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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 mai 1996

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-217. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 2213
    Adoption de la motion 2213

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    Projet de loi C-12. Reprise de l'étude à l'étape durapport 2214

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais) 2214
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 2215
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2218
    Mme Gagnon (Québec) 2226

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

M. MARTIN STREEF

LA FÊTE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES WAGONS-TRÉMIES

LE RCVC WESTERN FITNESS ROOF

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Leroux (Shefford) 2245

LA MANUTENTION DU GRAIN

LES ENFANTS DISPARUS

LE DÉCÈS DE JOHN DICKEY

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LE FESTIVAL DE STRATFORD

LA DÉTERMINAION DE LA PEINE ET LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

LE DÉPUTÉ DE NANAÏMO-COWICHAN

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE RACISME

LE DÉPUTÉ DE QUÉBEC-EST

QUESTIONS ORALES

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2248
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2248
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2248
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2249
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2249
    M. Harper (Simcoe-Centre) 2249
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2249
    M. Harper (Simcoe-Centre) 2249
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2249
    M. Harper (Simcoe-Centre) 2249
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2250

LES RÉFÉRENDUMS

LA TAXE DE VENTE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2250
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2251

LES RÉFÉRENDUMS

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2251
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2251

LA TAXE SUR LES BIENS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2251
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2252

LE PRIX DU CARBURANT

    M. Leblanc (Longueuil) 2252
    M. Leblanc (Longueuil) 2252

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

LES STOCKS DE SAUMON

LE IRVING WHALE

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2254
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2254

LA JUSTICE

LES GARDERIES

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    Projet de loi C-12. Reprise de l'étude de la motion 2255
    M. Leroux (Shefford) 2260
    M. Leblanc (Longueuil) 2261
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 2271

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

L'ÉGALITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL

    M. White (North Vancouver) 2274
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2281

LE PRINCIPE DU MÉRITE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2287

MOTION D'AJOURNEMENT

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE


2213


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 2 mai 1996

La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er mai, de la motion: Que le projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (protection des témoins), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a unanimité pour mettre aux voix la motion suivante:

Que le vote par appel nominal à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (protection des témoins), différé au jeudi 2 mai 1996, à 10h00, soit de nouveau différé jusqu'au mardi 6 mai 1996, à la fin de la période prévue pour les affaires émanant du gouvernement.
(La motion est adoptée.)

______________________________________________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à dix pétitions.

* * *

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour présenter une pétition signée par des électeurs de ma circonscription, Hamilton-Wentworth, qui demandent au Parlement de ne pas imposer les prestations d'assurance-maladie et d'assurance dentaire.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, nous répondons aujourd'hui à la question no 24.

[Texte]

Question no 24-M. Milliken:

Quels quais exploités par le ministère des Transports servent aux traversiers qui assurent un service vers des îles situées au Canada et quels sont les coûts d'exploitation, d'entretien et de réparation de ces installations a) en dollars, et b) en pourcentage des coûts semblables des quais qui appartiennent au ministère et qui sont exploités par lui?
L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, Transports Canada répond comme suit.

L'Ontario est la seule province dans laquelle Transports Canada exploite des quais pour assurer des services de traversiers vers des îles.

Dans le secteur ontarien des transports, cinq services de traversiers desservent les îles. Ils sont énumérés ci-après avec certains renseignements utiles.

Entre Tobermory et South Baymouth (île Manitoulin): L'île Manitoulin est accessible par la route 6 du réseau provincial, donc ses résidants ne dépendent pas uniquement du traversier pour rejoindre la terre. Étant donné ce fait, le service de traversier de l'île Manitoulin n'est peut-être pas un bon exemple de comparaison des coûts. Il importe de noter que le service de traversier vers South Baymouth est exploité par l'Owen Sound Transportation Company Ltd. de la province de l'Ontario six mois seulement par année.

Les coûts d'entretien et de réparation suivants ont été encourus aux emplacements de Tobermory et de South Baymouth:

1990-1991 Réparations de quai 4 500 $
1991-1992 Réparations de quai 129 200 $
1992-1993 Réparations de quai 396 300 $
1993-1994 - -
1994-1995 - -
1995-1996 Réparations de quai 500 $

Entre Kingsville et l'île Pelée et entre Leamington et l'île Pelée: Les résidants de l'île Pelée dépendent entièrement du service de

2214

traversier provincial pour accéder à la terre. L'exploitant du service de traversier est l'Owen Sound Transportation Company Ltd.

Les structures des installations de traversier de l'île Pelée, de Kingsville et de Leamington ont été reconstruites récemment dans le cadre d'une entente conjointe fédérale-provinciale dans la foulée d'une entente conclue par le ministre des Transports du Canada et le ministre des Transports et des Communications de l'Ontario en décembre 1992. Amorcé en 1992, le projet a été achevé en 1995. La participation de Transports Canada aux coûts est décrite ci-après:

Terminal de Kingsville 2 285 000 $
Terminal de Leamington 3 663 000 $
Terminal de l'île Pelée 4 868 000 $

Entre Millhaven et Stella: Les résidants de l'île Amherst dépendent entièrement des traversiers provinciaux pour accéder à la terre. Les traversiers sont exploités par le canton Amherst Island. Les coûts d'entretien et de réparation suivants ont été encourus aux emplacements de Millhaven et de Stella:

Millhaven: 1990-1991 Réparations d'un
prolongement de quai
à charpente de bois 22 000 $
1991-1992 Réparations de quai 46 000 $
1992-1993 Réparations de quai 359 000 $
1993-1994 Réparations de quai 356 000 $

Stella: 1991-1992 Réparations de quai 34 000 $
1994-1995 Reconstruction de quai 37 000 $
1995-1996 Reconstruction de quai 443 000 $

Entre l'île Wolf et Cape Vincent, dans l'État de New York: Les résidants de l'île Wolf dépendent entièrement des deux traversiers pour accéder à la terre. Le traversier de Kingston fonctionne à l'année; toutefois, Transports Canada ne fournit aucune infrastructure à ce service. Le service de traversier de Horne's Point et de Cape Vincent, dans l'État de New York, est un service international exploité par une société privée. La structure des installations de traversier de Horne's point a nécessité les coûts d'entretien et de réparation suivants:

Île Wolf: 1991-1992 Réparations de quai 39 000 $
1994-1995 Réparations de quai 50 000 $
1995-1996 Réparations de quai 432 000 $

Entre Moosonee et l'île Moose Factory: Les écoliers de Moosonee dépendent du traversier privé pour l'aller-retour de l'école tous les jours. Le traversier est exploité dès la débâcle, habituellement à la première semaine de juin, jusqu'au début des glaces, habituellement à la dernière semaine d'octobre. Le service de traversier assure l'accès à l'hôpital de l'île Moose Factory. Les autres moyens de se rendre à l'île sont le navire de charge, le canot, l'hélicoptère et, en hiver, l'automobile, le camion et la motoneige.

Les coûts d'entretien et de réparation suivants ont été encourus à l'emplacement de Moose Factory:

1990-1991 Contrat de service annuel 14 250 $
1991-1992 Contrat de service annuel 25 250 $
1992-1993 Nouveaux pontons de bois 23 000 $
1992-1993 Contrat de service annuel 8 750 $
1993-1994 Contrat de service annuel 23 000 $
1994-1995 Modification des pontons 2 500 $

Dans tous les cas susmentionnés, Trasports Canada possède la structure principale du service de traversier, mais non les rampes d'embarquement et de débarquement des véhicules et des passagers. Dans la partie b) de la question 24, la comparaison des pourcentages par rapport aux autres structures maritimes n'est peut-être pas juste, étant donné que les structures ont des limites de charge et des tailles très différentes. Notons aussi que l'emplacement de la structure peut influer considérablement sur le coût d'entretien annuel, en raison des conditions glaciales, du vent, de l'impact des vagues et des courants, comme la vitesse ou l'écoulement.

[Traduction]

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les autres questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


2214

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il y a 221 motions d'amendement qui sont inscrites au Feuilleton à l'étape du rapport du projet de loi C-12.

La motion no 9 a) ne peut être proposée à la Chambre, car elle n'est pas accompagnée d'une recommandation du gouverneur général. Le paragraphe 76(3) du Règlement exige que l'avis préalable soit donné au plus tard le jour de séance précédant celui où commence l'étude.

Les autres motions seront regroupées aux fins du débat de la manière suivante.

Le groupe no 2 comprendra les motions nos 1, 2 et 3.

Le groupe no 3 sera constitué des motions nos 4, 5, 6, 200 et 201.

(1010)

[Français]

Groupe no 4: Les motions nos 7 et 8.

Groupe no 5: Les motions nos 10 et 10A.

[Traduction]

Le groupe no 6 est constitué des motions nos 17, 18, 20 à 25, 35, 36, 72, 73, 171, 173 et 189.

Le groupe no 7 comprend les motions nos 75 et 76.


2215

[Français]

Groupe no 8: Les motions nos 80, 81, 92 et 93.

Groupe no 9: Les motions nos 111, 112 et 113.

Groupe no 10: La motion no 128.

Groupe no 11: La motion no 188.

[Traduction]

Le groupe no 12 comprend les motions nos 191 et 192.

[Français]

Groupe no 13: Les motions nos 214, 215 et 219.

Groupe no 14: Les motions nos 216, 217, 218.

Groupe no 15: Les motions nos 9, 11 à 16, 19, 26 à 34, 37 à 71, 74, 77 à 79, 82 à 91, 94 à 110, 114 à 127, 129 à 170, 172, 174 à 187, 190, 193 à 199, 202 à 213.

[Traduction]

Les députés peuvent consulter les modalités de vote sur les motions de chacun des groupes au bureau de la Chambre. La présidence rappellera ces modalités au moment du vote.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) propose:

Motion no 1
Qu'on modifie le projet de loi C-12, dans le titre long, par substitution, à la page 1, de ce qui suit:
«Loi qui modifie la Loi sur l'assurance-chômage».
[Traduction]

M. Boudria: Madame la Présidente, je fais appel au Règlement. Il se peut, afin de permettre aux députés de discuter des motions plutôt que d'en écouter la lecture, que l'on consente à ce que toutes les motions dont madame la Présidente vient de donner les numéros soient réputés avoir été proposées et appuyées. Si les députés y consentent, nous pourrions consacrer notre temps à la discussion du contenu des motions au lieu d'écouter la lecture des titres de chacune.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD) propose:

Motion no 2
Qu'on modifie le projet de loi C-12 par suppression de l'article 1.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) propose:

Motion no 3
Qu'on modifie le projet de loi C-12, à l'article 1, par substitution, à la ligne 4, page 1, de ce qui suit:
«1. La loi sur l'assurance-chômage est modifiée en ajoutant ce qui suit au paragraphe 6(2)a):
«d'une part, il a au cours de sa période de référence, exercé un emploi ou des emplois assurables pendant au moins le nombre de semaines»
2. La loi sur l'assurance-chômage est modifiée en ajoutant ce qui suit au paragraphe 6(2)b):
«d'autre part, il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son ou de ses emplois»
3. La loi sur l'assurance-chômage est modifiée en ajoutant ce qui suit au paragraphe 6(3)a):
«d'une part, il a exercé un ou des emplois assurables pendant vingt semaines. . .»
4. La loi sur l'assurance-chômage est modifiée en ajoutant ce qui suit au paragraphe 6(3)b):
«d'autre part, il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son ou de ses emplois.»
5. La loi sur l'assurance-chômage est modifiée en ajoutant ce qui suit au paragraphe 6(4)c):
«moins de quatorze semaines prescrites reliées à un ou des emplois.»»
-Madame la Présidente, avant de gruger les courtes dix minutes qui me sont imparties, j'aimerais vous demander pourquoi la motion no 9A n'a pas été retenue? Est-ce que je pourrais avoir une réponse là-dessus?

(1015)

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Pour faire suite à la décision de la Présidence, j'aimerais vous citer l'article 246(3) de Beauchesne, 4e édition:

246. (3) Le principe directeur quand il s'agit de déterminer les conséquences d'une modification dans le domaine financier, sur l'initiative de la Couronne, consiste en ce que la communication, à laquelle la demande royale de recommandation est annexée, doit être considérée comme établissant, une fois pour toutes (à moins qu'elle ne soit retirée et remplacée), non seulement le montant d'un prélèvement, mais aussi ses objectifs, ses buts, ses conditions, et les réserves qui s'y rattachent. En ce qui concerne la norme ainsi fixée, tout amendement enfreint l'initiative de la Couronne dans le domaine financier, non seulement s'il augmente le montant, mais aussi s'il en étend les objets et les fins, ou s'il relâche les conditions et les réserves signalées dans la communication par laquelle la Couronne a demandé, ou recommandé, un prélèvement. Cette norme lie non seulement les simples députés mais aussi les ministres, dont l'unique avantage, en leur qualité de conseiller de la Couronne, est de pouvoir présenter des crédits nouveaux ou supplémentaires ou d'obtenir une recommandation royale de résolutions nouvelles ou supplémentaires.
J'espère que cette réponse est acceptable à la députée.

Mme Lalonde: Madame la Présidente, cette lecture de Beauchesne permet de comprendre les limites extrêmes auxquelles l'opposition est contrainte, dans un débat comme celui qui a été tenu sur le projet de réforme de l'assurance-chômage. Ce que vous venez de lire implique, si vous en donnez l'interprétation que je comprends par le fait que vous refusez cet amendement, qu'en aucune façon, les modifications que nous proposons ne peuvent avoir pour effet de changer les montants et de prélèvements et de dépenses, alors que l'essentiel du débat sur cette réforme de l'assurance-chômage touche justement cette question.

Cette contrainte extrême force l'opposition à ne pouvoir que revenir à la loi actuelle, puisque l'essentiel du projet de loi est de diminuer les cotisations pour les travailleurs qui gagnent


2216

de 39 000 $ à 42 400 $, d'enlever les cotisations pour ces montants-là aux grandes entreprises, donc de réduire une assiette, d'augmenter le fardeau fiscal des gens qui ne paient actuellement pas d'assurance-chômage en leur en faisant payer et, par le fait même, par le petit monde qui, désormais, paiera des cotisations, faire en sorte d'équilibrer cette perte de 900 millions que le gouvernement consent, ce cadeau qu'il donne aux grandes entreprises et aux travailleurs, de 39 000 $ à 42 400 $. Il s'agit donc de compenser par ce que verseront désormais les gens qui actuellement ne paient pas de cotisations, de 1 heure à 15 heures, alors que la plupart d'entre eux ne pourront pas jouir des bénéfices de l'assurance-chômage. Le reste de la réforme contient des coupures pour arriver à l'objectif fixé dans le budget de 1,9 milliard. Vous comprenez que l'opposition, dans ce cadre-là, est absolument bâillonnée, a les mains liées.

Ce projet de loi qui s'appelle, honteusement, assurance-emploi, ne donne aucune garantie aux travailleurs et aux travailleuses qu'ils auront un emploi même s'ils touchent des prestations, et ils n'en sont pas assurés; en fait, aucun n'en est assuré, parce qu'il n'y a aucun droit d'appel sur les prestations d'emploi.

(1020)

C'est donc un projet de loi dont le titre même ne correspond pas à la réalité. Non seulement il ne correspond pas à la réalité, mais nous soutenons, et nous avons toute l'argumentation à l'appui, que ce projet de loi non seulement n'assure pas un emploi, non seulement ne favorise pas la création d'emplois, mais qu'il est anti-emploi.

Il ne favorise pas la création d'emplois parce qu'il diminue le subventionnement interrégional. Il va rendre plus pauvres les régions déjà pauvres. Et quand je parle des régions, je parle des régions de travail saisonnier, mais aussi des régions de fort taux de chômage. Je parle aussi bien de la Gaspésie, d'une façon générale, presque générale, des provinces Atlantiques, mais aussi de la région de Montréal.

J'aimerais lire l'extrait d'un mémoire que, pas n'importe qui, l'honorable Robert Morrissey, ministre du Développement économique et du Tourisme, et Mme Jeannie Lea, ministre de l'Éducation de l'Île-du-Prince-Édouard, ont présenté: «À l'Île-du-Prince-Édouard, la perte nette de prestations d'assurance-chômage s'élèverait ainsi à plus de 15 millions de dollars et passerait à 24 millions de dollars en 2001, 2002. De telles pertes ont des répercussions importantes dans une économie d'aussi petite dimension que la nôtre, bien que l'Île-du-Prince-Édouard se soit classée au premier rang pour la croissance de l'emploi en 1985.»

Même si les amendements réduisent quelque peu les coupures, la marque de commerce de ce projet de loi ce sont les coupures. Ces coupures ont des effets sur l'ensemble de l'économie. Quand le ministre de l'Économie de l'Île-du-Prince-Édouard, qui se classe la première dans la création d'emplois, dit que leur économie n'est pas capable d'assumer des coupures de 15 millions, que dire quand les coupures pour la région de Montréal totaliseront autour de 500 millions si on additionne celles de 1994.

Juste pour une région, c'est l'équivalent de dizaines et de dizaines d'entreprises qui ferment et ce de façon définitive. C'est extrêmement grave sur le plan économique. C'est grave aussi sur le plan social parce que ce sont les exclus qui sont appelés à payer davantage et, bien souvent, à ne pas avoir accès aux bénéfices.

Ils sont venus le dire à répétition. Ils l'ont dit également par leurs manifestations, par leurs protestations parfois désespérées. Et nous pouvons nous dire une chose: si le gouvernement s'est senti obligé de faire quelques amendements modestes, 365 millions sur presque deux milliards de coupures, c'est parce que ces protestations, oui, avaient un caractère désespéré.

Rappelons que les gens qui ont pu protester étaient ceux qui étaient organisés, qui voyaient directement l'impact sur toute une région. Quand les personnes sont des individus isolés qui travaillent dans un emploi précaire, qui craignent de perdre leur emploi, ou qu'ils sont déjà chômeurs, ou des assistés sociaux, ces personnes se trouvent démunies, chacune chez elle, et ne savent pas comment joindre leurs protestations à celles des autres. Nous sommes donc loin, très loin, d'un régime d'assurance-emploi.

C'est pourquoi nous, du Bloc québécois, voulons, demandons, implorons, crions au ministre de prendre le temps qu'il faut pour faire une vraie réforme qui ne s'attaquera pas aux gens qui ont des problèmes, comme le disait le premier ministre Chrétien-excusez-moi, je n'ai pas le droit de le nommer-l'ex-chef de l'opposition officielle libérale, qui s'appelait alors Jean Chrétien, l'actuel premier ministre, comme il le disait déjà à l'endroit d'une réforme infiniment moins grave que celle présentement devant cette Chambre et qui s'ajoute, je le répète, à une autre prétendue réforme qui a coupé 2,4 milliards dans les bénéfices aux chômeurs depuis 1995.

(1025)

Alors nous allons montrer comment le premier ministre et le ministre du Développement des ressources humaines devraient prendre grand soin de cet instrument qui a été extrêmement efficace lors de la récession, celle de 1981 à 1983 et la dernière, mais qui le sera de moins en moins parce que son effet stabilisateur se fera de moins en moins sentir. C'est vrai pour l'ensemble de l'économie, mais pour les individus c'est encore plus grave.

Combien de personnes dans notre société n'ont pas une sécurité minimale? L'assurance-chômage est la seule qu'elles ont qui leur permette de continuer à pouvoir espérer avoir un autre emploi. Donc on n'a pas le droit de toucher, comme on le fait, à cet instrument indispensable d'équilibre social et de stabilisation économique.

[Traduction]

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi concernant l'assurance-emploi.

Depuis deux ans, le gouvernement procède à de vastes consultations au sujet de la politique sociale et, plus particulièrement, de l'assurance-chômage qu'on va maintenant appeler l'assurance-emploi.


2217

Il semble tout à fait approprié que le nouveau nom du régime soit l'assurance-emploi. Nous n'avons pas d'assurance-mortalité, même si le montant de l'assurance est versé à notre mort. Il semble raisonnable de ne pas appeler ce régime l'assurance-chômage, puisque l'idée que nous devons faire valoir, c'est que les gens aient un emploi plutôt que d'être au chômage. Nous voulons aider les gens à travailler, ce qui est l'objectif du projet de loi.

Le projet de loi préconise d'aider les gens à obtenir un emploi, d'inciter davantage les gens à travailler. Je ne crois pas que le projet de loi soit parfait, et c'est pourquoi je suis heureux que le Comité du développement des ressources humaines ait eu la chance, au cours des dernières semaines, de l'examiner, d'entendre des témoins et de discuter des possibilités de le modifier.

Deux autres députés et moi-même avons présenté des amendements. En fait, on va proposer plus de 200 motions d'amendement au projet de loi. Selon moi, beaucoup seront acceptés et amélioreront nettement le projet de loi. Il est important d'assurer l'équité du système, grâce à ces modifications.

Ce projet de loi va également aider des travailleurs à s'adapter à l'évolution de la situation économique. Un des changements les plus importants qui seront apportés au système d'assurance-emploi, c'est que, au lieu de compter les semaines de travail, on va compter plutôt les heures de travail. Cela semble être une façon plus raisonnable et précise de mesurer le travail accompli. La plupart des gens travaillent un certain nombre d'heures par semaine.

Dans la région de l'Atlantique, cela signifie que, dans le cas de la grande majorité des travailleurs, par exemple ceux qui sont employés par des industries saisonnières et qui travaillent souvent plus de 35 heures par semaine-jusqu'à 70 heures par semaine-, on va maintenant tenir compte de toutes les heures de travail. C'est une modification très importante qui profitera aux gens de la région de l'Atlantique.

Il est également important de se rendre compte que, aux termes du nouveau projet de loi, les prestations seront basées sur toutes les heures travaillées et sur tout l'argent gagné. Ce n'était pas le cas dans le passé. Avant, il importait peu qu'une personne ait travaillé 16 heures par semaine ou 80. Ce n'est certainement pas une façon précise de mesurer le travail accompli ou de déterminer ce qui sera assuré. Le nouveau système va améliorer sensiblement cette situation.

Prenons, par exemple, le cas d'une personne qui travaille dans le secteur de la construction, une industrie généralement saisonnière. Durant les mois d'été, les gros mois de travail, les gens de la construction travaillent souvent jusqu'à 70 heures par semaine. Ils vont donc profiter de ces modifications. Une semaine de travail de 70 heures équivaudra à deux semaines d'emploi assurables.

Une de mes craintes initiales au sujet du projet de loi résidait dans la façon d'aborder la question du dénominateur. Le dénominateur est le nombre de semaines par lequel le revenu des gens est divisé pour établir le montant de leur revenu. Le résultat est ensuite multiplié par 55 p. 100 pour établir le montant de leurs prestations.

(1030)

Le problème que j'avais, c'était que, en vertu du projet de loi initial, dans les régions où le chômage est plus élevé, les gens devaient travailler de trois à quatre semaines de plus que la période d'admissibilité. Disons que c'était peut-être l'équivalent de 12 à 14 semaines. Dans les régions où la période d'admissibilité était de 12 semaines, ils devaient travailler 16 semaines complètes et, dans les régions où elle était de 14 semaines, ils devaient travailler environ 17 semaines pour toucher le plein montant des prestations, alors que dans les régions où le taux de chômage était plus faible et où il était plus facile de trouver des semaines de travail supplémentaires, le nombre de semaines de travail requis n'était pas plus élevé.

C'est comme si on disait que dans les régions où il est le plus difficile de trouver du travail supplémentaire, c'est-à-dire là où le chômage est plus élevé, il doit y avoir un incitatif qui pousse les gens à trouver du travail supplémentaire, ce qui ne serait pas nécessaire dans les régions ayant prétendument un taux de chômage plus élevé, où il est plus facile de trouver du travail supplémentaire. Cela aurait créé une situation pénible dans la région de l'Atlantique et dans les autres régions du Canada où le taux de chômage est élevé. Il m'apparaissait très important d'éliminer ce genre d'obstacle dans le projet de loi.

Dans le même ordre d'idées, divers groupes, et parfois même des syndicats, ont reconnu que certaines personnes allaient arrêter de travailler dès qu'elles auraient accumulé les 12 semaines de travail requises pour être admissibles. Elles s'arrangeraient pour se faire mettre à pied ou trouveraient un autre moyen. Je ne crois pas que ces gens soient très nombreux, mais il en existe. Ces personnes et d'autres nous ont dit qu'il devait y avoir un incitatif qui pousse les gens à travailler un peu plus longtemps, sans pour autant leur demander l'impossible.

Je voudrais proposer l'idée que, au lieu d'exiger quatre semaines de plus dans les régions où le chômage est élevé et aucune période supplémentaire là ou le chômage est moins répandu, on établisse une période d'admissibilité variable, plus une période de deux semaines pour le dénominateur.

La question est complexe. Beaucoup de gens pourront trouver le sujet un peu complexe et difficile à comprendre, mais, en définitive, le système sera plus équitable pour tous les Canadiens. Le dénominateur variera selon le taux de chômage.

Là où le taux de chômage diminue et où l'emploi devient plus facile à trouver, les gens devront travailler un peu plus longtemps pour obtenir le plein montant des prestations. Par contre, dans les régions où le chômage sera à la hausse et où il sera plus difficile de trouver un nombre additionnel de semaines de travail, le nombre de semaines exigé sera moins élevé, peut-être une ou deux, et la possibilité de toucher la totalité des prestations dependra évidemment du taux d'assurance-chômage.

C'est une mesure importante, qui engendrera des coûts, mais qui aura pour effet de réinjecter 95 millions de dollars dans l'économie. C'est une mesure très importante, surtout dans les régions les plus touchées par le chômage qui auraient été frappées durement et injustement par le projet de loi initial.


2218

Je suis très heureux que le gouvernement ait accepté ma proposition. Le ministre a présenté un amendement qui exige la recommandation royale parce qu'il comporte des coûts. Il a aussi présenté les propositions de mon collègue de Fredericton-York-Sunbury et d'un député de Toronto.

Dans un cas particulier, il a présenté un amendement concernant l'écart ou la question du nombre de semaines d'absence d'emploi. Les dispositions à cet égard auraient posé beaucoup de problèmes dans certaines régions. Un autre changement permet d'exempter des membres d'une famille à faible revenu de la règle d'intensité. C'est une mesure très importante. L'autre mesure donne, à ceux qui travaillent, alors qu'ils touchent des prestations d'assurance-chômage, un crédit applicable à leur prochaine période d'admissibilité ainsi qu'un crédit relatif à la règle d'intensité.

Ce sont des mesures très importantes qui amélioreront considérablement le projet de loi. Je ne prétends pas que le système sera parfait. Je n'ai jamais vu un régime gouvernemental qui soit parfait. On m'a dit, un jour, que le problème des institutions humaines, c'est qu'elles comportent des lacunes qui sont humaines. Nous ne créerons probablement jamais une institution parfaite.

L'idée, c'est d'améliorer la situation le plus possible. Dans ma région, la modification des conditions d'admissibilité, qui seront dorénavant basées sur les heures de travail plutôt que sur des semaines, représente une amélioration radicale du régime d'assurance-emploi pour la majorité des bénéficiaires de ma région. C'est très important.

Il y a autre chose dans ce projet de loi que je trouve très important. L'été dernier, quand j'ai pris connaissance des propositions du projet de loi, l'une de mes plus grandes préoccupations était de constater une réduction du financement. Je vois maintenant que le coût du programme a grimpé en dix ans de 8 milliards à 20 milliards de dollars.

(1035)

Selon mes électeurs, les gens qui chaque année ont un revenu mensuel élevé ne devraient pas, en plus, recevoir jusqu'à 10 000 $ de prestations d'assurance-chômage. Les gens sont tout à fait contre. J'ai dit au ministre du Développement des ressources humaines qu'il me semblait que si nous devions changer le système, nous devions commencer par le haut et non par le bas.

Le supplément familial augmentera d'environ 14 p. 100 le revenu des familles à faible revenu. Il s'agit là d'une mesure très importante, très progressiste qui constituera, pour les familles à faible revenu qui dépendent de l'assurance-chômage, une aide dépassant de quelque peu les 55 p. 100 auxquels les autres ont droit.

Cela signifie aussi que, pour la vaste majorité de la classe moyenne, le système sera bel et bien maintenu. Cependant, le fait est que dans le cas d'une personne qui gagne 50 000 ou 60 000 $ par an, cela signifie une réduction car cette personne devra rembourser les prestations d'assurance-emploi. La vaste majorité des Canadiens appuieront cette nouvelle mesure. Personnellement, je suis tout à fait en faveur. C'est une mesure très progressiste.

Tout ce qu'avait fait l'ancien gouvernement conservateur pour changer le système d'assurance-chômage avait été de couper, couper, et encore couper, d'accroître le nombre de semaines de travail requis et de réduire le montant des prestations. Je ne pense pas que ce soit la bonne méthode. Le système nécessitait de vastes réformes, nous l'avons fait. Le nouveau système est très solide et nettement mieux.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, ce projet de loi représente probablement une des mesures législatives les plus techniques que nous ayons eues à étudier au cours de cette session. En fait, les conséquences sociales et financières de ce projet de loi se feront sentir pendant des décennies.

Les amendements du Parti réformiste apportent certainement un élément positif au débat. Nous avons présenté dix amendements sensés. Je mentionne cela parce que j'espère que les députés de la majorité regarderont les amendements que nous proposons dans un véritable esprit de collaboration, mais également avec l'intention de participer au débat en apportant des idées et des propositions raisonnées qui auraient une certaine validité dans le marché du travail d'aujourd'hui.

Je voudrais mettre au compte-rendu certaines des définitions et certains des éléments de la définition de l'assurance-chômage, telle que notre parti la voit. Cette définition de l'assurance-chômage est radicalement modifiée par ce projet de loi. Nous nous éloignons des principes fondés sur une véritable assurance. Je pense qu'il est important que nous reconnaissions cela.

Le projet de loi sur l'assurance-emploi dont nous continuons à parler aujourd'hui, nous éloigne de l'intention originale de l'assurance-chômage telle qu'elle avait été conçue. Aujourd'hui, comme les députés de l'autre côté nous l'ont dit, l'assurance-emploi est un supplément de revenu et non une assurance.

Le ministre du Travail libéral, en 1940, en appuyant le principe de la prise en charge du chômage par la personne elle-même, citait un rapport qui remontait à 1919 lorsque le juge en chef Mathers du Manitoba disait:

Nous conseillons au gouvernement de prendre certaines mesures, en vertu d'un mode d'assurance sociale étatisé, en faveur de ceux qui, sans qu'ils en soient responsables, sont incapables de travailler, que cette situation provienne du manque d'occasions, de la maladie, d'une infirmité ou de la vieillesse. Cette assurance chasserait le spectre de la crainte qui hante maintenant le salarié; elle ferait de lui un citoyen plus satisfait et meilleur.
Je suis d'accord avec les sentiments du ministre du Travail de l'époque qui voulait que l'assurance-chômage soit utilisée pour permettre aux gens de passer d'un emploi à un autre, en leur assurant la sécurité pendant une courte période de transition.


2219

(1040)

À l'époque, le ministre du Travail craignait que le recours à l'assurance-chômage ne devienne un mode de vie pour les gens et il voulait mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la dépendance à l'égard de ce moyen de subsistance. Pour faire valoir son point de vue, il a cité le rapport des Civil War Workers de la Grande-Bretagne où il est dit:

[. . .] il est impossible de prévoir l'ampleur et la durée du chômage. Mais peu importe, il n'y aura toujours que deux façons de réagir à la majeure partie du chômage, soit un scénario bien structuré d'assurance, [ . . . ]soit une aumône gouvernementale fournie à la hâte et au hasard, juste pour pallier les crises.
Il est facile de voir quelle est la meilleure façon. Accorder une aumône sans discrimination mène tout droit à la paupérisation. Un plan structuré d'assurance sauvegarde la dignité des travailleurs et les encourage à agir de leur côté en formant des associations dans le cadre de leurs entreprises.
C'est exactement cet objectif original de l'assurance-chômage, son but fondamental, qui nous a échappé dans le contexte des grands changements proposés aujourd'hui à la Chambre par le gouvernement libéral et au sujet desquels nous devrons voter dans quelques jours à peine.

Le recours à l'assurance-chômage est effectivement devenu un mode de vie pour bon nombre de Canadiens de nos jours. Ils sont trop nombreux à compter sur cette aumône de l'État dont parlait le ministre du Travail à l'époque. Le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé que, dans le cadre des changements, plus de un milliard de dollars seraient consacrés à des programmes de formation dans les secteurs à taux de chômage élevé. Voilà exactement le genre d'aumône qui a trop souvent été utilisée au cours de l'histoire et que l'expérience nous incite à ne pas approuver.

Certains points m'ont frappée dans le sommaire du projet de loi. Le premier qui m'a amené à m'interroger sur le rapport entre l'assurance-chômage et l'emploi était cette affirmation: «Le soutien du revenu est offert de manière à favoriser l'emploi.» À de nombreuses reprises, j'ai posé des questions au sujet de cette affirmation et personne n'a pu expliquer exactement comment le soutien du revenu peut favoriser l'emploi. À mon avis, il s'agit de deux choses distinctes et très différentes.

Le sommaire ajoute: «Cela permet de simplifier les rapports à remplir par les employés et la perception des cotisations.» Je vais donner un exemple provenant d'une réalité très concrète, celle de notre Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Nous constatons que la simplification n'existe pas lorsqu'il s'agit de cette industrie.

La modification concernant le passage d'un régime d'assurance fondé sur un nombre maximal de semaines de travail à un régime fondé sur le nombre d'heures de travail a des répercussions financières importantes pour les employeurs, et surtout pour les employés à temps partiel de l'industrie canadienne des services alimentaires en particulier, qui emploie beaucoup d'étudiants à temps partiel.

En utilisant le taux de cotisation de 0,0413 pour 1996, les fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines ont estimé qu'il en coûte 35 millions de dollars aux employeurs dans cette seule industrie des services alimentaires. C'est certainement plus que ce que l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires avait estimé à l'origine. Cela représente une hausse de 17 p. 100 des cotisations des employeurs, qui se situent à environ 211 millions de dollars.

Encore une fois je me pose la question: Que signifie vraiment l'affirmation selon laquelle «Cela permet de simplifier les rapports à remplir par les employeurs et la perception des cotisations» quand on sait que l'incidence de la couverture au premier dollar sur les entreprises du secteur de la restauration variera considérablement en fonction du pourcentage d'employés à temps partiel qui travaillent moins de 15 heures par semaine? La nature de la déclaration est devenue si complexe que, selon une analyse, la cotisation de l'employeur va passer de 15,7 à 72,6 p. 100.

L'adoption du système fondé sur les heures va avoir pour effet non seulement d'altérer de façon disproportionnée les structures des coûts de certaines entreprises, mais également d'entraîner des distorsions de la concurrence au sein de l'industrie, ce qui va exiger de ces entreprises des efforts supplémentaires sur le plan administratif. Voilà un point qui, à mon avis, mérite d'être beaucoup mieux expliqué par le gouvernement libéral.

(1045)

Je crois savoir que mon temps de parole tire à sa fin, mais auparavant je voudrais toucher un mot sur une autre déclaration contradictoire. Nous sommes ici en présence de deux expressions: les subventions salariales et la réduction de la dépendance vis-à-vis du soutien du revenu. J'espère avoir, au cours de ce débat l'occasion de revenir sur ces éléments du sommaire parce qu'elles ne sont pas synonymes. Il y a là une contradiction parfaite. De plus, elles entraînent de fortes répercussions sur le régime d'assurance-emploi tel qu'il a été élaboré par le gouvernement libéral.

Pour l'instant, j'achève ici mon intervention.

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-12.

Je voudrais faire des observations sur les amendements qui ont été apportées à la version initiale et, en particulier, sur les coûts associés aux modifications proposées.

Il est important de s'arrêter sur les amendements qui ont été apportés. Ils découlent des efforts qui ont été déployés quand le Comité du développement des ressources humaines a parcouru tout le pays, il y a deux ans, pour recueillir les opinions des Canadiens et depuis que le projet de loi a été présenté une première fois à la Chambre. Quelque 140 jours se sont écoulés depuis que le comité a


2220

tenu des audiences et étudié la mesure article par article. Nous sommes aujourd'hui à l'étape du rapport.

Les coûts plus élevés qu'entraînent les trois principaux amendements que le gouvernement a accepté d'apporter au projet de loi C-12 seront compensés par des rajustements qui seront faits ailleurs. Le projet de loi amendé se traduira quand même, d'ici 2001-2002, par une économie totale de 1,2 milliard de dollars, soit une économie brute de 2 milliard moins les 800 millions de dollars qui doivent être réinvestis dans des mesures de réemploi.

Les députés devraient maintenant connaître assez bien les amendements, puisque ceux qui les ont proposés, du moins les députés ministériels, en ont discuté très ouvertement et les ont communiqués à tous les Canadiens, y compris à leurs propres électeurs.

Le premier amendement porte sur la disposition visant à réduire l'incidence sur les travailleurs de toutes les industries où l'emploi et les salaires sont irréguliers. Dans la version initiale, la période fixe servant au calcul des prestations avait été jugée trop dure à l'égard de ces travailleurs.

Maintenant, tous les prestataires pourront utiliser la période complète de 26 semaines prévue avant de présenter une demande, pour calculer la rémunération moyenne. La rémunération moyenne de cette période, excluant les arrêts, déterminera le niveau des prestations. Autrement dit, les travailleurs pourront avoir plusieurs semaines d'arrêt de travail au cours de la période de 26 semaines, sans que leurs prestations soient réduites. Ce changement augmentera, d'environ 246 millions de dollars, le montant des prestations versées aux travailleurs dont l'emploi est irrégulier.

Le deuxième amendement modifie le calcul de la rémunération moyenne et celui de la prestation pour ceux qui n'ont travaillé que le nombre minimum de semaines. Le député libéral qui m'a précédé a traité de cette question dite du diviseur.

Aux termes de la version initiale, le diviseur était de trois ou quatre semaines de plus que le minimum exigé pour les régions où le taux de chômage est élevé et de zéro à deux semaines de plus pour les régions où il y a peu de chômage. Les habitants des régions où le taux de chômage est élevé et où il existe le moins de possibilité de trouver d'autres solutions auraient dont été gravement pénalisés par ces mesures.

Cependant, si l'on a un dénominateur qui est plus élevé que la norme minimale d'admissibilité, c'est pour encourager les gens à prendre un emploi additionnel et à tâcher de travailler plus longtemps que le minimum de semaines nécessaires pour être admissible aux prestations.

Il fallait cependant trouver un équilibre entre fournir des incitations au travail et assurer l'équité. Je crois que nous y avons réussi grâce à l'amendement proposé par mon collègue et appuyé par le gouvernement et le ministre du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement a donc accepté un amendement qui établira le dénominateur à seulement deux semaines de plus que le nombre minimum de semaines de travail nécessaires pour devenir admissible aux prestations dans toutes les régions, c'est-à-dire un dénominateur minimum variant de 14 à 22 semaines en fonction du taux régional de chômage. Cela permettra ainsi de conserver l'incitation au travail, mais sera plus équitable pour ceux qui se trouvent dans des situations vraiment difficiles. Les gens auront une période de 26 semaines pour accumuler le nombre de semaines de travail nécessaires afin de maximiser leurs prestations. Cette proposition aura un effet positif sur le montant des prestations versées aux travailleurs habitant dans des régions où le taux de chômage est élevé, et peu d'impact ailleurs dans le pays. Le nouveau dénominateur fera augmenter d'environ 95 millions de dollars le total des prestations versées.

(1050)

Le troisième amendement important porte sur la règle d'intensité. En vertu de cette règle, les gens qui touchent des prestations année après année subiront une modeste réduction de leurs prestations. Tous les futurs prestataires ayant touché des prestations ordinaires durant 20 semaines ou plus à l'intérieur d'une période de cinq ans, débutant dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, verront le taux hebdomadaire de prestation de leur prochaine demande réduit de 1 p. 100, retranché du taux de 55 p. 100, pour chaque période de 20 semaines de prestation. La réduction maximale portera donc le taux de prestation à 50 p. 100 des gains hebdomadaires pour quelqu'un qui a accumulé plus de 100 semaines de prestations au cours d'une période de cinq ans.

L'amendement que le gouvernement a accepté permettra d'exempter de la régle d'intensité les personnes à très faible revenu qui ont des enfants. Le seuil a été fixé à 26 000 $. Environ 350 000 prestataires ayant droit au supplément de revenu familial ne seront pas assujettis à cette règle. Nous devrions tenir compte de ce chiffre, quand on songe que quelque 2,4 millions de Canadiens touchent de l'assurance-chômage chaque année. Cette exemption à la règle d'intensité dont pourront bénéficier environ 350 000 personnes constitue une amélioration importante. C'est une façon pour le gouvernement d'épargner les plus pauvres des pauvres. Très franchement, ils n'ont pas besoin qu'on les encourage à travailler. Le fait d'être pauvre suffit amplement, j'en suis sûr, à pousser quiconque à se chercher du travail.

La règle d'intensité d'utilisation réduit quelque peu les prestations hebdomadaires des personnes qui ont recours fréquemment au système, mais les personnes qui touchent les revenus les moins élevés et qui ont le plus besoin d'aide sont protégées. Elle accroît de 24 millions de dollars environ les prestations versées à 188 000 prestataires dont la famille est à faible revenu et qui aurait autrement été pénalisés par la règle.

Ensemble, les trois amendements vont hausser les prestations d'assurance-emploi de quelque 365 millions de dollars de plus que ne le propose le projet de loi C-12 original. Cela montre à quel point le travail exécuté au comité est important. Lorsque les membres du comité proposent des amendements qui s'avèrent justes pour les gens que nous voulons aider et protéger, le gouvernement réagit très favorablement même si cela doit coûter cher.

Voyons maintenant l'autre côté de la médaille, à savoir les changements qui seront apportés au système pour réduire les dépenses afin de compenser pour les versements accrus dont je viens de parler. Il faut mettre ces changements en perspective.


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Les réductions potentielles de coût sont très importantes. Par exemple, si la moitié des prestataires de l'assurance-emploi touchaient des prestations pendant seulement une semaine de moins, on épargnerait 300 millions de dollars par année. Pensez-y! Une semaine de prestations de moins pour des personnes qui auraient réussi à travailler une semaine de plus permettrait au système d'épargner quelque 300 millions de dollars qui pourraient être utilisés ailleurs.

Ce que le gouvernement se propose de faire, c'est régler trois problèmes que pose depuis longtemps l'ancien système afin de réduire les coûts et de faire que l'exploitation du système soit plus juste pour toutes les personnes qui y contribuent. Un des principaux problèmes, c'est qu'on n'emploie pas assez tôt tous les moyens disponibles pour aider les prestataires à retourner au travail le plus tôt possible. Trop souvent, on se contente de remplir les formulaires et de poster les chèques sans qu'il y ait un effort concerté pour s'assurer que les prestataires reçoivent de l'aide pour se trouver un autre emploi. Ce ne sera plus le cas dans les centres d'emploi de tout le Canada. On ne se contentera plus de demander où il faut envoyer le chèque, mais ce qu'on peut faire pour que le prestataire réintègre tout de suite les rangs des travailleurs.

En plus d'autres services qui seront fournis aux personnes qui cherchent du travail, une nouvelle série permanente de sessions d'information de groupe sera offerte à certaines catégories de prestataires, soit, par exemple, ceux qui ont un métier recherché, ceux qui possèdent des compétences dont les employeurs ont besoin, ceux qui demandent des prestations à répétition, ceux qui ont déjà fraudé le système, et ceux qui risquent d'être longtemps en chômage par suite de changements structurels.

(1055)

Lors de ces séances, on informera tous les prestataires des services qui sont à leur disposition pour les aider à réintégrer le marché du travail au lieu de continuer de dépendre des prestations. Ces services comprennent notamment le service de placement électronique dont nous avons tous entendu parler et le réseau de guichets emplois qui a été établi il y a quelques années.

Quelque 400 000 chômeurs pourront se prévaloir chaque année d'une série de nouvelles mesures très souples et novatrices qui aideront davantage de personnes à trouver du travail. Parmi ces mesures, mentionnons les subventions salariales, les suppléments de revenu, l'aide au travail indépendant, l'acquisition de compétences, les prêts et subventions et les partenariats en matière d'emploi avec les collectivités.

Ces modifications prévues dans le projet de loi visent à permettre d'importantes économies. On estime que, d'ici 2001-2002, si nous adoptons une attitude plus proactive pour aider les gens à trouver du travail, nous pourrons récupérer les fonds que nous pensons réinvestir dans le régime en raison des trois amendements proposés par les députés et acceptés par le gouvernement.

C'est cela qui justifie actuellement ces amendements. J'espère pouvoir parler davantage de ceux-ci au cours de la journée.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Madame la Présidente, nous y somme enfin. Quatre mois après le dépôt du projet de loi, on n'avait pas encore pu débattre du fond de la question, et les amendements du Bloc québécois, dans le premier bloc, vont nous permettre de le faire. Comment se fait-il qu'on présente une loi qui s'appelle Loi concernant l'assurance-emploi au Canada alors que, finalement, il s'agit beaucoup plus de modifications à la Loi sur l'assurance-chômage.

J'aimerais donner une première explication. Les électeurs, au moment de l'élection à l'automne de 1993, ont dit qu'ils voulaient que l'emploi soit une priorité du gouvernement. Ils voulaient que les travailleurs saisonniers aient des chances d'avoir de l'emploi pendant la période hivernale, que les gens de 45 ou 50 ans touchés par des changements technologiques puissent avoir d'autres types d'emploi grâce aux gains de productivité, que les femmes qui arrivent sur le marché du travail puissent vraiment mettre à profit leur potentiel et leurs compétences.

Le gouvernement a pris ce message et l'a transformé en ce que nous avons aujourd'hui qui s'appelle faussement Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. On entend des députés nous dire ce que nous avons entendu ce matin, c'est-à-dire que la loi doit encourager les gens à travailler un peu plus longtemps. On est parti d'une loi et on a dit: «On va l'appeler assurance-emploi». Une assurance-emploi devrait être une loi permettant aux gens d'avoir des emplois, d'en retrouver un autre le plus rapidement possible lorsqu'ils perdent le leur, et d'obtenir que leur potentiel soit utilisé.

