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TABLE DES MATIÈRES


Le mardi 19 mars 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LES MINES TERRESTRES

    Mme Brown (Oakville-Milton) 883

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LES DROITS DE L'HOMME

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

    M. Chrétien (Frontenac) 907
    M. Chrétien (Frontenac) 910

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

    M. Leblanc (Longueuil) 915

L'ONTARIO

    M. Harper (Calgary-Ouest) 916

LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

LE RACISME

L'EMPLOI

LE RACISME

LE CONTRAT DES CHUTES CHURCHILL

L'AIDE À L'AFRIQUE

LE RACISME

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

SIR WILFRID LAURIER

LA GARDE CÔTIÈRE

LES COMITÉS PERMANENTS

LE GOUVERNEMENT DE TERRE-NEUVE ET DU LABRADOR

LA LANGUE FRANÇAISE

LA BOSNIE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 919

QUESTIONS ORALES

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 919
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 919
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 919

L'INDUSTRIE MINIÈRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 920
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 921

LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE

    M. Bernier (Gaspé) 921
    M. Bernier (Gaspé) 921

LES AÉRONEFS DU GOUVERNEMENT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 921

LE TRANSPORT AÉRIEN

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 922
    M. Martin (LaSalle-Émard) 922

LE BUDGET DE LA CULTURE

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 923
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 923

LA PUBLICITÉ POUR LE TABAC

CLIFFORD OLSON

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 924
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 924

L'IMMIGRATION

CHATHAM, AU NOUVEAU-BRUNSWICK

CUBA

LA JUSTICE

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'INSPECTION DES ALIMENTS

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 927

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

    Reprise de l'étude la motion 927
    M. Leblanc (Longueuil) 932
    M. Leblanc (Longueuil) 936
    M. Leblanc (Longueuil) 944
    Report du vote sur la motion 945

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-201. Motion de deuxième lecture 946

MOTION D'AJOURNEMENT

L'EMPLOI

LES ÉDIFICES GOUVERNEMENTAUX


883


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 19 mars 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions présentées pendant la première session.

* * *

PÉTITIONS

LES MINES TERRESTRES

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter une pétition dûment certifiée par le greffier des pétitions et signée par 126 résidents de ma circonscription, Oakville-Milton.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement de promouvoir la signature d'un traité international interdisant l'utilisation, la production, le stockage, la cession, l'exportation ou la vente des mines terrestres anti-personnel, de légiférer pour interdire la production, l'utilisation et l'exportation des mines anti-personnel, d'accroître les programmes de déminage et de mettre en place des programmes d'aide financière et médicale destinés aux victimes de mines.

La pétition a été lancée par des membres de l'église unie St. John's d'Oakville. Je les félicite de leurs efforts et je leur accorde mon appui.

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je désire présenter trois pétitions.

La première rappelle le meurtre brutal d'un de mes électeurs,M. Louie Ambas, de Scarborough. Les pétitionnaires signalent à la Chambre que les Canadiens d'un océan à l'autre réclament des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants et des peines plus sévères pour les jeunes reconnus coupables de crimes avec violence.

(1010)

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants pour que les jeunes accusés de meurtre soient automatiquement traduits devant un tribunal pour adultes, que ceux qui seront reconnus coupables soient passibles des mêmes peines que les adultes et que leur identité ne demeure pas confidentielle.

LES DROITS DE L'HOMME

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par des centaines de Canadiens d'origine hongroise. Les pétitionnaires soulèvent plusieurs problèmes et demandent au gouvernement de les soulever, par la voie diplomatique.

Les pétitionnaires s'inquiètent de la protection des droits de l'Homme les plus fondamentaux des minorités autochtones hongroises qui vivent en dehors des frontières de la Hongrie actuelle et dont le nombre inclut 2,5 millions de personnes en Roumanie, 800 000 personnes en Slovaquie, 350 000 personnes en Serbie et 160 000 personnes en Ukraine. Ils décrivent plusieurs actes de violation des droits de la personne qui ont été perpétrés à l'endroit des minorités hongroises dans ces pays.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de faire part de leurs préoccupations et de leurs protestations aux gouvernements nommés et de leur rappeler le devoir qu'ils ont de respecter les principes démocratiques et les droits humains fondamentaux garantis par la Charte des droits de l'Homme des Nations Unies ainsi que, en tant que signataires, les accords d'Helsinki concernant les droits des minorités.

Monsieur le Président, j'ai des pétitions signées par des habitants de Calgary et de la région de l'Alberta en général. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une manière qui tendrait à laisser entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord?

Des voix: D'accord.

> 884


884

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ) propose:

Que la Chambre dénonce que le comité technique mis sur pied par le ministre des Finances chargé d'analyser la fiscalité des entreprises soit un comité constitué de membres qui sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises et que devant cet état de fait, le ministre des Finances devrait mettre sur pied un comité conjoint d'experts et de parlementaires qui examinera, de façon impartiale et dans le cadre d'un processus ouvert et transparent, la fiscalité des entreprises.
-Monsieur le Président, il me fait plaisir d'ouvrir cette journée de l'opposition officielle sur l'importante question de la réforme de la fiscalité, et en particulier la fiscalité des entreprises.

Il y a plusieurs raisons pour réformer cette fiscalité, pour réexaminer l'ensemble de cette fiscalité, mais je me contenterai d'en énumérer quatre qui découlent directement de la réflexion que le Bloc québécois fait depuis plus de trois ans à cet égard.

La première de ces raisons, c'est que la fiscalité canadienne n'a pas été revue en profondeur depuis presque 30 ans. La dernière commission qui s'est penchée sérieusement sur une réforme en profondeur de la fiscalité, c'était la Commission Carter, en 1967. Mais depuis, des mesures se sont ajoutées, des mesures ont été retranchées, des mesures ont été modifiées. Bref, on ne sait pas tout à fait où on en est depuis ce temps.

La deuxième raison, c'est que la fiscalité canadienne-et ce ne sont pas uniquement nous, de l'opposition officielle, qui le disons, c'est partout, même lorsqu'on rencontre des émissaires étrangers-est fort complexe. Elle est lourde à administrer et elle peut favoriser, d'une certaine façon, deux problèmes majeurs :celui de l'économie souterraine, l'absence de contrôle, et complexité équivaut à absence de contrôle; et, deuxièmement, si on conjugue cette fiscalité aux conventions fiscales signées avec certains pays considérés comme des paradis fiscaux, cette fiscalité peut même favoriser l'évitement fiscal et la fuite de capitaux.

La troisième raison pour réformer la fiscalité canadienne, ce sont les nombreuses exonérations présentes dans cette fiscalité, qui profitent aux très hauts revenus et qui profitent surtout aux grandes corporations canadiennes, qui ont les moyens d'engager des spécialistes, des fiscalistes reconnus pour justement éviter, à partir de ces exonérations, de payer leur dû à Revenu Canada.

Toutes les fois qu'une corporation ou un haut revenu ne paie pas son dû à Revenu Canada, c'est l'ensemble des particuliers, c'est l'ensemble des contribuables québécois et canadiens qui paient la note au bout.

(1015)

J'en viens à la quatrième raison. Partout, quand vous parcourez le Québec comme le Canada, les contribuables, les contribuables québécois comme canadiens nous demandent de réformer la fiscalité. Ils trouvent odieux le fait que le ministre des Finances coupe à tour de bras dans des outils considérés comme essentiels, et qu'il laisse tout un pan de la réalité des finances publiques canadiennes de côté. Ne serait-ce que pour cela, ne serait-ce que parce que les Canadiens et les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises le demandent au gouvernement-ce sont les patrons qui demandent de réformer la fiscalité-je pense que c'est la bonne raison pour le faire.

Il y a peut-être une cinquième raison aussi. Quand on regarde ce qui se passe à travers le monde, en particulier chez nos voisins américains, on s'aperçoit que depuis le début des années 1980, les Américains se sont attelés à la tâche de moderniser la fiscalité américaine. Ils se sont attelés à la tâche parce qu'ils voyaient bien que la fiscalité américaine, le système fiscal américain devenait de plus en plus complexe, devenait de plus en plus détournable, devenait de plus en plus une passoire. Donc, ils se sont attelés à la tâche, premièrement, en imposant un impôt minimum sur les revenus des corporations, et deuxièmement, à l'heure actuelle, ils analysent ce qu'on appelle la «flat tax», c'est-à-dire l'impôt unique.

Je ne vous dis pas que c'est la solution, mais au moins on regarde des alternatives valables. On le fait du côté américain, on ne le fait pas du côté canadien. Cela se fait en France, aussi. J'écoutais avant-hier M. Chirac qui se donnait cinq ans pour réformer en totalité la fiscalité des particuliers et la fiscalité des entreprises, parce qu'il voit bien que dans un monde moderne, lorsqu'on parle de globalisation et d'internationalisation, il y a des changements à effectuer aussi dans nos outils qui étaient auparavant internes, qui étaient protégés par des frontières où la compétitivité fiscale n'était qu'un concept.

À l'heure actuelle, ce n'est plus un concept, et cela deviendra de moins en moins un concept. Il faut en arriver à ce que la fiscalité soit compétitive, soit harmonisée de façon correcte, et soit simplifiée pour en assurer un contrôle. Bref, cela se fait partout dans le monde.

Il y a cinq mots qui guident les grandes réformes de la fiscalité: simplification, rendement, contrôle, justice et équité. Et c'est le message que nous essayons de transmettre à ce gouvernement depuis deux ans et demi. De quelle façon le gouvernement a-t-il répondu? Je vous avouerai bien candidement-pas naïvement par contre, ce serait trop-que lorsque le ministre des Finances nous a appris, lors du dépôt de son dernier budget, qu'il avait mis en place un comité technique pour revoir la fiscalité, nous étions très heureux de cela, je vous le dis sincèrement.

J'ai même dit au ministre des Finances que les démarches du Bloc québécois, les démarches de l'opposition officielle n'ont pas été vaines. Vous avez enfin compris la nécessité de réformer cette fiscalité, vous avez enfin compris que c'était essentiel, que c'était incontournable, si on avait véritablement le goût d'assainir les finances publiques et d'avoir une certaine justice fiscale au Canada. Je lisais le communiqué qui annonçait la constitution du comité. . .

Est-ce qu'on pourrait, monsieur le Président, avoir l'attention des députés du parti gouvernemental? Quelquefois, lorsqu'on leur fait des suggestions et qu'ils les comprennent ou qu'ils les écoutent, ça semble aller de mieux en mieux au Canada.


885

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Le député demande la collaboration de tous les députés de la Chambre, au moment d'entamer le débat, de façon à ce qu'il puisse se faire clairement entendre. Si les députés désirent discuter entre eux, je les invite à le faire dans d'autres salles, derrière les rideaux.

[Français]

M. Loubier: Alors, je disais donc que nous étions heureux et je l'ai dit franchement au ministre des Finances. Enfin, vous avez compris qu'on ne peut ignorer les demandes pressantes des Québécois et des Canadiens en faveur d'une réforme de la fiscalité, et si vous avez le désir d'assainir véritablement les finances publiques, ça passe aussi par un ré-examen total de cette fiscalité.

Le communiqué qui accompagnait justement la constitution du comité, dans les deux premiers paragraphes, était merveilleux. On disait, et je cite le communiqué: «Les Canadiens veulent le régime fiscal le plus juste et le plus simple possible, a déclaré M. Martin. Il réclame aussi un régime qui favorise la croissance économique et la création d'emplois. Vu la complexité de ces objectifs, un examen détaillé des mesures fiscales applicables à l'investissement et à l'entreprise s'impose. Le comité technique examinera des façons d'améliorer le régime fiscal, de manière à promouvoir la création d'emplois et la croissance économique, de simplifier la fiscalité des entreprises pour en faciliter l'observation et l'administration et de renforcer l'équité du régime pour que toutes les entreprises participent au financement de la prestation des services gouvernementaux.»

(1020)

Lorsqu'on a pris connaissance de cela, nous étions tout près d'applaudir. C'est lorsque nous sommes allés au verso du communiqué que les choses ont commencé à se gâter, parce que les objectifs qui sont là sont des objectifs que nous défendons avec acharnement, au Bloc québécois. Ce sont des objectifs que nous désirions atteindre et que nous désirons encore atteindre en matière de réforme de la fiscalité.

Mais lorsqu'on regarde le processus et la composition du comité, nous sommes obligés de reconnaître que c'est de la fumisterie. Pourquoi? Il y a trois raisons. La première, c'est que certains membres de ce comité, comme nous l'avons souvent dénoncé, sont des représentants d'entreprises, et ces entreprises ont comme principal mandat de justement conseiller les très hauts revenus et les grandes corporations sur les façons d'éviter de payer leur impôt à Revenu Canada.

Ces mêmes entreprises ont des filiales dans des pays comme les Bahamas, les îles Caïman, un petit peu partout à travers le monde, des pays considérés comme des paradis fiscaux et où transitent des centaines de millions de dollars d'impôts qui, au lieu d'être payés à Revenu Canada, sont tout simplement détournés de leur première cible. Non seulement ces gens conseillent les corporations sur les façons d'éviter de payer leur impôt, mais en plus de ça, elles participent elles-mêmes, par l'entremise de conventions fiscales signées avec des pays considérés comme des paradis fiscaux, à de l'évitement fiscal.

Alors comment voulez-vous, dans ces circonstances, que les membres du comité ne soient pas biaisés en faveur du maintien de certaines exonérations, du maintien de certaines dépenses fiscales, communément appelées dépenses fiscales, qui profitent aux grandes corporations, qui profitent même à eux-mêmes, à leurs propres entreprises? Que pensez-vous que ces gens du comité vont sortir comme rapport de leurs travaux tout au cours de l'année?

Comment voulez-vous aussi qu'un processus derrière des portes closes-parce que c'est ce que propose le ministre des Finances-nous conduise à une véritable réforme, une véritable refonte de la fiscalité des entreprises, incluant ce que l'on appelle communément les dépenses fiscales? Ils n'ont pas intérêt à ce que les choses changent. Ils ont intérêt à maintenir la complexité du régime fiscal, puisque c'est à partir de cette complexité que ces gens, qui représentent des compagnies comme Price Waterhouse, des compagnies comme Ernst & Young, arrivent à gagner leur vie.

Si la fiscalité était plus simple, si elle était plus contrôlable, s'il n'y avait pas possibilité d'en arriver à profiter des trous de cette fiscalité pour éviter de payer de l'impôt au gouvernement fédéral, ces gens n'auraient pas d'emploi. Trouvez-moi quelqu'un, partout à travers le monde, qui serait prêt à se tirer non pas une fois, mais trois fois dans le pied? Il y a toujours une limite. Et on apprenait cette semaine que ces mêmes gens contribuent à la caisse du Parti libéral, pour un montant aussi élevé que 80 000 $ par année. Comment voulez-vous que ces gens soient tout à fait objectifs? Je trouve que c'est une mascarade.

Pourtant, il y a bien des choses à faire sur le plan fiscal. D'ailleurs, il y a une grogne à l'heure actuelle. Partout au Canada, quand vous vous promenez, coast to coast, comme on dit, il y a des gens-et ce n'est pas une question d'option constitutionnelle-il y a des contribuables québécois et canadiens qui nous disent qu'il faut réformer la fiscalité, qu'il faut en arriver à une plus grande justice fiscale. On a beau le répéter au gouvernement depuis deux ans et demi, il ne bouge pas ou ne démontre pas une volonté politique de véritablement réformer cette fiscalité, puisqu'il vient de former un comité que je qualifierais de vraisemblablement, en tout cas, bidon.

(1025)

Comment voulez-vous qu'on en arrive à des résultats? Quand je vous dis que partout au Canada on trouve que ce comité n'a pas de bon sens et que le gouvernement devrait vraiment procéder à une réforme de la fiscalité, je me permettrai de vous citer, comme je l'ai fait hier soir, une autre partie de la lettre d'une contribuable canadienne, Mme Jansson, de Regina, en Saskatchewan. Elle m'envoyait un fax, les réformistes n'ont pas l'exclusivité et le monopole des fax, nous aussi on y a recours quelquefois. Je vous cite Mme Jansson:

[Traduction]

Par la présente télécopie, je tiens à vous dire combien j'apprécie que vous ayez soulevé plusieurs enjeux importants dans votre réponse au budget du ministre des Finances, M. Paul Martin. Je reconnais que votre parti, le Bloc québécois. . .
[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je vous interromps, je sais que ce n'est pas planifié, mais je veux simplement rappeler à la Chambre que dans nos discours on ne doit pas nommer le nom des députés ou des ministres, mais plutôt celui de la circonscription ou


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le titre du ministre. C'est peut-être un peu plus difficile quand cela se fait dans le cadre d'une citation, mais même dans le cadre d'une citation on se doit de changer le nom du ou de la ministre pour son poste ou sa circonscription.

En Chambre, nous avons comme règle, tout simplement, que l'on ne peut pas faire indirectement ce qui ne peut être fait directement. Je sais que vous n'aviez pas de mauvaises intentions mais je voulais simplement le rappeler à la Chambre.

M. Loubier: Monsieur le Président, cela m'a échappé lors de la rédaction de mon discours. Je continue donc ma citation:

[Traduction]

Je reconnais que votre parti, le Bloc québécois, a des aspirations particulières, mais vos observations étaient représentatives des préoccupations de beaucoup de Canadiens.
[Français]

Et je poursuis la citation:

[Traduction]

La réforme du régime fiscal devrait être une responsabilité de premier ordre pour tout gouvernement tourné vers l'avenir, mais nos dirigeants actuels semblent plutôt s'accrocher fermement à des lois encombrantes et dépassées. Votre discours a appris aux contribuables, dont je suis, que des représentants de la firme de consultants en gestion Ernst & Young, bien connue pour son aptitude à légitimer les nominations par favoritisme, allaient siéger au comité chargé d'étudier la loi de l'impôt applicable aux grandes sociétés. Payer Ernst & Young avec l'argent de nos impôts pour ce genre de service, c'est un peu comme de charger un renard de concevoir la clôture qui protégera le poulailler. Les Canadiens ordinaires se sont fait plumer tellement souvent par leurs représentants élus que nous ne devrons pas nous surprendre quand on nous enlèvera les derniers vestiges d'égalité des chances.
[Français]

Il y a beaucoup de travail. Comme je vous le dis, cette dame qui a pris la peine de m'écrire pour me dire qu'elle trouvait que ce comité n'était qu'une mascarade, qu'il n'y avait pas une réelle volonté politique de réformer la fiscalité, en appelait en même temps au travail sérieux. Et il y en a du travail à faire au niveau de la réforme de la fiscalité.

Seulement en ce qui a trait aux dépenses fiscales, c'est-à-dire l'ensemble des exonérations, des exemptions, des crédits d'impôt offerts aux entreprises, les montants connus d'évaluation pour certaines d'entre elles, parce qu'il y en a des dizaines, mais celles dont on connaît l'incidence, coûtent année après année aux contribuables québécois et canadiens autour de 10 milliards de dollars.

Ce sont les mesures connues, parce qu'il y en a d'autres qui n'ont pas été évaluées, faute d'un examen en comité, un comité sérieux, transparent et un comité qui veut vraiment faire avancer les choses. Dix milliards de dollars par année. Ces impôts impayés ou ces crédits octroyés ont l'allure de subventions indirectes, puisque les impôts qui ne sont pas recueillis, c'est comme si le gouvernement investissait dans ces entreprises, c'est comme si le gouvernement donnait des subventions à ces entreprises.

Ces dix milliards par année, c'est l'ensemble des particuliers, des contribuables québécois et canadiens qui paient pour cela. Lorsque vous payez des montants aussi importants que ceux-là, vous espérez en avoir pour votre argent, et ce n'est pas nécessairement le cas. Lorsqu'on regarde chacune des dépenses fiscales, chacune des exonérations, ce n'est pas vrai que nous en avons toujours pour notre argent.

Prenons seulement un exemple, soit l'inclusion partielle des gains en capital. Cette mesure fait en sorte que seuls les trois quarts des biens en capital des sociétés sont imposés. Ainsi, toute société qui achète et revend des actions à un prix supérieur réalise un gain en capital égal entre le prix d'achat et le prix de vente. Ce profit entre le prix d'achat et le prix de vente n'est taxé qu'aux trois quarts. Pourquoi ne pas taxer à un taux normal d'impôt? Pourquoi ne pas taxer à 100 p. 100 ces gains en capital? On en parle partout à travers le Canada, et même des fiscalistes disent que c'est une mesure qui ne devrait pas avoir cours, qu'on devrait imposer, comme on le fait avec l'ensemble des revenus des contribuables, à 100 p. 100 les gains en capital. Imaginez un investisseur, une société qui achète des actions et qui les revend, il fait déjà un gain, un profit sur cette vente. En plus de cela, on lui en redonne encore. On lui dit que seuls les trois quarts seront imposés. Mais pourquoi pas 100 p. 100?

(1030)

Savez-vous combien coûte cette mesure? Elle coûte 400 millions par année aux contribuables québécois et canadiens. C'est la même chose lorsqu'on parle des crédits d'impôt à l'investissement, à la recherche scientifique et au développement. Cette mesure, fondamentalement, est une excellente mesure. Il faut favoriser la recherche et le développement au Québec comme au Canada. On est déjà en retard de dix ans. On aurait dû en mettre et en remettre de ces crédits et de ces subventions à la recherche et développement pour augmenter la compétitivité des entreprises.

Mais là encore, les règles qui permettent de se prévaloir de ce crédit d'impôt à la recherche et développement sont bourrées de trous. Des équipements qui sont assujettis à ces projets ou les projets de recherche eux-mêmes sont tellement permissifs, qu'on en arrive à des abus certains. Je vous rappelle que l'année dernière, suite à des dénonciations du Bloc québécois sur l'utilisation du crédit d'impôt à la recherche et développement par les grandes banques canadiennes, n'eut été de notre dénonciation, les banques auraient continué à accaparer ce crédit d'impôt pour développer leur système de guichets automatiques et leur logiciel interne. Les grandes banques canadiennes s'étaient déjà prévalu d'un montant de 300 millions de crédits à l'investissement pour développer leur équipement et leur logiciel internes.

Je pourrais continuer longuement, mais vous me faites signe qu'il me reste environ trois minutes. Je pourrais continuer longuement, parce qu'il y a des dizaines d'exonérations comme celles-là qui mériteraient d'être examinées sérieusement, de façon transparente, qui mériteraient d'être expliquées à l'ensemble de la population et jugées par elle aussi dans le cadre des travaux d'un comité ouvert, transparent et parlementaire. Et je ne parle pas d'un comité comme celui que le ministre des Finances a mis en place, qui est partial, qui risque de mettre un biais dans l'évaluation des exonérations et du régime fiscal en général et qui ne rencontrera pas les


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objectifs qu'on souhaite qu'il rencontre. On veut une véritable réforme de la fiscalité, bénéfique à l'ensemble des contribuables québécois et canadiens.

Je lance un appel, mais, juste avant, j'ajoute que les membres du comité ne proposeront pas non plus d'éliminer les bénéfices liés aux conventions fiscales signées avec des pays considérés comme des paradis fiscaux, puisque eux-mêmes en profitent. Alors qu'attendons-nous de ce comité?

En conclusion, j'aimerais lancer un appel au ministre des Finances au nom de l'ensemble des Québécois et des Canadiens, des Québécoises et des Canadiennes. S'il veut vraiment assainir les finances publiques, s'il est sincère lorsqu'il dit qu'il veut avoir une justice fiscale au Canada, s'il est sincère lorsqu'il dit qu'il faut en arriver à ce que la population, non seulement ait l'impression que tout va bien, mais que ça aille un peu mieux au plan de la fiscalité, je lui lance un appel, je lui tends la main pour qu'il mette en place un véritable comité parlementaire, avec des experts autour également, pour effectuer un examen sérieux, exhaustif, en profondeur, avec des résultats au bout. Lorsqu'on aura cette assurance, vous pouvez être assuré que l'opposition officielle, et moi le premier, va travailler de façon constructive à cette réforme, va travailler sérieusement, avec toute la collaboration que le ministre des Finances souhaiterait nous voir lui donner.

Mais en attendant, je dépose la motion suivante:

Que la Chambre dénonce que le comité technique mis sur pied par le ministre des Finances chargé d'analyser la fiscalité des entreprises soit un comité constitué de membres qui sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises et que devant cette état de fait, le ministre des Finances devrait mettre sur pied un comité conjoint d'experts et de parlementaires qui examinera, de façon impartiale et dans le cadre d'un processus ouvert et transparent, la fiscalité des entreprises.
Je dépose cette motion de l'opposition officielle.

(1035)

[Traduction]

M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la veille d'un jour désigné, nous attendons toujours avec impatience la motion du parti de l'opposition. Cependant, nous avons été quelque peu désappointés et surpris de recevoir la motion hier soir.

La motion montre à quel point le député de Saint-Hyacinthe-Bagot saisit bien les apparences, mais est décontenancé par la substance. Il a reçu un communiqué concernant un comité et il est outré à cause de la composition de ce comité.

Nous sommes maintenant saisis d'une motion qui déplore la composition du comité sans tenir compte de la substance, c'est-à-dire du fait que nous répondons concrètement aux suggestions des députés, qui nous avaient demandé d'examiner le système fiscal afin d'y repérer tous les obstacles à la création d'emplois et à la croissance. C'est ce que nous avons entrepris, de la façon la plus appropriée.

Le député de Saint-Hyacinthe-Bagot est un expert de l'industrie laitière. Examinons un peu la situation de cette industrie au Québec. Si le Québec devait se séparer, l'industrie laitière du Québec pourrait-elle continuer à exporter du lait vers le reste du pays comme elle le faisait antérieurement?

Je voudrais consulter le député de Saint-Hyacinthe-Bagot dans un domaine qu'il connaît bien. Il possède une expertise indéniable dans le domaine de l'industrie laitière du Québec. Je voudrais aussi le consulter à cause de son expérience. Toutefois, il n'est évidemment pas objectif dans ce domaine, justement parce qu'il le connaît bien et parce qu'il a déjà été payé par cette industrie. Je serais prudent quant à ses conseils et je demanderais certainement qu'ils soient examinés de près et soumis à la consultation publique ultérieure.

Pour reprendre l'analogie mentionnée dans la lettre citée par le député, pour comprendre pourquoi le renard entre dans le poulailler, je ne consulterais pas uniquement les poules, je voudrais parler aussi au renard lui-même.

Le député s'est montré très irrévérencieux en gaspillant ainsi le temps de la Chambre. Il s'est vraiment surpassé dans son attaque contre le processus. Comme je l'ai dit, il comprend les apparences, mais de toute évidence, il ne saisi pas la substance. C'est ce qu'on pourrait appeler du travestissement intellectuel. C'est le triomphe du dogme sur le bon sens. Dans son intervention, il a dénigré la réputation et le professionnalisme de certains des principaux experts canadiens en fiscalité.

Implicitement, il a attaqué la volonté manifeste du gouvernement de parvenir à l'équité fiscale et il n'a tenu aucun compte de toutes les mesures qui ont été prises pour que les entreprises paient leur part du coût des services gouvernementaux offerts aux Canadiens.

Le député a abusé des journées d'opposition, des journées qui sont censées servir à discuter de questions critiques, en présentant une motion qui renferme des informations erronées et regrettables.

Ce qui est réellement déplorable, ce n'est pas la composition du comité technique ni l'examen de la fiscalité, mais c'est de ne pas avoir mentionné le fait que c'est la première étape d'un processus qui comportera une consultation du public et une consultation des députés à la Chambre.

Cela ne devrait pas surprendre ceux qui ont écouté le discours du budget du ministre ou qui ont lu le communiqué annonçant le comité. Malheureusement, cela ne comprend pas le député. Je vais lui expliquer, à lui et aux autres députés intéressés, de quoi il retourne.

[Français]

Pourquoi le comité est-il aussi restreint? Et la participation du public, alors? Il s'agit de la première étape d'un examen de la fiscalité des entreprises. Ce groupe restreint, dont les membres possèdent tout un éventail de connaissances spécialisées, se livrera


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à une analyse globale du régime fiscal des entreprises et proposera des recommandations et des options utiles au gouvernement.

(1040)

Des consultations publiques feront suite à la publication du rapport du comité. Cela donnera aux groupes représentant des intérêts particuliers toute possibilité de se faire entendre-en réponse à un ensemble de propositions et d'options clairement exposées-avant que le gouvernement ne prenne des décisions d'orientation.

[Traduction]

C'est ainsi que nous procédons. Nous consultons les experts, ce qui nous donne, comme certains diraient, une avenue à exploiter. Nous avons un ensemble de recommandations que les gens peuvent étudier pour en peser le pour et le contre. Mais, tout d'abord, nous voulons consulter les spécialistes en la matière.

Comme le disait le ministre dans le discours du budget, les Canadiens veulent un régime fiscal qui soit le plus juste et le plus simple possible. Ils réclament aussi un régime qui favorise la croissance économique et la création d'emplois. Vu la complexité de ces objectifs, un examen approfondi des impôts applicables aux investissements et aux entreprises s'impose.

Le dernier examen général des mesures d'imposition des entreprises était une étude interne qui a précédé la réforme fiscale de 1987 et qui était l'oeuvre du gouvernement précédent; il remonte donc maintenant à une décennie. Il est temps de procéder à un nouvel examen, et les objectifs du comité technique sont clairs et concrets; ce sont des objectifs que tous les Canadiens de toutes les régions peuvent appuyer.

Le mandat du comité figurait dans le communiqué qui accompagnait le budget.

[Français]

«Améliorer le régime fiscal pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique dans une économie ouverte; simplifier l'imposition du revenu des sociétés pour en faciliter l'observation par les contribuables et l'administration par Revenu Canada; et renforcer l'équité du régime fiscal en veillant à ce que toutes les entreprises participent au financement de la prestation des services gouvernementaux. En outre, le comité étudiera l'interaction entre le fardeau fiscal des entreprises, y compris l'impôt des sociétés, l'impôt sur le capital et l'impôt sur la masse salariale, et celui qu'assument les particuliers à l'égard de leurs revenus de placements.»

[Traduction]

Y a-t-il un Canadien qui ne sera pas d'accord pour dire que notre régime fiscal national doit favoriser la création d'emplois, la simplification du système, une plus grande observation de la loi et une plus grande équité et pour affirmer que le gouvernement doit accorder la plus grande importance à la réalisation de ces objectifs? C'est notre point de vue, et je suppose ou, du moins, j'espère que le député partage cette vision. Sa motion est vraiment quelque chose d'autre. Il lui manque le sens de l'équité et la transparence, ces valeurs qui, selon le député, manquent à tout le processus entourant le comité technique lui-même. C'est regrettable.

Il dit que les membres de ce comité sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises. La simple politesse et la justice naturelle exigent qu'on traite mieux ces hommes et ces femmes, et une attaque aussi malveillante à leur endroit est tout à fait déplacée à la Chambre.

Ce ne sont pas des juges qui prendront des décisions ayant force exécutoire puisque le gouvernement et la Chambre ne peuvent être et ne seront pas liés par leurs conclusions. Ils sont là pour analyser et conseiller, car ce sont des experts réputés, d'éminents universitaires, des gens reconnus qui connaissent le domaine et qui nous aideront à comprendre, tandis que nous, députés, porteront un reegard critique sur les questions qu'ils soulèveront.

Ce sont des experts réputés, comme Jack Mintz. Ce sont des avocats et des comptables. J'ai ici les noms et leurs antécédents professionnels. Ils représentent un large éventail de compétences, et je veux parler de Robert Brown, président et chef de la direction de Price Waterhouse, du professeur Bev Dahlby, de l'Université de l'Alberta, de Gerry Godsoe, un associé de la firme Stewart McKelvy Stirling et Scales, d'Allan Lanthier, un associé principal en fiscalité de la firme Ernst and Young, de Wilfrid Lefebvre, un associé principal de la firme Ogilvy Renault, du professeur Nancy Olewiler, présidente du département d'économie à l'Université Simon Fraser, de Norman Promislow, un associé de la firme Buschwald Asper Hentelef, et de Stephen Richardson, un associé de la firme Tory Tory DesLauriers et Binnington.

Ce sont de grands experts dans leur domaine, justement le genre de personnes qu'on veut pour examiner ces questions et nous faire rapport. Ce ne sont pas des juges. Ils ne prendront pas d'engagements à caractère exécutoire pour le gouvernement. Ils vont analyser et conseiller.

Comment le député ose-t-il laisser entendre que ces spécialistes sont également des juges? Veut-il dire que ce sont d'éventuels agents du monde des affaires qui ont un intérêt dans tout cela et qu'on devrait donc se méfier de leurs conseils? Il sait qu'il n'en est rien. Il n'ignore pas qu'ils sont tenus en haute estime dans leur sphère d'activité. Nous leur sommes reconnaissants d'avoir bien voulu accepter de se charger de cette tâche.

Je crois qu'ils sont plus conscients de leurs obligations professionnelles et de leur devoir envers la nation et les contribuables canadiens que mon vis-à-vis ne peut le comprendre. Il comprendrait qu'on fait abstraction de sa clientèle ou de cas antérieurs lorsqu'on accepte d'accomplir une tâche comme celle-ci pour le compte du gouvernement du Canada; on y apporte son expérience. C'est pourquoi nous demandons les services de ces personnes.

(1045)

La véritable mesure de la performance est la détermination du gouvernement à mener sa tâche à bien. Je suis confiant que les membres du comité technique prendront leur travail au sérieux et nous apporteront une aide importante.


889

Rappelons-nous que le rapport sera un document public. Ses observations et ses suggestions seront accessibles à tous. Tout le monde pourra juger de tout parti pris ou favoritisme injustifié, dont le député présume automatiquement que tous les autres, sauf lui, bénéficieraient. Le comité technique accepte de se plier à cette discipline.

Que dire de la suggestion faite dans la motion d'aujourd'hui que le comité technique comprenne des parlementaires? La réponse réside dans la signification de l'expression «comité technique», qui dépasse manifestement l'entendement de certains députés d'en face.

Les régimes fiscaux modernes sont compliqués. C'est là une partie du problème. Nous avons constitué un comité technique qui possède le savoir-faire voulu et a fait ses preuves dans la connaissance du régime. Ses membres ont largement dépassé le cours d'impôt 101. En toute justice envers bon nombre de mes collègues et moi-même, nous considérons que la Loi de l'impôt sur le revenu est extrêmement compliquée. Je veux un peu d'aide, lorsque je parcours la loi, pour me concentrer sur les aspects qui nuisent à la croissance et à la création d'emplois.

Le comité commencera ses travaux avec un très impressionnant bagage de connaissances. Je doute qu'il y ait à la Chambre bien des députés qui possèdent les mêmes connaissances. Nous gagnerons du temps en faisant participer un comité constitué de personnes possédant ces compétences. La question qui se pose est la suivante: Quelle valeur ajoutée la présence de parlementaires apportera-t-elle à l'étape initiale, celle des analyses?

Le comité technique devrait pouvoir procéder à ses travaux en toute impartialité, sans crainte de créer des remous politiques. Il doit être vraiment indépendant de tout lien direct avec quelque parti politique ou électorat que ce soit.

Ce qu'il y a d'étonnant dans la campagne que le député mène contre le comité, c'est l'allusion au fait que lui et lui seul-et peut-être bien ses collègues qui forment l'opposition officielle-sait vraiment ce qu'il faut faire. Pourquoi consulter quelqu'un qui pense autrement? Cela pourrait aboutir à un résultat différent de celui que, pour des raisons idéologiques ou autres, ils proposent.

En tout cas, la position des députés de l'opposition officielle comporte des incohérences de taille. D'une part, ils s'en prennent aux paradis fiscaux et, d'autre part, leurs collègues séparatistes du Québec parlent d'un Québec indépendant comme étant un futur paradis fiscal. Je me demande quelle est leur position véritable. J'aimerais connaître d'abord l'avis des experts et ensuite les commentaires de mes collègues.

Certes, dans un premier temps, les travaux du comité ne seront pas rendus publics, mais il n'y a rien de suspect ou de sinistre là-dedans, contrairement à ce que laisse entendre la motion erronée et trompeuse d'aujourd'hui.

[Français]

Comme c'est l'usage pour les comités d'experts, les groupes de travail et les commissions royales qui sont chargés de présenter un rapport au gouvernement, les délibérations ne seront pas publiques. Mais le rapport lui-même sera évidemment publié, de même que les documents d'information que le comité jugera pertinents pour étayer son analyse et ses conclusions.

[Traduction]

Je suis fier, entre autres, des efforts que le gouvernement a déployés pour assurer une plus grande transparence au processus d'élaboration des politiques. Comme il a été dit à la Chambre en décembre dernier au sujet du rapport sur les consultations prébudgétaires du comité des finances, les budgets étaient jadis élaborés, en gros, à huis clos, le ministre des Finances consultant des groupes d'experts et des groupes de pression. Pour la troisième année consécutive, le gouvernement met un terme aux consultations à huis clos et offre à l'ensemble des Canadiens la possibilité d'y participer.

C'est cette transparence qui a valu l'accueil favorable que la population a ménagé aux budgets du gouvernement et celui-ci n'a pas l'intention de revenir sur cette pratique dans les années à venir. Le bilan du gouvernement est excellent à cet égard et il en sera toujours ainsi.

Encore une fois, je souligne qu'il y aura des consultations publiques exhaustives avant que la moindre mesure soit prise pour donner suite aux recommandations du comité technique. Le ministre s'y est engagé explicitement dans son discours du budget.

À mon avis, nous devrions tous regretter le temps que nous passons à débattre une motion aussi futile. Nous pourrions plutôt nous pencher sur l'essentiel des questions dont nous sommes saisis.

La fiscalité, tant en ce qui concerne son équité que son effet sur la création d'emplois, constitue l'un des principaux obstacles auxquels notre pays est confronté. Elle mérite un débat de fond, et non un débat pour épater la galerie ou faire valoir l'esprit de parti. C'est un défi que nous avons promis de relever. Les mesures que nous avons prises à la suite de trois budgets attestent de cet engagement. Elles prouvent que nous ne sommes redevables envers aucun intérêt particulier, comme la motion peut le laisser entendre. Encore une fois, regardons les faits.

(1050)

Aucun des trois budgets que nous avons présentés n'incluait une hausse des taux d'imposition pour les particuliers. Pourtant, nous avons pris de véritables mesures à l'égard des entreprises, contrairement à ce que soutient implicitement le député dans sa motion et dans son discours. Ces mesures avaient fait l'objet d'une étude attentive. Nous comprenons bien les conséquences que les hausses d'impôts sur les sociétés peuvent avoir sur l'investissement commercial et sur la capacité du secteur privé de créer les emplois dont les Canadiens ont besoin. Nous avons donc procédé soigneusement, n'agissant que là où nous pouvions apporter de véritables améliorations et augmenter l'équité et l'efficacité du régime fiscal.

Toutefois, nous avons agi sans crainte et pris des mesures telles que la hausse des taux d'imposition pour les grandes sociétés, la surtaxe sur les corporations, la baisse des déductions des frais de


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repas et de représentation, et la réduction des subventions aux entreprises. Il est simplement faux de prétendre que nous avons peur d'agir à l'égard des entreprises et des corporations, alors que des mesures seraient justifiées, équitables, raisonnables et utiles. Les faits sont là pour prouver le contraire.

Il y en a qui, peut-être comme le député d'en face, voudraient plutôt un régime fiscal vraiment punitif à l'égard des entreprises. Ce qui est intéressant, c'est que le député suggère cela uniquement à l'échelle du Canada. Au Québec, on tient un autre discours sur les abris fiscaux et la baisse des taux d'imposition pour les entreprises, afin d'attirer les investissements, mais à la Chambre, le député dit: «Non, il ne faut pas faire cela.» Ses collègues et lui veulent jouer avec les chiffres pour laisser croire que le régime fiscal privilégie injustement les entreprises canadiennes.

La vérité, et il la connaît, c'est que les impôts sur le revenu ne représentent qu'une partie de toute la fiscalité. Compte tenu de tous les impôts, c'est-à-dire impôts sur le revenu, impôts sur le revenu des sociétés, impôts sur le capital, charges sociales et impôts fonciers, les entreprises versent environ les deux tiers de leurs profits avant impôts au gouvernement. Est-ce trop ou n'est-ce toujours pas assez? Voilà une question qu'il faut toujours poser en examinant l'ensemble des recettes fiscales et la structure du régime fiscal. C'est ce que le gouvernement continuera de faire.

Le comité technique sur la fiscalité des entreprises fait partie du processus à observer. Ses constatations devraient favoriser le genre de débat éclairé, que chaque député voudrait avoir à la Chambre, un débat que la motion d'aujourd'hui ne fait que tenter de saper.

Je n'hésite pas à recommander à la Chambre de rejeter la motion.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens au nom du Parti réformiste pour m'opposer moi aussi à la motion.

La motion laisse entendre, de façon presque insultante, que les experts qui ont été invités à préparer un rapport technique ne sont pas conscients des préoccupations politiques qui dominent la réflexion des politiciens professionnels à la Chambre. Je puis dire, en tant qu'économiste ayant déjà préparé de tels rapports, que les préoccupations politiques sont toujours contraignantes et influent sur les conclusions du rapport d'expert. Je trouve inopportun que des députés dictent au jour le jour les conclusions du rapport, car ils ont la possibilité d'influer sur l'information publique concernant l'objet de l'examen.

Une fois le rapport terminé, il sera presque certainement renvoyé au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Les députés pourront exiger à ce moment-là qu'on y fasse comparaître d'autres experts. Ils pourront poser des questions sur le contenu du rapport. Ils pourront contribuer des renseignements qui peuvent être généraux ou, au besoin, compléter ce que disent les experts techniques.

Une fois que le rapport est déposé et qu'il est confié au ministère des Finances, il peut donner lieu à des mesures législatives. Une fois que le projet de loi stimulé par le rapport aura été déposé, les députés auront encore une fois leur mot à dire. Le projet de loi ne fera pas uniquement l'objet de débats sur le parquet de la Chambre, mais sera renvoyé au Comité permanent des finances pour y être étudié au cours d'audiences où d'autres experts pourront être invités à témoigner.

(1055)

Je trouve donc totalement inopportun à ce moment-ci de tenter de faire intervenir une influence plus directe des politiciens professionnels dans les délibérations des experts techniques.

Mon parti n'est pas entièrement satisfait de la façon dont on a conçu le mandat de ce comité. Nous croyons qu'à notre époque moderne, à la suite des progrès dans les communications et de la mondialisation des marchés financiers, il est temps de faire effectuer un examen plus approfondi de toute la fiscalité. Nous ne devrions pas nous limiter à la fiscalité des entreprises, mais examiner aussi l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes d'accise, les douanes, sans oublier certaines publications du ministère des Finances. Il faudrait également tenir compte des pratiques fiscales des administrations locales à l'égard des particuliers et des sociétés. Tout cela est interdépendant.

Il faudrait réexaminer la totalité des lois fiscales comme un seul système cohérent, un système interdépendant, et surveiller de près son interaction avec les méthodes des autres pays. Nous vivons désormais dans un village planétaire, si bien qu'il est extrêmement difficile pour chaque pays d'appliquer des politiques en fonction de ses seuls objectifs nationaux, en faisant abstraction des pays étrangers, dont l'action peut influer sur l'efficacité des mesures nationales et la possibilité de les appliquer.

Il y a de très nombreux problèmes dans le régime actuel, et j'en suis très conscient, aussi bien à cause des audiences du Comité des finances que parce que j'ai étudié la littérature sur l'impôt uniforme. Les propositions d'impôt uniforme aux États-Unis, au Canada et dans le monde entier sont maintenant étudiées sérieusement. Je crois que c'est exactement à cause des raisons que j'ai mentionnées. La mondialisation et toutes sortes de méthodes ont fait diminuer la quantité de travail avant cette évolution au plan international; à l'avenir, ce genre de chose sera improbable.

Le plus grave problème, presque tous les fiscalistes s'entendent là-dessus, est que le Canada et la plupart des autres pays industrialisés imposent les revenus trois fois. Premièrement, l'entreprise qui touche des bénéfices grâce à ses investissements paie l'impôt sur le revenu des sociétés. Les dividendes passent ensuite à la personne qui détient des actions ou est propriétaire de l'entreprise, et sont imposés de nouveau à titre de revenus des particuliers. Double imposition, donc. Mais il y a encore pire. Nous imposons aussi les gains en capital. Pour un entrepreneur qui reçoit une plus-value en vendant un jour son entreprise ou des actions, il doit payer l'impôt sur les gains en capital.


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Cet impôt est particulièrement pernicieux. D'abord, beaucoup de ces gains sont, en fait, sur papier. Au moment où j'investis 100 000 $, je pourrais acheter une maison pour 100 000 $. L'inflation entre en jeu et la valeur de mon entreprise triple. Elle vaut maintenant 300 000 $ mais, à cause de l'inflation générale, je dois débourser 300 000 $ pour acheter la même maison. Je ne suis pas vraiment plus riche par suite de la hausse de la valeur de mon investissement dans une entreprise.

(1100)

Lorsque le gouvernement s'en mêle et dit que 30 ou 50 p. 100 de cette hausse représentent des gains en capital, qui sont imposables, il se trouve à exproprier le propriétaire de cette entreprise car, une fois les impôts payés, celui-ci ne pourra plus acheter qu'une moitié de maison. Comment peut-on justifier cela? Les biens qui sont ainsi imposés ont déjà été assujettis tant à l'impôt sur le revenu des sociétés qu'à l'impôt sur le revenu des particuliers.

Beaucoup d'économistes, pas tous, s'entendent pour dire que ce parti pris contre les revenus d'investissement et d'épargne a freiné le rythme d'accumulation du capital au Canada. C'est le capital qui est investi au Canada qui accroît la productivité des travailleurs et, partant, le revenu des particuliers, et qui décide au bout du compte de notre niveau de vie. Il est donc néfaste à longue échéance pour les Canadiens de percevoir un impôt aussi lourd sur un revenu qui est assujetti à une double imposition de ce genre.

Je voudrais parler brièvement de la grande progressivité de nos impôts. En Colombie-Britannique, le taux d'imposition excède nettement les 55 p. 100 pour le revenu le plus élevé.

On m'a préparé un graphique qui montre que, en 1967, le taux marginal d'imposition était de 80 p. 100 au Canada. Il tourne maintenant autour des 50 p. 100. On s'attendrait à ce que les impôts payés entre-temps par 1 p. 100 et par 10 p. 100 des contribuables situés au sommet de l'échelle d'imposition auraient diminué puisque tous les taux d'imposition auxquels ils sont assujettis ont tellement baissé.

Or, le graphique que j'ai ici montre que la proportion de tous les impôts sur le revenu payés par 1 p. 100 des contribuables situés au sommet de l'échelle d'imposition est demeurée rigoureusement la même entre 1967 et 1993. Il y a des fluctuations, surtout vers le milieu des années 80, lorsque les taux d'intérêt ont atteint 20 p. 100 et que de nombreuses entreprises ont fait faillite.

La même chose vaut essentiellement pour les 10 p. 100 des contribuables situés au sommet de l'échelle d'imposition. Cela donne à entendre que l'effet de dissuasion associé à ces taux marginaux d'imposition élevés n'a pas permis de tirer davantage d'argent des riches et que nous devrions nous débarrasser de ces taux.

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de son exposé.

Comme le député le sait sans doute, l'idée dont nous discutons actuellement, celle d'un impôt uniforme, a déjà été étudiée par les Américains et les Allemands. J'aimerais que le député nous donne plus de précisions. Il faut déterminer qui bénéficierait d'une pareille mesure. C'est là la grande question.

Même dans le cadre de la campagne électorale qui se déroule actuellement aux États-Unis et où ce sujet occupe beaucoup de place, il y a une question qui revient constamment et qui reste sans réponse: «Qui gagne et qui perd?» C'est évident, c'est très simple: nous sommes tous gagnants, mais il semble que cela ne sera pas aussi équitable qu'on le dit. Je me demande si le député a des réserves par rapport à ce que M. Forbes propose aux États-Unis. Est-ce équitable?

On reproche à l'auteur de cette proposition de ne pas dire qui gagnera et qui perdra au change. Je demanderais au député de nous préciser sa pensée.

(1105)

M. Grubel: Monsieur le Président, je parle actuellement d'un document savant que Jim Silye et moi-même avons rédigé pour le présenter. Je suis désolé, je voulais dire le député de. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne voudrais certainement pas amorcer une discussion sur les observations faites par un collègue. Cela pourrait faire l'objet d'un autre débat, un autre jour. Le député a raison de dire que nous devrions désigner nos collègues par le nom de leur circonscription.

M. Grubel: Monsieur le Président, ce n'était pas délibéré de ma part. C'était simplement un lapsus. Je parle toujours de ce document. Il n'est pas du domaine public. Il sera publié par l'Institut Fraser, qui l'a soumis à l'examen de spécialistes.

Les députés y trouveront une évaluation des répercussions qu'aurait l'établissement d'un impôt uniforme sur différentes catégories de contribuables, comme les chefs de familles monoparentales, les aînés, etc., ainsi que tous les aspects pris en considération par un spécialiste technique de la Bibliothèque du Parlement qui s'est servi des statistiques du gouvernement du Canada.

D'après ses scénarios, en vertu d'une de nos propositions, l'impôt sur les revenus tirés d'une entreprise augmenterait d'environ 5 milliards de dollars. Il serait ainsi possible de n'apporter pratiquement aucune modification à l'impôt sur le revenu payé par les particuliers.

Je me méfie toutefois de ces résultats, car ils ne permettent pas de faire une simulation des rajustements dynamiques dont j'ai parlé-je serais heureux de fournir une copie du graphique-et grâce auxquels on pourrait réduire le taux d'imposition des contribuables à revenu élevé tout en supprimant les échappatoires fiscales.

Je répète souvent que l'un des problèmes de notre régime fiscal vient de ce que les riches ne paient pas leur juste part en raison de toutes les échappatoires fiscales dont ils bénéficient. Si l'on croit


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cela, il faut donc reconnaître que la suppression de ces échappatoires les obligerait à payer davantage.

Nous réduisons alors le taux d'imposition. Il est absolument étonnant de constater à quel point l'équilibre de ces deux éléments depuis 25 ans a permis aux contribuables situé au sommet de l'échelle d'imposition de payer exactement la même part de tout l'impôt sur le revenu des particuliers qu'auparavant. La simplification et les rajustements dynamiques que l'on ne peut quantifier feront de l'impôt uniforme une excellente mesure pour les Canadiens.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le motion dont nous sommes saisis est inutile puisque le comité technique n'est établi que pour conseiller le gouvernement, qui renverra le rapport final du comité technique au Comité permanent des Finances, lequel aura amplement l'occasion d'entendre des témoins.

Comme nous devons en débattre, je voudrais souligner le manque de vision dont fait preuve le gouvernement dans cette affaire. Dans le cadre d'un mandat plus large, il conviendrait d'examiner non pas seulement la fiscalité des entreprises, mais également celle des particuliers, afin de susciter l'espoir, de stimuler la croissance et de créer de nouvelles perspectives.

Grâce à cette motion, je suis en mesure de donner mon point de vue au comité et au gouvernement, aujourd'hui et plus tard, lorsque le comité permanent sera saisi de la question. Je suis d'avis que nous devrions dégager la voie vers la prospérité en songeant à mettre en oeuvre un régime fiscal simplifié.

