajevo, en 21 mois, quelque 10 000 morts. Plus de 1 500 sont des enfants. Mais les autres, ceux qui malgré tout réussissent à vivre, à quelle réalité doivent-ils faire face quotidiennement? Ceux qui n'ont pas d'autre choix que de vivre font face à la peur. La faim, le froid, la maladie, la violence, la mort sont au rendez-vous.
En Bosnie-Herzégovine, comme partout où sévit un conflit armé aveugle, le citoyen ordinaire est dépossédé de son environnement. On évalue la population de cette région à plus de 4 millions d'habitants dont près des deux tiers ont fui leur domicile, ou ce qui en restait, à la recherche d'une sécurité perdue. C'est l'exode le plus massif de tout le conflit en ex-Yougoslavie. L'intimidation, les sévices, les meurtres, les viols commis à l'endroit des minorités occupées militairement contribuent à une situation de nettoyage ethnique des zones contrôlées par les belligérants.
Peut-on décemment questionner l'utilité des contingents des Casques bleus? Sans leur présence, peut-on croire que vivres, médicaments, couvertures, auraient quelque chance de se rendre dans ces zones protégées vers lesquelles afflue une population complètement démunie.
Monsieur le Président, la réponse est non. En effet, les affrontements inter-ethniques dans l'ex-Yougoslavie ont provoqué l'exode de millions de personnes qui cherchent désespérément un refuge. En Bosnie-Herzégovine, sur une population totale de 4,5 millions de personnes, le Haut-commissariat aux réfugiés dénombre plus de 2,7 millions de personnes déplacées.
(1730)
C'est à peu de choses près l'équivalent de la population de la grande région métropolitaine de Montréal qui se retrouve sur les routes par un froid quelquefois sibérien.
Au tout début de ce conflit, les familles déplacées recevaient l'aide de leurs compatriotes, de leurs parents, de leurs amis. Ce n'est plus le cas maintenant. La situation s'est considérablement aggravée et la majorité de la population de l'ex-Yougoslavie souffre de cette guerre. Les répercussions économiques de ce conflit se font sentir sur l'ensemble de ce territoire.
Si l'on s'interroge sur l'importance de la présence des Casques bleus dans les zones critiques, qu'il suffise de se rappeler que l'automne dernier, alors que l'acheminement des secours avait été interrompu pendant près de trois semaines, à la suite d'attaques de convois par des belligérants, à peine un peu plus de 40 p. 100 des vivres requis pour la population civile ont pu se rendre à destination. Personne dans cette Chambre, j'en suis sûre, n'osera remettre en question le bien-fondé des services rendus à la population par ces hommes et ces femmes qui, au nom des libertés et des droits fondamentaux, et au risque de leur vie, essaient de réduire au mieux les conséquences désastreuses et inhumaines des conflits dans lesquels la raison semble s'être annihilée.
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L'action de nos Casques bleus dans l'ex-Yougoslavie, et tout particulièrement en Bosnie-Herzégovine, est intimement liée aux efforts déployés par le Haut-Commissariat aux réfugiés. L'un ne va pas sans l'autre. Sans l'appui logistique des troupes de l'ONU, et plus particulièrement des Casques bleus canadiens, il est illusoire de croire que les convois d'aide humanitaire puissent parvenir à destination. Ces convois, qui apportent nourriture, vêtements et médicaments à une population de plus en plus dépendante, sont souvent retardés, bloqués ou attaqués. Cependant, la population canadienne et québécoise a le droit de se demander pourquoi nos Casques bleus sont présents en ex-Yougoslavie.
Il est bon de rappeler que les forces de maintien de la paix de l'ONU, dont le Canada fait partie, ont pour première mission d'aider des populations démunies, de tenter d'amenuiser les tensions entre les différentes factions et de fournir à des organisations comme le Haut-Commissariat aux réfugiés toute l'assistance technique requise. Cette force de maintien de la paix compte actuellement plus de 2 000 soldats canadiens, dont plus de la moitié est stationnée en Bosnie-Herzégovine. Cette force militaire canadienne est composée, à près de 80 p. 100, de jeunes Québécoises et Québécois, ce qui est bien le reflet de notre générosité collective.
Nos Casques bleus escortent les convois d'aide humanitaire et assurent la sécurité des zones protégées par les Nations Unies. Sans leur soutien, il serait difficile, voire impossible, d'atteindre cet objectif, compte tenu que ces missions sont souvent pavées d'embûches et de tracasseries de la part des commandements militaires tant bosniaques que croates ou serbes. Il est clair que sans l'aide des Casques bleus, la mission de paix en Bosnie-Herzégovine serait dans un cul-de-sac.
Qu'en coûte-t-il aux Canadiens et aux Québécois? On ne peut nier que l'intervention des Casques bleus canadiens en ex-Yougoslavie entraîne certains coûts économiques. Mais il faut bien, à ce stade-ci, se garder de les surestimer ou, pire, de les sous-estimer.
(1735)
Les coûts économiques sont une chose; les pertes de vie sont autre chose. Chaque vie est importante et a une valeur inestimable. Dans ce conflit, parmi nos Casques bleus, deux pertes de vie sont directement attribuables aux hostilités. C'est trop, mais c'est peut-être aussi bien peu quand on songe au nombre incalculable de vies qui ont pu être sauvées grâce à la présence de nos Casques bleus canadiens.
Si nous avons réussi à sauver une seule vie, un seul enfant, c'est déjà beaucoup. Les Casques bleus sur le terrain le savent bien et ils n'hésitent pas à le dire. Les Québécois et les Canadiens le savent aussi. Peut-on balayer du revers de la main, pour des considérations purement économiques, tout le travail et toute l'aide humanitaire prodigués par des milliers de civils et de Casques bleus de l'ONU? Nous nous devons d'être responsables et d'assumer pleinement notre rôle de citoyens du monde.
La rélexion collective que nous avons amorcée dans cette Chambre nous amène à croire que le débat doit être approfondi. Nous croyons que la présence des Casques bleus est le symbole vivant de la solidarité que le Canada et le Québec se sont toujours reconnue à l'endroit des nations opprimées, car dans ce pays, la primauté de la personne est la valeur fondamentale.
En conséquence, le Canada doit continuer de remplir son mandat actuel. Le Canada doit être solidaire moralement et politiquement de la mission de paix de l'ONU. Il doit être fidèle à l'histoire. Il doit continuer à escorter les convois humanitaires dont dépendent chaque jour quelque deux millions de personnes, surtout des femmes et des enfants. Nous devons ensemble contribuer à la paix mondiale en participant à la stratégie de maintien des conflits à l'intérieur de leurs frontières.
La présidente suppléante (Mme Maheu): Questions et commentaires. L'honorable député de Hochelaga-Maisonneuve a la parole.
M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'offrir mes félicitations à ma collègue, la députée de Laval-Centre, pour son exposé brillant, clair et empreint d'humanité. Je veux aussi vous féliciter pour les responsabilités qui vous ont été confiées et participer peut-être modestement au débat qui a cours depuis 10 heures ce matin en vous disant que je représente une circonscription de l'est de Montréal où les conditions socio-économiques sont plutôt difficiles.
À plusieurs reprises, j'ai pu discuter avec des concitoyens de ce que signifiait la présence du Canada à l'étranger. J'en suis venu à la conclusion que le débat que l'on fait aujourd'hui, comme parlementaires, doit nous amener à répondre à deux grandes questions. La première est celle-ci: que veut dire concrètement, sur le plan de l'allocation des ressources, le fait de participer à une force de préservation ou de maintien de la paix à l'étranger? La deuxième question fondamentale est celle-ci: quelles sont les valeurs sous-jacentes à cela? Il me semble que, pour comprendre le débat que l'on fait actuellement, il faut recourir au passé. Je crois que notre collègue de Laval-Centre a bien démontré qu'on a une responsabilité.
(1740)
Moi, je crois à une chose qui s'appelle la conscience internationale. Si on en est à débattre du conflit en ex-Yougoslavie, où il y a trois commnautés principales qui ont de la difficulté à vivre ensemble, c'est parce que des décisions ont été prises antérieurement. Comme parlementaires, on ne peut pas ignorer que les décisions qui ont été prises l'ont été, dans un premier temps, au lendemain de la Première Guerre mondiale et, dans un deuxième temps, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Si je me réfère à ces éléments historiques, c'est qu'il me semble qu'il y a une leçon à tirer de ce siècle: chaque fois que la communauté internationale a été tentée de se soustraire à un problème ou d'en minimiser l'ampleur, cela a eu comme conséquence concrète que le problème, au contraire, a perduré.
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Rappelez-vous que lorsque, pour la première fois, on a tenté de jeter l'ébauche d'une véritable solidarité internationale avec la Société des nations, on a laissé envahir l'Éthiopie avec tout ce que cela a comporté de dégénérescence.
Rappelez-vous la Conférence de Munich où les chefs d'État ont laissé Hitler envahir la Pologne avec les cascades que l'on a connues et les effets dramatiques que cela a eu pour ce siècle.
Ma façon de comprendre le débat qui a cours aujourd'hui est celle-ci: qu'est-ce que cela donnerait à la communauté internationale que le Canada retire ses 2 000 soldats, qui représentent à peu près 8 p. 100 de la force internationale? Je pense que ce serait un message de démission, un message de lâcheté et un message de manque de solidarité.
Bien sûr, je ne prétends pas que le Canada a à lui seul l'entière responsabilité d'assumer les forces de la FORPRONU, mais je pense que le Canada doit s'enorgueillir d'une tradition d'intervention, d'une tradition de pacifisme qui est tout à son honneur. Ce que l'on doit enjoindre à la communauté internationale, c'est de dessiner les contours d'une décision politique.
J'ai eu le plaisir de rencontrer, avec le chef de l'opposition, deux généraux qui sont sur le terrain et qui nous ont fait part du bilan que nous devions tirer.
Il y a deux choses dont nous devons être particulièrement fiers. Premièrement, l'action internationale a fait en sorte qu'on a réussi à contenir le conflit à l'intérieur de ses limites, un conflit qui aurait pu être explosif et s'étendre aux pourtours de l'ex-Yougoslavie. Deuxièmement, et je pense que plusieurs parlementaires y ont fait allusion, sur le plan des convois humanitaires, il ne s'agit pas de prétendre qu'il n'y a pas de ratés mais d'affirmer qu'un travail relativement satisfaisant se fait et que la situation serait plus insoutenable si on ne pouvait pas acheminer des vivres. Je pense que ces deux seules raisons devraient nous convaincre, comme parlementaires, qu'il vaut la peine que le Canada continue son action.
Il y en a une troisième, et je pense que c'est à ce niveau-là qu'il faut travailler. Il y a dans la communauté internationale des gens qui, par le passé, ont été investis parce qu'ils ont beaucoup, beaucoup d'expérience. Je pense à l'ancien président Jimmy Carter, à Richard Nixon, et on pourrait en nommer d'autres.
Je crois qu'il faut dire à nos concitoyens que si on veut que le Canada maintienne son effort et continue d'y allouer des ressources, on souhaite également qu'une décision soit prise et que des contours politiques soient esquissés. Pour ce faire, on devrait mandater des gens qui connaissent bien la communauté internationale et qui ont de la crédibilité pour essayer de rapprocher les parties. Il ne faut pas se tromper: en définitive, en bout de ligne, l'objectif limite qui doit nous animer est d'essayer de faire coexister trois communautés qui, pour des raisons historiques et des raisons immédiates, ont de la difficulté à coexister.
En ce sens-là, s'il y avait un vote aujourd'hui, je serais d'avis que le Canada doit maintenir sa participation. Merci.
M. André Caron (Jonquière): Je veux féliciter ma collègue de Laval-Centre pour la qualité de son discours. Je veux faire un bref commentaire.
Au début, elle nous a dit qu'on devait regarder cette situation qui nous occupe aujourd'hui avec la raison et avec le coeur. Dans son discours, elle a bien fait ressortir tout l'aspect relié au coeur qui, dans un certain sens, doit ressortir.
(1745)
J'écoute souvent les discours de mes collègues. On parle beaucoup de stratégie et de considérations de politique internationale, mais on ne fait pas beaucoup appel à ce que Pascal appelait «la raison du coeur». Je pense que ma collègue l'a très bien fait ressortir. Elle nous a montré que dans une telle situation, on avait d'abord, comme êtres humains, un devoir de présence. Souvent, dans certaines situations, que ce soit sur le plan personnel ou sur le plan de la politique internationale, on est en quelque sorte démunis; on ne sait pas comment réagir, on ne sait que faire, mais on sait d'instinct qu'on doit être là, qu'on doit être présents. C'est un devoir humain.
Deuxièmement, elle nous a rappelé que nous avions le devoir de nourrir, le devoir de vêtir et le devoir de guérir. C'est à la gloire du Canada et du Québec que d'avoir, tout au cours de leur histoire, attaché une importance particulière à ces devoirs qui sont le propre de l'être humain. L'être humain, quand il voit la souffrance, quand il voit les difficultés, quand il voit la peine, veut s'avancer vers les personnes qui vivent de telles situations, les aider, les soutenir et faire sa part.
Également, et ma collègue l'a bien démontré, on a aussi un devoir d'intervention. Quand on a l'impression qu'on peut faire quelque chose, même si c'est peu, qui va aider quelqu'un, qui va sauver une vie, qui va faire reculer un peu les limites de la souffrance et du malheur, on a le devoir d'intervenir. Je tiens à féliciter ma collègue d'avoir fait ressortir cet aspect lors de son intervention. On peut parler de stratégie, de chiffres, de coûts, des interventions en Bosnie ou dans d'autres situations de ce genre, mais il faut aussi se rappeler qu'en tant qu'êtres humains, on a le devoir de laisser parler notre coeur.
[Traduction]
M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, je veux me joindre au reste de mes collègues pour vous féliciter de votre nomination au poste de présidente suppléante. Je sais que, tout comme nous à la Chambre, vous espérez fort que la législature qui commence sera différente, plus progressiste et plus ouverte que ce que nous avons connu ces dernières années.
Je tiens à féliciter tous ceux qui ont participé aujourd'hui à ce débat très important et très opportun sur notre rôle de gardiens de la paix partout dans le monde, et sur le rôle que les Forces militaires canadiennes devraient assumer et assumeront sans doute à l'avenir.
En intervenant dans le débat, je tiens à dire que je suis un député qui voue depuis quelques années un très vif intérêt aux activités militaires du Canada et à notre politique étrangère. J'ai eu à deux reprises l'occasion de voyager avec le Comité de la défense, dont une fois en Europe de l'Est en qualité de membre de
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la délégation canadienne. IL y a eu ce voyage, de même que les autres réunions auxquelles j'ai participé en tant que membre du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.
Je crois que je comprends maintenant un peu mieux les problèmes auxquels nos militaires font face et que nous devons résoudre si nous voulons continuer d'édifier une politique étrangère qui soit cohérente à la lumière de la situation mondiale d'aujourd'hui.
Cela serait compatible avec nos réalisations antérieures en tant que l'un des principaux pays gardiens de la paix dans le monde. Comme nous le savons tous, le Canada joue depuis longtemps un rôle de premier plan dans le domaine du maintien de la paix et notre contribution est appréciée dans le monde entier.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le Canada comptait parmi les principales puissances militaires et industrielles et était un des chefs de file du monde libre. Nous avons depuis le début donné notre appui sans réserve aux Nations Unies et nous avons joué un rôle de premier plan pour la formation de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.
(1750)
Nous avons accepté de participer pleinement aux actions collectives arrêtées par la communauté internationale. Bien que la présence des Nations Unies en Corée ne constituait pas à proprement parler une intervention de maintien de la paix, il s'agissait néanmoins d'une action collective visant à décourager l'agression, action qui a très bien montré la capacité de cette organisation d'intervenir partout dans le monde.
C'est en 1956, durant la crise de Suez, que la contribution du Canada à l'effort de maintien de la paix a été la plus importante, alors que le très honorable Louis Saint-Laurent était premier ministre du Canada et que Lester B. Pearson en était le secrétaire d'État aux Affaires extérieures. Ils ont tous deux été pour quelque chose dans l'établissement d'une force de maintien de la paix de l'ONU au Moyen-Orient.
Selon l'éminent historien J.L. Granatstein, c'est durant la crise de Suez, en 1956, que le Canada s'est le plus illustré sur la scène mondiale. Comme la plupart des députés le savent sans doute, M. Pearson a obtenu le prix Nobel de la paix. À l'époque, le Canada jouait un rôle de premier plan dans les efforts visant à assurer la sécurité et à maintenir la paix dans le monde et il en était très fier.
Nous avons poursuivi notre engagement à maintenir la paix dans le monde entier, et il faudrait pratiquement faire le tour du globe pour visiter tous les endroits où les forces canadiennes ont assuré le maintien de la paix. De nos jours, plus de 2 300 Canadiens sont en poste dans des pays aussi variés que le Rwanda, l'Iraq et le Salvador et à bien d'autres endroits dont nous discutons aujourd'hui. Les hommes et les femmes des forces canadiennes qui ont servi avec dignité et détermination leur pays et la communauté internationale peuvent s'enorgueillir des efforts que nous avons déployés au chapitre du maintien de la paix.
Nous ne pouvons toutefois nous reposer sur nos lauriers. Le monde d'aujourd'hui est très différent de ce qu'il était durant les années 50 et les décennies qui ont suivi. Il faut mesurer pleinement la portée de notre participation. À titre de parlementaires, nous devons établir un plan d'action clair et précis à l'intention du gouvernement et de nos militaires, un plan d'action qui est conforme au rôle que nous jouons comme citoyens du monde.
Il faut dire que les deux dernières grandes opérations de maintien de la paix ont engendré beaucoup de frustrations. Tous ceux qui ont pris la parole à la Chambre aujourd'hui l'ont mentionné. Tous les jours, nous voyons à la télévision des scènes d'une horrible sauvagerie qui se déroulent en Bosnie. Des députés ont dit plus tôt que six enfants qui jouaient dans la neige le week-end dernier ont été tués par un tir d'obus. Nous sommes tous affligés de voir à la télé, dans la quiétude de nos foyers, la boucherie quotidienne attribuable à des haines ethniques de longue date.
Nos soldats ont aussi servi en Somalie, dans un climat et un environnement dur et hostile auxquels ils n'avaient probablement pas été bien préparés. Évidemment, les gens que nous envoyons pour prendre part à ces missions sont des soldats, pas des travailleurs sociaux. La formation qu'ils reçoivent a beau être excellente, elle ne les prépare pas toujours à la misère et aux injustices dont ils seront témoins. Nos gens sont envoyés dans des régions où les règles du jeu ne sont pas les mêmes qu'ici et ne correspondent pas aux valeurs que nous connaissons, eux et nous.
Il ne faut jamais oublier, lorsque nous envoyons nos jeunes gens et nos jeunes femmes à l'étranger, qu'ils se retrouvent souvent dans des situations sans issue. C'est un peu comme l'histoire des trois scouts qui aident la dame à traverser la rue. C'est bien plus difficile lorsque la dame ne veut pas traverser.
Il arrive que nos troupes et celles d'autres pays soient dans des situations où elles essaient de faire la paix entre des groupes ou des peuples qui veulent poursuivre des hostilités qui trouvent leur origine dans la nuit des temps. Lorsque nous les mettons dans pareille situation, il doit nécessairement y avoir des réactions d'exaspération.
Le monde a subi des changements dramatiques et fondamentaux au cours des dernières années, depuis que le Canada a atteint la plénitude de son prestige international comme chef de file dans les opérations de maintien de la paix.
Les fondements de la politique étrangère du Canada n'ont pas changé de façon substantielle au fil des ans. Nous tenons encore à assurer notre défense et notre sécurité collective avec nos alliés. Nous préconisons toujours le contrôle des armes et le désarmement.
(1755)
Nous cherchons à trouver des règlements pacifiques aux conflits. Nous devons nous demander si nous n'entrons pas maintenant dans une phase où nous devenons les policiers du monde. Est-ce bien le rôle que nous devons jouer?
Même en une courte période comme les cinq dernières années, le monde a changé au point d'être méconnaissable. Les cartes géographiques d'il y a cinq ans sont périmées. Qui aurait pu prévoir que, après l'épisode saisissant de l'effondrement du mur de Berlin, le monde subirait une mutation aussi profonde en aussi peu de temps?
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L'effondrement du Parti communiste et le démembrement de l'Union soviétique auraient été inconcevables il y a dix ans. Nous aurions pensé alors que, si l'ordre ancien croulait en Europe de l'Est, tout serait pour le mieux. La paix allait se répandre dans le monde entier.
Nous avons observé avec suffisance et nous avons crié victoire à la fin de la guerre froide, inconscients des tensions nationalistes qui couvaient sous la surface. Le mince vernis de civilisation n'a pas longtemps résisté. La situation mondiale actuelle est plus dangereuse qu'elle ne l'a jamais été depuis 50 ans. Pendant les années de paix qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, nous avons appris à croire que la raison régirait le comportement des nations du globe.
Ce que nous avons oublié, c'est que seulement 80 ans ont passé depuis le début de la Première Guerre mondiale, un horrible conflit meurtrier qui a été déclenché à Sarajevo, capitale de la Bosnie.
La Seconde Guerre mondiale, la plus destructrice de l'histoire humaine, a éclaté il y a seulement 55 ans. Nous avons peut-être l'impression d'avoir dépassé l'époque des conflits généralisés, mais je crains que cette suffisance ne soit qu'un faux optimisme. Prions que pareil conflit ne se reproduise jamais, mais force nous est de constater que nombre de tensions, de différends et de haines qui ont provoqué des guerres par le passé existent toujours aujourd'hui.
Comme je l'ai déjà dit, presque tous les jours, les médias nous rappellent le terrible carnage insensé qui se poursuit dans le monde. Le plus grand défi de l'humanité est donc de prévenir tout nouveau conflit, de montrer la voie et d'inciter les autres nations à suivre notre exemple de pays où la raison prime, où les différends sont réglés par le dialogue et non par les armes.
Le gouvernement a un grand défi à relever à l'approche du XXIe siècle. Nous devons réexaminer le rôle de nos forces armées et lui donner l'orientation qui convient dans ce monde agité d'aujourd'hui.
Ce doit être une approche à de multiples niveaux. Notre rôle militaire doit être défini, et des priorités doivent être établies. Le Canada doit continuer de jouer le rôle d'honnête intermédiaire qui travaille sans répit sur le front diplomatique pour mettre un terme à tous les conflits dans le monde et en supprimer les causes.
Nous vivons une époque difficile. L'économie du Canada exige que nous restreignions les dépenses, mais l'état du monde requiert notre aide. Je le répète, en tant que citoyens du monde, nous devons prendre part aux affaires mondiales et parce qu'il y va de nos intérêts et parce que, du point de vue moral, nous sommes tenus de travailler à faire de la planète terre un monde meilleur.
Nous devons toutefois exercer nos fonctions seulement après avoir examiné à la loupe toutes les répercussions de notre engagement dans l'avenir. Tel est le défi que nous devons relever. Si nous ne libérons pas la planète de tous les conflits, le prix que nous devrons payer en tant que Canadiens pourrait être trop horrible à envisager.
Nous avons été un chef de file dans le maintien de la paix pendant des années. Cette tradition est maintenant encore plus importante que jamais.
[Français]
M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion d'entendre ce que j'entends aujourd'hui. Je pense que les propos qui sont véhiculés aujourd'hui sont de nature à rehausser l'image de la Chambre des communes et l'image que les Canadiens et les Québécois se font des parlementaires canadiens.
(1800)
Je pense qu'un autre objectif sera aussi atteint: il m'apparaît que le débat serein et profond qui se fait à la Chambre des communes aujourd'hui va aussi conforter les Canadiens et les Québécois dans leurs valeurs les plus importantes de générosité et de compassion. Il m'apparaît qu'au coeur de ce débat, c'est du respect de la vie dont on parle. Le Canada doit être là où il y a de la misère et je pense que les Canadiens et les Québécois avaient besoin aujourd'hui d'avoir à leurs yeux et à leurs oreilles cette démonstration de solidarité humaine que les parlementaires canadiens leur donnent aujourd'hui.
[Traduction]
M. Proud: Madame la Présidente, je voudrais seulement remercier le député de ses observations. Je suis tout à fait d'accord avec lui en ce qui touche le débat d'aujourd'hui.
Lors de mes visites dans ma circonscription, mes électeurs m'ont dit qu'il valait mieux que nous changions l'image du Parlement, et je sais que les autres députés se sont fait dire la même chose.
Certes, l'atmosphère ne sera pas toujours aussi agréable à la Chambre, mais quand c'est le cas nous pouvons vraiment être plus productifs. Je suis convaincu qu'à partir du présent débat et d'autres discussions qui se tiendront partout dans le pays le gouvernement élaborera une politique étrangère et militaire dont nous pourrons de nouveau être très fiers.
Mme Beryl Gaffney (Nepean): Madame la Présidente, j'ai remarqué que tout le monde vous avait félicité d'occuper le fauteuil. C'est bon de voir une femme à la présidence! Alors toutes mes félicitations!
Je n'étais pas de service à la Chambre aujourd'hui, mais, toute la journée, j'ai regardé le débat sur mon moniteur de télévision dans mon bureau, et ce, avec beaucoup d'intérêt, en raison de la qualité des échanges et la variété des points de vue exprimés.
Tous ceux et celles d'entre nous qui interviennent aujourd'hui à la Chambre à ce sujet se veulent les porte-parole de l'ensemble des Canadiens et expriment toute la gamme des points de vue possibles. Notre gouvernement y trouvera sûrement matière à réflexion. On s'interroge sur le rôle de nos troupes en Bosnie-Herzégovine et dans l'ancienne Yougoslavie, ainsi que sur leur éventuel retrait.
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Selon moi, il ne s'agit pas simplement de ramener nos troupes au pays. Il y a des enjeux ici. Il nous faut aussi redéfinir le rôle des Nations Unies et revoir notre politique étrangère en matière de défense.
Le Canada et ses soldats ont commencé à participer à des missions de maintien de la paix des Nations Unies aux quatre coins du globe peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le Canada est membre fondateur de l'ONU et de l'OTAN et il a contribué à rendre ces deux organismes aptes à prévenir les crises ou à les gérer et à en faire une tribune où les pays puissent collaborer ensemble à la résolution des situations de crise.
Comme je l'ai dit au tout début, il ne s'agit pas simplement de ramener nos troupes au pays. Ainsi, quelles seraient les conséquences d'un tel geste? Enverrions-nous le mauvais message aux autres intervenants? Cela aurait-il pour effet d'amener les autres pays à se retirer et, du coup, en serait-il fini du rôle des Nations Unies et de notre appui à l'Agenda pour la paix que son Secrétaire général a mis au point en 1992? Cela aurait-il pour effet d'étendre les hostilités à d'autres régions des Balkans?
J'aurais aimé avoir le temps de solliciter le plus d'opinions possible à ce sujet auprès de mes électeurs de Nepean. Heureusement, quelques-uns m'ont téléphoné ou écrit. Je vais me limiter à quatre citations.
Voici l'avis d'un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale: «Il n'y a pas de paix à maintenir. Il n'est pas nécessaire d'être là pour défendre le Canada. Nos soldats doivent se retirer.»
Un autre s'est exprimé en ces termes: «S'inspirant de la vision de Lester Pearson, les Nations Unies devraient se retirer et n'intervenir de nouveau que lorsque les belligérants auront conclu un traité de paix entre eux.
(1805)
Un autre électeur de Nepean a exprimé un point de vue différent: «Je voudrais vous informer, en tant que député, que je souscris pleinement à la participation du Canada aux Forces de protection des Nations Unies en Bosnie. Nous devrions poursuivre nos efforts sur la scène internationale en tentant de convaincre d'autres pays d'assumer leurs responsabilités dans le règlement de la situation déplorable qui règne en Bosnie. Si le Canada retirait maintenant son appui aux Nations Unies, il enverrait un message négatif à d'autres pays, alors qu'il doit être un chef de file sur le plan international.»
Un quatrième électeur, colonel à la retraite, avait rédigé un article intitulé Les périls du maintien de la paix. Cet article laisse entendre qu'un dispositif de défense raisonnable constitue une pièce maîtresse des assises du Canada. En outre, le maintien de la paix n'est qu'un élément de cette pièce maîtresse. Et c'est ce que j'ai dit au début.
Les Canadiens doivent reconnaître avant toute chose qu'une politique de défense cohérente et que des forces armées assez efficaces pour appliquer cette politique sont indispensables à la protection de leurs intérêts nationaux. Il va sans dire que nous devons disposer de suffisamment de ressources pour que cette politique soit couronnée de succès et qu'elle protège les soldats, les marins et les aviateurs qui la mettent en oeuvre.
Hier, à une séance d'information à laquelle nous avons tous été conviés par des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et de celui des Affaires étrangères, on nous a informés que le Canada avait 2 400 soldats dans l'ancienne Yougoslavie. À une certaine période au cours de cette mission, les troupes canadiennes représentaient 10 p. 100 du total des troupes déployées là-bas. Or, en avril prochain, cette participation risque de passer à 2,4 p. 100.
La mission des Nations Unies comporte deux objectifs: le premier est d'empêcher que le conflit ne s'étende au-delà des frontières actuelles et le deuxième est de protéger la population de Bosnie-Herzégovine en leur apportant une aide humanitaire, qu'il s'agisse de nourriture ou de fournitures médicales. À cet égard, au moins 2,5 millions de civils ont bénéficié directement d'une aide grâce à l'intervention des Nations Unies.
Les conseillers militaires qui se trouvaient à la séance d'information d'hier estiment que les mérites de la présence des forces des Nations Unies dans l'ancienne Yougoslavie sont les suivants:
(1) Elles ont réussi à contenir les combats. Une sorte d'entente est intervenue entre les Serbes et les Croates à propos des frontières de la Croatie et de Srebenica, et les combats ont été contenus.
(2) Elles sont parvenues, dans la mesure du raisonnable, à livrer de l'aide humanitaire, ce qui constitue leur principal mandat, à évacuer des blessés et à protéger des hôpitaux.
J'ai interrogé le général et lui ai demandé s'il croyait qu'un plus grand nombre de civils auraient été tués si les troupes canadiennes n'avaient pas été sur place. Il a répondu que les pertes de vie auraient été encore plus nombreuses, surtout parmi les personnes âgées et les enfants qui ne peuvent se débrouiller seuls.
Les conseillers militaires ont dit que la solution au problème dans l'ancienne Yougoslavie devait venir de l'intérieur, des personnes à la tête des factions ennemies, et être probablement induite par des pressions internationales. Une solution militaire venant des Nations Unies serait simplement trop coûteuse, tant sur le plan de l'équipement que sur celui des ressources humaines. Il faudrait plus de 100 000 soldats pour faire respecter la paix. Trop peu de pays sont prêts à fournir les contingents nécessaires. Et, si les Canadiens sont suffisamment équipés pour s'acquitter de leur rôle de soldats de maintien de la paix, ils n'ont pas l'équipement offensif nécessaire pour faire respecter la paix.
J'ai parlé avec les habitants de ma circonscription. Pas un ne voudrait envoyer son fils ou sa fille dans l'ancienne Yougoslavie, si le conflit venait à dégénérer.
Comme l'a dit l'ancienne ministre des Affaires extérieures, les Canadiens doivent sonder leur conscience pour voir dans quelle mesure ils sont prêts à accepter les risques, très différents, d'un retrait. Les cyniques estiment que les meurtres, les atrocités et le nettoyage ethnique ne peuvent être pires. Mais ce n'est pas vrai. Le meurtre par vengeance et la violence localisée peuvent aussi bien atteindre des proportions dépassant l'imagination que s'arrêter. Les Canadiens seraient là, chez eux, bien tranquilles, mais ce serait au prix de vies, d'idées et de valeurs complètement
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bouleversées. Ils auraient ce sentiment de culpabilité, lourd à porter, d'avoir abandonné une population civile vulnérable.
Estimant qu'il n'y avait pas de solution parfaite, l'ancienne ministre des Affaires extérieures a conclu que le mieux était de maintenir le statu quo, aussi insatisfaisant fût-il. Mme McDougall a ajouté que le Canada a été le seul pays à avoir réclamé une intervention hâtive des Nations Unies en 1991, quand cela aurait pu permettre de limiter les ravages qui ont suivi.
(1810)
Aujourd'hui, les dirigeants occidentaux ont décidé que la défense de nos valeurs ne valait pas les pertes qu'entraîneraient des mesures plus sévères. Le Canada a été à l'origine du processus qui a conduit à la création du tribunal des crimes de guerre. Nous avons la responsabilité de maintenir une présence, d'empêcher que des crimes de guerre ne soient commis et, s'il le faut, de punir les criminels.
Cela m'amène à la question de la réforme des Nations Unies. J'ai réussi à prendre quelques semaines de congé au début de janvier. J'ai apporté avec moi le livre Peacekeeper, the Road to Sarajevo, du major-général à la retraite Lewis MacKenzie. C'était un livre assez indigeste à lire sur la plage, mais j'ai réussi à le lire au complet.
D'après l'auteur, la communauté internationale fait une bonne affaire quand elle emprunte les soldats d'un pays. Les casques bleus font le travail pour lequel ils ont été formés, sans poser de questions. Les soldats des Nations Unies risquent leur vie chaque jour pour tenter d'établir un climat propice aux discussions politiques pouvant mener à la paix dans des zones de conflits armés ou de tension. L'auteur a fortement critiqué le rôle des Nations Unies.
C'est de cela dont je parlais tout à l'heure. La réforme des Nations Unies doit être l'un des paramètres. Il semble que les Nations Unies sont incapables de fournir la logistique nécessaire pour appuyer les nombreuses missions dans le monde. Personne ne travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il ne faudrait pas que quelqu'un, à Sarajevo ou en Somalie, demande de l'aide des Nations Unies pendant la fin de semaine. Il n'y a pas de permanence pendant la fin de semaine. Tout le monde quitte à 17 heures en semaine et personne ne travaille pendant la fin de semaine.
Le troisième terme de mon équation est la politique de défense du Canada et sa relation avec les affaires étrangères. Une Organisation des Nations unies efficace doit être au centre des relations étrangères du Canada. Cela reste la meilleure façon de protéger la sécurité de la nation. Nous devons étudier l'aide étrangère et voir de quelle façon elle se rattache à la défense. Nous consacrons 2,5 milliards à l'aide étrangère. Cet argent est-il bien dépensé? Devrions-nous nous concentrer sur les besoins fondamentaux des pays du tiers monde? Avons-nous la responsabilité de répandre la prospérité et pouvons-nous le faire sans accroître encore notre dette? Je pense que tout cela est possible avec une bonne politique de défense.
En résumé, je félicite nos troupes de maintien de la paix. Leur détermination et leur dévouement sont sans égaux. Dans une certaine mesure nous les avons abandonnés. Notre gouvernement doit s'attaquer sans tarder, avec les autres nations membres de l'ONU, à la réforme de cette institution.
Le gouvernement canadien doit définir les objectifs de notre politique étrangère en relation avec notre politique de défense. Le Canada pourrait ouvrir la voie si nous savions où nous allons. Nos troupes de maintien de la paix sont des troupes professionnelles et elles méritent que nous les traitions comme telles.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Madame la Présidente, permettez-moi de me joindre à tous ceux qui vous ont déjà félicitée pour votre nomination à la présidence de la Chambre. Je sais que vous occuperez ce poste avec toute la dignité et la sagesse dont vous avez fait preuve durant les autres travaux de la Chambre.
J'aimerais aussi profiter de cette occasion pour remercier le premier ministre.
[Français]
J'aimerais remercier l'honorable premier ministre d'avoir donné à tous les députés de cette Chambre l'occasion de débattre cette question si importante et j'espère que ce sera un précédent pour d'autres décisions très importantes dans l'avenir. J'espère aussi que le gouvernement va prendre au sérieux les recommandations des députés.
[Traduction]
L'orateur précédent a laissé entendre que l'ancien secrétaire d'État aux Affaires extérieures avait déclaré dans un récent article que nous devions accepter le statu quo pour l'ex-Yougoslavie.
Si j'ai décelé un seul avis commun, un seul consensus dans le débat d'aujourd'hui, c'est bien, au contraire, que le statu quo est inacceptable. En tant que députés de partis différents, et même à l'intérieur de nos partis, nous réagissons différemment devant cette tragédie et quant aux moyens à mettre en oeuvre, par l'intermédiaire des Nations Unies, en notre qualité de Canadiens et de citoyens du monde.
(1815)
Au début du mois, je suis rentré d'une visite en Croatie où j'ai rencontré de nombreuses personnes, dont le ministre des affaires étrangères et des députés chevronnés, y compris les présidents du comité des affaires étrangères et du comité des droits de l'homme. J'ai aussi rencontré, dans ma propre localité, des représentants de la communauté serbe.
J'ai eu en outre le privilège de rencontrer le général John MacInnis, commandant adjoint de la force pour les forces armées des Nations Unies en ex-Yougoslavie et commandant des Forces canadiennes, ainsi que le général Jack Vance, colonel commandant de l'infanterie, soldat hautement respecté qui venait encourager les hommes et les femmes en mission en Croatie.
J'ai pu aller visiter le secteur sud grâce à un hélicoptère de la FORPRONU.
331
[Français]
Et là, j'ai rencontré le lieutenant-colonel Marc Lessard, l'officier-commandant de nos troupes du Royal 22e Régiment.
[Traduction]
On m'y a très bien renseigné sur l'excellent travail qu'accomplissent les Canadiens et les Canadiennes dans le secteur sud et ailleurs.
Je me suis rendu dans un certain nombre de postes d'observation, j'ai rencontré de nombreux soldats qui ont travaillé sur le terrain et j'ai pu constater le travail formidable qu'ils ont accompli et le sérieux avec lequel ils s'acquittent de leurs responsabilités dans cette région.