Au lieu de cela, on en a fait une loi où on tape sur les doigts des personnes qui perdent leur emploi en leur disant qu'on va les encourager à travailler plus longtemps parce que sinon ils n'auront pas d'assurance-chômage. C'est une approche punitive et ça ne correspond pas du tout à la réalité de la situation actuelle de l'emploi au Canada.

On a donné ce titre pour répondre à la volonté d'utilisation du potentiel humain, mais c'est de la poudre aux yeux parce que le contenu ne correspond aucunement à la réalité. La réalité c'est que c'est un projet de réforme qui ne garantit aucun emploi. Ce projet de loi nie aussi le principe du revenu entre deux emplois.

L'assurance-chômage a été créée en 1935 et j'ai un extrait d'un discours du premier ministre Bennett qui disait: «Vous serez saisis de mesures faisant partie d'un plan d'ensemble dont l'objet est d'atténuer les inégalités sociales et économiques actuelles et de répartir plus équitablement les avantages du régime capitaliste entre les différentes classes de la population et les diverses régions.» Voilà la base du régime actuel d'assurance-chômage.

Regardons maintenant ce qu'il y a dans le projet de loi sur l'assurance-emploi pour voir si cela répond toujours à cet objectif. C'est un objectif dont les Canadiens et les Québécois peuvent être fiers. Lors des audiences du comité, les experts nous ont dit: «Le


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régime d'assurance-chômage c'est le meilleur régime pour régulariser l'économie en période de récession.»

Les modifications que le gouvernement apporte au régime d'assurance-chômage auront l'effet contraire, on va diminuer cet effet régulateur et on va régresser pour finir par se retrouver dans une situation semblable à celle qu'on a connue lors de la grande crise des années 1930. C'est à ce moment qu'on a créé le régime d'assurance-chômage pour en sortir plus facilement pour atténuer l'effet de récession. Je vous donne quelques exemples des effets négatifs qu'on retrouve dans la loi.

(1100)

La première chose qui est anti-emploi, c'est la baisse du maximum assurable. On encourage, des grandes entreprises particulièrement, en leur faisant un cadeau, à engager des gens qui peuvent gagner plus de 39 000 $, faire beaucoup de temps supplémentaire, parce qu'au-dessus de 39 000 $ les entreprises ne paieront plus de cotisations. Donc entre engager quelqu'un à 39 000 $ et lui faire faire une dizaine de milliers de dollars de temps supplémentaire dans l'année ou engager quelqu'un à temps partiel, qu'est-ce que l'entreprise choisira, la grande entreprise qui fait des économies d'échelle? Il dira: «Au lieu de payer 10 employés à temps partiel à 10 000 $, je vais plutôt payer du temps supplémentaire et ça m'épargnera d'autant les prestations d'assurance-chômage.»

Quand un gouvernement propose de telles mesures dans une loi, il ne peut pas l'appeler assurance-emploi, c'est une loi qui sera anti-emploi. On ne peut pas donner un titre semblable à une loi. Au moins, le gouvernement aurait dû avoir la décence de considérer ça comme des modifications à la Loi sur l'assurance-chômage, quitte à ce qu'on puisse évaluer si elles sont conformes ou pas à ce que les citoyens désirent.

Un autre élément significatif, on fera cotiser tout le monde à l'avenir, à partir de la première heure de travail. Le principe de permettre de rendre tout le monde assurable peut être intéressant, mais on a comme résultat que beaucoup de personnes paieront des cotisations, particulièrement des étudiants qui paieront des cotisations.

On a entendu des représentations des associations de restaurateurs, des gens qui sont responsables des franchises McDonald entre autres, à la grandeur du Canada, qu'on ne peut pas accuser d'être des gens qui ne prennent pas la défense de l'économie. Ils nous ont dit que cela aurait un impact négatif majeur sur l'emploi des étudiants. Encore une fois, il y a un effet négatif sur l'emploi. Donc on ne peut pas appeler ça une loi assurance-emploi.

L'autre élément qui est peut-être le plus tragique, en tout cas pour ma circonscription, c'est la façon dont on va tuer les économies régionales. Dans une circonscription comme la mienne, pour l'année prochaine, l'effet des modifications est de 10 millions en coupures dans la région de Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata, Les Basques. Dans le Bas-Saint-Laurent, c'est 20 millions de moins dans l'économie.

Vous allez me dire que cet argent en moins dans la région créera de l'emploi? Comment cela pourrait-il se produire? De quelle façon le gouvernement pourrait-il assurer que ces économies serviront à la relance de l'emploi? Il n'y a aucune façon parce que la Caisse de l'assurance-chômage sert de compensation budgétaire au gouvernement. On s'en sert pour montrer au monde que le déficit canadien n'est pas si élevé, mais ça n'a pas d'impact sur l'emploi. Donc ce n'est pas une loi de l'assurance-emploi, c'est une loi anti-emploi, c'est une loi qui amène une régression de toutes les règles concernant l'assurance-chômage. Quant à moi, il s'agit d'une loi inacceptable.

Un autre exemple très négatif de l'impact de la loi qu'on appelle sur l'assurance-emploi mais qui est plutôt une modification à la Loi sur l'assurance-chômage, c'est l'exigence de 910 heures de travail pour un nouvel arrivant sur le marché du travail. Imaginez-vous, avant, ça prenait 300 heures pour être admissible, soit 20 semaines de travail à 15 heures par semaine pour devenir admissible à l'assurance-chômage. Maintenant, ce sera 910 heures.

Quel effet cela aura-t-il chez les nouveaux arrivants, chez les jeunes qui vont entrer sur le marché du travail? Quand ils auront essayé pendant une année de se rendre aux 910 heures, parce qu'il viennent de finir en écologie appliquée, parce qu'ils viennent de finir en santé animale, parce qu'ils ont terminé en tourisme, en loisirs, dans n'importe quel domaine de formation où il y a des industries saisonnières, au bout d'une année, ils vont se rendre compte qu'ils ne sont jamais capables de remplir l'objectif des 910 heures. C'est directement un encouragement au travail au noir qui est fait par le gouvernement fédéral, et c'est condamner ces gens à l'aide sociale.

Pensez-vous que c'est un encouragement à l'emploi quand on dit à des finissants de collège, de secondaire ou universitaire: «Au bout de la ligne, ton cours, tes études, l'emploi que tu vas avoir te mènera à l'aide sociale.» Ce n'est pas acceptable comme situation, et c'est de la fausse représentation de dire que cette loi peut être considérée comme une Loi sur l'assurance-emploi.

Qu'aurait-il fallu faire? Il aurait fallu faire une vraie réforme et ne pas en profiter pour resserrer toutes les normes à l'assurance-chômage. Pour faire une vraie loi sur l'assurance-emploi, il aurait fallu retrouver dans cette loi le droit ou l'obligation pour le gouvernement de se fixer un objectif de baisse du chômage, de la même façon qu'on l'a fait pour le contrôle du déficit. On a dit: «On va aller à telle pourcentage du PIB.» Est-ce qu'une volonté claire du gouvernement n'aurait pas été de donner ce droit-là de fixer les objectifs de lutte au chômage et, de cette façon, d'enclencher que toute l'action gouvernementale soit en fonction de cet objectif? Nulle part on retrouve ce genre d'action.

(1105)

Y a-t-il des mesures dans la loi qui ajoutent au partage du temps de travail? Est-ce qu'il y a des mesures fiscales d'encouragement à l'emploi? Non. Ce dont le gouvernement a accouché, c'est tout simplement d'un comité technique pour évaluer les effets de la fiscalité sur l'emploi. On sera rendus à la prochaine récession et on n'aura encore rien trouvé comme solution, alors qu'on en aurait eu l'occasion, si on avait la prétention de faire une loi sur l'assurance--


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emploi, de définir, de pondre des règles qui permettent que la fiscalité encourage les entreprises à garder les gens en emploi, à les former, à s'assurer qu'ils vont continuer à travailler pour eux plutôt que le contraire.

On aurait aussi dû trouver là-dedans des encouragements à la diminution du temps supplémentaire, mais c'est le contraire, comme je l'ai expliqué au sujet du maximum assurable. Encore là, c'est une mesure dans laquelle on ne retrouve rien pour permettre qu'il y ait création d'emplois, notamment par la diminution du temps supplémentaire.

Ce qu'on aurait pu faire aussi, c'est rendre la formation plus efficace, ce qui veut dire faire les bonnes choses au bon endroit. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas enregistré que, partout au Québec, les gens disent qu'il y a du gaspillage éhonté qui se fait dans ce secteur, que le fait que les deux gouvernements interviennent dans le même secteur est inacceptable.

Madame la Présidente, vous me faites signe que mon temps de parole est écoulé. Je conclus en une minute pour vous dire que cette loi n'est pas une loi d'assurance-emploi, c'est une loi qui vient modifier la Loi sur l'assurance-chômage, mais malheureusement à la baisse, en ne répondant même plus aux critères de base. Cela fait que maintenant l'assurance-chômage devient un luxe dans notre société.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, je m'attendais à intervenir un peu plus tard aujourd'hui dans le cadre de ce débat. Mais constatant que les amis d'en face et d'à côté ont choisi de s'abstenir, je m'empresse d'intervenir.

Il est un peu étrange de constater que les libéraux, maintenant au pouvoir, adoptent une attitude tout à fait contraire à celle qu'ils avaient lorsqu'ils étaient dans l'opposition. On pourrait dire que cette semaine est la semaine des promesses non tenues, sans en rappeler tous les événements.

En ce qui concerne l'assurance-chômage, il est bon de répéter un certain nombre de choses. Je voudrais d'abord citer certains propos tenus par l'actuel ministre du Développement des ressources humaines, le 1er mai 1989, dans le cadre du débat sur la Loi sur le pouvoir d'emprunt. Il disait: «Je veux insister sur un point auquel un grand nombre d'entre vous devront réfléchir très sérieusement, soit la modification de confiance et de crédibilité. Les Canadiens sont disposés à faire leur part s'ils estiment que le fardeau est réparti équitablement. L'assurance-chômage, les allocations familiales et la sécurité de la vieillesse sont sacrées. Il ne faut pas laisser les Canadiens perdre confiance jusqu'à tomber dans le cynisme. Certains ont parlé de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et d'autres pays, et ils ont expliqué comment on s'y prend. Le Canada a une façon bien à lui de traiter les hommes et les femmes de toutes les régions du pays. Il y a des normes fondamentales, des programmes de base, des programmes universels et des programmes qui permettent à la population d'envisager l'avenir avec une certaine sécurité.» Ce sont les paroles de l'actuel ministre du Développement des ressources humaines.

Mieux que cela, je vais vous lire une lettre, écrite en 1993 par l'actuel premier ministre et chef de l'opposition à ce moment-là, qu'il adressait au groupe Mouvement action-chômage. Je pense qu'il faut la lire dans son entier:

Je vous remercie de votre télécopie par laquelle vous m'avez fait part de votre opposition aux mesures législatives prises par le gouvernement afin de modifier le régime d'assurance-chômage.
Je peux vous assurer que le Parti libéral partage votre inquiétude face à cette charge contre les chômeurs. Nous ne croyons pas non plus que les récentes modifications superficielles changent la nature fondamentalement injuste de ces mesures.
Je vais omettre le prochain paragraphe car il n'est question que de statistiques. Je continue la lecture de la lettre:

Étant donné la gravité de cette crise, les libéraux ont exhorté le gouvernement-conservateur à l'époque-à prendre des mesures afin de favoriser la relance économique et la création d'emplois. Pourtant, le ministre des Finances déclare non seulement qu'il reconduira les mêmes politiques fiscales, monétaires et commerciales qui nous ont plongés dans cette récession, mais qu'il s'en prendra aux chômeurs en guise de réduction des dépenses [. . .].
Ces mesures consternent les libéraux. En réduisant les prestations et en pénalisant davantage ceux et celles qui quittent volontairement leur emploi, il est évident que le gouvernement se préoccupe très peu des victimes de la crise économique. Au lieu de s'attaquer au fond du problème, il s'en prend aux chômeurs. Ces mesures auront d'ailleurs des répercussions troublantes, car elles décourageront les travailleurs et travailleuses de déclarer des cas de harcèlement et des conditions de travail inacceptables.
Enfin, soyez assurés que les libéraux continueront de demander que le gouvernement retire ce projet de loi injuste. En tant que chef de l'opposition, j'apprécie que vous ayez pris la peine de me faire part de votre point de vue sur ce dossier.
(1110)

C'est signé par l'actuel premier ministre; signé, pas dit à la télévision. On sait que là-dessus, il est assez versatile, mais là, c'est signé. Je ne sais pas si je peux donner son nom, je ne peux pas, mais c'est signé de l'actuel premier ministre.

J'ai aussi relu plusieurs discours. Je pourrais, entre autres, vous parler des discours en Chambre de l'actuel président du Comité du développement des ressources humaines. Je ne sais pas si je pourrais le faire, mais je pourrais, étant donné que vous êtes maintenant Présidente, vous renvoyer à une déclaration de février lorsque vous disiez que si le projet de loi restait dans sa forme actuelle, vous seriez incapable de voter en sa faveur. Vous êtes maintenant rendue à la Présidence, je fais juste le rappeler.

Alors si vous étiez mal à l'aise, je sais que plusieurs députés des Maritimes l'étaient. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'aimerais rappeler à l'honorable député que la Présidence ne doit pas être mise en cause dans cette situation. S'il vous plaît, continuez votre débat.

M. Dubé: Madame la Présidente, j'ai voulu prendre toutes les précautions, alors si ça crée malgré tout un problème, je retire ces paroles, si cela est nécessaire.

Il demeure que, même après les amendements, j'interpelle les députés d'en face, parce que voyez-vous, la semaine passée, on a eu 40 heures de débats en comité, dont les trois quarts ont porté sur une motion d'attribution de temps à laquelle nous nous opposions, parce que nous voulions, nous, prendre tout notre temps pour étudier ce


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projet de loi important. Je me rappelle en particulier de l'article 2, où on parlait des définitions.

Pour démontrer le bien-fondé de notre point de vue, j'avais souligné le fait qu'il fallait plus de cinq minutes pour lire certains articles. Je n'ai pas été très loin, j'avais pris l'article 5 pour expliquer que le simple fait de le lire prenait plus que cinq minutes. Il m'avait fallu effectivement 12 minutes pour lire l'article 5. Alors nous nous sommes battus là-dessus et c'est terminé.

Pour la deuxième fois dans cette présente législature, sous le gouvernement libéral, on a bâillonné le travail d'un comité. Là, nous en sommes à l'étape du rapport. Malheureusement, on avait dit que l'opposition ne formulait pas d'amendements. Sur un nombre considérable de petits amendements, je fais juste le souligner, un seul, je le sais, c'est le mien, sur les mots «organisme communautaire», pendant des heures de temps on a voulu répondre à l'invitation du ministre, présenter des amendements, tenter d'en présenter. Tous les amendements de la députée de Mercier ou encore ceux du député de Kamouraska-Rivière-du-Loup ont été rejetés.

Évidemment, ceux de la partie gouvernementale ont tous été acceptés. Pour le mien il s'agissait de deux petits mots. Pour les trois amendements présentés par les libéraux, ceux qui ont des incidences budgétaires, on nous dit que c'est 365 millions de dollars en améliorations, moi je dis que c'est tant mieux, mais une demi-mesure, c'est un compromis. Quelque chose qui est inacceptable est inacceptable.

Juste pour souligner un fait, on ne peut pas être à moitié enceinte. On est enceinte ou bien on ne l'est pas. Quand une mesure n'est pas acceptable, ce n'est pas parce qu'on l'améliore un petit peu que ça la rend plus acceptable. Ça la rend un peu moins pire, c'est tout.

(1115)

Alors, c'est un peu ce qu'on nous a présenté. Je rappelle aussi ce qu'on a fait la semaine dernière, pour un autre projet de loi, pour faire accepter l'entente sur la TPS dans les Maritimes. On a donné un bonbon de 960 millions pour compenser pour la TPS, on fait ça au même moment, en espérant qu'ainsi, les Maritimes vont appuyer le projet de loi.

Je pourrais citer des discours d'actuels députés, alors qu'ils étaient dans l'opposition, et ils sont nombreux, et leur rappeler, lors des tournées du comité, les mémoires qui y ont été présentés. J'invite même les gens du Parti libéral a reconsidérer ultimement leur projet. Puisqu'il ne me reste que 30 secondes, il est important de rappeler la lettre du premier ministre. Je vous invite à la relire et à changer d'idée pendant qu'il en est encore temps. Cette loi est injuste, régressive et anti-emploi.

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Madame la Présidente, c'est un triste jour aujourd'hui, on arrive à la fin des travaux de la Loi sur l'assurance-chômage, que le gouvernement veut maintenant appeler l'assurance-emploi. Je dois dire que je cherche, dans les documents que j'ai devant moi, à la lecture du projet de loi C-12, où exactement on définit la façon dont on créera des emplois.

J'ai beau le retourner en tous sens, je ne peux pas voir. C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi on veut en modifier le nom. Je pense plutôt qu'on tente de modifier l'ancienne Loi de l'assurance-chômage. C'est trompeur de l'appeler assurance-emploi. Je l'ai décrié souvent sur la place publique, cette loi n'est pas de l'assurance-emploi. Parce qu'on cherche vraiment à réduire les coûts d'opérations, les prestations, le nombre de prestataires, les victimes du manque d'emploi, je dirais plutôt que c'est une assurance-déficit pour le gouvernement.

Je m'explique. Je l'ai sûrement déjà dit, mais je vais le répéter. Parfois, en cette Chambre, si on parle souvent, les gens finissent par comprendre. Le gouvernement, grâce aux graves coupures imposées, qui sont cachées, va réussir à économiser, sur le dos des victimes du manque d'emploi, près de 5 milliards de dollars. Je pense que le parti gouvernemental ne s'en cachait pas. On voit carrément que ce n'est qu'un objectif financier. Je pense qu'ils auraient dû l'appeler assurance-déficit. La population le comprendrait et les gens verraient que le gouvernement veut essayer de réduire le déficit. Mais non, on fait ça sur les dos des victimes du manque d'emploi, et on appelle cela assurance-emploi. On n'avance pas beaucoup.

Pourtant, plusieurs députés en face, et mes confrères l'on répété aussi, ont déjà formé l'opposition. J'imagine qu'ils étaient plus proches de leurs électeurs à ce moment-là, j'imagine qu'ils étaient plus à l'écoute. Que s'est-il passé dans la nuit du 25 octobre 1993? Si vous me permettez la boutade, doit-on apposer sur les députés d'en face l'étiquette «meilleurs avant le 25 octobre 1993»? Maintenant, ces mêmes personnes que la population a élues sont en train de faire des coupures sur le dos de leurs électeurs.

Je le dis parce que je suis un peu peiné. Je vois les députés des provinces Maritimes, je sais que plusieurs d'entre eux ont eu la visite de leurs électeurs durant la période des Fêtes. Je vois que certains sourient, mais je me rappelle que certains soirs, ça a été assez houleux et ces mêmes députés n'avaient pas le sourire facile. J'appréhende pour eux le retour dans leur comté lors de la relâche. Les gens écoutent la télévision, écoutent les informations et voient très bien que peu de choses seront changées dans ce projet de loi. Ils voient que les irritants tant décriés sont à peine atténués. Je ne peux comprendre qu'on continue ainsi.

(1120)

J'aimerais pouvoir mentionner-et c'est quelque chose qui vient d'être transmis dans les médias-puisqu'il n'est plus en Chambre maintenant, je peux mentionner son nom, il s'agit de l'ancien ministre des Pêches, M. Brian Tobin. Celui-ci vient de faire une déclaration, semble-t-il. Il vient de dire, et je vais le citer: «La réforme de l'assurance-chômage destinée à réduire l'ampleur des sommes versées aux prestataires a durement frappé le Canada atlantique où des milliers de pêcheurs, bûcherons et autres travailleurs se fient au programme fédéral afin d'arrondir leurs revenus saisonniers.»

Je n'ai pas eu le temps de le lire en entier, mais on connaît le verbe haut et fort de M. Tobin, et je suis content de voir que,


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maintenant, si je comprends bien, il est revenu au bon sens et entend défendre les gens de sa province. Va-t-il maintenant parler au nom du gros bon sens?

Il avoue que les gens qui seront obligés d'utiliser l'assurance-chômage n'utilisent cela que pour arrondir leurs revenus, n'utilisent cela que parce qu'il n'y a pas autre chose. Il reconnaît maintenant que les gens qui vivent dans les régions maritimes, il nomme des corps de métier qui sont nobles, et il reconnaît que ces gens-là ne peuvent pas occuper leur emploi à l'année longue.

Madame la Présidente, vous et moi, parce qu'on est pris ici à Ottawa, on ne peut pas aller pêcher notre propre subsistance. On ne peut pas aller couper le bois qu'on va faire brûler dans notre foyer. Il faut que quelqu'un le fasse. Comment se fait-il qu'on s'adresse, qu'on frappe sur ces gens-là? Est-ce que chacun de nous, ce soir, y pensera en allumant le foyer? Est-ce que chacun de nous y pensera, lorsqu'on ira au marché acheter du poisson, que des gens vont se faire matraquer par cette loi, alors que nous, comme simples citoyens, comme consommateurs, on dise: c'est correct, le poisson n'était pas cher aujourd'hui et en plus, le gouvernement fédéral leur tape dessus?

Je tiens à prévenir tous les consommateurs, les consommateurs de poisson, et Dieu sait que maintenant c'est la belle saison qui s'en vient, le homard recommence. J'aime souvent revenir avec cet exemple: lorsque chacun de vous retournera acheter un homard, lorsque chacun de vous retournera acheter un filet de poisson, posez-vous la question: Suis-je prêt à payer jusqu'à cinq fois le prix du produit acheté? Parce que si vous n'êtes pas prêts, je vous préviens qu'il y aura de graves problèmes sociaux. Les gens qui acceptaient de vous vendre, qui acceptaient de pêcher le poisson en question, qui acceptaient de bûcher le bois pour mettre dans votre foyer, ces gens-là ne bénéficient que d'une dizaine de semaines, pas parce qu'ils sont lâches, mais parce que la nature le veut ainsi.

Combien de fois faudra-t-il le répéter? Je ne peux que m'en attrister. Comment se fait-il que ce n'est que lorsque les gens sortent de la Chambre, quittent le gouvernement, qu'ils osent dire la vérité? Qui est le vrai patron dans toute cette affaire? Qui est-ce? Comment se fait-il que lorsqu'ils changent de côté à la Chambre, les gens ne voient plus les choses de la même façon? Quand les Canadiens et les Québécois auront-ils droit, en cette enceinte, à des gens qui, peu importe ce qui se passe, vont toujours refléter le gros bon sens, seront toujours à l'écoute de la population?

Tous les gens qu'on a entendus, les groupes syndicaux, se sont quand même dit: «Oui, nous reconnaissons qu'il y a quelque chose à faire.» Ils étaient prêts à donner la main. Nous, comme opposition, je reconnais qu'on l'a décrié, mais on essaie aussi de tendre la main. L'élément essentiel manquant dans tout cela est le partenariat, l'esprit de collaboration qui est nécessaire à toute grande réforme. Le gouvernement a besoin de la collaboration, le gouvernement a besoin de cette nécessité que chacun croit au développement d'un programme pour le mieux-être de tout le monde.

(1125)

Pour que les gens participent, il faut qu'ils voient cette étincelle. Il faut qu'ils voient qu'ils seront écoutés. Il faut qu'ils sententqu'à la fin du processus ils ne seront pas bafoués, que peut-être le

gouvernement réussira une partie de ses objectifs, mais qu'eux se reconnaîtront dans le projet de loi, mais telle n'est pas la situation.

Alors vous comprendrez qu'à chacune des motions je me lèverai en cette Chambre, tant et aussi longtemps que le gouvernement me le permettra, pour exprimer haut et fort mon désaccord. J'espère qu'à un moment donné les gens d'en face sauront comprendre. Entre gens de bonne volonté, on réussit toujours à s'entendre. Je vais continuer à jouer le jeu parlementaire, à tendre la main mais, à un moment donné, la population va retenir ce qui se passe et elle le fera sentir aux députés d'en face le jour venu.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole sur l'important projet de loi C-12.

Avant de commencer mon exposé, j'aimerais procéder à des félicitations sincères, au nom des membres du caucus du Bloc québécois. J'aimerais féliciter mes collègues, les députés de Mercier, de Lévis et de Kamouraska-Rivière-du-Loup pour le travail remarquable qu'ils ont fait et qu'ils continuent de faire en dénonçant ce projet de loi.

Je ne vous apprends rien en vous disant que ces collègues ont travaillé jour et nuit. Jour et nuit, ce n'est pas peu dire. Effectivement, ils ont eu à subir l'affront du bâillon par ce gouvernement libéral.

Ce dont il est question ici, c'est encore une fois de la crédibilité d'un gouvernement. Avec tous les tollés entourant la TPS, à la grandeur du Canada, qui ont mené à la démission de Mme Sheila Copps, on voit encore une fois que, dépendant si tu es dans l'opposition ou au pouvoir, le langage est différent. À propos de nous, vous pourriez dire: «Vous, ah oui, du Bloc, on pourrait vous donner exactement le même attribut.» Non, madame la Présidente, parce que nous, du Bloc, avons été élus ici pour défendre les intérêts du Québec, et c'est pour ça qu'on présente des candidats uniquement au Québec, pour justement jouer notre rôle de représentants des intérêts et de défense du Québec.

On ne pourra pas se contredire une fois qu'on sera dans l'opposition et une fois qu'on sera au pouvoir parce qu'on sera toujours dans l'opposition, le temps qu'on demeure à l'intérieur du Canada.

J'aimerais revenir sur certains propos antérieurs livrés par des membres de la députation libérale. Le député de York-Nord, alors qu'il était dans l'opposition, le 18 février 1993, s'ingérait contre la première réforme de l'assurance-chômage des conservateurs et il faisait état, dans un discours ici à la Chambre des communes, d'une manifestation qui avait eu lieu à Montréal à moins 25 degrés. «Ce n'était ni des fainéants, ni des resquilleurs. Ils n'étaient pas tranquillement assis à la maison devant leur vidéo ou en train de faire du ski dans les Laurentides, ils protestaient contre une politique injuste du gouvernement et contre l'absence de mesures pour les aider à retrouver du travail.»


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Je continue à citer le député de York-Nord: «Cette manifestation nous a fait voir la réalité, un monde de frustrations, de colère et de désespoir. Le gouvernement a réagi de façon méprisante et insultante, il a traité les manifestants de séparatistes.»

La dernière personne qui a traité des manifestants de séparatistes, c'est Sheila Copps, ex-députée d'Hamilton-Est. Donc, on voit clairement que ce gouvernement est méprisant. De plus, il fut doublement méprisant quand le titulaire du portefeuille du Développement des ressources humaines a fait des déclarations, alors qu'il était ministre des Transports, à un dîner officiel à West Park où il avait eu l'occasion de commenter toute la question des négociations dans le domaine du rail. Ce même ministre, cette même personne qui, aujourd'hui, est là pour protéger les intérêts des sans-emploi et protéger, dans une certaine mesure, les intérêts financiers des travailleurs, déclarait:

(1130)

[Traduction]

Les travailleurs ferroviaires qui n'ont qu'une huitième ou une neuvième année ne peuvent être blâmés pour avoir négocié des contrats de travail excessifs.

[Français]

Ce même ministre, aujourd'hui est titulaire du Développement des ressources humaines. Est-ce que vous trouvez cela édifiant? Cette déclaration était une insulte aux 62 000 travailleurs du rail au Canada. Ce même ministre était dans l'opposition le 1er mai 1989. On voit comment c'est insultant et après on se demande comment il se fait que la population canadienne ait perdu toute confiance dans les politiciens et dans la politique. Comment se fait-il que les gens soient écoeurés, tannés? Parce que la confiance et la crédibilité ça se mérite, ça ne s'achète pas au supermarché, ça se mérite. Ça prend des années à les bâtir et quelques minutes pour les détruire. Demandez-le à Sheila Copps, elle parle en connaissance de cause.

Ce même ministre du Développement des ressources humaines déclarait le 1er mai 1989, et je le cite: «Je veux insister sur un point auquel un grand nombre d'entre nous devront réfléchir très sérieusement, soit toute la notion de confiance et de crédibilité. Les Canadiens, disait ce ministre, sont disposés à faire leur part s'ils estiment que le fardeau est réparti équitablement. L'assurance-chômage, les allocations familiales et la sécurité de la vieillesse sont sacrées, disait-il en 1989. Il ne faut pas laisser les Canadiens perdre confiance jusqu'à tomber dans le cynisme. Certains ont parlé de la Nouvelle-Zélande et de d'autres pays et ils ont expliqué comment on s'y prend. Le Canada a une façon bien à lui de traiter les hommes et les femmes de toutes les régions du pays. Il y a des normes fondamentales, des programmes de base, des programmes universels et des programmes qui permettent à la population d'envisager l'avenir avec une certaine sécurité.»

Comment après cela peut-on avoir confiance en ce ministre qui a la responsabilité de piloter cette réforme et qui a le front de l'intituler une loi d'assurance-emploi alors qu'il n'y a aucun encouragement à l'emploi.

Je ne veux pas prendre le temps de ma collègue de Québec qui est notre responsable du dossier de la Situation de la femme, mais je lui rappelle ce qu'on trouve dans le quotidien Le Soleil de ce matin, je suis persuadé qu'elle l'a lu, on parle de la réforme du chômage et le titre en page A-10 dans le quotidien de Québec, ce matin, dit: «Les femmes écopent», et je cite l'article: «Une coalition de groupes de femmes dénonce la réforme de l'assurance-chômage en soutenant qu'elle désavantagerait les travailleurs à temps partiel, un groupe où les femmes prédominent. La nouvelle méthode de calcul de l'admissibilité aux prestations réduirait l'accessibilité du régime à ces travailleurs, a affirmé la coalition lors d'une conférence de presse, hier, le 1er mai. Selon une porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, les personnes travaillant moins de 35 heures et celles qui désirent obtenir des prestations de maternité seront désavantagées.»

En conclusion, je souhaite vous dire que le Bloc québécois ne s'oppose pas à une réforme des programmes sociaux. Le Bloc québécois défend le consensus établi par la société québécoise à l'effet que le Québec doit être le seul responsable des politiques de main-d'oeuvre et de formation professionnelle. Pour ce faire, le Québec se doit de récupérer dès maintenant le contrôle des politiques et des budgets de la main-d'oeuvre. Ces questions doivent relever du gouvernement du Québec sans condition.

Avant qu'on puisse avoir la souveraineté politique du Québec, notre parti continue à demander le retrait pur et simple de cette loi anti-travailleurs et régressive et anti-développement de l'emploi.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureuse de prendre la parole ce matin sur le projet de loi C-12. Je suis intervenue à plusieurs reprises et j'aurais aimé que ce gouvernement accepte les amendements proposés par le Bloc québécois pour améliorer ce projet de loi.

(1135)

Pas plus tard qu'hier, j'ai rencontré, au comité, la secrétaire d'État à la Situation de la femme qui m'affirmait que ce projet de loi était un bon projet pour les femmes, un projet sensible aux personnes qui travaillent à temps partiel et que ces personnes pourraient bénéficier de plus d'avantages de l'assurance-chômage.

Je suis heureuse de parler ce matin parce que, hier, comme le disait mon collègue de Beauport-Montmorency-Orléans, des femmes, des groupes importants de femmes du Québec et du Canada, dont la Fédération des femmes du Québec, le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, l'Association canadienne des services de garde, l'Association nationale de la femme et du droit, se sont déclarées contre cette réforme de l'assurance-chômage. Ces femmes sont venues dire à ce gouvernement que ce projet de loi allait pénaliser les femmes. Pourquoi? Parce que 69 p. 100 des femmes occupent des emplois à temps partiel. De ces 69 p. 100 de femmes qui occupent un travail à temps partiel, 40 p. 100 n'ont pu trouver un travail à temps plein et entre 20 et 30 p. 100 de celles-ci ont des responsabilités familiales. Ce sont ces femmes qui vont être pénalisées.

La secrétaire d'État à la Situation de la femme se disait très sensible à la situation de la femme, à sa situation économique. Elle a fait état de chiffres alarmants sur la pauvreté des femmes, sur l'égalité entre les hommes et les femmes, parce qu'on sait que ce


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sont les hommes qui occupent des postes à temps plein et qui font habituellement plus de 35 heures par semaine et qui bénéficieront de l'assurance-chômage. Par le calcul du nombre d'heures au lieu du nombre de semaines, cette catégorie de travailleuses, et je peux dire de travailleurs car les jeunes sont inclus, seront pénalisées.

Deuxièmement, avec le même nombre de semaines travaillées, les travailleuses et travailleurs à temps partiel recevront des prestations pendant une période beaucoup plus courte. Ils auront droit à moins et devront travailler plus de semaines.

Que penser des femmes qui travaillent moins de 35 heures par semaine? Pour des femmes qui occupent des emplois à temps partiel de 15 semaines, un an ne sera pas suffisant pour avoir accès à l'assurance-chômage. Ce sera le même montant d'allocation payé par les travailleuses et travailleurs à temps partiel que ceux à temps plein. Ils recevront deux fois moins de bénéfices que ceux à temps plein.

C'est honteux que ce gouvernement adopte un tel projet de loi, ce gouvernement insensible à la situation économique des femmes, insensible à la situation des femmes qui travaillent à temps partiel, insensible à la situation des femmes qui ont dû s'absenter plusieurs années du marché du travail. Qu'auront-elles à faire pour se qualifier? Qu'auront-ils à faire, ces femmes et ces jeunes, qui reviennent ou qui occuperont un premier emploi? Ils devront travailler plus dans un contexte économique où l'emploi est rare.

Vous savez, quand on choisit un travail à temps partiel, on peut le faire par priorité, mais aussi, on peut être obligé d'occuper un travail à temps partiel faute d'emplois à temps plein.

Que dire aussi des personnes qui devront changer de travail de façon intermittente parce qu'on ne peut pas leur offrir un travail à temps plein? Elles seront aussi pénalisées. Pourquoi seront-elles pénalisées? Parce qu'elles n'auront pas la chance d'avoir un poste à temps plein.

Il y aura deux catégories de travailleurs et de travailleuses. Voilà pourquoi les femmes sont indignées par un tel projet de loi, voilà pourquoi les femmes veulent dénoncer ce projet de loi. C'est un net recul par rapport à la condition des femmes. L'exigence qui porte sur les 26 semaines à 35 heures est une exigence qui est doublée, que les femmes ne pourront pas remplir; 910 heures de travail dans un an, quand on sait que c'est difficile d'occuper un poste à temps plein.

(1140)

Il faudra souvent plus d'un an de travail pour se qualifier. Voilà pourquoi, et je suis très heureuse de constater que d'autres ont fait ces mêmes analyses que le Bloc a faites, que d'autres, peut-être plus crédibles aux yeux du gouvernement, nous l'espérons, pourront faire changer d'avis ce gouvernement qui adopte un projet de loi qui, jusqu'à présent, n'encouragera pas la condition financière précaire des femmes et celle des jeunes.

J'aimerais aussi souligner à ce gouvernement l'absence d'un conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, l'absence d'un organisme qui pourrait, dans un cas tel que celui présenté ce matin, rappeler à ce gouvernement qu'il va dans la mauvaise direction. J'ai d'ailleurs rappelé à la ministre, pas plus tard qu'hier, que son gouvernement avait aboli un organisme important, un organisme consultatif qui pourrait donner les priorités en matière de condition féminine à ce gouvernement.

Il y aura deux classes de chômeurs. Celle des chômeurs qui reviennent souvent demander de l'assurance-chômage sera pénalisée; par tranche de 20 semaines, on enlèvera aux chômeurs 1 p. 100. Donc, on travaillera plus longtemps pour moins. Pendant ce temps, le gouvernement se réserve une généreuse caisse de cinq milliards de dollars sur le dos des employés, des employeurs qui paient leurs cotisations. Les employés espèrent un jour avoir une assurance, mais cette assurance n'existe plus, parce que le gouvernement, qui ne contribue pas à la Caisse de l'assurance-chômage, se réserve le droit de conserver ces cinq milliards de dollars, soit pour diminuer son déficit ou encore pour donner quelques petites subventions au gré du gouvernement, pour s'assurer d'une vitrine fédérale dans les provinces.

Ce gouvernement est aussi insensible au consensus du Québec pour rapatrier les budgets consacrés à la formation de la main-d'oeuvre. D'ailleurs, on a utilisé le nom assurance-emploi pour mieux s'assurer de faire de l'ingérence dans les programmes, d'ouvrir l'ingérence du fédéral en matière de formation professionnelle, en matière de contrôle des politiques. C'est le contraire de ce qu'ont demandé les intervenants socio-économiques du Québec, non seulement le Bloc québécois, non seulement les souverainistes, mais aussi des fédéralistes qui ont à coeur de mettre sur pied une vraie politique d'emploi.

Pour créer une vraie politique d'emploi, il faut aussi avoir les budgets alloués à une telle politique d'emploi. Ce gouvernement accroît son pouvoir de dépenser, un pouvoir honteux quand ce sont les provinces qui paient l'assurance-chômage et que c'est le gouvernement fédéral qui dicte aux provinces quel type de programme et quelles devraient être les mesures prises pour aider les personnes qui ne pourront se trouver de l'emploi.

J'aimerais que ce gouvernement respecte le but de l'assurance-chômage. Le but de l'assurance-chômage, c'est de garantir une assurance pendant que les travailleurs et travailleuses n'ont pas d'emploi. Pendant une période difficile, on devrait plutôt faire le contraire. Si on n'avait pas d'argent, s'il n'y avait pas de surplus, je pourrais comprendre qu'on établisse de tels critères, mais pas pendant que le gouvernement se garde cinq milliards de dollars dans les poches pour pouvoir les distribuer à sa guise et en faire ce qu'il veut.

(1145)

[Traduction]

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse d'intervenir sur le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-chômage, à l'étape du rapport.

Je voudrais parler de la règle d'intensité. Le gouvernement croit que des mesures devaient être prises pour protéger l'intégrité du régime d'assurance-chômage et garantir que les millions de travailleurs qui paient des cotisations continuent de faire confiance à un régime qui soit à la fois équitable et viable.


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En cherchant une solution juste et équilibrée, j'ai proposé deux amendements fort nécessaires au projet de loi C-12. Je suis heureuse de faire rapport sur ces deux amendements aujourd'hui à la Chambre et d'inviter l'opposition à les appuyer. Ces amendements augmenteront l'équité du régime et aideront les gens qui en ont le plus besoin. Ce sont ces gens-là dont les députés de l'opposition devraient s'inquiéter.

Le premier amendement que j'ai proposé exempterait de la règle d'intensité les prestataires qui touchent un supplément de revenu familial. Cela toucherait les prestataires et les familles qui gagnent 26 000 $ par année ou moins.

En vertu du second amendement, un crédit serait accordé à ceux qui touchent des prestations réduites parce qu'ils travaillent tout en recevant de l'assurance-chômage. Il s'agirait par exemple de personnes touchant des prestations pour 24 semaines, mais dont les prestations ont été réduites de moitié parce qu'ils travaillaient tout en recevant des prestations. On présumerait alors que ces personnes ont accumulé seulement 12 semaines de prestations aux fins de la règle d'intensité. Par conséquent, la prochaine fois qu'ils demanderaient des prestations d'assurance-chômage, ils ne seraient pas touchés par la règle d'intensité.

En étudiant le projet de loi, nous avons pris soin de procéder à une réforme juste pour les personnes se trouvant dans des situations difficiles. Nous avons tenté de conserver des incitatifs qui encouragent les gens à accepter les emplois disponibles, tout en traitant toutes les régions avec justice et équité.

Il convient de noter que, pour atteindre cet équilibre, il y a un prix minimal à payer. Nous avons cherché le moyen de faire en sorte que la mesure législative vienne en aide aux personnes qui sont le plus dans le besoin. D'autres amendements au projet de loi C-12 modifieront les interruptions de gains et le diviseur, de sorte que les travailleurs à faible revenu dans des régions où le chômage est élevé ne seront pas pénalisés pour des situations sur lesquelles ils n'ont aucune prise.

Dans le cadre de cet ensemble d'amendements, mes collègues ont convenu avec moi qu'il était nécessaire de modifier la règle de l'intensité. Je crois que cette règle était trop dure pour les familles à faible revenu, particulièrement celles qui vivent dans des régions où le chômage est élevé. Selon la proposition originale, la règle de l'intensité réduirait le taux des prestations de 1 point de pourcentage pour chaque tranche de 20 semaines de prestations régulières au cours des cinq années antérieures, jusqu'à un maximum de 5 p. 100.

Le supplément au revenu familial bénéficiera à 350 000 Canadiens. J'estime que ce supplément est un des nombreux traits positifs du projet de loi. Grâce à lui, les prestataires qui ont le plus besoin d'aide pourront s'acquitter de leurs responsabilités familiales. Les prestataires à faible revenu, qui ont peut-être de jeunes familles, pourront obtenir des prestations d'assurance-emploi pouvant représenter jusqu'à 80 p. 100 de leur revenu d'emploi, plutôt que 55 p. 100, comme c'est le cas des prestations régulières.

Après m'être battue pour faire inclure un niveau de prestation de base pour les familles à faible revenu, je ne voulais pas qu'il soit réduit. Nous ne voulions pas assujettir des membres vulnérables de notre population active à une règle de l'intensité qui réduirait, peut-être de 5 points de pourcentage, la valeur de leurs prestations.

Des études montrent que 188 000 prestataires, ou 54 p. 100 des bénéficiaires du supplément au revenu familial, seraient touchés par la règle de l'intensité.

(1150)

Nous reconnaissons l'importance du maintien de l'intégrité de notre système d'emploi, mais il nous faut aussi exempter de la règle de l'intensité les bénéficiaires du supplément au revenu familial. Nous protégeons donc les Canadiens les plus démunis. À mon avis, toute famille vivant avec un revenu de moins de 26 000 $ par année, qui est le seuil du supplément au revenu familial, se trouve dans une situation précaire telle que c'est là un incitatif suffisant pour convaincre ses membres qui travaillent d'accepter les emplois disponibles.

L'objectif de la réforme est d'aider les Canadiens à trouver et à garder des emplois. En les exemptant de la règle, les prestataires verraient leurs prestations totales augmenter de 128 $. Cette mesure ferait augmenter le montant total des prestations de 24 millions de dollars.

Le supplément de revenu familial contribuera en quelque sorte à accroître les prestations des prestataires à faible revenu ayant des enfants. Ils auront un peu plus d'argent à consacrer à des choses comme la garde d'enfants et, partant, pourront participer aux prestations d'emploi ou recevoir une formation supplémentaire qui leur permettra de trouver un bon emploi.

Nous avons également reconnu que la règle de l'intensité est un moyen de plus pour inciter les gens à travailler le plus longtemps possible. On sait que de nombreuses personnes ont un emploi et reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Au bout d'un certain temps, des prestataires peuvent toucher la moitié des prestations auxquelles ils ont droit parce qu'ils tirent un revenu d'un emploi à temps partiel ou autre genre d'emploi.

En vertu du projet de loi initial, si un prestataire touchait 50 p. 100 des prestations auxquelles il avait droit sur une période de 24 semaines, cette période était entièrement comptabilisée pour les fins d'application de la règle d'intensité aux futures demandes de prestations de cette personne. Nous avons reconnu que cette partie de la régle d'intensité était non seulement injuste mais que, contre toute attente, elle dissuadait les gens de travailler. Mes collègues libéraux m'ont donné raison sur ce point.

Ma seconde proposition d'amendement au projet de loi C-12 vise à créditer les prestataires du temps de travail accumulé pendant qu'ils reçoivent des prestations. En modifiant la règle d'intensité pour tenir compte du temps de travail effectué par un prestataire, nous encourageons les prestataires à accepter tous les emplois disponibles. Ce serait ainsi reconnaître le principe que même s'il y a peu de travail disponible, il est payant de travailler.

La vaste majorité des gens préfèrent travailler que de recevoir des prestations. Cette modification de la règle d'intensité m'apparaît comme une mesure positive et équitable. Les prestataires assu-


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jettis à la règle d'intensité qui travaillent gagneront des crédits de travail qui seront calculés au prorata pour atténuer les répercussions de la règle d'intensité sur les futures demandes de prestations. Cette proposition d'amendement encouragera les gens à travailler davantage et contribuera à créer plus d'emplois pour les Canadiens.

Ces amendements, que mes collègues libéraux ont approuvés, prouvent que si nous comblons l'écart, si nous modifions le diviseur et la règle d'intensité, nous aurons un meilleur projet de loi. Nous ferons quelque chose pour les Canadiens.

J'encourage mes collègues de l'opposition à appuyer ce projet de loi. En reconnaissant l'absence de débouchés sur le marché de l'emploi dans les régions où le taux de chômage est élevé, nous aurons fait un grand pas dans nos efforts en vue de rendre le système d'assurance-emploi plus équitable tant pour les individus que pour les régions et pour accroître les incitations à travailler.

Les changements apportés dans le projet de loi C-12, en ce qui concerne l'écart, la façon d'établir la moyenne, et la règle d'intensité permettront d'avoir un système qui contribuera à créer des emplois, à redonner du travail aux gens, un système à l'appui de la stratégie fédérale en matière d'emploi. La nouvelle règle d'intensité permettra surtout d'avoir un système plus équitable pour les personnes qui font partie de la population active et pour les autres.

J'engage mes collègues à appuyer ces amendements qui assureront à tous les Canadiens sur le marché du travail un projet de loi plus efficace et plus équitable.

(1155)

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente, nous voilà de nouveau en train de discuter du projet de loi C-12, qui a fait l'objet d'une attribution de temps ou du moins d'une limitation du débat en comité. Je ne serais pas très surpris d'apprendre qu'on nous impose une autre motion d'attribution de temps au cours de la journée, pour accélérer l'adoption de ce projet de loi.

Le nom du programme a changé. Je suppose que ce changement est une sorte de mesure d'apaisement à l'endroit du Parti réformiste. Nous avons toujours dit que l'assurance-chômage devrait ressembler davantage à de l'assurance-emploi. Cela devrait ressembler davantage à de l'assurance.

Les libéraux ont dit: «Nous pourrions peut-être nous contenter de changer le nom. Cela donnerait l'impression que nous avons transformé ce programme en police d'assurance et que l'accent serait dorénavant sur l'emploi plutôt que sur le chômage.»