L'idée de base serait de remplacer l'actuelle Loi de l'impôt sur le revenu par un système simplifié prévoyant un seul taux d'imposition uniforme, au-dessus d'une généreuse exemption personnelle ou familiale, sans autres déductions ni encouragements.

En redonnant au régime fiscal sa fonction initiale, soit de recueillir des recettes, le gouvernement pourrait convertir les crédits d'impôt ou les déductions au titre des dépenses sociales et économiques en des dépenses directes sous forme de programmes ou de subventions, révélant ainsi le montant réel de ces dépenses.

La visibilité accrue des dépenses publiques entraînerait une plus grande responsabilité et une plus grande imputabilité de la part des fonctionnaires et des députés.

(1110)

La simplification des règles rendrait le régime plus convivial pour les contribuables. Elle permettrait aux fiscalistes, aux comptables et aux vérificateurs de Revenu Canada de comprendre de nouveau le code fiscal. Cela réduirait les conflits entre les fonctionnaires de Revenu Canada et les contribuables canadiens, qui engendrent l'irrespect, le mécontentement et l'aversion envers nos lois fiscales.

Cela permettrait également à tous les contribuables de remplir leur propre déclaration de revenus. Cela inciterait les contribuables à respecter davantage la loi, car, en réduisant les taux d'impôt trop élevés et en élargissant l'assiette fiscale, on rendrait la fraude moins intéressante. Autrement dit, nous réglerions certains problèmes liés à l'économie souterraine.

Un régime fiscal simplifié serait plus juste, car tous les contribuables seraient assujettis aux mêmes règles. Les contribuables gagnant le même revenu paieraient les mêmes impôts. Les revenus seraient imposés une seule fois, plutôt que deux, comme dans certains cas aujourd'hui. Les taux d'imposition des entreprises et des particuliers seraient les mêmes, ce qui éliminerait les méthodes de report d'impôt.

Le plus grand manque de prévoyance du gouvernement, c'est de n'examiner que la fiscalité des entreprises en laissant de côté l'impôt sur le revenu des particuliers pour, plus tard, examiner la fiscalité des particuliers et pas celle des entreprises. Il faut étudier l'idée d'un système intégré. Que nous soyons salariés ou que nous dirigions une entreprise, le régime fiscal a des répercussions sur nos vies.

Comme vient de le mentionner mon collègue de Capilano-Howe Sound, on rendrait le régime plus juste en éliminant la possibilité pour les futés et les riches d'éviter de payer des impôts en profitant des échappatoires et en obligeant le gouvernement à justifier ses dépenses fiscales.

Un régime fiscal simplifié aurait également des répercussions économiques et sociales positives. Il permettrait de réduire de façon marquée le coût actuel de la non observation de la loi, qui s'élève à 12 milliards de dollars. Il permettrait de rayer 1,3 million de Canadiens du rôle d'imposition, ce qui leur laisserait plus d'argent dans les poches. Les contribuables à faible revenu ne paieraient pas d'impôt. Ce serait, à mon sens, la forme la plus directe d'aide sociale que l'on puisse imaginer.

Nous remplacerions le régime d'impôt actuel, qui décourage l'accroissement de ses gains et de ses placements, par un régime à taux unique véritablement progressif qui récompenserait l'initiative tout en faisant payer une part plus grande aux contribuables des tranches supérieures de revenu. Le régime actuel est progressif. Plus un contribuable gagne d'argent, plus il paie un haut pourcentage de ses revenus. Pourquoi ne pas avoir un système progressif qui ferait que plus quelqu'un gagne d'argent, plus il paie d'impôt, mais plus il peut garder d'argent. Les contribuables devraient pouvoir garder une plus grosse partie de leurs revenus que celle qu'ils donnent au gouvernement.

Le fait que les particuliers et les sociétés seraient imposés au même taux et que le revenu ne serait imposé qu'une seule fois rendrait notre économie plus stable. Le taux plus bas redonnerait une certaine neutralité à notre régime fiscal de sorte que les décisions prises par les particuliers et les sociétés ne seraient plus fondées sur les répercussions fiscales de ces décisions, ce qui empêcherait le gouvernement de choisir les gagnants et les perdants.

Je crois vraiment que, si les décisions n'étaient pas fondées sur les répercussions fiscales, mais seulement sur le mérite de l'investissement, de la possibilité ou de l'emploi, tout le monde s'en porterait mieux dans notre pays.

Ce genre de régime éliminerait la discrimination contre les parents qui restent à la maison et favoriserait donc la famille. Il


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contribuerait aussi à la croissance économique grâce à l'augmentation du revenu personnel disponible.

Enfin, ce régime permettrait d'éliminer ou de remplacer la TPS et son coût d'observation élevé qui n'apporte rien au contribuable.

Il entraînerait aussi un allégement fiscal immédiat grâce à des taux d'imposition et à des coûts d'observations moins élevés, qui sont le but ultime d'une telle réforme. Ces deux aspects reflètent une réduction des impôts au moyen d'un élargissement de l'assiette fiscale et d'une répartition plus vaste des obligations fiscales.

Le comité devrait examiner les principes de base d'un système simplifié. Que voulons-nous tous changer? Toute tentative de réforme fiscale ne devrait pas chercher à changer plus que ce que les gens sont prêts à accepter, sinon ils la rejetteront. Comme l'a dit Abraham Lincoln: «Avec la faveur de l'opinion publique, rien ne peut échouer. Sans elle, rien ne peut réussir.»

La définition du revenu doit être examinée. Le revenu de placement devrait-il être traité différemment du revenu d'emploi ou du revenu de pension, ou le régime devrait-il être fondé sur le principe établi par la commission Carter, soit qu'un dollar est un dollar? La taille de l'exemption personnelle: plus l'exemption est élevée, plus le taux uniforme doit être élevé pour rapporter les mêmes recettes au gouvernement. On doit également examiner le traitement des dons de charité. Le crédit d'impôt pour dons de charité devrait-il être maintenu ou éliminé?

(1115)

Sur le chapitre de l'amortissement, un régime simplifié devrait-il maintenir la déduction pour amortissement actuelle, avec tout ce qu'elle comporte de tableaux et de règles d'amortissement et de dépréciation pour les entreprises, ou devrait-il prévoir un amortissement de 100 p. 100 applicable à l'année de l'achat, en contrepartie de la réforme fiscale?

Enfin, quelle garantie y a-t-il que le gouvernement suivant ne modifiera pas les règles, quelles que soient les mesures adoptées et la nature de la réforme effectuée? Le Parlement devrait être saisi d'un projet de loi visant à protéger les contribuables, une mesure semblable à ce que le Parti réformiste a déjà proposée à la Chambre.

Il y a des objections typiques à un régime fiscal simplifié. Je vais devancer certaines questions et proposer des réponses.

On dit qu'un régime fiscal simplifié prévoyant un impôt uniforme réduirait l'impôt des riches et augmenterait celui des personnes à revenu moins élevé. Mon collègue, le député de Capilano-Howe Sound, a pourtant démontré, tableaux à l'appui, qu'il n'en serait rien. En outre, un régime fiscal simplifié vise à réduire l'impôt pour tous, aussi bien les riches que les pauvres. L'exemption personnelle familiale devrait faire en sorte que les personnes ayant un revenu moins élevé échappent complètement à l'impôt sur le revenu, y compris la TPS.

Certains disent également que les riches trouveront un moyen d'éviter de payer leur juste part d'impôt. Cela n'est possible que dans un régime complexe. Si nous simplifions le régime et éliminons les échappatoires, les abus deviendront impossibles. Plus un système est simple, moins il laisse de place à la supercherie.

Par ailleurs, on dit qu'un impôt uniforme est un régime régressif. En fait, c'est le contraire. Le relèvement du niveau des déductions personnelles permet un allégement fiscal immédiat pour les salariés à faible revenu qui en ont le plus besoin. Le régime d'impôt progressif actuel où un taux d'imposition plus élevé s'applique aux revenus plus élevés est un facteur de dissuasion à vouloir gagner plus. Un régime d'impôt vraiment progressif exige un faible taux d'imposition, conjugué à une exemption personnelle générale. Le taux et le niveau d'exemption dont nous parlons doit se situer au départ aussi près que possible d'un taux qui serait sans incidence sur les recettes de façon à ce que la critique voulant que ça s'ajoute au déficit ne soit pas un facteur.

On prétend aussi que les dons de charité diminueront. Ce n'est pas nécessairement vrai si nous appliquons un impôt uniforme. À l'heure qu'il est, sur les 8 milliards de dollars de dons de charité que font les gens, 5 milliards-nettement plus de la moitié-ne font pas l'objet d'un reçu ou font l'objet d'un reçcu mais ne sont pas déclarés. Cela prouve donc que les gens donnent pour la cause et par générosité. Ils donnent plus parce qu'ils veulent donner et non pas parce que c'est une incitation fiscale. En outre, si nous abaissons le niveau de cette incitation fiscale, ce facteur entre moins en jeu. Lorsque les taux d'imposition ont été abaissés aux États-Unis, les dons à des oeuvres de bienfaisance n'ont pas diminué.

Je souhaite bonne chance au comité technique. Mon seul regret est que son mandat ne lui permet pas de donner des conseils à ce gouvernement qui en a réellement besoin parce qu'il ne sait guère comment s'y prendre en matière d'impôts, de réforme fiscale et d'allégement fiscal pour les Canadiens. En procédant à une revue intégrée plutôt qu'à une revue distincte et étroite, le gouvernement n'aura pas une vue d'ensemble.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question pour le député de Calgary-Centre, qui est maintenant en politique, mais qui évoluait plutôt dans le milieu des affaires avant d'être élu à la chambre.

La motion que le Bloc québécois présente à la Chambre en cette journée d'opposition recèle un message, c'est qu'il faudrait imposer davantage les entreprises.

Le gouvernement nous dit que les entreprises doivent continuer à assumer un taux d'imposition au moins égal à ce qu'il est actuellement, et peut-être plus élevé, mais qu'on devrait en outre leur demander de créer davantage d'emplois pour l'économie canadienne.

Le député peut-il enlever un instant son chapeau de politicien pour se coiffer de celui de l'homme d'affaires et nous faire part de sa réaction à la proposition du Bloc, qui veut hausser les impôts des entreprises. Peut-il aussi commenter le défi lancé par le gouvernement, qui demande aux entreprises de payer des impôts élevés tout en créant une multitude d'emplois?

Le président suppléant (M. Kilger): On a déjà dit que le député de Calgary-Centre avait porté plusieurs chapeaux.

(1120)

M. Silye: Monsieur le Président, je devrais remettre mon chapeau rouge, celui que je portais sur le terrain de football. Il pourrait m'être utile.


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Pour répondre à mon collègue, si je revenais au monde des affaires et que je me présentais au comité, en tant que témoin, pour le conseiller, je dirais d'abord que les charges sociales sont beaucoup trop élevées. La même chose est vraie pour l'assurance-chômage, surtout maintenant que la caisse aura un excédent de 5 à 10 milliards de dollars, d'après ce que j'ai entendu dire. Pourquoi ne pas me donner un répit sur le plan fiscal, à moi qui suis un homme d'affaires, pour que je puisse engager plus d'employés et contribuer ainsi au bonheur des employés et de la société? N'oublions pas que les sociétés paient 1,4 fois le salaire des employés. Pourquoi punir celui qui paie? Pourquoi ne pas répartir également les charges?

Les charges sociales sont une chose. Les taux élevés d'imposition en sont une autre. Les sociétés et les entreprises paient un impôt de 28,84 p. 100. C'est mêlant et compliqué. Différentes entreprises paient différents taux et chacune a droit à différents escomptes. Tout cela est toujours sujet à controverse avec le gouvernement, avec Revenu Canada.

Le ministère envoie alors des vérificateurs sans expérience qui appliquent la loi à la lettre. Les vérificateurs investissent votre bureau et doivent justifier le nombre de jours qu'ils y passent. Ils cherchent des moyens de soutirer un peu plus d'argent à des entreprises honnêtes et irréprochables. Ils laissent filer ceux qui sont des fervents de l'économie parallèle. Maintenant, ils les traquent.

Pourquoi ne pas simplifier le régime fiscal, éliminer les sources de problèmes et toutes ces règles? Ce serait un autre moyen de créer plus d'emplois. On pourrait aussi abolir le salaire minimum. Il n'y a rien de pire pour tuer les emplois. En engageant du personnel qualifié, un employeur peut assurer la formation et prendre de l'expansion. Les entreprises qui engagent des employés au salaire minimum, à un taux horaire, sont pris en otage une fois que ces personnes ont été formées. Le taux augmente, tandis que la production et le rendement diminuent. Sans le salaire minimum, plus de gens seraient disposés à rester à leur poste et moins de gens chercheraient à tirer parti de l'assurance-chômage.

Ce sont là trois raisons. Je pourrais probablement en trouver d'autres, mais je ne veux pas empêcher un député ministériel de poser une question.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, je profiterai de cette intervention dans le cadre de cette journée d'opposition pour démontrer l'effet négatif d'une absence de fiscalité des entreprises cohérente sur l'ensemble de la situation budgétaire et sur l'endettement chronique du gouvernement.

À la fin de l'exercice financier 1996-1997, la dette nette du gouvernement fédéral dépassera les 600 milliards de dollars. Selon les prévisions mêmes du ministre des Finances, le gouvernement aura rajouté plus de 110 milliards à la dette du pays à la fin de son mandat. Le ministre clame sur toutes les tribunes qu'il a la maîtrise des finances publiques et qu'il a enfin réussi à juguler la dette, ce qui est totalement faux. Le ministre n'a aucun plan précis d'élimination du déficit et il a refusé de s'engager à atteindre l'équilibre budgétaire selon un échéancier précis.

Il coupe dans les dépenses de programmes, sabre les transferts aux provinces, s'approprie le surplus de la Caisse de l'assurance-chômage, pénalise les familles par une fiscalité des individus inappropriée, s'attaque aux pensions de ceux qui ont épargné toute une vie pour avoir un peu de bon temps, au lieu de faire le ménage qui s'impose de toute urgence dans la fiscalité des entreprises, au lieu de freiner l'évitement fiscal et de percevoir dans les plus brefs délais les 6,6 milliards d'impôts impayés.

Le gouvernement n'a nullement réglé la question des finances publiques, bien qu'il tente de nous le faire croire. Selon le plan budgétaire déposé le 6 mars dernier, la dette publique nette représente près de 75 p. 100 du Produit intérieur brut, alors que les pays d'Europe exigent une dette maximum de 60 p. 100 du PIB comme condition à l'entrée d'un pays dans la Communauté économique européenne.

Le premier ministre galvaude sans cesse la notion d'un déficit de 3 p. 100 du PIB comme objectif du gouvernement pour l'année prochaine. Je tiens à souligner que les pays européens exigent ce critère d'entrée à leurs pays membres à titre de déficit pour l'ensemble de tous les paliers de gouvernement. À ce chapitre, le Canada se situera l'an prochain beaucoup plus à 5 p. 100 qu'à 3 p. 100 du PIB.

Examinons maintenant de plus près la fiscalité des entreprises au plan de l'évitement fiscal et des dépenses fiscales fédérales.

(1125)

Le CA Magazine de juillet 1995, revue des comptables agréés, reconnaissait, et je cite: «La quasi-totalité des grandes sociétés multinationales canadiennes ont recours à des sociétés domiciliées à l'étranger dans le cadre de leur stratégie fiscale.»

Il y a plusieurs avantages fiscaux qui découlent des paradis fiscaux. Déjà, en 1987, le ministre des Finances conservateur s'était engagé à effectuer des études sur les paradis fiscaux. Mais ces études n'ont toujours pas été effectuées, et ce, malgré l'insistance du vérificateur général et du ministère du Revenu.

Il faut cependant préciser que dans le budget de 1994, suite aux demandes répétées de l'opposition officielle, le ministre des Finances a enfin fini par modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu se rapportant aux corporations étrangères affiliées. Ces modifications s'avèrent conformes aux demandes du vérificateur général et du Comité des comptes publics qui avait déposé un rapport sur le sujet en 1993.

Plusieurs experts tels M. Corcoran de la firme Arthur Anderson reconnaissent l'efficacité des nouvelles mesures, mais ils en constatent également les limites, car ces mesures n'empêcheront pas les multinationales de continuer à utiliser le régime de corporations étrangères affiliées pour avoir une planification fiscale efficace.

D'autres experts soulignent que ces réformes majeures au régime fiscal des corporations étrangères affiliées n'étaient pas celles qui avaient été annoncées il y a plusieurs années. Des évitements


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importants demeurent encore possibles, malgré les modifications apportées dans le budget de 1994.

Il est difficile, voire impossible, d'évaluer les montants perdus par le fisc canadien dans les paradis fiscaux. Cependant, certains indicateurs peuvent nous donner une bonne idée de l'ampleur de l'argent perdu. Plutôt que de se fier au ministère du Revenu pour mesurer l'ampleur des pertes fiscales, laissons parler les spécialistes et les représentants des firmes-conseils qui oeuvrent dans le domaine des paradis fiscaux et qui offrent leurs services aux entreprises et aux particuliers.

International Privacy Corporation, entreprise spécialisée dans les paradis fiscaux, dit compter des centaines de clients canadiens. De plus, sur les 16 000 sociétés constituées aux îles Turks et Caicos, «la majorité appartient à des Canadiens. Des centaines et des centaines de millions de dollars ont quitté le Canada», ajoute cette firme.

M. LeBreux, un autre spécialiste des paradis fiscaux, estime pour sa part «à des milliards et des milliards de dollars» les sommes qui quittent le Canada annuellement. M. Naylor, professeur à l'Université McGill, et expert de la fuite des capitaux au niveau international, estime quant à lui à des dizaines de milliards la fuite totale des capitaux du Canada.

La récupération de ces sommes ferait fondre le déficit et la dette canadienne comme neige au soleil. Dans son ouvrage intitulé Hot Money and the Politics of Debt, M. Naylor qualifiait la situation d'alarmante. On peut dire que la popularité des paradis fiscaux atteint aujourd'hui des proportions jamais vues dans le passé et leur effet sur les recettes fiscales canadiennes est catastrophique.

Harris and Harris, la plus grosse firme oeuvrant dans le domaine des paradis fiscaux qui représentait, il y a quelques années, de 30 à 40 firmes à l'étranger, en dessert maintenant entre 400 et 500, soit 13 fois plus. Les articles de journaux et de revues abondent sur l'ampleur de ce phénomène grandissant, pendant que le gouvernement libéral, lui, regarde passer le train.

Voyons d'un peu plus près les effets de l'existence de ces paradis fiscaux sur le comportement des entreprises canadiennes. Deux conséquences majeures se produisent. Un certain nombre de pays considérés comme des paradis fiscaux ont des taux d'imposition très faibles, 2 ou 3 p. 100 pour le pays étranger, versus 40 p. 100 pour le Canada. Cette différence entraîne une iniquité fiscale pouvant coûter des millions de dollars au gouvernement canadien. La corporation étrangère affiliée peut aussi transférer ses dividendes à la corporation canadienne, et ce, en franchise d'impôt, malgré le fait que le revenu auquel ces dividendes correspondent n'a pas été imposé à un taux à peu près équivalent aux taux canadiens.

Les compagnies voulant profiter le plus possible de ces deux effets peuvent adopter les trois stratégies suivantes: elles transfèrent à la société mère canadienne des pertes de filiales étrangères; en second lieu, elles transfèrent à l'étranger des revenus de corporations canadiennes; et en troisième lieu, elles convertissent en revenu exonéré les revenus de corporations canadiennes. Des revenus habituellement imposables deviennent donc non imposables à cause des transferts effectués avec la filiale étrangère.

(1130)

Que fait le gouvernement face à l'ampleur de ce phénomène alarmant de l'évitement fiscal et des stratégies des entreprises pour s'en prévaloir au maximum? On peut aujourd'hui affirmer que le gouvernement canadien est enfin devenu conscient du problème. Mais le gouvernement prétend que deux objectifs divergents de sa fiscalité l'empêchent de colmater cet évitement fiscal découlant des paradis fiscaux: l'efficacité du régime fiscal versus la compétitivité du régime fiscal.

Le gouvernement soutient qu'il y a effectivement plusieurs compagnies pouvant se prévaloir de ce moyen pour diminuer leurs impôts à payer, mais que dans un contexte de mondialisation de l'économie, les règles fiscales canadiennes se doivent de demeurer compétitives.

En 1994, le gouvernement fédéral a tout de même fini par réduire le nombre de pays où cet évitement fiscal était possible, en retirant de cette liste de pays désignés les pays qui n'avaient pas encore signé de conventions fiscales avec le Canada. Tout cela malgré les propos rassurants du sous-ministre des Finances, qui déclarait au Comité des comptes publics, dont j'ai assumé la présidence durant deux ans, et je cite: «Tous les pays avec lesquels le Canada a signé des conventions fiscales imposent les sociétés à des taux élevés».

Il reste toujours 11 pays signataires de ces conventions fiscales avec le Canada qui ont des taux d'imposition inférieurs aux taux canadiens. Les principaux parmi ces pays sont la Barbade, qui a un taux maximum de 2,5 p. 100, Chypre, Malte et la Suisse, avec un taux maximum de 10 p. 100, et les Bahamas, avec un taux de 0 p. 100.

Puis, il y a 11 autres pays qui offrent des exemptions qui réduisent grandement, dans les faits, leur taux d'imposition. Les principaux parmi ces pays sont la Barbade, l'Irlande, Malte et les Pays-Bas. Lorsque l'on compare leur taux d'imposition au taux d'imposition de l'ordre de 40 p. 100 que les corporations canadiennes doivent assumer, on saisit d'emblée les nombreux avantages financiers pour les entreprises d'établir des sociétés dans les paradis fiscaux.

Comment peut-on arrêter cette hémorragie de dividendes exonérés de corporations étrangères affiliées qui sortent du pays? Le gouvernement a réglé partiellement le problème en révisant sa liste de pays désignés, la désignation donnant droit à une exemption pour s'assurer que les pays y figurant avaient signé des conventions fiscales avec le Canada. Néanmoins, le problème reste entier lorsque les pays désignés ont des taux d'imposition beaucoup plus bas que ceux du Canada.

Le problème peut facilement réapparaître lorsque les pays dési-gnés modifient leur taux d'imposition après coup, à la suite de la signature de la convention fiscale avec le Canada, qui ne peut constamment surveiller la fiscalité de ces pays.

Le gouvernement mentionne la compétitivité des entreprises canadiennes pour masquer son inaction. Cet argument ne résiste pas à l'analyse: notre principal compétiteur dans ce domaine est notre


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voisin, les États-Unis, dont la réputation d'ouverture aux entreprises n'est plus à faire. Or, ce dernier a solutionné la question en instaurant un système où les corporations étrangères affiliées sont soumises à la taxation américaine, tout en bénéficiant des déductions pour les impôts payés dans le pays étranger.

La Grande-Bretagne a un système similaire. L'argument de la compétitivité ne tient donc plus, puisque notre principal compétiteur et partenaire commercial a des règles déjà moins avantageuses que les nôtres. Au Canada, ce système est déjà en place, mais seulement avec les pays avec lesquels nous n'avons pas encore signé de conventions fiscales. La brèche est donc partiellement colmatée, ce qui n'empêche cependant pas des recettes fiscales importantes d'échapper au fisc canadien.

La position du Bloc québécois est on ne peut plus claire sur cette question: le gouvernement canadien doit de toute urgence réviser l'ensemble de ses conventions fiscales avec les pays considérés comme des paradis fiscaux pour s'assurer que les corporations étrangères affiliées soient imposées à des taux similaires aux taux d'imposition canadiens.

Lorsque le taux d'imposition d'un pays étranger n'est pas similaire à celui du Canada, ce pays serait alors soumis à des règles identiques sur les revenus de dividendes exonérés des corporations étrangères affiliées.

(1135)

J'aimerais maintenant aborder la question des dépenses fiscales qui est un volet majeur de la fiscalité des entreprises. Un estimé très conservateur du ministère des Finances évalue à 9 milliards le coût de ces dépenses fiscales en 1991, et à 10 milliards en 1990.

Il y a 59 dépenses fiscales liées à l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Sept d'entre elles, soit le taux réduit d'impositon des petites entreprises-plus de 2 milliards-le taux réduit d'imposition des bénéfices de fabrication et de transformation-353 millions-les crédits d'impôt pour la recherche et développement-543 millions-l'inclusion partielle des gains en capital-415 millions-l'excédent de l'amortissement fiscal sur l'amortissement comptable-886 millions-l'impôt remboursable de la Partie I sur le revenu de placement de sociétés privées-876 millions-et les reports de pertes autres qu'en capital-près de 1,3 milliard-constituent en 1991, 71 p. 100 de l'ensemble des dépenses fiscales liées à l'impôt sur les bénéfices des sociétés, soit au total 6,4 milliards.

La notion de dépense fiscale recouvre toutes les déductions, exemptions, reports d'impôt, crédits d'impôt et autres mesures d'exclusion du revenu qui réduisent, en fait, l'impôt payable par une société ou un particulier. Elles constituent de ce fait un substitut aux dépenses directes de l'État: celui-ci ne subventionne pas directement, mais se prive de collecter des fonds auprès de certains contribuables, ce qui équivaut finalement à une subvention.

L'objectif implicite à toute dépense fiscale corporative est de modifier, grâce à cet incitatif, le comportement de certaines entreprises dans un sens souhaitable pour la collectivité. Les dépenses fiscales créent cependant deux principaux problèmes: premièrement, elles diminuent la base de taxation de l'État, l'assiette fiscale, en fait, ce qui entraîne une charge fiscale accrue pour les contribuables qui ne peuvent s'en prévaloir et, deuxièmement, elles créent de nombreuses iniquités en permettant à certains contribuables de ne pas payer leur juste part d'impôt. La notion de capacité de payer n'est donc plus respectée, d'où un sentiment d'injustice dans la population.

Plus un système de taxation comporte de dépenses fiscales, plus il se complexifie, d'où le recours à des experts que seuls les mieux nantis peuvent se payer. Le gouvernement se prive ainsi de revenus. Il faut aussi évaluer les bénéfices encourus en fonction des coûts engendrés pour le régime fiscal, ainsi que l'iniquité qui peut en découler pour l'ensemble des contribuables.

Le Bloc québécois considère qu'en matière fiscale, un seuil a déjà été franchi où les bénéfices collectifs-très difficiles à évaluer et, de fait, ne le sont que par ceux qui en bénéficient-les bénéfices collectifs, dis-je, sont moindres que les iniquités engendrées et le manque à gagner du gouvernement. Les diverses dépenses fiscales fédérales sont loin d'atteindre les objectifs pour lesquels elles ont été conçues, et souvent leurs objectifs ne cadrent pas avec un plus grand bien-être de la société.

Pour améliorer l'efficacité du régime fiscal, entre autres celui des entreprises, il y aurait lieu de considérer l'imposition à un taux minimum du profit des sociétés. Cette imposition existe déjà aux États-Unis. Elle peut être compliquée à mettre en oeuvre, tout dépendant du choix de la base de taxation à laquelle elle s'applique. Mais pour être efficace, cette taxation minimum doit aller de pair avec une base de dépenses fiscales qui n'en réduisent pas substantiellement le revenu imposable.

Plutôt que de constamment essayer de boucher les trous dans la loi comme le fait présentement Revenu Canada, l'on pourrait donner plus de souplesse au régime de fiscalité des entreprises, au demeurant extrêmement complexe et ne pouvant tout prévoir. Donner plus de souplesse pourrait vouloir dire s'appuyer sur l'article 245 de la Loi de l'impôt qui est un article général anti-évitement. Cet article donne au ministre le pouvoir discrétionnaire de sévir contre toute personne cherchant par quelque transaction que ce soit, à éviter toutes charges fiscales. Cet article donne, en fait, au ministre le pouvoir de faire respecter l'esprit de la loi. Pareil pouvoir n'est actuellement pas ou très peu utilisé.

En terminant, j'aimerais dire que la fiscalité des entreprises demeure complexe, tous le savent, mais tout en demeurant compétitives au niveau mondial, les entreprises canadiennes doivent faire leur juste part de l'effort fiscal compte tenu des secteurs économiques à privilégier. Tout ceci repose sur l'équité, et l'équité repose sur la volonté politique d'un gouvernement qui doit aller chercher l'expertise nécessaire, impliquer les députés par la mise sur pied d'un comité parlementaire qui verra quelle configuration il faudra donner à la fiscalité des entreprises au Canada.

(1140)

En ce sens, j'appuie fortement la motion déposée ce matin par mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot. Cette volonté politique a cependant fait jusqu'ici défaut au gouvernement canadien et ne nous permet pas de déborder d'optimisme face au déficit à éliminer et à notre dette chronique à juguler.


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M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de La Prairie. Dans son exposé, j'ai retenu deux passages, le premier ayant trait aux pensions et le deuxième aux prévisions budgétaires.

Le député nous dit que le gouvernement s'attaque aux pensions de ceux et de celles qui ont contribué toute leur vie. L'honorable député est sûrement au courant que l'espérance de vie chez les Canadiens et Canadiennes a augmenté de plus de trois ans durant les vingt dernières années, pour se chiffrer à plus de 80 ans chez les femmes et 79 ans chez les hommes. Il est sûrement aussi au courant que les babyboomers, d'ici les 15 prochaines années, feront leur entrée dans le régime de pension.

Ma première question est la suivante: Peut-il nous dire quelle autre solution il a à suggérer au gouvernement pour que les travailleurs d'aujourd'hui qui vont entrer dans le régime de pension, qui vont avoir accès au régime de pension dans les 15 prochaines années puissent avoir un régime équitable et juste? Est-ce qu'il nous propose à ce moment-là une augmentation des contributions?

Si vous me le permettez, ma deuxième question est tout simplement arithmétique. Il a mentionné, en faisant une comparaison avec les pays de la Communauté économique européenne, que ce que le ministre des Finances a dit dans son exposé, le fait que le prochain déficit serait de 3 p. 100 du PIB canadien était inexact, incorrect et qu'il serait plutôt de 5 p. 100. Peut-il nous dire de quelle façon il arrive à ce chiffre de 5 p. 100?

M. Bélisle: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses deux questions très pertinentes. Je vais tout d'abord répondre à la deuxième. Comment suis-je arrivé à 5 p. 100 plutôt que 3 p. 100? C'est que dans le cas des pays de la Communauté économique européenne, on considère comme dette l'ensemble de la dette et du déficit que le pays a déjà, c'est-à-dire au niveau local, régional, municipal, provincial et fédéral. Donc, si on ajoute la dette du gouvernement provincial-le gouvernement du Québec dans le cas qui nous intéresse, ça peut être le gouvernement de l'Ontario ou de n'importe quelle province-si on ajoute cela au déficit du gouvernement fédéral, même si le gouvernement fédéral atteignait l'année prochaine ou dans deux ou trois ans, 3 p. 100, si on ajoute les dettes des gouvernements provinciaux, on aurait encore 4, 5 ou 6 p. 100.

Dans le cas des pays de la Communauté économique européenne, lorsqu'on considère le déficit, on prend le déficit de l'ensemble des paliers de gouvernement. À ce moment-là pour arriver à 3 p. 100 au Canada, il faudrait par exemple que le fédéral ait peut-être 1 p. 100, le gouvernement du Québec 1 p. 100 et les gouvernements locaux régionaux 1 p. 100. Alors on arriverait réellement aux 3 p. 100, chiffre réellement considéré par les pays de la Communauté économique européenne.

Au Canada, en plus, si on allait ajouter dans le cas du Québec l'endettement des municipalités, de la Ville de Montréal ou de la Communauté urbaine de Montréal, on serait beaucoup plus à 6 ou 7 p. 100 qu'à 3 p. 100.

Lorsque le premier ministre galvaude la notion du 3 p. 100, il s'en tient uniquement au déficit du gouvernement fédéral, ce qui n'est pas comparable ou qui ne correspond pas au même concept que celui décrit par les pays de la Communauté économique européenne.

Pour répondre à sa première question, ce que je trouve de plus vicieux dans ce qui a été proposé par le gouvernement fédéral dans le cadre de la réforme sur les pensions, c'est que maintenant on s'en tient au revenu familial. Jadis, le régime était basé sur le revenu individuel. Je considère qu'en se basant maintenant sur le revenu familial, les femmes seront pénalisées au premier chef.

En termes de proposition, ce que je pourrais dire à l'honorable député, c'est qu'on aurait mieux fait de continuer à se baser sur le revenu individuel. Étant donné que l'impôt est déjà progressif, on aurait pu y aller par la base de l'impôt sur le revenu et les gens auraient continué à être taxés directement, quitte à y aller au pourcentage de l'impôt à payer, de diminuer et d'éliminer tous les crédits d'impôt. Je pense que la notion de fixer tout le régime à partir du revenu familial va pénaliser les femmes.

(1145)

[Traduction]

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je me demande si le député de La Prairie est certain des faits qu'il énonce, à cause de la nature des gouvernements de l'UE. Dans certains cas, le gouvernement est fédéral, ailleurs il est unitaire et ailleurs encore, les impôts sont prélevés au niveau municipal. Est-il absolument certain que tous ces gouvernements regroupent les impôts en un seul total? Il me semble, selon les études que j'ai vues, que ce n'est pas le cas.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, je pense que même en ne tenant pas compte de l'endettement des gouvernements régionaux locaux, ce qu'on appelle les villes et les municipalités au Canada, on pourrait assez facilement considérer l'endettement ou le déficit des provinces. Étant donné que les données ne sont pas nécessairement toujours comparables, pour ce qui est des gouvernements locaux ou régionaux, municipaux, c'est vrai que c'est difficile de les inclure au total.

Si on considère essentiellement le déficit des gouvernements provinciaux et qu'on l'ajoute au déficit du gouvernement fédéral, il est sûr que, même l'année prochaine ou dans deux ans, on va sensiblement dépasser 3 p. 100 du PIB. De façon très conservatrice, je dirais qu'on sera à 5 p. 100, et dans le cas de provinces peut-être plus endettées, comme Terre-Neuve et le Québec également, ce sera peut-être plus.

Je suis d'accord avec le député qu'il y a de plus en plus de provinces qui éliminent leur déficit. La majorité des provinces canadiennes, cette année et surtout l'année prochaine, vont avoir éliminé le déficit, mais il y a encore des déficits importants en Ontario et au Québec. Alors si on ajoute les déficits des deux principales provinces au déficit du gouvernement fédéral, je ne crois pas que ce soit de l'ordre de 3 p. 100. Ce sera beaucoup plus près de 5 p. 100.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier et féliciter mon collègue de La Prairie pour l'excellent exposé qu'il nous a présenté ce matin, notamment sur le plan de la recherche. On sent dans son document qu'il a fait un effort particulier pour aller chercher des informations


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qui ne courent pas les rues, notamment sur le plan de la nomenclature de tous les abris fiscaux et du coût pour les contribuables de tous ces abris fiscaux qui sont censés être là pour activer le développement économique. On peut d'ailleurs douter de ce point.

J'aimerais que mon collègue de La Prairie commente la réaction des gens de bon nombre de milieux, notamment au Bloc québécois, face à la mise sur pied du comité d'«experts» que le ministre des Finances a cru bon d'établir pour évaluer, justement, la fiscalité des entreprises.

Un commentaire est ressorti qui veut que ce genre de comité, de par son membership, constitue, en quelque sorte, le renard qui serait mandaté pour protéger les poules et le poulailler. J'aimerais entendre mon collègue de La Prairie commenter là-dessus, parce que cela semble curieux, même pour certains membres qui sont des experts dans les abris fiscaux, notamment sur le plan international.

M. Bélisle: Monsieur le Président, je remercie mon collègue député de Trois-Rivières pour sa question. Je pense que le gouvernement a fait la moitié du chemin. J'abonde dans le sens du ministre des Finances quand il disait, cette semaine, au député de Saint-Hyacinthe-Bagot, le critique de l'opposition officielle en matière de finances, que le gouvernement avait voulu, avec la création de ce comité, aller chercher l'expertise des paradis fiscaux.

Je suis d'accord avec lui que les membres de ce comité sur la fiscalité des entreprises, un comité d'experts, sont des gens très compétents en termes de paradis fiscaux. Mais on n'a franchi que la moitié du chemin. Sur le plan technique, on aura toute l'expertise requise. Mais ce qui manque à ce comité, la seconde partie du chemin qui n'a pas été franchie par le ministre, c'était de donner une crédibilité politique à ce comité.

Pour donner une crédibilité politique face à la population canadienne et québécoise, je pense qu'il aurait fallu impliquer-c'est ce que demande le député de Saint-Hyacinthe-Bagot dans sa motion déposée ce matin-les élus, les parlementaires, pour justement démontrer à la population canadienne et québécoise que ce comité ne sera pas juste entre les mains d'experts en termes de paradis fiscaux.

(1150)

J'aimerais souligner ici, pour ce qui est de la crédibilité, et cela a été souligné par l'opposition hier à la période des questions, il y a six des huit membres de ce comité qui cotisent annuellement et qui ont cotisé, en 1994, 80 000 $ à la caisse du Parti libéral.

Ce que j'aurais fait, et ce que le ministre des Finances aurait dû faire, aurait été d'impliquer des parlementaires pour justement donner plus de crédibilité au comité. Puis avec ce que l'on voit au niveau des donateurs à la caisse du Parti libéral, ce sont des gens qui-je l'ai démontré lors de mon discours-vont sauver des dizaines de millions de dollars par année à leurs clients qui investissent dans des paradis fiscaux. Cette notion de crédibilité ne peut pas être considérée parce qu'il n'y a pas de parlementaires qui font partie de ce comité.

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt l'intervention de l'honorable député de La Prairie qui nous a dit que le comité technique a été établi par le ministre pour examiner le système de taxation pour les corporations du Canada et pour s'assurer que ce système soit compétitif dans le monde entier. Il a dit qu'il ne serait pas valable parce qu'il n'y a pas de parlementaires sur ce comité. Mais il a oublié que dans notre système, chaque projet de loi émanant de ces études devrait passer tout d'abord par le Parlement, ensuite par le Comité des finances, et encore une fois par le Parlement. Il y aura beaucoup d'opportunités pour nous, comme parlementaires, d'en discuter, d'en juger, et de questionner les témoins. Il nous revient, à nous parlementaires, de disposer des résultats de ces études.

En choisissant quelques-uns de nos meilleurs experts au Canada pour examiner notre système de taxation concernant les corporations, nous aurons non seulement les connaissances de notre système, mais aussi celles des autres pays avec lesquels nous sommes présentement en concurrence pour les investissements.

Il faut s'assurer que notre système de taxation soit concurrentiel parce que dans le monde, en ce moment, il nous faut attirer des investissements. Il faut garder au Canada les investissements que nous avons présentement, et nous savons que dans quelques-uns des autres pays il y a des stimulants, et il y a des concessions fiscales qui ont été faites pour attirer les investissements, c'est-à-dire les emplois.

[Traduction]

L'opposition officielle essaie de donner l'impression que le gouvernement a favorisé les riches et les entreprises, puis qu'il n'a rien fait à l'égard de leurs impôts. Je voudrais revoir avec vous les mesures annoncées dans les trois budgets que notre gouvernement a présentés depuis son arrivée au pouvoir.

En 1994, nous avons éliminé l'exemption de 100 000 $ pour gains en capital. Nous avons réduit de 50 p. 100 la déduction pour les repas d'affaires et les frais de représentation. Nous avons aboli certains abris fiscaux fondés sur la dette convertible. Nous avons exigé que les institutions financières reconnaissent les gains accumulés. Nous avons éliminé le crédit d'impôt spécial de 30 p. 100 sur les investissements. Nous avons modifié la base de calcul des réclamations pour provisions mathématiques des compagnies d'assurance. Nous avons resserré les règles s'appliquant aux filiales étrangères et nous avons exigé des rapports plus détaillés. Nous avons aussi resserré les règles sur la remise de dettes. Nous avons augmenté l'impôt remboursable sur les dividendes reçus d'une société privée. Nous avons mis fin à certains abus en matière de recherche et développement. Nous avons augmenté de 12,5 p. 100 l'impôt des grandes sociétés. Nous avons augmenté la surtaxe sur les sociétés de 33 p. 100.

(1155)

Nous avons instauré une majoration d'impôt sur le capital de 12 p. 100 pour les banques et les autres institutions de dépôt. Nous nous sommes occupés des fiducies familiales. Nous avons annoncé de nouvelles exigences quant aux comptes à rendre pour tous les


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investissements étrangers de 100 000 $ ou plus faits par des résidents Canadiens.

Nous avons annoncé des règles pour éliminer les reports d'impôts qui utilisent les sociétés privées comme véhicules. Nous avons étendu l'imposition des non-résidents sur leurs gains provenant de biens en capital canadiens. Nous avons réglé le problème de la reconnaissance prématurée des pertes fiscales.

Nous avons réduit les dispositions trop généreuses liées aux fonds de capital-risque administrés par les syndicats. Nous avons prolongé la taxe temporaire sur le capital des institutions acceptant des dépôts. Nous avons précisé et renforcé les règles sur les déductions relatives aux ressources, mais nous nous sommes assurés que l'amortissement accéléré puisse maintenant être utilisé pour d'autres projets, y compris les sables bitumineux. Nous avons également annoncé de nombreuses nouvelles mesures pour nous attaquer à l'économie parallèle.

Ce n'est pas là le bilan d'un gouvernement inactif, d'un gouvernement qui soit dans la poche d'un groupe quelconque de contribuables canadiens ou d'un gouvernement qui ne soit pas prêt, à quelque moment que ce soit, à examiner le régime fiscal pour en améliorer la justice et l'équité.

Je voudrais parler brièvement de certaines des idées présentées par l'opposition officielle pour nous dire ce que nous devrions faire sur le plan budgétaire.

Voici ce que disait le Bloc québécois à la page 90 de son rapport minoritaire annexé au rapport prébudgétaire remis par le Comité des finances le 17 janvier: «Le Comité des finances devrait présenter des recommandations plus précises pour combattre le déficit. Les députés libéraux du Comité des finances ont choisi au contraire l'imprudence budgétaire.»

C'est le même parti d'opposition qui disait: «Vous ne pouvez pas réduire les paiements aux provinces. Vous ne pouvez pas réduire les programmes sociaux. Vous ne pouvez pas réduire les paiements aux personnes âgées.» Comment proposait-il que nous exercions une plus grande prudence budgétaire? Comment proposait-il que nous réduisions le déficit encore davantage?

Je vais citer textuellement ce que disait ce parti: «Nous devons éliminer les dispositions inéquitable qui favorisent les grandes sociétés et les contribuables à revenu élevé.» L'opposition officielle veut imposer davantage les grandes sociétés et les riches. Je viens de passer en revue une liste d'environ 25 modifications que nous avons faites dans les trois derniers budgets et qui touchent justement ces groupes.

Que veut le Bloc québécois de plus que ce que nous avons proposé? Regardons exactement ce qu'il disait. Il proposait deux façons. La première, en particulier, était de dénoncer toutes les conventions fiscales signées avec les pays considérés comme des paradis fiscaux. Ce faisant il néglige le fait que le gouvernement a déjà pris des mesures pour modifier l'imposition des filiales étrangères et la nature des rapport qu'elles doivent soumettre. Qu'est-ce que le Bloc considère comme un paradis fiscal? Tout pays qui n'impose pas des impôts plus élevées que le Canada.

[Français]

Le député de La Prairie, dans son commentaire, disait qu'il y a beaucoup de pays avec lesquels nous avons des conventions fiscales qui ont un taux d'imposition beaucoup plus bas que celui du Canada. C'est évident.

(1200)

Ils ont reconnu que notre taux d'imposition au Canada est beaucoup plus élevé que celui de beaucoup d'autres pays au monde, y compris les pays d'Europe et les États-Unis. Ce ne sont pas seulement les pays considérés comme des paradis fiscaux, tels la Barbade, les îles Turks et Caicos, les Bermudes ou tout autre.

[Traduction]

Ils ne reconnaissent pas que nous avons déjà un système qui impose les revenus provenant de ces divers pays.

Si un Canadien investit dans des placements passifs à l'étranger, tous ses revenus sont alors imposés tous les ans au Canada qu'ils soient rapatriés au pays ou non, aux termes des dispositions sur le revenu étranger accumulé tiré de biens, REATB. Les taux canadiens s'appliquent intégralement.

S'opposent-ils à ce système? Ils vont dire que non, ce qui est bon. Ils veulent que le revenu provenant d'un paradis fiscal soit imposé aux pleins taux canadiens pendant qu'il s'accumule. Étant donné qu'ils ne sont pas en désaccord avec la règle qui s'applique aux particuliers et aux sociétés ayant des investissements passifs dans ces pays, ils doivent donc proposer qu'on impose le revenu tiré d'une entreprise exploitée activement au moment où il est gagné et non lorsqu'il est rapatrié au Canada.

À l'heure actuelle, il y a un phénomène de mondialisation des entreprises. Certains de ces impôts ne sont pas payés, car aux termes des règles en vigueur au Canada, aux États-Unis, en Europe et dans tous les autres principaux pays, on considère que le revenu a été accumulé dans ce pays étranger qu'il s'agisse des Bermudes, de la Suisse, des Pays-Bas ou des États-Unis.

Disent-ils que si le revenu tiré d'une entreprise exploitée activement, d'une filiale étrangère d'une société canadienne aux États-Unis, n'est pas imposé à un taux comparable au taux canadien, on devrait alors appliquer les taux canadiens? Supposons que la filiale étrangère d'une entreprise au Tennessee n'est imposée qu'à 30 p. 100, alors que le taux d'imposition au Canada est de 50 p. 100. Affirment-ils qu'on devrait remonter le taux d'imposition là-bas au niveau du taux canadien sur tous ces profits, même s'ils ne sont pas rapatriés au Canada? C'est évidemment le cas, car pour eux. . .

[Français]

-un paradis fiscal est un pays où le taux d'imposition est plus bas que celui du Canada.

[Traduction]

Chose certaine, ils affirment que si ce revenu est accumulé aux Bermudes, nous devrions alors l'imposer au plein taux canadien de 50 p. 100, même s'il s'agit d'une entreprise exploitée activement, de vrais employés, de véritables transactions commerciales.


900

Aucun autre pays du monde n'a un régime d'imposition de ce genre. Ils disent que peu importe ce qui arrive, toute entreprise canadienne doit payer des impôts sur ses profits réalisés n'importe où dans le monde au plein taux canadien, même si ses profits ne sont pas rapatriés ici.

Il se trouve que nous avons un système tout à fait différent dans le monde. Dans le cadre de ce système, le pays hôte, le pays où le travail est effectué, où les gens sont employés, où des activités commerciales se déroulent, est le principal responsable de l'imposition des revenus, et c'est bien ainsi. Si une filiale américaine est établie au Canada, on impose ses profits aux taux canadiens, et non aux taux américains. C'est le système auquel nous avons choisi de souscrire.

Pourquoi avons-nous des conventions fiscales avec la plupart de ces pays? Il y a deux raisons. La première, c'est qu'on veut éliminer la double imposition. En d'autres termes, on n'imposera pas de nouveau au Canada les activités commerciales menées à l'étranger et déjà imposées dans le pays où elles ont lieu. La deuxième, c'est qu'on veut s'assurer que l'impôt est payé.

(1205)

Une grande partie de ces conventions visent à appliquer les impôts qui sont légitimement dus par l'un ou l'autre des deux partenaires aux conventions. Il revient aux autorités fiscales des deux pays de veiller à l'application des impôts et à l'échange de renseignements entre elles.

[Français]

J'aimerais lancer un défi au Bloc québécois. Il y aura un budget provincial dans la province de Québec d'ici quelques mois. Est-ce que leurs collègues provinciaux vont imposer une taxe à toutes les multinationales basées au Canada au taux canadien au lieu de respecter les taux d'imposition imposés par les autres pays du monde où les sociétés canadiennes font des affaires?

[Traduction]

Dans leur prochain budget, les péquistes vont-ils respecter leurs collègues ici, à la Chambre des communes, et adopter exactement les mêmes dispositions fiscales internationales que les bloquistes nous proposent? Vont-ils imposer le même genre de régime fiscal aux sociétés pharmaceutiques multinationales qui sont installées au Québec? En ont-ils l'intention?

Soyons réalistes. Je souhaiterais que les bloquistes comprennent le type de régime qui les occupe, au lieu de ne le comprendre qu'en partie et de dire: «Vous, les libéraux, vous ne devez réduire ni les transferts aux provinces ni les dépenses au titre des programmes sociaux, mais vous devez faire preuve d'une plus grande rigueur budgétaire. Autrement dit, vous devez augmenter les recettes fiscales, tout d'abord, en mettant fin à ces prétendues relations des entreprises qui font des affaires dans d'autres pays dont le taux d'impôt est inférieur à celui que le Canada impose.»

Ne sont-ils pas plus intéressés par les emplois et les investissements qui découlent d'un régime fiscal concurrentiel à l'échelle internationale, en raison de la mondialisation de l'économie?

Je parie que, dans le prochain budget, au Québec, les collègues des bloquistes seront plus préoccupés par les emplois, par la concurrence internationale et par un régime fiscal équitable qui fait que les entreprises paient leur juste part tout en maintenant leur compétitivité à l'échelle internationale.

C'est ce que ce comité d'experts établi par le ministre des Finances se propose de faire. Il examinera si le régime d'imposition des entreprises ne crée pas des obstacles qui empêchent les étrangers de venir s'établir au Canada et y créer plus d'emplois, ou qui nous empêchent d'avoir notre juste part des recettes tirées de sources internationales. Ces conventions fiscales constituaient la manne tombée du ciel, le trésor que les bloquistes s'apprêtaient à percer.

Deuxièmement, selon eux, il y a au Canada des sociétés qui ne paient aucun impôt et dont il faut exiger un impôt minimum. Si une société a subi des pertes fiscales dans les années antérieures, elle ne devrait pas pouvoir les reporter pour éviter de payer des impôts. Ils disent: «Il faudrait avoir un véritable impôt minimum sur les profits des sociétés. Cet impôt minimum n'a pas pour but d'augmenter le fardeau fiscal des entreprises, il vise uniquement les entreprises rentables qui réussissent à éviter de payer un seul sou d'impôt.»

Or, le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario a demandé à la Commission de l'équité fiscale d'effectuer une étude. Cette commission, qui a examiné les déclarations de revenu des sociétés en Ontario en 1989, a constaté que 23 000 sociétés ayant déclaré des bénéfices n'ont payé aucun impôt. Elle a cherché les raisons qui pourraient expliquer ce phénomène. La moitié des bénéfices non imposés provenaient des dividendes inter-sociétés, c'est-à-dire dans le cas d'une entreprise canadienne qui est la propriété d'une autre entreprise canadienne. Une entreprise peut avoir à payer l'impôt sur ses bénéfices, mais elle verse ensuite des dividendes à l'autre entreprise. Va-t-on imposer une deuxième fois ces bénéfices?

(1210)

Souhaitons-nous une double imposition pour les bénéfices des sociétés? Je pose la question à l'opposition officielle et au Parti québécois qui est à la veille de présenter son budget. Entend-on taxer deux fois les bénéfices inter-sociétés par le truchement des dividendes?