Tous les députés seront certainement très fiers des hommes et des femmes qui servent non seulement le Canada mais également les Nations Unies dans cette région perturbée du monde. Ces hommes et ces femmes prennent souvent de grands risques pour s'acquitter de leurs responsabilités. Deux Canadiens sont déjà morts sur le théâtre des opérations, mais nous savons que de nombreux autres ont été la cible de tirs, de harcèlement et d'intimidation. Ce genre de chose, inacceptable, se produit aussi bien en Croatie qu'en Bosnie.
Soulignons que nos troupes participent non seulement à l'opération Harmony en Croatie mais aussi à l'opération Cavalier, un second groupement tactique de la FORPRONU en Bosnie, actuellement constitué par le Douzième régiment blindé du Canada.
Nous avons participé à la mission de surveillance de la Communauté européenne dans cette région, une mission indépendante des Nations Unies. Le Canada fait également partie de la force navale, appelée Operation Short Guard, responsable de l'application des sanctions.
Nos troupes participent au système aéroporté d'alerte et de surveillance de l'OTAN. Une des contributions les plus importantes du Canada est sa participation aux quelque 1 000 missions de sauvetage effectuées par des avions Hercules, depuis Ancône, en Italie, afin d'apporter aux habitants de Bosnie de la nourriture et des médicaments dont ils avaient un urgent besoin.
Nous accomplissons donc un travail très important et toute suggestion visant à abandonner cet important travail me peinerait beaucoup. Je souligne en outre que les Canadiens ont été parmi les premiers à se rendre à Sarajevo. En fait, nos forces ont ouvert l'aéroport de Sarajevo en juin 1992 et elles ont participé à une mission préventive en Macédoine et ailleurs.
Avant que la Chambre et le gouvernement ne prennent une décision fondamentale concernant le renouvellement du mandat accordé par les Nations Unies au Canada et à ses troupes, mandat qui se termine le 31 mars, il est très important que nous comprenions bien en quoi consiste ce mandat.
En Croatie, il s'agit de rétablir l'autorité civile, aider les personnes déplacées à réintégrer leurs foyers et contribuer à assurer la démilitarisation des zones protégées des Nations Unies en Croatie.
C'est ce que font nos troupes sur le terrain, et elles s'acquittent bien de leur tâche dans la mesure où on les laisse agir. Je sais que de nombreux Croates qui vivent au Canada, et bien entendu ceux qui se trouvent en Croatie, éprouvent un fort sentiment de frustration du fait de l'occupation du territoire. Le quart du territoire croate est occupé. Cette situation est inacceptable, tout comme le fait que les habitants de Croatie qui ont été déplacés et chassés de leur foyer ne peuvent pas y retourner.
(1820)
Quelles sont les actions concrètes que nous prenons sur le terrain dans le secteur sud de la Croatie? Je prendrai comme seul exemple, le programme humanitaire auquel nous participons. Nous assurons la sécurité et nous fournissons l'infrastructure pour les échanges de dépouilles et de prisonniers au poste Morangie. Nous distribuons des vêtements d'hiver aux enfants du secteur sud. Nous protégeons la minorité croate dans les villages de Rodalechez et Dibruska. Nous aidons d'autres agences de l'ONU telles que le Haut-Commissariat pour les réfugiés en fournissant du combustible dans le cadre de ses programmes pour la région. Ce mandat est extrêmement important.
Il est certain qu'en Bosnie, nous n'avons pas de paix à maintenir, nous y avons cependant trois objectifs fondamentaux. Nous fournissons une aide militaire au HCR et autres organismes accrédités responsables de l'aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine et chargés d'en réparer l'infrastructure. Nous participons à l'évacuation des blessés, à la protection de la population et au maintien de sa sécurité, et nous aidons à préserver le statut de certaines zones sûres, en particulier, Srebrenica. Nous assurons l'existence d'un couloir entre Sarajevo et le centre de la Bosnie.
En fait, à titre d'exemple de ce que font les troupes canadiennes en Bosnie, je vais vous dire ce qu'elles y ont accompli ne serait-ce que la semaine dernière. Elles ont escorté six convois humanitaires transportant 540 tonnes de marchandises et 14 000 litres de carburant. Elles ont aménagé un itinéraire de rechange pour amener des réfugiés jusqu'à un refuge suédois sans les exposer aux tirs des Serbes bosniaques. Elles ont fait office de rempart humain à Srebrenica où 45 000 musulmans seraient massacrés si elles se retiraient. Elles ont continué à protéger les hôpitaux psychiatriques de Fornicia et de Bakovichie. En nous retirant de Bosnie, nous réduirions à néant tous ces efforts humanitaires d'une importance capitale. Les exemples de ce type sont nombreux.
Notre présence en Bosnie et en Croatie a fait une grande différence pour la population sur le plan humanitaire. Les militaires postés là-bas avec qui j'en ai discuté, qu'ils soient Canadiens ou d'un autre pays, notamment de Belgique, étaient unanimes à affirmer l'importance de cette présence dans la région. Ils
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disaient tous que le retrait des troupes serait désastreux et qu'il en résulterait un horrible carnage.
Je pense qu'on peut donner une idée de l'influence de nos troupes en nous penchant un moment sur une région où les Canadiens et l'ensemble des forces de l'ONU n'ont pas pu aller. Je parle de Banja Luka, dans le nord-ouest de la Bosnie.
Je veux faire part à la Chambre d'une lettre incroyablement éloquente et émouvante qu'un diplomate canadien détaché auprès du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Louis Gentille, a envoyée au rédacteur en chef du New York Times il y a environ une semaine. Il travaille à ses risques et périls à Banja Luka. Je vous en lis un bref passage: «Je me demande combien de vos lecteurs ont vu le film Schindler's List, de Steven Spielberg, et combien d'entre eux ont entendu parler de Banja Luka, en plein coeur de l'Europe.» Il y avait justement une représentation du film Schindler's List pour les parlementaires, la semaine dernière.
Banja Luka est la deuxième ville en importance en Bosnie. Une délégation canadienne a tenté d'y aller, mais les Serbes bosniaques ne l'ont pas laissée entrer. Le maire de la ville a accepté un pot-de-vin d'environ 49 000 $, mais a simplement refusé de laisser passer la délégation.
Voyons ce qui s'est passé en l'absence de représentants de l'ONU. Massacres, viols et camps de concentration, voilà le sort qui a été réservé à des dizaines de milliers de musulmans et de Croates qui ne pouvaient quitter la région, à Omaska, à Maniaka et à Turnpolia. On les a dépouillés de tous leurs droits civils. On leur a fait perdre leur emploi et on les a chassés de leur maison.
L'auteur de la lettre parle de la terreur qu'inspirent les attaques perpétrées la nuit par des hommes armés qui violent et qui tuent les habitants, des enfants incapables de dormir et qui se terrent derrière des portes et des fenêtres barricadées. La moitié des églises et des diocèses catholiques ont été détruits. Deux des plus magnifiques mosquées d'Europe et même d'ailleurs ont été brûlées ou sont tombées sous les bombardements. L'une d'elles, la mosquée Ferhad Pashqa, datait du XVIe siècle.
(1825)
Voilà ce qui est arrivé dans une région où les Nations Unies n'ont pu exercer une présence. Il s'est produit des incidents semblables ailleurs, mais au moins nous avons pu sauver quelques vies, ramener un peu de paix et apporter un peu de nourriture et de médicaments.
C'est un génocide auquel on assiste et il existe une convention sur le génocide qui a été signée après la Deuxième Guerre mondiale et dans laquelle tous les pays du monde s'engageaient à ne plus jamais tolérer de telles atrocités.
Il y a eu le génocide arménien en 1915. Il y a eu l'holocauste durant la Deuxième Guerre mondiale. Après quoi, tout le monde a dit «plus jamais». Pourtant, voilà que ça recommence, en plein coeur de l'Europe. Nous ne pouvons pas dire que nous ne sommes pas au courant de ce qui se passe quand la télévision nous projette ces images d'horreur jour après jour. Nous ne pouvons nier l'existence des viols collectifs, de la torture, des exécutions, des camps de concentration, des meurtres, des déplacements massifs de réfugiés, de la purification ethnique.
J'ai rencontré un des représentants de l'UNICEF, un Canadien. Les Canadiens font font du si bon travail dans cette région. Ce représentant avait rédigé pour l'UNICEF deux rapports, l'un sur la condition des femmes et des enfants en Bosnie-Herzégovine et l'autre sur celle des femmes et des enfants en République de Croatie. C'est une véritable histoire d'horreur qu'ils vivent là-bas.
Des députés ont cité dans leur discours des chiffres en ce qui concerne Sarajevo. Nous avons entendu parler des six enfants qui ont été tués par des tirs d'artillerie en Bosnie. Quel courage il faut pour tirer des obus et tuer des enfants, de pauvres petits enfants croates de Mostar, quand on est à 30 kilomètres de sa cible, dans les collines de Sarajevo. Et le siège continue.
J'ai pu constater moi-même les horreurs de la guerre en Croatie orientale. J'ai visité Vukovar, une ville autrefois très belle, sur les rives du Danube, qui est aujourd'hui en ruine. Presque tout a été dévasté, les marchés, les maisons, tout. Je me suis promené dans les ruines d'une église catholique; j'ai vu les photos des enfants. J'ai vu ce qui restait de la statue de la Vierge Marie et la croix, complètement démolie.
De là, je me suis rendu dans un petit village juste en dehors de Vukovar où il y a un grand charnier. Deux cents corps ont été enterrés dans un dépotoir. La Commission des Nations Unies pour les crimes de guerre a voulu faire enquête, mais elle s'est fait opposer une fin de non recevoir par les Serbes de Bosnie. C'est scandaleux!
La question qui se pose et à laquelle nous devons répondre, ce que je vais essayer de faire dans les quelques minutes qui me restent, est la suivante: face à ces horreurs, à cette tragédie humaine, que doit faire le Canada et que doit faire l'ONU?
La solution idéale serait, bien sûr, une solution diplomatique. Dieu sait que nous avons tout fait pour en arriver à une telle solution. Nous sommes venus bien près de réussir, au point que Kerensig, au nom des Serbes bosniaques a dit que la solution était acceptée et qu'elle serait présentée au Parlement serbe-bosniaque. Qu'ont-ils fait? Ils ont rejeté la proposition. «Nous détenons 70 p. 100 du territoire même si nous ne représentons qu'environ le tiers de la population. Nous voulons conserver ce territoire, et nous le conserverons en ayant recours à la force si c'est nécessaire.»
Je ne suis pas optimiste quant à la possibilité d'une solution diplomatique en l'absence d'une mesure plus énergique et plus efficace de la part des Nations Unies. Nous avons été témoins de la purification ethnique. Nous avons entendu parler des nombreuses menaces qui ont été proférées. Rien n'est pire que le bluff.
En fait, lorsque Kerensig est retourné devant son Parlement en mai 1993, il avait dit avant le vote qu'il fallait accepter le plan ou alors s'attendre à de vives attaques de la part des forces de l'OTAN. Son ministre de l'information avait répliqué qu'il n'y avait aucun risque, que ce n'était que du bluff et qu'il n'y avait rien à craindre. On a trop souvent eu recours au bluff.
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Devons-nous retirer nos forces le 31 mars? Non. Ce serait une véritable tragédie que d'agir de la sorte parce que la population serait privée de l'aide humanitaire qui lui est actuellement fournie, mais le statu quo ne doit plus être toléré. À mon sens, le moment est venu pour les Nations Unies d'écouter ses commandants, qu'il s'agisse du Général Cot, du Général Muriot ou des nombreux autres qui disent qu'on doit leur fournir les outils nécessaires pour accomplir leur travail.
(1830)
Le mandat existe sur papier. Le mandat et la résolution 836 des Nations Unies sont couchés sur papier. La mesure nécessaire peut être prise mais les ressources requises ne sont pas disponibles. À mon avis, le moment est venu de bien faire comprendre aux Serbes bosniaques et aux autres qui commettent des atrocités que nous sommes sérieux.
Je n'ai pas le temps de citer les nombreuses déclarations faites par plusieurs généraux, mais le moment est venu de dire que nous allons avoir recours à des attaques aériennes combinées à des interventions terrestres si le carnage et la violence ne cessent pas.
Nous ne pouvons continuer plus longtemps d'être les témoins de cet holocauste. Nous ne pouvons nous retirer. Selon nos experts militaires, le seul recours aux attaques aériennes ne permettra pas d'atteindre l'objectif voulu. Si nous sommes sérieux lorsque nous parlons de refuges sûrs à Tuzla, à Sarajevo et dans les quatre autres zones désignées, il faut absolument donner aux troupes terrestres des Nations Unies la possibilité et la capacité de faire en sorte que ces endroits soient véritablement des refuges sûrs.
Nous devons faire plus pour aider les réfugiés qui fuient cette région. Nous devons faire plus pour que les criminels de guerre responsables de ces atrocités soient traduits en justice et que le tribunal compétent dispose des ressources nécessaires.
Nous devons faire en sorte que le programme des Nations Unies pour la paix devienne une réalité, que l'on ait recours à une diplomatie de prévention, et que les Nations Unies disposent d'une armée permanente pour empêcher la répétition de telles atrocités dans l'avenir.
En terminant, je voudrais citer les propos de ce courageux Canadien à Banja Luka, qui a dit: «Nous avons dû évacuer notre bureau trois fois en raison de menaces à notre sécurité. Nous pouvons évacuer quelques centaines de personnes faisant partie des minorités qu'on juge être les plus en danger, mais nous ne pouvons protéger tout le monde. Les familles de ces personnes vivent ici depuis des siècles.» Les Nations Unies n'ont pu déployer de troupes parce que les autorités serbes-bosniaques ont refusé d'autoriser une telle mesure. À ceux qui ont pensé «plus jamais» après avoir vu le film Schindler's List, je dis que c'est de nouveau en train de se produire.
Il termine en disant ceci: «Les soi-disant leaders du monde occidental savent depuis un an et demi ce qui se passe ici. Ils reçoivent des rapports détaillés. Ils menacent de poursuivre les criminels de guerre mais ne font rien pour empêcher les crimes. Puisse Dieu leur pardonner. Puisse Dieu nous pardonner à nous tous.»
[Français]
Le génocide doit cesser. Le Canada doit continuer de jouer son rôle. Les Nations Unies doivent pouvoir continuer de jouer leur rôle. Nous devons faire notre possible pour mettre fin à ce génocide.
[Traduction]
Mme Jane Stewart (Brant): Madame la Présidente, je remercie et félicite le député pour le discours personnel et émouvant qu'il a livré à la Chambre aujourd'hui.
Comme il parle d'expérience, le débat gagne en intérêt. Or, il insiste pour que nous restions en Bosnie et dans cette région déchirée par la guerre. Je compare cela avec les autres opinions personnelles formulées aujourd'hui par des députés qui ne sont peut-être pas allés là-bas, mais qui y ont encore de la famille. Ces députés ont déclaré que nous serions mieux de nous retirer. C'est une décision bien difficile que nous devons prendre.
Permettez-moi de rappeler que le député s'est dit d'avis que notre mandat actuel manquait de clarté et de puissance. Cela m'inquiète moi aussi et je crains fort qu'en l'absence d'un mandat clair, que nous le voulions ou pas, si nous restons là-bas, notre rôle changera et nous ne serons plus chargés de maintenir la paix, mais de la faire. D'après moi, ce changement serait inacceptable.
Je voudrais que le député indique combien de temps il voudrait que nous restions dans ces régions perturbées sans un mandat clair, au risque de nous identifier, si nous nous armons, comme des ennemis et non comme des gardiens de la paix.
M. Robinson: Madame la Présidente, il est important que nous admettions qu'en vertu du mandat actuel et de la résolution 836, et Dieu sait s'il y a eu de nombreuses résolutions, qui a été adoptée par les Nations Unies en juin l'an dernier, les casques bleus en poste dans la région participent à la distribution de l'aide humanitaire. La FORPRONU a été autorisée à exécuter le mandat défini dans cette résolution et, en réponse aux bombardements effectués par une partie contre les zones protégées, à prendre les mesures nécessaires, y compris le recours à la force, à exécuter des incursions armées ou, dans le cas d'une obstruction délibérée à l'acheminement d'aide humanitaire, à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris le recours à la force aérienne.
(1835)
Tel est le mandat actuel. Je crois que les généraux qui sont sur le terrain demandent que ce mandat soit renforcé pour clarifier la capacité des Nations Unies de répliquer clairement. Quand on dit que les zones protégées sont pilonnées, c'est qu'elles ne sont vraiment pas protégées. En effet, comment parler de zones protégées quand elles sont pilonnées depuis les collines?
Comme le général Briquemont l'a dit, il y a une marge extraordinaire entre toutes ces résolutions du Conseil de sécurité, la volonté de les exécuter et les moyens mis à la disposition des commandants sur le terrain.
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Pour répondre à la question de la députée, je dirai que nous devons étudier cette demande visant à renforcer les ressources disponibles sur le terrain. Se limiter au recours à la force aérienne et aux frappes aériennes n'est pas une solution, comme nous l'ont clairement dit tous ceux qui sont sur le terrain.
Bien sûr, tant que nous n'aurons pas un mandat plus clair, la mission humanitaire des Nations Unies restera menacée. À longue échéance, surtout en Croatie, il ne faut pas considérer les Nations Unies comme une puissance qui maintient de façon efficace le statu quo. Nous devons déclarer très clairement qu'il faut respecter les frontières de la Croatie qui sont reconnues à l'échelle internationale et que les Croates qui été l'objet du nettoyage ethnique doivent pouvoir rentrer chez eux et que les Nations Unies doivent appuyer cela.
[Français]
M. André Caron (Jonquière): Je voudrais féliciter l'honorable député de Burnaby-Kingsway de la qualité de son témoignage. Le député s'est déplacé, il a été sur les lieux et a rencontré des responsables. Je pense que c'est particulièrement important pour lui de venir nous dire ce qu'il a vu. Souvent, on va lire les journaux, on va prendre le témoignage d'officiels, de diplomates, mais ça n'a pas la résonance de quelqu'un qui partage nos valeurs, qui s'est déplacé, qui a observé et a réfléchi.
Je le félicite d'avoir fait cela un peu pour nous. Je suis aussi content de voir qu'il élargit un peu le débat parce que je remarque, depuis que je suis ce débat, qu'il est question de maintenir nos forces en Bosnie. Je pense que le député a élargi un peu la question en nous demandant de nous interroger sur les moyens que nous allons donner à nos troupes, que les Nations Unies allaient donner aux troupes qui vont en mission de paix en Bosnie. Il y a là toute la dimension de renforcer le mandat et les interventions des gens qui sont là-bas pour maintenir la paix.
Je pense que c'est une dimension importante. Il ne suffit pas de rester, mais il faut quand même que ce qu'on fait là-bas soit efficace et dans l'intérêt des populations pour lesquelles on fait un effort au Canada et ailleurs dans certains pays occidentaux pour maintenir la paix en Bosnie.
[Traduction]
Mme Roseanne Skoke (Central Nova): Madame la Présidente, si je prends la parole aujourd'hui, c'est d'abord pour rendre grâce à Dieu pour notre magnifique pays. Il y a 70 ans environ, le Canada a accueilli mon grand-père, Alex Skoke, et ma grand-mère, Veronica Pushkar, qui avaient fui la Croatie avec leurs enfants en quête d'une vie meilleure et qui se sont installés à Stellarton, en Nouvelle-Écosse.
Par conséquent, en mémoire de mes grands-parents croates et dans l'intérêt des membres de ma famille qui vivent encore en croatie, je me sens aujourd'hui l'obligation de participer au présent débat.
Il s'agit ici du problème de politique étrangère le plus délicat de notre temps. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada fait fièrement figure de chef de file dans le domaine des affaires internationales, intervenant chaque fois que la paix et la sécurité du monde sont menacées. Toutefois, la guerre froide est affaire du passé et le monde d'aujourd'hui est beaucoup plus complexe.
(1840)
La paix souhaitée a fait place à une résurgence de conflits ethniques bien enracinés et souvent brutaux. La situation dans l'ancienne Yougoslavie en est l'exemple le plus frappant.
Le Canada a une longue et fière tradition de participation aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. C'est le très honorable Lester B. Pearson, certes le plus grand diplomate et spécialiste de la politique étrangère que le Canada ait produit, qui a conçu et mis au point la notion même de maintien de la paix. Il a reçu pour cela le Prix Nobel de la Paix.
Lorsqu'est venu le temps d'aller servir dans l'ancienne Yougoslavie, le Canada a été parmi les premiers à répondre à l'appel. Toutefois, après bien des mois et d'innombrables incidents frustrants, notre pays doit réexaminer sa politique en matière de maintien de la paix et faire office de chef de file.
Il faut réexaminer notre politique et nous demander en quoi consiste le maintien de la paix lorsqu'il n'y a pas de paix à maintenir. Cela vaut notamment pour le conflit qui a cours en Bosnie, où Musulmans, Croates et Serbes sont incapables d'en arriver à un accord de paix. Les troupes des Nations Unies se trouvent donc à essayer si possible de livrer des secours humanitaires dans des conditions extrêmement dangereuses.
La mission en Croatie est légèrement différente en ce sens que l'accord de paix conclu entre les autorités croates de Zagreb et les Serbes de Belgrade tient tant bien que mal depuis le début de 1992. Toutefois, la situation là-bas n'est pas moins dangereuse, puisque deux casques bleus canadiens ont failli perdre la vie en fin de semaine, lorsqu'ils ont essuyé le feu de la milice serbe.
Plusieurs options ont été formulées en ce qui concerne la politique canadienne. La première consiste à maintenir le statu quo. Pour les Canadiens, cette option est tout à fait inacceptable à cause des raisons que j'ai énumérées. Le Canada a fait plus que sa juste part et, en toute franchise, je crois que nos alliés considèrent la participation des Canadiens comme allant de soi.
Le Canada devrait être fier du rôle traditionnel qu'il a joué dans les missions de maintien de la paix, mais nous ne pouvons continuer de participer à toutes les missions pour une période indéterminée. Chypre est l'exemple parfait d'un engagement coûteux qu'avait pris le Canada et qui a duré trop longtemps.
La deuxième option qui s'offre au Canada consiste à demander aux Nations Unies de changer en profondeur ses opérations de maintien de la paix. Par exemple, si les casques bleus sont constamment attaqués et ne peuvent, en raison de l'intensité des combats, remplir leur mandat, il faudrait modifier les règles d'engagement. Les troupes des Nations Unies doivent pouvoir prendre les mesures nécessaires pour repousser les attaques des divers camps. Je ne me prononce pas en faveur du maintien actif
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de la paix, mais bien en faveur du droit des troupes canadiennes de protéger leur vie dans un milieu hostile.
Le temps est venu de réformer et de consolider le mandat des Nations Unies et de modifier les règles d'engagement qui s'appliquent à nos soldats canadiens.
La troisième option consiste à être plus judicieux dans le choix des opérations des Nations Unies que nous appuyons, d'offrir notre appui de façon ponctuelle et non plus de façon globale. Dans le cadre de ce conflit, le Canada a jusqu'à maintenant consacré 490 millions de dollars et sacrifié huit vies humaines. Bien des pays parlent de paix, mais très peu ont pris des engagements réels. Qu'exigera-t-on encore du Canada, et à quelles fins?
L'OTAN parle beaucoup de frappe aérienne, mais quand les belligérants sentent l'heure approcher, ce sont nos soldats qui sont attaqués. Il est temps de les rapatrier.
En Croatie, nos troupes n'ont qu'un poids politique et restent impuissantes à influencer les événements sur le terrain et même à se défendre elles-mêmes. Il est inacceptable de déployer des soldats canadiens dans une zone où il courent de tels risques tout en ayant si peu de prise sur les événements.
En Bosnie, il n'y a pas de paix à garder et le Canada ne devrait pas décider de ses engagements militaires en se fondant uniquement sur des motifs moraux, mais sur des intérêts réels. Les Canadiens participent de temps à autre à des missions humanitaires très dangereuses. Leur mandat ne prévoit rien d'autre que ces missions et ne comporte pas calendrier.
(1845)
La position qu'adoptera le gouvernement du Canada sur cette question importante aura sans aucun doute des répercussions profondes sur l'avenir des forces armées canadiennes, sur les prochaines missions de maintien de la paix et sur l'évolution des Nations Unies et de son mandat.
À mon avis, le Canada devrait retirer toutes ses troupes de Croatie et de Bosnie. Je demande que les soldats canadiens soient rapatriés.
Rapatrions nos soldats. Ouvrons nos portes aux familles de l'ancienne Yougoslavie pour qu'elles viennent trouver refuge au Canada, dans un pays de paix et de liberté.
[Français]
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, je suis très loin d'être un expert en militarisation internationale ou en raid international. J'ai bien écouté les quatre ou cinq derniers députés qui viennent de prendre la parole. J'ai remarqué que certains d'entre eux provenaient de différentes sources. Entre autres, j'ai écouté attentivement le discours du député de Burnaby-Kingsway qui est allé sur place rencontrer les gens qui font l'événement là-bas. Je sais que de nombreux députés, telle l'honorable députée de Central Nova, sont des gens qui ont des origines ou qui viennent de ce coin de pays.
Pour ma part, ce que j'ai retenu des quatre ou cinq dernières interventions, c'est qu'effectivement, à mon avis, il y a actuellement dans ce coin de pays une possibilité de conflit mondial généralisé. On vit sur une poudrière à ce moment-ci. Et je pense que les troupes canadiennes qui sont stationnées là-bas empêchent que ce conflit ne s'étende.
Je pense aussi, en contrepartie de tout ce qu'on nous a décrit aujourd'hui, qu'il s'agisse de meurtres ou d'autres choses de ce genre, qu'on doit se dire que le monde est actuellement en voie d'unification et que le village global est une possibilité très réelle. Je pense que si nous voulons que la balance penche beaucoup plus en faveur du village global que d'une possibilité de conflit, certains pays doivent en prendre la responsabilité et s'impliquer. Et je pense que jusqu'à un certain point le Canada, qui jouit d'une réputation internationale plus que favorable, doit cette réputation à son implication jusqu'à présent. C'est pourquoi je serais en faveur que nos soldats qui sont actuellement stationnés en Bosnie y demeurent.
[Traduction]
Le vice-président: La députée de Central Nova veut-elle répondre ou estimera-t-on qu'il s'agissait d'un commentaire?
Mme Skoke: Je dirai que c'était un commentaire.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à l'honorable députée de Central Nova. Il m'apparaît, dans sa présentation, qu'elle fait fi un peu de la réputation de gardien de la paix qui a été développée par le Canada au cours des 40 dernières années, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Je fais référence surtout, par exemple, à l'intervention de M. Pearson et à son prix Nobel de la paix. Je me demande si la suggestion de se retirer de la Bosnie aujourd'hui, qui peut paraître très justifiée finalement par rapport à un climat d'incertitude qui règne sur le mandat d'intervention des troupes là-bas, si une décision trop rapide à ce sujet ne nous amènerait pas à poser un geste regrettable qui pourrait nuire de façon fondamentale à l'image du Canada à l'extérieur. Et j'aimerais que la députée de Central Nova nous dise si elle a tenu compte de cet aspect de la question avant de prendre position pour le retrait des troupes.
[Traduction]
Mme Skoke: Monsieur le Président, il est évident qu'en préparant mon intervention, j'ai tenu compte des différentes options et je crois en avoir mentionné trois. La première est le statu quo, mais nous devons évidemment penser à la position du Canada sur la scène internationale et à sa crédibilité. La deuxième option que j'ai mentionnée est la modification de notre engagement, et la troisième option est le retrait pur et simple de nos troupes.
(1850)
Je répète la question que j'ai posée dans mon intervention: Que veut dire àmaintien de la paixà lorsqu'il n'y a pas la paix? Je crois que c'est de cela qu'il faut parler ici.
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En conclusion, j'ai dit que peu importe la décision du gouvernement, elle aura des répercussions profondes parce que toute la situation soulève de nombreuses questions pressantes. L'une de ces question a trait à la nature et au mandat des Forces armées canadiennes. Une deuxième question a trait à la forme que prendront les prochaines missions de maintien de la paix. Une troisième nous incite à réfléchir à l'évolution et au mandat des Nations Unies.
Le député peut constater que j'ai effectivement tenu compte des différentes options. La question n'est pas simple et, comme nous l'avons vu, elle ne fait pas l'unanimité parmi les députés. Le député peut avoir l'assurance que ma position n'est pas improvisée, mais en quoi peut consister le maintien de la paix là où il n'y a pas la paix?
M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement le discours de la députée de Central Nova ainsi que celui d'un autre député qui vient justement de la région dont nous parlons aujourd'hui, le député de Cambridge. Je crois qu'ils ont tous deux soulevé de très bons points.
Personnellement, je trouve que les trois options présentées sont les trois seules qui existent. Je suis certain que le Canada ne peut pas décider à lui seul de choisir la deuxième option. Il ne peut que décider de choisir la première ou la troisième. Soit que nous restions là-bas pour y faire du travail humanitaire, soit que nous partions en laissant les Serbes, les Croates et les Musulmans décider eux-mêmes dans quel genre de pays ils veulent vivre, s'ils peuvent le faire.
Il n'y a certainement pas de paix là-bas. C'est ridicule de prétendre que nous contribuons à établir ou à maintenir la paix en Bosnie.
Je voudrais poser une question aux gens qui connaissent cette région mieux que moi. J'ai fait un peu de danse folklorique balkanique, mais je ne suis jamais allé là-bas. L'inimitié historique entre les divers groupes est-elle si profonde que la séparation ou la destruction sont les seuls moyens de régler le problème?
Mme Skoke: Monsieur le Président, je crois que je vais céder la parole à mon collègue de Cambridge, qui est à côté de moi, en raison de son origine.
Le vice-président: Vous ne pouvez pas faire cela.
Mme Skoke: Je ne le peux pas. Il est né en Croatie. Je ne pourrai peut-être pas répondre de façon précise à la question du député. Je crois que nous avons ici un exemple classique de conflit entre divers groupes ethniques, et il n'est pas réaliste de penser que des opérations de maintien de la paix vont mettre fin à ce conflit.
Nous pouvons regarder ce qui se passe dans notre propre pays avec nos groupes ethniques et peut-être même ce qui se passe ici à la Chambre des communes-pour donner un exemple où il peut y avoir une menace réelle-avec le Bloc québécois qui veut que le Québec se sépare du reste du Canada. Pouvons-nous vraiment régler tous les problèmes ethniques du monde? Comme la situation qui existe dans l'ancienne Yougoslavie découle d'un conflit ethnique, je suis d'avis que nous devrions donner refuge à toutes les personnes qui désirent quitter cette région. Nous devrions accueillir tous ceux qui recherchent la liberté que nous offrons ici dans notre beau pays, le Canada.
Je ne crois pas qu'il nous incombe de régler tous ces problèmes ethniques ni que nous soyons en mesure de le faire. Nous en aurons assez de nous occuper de la situation que nous avons ici au Canada.
(1855)
M. Joe Comuzzi (Thunder Bay-Nipigon): Monsieur le Président, je tiens à vous féliciter de votre nomination au poste de vice-président. C'est la première fois que vous m'accordez la parole depuis que je siège à la Chambre et que vous occupez le fauteuil. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes très heureux que le premier ministre ait jugé bon de vous nommer à ce poste. Nous sommes pleins d'espoir et nous vous souhaitons la meilleure chance du monde dans votre nouveau rôle à la Chambre. Je vous suis également reconnaissant de me donner aujourd'hui l'occasion de faire quelques observations au sujet du pays connu auparavant sous le nom de Yougoslavie.
Notre intervention dans ce pays se fait sur deux fronts, diplomatique et militaire. Les initiatives diplomatiques en cours, entreprises par notre ministre et son secrétaire parlementaire, qui est parmi nous ce soir, sont très louables. Je les félicite tous deux de l'excellent travail qu'ils continuent de faire pour tâcher de résoudre sur le plan diplomatique cet horrible problème quasi insurmontable. Le secrétaire parlementaire a rendu visite à bon nombre de mes électeurs de la circonscription de Thunder Bay qui sont originaires de ce pays, et je sais que leurs efforts tant aux Nations Unies qu'à l'OTAN sont très appréciés non seulement par les gens que je représente mais sûrement aussi par les Canadiens de tout le pays.
Nous intervenons également dans ce conflit sur le plan militaire; nous y avons en effet envoyé des troupes pour tenter de mettre de l'ordre dans ce chaos. Il est évident que nos militaires y mènent une action humanitaire par défaut. Ils n'y sont pas en tant qu'artisans de la paix car il n'y a tout simplement pas de paix à maintenir. C'est en réalité le rôle de nos diplomates. Ils n'y sont pas en qualité de gardiens de la paix car la paix y est inexistante. C'est évidemment pour des raisons humanitaires qu'ils y restent, pour des raisons très valables.
Les aspects humanitaires de leur action consistent surtout à fournir les nécessités de la vie comme la nourriture, les médicaments et un abri dans une certaine mesure, aux gens qui sont toujours les innocentes victimes, ceux qui sont directement frappés et qui, comme dans n'importe quel conflit, souffrent d'un conflit auquel ils n'ont rien à voir.
Monsieur le Président, votre bureau faisait face au mien au bout du couloir, et je pouvais voir vos enfants aller et venir. Je trouve particulièrement attristant de voir les atrocités commises contre les enfants dans cette région. Ils sont envahis par la tristesse. D'après mon point de vue, chaque fois qu'on parle de cette malheureuse région dans les bulletins de nouvelles, on y
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voit des enfants. Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec mes petits-enfants et avec tous les Canadiens. Cette situation est horrible. On se demande pourquoi on ne parvient pas à trouver de solution. Cela dépasse toutefois ce que nous pouvons faire à la Chambre.
Évidemment, dans le cadre du débat sur les raisons de notre présence là-bas et sur les aspects militaires de notre participation, nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous fions beaucoup au très compétent ministre de la Défense. Je suis heureux qu'il soit présent ici ce soir pour entendre les opinions exprimées par les députés des deux côtés de la Chambre, relativement à la ligne de conduite à adopter.
Je suis très reconnaissant au ministre d'avoir insisté sur le fait qu'il s'agit d'un débat libre et ouvert auquel peuvent participer tous les députés désireux d'exprimer leurs préoccupations personnelles. Je remercie également son secrétaire parlementaire qui nous est d'un grand secours dans les dossiers militaires en raison de nombreuses années qu'il a passées dans l'armée avant d'entreprendre une deuxième carrière à la Chambre des communes. La Chambre bénéficie de sa vaste expérience des questions militaires. Il y a d'excellentes personnes-ressources qui peuvent nous aider à nous faire une opinion.
En définitive, la question se résume à ceci: pourquoi sommes-nous présents là-bas? Pourquoi sommes-nous présents en Somalie? Pourquoi sommes-nous présents dans les régions les plus agitées du monde?
Hier, nous avons accueilli à la Chambre le président d'Haïti. Il est le président élu d'un pays démocratique, mais les militaires de ce pays ont toutefois décidé de l'empêcher d'exercer les fondements de la démocratie, allant ainsi à l'encontre de la volonté du peuple. Il est donc un président sans pays parce que les militaires refusent de le laisser s'acquitter de ses fonctions.
(1900)
De ce point de vue, nous avons beaucoup de chance au Canada. Pareille situation ne pourrait jamais se produire dans notre pays, en raison des mécanismes démocratiques qui sont en place, des distinctions très nettes qui sont établies et parce que l'armée doit respecter la volonté des Canadiens et rendre des comptes au ministre de la Défense nationale et au Cabinet.
J'imagine que, lorsqu'il faut décider d'aider nos alliés ou de participer à l'effort de paix des Nations Unies ou de l'OTAN, le ministre de la Défense nationale rencontre d'abord le chef d'état-major pour discuter du rôle que l'on souhaite voir jouer par nos militaires.
Il faut d'abord se demander, comme je le disais tout à l'heure, s'il s'agit d'intervenir pour des raisons humanitaires, pour maintenir la paix ou pour l'instaurer.
Une fois que le ministre a énoncé clairement nos objectifs, le chef d'état-major doit sans doute consulter ses collaborateurs et ses collègues du ministère de la Défense nationale et de l'armée sur la meilleure façon de remplir le mandat qui est donné par le ministre et le Cabinet, représentants du peuple canadien.
Le rôle des militaires est d'évaluer les chances de succès et, avant d'accepter la responsabilité de l'exécution, de rencontrer le ministre pour parler des ressources dont ils ont besoin: ressources humaines, matériel, temps nécessaire pour remplir les obligations et mener l'action à une conclusion satisfaisante.
À cette étape du processus de décision, il appartient au pouvoir politique d'intervenir et de prendre envers les militaires l'engagement fondamental de lui fournir le personnel, le matériel et le financement nécessaires pour remplir la mission.
Ensuite, le rôle du pouvoir politique, du Cabinet, s'estompe et se réduit à recevoir des rapports quotidiens. Ce sont les dirigeants des opérations militaires qui assument la majorité des responsabilités, une fois prise la décision fondamentale, une fois donné ce que j'appelle le premier ordre de commandement.
Cela m'amène à demander pourquoi nos militaires se trouvent aujourd'hui dans ce pays profondément perturbé.
Si on réfléchit à ce qui s'est passé à la Chambre ces derniers temps, lorsque l'ancien gouvernement était toujours en poste, on constate que la ministre de la Défense nationale avait peut-être bien d'autres préoccupations. Nous avons eu un autre ministre de la Défense nationale en fin de mandat. Pendant ce temps, le chef d'état-major a été nommé ambassadeur à Washington et on a désigné un nouveau chef d'état-major. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons constaté que les choses ne fonctionnaient pas très bien ou qu'elles n'étaient pas bien dirigées.
Compte tenu de la situation actuelle, je propose respectueusement au ministre d'envisager le retrait de nos troupes de la région en cause et de réévaluer notre position quant à notre rôle de soutien militaire à la région en cause et à d'autres régions qui seront aux prises avec des problèmes semblables dans l'avenir.