Une assurance doit rester de l'assurance, qu'on l'appelle assurance-chômage ou assurance-emploi. C'est pourquoi ce projet de loi devrait peut-être être remis sur le métier. On pourrait peut-être réussir à l'arranger. Dans sa forme actuelle, cette mesure ne ressemble aucunement à de l'assurance.

Parlons de ce que la plupart des Canadiens connaissent de l'assurance. Par exemple, le conducteur d'une automobile est tenu par la loi provinciale d'acheter de l'assurance et d'être assuré en tout temps. Si une personne a régulièrement des accidents ou si sa voiture est volée et que cette personne doit avoir recours à l'assurance, elle constate que sa prime augmente ensuite proportionnellement à l'indemnité qui lui a été versée.

Si l'assurance-emploi était une véritable police d'assurance, pourquoi comporterait-elle des programmes de formation et des programmes de création du travail qui, en réalité, ne créent même pas du travail? Les bureaucraties sont les seules bénéficiaires des programmes actuels de création du travail.

Pour ce qui est de la formation, nous avons entendu nos collègues du Bloc exprimer leur désir d'obtenir la compétence en matière de formation de la main-d'oeuvre. Si le gouvernement cherchait à céder cette responsabilité, il constaterait que les provinces sont d'accord pour dire que la formation professionnelle est un secteur qui les intéresse toutes.

En décembre dernier, j'ai demandé au ministre du Développement des ressources humaines qu'il nous parle des changements dans la prestation des programmes de formation, et il a répondu que nous devions transférer les ressources aux gens eux-mêmes, au secteur privé, aux collectivités.

Si le ministre souscrit à cette orientation, si les provinces sont prêtes à s'occuper de la formation, si le secteur privé est prêt à participer, où est l'empêchement? Ce n'est certainement pas l'opposition qui retient le gouvernement. Pourquoi ne va-t-il pas de l'avant et ne transfère-t-il pas les ressources aux provinces qui les accepteraient volontiers?

Comment le ministre peut-il concilier le fait que son ministère continue à participer aux programmes de formation, alors que le premier ministre a annoncé que les programmes de formation de la main-d'oeuvre seraient la responsabilité entière des provinces? J'ai beaucoup de mal à comprendre cela.

J'ai reçu une lettre d'un groupe de personnes de ma circonscription qui travaillent dans le secteur de la restauration rapide. Leur porte-parole s'inquiétait de certaines dispositions du projet de loi. Un électeur disait essentiellement que ses frais augmenteraient de façon considérable si le projet de loi C-12 était adopté, et il est en bonne voie de l'être.

Il emploie à peu près 90 personnes, dont beaucoup d'étudiants à temps partiel, qui sont encore aux études. L'idée, c'est en partie de gagner suffisamment d'argent pour payer leurs frais de scolarité à l'université. Cette personne disait: «Mes clients sont très sensibles aux prix. Je n'aurai pas le choix de réduire le nombre d'heures de travail et le nombre de nouveaux employés.» EIle disait ensuite que l'établissement de cette taxe sur les salaires était contraire aux objectifs de création d'emplois du gouvernement et à son principe que les taxes sur les salaires nuisent à la création d'emplois. En effet, la position du gouvernement, c'est que, en réduisant les primes de 5c. par 100 $ de salaire, on créera des milliers d'emplois.

(1200)

Vu que la caisse devrait augmenter jusqu'à atteindre un surplus de 8 milliards de dollars cette année, pourquoi le gouvernement ne réduit-il pas les primes de 1 $ par 100 $ de salaire pour créer des millions d'emplois? Je navigue avec la carte du gouvernement en ce moment. Si une réduction de 5c. par 100 $ doit créer tellement d'emplois, pourquoi ne pas en créer 20 fois plus? Pourquoi ne pas suivre cette voie?


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Le ministre des Finances et d'autres membres du gouvernement ont admis que les impôts élevés fauchaient les emplois. Les impôts tuent les emplois. Cet électeur administre un restaurant dans ma circonscription est d'accord avec cette déclaration, mais il ne comprend pas pourquoi le ministre, le comité et le gouvernement ne jugent pas bon de réduire les impôts sur les salaires encore plus, en partant du principe qu'il y aura un surplus considérable dans la caisse.

Quelle raison le gouvernement peut-il bien avoir pour maintenir un surplus aussi élevé? Il dit que la situation ne sera pas toujours aussi bonne qu'elle est. Peut-être le gouvernement est-il simplement en train de créer un coussin pour les jours où l'économie va ralentir et où on perdra des emplois. Je ne sais pas. Peut-être les députés d'en face sont-ils en train d'inventer de nouvelles méthodes de comptabilité. Il me semble qu'il n'y a jamais un surplus sur lequel on puisse réellement compter. Ces surplus semblent voguer au gré des circonstances, et le plus souvent échouer dans les recettes générales de l'État.

Nous avons aujourd'hui plus de 200 amendements à examiner. Si l'on débat de ces amendements un à un, cela va prendre un temps fou. Toutefois, ce sera du temps bien utilisé. Nous devrions être en mesure de disséquer ce projet de loi pour finir par en faire quelque chose qui soit acceptable pour les Canadiens, non seulement ceux qui doivent avoir recours à l'assurance-chômage de temps à autre, mais aussi ceux qui sont les employeurs de la population active.

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, je suis très peiné et c'est avec beaucoup de regret face à l'orientation que prend le déroulement du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, que je prends la parole aujourd'hui.

En premier lieu, je me dois de vous parler de ce gouvernement. Le gouvernement fédéral a imposé le bâillon à l'opposition en ne permettant que 10 heures d'étude sur les nombreux articles d'un projet de loi aux effets complexes, qui est régressif, anti-emploi et créateur de pauvreté.

(1205)

Ce gouvernement veut passer à toute vitesse ses réformes qui se font sur le dos des travailleurs et de démunis, tout en délestant les charges sociales et financières des mieux nantis de notre société. Les mesures souvent arbitraires de ce gouvernement qui ne respectent pas le droit démocratique des députés de l'opposition compliquent le travail pour lequel nous avons été élus.

Je voudrais aussi attirer l'attention sur un article de journal qui a paru aujourd'hui, le journal Le Devoir, un excellent article qui résume très bien la situation que provoquera le projet de loi C-12 et qui en fait une très bonne synthèse. Cet article dit ceci: «La réforme s'inscrit dans une politique consistant à utiliser la Caisse de l'assurance-chômage pour financer un nombre grandissant d'activités autres que le paiement des prestations.»

J'invite la population à prendre connaissance de l'ensemble de cet article. Ainsi, ils auront une très bonne idée de ce que le projet de loi C-12 occasionnera.

Je pourrais diviser cet article en huit parties: 1) la constitutionnalité; 2) la compétence fédérale; 3) le désengagement fédéral; 4) la participation financière du fédéral; 5) les démunis; 6) la taxe dégressive; 7) la responsabilité des provinces, et 8) la conclusion.

Je vais en citer quelques parties pour vous donner une idée de ce qu'on y retrouve. Tout d'abord, cet article a été écrit par des avocats spécialisés en droit social, ce qui veut dire qu'il peut facilement nous servir de référence. Sur la constitutionnalité, on y dit ceci: «Le projet de loi sur l'assurance-emploi s'inscrit dans une politique consistant à utiliser la Caisse de l'assurance-chômage pour financer un nombre grandissant d'activités autres que le paiement des prestations. Non seulement cette orientation se fait au détriment du droit aux prestations d'un nombre grandissant de cotisants au régime, mais sa constitutionnalité est loin d'être certaine.»

Dans la deuxième partie, que j'appellerais la compétence fédérale, on peut lire ceci: «Lorsqu'en 1940, les provinces vont consentir à ce que, exceptionnellement, ce régime d'assurance sociale relève de la compétence fédérale, l'amendement constitutionnel sera formulé de façon précise, attribuant au gouvernement fédéral une compétence visant uniquement la mise sur pied et la gestion du régime d'assurance-chômage.»

Dans la troisième partie, au sujet du désengagement du fédéral, on y lit: «[. . .] un désengagement de la responsabilité de l'État à l'égard des chômeurs et, d'autre part, par une utilisation croissante du compte d'assurance-chômage à des fins autres que le versement de prestations [. . .]»

La quatrième partie porte sur la participation financière: «En 1977, différentes mesures portant sur le travail partagé, la création d'emplois et la formation furent introduites dans la législation. Ces mesures étaient alors financées à même les contributions financières que le gouvernement fédéral assurait au compte d'assurance-chômage pour financer ces mesures dorénavant.»

En un mot, ce que l'article nous dit, c'est qu'à un moment donné, le fédéral est sorti de sa responsabilité mais, à ce moment-là, il payait pour les mesures qu'il nous imposait, alors que maintenant, le fédéral ne fait plus partie de ces cotisations; seuls l'employeur et l'employé alimentent le fonds de l'assurance-chômage.

Au sujet des démunis, on peut lire ceci: «D'ailleurs, une étude effectuée en 1990 pour le compte du ministère québécois de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu concluait que le groupe des femmes monoparentales était particulièrement touché par ces changements législatifs au régime d'assurance-chômage. Un nombre important de ces femmes seraient contraintes d'avoir recours à l'aide sociale.»

(1210)

Au niveau de la taxe dégressive, ils nous disent: «En utilisant les cotisations d'assurance-chômage pour financer autre chose que le paiement des prestations, la législation fédérale transforme de facto ces cotisations en taxes dégressives à cause du plafonnement du salaire annuel cotisable à 29 000 $. Au niveau de la responsabilité des provinces, non seulement le gouvernement du Canada s'immisce dans les domaines de compétence provinciale, soit la main-d'oeuvre et l'aide sociale, mais il le fait à même l'argent recueilli


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des cotisations d'assurance-chômage, et non pas à même son pouvoir de dépenser. La compétence du Parlement en matière d'assurance-chômage est de prélever des cotisations pour indemniser les assurés en cas de chômage. Il ne peut s'en servir à d'autres fins, privant du même coup les cotisants de la protection à laquelle ils sont en droit de s'attendre.»

En conclusion, on y lit ceci: «Cette nouvelle orientation du régime est davantage préjudiciable à l'égard de certains éléments de la population canadienne. Parmi les personnes désormais exclues de la protection du régime, une majorité de jeunes et de femmes. À cause de la position précaire occupée par ces personnes au bas de l'échelle du marché du travail, les jeunes et les femmes ont été particulièrement affectées par la restructuration actuelle du marché de l'emploi qui s'est traduite notamment par une hausse du chômage. Ainsi, toute diminution dans la couverture de base du régime d'assurance-chômage, notamment dans les conditions d'admissibilité, affecte particulièrement ces groupes de personnes.»

En un mot, ces gens, ces spécialistes, des avocats spécialisés en droit social, rendent compte, résument très bien tous les éléments, tous les cas qui ont été soumis à notre attention. Cela nous dit tout simplement que ce projet de loi C-12 va faire beaucoup plus de mal que de bien.

Cela résume en fait toutes les fois, toutes les nombreuses heures au cours desquelles le Bloc québécois a questionné le gouvernement. Pourquoi? Pourquoi présenter un projet de loi axé sur les coupures de bénéfices, un projet punitif qui ne tient pas compte du nouveau marché du travail? Pourquoi cette diminution du salaire maximum assurable de 42 380 $ à 39 000 $, un coût pour la caisse de 900 millions de dollars? Pourquoi? Pourquoi seuls les travailleurs qui gagnent 39 000 $ et moins et les entreprises qui les engagent devraient-ils partager entre eux les coûts, d'autant plus que le surplus sert à payer la réduction du déficit?

Pourquoi avoir introduit ce mécanisme de la période fixe pour la détermination du revenu, sinon pour diminuer des prestations? Pourquoi avoir introduit la règle d'intensité, sinon pour pénaliser des travailleurs et travailleuses qui n'ont pas un emploi permanent et qui doivent en arracher dans l'existence en prenant des contrats, des emplois temporaires, des emplois à temps partiel, et encore une fois, des travailleurs saisonniers? Pourquoi cette réduction de la rémunération hebdomadaire assurable et l'annualisation des cotisations?

Ce projet de loi est anti-emploi, injuste, créateur de pauvreté, régressif, discriminatoire pour les femmes et les jeunes. Il crée une tendance lourde à l'augmentation du temps supplémentaire et à la réduction des salaires dans une période ou ces effets économiques et sociaux seront graves. Il ne s'intéresse d'aucune façon au travail autonome qui est pourtant en forte croissance. Puisque le nom du projet de loi passe d'assurance-chômage à assurance-emploi, pourquoi se sert-on des cinq milliards de dollars de surplus pour autre chose que la création d'emplois?

(1215)

En un mot, je conclus en disant ceci: Ce projet de loi est à l'image de ce gouvernement; il touche à tout et ne solutionne rien.

[Traduction]

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens maintenant parce que j'entends les députés d'en face formuler des arguments tout à fait erronés, surtout en ce qui concerne la formation de la main-d'oeuvre. Je voudrais rétablir les faits en ce qui concerne le projet de loi C-12.

Le gouvernement du Canada reconnaît que la formation de la main-d'oeuvre est une responsabilité provinciale, liée à la compétence provinciale en matière d'éducation.

Le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, propose toute une gamme de mesures d'emploi destinées à aider les chômeurs canadiens à trouver du travail et à le conserver, comme les députés d'en face le savent très bien. Parmi ces mesures, on trouve notamment les subventions salariales, les suppléments de revenu, les prestations pour activité indépendante, les partenariats pour la création d'emplois et les prêts et subventions pour l'acquisition de compétences. Conformément à l'engagement du gouvernement en matière de formation, ces prêts et subventions ne seront accordés qu'avec le consentement de la province en cause, y compris le Québec.

Ce projet de loi va beaucoup plus loin que le régime d'assurance-chômage du passé. Il met l'accent sur l'emploi et vise à fournir aux chômeurs tous les outils dont ils ont besoin pour retourner au travail. L'une des forces de ce projet de loi, c'est qu'il décrit, plus clairement que jamais, les responsabilités fédérales dans ce domaine. Il engage le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces et les territoires en vue d'aider les gens à trouver du travail.

Grâce à l'assurance-emploi, le gouvernement fédéral abolira progressivement les achats de cours de formation, les programmes d'apprentissage, les programmes d'enseignement coopératif et la formation en milieu de travail. Toute mesure d'emploi comportant une part de formation, comme les prêts et subventions pour l'acquisition de compétences, sera mise en oeuvre dans une province uniquement si la province y consent.

Le gouvernement du Canada conclura avec chaque province des ententes formelles concernant la conception et l'application d'un nouveau programme de prestations d'emploi et l'harmonisation des programmes fédéral et provinciaux afin d'éliminer les chevauchements et les dédoublements. Ces ententes pourraient prendre diverses formes selon la priorité de chacune des provinces. Si, par exemple, une province souhaite un plus grand contrôle, le projet de loi autorise le gouvernement fédéral à lui déléguer le pouvoir de gérer les mesures d'emploi fédérales ou même à financer des programmes provinciaux s'ils donnent les mêmes résultats que les programmes fédéraux.

Les résultats, c'est ce qui intéresse les Canadiens, et non pas la question de savoir qui est chargé du programme de prestations d'emploi. Et l'atteinte des résultats passe par la flexibilité, la collaboration et la création de partenariats.

L'assurance-emploi, par le truchement du projet de loi C-12, suscitera la création de nouveaux partenariats. Elle assurera le développement d'un marché du travail plus efficace et mieux adapté aux réalités locales. Elle mettra un terme aux chevauchements et aux dédoublements coûteux. Elle orientera l'ensemble de nos ressources et de nos énergies vers le vrai défi de l'heure, à savoir aider les Canadiens à trouver des emplois et à les converser. Tel est


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l'objectif premier de la formation de la main-d'oeuvre. Il s'agit de doter les travailleurs d'aptitudes susceptibles d'attirer les entreprises dans leurs provinces et régions respectives, et de les rendre aptes à occuper les nouveaux emplois qui ne tarderont pas à se multiplier sur le marché de demain.

Les Canadiens souhaitent que leurs gouvernements collaborent. L'assurance-emploi s'inscrit dans l'engagement du gouvernement du Canada en faveur de la collaboration avec les provinces, engagement envers un fédéralisme qui servira les intérêts de tous les Canadiens.

(1220)

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté le député de Malpèque et je n'ai pas compris l'allusion qu'il a faite au début de son énoncé concernant ce projet de loi. Je vais lui rappeler simplement que lorsque son gouvernement était dans l'opposition et que l'ancien gouvernement conservateur avait proposé une réforme de l'assurance-chômage, tous les députés libéraux, qui étaient à ce moment-là dans l'opposition, ont déchiré leurs chemises sur la place publique pour démontrer qu'ils n'accordaient pas leur appui au gouvernement conservateur.

Aujourd'hui, on s'aperçoit que dans ce projet de loi, nous retrouvons exactement ou à peu près les mêmes fondements. Aujourd'hui, on trouve que les amendements sont acceptables, alors qu'hier, on était prêts à se battre sur la place publique. Donc deux langages, deux poids, deux mesures, dépendamment de l'endroit où nous sommes assis dans cette Chambre. Voilà le vrai visage de ce gouvernement.

Lorsqu'une loi est présentée, cette loi doit s'appliquer à l'ensemble des gens concernés. Ce projet de loi ne s'appliquera pas à l'ensemble des chômeurs et des chômeuses du pays, puisque plus de la moitié des chômeurs et des chômeuses de ce pays seront inadmissibles aux prestations d'assurance-chômage. On en élimine plus de la moitié. Où seront-ils? Où seront-elles?

Naturellement, 50 p. 100 de chômeurs n'auront pas accès aux prestations d'assurance-chômage et se retrouveront dans des situations de désespoir ou presque, et ce sont tous les groupes de la société qui seront touchés: autant les jeunes que les femmes, et les familles monoparentales. Où retrouvera-t-on ces 50 p. 100 de gens qui n'auront pas accès aux prestations d'assurance-chômage? Nous allons les retrouver, naturellement, à l'assistance sociale.

À ce moment-là, qui fera les frais de cette réforme? Ce seront les contribuables de chacune des provinces concernées. Donc, au Québec et ailleurs au Canada, on devra augmenter les budgets de l'assistance sociale pour être capables de faire face à ce nouveau problème.

Si ce projet de loi est adopté, ce sera une catastrophe pour l'ensemble du pays. Je vais faire une démonstration avec ce qui se passe actuellement dans ma région, dans mon comté, là où nous remportons, année après année, le trophée du chômage au Canada. Je dois dire, au nom de cette population, que c'est assez, on ne peut plus tolérer cette situation.

Le problème de l'assurance-chômage provient beaucoup plus de ce manque d'emplois, de ces emplois qui n'existent pas actuellement. Est-ce que les gens d'en face ont proposé des programmes, des moyens, des façons de créer de l'emploi? Non. On arrive avec des mesures comme celle-là qui, d'ailleurs, ne coûte pas un sou au gouvernement. Ce sont les employeurs et les employés qui cotisent directement à la Caisse de l'assurance-chômage.

(1225)

Naturellement, tout l'argent qu'on recueille ne retourne pas nécessairement à qui de droit, aux gens qui ont payé. On va même jusqu'à en prendre un bon pourcentage pour régler le déficit du Canada, pour diminuer la dette. Cela, les gens de ma région ne le prennent pas. Ce que les gens désirent, c'est avant tout un projet de loi ou des programmes qui permettront justement de créer de l'emploi. Ce projet de loi devant nous n'est pas axé sur le véritable défi des programmes sociaux. Le véritable défi des programmes sociaux, c'est justement la création d'emplois.

Comment voulez-vous qu'un jeune qui poursuit ou qui vient de terminer ses études puisse, d'une façon décente, parfaire son instruction si on ne lui fournit pas les moyens nécessaires pour qu'à sa sortie, il puisse se procurer des emplois, non pas comme ceux qu'on trouve actuellement, c'est-à-dire des emplois précaires ou très peu rémunérés, mais des emplois dignes d'une personne humaine? Il devrait pouvoir trouver des emplois qui lui permettront de travailler suffisamment d'heures pour gagner un salaire décent pour qu'il puisse d'abord régler ses problèmes de bourses et les emprunts qu'il a dû contracter pendant ses études, et ensuite, pour qu'il puisse mener une vie normale. Et par vie normale, j'entends une vie où il pourra penser à de nouvelles responsabilités comme fonder une famille, avoir des enfants et les faire instruire, et non pas avoir des enfants pour avoir des enfants et ne leur donner absolument rien ou leur remettre simplement une dette ou un déficit, mais leur donner des outils collectifs qui leur permettront de pouvoir s'épanouir.

Dans ma région, tous les groupes communautaires, humanitaires, les groupes sociaux, les travailleurs et travailleuses, les syndiqués, les gens moins bien organisés, tous ont dénoncé le projet de loi du gouvernement. Le gouvernement n'entend-il pas les appels de tous ces citoyens? Malgré ce qu'on veut laisser entrevoir dans la population, ces gens-là ne sont pas tous des extrémistes, ne sont pas tous des activistes, ne sont pas tous, non plus, des paresseux. Ils ne sont pas tous des séparatistes, il y a des fédéralistes aussi qui se sont élevés contre cette loi.

Comment se fait-il qu'on soit incapable d'atteindre le coeur de ces gens-là? Pourquoi ne pas laisser parler son coeur plutôt que de nous engager dans une réforme où il y aura tellement de technicalités, que même le fonctionnaire le plus instruit aura de la difficulté à passer à travers? Il aura de la difficulté à régler certains problèmes que les gens nous présentent régulièrement à nos bureaux. C'est nous qui les recevons, à nos bureaux, les gens qui ont des problèmes, les gens qui ne savent pas où aller pour obtenir un traitement juste et équitable.

J'aimerais, en terminant, vous faire part d'une expérience vécue dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les travailleurs de l'Alcan ont mis de l'avant une formule créatrice d'emplois-et j'invite le gouvernement à se prévaloir de cette expérience-une formule de travail partagé qui créera dans l'immédiat près de 110 emplois dans la région et, naturellement, beaucoup d'emplois indirects.


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(1230)

Si la formule de travail partagé initiée par les travailleurs d'Alcan était appliquée à l'ensemble des PME et des industries de 20 employés et plus au Québec, le potentiel de création d'emplois directs se chiffrerait à 120 000 emplois.

Le gouvernement pourrait donc s'en servir sans crainte de se servir de la Caisse de l'assurance-chômage pour instaurer une telle formule de travail partagé. Donc, on pourrait se servir des surplus de la Caisse de l'assurance-chômage. Je suis certain que toute la population canadienne appuierait de telles mesures et c'est grâce à des mesures de ce genre que nous allons créer des emplois.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à l'étape du rapport pour l'analyse du projet de loi C-12 concernant l'assurance-chômage ou, si vous préférez, pour employer une terminologie qui tient plus de la fumisterie du gouvernement, le projet concernant l'assurance-emploi.

J'aimerais vous rappeler, à cette étape du rapport, la position du Bloc québécois concernant la réforme de l'assurance-chômage et sa transformation, comme par magie, en programme d'assurance-emploi. À l'instar d'une majorité de Québécois et de Québécoises, à l'instar d'une majorité de Canadiens et de Canadiennes qui ont déjà manifesté leur mécontentement partout, à la grandeur du pays, face à ce projet de réforme, à l'instar aussi des témoins qui ont comparu au Comité du développement des ressources humaines et de75 p. 100 d'entre eux, 75 p. 100 des mémoires présentés au Comité du développement des ressources humaines, nous nous opposons fortement au projet de loi C-12.

Nous exigeons et nous continuerons d'exiger jusqu'à la dernière minute, parce que c'est ça que les Québécois et les Canadiens veulent, que ce projet de loi soit retiré, soit mis à la poubelle et qu'il soit remplacé par un vrai programme d'assurance-chômage, un vrai programme concernant le marché du travail, une vraie politique globale qui conjugue la sécurité de revenu, le besoin de sécurité de revenu pour des hommes et des femmes qui peuvent être confrontés au fléau du chômage. Cela peut arriver n'importe quand et à tout le monde. Donc, il faut une sécurité de revenu d'un côté, et de l'autre, la formation professionnelle et toutes les mesures actives d'emploi.

Autrement dit, il est important d'en arriver à une véritable réforme de l'assurance-chômage, une réforme qui corresponde à la réalité actuelle du marché du travail, et d'en arriver à faire en sorte que les gens touchés par ce fléau puissent, à court ou à moyen terme, réintégrer le marché du travail, et ce, de façon durable.

Ce que nous présente la réforme, ce n'est vraiment pas cela. On est face à un projet inéquitable. On est face à un projet de nature régressive. On est face à un projet anti-emploi. On est face à un projet qui risque de créer plus de pauvreté qu'il n'en atténuera.

Changer le nom d'un projet de loi-l'assurance-chômage devient l'assurance-emploi-c'est facile. Mais dans les faits, l'emploi n'a jamais été la préoccupation de ce gouvernement. La situation précaire des emplois n'a jamais fait l'objet d'une quelconque préoccupation de ce gouvernement et la situation du chômage non plus n'a jamais fait l'objet de considérations vraiment sérieuses de la part de ce gouvernement.

Comment peut-on croire à la crédibilité de ce gouvernement, alors que le premier ministre même a dit, il y a quelques mois, devant un auditoire choisi de Toronto, qu'il considérait que les chômeurs et les chômeuses du Canada étaient des buveurs de bière et des paresseux?

(1235)

Comment peut-on penser que ce gouvernement puisse travailler de quelque façon que ce soit au sort des plus démunis de la société, alors que le ministre du Développement des ressources humaines, il y a quelques semaines, déclarait que ceux qui manifestaient leur mécontentement à l'égard du gouvernement étaient des extrémistes, des séparatistes? Je vous rappellerai qu'il y en avait aussi dans son comté, du mécontentement, parce qu'il y en a eu des manifestations de mécontentement dans son comté, à moins qu'on ait des appuis souverainistes dans son comté, des séparatistes.

Mais pour lui, cela se résumait à ça: c'étaient des extrémistes parce qu'ils n'acceptaient pas de se faire couper les jambes, comme on le propose avec le projet de loi C-12, ou bien des séparatistes, ou bien il a repris les termes du premier ministre, «des paresseux qui devraient travailler plutôt que de manifester». C'est ça, la vision de ce gouvernement face aux personnes les plus démunies.

Ce projet de loi qui, entre autres, augmente les heures travaillées nécessaires pour bénéficier du régime d'assurance-chômage et qui diminue les prestations de façon considérable est un projet qu'on doit retirer tout simplement. Le gouvernement doit admettre qu'il commet une erreur en ce sens. Le gouvernement doit retourner à son travail, refaire un vrai programme d'assurance-emploi, un vrai programme qui correspond aux besoins du marché du travail.

J'écoutais l'autre jour le ministre du Développement économique de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Robert Morrissey. Il disait que pour l'Île-du-Prince-Édouard seulement, cette année, pour l'année fiscale 1996-1997, il en coûtera à l'Île-du-Prince-Édouard autour de 15 millions de dollars de manque à gagner. Pour une petite province comme celle-là, c'est un désastre.

Je discutais du sujet avec mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup qui, lui, estimait que pour le Bas-Saint-Laurent, une des régions où le sous-emploi est le plus évident, il en coûtera, dès cette année, 20 millions de dollars si le projet de loi du ministre se concrétise.

Je rappelle que, déjà l'année dernière, ce gouvernement a fait en sorte de priver les Québécois et les Canadiens d'environ 2,4 milliards de dollars en sabrant de façon honteuse dans le fonds d'assurance-chômage, dans les prestations versées aux personnes les plus démunies de la société.

Je lui rappelle aussi-et le projet de loi C-17 étudié l'année dernière était moins pire que la réforme qu'on nous présente aujourd'hui, imaginez ce que ce sera si elle entre en application-que seulement au Québec, il y a 46 000 personnes, l'année dernière, qui ont été totalement exclues du marché du travail à cause des mesures de resserrement déjà prévues dans le budget du ministre des Finances.

C'est inadmissible, pour un gouvernement qui s'est fait élire sur la base de la création d'emplois, sur la base d'une supposée vision sociale en faveur des plus démunis, d'en arriver comme ça, l'an dernier, d'un coup de crayon, à retirer 46 000 personnes au Québec du marché du travail par des mesures sauvages, des mesures qui ne


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correspondent pas aux véritables besoins des plus démunis de la société.

Pendant ce temps, le gouvernement se vante d'accumuler des surplus à la Caisse de l'assurance-chômage. Il se vante d'accumuler un montant minimum annuel de 5 milliards de dollars à partir des cotisations prélevées auprès des employeurs et des employés. Que fait-il avec ces cinq milliards, alors qu'il soutire, qu'il vole littéralement, dans les poches des Québécois et des Canadiens, plus de deux milliards depuis l'année dernière et plusieurs centaines de millions additionnels dès cette année avec les nouvelles mesures? Pendant ce temps-là, il prend un surplus accumulé de cinq milliards annuellement pour réduire son déficit, pour faire en sorte que le ministre des Finances ait l'air de faire sa job de bon gestionnaire en contrôlant l'évolution du déficit. C'est inadmissible de fonctionner de cette façon.

Et quand on voit que ça commence à chauffer, que le couvercle de la soupière commence à sauter, là, on utilise trois voies. On tente d'acheter les gens, comme le ministre des Finances l'a fait récemment avec les trois provinces Maritimes lorsqu'il a offert 961 millions pour une pseudo-réforme de la TPS, qui met son gouvernement fichtrement dans l'embarras de ce temps-ci.

(1240)

Quand ça ne fonctionne pas en achetant les gens-et j'espère que les gens des Maritimes ne seront pas assez dupes pour avaler la réforme de l'assurance-chômage et avoir une compensation de 961 millions et laisser faire une réforme qui sera catastrophique pour leur communauté au cours des prochaines années-ce gouvernement fait preuve de cynisme, il charrie, il essaie de bourrer les gens sur ses intentions ou sur ses actions.

On a vu toutes les déclarations faites quand le ministre de la Défense nationale s'est fait questionner sur les nombreux scandales de son ministère, et également quand le premier ministre actuel essaie de nous faire accroire, aux Québécois et aux Canadiens, qu'il a réglé le problème de la TPS, alors que le problème demeure entier, même avec la démission de la vice-première ministre. Et quand ça ne marche toujours pas, il y a un troisième moyen pour ce gouvernement de faire avaler les couleuvres ou de tenter de le faire, c'est d'imposer à l'opposition et à ce Parlement un bâillon.

Depuis la semaine dernière, on a eu droit à trois bâillons qui enlèvent notre capacité de débattre jusqu'à attrition de questions fondamentales comme le projet de loi C-12.

Le premier bâillon a porté sur ce projet de loi, où on limite le temps de parole des députés de la Chambre des communes, un temps de parole qui vise à expliquer à l'ensemble des Québécois et des Canadiens qui sont en train de se faire avoir par ce gouvernement, qu'il a un discours différent des actions qu'il porte. Le deuxième bâillon, celui sur le projet de loi C-31 qui comportait, entre autres, une section sur le scandale de l'accord intervenu entre le gouvernement fédéral et les trois provinces Maritimes concernant la TPS. Et le troisième est sur les droits de la personne où on nous a également imposé un bâillon hier.

Cette façon de fonctionner est inacceptable, et nous dénonçons, par l'entremise de cette analyse à l'étape du rapport du projet de loi C-12, les intentions du gouvernement avec sa réforme honteuse du régime d'assurance-chômage.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre part au débat sur ce projet de loi et de saisir l'occasion pour faire quelques mises au point. Il me semble également nécessaire de revenir sur les observations de mon collègue d'en face. Vient un moment où il n'y a plus rien à ajouter dans un débat. Les Canadiens comptent sur le gouvernement pour faire avancer les travaux. Je ne crois pas qu'il soit inacceptable d'imposer la clôture dans ce cas-ci.

Il a été demandé pourquoi le gouvernement finance les mesures d'emploi en puisant dans les fonds de l'assurance-emploi. Il est important qu'on sache que ce sont là des mesures dynamiques qui visent à aider les Canadiens à se préparer à occuper, trouver et garder des emplois. Ces mesures sont un investissement à long terme visant à réduire le chômage, et je crois qu'elles constituent une utilisation légitime des cotisations versées par les employeurs et les employés.

Le gouvernement fédéral est conscient de sa responsabilité de protéger les fonds de l'assurance-emploi. Il est donc légitime d'appliquer des critères d'admissibilité. Il y a un certain accès au fonds, mais un plafond sera également fixé, et il y aura des freins et contrepoids pour qu'un cadre de responsabilité permette de contrôler les résultats. Des fonds proviendront du Trésor pour les groupes qui ne sont pas admissibles aux mesures financées par l'assurance-emploi, comme les jeunes et les autochtones.

Je vais aussi parler de deux autres aspects: les questions qui ont été soulevées au sujet du nouveau régime d'assurance-emploi, et ses conséquences pour les femmes et les parents à faible revenu. Beaucoup d'informations fausses ont circulé à ce propos.

Mettons les choses au point et rappelons les faits. Les mères et les personnes à faible revenu profiteront du nouveau régime que le gouvernement propose. L'assurance-emploi protégera beaucoup plus de personnes que l'ancien régime. Le régime de l'assurance-emploi s'appliquera à tout travail à temps partiel, ce qui marquera une amélioration très importante pour les femmes, qui représentent près de 70 p. 100 de tous ceux qui travaillent à mi-temps.

Pour la première fois, environ 270 000 femmes qui ont des emplois à mi-temps de moins de 15 heures par semaine pourront profiter de l'assurance-emploi. Toutes les heures de travail compteront dans le calcul des prestations. Prenons le cas des femmes qui ont plusieurs emplois, par exemple trois emplois de 13 heures par semaine chacun, et qui touchent une rémunération basée sur 39 à 40 heures. Leur revenu sera intégralement assuré si elles tombent malades, si elles prennent un congé parental ou si elles perdent un ou deux de ces emplois. Pour des femmes qui ne travaillent que 13 ou 14 heures par semaine, ce revenu est d'importance critique pour le ménage, pour faire vivre la famille. Elles aussi toucheront des prestations si elles perdent leur emploi. La famille pourra compter


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sur une source de revenu pendant que la femme cherche un autre emploi.

(1245)

L'assurance-emploi donne aux femmes la possibilité d'accroître le nombre de leurs heures de travail en supprimant cette barrière invisible qu'est le seuil de 15 heures. En effet, certains veulent travailler plus de 15 heures, mais des employeurs les limitent à moins de 15 heures pour éviter de payer des cotisations. C'est inacceptable.

L'assurance-emploi offre une aide spéciale aux mères et aux parents à faible revenu. Elle reconnaît l'importance de protéger le revenu des femmes qui ont charge de famille. Le supplément de revenu familial à l'intention des familles à faible revenu avec enfants à charge portera les prestations hebdomadaires à un maximum de 80 p. 100 des revenus moyens. D'ici 2001, année où l'assurance-emploi sera pleinement en vigueur, ces familles recevront 12 p. 100 de plus qu'aujourd'hui en prestations.

Les modifications dont je vais parler maintenant sont l'aboutissement des efforts d'une simple députée qui a eu une influence déterminante à la Chambre, la député d'Etobicoke-Lakeshore. Elle a proposé plusieurs amendements de grande valeur à l'étape du comité, et son travail mérite des félicitations.

Grâce aux amendements de cette députée, la règle de l'intensité ne s'appliquera pas au 108 000 femmes qui reçoivent le supplément de revenu familial et ont déjà recouru aux prestations. Cette règle réduit le taux de prestation de un point de pourcentage par tranche de 20 semaines de prestations ordinaires demandées au cours des cinq années antérieures.

Grâce à l'amendement proposé par la députée d'Etobicoke-Lakeshore, les familles monoparentales, dont la plupart sont dirigées par des femmes, ayant un revenu de moins de 26 000 $ recevront des prestations de 13 p. 100 plus élevées en moyenne grâce à l'assurance-emploi. Un plus grand nombre de femmes pourront continuer à travailler tout en touchant des prestations. Toutes les prestataires pourront accepter du travail temporaire et gagner au moins 50 $ par semaine sans que leurs prestations soient réduites. Nous encourageons ainsi ces personnes à accroître le revenu familial.

Les femmes qui gagnent 2 000 $ ou moins par an obtiendront le remboursement de leurs cotisations par le truchement de l'impôt, ce qui est une autre modification importante.

Un plus grand nombre de mères et de familles à faible revenu seront admissibles aux prestations d'emploi pour pouvoir réintégrer la population active. Dans ma circonscription, je suis constamment aux prises avec des cas de personnes qui n'arrivent pas à revenir sur le marché du travail. Elles ne peuvent pas profiter de toutes les possibilités parce qu'elles n'ont pas touché de prestations par le passé.

Les femmes qui réintègrent le marché du travail après s'être occupées des enfants auront accès aux prestations d'emploi spéciales de l'assurance-emploi si elles ont déjà reçu des prestations de maternité ou parentales au cours des cinq années antérieures. En vertu de l'assurance-emploi, les femmes qui ont épuisé leurs prestations d'emploi au cours des trois années précédentes seront admissibles à des mesures d'aide grâce à ces prestations d'emploi. Environ 45 p. 100 des assistés sociaux pourront satisfaire à ces critères d'admissibilité. Tout cela fera une grande différence. Les prestations de l'assurance-emploi aideront les Canadiens à faible revenu et les femmes qui réintègrent le marché du travail à acquérir les compétences nécessaires pour trouver du travail.

L'objectif fondamental de la stratégie fédérale pour l'emploi est de donner du travail aux Canadiens. Nous avons fait campagne en promettant des emplois et de la croissance économique. Nous essayons de créer un cadre propice à la création d'emplois par les entreprises, à l'acquisition de compétences pour améliorer l'employabilité et faciliter la recherche d'un vrai travail.

Ces mesures dont nous avons parlé ont fait leurs preuves. Elles ont aidé les femmes qui avaient été longtemps sans emploi à réintégrer la population active et à accroître leurs revenus. La meilleure sécurité sociale qui soit, c'est d'avoir un emploi. Ces outils aideront les femmes à accroître leurs revenus, contribueront à la stabilité de leurs emplois. Ils leur permettront de s'imposer dans des secteurs qui ne sont pas traditionnellement ouverts aux femmes.

Ainsi, les subventions salariales ciblées versées aux employeurs peuvent égaliser les chances des personnes défavorisées dans le milieu de travail, comme le sont les femmes. Des études ont montré que cette approche est fructueuse. Elle peut se traduire par une augmentation moyenne des revenus de 5 000 $ par année. Bien entendu, les femmes qui toucheront des prestations d'emploi auront aussi droit à l'aide pour la garde des enfants, ce qui est une excellente nouvelle.

Nous avons parlé des prestations d'emploi et de la manière dont le nouveau régime aidera les travailleurs à trouver des emplois. Chaque année, environ 400 000 chômeurs pourront être admissibles aux nouvelles prestations d'emploi, par exemple les subventions salariales ou l'aide au travail indépendant. Ces mesures ont été mises à l'essai, et elles ont effectivement aidé les travailleurs à retrouver du travail.

(1250)

La partie II du projet de loi C-12 énonce les principes fondamentaux de ces prestations et mesures d'emploi, mais il y aura un grand degré de souplesse. Elles seront faciles à utiliser et à adapter aux besoins et à la situation de chacun. Elles viseront d'abord et avant tout à obtenir des résultats, peu importe les modalités.

C'est là un problème avec lequel tous les députés sont aux prises quotidiennement dans leur circonscription. Des gens viennent leur dire, par exemple, que le système ne prévoit rien pour leur cas, qu'ils ne satisfont pas à un des critères d'admissibilité, qu'ils pourraient, n'était-ce d'un détail quelconque, participer au programme. Ou bien ils disent qu'ils suivent un programme qui n'a rien à voir avec ce qu'ils veulent faire plus tard, mais que c'est le seul auquel ils sont admissibles et qu'ils ont besoin du revenu pour leur famille.

Ces modifications de l'assurance-emploi seront importantes pour eux. Les vieux programmes, comme je l'ai laissé entendre, sont rigides, inefficaces ou stériles. Ils seront éliminés. Nous aurons à la place une série d'outils plus simples pour travailler au niveau de la base.


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Fait important, et je crois que les électeurs souhaitent ce genre de coopération, nous tournons le dos aux vieux antagonismes et nous mobilisons nos efforts, avec les gouvernements provinciaux, pour redonner du travail aux Canadiens. Le projet de loi C-12 engage le gouvernement du Canada à travailler de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en matière de prestations d'emploi.

De nouveaux partenariats pour assurer les services permettront d'adapter les mesures d'emploi aux besoins du marché du travail de chaque région et d'éliminer les chevauchements et la confusion dans l'intervention des différents niveaux de gouvernement. Cela se traduira par une aide plus efficace pour les chômeurs. N'est-ce pas là notre rôle?

Le projet de loi C-12 jette également les bases d'un service national de placement meilleur et plus efficace. Ce service d'information et de consultation aide actuellement environ deux millions de personnes par année. Un système automatisé plus puissant d'information sur les emplois dira aux travailleurs où se trouvent les emplois. Des services de recherche d'emploi plus efficaces aideront les prestataires à retourner au travail le plus vite possible.

Voilà le type de régime d'assurance-emploi que les Canadiens souhaitent. Il est plus dynamique. Il donnera des résultats. C'est ce que les Canadiens ont réclamé. Ce sera un régime de prix abordable, plus fort, plus moderne qui sera axé sur l'emploi. Il aidera davantage les Canadiens et contribuera à les maintenir au travail. C'est assurément là l'objectif fondamental de la stratégie fédérale de l'emploi, et c'est un objectif qui doit tous nous mobiliser.

J'exhorte mes collègues à adopter très rapidement le projet de loi.

[Français]

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de m'associer à la démarche de ce projet de loi à l'étape du rapport et de m'associer également à l'action courageuse des députés du Bloc québécois qui ont travaillé au sein du Comité permanent du Développement des ressources humaines.

Il semble qu'on soit dans la semaine de la fuite en avant par ce gouvernement. Après la TPS, après un vote libre sur une mesure fondamentale comme celle de l'ajout de l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination, où le gouvernement a promis un vote selon la ligne de parti, mais qu'il a laissé ses députés se comporter librement face à ce projet de loi. voici maintenant que, par rapport à la réforme de l'assurance-chômage, il nous faut nous boucher le nez et adopter cette réforme à toute vitesse.

Je suis content de m'associer à cette initiative parce que, justement, le 9 avril dernier, dans mon comté, je tenais une journée spéciale d'information sur la réforme de l'assurance-chômage. Au cours de cette journée, une quinzaine d'organismes sont venus participer, à partir des documents gouvernementaux, à l'étude de cette réforme. L'ensemble de ces groupes nous a dit que cette forme n'était pas, sous aucune considération, une base de proposition possible à une modification de la réforme.

Le gouvernement veut nous faire accroire, comme à son habitude, qu'il est motivé par une volonté de réforme des programmes sociaux. Pourtant, cela ne faisait pas partie de ses promesses électorales. Il faut parfois regarder également le non-dit au cours des campagnes électorales et pas seulement les promesses brisées, comme celle de la TPS par le premier ministre; «scrapper» ne veux pas dire harmoniser, mais semble-t-il qu'il est encore seul à avoir le pas, à avoir raison quand son ministre des Finances et sa vice-première ministre, à cause de la pression populaire, se sont amendés.

(1255)

D'ailleurs, une déclaration du ministre du Développement des ressources humaine est bien intéressante. Elle a été relevée le 16 mars 1996 dans le quotidien La Presse: «Le ministre du Développement des ressources humaines est bien prêt à se pencher sur les préoccupations exprimées par les groupes de femmes à l'endroit de la réforme de l'assurance-chômage, mais il a prévenu que toute modification au projet devrait respecter le cadre financier établi.» Le chat est sorti du sac: c'est le cadre financier qui compte et non la réforme. Je poursuis la citation: «Le gouvernement entend respecter intégralement les paramètres fiscaux établis dans la réforme de l'assurance-chômage.»

Mais avant de passer au programme d'assurance proprement dit, j'aimerais dire quelques mots sur le remplacement des 39 programmes de retour au travail par les cinq mesures proposées.

Les organismes que j'ai consultés m'ont unanimement rappelé qu'il y avait une certaine dose de cynisme, pour ne pas dire d'hypocrisie, dans cette modification. Dans le discours du Trône, on mentionnait qu'il était de la volonté du gouvernement fédéral de remettre la formation professionnelle aux provinces.

On a rappelé au gouvernement le consensus québécois, et le ministre, au moment du Sommet québécois sur le développement économique, avait essayé de rappeler à l'ordre les organismes québécois et invoquait même le Conseil du patronat comme ne faisant pas partie de ce consensus. Ce consensus existe, il existe pour l'ensemble des mesures de formation professionnelle, il existe également pour les mesures actives d'assurance-chômage, et non pas uniquement pour les mesures de formation professionnelle.

Donc, dans un premier temps, il faut rappeler que l'opposition officielle et l'ensemble des intervenants du Québec souhaitent que le Québec soit le seul responsable des mesures de politique de main-d'oeuvre et de formation professionnelle.

D'ailleurs, les organismes consultés nous ont dit qu'ils voyaient très bien que l'objectif de la réforme est de faire des coupures de deux milliards encore, et ce gouvernement-ci suit le même chemin qu'a suivi le gouvernement conservateur, soit de couper dans les programmes sociaux pour justifier la diminution du déficit.

Quand il annonce ses trois cents millions de dollars en modifications dans les amendements, il dit que ce sera compensé par des mesures de réinsertion sociales plus fortes. S'il était si confiant dans


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ses mesures de réinsertion au travail, pourquoi couper l'assurance-chômage? Le nombre de chômeurs diminuerait de lui-même et le coût du programme diminuerait de lui-même. Mais non, il a tellement peu confiance dans ses mesures, qu'il dit, d'un autre côté, je vais quand même couper le programme pour être certain d'économiser les deux milliards. Ces mesures ne sont pas justes et doivent être dénoncées.

Quant au programme d'assurance, pour nous, il est clair que c'est une réforme des programmes sociaux qui se passe sur le dos des démunis de la société, plus spécifiquement les chômeurs, les assistés sociaux, les jeunes, les femmes, les nouveaux arrivants. Globalement, la réforme de l'assurance-chômage, telle que proposée, est inéquitable, régressive, anti-emploi et créatrice de pauvreté. Les conditions d'admissibilité sont durcies. Pour accéder au régime, on passe de 180 et 300 heures à 420 et 700 heures travaillées, soit plus du double.