Onze pour cent des bénéfices non imposés provenaient des reports de pertes. Les bloquistes sont-ils en train de dire que si une société réalise des bénéfices de 1 million de dollars cette année, mais subit une perte de 1 million de dollars l'année suivante, elle n'aura pas le droit d'égaliser ces montants?

Au Canada, nous pouvons reporter les pertes d'impôt des sociétés pendant environ dix ans. C'est peut-être trop généreux. Aux États-Unis, c'est possible de le faire pendant 15 ans. Cette disposi-


901

tion pourrait être examinée par le comité technique que le ministre va mettre en place.

La déduction pour amortissement a compté pour 13 p. 100 des profits non assujettis à l'impôt. Est-ce que cela signifie que nous ne devrions pas permettre aux entreprises d'imputer à l'exercice les coûts d'acquisition de nouveaux robots, ordinateurs, pièces d'équipement, machines et immeubles? Est-ce cela que les bloquistes veulent? Disent-ils que la déduction pour amortissement est trop généreuse?

[Français]

Le vice-président: Je regrette, mais le temps de l'honorable député est expiré.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai apprécié et j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le discours de mon honorable collègue. Ce qu'on voulait d'abord aborder ici aujourd'hui, c'est la proposition de mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot, au sujet de ce fameux comité qui a été mis sur pied par le ministre des Finances, lequel est composé, comme l'a dit le député de La Prairie, d'amis du régime. Ce n'est pas un vice en soi, ce n'est pas nauséabond, ce sont des amis du régime qui sont là pour conseiller le ministre des Finances. Ce sont aussi des gens qui contribuent beaucoup à la caisse du Parti libéral.

Ce que le député de Saint-Hyacinthe-Bagot propose, c'est d'adjoindre à ce comité des parlementaires de toutes les formations politiques ici présentes, y compris ceux du Parti réformiste qui vont se faire un plaisir d'y assister et d'y participer, tout comme nous du Bloc québécois. Bien sûr, le parti au pouvoir ne voudra pas être en reste là-dedans et va déléguer ses parlementaires aussi.

Le député nous réfère aux comités parlementaires. Il faut dire que les comités parlementaires sont constitués en majorité de députés du parti au pouvoir. C'est humain, si j'étais dans leur cas, j'agirais probablement pareil. Mais lorsqu'on arrive à prendre une décision, contre tout bon sens parfois, pour ne pas embourber son propre gouvernement, on va décider dans un sens plutôt que dans un autre. On détient la majorité parlementaire au sein du comité, donc on essaie de sauver ses intérêts en priorité. C'est ce qui se produit aux comités parlementaires dont faisait état le député tout à l'heure.

Je rappellerais au député qu'avec toute la bonne foi des comités parlementaires qu'on a connus depuis 30 ans, on est quand même rendus avec une dette de 600 milliards de dollars. N'en déplaise au député, ce n'est pas le Bloc québécois qui l'a générée et engendrée, cette dette de 600 milliards. Elle est pourtant là et plus active que jamais.

Le député veut savoir pourquoi on désire que des parlementaires participent à ce comité mis sur pied par le ministre des Finances. C'est justement pour éclairer des gens qui sont en dehors du parti au pouvoir, qui sont des experts dans le domaine. À ces gens, les députés du Bloc québécois et ceux du Parti réformiste pourraient tout simplement exciper, montrer le rapport du vérificateur général pour l'année 1994 qui faisait état d'abus de corporations qui ont des filiales à l'étranger.

(1215)

Prenons un exemple: vous avez une compagnie minière de la Côte-Nord qui a un coût de production de minerai de fer, disons, de 20 $ la tonne. Elle le revend à sa filiale de Nassau, des Bermudes ou de je ne sais où à 21 $ la tonne, elle fait un dollar de bénéfice qu'elle déclare au fisc canadien et sur lequel elle consent bien à être imposée. Sauf que la filiale des Bermudes, elle, n'a pas touché au minerai de fer, elle n'a payé personne. Elle le revend 75 $ la tonne, elle fait 55 $ de bénéfice et ne paie pas un sou au fisc canadien.

Le député nous dit qu'elle n'a pas d'affaire à payer, elle n'a pas agi au Canada, elle n'a pas oeuvré au Canada, elle n'a rien fait au Canada, pourquoi aller imposer de pauvres étrangers? Le vérificateur général du Canada soulevait cela dans son rapport de 1994. C'est cela précisément que le Bloc québécois essaie d'éclaircir.

Il est bien sûr qu'on n'a aucun intérêt et aucun pouvoir d'aller imposer une compagnie de Tombouctou qui ignore même l'existence du Canada. Ce n'est pas ce qu'on vise. On vise les filiales canadiennes créées en catimini, qui oeuvrent dans un paradis fiscal et qui soustraient du pouvoir de taxation canadien des sommes considérables.

C'est ce que l'on vise, et je voudrais demander au député qui vient de prendre la parole s'il ne réalise pas que de telles situations se produisent à de multiples exemplaires et qu'il y aurait lieu de faire quelque chose à ce sujet.

M. Peterson: Monsieur le Président, dans le cas où une société canadienne vend soit des services ou des biens à une filiale dans un autre pays, que ce soit un paradis fiscal ou autre, cela doit être fait at arm's length pricing. On ne peut, selon les règlements canadiens, régler le prix d'une manière artificielle pour éviter les impôts. Dans le cas où ils essaieraient de le faire, ils pourraient être poursuivis et nous aurions l'appui des autorités fiscales dans l'autre juridiction à cause de notre convention fiscale avec ce pays. Nous avons établi ces conventions pour essayer de régler exactement ce genre de problème.

L'honorable député a dit que les gens choisis par le ministre pour faire partie de ce comité spécial, ce comité technique, sont les amis de notre parti. J'en connais quelques-uns et il y en a beaucoup là qui n'ont jamais voté pour les libéraux. Ils ne vont jamais voter pour les séparatistes, je peux vous l'assurer. J'ai beaucoup de respect pour le professionnalisme, les connaissances et l'expérience des gens choisis pour ce comité. Ils peuvent nous aider comme de vrais experts.

Nous avons besoin de ce genre de conseils pour essayer d'avoir un système concurrentiel et pour promouvoir la création d'emplois au Canada.

[Traduction]

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, même si je n'appuie pas la motion que le Bloc Québécois présente aujourd'hui, je suis un peu étonné de l'opposition libérale. Je sais que le député de Willowdale a beaucoup d'expérience dans le domaine des affaires.


902

Étant donné les antécédents des libéraux en matière de fiscalité et étant donné qu'ils cherchent toujours des moyens de soutirer plus d'argent aux contribuables canadiens et aux entreprises canadiennes, je suis étonné de voir qu'ils n'ont pas pris en note toutes les suggestions émises par les députés du Bloc afin d'y trouver de nouveaux moyens de faire payer des impôts aux Canadiens et aux entreprises canadiennes.

Le député de Willowdale a parlé de l'économie souterraine et des efforts des libéraux pour lutter contre ce phénomène, ce qui m'amène à évoquer la cause de cette économie souterraine, soit l'horrible et détestable TPS.

(1220)

Le député reconnaît-il que la TPS constitue à elle seule la cause la plus importante de l'économie souterraine, et n'admet-il pas qu'on ne viendra pas à bout de l'économie souterraine tant que le gouvernement libéral n'aura pas tenu sa promesse d'abolir la TPS?

M. Peterson: Monsieur le Président, je remercie de sa question le député de Prince George-Bulkley Valley.

La TPS n'est pas la cause la plus importante de l'économie souterraine. Le taux de la TPS est de 7 p. 100, comparé au taux d'imposition du revenu des particuliers qui s'élève à 54 p. 100 en Ontario.

Ceux qui se réfugient dans l'économie souterraine pour éviter de payer taxes et impôts auraient une incitation de 54 p. 100 à le faire dans le cadre du régime d'impôt sur le revenu des particuliers, qui a atteint le maximum qu'on puisse exiger et qui devrait diminuer, par rapport à l'incitation fiscale de 7 p. 100 du côté de la TPS.

Quand cette taxe aura été harmonisée avec la taxe de vente des diverses provinces, quand il sera devenu beaucoup plus simple pour les petites entreprises d'observer cette obligation fiscale et quand les prix seront établis en tenant compte de la taxe pour qu'elle soit plus équitable pour les consommateurs, nous aurons une taxe encore meilleure. Je sais que le député appuiera ces dispositions, car elles permettront de réduire les coûts de l'administration publique, aideront les petites entreprises et les consommateurs et serviront l'intérêt général.

Le député me demande si je ne suis pas intéressé à trouver des moyens, qu'ils viennent ou non du Bloc Québécois, d'augmenter les recettes fiscales. Nous sommes intéressés à trouver des moyens équitables de faire partager le fardeau fiscal. Nous voulons faire disparaître l'économie souterraine. Il est injuste pour ceux qui paient taxes et impôts que des gens puissent abuser du système et ne pas payer leur juste part. C'est un des gros problèmes auxquels nous voulons remédier. Le ministre a énoncé des moyens d'y parvenir dans son budget et d'autres mesures seront annoncées plus tard.

Nous voulons mettre fin aux abus qui se font à l'aide de sociétés étrangères, comme le déplorent les députés du Bloc. Ils ont cependant proposé un tout nouveau système: imposer aux taux canadiens les bénéfices des sociétés étrangères. Nous serions le seul pays du monde à le faire. Qu'arriverait-il aux multinationales dont le siège est établi au Canada? Quels emplois sortiraient du pays? Vont-ils préconiser cela dans leur prochain budget pour les sociétés dont le siège est établi au Québec? Ce serait insensé, et ils ne le feront pas. J'en fais la prédiction.

S'il y a des sociétés qui abusent du système, en établissant par exemple des prix de cession interne inéquitables ou en n'attribuant pas une valeur marchande équitable aux produits et aux services, nous allons sévir contre ces sociétés, qu'elles soient canadiennes ou étrangères. Nous le promettons.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, je suis toujours étonné quand on me parle des très grands experts avec qui on va faire affaire. On fait affaire avec des experts depuis 30 ans et on a 600 milliards de dette. Alors peut-être qu'on devrait commencer à regarder sérieusement qui sont les vrais experts au Canada.

J'interviens sur la motion déposée par mon collègue, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot, qui, dans son essence, nous dit que le comité technique d'étude sur la fiscalité qui est annoncé par le gouvernement est, en fait, en plein conflit d'intérêts.

Il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur ce sujet qui concerne et qui préoccupe tous les citoyens du Québec aussi bien que du Canada, mais qui ne semble pas préoccuper outre mesure le gouvernement. Je veux parler de la fiscalité, puisque c'est de ça dont on parle. On parle de la perception des impôts. L'impôt n'est pas un sujet très populaire par les temps qui courent, on s'en rend compte, depuis que la conjoncture économique va de mal en pis. Mais, en fait, nous vivons des années difficiles sur le plan économique et nous assistons à la disparition graduelle de la classe moyenne. Ça non plus, on n'en parle pas tellement souvent.

Les citoyens de ce pays en ont assez d'être imposés, d'être taxés, de se faire continuellement vider les poches par les gouvernements qui se sont succédé et qui ont fait succéder les déficits d'un gouvernement à l'autre depuis 30 ans. Pour remédier à cette situation, le gouvernement n'a qu'un seul mot à la bouche: coupures. Il coupe dans certains programmes et surtaxe les contribuables pour aller chercher le manque à gagner. Dans le budget de cette année, le ministre des Finances s'est voulu rassurant en annonçant qu'il n'y aurait pas de hausse de taxes et d'impôts.

(1225)

Ce budget cosmétique, comme on l'a démontré dans les discours qui ont suivi le dépôt du budget, qui vient en quelque sorte sauver la face du gouvernement, n'a pour but que de camoufler les vraies coupures. On se souviendra que dans le budget de 1994, le gouvernement coupait 44,9 milliards de dollars sur cinq ans et que dans le budget de 1995, le gouvernement coupait encore 42,7 milliards. Le budget de cette année se voulait peut-être rassurant en coupant seulement 1,9 milliard de dollars dans les divers programmes, mais c'est pourtant cette année que les contribuables vont se voir frappés de plein fouet par les mesures qui ont été prises antérieurement et qui prendront effet cette année.


903

Pourquoi doit-on faire des coupures? Parce qu'il faut rétablir les finances publiques. Bien sûr, on doit éliminer le déficit. Lorsque le gouvernement clame qu'il a maîtrisé les finances publiques et qu'il a réglé les problèmes financiers du Canada, il s'agit là de fausses affirmations. Selon ses propres prévisions, le gouvernement libéral actuel prévoit qu'à la fin de son mandat, le mandat de cette année, il aura ajouté près de 110 milliards de dollars à la dette du pays. On est à la veille de passer tout près-nos amis du Parti réformiste pourraient nous dire quand, puisqu'ils font le décompte à la minute-de 600 milliards de dollars de dette.

Le ministre des Finances nous a aussi annoncé une réduction du déficit. Il s'en impute les honneurs et se lance des lauriers. On a le droit de le faire, mais pourtant, la seule raison qui a contribué à réduire le déficit est la conjoncture économique qui a été plus favorable l'année dernière que les autres années, et pour laquelle les libéraux n'ont pas une grande responsabilité. Ce sont les faibles taux d'intérêt, l'augmentation des exportations et la Caisse de l'assurance-chômage qui ont contribué à réduire le déficit. Ce que l'on a pris dans la Caisse de l'assurance-chômage, c'est presque une saisie de salaire collective. Enlevez ces trois choses, et nous retombons en récession.

En faits concrets, le budget de cette année marque l'arrêt des efforts de rétablissement des finances publiques. Avec ce budget, et c'est la même chose avec tous les budgets précédents, les libéraux n'ont en rien réglé la question des finances publiques. Pourtant, la population, on le sait, ne demande que cela.

Le Bloc québécois réclame depuis longtemps du gouvernement qu'il assainisse les finances publiques-depuis, en fait, notre arrivée ici à la Chambre-non pas en faisant payer les petits contribuables, mais en allant chercher des revenus chez ceux qui ne paient pas leur juste part au Trésor public. Quoi qu'en disent nos amis d'en face, il y a énormément de gens, effectivement, au Canada qui ne paient pas leur juste part. On comptait l'année passée plus de 6 milliards de dollars en impôts impayés, et le gouvernement s'est montré incapable de réduire ce montant par rapport à l'année précédente. Il a préféré puiser, comme on vient de le dire, 5 milliards de dollars dans la Caisse de l'assurance-chômage qui est, en fait, une saisie de salaire collective.

Nous réclamons également depuis deux ans que le gouvernement fasse des réformes majeures aux conventions fiscales entre le Canada et certains pays. La fiscalité des entreprises doit être révisée complètement. Selon les derniers estimés du ministère des Finances, on comptabilise à près de 10 milliards de dollars les revenus qui échappent à l'impôt. Et non seulement faut-il réviser la fiscalité, mais il est impératif de mettre fin à l'évitement fiscal aussi appelé «paradis fiscaux», parce que je pense que c'est là qu'il y en a le plus actuellement. Mes collègues du Bloc qui ont pris la parole avant moi ont clairement défini comment il se fait, depuis quelques années, que les compagnies qui donnent des conseils sur comment utiliser les paradis fiscaux sont en train de faire fortune et de tripler, quadrupler sinon quintupler leur clientèle.

C'est sur ce sujet des paradis fiscaux que j'aimerais intervenir très brièvement. Les conventions fiscales entre le Canada et certains autres pays comportent de véritables trous qui permettent à des contribuables et à des compagnies d'abaisser considérablement leur niveau de taxation. Ce que les gens d'un côté ne paient pas, bien sûr, la facture est refilée à d'autres. C'est ainsi que plusieurs pays étrangers deviennent ce que nous appelons communément des paradis fiscaux. Non pas paradis pour la classe moyenne, mais paradis pour les compagnies qui les utilisent.

Le domaine des paradis fiscaux est un domaine excessivement complexe. D'ailleurs, il ne faut pas se le cacher, la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu est la loi la plus compliquée de toutes, et mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot, qui a pris la parole avant moi, nous faisait remarquer que plus c'est compliqué, justement, plus c'est facile de trouver des trous là-dedans. Donc, la section se rapportant aux corporations étrangères affiliées est sans doute la section la plus compliquée de cette loi la plus compliquée.

(1230)

Parce que le Canada transige avec plusieurs pays, et que chaque pays possède un régime fiscal particulier, il est difficile d'obtenir des chiffres précis-puisque ces chiffres, dans ces pays, sont relativement confidentiels-sur l'ampleur du phénomène et sur les montants d'argent qui y sont transigés. Mais les experts financiers s'entendent pour dire que la quasi-totalité des grandes sociétés multinationales canadiennes utilisent les paradis fiscaux dans le cadre de leur stratégie fiscale.

C'est devenu une stratégie fiscale. Ce n'est pas nécessairement de la production que l'on fait à l'étranger. Les compagnies se servent des paradis fiscaux comme stratégie fiscale pour éviter l'impôt, car elles en retirent plusieurs avantages.

Ces mêmes experts s'entendent également pour dire que la popularité des paradis fiscaux atteint des proportions encore jamais vues. Il y a plusieurs indications qui nous démontrent l'ampleur du phénomène. Mon collègue de La Prairie, tout à l'heure, citait de nombreuses compagnies, telle International Privacy Corporation, qui utilisent et qui donnent des conseils sur la façon d'utiliser les paradis fiscaux. Il en a fait une démonstration brillante et je ne reviendrai pas là-dessus.

Pour comprendre le phénomène exact des paradis fiscaux, il faut retourner à la base. La règle générale est la suivante: tout revenu d'entreprise et tout revenu gagné par une corporation canadienne doit être imposé, qu'il soit gagné à l'intérieur du pays ou à l'extérieur. Comme toute règle comporte ses exceptions, la loi prévoit aussi qu'une corporation canadienne peut percevoir de ses corporations affiliées un revenu d'entreprise exploitée activement, sans payer d'impôt sur ce revenu au Canada, en autant que la corporation étrangère affiliée soit située dans un pays désigné dans la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire un des pays avec lequel le Canada a des ententes fiscales.

En bout de ligne, ce que cela veut dire, c'est qu'une compagnie canadienne qui exploite une filiale à l'étranger dans un pays désigné n'est pas imposée sur le revenu que cette filiale gagne à l'étranger. Le but d'inclure cette disposition dans la loi était à l'origine pour éviter la double imposition, comme vient de l'expliquer mon hono-


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rable collègue du Parti libéral qui a parlé avant moi, c'est-à-dire par le pays étranger et à la fois par le Canada. Ainsi, le gouvernement canadien considère que le revenu gagné à l'étranger est imposé à un taux à peu près équivalent au taux du Canada. C'est à partir de cette supposition, qui n'est pas fondée, que l'on a créé les paradis fiscaux.

Conséquemment, deux effets majeurs surviennent. Premièrement, un certain nombre de pays ont des taux d'imposition très faibles qui oscillent autour de 2 ou 3 p. 100 alors qu'au Canada, les taux d'imposition sont d'environ 40 p. 100. Techniquement parlant, cette différence entraîne inévitablement une iniquité fiscale qui coûte des millions de dollars au gouvernement canadien.

Deuxièmement, les filiales étrangères peuvent transférer leurs dividendes à la corporation canadienne qui les contrôle, et ce, en franchise d'impôt, c'est-à-dire sans payer d'impôt. En d'autres mots, la loi permet aux compagnies de transférer à la société mère canadienne les pertes de filiales étrangères, et aussi de transférer à l'étranger les revenus des corporations canadiennes et aussi-parce qu'il y a beaucoup de «aussi» là-dedans-de rendre non imposables des revenus qui habituellement le sont, grâce aux transferts de capitaux avec les filiales étrangères. L'un de mes collègues a parfaitement expliqué tout à l'heure comment on s'y prenait pour jouer avec les prix en achetant des choses ici au Canada à un certain prix d'une filiale située à l'étranger et en les revendant sur les marchés étrangers pour réaliser un bénéfice dans un paradis fiscal.

Le rapport du vérificateur général du Canada de 1992, qui a été abondamment cité à l'époque, mais qui a également été, comme tous les rapports du vérificateur général après qu'on en ait parlé pendant dix jours, mis sur les tablettes jusqu'à un certain point, eh bien, ce rapport de 1992 en particulier nous cite une vingtaine d'exemples de paradis fiscaux. J'en prendrai quatre rapidement pour au moins voir ce que le vérificateur général du Canada en pense.

Le vérificateur nous donne quatre exemples qui sont les suivants: «. . .une corporation américaine affiliée à une société canadienne a 684 millions de dollars en liquidités et dépôts à court terme qui proviennent de la compagnie canadienne. Le revenu de placement gagné par la corporation américaine affiliée a été utilisé pour résorber ses pertes fiscales américaines. Les frais d'intérêt liés à l'investissement dans la corporation américaine sont déduits au Canada. Bien que le ministère du Revenu national (Impôt) ait considéré que le revenu de placement était assujetti à une retenue d'impôt à la source, ce stratagème a eu pour effet de transférer au Canada des pertes fiscales américaines.» C'est le vérificateur général qui dit cela.

(1235)

Autre exemple: «. . .une autre corporation américaine affiliée à une société canadienne a 672 millions de dollars en liquidités et en dépôts à court terme qui proviennent de la compagnie canadienne. Le revenu de placement gagné par la corporation américaine a été utilisé pour éponger ses pertes fiscales américaines. Les frais d'intérêt au titre de l'investissement dans la filiale américaine sont déduits au Canada. Ce stratagème a effectivement permis de transférer au Canada des pertes fiscales américaines.» Monsieur le Président, les gens sont chanceux, ils transfèrent les pertes un peu partout.

Voici le troisième exemple cité par le vérificateur général du Canada en 1992, spécifiquement sur l'utilisation des avantages fiscaux, de l'évitement fiscal et des paradis fiscaux: «. . .une corporation de Hong Kong affiliée à une société canadienne a 62,4 millions de dollars en liquidités et dépôts à court terme qui proviennent de la compagnie canadienne. Le revenu de placement gagné par la corporation de Hong Kong a été employé pour résorber ses pertes fiscales à Hong Kong. Les frais d'intérêt liés à l'investissement dans la filiale de Hong Kong sont déduits au Canada. Ce stratagème a effectivement permis de transférer au Canada les pertes fiscales de Hong Kong. La section du ministère du Revenu national (Impôt) chargée de l'évitement fiscal examine ce cas depuis 1990.»

Autre et dernier exemple-et on en retrouve sur plusieurs pages-«. . .une société canadienne a 1,6 milliard de dollars en avance ne portant pas d'intérêt et un investissement de 133 millions de dollars dans une corporation des Pays-Bas qui lui est affiliée. Cet investissement a généré 130 millions de dollars en revenus non assujettis aux revenus étrangers accumulés tirés de biens pour la corporation étrangère affiliée. Bien que le revenu de la corporation étrangère affiliée n'ait pas été imposé à un taux semblable à ceux du Canada, les 130 millions de dollars peuvent parvenir à l'entreprise canadienne en franchise d'impôt. Ce revenu étranger n'est pas assujetti à l'impôt quand il entre au Canada, mais donne droit aux crédits d'impôt fédéral et provinciaux sur les dividendes versés là-bas.» Ces compagnies reçoivent des crédits en plus.

J'expliquais tout à l'heure que la Loi de l'impôt sur le revenu, et précisément la Loi sur la fiscalité, est l'une des plus compliquées au Canada et je pense que les exemples qu'on vient de citer en sont de bons. On sait que le vérificateur général du Canada porte une attention extrêmement précise à tenter de rendre compréhensibles pour le public des cas extrêmement compliqués. On voit que même à la lecture de choses comme celles-là, il faut faire attention pour bien comprendre ce qui se passe. Et ce ne sont que quelques exemples.

Ces exemples montrent bien, cependant, l'étendue de la situation. Il y a aussi d'autres indicateurs qui montrent l'ampleur du problème. Le vérificateur, dans son rapport de 1992, analyse la banque de données du ministère du Revenu. Il a découvert que jusqu'en 1992, les corporations canadiennes avaient investi 92 milliards de dollars dans des compagnies non résidentes avec lesquelles elles ne traitaient pas sans lien de dépendance. En 1990, elles avaient reçu des filiales étrangères plus de 4,2 milliards de dollars en dividendes.

De ce montant de 92 milliards, une somme de 5,2 milliards a été investie dans des entreprises à la Barbade, qui est un paradis fiscal. En 1990 seulement, les sociétés canadiennes ont reçu plus de 400 millions de dollars de dividendes de compagnies de la Barbade. Ces dividendes n'ont pas été imposés au Canada.

Une somme de 10,9 milliards, ce sont tous des chiffres tirés du rapport du vérificateur général, a été investie dans des entreprises à Chypre, en Irlande, au Libéria, aux Pays-Bas et en Suisse, pays qui sont tous considérés, bien sûr, comme des paradis fiscaux. En 1990, les sociétés canadiennes ont reçu plus de 200 millions de dollars en dividendes d'entreprises exploitées dans ces pays seulement. Ces dividendes sont rentrés au Canada en franchise d'impôt. C'était en 1990; ajoutons maintenant 1992, plus les autres paradis fiscaux.

Récemmemt, les îles Caïmans et les îles Turks et Caicos, qu'on cite souvent, sont devenues très populaires, pas pour ceux qui veulent aller prendre du soleil, mais pour les Canadiens fortunés et


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les corporations canadiennes. Les corporations ne prennent pas du soleil, elles prennent les avantages fiscaux. Les déclarations de renseignements compilés par le ministère du Revenu n'indiquent bien sûr pas toute l'ampleur de l'activité financière entre les parties au Canada et à l'étranger. Plusieurs données sont incomplètes et plusieurs catégories de transactions ne s'y trouvent pas.

On sait que les gens qui font affaire dans les paradis fiscaux ont droit à une certaine forme de réserve et qu'ils ne sont pas obligés de déclarer au Canada tous les profits qu'ils font dans ces paradis.

(1240)

«Mais on peut raisonnablement conclure que des centaines de millions de dollars en recettes fiscales ont déjà été perdus et continueront d'être en jeu.» C'est une citation directe du vérificateur général du Canada.

J'aurais pu en parler pendant encore une dizaine de pages, mais c'est que mon temps s'écoule tranquillement. J'aimerais cependant en arriver à la conclusion suivante: le ministre, devant ces propositions du Bloc québécois-qui datent d'ailleurs de notre entrée en Chambre-de revoir complètement la fiscalité canadienne, nous dit qu'il va enfin mettre sur pied un comité d'étude technique sur la fiscalité.

Quand nos amis d'en face nous disent que ces gens qu'on va mettre sur ce comité sont certainement les plus grands experts du Canada, nous ne le contestons absolument pas. Je suis absolument convaincu que nous aurons en fait les meilleurs experts du Canada. Cependant, ce que nous contestons et qui est évident à l'oeil nu, c'est que ce comité technique est un comité fermé, où ne siégeront pas de députés, un comité constitué de ceux-là mêmes qui sont les conseillers des compagnies et des représentants et des financiers pour l'utilisation des paradis fiscaux. Il y a donc là conflit d'intérêts évident.

Ce sont les mêmes personnes qui utilisent elles-mêmes les paradis fiscaux, on en a abondamment parlé, comme par exemple Price Waterhouse, Ersnt & Young. Elles ont chacune un siège social dans au moins cinq paradis fiscaux. Donc, elles ont un plein conflit de juridiction là-dedans, et c'est une «réformette» que nous promet le ministre et qui va se faire en vase clos.

Autrement dit, on va réunir les plus grands experts du Canada, ceux qui expliquent aux compagnies comment ne pas payer d'impôt et on va leur faire étudier comment on devrait faire payer de l'impôt aux compagnies. On voit bien que ça n'a aucun sens, que ces gens-là, s'il n'y a pas quelqu'un avec eux qui représente le gouvernement, l'opposition et même le Parti réformiste, c'est un comité technique bidon, qui n'a même pas d'ordre du jour.

On nous dit qu'on va produire un rapport plus tard et que, une fois ce rapport produit, la population en prendra connaissance. Ça va nous reporter à quand? Après les élections? Après un autre référendum? Il n'y aura jamais de refonte de la fiscalité, et nous déplorons ce fait. Nous déplorons aussi le fait que ce comité soit à la fois juge et partie et nous déplorons le manque de transparence de ce comité, et nous désirons que des députés du Parlement soient présents à l'étude sur la fiscalité de ce comité technique.

M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député d'Anjou-Rivière-des-Prairies pour son exposé. J'aimerais simplement faire un commentaire à l'effet que je ne veux pas que la population canadienne reste sur les déclarations de l'honorable député à l'effet que le déficit, tel qu'il a été annoncé et jugulé par le présent gouvernement, se fait sur le dos des travailleurs et aussi sur le dos des plus démunis de notre société.

Lorsque nous avons pris le pouvoir en octobre 1993, le déficit de 1993-1994 se situait à 5,9 p. 100 du PIB. L'année suivante, qui est l'année qui se termine actuellement, nous avons ramené ce déficit aux environs de 32,7 milliards de dollars, avec un coussin de sécurité pour l'honorable ministre des Finances. Il se chiffrera aux environs de 4 p. 100 du Produit intérieur brut. Pour la présente année, nous avions annoncé dans notre livre rouge que le déficit se situerait à 3 p. 100 du PIB, soit autour de 24 milliards de dollars et, effectivement, le ministre des Finances nous a dit que, pour l'année 1997-1998, ce déficit serait ramené à 17 milliards de dollars ou 2 p. 100 du PIB.

Je tiens à rappeler à l'honorable député que, lorsque nous avons pris le pouvoir, les dépenses du gouvernement se chiffraient à 120 milliards de dollars et que, dans le prochain budget, elles seront de 109 milliards de dollars avec des possibilités pour l'année 1997-1998 de 106 milliards de dollars, soit une diminution quand même de 14 milliards de dollars, soit 12 p. 100 comme tel.

(1245)

Il a beaucoup parlé des paradis fiscaux, il en a fait une très grande mention dans son exposé. Ma question porte sur les paradis fiscaux et elle est très simple. Il semble, d'après son exposé, qu'il y aurait des milliers et des milliers de Canadiens qui traiteraient avec d'autres pays pour pouvoir éviter des paiements d'impôt comme tels.

Pourrait-il me dire et dire à cette Chambre combien il existe de compagnies canadiennes, selon sa recherche, qui bénéficient de paradis fiscaux dans d'autres pays?

M. Pomerleau: Monsieur le Président, c'est une très bonne question à laquelle je n'ai pas de réponse. Je n'ai pas de réponse, justement, parce qu'on va nous donner un comité d'experts sur lequel nous ne siégerons pas. Alors, on veut justement participer avec ce comité d'experts qui comprendront Price Waterhouse, Ernst & Young, à l'étude complète de la fiscalité.

Si nous nous rendons compte par la suite qu'il n'y a effectivement pas beaucoup de compagnies qui participent à l'évasion fiscale par des paradis fiscaux, nous reconnaîtrons les faits. Sauf que le vérificateur général du Canada, en 1992, nous parle de milliards de dollars, pour le peu qu'il peut voir, soustraits à la taxation, et recommande une révision de la fiscalité. Ce que l'on nous donne, c'est une révision bidon avec des gens qui vont faire cela en milieu fermé, sans représentants du gouvernement, ni même de l'opposition, ni même du troisième parti, sans représentants du Parlement d'aucune façon, et on nous demande de répondre à des questions auxquelles on ne veut pas répondre.


906

J'espère que mon collègue sera de ceux qui tenteront de convaincre le gouvernement que sur ce comité de soi-disant experts, il y ait des représentants du Parlement, et nous pourrons lui donner les chiffres à ce moment-là.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de Durham.

Aujourd'hui, l'opposition a décidé de présenter une motion pour déplorer le fait que le gouvernement fédéral ait décidé de faire des consultations en ce qui concerne le système de taxation.

Je désire féliciter le gouvernement et je veux aussi féliciter le ministre des Finances pour son initiative parce que, finalement, c'est une initiative très importante. Je ne me dis certainement pas expert dans le domaine de la réforme du système de taxation et je ne crois pas qu'il y ait, parmi mes collègues qui sont ici dans la Chambre des communes, des experts dans ce domaine.

Si tel est le cas, mes collègues auront le temps, qu'ils soient du Bloc, qu'ils soient du Parti réformiste ou qu'ils soient du côté du gouvernement, de donner leur opinion. Finalement, chaque jour nous avons le temps en cette Chambre des communes de soumettre au gouvernement et au ministre des Finances nos idées et nos propositions, non seulement en ce qui concerne le sujet de la réforme du système de taxation, mais sur n'importe quel autre sujet qui est devant la Chambre des communes.

Je veux répondre à mon collègue en lui indiquant que depuis notre élection, le gouvernement fédéral a pris toutes les mesures ou la plupart des mesures nécessaires pour mettre en place une économie dynamique et une économie satisfaisante pour la population canadienne.

On n'a qu'à regarder ce que le gouvernement a fait depuis deux ans concernant la question du déficit, qui est une question qui préoccupe tous les Canadiens et les Canadiennes. Notre gouvernement a promis, finalement, de contrôler le déficit. Je suis certain que mes collègues des partis de l'opposition seront en mesure de féliciter le gouvernement parce que ça fait deux années consécutives qu'il a réussi à contrôler le déficit, et on espère qu'il va continuer à le contrôler pour les années à venir.

(1250)

Il y a longtemps que le secteur privé demande au gouvernement de contrôler le déficit parce que, en contrôlant le déficit, on aura beaucoup plus d'argent à dépenser dans les programmes sociaux, dans les programmes destinés aux aînés, dans les programmes pour la jeunesse, dans les programmes relatifs à la santé. Également, cela va créer une atmosphère qui incitera le secteur privé à créer de l'emploi dans la société canadienne.

Ce que le secteur privé demande également au gouvernement depuis longtemps, c'est de contrôler le taux d'inflation. Si on regarde l'inflation au Canada en ce moment, c'est le taux le plus bas depuis 30 ans. C'est quelque chose d'extraordinaire et il faut qu'on soit fiers de l'action du gouvernement dans ce domaine.

L'autre chose que le secteur privé et la population ont demandé au gouvernement, c'est de contrôler les taux d'intérêt. Ainsi, les gens des entreprises, ceux qui ont des hypothèques sur leur maison, ceux qui veulent emprunter pour payer leurs dettes auront la possibilité d'emprunter à un taux qui est bas. On voit que depuis notre arrivée ici, les taux d'intérêt sont bas.

La troisième chose, ce sont les indicatifs économiques. Si on regarde ce que le gouvernement a fait jusqu'à maintenant, la société canadienne ou l'économie canadienne est la plus forte si on la compare à celle de tous les pays industriels. Les indicatifs économiques sont très encourageants. C'est donc une chose pour laquelle on doit féliciter le gouvernement fédéral, parce qu'il a fait quelque chose de très intéressant et de très important pour le secteur privé et pour la population canadienne.

En outre, dans le dernier budget que le ministre des Finances a livré ici en Chambre, un programme extraordinaire a été mis en marche. J'aimerais bien que mes collègues de l'opposition félicitent le gouvernement pour ses actions. Regardons ce que le ministre des Finances a dit ici, à la Chambre des communes, dans le domaine, par exemple de l'amélioration de l'aide aux compagnies et industries canadiennes dans le domaine de la recherche et développement; regardons ce que le gouvernement a fait dans le domaine de la réforme pour les programmes destinés aux aînés; regardons ce que le gouvernement a fait du point de vue des réformes pour les programmes destinés à la jeunesse, surtout pour les étudiants et étudiantes qui commenceront à chercher de l'emploi d'ici un ou deux mois et au cours des prochaines années; regardons ce que le gouvernement a fait dans le domaine de l'exportation. Finalement, le ministre des Finances nous dit que le gouvernement va présenter des mesures tangibles dans le domaine de l'exportation pour aider les compagnies canadiennes à exporter encore plus.

Pourquoi disons-nous cela? Parce que, finalement, la croissance économique du Canada dépend directement du taux d'exportation des produits canadiens à l'extérieur. Si on regarde le taux de l'emploi au Canada et le nombre d'emplois, plusieurs emplois existent parce qu'une compagnie ou une autre exporte dans d'autres pays. C'est très important qu'on mette en place des mesures pour aider ces compagnies à faire de l'exportation. Je pense que notre gouvernement a pris des mesures tangibles dans ce domaine. Moi et mes collègues félicitons le ministre des Finances pour son action dans ce domaine.

Un autre sujet est le fait que les petites et moyennes entreprises canadiennes créent et continuent à créer la majorité des nouveaux emplois au pays. Encore une fois, le gouvernement fédéral a pris des mesures concrètes dans ce domaine, surtout en ce qui concerne les banques qui prêtent de l'argent aux petites et moyennes entreprises. Le gouvernement a injecté quelques cinquantaines de millions de dollars pour aider les petites et moyennes entreprises.

Donc, je m'attendrais à ce que mon collègue de l'opposition félicite le gouvernement fédéral. Je ne m'attendais pas à ce que le Bloc québécois prenne une journée en Chambre pour pouvoir attaquer l'initiative du ministre des Finances. Le ministre des Finances veut amener des experts dans le domaine de la réforme de la taxation, il veut en discuter avec la population.

(1255)

Il veut voir des propositions et des idées. Alors, ça n'exclut pas qu'un ou plusieurs de mes collègues, qu'ils soient de ce côté de la Chambre ou de l'autre, nous disent comment ils vont réformer le système de taxation. Monsieur le Président, je vous remercie de m'avoir donné la chance de dire quelques mots concernant ce sujet


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et j'attends qu'un de mes collègues de l'opposition se lève tout de suite et félicite le gouvernement pour un travail bien fait. N'est-ce pas, mon collègue?

M. Patry: Oui, bravo.

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, bien entendu, je n'irai pas jusqu'à féliciter le ministre des Finances pour cette initiative, qui m'apparaît bidon. Je me souviens très bien que, la semaine dernière, le secrétaire d'État au ministre de l'Agriculture, rien de moins que le secrétaire d'État au ministre de l'Agriculture, me disait: «Nous avons consulté les producteurs laitiers pour leur couper 8 000 $ en moyenne chacun par année.»

Il semblait nous laisser croire que les producteurs laitiers avaient accepté cette consultation: «Merci, monsieur le ministre des Finances, nous allons couper de 8 000 $ par année nos subsides». Ce n'est pas vrai qu'il y a eu consultation avec les producteurs laitiers. Je fais une analogie avec la consultation bidon que notre bon ministre des Finances est en train de mettre sur pied.

Il va se pavaner un peu partout pour vendre ses idées, que nous connaissons déjà. Mon distingué collègue d'Anjou-Rivière-des-Prairies, tout à l'heure, a parlé de nombreuses compagnies canadiennes qui allaient s'enregistrer dans les îles où on paie très peu d'impôt, notamment aux Bahamas. Le ministre des Finances, qui nous écoute présentement, sait très bien ce que je veux dire, parce que lui-même profite de certaines largesses, de certains trous de notre fiscalité, des grandes entreprises notamment.

Les consultations qu'on a faites dans le cadre du secteur laitier m'apparaissent semblables à celles qu'on se prépare à faire. À quelques jours du référendum, et c'est là-dessus que j'aimerais que mon collègue me réponde, M. Laurent Beaudoin était interrogé à Maisonneuve à l'écoute. À la question de M. Maisonneuve, qui lui demandait: «Vous avez payé combien en impôt l'année dernière?», le président-directeur général de la grosse compagnie Bombardier a dit: «L'année passée, nous n'avons pas versé d'impôt» «Il y a deux ans?» «Pas d'impôt.» «Trois ans?» «Pas d'impôt.» «Mais en quelle année avez-vous payé des impôts?» Et Laurent Beaudoin de dire: «Je ne me souviens pas de la dernière année où nous avons payé des impôts.»

Vous devez être mal à l'aise, la main doit vous trembler lorsque vous votez des lois pour couper chez les petites gens, notamment les prestataires d'assurance-chômage, alors que vous laissez filer des millionnaires, voire des milliardaires, sans payer un cent d'impôt. Vous n'avez pas besoin de consulter n'importe qui.

Le vice-président: S'il vous plaît, le député doit adresser ses remarques à la Présidence. Je pense que les commentaires du député contenaient une question et j'aimerais laisser le député y répondre.

M. Harb: Monsieur le Président, je peux tout simplement dire que la façon dont mon collègue réagit est une admission à l'effet que le gouvernement a fait les choses de la bonne façon. En parlant de la question qu'il vient de soulever qu'une compagnie n'a pas payé d'impôt l'année passée ou l'année d'avant, je peux dire, sans faire des commentaires sur le cas, qu'il faut savoir calculer un peu. Quand une compagnie fait des profits, le gouvernement est là pour l'imposer. Mais quand une compagnie ne fait pas de profit, le gouvernement ne peut pas la taxer. C'est bien simple. Mon collègue parle du gouvernement et de ce que le gouvernement a fait. Je veux souligner à mon collègue que depuis que le gouvernement est au pouvoir, jusqu'à présent, on a créé 500 000 emplois. Ces 500 000 emplois ont été créés grâce aux mesures fiscales prises par le gouvernement.

(1300)

M. Chrétien (Frontenac): Vous avez créé 500 000 nouveaux chômeurs, ça fait zéro.

M. Harb: Je peux dire à mon cher collègue que les initiatives gouvernementales, depuis deux ans, ont donné des résultats tangibles de 500 000 emplois additionnels dans l'économie canadienne. Alors que mon collègue se lève cette fois pour féliciter le ministre des Finances et féliciter le gouvernement.

M. Chrétien (Frontenac): Vous allez attendre longtemps.

[Traduction]

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.); Monsieur le Président, je partage mon temps de parole avec le député d'Ottawa-Centre.

Le débat d'aujourd'hui porte sur une motion bloquiste qui concerne essentiellement la mise sur pied d'un comité technique pour conseiller le gouvernement en matière de fiscalité des entreprises.

C'est étrange. Il nous arrive de discuter ici de fiscalité des entreprises d'une manière très étrange. En réalité, les sociétés sont des fictions juridiques. Elles n'ont pas d'existence concrète. Nous ne pouvons les toucher. Lorsque nous les imposons, elles traitent l'impôt comme un coût de production et le refilent au consommateur. La seule vrai fiscalité est celle des particuliers.

La motion dit au fond que les experts dans le domaine de l'impôt ne devraient pas, pour quelque raison, conseiller le gouvernement. Rien de plus faux. Jetons un coup d'oeil à la composition du comité technique. Je remarque M. Brown, président-directeur général de Price Waterhouse, et Nancy Olewiler, professeur qui occupe la chaire d'économie à Simon Fraser. Ce sont des personnes qui sont très engagées dans le domaine de l'économie et de la fiscalité des entreprises partout au Canada.

Mais ce n'est pas tout. Ces personnes donneront des conseils au gouvernement en matière de fiscalité des entreprises.

Deux choses intéressent vraiment les contribuables; la simplicité de l'impôt et l'équité. On a largement l'impression, au Canada, que le régime n'est pas juste, qu'il est beaucoup trop compliqué.

Il faut que la structure de la fiscalité des entreprises reste attrayante si nous voulons que le Canada soit un pays recherché pour faire des affaires. Si notre structure fiscale est lourde au point d'entraver les entreprises, il n'y aura pas de nouvelles entreprises au Canada. Et nous serions privés des revenus qui découleraient des emplois qui seraient éventuellement créés.

Toute la question de la justice concerne la façon dont les gens sont imposés dans le régime actuel. Un aspect de cette question


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m'intéresse particulièrement. Il m'intéresse tellement, en fait, que j'en ai fait le sujet d'un projet de loi d'initiative parlementaire, à savoir le projet de loi C-215 dont la Chambre est saisie à l'heure actuelle. Je ne crois pas qu'on se rend bien compte que les taux d'imposition montent en flèche au Canada. Et comme ces taux montent en flèche, notre organisme de collecte, à savoir Revenu Canada, doit se montrer on ne peut plus judicieux dans la perception des impôts de la population en général.

Il s'ensuit que Revenu Canada pose des gestes, comme saisir des comptes de banque et même vendre la maison d'une femme à la mort de son mari, qui nous amène à vraiment nous demander si le gouvernement devrait avoir de tels pouvoirs et s'il ne conviendrait pas de les tempérer.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire traite de cette question. Il existe aux États-Unis une déclaration des droits des contribuables. Le Royaume-Uni a un ombusman des contribuables. Et c'est essentiellement ce que mon projet de loi vise à donner aux Canadiens; une espèce d'intermédiaire entre l'autorité taxatrice et la population en général.

(1305)

De nombreux députés ont vu, dans leur circonscription, des personnes qui se sont fait saisir leurs comptes bancaires. Or, il arrive que Revenu Canada se trompe. Nous sommes tous des êtres humains et nous pouvons parfois faire des erreurs. Lorsque Revenu Canada fait une erreur, il porte atteinte à la cote de solvabilité d'une société ou d'un particulier qui n'a aucun véritable recours si ce n'est de s'engager dans un procès très coûteux.

Je veux parler plus précisément du cas d'une femme de ma circonscription qui, en raison de prestations fiscales pour enfants, avait une dette fiscale de quelque 1 500 $ envers Revenu Canada. Elle rembourse sa dette sur une période de deux ans. Elle a eu affaire à deux ou trois agents de recouvrement, et le troisième a décidé d'adopter la manière forte et de saisir son compte bancaire. Revenu Canada a ainsi mis la main sur 94 $. La femme faisait ses versements comme convenu. Dans toute cette mésaventure, elle a fait une crise cardiaque, elle la perdu deux semaines de travail et 800 $, et il n'y a pas vraiment d'espoir de récupérer cette somme.

Mon projet de loi vise à enrayer certaines de ces iniquités. À certains égards, la motion du Bloc traite de l'équité du régime.

On entend souvent dire que notre régime fiscal n'est pas simple. Plus de 50 p. 100 de ceux qui produisent une déclaration d'impôt la remplissent eux-mêmes. Ils n'ont pas besoin de l'aide de professionnels. Ce sont là d'excellentes nouvelles.

Les Canadiens ont au moins une chose en commun et c'est le fait que, à cette période-ci de l'année, ils ont tous assis en train d'essayer de calculer leurs impôts. C'est vrai de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique et aux Territoires du Nord-Ouest. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non, mais c'est une chose que nous faisons tous et je ne doute pas que nous soyons tous d'accord pour dire que c'est une expérience désagréable.

Le régime fiscal est complexe. Comme je l'ai déjà dit, il est complexe parce qu'il ponctionne toujours davantage les contribuables. C'est comme un système de pression d'eau dont les conduites sont conçues pour une pression d'environ 50 livres au pouce carré. Si on augmente la pression à 1 000 livres au pouce carré, par exemple, cela causera des fuites qu'il faudra colmater. C'est la même chose dans le régime fiscal. Quand nous colmatons les fuites, l'impôt sur le revenu augmente de plus en plus.

Quand j'exerçais ma profession, nous recevions toutes les semaines une pile de deux ou trois pouces de modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu. Le régime est complexe à cause de tout l'argent que l'on veut extraire du système.

Ce n'est pas nouveau. Les livres d'économie remontent jusqu'à la Rome antique et même avant et nous apprennent que tous les régimes qui ont essayé d'augmenter les impôts de manière exponentielle ont fini par être aux prises avec la complexité et l'évasion fiscale. Il y un point à partir duquel les gens commenceront à se soustraire à l'impôt à cause de l'insatiabilité du régime.

Mon hypothèse aujourd'hui, c'est que le système est complexe non pas à cause des disputes de fonctionnaires, mais surtout à cause de toutes les ponctions que nous voulons effectuer. Je suis d'avis qu'on peut simplifier le régime en modifiant le montant d'impôt que nous payons. C'est certainement l'objectif du gouvernement. Il est vrai que le taux d'imposition des particuliers du Canada est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE, n'étant dépassé que par la France.

Pour simplifier le régime, il est évident qu'il faut réduire le taux d'imposition des particuliers. Comment peut-on y arriver? Eh bien, le gouvernement a adopté une stratégie concertée pour réduire le déficit et la dette. De toute évidence, il faut le faire une étape à la fois en commençant par la maîtrise du déficit et de la dette avant de songer à réduire les impôts des particuliers. Cela fait partie du processus. Cependant, la réalité, c'est que nous ne pouvons pas faire les deux en même temps.

Il y a bien un gouvernement au Canada qui veut faire les deux en même temps, le gouvernement de l'Ontario. Cette province estime pouvoir réduire les dépenses tout en abaissant les impôts. Cela n'est pas impossible, mais c'est franchement inéquitable. Pour cela, il faut réduire les services sociaux de base que les gens s'attendent à recevoir de leur gouvernement et qu'ils aiment. Lorsqu'on réduit les impôts, on transfère aux plus riches les sommes économisées par les coupes effectuées dans les programmes sociaux puisque que notre régime fiscal est progressif, c'est-à-dire que plus vous gagnez d'argent, plus vous payez d'impôts. C'est comme si Robin des Bois prenait aux pauvres pour donner aux riches.

(1310)

Le gouvernement fédéral ne voit pas les choses ainsi. Nous sommes conscients de la nécessité de faire des compressions et de réduire la taille des gouvernements, mais il est clair que nous n'accorderons pas d'avantages aux bien nantis, qui n'ont pas besoin de la protection offerte par les programmes sociaux.


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Pourquoi les taux d'imposition sont-ils progressifs? Les taux sont progressifs parce que la plupart des Canadiens, en fait, la plupart des habitants du monde occidental, ont pris conscience de l'importance de la redistribution des revenus. Donc, les gens qui gagnent plus d'argent paient proportionnellement plus d'impôt sur le revenu.

Je peux donner une liste de pays qui ne font pas cela pour diverses raisons, de même que de pays qui semblent avoir un régime comparable au nôtre, mais où le résultat final est tout le contraire de ce que nous obtenons ici. Je pense à des pays d'Amérique du Sud, particulièrement au Pérou, que je visité et où j'ai pu discuter d'économie avec des gens. J'ai vu ce qui arrive lorsqu'il n'y a pas de système progressif. Fondamentalement, un petit groupe de gens ont beaucoup d'argent tandis que beaucoup de gens se retrouvent sans le sou. C'est le genre de système dont nous ne voulons pas.

Personne ne profite réellement d'une telle situation puisque les riches se retrouvent sans marché pour écouler leurs produits parce que personne n'a les moyens de les acheter. C'est pourquoi nous avons un régime progressif.

Cela m'amène à parler des arguments de certains députés réformistes en faveur de l'impôt uniforme. L'étude Hall-Rabuska, effectuée en 1985, proposait l'idée d'un impôt uniforme. Curieusement, cette idée reposait essentiellement sur le principe d'une redistribution des revenus, mais également d'un impôt sur le revenu négatif qui devait permettre de rendre de l'argent aux contribuables dans le cadre d'un système d'assistance sociale. Ce n'est pas ce que propose de faire la droite aux États-Unis, ni apparemment la droite canadienne. On propose un régime d'impôt uniforme à l'envers.

Qu'est-ce qu'un régime d'impôt uniforme? C'est un système qui supprime l'impôt progressif, c'est-à-dire que les personnes à revenu élevé ne paient pas plus d'impôt que ceux qui gagnent moins. Autrement dit, on renonce à l'idée qui veut que les riches paient proportionnellement plus d'impôt que les personnes ayant des revenus moins élevés. Voilà une proposition inacceptable. Du point de vue politique, cette idée n'aurait pas beaucoup de sens.