J'estime que nous devons prendre une décision quant à notre rôle de maintien de la paix et que, si nous décidons de le conserver, nous devons entraîner et équiper nos troupes le mieux possible pour cette fonction.
En guise de conclusion, je voudrais dire combien tous les Canadiens sont fiers de nos militaires qui s'acquittent si bien de leurs fonctions dans l'ancienne Yougoslavie et j'espère que le ministre, le premier ministre et tous les députés conviendront qu'il est temps de les rapatrier et de réexaminer notre position.
(1905)
Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, comme c'est ma première intervention à la Chambre, je tiens à vous féliciter de votre nomination au poste de vice-président et à féliciter tous les députés de leur élection.
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En tant que députée de Surrey-White Rock-South Langley, je représente la circonscription de l'Ouest ayant le plus grand nombre d'électeurs. Située sur la côte ouest, immédiatement au sud-est de la ville de Vancouver, ma circonscription est contiguë à la frontière canado-américaine. Elle comprend la ville de White Rock, le secteur sud de la ville de Surrey et le sud-ouest du canton de Langley. Même si elle ne fait que 250 000 kilomètres carrés, elle présente une grande diversité de collectivités.
Une partie de ma circonscription vit de l'agriculture. Bon nombre de grands maraîchers cultivent une partie des terres agricoles les plus riches du Canada. On trouve des fermes avicoles et des fermes laitières dans les secteurs de Cloverdale et South Langley. Ma circonscription a aussi son industrie légère qui fabrique une grande variété de biens commerciaux. Cette industrie et les autres petites et moyennes entreprises sont préoccupées par la dette nationale et notre énorme déficit. Elles souhaitent que leur gouvernement prenne la situation bien en main et réduise les dépenses. Les entrepreneurs de ma circonscription sont d'avis que si le gouvernement veut accroître l'activité économique, il doit commencer par réduire les impôts et ce qu'il en coûte pour faire des affaires au Canada.
Quoi qu'il en soit, le plus gros des terres de ma circonscription ont une vocation résidentielle. La localité de White Rock est située sur les bords du lac Semiahmoo et est bien connue comme lieu de retraite en raison de son doux climat. Cette région a également attiré un grand nombre de familles, de sorte qu'une partie de plus en plus importante des électeurs sortent des limites de la circonscription.
Ma circonscription est une des régions du pays qui croît le plus rapidement, mais, malheureusement, cette croissance rapide est accompagnée, entre autres, d'une montée de l'activité criminelle. Pendant la campagne électorale, mes électeurs considéraient qu'il s'agissait là de l'un des graves problèmes. Ils ont dit très clairement qu'ils s'attendaient à ce que le gouvernement prenne des mesures pour mieux protéger la société.
Mes électeurs m'ont élue parce que mon programme électoral portait sur la responsabilité financière, l'imputabilité des parlementaires et la réforme du système de justice pénale. Je voudrais remercier les électeurs de Surrey-White Rock-South Langley de la confiance qu'ils ont placée en moi et leur assurer que je suis leur servante et que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour atteindre ces objectifs.
Or, ce soir, je suis ici pour parler du rôle du Canada en Bosnie et je le fais en tant que simple Canadienne. À l'instar de la plupart des Canadiens, j'ai lu, écouté et regardé les innombrables reportages sur la tragédie qui se déroule en Bosnie-Herzégovine. Ces reportages ont suscité chez moi toutes sortes d'émotions. J'ai été horrifiée par les attaques perpétrées au hasard contre des civils, surtout des enfants. J'ai été bouleversée par les reportages sur la stratégie politique de purification ethnique. Et j'ai été très fière du rôle qu'ont joué en Bosnie les soldats canadiens chargés du maintien de la paix.
J'ai également été très irritée par le refus des dirigeants politiques et militaires des factions ennemies de s'entendre sur une résolution pacifique du conflit. J'ai exprimé ma frustration devant l'incapacité des Nations Unies de prendre des mesures décisives pour régler cette question et j'ai été outrée en entendant parler des simulacres d'exécution auxquels étaient assujettis les soldats de la paix canadiens.
Quand nos soldats sont soumis à un tel traitement, il est difficile de ne pas être d'accord avec ceux qui demandent le retrait des troupes canadiennes. Enfin, il se peut bien qu'à un moment donné, nous soyons obligés de le faire. Je crois cependant que, malgré l'adversité dans laquelle ils se trouvent, il est essentiel que les Canadiens restent en Bosnie. Peu importe la gravité de la situation actuelle, elle serait bien pire s'ils n'étaient pas là. Les Canadiens vont devoir décider s'ils sont prêts à vivre les conséquences d'un retrait unilatéral, d'un retrait qui pourrait donner lieu à un conflit généralisé et au génocide.
Si ça arrivait, les Canadiens pourraient-ils se laver les mains de cette affaire? Pourrions-nous dire que ce n'est pas notre problème? Sommes-nous prêts à accepter le fait que aurions pu arrêter les choses, mais que nous en avons eu assez et que la frustration s'était emparée de nous?
(1910)
Je sais que quand on regarde à la télévision les reportages qui nous montrent des enfants tués, nous nous demandons à quoi servent les casques bleus. Quand nous entendons dire que des familles entières ont été éliminées, nous nous demandons quelle paix les soldats canadiens sont censés maintenir. Pourtant, sans la présence des Canadiens et des autres casques bleus des Nations Unies, nous assisterions vraisemblablement à un massacre général des enfants et des civils en Bosnie.
Le choix qui s'offre aux Canadiens est celui-ci: retirons-nous nos troupes et acceptons-nous l'idée d'une guerre généralisée, voire d'un génocide? Ou bien détachons-nous indéfiniment nos soldats pour maintenir la paix dans un pays où il n'y a pas de paix à maintenir?
Peu de Canadiens, je pense, sont prêts à déployer indéfiniment nos soldats pour remplir une mission mal définie dans un pays où les responsables politiques et militaires ont montré si peu de volonté à régler le problème. Bon nombre des difficultés semblent provenir davantage du mandat des Nations Unies que de la mission comme telle.
Comme le commandant démissionnaire des forces de maintien de la paix des Nations Unies en Bosnie l'a déclaré, il est bien, pour les politiciens et les diplomates, d'adopter toutes ces belles résolutions, mais elles ne veulent rien dire si elles ne sont pas accompagnées de la volonté et du pouvoir d'y donner suite.
Nous devons donner à nos Casques bleus le pouvoir et les ressources nécessaires qui leur permettront de remplir leur mandat. Le Canada et les États-Unis ont peut-être besoin de redéfinir les règles de ce mandat, mais la mission comme telle en vaut-elle la peine?
Les personnes qui pensent que le Canada devrait retirer ses troupes sont-elles prêtes à abandonner les Bosniaques aux mains
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des dirigeants des différentes factions? Un survol de l'histoire montre qu'au cours des 50 dernières années, on a trop souvent abandonné la vie des gens aux mains de dictateurs et de tyrans.
Aujourd'hui, on se rend compte que si l'on était intervenu plus tôt, on aurait pu épargner la vie de millions de victimes innocentes. Quand on regarde les événements qui sont survenus en Bosnie, malgré la présence des Nations Unies, on peut imaginer ce que pourrait signifier l'avenir pour les Bosniaques sans l'intervention de cette organisation. On peut se demander si le nettoyage ethnique d'aujourd'hui deviendra le génocide de demain.
Je ne crois pas que les Canadiens soient prêts à abandonner les Bosniaques à un tel sort. Il est sûrement préférable d'intervenir comme nous le faisons actuellement, aussi pénible et frustrant cela puisse-t-il être, que de fermer les yeux sur le génocide d'un ou de plusieurs des groupes ethniques en Bosnie.
De toute évidence, la négociation est le seul moyen acceptable de régler ce conflit. Malheureusement, les dirigeants des différentes factions semblent peu enclins à trouver une solution.
D'aucuns laissent même entendre que la présence des casques bleus leur a donné une excuse pour ne pas en arriver à un règlement rapide du conflit. Ils disent que toutes les parties devraient faire l'expérience des conséquences d'une guerre généralisée pour pouvoir mesurer pleinement l'horreur de la situation. Cela, prétendent-ils, inciterait les négociateurs à en arriver à un accord de paix. C'est peut-être vrai, mais au prix de combien de vies humaines?
Des dizaines de milliers de Bosniaques ont déjà perdu la vie dans ce conflit et des milliers d'autres risquent de la perdre. Sans notre intervention, on aurait probablement pu compter les victimes par centaines de milliers. Malheureusement, nous devons attendre que les dirigeants des différentes factions en arrivent d'eux-mêmes à une entente.
Entre-temps, le Canada et les autres pays de la communauté internationale doivent continuer d'exercer des pressions sur les factions ennemies pour qu'elles en arrivent à une paix acceptable. Nous devons faire comprendre à ces dirigeants que les victoires militaires qui entraîneraient des gains territoriaux ne seront pas reconnues sur la scène internationale. Il faut bien leur faire comprendre que le prix de leur agression sera leur isolement total de la communauté mondiale.
Je crois que les Canadiens reconnaissent que le Canada ne peut pas être le gardien de la paix partout dans le monde. Le fait que le Canada soit tellement sollicité est tout à l'honneur de nos militaires. Ces derniers jouissent d'une réputation inégalée et enviable en tant que gardiens de la paix, mais le Canada n'a pas les moyens financiers d'envoyer ses troupes partout où il y a un conflit.
La réalité nous oblige à choisir nos missions. L'examen prévu des forces armées canadiennes est une bonne occasion de définir l'ampleur des missions auxquelles le Canada participera.
Les Canadiens devront décider des ressources qu'ils sont disposés à engager dans ce genre d'initiative. La tâche est noble, mais elle est coûteuse. Il appartiendra aux contribuables canadiens de décider dans quelle mesure ils sont prêts à supporter le coût de missions de ce genre.
Cependant, il s'agit de l'avenir.
(1915)
La réalité actuelle, c'est que, à tort ou à raison, les troupes canadiennes ont été envoyées en Bosnie, et elles n'ont pas la tâche facile. Nous avons demandé aux soldats canadiens de se faire les gardiens d'une paix qui n'existe pas. Pendant que nos troupes essaient d'empêcher trois groupes ethniques belligérants de s'entre-tuer, elles finissent par essuyer la haine des trois parties belligérantes. Nous nous trouvons vraiment dans une situation sans issue.
Les opposants à la présence du Canada en Bosnie pourraient sans doute invoquer des douzaines de raisons pour justifier leur point de vue. En retour, j'avancerai seulement un argument en faveur de la présence de nos troupes en Bosnie: sans elles, la situation serait encore bien pire. Les habitants de cette région comptent sur la force des Nations Unies pour assurer leur survie.
On doit malheureusement reconnaître que les Canadiens se préoccupent davantage du sort des Bosniaques que leurs propres dirigeants. Cette préoccupation et cette compassion pourraient nous dicter une décision qui démontre justement que ce sont là des vertus qui font en sorte qu'il fait si bon vivre au Canada.
Les Canadiens ont la chance d'avoir une histoire politique peu marquée par la violence. Lorsque nos enfants vont jouer dans la neige, nous n'avons pas à craindre qu'ils soient la cible d'un obus d'artillerie.
Peut-être est-ce justement pour cette raison que les Canadiens doivent être en Bosnie. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour aider le reste du monde à réaliser la paix. Nous devons garder une porte ouverte aux négociations dans l'espoir de parvenir à une solution pacifique du conflit. Nous devons montrer au peuple bosniaque que son sort nous préoccupe.
M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter la députée de Surrey-White Rock pour son intervention durant le présent débat.
Ce débat est important et je suis heureux que nous amorcions les travaux de la Chambre de cette façon. Les députés peuvent parler sans crainte de réprimande de la part de leurs whips s'ils défendent leur propre position au sujet de cette grave question. J'aimerais la féliciter pour ses remarques; la présentation était parfaite et le contenu substantiel.
Permettez-moi de partager l'une de mes préoccupations avec ma collègue qui vient tout juste de faire des observations. J'ai dit plus tôt que j'étais d'accord avec le mandat de maintien de la paix des Forces canadiennes. En fait, je me dois de féliciter les hommes et les femmes de nos forces armées pour l'excellent travail qu'ils ont accompli au cours des dernières décennies. Toutefois, dans la situation actuelle, l'ONU est absolument inca-
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pable de mettre fin à l'agression au moyen de résolutions adoptées par l'ensemble de ses membres. Les Nations Unies ont pris plus d'une douzaine de résolutions.
La députée a parlé des atrocités qui sont commises. Les bombardements se poursuivent à Sarajevo, même si les Nations Unies, en leur qualité d'organisme international, ont déclaré à maintes reprises que si les agresseurs ne cessent pas leurs assauts, s'ils ne laissent pas l'aide humanitaire parvenir à destination, s'ils poursuivent leurs attaques contre la ville de Sarajevo, elles prendront telle ou telle mesure. Les Nations Unies n'ont rien fait.
Les écoliers tués alors qu'ils jouaient à l'extérieur il y a quelques jours se trouvaient à seulement 200 mètres du principal quartier général des forces armées des Nations Unies à Sarajevo. C'est assez révélateur. Il est évident que ceux qui ont bombardé l'endroit où se trouvaient ces enfants ne croient tout simplement pas à la force réelle des Nations Unies et sont convaincus que cet organisme ne veut pas risquer d'envenimer la situation en intervenant.
La députée est-elle d'avis que les Nations Unies ont abandonné les soldats du maintien de la paix du Canada et des autres pays qui se trouvent sur place, que ses menaces sont vides et que ses résolutions ne riment à rien?
Mme Meredith: Monsieur le Président, je crois personnellement que les Nations Unies se sont peut-être engagées en Bosnie un peu prématurément. Je maintiens cependant que cette décision a été prise par le précédent gouvernement du Canada et par les Nations Unies, et que ce n'est pas le moment de revenir là-dessus.
(1920)
Nous devons plutôt nous employer maintenant à mettre au point une politique étrangère et une politique de défense qui définiront clairement le rôle des gardiens de la paix et la fonction particulière des Canadiens au sein des forces de l'ONU.
La communauté mondiale doit se rendre compte de ce qui se passe là-bas et faire savoir clairement aux responsables que ce genre d'agression est inacceptable dans notre monde. Les responsables doivent savoir que ce n'est pas ainsi qu'ils obtiendront plus de territoires et plus de pouvoir. Je pense qu'il faut condamner ce genre d'agression.
M. MacDonald: Monsieur le Président, je partage les observations que la députée vient de formuler. Je ne me prononce pas à savoir si nous avons bien fait de nous joindre à cette mission de l'ONU mais, puisque nous l'avons fait, la députée peut-elle préciser si elle croit vraiment que l'ONU a bien assumé ses responsabilités en adoptant des résolutions et en n'ayant manifestement aucune intention de les appliquer? L'ONU a adopté des sanctions; elle a fait des menaces d'attaques aériennes, mais elle n'aurait certainement pas eu le courage de passer à l'action si, bien sûr, les agresseurs n'avaient pas renoncé au genre de génocide qu'ils avaient entrepris de réaliser.
Mme Meredith: Monsieur le Président, tout ce que je peux dire, c'est que je crois que l'Organisation des Nations Unies, en tant que représentante de la communauté mondiale, doit dénoncer plus fermement ce genre d'agression.
M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je voudrais vous remercier pour cette occasion de prendre la parole aujourd'hui et vous féliciter pour votre nouveau poste. Je me réjouis à l'idée de travailler avec vous. Je tiens également à remercier les ministériels grâce à qui nous débattons de cette importante question.
Comme ceci est mon premier discours, j'en profite pour remercier les électeurs d'Esquimalt-Juan de Fuca, ma circonscription, de m'avoir accordé leur confiance le 25 octobre. Je leur promets de faire à nouveau de mon mieux pour les représenter à Ottawa. Ce sujet revêt une grande importance pour les gens de ma circonscription, depuis longtemps associée à la défense et au maintien de la paix. En effet c'est là que sont situés la base des Forces canadiennes d'Esquimalt et le régiment Princess Patricia Rifles.
Étant donné la gravité de la situation dont nous débattons aujourd'hui, je me contenterai, en guise de présentation de la plus belle circonscription du Canada, d'inviter tout le monde à venir constater cette beauté de ses propres yeux.
Le sujet du débat d'aujourd'hui est la Bosnie, sujet grave s'il en est. Quel devrait être le rôle du Canada dans cette sanglante guerre civile? Avant d'en dire plus long, je préciserai que dans cette histoire il n'y a ni chevaliers des ténèbres ni preux chevaliers mais plutôt beaucoup de zones grises. Des atrocités ont été commises des deux côtés, quoique l'agression serbe soit certainement plus prépondérante.
Il est important de souligner que les peuples de l'ex-Yougoslavie ont cohabité pacifiquement jusqu'au début du siècle mais qu'après la Première Guerre mondiale, à la disparition de l'empire ottoman et de l'empire austro-hongrois, les Serbes, les Croates et les musulmans furent regroupés dans ce que nous avons connu sous le nom de Yougoslavie. La rancoeur était quasi inexistante jusque là. Cependant, les tensions ethniques apparurent lorsque l'un de groupes, les Serbes, se vit accorder un traitement préférentiel au détriment des autres. J'espère que ce fait ne passera pas inaperçu aux yeux de la loyale opposition de Sa Majesté.
Il s'ensuivit la Seconde Guerre mondiale et l'accroissement des tensions ethniques responsables du massacre de 2 millions de Croates et de Serbes qui s'entretuèrent. Je préciserai que ce chiffre dépasse de beaucoup le nombre de personnes qui ont trouvé la mort aux mains des nazis. Une profonde haine mutuelle s'est alors installée au coeur des deux groupes, creusant le fossé qui les séparait et ouvrant la porte au carnage que la chaîne CNN nous montre aujourd'hui dans toute son horreur. Au fil du temps, les atrocités se multiplient des deux côtés, le fossé s'élargit, l'incompréhension et la haine s'enracinent. C'est une terrible tragédie.
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Maintenant que j'ai présenté la situation, je me demande quel devrait être notre rôle dans ce conflit? Comme on l'a déjà dit, la paix n'existe pas; dans le chaudron de la haine raciale, il ne peut y avoir de maintien de la paix. Mais est-il possible de rétablir la paix? Je pense que oui, mais ça ne se fera que par des voies diplomatiques, pas par la force. Demander à nos troupes d'utiliser la force aujourd'hui, ce serait tout simplement les condamner à devenir une quatrième partie dans ce conflit.
(1925)
Il en va de même pour les frappes aériennes. Devrions-nous y recourir? Encore une fois, effectuer des frappes aériennes, c'est renoncer pour toujours à l'impartialité des casques bleus et produire deux effets. Premièrement, il serait désormais possible à toutes les parties d'effectuer des représailles de grande envergure, ce qui causerait de nombreuses pertes de vie dans les troupes de l'ONU et, par conséquent, dans les nôtres.
Il est intéressant de noter que dans ces conflits, et je parle d'expérience, un groupe peut effectivement décider de tuer certains de ses propres membres pour faire croire qu'un autre groupe l'a fait. C'est la meilleure façon d'attiser la haine contre un groupe et de faire en sorte que les activités se tournent contre lui.
Deuxièmement, et il est très important de le saisir au cas où nous nous engagions dans ce conflit, le rôle humanitaire assumé jusqu'à maintenant par l'ONU serait complètement neutralisé. Bien que ce rôle ait été imparfait, il a vraiment évité à des centaines de milliers d'êtres humains la mort, le viol et la torture. Je ne pense donc pas que les frappes aériennes soient une solution.
La dernière possibilité qui reste, c'est l'effort humanitaire. Pour fournir cet effort, nous avons reçu un mandat dans le cadre de notre rôle auprès de l'ONU. Je tiens à déclarer publiquement que c'est un rôle dont les Canadiennes s'acquittent de façon admirable. Souvent surchargées, désarmées et démunies face à l'adversaire, elles continuent de remplir leur rôle humanitaire au nom de l'ONU avec une grande bravoure. Je tiens à les remercier sincèrement et à leur dire mon admiration.
Devrions-nous nous lancer dans cette aventure? Si nous nous retirons maintenant, on peut être à peu près sûr que les autres États membres vont se retirer aussi. Par conséquent, absolument aucun effort ne serait déployé dans ce conflit au plan de l'aide humanitaire et il s'ensuivrait un véritable génocide dans lequel périraient des centaines de milliers de personnes et le conflit dégénèrerait.
Il importe de comprendre que toute cette région constitue une véritable poudrière. Dans une escalade du conflit seraient entraînés des pays comme la Russie, la Bulgarie, la Turquie, l'Albanie, l'Italie et l'Allemagne, pour n'en nommer que quelques-uns. Je ne crois pas que les Canadiens tolèreraient cela.
Chaque année, on rappelle le triste sort des victimes de l'Holocauste et, chaque année, devant le souvenir horrible des atrocités nazies, le monde promet naïvement que cela ne se reproduira plus. La tragédie, c'est qu'on peut sincèrement le dire et le croire et faire en même temps l'autruche, puisque nous avons permis que cette situation se reproduise au fil des années au Cambodge, en Irak, au Burundi, au Soudan et en Éthiopie. La Bosnie nous offre l'occasion de le dire encore et de passer aux actes.
Les soldats se livrent à de sales petites guerres civiles, mais ce sont les civils qui souffrent le plus. Je sais par expérience que ce sont les enfants, les infirmes et les personnes âgées qui en paient le prix fort. Ce sont eux qui essuient le plus fort des attaques.
En tant que médecin-chirurgien ayant soigné des victimes d'une terrible guerre civile en Afrique, je puis dire de quoi ont l'air des blessures par balle, des gens qu'on a tailladés avec des machettes, qu'on a torturés ou qu'on a soumis à un viol collectif, des enfants et des adolescents amputés dans des explosions, la mort et la destruction et les bouleversements qui déchirent le tissu même d'une société, souvent à jamais. Lorsqu'on a vu cela, on est contraint de faire quelque chose pour empêcher que cela ne se reproduise. On ne peut pas l'oublier.
C'est ce que je pense et, d'après ce que j'ai entendu dire, nos soldats sont du même avis. C'est un commandant des Nations Unies qui l'a exprimé peut-être avec le plus d'éloquence lorsqu'il a dit en substance ceci: «Un jeune homme ou une jeune femme éprouve énormément de satisfaction lorsqu'ils rentrent chez eux après avoir contribué à maintenir la paix, à sauver des vies, à secourir des personnes en détresse, à aider des gens moins fortunés qu'eux.» Cela remonte le moral des troupes et contribue collectivement au bien-être des Forces canadiennes en général.
Mises à part les raisons purement altruistes de poursuivre ces efforts humanitaires, il existe d'excellentes raisons de participer à cette aventure. En jouant un rôle de premier plan dans les missions multinationales de maintien de la paix, le Canada se rend plus visible, renforce ses positions et se donne la possibilité d'exercer une certaine influence sur diverses missions diplomatiques.
(1930)
J'estime, quant à moi, que nous devrions intervenir plus tôt dans ce genre d'opérations. Cela nous permettrait souvent de prévenir la détérioration de la situation, pas toujours, mais parfois. La Bosnie est un exemple frappant. Déjà, en 1987, on pouvait prévoir le conflit.
Je voudrais résumer mon point de vue en faisant les suggestions suivantes. Premièrement, nous devons continuer de fournir de l'aide humanitaire et ne pas nous retirer de cette mission. Il ne faut pas oublier que nous y participons pour venir en aide à la population civile et non aux belligérants. Il s'agit d'un point important à ne pas oublier. De nombreux combattants et leurs chefs aimeraient bien que nous nous retirerions. Ils pourraient alors intensifier les combats, accroître la brutalité et procéder à une tuerie. Si nous demandions l'avis des civils, ils nous diraient qu'ils veulent que nous restions, parce que nous faisons souvent la différence entre la vie et la mort.
Deuxièmement, il faut éviter les raids aériens sauf protéger nos troupes.
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Troisièmement, nous devons accroître les sanctions contre la République fédérale de la Yougoslavie, y compris geler les actifs de l'État et appliquer des restrictions au commerce. J'irais même jusqu'à prôner l'isolement total de la république, de même que l'application d'embargos commerciaux contre tout État qui refuserait de participer à des pourparlers de paix qui se dérouleraient dans le cadre d'un processus légitime et bien défini. Ramenons toutes les parties à la table des négociations.
Quatrièmement, il faut pénaliser les pays qui brisent l'embargo en leur imposant des sanctions économiques et financières. Certains pays ont déjà brisé l'embargo. Les autres pays doivent unir leurs efforts et les pénaliser.
Cinquièmement, persévérer avec les efforts diplomatiques, comme je l'ai déjà dit, et se montrer intraitables sur les sanctions économiques. J'irais jusqu'à menacer de geler leurs actifs et de maintenir les sanctions longtemps après le respect de la résolution s'ils ne se présentent pas immédiatement à la table des négociations.
Sixièmement, j'exigerais sur-le-champ des garanties pour la libre circulation des convois d'aide humanitaire organisés par l'ONU en Bosnie.
Septièmement, créer des zones de sécurité selon les besoins.
Huitièmement, maintenir le tribunal de l'ONU pour les criminels de guerre qui ont commis les atrocités dont nous avons été témoins. Je crois que la crédibilité du droit humanitaire internationale exige que ce tribunal condamne les criminels de guerre. Si ce tribunal juge et condamne les coupables, il s'agira d'un dissuasif efficace pour l'avenir.
Enfin, je recommanderais fortement au gouvernement de continuer d'apporter une aide humanitaire sous les auspices de l'ONU pour les raisons que j'ai déjà mentionnées. En fait, je peux probablement résumer mon intervention en disant que si nous ne faisons pas cela maintenant, nous aurons à en subir les conséquences plus tard. C'est inévitable.
Je voudrais maintenant mentionner brièvement deux autres points. Je crois que le Canada devrait jouer un rôle de leader et faire preuve de prévoyance. Premièrement, je crois que le Canada devrait s'imposer comme leader en interdisant la fabrication et la vente de matériel anti-personnel. Ce matériel ne vise pas à tuer les civils, mais uniquement à les mutiler. Nous avons vu les terribles effets de ce matériel au Cambodge et dans d'autres pays où même après le règlement des conflits, ils empêchent la situation économique de se rétablir. Les populations ne peuvent pas circuler. Il est impossible de transporter des produits et d'aller fournir les services partout en raison des dispositifs anti-personnel. Il s'agit là d'armes terribles.
Deuxièmement, faire ce que j'ai dit tout à l'heure. Il faut prévoir les conflits possibles. J'attire l'attention des députés sur le cas de la République sud-africaine. Ce pays est une véritable poudrière et les élections prévues pour avril se dérouleront dans un climat très tendu. J'aimerais voir les Nations Unies envoyer sur place un contingents provisoire d'observateurs pour que les élections se déroulent honnêtement et de façon impartiale. Si ces élections sont perçues comme étant injustes ou biaisées, la situation pourrait dégénérer en une guerre civile sanglante.
Je crois, monsieur le Président que mon temps de parole est écoulé.
M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, voilà ce qui se produit lorsque je suis trop loin sur la liste et que le débat est plus court qu'il ne devrait l'être.
Je veux faire quelques observations au sujet de l'excellent discours que vient de prononcer le député d'Esquimalt-Juan de Fuca. Je crois que son expérience personnelle a apporté beaucoup au débat. Bon nombre d'entre nous peuvent parler à la Chambre de ce que nous croyons qu'il se passe là-bas et des solutions que nous voyons. Grâce à son expérience en Afrique, le député a certainement pu être lui-même témoin du genre de dévastation que subissent en ce moment-même des endroits comme la Bosnie.
(1935)
Il a mentionné un certain nombre de possibilités très intéressantes. Je suis de ceux qui croient que le Canada devrait poursuivre dans la mesure du possible-et je dis bien dans la mesure du possible-ses efforts humanitaires comme le maintien de la paix en Bosnie. Je suis de ceux qui croient également que les Nations Unies ont peut-être involontairement mis nos troupes dans une situation encore plus dangereuse en adoptant de nombreuses résolutions qu'elles n'ont manifestement pas l'intention de faire respecter.
De façon plus précise, puisque le député a fait de très bonnes recommandations, croit-il que le Canada devrait exiger que des sanctions plus sévères soient appliquées contre la Serbie et certaines des autres parties afin de les amener à négocier une solution au conflit? Il faudrait que cela soit accepté par les Nations Unies avant que nous nous engagions à ce que nos forces de maintien de la paix continuent leur travail en vertu de leur mandat actuel.
En résumé, le député croit-il que le Canada peut jouer un plus grand rôle étant donné sa réputation mondiale dans le domaine du maintien de la paix? Les gens nous veulent là-bas. Nous faisons un très bon travail humanitaire. Devrions-nous pouvoir invoquer cet argument devant les Nations Unies pour essayer de les forcer à prendre certaines des mesures que le député vient de mentionner?
M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, si nous assortissons notre aide humanitaire de conditions à respecter, nous faisons mieux d'être prêts à prendre les moyens pour les faire respecter concrètement.
Comme je l'ai déjà dit dans mon intervention, si la menace que nous brandissons consiste à retirer notre aide humanitaire, je ne suis pas d'accord. Nous avons l'obligation de poursuivre notre aide humanitaire, sans quoi la guerre ne pourrait que redoubler d'intensité dans la région, en provoquant la perte de centaines de milliers de vies humaines. Je ne pense pas que nous devrions brandir pareille menace. Nous devrions plutôt user de l'influence que nous avons acquise au fil des années pour convaincre les
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autres pays participant aux activités humanitaires de se ranger de notre côté pour renforcer les sanctions.
Quant aux pays qui ne participent pas aux activités humanitaires, nous avons avec eux des accords commerciaux et autres dont nous pouvons nous servir comme d'un instrument de coercition auprès d'eux afin de mettre fin aux exportations illégales d'armes et de combustible destinés aux belligérants. Ce sont des solutions de rechange auxquelles nous devons avoir recours, mais je ne pense pas que nous devrions les brandir comme une menace aux Nations Unies.
M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je félicite le député de son excellente intervention.
[Français]
M. Plamondon: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je suis étonné de voir qu'après qu'un député libéral se soit exprimé envers le député réformiste, ce soit un autre député libéral qui ait obtenu la parole, alors qu'il y avait deux députés du Bloc québécois qui s'étaient levés.
Le vice-président: L'honorable député a tout à fait raison. La Présidence n'a pas reconnu le député du Bloc québécois avant de donner la parole au député libéral. Je comprends très bien la situation. Alors, très brièvement, j'accorde la parole au secrétaire parlementaire et après, je la donnerai au député du Bloc québécois.
[Traduction]
M. Flis: Je serai très bref, monsieur le Président. Je signale à tous les députés à la Chambre que j'ai demandé aux services de la Bibliothèque du Parlement de faire des recherches sur ce sujet.
M. Vincent Rigby, de la Division des affaires politiques et sociales, a préparé un document intitulé: La Bosnie-Herzégovine: La réaction internationale. On peut trouver ce document à la Bibliothèque du Parlement si on s'intéresse à la question.
M. Rigby y note ce qui suit: «La situation en Bosnie a révélé que les structures mondiales ne sont pas prêtes à faire face au genre de nationalisme ethnique violent qui prend rapidement des proportions épidémiques dans le monde d'après-guerre froide. L'État-nation peut cesser d'être l'unité de base de la politique internationale. Les conflit au sein des États plutôt qu'entre eux sont devenus la nouvelle menace pour la sécurité internationale.»
Étant donné ses connaissances, le député pourrait-il élaborer à ce sujet. Est-ce une nouvelle réalité à laquelle nous sommes maintenant confrontés? Est-ce là la perspective qui nous attend, davantage de conflits internes au lieu des conflits entre États?
(1940)
Le vice-président: Je remercie le secrétaire parlementaire. Je le répète, essayez d'être bref, car quelqu'un attend aussi pour vous poser une question.
M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Je comprends, monsieur le Président. Je remercie le député de sa question très intelligente. Elle a une vaste portée.
À mon avis, le monde est en train de se diviser en États de plus en plus petits. Dans certains pays, des régions se définissent maintenant en fonction de critères ethniques. C'est tragique, car la tolérance n'a plus sa place. Voilà ce qui se produit dans le monde aujourd'hui. Nous sommes témoins de cela dans de nombreuses régions. C'est ce qui est arrivé en Afghanistan, au Cambodge, en Bosnie et en Afrique du Sud et ce qui va encore se produire maintes et maintes fois.
Une des leçons que nous devons tirer, c'est que les situations comme celle qui existe en Bosnie se multiplieront tant que les pays continueront de se morceler en petits sous-groupes. Nous ferions mieux d'avoir un plan pour faire face à ce genre de problème.
Comme je l'ai dit, nous devons prévoir ces situations et intervenir sans tarder. Les Nations Unies ont fait de l'excellent travail en Macédoine; à mon avis, ils ont empêché une escalade des hostilités là-bas.
J'espère que nous pourrons collectivement nous adapter à la situation que le député vient d'évoquer. Nous devrons prévoir un plan à cet égard car ce genre de situation risque de devenir de plus en plus fréquente dans l'avenir.
[Français]
M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, je vous remercie et j'espère que vous allez m'accorder le temps dont j'ai besoin pour poser ma question.
J'ai écouté avec énormément d'attention les propos de l'honorable député relativement à la participation du Canada aux missions de paix de l'ONU. N'ayant pas son expérience et son vécu, j'ai tout de même et je partage une bonne partie de ses inquiétudes et de ses appréhensions relativement à la sécurité des Casques bleus canadiens.
Les troupes fournies par le Canada vivent, c'est assuré, des moments difficiles, bien sûr! Cependant, le professionnalisme qui les caractérise leur permet de surmonter ces difficultés et surtout de remplir leur mission de façon très satisfaisante. Enfin, les résultats très positifs de leur action, tant sur le plan de l'aide humanitaire que sur celui, stratégique, de la maîtrise du conflit à l'intérieur des frontières actuelles, ont été soulevés à plusieurs occasions au cours de la journée.
Permettez-moi de rappeler que le 12e Régiment blindé du Canada et le bataillon mécanisé du 22e Régiment de Valcartier sont constitués à 80 p. 100 de soldats québécois, dont plusieurs proviennent de la région du Saguenay-Lac-St-Jean. Je pense notamment à ces jeunes, les Bergeron, Bigras, Simard, Gagnon, Dugas et les autres. Nous avons tous raison d'être fiers de l'excellent travail accompli par nos soldats. À cet égard, je demande au député qui a pris la parole avant moi s'il pourrait nous dire s'il considère qu'un retrait du Canada, surtout unilatéral, laisserait planer un doute chez ses alliés quant à la fermeté et à la durabilité de ses engagements?
Une voix: C'est beau, ça!
344
[Traduction]
M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, ce serait dire au reste du monde, jusqu'à un certain point, que notre intervention dans ces conflits n'est pas aussi importante qu'elle pourrait l'être.
Je le répète, si nous nous retirons de ce conflit, les autres pays qui font partie de la force de protection des Nations unies, FORPRONU, vont imiter notre exemple et abandonner ces gens à leur sort tragique.
Ce que je tiens à souligner ici, c'est que, je le répète, ceux à qui nous nous adressons sont souvent les chefs des belligérants et qu'ils ne représentent pas nécessairement les gens qui sont sur le terrain. Il ne faut pas l'oublier. Ceux qui souffrent, ce sont les gens sur le terrain, des civils innocents. À ceux-là, nous ne leur parlons pas. En un sens, nous ne parlons pas aux bonnes personnes.
(1945)
Même si les Canadiens et leurs forces armées ont fait un travail admirable et que personne ne peut les critiquer sur ce qu'ils ont fait, quand bien même ils se retireraient pour une raison quelconque, ce sera un drame. Les autres pays qui nous suivent dans cette entreprise se retireront eux aussi, et ce sera tragique.
Le vice-président: Je crois que cela aura été la plus longue série de questions jamais vue au Parlement en une période de cinq minutes. Je ne tiens pas à savoir de combien le temps limite a été dépassé.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, je voudrais d'abord vous féliciter de votre nomination au poste de vice-président. Je sais que vous connaissez très bien le Parlement et son histoire, et que vous vous intéressez à cette institution. Nul doute que vous exercerez vos fonctions avec intégrité, discernement et compassion. Je vous félicite.
C'est avec une certaine tristesse que je prends part au débat de ce soir. J'ai eu la chance d'enseigner à l'Université de Belgrade, à l'Académie serbe et à l'Université de Zagreb à l'époque plus heureuse où ces établissements faisaient partie d'un même pays, lequel était peuplé par une seule ethnie qui était toutefois composée de cultures très différentes. Ayant fait partie de l'Empire austro-hongrois pendant trois siècles, la belle ville de Zagreb est autrichienne de par son architecture, ses jardins et ses parcs. Par ailleurs, Belgrade a subi d'autres influences.
Le début de l'ère politique remonte peut-être à 1919, année où ces deux groupes désespérés se sont unis. Ce qui s'est fait par consensus. Les dirigeants croates et slovènes de l'époque craignaient avec raison que sans cette solution leurs territoires risquaient d'être cédés à l'Italie. En effet, toute la côte illyrienne avait été promise à l'Italie aux termes de traités secrets conclus en 1915 s'ils quittaient l'alliance germanique pour se joindre aux puissances occidentales, comme c'est arrivé. Une union a donc été réalisée, conformément au Traité de Saint Germain-en-Laye, dont je parlerai dans un instant.
Je souligne toutefois le problème politique suivant lequel on ne peut renverser Klausovitz par des moyens militaires.