Pour leur part, les nouveaux arrivants sur le marché du travail vont tripler le nombre d'heures nécessaires, soit 910, pour être admissibles au régime. Donc, il y a deux classes de chômeurs: les chômeurs ordinaires et les chômeurs fréquents. Cela ne s'applique pas simplement en régions. Pour les gens à Montréal, pour les travailleurs autonomes, pour les gens qui occupent un emploi à temps partiel, cela s'applique aussi.

Moi qui est entré sur le marché du travail en occupant un emploi de fin de semaine, dans un dépanneur, pour pouvoir m'aider à gagner l'argent pour mes études, je me sens concerné par ces choses. Ce ne sont pas seulement les travailleurs en régions, Montréal aussi est affecté par ces mesures.

Ceux qui auront déjà reçu des prestations verront leur taux de prestations diminuer de 55 à 50 p. 100, soit 1 p. 100 par tranche de 20 semaines de prestations préalablement reçues. D'un côté, on nous dit qu'on va imposer chacune des 15 premières heures pour permettre à ces gens de pouvoir avoir accès à l'assurance-chômage, mais, d'un autre côté, on rend les règles d'admissibilité tellement difficiles que ces gens n'y auront pas accès.

(1300)

On dit bien premier 2 000 $, ceux qui gagnent 2 000 $ et moins pendant l'année, pourront recevoir un remboursement d'impôt. Les personnes les plus faibles de notre société, les plus démunies, auront à financer le gouvernement fédéral pendant un an, la belle affaire. On devra travailler plus longtemps pour recevoir moins de prestations et pendant moins longtemps. Ce sont les travailleurs à faible revenu qui écoperont le plus de l'application de ces mesures.

Quant à la rémunération de l'employé à 39 000 $, c'est une autre belle mesure. Les travailleurs qui gagnent le plus se verront accorder une baisse d'impôt parce qu'ils n'auront plus à payer de cotisation après le seuil de 39 000 $, mais on impose ceux qui font 15 heures et moins. C'est étrange, la coupure de cotisation des uns équivaut à peu près à la cotisation des autres. C'est étrange. En plus, on qualifie cette mesure de création d'emplois.

Le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup l'a bien souligné, l'entrepreneur aura avantage à faire travailler les employés qui gagnent plus de 39 000 $ en heures supplémentaires parce que ça ne lui coûte plus de cotisations plutôt que d'engager un travailleur à temps partiel pour qui il devra payer des cotisations. C'est régressif, anti-emploi. Plus le travailleur gagnera d'argent plus son pourcentage de cotisations diminuera parce qu'après 39 000 $, il n'en paie plus. Un cadeau des travailleurs qui gagnent plus de 2 000 $, mais qui sont incapables de se qualifier à cause du nombre d'heures et des autres mesures, aux travailleurs qui gagnent plus de 39 000 $. Beau cadeau.

Le plafonnement du maximum des gains assurables à 39 000 $ est également un cadeau aux entreprises à haute densité de capital aux dépens des entreprises à haute intensité de main-d'oeuvre. C'est plus intéressant d'avoir moins de travailleurs que d'en avoir plus. Finalement, on pénalise les PME.

La réforme incite à faire des heures supplémentaires. Le mot d'ordre est de réduire les semaines de travail afin de favoriser la création d'emplois. Ce projet de loi va complètement à l'envers du courant. La réforme de l'assurance-chômage occasionnera des pressions indues sur la réforme de l'emploi qui est déjà précaire. Job, job, job, on va en couper des jobs, bon programme.

Les nouvelles mesures, en abaissant le taux de prestations, en taxant les travailleurs dès la première heure, en fixant des critères d'admissibilité plus sévères tout en rendant une certaine clientèle inadmissible, contribueront également à un transfert accru de la clientèle de l'assurance-chômage vers l'aide sociale. Et on pellette dans la cour des provinces comme on l'a fait pour les programmes de transfert. On ne prend pas ses responsabilités, du côté du gouvernement libéral. C'est la semaine de la fuite en avant, la semaine de l'hypocrisie consommée, bravo.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je me joins à mes collègues pour participer à ce débat qui porte, de façon cynique, tout le monde l'aura compris, sur les modifications à l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage qui s'appellera dorénavant assurance-emploi. Cela décrit bien le cynisme de ce gouvernement qui n'en est pas à ses premières armes dans ce domaine. On a vu une illustration parfaite et merveilleuse, très pédagogique des engagements supposément sérieux, supposément responsables pris par ce gouvernement lors de la campagne électorale en 1993 et qu'il n'a jamais tenus. Nous en avons ici un autre exemple patent.

(135)

Mais avant d'aller plus loin, je voudrais féliciter mes collègues qui se sont démenés, qui ont agi dans ce dossier d'une façon remarquablement généreuse et responsable, notamment ma collègue de Mercier, mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup et mon ami collègue de Lévis qui ont travaillé, c'est le cas de le dire, jour et nuit, pour combattre ce projet cynique qui va à l'encontre de l'intérêt public.

Plusieurs l'ont déjà mentionné, d'autres le mentionneront, il s'agit ici d'une mesure inéquitable, régressive, anti-emploi et non


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pas assurance-emploi, et créatrice non pas d'emplois mais de pauvreté.

Cette mesure s'inspire tout simplement de ce qu'envisageaient de faire les conservateurs à l'époque s'ils avaient gardé le pouvoir. Elle s'inspire du mouvement néo-libéral le plus mesquin, le plus petit, qui s'attaque aux plus démunis de notre société, qui crée de plus en plus d'exclus non seulement au Québec, non seulement au Canada, non seulement en Amérique mais partout sur cette planète, un mouvement qu'il faut de plus en plus scruter, qu'il faut analyser, qu'il faut critiquer parce que l'évolution qui est représentée par cette mesure ici, aujourd'hui, il y en a eu d'autres et il y en aura d'autres on le sait, va à l'encontre encore une fois de l'intérêt public, de l'intérêt du genre humain, pour employer les mots de Victor Hugo.

C'est un changement cynique, nous ne le dirons jamais trop. Mais mon propos portera plus spécifiquement sur une facette qui n'est pas seulement d'intérêt local, elle est plus technique, c'est un des volets de l'immense transformation à laquelle nous assistons. Il portera sur la restructuration du réseau des centres d'emploi, plus précisément les bureaux d'assurance-chômage et d'emploi dans ma région à moi, la Mauricie. Je m'adresse notamment à mes commettants du comté de Trois-Rivières qui sont victimes d'une mesure arbitraire, irresponsable et indéfendable, et ce, par l'accident de parcours que représente l'élection dans le comté de Saint-Maurice du député libéral du coin, aujourd'hui premier ministre du Canada et auparavant député de Beauséjour.

Le député de Beauséjour, chef de l'opposition à l'époque, en mars 1993, concernant l'attitude du gouvernement conservateur dont on s'inspire aujourd'hui, écrivait à un mouvement de défense des intérêts des plus démunis de la région de Montréal, sur du papier à en-tête du bureau du chef de l'opposition officielle, le 26 mars 1993:

Ces mesures consternent les libéraux. En réduisant les prestations et en pénalisant davantage ceux et celles qui quittent volontairement leur emploi, il est évident que le gouvernement se préoccupe très peu des victimes de la crise économique. Au lieu de s'attaquer au fond du problème, il s'en prend aux chômeurs. Ces mesures auront d'ailleurs des répercussions troublantes.
Cela a été écrit en mars 1993 par le député de Beauséjour, alors chef de l'opposition, devenu depuis lors député de Saint-Maurice, voisin de mon comté. L'accident de parcours que ce phénomène représente est en-dessous de tout. Nous en avons quasi la preuve de cette mesure inique envers la population de la Mauricie, qui bouscule des gens qui sont déjà dans un état de faiblesse. Quand on est chômeur, quand on est assisté social et qu'on veut s'en sortir, il faut faire des démarches, des démarches administratives auprès du réseau des centres d'emploi. Et on a à Trois-Rivières, dans la Mauricie, une décision qui fait que le centre régional qui était auparavant à Trois-Rivières sera déménagé à Shawinigan, ce qui est inacceptable.

À cet égard, apparaissant au Feuilleton des avis j'ai posé quatre questions que je vais vous lire et sur lesquelles on espère obtenir bientôt une réponse.

La première: «Le ministre du Développement des ressources humaines peut-il me dire quelles ont été les recommandations du comité d'analyse sur la restructuration des points de service au Québec quant à l'opportunité de situer le Centre des ressources humaines régionales à Shawinigan ou à Trois-Rivières?»

(1310)

La deuxième, le numéro 21 du Feuilleton du 12 mars 1996: «Le ministre du Développement des ressources humaines peut-il m'indiquer s'il y a eu des représentations ou des interventions faites par des officiers, employés ou autres personnes du Conseil privé ou du bureau du premier ministre auprès d'officiers, employés ou fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines du Canada afin que le Centre des ressources humaines du Canada soit situé dans une municipalité de la circonscription électorale de Saint-Maurice plutôt qu'à Trois-Rivières?»

Question numéro 22: «Le ministre du Développement des ressources humaines peut-il m'indiquer si, dans le cadre de la restructuration des points de service au Québec du ministère du Développement des ressources humaines du Canada, il y a eu des études comparatives faites par le ministère quant à l'opportunité de situer le Centre des ressources humaines régional à Shawinigan ou à Trois-Rivières, et dans l'affirmative, quelles sont les conclusions de ces études?»

Question numéro 23, la quatrième et dernière: «Le ministre des Travaux publics et le ministre du Développement des ressources humaines peuvent-ils m'informer du loyer et des coûts relatifs à la location de locaux du ministre du Développement des ressources humaines situés à l'immeuble du haut du fleuve, rue des Forges à Trois-Rivières comparativement à ceux prévus et découlant du déménagement, de l'aménagement et de l'installation dudit ministère dans de nouveaux locaux qui seront situés dans la région de Shawinigan, selon le projet du gouvernement?»

Selon mes informations, le gouvernement répondrait à ces questions dans les jours qui viennent. Nous osons souhaiter que la réception de ces questions aura démontré, tant au personnel politique qu'au personnel administratif, que le projet du gouvernement d'installer le Centre des ressources humaines à Shawinigan plutôt qu'à Trois-Rivières va à l'encontre de l'intérêt public, que cette décision est inique, que cette décision est honteuse, que ce projet est cynique, que ce projet est honteux.

Il a été fait non seulement sans consultation, mais il va à l'encontre de l'opinion de tous les groupes qui se sont manifestés dans notre région. Il y a eu le maire de Trois-Rivières, qui a mené un bon combat, la Chambre de commerce, la Fédération de l'âge d'or, le mouvement régional des caisses populaires. Il y a aussi 25 000 citoyens qui ont manifesté par écrit leur désapprobation face à ce projet. Le syndicat de la fonction publique, compte tenu de l'information dont il dispose, a, lui aussi, dénoncé ce projet. Il va à l'encontre du bon sens, à l'encontre de l'intérêt public, c'est un projet honteux et nous ne cesserons de le dénoncer.

D'autant plus que le député de Saint-Maurice a eu la courtoisie d'informer ses électeurs la semaine dernière, dans son dernier bulletin de député, que le nouveau centre régional serait installé dans le comté, mais à Shawinigan-Sud. Pour ceux qui connaissent la


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région, cela dessert même les gens du comté de Saint-Maurice parce que le pôle d'attraction du comté de Saint-Maurice c'est Shawinigan et non pas Shawinigan-Sud. Cela obligera les électeurs du député de Saint-Maurice à se déplacer sans qu'il y ait de services publics adéquats pour amener les gens de Shawinigan à Shawinigan-Sud.

Nous voyons, et le ministre responsable pour le développement régional pour le Québec en est un témoin privilégié, il sait, lui aussi, que cette décision est indéfendable. Il sait, lui aussi, que cette décision est carrément arbitraire, qu'elle va à l'encontre de l'histoire de la région, à l'encontre du mouvement naturel des gens de la région et nous ne cesserons de dénoncer ce qui, pour nous, est toujours un projet parce que nous conservons espoir que la décision définitive n'est pas prise.

D'après les informations que nous avons eues, les fonctionnaires n'étaient pas encore au courant que la décision était prise. Tout le monde considère ce projet comme étant un projet et nous souhaitons que le gouvernement, le premier ministre qui est en-dessous de tout ça, il ne faut pas se le cacher, retrouvera la raison, mettre du bons sens et de la sagesse là-dedans. À son âge, il en a vu d'autres, il est capable de remettre les pendules à l'heure et de faire en sorte que les gens de la Mauricie bénéficient des services adéquats auxquels ils ont droit.

(1315)

[Traduction]

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, j'ai un problème de procédure. On a renvoyé le projet de loi au comité et il nous revient maintenant avec un nombre incroyable d'amendements. Si je ne m'abuse, il y a 220 amendements, ce qui nous amène à nous demander à partir de quand un projet de loi n'est pas un projet de loi et si la Chambre des communes est en train de réécrire la mesure législative. On peut se demander ce qui s'est produit au comité pour essayer de résoudre certains des problèmes, ce qui nous aurait donné un projet de loi moins lourd.

Je m'inquiète également du changement de nom du projet de loi. J'ai deux questions. La première réside dans le fait qu'on ne parle plus de chômage, mais d'emploi. Je m'interroge aussi sur le terme «assurance». Si on devait apporter des modifications, pourquoi ne pas avoir inclus le terme «assurance»?

En ce qui concerne le contenu du projet de loi, nous commençons, dans la pratique, à nous éloigner de la notion d'assurance. Les polices d'assurance actuelles sont des tontines sophistiquées, des choses du passé. Le système d'assurance-emploi ne semble pas être une véritable police d'assurance, comme on l'avait conçu au départ pour répondre aux besoins des chômeurs. À l'origine, on voulait donner aux travailleurs sans emploi la possibilité de traverser la période où ils étaient au chômage en attendant de se retrouver un emploi. Je me demande si nous parlons vraiment d'assurance dans le cas présent.

Le changement de termes pour passerr de «chômage» à «emploi» me rappelle ce qui se passe dans le domaine des soins de santé où nous avons une assurance-maladie. Je suis très heureuse de constater qu'on s'attaque encore à la maladie. Lorsque je suis malade, je sais que j'ai une assurance-maladie qui me permettra d'obtenir les traitements dont j'ai besoin. Lorsque, dans le domaine des soins de santé, on est passé de la notion de maladie à la notion de santé, cela s'appliquait précisément au mandat du ministère et non pas nécessairement à l'assurance elle-même.

On applique le même principe dans le cas présent, mais pas au ministère, au programme d'assurance ou à un programme du ministère. En passant du terme du «chômage» au terme «emploi», nous élargissons les paramètres de ce secteur de compétence. Nous entrons plus officiellement dans des domaines comme l'éducation et les soins de santé. Nous essayons déjà d'aller dans cette voie avec des programmes de formation.

Nous risquons d'aller encore plus loin dans le dédoublement de services qui devraient être offerts par d'autres administrations. Les questions de santé qui se posent lorsqu'une personne est au chômage devraient être de la compétence des services de santé.

Je trouve difficile de parler d'emploi plutôt que de chômage. On pourrait donner des interprétations qui conduiraient à une plus grande expansion des services aux termes de ces dispositions. Cela va nous éloigner de plus en plus d'une véritable police d'assurance.

Je me préoccupe également des cotisations. Nous avons tendance à établir des catégories basées sur l'endroit où les gens vivent ou leur revenu, et nous nous occupons des gens dans le besoin, ce qui m'entraîne un peu plus loin. Peu importe notre situation financière, lorsque nous trouvons tout à coup un emploi, nous développons des besoins. Lorsque nous travaillons, nous adoptons un style de vie que notre revenu peut soutenir. Lorsque ce revenu disparaît, notre style de vie s'en ressent. Nous devons faire quelque chose pour le maintenir. À mon avis, ce n'est pas de cela dont nous parlons ici.

(1320)

Nous devrions peut-être nous tourner vers Maslov pour savoir ce que signifie être nécessiteux. J'ai tendance à associer cette notion aux principes fondamentaux énoncés par Maslov, comme la nourriture, le logement et l'habillement. Ces éléments sont essentiels à tous. Lorsqu'on examine les prestations, c'est à cela que nous devrions penser en priorité. Lorsque nous parlons des nécessiteux, nous pensons aussitôt à des personnes chez lesquelles un de ces trois éléments fait défaut, par opposition simplement à des besoins. Peu importe notre revenu, nous adoptons un style de vie en conséquence et, lorsque ce revenu disparaît, nous avons besoin de maintenir ce style de vie. Il s'agit là d'une question totalement différente de celle dont nous parlons ici.

Les choses deviennent extrêmement techniques. J'ai encore des difficultés avec ma déclaration de revenus. J'en suis au point où je suis incapable de la remplir moi-même, de sorte que je dois magasiner pour trouver quelqu'un qui me proposera le meilleur prix. Dans le cas qui nous occupe, nous commençons à nous lancer dans un processus semblable, en faisant intervenir diverses notions, comme les conditions applicables à diverses régions, le revenu, etc., toutes sortes de notions différentes. Nous devrions songer à en éliminer quelques-unes, au lieu d'en créer d'autres, tout en répondant néanmoins aux besoins fondamentaux des chômeurs.


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Une notion qui me vient tout de suite à l'esprit est celle de régions. Évidemment, la situation financière varie selon la région. Par exemple, il en coûte nettement plus cher dans le nord que dans le sud pour satisfaire des besoins fondamentaux, soit pour se nourrir, se loger ou se vêtir. Je suis certaine que les montants des prestations seraient différents.

Puis, il y a les prestations de maternité, qui sont versées avant et après la naissance. Je comprends mal qu'on fasse la différence entre un parent naturel et un parent adoptif. Un bébé est toujours un bébé, peu importe s'il est adopté, ses besoins sont les mêmes. Je croyais que les prestations servaient d'abord à combler les besoins de l'enfant dont la mère est sur le marché du travail. Cela ne change guère si l'enfant est adopté; il a autant besoin de sa mère que l'enfant naturel a besoin de sa mère.

J'aimerais revenir à l'aspect portant sur l'assurance. J'ai consulté le rapport du vérificateur général de 1994. Il a cité une étude du ministère des Finances dans laquelle on disait que l'assurance-chômage «ne motivait pas les gens à travailler».

Je ne vois rien dans ce projet de loi qui pourrait décourager les gens à ne pas se prévaloir de l'assurance-chômage. Je suis d'accord avec le vérificateur général et je voudrais que certains amendements soient adoptés. Certains règlent justement la question. Nous pourrions siéger toute la nuit et citer divers exemples d'abus de la Loi sur l'assurance-chômage.

(1325)

Certains aspects du projet de loi sont très préoccupants. C'est notamment le cas du changement de nom. Je suis d'avis qu'en parlant d'emploi plutôt que de chômage, nous étendons la portée des dispositions. Une rose est une rose, peu importe le nom qu'on lui donnera. Autrement dit, peu importe le nom qu'on donnera au système, il s'agira toujours d'assurance-chômage.

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir, non pas qu'il s'agisse d'un bon projet de loi, mais plutôt pour apporter une petite contribution, principalement aux trois députés du Bloc québécois. Je parle de la députée de Mercier et des députés de Kamouraska-Rivière-du-Loup et de Lévis qui, depuis bientôt deux ans, au nom de leurs commettants, au nom de toute la population du Québec et aussi au nom d'une part importante de la population du Canada, ont mené à bout de bras, à bout de ressources, un combat au nom des personnes qui seront les victimes de cette réforme de l'assurance-chômage.

Nous nageons en plein paradoxe. Nous sommes en face d'un gouvernement qui ne réalise pas ce qu'il a promis et on en a eu encore cette semaine de nombreux exemples. On avait promis de «scrapper»-excusez le terme anglais-la TPS et on ne l'a pas fait. Le ministre de la Justice et le premier ministre s'étaient engagés à un vote de parti sur la question de l'orientation sexuelle comme motif de discrimination et on n'a pas tenu cette promesse.

D'une part, on ne tient pas les promesses qu'on a faites et d'autre part, on réalise des engagements qu'on n'a pas pris. On réalise entre autres la réforme de l'assurance-chômage, alors que lorsque l'actuel premier ministre était chef de l'opposition, il combattait, et mon collègue de Trois-Rivières en a fait mention, le projet de réforme de l'assurance-chômage des conservateurs.

Ce combat qu'a mené le Bloc québécois depuis un certain temps remonte à l'automne 1994, alors que le ministre du Développement des ressources humaines lançait à la grandeur du pays une vaste consultation sur un projet de réforme.

À ce moment-là, on pouvait parler d'une réforme, parce qu'on ne savait pas ce qui découlerait de ces consultations et on ne savait pas non plus quel type de projet de loi arriverait finalement à la Chambre des communes. Donc, on a consulté les Canadiens. Nos trois collègues se sont promenés avec le Comité permanent du développement des ressources humaines à la grandeur du Canada. Ce qui en est ressorti, c'est que 80 p. 100 des témoins entendus étaient contre le projet de réforme tel qu'il était rédigé à ce moment. Le Comité permanent, plus fidèle à répondre aux attentes du gouvernement qu'à celles de la population, a rédigé un rapport qui, bien sûr, ne correspondait pas à ce que la population consultée avait prononcé, ce qui a amené le Bloc québécois, à ce moment-là, à écrire un rapport dissident.

Depuis, et je pense que ça s'est manifesté principalement depuis le discours du budget de 1995, on assiste à une série de mesures gouvernementales qui visent à désengager le gouvernement de secteurs d'activités dans lesquels il était présent depuis de nombreuses années. Souvent, le Bloc québécois a donné son appui, je pense entre autres à la politique de commercialisation des aéroports et du contrôle de la circulation aérienne. Nous étions d'accord avec le principe.

Dans ce cas-ci, le gouvernement fait exactement le contraire. Il ne contribue plus un sou depuis 1991 à la Caisse de l'assurance-chômage, donc s'il y a un secteur où il pourrait se permettre de privatiser et de dire à ceux qui contribuent, les employeurs et les travailleurs: «Puisque vous êtes les seuls à contribuer, si vous voulez bien, désormais, vous allez vous donner un moyen d'assurer la gestion de l'assurance-chômage puisque nous ne contribuons pas», c'est bien celui-là.

(1330)

Pourquoi le gouvernement se contredit-il et dans d'autres secteurs, comme il l'a fait par exemple sur la question des aides à la navigation? La Garde côtière est en train de tenter d'amener les utilisateurs à payer la facture. Pourquoi, dans le cas de l'assurance-chômage, le gouvernement n'a-t-il pas fait la même chose? Pour une raison bien simple, le gouvernement a découvert, à la suite du budget de 1995 où il y a eu des coupures importantes dans les critères d'admission et de paiement des prestations à l'assurance--


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chômage, que l'assurance-chômage était devenue une vache à lait extrêmement productrice. Donc on ne va pas privatiser quelque chose d'aussi rentable.

On va même se permettre de restreindre encore davantage les prestations, faire en sorte que les gens retireront moins d'assurance-chômage, faire en sorte que les facteurs à remplir pour avoir droit à la prestation seront de plus en plus difficiles. Non seulement on fait cela, en plus on va s'assurer que tout le monde contribuera, même ceux qui n'ont aucune espèce de chance de recevoir un jour des prestations d'assurance-chômage.

Donc, parce que le gouvernement a compris qu'il y avait là une source extrêmement importante de revenu, il s'est donné l'illusion qu'il faisait une réforme de l'assurance-chômage, mais que fait-il véritablement, fondamentalement? Il fait une ponction dans la Caisse de l'assurance-chômage pour pouvoir présenter patte blanche face à la réduction du déficit budgétaire.

Ce projet de loi aura des effets extrêmement pervers. Le gouvernement, parce qu'il a peur que la population découvre encore davantage ces éléments pervers, s'est permis de tenter de limiter le temps. On l'a vu au sein du Comité permanent du développement des ressources humaines où on a imposé une limite de temps. Cela permet au gouvernement, un petit peu à la manière d'un rouleau compresseur, d'adopter ce projet de loi.

Ce projet de loi aura des conséquences extrêmement négatives, néfastes, et principalement parce qu'il s'attaque aux personnes les plus démunies, celles dont le statut est le plus précaire. Il s'attaque aux travailleurs saisonniers, il s'attaque aux travailleurs à temps partiel, il s'attaque forcément aux femmes qui constituent un pourcentage important des travailleurs à temps partiel. Il s'attaque aux arrivants, aux immigrants qui sont ici depuis quelques années et qui, forcément, pour toutes sortes de raisons, culturelles ou autres, ont plus de difficulté à s'intégrer au marché du travail.

Ce sont ces travailleurs qui sont plus précaires qui subiront les plus grandes conséquences. En effet, on va exiger que ces travailleurs, dès la première heure, contribuent à la Caisse de l'assurance-chômage. En soi, ce n'est pas mauvais. Si on n'avait pas, d'autre part, haussé les seuils pour pouvoir retirer de l'assurance-chômage, on pourrait même dire que c'est une bonne mesure. On oblige ces gens à contribuer, dès la première heure, mais on élève tellement les seuils qu'on est à peu près certain qu'un grand nombre-on a parlé d'un million de travailleurs qui, tout en contribuant, ne réussiront jamais à se qualifier.

Cette opération de contribution des travailleurs à temps partiel, des étudiants, etc., rapportera dans les coffres de l'assurance-chômage 900 millions de dollars, ce qui permettra, et c'est là une mesure absolument inique, au gouvernement de faire un cadeau de 900 millions de dollars aux mieux nantis. On se rappelle que le maximum de salaire sur lequel on pouvait prélever une cotisation était de 42 500 $; il sera désormais de 39 000 $. Donc il y a 900 millions qu'on a pris dans les poches des plus pauvres qu'on va remettre dans les poches des plus riches, alors qu'on aurait pu imaginer qu'on aurait pu peut-être élever encore davantage le seuil maximum. Il était à 42 000 $, pourquoi pas 50 000 $, pourquoi pas 60 000 $. Mais on ne l'a pas fait. On a préféré aller vers les travailleurs les moins bien nantis, ayant le statut le plus précaire. À ce point de vue, cela constitue une mesure inique, antisociale et, malheureusement, au cours des prochaines années, si ce projet est adopté, nous aurons à payer le coût social d'une telle mesure.

(1335)

[Traduction]

M. Larry McCormick (Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir dans le débat de ce projet de loi qui aidera de nombreux Canadiens à s'aider eux-mêmes. Il aura des résultats très positifs.

Quand les députés parlent de l'assurance-emploi, je trouve parfois que nous n'en disons pas assez. Il n'y a pas que les travailleurs qui seront touchés par ce nouveau système de soutien du revenu. Les entreprises le seront également. À en juger d'après les témoignages que nous avons entendus devant le comité permanent, les entreprises sont pour la plupart très favorables à notre projet d'assurance-emploi.

Je voudrais prendre quelques minutes pour expliquer aux députés certaines des conséquences que l'assurance-emploi aura pour les gens d'affaires. L'assurance-emploi est un élément de la stratégie de création d'emplois du gouvernement. Le gouvernement a fait savoir très clairement qu'il avait avant tout pour priorité de créer un climat économique positif, dans lequel le secteur privé pourra générer de la croissance et créer des emplois.

Il y a un certain nombre de stratégies pour atteindre cet objectif, notamment certaines des dispositions du projet de loi C-12. Étant donné que c'est le monde des affaires, et particulièrement les petites entreprises, qui crée des emplois dans notre pays, il est essentiel que les mesures contenues dans le régime d'assurance-emploi permettent aux gens d'affaires de faire précisément cela.

Le gouvernement a entendu dire à plus d'une reprise que la hausse des cotisations à l'assurance-chômage a pour effet de décourager la création d'emplois. Les gens d'affaires considèrent les hausses de cotisations comme une taxe sur l'emploi, une taxe que le gouvernement impose pendant une récession, ce qui se produit évidemment au pire moment. Cependant, il n'avait cependant pas le choix. La loi nous oblige à verser des prestations quand la caisse de l'assurance-chômage est déficitaire. La même obligation s'appliquera avec l'adoption du projet de loi C-12.

La réponse est très claire. Quand notre économie est prospère, une réserve s'accumule dans la caisse d'assurance-emploi. De cette façon, il y aura de quoi verser des prestations en période de ralentissement économique et les prestations demeureront stables. Elles n'auront pas à monter lorsque les entreprises auront le moins les moyens d'absorber une hausse, car il y aura une réserve.

Des députés d'en face ont blâmé le gouvernement de vouloir monter une réserve à même la caisse de l'assurance-emploi. Ils affirment à tort et à travers que le gouvernement va se servir de cette réserve pour rembourser le déficit, ce qui n'est pas vrai, car la réserve n'a aucune incidence à long terme sur le déficit. Les fonds de l'assurance ne peuvent servir qu'aux fins prévues dans la loi, à savoir: les prestations d'assurance, les prestations d'emploi et leur administration.

Peut-être que les députés peuvent tirer des leçons de l'histoire à cet égard. S'il y avait eu une réserve de 7 à 10 milliards de dollars au début de la dernière récession, elle aurait sauvé bien des peines aux Canadiens, dont les entrepreneurs. Une réserve de 7 à 10 milliards de dollars aurait permis de stabiliser le taux de cotisation à 2,75 p.


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100 environ et on aurait perdu 70 000 emplois de moins. Le compte d'assurance-chômage n'aurait pas accumulé un déficit et il n'aurait pas été nécessaire de réduire des programmes. La reprise économique aurait été plus rapide et, à la fin de 1995, le compte d'assurance-chômage aurait enregistré un excédent de 1 milliard de dollars.

Il y a des signes positifs pour la communauté des affaires. Lorsque les indicateurs économiques sont positifs, le secteur privé est mieux en mesure de préserver les emplois par temps difficile et d'en créer en période de relance. Nous devons nous assurer à l'avenir que ces composantes fondamentales sont toujours présentes.

J'espère que tous les députés s'entendent pour souhaiter un taux de cotisation stable pour le nouveau programme de l'assurance-emploi. Voyons ce que suppose la nouvelle cotisation proposée de 2,95 $, comparativement à 3 $ l'an dernier. À ce taux-là, plus des deux tiers des petites entreprises vont payer moins ou aussi cher en cotisations en 1996 qu'en 1995.

Même si aucune décision n'a encore été prise, lorsque l'assujettissement à partir de la première heure de travail entrera en vigueur en 1997 et que les taux de cotisation baisseront encore, les petites entreprises en profiteront encore plus.

Aux fins du dernier budget, le ministre des Finances suppose une cotisation de 2,90 $ en 1997-et j'espère qu'elle sera encore inférieure à cela-mais il en sera vraiment décidé à la fin de cette année.

(1340)

En outre, comme l'a expliqué la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, environ 30 p. 100 des petites et moyennes entreprises qui sont membres de cet organisme bénéficieront des baisses de cotisations liées à la réduction du maximum de la rémunération assurable.

Le gouvernement n'a pas oublié les petits entrepreneurs qui subiront certains inconvénients à cause du projet de loi. Ces hommes et ces femmes qui travaillent avec acharnement bénéficieront d'aide pour s'adapter à l'assurance-emploi, grâce à un programme d'allégement des cotisations de deux ans. Le programme entrera en vigueur en janvier 1997. Il coïncidera avec l'assujettissement du premier dollar et le calcul annuel du MRA. Voici comment cela fonctionnera.

Un employeur dont les cotisations à l'assurance-chômage, en 1996, sont inférieures à 30 000 $ aura droit à une réduction des cotisations. Les employeurs qui auront une augmentation supérieure à 500 $ pourront bénéficier d'une réduction de l'augmentation allant jusqu'à 50 p. 100, en 1997, et jusqu'à 25 p. 100, en 1998, jusqu'à concurrence d'une réduction annuelle maximale de 5 000 $. Cette mesure allégera les cotisations de quelque 30 000 petites entreprises. Cette année, le taux de cotisation réduit et le maximum de la rémunération assurable moins élevé feront épargner aux entreprises 730 millions de dollars de cotisations à payer.

De plus, les employeurs autonomes paieront 520 millions de dollars de moins de cotisations qu'en 1996, ce qui leur permettra de conserver une plus grande part de leur revenu. Cela aidera aussi le milieu des affaires. Les gens auront ainsi un pouvoir d'achat accru. Ce sont là des économies importantes et les députés d'en face devraient considérer la chose sérieusement.

Le milieu des affaires se réjouit aussi du régime d'assurance-emploi proposé, car il contribue grandement à réduire le fardeau administratif lié à la structure actuelle de l'assurance-chômage.

À compter de 1997, les cotisations seront perçues en fonction du total des gains et du total des heures, à partir du premier dollar et de la première heure. Cela signifie que les employeurs n'auront plus à calculer en détail les heures et les salaires hebdomadaires et à tenir des dossiers très complexes pour déterminer à quel moment les cotisations sont payables chaque semaine et leur montant.

De plus, les gens d'affaires décrivent l'administration du relevé d'emploi comme un épouvantable cauchemar. J'ai passé bien des heures, tard le soir, à remplir ces relevés. Il m'arrivait sans doute de faire une petite erreur à une ligne, mais, erreur ou pas, il me semble que le gouvernement finissait toujours par me les renvoyer.

Le système actuellement en vigueur est effectivement un véritable cauchemar. Le formulaire d'une page s'accompagne actuellement d'un manuel d'instructions de 35 pages. Le système de déclaration hebdomadaire oblige certains employeurs à déclarer des gains qui ne coïncident pas avec leur période de paie. C'est un fouillis.

En vertu de l'assurance-emploi, le relevé d'emploi ressemblera davantage à la liste de paie de l'employeur. Les employeurs n'auront qu'à déclarer le premier et le dernier jour de travail de l'employé, sa rémunération totale et son nombre d'heures total. En outre, le relevé d'emploi peut être utilisé pour une vérification postérieure.

Avec les changements que je viens de décrire, en plus des autres dispositions du projet de loi C-12, on estime qu'une fois mis en oeuvre, le nouveau régime d'assurance-chômage aura pour effet une réduction des frais d'administration des entreprises s'établissant entre 100 et 150 millions de dollars par année. C'est beaucoup d'argent qui pourrait servir à la création d'emplois durables.

Je suis absolument convaincu qu'après une période d'adaptation, le projet de loi sur l'assurance-emploi sera l'un des plus productifs projets de loi jamais adoptés par la Chambre. Il sera bon pour les entreprises ainsi que pour les Canadiens qui tentent de devenir des membres autonomes et productifs de la société.

En guise de conclusion, je voudrais citer Tim Reid, président de la Chambre de commerce du Canada, qui a dit au cours de sa comparution devant le comité permanent: «Nous sommes heureux de constater que l'objectif global du gouvernement dans la réforme de l'assurance-chômage est assez conforme à ceux de la Chambre de commerce, soit le développement économique et la création d'emplois pour les Canadiens.»

J'invite les partis de l'opposition à cesser d'induire les Canadiens en erreur sur les avantages du projet de loi C-12. Je les invite à appuyer ce projet de loi progressif.


2243

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de traiter aujourd'hui de ce que le gouvernement présente comme de l'assurance-emploi et ce que je considère être non seulement de l'assurance-chômage, mais, hélas, possiblement une mesure qui assurera qu'il y aura du chômage. Je vais expliquer pourquoi.

Un des éléments de ce projet que nous avons devant nous sera de réduire le revenu maximum admissible de 43 000 $ à 39 000 $.

(1345)

Cela aura des effets macro-économiques importants dont je n'ai jamais entendu parler dans cette Chambre, ni en comité. Vous n'êtes pas sans réaliser que ces salariés qui gagnent plus de 39 000 $ et moins de 43 000 $ auront un revenu personnel disponible accentué, plus grand, alors qu'à l'autre extrémité du spectre, nous avons ces individus qui sont de petits salariés et qui, par le passé, n'étaient pas assurés, maintenant le deviendront. Mais ils le deviendront parce qu'ils débourseront une contribution au régime d'assurance-chômage.

Ces gens, ces petits salariés, verront leur revenu personnel disponible diminuer. Sur une mesure de personne par personne, cela semble insignifiant, mais lorsqu'on regarde les grands ensembles, lorsqu'on regarde les grands nombres, on se rend compte qu'il s'agit de centaines de millions, voire de milliards de dollars qui vont passer de la poche des petits salariés à celle des hauts salariés. Cela aura des conséquences macro-économiques sur le commerce au détail, sur l'entreprise et sur l'industrie. Je m'explique.

Les petits salariés qui, maintenant, ont un revenu personnel disponible rétréci vont réduire leurs dépenses non pas dans le domaine des achats de luxe, ils n'en ont jamais eu les moyens, mais dans le domaine des nécessités fondamentales de la vie quotidienne. Alors que les hauts salariés qui maintenant, globalement, voient leur revenu personnel disponible être accru vont être en mesure de consommer dans ce secteur des biens qualifiés de biens de luxe.

Que voit-on? Comment ce mouvement d'argent va-t-il influer sur la situation économique au pays? Très simplement, les provinces où il y a davantage de petits salariés, verront leur économie se rétrécir autour des produits de nécessité immédiate, alors que ces provinces où il y a de hauts salariés verront leurs commerces, leurs industries, leurs entreprises se développer autour des produits de luxe. On créera une polarisation à l'intérieur des régions, basée sur le salaire moyen des individus.

Ce que ce projet est en train de créer, c'est un déplacement de la richesse, parce qu'il faut bien le dire, d'un océan aux autres nous ne sommes pas dans une situation où les revenus sont partout à peu près égaux. Il y a des régions au Canada, au Québec, qui sont moins riches que d'autres, où il y a davantage de petits salariés que dans d'autres régions qui, elles ont de hauts salariés.

On est en train ici, par ce nouveau régime, de faire un mouvement de fonds de l'ordre de plusieurs milliards de dollars des régions où déjà on n'a que de petits salariés vers les régions où il y a de hauts salariés.

Je vous le demande: Qu'est-ce que vous pensez que sera la conséquence de ceci dans trois, cinq ou dix ans? Un appauvrissement des régions qui sont déjà pauvres et un enrichissement des régions qui sont déjà riches. Les lois de la macro-économique sont aussi simples et évidentes que cela. On ne peut pas jouer avec ces chiffres en pensant qu'il ne s'agit que de résultats simples et faciles à conclure.

Je n'ai jamais vu dans aucun comité, je n'ai jamais vu au sein de cette Chambre quelqu'un nous présenter un modèle économétrique des conséquences de la mise en oeuvre de ce système. On ne prend pas des décisions à la légère. On ne peut pas prendre une telle décision à la légère, et pourtant c'est ce que cette Chambre s'apprête à faire avec ce projet de loi. Les conséquences seront ressenties.

(1350)

On est en train d'appauvrir globalement des régions au profit d'autres régions qui vont s'enrichir. Lorsqu'un État se crée des zones riches et des zones pauvres, cet État, éventuellement, ne maximise pas son potentiel. Cet État, éventuellement, paiera une facture parce que les zones riches devront contribuer à maintenir économiquement actives les zones pauvres. La loi de la consommation, la grande loi de la consommation qui fait en sorte que les entreprises peuvent vendre à des consommateurs, cette grande loi se retrouvera devant une équation impossible.

Voyez-vous, si les gens n'ont plus les moyens de consommer, comment les entreprises pourront-elles produire et faire un profit? On a oublié que les entreprises ne peuvent pas seulement être rentables, efficientes, productives, il faut aussi qu'elles puissent trouver un marché de consommation. Et ce marché de consommation ce sont des individus comme vous, comme moi, comme ceux qui nous écoutent qui doivent, au quotidien, gagner leur vie, avoir dans le fond de leur poche un revenu disponible pour pouvoir s'offrir des choses de la vie. Or, ce que nous faisons avec ce projet de loi, c'est de déplacer des milliards de dollars en dehors des poches du pauvre monde vers les poches de gens mieux nantis.

Imaginons pour un instant que le gouvernement suive une recommandation qui lui a été faite par le Bloc québécois et que tout le monde soit appelé à contribuer à la Caisse de l'assurance-chômage sans maximum sur le salaire admissible. On pourrait de cette manière non seulement assurer la rentabilité de la Caisse d'assurance-chômage, non seulement assurer des prestations adéquates à ceux qui sont dans le besoin, mais on pourrait réduire la cotisation des contribuables et à ce moment-là diminuer, réduire les inégalités entre les gens mieux nantis et les moins bien nantis, entre les régions mieux nanties et les régions moins bien nanties. C'est une solution qui aurait bien moins de conséquences négatives et qui aurait même des conséquences heureuses, alors que le projet de loi que nous avons devant nous n'a manifestement pas mesuré les conséquences néfastes, les impacts négatifs qui risquent de se produire.

J'aimerais aussi vous entretenir du travail saisonnier. Le travail saisonnier correspond à l'industrie saisonnière et l'industrie saisonnière, c'est une composante à part entière de l'économie d'un océan aux autres. Attaquez l'industrie saisonnière dans une région, ou dans l'ensemble des régions, et vous allez affaiblir-je sais que ce n'est pas vous, monsieur le Président, mais je m'adresse au gouvernement par votre entremise-vous allez affaiblir l'ensemble de l'économie d'un État.

Avec le projet de loi devant nous, le travail saisonnier risque effectivement d'être compromis. Si ce travail saisonnier est compromis un tant soit peu, il y aura des conséquences néfastes pour les régions touchées. Ce segment essentiel de notre industrie, parce qu'il nous procure fruits et légumes dans certaines saisons, dans la saison hivernale ce sera l'industrie du sport, eh bien, ces travaux saisonniers qui font partie des industries de ce pays, s'ils viennent à être compromis, affectés dans leur fonctionnement, cela aura des conséquences néfastes sur l'ensemble des économies.

2244

Le travailleur saisonnier qui n'est plus en mesure de gagner sa vie, d'assurer sa subsistance pendant 12 mois, devient un consommateur qui contribue moins à l'ensemble de l'économie. Par conséquent, si lui ou elle consomme moins, il y a quelque part une entreprise qui reste avec des surplus de stock et qui se doit de réduire sa production. Si cette entreprise doit réduire sa production, forcément, elle mettra à pied des personnes qui avaient un emploi non saisonnier. On voit l'effet d'entraînement: lorsqu'on attaque les emplois saisonniers, on attaque aussi, à plus ou moins brève échéance, les emplois permanents.

(1355)

Nous sommes en train de nous enfoncer dans une spirale dont le fond n'est pas en vue. Ce n'est pas la première fois que ce gouvernement et celui qui l'a précédé, et ceux qui l'ont précédé ont commis des erreurs stratégiques fondamentales. Je ne parlerai pas de la Politique nationale de l'énergie de l'ex-ministre M. Lalonde qui a été une catastrophe dont nous payons, encore aujourd'hui, le prix. Je ne parlerai pas de ces politiques qui, année après année, nous ont amenés dans un gouffre financier de l'ordre de 560 milliards.

Je vous parlerai de ce que nous sommes en train de faire ici, jouer aux dés avec une somme d'approximativement 16 milliards de dollars. Essentiellement, nous jouons aux dés, parce qu'aucun pays au monde n'a osé, jusqu'à ce jour, prendre les mesures que nous nous apprêtons à prendre, c'est-à-dire calculer l'assurabilité, non plus en fonction des semaines travaillées, mais des heures. Quelles seront les conséquences? Je l'ignore et je sais aussi que tout le monde ici l'ignore, et ça fait beaucoup plus que m'inquiéter, ce n'est pas acceptable.

Que le gouvernement ait la décence, avant d'aller plus avant avec ce projet de loi, de monter un modèle économétrique global pour mesurer les conséquences du projet de loi. Ensuite, on fera les raffinements nécessaires, sinon les changements de cap nécessaires qui permettront d'assurer les résultats qui sont nécessaires.

Seuls 40 p. 100 des sans-emploi sont couverts par le régime d'assurance-chômage. C'est peu, et ce n'est pas une politique d'emploi. Dans un cas comme celui-ci, il me resterait à souhaiter que le gouvernement, non seulement retire son projet de loi, mais se retire de ce domaine de l'employabilité et qu'il le remette aux provinces, particulièrement au Québec, qui n'attend que cela. Il est prêt avec des politiques qui, non seulement seront bénéfiques pour le Québec, mais aussi pour l'ensemble du territoire pancanadien.

[Traduction]

Le Président: Comme il est 14 heures, nous passons aux déclarations des députés.

______________________________________________


2244

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

M. MARTIN STREEF

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, je félicite Martin Streef, de ma circonscription, qui a été nommé le jeune agriculteur de l'année 1996 en Ontario.

En 1977, avant même d'avoir terminé son cours secondaire,M. Streef, avec ses quatre frères comme associés, a mis sur pied Streef Produce Ltd. Partie de rien, l'entreprise, qui exploite 1 500 acres répartis sur cinq terres des comtés d'Oxford et de Brant, est maintenant le plus gros producteur de pommes de terre de l'Ontario.

Il est réconfortant de voir de jeunes agriculteurs relever les défis du marché moderne. M. Streef a montré que le travail rapporte et il est un exemple pour les jeunes qui prévoient se lancer en agriculture.

Au nom de la Chambre des communes, je félicite M. Streef et les sept autres gagnants régionaux qui participeront à un concours national lors de la Royal Winter Fair qui aura lieu à Toronto du 13 au 17 novembre.

* * *

[Français]

LA FÊTE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, hier, le 1er mai, nous avons célébré la journée internationale des travailleurs et des travailleuses. À cette occasion, nous devons prendre le temps de nous arrêter et de faire le point sur la situation des travailleurs et des travailleuses à l'aube du XXIe siècle.

Les méthodes de production, de même que la nature et les conditions de travail, ont considérablement changé au cours du dernier siècle.

Aujourd'hui encore, plus de 90 p. 100 de la population considère le travail comme la principale activité humaine qu'un individu puisse accomplir.

Le défi que nous aurons à relever au cours de la prochaine décennie sera celui d'offrir à tous les hommes et à toutes les femmes qui le désirent, la possibilité d'occuper, au sein de notre société, une fonction qui leur permettra de donner la pleine mesure de leurs capacités et qui favorisera leur autonomie et leur épanouissement.

Bonne fête à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses.