Pour pouvoir faire accepter l'idée d'un impôt uniforme, il faut l'associer à quelque chose qui soit acceptable, c'est-à-dire la simplicité. En un sens, on tente de présenter l'impôt uniforme comme une idée simple parce que tout le monde comprend la simplicité et aime retrouver cette caractéristique dans le régime fiscal.

Qu'ont en commun la simplicité et l'impôt uniforme? Très peu de choses. Les défenseurs de l'impôt uniforme voudraient faire croire aux gens qu'ils peuvent réduire les coûts de recouvrement des impôts. En réalité, ils ne le peuvent pas.

Il existe très peu d'études montrant que l'évolution d'un impôt uniforme réduit les coûts du système de recouvrement. La plupart de ceux qui sont favorables à l'impôt uniforme tentent de vendre leur produit en ajoutant un peu de bon au mauvais.

Soixante-six pour cent de la totalité des impôts au Canada sont recouvrés auprès de 30 p. 100 des contribuables. Il ne faut donc pas beaucoup d'efforts pour comprendre que. . .

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les commentaires du député qui vient de s'exprimer. Malheureusement, il ne traite pas de la question à l'ordre du jour d'aujourd'hui, ce fameux comité d'experts mis sur pied par le ministre des Finances pour étudier la fiscalité des entreprises.

On le dit depuis bientôt trois ans, et le vérificateur général du Canada est intervenu dans son rapport de 1993-1994 en disant au ministre: «Ton imposition des entreprises est déficiente.» Mais le ministre ne semble pas comprendre, ne semble pas entendre cela.

(1315)

Je voudrais rappeler simplement une petite anecdote dont le député pourra s'inspirer. Un jour, un ministre japonais lança un défi à son homonyme canadien, c'est-à-dire probablement le ministre des Finances, pour savoir lequel des deux groupes, canadien ou japonais, réussirait à traverser le fleuve Saint-Laurent le plus rapidement à la rame. L'équipe japonaise s'amène avec quatre rameurs et un contremaître. Mort de rire, le ministre canadien des Finances, lui, s'amène avec un rameur, deux chefs de service, un directeur et un sous-ministre adjoint.

La course commence. À mi-chemin, les Japonais ont déjà dix minutes d'avance sur l'équipe canadienne. Qu'à cela ne tienne, ce n'est pas grave. Les Canadiens ajoutent un chef de service supplémentaire. Il faut stimuler et encourager le rameur. On continue. Aux trois quarts de la course, les Japonais ont 20 minutes d'avance. Il faut faire quelque chose. On fait donc appel au sous-ministre lui-même, il embarque dans la chaloupe et cela continue. Il faut toujours motiver le rameur. À la fin de la course, les Japonais gagnent, comme on s'en doute, haut la main. Ils arrivent avec 30 minutes d'avance sur l'équipe canadienne. Que s'est-il passé?

On fait le post mortem de la course. Après avoir englouti plusieurs centaines de milliers de dollars pour réaliser une étude s'étendant sur plusieurs mois, la solution est évidente: l'organisation du travail a flanché, la productivité n'a pas été bonne, les communications entre cadres et employés sont mauvaises. On finit par abolir le poste de rameur.

Inspirez-vous de cette blague. C'est la même chose. On va mettre sur pied un comité, que nous du Bloc québécois ne souhaitons pas nécessairement-mais vu que c'est le désir du ministre des Finances-un comité d'experts pour étudier la fiscalité des entreprises. Nous vous disons: «Joignez à ce comité des députés de tous les partis qui pourraient apporter leurs connaissances à ce comité, intervenir directement avec les amis que vous avez nommés à ce comité, et essayer de leur mettre les yeux en face des trous.»

Vous dites que non. Vous avez des choses à protéger là-dedans, mais on va arriver au même point que la blague que je viens de vous raconter. Après avoir dépensé des centaines de milliers de dollars avec, probablement, des audiences dans tout le Canada, on arrivera


910

en disant que c'est le rameur qui n'était pas bon. Dans le fond, c'est l'économie qui n'est pas bonne, c'est vous qui la manipulez.

[Traduction]

M. Shepherd; Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Encore une fois, quelque chose ne va pas en ce qui concerne ce comité. Ce n'est pas une fin en soi. On demande à des experts de la fiscalité des entreprises de nous faire part de leurs commentaires. La législation demeure l'instrument de la Chambre et le débat se déroulera dans cette enceinte. Vous attaquez le principe même qui veut que les gouvernements puissent faire appel à des experts de l'extérieur. Vous pourriez user du même argument dans n'importe quel domaine.

Ce qu'a dit le député à propos des Japonais et des Canadiens est très à propos. En 1951, le Japon et le Canada avait le même produit intérieur brut. C'est très intéressant quand on pense que, d'ici l'an 2000, le produit intérieur brut du Japon dépassera celui des États-Unis. Le Japon est un pays dont la population est la moitié de celle des États-Unis et qui ne possède pratiquement aucune des ressources naturelles de ce pays. Nous devons affronter la réalité et faire de notre pays une institution économique plus efficace et plus dynamique.

Je remarque que le Bloc s'est plaint au sujet de la création d'un marché national des valeurs mobilières. Les capitaux n'ont pas de frontières. Nous devons créer des marchés plus dynamiques pour que les milieux d'affaires canadiens soient plus compétitifs sur le marché mondial. . .

Le vice-président; Je demande aux députés de bien vouloir s'adresser à la présidence. Ils doivent s'adresser à leurs collègues par l'intermédiaire de la présidence et non pas directement.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, je me souviens très bien qu'il y a 12 mois, lorsque le vérificateur, M. Desautels avait présenté son rapport, on pouvait y lire qu'il y avait 6,6 milliards de dollars de créances. Habituellement, il s'agit de gens très riches de ce pays, notamment de grandes entreprises qui devaient un total de 6,6 milliards de dollars en impôt et en taxes fédérales non payés.

(1320)

On n'a pas à dépenser 700 000 $ ou 800 000 $ avec des amis du régime pour trouver une solution pour aller chercher notre dû. Mon troisième voisin devait de l'argent au fisc, on l'a saisi. C'était une petite gens, un homme modeste. On l'a saisi, on a vendu son «pick-up» et avec l'argent, on s'est remboursé. Et comme il restait quelque 100 $, on lui a remis l'excédent. On n'a pas besoin d'un comité d'études pour aller chercher ces 6,6 milliards. Il y a seulement 200 millions qui ont été récupérés dans une année. Il n'y a pas de félicitations à faire là.

[Traduction]

M. Shepherd; Monsieur le Président, les 6,6 milliards de dollars ne se rapportent pas entièrement à l'impôt des sociétés. Fait assez surprenant, je crois que, sur ce chiffre, 1 milliard environ se rapporte aux mères seules qui ne reçoivent pas la pension alimentaire qui leur est due et n'ont donc pas assez d'argent. C'est le gouvernement qui a modifié le régime fiscal pour que la pension alimentaire ne soit pas imposable.

Le député suggère que nous allions soutirer de l'argent à ces familles monoparentales, alors que cela n'a rien à voir avec l'impôt des sociétés.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.); Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole sur la motion présentée par le Bloc, ce parti séparatiste. Cette motion est très étrange. Je me demande si le Bloc a un programme caché. Après tout, nous savons bien que son but à la Chambre n'est pas de défendre les politiques et les positions du Canada pour le bien de tous les Canadiens.

Quand j'ai pris connaissance de la motion du Bloc, aujourd'hui, je me doutais un peu de ce qu'il pouvait y avoir là-dessous. Il semble que les députés du Bloc demandent à la Chambre de créer un comité mixte réunissant des experts du monde des affaires et des députés, y compris des députés séparatistes du Bloc, afin qu'il présente un plan de réorganisation du régime canadien d'imposition des sociétés et des règlements que ces sociétés doivent respecter dans la pratique de leurs affaires, tant au Canada qu'à l'étranger.

Pourtant, ce serait presque de l'hypocrisie, de la part du Bloc, que de vouloir avoir des représentants à ce comité chargé de trouver des moyens d'aider tout le Canada, alors que son programme vise simplement à diviser le Canada. Cette motion du Bloc est très hypocrite, et je soupçonne qu'elle cache quelque chose.

Le comité que le gouvernement propose de créer est une bonne idée. Il réunira des dirigeants d'entreprises et des experts du milieu qui se chargeront d'examiner les lois fiscales régissant les sociétés canadiennes. Ce comité présentera de temps en temps des rapports au Comité des finances. On sait que celui-ci réunit des députés fédéraux, c'est-à-dire des ministériels, des séparatistes bloquistes et des réformistes, ces derniers formant l'opposition non officielle à la Chambre. Nos en discuterions ouvertement au comité et nous aurions tous la possibilité de participer à l'établissement de ces rapports. Il y a donc déjà un degré acceptable de transparence et d'ouverture dans le fonctionnement de ce comité, contrairement à ce qu'en dit le Bloc.

Je ne vois vraiment pas, compte tenu que les députés auront le dernier mot sur tout rapport présenté ou toute recommandation formulée au comité et à la Chambre, comment les députés du Bloc peuvent dire que ce processus ne permet pas une assez grande participation des députés. Je pense que, si l'on ne constitue pas ce comité mixte que réclame le Bloc, il n'y a pas de raison de craindre que les experts du milieu ne participent pas suffisamment.

Ce ne sont là que quelques points mineurs que je mentionne au sujet du libellé de la motion du Bloc.


911

(1325)

Le Bloc a vraiment manqué son coup et gaspillé une journée d'opposition où il aurait pu laisser ses députés parler de fiscalité en général. Il a préféré s'attaquer à la composition d'un comité sur la réforme de la fiscalité des entreprises.

C'était l'occasion idéale pour les députés bloquistes de se lever et de parler à la Chambre et aux Canadiens du fardeau fiscal incroyable qu'on impose aux travailleurs.

Qu'ils vivent à Terre-Neuve, au Québec, en Ontario ou dans une province de l'Ouest, partout les Canadiens réclament un allégement fiscal. Le Canadien moyen est écrasé par les impôts. Ils ont augmenté à un point tel qu'il est maintenant courant que, dans une famille, les deux parents travaillent. À des niveaux d'imposition, le revenu disponible diminue sans cesse, alors que le coût de la vie augmente.

Cette escalade de la fiscalité a commencé sous le régime libéral de Trudeau et elle se poursuit encore aujourd'hui.

Le Bloc a trahi les Canadiens en ne proposant pas une motion portant sur les niveaux d'imposition en général. Comme le savent les députés, depuis que les réformistes sont arrivés à la Chambre, ils ne cessent de réclamer, jour après jour, un allégement fiscal pour les Canadiens écrasés sous le poids des impôts. Si le secteur privé et les entreprises ne créent pas d'emplois, c'est parce que les impôts sont trop élevés et qu'il en coûte trop cher d'être en affaires.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprise et toutes les associations d'entreprises de notre pays ont dit au gouvernement que les impôts que des sociétés étaient trop lourds. Ils lui ont dit que, s'il voulait qu'ils créent des emplois, il fallait alléger leur fardeau fiscal.

En 1994, le ministre des Finances a même parlé du nombre d'emplois qu'une baisse des charges sociales pourrait créer. Qu'a-t-il fait ensuite? Rien du tout. Depuis que le gouvernement est arrivé au pouvoir, il a augmenté les impôts dans tous les secteurs pour un total de quelque 11 milliards de dollars. Ces augmentations prennent diverses formes. Personne n'a été épargné, ni les entreprises canadiennes, ni les sociétés canadiennes, ni les travailleurs canadiens moyens. Ce sont eux qui paient les factures.

Le Parti réformiste a publié le budget du contribuable dans lequel il proposait d'équilibrer le budget en trois ans et d'éponger le déficit, ce qui entraînerait un allégement du fardeau fiscal et stimulerait la création d'emplois.

Les réformistes reprochent au gouvernement de continuer de recourir à des mesures fiscales pour s'attaquer au déficit qui lui échappe. Nous prônons la réduction des dépenses puisque le problème, ce n'est pas que les recettes de l'État sont insuffisantes, mais bien qu'il dépense trop. Il y a suffisamment d'argent qui rentre. C'est simplement que le gouvernement dépense trop.

Aujourd'hui, à l'occasion de cette journée d'opposition du parti séparatiste bloquiste, nous n'avons rien entendu au sujet des niveaux d'imposition des Canadiens moyens. Pas un mot au sujet des niveaux d'imposition des travailleurs et des travailleuses du Canada, que ce soit au Québec ou ailleurs.

Les bloquistes ont gaspillé cette journée à s'opposer à la formation d'un comité. Dans le grand plan des choses, lorsqu'on considère le problème financier que nous avons, comment ce parti peut-il penser qu'une motion portant sur ce comité ait une telle importance qu'elle justifie d'y consacrer une journée d'opposition?

Il n'y a réellement rien dans cette motion. C'est un échec et c'est regrettable parce que cela amène le Parti réformiste à la Chambre à prendre position au nom des contribuables canadiens et à lui faire remarquer dans quelle situation catastrophique se trouvent les Canadiens.

(1330)

Comme je le disais, depuis que les libéraux ont été élus, les impôts ont augmenté de 11,4 milliards. Nous n'avons pas un problème de recettes dans notre pays, nous avons un problème de dépenses. Si nous considérons que nous avons quelque 13,5 millions de contribuables, cela représente une augmentation moyenne de 840 $ par année.

En tant qu'opposition officielle-et on peut mettre cette réalité en doute-les députés du Bloc devraient se lever et défendre les 13,5 millions de Canadiens, ils devraient utiliser leur position pour attaquer les politiques fiscales du gouvernement. Est-ce qu'ils l'ont fait? Non. Tout ce qu'ils veulent, c'est s'occuper d'un comité. Je dis que c'est honteux. Ils ont gaspillé une journée d'opposition.

Les députés du Bloc ont fait valoir leur opposition aux profits des sociétés. Ils sont prêts à mordre la main qui crée les emplois dans notre pays, qui crée les emplois au Québec. Ce sont les sociétés qui créent des emplois. Est-ce qu'ils pensent que c'est le gouvernement qui va continuer à créer des emplois? Qu'arrive-t-il lorsqu'il n'y a plus d'argent, comme cela arrive à tout programme du gouvernement? Pourtant, ils se sont levés aujourd'hui pour dire que toutes ces grandes sociétés étaient en train de nous exploiter.

N'importe quel Canadien moyen sait qui crée des emplois. Les libéraux aimeraient que nous ne soyons pas de cet avis. Le Bloc voudrait que nous pensions de cette façon également. Toutefois, le Canadien moyen, lui, sait que c'est le secteur privé qui crée les emplois réels, à long terme, bien rémunérés et fiables.

Est-ce que le Bloc ne ferait pas mieux de discuter de mesures qui pourraient réduire les niveaux d'imposition des Canadiens et des entreprises canadiennes un jour d'opposition? Il est certain que ce sont des questions que le Bloc devrait porter à l'attention du gouvernement au nom des contribuables canadiens. Mais pourquoi devrions-nous nous attendre à cela, lorsque, de toute évidence, le Bloc n'a pas les intérêts des Canadiens à coeur?

C'est le Parti réformiste qui continue à soulever ces questions financières importantes et à les porter à l'attention du gouvernement au nom des contribuables. Nous en sommes fiers.

Je n'appuie pas cette motion, car elle ne fait que gaspiller une journée d'opposition.


912

[Français]

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, il est toujours intéressant d'entendre les commentaires de mon collègue de Prince George-Bulkley Valley. Je suis un député de l'Ontario et, en ce moment, nous voyons se produire un phénomène où les gens ont élu un gouvernement provincial qui reflète les politiques et les intérêts du Parti réformiste.

Ma question est très simple. Étant donné que les gens de l'Ontario sont en train de rejeter les politiques de M. Mike Harris, le premier ministre de l'Ontario, et que ces politiques ressemblent beaucoup au commentaire de mon collègue, est-ce qu'il pense vraiment que son parti pourrait faire davantage pour gagner de l'appui dans la province de l'Ontario, étant donné que ces politiques sont très néfastes pour l'économie et pour le peuple en entier?

[Traduction]

M. Harris: Monsieur le Président, permettez-moi de souligner qu'une grande majorité de ceux qui vivent en Ontario ont appuyé les politiques budgétaires du gouvernement de Mike Harris.

Si l'on multipliait par cent le nombre des manifestants qui ont causé des problèmes à Queen's Park, le résultat ne représenterait qu'une minuscule fraction du nombre d'électeurs qui ont voté pour le gouvernement de Mike Harris, justement à cause de ses politiques budgétaires conservatrices. Une majorité d'Ontariens ont élu ce gouvernement en raison des politiques qu'il a tirées directement du livre bleu du Parti réformiste. Si l'on multipliait par mille la foule qui manifeste devant Queen's Park, on n'obtiendrait toujours qu'une infime partie de ceux qui ont voté pour ce gouvernement et ses politiques budgétaires conservatrices, identiques à celles que nous préconisons dans notre livre bleu depuis des années.

(1335)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux qu'on m'ait demandé de participer à ce débat aujourd'hui, car il touche un domaine que je connais bien. J'ai consacré la majeure partie de ma vie aux entreprises commerciales et j'y reviendrai.

Je voudrais que tout le monde sache que la réponse à la dernière question illustre parfaitement, à mes yeux, le problème que nous avons dans notre pays et montre bien pourquoi notre situation financière, et émotive lorsqu'il s'agit de l'unité, est si déplorable. Pendant toute ma vie adulte, j'ai toujours vu des politiciens motivés par la politique et non par des principes. Il y a une différence.

Si un gouvernement reçoit des électeurs le mandat d'atteindre un but précis, alors les principes et la détermination entrent en jeu. Si le gouvernement est dévié de son but, de son pôle, du mandat que lui avaient confié les électeurs, il joue alors des jeux politiques. C'est justement ce jeu, ce ballottement au gré des goûts du jour, qui a mis notre pays dans cette situation difficile.

Si jamais nous parvenons à ramener le pays sur ses rails, nous réussirons parce que nous aurons donné à la politique la place qui lui revient, qui se trouve loin derrière les principes et la détermination. C'est la marque qu'un parti politique aurait la force de braver la tempête, comme celle qui fait rage actuellement en Ontario, de faire ce qu'il faut faire pour les bonnes raisons. Une fois la tempête passée, ces gens se trouveraient dans la situation du gouvernement de l'Alberta. Il a adopté cette position et le taux de popularité s'élève actuellement à 67 p. 100, ce qui est supérieur même à celui dont, pour une raison mystérieuse, jouissent les libéraux.

Il convient de noter que les ministériels appliquent un régime fiscal qu'honniraient les libéraux des 30 dernières années. Ils ne sauraient reconnaître le Parti libéral d'aujourd'hui, car il n'a plus rien de commun avec le Parti libéral de jadis. C'est le genre d'observation que les députés d'en face devraient faire quand ils manifestent un manque de détermination, un manque de courage et un manque de principes en ne réalisant pas les réformes qui s'imposent, si nous voulons remettre à nos petits-enfants le pays dans l'état où nous l'avons reçu.

Les députés du Parti libéral devraient s'agenouiller tous les soirs et faire cette prière: «Merci, Seigneur, d'avoir placé sur notre route le Parti réformiste qui nous donne le courage de faire ce que nous savons devoir faire. Sans lui, nous ne serions allés nulle part. Maintenant, nous faisons au moins les premiers pas vers la restauration du pays. Vous devriez savoir que nous faisons preuve de magnanimité en acceptant d'être dans vos bonnes grâces.»

Et comme dit Lincoln, si vous ne vous souciez pas de celui sur qui rejaillit l'honneur, il n'y a pas de limite à ce que vous pouvez accomplir, bien que nous voyions parfois les libéraux s'attribuer le mérite des bonnes choses que nous avons apportées à notre pays. Toutefois, nous sommes heureux d'agir ainsi en pensant à nos petits-enfants.

Cela étant dit, permettez-moi de passer à la motion que présente le Bloc aujourd'hui. Habituellement, les motions présentées par le Bloc pendant les journées d'opposition sont assez bien conçues. Jusqu'ici, je n'avais jamais examiné une motion du Bloc en me demandant où il pouvait bien vouloir en venir. Le Bloc est ordinairement direct.

La motion du Bloc traite du récent budget et d'un aspect du budget qui, à mon avis, avait bien du bon sens. Pour la gouverne des députés qui n'ont pas été présents pendant tout le débat et des téléspectateurs qui viennent d'ouvrir leur appareil, la motion du Bloc qu'a présentée le député de Saint-Hyacinthe-Bagot dit:

Que la Chambre dénonce que le comité technique mis sur pied par le ministre des Finances chargé d'analyser la fiscalité des entreprises soit un comité constitué de membres qui sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises; et que devant cet état de fait, le ministre des Finances devrait mettre sur pied un comité conjoint d'experts et de parlementaires qui examinera, de façon impartiale et dans le cadre d'un processus ouvert et transparent, la fiscalité des entreprises.


913

(1340)

J'ai examiné cette motion et me suis demandé ce qu'elle sous-entendait. Elle laisse entendre que le gouvernement ne devrait pas constituer un groupe d'experts strictement en raison de leur connaissance du secteur de l'impôt sur le revenu des entreprises et que des parlementaires devraient participer. Elle laisse entendre également que, d'une façon ou d'une autre, c'est du moins l'interprétation que j'en fais, les entreprises canadiennes se demandent tous les matins comment elles pourraient arnaquer le pays, ce qu'elles pourraient faire de mal. Les entreprises canadiennes sont en quelque sorte les méchants.

Nous faisons tous partie des entreprises canadiennes, que nous soyons propriétaires ou actionnaires ou que nous travaillions pour une entreprise commerciale au Canada. Ce sont les entreprises canadiennes qui font tourner le monde lorsqu'il s'agit des activités commerciales et des emplois. Ce n'est pas le gouvernement, mais le secteur privé.

Il me semble que le budget est tout à fait sensé. Voici ce qu'on y dit: «Enfin, un régime efficace d'imposition des sociétés ne devrait pas avoir pour seule fonction de procurer des recettes à l'État. Il devrait aussi favoriser la création d'emplois. Nous croyons qu'il est temps d'examiner à fond cette question. Pour déterminer les obstacles à la création d'emplois que pourrait contenir la législation fiscale et suggérer des réformes, nous annonçons aujourd'hui. . .» la mise sur pied d'un groupe chargé d'examiner la question. C'est évident que ce groupe comprend des gens du secteur privé spécialistes en droit fiscal.

La question qui se pose est donc celle-ci: Le Parlement va-t-il avoir la chance d'en débattre, de participer au processus, ou s'agit-il simplement de recevoir les recommandations de ce groupe d'experts? La prudence est de mise. Très souvent, on s'aperçoit que lorsque la Chambre est saisie d'une mesure législative, c'est déjà un fait accompli, ou que, lorsque le gouvernement reçoit un rapport avec tout le bagage politique associé à cela, il répugne à le modifier.

Il est important que le Parlement examine de très près tout cela tant qu'on peut apporter encore toutes sortes de modifications. Rien ne permet de croire que ce ne sera pas le cas. On va soumettre aux divers comités de la Chambre des communes toute mesure législative possible et on pourra ainsi l'examiner en profondeur.

Toute la partie de la motion du Bloc qui parle d'obtenir le point de vue des parlementaires et, du même coup, des citoyens en général au sujet des modifications possibles aux dispositions touchant l'impôt des sociétés n'est que de la frime. La chose la plus importante dans la motion du Bloc est peut-être le fait qu'on part du principe que le secteur privé au Canada est celui dont on doit se méfier. Si j'étais un représentant du Québec, je défendrais peut-être un peu plus ce point de vue, mais je viens de l'Alberta, province qui est connue comme le bastion de la libre entreprise au Canada.

Si on examinait de façon objective les craintes à l'égard du secteur privé qu'on constate dans la motion du Bloc et si on se penchait sur ce qui se passe au Québec depuis une vingtaine d'années, on s'apercevrait que lorsqu'on rabaisse le secteur privé, lorsqu'on le considère comme le méchant, on crée ainsi un climat très négatif pour les affaires et les investissements.Je voudrais appuyer mes dires sur des statistiques.

C'est là où je crois que le Bloc rend un bien mauvais service aux gens qu'il souhaite servir. Je ne prétendrai jamais que les bloquistes n'essaient pas très sincèrement de faire ce qui s'impose pour les Québécois. Cependant, sans le vouloir, ils créent une situation catastrophique pour les Québécois et les Canadiens en laissant entendre que le secteur privé est le méchant et qu'on devrait le traiter comme tel.

(1345)

En 1980, au moment du dernier référendum, le taux d'inoccupation dans le secteur commercial à Montréal était de 3,3 p. 100. À l'heure actuelle, il s'établit à 19,7 p. 100. Je crois que cela découle directement de l'attitude très négative des séparatistes face aux sociétés.

Toute la question de la séparation et le climat d'incertitude qui l'entoure entraînent une fuite de capitaux et d'entreprises du Québec. Une motion comme celle-ci est vraiment très mal choisie. J'accepterais volontiers de répondre à toutes les questions qu'on pourrait avoir là-dessus.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention du député de l'Alberta qui dit que l'Alberta est le bastion de la libre entreprise. On s'en est rendu compte à plusieurs reprises lorsque, à un moment donné, on a présenté ici une loi modifiant la Loi sur l'intérêt pour limiter les entreprises bancaires et financières à une indemnité de trois mois d'intérêt sur le capital remboursé par anticipation. Le Parti réformiste a voté contre.

On a aussi vu le Parti réformiste s'opposer à une modification à la Loi sur la faillite déposée par le député de la région de Québec, plus précisément mon collègue, le député de Portneuf, qui voulait, dans l'ordre de distribution et de collocation des biens de l'actif du failli, mettre les petits travailleurs, les gagne-petit en tête de liste avant les banques, les créanciers garantis et tous ceux-là. Le Parti réformiste s'y est encore opposé.

Ce n'est pas la première fois que le Parti réformiste est contre tout ce qui peut apporter un peu de compassion, un peu de soulagement aux gagne-petit, aux plus démunis de notre société. Et pour être bien sûr de les contrôler, le Parti réformiste a récemment envoyé en Asie un des leurs pour apprendre les méthodes de bastonnade et de châtiment corporel à administrer aux délinquants.

Le député a parlé du taux de vacance à Montréal-et j'ai cru comprendre que c'était pour les bureaux inoccupés ou inutilisés-et c'est vrai, malheureusement, que c'était beaucoup plus dû à la politique fiscale de la ville de Montréal qu'à la situation politique qui prévaut actuellement au Québec ou au Canada.


914

Je voudrais demander au député de l'Alberta qui vient de parler, si ces gens-là seront capables, un jour, une fois, de temps en temps, de faire preuve d'un peu de compassion? Parce que même si l'Alberta est le bastion de la libre entreprise, ce ne sont pas tous des millionnaires qui vivent en Alberta, qui circulent en Alberta, qui mangent, qui dorment et qui vivent en Alberta. Je présume qu'il y a là aussi des gens moins riches que d'autres, et qu'il y a aussi des gens pauvres, comme ailleurs, qui ont besoin de compassion.

Est-ce que ce serait faire faux-bond à leur mandat que pour une fois, au cours de la 35e législature, ces gens-là témoignent un peu de compassion pour les plus démunis, les plus pauvres, ceux qui sont moins nantis, ceux qui ont été parfois moins doués pour réussir sur le plan financier? Ils ne nous en ont jamais fait la démonstration en deux ans et demi.

Je lui demande encore une fois, avant de commettre l'irréparable et de voter contre la motion du député de Saint-Hyacinthe-Bagot, d'essayer de comprendre les pauvres, les démunis, ceux qui nécessitent le plus dans notre société.

[Traduction]

M. McClelland: Monsieur le Président, il n'y a pas de laides amours.

Il est bon d'être sensible de coeur ou d'esprit, mais il est préférable et sans doute plus sage d'avoir le coeur sensible, mais la tête froide.

Dans la vie, si l'on ne parvient pas d'abord à être autonome, comment peut-on être en mesure de s'occuper d'autrui? Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas à s'occuper d'autrui ni à éprouver de la compassion. Cela signifie qu'il faut prendre une décision fondamentale, philosophique. Sommes-nous personnellement responsables du bien et du mal qui nous arrive dans notre vie ou devons-nous alors dire que la société est la première responsable de ce qui nous arrive?

(1350)

Comment pouvons-nous dépendre les uns des autres, sans être d'abord indépendants? Je suppose que c'est une contradiction fondamentale entre la common law et le droit civil. Accordons-nous la priorité aux droits individuels ou aux droits collectifs?

Ce genre d'observation est typique du débat qui fait rage partout au Canada, d'est en ouest et du nord au sud.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole.

[Français]

Dans son Discours sur le budget, le ministre fédéral des Finances précisait clairement son intention sur la question relative au régime fiscal des entreprises, et je le cite: «Un examen exhaustif du régime fiscal des entreprises sera effectué par un comité technique guidé par trois grands objectifs: promouvoir l'emploi et la croissance, simplifier le système et le rendre plus équitable.»

Le comité technique d'examen de la fiscalité des entreprises se penchera sur l'impôt des entreprises et l'impôt payé par le revenu d'activités commerciales et il évaluera le niveau et la composition de ces impôts. Contenue aussi dans le budget, cette mesure n'est ni spontanée ni improvisée. En effet, le gouvernement, et c'est quelque chose que l'opposition oublie souvent, a mis en place un processus de consultation et de concertation dans le cadre des deux derniers budgets. Ce n'est pas la première fois, c'est quand même chaque fois que l'on fait des consultations d'un bout à l'autre du pays.

Ces consultations publiques sans précédent, je veux le souligner, ont amené des Canadiens de tous horizons à débattre les problèmes économiques et budgétaires qui concernent l'ensemble du Canada.

Le 1er janvier 1994, pour la première fois au pays, la Chambre des communes au grand complet s'est réunie pour préparer le budget. Les concertations en vue de la préparation du budget de 1995 ont été plus vastes encore.

Le 17 octobre 1995, le ministre des Finances rendait public un document intitulé Un nouveau cadre de la politique économique dans lequel on présentait une stratégie globale destinée à accroître la création d'emplois.

En ce qui a trait au budget de 1996, les concertations furent plus élaborées, en ce sens que le Comité permanent des finances et le ministre ont pris plus de temps pour accueillir les vues et les recommandations sur les orientations adoptées pour assainir la situation budgétaire. Les Canadiens ont aussi le sentiment que le gouvernement libéral est à leur écoute en vue d'atteindre les objectifs économique, fiscal et financier fixés.

Bien que l'opposition était d'accord depuis son élection que la question de la réforme de la fiscalité devait être faite immédiatement, elle a présenté quand même quelques propositions. Jusqu'à maintenant, les propositions bloquistes n'ont jamais permis d'atteindre les deux objectifs que toute réforme de la fiscalité se doit de favoriser, soit: permettre au gouvernement de percevoir les revenus nécessaires à son fonctionnement et favoriser le développement économique.

[Traduction]

Les députés du Bloc, comme ceux d'autres partis, s'en prennent souvent aux échappatoires et dénoncent la générosité excessive de la fiscalité des entreprises, comme s'il s'agissait des seules causes du déficit. Ils ignorent complètement qu'il est possible d'utiliser le régime fiscale d'une façon équilibrée et judicieuse pour percevoir des recettes et promouvoir le développement économique.

Regardons la réponse à la mesure du budget visant à réduire le crédit d'impôt des corporations à capital de risque de travailleurs (CCRT). Le fonds de capital de risque de travailleurs a plus que trois ans de capitaux à investir. Cependant, si les bloquistes demandent que le crédit reste en place, je crois que c'est pour permettre aux Canadiens bien nantis de ne pas manquer un bon allégement fiscal.

915

Dans le rapport minoritaire sur les consultations prébudgétaires du comité des finances, les bloquistes recommandent une révision complète du régime fiscal. Apparemment, ils ne sont pas satisfaits, même quand le gouvernement est d'accord avec eux, comme c'est le cas ici. Les bloquistes critiquent les entreprises canadiennes qui reportent leurs pertes et parviennent ainsi à équilibrer leur fardeau fiscal, que les années soient bonnes ou mauvaises. Le Bloc québécois voudrait que cette disposition soit éliminée et remplacée par un taux d'imposition minimum sur les petites entreprises. Cela ne créerait pas d'emplois, loin de là. Il est clair qu'il ne comprend pas encore: les Canadiens veulent des emplois, et les recommandations bloquistes n'en créeraient pas un seul.

(1355)

N'oublions pas ce que le ministre québécois des Finances a dit dans un récent discours. Je n'ai pas la citation exacte, mais il a dit que le Québec serait un refuge fiscal après la séparation. Je voudrais que les députés d'en face me disent exactement ce que le ministre des Finances entend par là.

Le rapport minoritaire dit plus loin, dans les recommandations pour une lutte efficace contre le chômage, que le gouvernement fédéral devrait se retirer entièrement du développement régional et du tourisme et céder davantage de points d'impôt, alors qu'il prétend ailleurs que ces points ne valent rien pour les provinces.

Aucune de ces mesures ne créera le moindre emploi ni au Québec, ni ailleurs. C'est une offensive inefficace contre le chômage. N'oublions pas que cela cadre mal avec les objectifs fondamentaux des bloquistes, car, si nous créons des emplois, c'est que la fédération canadienne marche bien. C'est précisément ce qu'ils veulent éviter. Ils ne veulent pas que ça marche. Leur but ultime, c'est la séparation, la rupture du pays.

Le gouvernement, les provinces et le secteur privé collaborent de manière constructive au sein de la Commission canadienne du tourisme, initiative dont tous les participants s'entendent pour reconnaître les qualités d'efficacité et d'harmonie. Personne, à l'intérieur de la commission, se serait d'accord avec les bloquistes pour dire que le gouvernement fédéral doit renoncer à cette initiative.

[Français]

L'aspect le plus surprenant de l'argumentation du Bloc québécois repose sur la prétention que le gouvernement n'agit pas en toute transparence. D'une part, on dénonce le fait que le comité technique, mis sur pied par le ministre des Finances, soit constitué de membres qui sont des experts en matière de fiscalité, qu'on qualifiait de juges et parties, alors que tout ce processus est public, de la préparation du budget jusqu'à la discussion sur la révision de la fiscalité tel que l'a mentionné le ministre des Finances lors de la période des questions, lundi dernier, et je le cite:

Toute discussion portant sur la révision de la fiscalité sera certainement publique parce que le but de ce comité est vraiment de préparer un document de base qui sera un sujet de consultation, sans aucun doute par les parlementaires, dont les membres du Comité permanent des finances avec son collègue.
Tout gouvernement a recours à des experts pour étudier des questions plus spécifiques. On fait alors appel à des contractuels de l'extérieur du gouvernement dont les contrats sont octroyés sans appel d'offres.

N'oubliez pas que le gouvernement du Québec a fait aussi appel à des experts récemment pendant le référendum au Québec. Et n'oubliez pas les milliards de dollars qui ont été dépensés par le gouvernement du Québec justement pour consulter les experts, mais les amis experts, évidemment.

[Traduction]

Je voudrais terminer en répétant que. . .

[Français]

Le Président: Mes collègues, comme il est 14 heures, nous procéderons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


915

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui afin de souligner la Semaine de la Francophonie. Cet événement permet de reconnaître l'importance que revêt la langue et la culture d'expression française comme élément fondamental de l'identité collective.

À titre de Franco-Ontarien, j'ai toujours défendu avec ardeur les droits des minorités francophones, car je crois qu'il nous est possible de s'épanouir dans n'importe quelle région du Canada.

Animés par un esprit de collaboration et de solidarité, nous, les francophones, sommes fiers de notre langue et de notre culture, et nous voulons renforcer notre sens d'appartenance à la Francophonie.

Je désire rendre hommage et remercier les institutions et les associations francophones qui, par leurs réalisations, ont contribué de façon exceptionnelle à la promotion et à l'utilisation du français dans les secteurs scolaire, socio-culturel et institutionnel, autant sur le plan national qu'international.

Je souhaite à tous les francophones d'un bout à l'autre du Canada. . .

Le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable député, mais son temps de parole est expiré. J'accorde la parole à l'honorable député de Longueuil.

* * *

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois fait la promotion de la souveraineté du Québec. On nous accuse toutefois de vouloir ainsi détruire le Canada. Rien n'est plus faux. Le devenir du Canada nous tient à coeur, et la souveraineté se fera au bénéfice de nos deux pays.


916

La récente étude de Wood Gundy, bien qu'elle ne traitait pas de chacun des multiples aspects de la souveraineté, avait au moins un grand mérite. En effet, elle mettait en lumière que d'un point de vue comptable, le Québec bénéficierait de la souveraineté sans que cela ne heurte le Canada.

Depuis 1995, et pour toutes les années qui suivront, le gouvernement fédéral sera en surplus d'opération, à la fois pour le Québec et pour le reste du Canada. L'accession à la souveraineté du Québec est une chose complexe, mais au moins nous savons maintenant que chacun pourra tirer son épingle du jeu et qu'ainsi la souveraineté sera bénéfique pour tous.

* * *

[Traduction]

L'ONTARIO

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont été dégoûtés de voir hier soir ce qui s'est passé à l'Assemblée législative de l'Ontario. Alors que les gouvernements provinciaux ont du mal à encaisser les coupes que le budget fédéral libéral a imposées aux provinces, il devient de plus en plus évident que les libéraux, les néo-démocrates et autres organisations de gauche de l'Ontario espèrent contrecarrer le programme d'action du gouvernement Harris par une campagne savamment orchestrée de grèves, d'intimidation, de violence et de brutalité générale.

Il est évident que la gauche ontarienne espère réaliser par la force ce qu'elle n'a pas réussi à réaliser par la voie des urnes électorales.

La révolution du bon sens n'a plus simplement pour mission maintenant de rétablir le bon sens budgétaire et l'espoir au coeur du Canada, mais aussi de préserver la démocratie et de protéger le droit des contribuables de contrôler leur gouvernement.

En ce moment de grave danger pour la démocratie et pour l'économie ontariennes, le gouvernement provincial de l'Ontario peut compter sur le soutien des réformistes à l'égard de nos objectifs communs.

J'exhorte le chef progressiste-conservateur fédéral à rompre son silence et à témoigner lui aussi de son soutien.

* * *

LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, la Direction générale de la sécurité du revenu du ministère du Développement des ressources humaines et d'autres ministères fédéraux installés à Regina ont perdu 50 postes de fonctionnaires par suite d'une décision de l'ancien ministre du Développement des ressources humaines et actuel ministre des Affaires étrangères de transférer ces postes dans sa propre circonscription, à Winnipeg. Le ministre a pris cette décision très discrètement lors de sa dernière journée à la tête du ministère du Développement des ressources humaines.

Le président du comité économique du Cabinet et actuel ministre de l'Agriculture n'a rien dit lorsque ces emplois ont été transférés de Regina à Winnipeg.

Ce transfert n'a aucun sens. Il coûtera jusqu'à 2,6 millions de dollars aux contribuables et il privera Regina et toute la Saskatchewan de précieux postes de fonctionnaire.

Des groupes de personnes âgées comme le Seniors Action Now ont dit craindre que les personnes âgées et les personnes handicapées ne doivent désormais attendre plus longtemps qu'on réponde à leurs demandes de renseignements et autres requêtes par suite du transfert de ces postes à Winnipeg.

Je mets le ministre de l'Agriculture au défi de renverser cette mauvaise décision politique dans l'intérêt de ses électeurs et de sa province.

* * *

LE RACISME

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, en 1966, les Nations Unies ont déclaré le 21 mars la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale pour commémorer le sacrifice de paisibles manifestants qui furent tués ou blessés, en 1960, pendant qu'ils protestaient contre le gouvernement de l'Afrique du Sud. Cette année marque le 30e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies.

Le Canada est reconnu dans le monde entier comme l'un des pays où il fait le mieux vivre. Malheureusement, le racisme et la discrimination raciale sont une réalité au Canada. Ces problèmes nous concernent tous et nous devons tous en assumer la responsabilité.

J'espère que mes collègues députés vont relever le défi et célébrer, le 21 mars, l'esprit de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.

* * *

L'EMPLOI

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, le nombre de Canadiens qui travaillent pour des agences de placement temporaire a augmenté de 15 p. 00 en 1995, de 17 p. 100, en 1994, et de 29 p. 100, en 1993.

Les travailleurs de ces agences ont gagné, en moyenne, 383 $ par semaine l'an dernier. Ils travaillent plus d'heures pour un salaire moindre. Certaines agences de placement privées exigent des sommes considérables des travailleurs et de l'employeur.

Nous devons donc encourager les ministères et le secteur privé à afficher un plus grand nombre d'offres d'emploi dans les Centres d'emploi du Canada, qui offrent gratuitement leurs services à tous.

* * *

LE RACISME

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, la dignité et le respect sont des valeurs que nous chérissons en tant que Canadiens. Nous croyons à l'équité et à la liberté. Nous avons la réputation d'être généreux et de faire preuve de compassion et nous y faisons honneur. Nous savons qu'il est important de respecter les


917

différences. Nous savons que la citoyenneté offre des possibilités et qu'elle comporte aussi des obligations. En tant que Canadiens, nous avons accompli de grandes choses ensemble.

Comme le premier ministre l'a dit dans son discours visant à commémorer le 50e anniversaire des Nations Unies:

Le désir le plus cher de la communauté internationale, c'est de réaliser ce que nous, au Canada, avons accompli, c'est de réussir à vivre ensemble dans la paix et la compréhension. Ce n'est pas d'avoir une solution à tous les problèmes, mais de chercher des réponses ensemble-dans le respect et la tolérance, dans un esprit de conciliation et de compromis.
(1405)

Voilà le message qu'il faudra communiquer le 21 mars, Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale.

* * *

LE CONTRAT DES CHUTES CHURCHILL

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, les députés libéraux de Terre-Neuve et du Canada atlantique ont affiché leurs vraies couleurs. Conformément à la discipline de parti, ils ont voté contre une motion qui condamne l'injuste contrat des chutes Churchill, au lieu de défendre les intérêts de leurs propres électeurs.

Ce contrat prive l'économie du Labrador de plus de 800 millions de dollars par année, faisant de Terre-Neuve une province défavorisée au sein du Canada. Le gouvernement libéral reste stoïque pendant que les habitants du Labrador doivent se débrouiller sans la pêche, sans les emplois, sans les services de base comme les routes, que leurs concitoyens considèrent comme allant de soi.

Ce gouvernement fossilisé est incapable de supprimer les inégalités au sein de la Confédération. Il est temps que la population de Terre-Neuve et du Labrador arrête d'essayer de changer le régime de l'intérieur. Il est temps qu'elle réforme le régime de l'extérieur en embrassant de réels changements politiques. Il est temps que les habitants de cette province votent pour le Parti réformiste.

* * *

[Français]

L'AIDE À L'AFRIQUE

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, en cette Semaine de la Francophonie, il faut souligner avec beaucoup de satisfaction le projet lancé par l'ONU pour sauver l'Afrique du sous-développement. L'initiative spéciale sur l'Afrique aura pour priorité l'éducation et la santé.

Le secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, a déclaré à Genève: «Nous voulons dire solennellement à l'Afrique qu'elle n'est pas abandonnée.» Placée sous la responsabilité financière de la Banque mondiale, l'initiative spéciale sur l'Afrique prévoit l'injection de 25 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, en plus de vouloir maximiser les énergies et les ressources des grandes agences des Nations Unies et de la communauté internationale.

Le Bloc québécois souhaite que l'Agence canadienne de développement international et les ONG canadiennes et québécoises s'associent à ce courageux combat pour la paix, pour le développement, pour la démocratie et pour le respect des droits humains.

* * *

LE RACISME

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, le 21 mars nous célébrerons la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. J'invite tous les Canadiens et Canadiennes, incluant mes collègues, de toute race, couleur, idéologie et religion à participer à cette campagne.

Il est dans notre intérêt à tous de bâtir un pays libre de racisme. Nous devons laisser tomber les barrières du racisme. Nous devons assumer la responsabilité de créer des communautés saines et libres de préjugés pour nos enfants.

Le Canada est reconnu comme étant un pays de tolérance et de grande compréhension. Nous sommes choyés de pouvoir vivre dans un environnement où diverses cultures coexistent, mais au-delà de cela, ici, ces cultures célèbrent, partagent, communiquent et travaillent ensemble dans la lutte pour la paix.

[Traduction]

Conjuguons nos efforts pour éliminer le racisme et la discrimination raciale. C'est à cause de la diversité des langues, des peuples, des cultures et des religions que notre pays est très spécial. Prenons tous l'engagement personnel d'améliorer ce superbe pays.

* * *

[Français]

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, il y a un million de francophones qui ne sont pas québécois et qui sont très enracinés et très fiers de la culture et de la langue françaises.

Demain débutera la Semaine nationale de la Francophonie. Je viens de la Saskatchewan; chez moi, le drapeau fransaskois sera hissé dans plusieurs communautés rurales et urbaines en reconnaissance de la participation des Fransaskois et des Fransaskoises au développement canadien.

Il y a beaucoup de francophones dans ma circonscription qui se préparent aux activités culturelles. Par exemple, à Bellevue, un concours de dégustation de vin aura lieu et une démonstration de sculptures sur bois sera donnée par Robert Gareau. Il y aura beaucoup d'autres activités à Saskatoon, Prud'homme, St-Denis et Vonda.

Félicitations à tous!


918

[Traduction]

SIR WILFRID LAURIER

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, il y a 100 ans, en 1896, Wilfrid Laurier est devenu le premier francophone à être élu premier ministre du Canada.

Ce grand chef libéral a servi les Canadiens en qualité de premier ministre pendant 15 années consécutives jusqu'en 1911. Sir Wilfrid Laurier est bien connu dans l'histoire pour avoir compris que le Canada n'aurait de succès, en tant que pays, que si ses citoyens étaient prêts à être tolérants et respectueux les uns envers les autres et par rapport à leurs nombreuses différences.

Sa solution consistait à trouver des compromis aux problèmes de ses contemporains.

(1410)

De façon générale, cette méthode a contribué au maintien de l'unité nationale. Aujourd'hui, en 1996, les Canadiens doivent être tout aussi disposés à respecter leurs différences, à faire des compromis, au besoin, et à travailler sans relâche, comme l'a fait Laurier, pour le maintien de l'unité de notre grand pays, le Canada.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, le commissaire de la Garde côtière annonçait la troisième modification en huit semaines de la tarification des services maritimes. À chaque nouvelle modification, le Québec en sort perdant à cause des pressions de l'Ouest et des Maritimes.

Plusieurs représentants du transport maritime du Saint-Laurent déplorent le manque de vision de la Garde côtière, qui semble considérer le Saint-Laurent comme un simple terminal régional.

Cette dernière décision semble s'inscrire dans une série de gestes irresponsables du gouvernement fédéral envers les ports du Saint-Laurent. Elle nous rappelle l'imposition de la ligne Borden dans les années 1960, qui a contribué à la fermeture de plusieurs raffineries de l'est de la métropole et à la perte de milliers d'emplois pour Montréal.

Avant que toute décision ne soit prise concernant cette question qui risque d'avoir des conséquences graves pour de nombreuses régions du Québec, il est essentiel que le ministre des Pêches procède à des études d'impact socio-économique.

[Traduction]

LES COMITÉS PERMANENTS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai récemment dénoncé à la Chambre l'appui éhonté que le gouvernement libéral a apporté au séparatisme lors des élections à la vice-présidence des comités.

Trente-trois députés libéraux ont préféré des candidats séparatistes à des fédéralistes. Les élections sont maintenant terminées et le résultat est de 18 vice-présidents et un président pour le Bloc, contre aucun pour le Parti réformiste. Ce raz-de-marée séparatiste a été rendu possible avec l'appui de 91 députés libéraux qui ont constamment suivi aveuglément les directives de leur whip et ont voté pour le Bloc.

Ces résultats sont non seulement un affront pour les 20 millions et plus de fédéralistes dévoués que compte notre pays, ils sont également une insulte pour tous les Canadiens qui ont cru dans la promesse du livre rouge de réformer le Parlement et de gouverner le pays avec dignité.

L'attitude du gouvernement actuel, à l'occasion de ces élections, nous rappelle les paroles que prononçait Tommy Douglas il y a plus de 30 ans: «Les libéraux ont promis un gouvernement stable, mais nous ne pouvions pas deviner qu'ils en avaient une conception aussi nauséabonde.»

* * *

LE GOUVERNEMENT DE TERRE-NEUVE ET DU LABRADOR

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour féliciter le nouveau cabinet libéral du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.

Fidèle aux promesses qu'il a faites durant sa campagne électorale, le premier ministre Brian Tobin a nommé, pour faire partie de son Cabinet, quatre des six femmes libérales élues membres de l'assemblée législative, un chiffre record, comparativement aux autres administrations.

Ont été nommées pour aider le premier ministre Tobin à créer des emplois et à stimuler la croissance économique, Judy Foote, ministre du Développement et de la Rénovation rurale, Julie Bettney, ministre des Travaux, des Services et des Transports, Sandra Kelly, ministre du Tourisme, de la Culture et des Loisirs, et Joan-Marie Alyward, ministre des Services sociaux.

Fortes d'une vaste expérience des affaires communautaires et économiques dans la province, ces femmes apporteront une motivation fraîche et nouvelle au Cabinet et serviront d'excellents modèles de comportement à toutes leurs consoeurs de Terre-Neuve et du Labrador.

Mes félicitations au premier ministre Tobin et à ces quatre femmes dynamiques qui viennent grossir les rangs des femmes occupant une charge publique à Terre-Neuve et au Labrador.

919

[Français]

LA LANGUE FRANÇAISE

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, au cours des prochains jours, des milliers d'intervenants, de penseurs, de scientifiques, de chercheurs à travers le monde feront part de leurs observations et de leurs recommandations sur l'état de santé de la Francophonie internationale.

La langue française est l'une des plus belles langues qui soit. Elle est toute de nuances, de subtilités et de finesse. Elle est un des véhicules privilégiés de ceux et celles qui ont choisi les différentes formes d'art comme mode d'expression.

Profitons de cette Semaine internationale de la Francophonie pour réitérer notre fierté de vivre dans un pays où le français est une langue officielle.

* * *

[Traduction]

LA BOSNIE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, la force de mise en oeuvre en Bosnie s'occupe de sauver des vies humaines et nos troupes font un travail exceptionnel.

Cependant, la Bosnie est instable, sa fédération ne tenant artificiellement qu'à un fil. La guerre a semé les graines d'une haine entre ethnies pour plusieurs générations à venir. Je tiens à prévenir la Chambre de ce qui suit.

Premièrement, la Bosnie va se scinder en deux ou trois parties. Nous devons être attentifs à cela et faire en sorte que cette scission se produise à la table des négociations et non au bout d'un fusil d'assaut.

Deuxièmement, la reconstruction de l'économie est impérative pour la paix.

(1415)

Troisièmement, nous devons faire peser une plus lourde responsabilité sur l'Union européenne et ses membres.

Si nous ne le faisons pas, la Bosnie va s'enfoncer dans une guerre sanglante qui a déjà fait de nombreux morts parmi les civils et qui en fera encore des milliers. Nous devons nous tenir aux aguets pour empêcher qu'une telle tragédie ne se produise.