L'un des problèmes, c'est qu'en Bosnie-Herzégovine la situation n'était pas mûre pour des opérations classiques de maintien de la paix, telles que conçues par Lester B. Pearson. Le maintien de la paix n'est pas mentionné comme tel dans la Charte. Il représente en quelque sorte le glaçage. Quand M. Pearson a conçu ce principe, il s'est fondé sur le chapitre 6 et non le chapitre 7. Ce qui est arrivé en Bosnie-Herzégovine, c'est que, fondamentalement, on est passé d'une situation de maintien de la paix à une situation où il faut invoquer un autre chapitre de la Charte, en l'occurrence le chapitre 7, qui autorise le recours à la force armée, mais où les précédents montrent clairement qu'à moins qu'on en vienne à un consensus sur les objectifs politiques de l'intervention militaire, celle-ci est vouée à l'échec.
J'estime que le problème pour le Canada est, à certains égards, que le personnel formé pour le maintien de la paix sert plutôt à la pacification. Nos forces armées ne sont pas responsables de la situation, elles ne font qu'obéir aux ordres. Elles ne disposent pas de l'équipement militaire nécessaire et n'ont pas la formation politique requise pour remplir les délicates missions de maintien de la paix d'aujourd'hui.
Dans un sens, la Somalie est le parfait exemple du passage en douce du maintien de la paix à la pacification. Je suis d'accord avec le député d'en face qui a soulevé la question des soldats qui sont passés en cour martiale pour avoir obéi aux ordres tels qu'ils les comprenaient en Somalie lorsqu'il était clair qu'il y avait des lacunes sur le plan politique.
Je pense que nous devons considérer, en matière de maintien de la paix et de pacification, fonctions qui sont maintenant liées, les rôles et les missions que le Canada est en mesure de remplir. Il est très clair pour moi qu'on ne peut pas faire les deux en même temps.
(1950)
Si nous sommes déjà en Somalie et à Chypre, nous ne pouvons pas nous déployer aussi en Bosnie-Herzégovine et bien nous acquitter de notre mission. Notre comité des affaires militaires devra donc envisager avec plus prudence le déploiement de nos troupes et déterminer des régions prioritaires. Ce facteur est particulièrement à considérer en période de restrictions budgétaires.
Voici comment je conçois en gros la situation en Bosmie- Herzégovine: c'est une tentative de résoudre par des moyens militaires ce qui devrait être résolu par des initiatives politiques. Au départ, il y a eu l'éclatement de la Yougoslavie. Le problème de succession des États en Europe de l'Est aurait dû être perçu d'avance et prévenu, mais ça n'a pas été le cas, pas plus d'ailleurs qu'en ce qui concerne la chute de l'empire soviétique et le
345
mouvement du libéralisme en Russie. On n'a rien vu venir. On n'a rien prévu.
On aurait dû, et c'est ce qui explique le caractère vague des signes en provenance des Nations Unies qui ont été transmis par les grandes puissances devant assumer la responsabilité à cet égard, ainsi que la divergence des points de vue formulés par les ministres des Affaires étrangères de l'Ouest. Cela rappelle les divergences entre les ministres des Affaires étrangères de l'Ouest, lors de la guerre turco-russe de 1877-1878, lors des deux guerres des Balkans ou lors de la Première Guerre mondiale. Nous voyons que les désaccords entre le Quai d'Orsay et la Wilhemstrasse à ces époques se sont peut-être atténués, mais ils subsistent toujours quant à la politique à appliquer en Bosnie-Herzégovine. Voilà où nous en sommes. Tel est le problème.
On a critiqué un ministre des Affaires étrangères d'un pays européen d'avoir précipité le conflit en reconnaissant prématurément la Slovénie et la Croatie. Je n'accepte pas ces critiques à propos de la Slovénie et de la Croatie. Ces deux pays ont toujours existé en tant qu'unités distinctes de l'empire austro-hongrois. Leurs frontières sont assez clairement définies dans la doctrine de l'uti possidetis qui est reconnue en droit international.
On se préoccupe beaucoup plus de la Bosnie-Herzégovine qui n'existait pas réellement avant 1878 et qui a toujours comporté un très fort élément d'artificialité. À mon avis, ça a été une erreur de reconnaître la Bosnie-Herzégovine et d'admettre ce pays au sein des Nations Unies sans se donner la peine de définir le statut qu'il devrait avoir, ses frontières et ses rapports avec ses voisins. Je pense que cela entre dans la catégorie de la reconnaissance prématurée, avec les conséquences que cela entraîne sur le plan politique.
Les efforts déployés par les Nations Unies dans le cadre du plan Vance-Owen pourraient en toute vraisemblance se solder par un échec politique, constitutionnel et juridique.
Je me demande pourquoi notre gouvernement, en détachant des troupes en Bosnie-Herzégovine, n'a pas soulevé la question de la nécessité d'un règlement politique. Est-il trop tard pour faire intervenir la diplomatie? Pas du tout. On n'a jamais vraiment essayé de le faire. La Yougoslavie a été créée en 1919, en tant qu'union consensuelle du royaume, comme on l'appelait, des Serbes, des Croates et des Slovènes, à l'occasion d'une conférence internationale à laquelle participait le Canada. Nous avons signé le traité de Saint-Germain. Il s'agissait du deuxième instrument international auquel nous étions partie.
J'ai déjà proposé, en tant que simple citoyen, avant mon élection au Parlement, en tant qu'expert témoignant devant le comité du Congrès américain responsable des affaires étrangères, la Chambre des représentants, que l'on réactive le mécanisme du traité de Saint-Germain-en-Laye. C'est toujours un traité valide qu'il convenait de considérer pour avoir une vue globale des Balkans. On ne peut pas isoler la Bosnie-Herzégovine du reste de l'ancienne Yougoslavie, y compris la partie qui s'appelle Macédoine, mais qu'il faudrait peut-être appeler république de Skopje.
La paix dans les Balkans dépend de solutions rationnelles, comme partout ailleurs. On n'a pas compris qu'avant de pouvoir envoyer des troupes en toute sécurité il fallait, dans l'ancienne Yougoslavie, un consensus qui ne se limite pas à la seule Bosnie.
Je reste donc assez critique à l'égard de notre gouvernement qui a accepté avec tant d'enthousiasme d'envoyer des troupes sans poser les questions que les ministres européens des affaires étrangères auraient dû poser: Étaient-elles souhaitées, quel serait leur objectif, et quel rôle jouerait les autres organisations comme la CSCE, l'OTAN et la Communauté européenne?
(1955)
Il n'est pas trop tard pour lancer une initiative canadienne maintenant nos troupes en Yougoslavie et en Bosnie jusqu'au bout, en disant: «Un règlement politique finira par venir.» Sommes-nous à la veille? Il vient toujours un moment où les belligérants s'épuisent et où la diplomatie prend le dessus. Il y a des signes qui tendraient à faire croire que ce moment approche.
De toute façon, nous ne pouvons pas maintenir nos troupes sans pousser pour une solution politique plus large, sans dire aux pays de la Communauté européenne: «Vous devez faire quelque chose. Vous devez faire connaître vos intentions. On ne peut résoudre le problème de la Bosnie sans résoudre celui de la Skopje, sans garantir la sécurité des frontières territoriales dans les Balkans. Autrement, nous en reviendrons à 1878 et à 1913-1914.» Comme disait Santayana: «Si vous n'étudiez pas l'histoire, vous répéterez les erreurs du passé.» Nous sommes témoins d'un bien triste exercice de diplomatie internationale.
Je pense que l'effort canadien doit consister à orienter l'ONU vers un consensus politique plus large, vers une conférence qui suivrait la voie tracée par le traité de Saint-Germain, une conférence à laquelle nous participerions et où nous exposerions notre point de vue.
Je ne pense pas que nous puissions résoudre le problème de la Bosnie sans considérer les autres. Doit-on la partager? Si on la partage, il faudra tracer des frontières. Le traité de Saint-Germain prévoyait la compétence incontestable de la cour internationale à cet égard. L'avantage, dans ce cas, c'est que le temps travaille en faveur du tracé adopté.
La paix est nécessaire. Nous avons une base de règlement qui serait viable et il serait préférable d'y recourir plutôt que de blâmer les forces armées. Je pense que nos troupes n'ont rien à se reprocher et se sont fort bien comportées.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de Vancouver Quadra pour la qualité de sa présentation. Si on avait eu une telle analyse avant les interventions en ex-Yougoslavie, notre démarche aurait peut-être pu être mieux planifiée.
346
Par contre, on ne peut pas en dire autant de la réaction qu'a eue le premier ministre au moment de son voyage en Europe, où il s'est livré à des réflexions à voix haute, sur la pertinence de retirer les troupes canadiennes de Bosnie. Mon comté compte une quinzaine de jeunes soldats, hommes et femmes, qui participent à l'effort en Bosnie. Ces réflexions du premier ministre ont semé dans les familles de ces jeunes gens l'espoir qu'ils reviennent plus rapidement et, en même temps, ont créé un peu d'insécurité quant à ce qui leur arriverait. C'est un effet très local. L'effet national et international de l'intervention du premier ministre a été que tout le monde s'est mis à se poser des questions sur la fermeté de la position canadienne.
Je pense que ce geste s'inscrivait très peu dans la ligne de la diplomatie canadienne qui a contribué à développer du Canada une image de gardien de la paix. Je pense aussi que ce genre de geste ne nous permet pas de tirer de la crise yougoslave des leçons qui nous aideront à mieux réagir à l'avenir face à des conflits de cette nature.
Il m'apparaît donc qu'il faudrait prévoir des solutions d'ensemble, un peu du type de celles que préconisait le député de Vancouver Quadra. J'ajouterais peut-être quelques suggestions de mon cru, par exemple l'établissement d'une force multinationale comportant un centre de crise permanent, évitant ainsi des interventions à la pièce.
De plus, notre participation à ce genre de situation est souvent assurée par des soldats faisant partie de la milice. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se demandait si la formation de la milice était suffisante pour lui permettre d'intervenir dans des actions de ce genre alors qu'elle a plutôt une formation pour intervenir dans des actions offensives.
(2000)
Il m'apparaît aussi important, et peut-être stratégique pour le Canada, de développer une mission de spécialistes de la logistique des actions. Il s'agit donc de s'occuper particulièrement de la question des transports et de l'équipement, enfin, tout ce qui entoure l'opération militaire elle-même. D'ailleurs, on a déjà développé une expertise dans ce domaine dans le passé.
Le débat d'aujourd'hui me convainc qu'il est très pertinent qu'il y ait régulièrement dépôt, par le ministre des Affaires extérieures ou par le ministre de la Défense nationale, d'un bilan clair et détaillé de notre participation aux missions internationales.
Finalement, et c'est aussi une leçon que je tire du discours du député de Vancouver Quadra, nos militaires ont un grand besoin de formation en histoire, en culture et en traditions des pays où les gens doivent intervenir. On a vu cela particulièrement chez les soldats en Somalie, pas nécessairement des Canadiens, mais il est apparu important que nos soldats sachent dans quoi ils interviennent.
Ce sont les commentaires que je voulais faire sur le discours du député de Vancouver Quadra. J'aurais aimé qu'il élabore sur les formes de solutions qu'il entrevoit en ex-Yougoslavie vu la complexité des différentes ethnies qu'on y retrouve. Si c'était possible, j'aimerais connaître sa vision de cette question.
M. McWhinney: Monsieur le Président, ce sont de très bonnes suggestions.
Pour ce qui est de la force multinationale, cela correspond plus exactement à la lettre de la charte, à l'article 43 du chapitre 7. C'est une très bonne suggestion, mais qui, malheureusement, n'est pas très souvent suivie par les Nations Unies.
Pour ce qui est d'une formation hautement politique pour nos soldats, il me semble que c'est une recommandation qu'on doit faire à notre ministre de la Défense nationale. Il est clair que l'absence d'une formation politique a vraiment nui à l'efficacité de nos soldats. C'est une très bonne suggestion qu'on peut transmettre à notre ministre de la Défense nationale.
[Traduction]
L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, comme vous le savez probablement, la Bosnie était une région magnifique, riche de culture, dotée de ressources naturelles, productrice de vins excellents et regorgeant de sites historiques. L'architecture chrétienne et musulmane s'y entremêlait, minarets et clochers d'église se profilant dans le ciel des villes et des villages.
Aujourd'hui, cette Bosnie n'existe plus. Sa population civile vit dans la terreur, la famine et le deuil.
Aujourd'hui, à la Chambre, le gouvernement nous a demandé de réfléchir au rôle du Canada comme gardien de la paix, notamment en Bosnie. Monsieur le Président, je vous fais part de mes réflexions sur le rôle du Canada en Bosnie.
Il me semble que le gouvernement du Canada devrait maintenir ses forces armées en Bosnie, tout en continuant d'exercer des pressions pour que se prenne une solution politique à Genève.
Pourquoi dis-je cela? Pour un certain nombre de raisons. En ce moment, les troupes canadiennes offrent une aide humanitaire à la Bosnie. Elles accomplissent la mission la plus civilisée dont une force militaire puisse s'acquitter. Elles assurent la survie des habitants et protègent leur vie, ce qui constitue un grand contraste avec le rôle habituellement joué par les forces militaires à travers les siècles.
Le retrait des troupes canadiennes de Bosnie reviendrait essentiellement à abandonner la population civile à son sort, soit la famine, voire la mort. Si le Canada retirait ses troupes, d'autres pays dont les soldats participent aux efforts des Nations Unies dans l'ancienne Yougoslavie risqueraient de lui emboîter le pas. Femmes, enfants, vieillards courraient le risque d'être tués ou de faire partie d'une nouvelle vague de réfugiés en quête d'une autre patrie. Le retrait entraînerait une crise dans les régions voisines. La sécurité internationale serait sérieusement menacée dans les Balkans.
(2005)
Alors que le problème est relativement contenu en Bosnie, les risques d'extension du conflit sont élevés et pourraient avoir de très graves conséquences pour la sécurité, voire poser les jalons d'une autre guerre mondiale. Le retrait des casques bleus signifierait la victoire pour les tyrans qui veulent faire du nettoyage ethnique, une idée absolument odieuse, barbare et répugnante, une idée qui nous glace et que la communauté mondiale doit continuer de rejeter et de déplorer rigoureusement.
347
Le principe de l'épuration ethnique fait horreur à tous les Canadiens. Nous, les Canadiens, croyons fermement aux droits de la personne. Dans toutes les instances internationales, nous militons en faveur du respect des droits de la personne, tant chez nous qu'à l'étranger. En Bosnie, les droits des gens qui vivaient dans cette région depuis des siècles ont été bafoués. Le gouvernement du Canada ne devrait pas retirer ses soldats, mais devrait, par l'intermédiaire des Nations Unies et avec l'aide de pays de même tendance, continuer de protéger les gens innocents en Bosnie.
Voilà pourquoi j'espère sincèrement que le gouvernement du Canada continuera de permettre à nos soldats de remplir le très beau rôle, le rôle unique qu'ils jouent actuellement dans certaines parties de la Bosnie.
Au cours de ce débat, des arguments ont été avancés en faveur du retrait. J'en mentionnerai quelques-uns. Ils ne sont pas très convaincants. Certains ont fait remarquer qu'il s'agissait d'une guerre civile et que nos soldats, personne en fait, n'avaient rien à faire dans la région. C'est une guerre ethnique. La Bosnie en tant qu'État, en tant que société cohésive, n'existe pratiquement plus.
Il y a ceux qui disent que la situation en est au point où les attaques aériennes sont la seule solution. Eh bien moi, monsieur le Président, je vous demande ce qu'on fera après ces attaques aériennes? Que fait la communauté internationale une fois qu'elle en est passée aux bombardements? A-t-on vraiment songé aux conséquences d'une telle mesure qui toucherait surtout la population civile? Il ne s'agit pas ici de vastes armées rassemblées en un point visible et formant une cible facile, mais bien de petits groupes épars, difficiles à cibler et à toucher.
Puis il y a ceux qui pensent que cela représente un fardeau financier trop lourd. Pouvez-vous imaginer que le Canada dise à la communauté internationale, à la France, au Royaume-Uni, aux pays scandinaves, aux Pays-Bas et autres, que ce rôle est trop lourd pour lui alors que nous avons la réputation d'être riches, de vivre dans l'abondance et de nous mettre généreusement à la disposition de la communauté internationale? Quelle honte ce serait.
Quant à ceux qui voudraient que nous nous repliions en Croatie pendant six mois, que pensent-ils qu'il arriverait à la population bosniaque pendant ces six mois? Ont-ils vraiment bien réfléchi?
Il y a aussi ceux qui disent que le maintien de la paix n'est pas possible, faute de paix.
(2010)
Bien sûr, c'est un point qu'il faut prendre en considération car nous n'en sommes pas encore là. Ils disent vrai. Le maintien de la paix n'est pas possible pour le moment, mais nous pouvons quand même sauver des dizaines de milliers de vies. Sur cete remarque, je m'arrête.
[Français]
Le vice-président: Il reste cinq minutes. Je donne la parole au député de Richelieu.
M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député qui vient de parler au sujet de sa prise de position claire, nette et précise quant au maintien des troupes actuellement en Bosnie. Je partage avec lui les mêmes inquiétudes lorsqu'il nous dit: Pouvons-nous laisser une population civile, l'abandonner carrément aux mains de gens qui veulent faire une purification ethnique, comme il l'a dit?
Il a parlé de protection civile, mais je voudrais revenir sur le dernier aspect de son discours lorsqu'il a parlé de fardeau financier. Effectivement, dans un certain courant d'idées, d'interrogations, les gens se disent: Est-ce qu'on a encore les moyens d'avoir une force de paix semblable? Et, dans son argumentation, il n'a pas souligné le fait qu'on pourrait peut-être réaménager complètement nos forces armées pour faire, comme le disait l'orateur précédent, d'une section des forces de maintien de la paix, une force de rétablissement de la paix. Et pour ce faire, il y aurait peut-être une étude exhaustive à effectuer sur tout l'équipement que nous utilisons. Peut-être pourrions-nous faire en sorte que l'équipement que nous utilisons en fonction de ces missions-là soit plus restreint et plus spécialisé puisque celles-ci sont de plus en plus difficiles? Par exemple, mon collègue a parlé tout à l'heure de la logistique. Alors, peut-être pourrions-nous devenir spécialistes en logistique et laisser à d'autres pays le soin de faire une autre forme d'intervention, au niveau médical, par exemple?
Dans ce sens-là, on aurait besoin que notre gouvernement, tous les partis politiques peut-être, s'asseoient autour d'une table et définissent les postes, les besoins ou les spécialisations qu'on voudrait faire en fonction de ces missions de paix. Ce qui ferait en sorte que les sommes d'argent économisées en se spécialisant pourraient nous permettre de continuer nos missions de paix sans avoir à aller chercher de l'argent dans les poches de nos concitoyens et concitoyennes. Dans ce sens-là, j'aimerais entendre le député me dire s'il pourrait être d'accord sur une certaine forme de réflexion là-dessus. Je sais qu'il suit depuis longtemps les missions de paix et qu'il n'a pas eu peur de dire exactement le contraire du premier ministre en ce qui regarde le maintien des missions de paix. Il n'y a pas d'interrogation possible dans son cas. Mais pour rassurer, peut-être, nos concitoyens et concitoyennes, y a-t-il une possibilité, et je lui demande son point de vue, à l'effet que nous réfléchissions ensemble sur une diminution de certaines dépenses militaires par une spécialisation en vue de pouvoir maintenir nos missions de paix sans augmentation de taxes?
Le vice-président: Il reste encore environ trois minutes au député de Davenport.
M. Caccia: Monsieur le Président, je ne suis pas un spécialiste en logistique ni en dépenses militaires, je suis un politicien. Je remercie le député de Richelieu de sa question, mais je n'ai pas le droit d'ajouter à ce que j'ai déjà dit auparavant.
M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, dans un premier temps, puisque c'est la première fois que je
348
prends la parole en dehors de la période des questions orales, j'aimerais en profiter pour remercier les électeurs de la circonscription de Témiscamingue de m'avoir fait confiance et d'avoir envoyé au Parlement d'Ottawa celui qui sera le plus jeune député de cette législature.
Des voix: Bravo!
M. Brien: Comme pour plusieurs députés ici, évidemment, dans ma circonscription, il y a des gens qui sont dans les forces militaires et même certains qui sont impliqués dans les troupes de maintien de la paix présentement en Bosnie. J'ai écouté attentivement le député de Davenport, et aussi le député de Vancouver Quadra qui l'a précédé, et j'aimerais savoir s'il pense, lui, qu'on devrait jouer un rôle plus grand dans la résolution du conflit au niveau politique, comme semblait le laisser voir son collègue de Vancouver Quadra, ou s'il pense plutôt que le Canada n'a pas à intervenir de ce côté-là et simplement avoir des forces de maintien de la paix en Bosnie.
(2015)
Donc, j'aimerais savoir s'il pense qu'on doit jouer un rôle important au niveau de la résolution de la source du conflit, et pas seulement s'en tenir à une intervention militaire.
M. Caccia: Monsieur le Président, je félicite le député de Témiscamingue de sa question. J'ai l'impression que le Canada joue déjà un bon rôle, un rôle important à titre de nation de 27 millions d'habitants, une nation très respectée dans le monde entier. Je pense qu'avec le gouvernement libéral, nous ferons un bon travail pour représenter les ambitions et les espoirs de paix qui sont partagés par tous les Canadiens, d'un océan à l'autre.
M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, il y a déjà plusieurs heures que cette Chambre se penche sur la question de la présence canadienne dans les missions de paix des Nations Unies. C'est une question importante, bien sûr, et qui présente de nombreux aspects.
J'aimerais parler plus particulièrement du rôle et de la mission de nos Casques bleus, de façon générale, bien sûr, mais aussi de façon plus particulière en ce qui concerne leur présence en Bosnie.
Depuis le milieu des années 1950, nos Casques bleus ont mérité au Canada une réputation humanitaire de premier ordre. En effet, on se rappellera que c'est à l'initiative de l'ex-premier ministre, le très honorable Lester B. Pearson que, sous l'égide des Nations Unies, les Casques bleus canadiens ont entrepris la toute première mission de paix.
Ceci a constitué depuis la pierre d'assise de la diplomatie canadienne. Cela a aussi servi de modèle à l'implication de nombreux autres pays qui ont à leur tour fourni des Casques bleus dans le cadre de missions de paix à travers le monde.
La décision du Canada de se démarquer mondialement en tant que pays pacifique et humanitaire lui vaut une réputation qui nous précède partout lorsque nous sommes à l'étranger et qui fait en sorte que nous sommes généralement accueillis en amis.
Le Canada a donc, au fil des ans, institué une tradition empreinte d'une vision altruiste, celle des Casques bleus porteurs du flambeau humanitaire et missionnaires de la paix. Les gens du Québec et de toutes les provinces du Canada sont tous fiers, et à juste titre, d'avoir ainsi contribué de façon majeure au maintien de la paix dans le monde.
Je me permettrai de faire remarquer que la tradition des Casques bleus reflète une valeur fondamentale des populations québécoise et canadienne. Nous sommes des gens pacifiques, empreints d'un grand sens de la tolérance et de la démocratie, attachant une valeur considérable à la vie humaine, et sensibles à la souffrance humaine. Nous voulons tout naturellemet aider les gens en détresse.
Je crois que cette Chambre conviendrait aisément que le rôle des Casques bleus a été à l'image même des valeurs profondes et historiques du Québec et du Canada: un rôle de gardien de la paix et de réconfort des populations affligées.
Mais voici qu'en Bosnie, une situation de guerre s'oppose au rôle traditionnel de nos Casques bleus. Il n'est pas possible d'être le gardien d'une paix qui n'est pas. Alors que nos Casques bleus ont, par le passé, été appelés pour aider au maintien d'une paix déjà agréée, cette fois-ci, ils sont plongés au coeur de combats entre factions qui ne semblent pas trouver avantage à établir maintenant une paix. Que font donc nos Casques bleus dans un pareil cauchemar?
(2020)
[Traduction]
Cette question m'intéresse pour plus d'une raison. En fait, environ 80 p. 100 des soldats canadiens et québécois déployés en Bosnie à l'heure actuelle viennent de la BFC Valcartier, base d'attache du Royal 22e Régiment, régiment francophone, qui se trouve en partie dans ma circonscription de Portneuf à l'ouest de la ville de Québec.
Ces quelque 2 000 soldats on vécu soit sur la base, soit dans l'une des circonscriptions environnantes. Je connais personnellement des familles dont un membre est actuellement en Bosnie. Je suis donc encore plus sensible à leur angoisse.
[Français]
Je disais donc que cette question m'intéresse d'autant plus que beaucoup de ces soldats sont parmi mes commettants. Je connais personnellement des familles qui ont actuellement un parent en Bosnie et je suis extrêmement sensible à leurs angoisses. Je sais aussi que ces familles, parce qu'elles échangent avec ce soldat, sont conscientes de l'importance de l'oeuvre humanitaire de nos Casques bleus en Bosnie.
Il est donc important que cette Chambre définisse correctement la raison d'être de notre implication en Bosnie et dans les autres missions internationales. Il nous faut poser la véritable question concernant la présence de nos Casques bleus en Bosnie, à savoir quelle mission leur a-t-on confiée? Certainement pas la traditionnelle mission d'aider au maintien de la paix, car là-bas les factions sont encore et totalement en guerre.
Alors, quelle est la mission? Attend-on de nos Casques bleus qu'ils établissent la paix? Non, monsieur le Président. Quand bien même on le leur demanderait, comment pourraient-ils en arriver à instaurer une paix dont les protagonistes ne ressentent aucunement l'utilité à ce moment-ci?
349
Devrait-on envisager que nos troupes fassent usage de la force pour prendre le contrôle de ce pays et pour soumettre les belligérants, qu'elles fassent usage de la violence à des fins humanitaires, qu'elles deviennent une force d'occupation pour imposer notre paix? Non, car ce serait oublier les grandes leçons de l'histoire qui nous enseignent qu'aucune force d'occupation ne saurait se substituer à un accord authentiquement consenti entre les parties.
[Traduction]
De plus, si ce gouvernement autorisait nos troupes à utiliser la force pour faire entendre raison aux factions en présence, nous renoncerions radicalement aux traditions de pacifisme et de non-violence qui honorent le Canada et sont si chères aux gens du Québec et de toutes les autres provinces.
[Français]
Quelle est la mission de nos troupes en Bosnie? Cette Chambre ne peut pas, ne peut vraiment pas, ne peut malheureusement pas régler par une solution miraculeuse le sort et le problème bosniaques. Mais cette Chambre peut et cette Chambre doit décider du sens de la mission de nos Casques bleus en Bosnie. Nous le devons à nos troupes stationnées là-bas, nous le devons à leurs familles qui les attendent ici, nous le devons à la population québécoise et canadienne et nous le devons à la communauté internationale.
Quel est donc le sens de cette mission en Bosnie? En réfléchissant à la question, il est un dilemme au sujet duquel je me suis interrogé, comme bien d'autres députés l'ont fait et l'ont exprimé aujourd'hui avant moi, et c'est le suivant: en servant de tampon entre les forces en présence, les Nations Unies ne protègent-elles pas les belligérants des conséquences de leurs actes? En d'autres mots, la présence des Casques bleus prolonge-t-elle indûment et inutilement l'agonie d'un peuple? Ne serait-il pas préférable que les Casques bleus se retirent, laissant les belligérants seuls devant l'atrocité et les conséquences de leurs gestes? L'issue ne deviendrait-elle pas plus pressante en notre absence?
(2025)
Une chose est sûre: les Casques bleus ne sont pas des observateurs sans influence sur cet échiquier militaire et politique; au contraire, les Casques bleus sont des acteurs directs et importants qui influent sur la situation.
Il s'agit donc ici d'évaluer l'utilité de la présence de nos Casques bleus dans la recherche d'une résolution du problème. Leur présence retarde-t-elle cette résolution ou l'accélère-t-elle?
Je crois que la question doit se porter sur une troisième dimension que je vais aborder maintenant. Considérons les résultats obtenus à ce jour. Sans la présence des Casques bleus, le conflit se serait fort vraisemblablement étendu à toute la région de l'Europe de l'Est, comme si la Première Guerre mondiale se réveillait, tel un virus endormi depuis environ 75 ans. Or, le conflit a été non seulement contenu, mais il s'est progressivement rétréci à une région actuellement fort restreinte. La présence des Casques bleus a donc permis à la diplomatie de gagner du temps et d'instaurer la paix, petit morceau par petit morceau.
Mais il y a plus. La présence de Casques bleus a offert aux populations civiles une protection réelle contre une guerre impitoyable et a apporté un soulagement appréciable à leurs souffrances. Ceci ne s'est pas fait sans difficultés sérieuses. Des convois de vivres et de médicaments ont été retardés, des approvisionnement ont été détournés vers le marché noir, des soldats ont été menacés par les belligérants et quelques-uns, hélas, ont été tués. Mais en retour, des centaines de milliers de personnes ont pu manger, ont été soignées et ont eu la vie sauve.
J'aimerais partager avec vous et avec cette Chambre ce que me confiait récemment l'épouse d'un de nos soldats actuellement en Bosnie. Cette dame m'expliquait combien son conjoint avait été touché par les conditions de vie misérables de la population. Elle m'a raconté comment cet homme, son mari, avait retiré ses bas pour vêtir un enfant qui marchait pieds nus dans la neige. Cela se passait à peine quelques jours avant Noël. Le public québécois et canadien s'inquiète aussi du coût de l'opération en Bosnie.
J'ai fait de la recherche. J'ai accompli des calculs et je peux vous affirmer que le coût direct de la présence de nos soldats en Bosnie représente-écoutez bien-environ 25c. par mois par personne au Québec et au Canada, pour un total annuel de 120 millions de dollars; 25c. par personne par mois. Je crois que nos concitoyens et nos concitoyennes sont capables de contribuer une pièce de 25c. pour aider des populations en détresse.
Quel est donc le rôle de nos Casques bleus dans un nouvel ordre mondial? Je dirai d'emblée que ce rôle ne saurait en être un de justicier mondial, de global cop. Cela est hors de question, car ce serait nettement contreproductif. Et, manifestement, ce rôle de nos Casques bleus n'est plus uniquement de maintenir la paix dans des territoires déjà consentants et apaisés.
Nous devons envisager un nouveau rôle pour le XXIe siècle. Ce nouveau rôle, dans un contexte d'apprentissage des voies démocratiques par diverses nations, c'est d'éviter l'escalade et l'étendue de conflits, de protéger et d'assister les populations civiles et de donner aux efforts diplomatiques un contexte propice à la résolution des différends et à l'instauration d'une paix durable.
(2030)
Le nouveau rôle du Canada en cette matière sera non seulement de concourir au maintien de la paix, déjà consenti, mais également d'assurer sur le terrain, proactivement et pacifiquement, la protection et l'assistance aux populations civiles en détresse, afin de permettre à la diplomatie de formuler l'établissement de relations pacifiques entre des peuples en situation de guerre. Le nouveau rôle du Canada n'en est plus un seulement de maintien de la paix. Le nouveau rôle du Canada en est un de soutien à la recherche, à l'établissement et au maintien de la paix.
En terminant, monsieur le Président, le Canada ne doit pas se retirer des interventions de paix. Nous avons, Québécois et Canadiens de toutes les provinces, une tradition de paix. Nos Casques bleus sont non seulement parfaitement aptes à remplir une mission redéfinie pour le XXIe siècle, mais le feront en sachant exactement pourquoi.
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Se retirer des interventions de paix, se retirer de la Bosnie, ce serait renier une de nos grandes traditions. Ce serait aussi, à cause de notre réputation de leader mondial de la paix, allumer une réaction en chaîne auprès des autres pays participant au contingent des Nations Unies. De plus, ce serait condamner à la souffrance, à la torture, au viol et à la mort des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. Ce serait enfin risquer que le conflit, attisé par notre retrait, reprenne de plus belle et se propage aux régions avoisinantes.
Le Canada a entrepris en Bosnie un travail humanitaire difficile, mais fructueux. Les gens du Québec et ceux du Canada ne sont pas peuples à abandonner le travail entrepris. Au contraire, nous avons tous à coeur de mener à bon terme ce que nous commençons, et encore davantage lorsque cela devient plus difficile. Les Québécois et les Canadiens ne sont pas des lâcheurs.
En terminant, permettez-moi de remercier personnellement, et au nom de tous mes collègues de cette Chambre, j'en suis convaincu, tous ces soldats du Québec et du Canada qui, jour après jour, mettent leur vie au service de leur prochain, non seulement parce que nous le leur demandons, mais aussi parce qu'ils sont des hommes et des femmes de coeur.
M. David Berger (Saint-Henri-Westmount): Monsieur le Président, je tiens d'abord à féliciter le député de Portneuf pour son intervention. Elle a été d'autant plus appréciée que Valcartier se trouve dans son comté, comme il l'a dit. Les témoignages personnels de soldats ou de leurs familles ont beaucoup contribué à ce débat.
Je voudrais lui poser une question sur sa conception de ce qu'il a appelé le nouveau rôle du Canada dans le maintien de la paix. Il a parlé du besoin d'assurer la protection des populations en détresse. Si j'ai bien compris, cela revient à ce qu'on appelle l'intervention humanitaire.
Est-ce que ce nouveau rôle qu'il envisage est en effet une intervention humanitaire ou s'il veut aller plus loin? Est-ce qu'il envisage un rôle quelconque en ce qui a trait aux négociations ou à la diplomatie?
(2035)
M. de Savoye: Monsieur le Président, ce n'est pas à moi de définir pour cette Chambre le nouveau rôle. Cependant, dans ma vision, la mission humanitaire comporte plusieurs aspects. Protéger les populations en détresse est un aspect, mais il y en a un autre, à savoir celui de gagner du temps pour permettre aux factions de respecter un certain nombre de règles afin que la diplomatie ait l'espace nécessaire, sur le terrain et dans le temps, pour procéder à des négociations qu'on espère fructueuses et qui le seront si la manoeuvre est bien faite. Il ne s'agit pas seulement de nourrir, de soigner et de protéger. Il s'agit aussi, et on le voit avec nos Casques bleus présentement, de parler aux factions et de créer un certain nombre de micro-ententes qui, avec le temps, vont donner à nos diplomates l'occasion de concrétiser un certain nombre d'acquis. J'espère avoir répondu à la question du député.
M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, je voudrais également féliciter mon confrère de Portneuf pour son excellent discours. J'ai d'ailleurs l'honneur d'être né dans son comté, Valcartier étant mon lieu de naissance. Il est donc d'un comté choyé.
Notre confrère de Rivière-du-Loup a parlé d'une force multilatérale, formée nécessairement par l'ONU, qui ferait en sorte que nos troupes seraient mieux préparées à de telles interventions.
Il a parlé également de cours d'histoire, presque de cours humanitaires pour mieux préparer nos soldats à des missions aussi compliquées que celles en Bosnie, par exemple. Quel est son point de vue sur cette suggestion que faisait également l'honorable député de Vancouver Quadra? Est-ce que cela va un peu dans le sens de la réflexion qu'il vient de formuler?
M. de Savoye: Je remercie le député, qui est né dans Portneuf, pour sa question.
En effet, le Canada est dans une excellente position pour jouer un rôle de leader auprès des Nations Unies dans l'organisation d'une force multilatérale. Nous avons de l'expertise et nous avons surtout la reconnaissance internationale de ce statut de leader. Il serait donc non seulement plausible, mais aussi intéressant et productif de s'engager dans cette voie. Je crois que le XXIe siècle nous offrira l'occasion de faire des mots «violence» et «guerre» des termes qu'on pourrait qualifier de dépassés.
M. André Caron (Jonquière): Je remercie le député de Portneuf pour son intervention. J'aimerais dire quelques mots sur le sentiment de notre population quant à un rôle accru du Canada dans les missions de paix et dans la formation des soldats qui acceptent de remplir ces missions.
Dans le région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, depuis quelques années, il y a un débat assez vigoureux sur la possibilité d'établir dans notre région un champ de tir pour l'entraînement des pilotes de F-18. Vous savez que dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a une base militaire, la base de Bagotville. C'est une des trois ou quatre bases stratégiques du Canada. En passant, c'est une base militaire qui fonctionne totalement en français. Un des arguments principaux de ceux qui s'opposent à l'instauration de ce champ de tir est de dire qu'actuellement, au Canada, il n'y a plus de place pour les missions traditionnelles de l'armée. Ces gens-là veulent transformer la base militaire de Bagotville en base d'entraînement pour les missions de paix de l'ONU. Bien sûr, cela part d'une bonne intention, mais il y a beaucoup de problèmes sous-jacents à cette proposition. Mais il reste que dans la population, je veux partager avec cette Chambre que c'est bien reçu, que les gens, je crois, en tout cas dans ma région, seraient prêts à voir les soldats canadiens et québécois remplir des missions de maintien de la paix et même un peu plus que le maintien de la paix.
(2040)
Les gens n'aiment pas voir à la télévision les civils qui souffrent, les bombardements, les morts, les atrocités, et je pense qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que notre population-en examinant la situation dans certains coins du monde, je songe à la Bosnie mais il y a aussi la Somalie; il y a plusieurs endroits où il y a vraiment des souffrances-je pense qu'il y a un courant assez
351
fort dans notre population à l'effet qu'ils seraient prêts à confier aux Nations Unies un rôle de maintien de la paix, oui, mais de maintien de la paix peut-être un peu plus actif que celui qui a été défini traditionnellement.
[Traduction]
M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à vous offrir mes félicitations et à féliciter tous les députés. Je m'en tiendrai à ces simples paroles puisque de nombreux autres députés ont fait la même chose avant moi.
J'en profite également pour remercier les électeurs de ma circonscription de Saskatoon-Dundurn qui m'ont élu à la Chambre des communes. Ma circonscription comprend une partie importante du territoire de la ville de Saskatoon, qu'on appelle affectueusement la «perle des Prairies». L'électorat de Saskatoon-Dundurn est composé de toutes les couches de la société et il est une véritable mosaïque de cultures, d'opinions, de nationalités et de religions. Je suis heureux de représenter mes électeurs au Parlement.