* * *

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, le premier principe du Parti réformiste du Canada apparaît dans notre feuillet bleu. C'est le suivant: «Nous affirmons notre engagement envers un Canada formant une nation et envers notre vision du Canada en tant que fédération équilibrée où les provinces et les citoyens sont égaux.» C'est ce en quoi je crois. C'est pourquoi j'ai été si offensé que le réseau anglais de la radio de Radio-Canada prétende que les paroles que j'ai dites à une station de radio de ma circonscription étaient discriminatoires à l'endroit des gais et des lesbiennes.

Je tiens à affirmer à la Chambre que je crois que les gais et les lesbiennes ont exactement les mêmes droits que tous les autres Canadiens.

Pour une raison ou une autre, Radio-Canada a décidé de ne pas inclure dans sa manchette la déclaration suivante: «Je ne dis pas que


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vous devez vous asseoir à l'arrière de l'autobus ou que vous pouvez refuser de les embaucher parce qu'ils sont homosexuels. Je ne pense pas que c'est acceptable. Cependant, ils bénéficient de la même protection aux termes de la Charte et de la Loi canadienne sur les droits de la personne que tous les autres Canadiens.»

Lors de cette interview, j'ai également déclaré ceci: «Nous n'acceptons pas et n'encourageons pas la discrimination contre les homosexuels ou les gais.»

* * *

LES WAGONS-TRÉMIES

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral a mis en vente sa flotte de 13 000 wagons-trémies et a commencé à établir les critères d'acceptation des soumissions. Un certain nombre de choses devraient être prises en considération.

Premièrement, le gouvernement doit se rendre compte que le point critique dans tout cela est la répartition de ces wagons. La question de la propriété est bien sûr importante, mais, pour qu'elle soit réellement pertinente, il faudra un système efficace pour déplacer ces wagons vers les points de chargement du grain et les ports.

Deuxièmement, étant donné qu'il est clair que l'on va demander aux producteurs d'assumer le coût intégral de la flotte et les coûts de remplacement, à mesure que la flotte vieillira, il est important que le gouvernement se rende compte que les producteurs ont raison de demander de d'avoir leur mot à dire dans le processus d'acquisition et de répartition.

Troisièmement, il est important que le gouvernement fasse savoir s'il a l'intention de faire des bénéfices ou de simplement renoncer à sa responsabilité à l'égard des wagons.

Les critères qui seront établis pour la vente et pour les soumissionnaires dépendront de la réponse à cette question.

* * *

LE RCVC WESTERN FITNESS ROOF

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, les jeunes d'aujourd'hui sont confrontés à de nouveaux défis. Ce qu'ils apprennent durant leurs années à l'école est crucial pour leur réussite à l'âge adulte.

Douze jeunes femmes de Saskatoon ont appris la fin de semaine dernière que, avec de la volonté, des efforts et de la persévérance, les rêves peuvent devenir réalité. Je veux parler du RCVC Western Fitness Roof, un club de volley-ball de Saskatoon.

Le dévouement de ces jeunes femmes, sous la superbe direction de leur entraîneur, Frank Enns, et de son assistante, Roxanne Deptuk, a été récompensé. Cette équipe a remporté la médaille d'or aux championnats féminins midget de volley-ball de l'ouest du Canada, à Victoria. Non seulement cette équipe a-t-elle remporté l'or, mais elle n'a pas perdu un match de toute la saison et de tout le championnat.

Félicitations à toute l'équipe.

* * *

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, hier, la vice-première ministre du Canada a annoncé sa démission en tant que députée de Hamilton-Est, parce que le gouvernement a refusé de remplir ses promesses électorales.

La démission de la vice-première ministre du Canada est une autre preuve flagrante que le gouvernement libéral fédéral s'est moqué des électeurs et électrices en refusant d'abolir la TPS.

Après l'exclusion du député de York-Sud-Weston, c'est maintenant au tour de la députée de Hamilton-Est de sortir des rangs des libéraux fédéraux. Qu'attend le premier ministre pour déclarer publiquement que lui et son parti ont commis une erreur en promettant aux contribuables d'abolir la TPS, comme l'a avoué le ministre des Finances la semaine dernière?

La crédibilité de tous les parlementaires a été entachée. Qu'attend le premier ministre pour reconnaître son erreur?

* * *

[Traduction]

LA MANUTENTION DU GRAIN

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, les groupes de travail, les commissions d'enquête et les consultations ne peuvent être efficaces que si le gouvernement est disposé à donner suite aux recommandations qui en découlent. Au cours des deux dernières années, le gouvernement a commandé pas moins de trois études sur le transport du grain dans les ports de la côte ouest, mais tous ces travaux n'ont engendré aucun changement.

Les travailleurs, les agriculteurs, les producteurs, les expéditeurs et les fabricants s'inquiètent. Les arrêts de travail coûtent des millions de dollars. Des marchés sont perdus et des réputations sont entachées. Le temps presse. Le gouvernement a-t-il l'intention d'attendre qu'il y ait un autre conflit de travail qui l'obligera, pour la nième fois, à adopter une loi de retour au travail?

C'est une solution possible. La commission d'enquête sur les ports de la côte ouest a recommandé l'arbitrage des propositions finales comme moyen pour régler les conflits patronaux-syndicaux.

Selon moi, le temps est venu pour le gouvernement de se retirer de ce conflit. Qu'on donne aux syndicats et aux employeurs les moyens de régler leurs conflits, et une entente intéressante ne devrait pas se faire attendre.


2246

(1405)

LES ENFANTS DISPARUS

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, mai est le mois du ruban vert de l'espoir pour Child Find Canada. Cette organisation demande aux Canadiens de porter un ruban vert en symbole d'espoir pour que les enfants disparus soient retrouvés sains et saufs.

Le ruban vert de l'espoir a été créé à l'école secondaire Holy Cross, où les amis et enseignants de Kristen French avaient arboré un tel ruban pour exprimer leur espoir que Kristen leur revienne saine et sauve. Malheureusement, ce ne fut pas le cas.

L'idée que leur enfant pourrait être enlevé est un cauchemar pour tous les parents. Dans un trop grand nombre de familles, ce cauchemar devient réalité. En 1995, 55 749 enfants ont été portés disparus au Canada. Ce chiffre inclut les enfants enlevés par un étranger ou par un parent et les enfants en fugue.

Je représente une localité qui est marquée à jamais par la tragédie de la disparition d'un de ses enfants. Christopher Stephenson n'avait que 11 ans quand il a perdu la vie aux mains de son ravisseur. L'horreur des enlèvements d'enfants est gravée à jamais dans l'esprit des Stephenson. Nous devons faire tous les efforts possibles pour que nulle autre famille ne connaisse un traumatisme comme celui que la famille Stephenson a subi.

J'exhorte les Canadiens à porter un ruban vert.

* * *

LE DÉCÈS DE JOHN DICKEY

M. Russell MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec tritesse que je prends la parole aujourd'hui pour offrir mes condoléances à la famille de John Dickey qui est décédé le 27 avril, à l'âge de 81 ans.

John a servi notre pays avec distinction toute sa vie durant. En sa qualité d'ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, d'éminent avocat et de député de Halifax de 1947 à 1957, John personnifiait l'intelligence, l'intégrité et le dévouement. Il était un membre actif de sa collectivité et était respecté de tous ceux qui avaient le privilège de le connaître.

John avait de nombreux amis, non seulement en Nouvelle-Écosse, mais partout au Canada et dans le monde. Il était très près de sa famille. Je suis persuadé que mes collègues voudront se joindre à moi pour présenter leurs condoléances à son épouse Joyce et à leurs six enfants. Il nous manquera énormément.

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, dernièrement, le 29 avril 1996, dans ma circonscription, se tenait une manifestation pour démontrer le mécontentement de la population quant à la réforme de l'assurance-chômage.

Cette manifestation regroupait des gens des milieux syndicaux, communautaires, groupes d'enseignants et de femmes. Ces personnes dénoncent les effets pervers qu'aura cette réforme dans leur quotidien et déplorent que le gouvernement ne se tourne pas là où l'argent se trouve, chez les mieux nantis.

Ces manifestations, tenues à différents endroits du Québec et du Canada, laissent un message au gouvernement et ce même gouvernement n'a pas le droit de faire la sourde oreille à ces gens qui ne font que réclamer ce qui leur revient.

Le gouvernement fédéral néglige de faire ses devoirs. Il ne faudra donc pas s'étonner que la population ne lui accorde pas la note de passage.

* * *

[Traduction]

LE FESTIVAL DE STRATFORD

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux semaines, le monde entier a célébré l'anniversaire de la naissance de William Shakespeare, le plus grand dramaturge de tous les temps. Je trouve que c'est l'occasion toute désignée pour rappeler aux Canadiens l'existence d'un des joyaux du théâtre shakespearien, le Festival de Stratford.

Le Festival de Stratford, qui entreprendra bientôt sa 44e saison, est un exemple de réussite irréfutable. Alors que la plupart des groupes d'artistes comptent beaucoup sur le financement du gouvernement, seulement 8 p. 100 du budget du festival découle du trésor public. Cette part de financement est minime quand on songe aux 100 millions de dollars que le festival procure à la ville de Stratford et aux 25 millions de dollars et plus de recettes fiscales qu'il procure aux divers gouvernements.

Je souhaite à tous ceux et à toutes celles qui participent de près ou de loin à l'organisation du festival une autre excellence saison. J'invite tous les Canadiens à se rendre dans ma circonscription pour assister à une représentation de la nouvelle saison qui ne décevra pas, j'en suis sûr. À l'intention de mes collègues de la Chambre des communes, j'ai glissé un exemplaire du programme du festival sur les pupitres.

* * *

LA DÉTERMINAION DE LA PEINE ET LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

M. Brent St. Denis (Algoma, Lib.): Monsieur le Président, j'ai récemment été l'hôte de deux assemblées publiques à différents


2247

endroits de la grande circonscription d'Algoma que je représente. J'ai discuté de tout un éventail de questions avec mes électeurs.

Un certain nombre d'entre eux ont émis de sérieuses réserves sur la façon de traiter ceux qui commettent des crimes particulièrement violents et qui sont condamnés à des peines d'emprisonnement à perpétuité. Les gens s'inquiétaient de l'article 745 du Code criminel qui prévoit une révision, après 15 ans de détention, des peines d'emprisonnement à perpétuité pour les meurtres au premier degré. Cela peut être le cas, si ces détenus présentent une demande en s'accrochant au faible espoir de pouvoir profiter des dispositions de la Loi sur la libération conditionnelle.

Je conviens avec mes électeurs que cela peut parfois envoyer le mauvais message au sujet de notre système de justice et de la gravité des meurtres.

(1410)

J'exhorte notre gouvernement à remédier à cette situation en modifiant le Code criminel pour donner à la société, et plus particulièrement aux victimes de crime, des garanties que les peines d'emprisonnement à perpétuité imposées aux criminels les plus violents ont peu de chances d'être réduites.

Je souscris à la disposition qui donne à la plupart des contrevenants une lueur d'espoir d'être libéré après 15 ans, mais je demande que les juges aient le pouvoir, dans la détermination de la peine, de supprimer cette lueur d'espoir pour certains criminels.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE NANAÏMO-COWICHAN

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, en tant que député issu d'une minorité ethnique, je tiens à condamner vigoureusement les propos racistes et homophobes tenus récemment par l'ex-whip du Parti réformiste.

Après avoir fait amende honorable en s'excusant devant cette Chambre, le député de Nanaïmo-Cowichan en a rajouté hier à l'émission de Don Newman en indiquant que son principal défaut était d'être trop honnête et de répondre trop directement aux questions.

Non seulement le député pensait ce qu'il a dit, mais en plus, il a déduit de sa bourde qu'il avait été trop honnête de faire connaître à la population le fruit de ses profondes cogitations.

Étant donné la teneur de ses propos, les peuples québécois et canadien sont en droit de s'attendre à ce que les députés du Parti réformiste nous révèlent la liste complète de leurs préjugés avant les prochaines élections.

* * *

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement entend faire adopter envers et contre tous les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, sans laisser aux députés la liberté d'exprimer leurs préoccupations. La plupart des Canadiens voudraient bien que les deux côtés de la médaille leur soient exposés équitablement au Parlement, mais cela ne se produira pas.

Le gouvernement a limité le débat de mardi sur ce projet de loi à trois petites heures en appliquant la clôture. Le débat au comité sera limité de la même façon. Le Parti libéral baîllonne même ses propres députés. Il y a deux jours, j'ai demandé la permission de partager mon temps de parole avec un autre député libéral, mais le Parti libéral a refusé.

Les modifications très importantes qui sont apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne auront de très grandes répercussions sur tous les Canadiens. Elles méritent de faire l'objet d'un débat approfondi au Parlement et dans notre société où tout le monde peut s'exprimer librement.

Il est honteux que le gouvernement libéral utilise sa majorité pour empêcher un véritable débat et enlever aux députés leur liberté d'expression à la Chambre.

* * *

LE RACISME

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, l'histoire nous enseigne que les manifestations infâmes de racisme et d'intolérance doivent être dénoncées partout où elles se produisent. Il est trop facile d'essayer d'excuser des observations racistes en les qualifiant d'erreurs. Le faire, c'est ignorer une forme d'intolérance qui mérite d'être examinée beaucoup plus sérieusement.

Les députés du Parti réformiste ont fait, sur les autochtones, une série de déclarations qui sont très blessantes parce qu'elles dénotent leur intolérance et qu'elles ont des fondements racistes. Ainsi, pour tenter de ridiculiser les revendications territoriales des autochtones, un député a comparé les réserves à des lieux de villégiature dans les îles des mers du Sud. Le député d'Athabasca a aussi fait une déclaration. À propos des autochtones, il a dit ceci:

«Les Européens sont venus dans ce pays il y a 300 ans, ils l'ont ouvert et colonisé. Le fait que nous n'ayons pas tué les Indiens et que nous n'ayons pas eu de guerres avec eux ne signifie pas que nous ne les avons pas conquis. Si les autochtones n'ont pas été conquis, pourquoi se sont-ils laissés regrouper comme du bétail dans de petites réserves situées dans les régions les plus isolées, désolées et sans valeur du pays?»
Pareille intolérance n'a pas sa place au Canada ni au Parlement.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE QUÉBEC-EST

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, hier, le député de Québec-Est a fait un commentaire dérogatoire en déclarant que les francophones hors Québec sont comme des paraplégiques en chaise roulante. Cette comparaison m'offusque au plus haut point.

Je suis un francophone du nord de l'Ontario et j'en suis fier. Mon épouse est également francophone et de plus, elle est paraplégique et confinée à une chaise roulante. Malgré sa condition, elle possède, contrairement à l'honorable député, toutes ses facultés mentales, et elle n'est pas pour autant une citoyenne de deuxième classe, comme le suggère le député.

2248

Je considère que les remarques faites par le député sont une insulte à toutes les personnes handicapées qui, comme mon épouse, sont en chaise roulante. Je demande au député de faire la moindre des choses et de présenter des excuses à ceux et celles qui ont été blessés par ses propos.

______________________________________________


2248

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a fait des déclarations pour le moins étonnantes ce matin. J'aimerais en discuter avec un représentant du gouvernement.

Le premier ministre a déclaré que les politiciens ne peuvent pas être tenus de respecter toutes leurs promesses d'élection, parce qu'il pouvait y avoir ce qu'il appelait des actes de Dieu, «act of God», qui les empêchent de prévoir. Le premier ministre a ajouté, en parlant de l'échec de son gouvernement à régler la question de la TPS: «Quelquefois, au cours d'un mandat, vous devez faire face à des situations où vous ne pouvez pas livrer la marchandise.»

Ma question s'adresse au premier ministre ou à celui qui parle en son nom, en ce jour de crise pour le gouvernement. Doit-on comprendre que le premier ministre admet enfin, par ces paroles, que lui et son gouvernement ont manqué leur coup dans le dossier de la TPS et n'ont pas été capables de livrer la marchandise?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, en 1990, le Québec a signé une entente d'harmonisation avec le gouvernement du Canada. Cela étant dit, c'était loin d'être clair si le nouveau gouvernement avait l'intention de continuer dans ce processus.

Lors du premier budget Campeau, le gouvernement du Québec l'a non seulement indiqué très clairement, mais a vraiment mis en place les mesures qui ont éventuellement conduit à une harmonisation sinon totale, quasi totale de la taxe de vente du Québec avec la taxe fédérale.

Maintenant, si je comprends bien le député, puisque c'est vraiment un événement qui a changé le jeu depuis l'élection, il faut le dire, est-ce que la position du député, c'est que le gouvernement fédéral aurait dû mettre en place une taxe tout à fait différente qui serait impossible à harmoniser avec la taxe du Québec?

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il arrive au ministre des Finances d'être performant dans cette Chambre, mais ce n'est vraiment pas le cas aujourd'hui. Je pensais pourtant qu'il s'était déjà préparé à remplacer le premier ministre, mais je réalise que ce n'est pas le cas.

Je lui pose la question sérieusement, et je ne souhaite pas qu'il me réponde sur la taxe de vente du Québec ou sur quoi que ce soit d'autre. Je voudrais qu'il me réponde. Est-ce qu'on doit comprendre, quand le premier ministre déclare que les politiciens ne devraient pas être obligés de signer des contrats pour tenir leurs promesses, ce que je veux savoir, quand son premier ministre dit cela, est-ce qu'il fait référence au fait que, pour les libéraux, durant une campagne électorale, les politiciens peuvent dire n'importe quoi, et après les élections, invoquer un acte de Dieu pour justifier leur incapacité à livrer la marchandise?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'avoue que je suis aussi coupable que le chef de l'opposition, mais performant ne veut pas toujours dire s'exciter. Je pense qu'on peut avoir un débat et être performant en répondant calmement à une question.

Il n'y a aucun doute que lorsque le Québec, représentant 25 p. 100 de la population, a pris la décision d'harmoniser, il a mis, jusqu'à un certain point, le gouvernement fédéral dans la position que si le gouvernement avait trouvé une autre taxe, il aurait été impossible de l'harmoniser avec le Québec. Le ministre des Finances du Québec, M. Landry, nous a dit, à la rencontre des ministres des Finances, qu'il ne fallait pas trouver une autre taxe, parce que c'est important pour le Québec et pour l'économie du Québec d'avoir une taxe harmonisée, et c'est ce que nous avons fait.

(1420)

Alors, je crois que le chef de l'opposition sera d'accord avec moi que ce que nous avons fait a été la meilleure chose pour l'économie canadienne et spécifiquement pour l'économie québécoise.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il y a des limites à tout. Le gouvernement est en pleine crise de confiance: le ministre des Finances, il y a quelques jours, s'excusait de ne pas avoir été capable de livrer la marchandise; la vice-première ministre doit démissionner parce qu'elle a manqué à son engagement; le premier ministre persiste à dire qu'il a rempli ses engagements, et, ce matin, il essaie de nous expliquer qu'on devrait parfois laisser les politiciens faire des promesses, mais ne pas les remplir.

Je demande au gouvernement, représenté ici par le ministre des Finances-et ce n'est pas de ma faute s'il n'y a personne d'autre pour répondre aux questions-je voudrais savoir du ministre des Finances si le premier ministre, en ce jour de crise pour son gouvernement, a voulu ainsi admettre, en dehors de la Chambre des communes, que le gouvernement n'a pas pu répondre à ses engagements?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, est-ce que les députés du Bloc, qui ont dit qu'ils avaient l'intention de démissionner si jamais le référendum ne passait pas, ont l'intention de démissionner?

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il nous trouvera ça, une telle déclaration, juste pour le fun. On a dit qu'on serait ici jusqu'à ce que le référendum passe et il va passer un jour. On est capables, nous, de vivre avec nos déclarations. Ce n'est pas de ce côté-ci de la Chambre qu'il y a des difficultés, c'est de l'autre.

M. Young: Quatre dans sept!

M. Duceppe: Ne vous en faites pas, le ministre du Développement des ressources humaines, on va lui trouver de belles petites déclarations sur la TPS du temps où il faisait des débats avecM. Wilson. On va avoir du fun tantôt, il ne perd rien pour attendre.


2249

Le ministre des Finances a admis, la semaine dernière, que son gouvernement avait commis une erreur de bonne foi en promettant d'abolir la TPS. Il ne peut pas le nier, c'était sur toutes les chaînes de télévision. Ça n'a pas fait l'affaire de son chef, mais il l'a dit. Il a dit bien des choses dans sa carrière qui ne faisaient pas l'affaire de son chef. Là, il en a dit une autre, une belle, une vraie, la semaine passée.

Aujourd'hui, je lui demande, suite à la démission de la vice-première, suite au flip-flop de son chef, est-ce qu'il maintient sa déclaration de la semaine passée, à l'effet que son gouvernement, et lui en tant que ministre des Finances, admet que c'était une erreur de bonne foi, a-t-il dit, de ne pouvoir abolir la TPS? Est-ce qu'il maintient sa déclaration?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, non seulement je maintiens la déclaration, mais lorsque je l'ai faite, je parlais pour le gouvernement, cela a été endossé par le gouvernement.

J'aimerais profiter de cette occasion pour féliciter le courage, l'intégrité de la députée de Hamilton-Est, la vice-première ministre et ministre du Patrimoine, ma collègue, Mme Copps. J'aimerais aussi dire que je suis très confiant qu'après le 17 juin, elle sera ici, exactement dans ce siège.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, quand je disais que le ministre des Finances fait des déclarations qui ne plaisent pas toujours à son chef, il vient d'en faire une belle. Il vient de nous dire qu'il parlait au nom du gouvernement. C'est ce que le ministre des Finances vient de nous dire. En parlant au nom du gouvernement, il dit: «Le gouvernement a commis une erreur en promettant d'abolir la TPS.» Ça fait trois ou quatre jours que le chef du gouvernement dit qu'il n'a pas commis d'erreur. Je pense que c'est une bonne déclaration qu'il a faite.

(1425)

J'aimerais maintenant savoir qui parle au nom du gouvernement. Est-ce le numéro trois? La numéro deux est partie parce qu'elle avait trop parlé. Qui parle au nom du gouvernement? La version du ministre des Finances ou du premier ministre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre parle au nom du gouvernement, le ministre des Finances parle au nom du gouvernement, tous les ministres du Cabinet parlent au nom du gouvernement. Non seulement cela, mais étant le gouvernement, nous parlons pour tous les Canadiens et les Canadiennes, y compris les Canadiennes et les Canadiens qui demeurent au Québec. Nous parlons pour un pays et un pays uni.

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, Sheila Copps a démissionné parce qu'elle n'a pas tenu une promesse électorale qu'elle a faite aux Canadiens à propos de la TPS. Hier, le premier ministre a essayé de nous dire que Mme Copps a dû partir parce qu'elle est allée plus loin que le contenu du livre rouge.

Lors de la dernière campagne électorale, le premier ministre a, à maintes reprises, promis aux Canadiens qu'il abolirait la TPS, qu'il l'abandonnerait, qu'il la supprimerait.

En quoi la promesse de Sheila Copps de supprimer la TPS et celle du premier ministre de supprimer la TPS sont-elles différentes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, hier, la députée de Hamilton-Est, l'ancienne ministre du Patrimoine canadien, a exposé sa position avec, tout le monde en conviendra, énormément de courage. . .

Elle a dit que les mesures que le gouvernement a prises par rapport à la taxe de vente étaient conformes aux engagements pris dans le livre rouge, mais que certaines de ses déclarations durant la campagne électorale allaient plus loin.

Dans ces circonstances, comme la députée est très courageuse, elle a démissionné pour montrer aux électeurs de sa circonscription son courage et sa crédibilité.

Hier, à la télévision, nous avons vu des électeurs de sa circonscription dire, les uns après les autres, qu'ils avaient grandement confiance en Sheila Copps. Il ne fait aucun doute que, le 17 juin, la population de Hamilton-Est reconnaîtra l'énorme courage, la grande crédibilité et la parfaite intégrité de la députée.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, il y a une semaine, on aurait pu qualifier cette décision de courageuse. Une semaine plus tard, elle est commode. Elle n'a rien de courageux.

Le 10 septembre, le premier ministre a dit très clairement qu'il n'y a pas de promesse électorale qu'il ne tiendra pas. Il a parlé de promesse électorale, pas de promesse contenue dans le livre rouge.

Durant la campagne électorale, le premier ministre a promis aux Canadiens qu'il abolirait la TPS. La vice-première ministre a fait la même promesse et elle a démissionné faute de l'avoir tenue.

Le premier ministre reconnaîtra-t-il maintenant que, comme Sheila Copps, il n'a pas tenu la promesse électorale qu'il a faite aux Canadiens à propos de la TPS?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comment le député peut-il parler de courage, de crédibilité et d'intégrité alors que l'ex-whip en chef de son parti a fait une déclaration discréditant tous les députés et qu'il a refusé de démissionner?

Qu'a fait l'ex-whip en chef? A-t-il démissionné en tant que député? Non. Il a démissionné à titre de whip en chef. Les réformistes changent de whip en chef toutes les semaines.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a beau essayer d'éviter de parler des promesses électorales, il reste que le gouvernement a promis aux Cana-


2250

diens d'un océan à l'autre qu'il abolirait, qu'il supprimerait, qu'il abandonnerait la TPS.

Durant la campagne électorale, la page 20 du livre rouge n'était pas assez bonne pour le premier ministre, elle n'était pas suffisante pour garder Sheila Copps sur les banquettes ministérielles.

Pourquoi le premier ministre refuse-t-il d'assumer les conséquences des promesses qu'il a faites durant la dernière campagne électorale? Comment peut-il penser que les Canadiens voient une différence entre sa promesse d'abolir la TPS et la promesse de Sheila Copps?

(1430)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Quelqu'un pourrait-il m'expliquer comment il se fait que, tous les jours, les réformistes prennent ici la parole pour fustiger la TPS et pour se dire prêts à l'abolir et à la supprimer.

Après que le Comité des finances a déclaré tout simplement inacceptable l'existence de 10 régimes de taxe de vente au Canada, comment les députés de ce parti peuvent-ils dire qu'ils louent les efforts du gouvernement en vue d'harmoniser la taxe avec les provinces? Comment le Parti réformiste peut-il avoir vu si juste alors et se tromper à ce point maintenant?

* * *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, nous apprenons aujourd'hui, dans les journaux, que le gouvernement fédéral aurait l'intention d'intervenir devant les tribunaux le 13 mai prochain afin de remettre en cause le droit des Québécois et des Québécoises de décider eux-mêmes de leur avenir.

Le ministre de la Justice confirme-t-il l'information contenue dans les journaux de ce matin à l'effet qu'Ottawa se préparerait à intervenir en cour le 13 mai, afin de remettre en cause le droit des Québécois et des Québécoises à décider eux-mêmes de leur avenir?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, depuis longtemps, le gouvernement fédéral considère la position concernant la cause de M. Bertrand. Dans sa cause, M. Bertrand a soulevé plusieurs questions constitutionnelles importantes. Alors, il est important pour le gouvernement fédéral d'examiner la cause et les questions qui se posent, et nous le faisons.

J'espère être en mesure de faire une recommandation à mes collègues, dans quelques jours. Nous n'avons pas encore décidé, mais nous examinons la situation à l'heure actuelle.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, c'est intervenir dans les droits les plus légitimes des Québécois et des Québécoises de décider eux-mêmes de leur avenir.

Comment le ministre de la Justice justifie-t-il une telle action, parce qu'il a dit qu'il la prendrait, lui qui déclarait, peu de temps avant le dernier référendum, que la décision des Québécois et des Québécoises de décider eux-mêmes de leur avenir était une position politique et non pas une question légale?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la cause deM. Bertrand porte essentiellement sur des questions constitutionnelles. Je trouve bizarre qu'on laisse entendre que les questions constitutionnelles puissent ne pas intéresser le procureur général du Canada. Le gouvernement du Québec a présenté une motion et il a adopté une position en droit dans cette affaire.

À titre de principal conseiller juridique du gouvernement fédéral, mon rôle consiste notamment à me pencher sur les enjeux de cette affaire et à recommander à mes collègues, et au premier ministre, la position à défendre. Cela n'a rien à voir avec la volonté exprimée par la population du Québec ou avec sa position sur une affaire. Il s'agit ici d'examiner des questions constitutionnelles et juridiques qui sont au coeur même de la cause de M. Bertrand. C'est pourquoi nous étudions le dossier et nous élaborons une position.

* * *

LA TAXE DE VENTE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a profité de son plan visant à cacher la TPS pour ajouter à la liste des articles imposables les vêtements pour enfants, les fauteuils roulants, les livres et les médicaments.

Avant d'être élus, les libéraux ont dit qu'ils étaient compatissants et ils ont promis de ne pas imposer ces articles. Pourquoi leur compassion a-t-elle disparu depuis leur arrivée au pouvoir?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): De toute évidence, monsieur le Président, puisque nous avons au Canada dix taxes de vente au détail différentes, visant des bases d'imposition différentes, il faut commencer quelque part. On a généralement convenu qu'il fallait commencer avec la base d'imposition qui existait partout au Canada, celle de la taxe de vente fédérale.

Nous avons expliqué clairement en négociant avec les provinces que nous étions disposés à nous pencher sur cet aspect et nous le ferons.

Je m'étonne un peu de la question du député réformiste, parce qu'il avait recommandé, au comité des Finances, d'élargir la base de la taxe de vente. J'aimerais bien savoir comment il pensait procéder; voulait-il imposer les produits alimentaires ou pharmaceutiques, par exemple?

(1435)

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, partout au Canada, les revendeurs de toutes sortes de choses, allant des livres aux bateaux, fulminent contre les modifications apportées aux règlements concernant la TPS, qui éliminent les crédits qu'ils avaient l'habitude de recevoir.


2251

Le gouvernement a pourtant déclaré avec ostentation dans son budget: «Nous n'augmentons pas les impôts». Compte tenu des hausses nationales de taxes que je viens de mentionner, la déclaration ostentatoire inscrite dans le budget tient-elle toujours?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral n'augmente pas le taux d'imposition. Ce taux est toujours de 7 p. 100. La base d'imposition fédérale ne change pas. Par conséquent, il n'y aura pas d'augmentation des recettes du gouvernement fédéral.

Au Canada atlantique, nous constatons qu'il y a une baisse importante du taux d'imposition.

Je renvois la question au député. Pendant les réunions du Comité des finances, les réformistes ont dit qu'ils élargiraient la base d'imposition pour inclure les produits alimentaires et pharmaceutiques. Comment le député peut-il déclarer qu'il imposerait les produits essentiels et se lever ensuite pour critiquer le gouvernement, qui tente de rationaliser le système?

* * *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

Nous apprenons également que le président du Conseil du Trésor et le ministre des Affaires intergouvernementales ont aussi recommandé au premier ministre de contester le droit des Québécois et des Québécoises de décider eux-mêmes de leur avenir.

En niant au peuple québécois le droit de décider lui-même de son avenir, le ministre ne se rend-il pas compte que son gouvernement est en train de faire la preuve qu'il n'a rien à offrir au Québec et que le grand plan de réconciliation nationale n'est qu'une vaste fumisterie?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral n'a pas aucunement l'intention d'empêcher l'expression, par la population du Québec, de sa position concernant les questions. Ce n'est pas le sujet des litiges commencés par M. Bertrand. Soyons clairs au sujet de la cause de M. Bertrand. Il a commencé sa cause en tant que simple citoyen et il a soulevé des questions constitutionnelles importantes.

En tant que procureur général du Canada, il est de ma responsabilité de préparer et de donner des conseils au premier ministre et à mes collègues sur la question de la participation dans la cause. En fait, le gouvernement fédéral a été présenté comme une tierce partie mise en cause par M. Bertrand. Alors, nous sommes déjà impliqués dans la cause devant les tribunaux. Dans les jours et les semaines à venir, nous allons examiner et décider si nous participerons d'une façon active avec les autres parties devant la cour pour déterminer les sujets importants dans la cause.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je suis vraiment très surprise que le ministre de la Justice se perde dans une réponse verbomotrice sans contenu pour répondre à une question très simple. Le gouvernement a-t-il, oui ou non, l'intention de contester le référendum québécois?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le référendum n'est pas en cause dans l'affaire Bertrand. Selon les documents judiciaires, l'enjeu est la validité constitutionnelle de l'avant-projet de loi. Voilà l'enjeu dont le tribunal est saisi, et cela soulève des questions ayant d'importantes répercussions légales.

Comme je l'ai déjà dit à la Chambre, j'ai été mis en cause dans ce litige et j'ai la responsabilité, en tant que procureur général du Canada, de préparer les dossiers et de conseiller mes collègues et le premier ministre, ce que je ferai.

* * *

(1440)

LA TAXE SUR LES BIENS ET SERVICES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances de l'Alberta a affirmé que le ministre fédéral réduisait le taux de la TPS à 5,5 p. 100, à Terre-Neuve, en accordant une subvention d'un milliard de dollars aux provinces de l'Atlantique.

Le ministre prévoit-il accorder un répit au reste du Canada en abaissant le taux de la TPS à 5,5 p. 100?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le financement de transition accordé à la région de l'Atlantique ne représente pas une réduction du taux de la taxe de vente fédérale. Ce taux demeure à 7 p. 100 d'un océan à l'autre.

Cette mesure vise à partager les coûts avec les provinces de l'Atlantique. Elles doivent absorber la première tranche de 5 p. 100 du manque à gagner au titre de leur propre taxe de vente provinciale. Le partage est réparti sur quatre ans. Autrement dit, il s'agit d'un financement temporaire qui prendra fin dans quatre ans. Ce n'est pas une mesure permanente.

La baisse de taux dont le député parle équivaudrait à une diminution permanente. Il est bien évident qu'il compare des pommes et des oranges. Je regrette, mais il n'est pas sur la bonne voie.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, tout cela me semble une belle salade de fruits. Même si je ne pourrais jamais chanter pour un milliard de dollars, je sais que je pourrais apprendre à harmoniser, moi aussi.

La subvention accordée aux provinces de l'Atlantique est injuste. Il augmente le fardeau fiscal du reste du Canada pour subventionner la fiscalité d'une région.

Quand le ministre des Finances admettra-t-il que cet accord n'est pas d'ordre financier, mais d'ordre politique? L'harmonisation obli-


2252

ge des Canadiens à continuer de payer 7 p. 100, alors que, dans une région du Canada, on ne paiera que 5,5 p. 100?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, même en essayant par tous les moyens, le député ne convaincra personne.

Ce n'est pas le taux fédéral, mais bien le taux provincial qui a baissé. Le taux provincial a baissé parce que les provinces de l'Atlantique, même si elles utilisent une certaine partie du financement de transition, absorbent la baisse du taux en espérant la compenser grâce à une augmentation des activités.

Examinons un peu ce qu'on dit. Le gouvernement fournira aux trois provinces, pendant quatre ans, un financement temporaire qui s'élèvera en moyenne à 250 millions de dollars par année. En fait, une réduction du taux national de 7 à 5,5 p. 100 coûterait quelque 4,5 milliards de dollars par année.

Le député parle donc d'un financement de transition de 250 millions de dollars par année qui entraînerait une diminution de 4,5 milliards de dollars; il est bien évident que cela n'a aucun sens. En Colombie-Britannique, le montant serait de 725 millions de dollars et il s'élèverait à 485 millions de dollars en Alberta. Les chiffres n'ont tout simplement aucun sens.

Ce qui est encore plus important. . . Monsieur le Président, vous voulez que je m'arrête?

* * *

[Français]

LE PRIX DU CARBURANT

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Le ministre de l'Industrie est responsable de maintenir et de favoriser la concurrence. Or, depuis un mois, le prix de l'essence a augmenté de plus de 25 p. 100.

Pour protéger la population, comme le fait actuellement le gouvernement américain, qu'attend le ministre pour se servir des pouvoirs qui lui sont donnés par la Loi sur la concurrence pour demander une enquête sur la possibilité de collusions entre les entreprises?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous allons sérieusement regarder cette enquête aux États-Unis pour en examiner les résultats. Comme le député le sait très bien, le droit du ministre de l'Industrie de donner une direction au directeur de la concurrence est un pouvoir rarement utilisé, une fois seulement au Canada dans l'histoire de cette fonction.

En ce moment, nous n'avons pas assez d'information pour justifier une telle direction, mais si le député veut bien poser des questions au directeur, je crois qu'il va devant le Comité de l'industrie, donc, il a le droit, avec cinq de ses collègues, d'envoyer personnellement une demande au directeur.

(1445)

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, le ministre semble oublier qu'il est le grand responsable. Il a lui-même le pouvoir d'agir. La loi lui permet de le faire.

Si le ministre trouve qu'il n'y a pas suffisamment de preuves, comment se fait-il qu'il ne décide pas justement, puisqu'il en a le pouvoir, d'ouvrir une enquête là-dessus?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la pile de dossiers en attente serait sûrement très haute, si nous devions demander une enquête chaque fois que quelqu'un fait une allégation.

Comme le député le sait, le directeur du Bureau de la politique de la concurrence a enquêté sur des plaintes ayant trait aux prix de l'essence. Cela a entraîné, ces derniers mois, non seulement des accusations qui ont été portées, mais aussi des poursuites qui ont été fructueuses en vertu de la Loi sur la concurrence.

Le directeur a aussi mis une ligne 1-800 à la disposition des consommateurs qui veulent faire part de leurs préoccupations concernant les prix de l'essence directement au Bureau de la politique de la concurrence, afin que des poursuites soient intentées, le cas échéant.

Enfin, le député et cinq de ses collègues peuvent demander au directeur de faire enquête, s'ils jugent que les faits le justifient.

* * *

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre a déposé aujourd'hui le règlement d'application de la Loi sur les armes à feu, et une période de 30 jours est prévue pour des consultations. Après avoir lu le règlement, beaucoup de mes collègues et moi jugeons nécessaire d'y apporter certains changements.

Le ministre est-il disposé à écouter nos instances et à apporter au règlement les modifications qui, selon nous, le rendraient moins pénible pour les propriétaires légitimes d'armes à feu?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'éprouve une nette impression de déjà vu quand je réponds aux questions ayant trait à la Loi sur les armes à feu, mais la réponse est tout simplement oui.

J'ai déposé aujourd'hui la première partie du règlement qui nous permettra d'appliquer la Loi sur les armes à feu et de donner vie à ses principes. Si j'ai maintenant déposé le règlement et décidé d'en saisir le comité pendant 30 jours, c'est afin de solliciter et de recueillir les réactions.


2253

Le député a eu l'amabilité d'exprimer déjà aujourd'hui certaines de ses réactions au projet de règlement. Je tiens à lui assurer, ainsi qu'à tous les députés, que nous prendrons note de l'opinion de ceux qui ont lu le projet de règlement et qui s'y intéressent. Nous sommes plus que disposés à y apporter des modifications et des ajustements pour répondre à toutes les inquiétudes raisonnables qu'on exprimera.

* * *

LES STOCKS DE SAUMON

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Les stocks de saumon de la Colombie-Britannique diminuent rapidement. Les stocks du fleuve Fraser ont presque complètement disparu et les prises réalisées cette année en Alaska ont gravement nui à nos montaisons du Nord. On aurait cru que le plan du gouvernement comprendrait une stratégie de protection du saumon, mais non. Le ministre des Pêches joue avec les permis alors que le secteur des pêches de la Colombie-Britannique est en péril.

Ma question est très simple: est-ce que le plan du ministre va, oui ou non, préserver les stocks de saumon de la Colombie-Britannique?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député n'est pas sans savoir qu'un comité parlementaire est à examiner un plan qui envisage bel et bien une stratégie à long terme.

En fait, par suite de discussions fructueuses entre le ministre, le secrétaire parlementaire et les principaux intervenants de l'industrie du saumon de la Colombie-Britannique, le comité parlementaire va entendre des témoins experts, dans la semaine qui vient, en vue de mettre au point une stratégie.

Nous sommes aux prises avec deux problèmes: un problème immédiat, qui atteint presque les dimensions d'une crise en 1996, et un problème à long terme. Il faut considérer tout cela. Nous discutons depuis déjà un mois avec les principaux intervenants. Toutes les propositions, y compris celles du député, feront partie du plan définitif.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, la délégation à laquelle le représentant du ministre fait allusion a dit au comité et aux députés ici que les mesures du Plan Mifflin ne sauveront pas le secteur du saumon de la Colombie-Britannique. Le ministre l'a reconnu hier à la Chambre en répondant à une question que lui posait un député de mon parti.

(1450)

Le ministre se trouve ainsi à contredire ce qu'il a dit en mars, lorsqu'il a annoncé le plan. Il avait alors affirmé aux Britanno-Colombiens que la conservation constituait l'objectif général du plan et voici qu'il dit le contraire.

Pourquoi le gouvernement consacre-t-il toute l'énergie de sa lourde bureaucratie à un plan qui n'empêche pas le gâteau de rapetisser, mais ne fait qu'en accorder de plus gros morceaux à moins de gens?

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député ne cite que les témoignages qui font son affaire. Nous avons entendu de nombreux témoins, dont beaucoup étaient en faveur du plan et beaucoup contre. Le gouvernement est ouvert au dialogue, à la discussion, et examine toutes ces questions.

En ce qui concerne le secteur lui-même, le ministre a bien précisé que notre première priorité réside dans la conservation du poisson. Mais la santé du secteur dépend de la conservation de la ressource. Tenons le coup en 1996 et la saison 1997-1998 sera plus normale.

* * *

[Français]

LE IRVING WHALE

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

Le ministre de l'Environnement du Québec, M. David Cliche, a annoncé hier que, pour l'instant, il ne pouvait donner le feu vert à l'opération de renflouage du Irving Whale parce que les fonctionnaires fédéraux n'ont pas été capables de répondre de façon satisfaisante, entre autres, à quatre questions majeures portant sur la sécurité de l'opération.

Comment le ministre explique-t-il l'incapacité des fonctionnaires du ministère de l'Environnement à répondre aux questions du Québec?

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire, Pêches et Océans), Lib.): Monsieur le Président, justement, le gouvernement du Québec, par le biais de son ministre, a soulevé des questions qui sont hautement techniques et qui découlent de certaines études qui ont déjà été faites. J'assure ma collègue d'en face que toutes ces questions seront examinées soigneusement, que les réponses seront fournies et nous sommes confiants que nous avons en main l'information pour répondre à ces questions.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, l'opération de renflouage du Irving Whale doit commencer le 15 mai, alors, on doit recevoir des réponses le plus rapidement possible avant qu'on entreprenne ce renflouage.

Le ministre s'engage-t-il à ne pas commencer l'opération de renflouage du Irving Whale tant et aussi longtemps que les fonctionnaires du ministère de l'Environnement n'auront pas répondu de façon satisfaisante à l'ensemble des questions techniques soulevées par le Québec?

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire, Pêches et Océans), Lib.): Monsieur le Président, les ministres qui ont la responsabilité du dossier du côté du fédéral, soit le ministre des Pêches et le ministre de l'Environne-


2254

ment, ont donné des directives afin que les fonctionnaires du gouvernement fédéral ainsi que ceux de la province de Québec se rencontrent dans les plus brefs délais, pour trouver les réponses aux questions techniques qui ont été soulevées.

J'assure la députée que ces réponses seront trouvées et que dans le cas du renflouage du Irving Whale, rien n'est pris à la légère et tous les efforts seront faits pour rassurer tous les gens qui ont des préoccupations vis-à-vis du renflouage.

* * *

[Traduction]

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre du Développement des ressources humaines.

Par suite de la discussion d'hier, il est devenu très évident que les audiences du gouvernement sur le RPC ne sont que de la comédie et que le gouvernement a déjà décidé de doubler les charges sociales au titre du RPC.

Voici comment sont structurées les audiences. Seuls des députés libéraux sont autorisés à siéger aux audiences. Un seul député, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, assiste à toutes les audiences. Or, ce député a déjà déclaré qu'il favorise le doublement immédiat des charges sociales au titre du RPC, qui passeraient de 5,5 p. 100 à 10 p. 100.

Le ministre admettra-t-il l'évidence même? Ces audiences ne sont que de la frime.

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Finances et moi avons beaucoup discuté de cette question pour veiller à ce que, du point de vue du gouvernement, les choses soient faites comme il se doit.

Afin de corriger l'impression laissée par la députée, je dirai que le député qui représente le gouvernement du Canada est le président du Comité de l'industrie. Ce n'est certainement plus le secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

(1455)

Même avec le fédéralisme flexible que nous pratiquons au Canada, il serait impossible qu'un seul député fédéral puisse truquer un processus auquel les dix provinces et les territoires participent. C'est un arrangement coopératif. Si je ne m'abuse, cet arrangement ne peut être modifié qu'avec l'accord de sept provinces représentant 70 p. 100 de la population du Canada. Même le député de Winnipeg-Nord-Centre ne pourrait pas réaliser ce genre de trucage.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, en dépit de ce que m'a dit le député, je tiens à lire une déclaration faite le 14 avril par le député de Winnipeg-Nord-Centre. Il a dit ceci: «À mon avis, il serait préférable de réorganiser le programme et de stabiliser les cotisations aux environs de10 p. 100.»

Cela représente une charge sociale supplémentaire de 5 p. 100 pour chaque travailleur canadien. Le ministre peut-il confirmer qu'il n'adoptera pas ce scénario, le pire de tous les scénarios possibles?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'essaie constamment de faire comprendre à la députée que le gouvernement du Canada ne prendra pas de décision unilatérale.

La médaille a deux côtés. Lorsque le député qui a participé aux audiences a exprimé son opinion, je n'ai pas douté un seul instant que ce qu'il disait, c'est que, compte tenu de la nécessité de maintenir un niveau de soutien suffisant pour les bénéficiaires futurs du régime de pensions du Canada, il faudra prendre des décisions douloureuses. C'est son opinion. Comme le faisait ressortir la citation, il s'agissait là d'une opinion personnelle. Cependant, l'opinion personnelle du député devra être étudiée à la lumière des audiences et de l'avis de toutes les provinces touchées.

Au bout du compte, peu importe les recommandations formulées par le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux, la question sera soumise à la Chambre des communes et tous les députés disposeront du temps nécessaire pour exprimer leurs vues.

* * *

[Français]

LA JUSTICE

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

[Traduction]

Les électeurs de ma circonscription sont indignés de la décision d'envoyer un délinquant sexuel dangereux au centre correctionnel de la rue Keele. Les gens s'inquiètent, à juste titre, pour la sécurité de leurs familles.