______________________________________________


919

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines, dans une réponse à son homologue québécoise, Louise Harel, confirmait l'intention du gouvernement fédéral de maintenir sa présence dans le domaine de la main-d'oeuvre, et par conséquent de maintenir les chevauchements et les dédoublements coûteux et inefficaces, et cela à l'encontre du consensus québécois si souvent exprimé.

Le premier ministre confirme-t-il que la position de son ministre du Développement des ressources humaines contredit formellement son engagement référendaire, réitéré dans le discours du Trône, de se retirer de la formation professionnelle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est l'intention du gouvernement de se retirer de la formation de la main-d'oeuvre, mais l'administration du fonds de l'assurance-chômage est de la responsabilité du gouvernement fédéral. Nous avons l'intention, tel que confirmé par la Constitution canadienne, de laisser la formation de la main-d'oeuvre au gouvernement provincial et de payer pour les gens qui recevront la formation de la main-d'oeuvre sans imposer, comme l'admettaitMme Harel hier, aucune condition quant à la formation elle-même.

Cette dernière sera décidée par le gouvernement provincial. Nous paierons pour les clients du fédéral qui recevront les services de formation qui sont en fait, et qui vont le devenir clairement, la responsabilité du gouvernement provincial.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je ne sais pas si le premier ministre réalise que son gouvernement est en train de remettre en place, une fois de plus, des conditions de négociations avec Québec qui vont inévitablement entraîner un échec, puisqu'il offre de se retirer du champ de la formation de la main-d'oeuvre, à la condition que Québec signe une entente qui confirme le rôle d'Ottawa dans le secteur de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, ce qui est absolument inacceptable pour le Québec. Et cela, le premier ministre le sait.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je viens de le dire clairement. Nous voulons nous retirer de la formation de la main-d'oeuvre et nous voulons transférer les fonds nécessaires pour payer pour le service de formation de la main-d'oeuvre que le gouvernement provincial offrira aux personnes sans emploi relevant de l'assurance-chômage du fédéral. C'est clair.

Seulement, le gouvernement fédéral est le gouvernement responsable de l'administration des fonds de l'assurance-chômage. Nous les versons aux Québécois et nous voulons en demeurer les responsables, parce que, en ce qui concerne l'assurance-emploi, nous percevons des fonds des employeurs et des employés de toutes les régions du Canada pour les donner dans toutes les régions du Canada aux gens qui sont malheureusement en situation de chômage.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le premier ministre, après autant d'expériences négatives, ne comprend pas que c'est cette attitude-là de «je me retire, mais je ne me retire pas tout à fait, peut-être un peu plus tard, mais pas maintenant», c'est cette attitude-là qui fait en sorte qu'il n'y a aucune entente possible entre le gouvernement fédéral et celui du Québec, parce que le fédéral n'est jamais capable de se brancher là où il devrait se brancher?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on ne peut pas être mieux branché que cela. Je le dis au chef de l'opposition: Nous voulons nous retirer de la formation de la main-d'oeuvre. Alors c'est clair.


920

S'ils veulent parler de la formation de la main-d'oeuvre, nous allons nous retirer. Seulement ils veulent obtenir le reste de l'assurance-chômage. Cela, le reste de l'assurance-chômage, c'est la responsabilité du gouvernement fédéral et nous allons respecter la Constitution et demeurer les gestionnaires des fonds de l'assurance-chômage.

(1420)

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement du Québec, fort de son consensus, celui de l'Assemblée nationale et celui de tous les intervenants, demande le transfert inconditionnel des budgets alloués à l'ensemble des mesures actives de main-d'oeuvre.

Le ministre convient-il que tout ce qu'il offre jusqu'ici, c'est d'officialiser une transfert de programmes que gère déjà le gouvernement du Québec, c'est-à-dire le programme d'achat de cours en établissement, ce qui est loin, bien loin du consensus que son prédécesseur disait respecter?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que la lettre que nous avons envoyée, hier, au gouvernement de la province de Québec servira de base à des négociations de bonne foi qui seront entreprises par les deux parties. D'ailleurs, nous allons parler avec toutes les provinces, parce que cette approche sera offerte à toutes les provinces, non seulement au Québec.

Étant donné la proposition qui nous a été présentée par le Québec où il voulait établir les bases et les principes des négociations, étant donné le document ministériel qui nous parvenait des autres provinces et qui démontrait également un esprit d'ouverture, et étant donné la Partie II de la Loi sur l'assurance-emploi qui est déjà devant le Parlement, nous aurons suffisamment de principes, de bases et de paramètres avec lesquels nous pourrons arriver à une solution qui permettra le transfert de la formation de la main-d'oeuvre aux provinces qui le désireront.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, alors que tous les décideurs du Québec sont réunis, le ministre, qui répond par sa lettre d'hier, semble ne pas comprendre que le 30 octobre, un message clair a été lancé.

Je demande au ministre d'admettre l'urgence de la situation, ainsi que le faisait même le ministre libéral, M. Bourbeau, quand il disait que la main-d'oeuvre au Québec était l'exemple de la confusion, de la lourdeur et de l'inefficacité engendrées par deux réseaux. Je demande au ministre non seulement de respecter le consensus québécois mais, dans la négociation, de s'y conformer.

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous allons certainement essayer, dans les négociations, de respecter les intérêts de toutes les parties concernées. Je n'ai pas de raison de croire que nous n'allons pas entamer des discussions entre les fonctionnaires des deux gouvernements qui seront profitables aux deux paliers de gouvernement.

Mais je tiens à souligner à mon honorable collègue que toute cette question est aussi de grande importance pour toutes les autres provinces du Canada. C'est la raison pour laquelle notre offre de nous retirer de tout le secteur de la formation de la main-d'oeuvre s'applique à toutes les provinces. J'espère qu'avec le Québec, nous réussirons, comme avec les autres provinces, à en arriver à une entente dans les plus brefs délais.

* * *

[Traduction]

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les innombrables tracasseries administratives représentent certes l'un des grands obstacles à l'exploitation minière au Canada. Comme la réglementation dans ce domaine relève souvent de deux secteurs de compétence, l'exploitation s'en trouve retardée et les préoccupations environnementales de la population ne sont pas prises en considération. Le gouvernement a parlé de la nécessité de tenir des consultations et de réduire les formalités administratives pour ce genre de projets, comme le développement de la baie Voisey et du Labrador, mais nous n'avons encore rien vu de concret.

Le premier ministre peut-il nous dire si son gouvernement a discuté avec le premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador de la possibilité de créer un guichet unique, un seul cadre de réglementation, en vue du développement de la baie Voisey? Dans l'affirmative, peut-il nous préciser si des progrès ont été réalisés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes ravis de constater que le député vient de découvrir l'est du Canada. Je m'entretiens régulièrement avec le premier ministre de Terre-Neuve, que nous connaissons tous très bien, et, jusqu'à maintenant, nous nous sommes toujours bien entendus.

(1425)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si le premier ministre participe à des discussions aussi fréquentes et approfondies, il acceptera peut-être de répondre à une question fort simple. A-t-il convenu avec le premier ministre de Terre-Neuve de créer un guichet unique, un seul cadre de réglementation pour le développement de la baie Voisey?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir répondre à la question du député. Le premier ministre de Terre-Neuve participe constamment à des discussions avec le gouvernement du Canada, avec le premier ministre, avec certains de mes collègues, comme le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre de l'Environnement, et avec moi-même.

Nous sommes à élaborer un processus avec Terre-Neuve, les communautés autochtones et des représentants de l'industrie pour veiller à établir un processus efficace et opportun d'approbation des règlements s'appliquant au développement de la baie Voisey.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, jusqu'à maintenant, Ottawa est loin d'avoir réussi à appuyer les grands projets d'exploitation des ressources et à concilier les intérêts divergents. Pendant que le gouvernement tergiverse,


921

le sort de la population du Labrador demeure en suspens. Des travaux préparatoires sont déjà en cours à la baie Voisey, mais, jusqu'à maintenant, les habitants de Nain et les Inuit n'ont pas eu l'occasion d'exprimer leur avis ou leurs préoccupations.

Qu'entend faire le gouvernement pour veiller à ce que les habitants du Labrador, qui ont déjà été escroqués dans le cadre d'autres projets d'exploitation des ressources naturelles, reçoivent leur juste part des avantages économiques, des retombées et des emplois découlant du développement de leurs ressources naturelles?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, avec la permission de la ministre, je voudrais signaler au député que les ministres concernés et le gouvernement ont, en fait, déjà tenu de grandes discussions pour veiller à ce que tous les intéressés participent et collaborent au processus.

Il y a beaucoup moins de querelles entre les ministres et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador qu'il n'y en a au sein du Parti réformiste.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Le commissaire de la Garde côtière canadienne a annoncé, pour la troisième fois en huit semaines, de nouvelles modifications aux droits de services maritimes liés aux aides à la navigation. Comme le souligne M. Benoît Massicotte, directeur de l'Association des armateurs du Saint-Laurent, «chaque nouvelle révision coûte un peu plus cher au Québec».

Le ministre reconnaît-il que la nouvelle proposition de la Garde côtière frappe de plein fouet les ports du Saint-Laurent en augmentant les frais imposés pour la navigation dans le fleuve?

[Traduction]

L'hon. Fred J. Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Il sait évidemment que des consultations sont en cours.

Nous avons examiné différents modes d'imposition de ces droits de services maritimes. Il a y plusieurs possibilités, et nous en sommes maintenant à la deuxième ou certains diront peut-être à la troisième révision du système.

Le député sait que nous travaillons très étroitement avec les représentants du Conseil consultatif du transport maritime d'un bout à l'autre du Canada et avec tous les intervenants de l'industrie. Nous n'avons qu'un but, et c'est de mettre au point un système qui soit le plus juste et le plus équitable pour tous les Canadiens.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Justement, monsieur le Président, le ministre a recommandé au haut-commissaire de faire des consultations, mais il doit savoir aussi que les gens ne se contenteront pas de modifications mineures. Ça fait trois fois qu'il recommence ses devoirs.

Dans le même ordre d'idées, M. Thomas, le commissaire de la Garde côtière, reconnaît lui-même que de nouvelles études d'impacts doivent être effectuées. Comment le ministre peut-il accepter qu'une tarification risquant d'avoir des impacts désastreux pour les ports du Saint-Laurent puisse être imposée sans une analyse sérieuse des incidences économiques sur les régions touchées?

[Traduction]

L'hon. Fred J. Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je veux soulever deux points en réponse à la question du député.

Il a parlé d'impacts désastreux. Nous envisageons une échelle de droits, dans tous les ports d'un bout à l'autre du pays, qui ne représente même pas 3 p. 100 de l'ensemble des tarifs relatifs au transport maritime.

Je partage l'inquiétude du député quant à l'impact que ces droits auront sur l'industrie. Nous sommes justement en train de faire deux études d'impact, que je mettrai à la disposition du député et de la Chambre.

* * *

(1430)

LES AÉRONEFS DU GOUVERNEMENT

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, gaspillage, gaspillage et encore plus de gaspillage. Le gouvernement semble décidé à continuer de gaspiller.

Le jour même où j'ai publié mon troisième rapport sur le gaspillage, devinez un peu ce que j'ai appris. J'ai appris que les ministres avaient fait 50 p. 100 plus de vols sur les avions d'affaires du gouvernement que l'année précédente et que la Défense nationale prévoyait qu'ils en feraient encore plus cette année.

Comment le premier ministre peut-il expliquer que l'on utilise ainsi sans compter les avions du gouvernement aux frais des contribuables?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait vérifier avant de parler d'usage excessif. Nos déplacements dans ces avions représentent moins de 40 p. 100 des déplacements des ministres du gouvernement précédent.

Évidemment, nous voulons aller visiter le Canada. Les ministres utilisent ces avions uniquement pour être certains que leur message se rend aux Canadiens. Puisque nous avons ramené nos déplacements dans ces avions à moins de 40 p. 100 des déplacements du gouvernement précédent, les Canadiens peuvent voir que nous les utilisons à bon escient et que nous n'en abusons pas.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, quel message! Les contribuables paient et les ministres gaspillent. C'est le message que reçoivent les Canadiens.

Dans le budget, le ministre des Finances a déclaré: «[. . .] la chasse au gaspillage fera l'objet d'efforts constants. Il n'y aura pas de relâchement de notre part.» Le ministre des Finances fera-t-il ce qu'il dit et dira-t-il à ses collègues du Cabinet que leurs gestes sont


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plus éloquents que leurs paroles, que les voyages en avion d'affaires doivent être moins fréquents et non le contraire?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les lignes directrices sur l'utilisation des avions d'affaires du gouvernement sont très strictes. Nous avons modifié le règlement après quelques discussions et, je dois l'admettre, après des critiques formulées par le vérificateur général il y a peut-être deux ans.

Nous avons ramené notre flotte d'avions d'affaires de six appareils à quatre. Lorsqu'un ministre présente une demande justifiée, nous vérifions toujours s'il y a des vols commerciaux sur la destination où il veut aller.

Ce que le premier ministre a dit au sujet de la réduction de 40 p. 100 pourrait être examiné par le comité lorsqu'il étudiera le budget du ministère de la Défense nationale.

* * *

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Le gouvernement fédéral a donné son appui à Canadien international dans sa démarche pour obtenir la permission de se soustraire à la loi antitrust américaine pour mieux s'intégrer avec sa partenaire américaine, American Airlines. Or, une telle décision aurait des impacts désastreux sur le transport aérien au Canada.

Le ministre reconnaît-il que permettre à Canadien une telle démarche entraînera son intégration complète par la compagnie American Airlines et, ce faisant, augmentera la mainmise des Américains sur le transport aérien au Canada?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable député a tort. La décision du gouvernement d'appuyer Canadien dans sa demande d'immunité vis-à-vis de la loi antitrust américaine est pleinement conforme à l'accord Ciel ouvert sur le transport aérien. L'accord Ciel ouvert a également permis aux compagnies aériennes d'optimiser leurs avantages selon leur propre stratégie corporative.

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes, BQ): Monsieur le Président, quoi qu'il en soit, le ministre comprend-il qu'en appuyant Canadien-parce que son appui est nécessaire-il met en danger l'avenir de l'aviation civile au Canada et celui de toute l'industrie aéronautique? Se rend-il compte qu'Air Canada risque aussi de passer sous contrôle américain?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, de nouveau, l'honorable député a tort. Il y a une protection de trois ans pour les compagnies aériennes canadiennes, ce qui veut dire Air Canada et Canadien International. Pendant ces trois ans, il n'y a aucune chance que les événements dont il parle puissent arriver.

Il faut ajouter que ce qu'on fait, c'est donner aux compagnies Canadien International et Air Canada la chance d'optimiser leurs affaires dans le marché américain. Il y a une augmentation vraiment remarquable et très avantageuse pour les compagnies Canadien et Air Canada grâce aux changements que nous avons faits.

* * *

(1435)

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances semble s'être récemment converti à l'idée d'harmoniser la TPS. Du temps où il était candidat à la présidence du Parti libéral, il donnait un son de cloche très différent. J'aimerais citer le Calgary Herald: «Décrivant la TPS comme une taxe qui pratique la discrimination à l'égard des régions»-le ministre des Finances actuel-«a dit qu'il s'en débarrasserait le plus tôt possible. Toutefois, il a ajouté que ce serait difficile si la taxe fédérale était intégrée aux taxes provinciales.» Autrement dit, l'harmonisation est une bonne excuse pour ne pas se débarrasser de la TPS.

Si le ministre des Finances estime que l'harmonisation l'empêchera de se débarrasser de la TPS, pourquoi continue-t-il à rechercher l'harmonisation?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, une fois de plus Monte Solberg, monté sur ses grands chevaux, fait son cirque.

Des voix: Oh, oh.

M. Martin (LaSalle-Émard): La plus récente déclaration que j'ai faite sur la TPS, en dehors de la période des questions en cette enceinte, se trouve dans le livre rouge où il est dit: «Un gouvernement libéral substituera à la TPS un dispositif qui encouragera les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux à coopérer et à harmoniser leurs politiques fiscales.» Depuis, je n'ai rien dit de plus sur la TPS.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je suppose que ça dépend du jour où on arrive à le saisir. Quoi qu'il en soit, ma question est la suivante: Le ministre des Finances pense-t-il qu'une fois la TPS harmonisée, il sera presque impossible de s'en débarrasser?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la décision que prend un gouvernement sur un impôt donné ne regarde que lui. Il est très clair que les consommateurs et les PME sont en faveur de l'harmonisation.

Il semble également clair qu'étant donné l'unité qui règne au sein du Parti réformiste, qui voulait pourtant que nous procédions à l'harmonisation, il devient très difficile de savoir quelle est véritablement sa position sur bien des choses.


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[Français]

LE BUDGET DE LA CULTURE

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, le monde de la culture est consterné depuis le dernier budget. Malgré les promesses faites par les libéraux dans le livre rouge et dans le dernier discours du Trône, le budget des programmes et des institutions du ministère du Patrimoine sera amputé de 30 p. 100 sur quatre ans.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre et ministre du Patrimoine. Comment la ministre peut-elle expliquer au monde de la culture qu'elle n'a pas su protéger le budget de la culture qui sera pourtant coupé de 8 p. 100 de plus que celui de la Défense nationale?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, quand je suis devenue ministre du Patrimoine, j'ai dit dès le début que les décisions budgétaires sur la culture étaient déjà prises.

Il faut souligner, si on prend par exemple le cas de l'ONF à Montréal, que le rapport Juneau indique justement la façon la plus efficace de moderniser l'ONF et c'est justement ce qui est en train de se faire au conseil de direction. Cela dit, j'ai eu également l'assurance du ministre des Finances que le gouvernement va procéder avec un fonds de la culture qui permettra de créer un nouveau système de financement pour la production de la culture canadienne dans des circonstances qui seront annoncées très bientôt.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, si je comprends bien le début de la réponse de la ministre, elle n'est pas d'accord avec les coupures qui ont été effectuées.

Je lui pose donc une question complémentaire. Comment la ministre du Patrimoine peut-elle justifier, alors qu'elle coupe des millions de dollars et des milliers d'emplois dans l'ensemble des institutions et programmes culturels, que le seul budget qui augmente à son ministère est celui de la bureaucratie, 8 p. 100 d'augmentation entre 1994 et 1997?

(1440)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, on sait par exemple que Radio-Canada est une institution très importante pour notre pays. En regardant les propositions du rapport Juneau, qui ont été carrément rejetées par le Bloc québécois, le rapport Juneau offre la possibilité d'obtenir du financement à long terme.

Cela dit, je suis fière de dire qu'au moins les compressions budgétaires imposées par ce gouvernement ont été beaucoup gentilles que celles qui ont été faites par le gouvernement péquiste du Québec à l'endroit de Radio-Québec.

[Traduction]

LA PUBLICITÉ POUR LE TABAC

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

Plus de 40 000 Canadiens décèdent chaque année de maladies directement liées à l'usage du tabac. La récente campagne de publicité des fabricants de tabac était de toute évidence dirigée vers les adolescents et les enfants d'âge scolaire.

Est-ce que le ministre de la Santé pourrait informer la Chambre de la stratégie du gouvernement en vue d'éliminer la menace, pour la santé des Canadiens, que pose la publicité pour le tabac?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Le gouvernement est très inquiet de l'augmentation du nombre de fumeurs chez les jeunes.

La Cour Suprême du Canada a pris une décision, dont une partie était très utile au gouvernement, en ce qu'elle confirmait certaines données statistiques du gouvernement. Toutefois, le gouvernement s'inquiète de certains des aspects de cette décision.

Nous avons effectivement un plan que nous faisons actuellement circuler dans le pays. Il y a des consultations en cours et nous espérons qu'elles se termineront avant la fin du mois.

J'espère annoncer au Parlement un ensemble très complet de mesures qui s'attaqueront, non seulement aux inquiétudes que soulève le tabagisme chez les adolescents et les jeunes, mais aux problèmes de tabagisme au pays dans son ensemble.

* * *

CLIFFORD OLSON

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général du Canada.

Le secrétaire parlementaire du solliciteur général a déclaré à la Chambre, hier, qu'il n'était pas au courant d'un prêt étudiant qui aurait été accordé au meurtrier Clifford Olson. Par ailleurs, Clifford Olson se vante de suivre des cours de droit.

Est-ce que Clifford Olson reçoit de l'aide financière destinée aux étudiants, oui ou non? Quelle est la réponse à cette question?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, selon les informations que j'ai reçues, Clifford Olson ne reçoit aucun prêt étudiant. Si ces informations sont inexactes, j'aimerais bien qu'on m'avise du contraire.

Selon les derniers renseignements qui me sont parvenus à ce sujet, les affirmations du député sont inexactes.


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M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, comment alors Clifford Olson peut-il payer ses cours de droit? Voilà la question. Est-ce qu'il étudie aux frais des contribuables?

Lorsque M. Olson n'étudie pas le droit, il produit des bandes vidéos montrant ses crimes et les familles de ses victimes en sont outrées. Combien le Service correctionnel du Canada a-t-il payé pour produire les 12 bandes magnétoscopiques? Qui a donné à Olson la permission de revendiquer un droit d'auteur à l'égard de ces bandes? Qui a décidé de produire ces bandes?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le Service correctionnel du Canada a déjà dit que la décision avait été prise par le directeur du pénitencier de l'époque, en juin 1993. Selon mes informations, ce sont les agents des services correctionnels qui ont fait les bandes vidéos et non M. Olson.

En ce qui concerne les autres points, je m'informerai et j'aviserai le député lorsque j'aurai de plus amples renseignements à ce sujet.

* * *

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Lors du dépôt de son rapport annuel, M. Max Yalden, commissaire en chef de la Commission canadienne des droits de la personne, a blâmé sévèrement le gouvernement parce qu'il répudie sa promesse d'amender la Loi canadienne des droits de la personne pour y inclure le motif de non-discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. Il a même ajouté que la répudiation de cette promesse constituait un échec à la logique morale de la part du gouvernement.

(1445)

Le ministre de la Justice reconnaît-il le manque flagrant de courage de son gouvernement dans la discrimination envers les gais et lesbiennes, alors que même le commissaire en chef de la Commission des droits de la personne blâme le gouvernement pour son «assentiment à l'intolérance», suite au non-respect de ses promesses électorales?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, mon collègue devrait savoir que, depuis quelques années, notre parti et le gouvernement ont pour politique de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour interdire toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. C'est un engagement que nous avons pris et que nous allons tenir.

Je voudrais également signaler à la Chambre et à mon collègue de nombreux passages du rapport annuel du commissaire en chef où il loue le gouvernement pour les initiatives qu'il a prises, surtout, soit dit en passant, en ce qui concerne l'orientation sexuelle dans le projet de loi C-41 portant sur les crimes motivés par la haine, ainsi que les questions de procédure criminelle touchant le témoignage devant les tribunaux de personnes handicapées. Il est également question des initiatives relatives à l'équité en matière d'emploi.

Le gouvernement agit sur beaucoup de fronts pour promouvoir les droits de la personne au Canada et il va continuer de le faire.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, il n'y a pas plus sourd que quelqu'un qui ne veut pas entendre. Le commissaire a été très sévère envers le ministre de la Justice et le gouvernement libéral.

Puisque le ministre nous dit qu'il remet à plus tard ses promesses électorales, et après un blâme aussi sévère, le ministre peut-il s'engager à remplir immédiatement la promesse de son gouvernement et mettre fin à la discrimination envers les gais et lesbiennes en amendant la Loi canadienne des droits de la personne?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le commissaire en chef joue un rôle utile en cernant les domaines où une réforme s'impose. Il n'est peut-être pas le mieux placé pour décider des priorités du gouvernement.

Depuis son élection, en 1993, le gouvernement agit dans un certain nombre de domaines pour défendre les droits de la personne au Canada. Il va poursuivre dans cette voie. Il entend respecter ses engagements. C'est très clair.

* * *

L'IMMIGRATION

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, vendredi dernier, la secrétaire parlementaire a admis que la ministre de l'Immigration avait fait détruire les 30 000 exemplaires d'une brochure que son prédécesseur avait publiée à l'aide de l'argent des contribuables.

La ministre peut-elle dire à la Chambre ce qu'elle a découvert de si offensant dans ces brochures pour qu'elle envoie à la déchiqueteuse 20 000 $ de l'argent des contribuables?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme la secrétaire parlementaire l'a dit vendredi dernier, à mon arrivée au ministère j'ai révisé tous les documents en place, les politiques en cours. J'ai refait le calendrier et revu les agendas. Le document dont il est question a été jugé inapproprié pour sa distribution.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, il est intéressant que la ministre estime que c'était inapproprié. Admettra-t-elle que la véritable raison pour laquelle elle a fait détruire ces brochures, c'est qu'elle a reconnu une chose qui avait échappé à l'actuel ministre de l'Environnement, soit que l'utilisation de l'argent des contribuables pour


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publier des documents carrément sectaires constitue une violation des règlements de l'État.

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, il est tout à fait normal qu'à son arrivée dans un ministère le nouveau ministre regarde tous les documents en place, les politiques, les projets de politiques en cours, les agendas concernés et réajuste et adapte le calendrier en conséquence. C'est ce qui a été fait. Encore une fois, j'ai jugé que le document était inapproprié pour la distribution.

* * *

[Traduction]

CHATHAM, AU NOUVEAU-BRUNSWICK

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre de la Défense nationale.

Dans le budget de 1994, on annonçait la fermeture de la base de Chatham. Depuis ce temps, des groupes locaux, comme les porte-parole de Sky Park, les autorités municipales, le premier ministre du Nouveau-Brunswick et d'autres instances provinciales, se penchent sur les diverses utilisations possibles de la base.

Le ministre pourrait-il informer la Chambre du résultat de ces négociations?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, nul n'a réagi de façon aussi professionnelle à la terrible nouvelle de la fermeture d'une base militaire que le député de Miramichi. Ce fut un coup dur pour la région et pour la province.

(1450)

Le premier ministre de la province et mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, en sa qualité de ministre régional pour le Nouveau-Brunswick, ont travaillé d'arrache-pied avec le député de l'endroit pour trouver des moyens d'utiliser les sommes qui ont été annoncées en vue d'atténuer les effets de la fermeture de la base, en 1994, de façon à favoriser la création d'emplois dans cette région.

La province a élaboré une stratégie très novatrice qui se traduira par la prise en charge de la base à sa fermeture qui est prévue pour ce printemps. Ainsi, la responsabilité pleine et entière des activités est entre bonnes mains et il est à espérer que l'on pourra de la sorte favoriser l'emploi et la prospérité économique de cette région.

Dans le courant de la journée, mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, ainsi que le premier ministre de la province fourniront plus de précisions sur cette entente.

[Français]

CUBA

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

Hier, le ministre du Commerce international et le vice-président de la Commission européenne ont discuté des moyens à prendre en vue d'amener les États-Unis à restreindre la portée de la nouvelle loi Helms-Burton.

Le ministre peut-il nous faire part de la teneur des discussions qu'il a eues avec le vice-président de la Commission européenne et de l'ampleur des transformations exigées à la loi Helms-Burton?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, le vice-président de la Commission européenne appuie fermement la position que le Canada a adoptée. Le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et moi-même avons clairement fait valoir notre opposition à cette mesure législative et à ce pouvoir extraterritorial des États-Unis, quant à leur application à l'égard de notre pays et de tous ceux qui entretiennent des relations commerciales avec Cuba.

Nous sommes d'avis que cette mesure est fondamentalement mauvaise. Nous allons nous servir de l'ALENA. Nous avons écrit à notre partenaire, les États-Unis, pour entamer des négociations aux termes de l'ALENA.

L'Union européenne partage nos inquiétudes. En fait, nous bénéficions de l'appui de nombreux pays partout dans le monde. De concert avec l'Union européenne, nous allons porter cette question sur diverses tribunes, notamment devant l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation de coopération et de développement économiques, afin d'obtenir l'appui nécessaire pour que les États-Unis exercent la discrétion voulue pour éviter de mettre en application cette mesure législative.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le vice-président de la Commission européenne et le gouvernement canadien ont discuté de solutions, et je cite les paroles de M. Brittan rapportées par la Presse canadienne: «[. . .] dont celle de persuader les États-Unis de restreindre la portée de la loi, de manière à ce qu'elle soit moins dommageable.»

Doit-on comprendre que le gouvernement s'apprête à négocier avec les États-Unis de simples adoucissements mineurs à la loi, plutôt que d'utiliser dès maintenant les tribunaux internationaux afin que cette loi soit purement et simplement retirée?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, le président des États-Unis jouit d'une certaine latitude concernant l'entrée en vigueur de la loi.


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D'ailleurs, Leon Brittan, vice-président de la Commission, y a fait allusion. Nous avons essayé d'inciter les dirigeants américains à utiliser le pouvoir discrétionnaire dont ils disposent pour réduire l'impact de cette loi particulière.

Nous allons poursuivre les négociations avec les États-Unis. En même temps, nous sommes prêts à porter la question sur d'autres tribunes, afin que les discussions aboutissent à une solution plus satisfaisante que celle qui existe actuellement avec cette loi.

* * *

LA JUSTICE

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, la nomination de M. John Desotti à la magistrature par le ministre de la Justice a empêché l'audition d'une plainte portée contreM. Desotti auprès du Barreau du Haut-Canada par la famille Roberts de North Bay. Cela a privé la famille Roberts de son droit à une audition juste et équitable en vertu de la loi ontarienne.

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas attendu que le barreau ait rendu sa décision finale avant de nommer M. Desotti à la magistrature?

(1455)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux erreurs de fait dans la question du député.

La première, c'est que la nomination a empêché la tenue d'une audition. Ce n'est pas le cas. La seconde, c'est que la nomination a été faite avant qu'une décision ne soit rendue au sujet de la plainte. Ce n'est pas le cas.

Comme je l'ai mentionné au député lorsqu'il m'a posé la même question il y a dix jours, une plainte a été portée auprès du barreau par un ancien client de John Desotti, du temps où il pratiquait le droit. Le barreau a fait enquête sur la plainte et a déterminé que celle-ci n'était pas fondée et qu'il n'y avait pas lieu de prendre des mesures contre M. Desotti. Il n'y a aucune audition en cours, et aucune plainte n'a été acceptée par le barreau.

Par la suite, le nom de M. Desotti a été mentionné comme candidat à la magistrature et je l'ai soumis au Cabinet parce que je crois qu'il fera un très bon juge.

La procédure du barreau permet au client d'en appeler de la décision initiale devant un seul membre du conseil du barreau. C'est pendant que cet appel était en cours que le nom de M. Desotti a été proposé. J'ai tenu compte de la nature de la plainte et des faits pertinents.

M. Cummins: Règlement!

M. Rock: Je réponds à la question. J'ai proposé le nom deM. Desotti parce que, dans les circonstances, c'était la bonne chose à faire selon moi.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, il est très clair que le jugement rendu par le Barreau du Haut-Canada faisait l'objet d'un appel. Une date avait été fixée pour cette audition d'appel devant le Barreau du Haut-Canada, et la famille Roberts était prête à assister à l'audition et à présenter d'autres renseignements au barreau.

L'intervention du ministre de la Justice, qui a nommé M. Desotti à la magistrature, a arrêté le processus prévu en vertu de la loi ontarienne.

Qu'est-ce que le ministre de la Justice est prêt à faire pour que la famille Roberts ait une audition juste et équitable de la plainte qu'elle a portée contre M. Desotti devant le Barreau du Haut-Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la question n'est pas de savoir ce que suis prêt à faire pour la famille Roberts, mais bien ce que la famille Roberts est prête à faire pour elle-même.

La plainte qu'elle a portée auprès du Barreau du Haut-Canada fait l'objet d'une enquête approfondie, et il a été décidé qu'aucune mesure disciplinaire ne serait prise.

Il n'y a rien dans la nomination de M. Desotti comme juge de la division générale en Ontario qui prive la famille Roberts de ses recours civils. Je suis certain que la famille peut consulter un conseiller juridique pour avoir une description complète des droits et recours qu'elle a à sa disposition et dont elle peut encore profiter pleinement.

* * *

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international et a trait aux négociations entre le Canada et le Chili en vue de la conclusion d'un nouvel accord commercial.

Le mouvement syndical canadien et le mouvement syndical chilien estiment que ces négociations fournissent une excellente occasion d'améliorer énormément les accords parallèles de l'ALENA en matière de travail et d'environnement.

Pourquoi le ministre ne profite-t-il pas de l'occasion pour exiger l'inclusion dans le projet d'accord bilatéral de dispositions obligeant les deux parties à respecter un ensemble fondamental de droits et de normes en matière de travail?

Le ministre fera-t-il montre, à l'égard des droits en matière de travail, du même courage à défendre les travailleurs canadiens que celui dont il fait preuve, à l'égard de Cuba, pour défendre les investisseurs canadiens, sans se laisser intimider par le peu d'empressement du Congrès américain à accepter de telles normes en matière de travail et d'environnement? Ou faut-il parler du peu d'empressement de la part du Canada? Pourquoi refuse-t-on de faire des progrès dans ces dossiers dans le contexte de ces négociations bilatérales?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, les négociations avec le Chili

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ne portaient pas jusqu'à tout récemment sur les accords parallèles de l'ALENA concernant les normes en matière de travail et d'environnement, car il s'agissait là d'une pierre d'achoppement pour les États-Unis. Voilà pourquoi les Américains ne voulaient pas saisir le Congrès d'une telle proposition, car la majorité au Congrès ne voulait pas s'occuper de ces deux dossiers.

Nous avons abordé ces deux dossiers dans nos négociations avec le Chili pour la conclusion d'accords bilatéraux parce que nous attachons de l'importance aux normes en matière de travail et d'environnement et que nous négocions avec les Chiliens.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, le ministre veut-il dire qu'il insistera, comme préalable à la conclusion de ces négociations, sur l'inclusion dans l'accord d'un ensemble fondamental de droits en matière de travail comparable à ce qu'on trouve dans les conventions internationales de l'OIT? Est-ce bien là la position du gouvernement? Ce n'est pas ainsi que le Congrès du travail du Canada interprète la position du gouvernement canadien. Le ministre pourrait-il nous dire si la position du gouvernement a changé?

(1500)

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je me suis entretenu avecM. White et ses collaborateurs du Congrès du travail du Canada. Je leur ai fait savoir que nous cherchions non seulement à en arriver à un accord bilatéral de libre-échange avec le Chili, mais aussi à le faire entrer dans l'ALENA.

L'ALENA et les accords parallèles concernant les normes en matière de travail et d'environnement nous guideront dans nos négociations avec les Chiliens.

* * *

L'INSPECTION DES ALIMENTS

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Depuis 1993, le gouvernement canadien tente de rationaliser et d'harmoniser ses activités, afin de faire économiser de l'argent aux Canadiens. Le ministre peut-il expliquer à la Chambre en quoi consiste le service unifié d'inspection des aliments, à qui il profitera et comment il fera épargner de l'argent aux Canadiens?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question au sujet d'une très bonne nouvelle pour les Canadiens.

Nous renforcerons toutes les activités liées à l'établissement des normes d'inspection des aliments et les regrouperons au sein du ministère canadien de la Santé et nous regrouperons également tous les services de quarantaine et d'inspection au sein d'un nouveau service unifié d'inspection des aliments au niveau fédéral, services qui sont actuellement répartis entre trois ministères.

Nous veillerons, bien sûr, à préserver la réputation du Canada en ce qui concerne la salubrité des aliments. Cette initiative accroîtra l'efficacité et l'efficience du programme, tout en nous faisant économiser environ 44 millions de dollars par année, et mènera à la création au Canada d'un véritable système national d'inspection des aliments, et ce, grâce à la collaboration de tous les ordres de gouvernement. Voilà un bel exemple de ce que les Canadiens peuvent accomplir en unissant leurs efforts.

Le Président: Cela met un terme à la période des questions.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je demande le consentement unanime pour proposer la motion suivante:

Que, nonobstant tout article du Règlement ou ordre spécial de la Chambre, au plus tard au moment prévu pour l'étude des Ordres émanant du gouvernement à la suite des questions orales, le jeudi 21 mars 1996, la motion portant deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997, soit réputée avoir été adoptée avec dissidence et que le projet de loi soit renvoyé à un comité plénier; et
Que, au plus tard quinze minutes avant la fin de la période prévue ce jour-là pour l'étude des Ordres émanant du gouvernement, le Président ou le président du Comité plénier, selon le cas, mette aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de toutes les étapes qui restent du projet de loi, sans autre débat ni amendement, à condition que la motion portant deuxième lecture fasse l'objet, ce jour-là, d'un vote par appel nominal.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

La Chambre reprend l'étude de la motion.

(1505)

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je me joins à mes collègues ministériels pour condamner la motion banale et lassante mise à l'étude aujourd'hui.

Le comité technique et nous pouvons peut-être trouver un semblant de réconfort dans les mots du grand philosophe Emmanuel Kant: «La calomnie n'a pas la vie longue. La vérité est fille du temps.» Il n'a pas fallu grand temps pour s'apercevoir que l'attaque lancée contre ce comité par le député bloquiste est absurde et dénuée de fondement.

J'ai du mal à croire que le député, diplômé en économie, ne reconnaisse pas la qualité irréprochable des universitaires qui font partie de ce comité. Je suis moi-même économiste et j'ai fait partie de la direction d'entreprises, et je connais un grand nombre des membres du comité personnellement ou de réputation. Le gouvernement a de la chance qu'ils aient accepté de servir leur pays en examinant le régime fiscal des entreprises. Leur travail sera forcément de première qualité, et il s'en acquitteront sans craintes ni parti pris. Il y a quelques années, j'ai travaillé avec l'un des dirigeants du comité comme membre d'un groupe de travail sur la fiscalité.


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Je rappelle au député le mandat clair et public qui a été confié au comité. Il devra étudier les moyens d'améliorer le régime fiscal pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique, de simplifier la fiscalité des entreprises, de faciliter l'application des règlements et l'administration, et d'assurer une plus grande équité afin que toutes les entreprises partagent le coût des services de l'État.

Où est donc la substance de l'argumentation? Où? Pourquoi le député pense-t-il que ceux qui formeront ce comité sont incapables de remplir ce mandat avec honnêteté et compétence? Est-ce parce qu'ils ne sont pas suffisamment bien informés et expérimentés et qu'ils représentent toutes les régions du Canada? Est-ce parce que ce sont des personnes qui ont réussi? Le député et ses collègues peuvent craindre qu'ils ne possèdent pas ces qualités en abondance, mais cela ne leur donne pas le droit de contester le comité et de bloquer cet important examen.

Il n'y a pas grand-chose de plus à dire concernant directement la motion à l'étude. Je voudrais vous faire part de réflexions connexes qui pourraient ajouter aux délibérations de cet après-midi.

Je me permets d'aborder la question générale de l'imposition des entreprises au Canada. Cette question peut intéresser les particuliers qui entendent certains groupes prétendre que les entreprises se la coulent douce pendant que nous avons tous l'impression d'être surtaxés.

Cette préoccupation est alimentée par le fait que l'impôt sur le revenu des sociétés représente aujourd'hui une partie beaucoup plus petite des recettes fédérales qu'il y a quelques décennies. Il n'y a pas de conspiration ni de favoritisme à l'oeuvre. Je m'explique.

Les sociétés pas des impôts sur leurs revenus. Comme les profits des sociétés ont beaucoup souffert des récessions, d'abord au début des années 80 et, plus récemment, dans les années 90, les recettes de l'impôt sur le revenu des sociétés ont diminué ces dernières années.

La situation est en train de changer. Comme les profits ont recommencé à augmenter en 1992, les recettes de l'impôt sur le revenu des sociétés comptent pour une partie toujours de plus en plus grande des recettes fédérales.

Il faut aussi comprendre, ce que ne fait peut-être pas l'auteur de cette motion, que la hausse n'est pas à échelons fixes. Même si des secteurs enregistrent une rentabilité renouvelée, cela ne se traduit pas immédiatement en recettes importantes pour le gouvernement. La raison en est évidemment que le régime fiscal trouve plus juste de considérer les profits des entreprises sur une certaine période. C'est pourquoi des entreprises peuvent recourir au report prospectif des pertes, qui réduit l'impôt possible même lorsque les profits recommencent à monter. C'est logique et juste.

Si une société perd de l'argent pendant un certain nombre d'années puis enregistre des profits, est-il équitable de l'imposer comme une entreprise parfaitement prospère? Cela risquerait de compromettre sa capacité de rembourser les emprunts qu'elle a contractés pour arriver à tenir le coup, son aptitude à investir et à se renforcer. Le fait est qu'imposer une entreprise sans se préoccuper de sa situation à long terme ne profite à personne. Si l'entreprise ne peut réaliser des bénéfices suffisants, elle ne peut maintenir les emplois et encore moins en créer. Au bout du compte, ce sont les employés et leurs proches qui en souffrent.

(1510)

Cela ne veut pas dire que le gouvernement doive faire toutes sortes de concessions lorsqu'il est question de la fiscalité des entreprises. Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il a fait. Les preuves sont claires. Nos trois budgets ont prévu des mesures concrètes pour rendre la fiscalité des entreprises plus équitable, pour garantir à tous les Canadiens que les entreprises participent activement à nos efforts budgétaires.

Nous avons accru les taux d'imposition des grandes sociétés, celles dont les capitaux canadiens dépassent dix millions de dollars. Il y a un impôt spécial sur le capital qui constitue un impôt minimal pour les institutions financières. À la suite du budget de 1995, nous avons prélevé auprès des institutions de dépôt un droit spécial qui procurera des recettes supplémentaires de 100 millions de dollars. Dans le budget de 1996 présenté plus tôt ce mois-ci, nous avons maintenu ce droit pendant encore un an.

Le résultat net est clair. Les sociétés paient une part d'impôt non négligeable. En 1993, elles ont versé à tous les gouvernements près de 51 milliards de dollars en impôt. Les banques ne sont pas exclues de ces efforts. Depuis trois ans, les grandes banques ont versé annuellement près de un milliard de dollars en impôt fédéral seulement.

Permettez-moi de souligner que l'impôt fédéral ne représente qu'une partie des impôts versés par les entreprises. Si l'on tient compte de tous les impôts-celui sur le revenu, l'impôt sur le capital, les charges sociales et les impôts fonciers-, les entreprises ont versé en impôt, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, soit 1993, environ les deux tiers de leurs bénéfices avant impôt.

Je dois avouer que le gouvernement actuel a certains partis pris lorsqu'il est question de l'imposition des entreprises, comme ses prédécesseurs. Il a un parti pris en faveur de la R-D et un autre en faveur des petites entreprises. Pour la croissance économique à long terme du Canada, ce sont là des secteurs vitaux qui assureront la création d'emplois.

Voilà pourquoi le régime fiscal accorde des avantages particuliers à certains secteurs et activités. Ainsi, le régime fiscal fédéral du Canada est l'un des plus attrayants dans le monde pour les petites et moyennes entreprises. Par des déductions spéciales et d'autres dispositions fiscales, le gouvernement fédéral offre une aide fiscale d'environ trois milliards de dollars aux petites et moyennes entreprises. Ce n'est guère une coïncidence que ce secteur ait été celui où il s'est créé le plus d'emplois depuis dix ans.

Le député et son parti s'opposent-ils au fait que la déduction des petites entreprises réduit le taux d'imposition de base des sociétés, le faisant passer de 28 à 12 p. 100 sur les premiers 200 000 $ de


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revenus d'entreprise? Par contraste, la même déduction aux États-Unis ne s'applique qu'aux premiers 50 000 $ de revenus.

Voilà le genre de parti pris dont les Canadiens devraient être fiers. Il vise à utiliser le régime fiscal pour créer des emplois et stimuler la croissance, ce dont nos enfants et nous avons besoin.

Cela ne veut pas dire que le système fonctionne aussi bien qu'il devrait ou qu'il n'existe pas de meilleurs moyens nous permettant d'atteindre nos objectifs économiques. C'est pourquoi nous avons établi le comité technique. C'est le premier pas d'un processus global d'examen de la fiscalité des entreprises. Ce faisant, le gouvernement remplit l'engagement qu'il a pris envers les Canadiens et qui consiste à rendre le régime fiscal le plus équitable et le plus efficace possible.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, en parlant de la fiscalité des entreprises, j'aimerais aujourd'hui reprendre le débat en quelque sorte où je l'avais laissé lorsque j'ai fait un discours en réplique au discours du ministre des Finances sur le budget. Je parlais à ce moment de la dette que les Canadiens avaient accumulée au cours des 20 dernières années.

(1515)

Je pense qu'il n'est pas inutile de répéter aujourd'hui cette image que j'utilisais pour démontrer aux Canadiens et aux Québécois en particulier là où nous en sommes rendus dans cette dette nationale.

Il s'agit d'un immense trou noir dont on peut difficilement imaginer l'ampleur. C'est un peu comme des astronomes qui examinent le ciel à tous les soirs pour trouver des trous noirs et qui essaient de mesurer l'ampleur de ces trous. Pour être capables d'y arriver, ils ont besoin d'instruments très sophistiqués, tels des télescopes. Même avec ces instruments, ils réussissent difficilement à s'apercevoir de l'ampleur de ce trou.

Alors aujourd'hui, pour imaginer l'ampleur de la dette canadienne, qui est un immense trou noir, pour permettre au particulier, qui n'est pas familier avec des gros chiffres comme ceux-là, de comprendre, il faut, nous aussi, utiliser des instruments qui font image. On utilise des chiffres. Et quand je disais à la fin de mon discours, la semaine dernière, que la dette du Canada de 1993-1994 à 1997-1998 passera de 508 milliards à 619 milliards, cela veut donc dire une augmentation de 111 milliards. En disant 111 milliards, cela semble court, cela n'a pas l'air gros, cela n'a pas l'air énorme. Mais quand on se met à l'imaginer, à le comparer avec d'autres ordres de grandeur, on s'aperçoit que c'est gigantesque.

Je donnais l'exemple de quelqu'un qui joue à Loto-Québec et qui gagne un million de dollars. Un million de dollars, c'est suffisant pour faire de quelqu'un un millionnaire, c'est-à-dire atteindre l'objectif de sa vie de devenir un millionnaire.

Alors un milliard de dollars, c'est 1 000 millions ou un millier de millions. Cela veut dire qu'au Canada, depuis quatre ans, le gouvernement fédéral aurait fait 111 000 millionnaires s'il avait distribué cet argent aux Canadiens, mais il a fait exactement le contraire.

Le Canada, depuis 1993-1994, s'est privé de 111 000 nouveaux millionnaires parce qu'il a augmenté sa dette. Alors, un millier de un million, c'est le chiffre un, suivi de neuf zéros. Cela veut dire qu'un petit Canadien qui est venu au monde ce matin est venu au monde avec une dette de 20 000 $. S'il avait de la misère à prendre son respir, c'était suffisant pour le faire crever. Vous savez, quand on réveille un petit enfant, s'il avait pu comprendre ce qui arrivait, une petite tape sur les fesses aurait été suffisante pour lui donner vie, pour lui faire prendre son premier respir. Mais si on lui avait montré le portrait de la dette, tout de suite il l'aurait perdu en disant: «Moi, j'aime mieux ne pas vivre dans ce pays.» Pourtant, notre premier ministre, chaque semaine, vante en Chambre les mérites de ce beau grand pays qu'est le Canada; le plus beau pays au monde avec ses 619 milliards de dette.

La semaine passée, je disais: «Si c'est l'image du plus beau pays au monde, on peut arrêter de voyager demain matin, on ne verra rien de plus beau ailleurs.» C'est bien vrai. Ce n'est pas possible de trouver la beauté dans des chiffres comme ceux-là. Pourtant, c'est ce que notre premier ministre fait. Il trouve cela beau. Il s'en vante et il essaie de faire croire aux gens que nous sommes en train de réussir.

(1520)

La réussite, évidemment, a différentes significations, selon les personnes. Le premier ministre a dit qu'ils avaient réduit le déficit de 42 milliards qu'il était lorsqu'ils ont pris le pouvoir à 24 milliards cette année. Dans un sens, c'est vrai qu'il y a amélioration, c'est-à-dire que chaque année, on s'endette un peu moins qu'on avait l'habitude de le faire. N'empêche qu'on a continué à payer l'épicerie avec l'argent qu'on avait déjà accumulé ou avec l'argent qu'on n'avait pas. On a continué à faire l'épicerie à crédit. On emprunte à l'étranger, aux États-Unis, au Japon, en Angleterre, un peu partout dans le monde, en Allemagne. On emprunte pour faire l'épicerie.

Mon grand-père ou mon père aurait dit «on pète plus haut que le trou». C'est peut-être pas un langage parlementaire, monsieur le Président, mais ça permet à ceux qui ont l'habitude d'utiliser des images populaires de mieux comprendre ce qu'on veut dire. C'est se permettre un train de vie qu'on n'est pas capable de se payer. Ça veut dire que si on voudrait payer cette dette-parce qu'actuellement, on n'est pas en train de la payer, on est en train de réduire l'augmentation de la dette-au lieu d'augmenter de 42 millions par année, elle augmente de 24 milliards par année.

Mais il faudra la payer un jour, cette dette-là, et pour la payer, il va falloir qu'une année, quelque part dans l'histoire du Canada, il y ait une première année où le gouvernement encaisse plus de recettes qu'il ne dépense d'argent. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il pourra rembourser une partie de la dette. Et comment peut-on espérer que ceci se produise rapidement? Je vous donne un exemple: à 619 milliards, en supposant que sur 619 milliards, on réussisse à épar-gner 1 milliard par année sans augmenter la dette-on n'augmenterait pas la dette chaque année, mais au contraire, on mettrait de côté 1 milliard par année pour payer la dette-eh bien, dans l'état actuel des choses, ça prendrait 619 années.


930

On a fêté, cette semaine, l'anniversaire de la plus vieille Canadienne, elle avait 109 ans. Pauvre dame, elle n'aura pas vécu assez longtemps pour voir le remboursement de la dette, même si elle a un record de longévité.

Mais allons plus loin que cela. Efforçons-nous davantage pour économiser, pour couper les dépenses et supposons que d'ici les prochains quatre ou cinq ans, on réussisse à atteindre zéro de déficit, et mieux que cela, à mettre 5 milliards de dollars de côté par année, somme qu'on appliquerait à la réduction de la dette de 619 milliards accumulée. Eh bien, même à 5 milliards par année, il nous faudra à peu près 120 ans pour payer la totalité de la dette du gouvernement fédéral. C'est sans compter évidemment les dettes des provinces qu'on doit payer, comme contribuables, les dettes des municipalités, les dettes des commissions scolaire, etc., et nos dettes personnelles.

Encore là, ça prendrait 120 ans. Probablement que j'aurai le temps de mourir et que la dette du Canada ne sera pas encore payée; ça me console dans un sens, car je me dis que je ne serai sûrement pas le seul à l'avoir payée, parce qu'au taux où elle est rendue, on ne vivra pas assez longtemps. C'est une bien mince consolation pour moi et c'est une consolation qui n'en est pas une du tout pour mes enfants.

C'est donc ça, la situation du Canada. Et actuellement, qu'est-ce qu'on nous propose pour changer cette situation? On a entendu le discours sur le Budget et on s'est rendu compte qu'il n'y avait rien là-dedans. Il n'y avait aucune nouvelle mesure pour tenter de régler le problème du déficit et de la dette. Au contraire, on vit sur l'erre d'aller. Il y a deux ans, on a voté des mesures en disant qu'elles allaient s'appliquer dans un an, dans deux ans, dans trois ans; d'autres mesures vont s'appliquer dans cinq ans. Alors, cela ne fait pas mal aux contribuables pour l'instant, car elles ne s'appliquent pas tout de suite, ça s'avale un peu mieux.