La question dont nous sommes saisis aujourd'hui est très sérieuse. Les soldats canadiens ne sont pas que des gardiens de la paix en Bosnie. Comme on l'a déjà dit à plusieurs reprises, ils se trouvent dans une zone de guerre où ils ne sont ni agresseurs ni combattants. Leur rôle est très difficile et extrêmement dangereux.
Un pays s'est effondré à cause de problèmes religieux et ethniques. Les citoyens de Bosnie ont rejeté les méthodes pacifiques chères aux Canadiens depuis des années, à savoir les débats parlementaires, et ont plutôt choisi le fusil et la bombe comme moyens de communication. Tout comme cette nation, le processus de paix parrainé par la Communauté européenne et par les Nations Unies semble lui aussi s'être effondré. Les chefs militaires semblent échapper à l'autorité des dirigeants politiques, puisque chaque fois qu'une trêve est signée elle est rompue avant même que l'encre des signatures ne soit séchée. Les dirigeants politiques qui semblent être intoxiqués par le pouvoir sont aux prises avec les problèmes qu'engendre la quête du pouvoir politique au mépris des valeurs humaines.
Il ne nous appartient cependant pas aujourd'hui de nommer les agresseurs ou de les pointer du doigt. Nous devons d'abord nous occuper de la sécurité des militaires canadiens qui sont postés dans l'ancienne république yougoslave; c'est là la seule raison du débat de ce soir. Il est devenu évident pour beaucoup que la situation en Bosnie ne pourra plus être réglée par les voies militaires. Il faut maintenant trouver une solution politique. Pourtant, la quête du pouvoir et la volonté de créer une nation semblent compromettre tout espoir de règlement politique sans l'intervention de la communauté mondiale.
On sait que la communauté mondiale est déjà intervenue à de nombreuses reprises. Les négociateurs de la paix de la Communauté européenne, dans la ronde des négociations de paix Vance-Owen de même que la ronde actuelle qui se déroule à Genève, ont tous échoué. Des cessez-le-feu sont signés puis sont rompus. Les plans de paix nous donnent une lueur d'espoir, mais l'une des parties se désiste au dernier moment. La situation semble actuellement désespérée. Il semble qu'on ne parviendra jamais à une entente.
(2045)
Nous devons cependant prendre garde de ne pas oublier les besoins des 2,75 millions de personnes qui comptent exclusivement sur l'aide humanitaire pour manger, selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. C'est certainement un élément qui n'est pas négligeable.
Nous devons donc ici tenter d'évaluer la vie de 1 800 militaires canadiens en regard de celle d'environ trois millions d'innocents. Mais le problème ne s'arrête pas là. On croit que lorsqu'un accord de paix sera signé, si jamais on en arrive là, l'ancienne république de Yougoslavie aura besoin d'un effectif militaire deux fois plus nombreux pour surveiller la mise en oeuvre de l'accord et désarmer les belligérants.
Donc, en maintenant nos forces dans la région, nous entreprenons peut-être un projet aussi long que celui de Chypre, où nous avons maintenu la paix pendant 25 ou 30 ans. Je pense toutefois que les possibilités qu'on parvienne à un accord de paix sont assez minces à l'heure actuelle.
Il y a quelques semaines, on a tiré sur nos soldats en visant au-dessus de leur tête. Je me demande si nous en parlerions de la même façon, aujourd'hui à la Chambre, si on avait alors tiré un peu plus bas. Si nous devions déplorer des victimes canadiennes, n'aurions-nous pas une autre attitude aujourd'hui? Je crois que oui.
Je dois joindre ma voix à celle du député de Moose Jaw-Lake Centre pour déclarer que nous devrions retirer provisoirement nos troupes et réviser notre position.
[Français]
M. Gérard Asselin (Charlevoix): Monsieur le Président, depuis 10 heures ce matin, j'écoute le débat sur la Bosnie. Depuis 10 heures également, on a maintes fois parlé de démocratie, de solidarité et de paix. Le fait d'avoir accueilli hier, dans les tribunes de la Chambre, le père Jean-Bertrand Aristide, a sensibilisé chacun des députés, car encore une fois, depuis ce matin, les mots démocratie, solidarité et paix ont été employés dans presque tous les discours.
«Homme élu démocratiquement par la population d'Haïti», c'est ce qu'a indiqué hier le ministre des Affaires étrangères, M. André Ouellet, à l'issue d'une rencontre avec le président Aristide. M. Ouellet a répété le souhait du Canada d'assister à la restauration de la démocratie en Haïti et de voir le président Aristide reprendre rapidement son poste. Il a dit: «Ensemble nous allons aller devant le Conseil de sécurité; cette façon est un pas concret sur la voie du rétablissement de la démocratie.»
La démocratie, la solidarité, la paix, mots que nous avons entendus toute la journée et dans presque tous les discours des parlementaires de cette Chambre, doivent être respectées en Yougoslavie, en Haïti, en Bosnie et au Canada. En tant que grands démocrates, les paroles d'aujourd'hui doivent bien refléter les gestes de demain.
(2050)
En terminant, nous, les membres de cette Chambre, devrons prendre position très prochainement et dès que nous le pourrons, car les gens en Bosnie, nos citoyens canadiens, québécois, attendent notre décision, notre intervention afin de les protéger. Je suis convaincu que, lorsque nous prendrons cette décision, elle
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rassurera les nôtres qui attendent une décision démocratique et solidaire de cette Chambre.
Le vice-président: Est-ce que le député de Saskatoon-Dundurn désire répondre?
[Traduction]
M. Bodnar: Monsieur le Président, comme l'intervention du député était plus un commentaire qu'une question, je n'ai rien à ajouter.
[Français]
M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, je désire faire un bref commentaire et poser une question.
Les propos du député m'étonnent un peu, surtout lorsqu'il parle de retirer les troupes de Bosnie, alors que plusieurs collègues de son parti nous ont affirmé que le retrait serait perçu comme un abandon de la part de la population, ce qui la conduirait à la famine. Le retrait créerait également une crise dans les régions avoisinantes, avec toutes les conséquences que cela comporte. Ce serait la victoire des brutes, le viol et la famine de toute une population.
Dois-je comprendre que le député qui vient de se prononcer ne s'engagera pas, au sein de son caucus, à défendre une position du gouvernement qui devrait être celle d'assurer que les effectifs canadiens soient d'abord en sécurité et, d'autre part, de contribuer à maintenir la réputation du Canada comme défenseur de la paix au plan international?
Le député sera donc contre l'assurance qu'il pourrait donner à cette Chambre de ne pas retirer d'une façon unilatérale les Casques bleus canadiens en ex-Yougoslavie.
[Traduction]
M. Bodnar: Monsieur le Président, aujourd'hui à la Chambre nous avons débattu de la question, échangé des idées et écouté tous les députés qui ont fait connaître leur point de vue.
L'objet du débat est de formuler et d'échanger des idées. Si le député a quelque chose à ajouter qui puisse convaincre des députés de l'autre côté de la Chambre que sa position est la meilleure, il peut le faire. C'est pour cela que nous sommes ici.
Je dois dire que certaines interventions étaient convaincantes, comme celle que le député de Moose Jaw-Lake Centre a faite un peu plus tôt dans la journée, dont j'ai fait mention. J'invite le député qui vient d'intervenir à nous faire part de toutes les observations qu'il pourrait encore formuler pour nous convaincre.
[Français]
M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard): Monsieur le Président, la situation de nos Casques bleus canadiens présents en ex-Yougoslavie est préoccupante. M. Boutros-Ghali déclarait, en fin de semaine dernière, qu'il pensait utiliser les frappes aériennes pour libérer un contingent canadien cantonné à Srebrenica. De toute évidence, la mission de paix des Casques bleus est compromise.
(2055)
Depuis 1947, le Canada est le seul pays qui a participé à toutes les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Ces interventions nous ont permis d'assurer la présence du Canada partout dans le monde. Nos missions de paix sont reconnues. Elles contribuent au prestige du Canada sur la scène internationale. Nous sommes devenus des chefs de file dans l'art de maintenir la paix dans le monde.
[Traduction]
En fait, si nous revenons quelques années en arrière, les députés se souviendront que M. Lester B. Pearson a reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts en vue de promouvoir la paix.
La première fois que le Canada a participé à un contingent chargé du maintien de la paix, c'était en 1947, au Cachemire, mais ce n'est pas avant 1956, lors de la crise du canal de Suez et à l'initiative du gouvernement canadien, que les opérations de maintien de la paix ont vraiment adopté leur forme actuelle.
À cette occasion, M. Lester B. Pearson, alors ministre des Affaires extérieures, a proposé d'envoyer des troupes arborant le drapeau de l'ONU pour veiller à ce que les combattants se retirent dans l'ordre de la zone du canal. Depuis, les Canadiens n'ont pas manqué la moindre mission de paix.
En 1988, un deuxième prix Nobel a été décerné à la force internationale des Nations Unies. Au Canada, nous rendons hommage à nos troupes. À l'automne 1992, le Gouverneur général, M. Ray Hnatyshyn, a présidé à la cérémonie de dévoilement d'un monument qui a alors été désigné La réconciliation.
[Français]
Jusqu'à cette dernière mission en Bosnie, nous avions eu à déplorer 80 pertes de vie. Nos soldats ont souvent eu à vivre des conditions épouvantables, mais ils ont réussi à accomplir leur mission. Cette fois-ci, l'ex-Yougoslavie est en guerre. Aurons-nous à déplorer plus de pertes de vie dans une seule mission qu'au cours de toutes les missions précédentes? Actuellement, nos hommes et nos femmes ont à subir une attaque armée sans avoir la capacité de réagir. Leurs familles et leurs enfants s'inquiètent de leur sort. Un climat de peur et d'incertitude s'installe. Ils sont les témoins d'une guerre, ils n'ont pas l'autorisation d'utiliser leurs armes et ils assistent impuissants au massacre d'une population. Peut-on qualifier cette situation de mission de paix?
Pourtant, l'intervention des Casques bleus en Bosnie est importante. Le Canada est confronté à un dilemme. Nous ne pouvons accepter de priver ces peuples de notre aide humanitaire d'une part et, d'autre part, nous ne pouvons envoyer nos troupes en mission de paix dans un pays en guerre. On ne peut maintenir la paix si la paix n'existe pas. On ne peut rétablir la paix contre la volonté des Serbes, des Croates et des Musulmans. Dans ce contexte, le Canada est le mieux placé pour participer à l'établissement de nouvelles règles pour le maintien de la paix. Notre action jusqu'à ce jour a été préventive et elle doit le demeurer. Nous sommes là pour maintenir la paix, nous représentons les forces du maintien de la paix.
Nous avons vécu certains épisodes durant cette guerre en Bosnie où la tension est tellement vive entre ces peuples que la nuance entre la légitime défense et la provocation est si mince que le geste posé par nos hommes et nos femmes pourrait être
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interprété comme un acte d'agression par les belligérants. Ce serait dommage que la réputation du Canada dans le maintien de la paix soit ternie à cause d'une situation où la violence et l'horreur d'une guerre jugulent nos efforts pour la paix. Pouvons-nous prévenir la répétition de ces événements dramatiques? Avons-nous les moyens de continuer notre mission de paix dans le monde?
Autant de questions qui demeurent sans réponse, mais nous ne pouvons passer sous silence que les missions de paix coûtent cher aux Canadiens et aux Canadiennes. Elles nous apparaissent cependant essentielles. Lorsque nous visons l'essentiel, nous éliminons le superflu et nous évitons le gaspillage. Si nous voulons maintenir ces missions, nous n'aurons, j'en ai bien peur, d'autre choix que d'exercer de vigoureux contrôles sur les dépenses engagées et à venir. C'est le prix que nous aurons à payer si nous voulons continuer à assurer la paix.
Les missions de paix sont essentielles par leur action humanitaire, par le soulagement qu'elles procurent aux pays plus démunis, mais aussi à des hommes et des femmes qui n'auraient pu survivre à la misère créée par la famine, la sécheresse, les inondations et la dévastation d'une guerre.
(2100)
Elles sont aussi essentielles pour le Canada. Nous nous sommes bâti une excellente réputation. Nous occupons une place sur la scène internationale. Nous détenons la première place pour le maintien de la paix dans le monde. Ce rôle est essentiel pour le Canada. Notre présence en Bosnie coûte-t-elle trop cher? Nous amènera-t-elle à sacrifier d'autres missions qui auraient pu assurer la paix? Devrions-nous nous retirer de la Bosnie?
[Traduction]
Les troupes britanniques menacent maintenant de se retirer du contingent de l'ONU en Bosnie. N'oublions pas que les Nations Unies ont donné le nom de casques bleus aux troupes chargées du maintien de la paix, afin de permettre la distinction entre les Canadiens et les Britanniques dont les uniformes étaient presque identiques. Je suis d'avis que ces menaces ne changeront rien et que nous devrions nous attacher à garantir que les forces chargées du maintien de la paix en Bosnie exécutent leur mandat, justifiant ainsi leur existence même, et que des propositions sérieuses seront mises de l'avant pour résoudre ce confit.
Jusqu'à maintenant, tous les efforts déployés en Occident pour mettre un terme à ce conflit ont échoué. La situation est alarmante. Quel rôle devrait jouer le Canada pour faire naître les solutions à ce conflit et pour prévenir l'apparition de conflits de ce genre ailleurs? Aurons-nous les moyens de maintenir la paix en Yougoslavie, lorsque cette guerre sera terminée, ou alors notre position sera-t-elle tellement faible qu'à toutes fins pratiques, ce sera la fin de nos missions de paix?
Toutes ces questions méritent notre attention et nous devons leur trouver des réponses pertinentes si nous voulons assurer le succès de nos interventions futures.
[Français]
Des experts canadiens sillonnent déjà plusieurs pays en voie de développement ainsi que la Russie et l'Ukraine pour initier ces pays aux mesures de maintien de la paix. Pour répondre à l'appel de Boutros Boutros-Ghali et pour maintenir la paix de façon plus énergique, il est suggéré de mettre sur pied un centre international de formation en maintien de la paix à Lahr, en Allemagne. Nous savons tous que le Canada y fermera sa base en 1994. Ce centre de formation nous permettrait-il de maintenir notre rôle de gardien de la paix et de rentabiliser des installations déjà en place? Le Canada pourrait ainsi continuer à assumer un rôle de leader sur la scène internationale. Cette suggestion mérite sans doute que l'on s'y attarde et que l'on examine attentivement quels seraient les avantages d'un tel centre dont l'objectif pourrait être de prévenir d'autres guerres.
La guerre en Bosnie est grave et dramatique, non seulement à cause de la misère et de la violence qui sévissent dans ce pays, mais aussi pour les familles de nos soldats qui vivent dans l'anxiété et la peur. Ces familles qui attendent le retour de nos soldats espèrent que le Canada continuera à exercer un rôle comme gardien de la paix dans un climat de paix.
[Traduction]
Pour maintenir la paix, cette paix doit d'abord exister. Le Canada est un pays paisible. C'est un fait prouvé et nous jouissons d'une solide réputation à cet égard. Nous avons un rôle important à remplir sur la scène internationale en tant que gardiens de la paix. Les membres de nos missions de paix savent bien que leur participation est essentielle et représente souvent le dernier espoir de populations qui sont continuellement confrontées à des troubles et à des dissensions.
[Français]
Le Canada peut respecter sa mission de paix. Le maintien de la paix signifie que nous sommes en mesure d'agir avant l'éclatement d'un conflit et de garder la paix après la fin d'un conflit. Notre rôle doit se jouer avant et après la guerre. Si nous ciblons nos interventions avant que la guerre n'éclate, nous pourrons peut-être éviter la guerre et maintenir la paix.
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je remercie le député de Pierrefonds pour son discours dans lequel il nous a fait part de la complexité de la situation, parce que ce n'est pas un domaine où il est facile de trancher. On en est à la fin d'un débat où, finalement, le gouvernement a pu obtenir de l'information éclairée de la part des membres du Parlement. Maintenant, on aura le choix entre le retrait des troupes, le statu quo et une solution qui m'apparaît plus pertinente, soit de rétablir les conditions de succès. C'est d'autant plus encourageant que le plan Stoltenberg-Owen-on sait que M. Stoltenberg a pris la succession de M. Cyrus Vance--
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dit que nous sommes tout près d'une solution, à un cheveu d'une entente, et que les négociations vont reprendre le 10 février. Donc, toute décision du gouvernement du Canada aura une certaine influence sur la négociation.
(2105)
J'aimerais que le député de Pierrefonds nous dise s'il croit que le gouvernement canadien devrait prendre position dès les prochains jours ou s'il serait préférable que le gouvernement annonce à la veille du 1er avril, à la date limite des engagements, selon l'état des négociations, s'il est pertinent de maintenir notre présence en Bosnie, étant donné l'impact très significatif que cela peut avoir sur l'image du Canada et sur le rôle de gardien de la paix qu'il a développé au cours des dernières décennies.
M. Patry: Je dois d'abord dire qu'il s'agit d'une opinion très personnelle. Je crois que le gouvernement du Canada devrait engager dès maintenant des négociations avec les parties concernées, surtout avec l'ONU, pour en arriver, d'une certaine façon, à renégocier les ententes auxquelles le Canada se doit de participer en ex-Yougoslavie. À toutes fins pratiques, le Canada se doit de demeurer en ex-Yougoslavie pour y maintenir la paix. Nous ne devons nous soustraire d'aucune façon à ce que nous devons faire sur le plan international. Le rôle du Canada sur le plan international est un rôle humanitaire. Donc, pour moi, le Canada doit rester en ex-Yougoslavie.
M. Louis Plamondon (Richelieu): Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir entendu le député se prononcer aussi clairement en faveur du maintien des forces. Se retirer présentement signifierait un massacre pour la population bosniaque surtout.
Mais plusieurs Canadiens et Québécois s'inquiètent du coût du maintien de ces forces. J'ai parlé tout à l'heure d'une certaine réforme de notre budget militaire.
Le député pourrait-il nous dire quelle solution il préconise pour maintenir ces forces tout en maintenant un bas taux de taxe supplémentaire?
M. Patry: Monsieur le Président, j'ai appris tout à l'heure quelque chose du député de Portneuf qui est de la même formation politique que le député de Richelieu. Il disait qu'il en coûtait 25c. par jour par contribuable canadien pour le maintien de la mission de paix en ex-Yougoslavie.
Je crois que c'est un prix très minime pour maintenir l'aide humanitaire que nous dispensons là-bas et je serais prêt à défendre au sein du caucus libéral les montants d'argent et crédits nécessaires au maintien de cette mission de paix.
[Traduction]
M. Jim Abbott (Kootenay-Est): Monsieur le Président, je voudrais souligner la présence du ministre de la Défense nationale à la Chambre et le fait qu'il a passé beaucoup à la Chambre pour écouter le débat, et ce malgré toutes les responsabilités qui lui incombent. Cela montre que le gouvernement prend vraiment en considération les opinions qu'expriment les députés avant de déterminer la voie qu'il prendra. Je le remercie de sa présence.
Je voudrais élargir quelque peu la discussion en me fondant sur l'ordre émanant du gouvernement, c'est-à-dire la motion à l'étude où il est question de la possible ré-orientation future de la politique canadienne de maintien de la paix et de ses opérations. Je voudrais que nous envisagions l'avenir de façon pratique et méthodique.
C'est facile à dire pour moi qui vient du milieu des affaires, mais nous pourrions apprendre beaucoup des gens d'affaires. Ainsi, en affaires, ces gens veulent toujours avoir des mesures et des objectifs pour évaluer leurs progrès. Nous devons avoir un plan. Nous devons nous fixer des objectifs.
(2110)
Nous pensons souvent aux nombreuses blagues que nous avons entendus pour oublier par la suite à quoi elles rimaient. Notre pays se laisse souvent entraîné dans des initiatives dont il a oublié le but premier. Il importe donc de revoir la définition de nos opérations de maintien de la paix.
Hier, j'ai eu l'occasion d'assister à une séance d'information organisée par le ministère de la Défense nationale. Je m'excuse auprès de la Chambre, mais je n'ai pas pris de notes précises. Je ne peux donc pas vous dire exactement de quelle période il était question. Cependant, d'après ce que j'ai compris, le nombre de soldats en mission de paix un peu partout dans le monde, pas seulement de soldats canadiens, mais de toutes les troupes, s'est grandement accru en très peu de temps, passant de 10 000 à 80 000. Cela révèle une attitude altruiste et plutôt «boy scout» de la part de la communauté internationale que de réagir ainsi à un problème. Le monde est de plus en plus complexe et de plus en plus dangereux non seulement pour nos soldats mais pour tous les soldats.
Comme l'ont signalé plusieurs intervenants, les Canadiens ont une fière tradition de maintien de la paix. On a dit, et je suppose que c'est exact, que nous serions les initiateurs de la notion et des opérations de maintien de la paix.
Au cours de la séance d'information en question, on a fait remarquer que cela tenait à deux raisons fort valables, à savoir notre intérêt pour la diplomatie internationale et notre appui des Nations Unies. À l'instar des autres représentants des Canadiens à la Chambre, je crois que les Canadiens aussi veulent que le Canada appuie les Nations Unies.
Toutefois, toujours en ce qui concerne les critères d'après lesquels il faudrait déterminer si nous devrions participer à un effort de maintien de la paix, il faut les prendre en considération tous les trois.
355
D'abord, il faut que les parties aient convenu d'un règlement pacifique. Représentant une constitution qui se trouve à englober la plus grande partie des Rocheuses, je viens d'une région absolument magnifique quoique isolée. Nous avons toutes sortes de gros gibier là-bas. On peut se promener dans un sentier, une carabine 22 sur le bras, et rencontrer un ours grizzli en pleine saison du rut. Si cela m'arrivait, il faudrait vraiment que j'y pense à deux fois avant de faire quoi que ce soit, simplement parce que je ne saurais pas comment l'ours réagirait.
Le Canada qui envoie 500, 1 000, 1 500 soldats contre des dizaines de milliers de combattants, c'est un peu comme un homme qui n'a qu'une carabine de calibre 22 pour affronter un ours grizzli.
Nous devons aussi savoir quel est au juste notre mandat là-bas.
Et, enfin, nous devons pouvoir justifier notre présence là-bas aux plans financier et logistique.
En ce qui concerne plus précisément la situation en Bosnie, je dois dire que, à l'instar peut-être de nombreux Canadiens, je ne suis pas sûr que nous puissions le faire.
Si vous me le permettez, je voudrais vous faire part d'une anecdote qui m'est arrivée au cours de ma première journée au Parlement. Le député de Fraser Valley-Ouest et moi-même participions alors avec nos épouses à une visite guidée du Parlement, y compris de la Chapelle du souvenir, située au bas de la Tour de la paix. Je recommande à tous les députés de la visiter. Ce fut une expérience fascinante. Il était 11 heures et si vous avez la chance d'être là à 11 heures, vous pouvez voir tourner les pages des livres du souvenir dans lesquels figurent les noms de tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie au cours de la guerre. C'était un moment très émouvant parce que j'ai vraiment ressenti ce que voulait dire être canadien, j'ai senti le prix payé pour que nous ayons la liberté de parole dont nous jouissons ici ce soir à la Chambre des communes.
Je remercie tous ces gens, tous ces morts. Mais qu'en est-il des vivants? Qu'en est-il de ceux qui, à chaque seconde, doivent affronter le danger parce qu'ils se trouvent sur un théâtre de guerre? Personnellement, je n'arrive pas à imaginer la peur que doit ressentir une personne dans une telle situation. Ceux qui en reviennent sont marqués pour la vie. C'est un prix qu'eux et leur famille doivent payer. Lorsque les hommes et les femmes courageux qui appartiennent à nos forces armées reviennent, les membres de leur famille doivent apprendre à vivre avec une mère, un père, un frère, une soeur ou un enfant qui a été transformé par la guerre. C'est là un immense prix à payer. Il y a un prix réel à payer lorsque l'on s'implique dans une guerre comme nous le faisons.
(2115)
Dans la chapelle du Souvenir, je me suis demandé combien de ces hommes et de ces femmes courageux étaient morts en raison de décisions prises rapidement ou de décisions incontournables. Puisque nous voulons parler du rôle futur du Canada dans le maintien de la paix, j'aimerais que nous prenions le temps de réfléchir, de fixer des objectifs quantifiables, d'élaborer des plans, d'énoncer les buts de notre participation.
Personnellement, je crois que nous devons continuer de participer au maintien de la paix. Le monde auquel nous appartenons a besoin que nous persévérions. Je crois que le député réformiste de Red Deer a émis une excellente idée lorsqu'il a suggéré que nous exportions notre expertise des missions de maintien de la paix et les connaissances que nous avons acquises au cours de ces missions. Nous devons évaluer le coût de nos compétences.
Ces trois ou quatre derniers jours, le Parti réformiste n'a parlé qu'en termes de coûts. Peu importe de quoi nous parlons, il faut l'exprimer en termes de dollars et de cents. J'aimerais réfléchir un instant au coût émotionnel et au coût en vies humaines.
Dans le cas de la Bosnie, je suis d'accord avec les députés qui ont dit que si nous agissions avec précipitation, nous mettrions en danger la vie de ceux qui se trouvent sur le théâtre de la guerre. Par ailleurs, si nous montrons trop clairement nos intentions, nous créons une situation où nous aidons la prophétie à se réaliser. Nous sommes vraiment dans une impasse.
Je crois que nous ne devons pas agir précipitamment. Nous devons être prêts à éponger notre perte, mais à le faire intelligemment avec toute la planification nécessaire. Nous devons résister à tout prix aux solutions instantanées que nous recherchons trop souvent. Nous devons prendre des mesures délibérées.
Je suis très fier d'être canadien, mais j'ai parfois l'impression que nous finissons par réagir de façon trop altruiste aux événements qui se passent dans le monde. Je crois que, au lieu de nous laisser entraîner dans ces situations de maintien de la paix par la communauté internationale, nous devons penser en termes plus pratiques lorsque nous prenons des décisions qui ont une incidence sur notre orientation future.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Je remercie beaucoup le député qui m'a précédée pour son exposé que j'ai trouvé extrêmement clair et précis. Je voudrais faire un commentaire. Le 27 novembre dernier, j'ai rencontré dans mon comté trente jeunes miliciens qui revenaient de Bosnie à l'occasion d'une fête organisée avec les parents de trente autres jeunes qui étaient repartis pour la Bosnie.
En parlant avec eux, j'ai découvert une chose que plusieurs collègues ont mentionnée aujourd'hui. Ils ne semblaient pas être totalement conscients de l'importance de l'expérience qu'ils venaient de vivre. Il est vrai qu'il n'y avait pas très longtemps qu'ils étaient de retour, mais ils me paraissaient manquer un peu de formation pour le type de travail qu'on leur avait demandé.
356
Mon collègue a dit entre autres qu'il fallait établir des critères, qu'il fallait donner des mandats très précis, qu'il fallait avoir une base financière très claire, etc. Je voudrais savoir si, dans sa réflexion, il a pensé à l'aspect formation.
(2120)
Rejoint-il sur ce point le député de Vancouver Quadra qui nous parlait de la nécessité, par exemple, d'expliquer les enjeux politiques aux jeunes miliciens pour qu'ils comprennent bien non seulement toute la tactique militaire et toute la formation sophistiquée pour être en mesure de faire face au danger, mais aussi la dimension socio-politique afin qu'ils sachent quel type d'intervention ils vont faire dans ces pays-là?
[Traduction]
Le vice-président: Le député de Kootenay-Est veut-il traiter cette intervention comme une question ou comme une observation? Veut-il répondre?
M. Abbott: Monsieur le Président, je répondrai simplement que je crois effectivement que nos soldats doivent recevoir à tout prix toute la formation nécessaire. Cependant, je ne crois pas qu'aucune formation ne puisse les préparer à l'impact que la guerre aura sur eux sur le plan émotif.
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, moi aussi j'ai trouvé les remarques du député fort intéressantes. J'ai été cependant très étonné qu'il suggère que nous appliquions de bonnes pratiques financières à ce qui est essentiellement une situation de guerre.
Le député pourrait-il préciser comment on peut appliquer de bonnes pratiques financières à l'aide humanitaire?
M. Abbott: Monsieur le Président, comme le député l'a laissé entendre, lorsqu'il est question de problèmes humanitaires, les choses se passent très rapidement.
Dans une situation comme celle qui existe dans l'ancienne Yougoslavie, où des combattants empêchent l'aide humanitaire de se rendre à destination, il faut adopter une approche plus pratique et se demander si vraiment le Canada ou tout autre pays est capable de mener à bien cette mission.
Bien sûr qu'il faut intervenir pour fournir des vivres et ainsi de suite, mais nous devons toujours nous demander si l'aide se rendra à destination. C'est quelque chose qui est mesurable.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, comme il ne reste plus beaucoup de temps à la période de questions, je serai très bref.
J'ai peut-être mal saisi les propos du député sur l'aspect monétaire des interventions humanitaires. J'aimerais qu'il me réexplique un peu sa position sur les sommes consacrées aux interventions de paix sur le plan militaire. Est-ce qu'il croit qu'on doit maintenir, voire augmenter les montants alloués à ces secteurs, quitte à diminuer d'autres dépenses du domaine militaire? Est-ce que les interventions à caractère humanitaire constituent, pour lui, une dépense primordiale?
[Traduction]
M. Abbott: Monsieur le Président, le point soulevé par le député est très valable. J'ai ici des photocopies d'un article paru dans le Globe and Mail la fin de semaine dernière. Selon cet article, notre ministre de la Défense aurait dit que la pilule serait difficile à avaler. L'article était intitulé: «On annonce des réductions importantes.»
Cela fait partie de ce qui est mesurable. Cela fait partie des décisions que les Canadiens doivent prendre. Est-ce là une dépense qu'ils sont prêts à faire? Si c'est le cas, ils devront y consacrer le montant voulu.
Le vice-président: Je donne la parole au député de Lethbridge.
M. Ray Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord vous féliciter de votre nomination à vos nouvelles fonctions et vous souhaiter tout le succès possible dans l'exercice de vos responsabilités au fauteuil. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir inscrit cette question à l'ordre du jour afin que nous, en tant que représentants du peuple canadien, puissions donner notre avis avant que la décision soit prise. Qu'un nouveau gouvernement se comporte d'une manière aussi transparente est vraiment louable, et je l'en remercie.
(2125)
Divers aspects de la situation ont été soulevés et ils ont été définis clairement. Je tenais, ce soir, à apporter mon encouragement aux Canadiens qui ont servi en Bosnie et assurer de mon appui ceux qui ont à prendre des décisions touchant ce que nous devons faire en tant que pays dans les semaines et les mois à venir.
Nous discutons ce soir d'un problème très spécial et nous avons une responsabilité très spéciale à exercer en définissant en quoi consistera à l'avenir notre rôle de maintien de la paix et en quoi consistera plus particulièrement notre rôle en Bosnie. Nos recommandations et les mesures que nos prendrons par la suite auront des répercussions considérables sur l'ex-Yougoslavie et sur la vie de ceux qui sont pris dans ce que je décrirais comme le champ de bataille le plus sanglant d'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Canadiens d'un océan à l'autre sont devenus les témoins de ce qui se passe dans les Balkans. Nous voyons chaque soir à la télévision les effets des explosions de mortiers de la journée; nous lisons chaque jour dans les journaux des articles relatant le sort peu enviable de ceux qui ont le malheur d'être pris entre deux feux.
357
Quand je songe à tout cela, je ne peux m'empêcher de rappeler aux députés ici présents que la tragédie de la vie en Bosnie montre bien quelle chance nous avons, nous Canadiens, de vivre dans notre grand et beau pays, le Canada. Bon nombre d'entre nous dans ce pays pratiquons des religions différentes. Nous parlons des langues différentes. En fait, près de 400 000 Canadiens ne parlent ni anglais ni français, et pourtant nous vivons en harmonie, dans un esprit de tolérance et de compréhension mutuelle.
Les législateurs d'avant la présente session ont pris des mesures pour assurer à tous les Canadiens la liberté de conscience, de religion, de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Notre Constitution et notre Charte canadienne des droits nous garantissent ces libertés à chacun d'entre nous ainsi que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.
Les habitants de l'ex-Yougoslavie sont eux aussi en droit de revendiquer ces droits inaliénables pour eux-mêmes. Parce que les Canadiens appartiennent à un pays pacifique, nous avons le devoir de contribuer à faire en sorte que ces gens puissent bénéficier de ces droits. D'après ce que j'ai entendu dans les séances d'information avant aujourd'hui et d'après ce que j'ai entendu dans notre assemblée, je crois que nous pouvons le mieux y parvenir en maintenant nos soldats de la paix dans les Balkans. Nous ne pouvons pas résoudre le conflit, mais nous pouvons continuer de livrer l'aide humanitaire des Nations Unies qui a atteint jusqu'à présent, d'après ce que j'ai entendu, près de trois millions de personnes.
En demeurant en Bosnie, nous agissons à la façon d'une conscience à l'égard de ceux qui commettent de nombreuses atrocités. En plus de nos 2 000 soldats, sept membres des Forces canadiennes y travaillent comme enquêteurs en matière de crimes de guerre. D'après certains officiers à qui j'ai parlé à ce sujet, ce service a effectivement empêché dans certains cas la commission de crimes de guerre, et il s'agit certes là d'un rôle très louable. Ces mêmes officiers m'ont dit également que notre présence dans l'ex-Yougoslavie empêche la guerre de dégénérer en un conflit international élargi.
Le Canada joue en Bosnie un rôle essentiel. Nos troupes fournissent de la nourriture et des médicaments à des centaines de milliers de gens qui autrement mourraient de faim ou d'autres causes. Les soldats canadiens de la paix remplissent également ce qui est devenu la mission internationale historique de notre pays pour laquelle nous sommes réputés. Ils travaillent à promouvoir la paix et la sécurité. En même temps, ils agissent comme une conscience internationale dans une région du monde qui en a désespérément besoin.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, les propos du député m'ont amené à réfléchir aux raisons pour lesquelles on sent beaucoup de pressions au Canada, de part et d'autre, pour qu'on se retire ou non de la Bosnie.
(2130)
Je me demande s'il ne serait pas opportun de réfléchir également à la pertinence de donner à la population du Canada une information objective et complète sur la situation en Bosnie.
Lorsqu'on discute avec des citoyens, ils font souvent allusion, en ce qui concerne la situation en Bosnie comme en ce qui concerne toute autre situation internationale, aux scènes un peu atroces qu'on voit dans les bulletins de nouvelles, aux pertes de vie, aux sous qui sont dépensés, à l'argent qui est consacré à cet aspect de notre intervention au niveau international, mais ils ont une vision très peu complète de l'impact de ces interventions et de leur importance.
Je me demande si le député qui m'a précédé pourrait nous faire connaître sa position sur la possibilité d'inviter des soldats et des officiers de rang élevé qui interviennent en Bosnie à participer à des débats publics au Canada, à dire ce qu'ils ont vu et vécu en dehors de toute démarche partisane, à nous faire connaître un peu leur vision de l'action qu'ils ont menée là-bas et, peut-être même, aller jusqu'à émettre des idées sur les solutions, sans pour autant remettre en question leur appartenance à l'armée ou les aspects disciplinaires de leur métier. J'aimerais que le député nous dise ce qu'il pense de cette suggestion.
[Traduction]
Le Président: Le député propose de consulter et d'écouter les gens qui ont été sur place, et c'est une excellente suggestion. J'ai parlé à certains bénévoles de divers groupes non militaires qui ont été là-bas pour aider à l'acheminement de l'aide humanitaire. Ils ont été témoins d'atrocités. Ils ont vu des gens souffrant de la faim, des familles en difficulté, d'autres déchirées par le conflit. Ils sont dégoûtés de la situation, mais ils disent toutefois que, sans leur présence, les victimes seraient encore plus nombreuses à cause de la pénurie de médicaments et de nourriture. De ce point de vue, leur présence est essentielle, même si elle comporte des risques.
À mon avis, le gouvernement devrait, par l'entremise de ses hauts fonctionnaires ou de ses dirigeants, consulter ces bénévoles et ces soldats et leur demander leur opinion. Si je me fie à ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, il recueillerait ainsi de l'information fort utile et encouragerait le Canada à maintenir sa présence en Bosnie.
M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, cela doit être assez extraordinaire de prononcer son premier discours à la Chambre à l'occasion d'un débat sur une question aussi importante. Les députés ont permis la tenue d'un débat très constructif aujourd'hui. Non seulement nos collègues du Parti libéral ainsi que les nouveaux députés du Parti réformiste et du Bloc québécois ont-ils tous loué aujourd'hui la formation dispensée à nos soldats ainsi que leurs compétences dans l'exécution de la mission particulière qui leur est confiée à l'échelle internationale, mais ils ont aussi formulé des suggestions très constructives qui seront, je l'espère, dûment prises en considération.
Le député du Parti réformiste qui a dit ce matin que nous devrions être en mesure de dispenser une formation aux soldats des autres pays, en raison de l'expérience que le Canada a acquise au chapitre du maintien de la paix, m'a particulièrement impressionné.
Le Canada l'a déjà fait dans le passé. Durant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre du Programme d'entraînement aérien du Commonwealth, nous avons permis à des gens qui
358
étaient à proximité des zones de combat de s'en éloigner et de recevoir une formation adéquate compte tenu du rôle qu'ils devaient jouer dans cette guerre. Il est très agréable d'entendre mon collègue du Bloc québécois abonder dans le même sens ce soir. Si je le souligne, c'est que, durant les dix ans où j'ai siégé à l'assemblée législative de l'Ontario, je crois qu'il ne m'a jamais été donné de participer à un débat aussi constructif et dépourvu des interruptions auxquelles je m'étais habitué avec les années.
(2135)
J'imagine qu'à l'époque, être soldat ou militaire comportait toujours des risques. Il était très dangereux d'être dans la zone de combat. Je me demande toutefois si le rôle humanitaire que doivent actuellement jouer nos soldats et qui est différent d'un rôle d'établissement ou de maintien de la paix n'est pas plus dangereux en raison des barrages qu'ils doivent constamment franchir, de l'intimidation dont ils sont sans cesse victimes et des pressions psychologiques qu'ils subissent quotidiennement. Ils n'ont jamais de répit. Jamais.