Dans le livre qui lui a servi de plate-forme électorale et dans le discours du Trône, le gouvernement a promis d'améliorer la sécurité dans nos communautés. Pour quand mes électeurs et les autres Canadiens peuvent-ils espérer des lois plus sévères à l'endroit des délinquants sexuels dangereux?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député est au courant des mesures que le gouvernement a déjà adoptées. Le solliciteur général du Canada a fait adopter des mesures dans le projet de loi C-45 qui permettent de refuser d'accorder une libération conditionnelle à certains délinquants, en particulier les délinquants sexuels qui doivent purger la totalité de leur peine. Certains projets de loi que j'ai déposés prévoient des peines plus sévères dans les cas de crimes avec violence.

La question du député soulève celle du traitement à réserver aux délinquants à risque élevé. Le député sait, puisque je l'ai déjà annoncé à la Chambre, que le solliciteur général et moi sommes en train d'élaborer, à l'intention du Cabinet, des propositions concernant le traitement des délinquants à risque élevé, c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas considérées dangereuses aux fins de la

2255

Partie XXlV du Code criminel, mais qui, en raison de leur comportement dangereux, présentent un risque élevé de récidive contre d'autres personnes après leur libération. J'espère avoir le temps de déposer ces propositions à la Chambre avant les vacances de juin. Ces propositions permettraient au tribunal d'imposer à un délinquant une période de surveillance maximale de dix ans après sa libération.

Cette proposition et d'autres mesures connexes devraient répondre aux attentes du député. Le solliciteur général et moi expliquerons les détails de ces propositions au cours des prochaines semaines.

* * *

LES GARDERIES

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Lors des dernières élections fédérales, les libéraux ont promis dans le livre rouge, et ils l'ont répété un peu partout au Canada, de mettre en oeuvre, avec les provinces, un plan d'action national pour la création d'un réseau de garderies abordables et accessibles. Étant donné que le TCSPS ne prévoit pas davantage de fonds fédéraux pour les garderies, avons-nous là une autre promesse rompue en perspective, comme ce fut le cas pour la TPS, ou le gouvernement libéral et le ministre reconnaîtront-ils finalement qu'on a désespérément besoin de garderies de qualité et accessibles dans toutes les provinces et territoires du Canada? Le ministre tiendra-t-il un jour cette promesse?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a tenté avant Noël de trouver un moyen de venir en aide à ceux qui comprennent, comme le député le sait, les besoins en matière de garderies au Canada.

(1500)

La réaction à cette initiative du gouvernement du Canada a été loin d'être enthousiaste. Les gouvernements d'un bout à l'autre du pays, pratiquement sans exception, ont dit qu'ils reconnaissaient l'existence d'un besoin, mais qu'ils voulaient s'assurer que le gouvernement du Canada comprenait bien les questions relatives au partage des compétences. Ils ont dit également que, quel que soit le programme mis sur pied par le gouvernement du Canada, il devrait être compatible avec ce que chaque province considère comme ses besoins particuliers et sa capacité de financement.

J'assure au député que nous avons discuté avec des représentants de tous les gouvernements du pays. Nous croyons que les possibilités de conserver un rôle national dans la prestation des services de garderie sont excellentes.

J'attends avec impatience de pouvoir travailler avec des particuliers et des groupes, avec quiconque s'intéresse à cette question ainsi qu'avec les gouvernements provinciaux, pour assurer au gouvernement du Canada un rôle important mais acceptable pour tous dans le financement des services de garderie au Canada.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune de nos homologues russes, une délégation de présidents et de membres régionaux du Conseil fédéral de Russie.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais savoir, de la part du gouvernement, quel sera le menu législatif pour la semaine qui vient.

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a l'intention de poursuivre l'étude du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, jusqu'à ce qu'elle soit complétée.

[Traduction]

Si nous n'en avons pas fini de ce projet de loi quand le projet de loi C-33, modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous revient du comité, nous interromprons le débat pour finir d'examiner le projet de loi C-33. Ensuite, nous reviendrons au projet de loi C-12.

Si à un moment donné, avant que les travaux de la Chambre de la prochaine semaine ne soient annoncés, nous terminons l'examen de ces projets de loi ou si, pour des raisons de procédure, nous ne sommes pas en mesure de terminer l'examen de l'un ou l'autre projet, nous passerons au projet de loi C-19, Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, puis au projet de loi C-26, Loi concernant les océans du Canada.

______________________________________________


2255

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la parole si tôt. Nos travaux vont en s'accélérant et c'est exactement l'inverse de ce que le gouvernement fait habituellement.

Sur le projet actuel, avant la période des questions orales, j'écoutais mon collègue, le député de Portneuf, dont je partage le point de vue sur les retombées négatives de l'assurance-chômage. J'aurai l'occasion en fin d'intervention d'en parler plus spécifiquement pour la région que je représente, la région de la côte du sud, la région de Bellechasse.

Évidemment, qui dit assurance-chômage nous ramène toujours à une histoire qui est liée à l'histoire de la fédération canadienne,


2256

c'est-à-dire l'histoire constitutionnelle qui entoure toute cette question. Je remonte à une époque où mon père venait d'avoir 30 ans, en 1938, lors de l'ouverture de la session; dix ans plus tard j'allais avoir le plaisir de naître et d'accéder à un monde d'assurance-chômage existant. Je vais lire ici un texte que je me suis permis d'écrire il y a quelques années.

Lors de l'ouverture de la session parlementaire de 1938, le discours du Trône mentionna que le gouvernement recherchait la coopération des provinces dans le but d'amender l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de façon telle à ce que le Parlement du Canada ait l'autorité nécessaire pour établir un programme national d'assurance-chômage.

(1505)

Le gouverneur général ajouta:

[Traduction]

«Mes ministres espèrent que la proposition sera approuvée assez tôt pour qu'une loi sur l'assurance-chômage soit adoptée dès la présente session du Parlement.»

[Français]

C'était en 1938. De fait, dès le 5 novembre 1937, le gouvernement fédéral était entré en communication avec les gouvernements provinciaux et leur avait demandé leur avis quant au principe d'une modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui conférerait l'assurance-chômage au pouvoir fédéral.

À l'époque, on se rappellera qu'il n'y avait pas de formule d'amendement. Et on va voir la façon un peu triturée et un peu bizarre dont le gouvernement fédéral a agi pour s'approprier la compétence en matière d'assurance-chômage.

Un projet détaillé, on est en 1937, fut transmis aux provinces; en mars 1938, les provinces de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard avaient donné leur accord total au projet de modification soumis par le gouvernement fédéral. Pour sa part, le gouvernement de la province d'Ontario avait donné un accord de principe sans se prononcer toutefois sur le texte soumis par le fédéral. Restaient l'Alberta, le Nouveau-Brunswick et le Québec, qui avaient refusé d'être partie prenante à la modification constitutionnelle.

Rappelons-nous qu'en 1938 le gouvernement au Québec, celui de l'Union nationale avec M. Duplessis, qui avait comme cheval de bataille le respect de l'autonomie provinciale, n'allait sûrement pas consentir à une modification de cet ordre. Le gouvernement du Québec était sans doute près à assumer en temps et lieu et suivant la volonté des citoyens et citoyennes ses responsabilités en matière d'assurance-chômage.

Mais à la suite du refus des provinces mentionnées, le gouvernement fédéral ne procéda pas de l'avant avec son projet; il ressort des déclarations du premier ministre du Canada en Chambre, le premier ministre de l'époque, M. Mackenzie King, particulièrement pendant les années 1938 et 1939, que le gouvernement fédéral, bien que ne voulant pas geler dans une convention constitutionnelle le principe du consentement des provinces pour une modification constitutionnelle, ne désirait pas pour autant aller de l'avant avec son projet aussi longtemps qu'il y aurait une opposition provinciale à celui-ci.

Que se produit-il? Le 25 juin 1940, le premier ministre Mackenzie King annonça à la Chambre des communes que les neuf provinces canadiennes s'étaient finalement mises d'accord sur l'amendement proposé par le gouvernement fédéral. Le Québec avait changé de gouvernement, à ce moment-là. Il y a eu l'élection de 1939 qui a vu le gouvernement Godbout prendre le pouvoir au Québec. On a vu l'intervention du ministre Ernest Lapointe dans la campagne électorale dire que les libéraux étaient la seule garantie contre la conscription. Et on se rappellera de cette promesse non tenue qui, à l'époque, a amené la conscription des Québécois, malgré le vote qu'ils ont tenu lors du plébiscite de 1942 qui n'a pas été respecté. Encore aujourd'hui, en 1996, on est obligé de poser des questions au gouvernement qui demeurent sans réponse: Va-t-il respecter le vote démocratique des Québécois et Québécoises sur la même question aujourd'hui? Nous n'avons pas de réponse, pas plus qu'en 1942, alors que le vote n'a pas été respecté.

Mais le gouvernement de l'époque, au Québec, a payé chèrement le prix parce qu'en 1944 il a été remplacé par le retour au pouvoir du gouvernement de l'Union nationale; ce gouvernement-là a payé. Mais il était trop tard. Pas de formule d'amendement, pas de ratification populaire. Comment cela s'est-il fait? Par des coups de téléphone, de télégraphe à l'époque, ou par l'échange de simples missives.

Alors dans huit provinces sur neuf-rappelons-nous que Terre-Neuve avait encore son statut de Dominion à l'époque, auquel il a malheureusement ou heureusement, les Terre-Neuviens en jugeront, renoncé-seul le Conseil des ministres avait donné son accord par le moyen d'une simple lettre. Un timbre de 2c. pour dire qu'on est d'accord avec une modification constitutionnelle. Uniquement une législature, celle de la Colombie-Britannique, a donné formellement son accord à la modification. Alors, dans une province sur neuf, un vote des députés.

(1510)

Ailleurs, une lettre signée par le greffier du conseil exécutif, vraisemblablement, qui dit: «Oui, modifions la Constitution du Canada». Fort de cette lettre-là, la Chambre vote une adresse au Parlement impérial lui demandant de modifier la Constitution du Canada. Il faudrait quand même noter qu'il s'agissait, en vertu d'une décision rendue deux ans plus tôt, d'une des rares fois où la Cour suprême du Canada, le 17 juin 1936, avait déclaré que la Loi sur l'emploi et l'assurance sociale était ultra vires des pouvoirs du Parlement fédéral, reconnaissant la juridiction, la compétence provinciale dans ce domaine. Ce jugement de la Cour suprême a été confirmé par le Conseil privé en 1937, le 27 janvier 1937 pour être plus précis.

Il faut quand même les noter ces dates-là parce qu'en matière constitutionnelle, la Cour suprême, on l'a dit souvent, on le répète, mon grand-père le disait, c'est comme la tour de Pise, ça penche toujours du même côté. Cela n'a pas changé depuis. C'était comme ça dans les années 1930, ça a été comme ça au début du siècle, ça a été comme ça à partir de 1875, moment où cette cour a été instituée.


2257

Quant à ce que le ministre de la Justice disait tout à l'heure à l'effet qu'il veut intervenir devant les tribunaux relativement aux questions québécoises, relativement au droit fondamental à l'autodétermination des Québécois et des Québécoises, il faut souhaiter que le dernier mot en matière d'avenir des Québécois et des Québécoises demeure entre les mains de ceux et celles qui, au Québec, exercent le droit de vote. C'est une question de légitimité, d'un droit à l'autodétermination qui ne saurait souffrir de limites imposées par des autorités extérieures.

Après avoir brossé un très bref tableau-j'aurais eu d'autres pages à lire mais je vais m'en abstenir-dans une région comme la mienne qui s'étend de la Beauce jusqu'à la belle circonscription de Kamouraska-Rivière-du-Loup, du fleuve Saint-Laurent jusqu'aux frontières de l'État du Maine, la législation actuelle va faire mal. Comme dans les régions. C'est un coup dur pour les régions d'abord et avant tout. Les députés qui représentent d'autres secteurs de la population ont fait aussi valoir leur point de vue.

Ce sera dur pour les travailleurs saisonniers. Il y a énormément de travailleurs forestiers dans ma circonscription qui, à cause des circonstances de la production de ce secteur de l'économie, travaillent un nombre limité de mois par année et qui ne pourront plus faire leur temps afin d'avoir droit aux prestations d'assurance-chômage. Ils devront donc s'adresser à l'aide sociale. Lorsque des travailleurs, des travailleuses doivent recourir à l'aide sociale, il est difficile d'en récupérer la totalité.

Généralement, les gens chez nous ne sont pas très riches. Ils sont pauvres, mais ils sont riches des richesses du coeur, des valeurs fondamentales. Ce sont des gens qui veulent travailler, des gens qui aiment travailler, des gens qui ne se plaignent pas pour rien qui veulent cependant avoir les mêmes avantages que les autres Canadiens. Mais ce sont des gens qui, à cause de ce que j'appelle la carte électorale du chômage, se trouvent exclus ou inclus dans des divisions qui ne sont pas opportunes pour eux.

Quand je vois des gens de Sainte-Apolline, dans mon comté, une municipalité de moins de 1 000 personnes où le chômage est élevé, où il y a une coopérative de gestion forestière, se retrouver dans le même groupe de personnes pour l'évaluation de l'assurance-chômage que des gens de municipalités en pleine prospérité, comme Saint-Jean-Chrysostome ou Saint-Romuald, dans la circonscription de Lévis, il y a un problème au niveau du développement des ressources humaines du Canada. Il faudrait s'occuper de cette question et refaire des zones d'appartenance qui tiennent compte des réalités.

Les gens qui demeurent dans la MRC de Montmagny, qui demeurent dans la MRC de l'Islet, ont beaucoup plus en commun avec les gens de la MRC de Kamouraska, qu'avec les gens de la MRC Desjardins ou de la MRC des chutes de la Chaudière qui ont une dynamique et une prospérité différentes.

Il faudrait faire attention dans les statistiques. Qu'est-ce qu'on fait quand on veut établir des statistiques? On interroge des gens. On leur pose des questions sur leurs revenus, sur le taux d'occupation, sur l'employabilité. On fait en sorte de passer quand les gens sont à peu près disparus, lorsque les jeunes ne sont pas là. Il faut dire que dans plusieurs paroisses de ma circonscription, surtout dans la partie sud de ma circonscription, vers le Maine, le taux d'emploi chez les jeunes est extrêmement faible et que les jeunes ont littéralement déserté cette partie de la circonscription. Et chacun de ceux qui reviennent est à peu près assuré de ne pas trouver d'emploi.

(1515)

Alors, il faut juger à partir de ces chiffres. Je souscris aux opinions qui ont été émises par mes collègues de l'opposition officielle et je voterai en conséquence sur les amendements proposés à l'étape du rapport.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, comme vous avez pu le constater, ce débat soulève des passions chez nos amis libéraux et aussi chez nos amis réformistes. On a vu le nombre de personnes qui se sont levées pour prendre part au débat.

Mais plus sérieusement, nous pouvons constater, de façon surprenante, que malgré un débat aussi important que celui sur la réforme de l'assurance-chômage, un débat aussi important où, dans plusieurs comtés représentés par des députés libéraux, des manifestations très importantes ont lieu, malgré cela, ces députés qui ont été élus, rappelons-le, comme représentants de leur population, restent silencieux, probablement pour respecter, encore une fois, la ligne de parti.

Ces députés restent silencieux devant un projet de loi qui pénalisera l'ensemble ou une grande partie de la population de leur comté, et surtout les députés représentant des régions éloignées, les députés représentant les Maritimes, les députés qui devraient être au courant de ce qui se passe et des manifestations qui ont eu lieu dans leur comté.

Je suis très surpris de voir que ces députés restent silencieux, mais je tiens à souligner ici l'excellence du travail accompli par les députés du Bloc québécois, entre autres, la porte-parole, la députée du comté de Mercier, qui a fait un travail exceptionnel pour rendre public, pour rendre accessible au public ce qui est en train de se tramer en dessous de la couverture et dont la population canadienne et la population québécoise auraient été victimes dans quelques semaines ou dans quelques mois.

Je crois que c'est grâce au travail, entre autres, de la députée de Mercier, du député de Kamouraska-Rivière-du-Loup et du député de Lévis qu'on peut maintenant discuter ici en Chambre pendant une journée ou plusieurs jours d'un projet de loi qu'on a essayé de taire, du côté gouvernemental. Mais grâce au travail de ce comité, on peut donc avoir la chance d'en discuter ici.

D'entrée de jeu, je voudrais vous citer un texte qui est l'extrait d'un mémoire qui a été présenté au comité, mémoire que, fort probablement, les députés libéraux au comité ont voulu rapidement mettre sur les tablettes. C'est un mémoire qui a été écrit par Jean-Guy Ouellet et Georges Campeau, qui ne sont pas des agitateurs professionnels ni de méchants séparatistes, mais des avocats spécialisés en droit social et respectivement chargés de cours et professeur au Département des sciences juridiques de l'UQAM.

Ils disent dans ce mémoire, et je cite: «Le projet de loi sur l'assurance-emploi-déjà là, le nom est un peu bizarre, je vais l'expliquer plus tard-s'inscrit dans une politique consistant à utiliser la Caisse de l'assurance-chômage pour financer un nombre


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grandissant d'activités autres que les paiements de prestations. Non seulement cette orientation se fait au détriment du droit aux prestations d'un nombre grandissant de cotisants au régime, mais-et c'est là le plus important-sa constitutionnalité-comme mon collègue de Bellechasse le disait tout à l'heure-est loin d'être certaine. En utilisant les cotisations de l'assurance-chômage, une caisse excédentaire de cinq milliards de dollars, pour financer autre chose que le paiement de prestations, la législation fédérale transforme de facto ces cotisations en taxe dégressive. À cause du plafonnement du salaire annuel cotisable à 39 000 $, pareille utilisation du compte d'assurance-chômage est non seulement inéquitable-les auteurs répètent-mais sa constitutionnalité est douteuse.»

Plus loin dans le texte, on peut lire: «La compétence du Parlement fédéral en matière d'assurance-chômage est de prélever des cotisations pour indemniser en cas d'assurance-chômage.» Ce n'est pas de s'immiscer dans l'ensemble des programmes des provinces. Ce n'est pas d'essayer de réinventer des programmes parrainés par le Conseil d'unité canadienne. C'est, je le répète, de prélever des cotisations pour indemniser les assurés en cas de chômage. C'est le principe des assurances contre l'incendie, des assurances contre le vol. Ce n'est pas de réinventer la roue et de réinventer de multiples programmes.

(1520)

En conclusion du texte, on peut lire: «Aussi, il convient de s'interroger à savoir si cette nouvelle orientation du régime, par ses effets discriminatoires auprès de certains groupes défavorisés, comme les jeunes et les femmes, ne contrevient pas également au droit à l'égalité protégé par la Constitution.» D'abord, les auteurs s'interrogent sur la constitutionnalité du projet de loi C-12 et deuxièmement, on s'interroge à savoir si, également, ce projet de loi ne contrevient pas au droit à l'égalité protégé par la Constitution.

En terminant, on dit: «Le ministre du Développement des ressources humaines, plutôt que de dénoncer la fraude à l'assurance-chômage, serait bien avisé de vérifier la constitutionnalité et la légitimité de son projet de loi avant d'en parler et avant de le passer au vu et au su de tout le monde.» Je crois que cet article démontre bien l'aspect immoral du projet de loi qui a été présenté par le ministre du Développement des ressources humaines.

Il y a quelques années, le premier ministre actuel du gouvernement décriait lui-même le projet de loi sur la réforme de l'assurance-chômage, présenté à ce moment-là par les conservateurs. Rappelons-le, ce projet de loi était beaucoup plus difficile et beaucoup plus dommageable pour les travailleurs que le projet de loi qui est présenté par les libéraux. Mais on appelle ce projet de loi la Loi sur l'assurance-emploi. Si c'était une loi sur l'assurance-emploi, ce qui n'est pas le cas-ce n'est pas une loi sur l'assurance-emploi, c'est toujours une loi qui va surtout pénaliser les travailleurs saisonniers, les jeunes et les femmes qui sont à la recherche d'un premier emploi-on se devrait à ce moment-là de fixer un pourcentage maximal acceptable du taux de chômage, ce qu'on ne fait pas ici. On devrait, dans ce projet de loi, spécifier des mesures favorisant la création d'emplois, ce qu'on ne fait pas.

Je vais vous donner un exemple qui, en plus de ne pas favoriser la création d'emplois, favorise la création de chômeurs, d'assistés sociaux, ou favorise même le gaspillage de fonds publics. Vous vous rappelez sûrement il n'y a pas si longtemps, six ou huit mois peut-être, on a décidé de réaffecter, de réorganiser les centres d'emploi un peu partout au Canada. Quelques semaines avant, pas quelques mois, dans mon comté, le centre d'emploi de Terrebonne venait d'emménager dans des locaux flambant neufs pour répondre aux normes du gouvernement fédéral. Le gouvernement, par le centre d'emploi de Terrebonne, a dû payer des frais énormes de déménagement, de location de bail pour une période de dix ans, d'achat d'équipement, d'achat de mobilier. Combien de milliers, combien de millions peut-être? On ne le sait pas.

Avant de faire l'ouverture officielle du centre d'emploi, avant de couper le ruban, ils ont reçu une lettre leur disant qu'on s'excusait, qu'on les avait déménagés un peu hâtivement, que leur centre allait fermer bientôt mais qu'on ne savait pas quand. Imaginez-vous le climat de travail qui règne, l'ambiance qu'on peut retrouver parmi ces gens de mon comté qui veulent bien aider les gens dans le besoin à trouver un emploi. Mais plutôt que de retrouver ça, on leur mine le moral, on leur envoie une lettre en leur disant que peut-être dans six mois, huit mois ou un an, on va fermer leur centre et ils vont se retrouver à Sainte-Thérèse, à Saint-Jérôme, on ne sait pas où. Peut-être qu'il y en a plusieurs qui vont perdre leur emploi et c'est ce que le gouvernement donne comme motivation de travail à ses fonctionnaires. C'est à ces mêmes fonctionnaires qu'on demande d'aider les gens.

Je crois que si on veut aider les gens à trouver des emplois, si on veut diminuer le taux de chômage, si on veut rendre accessibles des emplois à tous et à toutes, on devrait d'abord et avant tout s'assurer que les dépenses-j'allais dire le gaspillage-du gouvernement se fassent de façon un peu plus efficiente et un peu plus efficace.

(1525)

Une PME qui a un chiffre d'affaires de 100 000 $ est supposée avoir un plan d'affaires, ce qui suppose qu'un gouvernement doit en avoir un aussi. Je n'admettrai jamais qu'un gouvernement qui gaspille de l'argent pour prendre des gens dans un centre d'emploi, les déménager, leur annoncer en même temps qu'on va fermer leur centre d'emploi après avoir dépensé des centaines de milliers de dollars et miné leur climat de travail, je n'accepterai jamais que ce même gouvernement propose un projet de loi pernicieux, dangereux, inéquitable pour la population.

Je le répète pour les jeunes qui vont devoir un jour se trouver un premier emploi, si, malheureusement, quelque temps après, ils doivent recourir à l'assurance-chômage, le régime actuel prévoit qu'ils doivent travailler 20 semaines pendant 15 heures par semaine pour être éligibles à ce programme. Le projet de loi présenté par le ministre du Développement des ressources humaines prévoit qu'il faudra travailler 26 semaines pendant 35 heures.

Autrement dit, on envoie la même lettre que celle envoyée aux fonctionnaires du centre d'emploi de Terrebonne à plusieurs étudiants et on leur dit: «Allez à l'école, obtenez une formation, mais on vous avertit tout de suite, après votre formation, si vous avez des problèmes à vous trouver un emploi, ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va vous aider, on vous envoie à l'aide sociale. Avec nos nouvelles législations, nos nouvelles normes, jamais on ne va vous aider.» Connaissant la précarité des emplois aujourd'hui, c'est presque impossible pour un étudiant qui en est à son premier emploi de travailler un minimum de 35 heures par semaine pendant 26 semaines.


2259

Donc, au nom des jeunes, des femmes, des gens des régions, moi, comme mes collègues du Bloc, je m'oppose au projet de loi C-12.

[Traduction]

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole dans ce débat à l'étape du rapport sur le projet de loi d'assurance-emploi, le projet de loi C-12. C'est une mesure qui ne laisse pas indifférent.

Il y a des mois que nous en parlons, maintenant, et certains en parlent depuis plus longtemps que moi. Beaucoup, des deux côtés de la Chambre, ont passé de longues journées, des semaines, des mois à travailler sur cette mesure législative, pour l'amener au stade où elle est actuellement.

Pour le gouvernement, le but de l'exercice était de s'assurer que tous les aspects du nouveau régime d'assurance-emploi soient justes et équitables. Nous avons écouté les objections soulevées lors des audiences au comité parlementaire sur le projet de loi C-12 et nous avons répondu à ces objections en précisant certains points, de sorte qu'ils répondent mieux à la réalité des différents marchés du travail.

Au cours des derniers mois, une des questions les plus importantes qui aient été soulevées était la façon de traiter les personnes qui ont des interruptions dans leurs périodes d'emploi. Il y a, par exemple, le cas de ceux qui travaillent régulièrement pendant plusieurs semaines, puis sont interrompus par des semaines de chômage, puis retournent au travail. Pour ces personnes, avoir recours à des périodes de semaines consécutives relativement courtes pour calculer les prestations pourrait conduire à des prestations plus faibles.

Le nombre de personnes touchées n'est pas très faible. Environ 35 p. 100 de tous ceux qui demandent l'assurance-chômage chaque année sont touchés par ces interruptions. Cela signifie qu'il y a 850 000 Canadiens qui ont une forme d'emploi irrégulière et qui méritent d'avoir accès à une certaine protection contre la perte d'emploi, tout comme ceux qui ont des emplois réguliers.

Dix pour-cent de tous les demandeurs ont des interruptions de quatre semaines ou plus. L'interruption moyenne va de 2,9 semaines au Nouveau-Brunswick à 4,8 semaines au Manitoba. Nous estimons que ce n'est pas juste pour ceux qui, sans qu'ils y soient pour quelque chose, n'ont pas eu un emploi régulier avant de devenir chômeurs. C'est pour cela que les prestations d'emploi seront calculées d'une nouvelle façon. Cela permettra aux particuliers de remonter 26 semaines en arrière pour trouver le nombre de semaines de travail requis dans le calcul du revenu moyen pour les prestations d'assurance-emploi.

(1530)

Les travailleurs pourront ainsi connaître des interruptions d'emploi variant de quatre à douze semaines sans pour autant que le montant de la prestation soit réduit. Par ailleurs, les prestations seront toujours déterminées en fonction de ce qu'ils gagnent en 26 semaines. Le maintien de la règle des 26 semaines s'inscrit dans le cadre d'un des objectifs fondamentaux de la nouvelle mesure législative, soit créer des incitatifs au travail tout en assurant un meilleur équilibre entre les prestations versées et la structure régulière des gains.

La période des 26 semaines sera favorable aux travailleurs qui connaissent des périodes de travail irrégulières un peu partout au pays et dans tous les secteurs depuis la construction jusqu'aux services. Nous estimons que c'est très important. Des centaines de milliers de Canadiens travaillant dans tous les secteurs touchent un revenu d'emploi qui n'est pas toujours à l'abri des interruptions d'emploi. Ils travaillent pendant plusieurs semaines, puis c'est le chômage pebdabt plusieurs autres. Le gouvernement est d'avis qu'il ne serait pas juste de les pénaliser pour cette raison. Dans la poursuite d'une solution, le gouvernement a dû trouver un équilibre entre ces deux objectifs.

Premièrement, il a modifié le vieux régime de façon à inciter les gens à effectuer un plus grand nombre d'heures quand il y a des possibilités d'emploi. Il arrive trop souvent qu'après un nombre minimal de semaines effectuées, la première chose qui vient à l'esprit de certains pour obtenir un revenu de remplacement, c'est de faire une demande de prestation d'assurance-chômage.

Deuxièmement, bien des gens qui habitent des régions où les taux de chômage sont très élevés et qui travaillent dans des secteurs saisonniers ne disposent tout simplement pas des possibilités d'emploi qui leur permettraient d'accumuler les semaines nécessaires pour avoir droit à des prestations suffisantes.

C'est doublement injuste dans certains cas. Bien des gens qui ne peuvent qu'effectuer le nombre minimal de semaines donnant droit aux prestations connaissent aussi des interruptions d'emploi à cause précisément du secteur où ils travaillent, qu'il s'agisse de la construction, de la pêche, etc. Ainsi, même si on tient compte de toutes les heures de travail pour leur admissibilité à des prestations, on ne prend pas en considération certains de leurs revenus pour établir le montant de leur chèque hebdomadaire.

Grâce au projet de loi C-12, on comptera tous les dollars que les gens ont gagnés au cours de la période des 26 dernières semaines précédant leur demande pour déterminer le montant de leurs prestations. On va calculer le montant de leur chèque d'assurance-chômage en faisant la moyenne des revenus gagnés au cours de cette période.

Ainsi, les gens établis dans les régions à fort taux de chômage auront besoin de 420 heures, ou l'équivalent de 12 semaines à 35 heures par semaine au cours de l'année précédente, pour être admissibles. Pour maximiser leurs prestations, ils devront travailler deux semaines de plus afin d'obtenir 55 p. 100 de leur salaire hebdomadaire. Les gens habitant des régions où le taux de chômage est faible auront besoin de 700 heures de travail, ou l'équivalent de 20 semaines à 35 heures par semaine, au cours de l'année précédente. Pour maximiser le montant de leur chèque, ils devront avoir 22 semaines de travail durant la période de 26 semaines qui précède.

Le gouvernement croit que c'est une approche équitable et équilibrée qui encourage davantage les gens à travailler tout en traitant de façon équitable les travailleurs qui restent plusieurs semaines sans salaire. Il reconnaît également que les gens qui vivent dans des


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régions où le taux de chômage est faible ont davantage de chances de combler ces semaines sans salaire avec d'autres emplois.

En calculant dorénavant l'admissibilité des prestations en fonction des heures de travail, le gouvernement veut s'assurer que toutes les heures de travail comptent et qu'il est plus payant de travailler plus longtemps, lorsqu'il y a du travail. C'est extrêmement important.

Le nouveau système est plus équitable pour les travailleurs à temps partiel et les travailleurs saisonniers. Ainsi, ceux qui travaillent moins de 15 heures par semaine seront assurés. Dans le cadre du nouveau régime d'assurance-emploi, 90 000 travailleurs à temps partiel et saisonniers seront maintenant admissibles à des prestations. Beaucoup seront admissibles plus tôt, pour des périodes plus longues, et ils seront en mesure d'assurer une plus grande partie de leurs revenus qu'auparavant. Nous pensons que c'est une grande amélioration.

(1535)

Le droit aux prestations et la durée des prestations dépendront du nombre d'heures travaillées durant les dernières 52 semaines. Je le répète, ceux qui habitent des régions où le taux de chômage est élevé ont besoin de 420 heures de travail. Environ 270 000 travailleurs seront admissibles à trois semaines de prestations de plus, car on tiendra compte de toutes leurs heures de travail.

De nombreuses personnes sont encore confrontées au problème des interruptions d'emploi. Elles travaillent quelques semaines, puis sont sans emploi quelques semaines et travaillent ensuite à nouveau. On s'est attaqué à cette question des interruptions d'emploi, qui a été l'une des plus importantes qu'on ait abordées durant ce débat et qui préoccupait beaucoup le comité et le gouvernement. La solution trouvée dans le projet de loi C-12 amendé consiste à permettre à tous les prestataires de revenir 26 semaines en arrière pour trouver les semaines d'emploi assurables nécessaires.

En terminant, je crois, à l'instar de mes collègues de tous les côtés, selon moi, que nous avons beaucoup avancé et nettement amélioré les choses. Beaucoup de gens ont témoigné devant le comité. Beaucoup d'entre eux étaient opposés au projet de loi en général, mais je crois qu'en écoutant, en échangeant et en participant à des tribunes téléphoniques, ils ont vu que nous avons vraiment rendu justice aux travailleurs saisonniers en présentant ces amendements.

Je salue les auteurs de ces amendements. Je tiens à remercier le comité pour tout son travail. J'attends avec impatience que ce projet de loi soit promulgué et que les gens qui sont forcés par les circonstances à toucher des prestations d'assurance-chômage puissent profiter de ces nouvelles dispositions.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines a accouché d'un projet de loi qui s'intitule Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Je ferais une proposition, tel qu'il est proposé dans les amendements, pour qu'il s'appelle Loi modifiant l'assurance-chômage parce qu'en fait, est-ce que le gouvernement peut nous garantir, en dehors d'une campagne électorale, que grâce à ce projet de loi, il va créer des emplois? Je ne pense pas.

Je voudrais vous parler des gens de mon comté, des citoyens des de Shefford et de Granby, villes principales que je représente. Je suis toujours très surpris des intentions du gouvernement lorsqu'il affirme que «le fédéral travaillera de concert avec le secteur privé et les provinces à faire des investissements collectifs nécessaires pour la croissance de l'emploi.» Vous aurez reconnu une partie du dernier discours du Trône.

Ce point est en rapport direct avec les promesses du gouvernement fédéral de renforcer l'économie canadienne et les régions, et ce, en se désengageant des programmes d'aide aux entreprises et en coupant aveuglément dans le programme de l'assurance-chômage. Et de façon toute aussi contradictoire, dans son dernier budget, le gouvernement fédéral prévoit une diminution sans précédent, pour 1996-1997, des transferts de paiements aux provinces et un sabrage dramatique des programmes sociaux, notamment le programme de l'assurance-chômage.

Dans son dernier discours du Trône, le gouvernement disait que la situation économique au pays n'était pas si pire qu'elle en avait l'air, et que si ça n'allait pas mieux, c'était la faute des entreprises privées. Or, dans ma région, nous avons la Chambre de commerce de Granby qui a fait signer 6 000 noms dans une pétition pour demander à ce gouvernement de maintenir le centre d'emploi à Granby. Cela n'a pas été entendu par le gouvernement. Nous avons aussi des organismes, telle que la Société de développement régional, des associations de commerçants et d'industries qui travaillent très fort, et je pense que c'est injuste de la part du gouvernement de blâmer ces gens.

Depuis que les chômeurs, les étudiants et les bénéficiaires d'aide sociale sont déjà passés à la caisse dans le budget de l'an passé, à cause des réformes, le gouvernement devrait trouver d'autres moyens d'aller chercher de l'argent.

(1540)

Quand le gouvernement libéral avouera-t-il franchement qu'il a fait de mauvais choix en s'attaquant aux moins nantis de notre société et qu'il laisse maintenant à la guise des classes plus aisées de faire leur part de sacrifices? Comment le gouvernement entend-il les obliger à faire leur part, sachant que les petits contribuables n'en peuvent plus tellement ils sont pris à la gorge?

Pour le Québec seulement, le manque à gagner du Transfert social canadien représente, pour l'année 1996-1997, une diminution de quelque 765 millions de dollars, principalement dans l'éducation, la formation de la main-d'oeuvre et les divers programmes sociaux. Pour 1996, la réforme du programme de l'assurance-chômage compte pour un montant additionnel de 534 millions de dollars de moins pour les ménages québécois.

En tout, c'est 1,3 milliard de dollars que le Québec aura en moins. Les prestations d'assurance-chômage représentent de l'argent en moins pour les contribuables à faible revenu. On sait tous que ces prestations servent uniquement à payer les factures d'épicerie, le loyer et les autres dépenses de subsistance.


2261

Lorsque le gouvernement fédéral parle de travailler de concert avec le secteur privé et les provinces, à quoi fait-il donc allusion? Comment va-t-il le faire? Quelles sont les mesures et les actions concrètes qu'il compte mettre de l'avant? Imposera-t-il simplement aux provinces et au secteur privé ses directives et ses propres normes nationales?

Prenons par exemple ma région, plus spécifiquement le cas de Granby, ville principale située dans le comté fédéral de Shefford. Granby perçoit actuellement du gouvernement fédéral seulement 30 700 $ tenant lieu de taxes pour des services fédéraux. Ce n'est pas compliqué, il n'y aurait pas de gouvernement fédéral que dans mon comté, ce serait la même chose, puisque Granby ne perçoit que 30 700 $.

Saint-Jean-sur-Richelieu, qui a une population moindre que celle de Granby, un peu moins, et surtout une croissance moins forte, reçoit cinq millions de dollars du gouvernement fédéral en compensation de taxes. Saint-Hyacinthe reçoit 643 000 $. C'est 643 000 $ pour Saint-Hyacinthe et 30 000 $ pour Granby. C'est ça le gouvernement fédéral et les régions, chez nous.

Non seulement Granby et la région ne reçoivent presque plus rien du fédéral, mais en plus, on voudrait réduire toute une gamme de services et de programmes, notamment en transformant le Centre d'emploi de Granby en un simple point de service. Si la tendance se maintient, notre région ne recevra presque plus aucun service du gouvernement fédéral sur son territoire. Où est la part pour Granby et la région dans la redistribution des richesses?

Les contribuables du comté de Shefford en ont assez de payer et de ne rien recevoir en retour du gouvernement central. Ottawa a cependant raison sur un point: dorénavant, nous ne devrons compter que sur nous-mêmes, sur le dynamisme et les ressources de nos propres entreprises régionales, et cela, sans aucune aide du gouvernement fédéral. Et c'est ce qu'on fait déjà chez nous. On ne compte plus sur le gouvernement fédéral, puisqu'il se désengage continuellement.

Dans les prochains mois, le plan d'action d'Ottawa pour le comté de Shefford est de réduire de plus du trois quart les employés du Centre d'emploi de Granby. Ironique, me direz-vous, mais c'est la réalité et je pense qu'il faut le dénoncer ici. La majorité des employés du Centre d'emploi de Granby se retrouveront, d'ici peu, sans emploi. La fermeture du Centre d'emploi de Granby est une décision irrationnelle, voire indécente. C'est une situation inacceptable. La population et les organismes du milieu, la Chambre de commerce et les municipalités du comté de Shefford n'accepteront jamais cet état de fait.

Bientôt, dans la ville de Granby, capitale régionale, je le répète, de mon comté de Shefford, avec plus de 67 000 électeurs dans ce comté, il ne restera plus qu'un bureau de poste ainsi qu'un bureau de la GRC et deux ou trois autres points de service réduit.

J'ai un autre exemple à vous citer, pour vous démontrer à quel point Ottawa se désengage malgré les promesses de relance de l'emploi.

(1545)

En 1994, les fonds pour la création d'emplois pour les étudiants de Granby et de la région étaient de 386 488 $. En 1995, ces fonds du ministère du Développement des ressources humaines sont passés à moins de 207 000 $, soit une diminution de presque la moitié du budget en moins d'un an. Cette année, les perspectives pour les étudiants sont un peu plus généreuses, 257 000 $, mais on est très loin de ce qu'on avait avant.

Alors, quand les libéraux promettent de faire plus et mieux pour l'économie, ils ne pourraient pas faire pire. L'inertie du gouvernement fédéral dans Shefford est flagrante. Même la Chambre de commerce de Granby l'a démontré en ramassant une pétition, comme je vous le disais tout à l'heure: 6 300 personnes ont demandé le maintien du centre d'emploi de Granby et c'est refusé. Cette pétition a été déposée ici même en Chambre et la réponse a été négative. Pour ce gouvernement, Granby et Shefford n'existent plus, n'existent pas.

La seule chose que le gouvernement d'Ottawa a su faire, c'est d'unir tous les intervenants socioéconomiques, peu importe leur allégeance politique, contre les réformes du gouvernement fédéral et surtout contre la réforme de l'assurance-chômage, telle que proposée. Les gens de Shefford ont la mémoire longue et ils se souviendront de ce gouvernement libéral qui ne les reconnaît pas.

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, je sais que les députés du Bloc québécois sont vraiment ensemble pour défendre ce style de gestion qui va à l'encontre des intérêts du peuple du Québec particulièrement.

M. Leroux (Shefford): Et du Canada aussi.

M. Leblanc (Longueuil): Et du Canada aussi. Mais moi, monsieur le député, je travaille particulièrement pour le Québec et je me soucie un peu moins de ce qui se passe à l'extérieur du Québec.

L'assurance-emploi est, à mon avis, une espèce de tape-à-l'oeil du gouvernement pour montrer que son projet va créer plus d'emplois qu'une simple assurance-chômage. Quand on sait que la formation de la main-d'oeuvre est là pour créer de l'emploi, on se rend compte que le gouvernement fédéral n'a vraiment pas l'intention de se retirer de la formation de la main-d'oeuvre.

Je dirais que ce nouveau projet de loi permet justement au gouvernement, non pas de créer des emplois, mais de créer une nouvelle taxe. D'ailleurs, le secrétaire d'État aux Finances, il y a quelques semaines ici dans cette Chambre, a déclaré que le nouveau fonds d'assurance-chômage va être beaucoup plus élevé que dans le passé, du fait qu'on cotise plus et qu'on donne moins aux chômeurs. Ce fonds va augmenter considérablement. On parle d'ailleurs de quelques milliards de dollars d'ici cinq ans. Il a même dit que ce fonds servirait à diminuer la dette. Quand on dit que ce fonds devrait servir à diminuer la dette, cela veut dire que c'est une nouvelle taxe, n'est-ce pas? Il faut être clair. Nous sommes suffisamment intelligents-enfin, nous, du Bloc québécois-pour comprendre ce genre de choses.


2262

Il disait aussi en même temps qu'on cotisait davantage maintenant pour pouvoir répondre aux demandes d'assurance-chômage pendant les années maigres. Je tiens à rappeler que nous sommes, à l'heure actuelle, dans les années maigres. Je me demande combien d'argent va percevoir le gouvernement pendant les années grasses. Ce sera extraordinaire.

Depuis qu'on a signé l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et depuis quelques années, il y a des changements technologiques qui vont tellement rapidement et le libre-échange avec les États-Unis, je le répète, cela fait en sorte de créer des bouleversements dans l'employabilité et dans les besoins de l'emploi.

(1550)

Cela veut dire que nous avons besoin d'agir très rapidement et se donner des règles qui feront en sorte de former, de rajuster les gens pour se réhabiliter pour répondre à ces besoins de changement technologique et de libre-échange avec les États-Unis et les autres pays. Ce projet de loi, enfin, cette nouvelle réforme de l'assurance-chômage ne répond vraiment pas à ces questions.

L'autre raison pour laquelle je suis en désaccord, c'est que le gouvernement libéral, à l'heure actuelle, n'a jamais eu tellement de crédibilité, et on a beaucoup de difficulté à croire en ce gouvernement. J'étais ici, au Parlement, au moment où on a fait une réforme de l'assurance-chômage, et les libéraux, à ce moment-là, formaient l'opposition. J'ai entendu Sheila Copps et le «rat pack» faire des énoncés extraordinaires contre cette réforme de l'assurance-chômage. Pourtant, la réforme proposée à ce moment-là était nettement plus juste et plus équitable que ce que nous voyons aujourd'hui.

Pour ces raisons, je considère que le gouvernement n'a aucune espèce de crédibilité pour gérer l'assurance-chômage. Pour ces raisons, j'aimerais suggérer ici, dans cette Chambre, comme l'ont fait d'ailleurs dans le passé le patronat et le syndicat, que le gouvernement donne la gestion de l'assurance-chômage et de la formation de la main-d'oeuvre en partie à une entreprise privée. Une entreprise privée d'assurance-chômage, comme d'autres entreprises privées qui font de l'assurance, devrait gérer les fonds de l'assurance-chômage, qui sont d'ailleurs perçus en totalité par les employeurs et les employés.

C'est le conseil d'administration qui pourrait gérer l'assurance-chômage, et une partie de la formation pourrait être administrée conjointement avec des gens qui sont délégués par le patronat et par le syndicat.

Voici les raisons pour lesquelles on devrait faire cela. Puisque c'est l'entreprise et les employés qui paient en totalité ce fond d'assurance-chômage, c'est une assurance à laquelle les gens qui paient devraient avoir la responsabilité de gérer leurs fonds. Cela me paraît tout à fait simple. On aurait beaucoup moins de gaspillage, on ferait beaucoup moins de politique avec tout cela. Ce serait strictement une assurance, comme toutes les autres assurances qui existent, pour vraiment protéger et répondre aux besoins des gens.

Une autre raison aussi. Si on responsabilise davantage les employés et les employeurs, nous risquons qu'ils gèrent mieux, puisque s'ils se comportent mal, ils seront obligés d'augmenter les cotisations et ils en subiront les conséquences.

Il y a plusieurs employeurs qui ont actuellement tendance à faire des mises à pied trop facilement. Les employeurs, aussitôt qu'il arrive quelque chose, disent: «Ce n'est pas grave; on les met à la porte et l'assurance-chômage va s'en charger.»

Un employé se comporte un peu mal, il arrive en retard quelques fois ou sa femme est malade et il ne rentre pas travailler à la compagnie, l'employeur en conclut tout de suite qu'il doit le mettre à la porte. Et cela se fait souvent et beaucoup trop facilement, ce qui est très malheureux. Pourquoi? Parce qu'on se fie que le gouvernement ou l'assurance-chômage va s'occuper de cette personne.

C'est la même chose pour un employé qui, sur de simples caprices, n'entre pas travailler car il trouve qu'il n'a pas suffisamment de vacances ou, chaque fois qu'il est un peu fatigué, ou pour une foule d'autres raisons, n'entre pas travailler ou travaille mal, mais il s'en fout, parce qu'il se dit: «Si je perds mon emploi, on va me mettre à la porte et l'assurance-chômage va s'occuper de moi.»

Alors que si l'employé et l'employeur avaient la responsabilité de payer en totalité tous ces frais, on responsabiliserait davantage les employés et les employeurs, parce que s'ils continuaient à se comporter de la sorte, il y aurait des augmentations de cotisations. Ils seraient responsables de payer plus. Et s'ils paient plus, en bien, à l'avenir, ils feront attention. Un employeur pourrait, à ce moment-là, faire beaucoup plus attention avant de congédier un employé aussi facilement.

(1555)

Je pense que si les employés et les employeurs pouvaient gérer une société privée d'assurance-chômage et une partie de la formation de la main-d'oeuvre correspondant réellement aux besoins des entreprises par rapport à ces changements technologiques que nous vivons à l'heure actuelle et qui sont très rapides, par rapport aussi à cette libre concurrence mondiale, particulièrement nord-américaine, nous pourrions nous ajuster plus rapidement et ainsi être plus efficaces. Notre économie réussirait mieux, elle serait meilleure pour cette société, et nous croyons qu'il faut que celle-ci soit améliorée, parce qu'il y a beaucoup trop de chômage, beaucoup de gens qui vivent du bien-être social.