(1525)

Cela ne fait pas mal au contribuable pour l'instant. On lui dit: «Cela ne s'applique pas tout de suite», ce qui s'avale un peu mieux.

Les seules nouvelles mesures qu'on a adoptées ne s'appliqueront pas non plus maintenant; elles s'appliqueront après la fin du terme des libéraux. Ils n'en ont pas plus que pour un an ou deux à vivre, parce que le premier ministre commence déjà à préparer la toile de fond.

Alors il n'y a aucune mesure là-dedans. On s'attendait à ce que, au contraire, le premier ministre mette ses culottes et prenne des mesures énergiques, particulièrement en ce qui concerne la fiscalité des entreprises. Or, que voit-on dans les mesures sur la fiscalité des entreprises? Le ministre des Finances nous a appris qu'il y aurait un examen du régime fiscal des entreprises. Ça, ça fait mal. Quand le gouvernement se met à étudier, habituellement, c'est qu'il ne sait pas quoi faire. C'est en plein ce qu'il nous dit. Il va y avoir une examen, exhaustif par exemple; pas n'importe quel sorte d'examen, un examen exhaustif. Cela veut dire que, premièrement, ce sera long et, deuxièmement, cela veut dire que, quand il aura fini cet examen, puisqu'il est exhaustif, il devra avoir la connaissance de tous les problèmes car il sera allé au fond. Alors un examen exhaustif du régime fiscal des entreprises sera effectué-attention, monsieur le Président, ce ne sera pas par n'importe qui-par un comité technique guidé par trois grands objectifs. Le premier objectif, promouvoir l'emploi et la croissance; un deuxième objectif, simplifier le système de la fiscalité; et un troisième, le rendre plus équitable.

Parlons d'abord de la composition du comité. Comme ce comité a l'air sérieux et qu'il allait faire des études sérieuses et approfondies, le ministre des Finances a donc dit: «Je ne prends pas de chance, je vais nommer les plus grands spécialistes là-dessus.» Alors qui sont les plus grands spécialistes pour conseiller le gouvernement sur la façon d'éviter les paradis fiscaux, par exemple, d'éviter les évasions fiscales? On sait que ce sont des mesures qui, tout en étant légales actuellement, font en sorte que le gouvernement perd des centaines de millions de dollars par année.

Alors le gouvernement a dit: «Je vais nommer sur ce comité des personnes responsables, expérimentées et très compétentes.» Je donne un exemple: la compagnie Price Waterhouse, qui a des spécialistes dans ce domaine. Pourquoi a-t-elle des spécialistes dans ce domaine? Parce qu'elle a une foule de clients qui profitent justement des paradis fiscaux, qui leur ont été recommandés par la compagnie. Je ne donnerai pas la liste des autres compagnies qui siègent sur ce comité, car le ministre lui-même l'a donnée le jour du budget. Il y a une dizaine de représentants, à part les professeurs d'université. Il y a quelques autres personnes spécialisées dans ce domaine qui ont été nommées pour leurs connaissances parce qu'elles ont l'habitude de gérer ou de conseiller des compagnies qui profitent déjà des paradis fiscaux. Alors soyez sûrs qu'on ne se trompera pas.

Quand ces compagnies vont conseiller le gouvernement, je serais bien surpris qu'elles recommandent au gouvernement des façons de taper sur la tête de leurs plus gros clients. Ou si elles suggèrent de telles choses au gouvernement, elles vont avoir eu le temps d'avertir leurs clients de s'enlever les doigts et la tête de là parce que le gouvernement s'apprête à taper dessus.

Ce ne sont pas des moyens très efficaces, craignons-nous, parce qu'on pense que les mêmes personnes, les mêmes spécialistes sont en conflit d'intérêts.

Bien sûr, on a posé la question au ministre des Finances. «Monsieur le ministre, comment se fait-il que vous nommez de ces personnes qui, de toute évidence, nous paraissent être en conflit d'intérêts?» Le ministre nous a dit que s'il voulait être bien conseillé, il fallait qu'il engage des personnes compétentes en la matière. Par analogie, c'est quasiment comme si le chef de police, demain matin, nous conseillait de former un comité de Hell's Angels pour diminuer la criminalité, sous prétexte qu'ils sont ceux qui connaissent mieux la chose et que ce sont ceux qui devraient faire partie du comité.

Je ne veux faire aucune comparaison entre les comptables et les Hell's Angels. Ce n'est pas ce que je veux dire. C'est plutôt pour montrer le ridicule de la chose, montrer qu'il y a des gens qui sont en conflit d'intérêts dans une hypothèse comme dans l'autre.

(1530)

Après combien de mois d'étude ce comité fera-t-il ses recommandations? On ne le sait pas. Mais il a pour mission de promouvoir l'emploi. Ces mêmes personnes conseillent aussi, j'imagine, des banques. On voit de quelle façon les banques sont disposées, actuellement, à corriger le problème de l'emploi ou du chômage et comment elles voient le problème de la croissance.


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On a vu cette année que les quatre ou cinq plus grosses banques canadiennes avaient fait des milliards de dollars de profits,1 milliard et quelques centaines de millions de dollars de profits, et comme première conséquence, ça s'est évidemment répercuté sur le salaire des présidents. En ce qui concerne la deuxième conséquence, on aurait pu croire que l'augmentation des profits-c'est de la croissance, ça-aurait eu un effet direct sur le nombre d'emplois créés, mais au contraire, on s'est rendu compte que, dans ces cinq banques, ou bien le nombre d'emplois est demeuré stable, ou bien le nombre d'emplois a diminué. C'est la conception de l'emploi et de la croissance chez ces compagnies. J'espère bien que le comité d'experts va se pencher grandement sur cette philosophie des banques et qu'il saura leur conseiller autre chose pour réanimer l'économie.

Il faut simplifier le système. Bien sûr, on en a suggéré souvent, des choses, au gouvernement. Chaque année, à l'occasion du discours du budget, on a suggéré au gouvernement des moyens de réinventer la fiscalité des entreprises pour non seulement boucher des trous, mais pour trouver des solutions à plus long terme. Actuellement, la politique que l'on a, c'est justement ça. C'est une politique de pelleter l'asphalte dans des nids-de-poule. On bouche un trou puis on tape dessus avec son pied en pensant que la rue est réparée.

Quand on procède comme ça, ce n'est pas bien long qu'il se fait un autre nid-de-poule à côté, et les spécialistes ne mettent habituellement pas beaucoup de temps à trouver là où la couche de surface est faible pour être capables de s'y couvrir et de s'y asseoir solidement.

Il n'y a pas d'autre moyen que de simplifier le système, afin que, une fois pour toutes, on sache où on s'en va dans la fiscalité. Les entreprises demandent des choses stables. On nous répète chaque année que si on ne travaille pas dans un climat de stabilité économique et politique, les entreprises ne pourront pas prospérer. Elles ont besoin d'un climat stable.

Un climat stable, ça doit commencer aussi, j'imagine, par des objectifs de la fiscalité. On doit dire aux entreprises ce qui les attend. On doit dire aux entreprises, aux quelques milliers d'entreprises qui font des profits depuis 15 ans et qui ne paient pas un seul sou d'impôt que, à compter de demain matin, elles auront un impôt minimum à payer. C'est ça qu'il faut leur dire, et leur dire de telle sorte que ça ne se fasse pas juste une année, pas juste le temps d'un gouvernement. Il faut leur dire qu'elles vont payer de l'impôt tant et aussi longtemps qu'elles seront en affaires. C'est une question de justice distributive.

C'est une question de faire payer à chaque citoyen, qu'il soit individuel, qu'il soit particulier, qu'il soit corporatif. C'est une question de faire en sorte que chaque Canadien, chaque citoyen paie sa part d'impôt. C'est ça qu'est la stabilité. Quand les compagnies savent ça, elles planifient, elles prévoient d'avance. De toute façon, avec les privilèges qu'elles ont déjà et qui leur resteront, soyez sûr que les compagnies, même si leurs profits nets diminuaient, auront fait payer le reste par les dépenses. Les compagnies peuvent s'acheter bien des choses.

Même des dirigeants de compagnie font passer bien des choses dans leurs dépenses que nous, comme simple particulier, ne pourrions pas faire. Quand ils ont fait payer tout ça, ils peuvent se permettre d'avoir un revenu moins élevé, ils n'ont plus de dépenses à faire, tout le reste a été payé par la compagnie. Dans des circonstances comme celles-là, le profit qui reste pourrait bien être imposé à des meilleurs taux et il leur en resterait encore.

(1535)

Enfin, la fiscalité qui sera, je l'espère, mise en vigueur tiendra compte du fait qu'actuellement, si on veut savoir ce qui se passe au point de vue de la fiscalité-et je terminerai là-dessus-en 1993-1994, l'impôt des particuliers comptait pour 44 p. 100 de tous les revenus d'impôt du gouvernement et celui des compagnies pour 8,1 p. 100. En 1997-1998, regardez bien l'évolution, les particuliers paieront encore, et un peu plus; 47,6 p. 100 de tous les impôts au Canada viendront des poches des particuliers et les compagnies paieront seulement 12 p. 100. C'était comme ça en 1961; les corporations payaient 15 p. 100 et les particuliers, 27 p. 100. Regardez l'augmentation. Qui l'a absorbée depuis ce temps-là? Ce sont les particuliers, ce ne sont pas les entreprises.

L'examen qui sera fait par le comité spécialisé devra porter spécialement là-dessus. Le problème n'est plus dans la poche des particuliers, il est dans la poche d'autres payeurs de taxes et là, il y a évidemment les grandes corporations.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, étant l'un des deux comptables agréés présents à la Chambre aujourd'hui, je tiens à répliquer au député.

Il a beaucoup parlé de l'impôt des entreprises. Il a terminé en disant que le pourcentage des recettes gouvernementales provenant des entreprises continuait de diminuer. Il donne à entendre que, en raison de modifications aux lois ou d'autres changements, les entreprises paient moins d'impôt qu'auparavant.

C'est tout le contraire, il n'y a eu aucun changement. Les taux d'imposition des entreprises sont les mêmes. Le député devrait le savoir que certaines règles du régime fiscal des entreprises permettent à celles-ci de réduire, voire de ramener à zéro, l'impôt qu'elles devraient normalement payer. Je lui donnerai une leçon plus tard, s'il le désire.

Elles disposent de trois possibilités. Tout d'abord, il y a les dividendes sous forme d'actions accréditives. Ainsi, lorsqu'une entreprise paie des dividendes à une autre et que celle-ci paie à son tour des dividendes à ses actionnaires, ses revenus prennent la forme de dividendes, mais ils ne sont pas imposables parce qu'ils donnent droit, aux termes de la partie IV, à un abattement fiscal compensateur égal au montant de ces dividendes. Des revenus imposables apparaissent bien sur l'état des revenus et pertes de la première entreprise, mais aucun impôt n'est payable parce que ces revenus ont été transformés en actions accréditives.

La deuxième possibilité dont disposent les entreprises pour ne pas payer d'impôt, c'est le report de pertes en aval ou en amont: sept ans en aval et deux ans en amont. Cela signifie que, les mauvaises années, les entreprises peuvent subir des pertes importantes, mais, même si elles réalisent de gros profits par la suite, l'impôt à payer sur ces profits sera nul. Cela est possible parce que notre Loi de l'impôt sur le revenu permet de reporter jusqu'à sept ans dans


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l'avenir et trois ans dans le passé l'impôt à payer ou les pertes. Il faudrait changer cela.

La troisième possibilité, c'est le report de l'impôt sur le revenu. L'impôt n'est pas légalement exigible, mais les entreprises sont pratiquement certaines de devoir en payer au gouvernement. Le report touche la différence entre la radiation d'actifs immobilisés, qu'il s'agisse de la déduction pour amortissement ou de l'amortissement pour dépréciation.

J'ai assez parlé d'impôt, mais je tiens à défendre l'intégrité des comptables agréés. Le député a critiqué certaines personnes nommées, notamment M. Bob Brown, de Price Waterhouse. Je suis fier de dire que j'ai travaillé avec M. Brown lorsque j'ai fait un stage chez Price Waterhouse. Je ne connais pas de meilleur professionnel au Canada, en particulier dans le domaine fiscal et du point de vue de l'intégrité personnelle. M. Brown a conseillé le gouvernement pendant de nombreuses années. Bien que l'entreprise pour laquelle il travaille compte parmi ses clients des personnes qui font certaines choses, il est lui-même une personne intègre. Il est capable d'aider à résoudre les questions soulevées par le ministre des Finances.

Il est présomptueux et peut-être même injustifié de s'en prendre personnellement à un membre d'une profession qui trouve sa fierté dans l'intégrité et le service, l'honnêteté et le professionalisme à l'endroit des Canadiens qui sont des investisseurs, des actionnaires, des gens qui cherchent à obtenir des conseils professionnels pour gérer leurs finances. Voilà la vérité. Je mettrai simplement le député en garde contre le fait de critiquer ceux qui ont la compétence voulue pour aider tous les Canadiens.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue d'en face d'avoir écouté ce que j'ai dit. Cependant, c'est malheureux, car s'il avait porté un peu plus attention, il aurait mieux compris.

(1540)

Je n'ai jamais voulu attaquer l'intégrité des conseillers qui ont été choisis par le gouvernement. Ce que je dis, c'est que nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Est-ce que le député accepterait que, pour la prochaine campagne électorale, les conseillers en stratégie du Parti libéral soient les mêmes que les conseillers en stratégie du Bloc québécois? Est-ce que cela lui rentre dans la tête? Est-ce qu'il comprendrait qu'une personne qui est parfaitement honnête puisse conseiller les deux partis à la fois sur la stratégie qu'ils doivent suivre pour gagner la prochaine élection? S'il comprend cela, il comprendra facilement qu'une compagnie de comptables, tout aussi honnête qu'elle soit, se trouve en conflit d'intérêts quand elle doit conseiller à la fois le gouvernement et ceux qui profitent des paradis fiscaux sur les moyens d'éviter l'un et l'autre. C'est ce que signifie être en conflit d'intérêts.

Je veux juste également ajouter quelques mots concernant les autres paradis fiscaux. Il y a des choses qui sont difficilement vérifiables en argent. Mais quand on se rend compte que, parmi les 119 filiales des six grandes banques canadiennes, il y en a 57 qui sont situées dans les Antilles, une région où pullulent les paradis fiscaux, on doit se poser des questions. Aux îles Caïmans, on compte 28 000 sociétés pour 30 000 habitants. Ces gens-là ne doivent pas manquer d'ouvrage: 28 000 compagnies pour 30 000 habitants. Si les compagnies ne sont pas là parce qu'elles profitent de paradis fiscaux, il faut s'interroger sérieusement.

[Traduction]

M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député de Joliette a soulevé deux points: ses préoccupations au sujet de la dette nationale et au sujet du comité technique. Pourtant, quand on y pense bien, le député n'a fait aucune proposition de solution.

Si nous voulons vraiment favoriser les investissements dans l'entreprise au Canada, nous avons besoin de certitude, de confiance réelle et d'unité. Le député n'est-il pas prêt à travailler à la réalisation de ces objectifs?

Le député ne reconnaît-il pas également que la réduction des emprunts auprès de institutions étrangères et la diminution du ratio du déficit par rapport au PIB font de notre pays le meilleur au monde, selon la déclaration des Nations Unies, et que nous ne faisons qu'affirmer notre fierté devant cette déclaration? Ne reconnaît-il pas au gouvernement canadien la paternité de ces réalisations?

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, je veux bien convenir d'une chose avec mon collègue du parti au pouvoir. Ce dont on est prêt à convenir, ça fait déjà trois ans qu'on le dit au gouvernement. Chaque fois que le ministre des Finances s'amène avec un nouveau budget, nous avons, même avant la publication du premier budget, suggéré au gouvernement de former un comité spécial, un comité d'étude où auraient siégé non seulement des experts choisis par le gouvernement, mais où auraient également siégé des parlementaires appartenant à chacun des partis de la Chambre des communes. Cela s'appelle faire l'étude d'un problème avec l'aide des personnes compétentes, mais aussi avec l'aide des personnes qui ont charge, parce qu'elles ont été élues par des concitoyens, de vérifier la transparence des choses, qui sont responsables de s'assurer que les moyens qui seront recommandés au gouvernement ne favoriseront pas plus une classe de la société au détriment d'une autre. C'est ce que cela veut dire. C'est ce qu'on a recommandé au Parlement, au gouvernement depuis des années. Et c'est ce que le ministre des Finances, avec le premier ministre et tout le Parti libéral, a refusé au parti de l'opposition.

Cela fait encore partie de nos propositions. Demain matin, si le ministre des Finances veut procéder à la formation de ce comité, nous serons là. Nous serons les premiers à vouloir participer de façon positive à suggérer des propositions et aussi à les vendre à la population, à qui ces mesures doivent s'appliquer.

Le vice-président: Il reste deux minutes: l'une pour le député de Longueuil et l'autre pour le député de Joliette.

(1545)

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, je voudrais d'abord remercier le député de Joliette pour son excellent exposé.


933

J'aimerais aussi mentionner l'excellent discours de M. Lucien Bouchard, le premier ministre du Québec, hier, qui a vraiment décidé de mettre la hache dans les dépenses et de régler les problèmes de déficit au Québec. M. Bouchard mentionnait aussi que le déficit et la dette accumulée du Québec représentaient environ 18 p. 100 des coûts que les citoyens du Québec doivent payer. Au fédéral, ici, l'an prochain, ce sera 50 p. 100.

On devrait peut-être expliquer plus clairement, et je demande au député de Joliette de le faire dans sa réponse, ce que cela veut dire. Au fédéral, quand on n'aura plus plus de déficit, de l'argent qu'on versera au fédéral, il n'y en a que 50 p. 100 qui nous reviendra en services.

M. Laurin: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de me donner la chance de saluer l'initiative entreprise par le gouvernement du Québec dans la réforme économique.

Quand on parlait tantôt de former un comité d'aide auquel nous sommes prêts à participer, c'est ce à quoi on pensait. Que fait le gouvernement du Québec actuellement? Il fait appel à des spécialistes, bien sûr. Il y aura des gens, des dizaines de spécialistes qui seront là, des présidents de syndicat, des chefs d'entreprise qui savent ce que c'est que de créer de l'emploi ou de ne pas en créer, de faire des profits, de faire de l'évasion. Il s'agit de réunir ces gens-là autour d'une table, autour d'un même consensus, se rendre compte de la situation et ensuite aborder les solutions ensemble. Et ce n'est que de cette façon qu'on réussira à payer notre dette.

[Traduction]

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.): Monsieur le Président, avant de parler de la motion d'aujourd'hui, je voudrais profiter de l'occasion pour attirer brièvement l'attention des députés de la Chambre sur la réaction des électeurs de Richmond au budget du ministre des Finances pour 1996.

Le budget est une nouvelle preuve que les électeurs de Richmond se font entendre à Ottawa. Que ce soit dans les assemblées municipales, dans les discussions avec les groupes communautaires ou dans les réunions que j'ai régulièrement avec le comité sans parti-pris qu'est le comité de liaison communautaire à Richmond, le message est partout le même: maintenir les programmes sociaux essentiels, mais réduire le déficit au moyen de la réduction des dépenses et non d'une augmentation de taxes. C'est le message que j'ai apporté à Ottawa.

Le budget en tient compte. Après un déficit plus faible que prévu l'an dernier, le gouvernement est sur la voie d'atteindre, voire de dépasser son objectif pour l'exercice 1996-1997 qui est de ramener le déficit de 6 à 3 p. 100 du produit intérieur brut dans un délai de trois ans après son arrivée au pouvoir. En tant que candidat libéral, j'ai promis aux habitants de Richmond que nous atteindrions cet objectif. Nous sommes en bonne voie de le faire, mais nos efforts ne s'arrêtent pas là. Notre objectif ultime doit être d'éliminer le déficit et de rembourser la dette.

Également dans le budget, le gouvernement a réaffecté des fonds à de nouvelles initiatives en matière d'aide à la jeunesse, de technologie et de commerce, qui sont des domaines essentiels pour promouvoir la création d'emplois et la croissance. Si nous voulons que notre avenir soit plus brillant et plus prospère, nous devons investir dans l'avenir. Nous devons appliquer ici, chez nous, l'approche réussie d'Équipe Canada afin d'établir des partenariats avec le secteur privé et créer ainsi des débouchés pour les jeunes.

Le budget annonce également un soutien fédéral sûr, stable et croissant à l'assurance-maladie, l'enseignement postsecondaire et l'assistance sociale qui mènera dans quelques années à une augmentation des paiements versés au titre du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux.

Le déficit connaît une baisse constante. L'approche ferme du ministre des Finances à l'égard de la réduction du déficit fonctionne. Le cadre économique pour l'emploi et la croissance s'améliore. Quelles en sont les preuves?

Les taux d'intérêts à court terme sont tombés d'environ trois points de pourcentage depuis le mois de mars 1995. La compétitivité du Canada sur le plan des coûts est plus grande qu'elle ne l'a été depuis 45 ans. Notre excédent sur marchandises a atteint des niveaux records et la part du déficit courant par rapport au PIB est à son niveau le plus bas depuis dix ans. La dépendance du Canada à l'endroit des nouveaux prêts étrangers a chuté de 29 milliards de dollars en 1993 à 13 milliards en 1995. Cette dépendance continuera de diminuer annuellement.

(1550)

Parallèlement, nous recommençons à augmenter les paiements de transfert aux provinces, et nous avons garanti que les transferts pécuniaires relatifs au TCSPS ne baisseront pas à moins de 11 milliards de dollars par année, pour les cinq prochaines années.

La création d'emplois et la croissance économique restent la priorité de notre gouvernement. Nous investissons dans trois secteurs que nous jugeons prioritaires: les jeunes, la technologie et le commerce. Ces secteurs sont d'importance capitale pour la croissance future et la création d'emplois.

Les gens de Richmond avec qui j'ai discuté s'inquiètent de la durabilité du régime de pensions gouvernemental. Ils veulent que nous agissions dès maintenant. La nouvelle prestation pour aînés oriente l'aide vers les personnes âgées ayant un revenu faible ou modeste. Elle garantit ainsi que le régime sera équitable et durable.

Je crois que le Canada est maintenant sur sa lancée. Le déficit fédéral continuera de diminuer. Notre dépendance à l'endroit des marchés étrangers du crédit diminue. Les taux de l'impôt sur le revenu des particuliers n'ont pas augmenté. Nous recommençons à augmenter les transferts aux provinces pour la prestation des programmes sociaux. J'en ai discuté régulièrement avec les électeurs, et je sais qu'ils appuient les mesures prises dans ce budget pour assurer l'avenir du Canada, sur les plans social et financier.

Le budget reflète l'engagement de notre gouvernement à établir le cadre économique le plus solide possible pour garantir une croissance soutenue et des emplois. Nous encourageons aussi la recherche en finançant des domaines clés comme l'aérospatiale et la biotechnologie, qui sont des industries importantes pour Richmond et pour la Colombie-Britannique.

Pour assurer notre futur bien-être financier, il ne suffit pas de réduire les dépenses. Il faut aussi créer un environnement où l'entreprise puisse croître et créer des emplois. Le gouvernement fédéral joue un rôle important dans la création de cet environnement.


934

Nous devons faire en sorte que le régime fiscal soit à la fois juste et aussi simple que possible.

Les Canadiens veulent un régime qui encourage la croissance économique et la création d'emplois. C'est dans ce but que le ministre des Finances a annoncé, dans son budget de 1996, la création d'un comité technique pour envisager des moyens permettant au régime fiscal des entreprises canadiennes de contribuer à la création d'emplois. Étant donné la complexité de la tâche, le gouvernement a décidé d'entreprendre un examen des aspects de la loi de l'impôt qui touchent le plus la création d'emplois.

Ce comité technique envisagera des moyens d'améliorer le régime fiscal pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique; de simplifier l'imposition du revenu des sociétés pour en faciliter l'observation par les contribuables et l'administration; et de renforcer l'équité du régime fiscal en veillant à ce que toutes les entreprises participent au financement de la prestation des services gouvernementaux. Le comité étudiera également l'interaction entre le fardeau fiscal des sociétés-y compris l'impôt des sociétés, l'impôt sur le capital et l'impôt sur la masse salariale-et celui qu'assument les particuliers à l'égard de leurs revenus de placements.

La motion présentée par le député de Saint-Hyacinthe-Bagot met en cause l'intégrité des membres du comité technique sur la fiscalité des entreprises. Le ministre des Finances a réuni un groupe distingué et capable de professionnels qui s'attaqueront au mandat qui leur a été fixé. Le comité technique sera composé d'un groupe de personnes ayant des compétences de juriste, de comptable ou d'économiste dans le domaine fiscal.

Il est également important de se souvenir que le comité technique fera rapport au ministre des Finances plus tard cette année et qu'il y aura ensuite, après la publication du rapport, des consultations publiques. Le gouvernement a consulté les Canadiens avant ses trois budgets. Nous consultons les Canadiens sur les changements à apporter aux pensions publiques. Les Canadiens auront leur mot à dire sur le rapport du comité technique.

Il faut concevoir un régime fiscal des entreprises qui soit efficace et qui permette de créer des emplois. Il est temps de considérer soigneusement ces questions. Le premier objectif du comité technique devrait être d'identifier tous les obstacles à la création d'emplois qui sont dans le régime fiscal et de proposer des réformes. Tous nos efforts pour réduire les coûts, réduire le déficit, redéfinir le rôle du gouvernement et réformer le régime fiscal ont un but commun: la création d'emplois sûrs et valorisants pour les Canadiens. Tous les efforts du gouvernement, y compris le comité technique sur la fiscalité des entreprises, devraient être orientés vers cet objectif.

(1555)

Le vice-président: Aucun député de l'opposition ne se lève pour intervenir, je donnerai donc la parole au secrétaire parlementaire du premier ministre.

M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je croyais qu'un député de l'opposition voulait poser une question; j'aurais volontiers cédé la parole à l'opposition.

Je profite de l'occasion pour féliciter le député de Richmond, secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique. Il a bien décrit, pour la population canadienne, l'engagement du gouvernement à bien gérer le pays en se fondant sur une efficacité et une efficience accrues, la définition de priorités pour les Canadiens, de même que les initiatives qui mèneront à la création d'emplois. Je réitère donc mes félicitations.

Le député a indiqué que le gouvernement avait garanti que le financement des programmes de santé ne baisserait pas sous le plancher de 11 milliards de dollars par année. Peut-être pourrait-il élaborer davantage sur les répercussions de ce plancher, qui assurera la survie des cinq principes de l'assurance-maladie.

Le vice-président: Le secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique.

M. Chan: Monsieur le Président, il convient de noter que les paiements de transfert aux provinces pour les programmes sociaux comportent deux volets. Il y a d'abord les points d'impôt qui étaient transférés aux provinces par le passé, et puis les transferts de fonds.

Étant donné que les transferts globaux aux provinces ont été plafonnés et que les points d'impôt qui étaient transférés dans le passé continuent de s'accroître, la composante transferts de fonds va continuer de perdre de son ampleur. Selon les experts, les transferts de fonds vont être réduits à néant d'ici 10 ou 15 ans si on n'y voit pas.

Il est important pour le gouvernement de reconnaître que si les transferts de fonds disparaissent, il nous sera impossible d'influencer les provinces pour les amener à respecter la Loi canadienne sur la santé en vigueur. Voilà pourquoi il est si important pour nous de mettre un plancher à l'élément transfert de fonds aux provinces, afin de pouvoir conserver notre influence sur les provinces en ce qui concerne la prestation des services de santé.

Le vice-président: En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de The Battlefords-Meadow Lake-L'emploi; le député de Chicoutimi-Les édifices gouvernementaux.

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de cette motion.

J'ai été plutôt surpris de voir, hier soir, lorsque j'ai pris connaissance de la motion, que l'opposition officielle critiquait l'établissement du comité. On établit ce comité pour faire une chose que, selon moi, tous les députés souhaitent. Il va examiner la structure actuelle d'imposition des sociétés au Canada et formuler des recommandations sur la façon de l'améliorer, de la rendre plus efficiente et beaucoup plus utile pour tous les Canadiens.

Notre système d'imposition des sociétés doit être plus qu'un simple moyen de percevoir des recettes. Un système d'imposition


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efficace doit être conçu pour encourager l'expansion économique, favoriser la création d'emplois et stimuler l'activité économique.

On charge le comité d'examiner le système d'imposition des sociétés et de s'assurer que sa conception actuelle ne nuit pas à la création d'emplois. Lorsque le ministre des Finances a annoncé la création de ce comité technique dans son plus récent budget, il a précisé très clairement que son travail consisterait à faire le bilan de la situation, à examiner en profondeur le système actuel, à proposer des façons de l'améliorer et de le rendre plus efficace.

(1600)

Il est grand temps de le faire. Le dernier examen remonte à neuf ans. Cela fait beaucoup trop longtemps. Je pense que la plupart des des Canadiens et des députés s'entendent sur la nécessité de veiller à ce que le fonctionnement du gouvernement soit le plus efficace possible.

Je vais laisser de côté la question de savoir si oui ou non les impôts des sociétés sont assez élevés et si elles versent leur juste part. De façon générale, les gens veulent s'assurer que l'administration de la perception des impôts au Canada est efficace, qu'elle est la moins coûteuse possible et que le gouvernement utilise le moins de deniers publics possible pour effectuer ces tâches.

C'est là l'objectif de ce comité technique. Il s'agit de s'assurer que nous procédons de façon plus efficace et que nous ne gaspillons pas inutilement des ressources en administration.

J'ai été très surpris par le libellé de la motion que l'opposition officielle a présentée. Elle semble laisser entendre qu'il ne convient pas de laisser les gens les plus compétents et les plus versés dans ce domaine examiner le problème qui se pose. Si un aspect technique nous préoccupe, comme la structure de l'impôt sur le revenu des sociétés au Canada, il est logique que, dans notre étude initiale, nous demandions l'aide de personnes qui ont une bonne formation universitaire et qui possèdent une bonne expérience pratique et une bonne compréhension du régime fiscal.

Il n'est pas très logique de rechercher des personnes qui ne comprennent pas le régime et qui sont incapables de se pencher sur certains des problèmes. Il est tout à fait logique de rechercher des experts en la matière. J'ai presque l'impression que les députés d'en face sont préoccupés parce que nous n'avons pas choisi leurs experts, leurs gens à eux. Ils s'en plaignent. C'est comme s'ils disaient: Si vous ne voulez pas jouer à la balle à notre façon, nous allons retourner chez nous avec la balle. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Les personnes qui ont été choisies pour siéger à ce comité sont très bien informées. J'ai une liste de ces personnes. En parcourant cette liste, vous pourrez constater que ces personnes ont d'excellentes références. Elles comprennent le régime fiscal. Elles comprennent comment le régime fonctionne actuellement et peuvent présenter des recommandations très solides sur la façon de l'améliorer.

Il faut également préciser que les personnes qui siègent à ce comité technique n'auront pas le dernier mot. Ce ne sont pas elles qui établiront la politique. Elles ne reviendront pas nous dire ce qu'il faudra faire. Ce n'est pas là l'objectif.

C'est le début d'un processus qui, je l'espère, aboutira à des changements très concrets qui rendront le régime moins coûteux à gérer sur le plan administratif, qui le rendront simple et équitable. Ce qui est encore plus important, le processus mènera à la mise en place de bonnes conditions économiques, ce qui aboutira à la création de plus d'emplois.

Il est important de comprendre qu'il s'agit du début du processus. Il s'agit simplement d'une occasion de demander à des experts dans le domaine de jeter un coup d'oeil au problème et de présenter des solutions de rechange éventuelles.

(1605)

Le gouvernement obtiendra alors les vues des Canadiens en tenant un débat public sur la question. En tant que Canadiens et parlementaires agissant individuellement ou en groupes, nous aurons alors l'occasion de prendre connaissance de l'étude et de certaines des recommandations, et nous aurons un débat public.

Nous serons en mesure de discuter et de déterminer, par exemple, si les entreprises assument leur juste part des impôts en comparaison des particuliers. Est-ce que le régime fiscal permet de prendre des mesures pour stimuler l'investissement ou la création d'emplois? Les choix possibles sont-ils appropriés?

Les députés pourront avoir un débat public sur tout cela. Mais auparavant, le ministre a parfaitement raison de proposer qu'un comité technique examine le régime actuel, l'étudie en profondeur et cherche des moyens pour le rendre plus équitable et plus simple. En parcourant la liste de ceux qu'il a nommés à ce comité, on constate qu'il y a des gens très compétents et expérimentés qui pourront s'acquitter de leurs fonctions avec assurance.

L'idée de former ce comité et le choix de ses membres traduisent vraiment l'approche que le ministre des Finances a adoptée dans tout son budget. Il a procédé d'une façon équilibrée. Il a refusé de s'en tenir à un seul aspect de ses responsabilités à l'égard du budget et il a réussi à tenir compte de l'ensemble de la question, sans rien omettre.

Le budget comporte des mesures pour réduire le déficit. Il faut absolument le faire au Canada. Il y a des mesures pour créer des emplois. Il faut stimuler la création d'emplois. Le gouvernement veut et doit définir des domaines précis pour y parvenir, surtout pour remédier au chômage chez les jeunes. Le gouvernement s'efforce d'aider les plus démunis de notre société.

Le ministre a adopté une approche très constructive et très vaste, comme le démontre la création du comité technique. Il comprend


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que la réforme de la fiscalité des entreprises fait problème. Il refuse de s'y attaquer à la légère et il part du début.

Il commence par prendre connaissance des faits et cerner les difficultés. C'est précisément la tâche du comité technique. Je suis heureux qu'il forme ce comité. J'ai confiance dans les gens qu'il a nommés. Ils accompliront du bon travail. J'ai hâte de lire et de débattre leur rapport.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais mentionner que ce que nous demandons, dans le fond, c'est une réforme de la fiscalité. Nous le demandons depuis que le Bloc est ici. On sait qu'il y a un besoin urgent de faire une réforme en profondeur de la fiscalité.

Ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la manière dont le ministre des Finances a proposé de faire une réforme de la fiscalité, soit en nommant des amis du régime libéral qui, probablement, à la fin, lorsqu'ils feront leur rapport, présenteront un rapport qui conviendra très bien au gouvernement en place.

Ce n'est pas cela la réforme de la fiscalité. Il faut que ce soit une réforme beaucoup plus ouverte. Il faut que les députés de l'opposition, des deux et même des trois partis de l'opposition, fassent partie de ce comité pour s'assurer qu'il y ait une réforme de la fiscalité équitable pour tout le monde.

Pour vous donner quelques exemples, comment se fait-il qu'on impose encore des gens qui gagnent environ 6 500 $? On taxe ces gens. Les gens sont déjà pauvres avec 6 500 $ et on leur fait payer de l'impôt. Il est grand temps qu'on rehausse les barèmes de calcul de l'impôt, au lieu de taxer ces pauvres gens et ensuite leur retourner des chèques pour démontrer qu'on est indispensables vis-à-vis de la population. Il faudrait regarder cela rapidement pour faire en sorte que ce soit plus équitable.

Est-ce qu'on devrait augmenter la TPS? Peut-être. Est-ce qu'on devrait augmenter les chèques de retour de la TPS pour les gens les plus pauvres? Peut-être que cela aussi il faut le faire. Je ne le sais pas, mais c'est le genre de choses qu'il va falloir étudier en profondeur.

(1610)

Bien sûr, il y a les abris fiscaux qu'il y a sûrement lieu de revoir sérieusement, sans affecter la compétitivité de nos entreprises, mais il faut s'assurer que nos entreprises paient leur juste part en ce qui concerne ces abris fiscaux. Nous demandons depuis des années une réforme en profondeur de la fiscalité.

Maintenant que ce gouvernement est au pouvoir, tout ce qu'il fait c'est de nommer une espèce de club privé, club privé composé des amis du régime, ce qui aura comme résultat de présenter un rapport qui conviendra très bien au gouvernement. Ce n'est pas ce qu'on demande, et je crois que le député devrait s'expliquer, parler clairement, dire la vérité à la population, expliquer vraiment son intention. Est-ce que son intention est de faire vraiment une réforme ne profondeur de la fiscalité ou de nommer un club privé d'amis du régime qui présentera un rapport qui conviendra au gouvernement actuel?

[Traduction]

M. Mitchell: Monsieur le Président, je vais répliquer à deux des observations qu'a faites le député.

Si on examine bien honnêtement la liste des membres du comité, sans faire de grands discours ni essayer de marquer des points, on y verra un groupe de personnalités éminentes dont la compétence est reconnue dans le domaine qu'elles sont invitées à examiner. C'est leur rendre un mauvais service que de laisser entendre que ces personnalités sont en quelque sorte des laquais du gouvernement. J'ai beaucoup de respect pour les personnes qui figurent sur la liste. Je suis convaincu qu'elles s'acquitteront bien de leur tâche.

Les députés d'en face disent souhaiter une réforme de la fiscalité; il n'y a sûrement personne à la Chambre qui ne soit pas d'accord avec eux sur ce point. La plupart des Canadiens sont probablement d'accord. Il y a cependant un processus à suivre.

Quand je travaillais dans le secteur privé et qu'il y avait une importante décision à prendre, je ne me mettais pas tout simplement, comme ça, à imaginer ce que j'allais faire. Ce qu'il fallait faire, et ce que fera le gouvernement, c'est rassembler les faits, l'information, et se former ensuite une opinion. C'est ce que le comité va faire.

Le comité représente le début d'un processus de collecte d'information, de sorte que, tout comme dans le secteur privé où la prise de décisions est basée sur l'information, les parlementaires puissent tenir un bon débat, solide et bien informé avant de prendre de bonnes décisions, parce que nous aurons pris soin de recueillir les faits afin de bien nous acquitter de notre travail. Voilà de quoi il s'agit. C'est pourquoi je félicite le ministre des Finances d'avoir pris cette initiative.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir en Chambre aujourd'hui sur la motion de l'opposition concernant la dénonciation que l'on fait de la formation d'un comité technique par le ministre des Finances, qui soit chargé d'analyser la fiscalité des entreprises. On dénonce que ce comité soit constitué de membres qui sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises, et on pense que le ministre devrait plutôt former un comité conjoint d'experts et de parlementaires.

Pourquoi présente-t-on cette motion? Il est évident que l'on ne se plaint pas qu'il y ait une révision de la fiscalité dans l'air. Il y a longtemps que le Bloc québécois la demande et cela nous apparaît essentiel, d'autant plus que les citoyens nous la demandent aussi. Quand on va dans nos circonscriptions, les gens nous disent: «Les entreprises, est-ce qu'elles font leur part actuellement dans la fiscalité? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'ajuster les choses pour que, par rapport à la création d'emplois, elles soient plus efficaces?» Le problème de l'action du gouvernement, c'est qu'il met la charrue devant les boeufs. La fiscalité c'est un outil, ce n'est pas une fin en soi. Chaque mesure fiscale, à mon avis, doit résulter d'une volonté politique. Ce n'est pas juste un jeu mécanique de tuyauterie.


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(1615)

Je vais vous donner comme exemple le crédit d'impôt en recherche et développement. C'est quelque chose d'intéressant à cause du fait qu'il a un impact positif sur la productivité. Mais en même temps, à mesure qu'il est mis en place et qu'il est opérationnel, on se rend compte qu'il peut aussi y avoir des impacts négatifs sur la baisse de l'emploi pour les travailleurs non spécialisés.

Il y a donc des choix à faire qui ne sont pas des choix techniques mais qui sont des choix politiques, et le fait que le ministre se limite, dans sa formation de comité, à des juristes, à des comptables, à des économistes spécialisés en fiscalité, je pense qu'il rétrécit le débat, faisant en sorte que l'on ne pourra pas avoir vraiment le réel débat que les Québécois et les Canadiens peuvent vouloir avoir dans ce domaine-là.

On a besoin d'une réflexion politique préalable à cela, et pour ce faire, cela prend, à mon avis, deux types de personnes supplémentaires au comité. On parle de parlementaires, de gens qui peuvent prétendre représenter les citoyens, qui peuvent amener des idées qui leur ont été suggérées par les citoyens de tout ordre.

Quelqu'un dans mon comté disait: Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen à trouver pour que les robots, finalement la nouvelle technologie, soient taxés, de telle façon que le gain de productivité qu'ils assument puisse revenir aux travailleurs qui peuvent avoir été déplacés suite à l'arrivée d'une nouvelle technologie? Ce sont des parlementaires qui peuvent apporter ce genre d'argument. Ce n'est certainement pas des experts en fiscalité qui, eux, ont une bonne compétence dans le domaine fiscal, ont une pratique du passé, sont souvent là pour défendre la façon dont les choses ont été faites, et sont souvent à la source aussi de la complexité actuelle que l'on retrouve dans le régime. Parce que s'il y a un élément que les gens veulent, c'est qu'il faut absolument que le débat sur la fiscalité se fasse dans la transparence.

On aura beau monter le plus beau système fiscal, si les citoyens ne s'y retrouvent pas, s'ils n'ont pas l'impression qu'il y a de l'équité dans ce régime, bien, on va avoir passé à côté de notre objectif, et c'est un peu ce que le comité, formé actuellement par le ministre, va avoir comme résultante. C'est que même avec les plus belles recommandations, le ministre va avoir de la misère à assurer sa crédibilité du fait qu'il n'y aura pas de représentants là, des parlementaires, et des spécialistes d'autres secteurs.

Pourquoi, dans un dossier de fiscalité, on n'aurait pas aussi des gens qui sont des spécialistes en emploi, des gens qui pourraient venir apporter un autre coup d'oeil que celui des fiscalistes eux-mêmes, que celui des comptables, finalement, des juristes, pour amener complètement une autre expérience? On voit présentement au Québec qu'il y a une démarche dans ce sens-là qui a été menée, notamment au niveau de l'aide sociale, et cela nous a permis d'avoir des idées différentes, des visions différentes de la façon dont il faut traiter ces choses-là.

C'est effectivement très différent, ce que le gouvernement fédéral fait de ce que le Québec est en train de faire. À Québec, présentement, on a assis autour de la table tous les intervenants sociaux, tous les intervenants économiques du Québec pour définir où on voulait aller. Je pense que de ça pourra découler des comités techniques, et ce serait souhaitable. Mais ici au fédéral, on a décidé de fonctionner à l'envers, de former le comité technique et, ensuite, d'aller en consultation. Cela ne m'apparaît pas approprié par rapport aux objectifs que ce comité s'est donné.

Rappelons-le, le but du comité est d'analyser comment la fiscalité pourrait promouvoir la création d'emplois et la croissance économique, comment on pourrait simplifier la fiscalité, comment on pourrait renforcer l'équité du régime. Est-ce que ce sont des gens qui ont travaillé à élaborer le régime actuel qui sont des experts dans le domaine fiscal? Est-ce qu'ils sont les mieux placés pour avoir un coup d'oeil de simple citoyen sur ces choses-là? Je pense que leur expertise pourrait être mise en contribution, mais après une première étape, on devrait faire une consultation pour connaître vraiment les projets des gens sur ces différentes choses-là.

Je pense aussi que cette démarche technique devrait être précédée d'un débat politique sur ce que privilégie le gouvernement. Quels sont les objectifs que le gouvernement se donne en termes d'utilisation de la population active en emploi? Autrement dit, quels sont les taux de chômage que le gouvernement serait prêt à fixer et qu'il se donnerait comme objectif d'atteindre pour diminuer le chômage et permettre une meilleure utilisation des ressources humaines? Est-ce que le gouvernement est prêt à faire des choix de critères d'évaluation de l'efficacité de son gouvernement, de la société canadienne, sur autre chose que seulement le Produit intérieur brut ou le niveau d'exportation? Est-ce que le gouvernement est prêt à dire qu'un des critères qu'il va évaluer pour voir si nous sommes efficaces, c'est l'utilisation de la population active?

Est-ce qu'il a une vision du développement où on va dépasser la simple loi du marché pour s'assurer qu'il y aura une utilisation du territoire et des gens? Parce que cela a un lien direct avec la fiscalité.

(1620)

Si on veut que le Canada se développe et que chacune des régions se développe de façon autonome, il faut qu'on ait des mesures fiscales qui correspondent à cela. Il faut qu'il y ait des choix politiques à la source de cela. Ce n'est pas un comité technique qui permettra de réaliser cet objectif. Il va plutôt avoir tendance à multiplier son action antérieure.

En conclusion, après avoir fait cette démarche de débat politique pour savoir ce que les Québécois et les Canadiens veulent, on pourra étudier de façon technique comment s'organiser pour que la fameuse problématique des paradis fiscaux disparaisse. N'y aurait-il pas moyen de réviser les conventions fiscales pour atteindre cet objectif? Est-ce que, sur la question des fiducies et des avoirs en territoire étranger, on ne pourrait pas, rapidement, mettre d'avant le principe qu'il faut que ce soit le revenu mondial du citoyen canadien qui soit considéré par rapport à l'impôt pour être certain que lorsqu'il paie son impôt, il le fasse sur l'ensemble de ses revenus?

En ce qui concerne les dépenses fiscales, par exemple les crédits d'impôt à l'investissement, l'exonération de 500 000 $ sur les gains en capital, le taux préférentiel pour les petites entreprises, les impôts reportés, il faut être capable d'évaluer toutes ces choses à travers le prisme de l'emploi, et c'est ce qui a été soulevé par les jeunes du Québec qui ont dit qu'il fallait regarder toute la question


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de la fiscalité pour voir de quelle façon elle peut leur assurer un avenir.

Pour faire cela, il faut dépasser le comité technique, il faut avoir un débat politique. Je pense que le gouvernement devrait revenir sur sa position actuelle et s'assurer qu'il y aura des parlementaires, qu'il y aura d'autres experts qui s'ajouteront à ceux qui sont là présentement, pour qu'on fasse le travail le plus rapidement possible et pour que, lors d'un prochain budget, il puisse vraiment y avoir des mesures fiscales qui permettront d'avoir autre chose que le budget fade qu'on a eu la dernière fois.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai bien écouté les commentaires du député d'en face. Je voudrais simplement faire quelques commentaires avant de poser une question. Je ne sais pas si le député est au courant du fait que ce qui est proposé par le gouvernement, c'est vraiment le point de départ de notre méthode de formuler le processus par lequel, d'ici un an, on aura un autre budget.

Bien que j'aie trouvé certains des commentaires du député très intéressants, j'aimerais qu'il me dise s'il n'est pas d'avis, comme moi, que l'endroit où il peut le mieux mettre ses paroles en oeuvre, c'est vraiment au sein du comité parlementaire de la Chambre des communes. Étant donné cela, ne convient-il pas que ses commentaires, même s'ils sont très intéressants, ont une option, et cette option, c'est le comité parlementaire des finances?

M. Crête: Monsieur le Président, je suis assez étonné d'entendre le député dire qu'après deux ans et demi de gouvernement, c'est un point de départ sur la fiscalité. Franchement, vous êtes sérieusement en retard.

Le Bloc québécois, les autres partis, les citoyens du Québec et du Canada demandent depuis très longtemps qu'il y ait une réforme de la fiscalité. On aurait pu s'attendre, dans ces années-ci, à ce que la réflexion soit déjà faite là-dessus et qu'on ait déposé, dans le présent budget, une réforme réelle de la fiscalité après une participation des parlementaires, et ça n'a pas été fait. C'est pour cela que l'étape du comité technique, à ce moment-ci, me semble bien pauvre et bien peu significative par rapport aux efforts réels auxquels on pouvait s'attendre.

Quant au fait de faire faire le travail par le comité de la Chambre, c'est sûr qu'on peut faire des propositions dans un comité, mais en termes d'efficacité, est-ce que ça n'aurait pas été mieux, justement, d'en profiter pour que le comité soit mixte et qu'il y ait des échanges d'idées tout de suite entre les parlementaires et les experts, afin d'aller quelque part avec ça?

Là, un comité va travailler pendant quelques mois pour proposer des choses; pendant ce temps, le comité parlementaire, à côté, fera des propositions qui iront complètement à l'encontre. Donc, on aura travaillé pour rien de chaque côté. Je pense que ce qui serait plus sérieux de la part du gouvernement, ce serait d'en venir à la proposition de l'opposition et de dire: «Oui, il va y avoir un comité mixte, il va y avoir des réflexions intensives et on va s'assurer que le résultat soit mis sur la table rapidement et qu'il apparaisse dans les choix budgétaires du gouvernement l'année prochaine.» Ainsi, on serait certains de se sortir de cette demande de réforme de la fiscalité qui est sur la table depuis très longtemps, qui est demandée par les citoyens et qui, présentement, donne une image très inéquitable de l'action du gouvernement fédéral.

(1625)

On dit partout aux citoyens: «Est-ce que chacun fait vraiment sa part présentement.» Ce n'est pas un comité technique comme celui-là qui va permettre aux citoyens d'évaluer si, effectivement, on demande à chacun de faire sa part, s'ils contribueront tous à permettre une plus grande création d'emplois. Est-ce que les entreprises, présentement, quand elles font leur choix, tiennent compte des impacts sur l'emploi de leurs décisions? Ces choses-là ne sont absolument pas solutionnées par le comité actuel, et j'espère que le gouvernement en prendra note.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je suis extrêmement heureux de participer à cette journée d'opposition que nous avons voulu réserver pour parler d'un sujet qui me semble extrêmement important et qui est extrêmement préoccupant pour tous les parlementaires qui croient encore à la justice sociale et qui sont convaincus qu'il ne faut pas se satisfaire du statu quo.

Vous me permettrez de rappeler que nous proposons de discuter de fiscalité, de revoir en profondeur à la fiscalité. On ne se contentera pas de demi-mesure dans un contexte où nous devons avoir présentes à l'esprit trois données de base.

La première donnée de base-et je voudrais les dédier à mon bon ami, le député de Longueuil-réside dans le fait que, à l'instant où on se parle, quand on analyse les recettes fiscales du gouvernement, pas le Produit intérieur brut mais les recettes fiscales du gouvernement, on constate que les entreprises sont mises à contribution pour 11,8 p. 100 des recettes fiscales que le gouvernement fédéral perçoit. Et les particuliers, dont vous êtes, paient pour 60 p. 100 des impôts des recettes fiscales que le gouvernement perçoit.

Donc on peut certainement poser comme prémisse qu'on n'est pas, dans la société canadienne, dans un contexte où on peut penser que que les corporations ont donné le plein rendement de ce qu'elles peuvent faire pour le trésor public.

Voici la deuxième variable, la plus importante sans doute. On est dans un contexte, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, on n'imagine pas cela sur un plan individuel, on ne tolère pas cela sur un plan individuel, mais c'est quelque chose de possible sur un plan corporatif. Il y a, à l'instant où on se parle, 40 000 entreprises qui font des profits. On ne parle pas du petit dépanneur du coin à l'égard duquel on va acheter des May West avant de se coucher le soir, on parle d'entreprises rentables qui font des profits. Il y en a 40 000 qui ne paient pas d'impôt et on connaît les entreprises qui ne paient pas d'impôt.