Grâce à la formation qu'ils ont reçue et au professionnalisme dont ils sont fiers, ils persévèrent. Et ils le font très souvent dans les pires conditions qui soient, dans des conditions dont ni vous ni moi n'avons idée, monsieur le Président.
Il a été question de scoutisme et de la participation très souvent altruiste du Canada. Comme je m'occupe de scoutisme depuis 30 ans, je tire une certaine fierté de ce que fait le Canada, même si nous allons parfois nous mettre dans d'inconcevables guêpiers.
Prenant part à ce débat, je tiens à dire la fierté que m'inspirent nos soldats et à souligner le rôle exceptionnel que le Canada joue dans le monde. Nous sommes effectivement les meilleurs dans ce que nous faisons. Cela nous donne une responsabilité très spéciale qu'il ne faut pas perdre de vue.
Le Canada a aussi toujours été un fervent partisan de l'ONU. Le Canada verse ses contributions. Nous sommes toujours là lorsqu'on fait appel à nous. Nous souhaiterions que tous les pays membres acceptent les mêmes responsabilités. Peut-être, le temps passant, devrons-nous faire face à la question avec les Nations unies: l'organisation deviendra-t-elle ce que M. Pearson croyait qu'elle pouvait devenir, à son meilleur, ou nous laissera-t-elle tomber, nous et d'autres pays membres, parce que d'autres pays ne veulent pas assumer leur part de responsabilité?
L'une des raisons pour lesquelles il nous faut rester pour jouer un rôle humanitaire en Bosnie, c'est que nous sommes conscients de l'importance de l'ONU et que nous souhaitons la préserver et la voir non seulement survivre, mais aussi prospérer et s'épanouir.
La tenue de ce débat a été précipitée sans doute par les informations selon lesquelles onze de nos soldats avaient été appréhendés et détenus par ce qui s'est avéré être un groupe de personnes qui, pour dire le moins, n'avaient pas toute leur tête. Cette information inquiétante a été l'élément déclencheur.
Il faut ajouter, en toute équité et pour présenter les choses sous leur vrai jour, que tout n'est pas toujours aussi critique, en Bosnie. L'acheminement de centaines de tonnes de nourriture vers des points chauds tous les jours, ce n'est pas ce qui peut faire la nouvelle. Ce n'est pas une nouvelle digne de mention s'il ne se passe rien. Ce serait comme dire qu'il y a eu 5 000 atterrissages et décollages sans incident au Canada la semaine dernière. On n'en parle jamais et pourtant quand il y a un accident d'avion ou que le train avant d'un avion s'effondre, les journaux en parlent en première page. Je suis d'avis qu'il faut replacer dans le contexte qui convient tout ce qu'on lit dans les journaux ou ce qu'on voit à la télévision.
(2140)
Je voudrais faire une observation particulière sur les grèves des équipages d'avion. Il me semble que faire la grève dans ces conditions c'est admettre son échec, son incapacité de régler le problème d'une autre façon, que c'est ce qu'on fait quand tout le reste a échoué.
Comme il a déjà été mentionné, il y a environ trois millions de personnes en Bosnie qui comptent de jour en jour sur l'aide humanitaire fournie par des membres des Nations Unies. Ces personnes n'ont aucun autre moyen de subsistance. Nous avons donc cette responsabilité.
Enfin, je voudrais faire une suggestion au ministre de la Défense nationale, qui assiste au débat de ce soir. J'ignore si nos soldats l'apprécierait vraiment, mais nous pourrions peut-être leur envoyer des exemplaires du hansard de ce soir pour qu'ils sachent ce que nous pensons d'eux et combien nous sommes fiers du travail qu'ils font là-bas.
M. Mifflin: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je sais que nous avions convenu de siéger jusqu'à 22 heures. Je constate aussi que progressons assez bien et que le niveau du débat est excellent même s'il commence à se faire tard. Cependant, plusieurs députés n'ont pas encore pris la parole.
C'est pourquoi, compte tenu de l'heure, je demande que la Chambre veuille bien siéger jusqu'à minuit, à la condition que les discours ne dépassent pas dix minutes et qu'il n'y ait pas de questions et d'observations. Y a-t-il consentement unanime à cet effet?
Le vice-président: Consentez-vous à laisser partir les pages?
M. Mifflin: Monsieur le Président, nous n'avons aucune objection de notre côté, et je le recommande fortement.
Le vice-président: Pouvons-nous commencer tout de suite ou y a-t-il d'autres questions?
M. Mifflin: Monsieur le Président, compte tenu du nombre d'orateurs, je recommande que la Chambre passe maintenant aux discours de dix minutes.
Des voix: D'accord.
359
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, je veux joindre ma voix à celle des collègues qui, un peu plus tôt, ont souligné la haute qualité du débat sur cette motion.
En effet, pour avoir fréquenté cette institution pendant un certain temps déjà, je dois dire que je suis très impressionné par la qualité des discours et la participation des députés, tous partis confondus. À vrai dire, il est très impressionnant d'entendre de nouveaux élus faire des remarques très profondes sur une question qui est loin d'être facile.
Je ne vais pas m'attarder à l'historique de la situation. Le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères, ainsi que des députés ont, aujourd'hui, parlé de l'importance, pour le Canada, du maintien de la paix et du rétablissement de la paix.
C'est vraiment une marque distinctive de notre pays. Nous le devons à un grand Canadien qui a été ministre des Affaires étrangères avant de devenir premier ministre. S'il est un motif de fierté que partagent les députés et l'ensemble des citoyens, c'est bien cette réalisation et, grâce au rôle que nous avons ainsi pu jouer, le Canada a pu occuper une place importante dans la conduite des affaires internationales.
(2145)
[Français]
Monsieur le Président, le Canada joue un rôle très important dans plusieurs forums sur le plan international. D'ailleurs, c'est une de nos caractéristiques comme pays. On est membre du Commonwealth ainsi que de la Francophonie. On est également membre de l'Organisation des États américains. D'ailleurs, notre membership dans l'Organisation des États américains est assez significatif eu égard à notre participation à tout ce qui se fait autour du conflit haïtien. Il y a donc une relation entre tous ces forums auxquels nous participons, et notre participation reflète notre perspective du monde et le rôle que nous espérons jouer.
La résolution d'aujourd'hui touche directement la question de la Bosnie. J'aimerais vous faire part brièvement des commentaires de notre parti eu égard aux grands enjeux qui se posent à un moment où nous aurons à décider de notre participation à partir du 31 mars prochain, cela dans un contexte élargi que nous propose le gouvernement.
[Traduction]
On invoque trois aspects lorsqu'il est question de notre participation à l'effort de maintien de la paix, puis de rétablissement de la paix, non seulement en Bosnie, mais également dans le reste du monde. Le premier aspect a trait au facteur de risque et au fait que le risque est devenu plus grand qu'on ne l'avait prévu.
Le deuxième aspect revient à se demander si nous faisons notre juste part. La question a été soulevée à maintes reprises aujourd'hui dans cette enceinte. Quant au troisième aspect, il s'agit de se demander si on a les moyens de continuer dans cette voie.
Pour ce qui est du risque, permettez-moi de citer un Canadien bien en vue, le général MacKenzie, la première personne à avoir dirigé la participation canadienne sur ce théâtre. Interrogé par les membres d'un comité sur la question de savoir si le Canada devait s'en tenir au chapitre 6, c'est-à-dire le concept traditionnel de maintien de la paix, il a eu cette réponse élégante et je cite: «Vous le pourriez certes, mais, en tant que soldat de métier, je serais passablement gêné si vous le faisiez.»
Cette réponse s'inscrit dans une perspective que je partage. Lorsque les opérations de maintien de la paix ont commencé, nous avons éprouvé les douleurs de l'enfantement. On a tendance à l'oublier, car, à l'époque, il s'agissait d'une aventure très risquée, mais nous avons persisté dans notre effort et le Canada a su montrer la voie à suivre. Nous nous sommes forgé un rôle et avons élaboré un concept qui s'est étendu au monde entier. Si je parle ainsi, c'est que j'ai l'impression que, maintenant qu'il s'agit d'opérations de rétablissement de la paix, nous éprouvons encore une fois les douleurs de l'enfantement.
Certes, le risque est peut-être différent et plus grand encore. Par contre, comme le général MacKenzie l'a dit, si notre engagement, notre destinée, consiste à aller de l'avant et à forger ce concept, il nous faut accepter le fait qu'il y ait un risque et que, collectivement, nous sommes disposés à l'affronter.
À propos de la Bosnie, il est important que nous réalisions que nous y avons accompli beaucoup de choses. Je me joins donc aux autres députés pour souligner la contribution qu'ont apportée à cette partie du monde tous ces hommes et toutes ces femmes, dont plusieurs de ma circonscription.
Récemment, Barbara McDougall, notre ancienne secrétaire d'État aux affaires extérieures, a rédigé pour le Globe and Mail un article qui portait sur cette contribution. Je puise dans ses observations quelques-uns des éléments que nous devrions reconnaître, certains succès très importants que nous avons remportés. «Jusqu'ici, nous avons atteint l'objectif stratégique qui consistait à empêcher que les hostilités ne s'étendent à d'autres régions,y compris le Kosovo.»
Elle ajoute: «Les soldats des Nations Unies chargés du maintien de la paix, y compris les Canadiens, ont contribué à maintenir une trêve difficile entre Serbes et Croates dans les régions contestées de la Croatie.» Sans paraître vouloir sous-estimer la situation et les risques que courent nos troupes là-bas, je peux dire que leurs efforts ont été passablement couronnés de succès.
Enfin, et le plus important, «l'aide humanitaire a permis de sauver des vies.»
Voilà trois secteurs où nos efforts ont vraiment porté fruit, et j'estime que nous devrions en tenir compte.
En courant ce risque qui est réellement encore plus grand, nous voudrons sûrement poursuivre les efforts que d'autres ont commencé.
(2150)
Très peu de pays peuvent s'enorgueillir d'avoir trouvé les solutions de commandement, de contrôle et d'approvisionnement aux problèmes inhérents que pose une mission multinationale, comme la multitude des langues, les différences culturelles et les diverses structures de commandement.
360
Le Canada est l'un de ces rares pays. C'est pour cette raison que j'espère qu'il continuera de maintenir des troupes dans cette région.
Dans un document intitulé Agenda pour la paix, le secrétaire général a exposé les problèmes et proposé des solutions.
[Français]
L'Agenda pour la paix du Secrétaire général trace un portrait et propose des domaines d'intervention: la diplomatie préventive, le rétablissement de la paix, le maintien de la paix, l'établissement des conditions d'une paix durable.
[Traduction]
Dans l'Agenda pour la paix qu'a proposé le secrétaire général des Nations Unies, certains disaient que les Nations Unies pourraient constituer une force prête à intervenir. Mais dans le même document, on estimait que ce n'était pas une des solutions à envisager.
À la suite de l'expérience que nos troupes ont vécue en Bosnie, j'estime que nous devrions peut-être revoir cette position. Mon parti croit que, à tout le moins, nous devrions réfléchir très sérieusement à l'expérience qu'elles ont connue là-bas et, à la veille de leur 50e anniversaire, les Nations Unies devraient peut-être réexaminer cette question très attentivement.
Cette expérience nous a également appris que nous devrons prendre un engagement très sérieux envers le multiculturalisme. La situation qui règne dans d'autres pays, comme la Somalie, semble indiquer qu'il reste encore du chemin à faire. Je pense à nos amis américains qui ont eu de la difficulté à s'adapter à ce nouveau contexte du multiculturalisme qui reflète ce qui s'est produit ces dernières années. Nous avons tiré des enseignements de la guerre du Golfe. Nous assistons actuellement au déclin des superpuissances et à l'évolution de la structure mondiale, un défi qui vaut également pour le maintien de la paix.
À notre avis, il y a à apporter, dans ce domaine, des réformes importantes que les Nations Unies devraient examiner. En fait, il y en a environ huit. Je tiens tout de suite à préciser que ces réformes gravitent autour des Nations Unies qui servent d'élément cardinal de ce nouvel ordre mondial dont nous entendons tant parler.
[Français]
Il faut rationaliser les opérations de l'ONU et repenser son rôle dans la promotion de la paix et de la sécurité.
Notre parti pense qu'il y a un certain nombre de réformes que les Nations Unies doivent anticiper. Premièrement, la création d'un état-major stratégique permanent pour renforcer les capacités de gestion et de planification et la capacité opérationnelle de l'ONU; deuxièmement, le renforcement de la capacité de l'ONU en matière de diplomatie préventive et analyse de politique indépendante des situations explosives; troisièmement, des engagements formels des États membres de tenir à la disposition de l'ONU des troupes prêtes à intervenir en cas de besoin, à l'exemple même du Canada; quatrièmement, un programme de formation à l'intention d'un corps d'officiers de haut rang prêt à diriger les effectifs dans les situations complexes, difficiles et dangereuses; cinquièmement, l'établissement d'un code de conduite et de mode d'opération commun à l'ensemble des militaires servant sous la bannière de l'ONU; sixièmement, la rationalisation des institutions de l'ONU partout où c'est possible afin d'alléger leur structure et de les rendre plus efficaces, plus concentrées, plus responsables, plus sensibles aux besoins; septièmement, l'engagement des États membres de payer intégralement et à temps les sommes dues à l'ONU; huitièmement, l'application plus stricte des dispositions du traité de non-prolifération des armes nucléaires et l'imposition de sanctions plus sévères à ceux qui ne les respectent pas.
Monsieur le Président, je vous vois me faire signe que mon temps de parole se termine, que j'arrive à la fin de mes dix minutes. Très rapidement, en terminant, il y avait un deuxième point et c'était la question à savoir si le Canada payait sa part. Très brièvement, le commentaire que je voulais faire est le suivant.
[Traduction]
En ce qui concerne la vieille question de la juste part, il vaut la peine de s'arrêter, ne serait-ce qu'une seconde, à notre contribution à l'OTAN. Nous n'avons jamais fait la contribution la plus importante. Si l'on compare cette contribution à celle que nous faisons au maintien de la paix, les Canadiens pourraient bien trouver, comme dans le cas d'autres pays, cette contribution assez satisfaisante.
Pour ce qui est de savoir si nous pouvons nous le permettre, nous devons faire preuve d'une grande créativité et d'une grande conscience dans notre façon d'aborder cette question. La part de 10 p. 100 est une chose à laquelle nous voulons réfléchir. Cependant, j'encourage le gouvernement, le ministre et ce Parlement à appuyer nos efforts dans ce domaine.
Je n'ai pas de réponses toutes faites à proposer à la question de savoir si nous devrions ou non poursuivre nos efforts, mais notre parti est porté à maintenir l'appui du Canada tant et aussi longtemps que la communauté internationale respectera ses engagements. Nous pourrions alors nous fixer des objectifs raisonnables en ce qui concerne notre contribution, notre participation et notre retrait.
(2155)
[Français]
M. Joseph Volpe (Eglinton-Lawrence): Monsieur le Président, je sais qu'il est très difficile de voir les députés de ce coin. Ici, je me sens éloigné de la lumière.
Je voudrais vous féliciter pour votre nomination. Je sais que vous avez bien servi la Chambre et le peuple canadien, autant de ce côté-ci de la Chambre que de l'autre. Je suis sûr que vous vous acquitterez bien des tâches qui vous sont dévolues, car vous avez déjà démontré une grande capacité, laquelle inclut aussi cet aspect de «peacekeeping».
361
[Traduction]
Nombre de mes collègues, y compris celui qui vient de prendre la parole au sujet de l'importance du maintien de la paix, ont commencé à réfléchir à ce que nous devrions faire au juste dans ce cas et en ce qui concerne le maintien de la paix.
Je suis impressionné-et je suis sûr que nombre des habitants de ma circonscription et du Canada le sont également-par les raisons que l'on nous a données pour expliquer notre présence en Bosnie-Herzégovine aujourd'hui. L'une de ces raisons est que nous avons dans ce pays pour tradition d'accepter la responsabilité de contribuer au maintien de l'ordre mondial, à l'établissement d'une forme civilisée de gouvernement, au maintien de la paix et à la dissémination de l'idée du droit qui qui devrait régir tous les pays.
L'un de mes collègues du Bloc est allé jusqu'à dire-je paraphrase parce que certains propos m'ont frappé-
[Français]
Les Canadiens ont démontré une fierté dans ce travail, parce que, dans ce rôle, le Canada a travaillé pour la liberté, pour l'établissement de la démocratie, pour la protection des droits humains.
[Traduction]
Ce ne sont pas là de maigres ambitions, de piètres objectifs et de pauvres buts que nous poursuivons à l'égard de nos soldats en Bosnie-Herzégovine et ailleurs. En fait, ce type d'objectifs a fait à plusieurs égards de notre pays un leader pour ce qui est d'établir pour nos Forces armées non seulement une philosophie, mais aussi un mécanisme et un rôle que tout le monde devrait suivre.
En fait, ça a été pour nous une façon pragmatique de faire face au type limité de ressources militaires que nous pouvions mettre à la disposition d'un théâtre dans une région du monde. Il est juste de dire que même en faisant un gros effort d'imagination, nous ne sommes une menace militaire pour aucun pays du monde, étant donné le nombre de soldats que nous avons. Par contre, nous utilisons nos soldats intelligemment. Nous les avons mis au service du maintien de la paix. Nous les avons utilisés pour enseigner aux autres la façon d'établir l'ordre, ainsi que d'avoir et de maintenir à l'égard du règlement des conflits une approche qui pourrait conduire ultimement à une paix durable.
Nombre de mes collègues à la Chambre et nombre de Canadiens semblent aujourd'hui ambivalents parce qu'aucun de ces idéaux et aucune de ces valeurs ne leur apparaissent aussi clairs qu'autrefois.
Le député de Sherbrooke a parlé, il y a quelques instants, de toutes les initiatives importantes qui ont été prises plus ou moins au cours de la dernière décennie. Cependant, ces initiatives ne sont plus très claires dans l'esprit du public. Pourquoi? Nous voyons tous quotidiennement des images répugnantes qui donnent à penser que nous sommes peut-être moins efficaces qu'auparavant et c'est peut-être ce qui nous blesse le plus.
(2200)
Un de nos collègues a déclaré plus tôt qu'il était révolté par la barbarie, les atrocités, l'horreur et la destruction causées par tous les belligérants. Personne n'a mentionné l'agresseur et c'est justement l'un des problèmes lorsqu'on parle du maintien de la paix dans le contexte de ce qui fut la Yougoslavie; il y a plusieurs belligérants, mais personne n'a nommé un agresseur. Lorsqu'on compare la présente situation où se trouvent nos forces armées à notre engagement précédent dans la guerre du Golfe, il y a par conséquent une différence fondamentale: dans le présent cas, on ne nomme pas l'agresseur. On laisse donc les autres nous dicter notre conduite à cause de ce vide.
Nous sommes presque quotidiennement témoins du fait que toutes nos bonnes intentions, nos ressources, les risques que nos jeunes hommes et femmes doivent prendre sur le théâtre de guerre ou au sein du conflit ne produisent aucun résultat. Cela nous abasourdit à un point tel que certains députés adoptent simplement l'opinion publique, à savoir que toute cette opération n'est pas rentable.
Un de mes collègues, le député de Hamilton-Wentworth, a posé une question fort pertinente. Il a demandé comment on pouvait mesurer la rentabilité d'une valeur morale, d'une valeur d'application internationale, d'une valeur ayant un impact à long terme sur l'ordre social.
Certains ont indiqué que nous assumons, comme nous le faisons lors de tous nos engagements, presque tous les coûts en équipement. D'autres, nos alliés, nos amis de l'ONU et de l'OTAN, n'ont pas suivi cet exemple.
Enfin, on ne semble pas savoir quoi faire pour aider nos soldats qui sont, j'oserais dire comme certains députés de cette Chambre même si je ne veux pas traiter le sujet à la légère, coincés, dominés par des belligérants qui n'ont aucun respect pour leurs objectifs et pour les motifs altruistes qui les ont amenés à cet endroit. Pire encore, il semble que ce soient nos propres alliés qui nous manipulent parce qu'ils sont engagés dans une spirale de tactiques militaires juste au moment où l'on constate une évolution dans le domaine de la pacification et du maintien de la paix.
On pourrait croire que j'ai fait un lapsus freudien en parlant d'évolution dans la pacification et le maintien de la paix, mais à la dernière session de la Chambre, la discussion est passée du maintien de la paix à la pacification et comment nos obligations ont radicalement changé dans le contexte de la guerre du Golfe. À partir du moment où nous avons modifié la définition qui avait jusque-là guidé pratiquement toutes nos interventions sur la scène mondiale, nous avons assumé un éventail complet de nouvelles obligations, qui influaient sur le matériel et les effectifs nécessaires et sur l'issue souhaitée.
Nous n'avons pas encore établi d'explication définitive de ce qu'est la pacification. Si je me fie à mes électeurs, c'est ce que la plupart des Canadiens souhaitent désespérément, aujourd'hui, pour les habitants des Balkans. Ils espèrent que quelqu'un imposera la paix, qu'on rétablira la paix. C'est alors que nous nous porterions volontaires pour aller y maintenir cette nouvelle paix.
362
Mais nous ne sommes pas de ceux qui ont ce pouvoir. Nous n'avons pas voix au chapitre. Notre ministre des Affaires étrangères nous a donné une explication très détaillée de ce qui se passe entre les alliés, chronologiquement, percée par percée, à la table de négociation d'un accord politique. Il nous a dit comment on traitait actuellement la situation en Bosnie-Herzégovine.
Je me demande donc si nous devons examiner cette opération particulière de maintien de la paix ou plutôt nous interroger sur le principe du maintien de la paix en soi?
Je sais que vous voulez me laisser juste un petit moment pour terminer, monsieur le Président. C'est ce qui est malheureux quand on n'a que dix minutes pour intervenir. Bien sûr, je profiterai des 55 secondes supplémentaires que vous m'accordez pour conclure.
(2205)
Je crois que la Chambre devra maintenant se pencher sur certaines des propositions intéressantes qui ont été formulées des deux côtés. Par exemple, je suis fier d'avoir moi-même présenté, en 1989, une proposition de conversion de l'une de nos bases militaires en centre international de formation au maintien de la paix. Pour mes collègues du Parti réformiste, je précise que cela aurait représenté des recettes d'environ 80 millions de dollars par année et aurait donné aux nations du monde entier la possibilité d'acquérir des compétences militaires et para-militaires applicables en temps de paix, ou en cas de conflit, aux quatre coins du monde.
Cette idée n'a pas reçu toute l'attention qu'elle méritait, mais on envisage toujours sa réalisation à la base des Forces canadiennes de Cornwallis. Monsieur le Président, je sais que vous allez me permettre d'encourager mes collègues du gouvernement à réexaminer la question et à réévaluer nos responsabilités. Nous devons être là où sont nos obligations. Acquittons-nous de nos responsabilités et demandons-nous de nouveau quel est le meilleur usage que nous puissions faire de notre matériel et de l'expertise que nous avons acquise.
[Français]
Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis): Monsieur le Président, à l'occasion de mon premier discours devant cette Chambre, je tiens à vous féliciter pour votre nomination. Je souhaite également remercier tous les électeurs et électrices du comté de Saint-Denis de m'avoir accordé leur appui. Je suis fière en qualité de Canadienne et de Québécoise d'origine grecque, et la première femme d'origine grecque élue à cette Chambre, de les représenter ici aujourd'hui.
[Traduction]
La circonscription de Saint-Denis est à plusieurs égards un microcosme du Canada. Issus de communautés culturelles de toutes les régions du monde, les électeurs de ma circonscription portent un grand intérêt à l'établissement ou maintien de la paix, et c'est ce qui explique mon intervention aujourd'hui.
[Français]
Je suis persuadée que les gardiens de la paix canadiens qui se trouvent dans l'ancienne république de Yougoslavie, et notamment en Bosnie, ne devraient pas en être retirés.
[Traduction]
Le Canada a un rôle très important à jouer dans la solution de ce conflit. Le retrait de nos troupes équivaudrait à renoncer à notre responsabilité envers la communauté internationale, et plus encore à nos idéaux, alors que le Canada fut l'un des premiers à appuyer le concept de maintien de la paix. Nous avons accompli beaucoup de progrès depuis l'époque où la Ligue des nations avait échoué dans sa tentative d'éviter un conflit mondial; la formule de maintien de la paix créée par les Nations Unies s'est révélée beaucoup plus efficace. D'autres crises se produiront, mais nous ne devrons jamais renoncer à chercher des moyens de les prévenir.
Riche d'une longue et remarquable tradition de gardien de la paix, le Canada a la responsabilité morale de contribuer à la recherche d'une solution, notamment en atténuant les tensions et la méfiance qui affligent l'ancienne Yougoslavie. Il n'existe pas d'ennemis irréconciliables, pour peu qu'ils apprennent à se connaître et à se respecter.
[Français]
Il est de notoriété publique que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies éprouvent des difficultés à certains endroits, comme par exemple dans l'ancienne Yougoslavie ou bien en Somalie. Mais les résultats de toutes les opérations de maintien de la paix ont été effectivement positifs dans leur ensemble. Par exemple, bien que la situation à Mogadiscio soit toujours très tendue et instable, le reste de la Somalie a démontré une extraordinaire capacité de récupération. N'est-il pas merveilleux de constater aujourd'hui que grâce aux efforts de maintien de la paix des Nations Unies, les Somaliens et Somaliennes de tout âge ne meurent pas plus de faim! Et que dire des succès remarquables des Nations Unies au Cambodge? Ce pays a encore un long et difficile chemin à parcourir, mais il peut maintenant espérer avoir un avenir.
[Traduction]
Comme je le disais, les forces de maintien de la paix des Nations Unies, et les troupes canadiennes en particulier font face à de nombreuses difficultés dans l'ancienne Yougoslavie. Ce n'est cependant pas le retrait mais la persévérance qui produira un résultat positif, celui que nous cherchons à réaliser depuis maintenant près de deux ans.
[Français]
Nos gardiens de la paix jouent maintenant un rôle essentiel pour empêcher des bains de sang. Les pertes civiles auraient sans doute été beaucoup plus lourdes sans leur intervention. Leur retrait à ce moment n'aurait pour effet que de provoquer une escalade de la violence.
(2210)
Du reste, lorsque nous évaluons l'utilité de la présence de nos gardiens de la paix, nous devons nous efforcer de prévenir le déclenchement d'hostilités qui auraient seulement pour effet d'embourber nos troupes dans ce conflit.
[Traduction]
La décision de quatre États de l'union européenne, en décembre dernier, d'établir des relations diplomatiques avec l'ancienne république yougoslave de Macédoine a accru les risques d'une
363
nouvelle flambée de violence dans les Balkans. La reconnaissance prématurée de la Bosnie-Herzégovine a aussi contribué à sa désintégration politique et au conflit armé qui persiste toujours.
Évitons donc d'établir des relations diplomatiques hâtives, de peur de nous retrouver nous-mêmes dans une situation tout aussi difficile. Évitons d'engager nos forces sur une plus grande échelle dans l'ancienne Yougoslavie.
L'union européenne n'a toujours pas réussi à adopter une politique cohérente et unifiée pour résoudre le problème des Balkans. Le Canada doit se montrer plus avisé; il ne serait pas sage de retirer nos troupes en ce moment critique.
[Français]
Le Canada renouvelle son appui aux Nations Unies et à la CSCE. Notre pays s'est engagé à renforcer l'alliance de l'Atlantique nord, dont le rôle est tellement important dans les opérations de maintien de la paix.
[Traduction]
L'OTAN a été créée pour contrer les menaces réelles que l'Union soviétique de Staline faisait peser sur l'Europe de l'Ouest. Puisque ceux qui ignorent les leçons de l'histoire sont condamnés à répéter les erreurs déjà commises, ne renonçons pas précipitamment à cette excellente institution qui nous a si bien servis pendant plus de quatre décennies. Depuis la chute de l'Union soviétique, l'OTAN doit se trouver une nouvelle mission sur la scène internationale et le Canada a un rôle important à jouer dans la définition de cette mission.
[Français]
Le rôle primordial de l'OTAN doit demeurer la dissuasion; pas l'agression, mais la dissuasion. De plus, l'OTAN est un outil indispensable pour assurer le soutien logistique des interventions humanitaires ou de maintien de la paix.
[Traduction]
Le dernier point, mais non le moindre, est que l'OTAN demeure la seule institution capable d'intégrer les États d'Europe de l'Est en leur accordant un statut adéquat à l'intérieur d'un cadre de sécurité collective régionale éprouvé.
[Français]
La véritable question en ce qui concerne l'OTAN n'est pas de décider si celui-ci est ou non «dépassé», mais de décider quelle en sera la nouvelle forme. C'est là la question que nous devons étudier dans le cadre général des opérations de maintien de la paix.
[Traduction]
Nous pouvons tirer plusieurs leçons importantes du passé récent et les appliquer à nos efforts de maintien de la paix en Bosnie. Premièrement, il est important de savoir où on peut être utile. Il est parfois préférable de limiter une intervention au seul plan humanitaire s'il s'avère impossible d'amener des adversaires à entendre raison. Dans le cas de la Bosnie, nous avons le devoir de protéger et d'aider d'innocentes victimes et de réduire au minimum le bain de sang.
Deuxièmement, nous devons faire preuve de patience. Certains conflits ne peuvent pas être résolus en quelques semaines ou même en quelques années. Il faut parfois des décennies de patients efforts pour rapprocher les opposants et les amener à se respecter.
Troisièmement, assurer une efficacité maximale en ayant un leadership fort et des objectifs précis. Il suffit de comparer l'efficacité des forces coalisées durant la guerre du Golfe à l'inefficacité de l'intervention actuelle en Bosnie.
Quatrièmement, il faut respecter les règles de la sécurité collective. L'orgueil ou les préjugés nationaux ne doivent pas l'emporter sur la nécessité d'avoir un système de sécurité efficace. Les Français, les Allemands et les Britanniques regrettent maintenant amèrement leur empressement, leurs divergences et leurs efforts bâclés pour assurer le maintien de la paix dans l'ancienne Yougoslavie.
[Français]
Cinquièmement, il vaut mieux prévenir que guérir. La prolifération de la connaissance et des technologies nucléaires doit nous rappeler constamment ce fait troublant que peut-être, un jour, la prévention sera le seul obstacle à une apocalypse dans un coin pas très éloigné du globe.
[Traduction]
Le monde d'aujourd'hui est bien différent de ce qu'il était il y a cinq ans. En janvier 1989, qui aurait cru à l'effondrement du mur de Berlin si tôt après celui de l'empire soviétique? De même, qui se serait attendu à ce qu'Israël entame des négociations de paix avec l'OLP, ou encore à ce qu'il y ait des élections multiraciales en Afrique du Sud?
(2215)
Comme le disait la semaine dernière le gouverneur-général dans le discours du Trône, nous avons entretenu l'espoir d'une paix mondiale, mais ce rêve s'est rapidement évanoui. En ce moment, dans certains pays, la démocratie est menacée et son avenir est incertain.
Je suis née en Grèce, le berceau de la démocratie. Mes parents ont immigré au Canada parce que ce pays était réputé pour son profond respect de la démocratie. Fidèles à cette tradition, les Canadiens poursuivent leur engagement indéfectible envers le maintien de la paix.
Il incombe au Canada de faire preuve de responsabilité en travaillant à la solution de ce conflit. Le retrait des troupes canadiennes n'y contribuerait pas, mais de plus grandes concessions de la part de la communauté et des organisations internationales comme l'ONU et l'OTAN permettront d'atteindre ce but.
[Français]
Nous devons continuer à faire notre part pour nous assurer que lorsque les conflits auront été résolus, nos gardiens de la paix pourront recevoir une partie du crédit pour le retour de la paix dans cette région troublée.
364
[Traduction]
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de me joindre au débat sur cette question des plus importantes. Ayant personnellement suivi le dossier de la Bosnie et de la Croatie depuis plusieurs années, je prends un intérêt tout particulier à ce débat.
Comme je le disais plus tôt, j'ai aidé à organiser un groupe de parlementaires qui ont joué le rôle d'observateurs lors des premières élections libres en Croatie. J'ai fait de même en Bosnie-Herzégovine.
Je me souviens avoir passé le soir des élections avec le parti musulman à célébrer sa victoire et son succès à ces premières élections libres. À l'époque, j'espérais que la Bosnie ferait le lien entre le monde musulman du Moyen-Orient, l'Europe et la culture occidentale. Ces gens m'avaient très favorablement impressionné. Après avoir rencontré les musulmans de Bosnie, j'avais bon espoir que de tels liens se forgeraient entre les deux cultures, les deux religions.
Heureusement ces espoirs, je les ai nourris aussi à l'égard de la Croatie et de son nouveau gouvernement que j'ai aidé de bien des façons. Les Croates voulaient savoir comment constituer une commission de la fonction publique, créer des ministères, en quoi consister la réglementation environnementale, bref, tout ce qui est nécessaire à l'établissement d'un gouvernement. Quelle n'était pas leur excitation à l'idée de reconstituer leur nation et de pouvoir clamer leur nationalité!
Ce fut une période de grand espoir et d'optimisme. J'ai alors compris qu'en dépit de ces longues années sous un régime totalitaire qui avait essayé de supprimer la région et le nationalisme, ils n'avaient pas disparu. Moi qui suis internationaliste, j'ai compris qu'on ne pouvait éliminer le nationalisme.
La seule façon d'y parvenir comme nous l'avons vu en Europe de l'Ouest, et sur le continent nord-américain, c'est par l'évolution des nations qui, se rapprochant, commencent à comprendre qu'elles ont plus en commun qu'elles ne le pensaient; c'est alors qu'émerge une attitude entièrement nouvelle.
Mais si on supprime le nationalisme, tout ce qu'on arrive à faire, comme j'ai pu le constater en Bosnie et en Croatie, c'est à le faire disparaître sous la surface et aussi tôt l'interdit levé, il ressurgit aussi fort qu'avant. L'évolution des cultures, des peuples et des religions ne passe pas par la suppression.
À l'époque, je craignais qu'avec l'effondrement du mur de Berlin et la levée des interdits, les groupes qui avaient été opprimés ne réclament leur indépendance. Dans une lettre au ministre des Affaires extérieures et dans un discours à la Chambre, j'avais alors recommandé qu'on suive trois principes.
Le premier était le droit à l'auto-détermination. En suivant un processus démocratique, le peuple croate pouvait décider de devenir indépendant. Il en avait le droit.
(2220)
Selon le deuxième principe, les frontières actuelles devraient être maintenues et la communauté internationale ne devrait pas tolérer qu'une force armée les modifient. Les frontières ne pourraient être changées que par le recours à la négociation et à l'arbitrage parfois, mais ce serait uniquement au moyen d'un processus de ce genre que les frontières pourraient changer.
Le troisième principe, c'est le respect des droits des minorités. Les groupes minoritaires et les populations formées de groupes ethniques différents se sont beaucoup déplacés dans l'ancienne Yougoslavie et dans l'ex-URSS.
Comment faut-il traiter cette situation? Pour assurer le respect des groupes minoritaires, il ne suffit pas d'en parler dans des termes constitutionnels très éloquents, mais il faut établir des mécanismes comme ceux que nous possédons, notamment la Commission des droits de la personne. Nous avons besoin d'un tribunal qui entende des plaintes, intente des poursuites et, au besoin, impose des amendes et des peines. Ce tribunal pourrait faire respecter les droits des minorités, qu'il s'agisse de minorités serbes en Croatie ou de minorités musulmanes en Serbie. Ces droits seraient respectés parce qu'ils seraient les droits d'êtres humains. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est produit et c'est pourquoi l'ancienne Yougoslavie connaît cet enfer.
En janvier 1992, je me suis rendu dans un petit village appelé Vocin, où une chapelle du XVIe siècle avait été complètement détruite. À mon entrée dans le village, j'ai bien vu tous les petits cailloux qui avaient été projetés partout. On m'a alors expliqué que plusieurs milliers de tonnes d'explosifs avaient été utilisés et que quelque 45 personnes âgées en moyenne de 65 ans avaient été tuées. C'était des Croates. L'un ou deux d'entre eux étaient des Serbes qui avaient essayé de les protéger.
À l'endroit où je me tenais, il restait encore les menottes qui avaient été mises à un vieil homme à qui on avait tiré une balle à l'arrière de la tête. Son corps avait été scié en deux et on avait tenté de lui brûler les pieds, au point qu'il n'en restait qu'une partie.
Quelle folie, quelle insanité et quelle déraison! C'était comme si les forces du mal avaient été déchaînées dans ce village, comme si des tueurs en série s'étaient amusés à torturer la population.
Et cette folie continue. On entend dire que les islamistes fondamentalistes, les moudjahiddin, défendent la cause des Bosniaques. On entend également dire que certains membres de la police secrète d'Albanie, de Russie et de l'est de l'Allemagne luttent du côté des Serbes.
365
La semaine dernière, j'ai déjeuné avec une fonctionnaire d'assez haut rang au sein du gouvernement croate. Elle m'a rapporté le cas d'un jeune Croate qui avait vu la tête de son meilleur ami piquée au bout d'une perche. Fou de rage, il s'était adonné à toutes sortes d'atrocités dans le village musulman.
La folie se poursuit sans arrêt. Je pensais qu'elle me décrivait un fête aux enfers. Que pouvons-nous faire? Pourquoi nos jeunes militaires canadiens devraient-il s'exposer à de tels risques? Pour nous, ce conflit n'a aucun intérêt économique ou stratégique, par contre, il revêt un certain intérêt moral.
À la fin de la dernière grande guerre, le monde disait: «Jamais plus nous ne tolérerons ce genre de génocide.» Pourtant, l'holocauste se reproduit de nos jours.