Pour ces raisons, je considère qu'il faut, dans un temps rapproché, mettre la politique de côté en ce qui concerne l'assurance-chômage, et faire de l'assurance-chômage une assurance comme n'importe quelle autre sorte d'assurance, assurance-maladie privée, assurance-vie et autres, d'autant plus que l'assurance-chômage représente des besoins quotidiens, des besoins de tous les jours.

Pour ces raisons, je suggère très fortement au ministre, s'il veut faire une vraie réforme de l'assurance-chômage, qu'il se retire de ce programme et qu'il donne la responsabilité aux employeurs et aux employés de gérer leur assurance-chômage.

M. Réginald Bélair (Cochrane-Supérieur, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir à moi aussi de prendre la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-12, lequel aura sûrement aussi une influence dans les communautés rurales du Canada et dans un comté comme le mien.

J'aimerais concentrer ma présentation sur deux choses: tout d'abord, sur les travailleurs saisonniers et le nombre d'heures qu'ils travaillent, ainsi que sur le programme de surveillance qui sera inséré tout d'abord pour l'implantation de cette nouvelle loi, et ensuite pour surveiller après que la loi soit mise en vigueur, c'est-à-dire pour connaître les résultats de cette vraie réforme de l'assurance-chômage.

[Traduction]

La vielle Loi sur l'assurance-chômage n'avait pas été modernisée depuis 25 ans. Bien sûr, les temps ont changé, l'économie a


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évolué et prend aujourd'hui une toute autre forme. Le gouvernement du Canada devait absolument moderniser cette mesure.

De nos jours, des milliers de Canadiens travaillent dur pendant de longues heures, sans être le moindrement protégés par le programme d'assurance-chômage existant. Pourquoi? Parce que ce sont des heures travaillées pour différents employeurs et elles ne comptent pas aux fins de l'assurance-chômage. À moins de travailler au moins 15 heures par semaine pour un même employeur, un travailleur n'a pas droit à l'assurance. C'est ça, l'ancien système.

Le nouveau projet de loi sur l'assurance-emploi change tout cela. L'admissibilité est fondée sur les heures travaillées, et non les semaines. Si une personne travaille 36 heures par semaine, qu'elle travaille pour un employeur, deux employeurs ou plusieurs employeurs, il n'y a pas de différence. Toutes les heures travaillées comptent.

Par exemple, des travailleurs saisonniers travaillent souvent de longues heures pendant la saison de pointe. En vertu de ce projet de loi, environ 270 000 travailleurs auront droit à trois semaines de prestations de plus, parce qu'on leur créditera toutes les heures qu'elles auront travaillées pendant les semaines qui n'auraient pas été considérées comme ouvrant droit à des prestations en vertu de l'ancien système. Le gros bon sens nous dit qu'il y a longtemps que ce changement aurait dû être apporté. Les régimes de travail ne sont plus les mêmes dans la nouvelle économie. Ce sera d'ailleurs le sujet de la deuxième partie de mon exposé.

Le projet de loi C-12 est issu d'un processus de consultation long et exhaustif. Le gouvernement a écouté ce que les Canadiens avaient à dire sur le soutien de revenu des travailleurs au chômage et sur le genre de prestations d'emploi qui les aideraient à retourner sur le marché du travail.

Le gouvernement s'est aussi fié aux résultats de nombreuses recherches. Des spécialistes se sont penchés sur tous les aspects du fonctionnement de l'ancien système. Ils savent que tout cela peut avoir sur le comportement des employeurs et des travailleurs des répercussions que les Canadiens ne tolèrent plus. Certains peuvent être poussés à refuser du travail. Les employeurs sont incités à embaucher et à congédier. Il ne faut pas croire que les gens ne veulent pas travailler. C'est le système qui ne fonctionne pas bien.

(1600)

Ce nouveau projet de loi est conçu pour récompenser l'effort. Il renforce les incitations au travail et les principes de l'assurance. Il favorise également l'équité en assurant un revenu suffisant aux travailleurs dans le besoin. Nous parlons en l'occurrence de ceux qui gagnent moins de 26 000 $. Ils recevront un supplément.

Les recherches nous donnent de bonnes raisons de croire que l'approche assurance-emploi sera fructueuse. Ceux qui ont critiqué le projet de loi n'ont pas été capables d'invoquer le même genre d'analyse approfondie et objective. Nous allons maintenant faire un pas de plus avec un processus minutieux et dynamique conçu pour nous dire si nos attentes sont exaucées dans la pratique, si les comportements changent autant que nous le prévoyons ou même davantage.

Nous allons examiner comment le nouveau système fonctionne dans une douzaine de localités choisies pour représenter un vaste éventail de conditions de marché du travail d'un bout à l'autre du pays, c'est- à-dire des villes présentant des milieux de travail, des disciplines et des domaines différents qui nous fourniront un bon échantillonnage d'employés et d'employeurs et de leur genre de travail pour nous permettre une analyse plus précise. La Commission d'assurance-emploi fera ses propres recherches pour voir comment les individus, les employeurs, les localités et les économies locales s'adaptent à la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi. Nous examinerons ces résultats chaque année. Des sondages effectués auprès des individus, des employeurs et des représentants des localités fourniront une troisième méthode de surveillance.

Ces processus nous donneront la rétroaction nécessaire pour ajuster le programme s'il est démontré que nous devons le faire. L'engagement à surveiller l'impact de l'assurance-emploi constitue encore un autre exemple de la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre un système qui soit équitable et efficace dans tous les sens du terme.

[Français]

Il me fait plaisir de participer et surtout de parler en faveur des travailleurs saisonniers qui, auparavant, ne bénéficiaient pas pleinement du système d'assurance-chômage, tel qu'il avait été institué. Il y avait plusieurs personnes qui travaillaient de longues heures, mais pendant de courtes périodes. À ce moment-là, c'était le nombre de semaines qui leur manquait. Mais ce nouveau projet de loi de l'assurance-emploi sert justement à rectifier ce sérieux problème, puisqu'à compter du 1er juillet, qui est la date d'implantation de cette nouvelle loi, toutes les heures travaillées compteront pour son assurance-chômage. Cela sera bénéfique pour quelque 270 000 Canadiens. Il est extrêmement important que cette statistique soit bien véhiculée dans cette Chambre.

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier la députée de Mercier, les députés de Lévis et de Kamouraska-Rivière-du-Loup de l'excellent travail qu'ils ont accompli. Je pense que jamais, depuis deux ans et demi, on a mis autant de travail sur un projet de loi. On a mis sûrement énormément de travail sur d'autres projets de loi, mais sur celui-ci particulièrement. Il y a deux raisons spéciales à cela: premièrement, car cela concerne toute la population, de l'est à l'ouest, et en particulier le Québec; et, deuxièmement, c'est que le projet de loi C-12 s'attaque directement aux plus pauvres, aux plus démunis.

À ce moment-là, le Bloc québécois a mis toutes les énergies possibles et à fait appel à la raison du gouvernement. On a soumis des arguments valables. Je ne les citerai pas tous, on les a donnés maintes fois. On a prouvé que ce n'était pas une bonne réforme. Aujourd'hui, je voudrais faire appel au coeur des députés, j'espère qu'ils en ont encore un peu. En démocratie, les élus représentent le peuple. Or, le peuple est descendu dans la rue.

(1605)

Le peuple ne demandait pas des réformettes, il demandait le retrait complet de cette assurance qu'on appelle assurance-emploi. Celles et ceux qui sont sortis dans la rue, ce ne sont pas des buveurs de bière, ce ne sont pas des agitateurs professionnels, ce ne sont surtout pas des lâches. Au contraire, ce sont des gens responsables. Ce sont surtout des gens qui veulent travailler mais qui n'ont pas de


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travail à longueur d'année. Ce sont d'excellents citoyens et citoyennes. Il y en a qui, de mon comté ou d'ailleurs, connaissent Nelson Pilote, de Saint-Alexandre-des-Lacs, qui est un travailleur sylvicole. À 4 heures du matin, l'été, il se lève, s'en va en forêt, prend sa scie mécanique jusqu'à 5 heures ou 6 heures le soir. Il trime dur. Il a une belle famille, cinq enfants, de jeunes enfants.

Quand il reçoit des prestations d'assurance-chômage dont les cotisations sont payées par lui et son employeur, il ne travaille pas au noir. Savez-vous ce qu'il fait? Du bénévolat. Il entraîne des joueurs de hockey, ou dans plusieurs autres sports. Il leur montre à jouer et il leur donne le goût de vivre. Il n'est pas forcément un partisan péquiste ou souverainiste, mais c'est quelqu'un qui a du coeur et c'est quelqu'un qui veut vivre décemment.

À Amqui, il a réuni, pas seul bien sûr, quelques syndicats étaient avec lui, 5 000 personnes. Ce que ces 5 000 personnes réclamaient c'est le retrait du projet de loi C-12 à l'étude aujourd'hui.

De plus, j'ai un ami qui est évêque à Gaspé. Il ne fait pas de politique lui non plus. Il est allé également avec des travailleurs et des travailleuses réclamer le retrait de ce projet de loi, parce qu'il défendait ses diocésains et ses diocésaines parce qu'à Gaspé comme à Matane, comme à Mont-Joli, comme à Amqui, des personnes veulent travailler, mais ce n'est pas si simple que ça. Vous viendrez créer des emplois chez nous, vous allez voir que c'est plus compliqué qu'on le pense.

Vous savez également que les emplois en foresterie sont les moins dispendieux à créer. Le gouvernement canadien a coupé les subventions au Plan de l'Est, qui lui coûtait 6,5 millions par année, qui créait des emplois, de bons emplois. On a coupé. On veut également couper à l'institut Maurice-Lamontagne, là où on emploie des chercheurs qui font chaque année des découvertes qui sont transmises au monde entier.

Je me dis que ce gouvernement fédéral coupe l'aide des deux côtés: aux chercheurs qui créent de l'espoir chez nos jeunes et aux plus démunis, aux plus pauvres. Également aux femmes de nos régions, particulièrement du monde rural. Aux femmes qui travaillent de façon saisonnière, elles aussi auront de très gros problèmes. Aux travailleurs saisonniers et aux temps partiel également.

Je ne veux pas reprendre tous les arguments. Vous savez très bien que chez nous, un peu comme ailleurs au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, qu'il est presque impossible pour quelqu'un qui arrive sur le marché du travail d'accumuler 910 heures. Quelques-uns pourront, mais la plupart ne pourront pas.

Oui, je fais appel à mes collègues. Si nos arguments qui portaient directement sur la raison ne sont pas acceptés, j'espère que les arguments pourront toucher au moins leur coeur.

(1610)

Ce n'est pas facile pour des gens qui veulent travailler et qui n'auront plus droit à cette assurance-emploi que les gens, chez nous, appellent l'assurance-misère, parce que ça va conduire directement à la misère. Quelqu'un me disait: «Sais-tu que si cette assurance-emploi passe dans nos régions, ce sera pire pour les gens, dans quelques années, que ne l'a été la crise de 1930?». Ils vont aller bien sûr à l'aide sociale, mais ils ne veulent pas y aller; ils veulent travailler.

Vous savez, c'est très difficile pour le moral de celui qui doit demander des prestations d'aide sociale. Combien de pères de famille que j'ai connus qui, perdant leur emploi, ayant droit à l'assurance pendant un an et après, se cherchant un travail mais n'en trouvant pas, se sont trouvés complètement désespérés. Ce fut un drame familial. C'est extrêmement dur pour les enfants et à ce moment-là, c'est tout un problème de société. Ce n'est pas uniquement un problème d'individu, ce n'est pas uniquement un problème familial, c'est un problème de collectivité, de société.

C'est pour cela que je fais appel à mes collègues. Il reste encore quelque temps, ils peuvent toujours voter contre le projet de loi C-12. Je leur demande de tout coeur de penser aux gens de leur comté. Les gens de l'Atlantique sont sortis également. Comment se fait-il, si nous voulons représenter notre population dignement, qu'on n'écoute pas cette même population? Je trouve cela tragique.

Bien sûr, notre population peut se dire que si on ne l'écoute pas, dans deux ans, dans six mois, on pourra nous remplacer. Vous savez très bien, madame la Présidente, que pendant quatre ou cinq ans, un gouvernement au pouvoir peut faire des bêtises et vous savez qu'ils en ont fait, des bêtises. Ils sont en train d'en commettre une autre. Je crois que ce sera une des plus grandes bêtises, une aberration terrible, et celle-là, ce sont les travailleurs et les travailleuses, les jeunes, les femmes, autrement dit, les plus pauvres qui vont en subir les conséquences. Ce n'est pas uniquement l'individu, comme je le disais tantôt, ce sont les familles, les paroisses et la société toute entière. Quand des personnes apolitiques disent que cela n'a pas de bon sens, je demande à mes confrères d'en face de prendre cela au sérieux et de les écouter.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, à mon tour, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-12 pour donner un point de vue qui ressemble évidemment à celui de mes collègues et aussi à une bonne partie de la population de Témiscamingue. D'ailleurs, à ce sujet, samedi prochain, les gens vont manifester dans les rues de Rouyn-Noranda pour souligner leur désaccord avec le projet de loi actuel qui va frapper bon nombre de personnes de la société.

Il faut s'interroger. Ce projet de loi s'appelle la Loi sur l'assurance-emploi. C'est à la limite de la fausse représentation, parce que cela ne traite aucunement de l'emploi. On voulait changer le nom de l'ancien régime de l'assurance-chômage pour démontrer qu'on faisait une réforme avec du de contenu. Il y a deux façons de critiquer ce projet de loi. On peut critiquer ce qui s'y retrouve, mais aussi ce qui n'y se retrouve pas. D'entrée de jeu, personne ne peut s'opposer à ce qu'on modernise, qu'on adapte et qu'on ajuste nos programmes sociaux à la réalité des années 2000.


2265

J'aurai la chance de revenir, dans la deuxième partie de mon discours, pour parler de mesures qu'on aurait pu envisager de mettre dans ce projet de loi, qui aurait été une vraie réforme d'assurance-chômage dictée par d'autres motifs que ceux du ministre des Finances. Même encore là, c'est plus ou moins clair.

La première question que je me pose, c'est quel est l'objectif réel d'une telle réforme? On sait que l'an dernier, la Caisse de l'assurance-chômage, suite au premier coup de hache qui avait été donné dans les budgets de 1994-1995, a terminé l'année avec un surplus de cinq milliards de dollars.

(1615)

Il ne faut pas se tromper, ce n'est pas une caisse qui est dans une situation catastrophique. Il y a cinq milliards de revenus de plus qu'il n'y a de dépenses à l'assurance-chômage. Évidemment, il y a des gens qui diront qu'il y a eu des années où elle a fait des déficits. Si on regarde de façon cumulative, depuis sa création, telle qu'on la connaît aujourd'hui, la Caisse de l'assurance-chômage est dans une situation où elle a un surplus d'environ un milliard de dollars. Cette année en 1996, cinq autres milliards de dollars s'ajouteront à ce surplus.

On ne peut pas dire que la situation du régime d'assurance-chômage était catastrophique. Cependant, le ministre des Finances s'est assuré, par toutes sortes de mécanismes, de pouvoir récupérer ces surplus et de les utiliser pour réduire son déficit. La plupart de ses autres réformes ne donnant pas de résultats, exception faite de ses coupures aux paiements de transfert, pour aller chercher un certain montant de revenu pour réduire son déficit dans l'immédiat, le ministre décide d'utiliser le surplus de la Caisse de l'assurance-chômage.

Les gens n'ont pas le temps de suivre tous les programmes gouvernementaux à la loupe, mais la Caisse de l'assurance-chômage est soutenue par les cotisations des employeurs et des employés, pas par le gouvernement fédéral. Le ministre des Finances ne met pas d'argent du fonds consolidé là-dedans. C'est payé par les employés et les employeurs. Donc, finalement, utiliser ce surplus, c'est voler la Caisse de l'assurance-chômage, c'est faire en sorte qu'il y ait une taxe sur l'emploi. Si c'est ce qu'on veut faire, qu'on le dise. Qu'on réduise les cotisations et qu'on rajoute sur les talons de chèques de paye une taxe à l'emploi. Qu'on explique les vraies choses parce que c'est ça qui se passe.

On pourrait parler longtemps du surplus, mais je veux aussi parler d'une mesure, en particulier, qui va à contresens du courant dans lequel nous sommes. Beaucoup de gens s'interrogent sur le partage du marché du travail. Alors que beaucoup de gens font énormément d'heures supplémentaires, que de nombreuses personnes qui sont aptes à travailler n'arrivent pas à le faire, comment pourrait-on faire pour mieux partager le marché du travail? Cela ne se fera pas sans un certain nombre de gestes courageux que le gouvernement devra faire pour signaler clairement que c'est ce qu'il soutiendra.

Dans ce projet de loi, il y a une mesure qui va réduire le revenu maximum assurable de 42 000 $ à 39 000 $. Dans le concret, cela veut dire que lorsque les employés qui gagnent plus que ça feront des heures supplémentaires, l'employé et l'employeur, mais surtout l'employeur, ne paieront pas de cotisations à l'assurance-chômage.

Mettez-vous dans la peau d'un employeur. Vous avez du travail à faire faire et vous avez deux possibilités: engager un nouvel employé qui devra payer des cotisations à l'assurance-chômage, et pour lequel vous devrez aussi payer des cotisations, ou faire travailler quelqu'un qui est déjà là, pour lequel vous n'aurez plus à payer de cotisations pour le travail qu'il fera. Si les charges sociales des entreprises sont toutes définies de cette façon-là, le message est très clair, c'est: «Faites faire des heures supplémentaires, n'embauchez pas de personnel nouveau parce que c'est plus rentable».

L'objectif des gens d'affaires-c'est légitime, on les comprend-leur motivation, c'est le profit, la réalisation personnelle et tout ça. S'il n'y a pas d'encadrement plus clair, si on ne les aide pas à se discipliner un peu là-dessus, jamais d'eux-mêmes ils diront qu'ils sont prêts à partager le marché du travail. C'est notre responsabilité en tant que législateur de s'assurer de donner des orientations politiques qui correspondent à nos réalités.

Dans ce projet de loi, on aurait eu une bonne occasion de moduler les cotisation en sens inverse pour s'assurer que ce soit plus avantageux d'embaucher du nouveau personnel plutôt que de faire faire des heures supplémentaires, de façon excessive dans certains cas. Il faut comprendre qu'à moyen terme, les entreprises s'apercevraient que les employés qui font un peu moins d'heures sont moins fatigués, moins qu'il y a moins d'accident de travail, donc réduction des primes à la CSST et tout le reste. Mais pour cela il faut un signal, il faut quelque chose qui enclenche la roue et on ne l'a pas dans cette réforme.

(1620)

Je vous parlais de choses qui manquent dans ce projet de loi. Je me rappelle, lors du débat entourant l'accord de libre-échange-que j'ai souhaité, encouragé et auquel je crois beaucoup-on parlait beaucoup d'adaptations nécessaires par rapport à cela. On voit beaucoup dans l'actualité, depuis des mois, depuis quelques années, des mises à pied massives, des réductions d'emplois dans beaucoup d'entreprises. Ce sont souvent des gens qui occupaient le même emploi depuis 15, 20, 25 ans et qui se retrouvent aujourd'hui, dans la quarantaine ou dans la cinquantaine, sans emploi, ayant encore plusieurs bonnes années où ils peuvent être très productifs sur le marché du travail, ce qui les stimule aussi dans leur vie de tous les jours et qui fait qu'ils peuvent apporter une contribution aussi à la société.

Ces gens, qui ont occupé un emploi pendant longtemps et qui le perdent aujourd'hui, alors qu'on s'en va vers une nouvelle technologie, des choses de plus en plus spécifiques, pourquoi ne leur permet-on pas un traitement différent? Pourquoi n'envisage-t-on pas des programmes de formation ou de réadaptation beaucoup plus longs pour ces gens et ne leur consacre-t-on pas, si on veut, des périodes d'assurance-chômage beaucoup plus longues?

Je ne souhaite pas que le gouvernement fédéral mette en place lui-même les programmes de formation, loin de là. Ce qui manque aussi dans ce projet de loi, c'est d'avoir transféré ce champ au gouvernement du Québec, ou aux provinces qui le désirent, comme c'est le cas au Québec, lorsque le consensus est très clair, et qu'on permette par exemple une période d'admissibilité plus longue à l'assurance-chômage. Ce n'est pas toujours 25-30 semaines qui feront en sorte qu'on se recyclera du textile à l'informatique du jour au lendemain.


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Il faut être réaliste par rapport à cela et, encore une fois, rien dans ce projet de loi ne fait en sorte que notre régime d'assurance-chômage sera beaucoup plus adapté à la réalité qui nous mène vers les années 2000, c'est-à-dire beaucoup de changements d'emplois et souvent des drames humains pour des gens qui occupaient des emplois depuis longtemps et qui devront travailler dans de nouveaux secteurs. Donc, on ne retrouve rien non plus à cet égard dans ce projet de loi.

Dans la dernière minute et demie qui me reste, je veux revenir sur la formation de la main-d'oeuvre, parce que pour moi, il n'y a rien de plus frustrant que de voir quelqu'un qui vient dans mon bureau et qui me dit: «Je suis sans emploi, je voudrais suivre un cours. J'ai vu dans le journal qu'il y avait un cours qui était donné par l'assurance-chômage ou par un autre organisme.» Et là, je suis obligé de lui poser 56 000 questions: «Es-tu un prestataire d'assurance-chômage? L'as-tu déjà été? Est-ce que tu es sur l'aide sociale?» pour déterminer s'il sera admissible ou pas.

C'est le cas, parce qu'il y a deux gouvernements qui ont chacun leur propre structure, qui donnent leurs propres cours avec leurs propres critères. Le gouvernement fédéral a pour objectif, lui, évidemment, comme il gère l'assurance-chômage, de cibler les chômeurs. La priorité du gouvernement du Québec, lui qui gère l'aide sociale, est à l'endroit des assistés sociaux. Et les sans-revenu, eux, à travers tout cela, ne sont la priorité de personne.

Donc là, il y a un problème majeur, et tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un seul gouvernement responsable de cette situation, et au Québec, on a réglé cette question depuis longtemps, on a décidé que ce serait le gouvernement du Québec, mais ici, il y a des personnes qui ont la tête dure, comme on dit, et qui ont de la difficulté à comprendre ce message qui est très clair au Québec et qui a été répété au cours du dernier Sommet socio-économique.

Donc, pour toutes raisons, on ne peut pas appuyer ce genre de projet de loi, pas du tout, et je conclus en invitant les gens de ma région, de l'Abitibi-Témiscamingue, du comté de Témiscamingue, et particulièrement de Rouyn-Noranda-puisque samedi il y aura une manifestation-à venir s'y joindre et à dénoncer cette manipulation de la Caisse de l'assurance-chômage et ce projet de loi qui est une supposé réforme qui manque totalement de vision par rapport aux années 2000.

[Traduction]

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib.): Madame la Présidente, je me réjouis de pouvoir dire aujourd'hui quelques mots en faveur du projet de loi C-12.

Tout le monde ici conviendra, je crois, qu'il est absolument impensable de maintenir le statu quo. La modernisation de notre système d'assurance-emploi fait partie intégrante du programme de création d'emplois et de stimulation de la croissance de notre gouvernement.

Les changements que propose notre gouvernement témoignent de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne encore mieux dans notre économie à l'heure actuelle. L'assurance-emploi va continuer à assurer aux Canadiens la même protection fondamentale du revenu qu'offre le système actuel. Elle comporte aussi toute une série de nouvelles mesures d'emploi visant à aider les gens à se trouver plus vite un emploi. Bref, c'est un système conçu pour mieux répondre aux besoins des Canadiens.

Je tiens à parler surtout aujourd'hui de la façon dont ce projet de loi va influer sur les travailleurs saisonniers. Le projet de loi C-12 va faire que jusqu'à 500 000 travailleurs saisonniers ou à temps partiel qui n'étaient pas couverts conformément à l'ancien système seront désormais assurés. Environ 45 000 travailleurs saisonniers, qui n'ont actuellement pas droit à des prestations d'assurance-chômage même s'ils versent des cotisations, deviendront admissibles conformément au nouveau système fondé sur le nombre d'heures de travail accumulées. Quelque 270 000 travailleurs d'industries saisonnières auront droit à trois semaines de plus de prestations.

(1625)

Le projet de loi C-12 prévoit aussi un certain nombre d'importantes mesures en matière d'emploi, comme les subventions salariales, les suppléments de revenu, les initiatives de travail indépendant et les partenariats dans l'emploi.

Dans ma circonscription, Annapolis Valley-Hants, les travailleurs saisonniers représentent une très grande et très importante part de l'économie locale. Les travailleurs des industries saisonnières travaillent très fort. Si les députés s'entretenaient avec les personnes avec qui j'ai parlé dans ma circonscription, ils apprendraient que ces dernières ne demandent qu'à travailler toute l'année. Toutefois, la réalité est très différente dans bien des collectivités rurales. Bien qu'ils n'y soient pour rien, ces gens-là n'ont pas accès à des emplois à temps plein toute l'année.

J'ai eu l'occasion de rencontrer nombre de gens et de groupes dans ma circonscription pour discuter de cette question. Dans nos conversations, il est ressorti qu'ils s'inquiétaient beaucoup des effets des modifications sur les travailleurs des industries saisonnières. Ils m'ont demandé de transmettre leur message à Ottawa. Ils ont dit qu'en tant que gouvernement nous devions veiller à ce que les changements soient justes et ne visent pas d'une manière inéquitable les travailleurs des industries saisonnières.

À l'instar de nombre de mes collègues de la région de l'Atlantique, j'ai communiqué ce message au gouvernement. Je suis heureux que le ministre du Développement des ressources humaines ait écouté et répondu de manière positive à ces préoccupations légitimes. Le résultat final sera l'établissement d'un système à la fois juste et équilibré, un système qui permettra à davantage de travailleurs saisonniers de devenir admissibles plus rapidement à un nombre accru de semaines de prestations.

L'une des plus graves préoccupations que j'ai entendues ces dernières semaines, c'est la question de savoir comment le gouvernement va traiter les travailleurs dont l'emploi est entrecoupé de périodes où ils ne travaillent pas, c'est-à-dire les personnes qui travaillent de manière ininterrompue pendant un certain nombre de semaines, qui sont au chômage pendant quelques semaines, puis qui font encore quelques semaines de travail régulier.

Pour les électeurs d'Annapolis Valley-Hants, c'est un réel problème. Par exemple, le secteur de l'agriculture est le moteur de notre économie. Toutefois, pour une bonne partie de notre popula-


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tion, il s'ensuit qu'il y aura beaucoup de travail au printemps et à l'automne, mais des périodes d'inactivité dans les mois d'été.

J'ai également entendu des préoccupations semblables d'électeurs qui travaillent dans l'industrie de la pêche. Dans leur cas, moins le nombre de semaines consécutives de travail servant à calculer les prestations est élevé, plus leurs prestations risquent d'être basses. Le nombre de personnes touchées n'est pas négligeable. Il s'agit d'environ 35 p. 100 de tous les travailleurs qui demandent des prestations chaque année. Cela signifie que près de 850 000 Canadiens occupant irrégulièrement des emplois méritent la même protection contre les pertes d'emplois que ceux qui ont des emplois réguliers.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, la durée moyenne de la période à combler est de plus de trois semaines. Ce n'est donc pas juste pour ceux qui, sans que ce soit leur faute, n'ont pas occupé d'emploi régulier avant de se retrouver au chômage. Je suis heureux que le ministre ait adopté les recommandations du comité permanent et accepte de remonter jusqu'à 26 semaines pour trouver le nombre requis de semaines travaillées au moment du calcul du revenu moyen qui sert à déterminer le montant des prestations.

Cela permettra aux travailleurs d'avoir des prestations complètes même s'ils ont été entre deux emplois pendant des périodes de 4 à 12 semaines. Les prestations resteront fonction des revenus du prestataire au cours des 26 dernières semaines.

Le compromis que représente le maintien d'une période fixe de 26 semaines n'empêchera pas d'atteindre l'un des principaux objectifs du projet de loi. Cela accroîtra les incitatifs au travail tout en assurant un meilleur rapport entre les prestations versées et les gains normaux. La période de 26 semaines fera l'affaire des travailleurs ayant des emplois irréguliers dans toutes les régions du Canada et dans tous les secteurs, de l'agriculture jusqu'aux services.

(1630)

Beaucoup de travailleurs des industries saisonnières gagnent des revenus relativement modestes. De plus, il se peut qu'ils vivent dans des collectivités offrant peu de possibilités d'emploi ou qu'ils aient des compétences trop limitées pour accéder à des emplois mieux rémunérés. Je crois que le nouveau régime d'assurance-emploi sera mieux adapté à leurs besoins.

Le gouvernement a fait de grands efforts pour protéger les travailleurs à revenu modeste des secteurs saisonniers en mettant davantage à contribution les travailleurs gagnant de meilleurs salaires pour réaliser les économies essentielles à l'assurance-emploi. Les gens à faible revenu travaillant dans ces secteurs bénéficieront également d'un nouveau régime qui vise à aider les gens à trouver du travail, et qui crée des incitatifs pour qu'ils acceptent tous les emplois disponibles. C'est ainsi que chaque heure de travail effectuée sera un pas de plus vers l'admissibilité aux prestations.

Une des principales composantes de ce nouveau régime est le supplément de revenu familial. Comme son nom l'indique, ce supplément est ajouté aux prestations pour tenir compte de la situation particulière d'une famille donnée. Et grâce à ce supplément, le total des prestations pourra atteindre jusqu'à 80 p. 100 des gains assurables moyens. Dans tout le Canada, 350 000 prestataires vivant au sein de familles à faible revenu avec enfants auront droit au supplément. Bon nombre d'entre eux seront des travailleurs dans des secteurs saisonniers et des électeurs de ma circonscription. Dans les seules provinces de l'Atlantique, le supplément de revenu familial sera versé à 54 000 familles à faible revenu.

Grâce à l'intervention des membres du Comité permanent du développement des ressources humaines, je suis heureux de préciser que les personnes qui recevront le supplément de revenu familial ne seront pas assujetties à la règle sur l'intensité du travail. Je crois que cela s'inscrit dans la stratégie globale du gouvernement qui consiste à réorienter son aide financière vers les plus démunis. C'est la façon de faire des libéraux.

Ce ne sont là que quelques-uns des éléments positifs que comporte ce projet de loi. Je me réjouis de ce que cette mesure législative pallie à la situation particulière des travailleurs saisonniers. À mon avis, le projet de loi C-12 est bon pour les travailleurs saisonniers, bon pour les électeurs de la circonscription d'Annapolis Valley-Hants que je représente, et bon pour les Canadiens.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce soir, à savoir: L'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup-La formation de la main-d'oeuvre.

[Traduction]

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Madame la Présidente, je m'intéresse depuis longtemps aux aspects économiques de l'assurance-chômage.

J'ai été l'un des premiers universitaires au Canada à présenter des preuves montrant que le versement de prestations d'assurance-chômage généreuses faisait monter le taux de chômage.

Durant toutes les années d'après-guerre, jusqu'au début des années 70, les taux de chômage au Canada et aux États-Unis étaient pratiquement les mêmes. Ils n'ont jamais différé de plus de 0,5 p. 100. Cependant, en 1972, notre régime au Canada est devenu beaucoup plus généreux en ce qui concerne le montant versé aux chômeurs, par rapport à leur salaire, le nombre de semaines nécessaires pour devenir admissible et le nombre de semaines de prestations. Il est alors devenu l'un des plus généreux du monde.

On a effectué des études pour trouver les raisons qui expliquent les différences qui sont apparues entre les taux de chômage au Canada et aux États-Unis au début des années 70 et qui se sont accrues depuis pour se stabiliser maintenant entre 3 et 4 p. 100 environ. On ne peut expliquer ces différences par des différences dans la politique monétaire, la politique budgétaire, la politique de taux de change ou n'importe laquelle de ces mesures traditionnelles.

(1635)

Ce qui ressort le plus de ces tentatives pour expliquer ces différences, c'est la générosité de notre régime d'assurance-chômage. Cette générosité est responsable d'une baisse marquée de la production. L'établissement d'un système général est tout à fait louable. On ne peut rejeter tous les arguments que les députés bloquistes ont


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présentés. Plus le système est généreux, plus la situation des gens qui reçoivent cet argent est enviable.

En tant que personnes qui s'inquiètent du bien-être de tous les Canadiens, nous devons nous demander: Quelles sont les conséquences de ces prestations généreuses et de l'augmentation du taux de chômage qui en découle? À propos de cette générosité accrue, j'ai évalué que si nous avions maintenu les prestations à leur niveau de 1972, le taux d'emploi aurait été plus élevé de 3,5 p. 100. Quant à notre production nationale, elle le serait aussi de plus de 11 milliards de dollars.

Les impôts perçus sur ces 11 milliards de dollars supplémentaires représenteraient, à eux seuls, 3,5 milliards de dollars. Notre déficit serait considérablement réduit et des travailleurs actuellement sans emploi ne seraient plus chômeurs.

Quand on examine la réforme du régime d'assurance-chômage, il faut faire quelque chose en plus de ce que préconisent tous les députés bloquistes dans leurs discours. Si l'on réduit les prestations d'assurance-chômage, si l'on augmente ce qu'il en coûte d'être chômeur, on fait mal à certaines personnes, c'est vrai. Mais en faisant cela, on procure des avantages à l'ensemble des Canadiens. Le plus évident, c'est le fait que le taux de chômage sera moins élevé, que la production augmentera et que les recettes fiscales s'accroîtront.

Nous devons envisager des rajustements au régime actuel qui permettraient d'accroître la production et de réduire le chômage sans occasionner de coûts trop élevés. J'ai à proposer quatre mesures qu'une majorité de Canadiens accepteraient facilement et qui permettraient de réaliser ces gains.

La première et la plus évidente, c'est qu'on peut rendre le régime moins généreux. Les prestations maximales équivalent à 53 p. 100 de la rémunération offerte préalablement par notre système, et ce sont les prestations les plus élevées, ou presque, offertes dans tous les pays industrialisés. Cependant, la générosité du régime d'assurance-chômage dépend aussi de la facilité avec laquelle les travailleurs deviennent admissibles, de la durée des prestations, des industries qui sont visées, etc.

Il est intéressant de signaler que, ces dernières années, la générosité du régime a considérablement diminué. C'est l'une des conclusions à laquelle sont arrivés les participants à une conférence tenue récemment à Ottawa. Certains analystes pensent que le régime n'est peut-être pas plus généreux maintenant qu'il ne l'était avant la réforme de 1972.

Les niveaux d'avant 1972 ne sont pas nécessairement idéaux, et il faudrait aussi envisager d'autres façons de rendre le système moins généreux sans, et j'insiste là-dessus, causer de préjudices indus à ceux qui sont le plus dans le besoin.

La deuxième mesure que, à mon avis, les Canadiens accepteraient et qui serait très avantageuse, suppose un resserrement des mesures prévues pour les fraudes. J'ai toujours accueilli avec scepticisme les résultats de vérifications internes réalisées dans le cadre du régime et selon lesquelles les prestations obtenues frauduleusement représentent environ 1 p. 100 de toutes les prestations versées. Comment les enquêteurs ont-ils découvert des pratiques qui sont délibérément cachées? Qu'est-ce qui les pousse à montrer que leurs patrons politiques et bureaucratiques gèrent un système qui permet quantité de fraudes?

(1640)

Il existe des preuves selon lesquelles mon scepticisme pourrait être justifié. Dans une sorte d'expérience en sciences sociales, cinq États américains ont récemment mis sur pied des systèmes pour l'identification de gens qui font des demandes d'aide sociale. Il est difficile de contrefaire des cartes d'identité marquées de chiffres contrôlés par ordinateur. Selon une lettre parue dans le Globe and Mail du 8 avril 1996, on a constaté que le nombre de demandes frauduleuses représentait entre 8 et 15 p. 100 des allocations d'aide sociale.

J'ai une question inscrite au Feuilleton pour le ministre du Développement des ressources humaines. Dans les estimations de dépenses des comptes publics, j'ai découvert que, l'an dernier, le montant récupéré des fraudes de l'assurance-chômage a augmenté d'environ 3,5 p. 100, soit plusieurs millions de dollars.

J'ai demandé au ministre d'expliquer pourquoi, en un an, il y a eu une si forte hausse. Est-ce parce que de nouvelles mesures ont été prises? Quelle en était la cause? Ce n'est sûrement pas parce que les gens sont devenus soudainement plus frauduleux de 3,5 p.

La troisième mesure que je recommanderais est l'élimination de certains types d'abus. Je prends bien garde de ne pas les appeler des fraudes. J'ai dit abus.

Nous avons entendu des commissions scolaires au complet dire en avril que les enseignants et les autres employés de la commission scolaire seraient licenciés en juin après la fin des classes. Il en résulte que l'admissibilité à l'assurance-chômage est établie. En septembre, tous ces gens-là sont réengagés. C'est un abus. Cela n'a jamais été voulu.

Nous connaissons tous l'histoire que l'ancien ministre du Développement des ressources humaines nous sortait constamment. Les travailleurs de l'automobile négociaient tout le temps des contrats de travail comportant des dispositions sur les prestations d'assurance-chômage. Cela pourrait être rendu tout simplement illégal.

Enfin, à ceux qui suivent le débat et qui aimeraient avoir des explications plus détaillées, je peux dire qu'il existe des mesures qui permettent de réduire graduellement les abus que représente le transfert permanent dans des industries saisonnières.

Il est illogique pour les travailleurs canadiens des régions où le travail n'est pas saisonnier, dont certains sont pauvres, que les travailleurs saisonniers reçoivent chaque année six fois ce qu'ils versent en cotisations.

J'ai quelques idées sur la façon de procéder. J'ai un document sur la question. Écrivez-moi à la Chambre des communes pour l'obtenir.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-12.


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Ce projet de loi est l'aboutissement de deux années d'efforts où le gouvernement a, nous l'espérons, changé, clarifié et amélioré le système canadien d'assurance-chômage. Ce fut un long exercice.

C'est en décembre dernier que la population canadienne a pris connaissance de cette mesure législative pour la première fois. Certaines parties du projet de loi ont suscité beaucoup de colère dans des régions. Les députés et les travailleurs saisonniers, en particulier, ont été très contrariés par la méthode de calcul des prestations, ce qu'on a appelé l'écart. Ils ont également dénoncé la règle d'établissement de la moyenne, qui réduisait sensiblement les prestations, et la règle de l'intensité, qui pénalisait les travailleurs des industries saisonnières.

(1645)

Il est regrettable que nous ayons des hivers au Canada. Nous ne pratiquons ni la pêche ni l'agriculture pendant la saison hivernale. Nous n'avons pas beaucoup de tourisme non plus. Nous avons principalement des industries saisonnières, qui embauchent des travailleurs saisonniers. Ces travailleurs sont des permanents de l'industrie saisonnière. Une mesure qui les pénaliserait, comme le faisait le projet de loi en décembre dernier, les traiterait de façon très injuste.

Le nouveau ministre a entrepris de corriger la situation. Le ministre du Développement des ressources humaines vient d'une région où on pratique des activités saisonnières, notamment la pêche, l'exploitation forestière et minière, le tourisme, et d'autres activités semblables. La main-d'oeuvre du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard est en grande partie composée de travailleurs saisonniers. Dans ma circonscription, Egmont, près de 50 p. 100 de la main-d'oeuvre est saisonnière. Il aurait été injuste de pénaliser les travailleurs saisonniers, comme le faisait le projet de loi déposé en 1995. Le nouveau ministre l'a reconnu.

Le ministre et le Comité du développement des ressources humaines ont déployé beaucoup d'efforts pour améliorer le projet de loi. Ils y ont consacré de nombreuses heures. Beaucoup d'amendements ont été proposés par des députés de la région de l'Atlantique, mais également par des députés de l'Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique. Comme je le disais plus tôt, nous avons principalement des industries saisonnières, en raison surtout de notre géographie.

Je félicite le député de Fredericton-York-Sunbury, qui a consacré énormément d'énergie à corriger le projet de loi. Je tiens également à féliciter mon collègue, le député de Malpèque, qui est l'auteur d'une proposition d'amendement qui sera déposée plus tard et qui améliorera le projet de loi.

La principale lacune de l'ancien projet de loi était l'écart. Les travailleurs saisonniers qui faisaient une demande de prestations d'assurance-chômage devaient avoir travaillé pendant 14 semaines consécutives. Souvent, il n'y avait pas de travail du tout. Même les travailleurs qui se qualifiaient ne pouvaient pas obtenir de prestations parce qu'ils n'avaient pas travaillé pendant 14 semaines consécutives. À la limite, une personne pouvait avoir une semaine et n'avoir rien fait les 13 autres semaines. Le projet de loi initial était à ce point ridicule.

On a tendance à ignorer ou à oublier que ces parties du projet de loi ont soulevé beaucoup de contestation. Que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, au Québec ou en Ontario, les gens sont venus nous aider à apporter ces changements au projet de loi. J'étais heureux de voir qu'ils appuyaient les changements que nous proposions. Ils se sont assurés que nous tiendrions notre parole, que nous modifierions l'écart, la règle d'intensité et le dénominateur.

Une fois que l'emploi saisonnier prend fin, que ce soit en août ou en octobre, c'est de nouveau la règle des 26 semaines consécutives qui s'applique. Si les 14 semaines, ou les 12 semaines dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, entrent dans la période des 26 semaines, la personne peut alors toucher la totalité des prestations auxquelles elle a droit en fonction des cotisations qu'elle a faites.

(1650)

La vaste majorité des travailleurs saisonniers sont ainsi couverts. Seul un petit nombre échappera au système. Comme c'est le cas de toute nouvelle mesure législative, il y a toujours des améliorations à apporter. J'ai l'impression que, même s'ils ne sont pas prévus dans ce projet de loi, des changements pourront être apportés par la suite pour protéger les personnes qui échappent au système.

Une période d'adaptation d'un an pourra se révéler nécessaire dans le cas des personnes qui font une demande de prestations d'assurance-chômage en juillet. Si l'on prend le nombre de semaines de travail effectuées l'automne précédent, ajoutées au nombre de semaines de travail effectuées au printemps, les personnes qui font une demande de prestations d'assurance-chômage en juillet seront exclues. Il y aura une période d'adaptaion d'un an qui risque d'être difficile.

En ce qui concerne la règle d'intensité, la solution n'est pas parfaite. Toutefois, si nous avions des fonds à consacrer chaque fois que nous avons un problème, je suppose que nous ne pourions jamais nous débarrasser de notre dette et que nous n'arriverions jamais à maîtriser le déficit.

Nous devons rendre hommage au ministre qui a réussi à obtenir du cabinet les fonds pour couvrir les coûts que représentent l'écart, la règle d'intensité et celle du dénominateur. Quand nous additionnons le tout, c'est un demi-milliard de dollars supplémentaires qui ont été investis dans ce projet de loi le mois dernier.

En vertu de la nouvelle règle d'intensité, toute personne qui redemande des prestations d'assurance-chômage, alors que le revenu du ménage est de 26 000 $ ou moins, ne sera pas pénalisée. Selon les personnes à sa charge, cette personne pourrait avoir droit à un montant supplémentaire parce qu'elle a un revenu peu élevé. La personne qui a un revenu plus élevé sera pénalisée de 1 p. 100 par année, pendant cinq ans, ce qui fait qu'elle recevra de l'argent tout en étant pénalisée. Je crois qu'on devrait quand même reconnaître que, à notre époque, les gens qui gagnent 26 000 $ par année ne sont pas riches et ne devraient pas être pénalisés.

Le programme d'assurance-chômage n'a jamais été conçu pour aider les gens qui on tun revenu net de 60 000 $ ou 70 000 $. Avec la disposition de récupération, cette situation particulière sera corrigée. Ainsi, une personne pourra gagner jusqu'à 48 000 $ en cinq ans et rester admissible à l'assurance-chômage. Au-delà de cette somme, il ne sera pas possible d'en bénéficier. Je ne crois pas qu'on puisse contester l'équité de cette disposition particulière du projet de loi.


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Je sais qu'on pourrait dire beaucoup d'autres choses au sujet de cette mesure. Je tiens à féliciter encore une fois le comité pour son travail acharné, en particulier les députés de Malpèque et de Hillsborough, dans ma province, qui ont consacré beaucoup de temps à améliorer ce projet de loi.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux de parler au sujet des amendements que propose le Bloc québécois. Je suis heureux de parler à propos de ces amendements parce que j'ai toujours pensé qu'en politique, et particulièrement lorsqu'on parle des programmes sociaux, les mots ne sont pas innocents, les mots ne sont pas insignifiants.

Je ne pense pas que vous allez voir beaucoup, au cours de la présente législature, un terme aussi osé, un terme aussi inapproprié que celui que nous propose le gouvernement, quand il se permet, l'ego gonflé à l'hélium, avec les superlatifs et l'espèce de fierté artificielle dont il est capable, avec la force du poids, vous le savez, de vouloir nous proposer d'intituler un projet de loi comme celui qu'on nous propose aujourd'hui, ou qu'on nous propose déjà depuis un certain nombre de semaines, l'assurance-emploi.

Pouvez-vous imaginer que le Canada, qui, quand on regarde les statistiques, est un pays qui a le moins bien réussi à faire travailler les gens, qui est un pays aux prises avec un problème de pauvreté, vous le savez, le Conseil national du bien-être social nous le rappelait pas plus tard que le mois dernier en nous invitant à investir 15 milliards pour lutter contre la pauvreté, le Canada parle d'assurance-emploi.

Le gouvernement parle d'assurance-emploi avec un sans-gêne qui n'est pas acceptable sur le plan parlementaire. Ce que nous disons, c'est qu'on parlera d'assurance-emploi le jour où le gouvernement aura réussi à mettre en place les conditions pour créer de l'emploi.

(1655)

Et qu'est-ce que la réalité aujourd'hui? La réalité, c'est qu'il n'y a jamais eu autant de chômeurs. Il n'y a jamais eu autant de gens qui ont autant désiré travailler qu'en ce moment et nous en connaissons plusieurs dans nos comtés.