Si un collègue voulait vraiment soulever une question de règlement un peu plus tard pour m'inviter à déposer des chiffres, je serais prêt à le faire parce que c'est le professeur Lauzon de l'Université du Québec à Montréal qui a étudié tout cela.

Troisième variable-et je sens que les collègues s'énervent un peu autour des Swiss Roll-tout aussi importante, nous sommes appelés à discuter de fiscalité dans un contexte où il y a des gens et des corporations qui se sont enrichis démesurément. Nous ne devons jamais oublier que, lorsque nous nous levons en cette Cham-


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bre, il y a des entreprises qui ont fait des profits démesurés. L'exemple auquel je veux référer est nécessairement celui des banques.

On ne peut pas imaginer que les six grandes banques à charte du Canada ont réalisé, pour la seule année 1994-1995, des profits de l'ordre de 5,8 milliards. Cela survient dans un contexte où, à l'intérieur des banques, qui sont quand même des citoyens corporatifs très importants, jamais les profits n'ont été aussi élevés mais dans un contexte de rationalisation intense où non seulement les banques s'enrichissent, mais elles font des mises à pied spectaculaires.

Alors je crois que ce sont les trois prémisses qui convainquent bien l'opposition qu'on a abordé un problème réel en demandant au Parlement de se pencher sur cette question.

Je vais le dire tout de suite, je ne suis pas quelqu'un qui croit que ce n'est pas légitime dans la société de faire des profits. Je ne suis pas quelqu'un qui va tenir le discours que tenait, par exemple, des travaillistes britanniques au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale qui voulaient que l'on nationalise des banques.

(1630)

J'admets que dans notre système, il est souhaitable et légitime que des individus investissent et fassent des profits. Mais je crois qu'on est rendus à un point de non retour où il y a vraiment dans la population canadienne et la population québécoise la conviction que quelque chose d'illégitime est en train de s'enraciner. Ce quelque chose d'illégitime tient au fait qu'il y a un sentiment que des citoyens ne font pas leur part, qu'ils ne donnent pas leur juste part au Trésor public.

Je voudrais lancer un défi à la majorité ministérielle. La tentation est forte de le lancer au député d'Outremont. Imaginez-vous que le député d'Outremont, un homme de droit, courtise maintenant, comme ce n'est pas permis de le faire, la communauté des affaires. Lui qui est à une période de sa vie où il découvre la communauté des affaires, de par les responsabilités que le premier ministre lui a confiées, et j'en profite d'ailleurs pour le féliciter, je voudrais lui lancer le défi suivant: imaginez-vous qu'aux États-Unis, qui est quand même une terre assez fertile pour les entreprises, il existe une loi adoptée par le Congrès depuis 1977 qui s'appelle le Community Reinvestment Act. Cette loi-là est vraiment extraordinaire et doit nous inspirer, comme parlementaires, parce qu'elle fait en sorte que des organismes de réglementation évaluent les banques.

Il y a quatre organismes que je me permettrai de les citer pour la pédagogie du député d'Outremont. Il y a le Board of Governors of the Federal Reserve System, le Federal Deposit Insurance Corporation, le Director of the Office of Thrift Supervision et le Comptroller of the Currency.

Aux États-Unis, il y a une loi qui fait que les banques, lorsqu'elles procèdent à de l'expansion, à des opérations de fusion inter-États, sont évaluées par les quatre organismes de surveillance dont j'ai parlé. On évalue comment ces banques ont rendu le crédit disponible dans leur communauté immédiate.

Je représente une communauté relativement défavorisée. Il y a des gens dans ma communauté qui n'ont pas les moyens d'avoir un compte bancaire. Est-ce qu'on ne pourrait pas nous, comme parlementaires au Canada, se préoccuper de l'effort que les banques doivent faire dans leur communauté d'appartenance?

L'effort qu'on pourrait leur demander serait de revoir la disponibilité de crédit. Non seulement que la disponibilité de crédit puisse être revue-je n'entends pas le député d'Outremont, mais je le sens impatient de me poser une question et je meurs déjà d'envie de lui répondre-mais qu'il s'établisse des partenariats entre le milieu bancaire et les milieux défavorisés. C'est quelque chose qui est à notre portée.

Le député d'Outremont fréquente à l'occasion le Comité de l'industrie, pas avec l'assiduité qu'on lui a connue, mais il lui arrive de temps en temps de faire des interventions toujours remarquées. Le paradoxe réside dans le fait qu'en comité, nous avons étudié pendant deux ans le lien entre les banques et les petites et moyennes entreprises, sans jamais questionner la notion de profit, et sans jamais s'intéresser sur la façon dont les six grandes banques à charte du Canada pourraient s'y prendre pour jouer un rôle plus actif dans les communautés où elles sont implantées. Ce faisant, elles contribueraient à une fiscalité plus équitable.

Je crois vraiment que si nous voulons faire oeuvre sérieuse, il y a quelque chose de très important à envisager. Je pourrais même donner une primeur au député d'Outremont en lui disant que si le hasard me favorise, la tentation est forte de présenter un projet de loi privé qu'il pourra très bien appuyer en sa qualité de député, voire même de ministre.

Laissez-moi vous donner un exemple de ce que le Community Reinvestment Act a amené aux États-Unis. En 1985, un accord a été conclu entre le Boatmen's National Bank of St. Louis et l'Association of Community Organizations for Reform Now. Cela a fait que l'institution bancaire concernée a accepté de rendre disponibles des facilités, des modalités pour les prêts hypothécaires et l'amélioration résidentielle.

(1635)

Monsieur le Président, cela a fait en sorte que l'on a permis qu'il y ait des frais d'administration moindres pour les communautés défavorisées. Lorsque je pense à la fiscalité, c'est à ce genre d'entreprise que j'ai le goût de souscrire. Vous ne pourrez pas compter sur moi pour tenir un discours désincarné pour condamner ceux qui font des profits, mais je serai toujours présent dans les débats pour inviter les gens qui font des profits à ne jamais oublier qu'ils le font à partir d'une communauté, et leur communauté environnante, et qu'il est très important qu'ils aient le souci de distribuer autant, au moins que ce qu'ils sont capables de prévoir.

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté les commentaires de l'honorable député. Permettez-moi de préciser certaines choses quant à la question relative au milieu bancaire. Vous savez que le milieu fait déjà l'objet, présentement, d'une surtaxe. Et le milieu bancaire aussi doit vivre au rythme de l'économie, non seulement nationale mais de l'économie internationale, et en ce sens le milieu bancaire est appelé à effectuer le même virage économique que l'ensemble des pays membres du G-7 un peu partout à travers le monde sont appelés à effectuer. En ce sens, on est en train de passer d'un système bancaire qui maîtrise bien ce qu'on appelle le tangible, les valeurs immobilières, les


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valeurs mobilières, à un système bancaire qui travaillera beaucoup mieux avec ce qu'on appelle l'intangible.

Pendant ce temps, le Bureau fédéral de développement régional du Québec, que je dirige, s'affaire avec les institutions financières à créer des fonds qui offrent du financement sur une base de capital patient pour faire en sorte, justement, que la PME qui oeuvre dans un domaine de haute technologie puisse avoir accès à du financement rapidement, le temps que les institutions financières régulières puissent effectuer le virage.

Deuxièmement, je pense que les banques font largement leur part en travaillant conjointement avec le Bureau fédéral. Mais beaucoup mieux que ça, je m'aperçois, suite à une tournée de deux semaines dans la province de Québec, qu'il y a des organismes qui se sont constitués partout au Québec et qui prennent en charge le développement économique au niveau régional, qui prennent le temps de cibler les priorités de chacune des régions. Cela démontre le goût du partenariat et cela démontre également ce que peut mettre en oeuvre le partenariat quand on y croit et qu'on adopte vraiment l'idée de travailler ensemble.

Permettez-moi de conclure en mentionnant un organisme que connaît très bien l'honorable député, l'organisme Prouesse que j'ai rencontré dernièrement, qui a pris en main le développement économique de l'est de Montréal, qui a ciblé certains secteurs prioritaires, que l'on pense à la pétrochimie, au plastique, au caoutchouc. Ils sont en train de bâtir sur ces réalités économiques, sur ces forces économiques qu'a su développer au fil des ans l'est de Montréal.

M. Ménard: Monsieur le Président, on aurait été très surpris que le ministre ne réfère pas au Bureau fédéral de développement régional, on ne peut pas lui en vouloir. Je crois que le député admettra avec moi que nous allons vivre, de ce côté-ci de la Chambre comme de son côté, des pressions énormes pour revoir la fiscalité, et ça ne peut pas susciter l'adhésion de dire que les banques sont soumises au jeu de la concurrence internationale et qu'elles vivent des pressions. Certes, c'est vrai, mais ce n'est pas le test à partir duquel nous devons les juger. Le fait demeure qu'au cours des deux dernières récessions, il y a deux secteurs industriels qui ont fait des profits qui peuvent certainement apparaître comme démesurés.

Le premier secteur est celui de l'industrie pharmaceutique, et nous y reviendrons. Le deuxième secteur est celui de l'industrie bancaire. Ce n'est pas une tare de faire des profits, il y a plusieurs députés qui sont tout à fait d'accord avec cette affirmation, mais on est à une époque où on a l'obligation lorqu'on fait des profits d'être un bon citoyen corporatif, et ce n'est pas évident. Le député a référé à différents partenaires plus locaux comme les corporations de développement économique, Prouesse, qui eux ont fait le virage du partenariat. Je serais tenté de rappeler au député que nous chercherions en vain des exemples de banques qui s'impliquent à des niveaux vraiment significatifs dans leur communauté.

(1640)

Les gestes qui sont posés sur le plan de la philanthropie, les gestes qui sont posés sur le plan de l'implication sont encore à la

marge. Le sens de mon intervention et du projet de loi, si jamais je pousse l'audace jusqu'à le déposer, est de faire en sorte justement que les banques soient animées par la logique qui habite d'autres intervenants comme les corporations de développement économique communautaires qu'affectionne particulièrement le député et qui deviennent partie prenante du développement économique.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, il se peut que partage mon temps de parole avec le député de Bramalea-Gore-Malton, mais pas nécessairement à parts égales.

Le Président: Vous allez devoir vous entendre là-dessus.

M. Szabo: Monsieur le Président, le 6 mars, le ministre des Finances a présenté son budget de 1996-1997. Un élément très important du budget était une proposition qui ne faisait pas partie des modifications budgétaires: la mise sur pied d'un comité technique afin d'étudier la fiscalité des entreprises.

Il y a eu un large débat à la Chambre, dans tout le Canada et surtout aux États-Unis, où les primaires se déroulent en ce moment, sur des questions comme l'impôt uniforme sur le revenu des entreprises et des particuliers. Il s'agit ici d'une consultation technique beaucoup plus poussée.

À propos du mandat du comité, le ministre des Finances a dit ceci que les Canadiens veulent que leur régime fiscal prélève les recettes de manière équitable et simple et qu'ils veulent encourager la croissance et la création d'emplois. Comme il est complexe de concilier ces objectifs, le gouvernement du Canada a décidé d'entreprendre un examen des aspects de la législation fiscale qui touchent le plus la création d'emplois.

Le ministre des Finances a nommé un comité technique composé de dix spécialistes, sauf erreur. Aujourd'hui, nous discutons une motion de l'opposition bloquiste qui porte sur ce comité technique. La motion se lit comme ceci:

Que la Chambre dénonce que le comité technique mis sur pied par le ministre des Finances chargé d'analyser la fiscalité des entreprises soit un comité constitué de membres qui sont à la fois juges et parties dans la réforme de la fiscalité des entreprises; et que devant cet état de fait, le ministre des Finances devrait mettre sur pied un comité conjoint d'experts et de parlementaires qui examinera, de façon impartiale et dans le cadre d'un processus ouvert et transparent, la fiscalité des entreprises.
La motion proposée par le Bloc québécois comporte deux ou trois éléments dont je tiens à parler. Il a été amplement démontré au cours du débat que les bloquistes veulent surtout dénoncer le conflit d'intérêts ou le compromis concernant certains membres du comité.

En fait, un intervenant du Bloc est même allé jusqu'à nommer un membre du comité mis sur pied par le ministre des Finances,M. Robert Brown, de Price Waterhouse. Je tiens à parler tout d'abord de cela, car je connais M. Brown. En tant qu'un des deux comptables agréés à siéger à la Chambre des communes en cette 35e législature, je me dois de défendre ma profession chaque fois que je le peux.


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J'ai rencontré M. Brown au cours de mon stage d'études chez Price Waterhouse et j'ai travaillé avec lui pendant un certain nombre d'années. Il se trouve que c'était l'un des fiscalistes les plus remarquables et les plus respectés du Canada. Tout le monde savait qui était Bob Brown.

Si les députés veulent seulement s'en donner la peine, ils comprendront qu'une multinationale de comptables agréés ayant des affiliations internationales compte des concurrents au sein même de sa clientèle. Comment se fait-il qu'une entreprise de comptables agréés puisse se prononcer sur des énoncés financiers, fournir des conseils et représenter non seulement une, mais deux sociétés pétrolières? Y a-t-il là un conflit d'intérêts? Certes, cela ne serait pas possible sans règles du jeu ni code de déontologie. Une entreprise de comptables agréés est assujettie à des règles en matière de confidentialité et de conflit d'intérêts. Les gens qui travaillent sur certains dossiers ne travaillent pas sur d'autres.

(1645)

Le cabinet, dans son ensemble, a une responsabilité professionnelle envers toute la profession parce que c'est cette dernière qui a établi une série de normes et un code d'éthique. L'Institut canadien des comptables agréés a publié un manuel qui sert de guide à tous les comptables non seulement en ce qui concerne leur conduite, mais encore en ce qui a trait aux règles régissant l'évaluation de divers documents, comme les états financiers.

Les Canadiens et la communauté internationale s'attendent des comptables qu'ils maintiennent un certain professionnalisme. Les normes sont si strictes que seulement 37 p. 100 des étudiants en comptabilité qui ont passé leur examen final l'an dernier ont réussi à les respecter. La profession est très fière de ses normes très strictes. Nous sommes là fondamentalement pour assurer le professionnalisme et l'intégrité des comptables agréés et veiller à ce que rien ne vienne jeter un discrédit sur la profession.

En vertu des règles des comptables agréés sur la conduite professionnelle, si vous êtes, comme moi, membre de l'institut et que vous prenez connaissance d'un fait lié à un autre membre susceptible de nuire à la profession ou de jeter le discrédit sur celle-ci, vous êtes professionnellement tenu d'attirer l'attention d'un comité de l'Ins-titut canadien des comptables agréés sur cette question et de le laisser faire une enquête à cet égard. Si vous ne le faites pas et qu'il est déterminé plus tard qu'il y avait un problème et que vous ne l'avez pas signalé, vous pourriez être tenu également responsable de la faute.

En ce qui concerne l'intégrité des comptables et la question de savoir s'ils peuvent être membres d'un comité technique même si leur entreprise, une entreprise internationale, fait affaire avec des clients qui profitent de certains avantages fiscaux aujourd'hui, les personnes en cause peuvent quand même, en tant que professionnels, s'occuper honnêtement, équitablement et de manière tout à fait crédible de sujets sur lesquels le ministre des Finances leur a posé des questions relativement à l'imposition des sociétés.

La deuxième question a trait à la question de savoir s'il faut considérer que l'établissement de ce comité technique bouleverse le processus et s'il faut que des parlementaires y participent, ce qui est insinué dans cette motion. Il est fondamentalement dit que nous ne pouvons pas confier cette responsabilité à ces gens de l'extérieur. Nous devons avoir la main haute. Il ne fait pas de doute que nous avons et que nous aurons la main haute sur le processus.

Cependant, comme dans toutes choses, à moins qu'il n'y ait une motion sur la table et un sujet de discussion bien précis, ce sera le chaos. Dans le cas qui nous occupe, le ministre des Finances a dit, essentiellement: «Établissons un comité technique. Je veux que les personnes les plus compétentes analysent objectivement la situation actuelle. Je veux qu'il y ait parmi les spécialistes non seulement des experts-comptables, mais aussi des représentants des milieux économiques et universitaires. Je veux pouvoir comprendre les répercussions et les effets préjudiciables ainsi que les facteurs qui ont une influence positive sur la création d'emplois.»

Nous centrons maintenant les efforts. Je félicite le ministre des Finances d'avoir décidé qu'un examen de la fiscalité des entreprises s'imposait. Je serais même allé un peu plus loin en disant qu'il faut aussi examiner la fiscalité des particuliers, mais cela viendra. C'est un début.

Tous les députés se sont fait dire, à l'occasion, par des habitants de leur circonscription que les sociétés ne paient plus leur juste part du fardeau fiscal, que les particuliers paient une plus forte proportion des recettes publiques que les sociétés et que la part des sociétés a diminué. Ils se font dire que ce n'est juste et qu'il faut faire quelque chose.

À vrai dire, c'est tout à fait exact. Les sociétés paient une proportion des recettes publiques moins élevée qu'autrefois, mais il y a une raison à cela. C'est à cause de la nature de l'impôt sur le revenu des sociétés. Le taux d'imposition qu'une société paie sur ses bénéfices n'a pas changé.

(1650)

Les revenus d'une grande entreprise sont encore soumis à un taux d'imposition de 50 p. 100. Une petite entreprise paie environ 25 p. 100, sous réserve de certains critères. Le taux n'a pas changé. Ce qui a changé, ce sont les rajustements qu'il faut faire dans le calcul du revenu imposable d'une entreprise.

Le rapport annuel montre les recettes, les dépenses et le revenu net de l'entreprise avant impôt. Lorsque nous préparons notre déclaration d'impôt, nous prenons notre revenu net avant impôt, nous faisons certains rajustements, puis nous calculons l'impôt à payer.

Les entreprises disposent de trois grands moyens pour réduire ou éliminer les impôts qu'ils ont à payer.

Tout d'abord, il y a les reports de pertes en aval ou en amont: sept ans en aval et trois ans en amont. Si une entreprise se retrouve dans une mauvaise situation en raison d'un revirement de l'économie ou de mauvaises décisions d'affaires et qu'elle perd beaucoup d'argent, les règles de l'impôt lui permettent de reporter les pertes sur sept années ultérieures et de les déduire de ses revenus futurs. Cela signifie qu'une entreprise pourrait réaliser des profits de 100 000 $ une année, mais ne pas avoir d'impôt à payer parce qu'elle a subi des pertes égales à ce montant l'année précédente.


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Cela ne veut pas dire que c'est acceptable. En fait, j'ai recommandé au ministre des finances de resserrer un peu les généreuses dispositions sur les reports en aval et en amont. J'estime que les contribuables ne devraient peut-être pas avoir à soutenir financièrement une entreprise qui a pris une mauvaise décision. . .

Le Président: Monsieur, peut-être pourriez-vous éclairer la présidence. Avez-vous l'intention de prendre 20 minutes? Si oui, c'est très bien.

M. Szabo: Oui, monsieur le Président.

Le point en ce qui concerne le report prospectif des pertes, c'est qu'il assure aux entreprises une protection à l'égard des pertes d'une année antérieure. entreprise peut faire une erreur qui lui coûte beaucoup d'argent. Il se peut fort bien que cela n'ait rien à voir avec une récession, que ce ne soit qu'une mauvaise décision de cette entreprise. La question qu'on doit se poser et que, je l'espère, le comité technique se posera est la suivante: les contribuables canadiens doivent-ils subventionner les entreprises parce qu'elles ont pris des mauvaises décisions?

Il devrait peut-être y avoir des dispositions de report prospectif des pertes, mais pas sept ans en aval et trois ans en amont. C'est plus que généreux. C'est peut-être même plus que juste. J'espère que le comité technique se penchera sur cette question.

Le deuxième point concerne le transfert des dividendes. Je ne serai pas capable d'expliquer cela en détail. Cependant, en termes simples, si une société reçoit des dividendes d'une autre société et qu'elle verse le même montant sous forme de dividendes à ses propres actionnaires, la société qui a reçu les dividendes aurait réalisé un revenu de placement, mais ne paierait pas d'impôt, et c'est là le problème soulevé par nos électeurs.

Cependant, c'est juste que la société ne paie pas d'impôt. Elle doit payer de l'impôt sur les dividendes qu'elle reçoit, mais elle a droit à un crédit d'impôt, en vertu de la Partie IV, sur les dividendes qu'elle verse à ses actionnaires. Ce sont ces derniers qui paient l'impôt en bout de ligne. La dette fiscale est donc transférée aux actionnaires. La société affiche un revenu, mais ne paie pas d'impôt. Il n'y a pas de problème, mais les apparences semblent certainement indiquer le contraire.

Le troisième point concerne l'impôt différé. Cela a constitué pour moi l'un des sujets d'étude les plus ardus de la fiscalité. Ce sujet renferme des notions comme la certitude virtuelle. Il existe non seulement des reports créditeurs d'impôt, mais aussi des reports débiteurs d'impôt.

Les reports créditeurs d'impôt peuvent s'appliquer dans des cas aussi simples que le taux de perte pour un actif. Par exemple, si une société achète une automobile à des fins professionnelles, en général elle amortira le coût du véhicule, pour les fins comptables, sur toute la durée utile de cet actif de façon continue. Toutefois, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, la société peut demander une déduction pour amortissement, ce qui lui permet d'amortir le coût de l'automobile plus rapidement. La déduction est de 30 p. 100, mais sur la base de la valeur résiduelle. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais les chiffres applicables à l'amortissement pour les fins de l'impôt ne sont pas les mêmes que pour les fins comptables. Cela signifie que le résultat net, pour les fins de l'impôt, est différent du résultat net pour les fins de la comptabilité.

(1655)

C'est pourquoi nous avons l'impôt différé. Il s'agit en fait d'une différence dans le calendrier d'application. Cela signifie que l'impôt finira par être payé. Il sera récupéré à la fin du délai, une fois que l'actif aura été complètement amorti. Le niveau d'amortissement variera dans le temps, selon ce qui ce produit.

Ces différents taux de déduction pour amortissement s'expliquent du fait qu'on essayait techniquement de stimuler les dépenses en capital, de façon à accélérer l'amortissement en ce qui concerne les ordinateurs et les logiciels, les produits manufacturés et transformés, toutes les choses qui allaient aider à stimuler les dépenses d'investissement pour créer des emplois. Je suis sûr que c'est un domaine sur lequel le comité technique va se pencher.

Je sais que nous voulons tous en savoir plus sur les paradis fiscaux à l'étranger. En novembre 1995, j'ai écrit au ministre des Finances pour lui demander d'examiner, entre autres, dans le cadre du budget, la question des paradis fiscaux à l'étranger.

J'ai réalisé tout d'un coup que les sociétés pouvaient, dans certains cas, effectuer des transactions financières avec un pays étranger sans qu'il n'y ait de trace. Il n'y avait pas moyen de repérer ces transactions et il n'existait pas de convention fiscale entre les deux pays. Ce que j'ai dit au ministre des Finances, c'est que, dans certains pays avec lesquels nous avons des conventions fiscales, nous pouvons parfois traiter ces problèmes que causent les paradis fiscaux à l'étranger.

Dans le cas des pays avec lesquels nous n'avons pas de convention et qui veulent entretenir des relations avec le Canada, j'ai recommandé au ministre de chercher à conclure des ententes de complaisance afin que, lorsque des transactions financières importantes sont conclues, les gouvernements puissent coopérer pour que ces transactions soient portées à l'attention de l'autre pays, quand elles sont découvertes. Ainsi, chaque pays serait en mesure de déterminer s'il s'agit d'activités contraires à l'intention de la loi ou carrément illégales. Il y a sans nul doute un certain nombre d'autres questions que le comité technique devra étudier.

L'un des sujets que je veux aborder dans ce débat, c'est l'intégrité des personnes en cause. Je suis sûr qu'aucun député à la Chambre n'a l'intention de mettre en doute l'intégrité de quiconque. Nous comprenons que, comme le ministre des Finances l'a précisé, en chargeant les membres du comité de se pencher sur certaines de ces


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questions graves et complexes, nous aurons plus de chances de faire du bon travail à la Chambre en ayant tous les détails et l'identité des personnes visées.

C'est l'histoire qui dira si le comité a bien fait son travail, parce que nous aurons la possibilité de le vérifier.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, le collègue d'en face a pris pas mal de temps, je trouve, à défendre la profession de comptable. Je ne pense pas que, essentiellement, ce qu'on ait remis en cause soit véritablement la profession de comptable. C'est une partie du problème, mais ce n'est pas seulement ça.

Ce qu'on remet surtout en cause, c'est comment se fait-il qu'après deux ans de pouvoir du gouvernement, tout d'un coup, on arrive avec cette idée de créer un comité de spécialistes pour revoir la fiscalité canadienne? Ce qui est un peu odieux dans ce processus, c'est qu'on fera intervenir ce comité après que le gouvernement canadien aura coupé 7 milliards de dollars dans les transferts aux provinces, aura retranché des milliards de dollars des poches des prestataires de l'assurance-chômage et, en plus, aura fait des ponctions de 5 milliards de dollars dans les surplus de l'assurance-chômage.

(1700)

Puis tout à coup, comme par hasard, on dit: Il faudrait peut-être qu'on se crée un petit comité d'experts pour étudier la fiscalité, alors que le travail de sape au niveau des programmes sociaux, on l'aura déjà fait.

Je ne pense pas que ce qu'on met en cause, c'est principalement la déontologie des comptables. Les comptables agissent en toute légalité, en faisant cependant une nuance importante: quelque chose peut être légal, ça ne le rend pas nécessairement moral. Je pense que s'il y a des lois qui ne sont pas justes, qui ne sont pas légitimes et équitables pour l'ensemble des citoyens et que les comptables travaillent à l'intérieur de ces lois, ce qu'ils font n'est pas illégal, mais ce n'est pas nécessairement très moral.

Cependant, il faut convenir que ce sont des gens dont la spécialité est de conseilleur leurs clients à faire de l'évasion fiscale. Comment peut-on accorder à ces comptables une crédibilité pour conseiller le gouvernement dans la révision de la fiscalité canadienne? Je pense que mettre le nez dans ce créneau, c'est enlever toute crédibilité à un processus que le gouvernement voulait, peut-être, tout à fait sérieux. Mais à cause de cela, le processus ne pourra pas être sérieux, parce qu'une partie des experts sera à la fois juge et partie.

Je pense que le député de Joliette a très bien expliqué cette réalité cet après-midi.

[Traduction]

M. Szabo: Monsieur le Président, la réponse est non, non et non. Le député affirme toujours, en citant la motion, que les membres du comité technique seront juges et parties.

Ce qu'il a dit essentiellement, c'est qu'ils se trouvent en situation de conflit d'intérêts. Il demande comment ces gens peuvent conseiller à la fois leurs clients et le gouvernement, alors que ces deux entités se trouvent de part et d'autre de la clôture.

Le député ne m'a peut-être pas entendu lorsque j'ai déclaré, dans mon discours, qu'il existait des règles de conduite professionnelle. Personne ne peut servir deux maîtres. Ces gens ne prendront pas la décision à notre place. Ils vont regrouper des informations, constituer des dossiers sur les questions et formuler le tout en termes conformes au mandat établi par le ministre des Finances. Cela n'existe pas ailleurs.

Le député a aussi parlé d'évitement fiscal. Je tiens à partager avec les députés un dicton que les comptables utilisent toujours: l'évitement fiscal est nécessaire, l'évasion fiscale est illégale.

L'évitement fiscal, c'est la gestion de nos affaires de manière à payer le moins d'impôt possible. Les entreprises le pratiquent. Si une entreprise ne le fait pas, alors que toutes les autres le font, elle souffrira d'un désavantage concurrentiel. L'évitement fiscal n'est pas une mauvaise chose. Il est nécessaire. En outre, ces gens d'affaires vont consulter les Canadiens. Ils vont mettre à notre disposition leurs compétences professionnelles, comme n'importe quel autre groupe de consultants le ferait.

En bout de ligne, les députés auront l'occasion de discuter des données fournies par ce comité technique.

M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, un peu plus tôt dans le débat, le député de Joliette, en réponse à une question qui lui était posée par le député de Mississauga-Sud, a comparé le conflit d'intérêts dont il parlait à la situation qui se produirait si, pour les prochaines élections, le Bloc Québécois et le Parti libéral du Canada avaient les mêmes conseillers politiques.

Il a comparé cette éventualité au soi-disant conflit d'intérêts qui fait l'objet de la motion. L'honorable député pourrait-il expliquer la distinction, à l'intention de la Chambre, entre des conseillers politiques et les professionnels membres de ce comité?

(1705)

M. Szabo: Monsieur le Président, j'ai appris une chose sur cette profession, à savoir que dans un débat, si on a le dernier mot, on peut dire des choses très bizarres.

L'analogie avec un individu qui serait le conseiller politique de deux adversaires est certainement absurde. Tout d'abord, ça m'en dirait plus long sur les deux partis que sur le consultant. Ensuite, si


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le consultant était intègre, il n'accepterait de travailler que pour l'un deux. C'est là toute la différence.

J'ai dit plus tôt que les règles de conduite professionnelle sont très strictes. Si un membre d'une profession donnée est en conflit d'intérêts et ne le déclare pas, et si un de ses collègues l'apprend, ce dernier est obligé par le code d'éthique de le signaler au comité des normes et de la discipline de l'Institut canadien des comptables agréés qui fera enquête. Si le cas n'était pas rapporté et qu'il y avait en effet conflit d'intérêts, les deux parties seraient également coupables. Ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère.

C'est l'intégrité de la profession qui fait sa force. Sans intégrité, il lui serait impossible d'émettre une opinion sur les états financiers et de fournir des conseils professionnels sur des sujets allant de la fiscalité aux investissements en passant par la comptabilité, les bonnes pratiques de gestion et l'assurance. L'intégrité est la chose la plus précieuse que puissent offrir les comptables. C'est pourquoi elle est protégée par la profession.

Je dirais que la participation de comptables aux travaux du comité ne pourra que rehausser l'intégrité de la profession.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, je pense que les députés du Bloc québécois n'ont pas accusé de malhonnêteté le club nommé par le gouvernement. On ne dit pas que les gens nommés par le gouvernement pour faire l'étude sont incompétents. On dit tout simplement qu'ils sont de connivence, que c'est un club qui appartient au gouvernement, nommé par le gouvernement, et que le résultat correspondra à la demande du gouvernement.

Je veux tout simplement dire que le gouvernement est très au courant du problème de la fiscalité. Ça fait des années qu'on fait des études là-dessus. Il est très au courant des problèmes fiscaux et il est aussi au courant que ça dépend de lui si le Canada ne va pas bien. Le gouvernement crée le problème lui-même, il sait qu'il est le problème et il demande à un club d'amis de lui dire quoi faire, quand il sait très bien d'où vient le problème. C'est pour ça qu'on ne croit pas beaucoup à cet exercice. On sait que le gouvernement est coupable et responsable du problème et, en même temps, il dit: «Dites-moi d'où vient le problème». Voyez, c'est pour ça que nous sommes très sceptiques en tant qu'opposition et on dit que ce club privé qui a été nommé par le gouvernement est tout simplement là pour camoufler ce que le gouvernement veut bien camoufler.

[Traduction]

M. Szabo: Monsieur le Président, je comprends où le député veut en venir. Il a fait son allégation.

Lorsque je regarde la liste des membres, j'y trouve des partenaires éminents de deux des principales sociétés d'experts-comptables du pays, des professeurs et des économistes de deux ou trois universités, et quelques avocats éminents. L'allégation c'est qu'ils sont de connivence avec le gouvernement. Je dirais que c'est entacher la réputation de ces gens qui, par l'intermédiaire de leur profession, ont acquis une grande distinction. C'est une atteinte à l'intégrité de chacune de ces personnes. C'est réellement sans raison et c'est une attaque tout à fait gratuite, un coup bas.

Le député doit comprendre que le comité ne prendra pas de décisions au nom des Canadiens, du ministre des Finances ou de la Chambre des communes. Il va conseiller le gouvernement et les députés sur les diverses situations qui existent et sur les options disponibles de sorte que nous puissions participer pleinement à un dialogue focalisé, c'est-à-dire un dialogue constructif. C'est la chose à faire et c'est exactement notre intention.

(1710)

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur que de participer au débat d'aujourd'hui sur la motion de l'opposition concernant la fiscalité des entreprises.

Le Canada est systématiquement classé comme étant un des meilleurs pays où vivre. Pourtant, la seule façon de maintenir notre position sur la scène mondiale est d'instaurer un régime de fiscalité des entreprises qui non seulement rapporte des recettes, mais qui crée également des emplois. Je souscris entièrement à la tentative du ministre des Finances de réexaminer la loi de l'impôt.

Ce n'est qu'en constituant un comité technique d'experts du secteur privé et en examinant attentivement le système de subventions que nous pourrons encourager la croissance économique et la création d'emplois. Qui peut mieux relever ce défi que l'équipe d'experts dans le domaine de la fiscalité?

J'ai bon espoir que cet examen effectué par des professionnels aboutira à une meilleure équité du régime fiscal, de sorte que toutes les entreprises partagent le coût de la prestation des services gouvernementaux. Sinon, nous risquons de voir une diminution de la confiance des Canadiens et une plus forte dépendance à l'égard de l'économie souterraine.

En fait, une des plus grandes menaces à la santé financière du Canada est l'infâme économie souterraine. Le ministère des Finances mérite des félicitations pour punir sévèrement les fraudeurs du fisc dans ce budget. En renforçant notre stratégie actuelle pour lutter contre l'économie souterraine, nous envoyons un puissant message aux fraudeurs, où qu'ils se trouvent. L'économie souterraine au Canada ne se compose pas d'honnêtes gens qui contournent simplement les règles.

Le message que nous envoyons aux fraudeurs du fisc est clair: dans votre quête de gains personnels, vous mettez en péril l'avenir économique du Canada. Des programmes d'application de la loi efficaces et équitables, conçus pour protéger notre régime fiscal, contribueront à bâtir l'avenir économique de notre pays.

L'avertissement que nous sert cette partie du budget va sans doute décourager les personnes qui ont peut-être songé à frauder


945

leur gouvernement par le truchement de l'impôt. Laisser prospérer l'économie souterraine ne peut qu'acculer l'économie régulière à la faillite. On ne peut pas s'attendre à avoir de l'eau demain si on n'amorce pas la pompe aujourd'hui.

Depuis la présentation du budget, Revenue Canada a mis en place une stratégie complexe qui intensifie la lutte contre l'économie souterraine. Cette stratégie vise à amener un plus grand respect de notre régime fiscal dans certains secteurs à risques élevés de l'économie.

Comme je le disais en 1994, quiconque a choisi de vivre au Canada doit être prêt à assumer toutes les conséquences découlant de ce privilège. Lorsque l'honneur fait défaut dans un régime fondé sur l'honneur, la peur d'être attrapé se révélera peut-être un moyen de dissuasion suffisant.

Il est indispensable que nous assurions l'intégrité de notre régime fiscal. Si la confiance que le public a dans les méthodes de génération de recettes vient à s'émousser dangereusement, il sera trop tard.

Si nous n'avions pas assaini nos finances, nous serions, à l'heure qu'il est, en passe de devenir une république bananière. La pierre angulaire de toute économie est le degré de confiance que lui accordent les citoyens. Les résultats de cette partie du budget ne devraient pas se faire entendre.

Les avantages prendront deux formes: l'accroissement des recettes traditionnelles destinées aux programmes sociaux et une plus grande équité envers les contribuables qui ont toujours honoré leurs obligations. La confiance de la population présentant un double avantage, le gouvernement a récompensé les contribuables honnêtes comme il se doit. De mémoire récente, c'est la première fois qu'un budget fédéral n'annonce pas de nouveaux impôts.

La forme et le montant des impôts qu'un pays fait payer à ses habitants sont essentiels pour prédire la réussite ou l'échec de son économie.

Il ne fait aucun doute que, au Canada, les impôts sont encore plus élevés que la plupart d'entre nous le voudrions. C'est pourquoi une réforme fiscale est tellement indispensable. Ce n'est qu'en contrôlant la dette que nous libérerons des ressources pour finalement alléger le fardeau fiscal.

Dans son dernier budget, toutefois, le gouvernement a indiscutablement franchi un pas dans la bonne direction. Il n'y a aucune hausse des taux d'imposition, qu'il s'agisse de l'impôt des particuliers, de celui des sociétés ou de la taxe d'accise. En fait, aucun des trois derniers budgets n'a comporté la moindre hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers.

L'équité envers les contribuables qui remplissent leurs obligations exige que les lois fiscales soient appliquées de façon efficace pour que chacun assume sa part du fardeau.

Pour bâtir sur la stratégie très réussie de Revenu Canada pour lutter contre l'économie souterraine, le budget propose de consacrer plus d'énergie au programme de vérification de Revenu Canada visant les entreprises non incorporées et les travailleurs indépendants. Un taux de vérification plus élevé pour ces deux groupes à risque élevé devrait permettre de récupérer environ trois fois le coût de promotion du programme.

Puisqu'un comité technique du ministère des Finances se penchera sur les façons de simplifier la fiscalité des entreprises, y compris l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le capital, les charges sociales et l'impôt sur le revenu des particuliers, les contribuables pourront plus facilement observer les exigences du régime.

Un régime fiscal efficace ne devrait pas se limiter à la perception d'impôts. Il devrait faire valoir l'importance de l'honnêteté et du respect des règles équitables pour garantir l'avenir du pays.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 15, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de la question des crédits.

[Français]

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 45 du Règlement, le whip de l'opposition officielle et le whip adjoint du gouvernement ont demandé que le vote par appel nominal sur la question dont la Chambre est maintenant saisie soit différé jusqu'à demain, le 20 mars, à 17 h 15, alors que la sonnerie d'appel se fera entendre pendant au plus 15 minutes.

[Traduction]

Mme Catterall: Monsieur le Président, je me permets d'apporter une correction. Le vote devrait être remis à 17 h 30 demain.

Le président suppléant (M. Kilger): Le vote est remis à 17 h 30 demain.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, on avait compris que le vote était reporté jusqu'à la fin des ordres émanant du gouvernement. Je pense que c'est cela, 17 h 30.

Le président suppléant (M. Kilger): On est d'accord, le vote sera différé à demain, 17 h 30.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

(1720)

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.) propose: Que le projet de loi C-201, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis heureux de lancer le débat sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-201. Il porte sur un problème très grave et très tragique, la conduite avec facultés affaiblies. Il y a des gens au Canada qui décident de boire, puis décident de prendre le volant et, en conséquence, tuent quelqu'un. C'est une tragédie insensée qui se produit beaucoup trop souvent.

La mesure à l'étude porte sur la peine à imposer à ceux qui décident de boire et de prendre le volant et qui, par suite de leur décision, causent la mort d'autrui. Le projet de loi vise à modifier le paragraphe 255(3) du Code criminel afin d'imposer une peine minimale d'emprisonnement de sept ans à ceux qui sont trouvés coupables de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne.

Le projet de loi C-201 trouve son origine dans ma ville, Prince George, en Colombie-Britannique. En septembre 1995, David Kevin Johnson a décidé de boire au point de devenir complètement ivre, puis a décidé de prendre le volant malgré son état et de conduire son véhicule. Résultat, il a roulé trop vite, avec insouciance, et a brûlé un feu rouge, causant une collision fatale à une intersection à quelques coins de rue seulement de chez moi.

La collision a tué trois membres de la famille Ciccone, habitant à Prince George. Jim Ciccone, son fils Rylan et sa fille Emma ont perdu la vie en septembre à cause des actions complètement irresponsables d'un homme qui conduisait un camion après avoir bu volontairement.

M. Johnson a été arrêté et inculpé sous trois chefs d'accusation de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne et sous un autre chef d'accusation d'avoir quitté la scène d'un accident. M. Johnson savait ce qu'il faisait. Il était conscient de la tragédie qu'il venait de provoquer, mais il a fui la scène de l'accident.

J'ai été témoin des suites de cet accident. J'ai été témoin de cette tragédie et j'ai suivi le déroulement de cette affaire devant les tribunaux au moyen de nos médias et autrement. J'ai attendu avec espoir de connaître la sentence imposée à M. Johnson en croyant que justice serait rendue et que la peine imposée à David Kevin Johnson serait compatible avec la gravité de son crime.

(1725)

J'ai attendu, mais mes espoirs ont été anéantis le 22 décembre 1995. Ce jour-là, David Kevin Johnson, qui avait décidé de boire et ensuite décidé de prendre le volant et fini par tuer trois membres d'une même famille, a eu une peine de trois ans et demi. Le juge a dit qu'il était lié par les précédents. En effet, dans les causes antérieures, les avocats de la défense avaient constamment réussi à gruger sur ce qui était autrefois une peine adéquate pour ce crime.

Ce soir-là, en apprenant la peine qui avait été imposée, j'ai été scandalisé, tout comme les citoyens de Prince George l'ont été, et avec raison.

Des manifestations ont suivi. Plus tard dans la semaine, une manifestation devant la cour provinciale a rassemblé 300 personnes qui sont venues exprimer leur indignation, leur colère devant un système de justice incapable de réagir comme il se doit à ce crime grave. Ces gens étaient scandalisés qu'on puisse même envisager une peine si légère pour un crime si grave.

Les habitants de Prince George étaient inquiets et choqués de l'état de notre système de justice. Ils s'inquiétaient surtout des méthodes de détermination de la peine. Beaucoup se demandaient ce qu'on pouvait faire pour éviter pareille indulgence par la suite.

Ils sont venus m'exposer leurs préoccupations, et je les ai écoutés. Ils se disaient que David Kevin Johnson avait été condamné à un an de prison par vie fauchée. Seulement un an. Pour eux et pour la majorité des Canadiens, et j'espère vraiment aussi pour les députés, c'est là une peine tout simplement inacceptable.

Par conséquent, j'ai examiné le Code criminel afin de déterminer ce que je pouvais faire pour changer la situation. Que pouvais-je faire pour renforcer les mesures de dissuasion et veiller à ce que les peines imposées pour ce crime terrible soient adéquates? Mes efforts m'ont amené à présenter le projet de loi C-201.

Nous avons fait de grandes études sur les décès liés à la consommation d'alcool et avons découvert que les peines imposées aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne étaient extrêmement légères, et même terriblement légères. Selon les statistiques, la peine moyenne est d'un an à quatre ans d'emprisonnement, même si le juge a toute la latitude voulue pour imposer une peine pouvant aller jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Auparavant, les peines étaient plus sévères. Toutefois, compte tenu de la nature du système et de la capacité des avocats de la défense d'obtenir pour leurs clients une peine réduite, les peines tendent à être plus légères de nos jours.

Les précédents qui existent aujourd'hui ne traduisent pas la gravité du geste que pose la personne qui décide de conduire avec des facultés affaiblies et qui tue un membre de sa famille, un ami, un voisin ou un Canadien. Sûrement que la vie nous est plus précieuse que cela.

Les peines qu'imposent de nos jours les tribunaux pour ce genre d'infractions, qui entraînent la perte d'une vie humaine, ne sont pas suffisantes. On inflige aux conducteurs des peines équivalant à celles qui sont prévues pour le libelle diffamatoire, pour la possession d'un faux passeport ou pour le commerce de fausse monnaie. Nous devons absolument accorder une plus grande importance à la vie humaine. Nous devons absolument faire tout notre possible pour dissuader les gens de conduire avec des facultés affaiblies et de tuer quelqu'un. C'est certainement le moins que nous puissions faire. C'est là l'objectif du projet de loi C-201.


947

(1730)

J'espère sincèrement que tous les députés peuvent reconnaître comme moi le caractère tragique du crime visé. Le projet de loi vise à accorder un plus grand prix à la vie. Il informe les conducteurs avec facultés affaiblies que, s'ils tuent quelqu'un à cause du choix qu'ils ont fait, ils seront passibles de peines d'emprisonnement sévères.

Les peines clémentes que les tribunaux du Canada infligent de nos jours semblent déresponsabiliser le conducteur avec facultés affaiblies qui tue quelqu'un. C'est comme si le fait d'avoir des facultés affaiblies permet à celui qui conduit en état d'ébriété et qui tue quelqu'un de s'en tirer. Je pense que ce n'est pas bon.

Personne n'oblige quelqu'un à conduire avec des facultés affaiblies. Personne ne peut faire état de circonstances l'obligeant à conduire dans cet état. Il est question de choix, en l'occurrence. Le projet de loi C-201 tiendra les conducteurs avec facultés affaiblies qui tuent quelqu'un responsables de leurs actions. Je rappelle à la Chambre que ces actes irresponsables surviennent continuellement. Cela doit cesser.

Voici des statistiques que les députés trouveront ahurissantes. En 1994, 87 878 personnes ont été accusées d'avoir conduit avec des facultés affaiblies une automobile, un bateau ou un avion. Il importe de rappeler que ce nombre ne représente que les personnes qui se sont fait prendre et qui ont été arrêtées. On estime que, pour un conducteur qui se fait arrêter pour conduite avec facultés affaiblies, il y en a entre 200 et 2 000 qui ne se font pas prendre. Cela signifie que nous n'avons pas la moindre idée du nombre de gens qui prennent aujourd'hui le volant avec les facultés affaiblies. Ces gens-là peuvent tuer.

On ne saura jamais quel est le nombre réel de gens qui conduisent avec les facultés affaiblies. Si on le savait, nul doute qu'on entendrait quantité de protestations de la part des Canadiens, bien plus que celles qui sont soulevées à l'heure actuelle. Si nous savions quel est le nombre de conducteurs avec les facultés affaiblies sur nos routes en ce moment même, certains pourraient demander la prohibition, tant ce nombre est élevé. Certes, la prohibition n'est pas à l'ordre du jour, mais la dissuasion l'est sûrement.

De notre réveil ce matin au moment où nous nous mettrons au lit ce soir, quatre familles auront la visite de policiers qui leur diront qu'un de leurs membres a été tué par une personne ayant conduit sa voiture avec les facultés affaiblies. Pensez-y. C'est arrivé hier. Cela arrive aujourd'hui. Cela arrivera demain et tous les autres jours. C'est la tragédie de la conduite avec facultés affaiblies.

Nous n'y pensons pas tant que nous ne sommes pas touchés, que nous ne sommes pas témoins d'un accident, qu'un membre de notre famille, un ami ou un voisin n'est pas victime de la conduite avec facultés affaiblies. Qui à la Chambre n'a pas été touché d'une manière ou de l'autre? Qui à la Chambre n'a pas eu un membre de sa famille, un voisin, un ami, un associé qui n'ait été victime de la conduite avec facultés affaiblies? J'estime qu'il y a très peu de députés qui n'en ont pas eu.

(1735)

Il y a eu une diminution de 40 p. 100 des accusations de conduite avec facultés affaiblies depuis dix ans, ce qui est directement attribuable au traitement plus sévère des personnes ayant conduit avec les facultés affaiblies. La dissuasion donne des résultats en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies.

J'ai parlé à bien des gens qui avaient coutume de boire avant de prendre le volant et qui prennent maintenant un taxi ou se font conduire par un ami n'ayant pas bu pour retourner à la maison. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient changé d'habitude. Ils ont répondu que ce n'était pas parce qu'ils estimaient ne pas être en mesure de conduire leur voiture, mais parce qu'ils craignaient d'être arrêtés par la police et accusés de conduite avec facultés affaiblies. Cela démontre clairement que la dissuasion est un moyen efficace de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies.

Plus que jamais, les conducteurs savent que la société méprise ceux qui prennent le volant en état d'ébriété et ils savent que s'ils sont reconnus coupables d'avoir conduit en état d'ébriété, il se pourrait qu'ils ne puissent plus jamais conduire une auto. Quoi qu'il en soit, il reste un nombre inconnu de personnes qui boivent de l'alcool et prennent le volant.

Le projet de loi C-201 vise ces personnes. En imposant une peine minimale, il fera clairement comprendre que la société canadienne n'accepte pas les conséquences fatales de la conduite avec facultés affaiblies. La meilleure chose que nous puissions faire au Canada, en tant que députés, c'est de rendre nos lois traitant de la conduite avec facultés affaiblies les plus sévères du monde. Je sais que je n'atteindrai peut-être pas mon but, mais je tiens à essayer.

J'ai aussi présenté la motion no 78, en faveur du renforcement des articles du Code criminel portant sur la conduite avec facultés affaiblies. Le projet de loi et la motion connexe constituent une mesure dissuasive qui gardera les personnes avec facultés affaiblies loin de nos rues, de nos routes et de nos voisinages.

Il ne fait aucun doute que la dissuasion est nécessaire. Les infractions de conduite avec facultés affaiblies sont les infractions les plus nombreuses devant nos tribunaux. Si l'on pense que ces accusations sont rejetées ou réduites dans 40 p. 100 des cas, nous savons que la dissuasion donne des résultats et doit être accentuée.

En Ontario, les accusations de conduite avec facultés affaiblies ont augmenté de 40 p. 100 entre décembre 1994 et janvier 1995. Dans la même province, en 1993, des conducteurs avec facultés affaiblies étaient impliqués dans les accidents d'automobiles où sont décédées 565 des 1 315 personnes décédées dans des accidents de la route. En 1994, au Canada, 1 414 personnes ont été tuées par des conducteurs en été d'ébriété. Ce nombre est trois fois plus élevé que le nombre de personnes assassinées dans tout le Canada en 1994, et le résultat est le même que celui d'un assassinat. Pourtant, les personnes qui conduisent avec facultés affaiblies s'en tirent à très bon compte. Ils ont pourtant causé la mort de quelqu'un.

Je n'ai pas parlé des coûts financiers considérables de la conduite avec facultés affaiblies. C'est quelque chose dont nous devons tenir compte également. La Ontario Medical Association estime que les blessures causées par la conduite avec facultés affaiblies coûtent 100 millions de dollars par année. Nos tribunaux consacrent la


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majeure partie de leur temps à entendre des causes de conduite avec facultés affaiblies. Nous savons tous ce que notre système judiciaire coûte aujourd'hui. Nous pouvons citer des chiffres précis lorsque nous parlons des coûts financiers. C'est facile. Nous avons des statistiques. Cependant, il est impossible de mesurer les véritables coûts humains de ce problème.

(1740)

Évidemment, il y a la victime, mais il y a aussi sa famille et ses amis, ceux qui restent à se demander ce qu'ils auraient pu faire pour empêcher cette tragédie: «Aurais-je dû dire à mon ami, à ma fille, à mon mari ou à ma femme de rentrer plus tôt ou de ne pas sortir ce soir-là?» Ce sont les coûts humains qui sont tragiques.

Ce projet de loi est appuyé par de nombreux organismes, notamment Mothers Against Drunk Driving, Ontario Students Against Drunk Driving, Ontario Community Council on Impaired Driving, Young Drivers of Canada, Families and Friends Against Drunk Driving, et Margaret Rywak, présidente du Nepean Committee Against Impaired Driving.

C'est une question qui préoccupe tous les Canadiens. Je crois que le projet de loi C-201 aura un effet dissuasif et reflétera plus fidèlement la gravité du crime que constitue la conduite avec faculté affaiblie entraînant la mort. Je demande à tous les députés de la Chambre de comprendre l'importance de ce dont nous parlons ici et d'appuyer ce projet de loi.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, certaines personnes pensent que le Canada fait preuve de laxisme au sujet de la conduite avec facultés affaiblies, que nos lois manquent de mordant, que nos mécanismes d'application des lois sont inadéquats et que les tribunaux refusent d'imposer des sentences sévères.