Je proposerais que les Forces armées canadiennes, de concert avec les troupes de l'ONU et les forces armées d'autres pays, aménagent des havres sûrs, où tous les hommes, les femmes et les enfants qui veulent échapper à ces horreurs pourraient trouver refuge. Nous proposons également que les Croates et les Serbes. . .
Le vice-président: Je regrette, mais le temps de parole du député est écoulé et de nombreux autres députés veulent intervenir.
M. de Jong: Monsieur le Président, pourrais-je avoir le consentement unanime de la Chambre pour prendre une minute de plus afin de terminer mon exposé?
Le vice-président: Y a-t-il consentement?
Des voix: D'accord.
M. de Jong: Monsieur le Président, les Forces armées canadiennes ont un rôle à jouer en Croatie. Le tiers du territoire de la Croatie est encore occupé par les forces serbes. Nos soldats ne peuvent quitter la région. Si nous retirons nos troupes de la Croatie et de la Bosnie, l'holocauste prendra des proportions inimaginables. Cela ne fait absolument aucun doute.
(2225)
Même si le conflit en Croatie n'a pas été réglé, au moins les combats et les massacres ont cessé. Les Croates et les Serbes se parlent. Ils ont conclu une entente. Ils ouvriront des ambassades dans le pays de leurs adversaires et parviendront un jour à régler leurs différends par la négociation, évitant ainsi le massacre de nombreux autres hommes, femmes et enfants.
Nos soldats canadiens ont sauvé des centaines de milliers de vies. L'heure n'est sûrement pas venue de mettre fin à nos efforts louables.
Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, c'est un plaisir de prendre la parole à la Chambre pendant que vous êtes au fauteuil et, en dépit de l'heure tardive, de voir que certains collègues sont toujours ici.
Puis-je dire à quel point je trouve vraiment opportun que le premier débat spécial de la présente législature porte sur le maintien de la paix et cela, pour plusieurs raisons.
D'abord, l'élection de 200 nouveaux députés manifeste du désir des Canadiens que les choses changent et, en même temps, que le Parlement revienne à l'essentiel. Certes, la quête de la paix et de la justice constitue la vocation première du gouvernement, mais la paix n'est pas un objectif facile à atteindre. Les grands penseurs du passé ont médité sur sa nature insaisissable. Est-ce l'incapacité des particuliers à résoudre leurs différends sans recourir à la violence qui se reflète dans les guerres civiles et les conflits internationaux? Ou sont-ce les conflits internationaux qui laissent dans leur sillage un style de violence qui fait son chemin à partir du front jusque dans les villes, les différents quartiers et, en fait, les foyers?
Ensuite, le sujet est pertinent puisque les Pères de la Confédération l'ont choisi comme premier des trois principaux objectifs de notre pays, avant l'ordre et le bon gouvernement.
Enfin, la situation effroyable qui prévaut en Bosnie-Herzégovine angoisse tous les Canadiens qui assistent tous les soirs sur leurs écrans de télévision à la souffrance humaine.
Par conséquent, je tiens à remercier le premier ministre d'avoir annoncé une réforme de la politique étrangère et de défense et le ministre de la Défense nationale, de nous avoir fourni l'occasion de donner notre opinion.
Rien ne me lie personnellement au domaine militaire ou au sujet du débat, mais je sais qu'en ce moment, les Canadiens s'intéressent de près aux dépenses de leur gouvernement et remettent même en cause l'utilité des dépenses militaires à long terme. Ils ne croient plus que les Russes constituent une menace et la protection qu'ils veulent, c'est la protection contre les pertes d'emploi, la pauvreté, la faim, la maladie et l'escalade de la violence dans leur société.
Ils comprennent que la défense et l'achat de matériel militaire toujours plus perfectionné nécessitent de précieuses ressources qui pourraient servir à l'édification du pays. Par exemple, on a dit que les travailleurs de la santé et les bénévoles des groupes communautaires qui s'occupent des levées de fonds pour les hôpitaux locaux se demandent pourquoi ils organiseraient des ventes de pâtisseries pendant que le gouvernement envisage de dépenser des sommes astronomiques pour l'armée.
Les Canadiens reconnaissent cependant que l'armée offre des emplois, permet à des chercheurs scientifiques de faire carrière, contribue aux profits de certains gens d'affaires et aide, au niveau local, certains politiciens.
En dépit des questions que soulèvent les dépenses de notre défense nationale, je crois que la plupart des Canadiens sont fiers de notre rôle dans le maintien de la paix et de la réputation que nous nous sommes taillée en intervenant dans des endroits troublés de la planète. Très peu savent que le coût du maintien de la paix ne représente qu'environ 2 p. 100 des dépenses militaires dont ils s'inquiètent tant.
Les Canadiens savent que la fin de la guerre froide et l'émergence du tribalisme ont transformé la nature des conflits qui émergent.
366
Aujourd'hui, les gardiens de la paix des Nations Unies doivent faire face à des situations inédites. Mais est-ce que cela veut dire que nous devrions abandonner notre rôle honorable traditionnel? Je ne crois pas. Je vois plutôt la nécessité de déterminer la meilleure façon d'aider les innocentes victimes de toute cette violence.
(2230)
Nous ne sommes cependant pas obligés de réinventer la roue. Durant la dernière législature, des sous-comités de la Chambre ont examiné cette question, ainsi que le Sénat du Canada, qui a publié l'an dernier un rapport intitulé Le Canada face au défi du maintien de la paix dans une ère nouvelle. Je crois que nous pouvons nous servir du travail qui a déjà été fait comme guide dans nos décisions futures.
Nous pouvons être tentés de dire: «La situation est désespérée; retirons-nous.» Par contre, nous pouvons aussi réagir à la violence dont nous sommes témoins et dire: «Soyons plus fermes; intensifions notre intervention grâce à un nombre accru de soldats et à des raids aériens peut-être.» Ce sont des suggestions tentantes.
Si nous sommes les véritables gardiens de la paix, nous reconnaîtrons que la violence engendre la violence et nous suivrons la voie modérée proposée par le Sénat dans ses recommandations, recommandations qui répondent d'ailleurs à la plupart des questions soulevées aujourd'hui à la Chambre.
Respectons notre tradition de modération, qui nous a bien servis. N'adoptons pas une position extrême simplement pour respecter un délai. Cela s'est produit trop souvent, à mon avis, durant la dernière législature. Soyons des chefs de file dans le domaine de la prise de décisions de portée internationale.
Tous les pays membres des Nations Unies échouent dans leurs tentatives d'intervention dans ces guerres ethniques. La meilleure façon d'aider nos frères et nos soeurs du monde entier, c'est d'élaborer une politique étrangère bien réfléchie qui servira ensuite à guider nos activités militaires.
Nous commençons une nouvelle législature. Prenons le temps qu'il faut pour élaborer un plan cohérent. N'abandonnons pas tous ces gens vulnérables en Bosnie et n'abandonnons pas non plus notre tradition de modération dans les relations internationales.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, j'interviens dans le présent débat à titre de député d'une circonscription et d'une région dont les fils et les filles, les Côté, D'Amour, Babin, Dumas, Gagnon, Grand'maison, Laliberté, Landry, Morel, Pelletier et Paré, ont contribué ou contribuent quotidiennement à la mission de l'ONU en Bosnie.
La participation des soldats issus de la circonscription de Kamouraska-Rivière-du-Loup, et aussi de celle de Rimouski-Témiscouata, qui interviennent en Bosnie se fait sur une base volontaire. Il s'agit de membres des Fusiliers du Saint-Laurent, garnisons de Rivière-du-Loup et de Rimouski.
Les questions qui se posent à nos concitoyens, et particulièrement aux parents et aux amis des soldats qui constituent la force du Canada dans cette opération internationale très complexe, sont les suivantes. La sécurité de nos troupes est-elle assurée? Leur mission est-elle précise? Quand reviendront-ils? En un mot, le jeu en vaut-il la chandelle?
La première question de tous ces gens sur la sécurité des troupes se pose particulièrement du fait que cette intervention dans l'ex-Yougoslavie est d'un ordre totalement différent de celles dans lesquelles les Forces armées canadiennes ont été impliquées dans le passé.
En effet, il m'apparaît très différent de maintenir la paix tel que nous l'avons fait à Chypre et que nous le faisons en Croatie, et d'escorter les convois d'aide humanitaire et protéger les enclaves musulmanes tel que l'exige la situation en Bosnie. Il s'agit de réalités complètement différentes.
De plus, la participation de volontaires, membres de la milice, soulève la question de la vocation des forces régulières et des forces de la milice en rapport avec les missions internationales.
D'ailleurs, je crois qu'à ce sujet, il serait pertinent que le gouvernement se penche particulièrement sur les recommandations qui lui ont été adressées en 1993 par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères.
(2235)
Ce comité recommandait d'assurer à nos miliciens et miliciennes une formation qui leur permettrait d'être prêts à intervenir dans les missions internationales, notamment par la création d'unités de réserve dans les domaines de la logistique, des transports et des communications, ce qui leur permettrait de servir aux opérations de maintien de la paix plutôt qu'aux opérations de guerre proprement dites.
La question de la sécurité des troupes est indissociable de celle de la clarté et de la pertinence de la mission qui leur est confiée. Je crois que nous pouvons voir là la source des incertitudes présentes dans la population québécoise et canadienne sur l'efficacité de l'action en Bosnie. L'apport de la diplomatie canadienne, qui, dans le passé, a fortement contribué à développer l'image de gardien de la paix du Canada dans la communauté internationale, gagnerait sûrement à s'éclairer des expériences passées afin qu'on en revienne à une défense réelle de la paix.
Je crois que la mission en Bosnie doit se continuer jusqu'à ce que les négociations permettent d'en arriver à un règlement. Cependant, il est important que notre action contribue directement à la solution de la crise et ne contribue surtout pas à perpétuer l'imbroglio actuel.
Je tiens à vous rappeler que la population de mon comté appuiera l'action du gouvernement canadien dans les missions internationales s'il y a preuve de la nécessité de cette intervention, de la préparation adéquate de nos troupes et de l'efficacité de notre action diplomatique, car le front diplomatique est aussi très important.
La population de mon comté, et particulièrement les familles des soldats impliqués, souhaite que ne se répètent pas les incertitudes créées dans leur esprit par les réflexions à haute voix du premier ministre sur la pertinence de retirer les troupes canadiennes, réflexions à haute voix qu'il a émises lors de son dernier voyage en Europe. Les annonces dans ce domaine ne doivent aucunement être le fruit d'improvisations qui sèment le doute sur la pertinence de notre intervention et sur sa durée.
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Dans la perspective plus large du débat actuel de la réflexion sur l'ensemble de la politique d'intervention pour maintenir la paix, je souhaite particulièrement l'établissement d'une force multinationale et une contribution particulière du Canada à la logistique des missions, domaine dans lequel nous avons développé une expertise qui nous permet d'exercer un mandat défensif plutôt qu'offensif.
Je crois qu'il serait pertinent aussi qu'il y ait dépôt régulièrement d'un bilan clair et détaillé de notre participation aux missions internationales.
Finalement, un accroissement de la formation de nos troupes en notions d'histoire, de culture et de traditions des pays où nos soldats ont à intervenir nous permettrait d'éviter les situations qu'on a vécues en Somalie et en ex-Yougoslavie, où la méconnaissance des habitudes des gens du pays crée des frictions importantes qui nuisent à l'efficacité du travail des troupes.
Je vous remercie de votre attention. J'en profite pour féliciter les commettants de mon comté qui se sont portés volontaires pour contribuer à résoudre une crise dont la solution requiert de la patience, du tact, un sens profond de l'histoire et, avouons-le, un peu de chance.
[Traduction]
M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, je vous souhaite beaucoup de succès dans les nombreux défis qui vous attendent au cours de cette 35e législature. Je tiens à vous adresser mes félicitations personnelles pour votre élection et votre nomination à titre de vice-président.
(2240)
Je voudrais également exprimer ma plus vive reconnaissance aux nombreux députés et membres du personnel de la Chambre qui ont bien voulu m'aider, ainsi qu'à mes collaborateurs, au moment où nous nous apprêtons à représenter les électeurs de la circonscription de Carleton-Charlotte. Je suis très fier, en tant que leur représentant élu, de prendre la parole devant vous aujourd'hui, monsieur le Président, et je suis honoré qu'ils aient placé leur confiance en moi. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'entends collaborer avec mes collègues de la Chambre des communes pour que nous tentions d'offrir un avenir meilleur à tous les Canadiens.
Au nom des électeurs de Carleton-Charlotte, je voudrais rendre hommage aux nombreux anciens combattants du Canada pour leurs distingués services. Beaucoup d'anciens combattants et de militaires en service actif de la circonscription de Carleton-Charlotte se sont dévoués pour notre pays avec fierté. Ces hommes et ces femmes ont contribué à faire du Canada un chef de file dans les efforts de maintien de la paix que déploient les Nations Unies. Nous serions négligents et irresponsables si nous oubliions rapidement ces réalisations et le fait que nos militaires continuent de travailler pour conserver ce rôle que nos distingués anciens combattants ont rendu possible.
Après avoir examiné attentivement les nombreuses occasions où les militaires canadiens ont rempli leurs obligations de maintien de la paix, j'encourage mes collègues à reconnaître les innombrables succès qu'ils ont remportés sur la scène internationale. Ils ont réussi à promouvoir la démocratie à l'échelle internationale, tout en étant reconnus dans le monde entier comme des partenaires dans la paix.
Le Canada est un pays pacifique qui offre couramment une aide humanitaire. Ne perdons pas de vue cette priorité. Nous devrons peut-être revoir notre rôle au sein des Nations Unies. Certes, un examen de nos politiques en matière de défense et de conduite des affaires internationales est peut-être nécessaire, mais nous continuerons de répondre aux besoins des pays en difficulté pendant encore bien des années, du moins je l'espère.
Je prie respectueusement mes collègues de bien vouloir accorder la priorité qui s'impose à la grande préoccupation de l'heure, soit la sécurité de nos troupes de maintien de la paix. Lorsque leur sécurité est en danger, nous devons protéger immédiatement les militaires canadiens, hommes et femmes, et donner aux familles l'assurance qu'ils rentreront au pays sains et saufs.
Ce n'est certainement pas la première fois, ni la dernière j'en suis sûr, qu'une menace pèsera sur la sécurité des CASQUES BLEUS canadiens à l'étranger. Certes, j'encourage la Chambre à procéder à un examen de nos politiques en matière de défense et de maintien de la paix, mais j'estime qu'il nous faut d'abord protéger ceux et celles qui ont fait des sacrifices pour nous tous.
Les récents événements survenus dans l'ancienne Yougoslavie ont clairement montré l'importance qu'il y a à assurer la protection et la sécurité des casques bleus canadiens dans l'avenir. Au moment où bien des pays sont en quête de paix et de démocratie, leur situation économique est telle qu'une aide humanitaire s'impose. Nous devons répondre à ces besoins de nos voisins dans le monde avec un sens des responsabilités digne d'un intendant.
Partenaires dans l'effort de rétablissement de la paix et de la démocratie pour l'ensemble des habitants de la Bosnie-Herzégovine, nous devons prendre en compte cette tragédie en continuant d'aider ceux qui en ont besoin, non pas en nous affichant comme des spécialistes de cette crise internationale, mais plutôt en assumant une responsabilité à l'égard de nos soldats et à l'égard de notre rôle de partenaires pour la paix à l'échelle internationale.
(2245)
Tout en protégeant les intérêts du Canada, nous devons aussi tenir compte des intérêts des citoyens de l'ancienne Yougoslavie, privés de sécurité, d'électricité, de nourriture et d'eau. S'il est possible de continuer à participer à cet effort dans des conditions un peu plus sûres, nous devons le faire.
Nous avons la bonne fortune d'être protégés par les Forces canadiennes, qui comptent parmi les forces de maintien de la paix les plus respectées et les plus connues du monde. Puisque nous avons cette chance, il nous faut tenir compte de l'avis de nos dirigeants militaires. Il serait peut-être temps d'appuyer ceux qui nous protègent. Nous devrions collaborer avec nos dirigeants
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militaires pour faciliter la protection des gardiens de la paix canadiens, de façon qu'ils assument notre responsabilité internationale et remplissent les fonctions que l'ONU leur a confiées.
L'ONU est une organisation qui contribue grandement à l'édification d'une communauté mondiale. Nous devons continuer de nous associer pleinement à cette organisation, à avoir des relations positives avec nos voisins.
Nous devons aussi continuer à remplir notre rôle de chef de file en faisant valoir l'importance de l'ONU auprès de la communauté internationale. Nous devons encore encourager les Nations unies à assumer leurs responsabilités envers la communauté internationale, continuer de promouvoir la paix et la démocratie et de donner de l'aide à ceux qui en ont besoin.
Nous pouvons nous enorgueillir des relations que nous avons toujours eues avec les autres pays membres de l'ONU. Si nous voulons conserver notre rôle de premier plan au sein de cette organisation, nous devons continuer d'assumer nos responsabilités de maintien de la paix et de secours humanitaire. Nous ne pouvons compter que l'ONU fera sa part si nous ne faisons pas la nôtre.
M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo): Monsieur le Président, je tiens d'abord à vous féliciter de votre nomination à un poste aussi prestigieux. Quand cela vous conviendra, auriez-vous l'obligeance de transmettre mes félicitations au Président de la Chambre pour son élection à ce poste.
C'est avec plaisir que je prends la parole dans ce débat sur la situation en Bosnie-Herzégovine et que je rends hommage à nos valeureux soldats qui servent sous le drapeau des Nations Unies et au rôle qu'ils jouent là-bas.
Depuis 1949, nos soldats se sont fort bien acquittés de leur tâche toutes les fois qu'on a fait appel à eux sous les auspices des Nations Unies. J'ai été heureux d'entendre autant d'orateurs faire l'éloge des soldats canadiens qui font honneur à leur pays.
Ce soir, il est question de nos troupes qui servent en Bosnie-Herzégovine dans le cadre d'opérations des Nations Unies. La population canadienne n'a pas été consultée au sujet de leur mission et des dangers qu'elle comporte. Je suis heureux de constater que le gouvernement leur confère une certaine légitimité par le débat ouvert de ce soir.
Deux ou trois points ont été soulevés pendant la soirée parce que la plupart des Canadiens ont toujours été très fiers du comportement de nos troupes dans les opérations des Nations Unies. Les Canadiens ont toujours été bien accueillis parce qu'ils remplissent leur rôle d'une manière impartiale.
J'ai certaines préoccupations au sujet des Canadiens qui servent au sein des Nations Unies et des rapports sur les opérations qui soulignent les lacunes des Nations Unies.
(2250)
Le Conseil de sécurité ne tarde pas à déterminer les besoins et demande des volontaires, sous les ordres du secrétaire général pour toutes les opérations de ce genre. Il arrive souvent, lors de missions ou de la prise de décisions, que nos soldats doivent remonter la filière. Ainsi, il est souvent difficile d'obtenir une décision quant à ce qu'il faut faire, que ce soit dans le Golan, au Sinaï, au Katanga ou en Yougoslavie. Nous avons vu deux généraux démissionner pour les mêmes raisons, soit le commandement et le contrôle de la mission.
Ce soir, je voudrais prendre un moment pour recommander au gouvernement de profiter de la présence de nos soldats dans la région pour veiller à ce que, dorénavant, nos forces de défense, qu'il s'agisse de la marine, de l'armée de terre ou de l'armée de l'air, sachent qu'elles vont participer à une opération supervisée en permanence par un groupe d'étude chargé, aux Nations Unies, de planifier les opérations et la logistique. Ce type de planification pourrait exposer nos soldats à des risques, mais permettrait de veiller à ce qu'une chaîne de commandement soit mise en place pour s'occuper de la logistique avant que les opérations ne commencent. L'actuel système de chaîne de commandement ponctuelle et l'organisation logistique ne sont pas satisfaisants.
Nous nous sommes demandé plusieurs fois aujourd'hui, au cours de ce débat, si nous devions participer aux opérations des Nations Unies. Nous pouvons y participer, à condition que les Nations Unies, sur l'insistance du Canada, établisse un quartier général permanent qui fasse partie du bureau du Secrétaire général.
Nous avons actuellement pour conseiller le major-général Maurice Baril. Ce n'est certainement pas suffisant pour assurer la liaison. D'autres pays ont des conseillers. Si nous voulons maintenir notre présence là-bas, il nous faut un moyen d'établir des procédures standard de fonctionnement, des méthodes afin d'assurer l'appui logistique, le commandement et le contrôle. Je pense que nos soldats se sentiraient plus à l'aise. Notre pays se sentirait également plus à l'aise de fournir des troupes à une organisation qui a tout ce qu'il faut pour leur permettre de fonctionner sur le terrain et leur donner, au besoin, des avis directs et expéditifs.
Nous savons que les Nations Unies n'ont pas en ce moment les ressources humaines et techniques nécessaires. J'espère que notre gouvernement jugera bon dans ses plans futurs de recommander la création d'un groupe d'étude et d'un quartier général des opérations afin de suivre les missions comme celle que nous avons entreprise en Bosnie, ainsi que les efforts humanitaires et les opérations de maintien de la paix en Croatie.
Ce groupe d'étude aurait pour mandat d'établir en permanence des procédures opérationnelles, tant dans le domaine des communications que dans celui des techniques ou des tactiques opérationnelles.
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Un organisme international comme celui-ci, qui serait conçu et contrôlé par les Nations Unies permettrait dans une grande mesure de faciliter la tâche à notre pays et à nos soldats qui participent aux missions des Nations Unies.
Pour résumer, je suis fier de faire partie des Forces canadiennes. Je suis heureux de voir de quelle façon notre marine, notre armée de terre et notre armée de l'air se sont sorties de la guerre du Golfe.
Les Forces canadiennes pourraient bien devenir un groupe d'étude important si nous nous retirions de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, voire du NORAD, et si, à la place, nous consacrions nos ressources aux opérations des Nations Unies.
(2255)
[Français]
M. David Berger (Saint-Henri-Westmount): Monsieur le Président, avant d'aborder le sujet du débat, je voudrais, dans mon premier discours de cette législature, remercier les électeurs du comté de Saint-Henri-Westmount pour leur confiance.
[Traduction]
Compte tenu des défis énormes qui se posent pour le Canada et le monde entier, je m'estime extrêmement chanceux encore une fois de représenter la circonscription de Saint-Henri-Westmount à la Chambre.
[Français]
La question que nous nous posons aujourd'hui est celle de savoir si les soldats canadiens devraient demeurer en Bosnie. Ultimement, c'est une décision que doit prendre le gouvernement après avoir consulté nos alliés.
Tout d'abord, j'aimerais mentionner qu'il y a de nombreux réservistes de plusieurs régiments de mon comté qui ont servi en Bosnie. Plusieurs sont encore là. Ces soldats font partie, entre autres, du Régiment royal de Montréal et du Régiment de Maisonneuve. Je désire souligner leur courage et leur désir de servir la cause de la paix tout en leur souhaitant de revenir sains et saufs de leur mission.
Le ministre des Affaires étrangères nous a fait part, plus tôt aujourd'hui, de quelques-uns des facteurs qui seront pris en considération par le gouvernement dans sa décision.
Je crois qu'en fin de compte, nous avons de bonnes raisons de continuer notre mission humanitaire. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Croix-Rouge ont tous deux confirmé le fait que, malgré les difficultés, l'aide arrive. Des personnes qui seraient décédées sans la protection et l'aide internationales sont encore en vie aujourd'hui.
L'effort international a également réussi à prévenir le débordement du conflit aux républiques voisines de Macédoine et Kosovo. Le Canada a également un engagement à long terme pour le maintien de la paix ainsi qu'envers les institutions internationales comme les Nations Unies.
Nous avons cherché à contribuer à la sécurité européenne lors de notre participation à deux guerres mondiales, à l'OTAN et à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.
Étant donné que la décision canadienne va probablement influencer d'autres pays, nous devons nous demander si la communauté internationale a un rôle à jouer en Bosnie. Je cois que oui, monsieur le Président, pour les raisons que je viens de mentionner.
Les futures missions visant à maintenir la paix vont vraisemblablement expérimenter des problèmes semblables à ceux qu'on connaît en Bosnie. Étant donné que les Canadiens ont joué un rôle de premier plan dans le développement du maintien de la paix, nous avons assurément un rôle à jouer dans la recherche de solutions à ces problèmes.
[Traduction]
Le ministre des Affaires étrangères a dit que nous devions nous demander, entre autres, si les dangers, pour nos troupes, l'emportent sur les avantages de la mission. Comme tous les Canadiens et comme tous les députés de la Chambre, je ne voudrais pas que nos soldats courent des risques inutiles et je voudrais sûrement qu'ils soient en mesure de se défendre.
Il y a de l'incertitude au sujet des règles d'engagement, de commandement et de contrôle. Je proposerais, cependant, que ces questions soient débattues par des experts plutôt qu'à la Chambre, en fait par un comité, monsieur le Président. La décision ultime de savoir quand les risques ou les dangers l'emportent sur les avantages devrait être laissée au gouvernement et à l'armée.
Nous devons également nous demander, comme le ministre l'a mentionné, s'il existe des chances raisonnables de progrès dans le processus de paix. Comme je l'ai mentionné, si nous demeurons en Bosnie, c'est parce que nous voulons contribuer à la sécurité de l'Europe. Les Canadiens exigeront probablement qu'il y ait un lien clair entre notre rôle en tant que gardiens de la paix et notre place à la table des négociations. En fait, le Canada a eu du mal, à cause des Européens, à accéder à la table des négociations. Que je sache, on a même eu du mal à obtenir des renseignements sur les entretiens à Genève, encore plus à faire valoir notre point de vue.
(2300)
La Chambre des communes et le gouvernement devraient insister pour que notre rôle militaire soit assorti d'un rôle diplomatique. En fait, la communauté internationale a fait de graves erreurs dans la façon dont elle a traité la crise dans l'ancienne Yougoslavie. Elle a notamment reconnu la Croatie sans tenir compte de la position de la minorité serbe, qui forme entre 12 et 20 p. 100 de la population. Même si un cessez-le-feu a été décrété en Croatie, la menace d'une reprise de la guerre est de plus en plus forte.
La Bosnie était aussi une république hétérogène sur le plan ethnique. Seulement certains Bosniaques, et non la plupart, vivaient dans des zones ethniques distinctes. L'histoire et les mariages interethnies ont créé un véritable casse-tête ethnique. Les Européens, suivis de la communauté internationale en général ont aussi reconnu l'indépendance de la Bosnie sans tenir
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compte des objections opposées par la minorité serbe. De même, diverses tentatives en vue de négocier la paix entre les parties ont révélé de graves lacunes. On a reproché au plan Vance-Owen de récompenser l'agression contre les Serbes.
L'entente signée à Washington en mai, l'an dernier, et qui prévoyait des zones dites protégées ou des enclaves a été largement critiquée par la presse occidentale. On lui reprochait d'avoir accepté le nettoyage ethnique et le refoulement des Musulmans dans de petites régions où les conditions de vie sont horribles. Le plan Owen-Stoltenberg visant à diviser la Bosnie en trois états purs, du point de vue ethnique, a lui aussi été extrêmement critiqué.
J'ai parlé hier à l'ancien ambassadeur yougoslave au Canada, Goran Kapetanovic. C'est un musulman bosniaque, actuellement réfugié au Canada, un «fellow» au Centre canadien pour la sécurité internationale, ici à Ottawa. Il est d'avis que les forces internationales ne parviendront pas à grand- chose en l'absence de plan viable ou de cadre en vue de la paix. Selon lui, le principal inconvénient des solutions négociées à Genève c'est qu'elles entérinent le principe de la pureté ethnique et qu'elles ne résolvent pas le problème que j'ai mentionné plus tôt au sujet de la Croatie. Un règlement doit porter sur l'ensemble de l'ancienne Yougoslavie.
L'ancien ambassadeur demande comment, presque au début du XXIe siècle, la communauté internationale peut accepter l'introduction de l'apartheid en Europe. Quels précédents allons-nous établir pour les futurs conflits et pour ceux qui existent déjà en Europe de l'Est? Il estime qu'avant toute négociation de paix, le Conseil de sécurité de l'ONU devrait déterminer les conditions d'une paix viable. Il mentionne, par exemple, les principes suivants: rien ne peut être acquis par la violence; les réfugiés doivent pouvoir retourner chez eux; les personnes doivent pouvoir traverser librement les frontières pour visiter leurs parents; essentiellement, il faut assurer le respect des droits des minorités.
Ce sont des principes acceptés dont on parle pratiquement chaque jour de la semaine à l'ONU. Il me semblerait logique qu'ils soient à la base de toute proposition de paix.
Je faisais remarquer plus tôt que les Canadiens voient un lien étroit entre notre rôle de maintien de la paix et notre place à la table des négociations diplomatiques. Je prie le gouvernement de relever ce défi et de tenter de jouer un plus grand rôle dans la recherche d'une solution négociée. En tant que pays multiculturel dont la constitution contient des garanties très précises des droits des minorités, le Canada peut contribuer énormément.
Le gouvernement lance un réexamen de sa politique étrangère. Dans le contexte de cet examen, je pense qu'il devrait organiser une réunion des plus brillants de nos concitoyens pour qu'ils proposent des solutions possibles.
La communauté internationale a besoin de leadership. En fait, elle se cherche désespérément un leadership. Le Canada peut le fournir.
(2305)
M. John English (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales): Monsieur le Président, je représente la circonscription de Kitchener, centre urbain du sud-ouest de l'Ontario où l'on retrouve, comme à l'échelle du Canada tout entier, toute une variété d'entreprises et des gens de diverses origines.
Comme de nombreuses autres circonscriptions, la mienne est profondément touchée par les événements qui se produisent en Bosnie, l'ex-Yougoslavie, comme elle l'a déjà été dans le passé. À l'été de 1914, on a tiré un coup de feu à Sarajevo qui a déclenché la Première Guerre mondiale. Deux ans plus tard, Berlin, Ontario, la capitale de la communauté allemande au Canada, devenait Kitchener et cette ville a changé profondément à partir de cette date. Après 1945, la circonscription de Kitchener a accueilli des milliers d'immigrants et de réfugiés en provenance de ce qui était alors la Yougoslavie.
Je cite ces exemples pour rappeler que presque tous les Canadiens ont été touchés par ces deux terribles guerres et que ces deux guerres se sont déroulées principalement dans la région où l'on constate un tel carnage encore aujourd'hui.
Je crois que nous avons tous tiré la même leçon des deux guerres mondiales, c'est-à-dire que la politique étrangère et la politique de défense du Canada devraient avoir pour base l'idée que les intérêts du Canada seraient mieux servis si l'on élaborait un ordre international fondé sur le droit et des institutions multilatérales très fortes.
C'est de cet engagement qu'est née la principale contribution mondiale du Canada après 1945. La période subséquente à 1945, que l'on appelle l'âge d'or de la diplomatie au Canada, a été marquée par un profond engagement du Canada envers les Nations Unies et je crois que la guerre froide a créé un rôle spécial de puissance intermédiaire pour le Canada. Le meilleur exemple de ce rôle est, bien entendu, la contribution de Lester Pearson dans la crise du canal de Suez en 1956.
On a souvent dit que Pearson avait inventé le maintien de la paix en 1956, mais je pense qu'il serait plus juste de dire qu'il l'a codifié. Ce concept très simple a été d'une grande utilité non seulement pour le Canada et les Nations Unies mais aussi pour la sécurité mondiale.
La théorie de Pearson voulait que les Nations Unies aient recours aux forces armées de nations qui n'étaient pas des grandes puissances et que ces dernières veillent à l'établissement d'un accord de paix. De plus, cette tâche devait s'accomplir avec le consentement des parties belligérantes et par le truchement de négociations ininterrompues avec ces dernières. Telle était l'essence du maintien de la paix tel que défini en 1956-1957.
En fait, Pearson fut déçu par le résultat des négociations de 1956, l'Égypte et Israël ayant imposé des limites à ce qu'elles étaient prêtes à accepter. Il aurait voulu voir un mandat plus
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précis, mais il ne put convaincre les autres, y compris le secrétaire général, de la validité de ses arguments.
Toutefois, dix ans plus tard, en 1967, les événements lui donnèrent raison lorsque la force d'urgence des Nations Unies dut se retirer suite au non-respect de l'accord entre l'Égypte, Israël et les Nations Unies.
Les Canadiens qui, à l'époque, étaient très fiers de leur participation aux opérations de maintien de la paix, et de leur tradition en ce domaine, furent amèrement déçus et se mirent à décrier le fait que le Canada n'était plus en mesure de faire le bon Samaritain, de participer à des missions de maintien de la paix.
Les premiers succès au Moyen-Orient furent suivis d'une série d'échecs, non seulement comme celui de la force d'urgence des Nations Unies, mais aussi au Congo et, dans une certaine mesure, à Chypre. Les circonstances actuelles sont comparables et suscitent des sentiments semblables. Nous devons donc nous rappeler que notre engagement au maintien de la paix a déjà connu des moments aussi difficiles.
Dans l'édition de samedi du Record de Kitchener-Waterloo, M. Pam Global, natif de Kitchener et capitaine de l'armée dans la réserve, qui revenait de Bosnie récemment, décrivait notre travail en ces termes: «C'est gaspiller la vie des soldats et l'argent des contribuables. Les soldats ont l'impression qu'ils protègent la vie des gens aujourd'hui pour qu'on puisse les tuer demain.»
La réaction du capitaine Global est compréhensible et beaucoup de Canadiens semblent la partager. La Bosnie est une terrible tragédie, non seulement pour ses habitants mais aussi pour les Nations Unies, pour l'OTAN et pour nous.
(2310)
Ce qui s'est passé à la fin de la guerre froide, c'est que l'idée de base du maintien de la paix a pris des dimensions qui dépassent largement les limites du concept original. Tout d'abord, le nombre d'opérations est tellement plus important. En fait, comme on l'a déjà entendu aujourd'hui, on compte autant d'opérations de maintien de la paix de l'ONU depuis 1989 qu'il y en a eu au cours des 43 années précédentes, c'est-à-dire si l'on remonte à la création de l'ONU. La plupart de ces missions ont été fructueuses; quelques-unes ont échoué.
Ensuite, il devient évident, comme d'autres députés l'ont laissé entendre, que les Nations Unies sont incapables de répondre à la demande, matériellement, idéologiquement et financièrement.
Enfin, et je pense que c'est là l'un des principaux problèmes du Canada face à ce maintien de la paix nouveau genre, le maintien de la paix n'est plus l'apanage des puissances moyennes. Souvenons-nous qu'en 1956, le Royaume-Uni et la France voulaient se charger du maintien de la paix. En fait, ces pays étaient aussi les envahisseurs. C'est Pearson qui s'est chargé de dire aux Britanniques et aux Français que le maintien de la paix n'allait pas être associé aux grandes puissances ou aux superpuissances, mais aux puissances moyennes. Ce concept a tenu le coup durant bon nombre d'années, mais depuis 1989, avec la fin des tensions de la guerre froide, une question se pose maintenant. Pourquoi les grandes puissances n'y contribuent-elles pas? Le Royaume-Uni et la France le font, mais la Russie et les États-Unis restent évidemment à l'écart.
Je pense que tous ces facteurs influencent fortement notre position dans les opérations de maintien de la paix, mais je ne crois pas qu'ils modifient les principes de base. Nous avons participé à toutes les opérations de maintien de la paix, mais je ne crois pas qu'on pourra maintenir ce rythme à l'avenir. Nos ressources sont limitées et les missions sont trop nombreuses.
Par ailleurs, comme plusieurs députés l'ont mentionné, la faiblesse de la structure actuelle de l'ONU laisse à penser qu'il serait préférable pour le Canada de faire porter ses efforts sur la diplomatie préventive, plutôt que sur le maintien de la paix lui-même. Je crois qu'il est juste de dire que le maintien de la paix a occupé une trop grande place dans le programme de politique étrangères du Canada ces dernières années.
Nous n'avons pas que des compétences dans le domaine militaire. Lester B. Pearson, le père du maintien de la paix, n'était-il pas lui-même un piètre soldat, mais un grand diplomate?
N'oublions pas dans nos prières qu'en ce qui concerne la Bosnie, les erreurs qui ont été commises ne l'ont pas été à Sarajevo, mais à New-York, à Washington et dans plusieurs capitales européennes.
Monsieur le Président, à un moment donné l'an dernier, près de 10 p. 100 de l'effectif mondial de gardiens de la paix venait du Canada, bien que notre part à l'ONU ait été fixée à 3 p. 100 environ. Pendant ce temps, les États-Unis, dont la quote-part est de 25 p. 100, ce qui est peut-être trop élevé, brillaient par leur absence dans les opérations de maintien de la paix menées sous l'égide des Nations Unies.
Je crois qu'il y aurait lieu de bien faire comprendre aux Américains qu'ils auraient avantage à assumer leur part de responsabilité. On ne peut pas se contenter de proférer des menaces en l'air d'attaque aérienne et se retirer d'accords de réciprocité comme les États-Unis l'ont laissé entendre il y a deux ou trois ans. Des faits troublants donnent d'ailleurs à penser que les événements qui sont survenus récemment sur la scène internationale remettent à l'honneur l'unilatéralisme et l'isolationnisme dans ce pays. Ce serait une tragédie pour le monde entier et plus encore, à mon avis, pour le Canada.
Que devrions-nous faire alors au sujet de la Bosnie? Commençons par reconnaître qu'il faut faire tout en notre pouvoir, sur les plans politique et diplomatique, pour mettre fin à cette horrible guerre. Gardons-nous cependant d'envenimer les choses avec les Nations Unies et de réduire notre participation à ses activités.
En fait, comme plusieurs autres députés l'ont recommandé déjà, je crois que nous devrions nous appliquer à renforcer cette institution. Ce n'est pas tant l'ONU qu'il faut tenir responsable, que les pays européens qui n'ont pas pris, en tant qu'entité régionale, leurs responsabilités à l'égard d'un événement aux conséquences aussi désastreuses qui se déroulait tout à côté de chez-eux.