Personne ne niera les conséquences tragiques de la conduite avec facultés affaiblies et, comme le disait le député de Prince George-Bulkley Valley, il n'y a à peu près personne qui n'ait été touché ou qui n'ait eu connaissance d'une tragédie due à l'alcool au volant dans sa communauté, au sein de sa famille ou parmi ses amis.

Lorsque des tragédies semblables surviennent, nous devrions nous arrêter aux personnes responsables et à leurs actes et non pas nécessairement à la loi. On suppose toujours qu'une loi plus sévère et des peines plus lourdes auraient dissuadé une personne ayant des facultés affaiblies de prendre le volant et que la tragédie aurait été évitée. Ce n'est pas le cas.

Les causes de la conduite avec facultés affaiblies sont complexes et il n'existe pas de solutions simples à ce grave problème social. Il ne suffit pas de prévoir des peines plus sévères pour dissuader les personnes en état d'ébriété de prendre le volant. Les personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies ne constituent pas un groupe homogène. C'est pourquoi les mesures à prendre varient. Ainsi, même si les amendes et les peines d'emprisonnement peuvent suffire à dissuader certaines personnes, celles qui ont une dépendance à l'égard de l'alcool sont moins sensibles à l'effet dissuasif des peines sévères. Dans leur cas, un traitement serait sans doute plus indiqué.

L'étude du problème de l'alcool au volant effectuée par le gouvernement dans les années 80 a tenu compte de l'expérience et des recherches de nombreux pays. Toute l'information recueillie montre que les modifications législatives doivent être abordées dans le contexte plus vaste d'une stratégie législative et préventive générale à l'égard du problème de l'alcool au volant. La solution ne se trouve pas dans une mesure en particulier.

Les sanctions juridiques, par exemple, n'apportent qu'une solution partielle. Une application plus rigoureuse de la loi, qui accroît la crainte de l'arrestation et des sanctions, peut avoir un effet plus dissuasif que l'accroissement des sanctions comme tel.

Les recherches effectuées depuis 1985 montrent que la diminution de la tolérance de la société à l'endroit de la conduite avec facultés affaiblies a eu un meilleur effet préventif que tous les changements apportés à la loi et toute la rigueur utilisée dans son application.

Le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies a sensiblement diminué depuis 1980, mais le problème existe encore au Canada et il est sans doute dû en grande partie à ces conducteurs à risques élevés qui se croient au-dessus de la loi et immunisés contre la tragédie, un désastre ou la détection.

(1745)

La grande majorité des chauffeurs canadiens sont conscients des risques que représente la conduite avec facultés affaiblies pour eux-mêmes et pour la sécurité publique, et ils ont assimilé le message que les gouvernements fédéral et provinciaux continuent à promouvoir, à savoir que la conduite en état d'ébriété est un crime grave et un grave problème de société.

Ce n'est pas suffisant de modifier la loi et d'imposer des peines sévères. Ce n'est pas une solution magique qui réglera tous nos problèmes causés par la conduite avec facultés affaiblies.

Je ne veux pas dire que la loi n'a aucune influence sur le comportement des chauffeurs ayant consommé de l'alcool. Le Canada a des lois strictes et des peines sévères. Le Code criminel traite d'un large éventail d'infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies et prévoit une série de peines qui sont fonction de la gravité de l'infraction.

En outre, la conduite avec facultés affaiblies est l'une des très rares infractions pour lesquelles le Code criminel prévoit une peine minimale. Pour la conduite avec facultés affaiblies, la conduite avec un degré d'alcoolémie de plus de 0,08 et le refus de souffler dans l'ivressomètre ou de fournir un échantillon de sang, les peines sont les suivantes: à la première infraction, l'amende est de 300 $; à la deuxième, c'est 14 jours de prison; chaque infraction subséquente entraîne une peine de prison d'au moins 90 jours.

Une peine maximale est aussi prévue. Quand la peine est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine


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maximale est de six mois de prison. Quand il s'agit d'un acte criminel, la peine maximale est de cinq ans.

La peine minimale pour une deuxième condamnation est de 14 jours de prison et doublée d'une interdiction de conduite obligatoire, d'une durée de six mois. Lorsqu'une personne est condamnée pour une troisième infraction de conduite avec facultés affaiblies, de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 ou de refus de se soumettre à un test, elle encourt une peine minimale d'entre 90 jours et six mois de prison si c'est par procédure sommaire-ou cinq ans si c'est traité comme un acte criminel-et interdiction de conduite d'entre un et trois ans.

Le Code criminel prévoit aussi l'imposition obligatoire d'une interdiction de conduite rattachée à toute condamnation pour conduite avec facultés affaiblies. À la première infraction, une interdiction minimale de trois mois est imposée. À la deuxième, c'est six mois et, pour chaque infraction ultérieure, c'est une interdiction minimale d'un an qui est imposée.

Quand une personne est trouvée coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des dommages corporels, l'interdiction de conduite peut aller jusqu'à dix ans. Ces interdictions s'ajoutent à toute suspension de permis, imposée par la province, qui peut être prévue dans le Code de la route provincial.

La conduite avec facultés affaiblies entraînant des lésions corporelles est un acte criminel pouvant entraîner un maximum de dix ans d'emprisonnement, l'interdiction de conduire pour une période maximale de 10 ans et une amende illimitée. La conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort peut entraîner un maximum de quatorze ans d'emprisonnement, l'interdiction de conduire pour une période maximale de dix ans et une amende illimitée.

La peine infligée dans le cas d'un accident ayant entraîné la mort ou de graves lésions corporelles est fondée sur la faute. Autrement dit, la conduite avec facultés affaiblies doit être la cause des lésions corporelles ou de la mort, et la peine doit donc être proportionnelle à la gravité de l'acte qui a causé la mort ou les lésions corporelles. C'est pourquoi il n'y a pas de peine minimale obligatoire pour la conduite avec facultés affaiblies entraînant des lésions corporelles ou la mort.

Le projet de loi dont est saisie la Chambre modifierait le paragraphe 253(3) du Code de sorte à prévoir une peine minimale de sept ans d'emprisonnement tout en maintenant la peine maximale actuelle de 14 ans.

Il m'est impossible d'appuyer un tel amendement. Je félicite toutefois le député pour son intention de sensibiliser l'opinion aux tragédies ayant pour origine la conduite avec facultés affaiblies et pour empêcher de tels comportements criminels. À mon avis, ce n'est pas avec une peine minimale qu'on y arrivera. Ce n'est pas conforme aux principes de détermination de la peine et à l'idée du Code criminel.

De plus, on court le risque de voir la peine minimale devenir le plafond plutôt que le plancher et toutes les peines infligées pour conduite avec facultés affaiblies ayant entraîné la mort pourrait tourner autour de sept ans. Mieux vaut permettre aux juges d'exercer leur jugement et de prononcer une peine en fonction de la gravité du crime, des antécédents du délinquant en matière de conduite et de beaucoup d'autres facteurs pris en considération dans la détermination de la peine.

Après la promulgation du projet de loi C-41 sur la détermination de la peine, adopté par la Chambre il y a moins d'un an, le Code criminel contiendra un énoncé des buts et des principes de la détermination de la peine. En principe, une peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'auteur de l'infraction.

En outre, le Code criminel établira d'autres principes qui s'appliqueront à la détermination de la peine des délinquants condamnés pour les diverses infractions au Code, y compris la conduite avec facultés affaiblies.

(1750)

Ces principes comprennent le fait qu'une peine doit être similaire aux peines imposées pour des délits similaires commis dans des circonstances similaires et ce afin de promouvoir l'uniformité des peines, qu'un délinquant ne doit pas être privé de sa liberté si des sanctions moins restrictives sont possibles, et que toutes les sanctions raisonnables dans les circonstances, outre l'emprisonnement, soient envisagées.

Le code précisera l'objectif des peines dans les termes suivants: «Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants: Dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.»

Ces principes étant inscrits dans le Code criminel, nous ne devrions pas avoir à dicter aux juges la peine à imposer dans des circonstances précises. Nous leur avons donné la latitude d'exercer leur pouvoir discrétionnaire.

En outre, nous ne devrions pas appuyer des modifications fragmentaires au Code criminel. Lorsque le gouvernement propose de modifier le code après de vastes consultations et une étude approfondie, on nous reproche souvent de nous limiter à certaines dispositions au lieu d'entreprendre une réforme plus fondamentale.

La modification proposée par le projet de loi C-201 cherche à imposer une peine minimale dans un cas précis prévu au Code criminel, à savoir la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne. Mais on ne propose rien de similaire pour d'autres délits, comme par exemple, la conduite avec facultés affaiblies ayant causé des lésions corporelles; ou encore la négligence criminelle ayant causé la mort ou des lésions corporelles, ou bien la conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles ou la mort. Par conséquent, je ne peux appuyer la modification qui est proposée.


950

J'ai ici une lettre de l'association Mothers Against Drunk Driving qui donne également six raisons pour lesquelles ce projet de loi ne devrait pas être appuyé. J'en recommande la lecture aux députés qui ne sont pas de cet avis.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, nos routes sont souvent le théâtre d'hécatombes. Plusieurs milliers de personnes sont blessées dans des accidents de la route et nombre d'entre elles décèdent. L'alcool au volant est un fléau et je condamne ceux qui osent s'aventurer derrière le volant en état d'ébriété. Comme on dit chez nous: «L'alcool au volant, c'est criminel. Qu'on se le dise!»

Cela étant, le député de Prince-George-Bulkley Valley nous propose aujourd'hui un projet de loi qui se voudrait une solution au problème de l'alcool au volant, en particulier les cas de décès causés par des personnes en état d'ébriété. Le projet de loi C-201 modifierait l'actuel article 255 du Code criminel en imposant une peine minimale de sept ans de pénitencier à quiconque cause la mort d'une autre personne alors qu'elle est en état d'ébriété et que son alcoolémie était supérieure à la limite légale. Il est important de noter que la peine pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort est déjà passible d'un emprisonnement de 14 ans et que la négligence criminelle causant la mort est passible de l'emprisonnement à perpétuité.

À première vue, il pourrait sembler sympathique d'appuyer un tel projet de loi. Cependant, lorsqu'on examine les conséquences possibles d'un tel amendement du Code criminel, force nous est de conclure qu'il s'agit du mauvais remède pour contrer le maladie. En tentant de chercher une solution au problème, le député de Prince-George-Bulkley Valley s'emmêle les paturons dans les écueils de la répression.

La sanction qu'il nous propose est typique de la mentalité qui anime son parti: la coercition. Une des expressions chéries du Parti réformiste: «Qu'on enferme les malfaiteurs et qu'on jette la clé.» S'il fallait les croire, à chaque jour, nous vivons une nouvelle crise. La vraie crise, c'est celle de la désinformation et elle perdure depuis que le Parti réformiste a été élu. Ses membres colportent des propos douteux sur la criminalité au pays, traficotent les statistiques et sèment l'inquiétude dans la population. Leurs anecdotes ne sont que des cas particuliers ne reflétant en rien la réalité qui nous entoure. Ils exploitent des situations tragiques pour s'en faire du capital politique de bas étage.

(1755)

Le Parti réformiste saute sur toutes les occasions pour avoir du temps d'antenne. Ils croient qu'en s'appropriant le temps de la Chambre, ils développeront l'image d'un parti qui offre des solutions pragmatiques aux problèmes de notre société.

Ils nous ont proposé de rétablir la peine de mort pour les adultes et les adolescents. Ils veulent des peines minimales pour les récidivistes, quelle que soit l'infraction commise. Ils veulent abaisser l'âge de l'adolescence de 12 à 10 ans. Ils ne veulent pas que les jeunes de 16 ans aient le droit de vote, mais voudraient qu'ils soient traités en adultes s'ils commettent une infraction. Les exemples les plus farfelus abondent. Nous n'avons qu'à jeter un coup d'oeil au Feuilleton pour nous rendre compte que le Parti réformiste ne sait plus à quel saint se vouer.

Je m'attends dans un prochain avenir à ce que l'un d'entre eux nous propose de transformer nos garderies en centres de détention pour préjuvéniles, puisque les signes avant-coureurs d'un comportement délictueux peuvent être perçus dès la maternelle.

Le projet de loi C-201 est un bel exemple de manque de vision. En enfermant pour un minimum de sept ans les personnes qui se trouvent coupables d'avoir conduit en état d'ébriété et d'avoir causé la mort, les réformistes croient qu'ils enrayeront le problème endémique de l'alcool au volant. Rien n'est plus faux. Le problème de l'alcool au volant ne pourra trouver de solution que si les gouvernements de tous les paliers mettent l'accent sur la prévention et l'éducation.

Dans cet ordre d'idées, il est important de souligner que les infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies continuent à diminuer d'année en année. Depuis 1985, le taux des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies a diminué annuellement. Cette diminution annuelle se chiffre aux alentours de 6 p. 100. Je considère que cette baisse est en grande partie attribuable aux campagnes de prévention contre l'alcool au volant menée partout au Québec et au Canada. Ces campagnes de sensibilisation ont contribué à faire comprendre à la population que la consommation d'alcool et la conduite d'une automobile, c'est socialement inacceptable. Il faut noter également que les contrôles routiers découragent fortement la consommation d'alcool au volant.

D'autre part, je me questionne sérieusement sur l'effet dissuasif d'une hausse de la peine minimale. Je voudrais faire remarquer qu'un document de travail préparé par le ministère de la Justice sur l'imposition des peines minimales en général conclut que, dans l'ensemble, le public ignore quelles infractions emportent une peine minimale obligatoire.

De plus, le même document démontre que comme moyen de dissuasion, les peines minimales obligatoires ont très peu d'impact sur la perpétration de l'infraction que l'on veut punir plus sévèrement. Le vol qualifié en est un exemple excellent. Pis encore, il semblerait que les jurys soient moins enclins à rendre un verdict de culpabilité s'ils savent que l'infraction dont est accusé le prévenu emporte une peine minimale.

Cela signifie en d'autres mots que le député réformiste provoquera, avec son projet de loi, exactement l'inverse de ce qu'il souhaite. Si les jurys sont moins enclins à rendre des verdicts de culpabilité, ils acquitteront nécessairement le prévenu et celui-ci deviendra libre comme l'air. Ironiquement, en voulant mettre plus de gens derrière les barreaux, le député risque de faciliter leur acquittement.

Si toutefois l'on obtient des condamnations, un autre sérieux problème surgira. En effet, il résultera de l'imposition d'une peine minimale obligatoire une augmentation substantielle de la population carcérale. Le député semble croire naïvement que les centres de détention pourront accueillir ce nombre accru de détenus. Il est complètement déconnecté de la réalité.

Il n'a aucun moyen de savoir quel sera l'impact de son projet de loi sur le nombre de condamnations futures que pourraient engen-


951

drer son projet de loi. Gardons à l'esprit qu'une chaîne est aussi forte que le plus faible de ses maillons. Si le député veut augmenter la peine minimale, il doit prévoir que la population carcérale se multipliera et que nous n'avons pas les infrastructures nécessaires pour accueillir ces nouveaux détenus. D'ailleurs, qui dit augmentation de la population carcérale dit augmentation des coûts afférents.

(1800)

Est-ce que le député aura l'honnêteté de dire à cette Chambre combien nous coûtera son projet de loi, s'il est adopté, quand on sait que le coût annuel moyen pour la seule garde d'un détenu, en 1992-1993, s'élevait à 56 000 $ en sécurité maximale et à 110 000 $ en sécurité moyenne?

Ces sommes devraient être employées à bon escient. Si des deniers publics doivent être dépensés, qu'ils servent à l'éducation et à la prévention. Par surcroît, la prévention et l'éducation se font toujours à un coût moindre, autant en argent qu'en vies humaines.

En terminant, pour répondre à l'argument qui veut qu'en général les peines pour ces infractions soient trop clémentes, je réfère mes collègues à la décision de la Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Houle c. la Reine rendue en mars 1995.

L'individu en question a reconnu sa culpabilité sous des accusations de négligence criminelle ayant causé la mort d'une personne, de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles à quatre personnes et de conduite d'un véhicule automobile avec une alcoolémie supérieure à la limite permise.

Afin de rendre une décision éclairée, le juge Delisle a analysé 158 arrêts rendus par différentes cours d'appel à travers le Canada, entre 1985 et 1995, pour des crimes semblables. Il a refusé de diminuer la sentence du prévenu, sinon pour tenir compte de la détention préventive. Marc-André Houle se voit donc imposer les peines concurrentes suivantes: cinq ans de prison et une interdiction de conduire de huit ans sous le chef d'accusation de négligence criminelle ayant causé la mort; trois ans de prison et une interdiction de conduire de cinq ans sous celui de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles; un an de prison et une interdiction de conduire de six mois sous celui de conduire avec une alcoolémie supérieure à la limite permise. Nous devons constater que nos tribunaux appliquent avec rigueur les principes de détermination de la peine. Je continue à faire confiance à nos cours de justice, et je répète que la démagogie n'a pas sa place en droit criminel.

[Traduction]

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer, je voudrais mentionner que la députée libérale a parlé des lois en vigueur et de la détermination des sentences et des peines. Nous sommes ici aujourd'hui justement parce qu'on ne donne pas suite à ces choses. Il existe au pays des milliers de cas où les gens ne reçoivent aucune peine et ne sont pas incarcérés. La question est grave et je n'aime pas entendre quelqu'un déformer les faits de cette façon alors qu'en réalité, tant de personnes ont souffert.

Les commentaires méprisants que vient de faire la députée bloquiste à l'égard du Parti réformiste n'ont pas été agréables à entendre, mais en plus, elle a soulevé la question des frais d'incarcération. Qu'en est-il du coût pour tous ces gens blessés par des conducteurs avec facultés affaiblies? Soyons réalistes. J'en ai assez de toutes ces fausses idées véhiculées par les députés qui devraient être tenus à l'honnêteté en tout temps.

Le projet de loi C-201 propose de modifier le Code criminel afin d'imposer une peine de sept ans au minimum à toute personne trouvée coupable de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.

M. Kirkby: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La députée soulève une question concernant l'honnêteté des députés. Il y a eu. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je prends très au sérieux l'intervention du secrétaire parlementaire, mais je crois respectueusement qu'il s'engage dans le débat.

Mme Jennings: Monsieur le Président, j'espère que j'aurai le temps de finir mon discours.

À l'heure actuelle, l'article 255 du Code criminel prévoit déjà une peine maximale de 14 ans pour la conduite avec facultés affaiblies lorsqu'elle entraîne la mort. Cependant, les peines attribuées au Canada sont plutôt de six mois, un an, deux ans, et même, dans certains cas, il n'y a aucune incarcération du tout.

(1805)

Le projet de loi C-201 a été déposé à la Chambre par mon ami et collègue, le député de Prince George-Bulkley Valley. La modification que propose le projet de loi imposerait une peine minimale de sept ans de prison en vertu de l'article 255 qui prévoit déjà une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement.

Est-ce que cette modification est nécessaire? Est-ce que nous avons, au Canada, un grave problème avec les personnes qui conduisent avec facultés affaiblies et sont responsables de la mort d'autres personnes?

Peut-être que, à ce stade, je devrais donner à la Chambre quelques exemples passablement choquants. Une partie de ces exemples ont déjà été cités à la Chambre par mon collègue de Prince George-Bulkley Valley, mais je pense qu'il y en a qui sont tellement graves que nous nous devons de les mentionner de nouveau. Apparemment, des députés ne croient pas, ne pensent pas que cela vaille la peine d'être écouté, ou n'estiment pas que ce soit suffisamment important pour que nous fassions quelque chose. C'est cela qui, pour moi, est particulièrement choquant.

En 1994, plus de 87 000 personnes ont été inculpées pour avoir conduit une voiture, un bateau ou un avion avec facultés affaiblies. Vous remarquerez qu'on ne mentionne pas les trains. Nous savons pourtant que des conducteurs de trains ayant des facultés affaiblies ont déjà été responsables d'accidents mortels en Amérique du Nord.


952

En 1994, plus de 1 000 personnes ont été tuées par des conducteurs en état d'ébriété. C'est trois fois plus que le nombre de personnes assassinées.

Dans 90 p. 100 des accidents mortels où l'un des conducteurs avait des facultés affaiblies, c'est lui qui était responsable.

Sur 1 315 accidents d'automobiles mortels, en 1993, en Ontario, 565 étaient liées à l'alcool.

En réponse à ceux qui, dans la profession juridique, essaient de susciter la sympathie pour les conducteurs en état d'ébriété, en disant que ce sont des bons citoyens, je dirais que c'est une contradiction en soi. Parfois, ils prétendent que c'était une erreur de jugement qui ne se répéterait pas, parce que, d'habitude, ces gens ne boivent pas.

Pour les juges qui doivent imposer les sentences, voici les mythes. Mythe: Le conducteur ivre est un citoyen respectueux de la loi. Fait: 40 à 70 p. 100 d'entre eux ont déjà eu des infractions liées à l'alcool.

Mythe: L'infraction de conduite en état d'ébriété représente une erreur de jugement isolée. Fait: Sur 200 à 2 000 cas de conduite en état d'ébriété, un seul aboutit à une arrestation.

Mythe: Les conducteurs en état d'ébriété sont des buveurs sociaux qui ne créent pas de problèmes. Fait: Jusqu'à 85 p. 100 des personnes condamnées pour une première infraction ont déjà eu des problèmes d'alcoolisme.

Mythe: Une éducation corrective pourrait modifier le comportement d'une personne en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété. Fait: L'éducation corrective en soi n'est pas une intervention efficace. Tout dépend de la forme d'éducation et de l'état pathologique de l'individu. S'il est alcoolique, un traitement est alors nécessaire. Tout programme de traitement devrait être fondé sur la philosophie des AA, un organisme reconnu qui a beaucoup de succès dans le traitement de cette maladie.

Les juges et les membres de la profession juridique ont besoin d'être éduqués pour apprendre ce qu'est l'alcoolisme.

Nous avons eu un rassemblement de victimes, en Colombie-Britannique, qui était organisé par mon collègue réformiste, le député de Fraser Valley-Ouest. Plus de 2 000 Canadiens se sont présentés.

La victime qui parlait pour ma circonscription était Betty Cyr. Betty et son mari Gary ont perdu leur fille Sherry à cause d'un conducteur ivre. D'autres personnes de ma circonscription auraient pu parler également en mémoire d'une personne chère disparue à cause de conducteurs en état d'ébriété.

Je voudrais lire à la Chambre la lettre d'un parent, Kate Verhulst, qui a perdu sa famille à cause d'un conducteur ivre. La voici:

Le 10 août 1995, ma fille, Cindy Verhulst, rentrait à la maison avec deux amis après avoir vu des feux d'artifice à Vancouver. Au coin de la septième avenue et de la rue Hurd, la voiture d'un automobiliste ivre a foncé dans le véhicule où Cindy se trouvait. Nous savons que ce conducteur, Geoffrey deJong, avait eu sept suspensions avant cette collision. Il roulait trop vite, il a grillé le feu rouge, et il se trouvait dans la mauvaise voie. Ma fille n'avait pas la moindre chance de s'en tirer. Le 14 août 1995, Cindy est morte, entourée de sa famille au coeur brisé, surtout de sa soeur jumelle, Sharleen, qui est restée près d'elle jusqu'à la fin.
Geoffrey deJong boit toujours, et il conduit toujours. Des accusations ont été portées contre lui: conduite en état d'ébriété causant la mort, un chef; conduite en état d'ébriété causant des blessures, deux chefs; conduite dangereuse causant la mort, un chef; conduite dangereuse causant des blessures, deux chefs; conduite avec taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 . . .Il n'a pas perdu son permis de conduire. L'audience préliminaire aura lieu le 27 juin 1996, le procès vers la fin de 1997 ou au début de 1998. Entre temps, il pourra tuer d'autres personnes. Nous savons que, même s'il est trouvé coupable pour tous les chefs d'accusation, si le procureur ne négocie pas le plaidoyer. . .
et la négociation de plaidoyers est l'un des plus graves problèmes.

. . .il ne séjournera qu'environ six mois en prison. Pour le moment, il est présumé conducteur en état d'ébriété. La mort de ma fille n'a rien de présumé. S'il l'avait tué avec une arme à feu ou un couteau, ce serait considéré comme un crime grave, mais elle ne serait pas plus morte. L'un des chirurgiens de l'hôpital de Vancouver m'a dit que Cindy aurait eu de meilleures chances contre une arme à feu.
Je voudrais savoir pourquoi la justice est si lente et pourquoi l'homme qui a tué ma fille a tous les droits et libertés dont il l'a privée. Je voudrais savoir pourquoi c'est le seul crime qui est qualifié d'accident. Comment peut-on commettre un crime accidentellement? Je voudrais savoir pourquoi les tribunaux prennent ces causes tellement à la légère. Je voudrais savoir combien de personnes deJong va tuer avant qu'on l'arrête. Je voudrais savoir pourquoi on lui a donné sept suspensions. N'est-il pas évident qu'il était et demeure un conducteur qui a le plus souvent les facultés affaiblies? Je crois qu'il est un délinquant dangereux, car il continue de commettre le crime qui a emporté ma fille.
Il nous faut des lois plus sévères contre les conducteurs ivres ou dangereux, et il faut appliquer ces lois avec plus de rigueur. Il devrait exister une peine minimum que les juges doivent appliquer. Ces conducteurs vont blesser et tuer plus de monde que tous les fusils, couteaux et autres armes pris ensemble. La justice est plus rapide lorsqu'il s'agit de contraventions de stationnement. Que faudra-t-il donc pour apporter les changements qui s'imposent?
Kate Verhulst
(1810)

Je suis d'accord avec la mère de Cindy. Il devrait y avoir une peine minimum à laquelle les juges seraient tenus. C'est justement ce que prévoit le projet de loi C-201 de mon collègue. Je crois qu'il est impossible pour quiconque ici d'imaginer la peine, le désespoir, l'indignation omniprésentes qu'éprouvent pendant le reste de leurs jours ceux qui perdent un être cher, dans ce cas-ci à cause d'un conducteur en état d'ébriété.

Pourquoi faut-il tenir les conducteurs ivres ou aux facultés affaiblies responsables de leurs actes? Parce que nous devons tous être tenus responsables de nos actes.

Malheureusement, les gouvernements passés ont dit aux Canadiens qu'ils avaient droit à tout, qu'ils n'avaient pas à se débrouiller seuls, ni à aider les autres, ni à assumer leurs responsabilités. La Charte des droits et libertés donne lieu à bien des recours aux tribunaux. Les groupes minoritaires, quiconque a l'impression d'être mal traité, tout le monde peut réclamer des dommages et intérêts devant les tribunaux. Cette charte a été conçue pour les gens qui ne sont intéressés que par leur petite personne.

On peut intenter un procès si quelqu'un de l'autre sexe vous siffle, si un détenu glisse et tombe en jouant au racquetball en prison, si un restaurant sert un café trop chaud et qu'un client le renverse sur lui, si un citoyen qui a trop bu plonge dans des eaux inconnues. C'est toujours la faute de quelqu'un d'autre. Plus personne n'est responsable de ses actes dans notre pays.


953

Il n'en était pas ainsi autrefois. Il fut une époque au Canada où les parents apprenaient à leurs enfants à se tenir droit, à respecter autrui et à servir leur pays. J'estime qu'il faudra modifier la Charte pour l'appeler «la Charte des droits, des libertés et des responsabilités».

Quiconque boit et veut conduire a le choix. Il peut choisir entre boire et conduire. Quel choix avait la victime? Aucun. Absolument aucun.

S'il faut en croire les statistiques, un grand nombre, pas tous, mais un grand nombre de ceux conduisent sous l'influence de l'alcool souffrent peut-être d'alcoolisme. Je tiens à déclarer à la Chambre que l'alcoolisme est une maladie, pas une excuse. Mais le fait que nous soyons malades ne veut pas dire nécessairement que nous ne sommes plus responsables de nos actes. Il est grand temps que les avocats et les juges, ceux qui représentent la loi et les droits des Canadiens, se rendent compte que chacun doit être tenu responsable des ses actes.

C'est seulement si notre société insiste sur cette façon d'agir que nous commencerons à infléchir les terribles statistiques dont j'ai fait lecture à la Chambre un peu plus tôt. En premier lieu, le conducteur aux facultés affaiblies doit se voir infliger une peine qui lui fasse comprendre la gravité de l'infraction. Quand on tue quelqu'un on n'a pas d'excuses. Il faut être tenu responsable. Une peine minimum de sept ans pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort a pour effet de retirer le coupable de la circulation pour un bon bout de temps, et s'il souffre d'alcoolisme, il aura ainsi amplement le temps de réfléchir aux terribles conséquences de ses actes.

Il y a des programmes AA dans les prisons, les volontaires participeront de façon régulière aux séances animés par des alcooliques rétablis qui donnent de leur temps. Ces hommes et ces femmes sont des spécialistes. Ça ne coûte pas un sou de plus au contribuable. Les AA donnent de très bons résultats chez les alcooliques qui sont disposés à s'en sortir.

Je prie les députés de la Chambre d'examiner le projet de loi C-201. Cessons de nous répandre en excuses, de blâmer autrui pour les actes que nous avons commis, voire de tuer sans être puni.

M. Rex Crawford (Kent, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui pour apporter mon appui complet au projet de loi C-201, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies).

J'ai été honoré de coparrainer ce projet de loi avec plusieurs de mes collègues libéraux. J'ai toujours cru fermement que je me devais d'appuyer toute bonne idée.

En fait, même si c'est mon collègue réformiste, le député de Prince George-Bulkley Valley, qui est censé être notre adversaire, qui a présenté ce projet de loi, il n'en demeure pas moins que c'est une excellente mesure qui mérite d'être appuyée par tous les Canadiens et tous les partis politiques.

(1815)

Comme des députés l'ont signalé, le fait que des conducteurs en état d'ébriété causent la mort de gens inquiète beaucoup les Canadiens. En imposant une peine minimale de sept ans à toute personne reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'une autre personne et en modifiant le paragraphe 255(3) du Code criminel, ce projet de loi va répondre à ces préoccupations.

À l'heure actuelle, ces individus sont passibles d'une peine maximale de 14 ans, mais dans quelle mesure l'impose-t-on? Cela ressemble à notre ancienne loi sur les armes à feu, une des plus sévères au monde, mais jamais appliquée par un système de justice trop indulgent.

Je souligne le fait que ce projet de loi a reçu l'appui non seulement des députés de tous les partis, mais chose plus importante encore, d'organisations comme Mothers Against Drunk Driving et Students Against Drunk Driving. J'ai eu le privilège de rencontrer Jane Meldrum, la présidente de MADD Canada, à l'occasion de la conférence de presse annonçant ce projet de loi. Je comprends parfaitement son engagement et l'obligation et le devoir qu'elle croit avoir de sensibiliser la population à cette question.

Les dispositions actuelles du Code criminel prévoient une peine maximale de 14 ans pour ce crime horrible, mais les tribunaux ne l'imposent jamais ou presque. En fait, la plupart des peines sont de un ou deux ans même dans le cas des récidivistes. Cela n'a aucun sens. Le projet de loi C-201 va changer tout cela et mieux refléter les préoccupations et les appréhensions des Canadiens.

Je sais que nous sommes tous heureux du fait que depuis 1993, le taux de personnes âgées de 16 ans et plus, par tranche de 100 000 personnes, qui ont été accusées d'avoir conduit en état d'ébriété un véhicule à moteur, un bateau ou un aéronef a baissé de 7 p. 100, ce qui constitue une baisse pour la onzième année d'affilée. Cependant, c'est contre les gens âgés entre 25 et 40 ans qu'on a porté le plus grand nombre d'accusations. Le groupe le plus important de coupables est formé des gens entre 30 et 34 ans. Il est évident que nous devons mieux sensibiliser nos jeunes alors qu'ils sont encore à l'école secondaire.

Le nombre de morts attribuables à la conduite avec facultés affaiblies a diminué au fil des ans grâce à l'amélioration de la sécurité routière en général, à une baisse des limites de vitesse, à une meilleure application de la loi et à une amélioration de la sécurité de véhicules, suite à l'installation notamment de coussins gonflables. Cependant, cela n'aide pas les familles frappées tragiquement par la mort d'un ou plusieurs de leurs membres causée par un conducteur avec facultés affaiblies.

Le député de Prince George-Bulkley Valley a donné un exemple dans sa circonscription où trois membres d'une même famille ont été tués par un conducteur en état d'ébriété qui avait déjà été condamné et auquel on n'a imposé qu'une peine de trois ans et demi. Les gens sont, à juste titre, outrés par ce type de peine qui ne reflète pas du tout le point de vue et les préoccupations du Canadien moyen.

Il faut remarquer qu'on a modifié en 1985 les articles du Code criminel portant sur la conduite avec facultés affaiblies. On a essentiellement accru toutes les peines et prévu de nouvelles infractions. Il s'agissait de la conduite dangereuse causant ainsi des lésions corporelles et de la conduite de façon dangereuse causant ainsi la mort. Bien que je le fasse rarement, je félicite l'ancien gouvernement conservateur de ces réformes.

Cependant, toutes les peines, y compris la peine maximale de 14 ans d'emprisonnement pour conduite en état d'ébriété causant la mort, ne sont que des lignes directrices. Les juges sont libres

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d'imposer quelque peine que ce soit. Par exemple, dans l'Île-du-Prince-Édouard, presque toutes les personnes condamnées pour conduite en état d'ébriété sont envoyées en prison, contrairement à ce qui se passe au Québec, où une période de probation est la peine la plus courante.

La commission de recherche sur les transports des États-Unis a proposé des mesures énergiques contre les conducteurs qui sont souvent en état d'ébriété, dont la saisie de leurs véhicules et la surveillance policière des personnes condamnées pour conduite en état d'ivresse. Le comité de la commission a dit que la politique actuellement en vigueur au Canada est efficace pour décourager la plupart des gens de conduire en état d'ébriété, mais il demeure un groupe de conducteurs persistants qui ne semblent pas être dissuadés par la menace de désapprobation sociale ou de peine pénale.

(1820)

Selon le rapport, les récidivistes sont quatre fois plus susceptibles que les autres conducteurs d'être impliqués dans un accident mortel de la route. Douze pour cent des conducteurs impliqués dans des accidents après avoir consommé de l'alcool avaient déjà eu au moins une condamnation.

Une étude intéressante et révélatrice qu'a publiée le New England Journal of Medicine en juillet 1994 s'intitulait: «Le risque de décès dans des accidents de la route liés à la consommation d'alcool chez les conducteurs fréquemment en état d'ébriété». On a émis l'hypothèse que les personnes arrêtées pour conduite en état d'ébriété risquent davantage de mourir plus tard dans un accident de la route lié à la consommation d'alcool, et que les personnes qui rentrent chez elles en voiture après avoir consommé de l'alcool le font à répétition. On a étudié les cas de décès de conducteurs dans des accidents de ce genre sur une période de dix ans en Caroline du Nord.

Les scientifiques ont établi des liens entre 3 000 conducteurs en consultant leurs dossiers. Leurs conclusions tombent sous le sens, mais sont néanmoins révélatrices. Leur étude a montré qu'une intervention énergique dans le cas des personnes arrêtées pour conduite avec les facultés affaiblies peut diminuer la probabilité ultérieure d'un accident mortel lié à la consommation d'alcool.

Aux États-Unis, les accidents de la route sont la principale cause de décès chez les personnes âgées de 1 à 34 ans. Près de 50 p. 100 des décès survenus sur la route sont liés à la consommation d'alcool. En outre, 40 p. 100 des Américains seront impliqués dans un accident lié à la consommation d'alcool à un moment donné au cours de leur vie.

Le rapport du New England Journal of Medicine laisse entendre que les conducteurs qui sont tués ou qui causent des décès dans des accidents liés à la consommation d'alcool sont plus susceptibles que les autres conducteurs d'avoir déjà été arrêtés pour conduite en état d'ébriété. En outre, on a tenté d'établir la relation entre la probabilité de décès dans des accidents liés à la consommation d'alcool et le nombre d'arrestations pour conduite en état d'ébriété.

L'étude américaine prouve sans l'ombre d'un doute que la corrélation entre les arrestations pour conduite avec facultés affaiblies et les décès liés à la consommation d'alcool était nettement plus forte dès qu'il y avait au moins deux arrestations.

L'étude comporte plusieurs points étonnants, notamment en ce qui concerne l'exactitude des renseignements sur le taux d'alcool recueillis et signalés à l'association des médecins légistes de la Caroline du Nord. Voici un extrait de l'étude: «La probabilité qu'un conducteur avec facultés affaiblies soit arrêté se situe entre 1 sur 250 et 1 sur 2 000. Par conséquent, les stratégies de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies doivent viser surtout les conducteurs qui ont déjà été arrêtés. Nos résultats portent à croire qu'une intervention efficace auprès des conducteurs avec facultés affaiblies qui sont arrêtés contribuerait à réduire le nombre de décès liés à la consommation d'alcool. Puisque la corrélation entre les arrestations pour conduite avec facultés affaiblies et les décès liés à la consommation d'alcool augmente considérablement avec le nombre d'arrestations, il importe d'intervenir après une première arrestation. Cette arrestation peut ainsi représenter une importante occasion de réduire le risque d'un décès par suite d'un accident lié à la consommation d'alcool.»

Je ne peux évoquer de meilleurs arguments pour appuyer le projet de loi C-201 et l'application de peines plus sévères que de citer le rapport du mois d'août 1994 de la revue fort respectée qu'est le New England Journal of Medicine, qui est fort respectée et qui jouit d'une excellent réputation pour son intégrité et ses principes.

Il existe des statistiques similaires au Canada. En 1994, 87 838 Canadiens ont été accusés pour conduite avec facultés affaiblies d'une automobile, d'un navire ou d'un aéronef, et 1 414 Canadiens ont été tués par des conducteurs avec facultés affaiblies, soit trois fois plus que les victimes d'assassinat. Quatre-vingt dix pour cent des conducteurs avec facultés affaiblies sont les premiers responsables d'accidents mortels dans lesquels ils étaient impliqués. En 1993, sur 1 315 accidents mortels d'automobiles en Ontario, 565 étaient liés à la consommation d'alcool.

Le projet de loi C-201 mérite l'appui de tous les députés. Nous représentons nos électeurs à la Chambre et je déclare fermement que les Canadiens seraient favorables à ce projet de loi et aux mesures qu'il propose. Le projet de loi fait l'objet d'un vote et je vais certainement me prononcer en sa faveur, parce qu'il est bon et que le sectarisme politique ne devrait pas s'appliquer quand il est question de projets de loi d'initiative parlementaire.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée, et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

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954

MOTION D'AJOURNEMENT

(1825)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'EMPLOI

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre du Développement des Ressources humaines, responsable de la caisse de l'assurance-chômage, a tenu des propos assez incroyables qui m'ont beaucoup inquiété. Cela m'inquiète parce que je crois que les paroles trahissent une incompréhension totale des besoins des Canadiens et une incompréhension de ses propres responsabilités ministérielles.


955

À la Chambre des communes, le ministre a répondu à une question que je lui avais posée en accusant les dirigeants syndicaux de faire descendre les gens dans les rues du Nouveau-Brunswick après leur avoir donné «des renseignements faux et erronés pour les exploiter». En réponse à une autre question, il a déclaré que les dirigeants syndicaux devraient «cesser d'exploiter les plus vulnérables de notre société». Je me demande qui exploite qui.

Les gens du Nouveau-Brunswick en ont beaucoup à dire à propos des changements que le gouvernement actuel leur impose, au premier chef desquels les changements apportés au régime de l'assurance-chômage. Nous savons tous que la caisse elle-même est maintenant excédentaire parce que le gouvernement a réduit les prestations et limité l'admissibilité. Alors qu'environ 70 p. 100 des chômeurs pouvaient auparavant toucher des prestations, à peine 40 p. 100 d'entre eux y ont maintenant droit. À une époque où sévit le chômage, on s'attendrait à ce que la caisse de l'assurance-chômage soit déficitaire, mais le gouvernement actuel a réussi à la rendre excédentaire, et il n'a pu le faire qu'en exploitant les gens qui en ont le plus besoin.

Le ministre ne s'est peut-être pas rendu compte de la situation, contrairement aux habitants du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada, qui n'aiment pas ce qu'ils voient. Le ministre ne l'a peut-être pas remarqué, ou la question ne l'intéresse peut-être pas, mais les gens ordinaires ne descendent pas dans la rue, pancarte à la main, pour manifester contre leur gouvernement, à moins d'être grandement déçus et mécontents.

Ces mots décrivent très bien les sentiments qu'éprouvent les manifestants du Nouveau-Brunswick. Ces gens sont déçus et mécontents des changements qu'on veut leur imposer. Ils sont l'âme de ces manifestations. Ils exhortent leurs leaders à s'attaquer au problème.

Le ministre ne l'a peut-être pas remarqué, mais les leaders démocratiquement élus et les autres qui travaillent auprès des manifestants ont constaté la déception et le mécontentement des citoyens ordinaires du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada et les ont entendus réclamer des programmes sociaux.

Le ministre a choisi de s'attaquer à ses rivaux plutôt qu'à leurs idées, probablement parce qu'il ne veut pas discuter de leurs idées. Si l'objectif du gouvernement est de réduire le programme et d'accroître l'excédent de la caisse d'assurance-chômage afin de l'utiliser pour rembourser une partie de la dette nationale, tout va très bien. Par contre, s'il cherchait à aider les gens qui traversent une période difficile entre deux emplois ou encore à appuyer l'économie afin de créer les emplois nécessaires pour redonner du travail aux chômeurs, il a échoué lamentablement et devrait être obligé de rendre des comptes.

Lorsqu'on demande des explications au ministre, il répond en remettant en question la crédibilité de ceux qui font connaître leurs préoccupations. Lorsque le chef du Congrès du travail du Canada demande d'être entendu et réclame une rencontre, le ministre déclare: «Je ne parlerais pas à Bob White, même si je le rencontrais au beau milieu du désert du Sahara, après une randonnée de deux semaines à dos de chameau, et s'il me tendait un verre d'eau fraîche.» C'est quoi, ce genre de remarques injurieuses?

Le ministre a sûrement le devoir de rencontrer les gens démocratiquement élus pour représenter les citoyens les plus touchés par les décisions de son ministère et de discuter avec eux de la situation.

Je m'inquiète de voir que le ministre n'a pas encore compris que les vrais habitants du Nouveau-Brunswick et des autres régions du Canada qui sont en chômage mais qui cherchent un emploi veulent simplement trouver du travail. Faute de travail, ils veulent avoir la certitude que le programme d'assurance qu'ils ont appuyé pourra les aider. Si les grandes sociétés rentables abolissent des emplois et si le gouvernement fédéral n'est pas là pour les protéger, ils se tourneront vers leurs autres représentants pour obtenir de l'aide.

Je demande au ministre de reconsidérer ses propos. Qu'il nous dise qu'il cherchera à élaborer un programme d'assurance-emploi qui appuiera au lieu de pénaliser ceux dont le seul objectif est de trouver et de garder un bon emploi.

M. Robert Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je saisis l'occasion qui m'est faite aujourd'hui de présenter des observations.

Étant moi-même syndicaliste, je me demande régulièrement quelle casquette porte au juste Bob White. Celle du CTC ou celle du NPD? C'est probablement une des raisons pour lesquelles le mouvement syndicaliste canadien est aujourd'hui dans un tel délabrement et capte si peu l'attention des gouvernements. On ne sait pas au juste s'il fait partie du mouvement néo-démocrate ou du véritable mouvement syndicaliste que recherchent les gens.

(1830)

La question du manque d'intérêt et des solutions du syndicat a été soulevée à nouveau aujourd'hui au comité. Un des affiliés du CTC a présenté un exposé des idées dont parle le député et en est venu à la conclusion qu'il fallait abandonner le projet de loi.

Chaque fois que j'ai essayé d'organiser quelque chose au sein du mouvement syndicaliste, l'objectif était de s'assurer que nos voix étaient entendues et que nos recommandations et nos idées étaient défendues. C'est à partir de là que nous décidions de rencontrer quelqu'un.

Je conviens avec le ministre que M. White ne nous a encore fait part d'aucune idée. Tout ce qui l'intéresse, c'est de se faire du capital politique aux dépens des gens qui s'intéressent beaucoup aux modifications apportées à l'assurance-chômage, désormais appelée assurance-emploi.

Si le député veut se rendre utile, il devrait dire à son ami, Bob White, qui fait partie de l'exécutif du NPD, de venir présenter au comité des idées et des recommandations au lieu de ce que nous avons entendu ce matin de la part d'un de leurs affiliés, à savoir qu'il fallait essentiellement abandonner le projet de loi. Toute personne sensée n'ignore pas que cela n'a rien d'une idée ni d'une recommandation. Beaucoup de Canadiens éprouvent depuis longtemps un problème avec le CTC. Ceux d'entre nous qui font partie du mouvement syndicaliste en ont assez des gens comme Bob White.

956

Je recommande au député et au ministre de tolérer ces personnes. Le député ne devrait pas cesser de dire ce qu'il dit parce que nous sommes nombreux à croire que Bob White nuit à la cause des travailleurs et des travailleuses.

Nous allons demander au CTC de venir, d'ici à deux ou trois semaines, nous présenter des recommandations. J'espère qu'il s'agira bien de recommandations et non de considérations politiques. Car c'est là tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant.

Si le député croit que les manifestions que les syndicalistes ont organisées dans la région canadienne de l'Atlantique étaient utiles et feraient changer les choses, il devrait voir ce qui est arrivé au mouvement syndicaliste dans d'autres territoires.

Personne ne fait attention aux syndicats à cause d'observations comme celles-là et des commentaires de Bob White. J'espère que l'on changera de façon de faire et que le mouvement syndicaliste pourra recommencer à faire affaire avec les gouvernements, quelle que soit leur bannière politique.

[Français]

LES ÉDIFICES GOUVERNEMENTAUX

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, jeudi dernier, je posais une question à la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux concernant la relocalisation des bureaux de Revenu Canada de Hull à Ottawa.

La ministre, dans sa tentative de réponse, sème un doute sur la transparence des processus, puisqu'elle admet que, dans un appel d'offres, son ministère s'efforce d'avoir des processus ouverts et équitables.

La ministre ne nous offre aucune garantie qui nous permettrait de s'assurer que tous les efforts ont été employés pour assurer la transparence et l'équité dans ce processus. D'ailleurs, dans la population, ce gouvernement n'apparaît-il pas comme étant celui qui assure la moins grande transparence?

Encore une fois, le gouvernement libéral n'a rien fait pour rétablir la confiance des citoyens et des citoyennes. C'est maintenant connu qu'il n'a pas non plus réussi à limiter le rôle des lobbyistes. Pourtant, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils étaient prêts à déchirer leur chemise au nom de la transparence. Même le fameux livre rouge n'en finit plus de déteindre à cause des promesses non tenues.

C'est un exemple frappant d'une politique de deux poids, deux mesures. Comment la ministre peut-elle affirmer que les processus sont ouverts et équitables. Pourquoi les locateurs du Québec doivent-ils se soumettre à la paperasserie gouvernementale alors qu'en Ontario les locateurs n'en ont pas besoin?

Plusieurs questions me viennent à l'esprit. S'agirait-il de patronage éhonté, s'agirait-il surtout de récompenser quelqu'un.

Un déménagement comme celui dont on parle, soit 800 fonctionnaires, c'est un luxe dont nous pourrions aisément nous passer actuellement. Les propriétaires d'entreprises du Québec ont les mêmes droits que ceux de l'Ontario. Ils ont surtout le droit d'être traités de la même façon que leurs voisins de l'Ontario.

Si la ministre affirme que le processus mis en place par son gouvernement dans l'octroi des locaux est ouvert et transparent et qu'il entend assurer l'égalité d'accès à toutes les régions et à toutes les entreprises dans l'ensemble du pays, alors qu'elle joigne le geste à la parole. Qu'elle agisse.

Le Bloc québécois ne s'oppose pas aux appels d'offres. Le Bloc québécois recherche un processus clair, transparent, à l'abri des lobbyistes, qui ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire au ministre et qui assurera une équité et une égalité à toutes et à tous.

Le Bloc québécois recherche surtout que l'accès aux différents contrats gouvernementaux soit fondé, je le répète, sur l'équité et l'égalité.

[Traduction]

M. John Harvard (secrétaire parlementaire de la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, contrairement aux affirmations du député, il n'y a pas de conspiration dirigée contre les propriétaires du côté québécois de la rivière. Le bail en question, pour les locaux de la Direction des techniques d'information de Revenu Canada, fera l'objet d'un appel d'offres tout à fait ouvert, juste et conforme aux procédures normales.

Le député a déclaré qu'il voulait une garantie d'ouverture et de transparence. Eh bien, il l'a.

Il doit comprendre que toutes les demandes de locaux sont examinées individuellement par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Dans chaque cas, TPSGC prend la meilleure mesure possible compte tenu des besoins et des contraintes du ministère qui est à l'origine de la demande.

Les décisions concernant les locaux à bureaux dépendent d'un certain nombre de facteurs. Il y a notamment la durée du bail demandé, le coût du déménagement des services visés, les investissements faits dans les locaux déjà occupés, la rationalisation du gouvernement, la sécurité des locaux et l'accessibilité au public, pour ne nommer que ceux-là.

Dans tous les cas, ce qui importe au premier chef c'est de trouver la meilleure solution possible au plus bas coût pour les contribuables et ce, dans le cadre d'un processus ouvert, juste et transparent.

Voyons un peu le cas soulevé par le député. Le bail de l'immeuble Fontaine expire le 30 novembre 1996 et il n'y a pas d'option de renouvellement, mais Revenu Canada aura besoin pendant cinq ans d'environ 1 200 mètres carrés de locaux à bureaux.

957

Après avoir fait récemment une étude de marché nous avons décidé de procéder par soumissions sur invitation. C'est une de nos méthodes normales de location de locaux à bureaux. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a aucune raison de ne pas recourir à cette méthode. La méthode privilégiée est toujours celle de la concurrence.

Qu'il soit bien clair que le propriétaire de l'immeuble Fontaine a été invité à soumissionner et aura des chances égales aux autres. Si son offre est la plus avantageuse pour le gouvernement et pour les contribuables, les bureaux de Revenu Canada demeureront exactement où ils se trouvent en ce moment.

Contrairement à ce que le député de Chicoutimi à déclaré, notre but en lançant cet appel d'offres n'est pas de réinstaller en Ontario des fonctionnaires qui travaillent présentement au Québec. Notre appel d'offres vise à faire en sorte que tous les propriétaires de la région de la capitale nationale qui peuvent combler nos besoins en bureaux aient la possibilité de soumissionner. C'est là un processus ouvert et juste qui garantit les meilleures conditions et pour le gouvernement, et pour les contribuables.

En outre, les 750 employés de cette direction de Revenu Canada représentent moins de 1 p. 100 de tous les fonctionnaires fédéraux en poste dans la région de la capitale nationale.

Ce dont il est question ici, c'est d'un processus juste et ouvert qui permet au gouvernement et aux contribuables d'obtenir le meilleur bail possible. C'est ainsi que les choses doivent se faire et c'est ainsi qu'elles se feront.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): La motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 14 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 38.)