Je crois aussi que nous devrions, dans toute la mesure du possible, essayer de «dénationaliser» le maintien de la paix, c'est-à-dire ne plus associer les officiers à leur pays d'origine, que ce soit l'Italie, la France ou le Canada, mais les désigner plutôt comme des officiers en service dans une force relevant du commandement de l'ONU. Je crois que le gouvernement précédent s'est laissé séduire trop vite par le prestige dont jouit le
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maintien de la paix et qu'il n'a pas vu les écueils qui émergent aujourd'hui.
Le vice-président: Je regrette de devoir interrompre le secrétaire parlementaire mais son temps de parole est épuisé. Le député de York Sud-Weston a la parole.
(2315)
M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, j'apprécie l'occasion qui m'est offerte de participer à la discussion.
Je regrette seulement que cette discussion n'ait pas eu lieu lors de la précédente législature avant que nos soldats ne soient déployés dans l'ex-Yougoslavie. Le Premier ministre mérite des éloges pour avoir permis à chacun des membres de cette Chambre d'exprimer son opinion personnelle sur le rôle du Canada dans l'ancienne Yougoslavie et dans le maintien de la paix partout dans le monde.
Nous avons été convoqués aujourd'hui pour examiner l'énoncé suivant:
Que la Chambre prenne note des dimensions politiques, humanitaires et militaires du rôle du Canada dans le maintien de la paix, y compris dans l'ancienne Yougoslavie, et d'une possible ré-orientation future de la politique canadienne de maintien de la paix et de ses opérations.Je dois avouer combien j'ai été impressionné aujourd'hui par la qualité des discours prononcés par les nouveaux députés. Cela augure bien de l'orientation future de la Chambre et de l'importance accordée à chacun de ses membres.
J'ai eu la chance de visiter l'ancienne Yougoslavie avant le début du conflit. Je ne peux vous dire à quel point les bombardements constants à Dubrovnik et en Croatie et les pertes de vie à Sarajevo me chagrinent. Je ressens le même sentiment lorsque j'apprends que nos soldats se font tirer dessus et humilier en Bosnie. Il nous incombe de faire face à cette question et de déterminer s'il est justifié de maintenir notre participation malgré les risques et les coûts inhérents à cette mission.
Le Canada s'est engagé à rester là-bas jusqu'en avril mais nous ne devrions pas renouveler notre engagement après cette date étant donné les dangers auxquels sont exposés nos soldats dans cette région. Comme l'ont souligné un certain nombre d'orateurs, en Bosnie il n'est pas question de cessez-le-feu, de paix ou même de volonté de paix. Il n'y a pas de paix à maintenir. Le Canada n'est donc pas en mesure de jouer son rôle traditionnel de gardien de la paix. Il est clair que nous assumons une responsabilité humanitaire là-bas en garantissant que l'aide si nécessaire se rend dans les régions sinistrées.
En Croatie, le Canada remplit son rôle traditionnel en y maintenant la paix. Je remarque que tous les parlementaires d'origine croate qui ont pris part au débat ont demandé que nos troupes se retirent de l'ancienne Yougoslavie. Je trouve cela intéressant. Je ne m'attendais pas à ce que ces députés adoptent cette position.
De toute façon, il est évident que nos troupes en Croatie remplissent une fonction importante. Il ne fait aucun doute qu'il en est de même pour nos troupes en Bosnie, mais la nature du mandat est obscur. La série d'incidents qui se sont produits incitent le doute quant à la sécurité de nos troupes.
Il est clair aussi que le coût de la mission est plutôt élevé. Selon les estimations, il pourrait avoir atteint un milliard de dollars au cours des sept dernières années. Le coût additionnel s'établit à près d'un demi-milliard.
Nous devons connaître cette dépense, compte tenu de la nature illimitée de l'engagement que proposent certains députés. De toute évidence, nous convenons tous que le rôle de maintien de la paix a changé et que le rôle exact des troupes canadiennes en Bosnie est obscur.
Les Canadiens ont raison d'être fiers de leur engagement traditionnel à l'égard des opérations de maintien de la paix. Ils sont moins certains en ce qui a trait aux efforts de nos troupes en Bosnie, parce qu'il ne s'agit pas d'un exercice de maintien de la paix. Il convient de noter que, dans un sondage dont les résultats ont été publiés aujourd'hui, une majorité importante de Canadiens ont formulé de vives réserves quant au maintien de notre participation en Bosnie.
(2320)
Comme on l'a mentionné, je pense que le Canada a fait sa part au fil des années. Notre pays a participé à toutes les missions de maintien de la paix des 30 dernières années. Nous avons certainement fait notre part. Nous avons contribué à la cause humanitaire en Bosnie et dans d'autres régions de l'ancienne Yougoslavie.
Il est évident qu'une solution diplomatique au problème n'est pas imminente. Je suis préoccupé par la durée de la période au cours de laquelle les troupes canadiennes doivent maintenir la paix dans cette région. Il me semble que les diplomates ont échoué aux Nations Unies dans leurs efforts pour rétablir la paix dans cette région. Il était évident il y a trois ans qu'un grave conflit se préparait.
Pour ces raisons, j'estime que lorsque notre engagement prendra fin en avril, il y aurait lieu de rapatrier les Canadiens et les Canadiennes qui sont là-bas. Je ne dis pas que les Britanniques, les Français et tous les autres qui assurent le maintien de la paix dans cette région doivent se retirer. On a tendance à croire que si les Canadiens se retirent, les autres nations ou les forces de l'ONU en feront autant. Ce n'est certainement pas évident.
Nous avons une obligation. Nous nous acquittons de cette obligation mais nous ne devons pas oublier qu'il continuera d'y avoir des conflits un peu partout dans le monde. Voudrait-on que nous continuions à intervenir dans chaque conflit? Il y a tant à faire, à titre de nation, sur le plan monétaire et relativement à d'autres engagements. J'invite le gouvernement à faire en sorte que l'on s'acquitte de notre obligation jusqu'en avril puis que
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l'on rapatrie les Canadiens et les Canadiennes qui sont dans l'ancienne Yougoslavie.
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de représenter les habitants de Hamilton-Wentworth non seulement à la Chambre des communes, mais également au cours de ce débat. Il s'agit de mon premier discours à la Chambre et je trouve l'expérience quelque peu intimidante après avoir entendu les discours éloquents prononcés par divers députés aujourd'hui.
Je voudrais vous raconter, monsieur le Président, à vous et aux députés, une anecdote qui s'inscrit bien dans le cadre du présent débat. Je viens du village de Lynden, localité rurale d'environ 500 habitants située dans le sud de l'Ontario, qui a toujours envoyé des soldats aux grandes guerres qui ont marqué notre siècle.
En entrant dans l'église du village, vous apercevez la liste des combattants tombés au champ d'honneur. Il y a également dans notre village une filiale de la Légion royale canadienne qui a toujours cherché, au fil des ans, mais surtout le 11 novembre, à commémorer ceux qui n'ont pas hésité à sacrifier leur vie non seulement pour le Canada, mais aussi pour tout ce qu'il incarne.
Peu avant Noël, j'ai assisté à une soirée à la Légion au cours de laquelle on remettait des boutons de service. Beaucoup de gens assistaient à la cérémonie, puisque notre communauté a toujours appuyé les activités de la Légion. Par contre, j'ai été surpris d'apercevoir un militaire en activité de service, qui portait l'uniforme vert des Forces armées d'aujourd'hui. Il s'agissait d'un jeune homme dans la vingtaine qui s'appelle Chris Kivell. Je me suis entretenu avec Chris que je connais depuis qu'il est tout petit. Il venait tout juste d'être admis dans l'Artillerie. Il suivait les traces de son grand-père, Owen Kivell, qui a servi dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Owen a d'ailleurs survécu au torpillage de son navire dans le nord de l'Atlantique. Le jeune Chris paraissait très bien dans son nouvel uniforme qu'il portait avec fierté.
Néanmoins, je lui ai demandé s'il ne craignait pas d'être envoyé dans une région dangereuse, comme la Bosnie, et il m'a répondu par l'affirmative. Il en avait discuté avec d'autres jeunes hommes qui y avaient été envoyés et qui lui avaient raconté leurs déceptions et les dangers qu'ils avaient dû affronter. Tout à coup, se rappelant qu'il s'adressait à un député, il m'a dit: «M. Bryden, ne les laissez pas retirer les troupes canadiennes de la Bosnie. Nous voulons participer à la mission là-bas.» J'ai eu, depuis, l'occasion de réfléchir à ce qu'il m'a dit. Comme toute une génération nous sépare, je ne suis pas sûr de bien comprendre ses sentiments. Mais je connais mon village et ses habitants. Je connais les valeurs avec lesquelles il a grandi.
(2325)
J'estime donc que le Canada a une excellente tradition militaire tant francophone qu'anglophone qui remonte directement aux querelles qui opposaient Français et Anglais au XVIIIe siècle. Au XXe siècle, soit au cours de la Guerre des Boers, de la Grande Guerre et de la Seconde Guerre mondiale, les soldats canadiens, tant francophones qu'anglophones, ont forcé l'admiration même de leurs ennemis par leur bravoure et leur ardeur au combat. C'est ce qui est arrivé à Dieppe, en Normandie, lors de la libération de l'Europe.
Dans les années d'après-guerre, les Forces canadiennes se sont spécialisées dans le maintien de la paix. Encore là, nos soldats ont mérité l'admiration du monde entier par leur détermination, leur bravoure, leur capacité à séparer les factions adverses sans prendre parti. On écrira peut-être un jour le récit complet de leurs réalisations. Mais le monde sait que le Canada s'y connaît en maintien de la paix, que les soldats canadiens pratiquent le maintien de la paix depuis plus de 40 ans.
Le monde s'est fait plus terrible et plus menaçant. L'éclatement de fédérations comme l'ancienne Union soviétique et l'ancienne Yougoslavie a déchaîné des haines plusieurs fois centenaires. Le maintien de la paix tel que nous le connaissons est absolument impossible dans ces situations de terribles conflits tribaux. La haine est ancrée profondément et ne respecte ni les femmes ni les enfants.
Nos soldats ne sont en Bosnie que pour des raisons humanitaires. Ils sont là pour s'assurer au péril de leur vie que les gens mangent. L'intervention de l'ONU a sauvé des centaines de milliers de personnes de la famine et le Canada est un élément essentiel de cette intervention. Des soldats canadiens sont morts en Bosnie, d'autres ont été blessés, mais des milliers de personnes, surtout des femmes, des enfants et des vieillards, ont été sauvées.
À mon avis, le rôle militaire du Canada a progressé, il n'a pas régressé. Il a progressé du moins dans un sens spirituel. Plutôt que de nous battre pour gagner des guerres ou pour en prévenir, nous nous battons en Bosnie tout simplement pour sauver des vies. Y a-t-il plus noble cause pour un soldat? À mon sens, non.
Je regarde mes vis-à-vis de l'opposition et je dois dire que j'ai été très impressionné par la compassion dont ils ont fait preuve dans leurs interventions. Leurs discours révèlent que peu importe les différences qui nous séparent sur le plan idéologique, peu importe ce qui nous sépare dans l'histoire, du rapport de Lord Durham jusqu'à la bataille des Plaines d'Abraham, des désirs nous unissent, nous les Canadiens, ou appelez cela comme vous voulez, Saskatchewannais, Colombiens-Britannique, Acadiens, Québécois, nous sommes unis par notre désir de nous porter au secours de ceux, dans le monde, qui sont sans défense, de ceux qui sont blessés et affamés.
Ne nous laissons pas détourner de la véritable voie à suivre par les sondages d'opinion. Le problème qu'il y a à toujours faire ce que semble vouloir la majorité, c'est qu'il arrive que les majorités soient mal informées. Il n'y a pas de bulletins de nouvelles réguliers sur les forces canadiennes en Bosnie. Les médias canadiens ne nous disent pas ce qu'ils font là-bas. Vous ne pouvez pas juger la situation des Canadiens en Bosnie en regardant CNN ou en lisant un journal. Il faut donc se fier aux gens informés, à ceux qui sont sur place, à nos propres soldats du 22e régiment et du Princess Patricia, par exemple. Ils croient en ce qu'ils font. Nous tous, députés, devrions être très fiers d'eux.
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M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury): Monsieur le Président, c'est un grand honneur pour moi de prendre la parole à la Chambre pour représenter les habitants de Fredericton-York-Sunbury. Je me sens tout petit lorsque je pense au nombre de gens qui seront touchés par la décision que prendra le gouvernement à la suite de ce débat.
(2330)
Comme c'est la première fois que je prends la parole, monsieur le Président, je profite de l'occasion pour vous féliciter de votre nomination. Je veux aussi rendre hommage à l'honorable Milton Gray, le dernier député de mon parti à représenter ma circonscription. Il était membre du gouvernement à l'époque et s'est vu décorer de la Croix de Victoria durant la Deuxième Guerre mondiale.
Je voudrais aussi rendre hommage à mon prédécesseur immédiat, M. Bud Bird, qui a servi notre région longtemps avec dignité et diligence.
Enfin, je voudrais signaler le décès récent de mon adversaire du Parti réformiste. Jack Laney était un digne représentant de son parti et, au nom de tous les habitants de la circonscription, je veux exprimer mes plus sincères condoléances à son épouse, Addie, et à sa famille.
La BFC Gagetown, la plus grande base d'entraînement militaire au Canada et, du point de vue de la superficie, la plus grande base du Commonwealth, est située dans ma circonscription. Je suis certain que les députés peuvent comprendre l'importance de ce débat pour les habitants de Fredericton-York-Sunbury en général et pour le personnel de la BFC Gagetown en particulier.
C'est déjà difficile d'avoir à s'inquiéter de parents ou d'amis qui servent dans des circonstances dangereuses à l'autre bout du monde, mais c'est encore pire lorsque le but d'une mission aussi risquée n'est pas clairement défini ou lorsque l'efficacité d'une telle mission n'est pas mesurée.
J'espère que ce débat aidera à clarifier la position du Canada relativement au rôle de notre pays et d'autres pays au sein des forces de maintien de la paix des Nations Unies de façon générale et en Bosnie-Herzégovine en particulier.
Je dois dire que nous, les habitants de Fredericton-York-Sunbury, sommes heureux de la décision du gouvernement de tenir ce débat. Je voudrais féliciter également de leur collaboration et de leur participation les autres partis et leurs chefs. Leur intervention au début du débat a beaucoup contribué à donner le ton, et je suis persuadé que les Canadiens trouveront réconfortant de savoir que nous voulons en arriver à des solutions concrètes.
Comme je le disais tout à l'heure, monsieur le Président, les électeurs de ma circonscription portent un intérêt particulier à ce débat parce qu'un grand nombre des membres de la BFC Gagetown ont déjà participé aux opérations de maintien de la paix, sont en train d'y participer ou y participeront probablement plus tard.
Étant donné ce niveau d'intérêt, je tenais à ne pas traiter de la question de façon superficielle. J'ai donc rencontré dimanche soir un certain nombre de personnes intéressées qui voulaient me faire part de leur opinion. Les participants regroupaient d'anciens soldats de la paix, dont un avait été en poste à Sarajevo, des étudiants de la région fréquentant l'Université du Nouveau-Brunswick et d'autres membres du public qui avaient exprimé leur point de vue au téléphone ou par lettre.
Je signale en particulier un exposé détaillé de la situation en Bosnie que nous a fait un militaire qui avait récemment été en poste dans la région; je voudrais donc remercier le lieutenant-colonel Yann Hidiroglou, commandant adjoint de la mission d'observateurs militaires des Nations Unies, qui nous a fait un exposé sérieux et exhaustif.
On a répété tout au long de la réunion que le débat sur la situation en Bosnie était devenu trop polarisé. Les arguments sont généralement bien tranchés en faveur de l'une ou l'autre thèse. Le Canada doit rester en Bosnie quelles que soient les circonstances, ou nous devons retirer nos troupes parce que leur présence est trop dangereuse, trop coûteuse ou inefficace.
Nous devons au contraire chercher ensemble à trouver une solution plus modérée, de juste milieu. Il n'y a pas de solution facile, mais en cherchant à établir un juste équilibre, nous devons examiner quelles conséquences pourrait avoir la décision de retirer complètement nos trouves. Nous sommes après tout des citoyens du monde.
Nous devons reconnaître la possibilité qu'un retrait puisse n'être que temporaire. Il se pourrait que les militaires doivent intervenir dans des conditions encore pires que celles qui existent actuellement. En outre, il est clair que nos soldats réussissent à acheminer l'aide humanitaire à ceux qui en ont besoin. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Croix-Rouge ont tous deux dit, depuis, que l'aide alimentaire se rend à destination.
Qu'en est-il de notre réputation internationale? Si l'ONU retire ses troupes, quelles répercussions cela aura-t-il sur les futures opérations de maintien de la paix? Du point de vue politique, les gouvernements se trouveront-ils dès lors dans l'impossibilité de maintenir une présence dans des régions étrangères? Par ailleurs, quel souvenir voulons-nous laisser aux futures générations? Nous devons envisager quelle pourrait être la situation si nous n'étions pas présents en Bosnie.
Je crois que nous devons en arriver à un juste milieu. Pour cela, il faut d'abord réitérer l'engagement de nos troupes. Le gouvernement doit réitérer son intention d'améliorer les conditions de vie des hommes et des femmes qui sont présents là-bas.
Monsieur le Président, il y a, à mon avis, un certain nombre de façons d'y arriver. Premièrement, le Canada s'est acquis une solide crédibilité à titre de pays pacifiste voué au maintien de la paix. Nous devrions miser sur nos connaissances et notre réputation dans ce domaine et faire appel aux autres pays qui, bien souvent, entretiennent des liens plus étroits avec les belligérants, et ce, afin d'inviter les factions opposées à chercher des solutions diplomatiques.
(2335)
Forts de notre réputation et de nos réalisations passées, nous devons aussi réexaminer les conditions que nous avons imposées à nos soldats et y apporter des modifications, dans la mesure du possible, afin de les améliorer. Les gens ne savent pas vraiment en quoi consiste notre rôle en Bosnie; ils ne connaissent pas le but de notre présence ni sa valeur. Nous devons clarifier la situation
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et leur expliquer que nous faisons vraiment tout ce qui est possible.
En conclusion, nous devons réaffirmer l'engagement de nos soldats en Bosnie, mais pas nécessairement aux conditions actuelles. Nous devons aussi nous assurer que nos militaires reçoivent une formation adéquate, que les États membres de l'ONU appuient politiquement ses opérations sur le terrain et que nous fournissons l'aide nécessaire pour réduire les risques.
En outre, le gouvernement et les militaires doivent expliquer clairement leurs buts et leurs décisions, de manière que tout le monde connaisse les objectifs de nos troupes en Bosnie et, d'une manière plus générale, ceux des forces de l'ONU. Nous discuterons à nouveau du rôle militaire du Canada et de son rôle au regard du maintien de la paix. J'espère que nous venons de créer un précédent pour la tenue de tels débats.
Je rends hommage aux soldats qui, depuis bientôt 50 ans, permettent au Canada d'être actif dans le domaine du maintien de la paix. Je salue aussi les parents et amis de ceux qui participent aux missions de paix. Ils reconnaissent comme moi, j'en suis certain, l'excellent travail de nos soldats canadiens. C'est justement cet excellent travail qui rend indispensable la présence du Canada en Bosnie.
Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre): Monsieur le Président, c'est véritablement un honneur pour moi que de prendre la parole ce soir au nom des électeurs de la circonscription d'Etobicoke-Lakeshore, que j'ai le plaisir de représenter. Au nom de mes électeurs, je vous félicite, monsieur le Président, tout comme je félicite le premier ministre de nous donner l'occasion de débattre ce soir de la question du maintien de la paix.
Le maintien de la paix est une activité que le Canada exerce en tant que pays, une activité qui nous attire le respect du monde entier et qui fait que nous sommes tous fiers d'être canadiens.
Les soldats canadiens ont participé à toutes les activités de maintien de la paix depuis 1947. Quelque 90 000 soldats canadiens servent dans des pays déchirés par la guerre. Nos soldats nous ont représentés dans des missions de maintien de la paix dans des régions comme la Corée dans les années 50, en Égypte, en 1954, au Congo, en 1960-1964, au Nigéria, en 1968-1970, au Laos, au Viêt-Nam et au Cambodge au début des années 70, en Iran, à la fin des années 80, et dans de nombreux pays de l'Amérique latine entre 1989 et 1992.
Nos troupes de maintien de la paix servent actuellement au Salvador, dans le Sahara occidental, en Angola, en Irak, au Koweït, en Afghanistan, au Pakistan, en Inde, en Corée, au Cambodge et, bien sûr, dans l'ex-Yougoslavie. Quelque 4 700 soldats canadiens participent à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le monde. Ils représentent environ 10 p. 100 de tous les soldats chargés du maintien de la paix qui sont en poste.
Nous apprécions beaucoup nos soldats chargés du maintien de la paix et sommes fiers de nos activités en ce domaine. Nous traitons cette question très sérieusement. Il est évident que notre engagement repose sur des raisons très pratiques. Le Canada ne peut prospérer que si la stabilité règne dans le monde. J'estime que la plupart des Canadiens sont d'avis que les activités de maintien de la paix sont importantes. Le regretté Lester B. Pearson a d'ailleurs reçu le prix Nobel de la paix, tout comme nos casques bleus en 1988.
Compte tenu de l'importance internationale des efforts de maintien de la paix du Canada, je voudrais parler brièvement de deux grandes questions: les priorités en matière de financement et le maintien de la paix dans le contexte international.
L'une des préoccupations de nombreux Canadiens en matière de maintien de la paix, c'est que nos soldats soient convenablement équipés pour les dangers auxquels ils sont fréquemment exposés.
(2340)
Cela veut dire que le matériel devrait être pleinement fonctionnel. Les soldats ont droit à des installations acceptables et à une protection adéquate. Tout cela exige des ressources financières.
Ma deuxième préoccupation concerne l'engagement de la communauté internationale. Si nous, Canadiens, décidons qu'il est prioritaire de rester engagés dans le maintien de la paix, nous devons, par le truchement de l'ONU, favoriser une action collective responsable. J'espère que nous inciterons les autres pays membres de l'ONU à verser leur contribution, à fournir des troupes, du soutien logistique et technique, à respecter les résolutions de l'organisation.
Les Canadiens ne peuvent se tirer d'affaire seuls comme nous l'avons vu en Bosnie, où les troupes qui doivent les relever ne peuvent le faire. Il faut que les Nations unies soient une organisation forte et que l'engagement des pays membres ne se résume pas à de vaines paroles; elles doivent donner de l'aide financière, des troupes, un soutien technique.
Le maintien de la paix est un domaine où nous servons le reste du monde. J'espère que nous continuerons à le faire. Mais il faut que nos gardiens de la paix aient le matériel voulu pour se protéger lorsqu'ils s'acquittent de leurs tâches, et il faut que la communauté internationale s'engage plus fermement.
Nous vivons dans un village planétaire. Nous avons nos responsabilités dans ce village.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Monsieur le Président, permettez-moi, au nom de la circonscription de Winnipeg-Nord que je représente, de joindre ma voix à celle des députés qui sont intervenus pour vous féliciter de votre nomination au poste de président adjoint, ainsi que le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, et les autres élus.
Je profite également de l'occasion pour remercier les électeurs de Winnipeg-Nord qui m'ont renouvelé leur confiance, lors des élections de l'automne dernier. Le nouveau gouvernement libéral s'est solennellement engagé à solliciter l'opinion de ses citoyens en ce qui concerne la politique étrangère et, pour débuter, à tenir un débat tout ce qu'il y a de plus public sur la question du maintien de la paix dans les premiers jours de la présente législature.
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À une époque où les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par des problèmes intérieurs, il y a lieu de nous interroger sur une question fondamentale, celle de notre participation à des missions de maintien de la paix coûteuses et dangereuses à l'étranger. Pourquoi sommes-nous là? Pourquoi adoptons-nous une attitude interventionniste à l'égard de problèmes et de conflits qui ont manifestement lieu à des milliers de milles d'ici, dans des régions que la plupart des Canadiens n'ont même jamais vues?
Pourquoi, vu l'ampleur des problèmes socio-économiques qui assaillent tous les Canadiens, jetons-nous même un coup d'oeil sur la question du maintien de la paix à l'échelle internationale? Bien sûr, il s'agit là d'une question valable.
Je voudrais offrir quelques réponses très convaincantes et j'encourage les députés de tous les partis représentés à la Chambre à partager ces réponses avec leurs électeurs.
Tout d'abord, à ceux qui mettent en doute les avantages que présentent pour le Canada ses missions de maintien de la paix à l'étranger, je dis que nous devons leur inculquer la notion que le Canada n'est pas une île. Au lieu de cela, le Canada se trouve dans une position privilégiée en tant que chef de file mondial dans la diplomatie internationale. Nous portons le flambeau légué par Lester B. Pearson, un legs qui ne comporte pas d'ultimatum, mais qui demande de la patience dans la quête de la paix.
Si nous ne parvenons pas à régler les conflits et les troubles qui règnent à l'étranger, ces problèmes deviendront les nôtres par extension. Si on laissait ces conflits durer impunément, ils risqueraient de s'étendre à notre pays et de l'engloutir. Bien sûr, il est dans l'intérêt du Canada de participer aux missions de maintien de la paix qui se déroulent dans d'autres pays. Mais l'intérêt national à lui seul ne représente qu'un aspect de la nécessité de continuer de participer aux opérations de maintien de la paix.
(2345)
Je pense, chers collègues, qu'il y a là un noble intérêt en jeu. Notre mission humanitaire dans l'ancienne Yougoslavie est salutaire pour deux millions et trois quarts d'habitants de cette nation déchirée par la guerre, des gens qui n'auraient autrement aucune chance de survivre dans cette situation déplorable. Ces secours précieux sont mieux assurés par une équipe de nations. C'est pourquoi, il est essentiel, à mon avis, que nous continuions de participer aux opérations de maintien de la paix des Nations dans cette partie du monde et dans d'autres régions.
Il se peut que d'autres nations hésitent. Quant à moi, je pense que le Canada doit réaffirmer son engagement à l'égard d'une politique étrangère indépendante. Et je suis sûr que ce gouvernement n'hésitera pas.
Chers collègues, permettez-moi d'attirer votre attention sur ce je considère comme une très grave lacune de notre politique en matière de maintien de la paix, à savoir qu'on ne fait pas connaître aux Canadiens les nombreux avantages de ces opérations, surtout en cette période où les questions d'intérêt national nous préoccupent au premier plan. Il est rare que des efforts couronnés de succès défraient autant les manchettes que les catastrophes. C'est peut-être pour cette raison que le sondage Angus Reid publié cette semaine révèle que six Canadiens sur dix sont en faveur du retrait des troupes canadiennes postées en Bosnie. Je ne peux m'empêcher de me demander si ce chiffre serait différent si les gens pouvaient juger du rôle humanitaire que jouent nos soldats outre-mer.
Récemment, nous avons vu à la télévision et dans les journaux la photo d'une luge abandonnée sur un fond de neige ensanglantée, à Sarajevo, symbole de toute l'horreur et la futilité de la guerre. Lorsque l'on voit dans les médias le massacre de civils chez eux, le massacre de femmes, les tueries insensées d'enfants sur des terrains de jeux, le bombardement d'hôpitaux, lorsque l'on voit des villages entiers sans nourriture et sans vêtements chauds, lorsque l'on voit ces situations indignes d'êtres humains, nous sommes bouleversés. Devant tant d'horreurs, la guerre semblent se rapprocher.
En conclusion, je dirais que les missions de maintien de la paix sont le défi ultime de l'âme de notre nation, et la façon dont nous y répondrons traduira la situation de notre conscience nationale. La vie de personnes de cette partie du monde est entre nos mains.
Le vice-président: Il reste trois orateurs, soit les députés de Waterloo, de Scarborough-Ouest et de Victoria-Haliburton. Je me demande s'ils accepteraient de diviser leur temps étant donné l'heure tardive. Est-ce que cinq minutes chacun suffiraient? Alors vous avez la parole, selon l'ordre indiqué sur la liste et vous pouvez blâmer le whip si vous n'approuvez pas cet ordre. Le député de Victoria-Haliburton a la parole.
M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton): Merci, monsieur le Président, je serai aussi bref que possible.
Je suis très heureux de prendre la parole pour la première fois dans l'enceinte la plus noble du pays. J'aimerais remercier les électeurs de Victoria-Haliburton qui m'ont choisi comme leur représentant à la Chambre et m'ont fait confiance en sachant que je ferais de mon mieux.
Nous traitons aujourd'hui d'un sujet qui préoccupe tous les Canadiens. Ce débat aurait dû avoir lieu depuis déjà longtemps et je remercie le premier ministre de cette occasion.
Le concept du maintien de la paix a été créé au Canada; c'est tout à fait normal puisque c'est le premier ministre Lester Pearson lui-même qui avait mis au point le programme. Il a d'ailleurs reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts. Le Canada est depuis longtemps un défenseur actif des organisations favorisant la stabilité et l'ordre à l'échelle internationale. Environ 2 300 de ses militaires sont déployés à l'heure actuelle dans diverses opérations de maintien de la paix à travers le monde.
Ces opérations sont demeurées non violentes pour la plupart. Toutefois, les affrontements violents sont de plus en plus fréquents dans le contexte quotidien du maintien de la paix. Le maintien de la paix prend donc un visage bien différent.
(2350)
Il ne faut pas perdre de vue l'objet du présent débat. On peut facilement renoncer au maintien de la paix en faisant valoir, par exemple, qu'il faut retirer nos troupes de régions dangereuses, mais un tel raisonnement témoignerait d'un manque de vision.
Nous devons élargir la discussion et essayer de voir ce que nous attendons de nos gardiens de la paix. Il faut les doter d'un mandat clair et concis. Le Canada engage-t-il des troupes dans
des opérations de maintien de la paix simplement parce que, comme je le disais plus tôt, notre pays n'a jamais refusé de participer à une opération des Nations Unies, ou parce qu'il est dans le meilleur intérêt du Canada de participer à une opération donnée?
Nous devons tenir compte de notre situation financière, de la diminution de notre budget de la défense et des effets que cela peut avoir sur notre participation à de futures opérations de maintien de la paix. D'autre part, avant d'engager nos troupes, nous devons nous assurer qu'elles ont l'équipement et la formation nécessaires pour faire face à toutes les situations possibles.
Bien que nous soyons en quelque sorte loin des opérations de maintien de la paix comme telles, nous devons faire en sorte que ceux qui risquent leur vie dans des situations dangereuses disposent du meilleur équipement et de la formation voulue pour pouvoir se protéger efficacement et assurer le succès de l'opération au nom du Canada.
Mon discours comptait 21 pages, mais je l'ai résumé.
M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais très brièvement faire valoir cinq points. La motion à l'étude aujourd'hui nous demande de prendre en compte les dimensions politique, humanitaire et militaire dans l'orientation future de la politique et des opérations canadiennes de maintien de la paix.
Voici les cinq points que je voudrais signaler au gouvernement et au ministre.
Premièrement, le Canada est, comparativement, un petit pays aux ressources limitées, et il ne peut donc agir seul. Nous savons que l'union fait la force. Nous pouvons nous soutenir les uns les autres. Le Canada doit donc, à mon avis, rester membre des organisations internationales, dont l'ONU et l'OTAN.
Deuxièmement, nous devons nous efforcer de démasquer l'hypocrisie au sein de ces organisations. Qu'est-ce que cela veut dire? Comparez l'action très prompte des forces de la coalition dans le Golfe, les milliards de dollars dépensés dans cette région en une très courte période, et l'inaction dans le cas de la Yougoslavie, où des enfants se font tuer tous les jours, l'inaction au Timor oriental, où les catholiques se font massacrer par des intégristes musulmans, l'inaction au Tibet, où la Chine se livre à un génocide culturel contre le peuple tibétain. Que dire des pays d'Afrique où des tribus s'entre-tuent, faisant des dizaines de milliers de morts? Ces organisations se gardent bien d'intervenir dans ces situations dramatiques.
Troisièmement, nous devons continuer à parler franchement et énergiquement au nom des droits de la personne, de la dignité humaine, de la valeur inhérente à toute vie humaine.
Quatrièmement, nous devons utiliser nos compétences militaires et profiter de notre réputation là où cela est justifié. Nous ne pouvons pas constamment être partout.
Cinquièmement, nos militaires connaissent leur métier. Ils connaissent les risques qu'il comporte. Ils ont choisi ce métier, mais nous ne pouvons pas leur demander de risquer leur vie à moins de veiller à les équiper, à les approvisionner et à les soutenir le mieux possible. Tout comme nous n'enverrions pas nos enfants jouer au hockey en pyjamas, nous ne pouvons pas envoyer nos soldats dans les régions les plus dangereuses et instables du monde sans une protection, une formation et un équipement convenables. Faire moins que cela serait irresponsable, indéfendable.
M. Andrew Telegdi (Waterloo): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié cette journée à la Chambre et je suis heureux d'être le dernier à prendre la parole. Nous allons sortir d'ici avant minuit.
Je représente la circonscription fédérale de Waterloo, qui regroupe le canton de Woolwich, Waterloo ainsi qu'une partie de Kitchener. C'est dans notre région que se trouve le collège Conrad Grebel, le projet appelé Project Ploughshares, ainsi qu'un centre de règlement des conflits. Nous avons évidemment une collectivité mennonite qui aide activement les gens d'autres pays en situation de crise.
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Lorsque nous regardons notre pays et que nous écoutons ceux qui ont pris la parole aujourd'hui à la Chambre, nous avons un peu l'impression d'être une petite organisation des Nations Unies. je ne peux m'empêcher de songer que nous sommes véritablement un rayon d'espoir dans un monde perturbé.
Un résident de ma circonscription, M. Elmasry, est professeur à l'Université de Waterloo et milite activement au sein d'un certain nombre d'organismes de défense des droits de la personne. Il a écrit, dans un article qu'il m'a envoyé, que le facteur prépondérant auquel est confronté le tissu moral de l'époque postérieure à la guerre froide est que la guerre d'agression en Bosnie-Herzégovine est une guerre de génocide. Le second fait important est qu'il n'existe aucune véritable volonté internationale de mettre fin au génocide. Le «plus jamais» inspiré par l'Holocauste a perdu toute signification. Dans ce pathétique désert moral, la réputation de la Communauté européenne et ses préoccupations en matière de sécurité et de droits de la personne ont été sérieusement ternies.
J'ai reçu des communications d'écoliers de sixième, septième et huitième années. Cela m'importe beaucoup compte tenu de mes antécédents. En 1956, lorsque le Canada s'est lancé dans sa mission de maintien de la paix à Suez, je vivais en Hongrie, j'avais neuf ans et la révolution hongroise battait son plein. Je me rappelle fort bien que les Hongrois se sont sentis terriblement abandonnés lorsque la crise de Suez a éclaté, estimant que leur droit à l'autodétermination était sacrifié sur l'autel de l'opportunisme de la campagne de Suez.
Les élèves qui m'ont écrit formaient un groupe appelé Urgent Action Team et provenaient de l'école élémentaire St. Agnes de Waterloo. Mme Joanne Thorpe est un parent bénévole qui travaille avec eux. Cheryl Finney, une des élèves, écrivait ceci:
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En Bosnie, ils écrasent les crânes des enfants, tranchent la gorge des femmes et tirent sur les hommes qui tentent de défendre leur famille.Celine Kruger a écrit:
Je suis convaincue que vous avez entendu parler de ce qui se passe en Bosnie, de la guerre, de la mort de nombreux innocents et des femmes qui se font violer uniquement en raison de leur religion. Le plus horrible, c'est que beaucoup d'enfants sont victimes de cette guerre.Becky Curan a écrit:
Je crois que le Canada devrait aider à garder la paix. Je sais que certaines personnes disent que nous devrions nous occuper de nos propres problèmes avant de nous occuper de ceux des autres. C'est peut-être vrai, mais nous tenons notre liberté pour acquise et nous devrions nous rendre compte de la situation où nous serions si notre propre pays n'était pas libre et si nous étions en guerre.Il y a bien d'autres lettres et j'ai été touché par le sérieux de ces élèves et par le fait que ces jeunes savent très bien que l'un des grands rôles du Canada dans le monde, c'est celui de gardien de la paix et de pacificateur.
Je m'entretenais avec Ernie Reduce du projet Ploughshares et je lui ai demandé quelle était sa solution au problème. Il m'a notamment dit qu'à moins qu'il y ait des gens en Bosnie-Herzégovine, à moins qu'il y ait des témoins des souffrances humaines qu'il y a là-bas, à moins qu'il y ait des gens prêts à aider ceux qui souffrent, nous ne saurons jamais ce qui s'y passe. Nous ne saurons jamais ce qui se produira là-bas. D'une certaine façon, la décision des Européens et des Nations d'imposer un embargo sur les armements a laissé les musulmans sans défense dans cette région.
Il ne fait aucun doute que les Canadiens, ardents partisans des Nations Unies, veuillent faire régner le droit international et lutter contre l'anarchie. Il est de notoriété publique que ce principe est l'un des éléments qui contribuent à l'unité de notre pays. Il est important de faire régner le droit international et de lutter contre l'anarchie, mais nous n'y parviendrons pas seuls. Pour atteindre notre objectif, nous devons chercher à renforcer le rôle que jouent les Nations Unies. Nous devons nous engager à appuyer les démocraties du monde entier pour faire régner la loi, l'ordre et l'autodétermination.
Le vice-président: Les députés seront heureux de savoir que le député de Waterloo était le 50e orateur à prendre part aujourd'hui à ce débat qui, selon le député de Labrador, était le meilleur que nous ayons entendu ici depuis 24 ans.
Comme il est presque minuit, aux termes de l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 23 h 59.)