Chacun d'entre nous a une voix publique et représente des gens. Moi, je représente le comté d'Hochelaga-Maisonneuve. Le comté d'Hochelaga-Maisonneuve est un comté qui appartient à la région de Montréal et la région de Montréal a un taux de chômage de beaucoup supérieur à la moyenne nationale. Pourtant, aujourd'hui, on souhaiterait que le Bloc québécois soit de connivence dans ce subterfuge de confusion des mots. Mais nous sommes vigilants, nous savons ce que ça veut dire et nous n'acceptons pas de cautionner, d'accepter dans son intitulé même un projet de loi qui pourrait donner à penser que des conditions sont réunies pour créer de l'emploi. Nous ne l'acceptons pas et nous ne l'accepterons jamais, tant que nous serons vivants.

Regardons la prémisse sur laquelle s'est engagé le débat. Est-ce que le gouvernement a demandé au Comité du développement des ressources humaines de lui faire des suggestions pour le développement d'un certain nombre de stratégies qui auraient mené à la conduite ou à la réalisation du plein emploi avec ce que ça implique dans un régime où il y a deux niveaux de gouvernement? Ce n'est pas cela, la prémisse sur laquelle le débat s'est engagé. Le débat s'est engagé avec un ordre de coupures de l'ordre de 2,3 milliards de dollars. Nous ne pouvons pas oublier, lorsque nous analysons ce projet de loi, qu'il répond d'abord et avant tout à un objectif de rationalisation, qui est d'équilibrer les finances publiques. Bien sûr, on n'est pas contre le fait d'équilibrer les finances publiques, mais on n'est pas convaincu que cela doit se faire sur le dos des chômeurs.

On est en présence d'un gouvernement qui, avec une continuité assez détestable, il faut quand même le constater, s'est employé, au cours des dernières années-puisque les libéraux sont au pouvoir depuis bientôt trois ans-pour chacun des budgets successifs que le ministre des Finances a présenté en cette Chambre, à effectuer des coupures qui ont été adressées, portées à l'endroit des gens qui, dans notre société, ont besoin d'aide.

Vous savez combien la députée de Mercier a des idées à cet égard, combien les collègues qui ont travaillé avec elle au Comité du développement des ressources humaines ont des idées pour mettre les gens au travail. C'est de ça dont il faut se parler. Mais la prémisse à partir de laquelle on doit partir, ce n'est pas celle d'une épée de Damoclès, d'un fardeau de 2,3 milliards de dollars. Ce n'est pas cela qui va faire en sorte que nous allons pouvoir engager un débat fructueux, un débat à partir duquel on va réussir à mettre en place des conditions pour le plein emploi.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le rapport Fortin. J'ai eu l'occasion de le lire et on estime que depuis 1990-il faut que je sois honnête-les différentes atteintes qui ont été portées au régime d'assurance-chômage, atteintes qui ont limité l'accès au régime, ont exercé des pressions sur les finances publiques du Québec de l'ordre de un milliard de dollars. Ce n'est pas la députée de Mercier qui dit cela, ni le député d'Hochelaga-Maisonneuve ou le député de Verchères. C'est l'économiste Fortin, qui n'est pas connu pour ses sympathies à la souveraineté et qui n'est pas un militant du Bloc québécois, a déposé un rapport dans lequel il dit que les atteintes successives qui ont pris la forme de restrictions au régime d'assurance-chômage ont exercé des pressions telles sur les finances publiques du Québec que le gouvernement du Québec a été mis en instance de dégager un milliard de dollars additionnels.

Qu'est-ce qui se passe? C'est étonnant que ce gouvernement ne le comprenne pas. Non seulement, il refuse d'engager le débat sur la véritable question qui est de savoir comment on peut, dans les conditions de l'an 2000 et de l'an 2005, créer des emplois, mais comment est-ce que l'on peut mettre en oeuvre les conditions d'atteinte du plein-emploi? Il y a certains pays qui y sont arrivés.

(1700)

Évidemment, vous allez me dire que ce ne sont pas des pays continentaux; c'est vrai. Ce ne sont pas des pays qui ont l'oekoumène du Canada; c'est vrai. Ce ne sont pas des pays qui ont deux paliers de gouvernement qui s'obstruent les uns les autres; c'est vrai. Mais la question qui demeure, c'est que le véritable problème auquel nous sommes tous confrontés, dans chacun de nos comtés, que l'on soit dans la belle région du Bas-du-fleuve, où peut-être envisagez-vous vous-même de passer vos vacances, ou que l'on soit dans le comté de la ministre de l'Immigration, ou que l'on ait les pieds dans Hochelaga-Maisonneuve, il y a un fait qui demeure, c'est qu'il y a des gens qui sont à la recherche d'emplois. Et qu'est-ce qu'on leur propose quand on est dans ce gouvernement? On peut bien opiner du bonnet discrètement, mais le fait demeure qu'il n'y a pas de solution proposée pour la création d'emplois par l'actuel projet de loi qui est mis sur la table.


2271

Je le répète, ce qui suscite l'indignation de l'opposition, c'est qu'il aurait d'abord dû y avoir un débat sur la façon dont nous voulons réformer les programmes sociaux, bien sûr, sur les conditions qui doivent être réunies pour créer des emplois, mais, je le répète, pas avec une épée, pas avec le fardeau avec lequel a dû vivre le Comité permanent du développement des ressources humaines, qui est une coupure de l'ordre de deux milliards en préalable. Ce n'est pas à la fin de l'exercice.

C'est un peu comme si un chef d'entreprise décidait d'évaluer quelles seront les ressources humaines dont il aura besoin dans les prochaines années, mais qu'on lui disait: Là, tu as un fardeau de 250 millions avec lequel tu dois composer en taxes et impôts de toutes sortes.

Il y a eu un vice de forme dans l'exercice auquel on s'est livré, et parce que ce vice de forme est entier, l'opposition officielle ne pourra pas accepter que, dans son intitulé même, on puisse confondre la population et donner à penser qu'il y a dans ce projet de loi des mesures qui seront favorables à l'emploi.

Parlons-nous de la philosophie. Vous aimez ça, vous, la philosophie, madame la Présidente! Parlons-nous de la philosophie qui sous-tend le projet de loi. Pensez-vous qu'on est dans un contexte où on s'est préoccupé du fait qu'il y a des gens de bonne foi qui sont à la recherche d'emploi? Comment pouvez-vous expliquer que l'on se soit acharné avec un sans-gêne inqualifiable, que l'on se soit acharné auprès des chômeurs dits fréquents, comme si dans la vie c'était un plan de carrière que, de propos délibérés, les gens, au cours des cinq dernières années, avaient choisi comme ça, pour le simple plaisir d'inscrire sur leur curriculum vitae: «J'ai bénéficié de prestations d'assurance-chômage deux fois, trois fois ou quatre fois»?

À quelle logique correspond cette idée de vouloir pénaliser les gens parce qu'ils ont été utilisateurs d'un programme qu'ils ont financé sans le gouvernement? Il n'y a pas une personne qui nous écoute qui ne doit pas savoir que, depuis 1992, le gouvernement s'est retiré du financement du compte de l'assurance-chômage.

Imaginez le paradoxe. On veut limiter l'accès aux gens; on leur dit: «Si vous êtes des chômeurs fréquents, si vous avez eu, vous, l'audace dans la vie d'utiliser, au cours des cinq dernières années de référence, l'assurance-chômage pendant plus de 20 semaines, eh bien là, grand mal vous en prit. Et en raison de chaque multiple de vingt, on va diminuer de 1 p. 100 les prestations auxquelles vous avez droit.»

Vous m'indiquez que mon temps se termine, mais sachez que j'ai encore un potentiel d'indignation pas mal grand et que j'espère de prendre la parole à nouveau.

[Traduction]

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir, cet après-midi, parler brièvement du projet de loi C-12 qui propose la création d'un régime d'assurance-emploi au Canada.

Je participe aux efforts de modernisation et de réforme du Régime d'assurance-chômage depuis 12 ans environ. De 1984 à 1988, j'ai été fonctionnaire au ministère qui a précédé le ministère du Développement des ressource humaines et je travaillais alors au service chargé de la réforme de l'assurance-chômage; depuis huit ans maintenant, en ma qualité de député représentant une circonscription où l'assurance-chômage constitue une part importante de l'économie, je participe à un titre ou à un autre aux efforts de réforme du Régime d'assurance-chômage et aux changements qui ont été apportés à ce régime durant cette période.

(1705)

Tout récemment, à titre de président du Comité du développement des ressources humaines, j'ai parcouru le pays pour prendre le pouls des Canadiens quant à la réforme du système de sécurité sociale du Canada. Cela m'a donné l'occasion de parler à de nombreux Canadiens de la nécessité de cette réforme et de l'orientation qu'il fallait lui donner.

Le projet de loi C-12 a été étudié en profondeur par le gouvernement du Canada, les ministres responsables, tant actuels que précédents, et les députés à la Chambre, surtout les membres du Comité permanent du développement des ressources humaines. Il représente un grand pas en avant dans cette tâche ardue qu'est la réforme du régime qui protège les Canadiens contre le chômage, leur assure un appui au besoin et crée des conditions propices à la stabilité et à la sécurité de l'emploi dans un monde en pleine effervescence.

Bien qu'il tienne compte des nombreux changements qui nous assaillent, le projet de loi sur l'assurance-emploi ne crée pas le régime d'assurance-emploi entièrement nouveau qui nous permettra d'affronter tous nos problèmes au XXIe siècle; cependant, il représente une amélioration et une modernisation notables par rapport au Régime actuel d'assurance-chômage. Je voudrais soulever brièvement quelques points importants au sujet de cette mesure législative.

En se basant sur les heures et non les semaines, le nouveau régime d'assurance-emploi sera beaucoup plus souple et permettra l'accès à des prestations beaucoup plus facilement que par le passé, compte tenu de l'état actuel du marché du travail. Il sera plus juste pour les travailleurs saisonniers qui, souvent, ont des semaines de travail très intense pendant une courte période de l'année, mais qui, s'ils n'obtiennent pas leur 12, 13 ou 14 semaines de travail, n'obtiennent pas droit à l'assurance-chômage, en dépit des longues heures pendant ces semaines de travail.

En modifiant la formule et en l'exprimant en heures, on donne aux travailleurs saisonniers un accès plus facile et en une période de temps plus courte. Cela permet également aux travailleurs qui ne peuvent obtenir qu'un travail à temps partiel d'accumuler des droits tout de même, alors que précédemment si l'on n'avait pas 15 heures de travail dans la semaine, on n'avait pas droit à l'assurance-chômage.

C'est un système amélioré parce qu'il accorde une couverture beaucoup plus vaste à la population active. Le nouveau régime couvre toutes les heures de travail et pas seulement celles des personnes qui travaillent un minimum de 15 heures par semaine. En


2272

donnant une couverture plus large, on donne un meilleur accès aux prestations de l'assurance-emploi non seulement sous forme de revenu, mais également sous forme d'outils de réemploi qui font également partie de la mesure législative.

Actuellement, ces outils de réemploi ne sont accessibles qu'aux gens qui touchent des prestations d'assurance-chômage. Cela a créé beaucoup de confusion dans les régions où les gens voudraient profiter de programmes de formation, mais n'ont pas droit à l'assurance-chômage, ce qui fait qu'ils ne peuvent suivre de cours. En vertu du nouveau système, ces avantages seront accessibles plus facilement. On donnera un appui plus grand à ceux qui profitent de ces outils et reprennent le travail.

(1710)

Ce nouveau système introduit la notion d'accumulation des droits. C'est un encouragement très puissant pour garder des emplois stables à long terme dans les parties du Canada où les emplois sont plus difficiles à créer.

La notion d'accumulation des droits figure à plusieurs endroits dans ce projet de loi. Cela commence avec l'utilisation des heures traaillées plutôt que des semaines, comme unité comptable. La règle de l'intensité est un amendement très astucieux proposé par le député d'Etobicoke-Lakeshore. Les gens qui sont des utilisateurs à répétition et qui auraient vu le montant de leurs prestations réduit sous l'effet de la règle de l'intensité pourront effectuer un plus grand nombre d'heures en prévision de la période où ils seront au chômage afin de rétablir leur droit aux prestations et retarder ainsi l'application de la règle de l'intensité.

Bon nombre d'éléments de ce programme intéressent plus particulièrement les travailleurs à faible revenu. Le projet de loi leur offrira la possibilité de toucher plus que l'équivalent de 55 ou 57 p. 100 de leurs revenus. Grâce au supplément de revenu familial, une des mesures inscrites dans le nouveau régime d'assurance-emploi, les travailleurs à faible revenu pourront toucher une partie plus importante des revenus remplacés. C'est une des mesures progressistes du régime.

Enfin, le nouveau système tient compte des particularités régionales et reconnaît le fait qu'il est plus difficile de trouver du travail dans certaines régions que dans d'autres. Les modalités d'application du régime varient d'une région à l'autre. L'objectif fondamental de cette mesure législative est d'établir des conditions propices à la création d'emplois, surtout dans les régions où les possibilités d'emploi sont plus rares.

Le régime d'assurance-chômage ne saurait être une barrière ou un obstacle à la création d'emplois. S'il est tel, si tels sont ses résultats, alors nous nous faisons tort à nous-mêmes. Nos objectifs se contredisent et nous ne suscitons pas le climat que les Canadiens souhaitent et dont ils ont besoin pour trouver les emplois qui commanderont des revenus dignes du XXIe siècle. C'est pourquoi ce régime se veut une importante amélioration à l'actuel régime d'assurance-chômage.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'aborder ce sujet très important pour tout le monde, le projet de loi C-12, pour appuyer les amendements proposés par le Bloc québécois. J'aimerais profiter de cette occasion pour féliciter les trois collègues du Bloc québécois qui mènent ce dossier d'une façon extraordinaire, notre collègue la députée de Mercier, notre collègue le député de Lévis et notre collègue le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup.

C'est connu partout au Canada, partout au Québec, quand je rencontre le monde ordinaire, les syndicats, tous félicitent le Bloc québécois pour le travail extraordinaire qu'il a accompli dans ce dossier très important. Quand je rencontre les syndicats au sein desquels j'ai travaillé pendant 19 ans, ils sont fiers du travail accompli par notre formation politique.

Il va sans dire que je m'oppose vigoureusement à ce projet de loi régressif, discriminatoire, anti-emploi, anti-travailleurs, anti-syndicats. Je ne trouve pas les mots pour le qualifier. Je m'étonne que le gouvernement reste totalement insensible aux manifestations populaires et à ce potentiel d'indignation qui a été mentionné tantôt par mon collègue de Hochelaga-Maisonneuve.

(1715)

Je pense qu'on n'a pas encore connu tout le potentiel d'indignation et de révolte du peuple canadien et québécois à l'égard de ce projet de loi qui prévoit des compressions sans précédent dans la couverture du régime d'assurance-chômage au Canada.

Hier, ce projet de loi a été qualifié de vol organisé, parce qu'il prévoit un resserrement des normes d'admissibilité, la réduction de la période de prestations, la réduction des taux de prestations et, à un autre moment aussi, on a vu les augmentations des sanctions en cas d'infraction à ce projet de loi. Nous savons, par exemple, que les départs volontaires, au début, n'étaient pas pénalisés comme ils le sont aujourd'hui. Aujourd'hui, quiconque quitte son emploi de façon volontaire est sévèrement pénalisé par la Loi sur l'assurance-chômage.

Cette année est l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté décrétée par les Nations Unies et je ne connais aucune initiative de ce gouvernement pour lutter contre la pauvreté au Canada et au Québec. C'est le contraire qui se produit. La pauvreté s'accentue rapidement dans la plupart des secteurs de la société, parce que je crois que le gouvernement n'a tendance qu'à écouter les entreprises. Ce projet de loi est plutôt créateur de pauvreté.

Dans mon comté de Bourassa, le taux de chômage réel représente environ un tiers de la population. C'est un taux beaucoup plus élevé qu'au Canada, beaucoup plus élevé que dans l'ensemble du Québec et de l'île de Montréal. Parfois, je me demande s'il ne serait pas mieux que la gestion et l'administration de la Caisse de l'assurance-chômage soient confiées à d'autres organismes.

J'ai vécu trois ans en Belgique où le système d'assurance-chômage est administré et géré par les syndicats. Ça ne coûte rien à l'État. Les prestations sont beaucoup plus élevées et la durée des prestations est beaucoup plus étendue qu'ici, au Canada. Je vois qu'au


2273

Canada, on pourrait au moins confier une partie de l'administration aux entreprises et aux syndicats, parce que ce sont les employeurs et les travailleurs qui cotisent à la Caisse de l'assurance-chômage.

Le gouvernement, depuis 1990, ne cotise pas un sou à la Caisse de l'assurance-chômage. Par contre, il profite des excédents aujourd'hui de plus cinq milliards de dollars pour solutionner son problème de déficit. Je crois que la tendance que je perçois aujourd'hui dans le domaine de l'assurance-chômage est celle de couper, de s'aligner par rapport aux États-Unis, qui a un système encore moins généreux que celui du Canada ou d'autres pays qui ont déjà adhéré à l'ALENA.

Je pense que c'est très important que ce projet de loi ne soit pas adopté. Hier, c'était le 1er mai, la Fête internationale des travailleurs, mais je vous dis que partout au Canada, et même au monde, l'esprit n'était pas à la fête.

Ainsi, à Sainte-Thérèse, une compagnie vient de fermer, la compagnie Kenworth: 900 emplois perdus. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral a fait? Rien. Par contre, le gouvernement du Québec est prêt à apporter une aide financière à cette compagnie, une aide financière pour moderniser l'usine de Sainte-Thérèse et pour organiser le programme de formation professionnelle pour ces employés.

Le syndicat, le TCA, est prêt à signer une convention collective et à décréter une paix sociale pour au moins cinq ans.

(1720)

Je profite de cette occasion pour rendre hommage aux centrales syndicales au Québec, au CTC et à tous les syndicats pour le travail extraordinaire qu'ils ont accompli également dans ce dossier de l'assurance-chômage.

Hier, naturellement, les gens se sont élevés contre ce projet de loi. Ils sont furieux contre ce gouvernement qui ne fait que des coupures partout, dans tous les programmes sociaux et particulièrement dans le domaine de l'assurance-chômage. Ce projet de loi C-12 est particulièrement désavantageux pour les travailleurs à temps partiel. Dans les emplois à temps partiel les femmes sont prédominantes; 69 p. 100 des employés à temps partiel travaillant moins de 35 heures par semaine sont des femmes.

C'est un projet discriminatoire envers les femmes. Je suis satisfait que les femmes au Canada réagissent à cette réalité, comme elles l'ont fait l'année dernière au Québec. Elles vont organiser une marche qui viendra de Vancouver et des provinces Atlantiques. Elle commencera le 14 mai à Vancouver et le 19 mai à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. Elles seront ici, à Ottawa, sur la Colline parlementaire, le 15 juin, et je pense que tous les députés du Bloc québécois seront là pour appuyer les demandes légitimes des femmes: la hausse du salaire minimum, la survie des programmes sociaux, le financement pour les garderies.

Ce projet de loi C-12 est également discriminatoire contre les immigrants. Vous savez, les immigrants, parfois, lorsqu'ils viennent ici avec un permis de travail temporaire, n'ont pas droit à l'assurance-chômage parce qu'ils ne sont pas des résidants canadiens. Mais ceux qui viennent d'arriver comme immigrants doivent travailler 910 heures pour avoir droit à l'assurance-chômage et non pas 300 heures comme avant, bien que ce soient des gens qui veulent travailler.

Pour toutes ces raisons, je m'oppose fermement à ce projet de loi et je demande au gouvernement de déclarer la guerre au chômage et non pas aux chômeurs, comme il le fait actuellement.

[Traduction]

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir à la Chambre aujourd'hui au sujet des réformes apportées au programme d'assurance-chômage et de l'élaboration du nouveau programme d'assurance-emploi.

Il serait opportun de rappeler que cette réforme est fondée sur les grands principes auxquels le gouvernement adhère, avec raison. Sans doute, le meilleur programme de sécurité sociale que les Canadiens peuvent avoir, c'est le travail. Nous devons toujours garder cela en tête. Au bout du compte, la meilleure façon de garantir la sécurité des Canadiens consiste à leur garantir des emplois.

Nous devons reconnaître, et les habitants de ma région rurale le font certainement, c'est que nous devons créer un environnement qui encourage les petites entreprises à générer de la richesse et des emplois.

Ce programme va un peu plus loin encore. Le programme d'assurance-emploi renferme des mesures proactives pour favoriser la création d'emplois. Ces mesures proactives sont les subventions salariales, l'aide à l'activité indépendante, qui, dans ma circonscription, Parry Sound-Muskoka, donne d'excellents résultats, les suppléments de rémunération et, bien sûr, les partenariats aux fins de création d'emplois.

Ces partenariats revêtent une importance spéciale dans une circonscription rurale comme la mienne, où nous devons composer avec la nécessité de permettre à ceux qui sont temporairement au chômage d'acquérir de l'expérience et l'application de programmes qui favorisent le développement économique de nos collectivités.

(1725)

Donner l'occasion d'acquérir de l'expérience tout en travaillant à des projets qui aident à promouvoir le développement de l'économie d'une région rurale du Canada, comme de toutes les régions du Canada, représente un excellent moyen de préserver l'aide aux chômeurs. En même temps, on crée une infrastructure et un environnement où il est possible de créer des emplois durables et où les gens vont décrocher des emplois durables.

En examinant les réformes apportées au programme d'assurance-chômage, nous avons notamment constaté que la situation est aujourd'hui, en 1996, fort différente de ce qu'elle était il y a 30 ans. La plupart des emplois créés à l'époque étaient de nature temporaire ou cyclique, car on pouvait se retrouver au chômage pendant deux, trois ou quatre mois par suite d'une baisse passagère de la demande.

Depuis, les choses ont considérablement changé. Aujourd'hui, le chômage résulte en grande partie non pas d'une baisse provisoire de la demande, mais de la disparition d'un secteur industriel ou de tel ou tel emploi.

2274

Un programme d'assurance-emploi bien géré vise beaucoup plus qu'à soutenir le revenu. Il doit viser à créer des emplois durables. Il y contribue certes bien évidemment en influant sur l'infrastructure et en aidant les localités à se fixer des objectifs de développement économique à long terme.

Le programme concerne directement les petites entreprises de Parry Sound-Muskoka, ma circonscription, et est responsable de la création de tous nos emplois ou presque. Il est responsable de la création de la plupart des emplois dans tout le Canada.

Il importe de comprendre que les éléments de ce programme de réforme vont aider les petits entrepreneurs, hommes et femmes, qui s'efforcent chaque jour de créer de la richesse et des emplois pour mes électeurs. Si l'on veut prévoir un excédent de la caisse d'assurance-emploi, c'est seulement afin de pouvoir avoir un taux stable de cotisation et d'éviter une récession.

Il y a au moins un économiste à la Chambre à l'heure actuelle qui sait pertinemment que la chose à ne pas faire en période de récession est d'accroître les cotisations afin de pouvoir répondre à la demande accrue de prestations d'assurance-chômage.

Le plus logique est de s'assurer que nous avons un excédent afin que, en période de ralentissement économique et de demande accrue, nous n'ayons pas à exacerber cette demande en haussant les cotisations de l'assurance-chômage. C'est arrivé au cours de la dernière récession.

Nous venons aussi en aide aux propriétaires de petite entreprise avec un certain nombre de mesures qui sont associées à ce régime. Nous avons un système beaucoup plus simple. Les propriétaires de petite entreprise éprouvent à juste titre un grand sentiment de frustration lorsqu'ils doivent passer plus de temps à remplir des formulaires et à respecter des règlements qu'à faire ce qu'ils font de mieux, à savoir créer de la richesse et des emplois en accomplissant leur travail.

Ce programme, et notamment la conversion d'un taux hebdomadaire à un taux horaire, réduit considérablement les frais d'administration des petites entreprises. C'est là une mesure très positive.

Le taux de cotisation des entreprises a baissé. C'est une autre mesure positive. Les taxes de ce genre suppriment des emplois. Il est bon que nous puissions modifier ce taux étant donné que toute cette idée de taux maximum de rémunération assurable va réduire les impôts des petites entreprise.

Ce que nous voulons faire avec cette réforme est clair. Nous reconnaissons tout à fait que le monde des années 90 n'est pas celui des années 60. Il ne s'agit pas seulement de soutenir le revenu, quoique cela soit très important. Ce programme prévoit cela. Il vise aussi à assurer la création d'emplois durables.

Pour cela, nous mettons un certain nombre d'outils à la disposition des travailleurs. Le comité a eu l'occasion d'examiner ces outils et nous avons dit maintes fois à la Chambre à quel point ces initiatives sont positives. Elles vont aider les travailleurs à acquérir des compétences et de l'expérience, car ils doivent accéder à des domaines où les emplois sont vraiment durables à long terme. Par ailleurs, nous avons créé un climat économique qui permettra à la petite entreprise de créer de la richesse et les emplois dont les chômeurs ont besoin.

Cette réforme est excellente. Les membres du Comité permanent du développement des ressources humaines ont travaillé dur sur ce projet de loi ces deux derniers mois. Je les en félicite et je suis impatient de voir le projet de loi adopté par la Chambre.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


2274

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

L'ÉGALITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL

M. Ted White (North Vancouver, Réf.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer l'élimination du paragraphe 15(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui est contraire au principe de l'égalité énoncé au paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés, et que le gouvernement devrait favoriser l'égalité en milieu de travail en mettant fin aux programmes d'embauche discriminatoire qui sont le résultat de l'application de la notion de promotion sociale du paragraphe 15(2).
-Madame la Présidente, cette motion n'a pas été retenue pour faire l'objet d'un vote. Cela signifie que nous dépenserons environ 125 000 $ l'heure, sinon plus, pour en discuter à la Chambre, mais que les députés ne pourront pas voter à l'issue de l'exercice.

J'ai déjà essayé sans succès de convaincre les députés libéraux de corriger ce simulacre de principes démocratiques. Même si je ne m'attends pas à une réaction différente cette fois-ci, je vais demander le consentement unanime de la Chambre pour que la motion puisse faire l'objet d'un vote.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-ce que nous avons le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: Non.

[Traduction]

M. White (North Vancouver): Madame la Présidente, encore une fois, les libéraux tolérants, bienveillants et reconnus pour leur rectitude politique ont refusé la pierre angulaire de la démocratie, le droit de vote. En fait, je suis certain qu'ils souhaiteraient pouvoir censurer complètement cette motion. Je suis absolument sûr que certains d'entre eux supprimeraient la liberté d'expression à cet endroit s'ils le pouvaient.


2275

La plupart des députés libéraux en face critiqueront cette motion en disant qu'elle ne respecte pas les objectifs de principes comme l'équité en matière d'emploi. Ce sont souvent ceux qui appuient les mesures d'action positive qui sont les véritables promoteurs de pratiques discriminatoires dans la société canadienne. Ils évitent régulièrement de rendre des comptes et de reconnaître la nécessité de discuter intelligemment de questions comme la discrimination et la justice, préférant crier au racisme, à l'intolérance et à l'extrémisme. Ils ont des idées tellement arrêtées qu'ils sont incapables d'évaluer les préjudices que certaines de leurs programmes ont causés à la société.

Le paragraphe 15(2) de la Constitution en est un excellent exemple. Voyons tout d'abord brièvement le paragraphe 15(1). Il est ainsi libellé: «La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.»

Jusqu'ici, tout va bien. Le paragraphe 15(1) énonce un principe juridique qui est fondamentalement valable. Nous sommes tous égaux et nous devrions avoir droit à une protection égale contre la discrimination, en vertu de la législation canadienne. Même les députés qui sont aux prises avec un problème de verticalité et qui ont un accent néo-zélandais comme moi sont protégés contre la discrimination en vertu du paragraphe 15(1). Les auteurs de l'article 15 auraient dû s'en tenir à cela.

Les pourvoyeurs de la rectitude politique et de la sociologie appliquée ne pouvaient en rester là. Dans leur empressement à rendre certains Canadiens plus égaux que d'autres, dans leurs efforts malencontreux pour corriger des préjudices depuis longtemps révolus, ils ont pondu le paragraphe 15(2), ainsi libellé: «Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.»

En gros, si l'on s'en tient à l'essentiel, le paragraphe 15(1) dit que nous sommes tous égaux et le paragraphe 15(2) dit que des programmes comme l'action positive et l'égalité d'accès à l'emploi rendent certains Canadiens plus égaux que d'autres en raison de leur race, de leur sexe, etc. C'est une autre représentation de la Ferme des animaux.

(1735)

Cela devrait être évident même au plus fanatique partisan de l'action positive: en accordant des droits spéciaux à un groupe en particulier, on en enlève à un autre. Ces programmes qui sont censés encourager l'égalité finissent en fait par faire de la discrimination contre les personnes qui ne font pas partie du groupe favorisé.

Essentiellement, le programme envoie le message qu'on perd son temps en faisant une demande d'emploi pour un poste réservé. Aux personnes ayant droit à une attention spéciale, on envoie le message condescendant suivant: «Comme vous ne pouvez pas obtenir l'emploi en fonction du mérite uniquement, nous allons abaisser les exigences pour vous.» Cette notion est insultante et dégradante. Elle est complètement dégradante et pour les personnes qu'elle est censée aider et pour celles qu'elle exclut.

Au cours de toutes les discussions que j'ai eues avec des personnes que l'on désignerait comme membres des minorités visibles, aucune de ces personnes n'a dit vouloir obtenir un emploi uniquement parce qu'elle appartient à un groupe spécial ou un groupe visé par l'action positive. Ils voulaient tous obtenir un emploi en fonction du mérite, comme le reste d'entre nous le veulent.

Autrement dit, même les gens qui sont censés profiter de ce traitement spécial n'en veulent pas. C'est pourquoi un récent sondage du secteur public, de la fonction publique du Canada, a révélé que les fonctionnaires n'étaient pas disposés à s'identifier selon leur origine ethnique.

Le principe fondamental sur lequel sont fondés les programmes d'action positive est insultant, voire parfois raciste. Moi qui pensais que les jours de Mme Parks de Selma, en Alabama, étaient révolus depuis longtemps. Mais je me suis trompé. Il existe actuellement au Canada des programmes et des lois sanctionnées par le gouvernement selon lesquelles il est légal de refuser d'engager quelqu'un en raison de sa couleur ou de son sexe. Je reviendrai là-dessus un peu plus tard. C'est bien triste parce que cette pratique ressemble à du mépris envers les Canadiens qui sont vraiment en faveur des principes de l'égalité et du mérite.

Permettez-moi d'utiliser l'analogie des Jeux olympiques. S'il y avait, aux Jeux olympiques, des programmes d'action positive et d'égalité des chances, voici comment les choses se passeraient. Le Comité international olympique mettrait en oeuvre un programme qui permettrait à tous de courir le 100 mètres s'ils peuvent le faire, disons, en cinq minutes. La compétition ne serait pas très forte, et la course serait ouverte à à peu près tout le monde.

Cependant, à la fin de la course, la médaille ne serait pas nécessairement remise à la personne ayant obtenu le meilleur temps, mais au membre d'un groupe traditionnellement désavantagé ayant obtenu le meilleur temps de ce groupe, qu'il ait gagné la course ou non. Le mérite n'entrerait pas en jeu. Franchement, il ne faudrait pas plus d'une édition des jeux olympiques pour que les meilleurs athlètes se rendent compte qu'ils perdent leur temps à s'entraîner et ils ne s'inscriraient tout simplement plus aux épreuves. Ce serait aussi avilissant pour ceux qui auraient gagné les médailles parce qu'ils sauraient que ce n'était pas parce qu'ils les méritaient.

C'est exactement ce qui s'est passé dans le cas de Timothy Juliette. Ce Canadien a récemment obtenu son diplôme d'une école de génie mécanique en aéronautique civile avec une moyenne presque parfaite de 3.98. On lui a cependant refusé l'admission dans un cours de formation du ministère des Transports qui lui aurait permis de faire carrière dans son domaine. On l'a refusé parce qu'il n'appartient pas à un groupe désavantagé. En clair, sa candidature a été rejetée en raison de son sexe et de la couleur de sa peau: il est un homme de race blanche.


2276

Il est triste que cela soit tout à fait légal et constitutionnel avec le système actuel. Le paragraphe 15(2) permet d'établir des programmes qui créent une distinction contre les personnes qui ne sont pas des femmes, des autochtones, des personnes de couleur et des personnes ayant un handicap physique. Le gouvernement atteint les sommets de l'hypocrisie lorsqu'il prétend lutter contre la discrimination puisqu'il crée lui-même une discrimination contre les gens qui n'entrent pas dans ses quotas ou ses objectifs d'embauchage.

Le pire, c'est que certains des plus ardents promoteurs de l'action positive sont tellement aveuglés par leur idéologie qu'ils sont incapables de voir à quel point leurs exigences dénotent de l'intolérance, de l'étroitesse d'esprit et de l'extrémisme. Les plus bruyants agissent comme s'ils avaient été choisis par Dieu comme étant les seuls détenteurs de la tolérance, de la compassion, de la compréhension et de l'intelligence quand ils affichent tous les symptômes de l'intolérance, du manque de compassion, de l'incompréhension et de l'incapacité à voir la vérité.

(1740)

Un groupe de soutien des homosexuels a manifesté contre le premier ministre devant le Parlement hier parce qu'il a permis la tenue d'un vote libre sur le projet de loi C-33. Ceux-là mêmes que le premier ministre essaie d'aider ont fait preuve d'intolérance en faisant savoir qu'ils voulaient que le premier ministre force les députés à voter d'une certaine manière.

Les membres de ce groupe devraient se regarder dans un miroir pour voir les signes de leur propre intolérance et de leur propre étroitesse d'esprit. Plutôt que de tenter de discuter rationnellement de la question avec ceux qui ont voté contre le projet de loi C-33, ils ont affiché une intolérance fanatique. Pas étonnant qu'ils détournent les gens de leur cause.

Ce groupe croit qu'il n'a aucun compte à rendre et, selon sa version de la tolérance et de la compréhension les députés doivent nécessairement voter comme il l'entend. C'est de la tolérance du bout des lèvres et, je le répète, ces gens-là ont besoin de voir de temps en temps dans le miroir le reflet de leur propre intolérance.

J'ai écouté hier la députée de Vancouver-Centre nous raconter les terribles cas de discrimination qu'elle a subis en s'efforçant de devenir médecin. Je comprends que cette expérience puisse la rendre très amère et très en colère. Nous ne pouvons cependant pas remédier aux problèmes du passé en focalisant cette colère et cette amertume pour exercer une vengeance à l'endroit d'autres personnes qui n'ont rien à voir avec les injustices. Ce serait s'abaisser au niveau méprisable de ceux qui ont exercé de la discrimination à son égard.

Mardi soir, à l'Édifice de l'Ouest, se tenait une réception en l'honneur d'un groupe d'étudiants, affiliés au Club Rotary, qui avaient gagné un voyage ici à l'occasion d'un concours. Au cours de la réception, j'ai été abordé par quelques jeunes étudiants masculins et blancs qui étudiaient d'arrache-pied dans l'espoir de trouver de bons emplois.

Ils voulaient me faire part de leurs préoccupations à propos de la discrimination dont ils s'estimaient victimes chaque fois qu'ils produisaient des demandes d'emploi dans leurs circonscriptions. La députée de Vancouver-Centre veut-elle réellement faire du mal à ces jeunes? Veut-elle vraiment les exposer à la discrimination et au refus d'emplois au nom des fautes du passé? Pourrait-elle les regarder dans les yeux et leur dire que, quel que soient leurs mérites, leurs places doivent être occupées par des gens appartenant à des groupes désignés? Pourrait-elle leur dire qu'on doit leur refuser un emploi parce qu'ils sont nés blancs et de sexe masculin?

Pense-t-elle vraiment qu'elle peut cultiver la tolérance et la compréhension de cette façon? Logiquement, cela ne peut produire à long terme qu'une réaction brutale qui balaiera tous les gains que nous avons faits en prêchant la tolérance et la compréhension.

L'outil dont nous devons nous servir, c'est l'éducation, pas une loi discriminatoire. C'est l'État qui a, par la force de la loi, relégué les Noirs à l'arrière des autobus en Alabama. C'est l'État qui a, par la force de la loi, imposé la discrimination en Allemagne et qui a identifié les gens par leur race, comme le gouvernement actuel le fait cette année à l'occasion du recensement. Partout où a fleuri la discrimination, ce fut parce que l'État l'avait imposée par la loi. Or, cela s'est produit ici au Canada et cela empire.

Le député de Yorkton-Melville, qui siège derrière moi à la Chambre, a travaillé pendant plusieurs années dans une réserve indienne. Comme la députée de Vancouver-Centre, il sait exactement ce que c'est que de faire l'objet de discrimination raciale. Ici au Canada, sous le nez des députés d'en face, un homme blanc vivant et travaillant dans une réserve indienne a craint pour sa vie. J'espère que le député répétera son histoire en temps opportun pour l'édification des députés.

Le paragraphe 15(2) ne l'a pas protégé contre la discrimination, car la loi ne peut changer les attitudes ni faire respecter la tolérance et la compréhension. Seule l'éducation peut changer les attitudes et cultiver la tolérance et la compréhension. À cet égard, je reviendrai sur un incident qui a eu lieu à la Chambre au début de la semaine.

Mardi matin, la députée d'Etobicoke-Lakeshore, qui est noire, était visiblement très en colère. Elle avait lu dans la presse un reportage selon lequel le député de Nanaimo-Cowichan, interviewé par un journaliste, aurait fait des remarques discriminatoires.

La députée d'Etobicoke-Lakeshore a traversé la Chambre pour s'attaquer aux réformistes. Elles criait très fort et était visiblement en colère. Il était impossible de comprendre exactement ce qu'elle disait. Pas mal de cris ont été échangés entre elle et les membres du Parti réformiste. Toute cette histoire m'a troublé et affligé.

(1745)

Il aurait nettement mieux valu qu'avant de passer un jugement sur la base de ouï-dire et d'un reportage dans la presse, la députée ait fait preuve de la même tolérance et de la même compréhension qu'elle attend des autres. Elle aurait dû s'approcher du député de Nanaïmo-Cowichan et lui demander si c'était vraiment ce qu'il ressentait? Si ce qu'on avait dit dans la presse était exact? S'il y avait moyen de remédier au problème.


2277

Si la députée croit sincèrement dans la promotion de la tolérance et de la compréhension à l'égard de ces questions, elle doit traiter les autres de la même façon qu'elle s'attend à ce qu'on la traite. Ça va dans les deux sens et ce n'est pas en criant contre les personnes qui peuvent l'aider qu'elle parviendra à atteindre ses objectifs.

Je regrette de devoir dire ça. Si je le fais, c'est seulement parce qu'elle semble hostile à toute autre discussion.

Malheureusement, le paragraphe 15(2) de la Constitution contribue à créer une atmosphère de colère et d'intolérance en milieu de travail au Canada, et je crois sincèrement que nous nous porterions mieux sans.

Comme je l'ai dit, j'ai trouvé l'incident qui s'est produit cette semaine à la Chambre extrêmement affligeant. En fait, j'ai trouvé toute cette semaine très affligeante. Je voudrais vraiment participer à un débat bon et logique sur les questions importantes auxquelles notre pays est confronté. Je n'aime pas l'atmosphère de colère et d'intolérance qui a caractérisé cet endroit ces derniers jours.

Je prends très au sérieux les questions de racisme et de discrimination. L'an dernier, j'ai assisté à une conférence anti-racisme de deux jours, dans ma circonscription, afin de prendre connaissance des préoccupations des victimes de racisme et pour savoir s'il y avait des manifestations de racisme dans ma propre circonscription. J'ai aussi demandé, dans un article de ma chronique hebdomadaire du North Shore News, qu'on me fasse part de tout exemple de racisme constaté dans ma circonscription, afin que je puisse intervenir pour tenter de régler le problème.

Je suis heureux de dire qu'on ne m'a pas rapporté un seul exemple de racisme depuis que je suis député, soit depuis près de trois ans. Comme la majorité des Canadiens, mes électeurs sont tolérants et très capables d'éviter la discrimination sans que le gouvernement ait à s'en mêler.

Par contre, peut-on considérer comme du racisme le fait que certains élèves de Richmond, en Colombie-Britannique, se soient récemment plaints aux médias qu'ils ne pouvaient trouver d'emploi dans leur région parce qu'ils ne sont pas Chinois et ne parlent pas mandarin ou cantonnais? Le député de Richmond devrait peut-être commencer à se pencher sur ces problèmes dans sa circonscription. Peut-on considérer comme de la discrimination le fait que des hommes blancs aient dit avoir l'impression qu'ils ne répondaient pas aux exigences d'emploi parce qu'ils n'étaient pas membres d'une minorité visible?

Il me semble que ces problèmes, qu'on pourrait qualifier de racisme à l'envers et de discrimination à l'envers, sont directement attribuables au paragraphe 15(2) et aux programmes d'action positive qui en découlent. Au lieu d'éliminer la discrimination, ces programmes n'ont fait que transférer le problème d'un groupe à l'autre.

Ce n'est pas en créant des problèmes qu'on en corrige d'autres. Abolissons ces mesures discriminatoires du gouvernement; abolissons le paragraphe 15(2). Concentrons-nous sur l'éducation, comme arme contre la discrimination.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, j'avais un texte préparé, mais je ne crois pas que je vais beaucoup m'en servir. Je préférerais répondre aux observations que le député d'en face a faites avec une insensibilité révoltante.

Il reproche au gouvernement le fait que la motion à l'étude ne fait pas l'objet d'un vote. Ce n'est pas le gouvernement qui prend cette décision, mais un comité formé de représentants de tous les partis qui se prononce par consensus sur les motions qui feront l'objet d'un vote. Si les membres du parti du député estiment que la motion vaut la peine qu'on s'y attarde, je présume que nous pouvons nous ranger à leur avis.

(1750)

J'étais à la Chambre l'autre jour, lorsque la députée d'Etobicoke-Lakeshore a exprimé la peine, la douleur que provoquaient chez elle les propos du député de Nanaïmo-Cowichan, propos qui ont été repris dans tous les journaux.

Les sentiments de la députée doivent compter, ils sont importants. Elle a lutté ferme toute sa vie contre l'adversité, contre la discrimination, elle a affronté l'adversité pour édifier sa communauté, faire régner la tolérance dans notre société et montrer à tous ses concitoyens que nous avons tous notre place au Canada, sans égard à la race, à la religion ni à la couleur de la peau.

Il est inacceptable que le député de Nanaïmo-Cowichan ait par ses propos insensibles rabaissé, récusé le travail de toute une vie. La conduite de la députée a été tout à fait raisonnable si on la compare à celle des députés réformistes.

Le chef adjoint et le chef lui-même ont refusé de condamner l'intervention du député de Nanaïmo-Cowichan; ils approuvent avec désinvolture. Cela ne compte pas vraiment. Ce n'est pas important. Il ne pensait pas vraiment ce qu'il a dit. Oui, il le pensait. Le 14 décembre 1994, il a tenu les mêmes propos, que rapporte un journal de Nanaïmo. Cela fait deux fois. C'est effectivement ce qu'il pense. Et c'est blessant pour la députée.

Après cela, une fois les excuses faites. . .

M. White (North Vancouver): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Le député affirme savoir ce que pense le député de Nanaïmo-Cowichan.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Ce n'est pas un rappel au Règlement, et le député le sait fort bien.

M. Kirby: Après que des excuses aient été présentées, un autre réformiste, le député d'Athabasca, a déclaré à son tout au cours d'une émission de radio dans sa circonscription que «les minorités devraient faire l'objet de discrimination.» On a également rapporté que d'autres députés réformistes s'étaient déclarés d'accord avec lui.


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Certains de leurs collègues, et non pas des députés de ce côté-ci de la Chambre, se sont dits eux-mêmes préoccupés par l'extrémisme présent dans les rangs de leur parti. Ce n'est pas nous qui l'avons dit, mais bien des députés du Parti réformiste. Ces derniers ont été contraints de rentrer dans le rang lors d'une réunion du caucus. Est-ce ainsi que le Parti réformiste conçoit la liberté de parole et la liberté de chacun d'exprimer ses sentiments?

Il ne faut donc pas s'étonner quand le député dit qu'on ne lui a jamais soumis un seul cas de racisme pour qu'il le corrige. Toutes les victimes du racisme savent bien qu'il serait la dernière personne à corriger un cas de racisme.

La Chambre est saisie d'un projet de loi qui propose de modifier la Charte canadienne des droits et libertés, de rendre illégale les mesures d'action positive et les programmes visant à aider les personnes désavantagées.

Nous venons tout juste de célébrer le cinquantième anniversaire de la fin d'une sombre période de l'Histoire. Comment cette période a-t-elle commencé? Elle a débuté par la marginalisation systématique des minorités, des personnes que la majorité jugeait sans importance. Puis on est passé aux actes. Nous savons tous comment les choses se sont terminées. Rappelons-nous l'Histoire. Cinquante ans ne représentent pas une longue période. Ce n'est pas une période suffisamment longue de l'évolution humaine pour pouvoir penser que des choses de ce genre ne pourraient plus se reproduire.

(1755)

C'est pourquoi nous devons tous rester vigilants et constants. Nous devons poursuivre nos efforts pour assurer l'égalité de tous au sein de notre grande nation, pour faire en sorte que tous les citoyens, quelles que soient leur race, leur couleur ou leur religion, bénéficient pleinement des avantages d'être Canadiens. Nous pouvons tous oeuvrer ensemble à construire une société meilleure, une société où les gens n'auront pas à subir le genre de commentaires et de réactions dont nous avons été témoins ici, cette semaine.

Une voix: Où est Jag Bhaduria?

Une voix: Ce n'est pas lui qui n'est pas correct, c'est ce qu'il a fait.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il est temps que nous reconnaissions que les travaux de la Chambre doivent se dérouler de façon plus ordonnée.

M. Kirkby: Merci, madame la Présidente. Au sujet de la motion dont la Chambre est saisie, je soutiens que ce projet de loi est irrecevable et je suggère que nous ne lui donnions pas notre appui. Je pense que nous avons tous à coeur de veiller à ce que tous les membres de notre société aient des chances de réussite.

Il ne s'agit pas ici de chances particulières à certains, mais de chances égales pour tous les Canadiens. Nous devons nous assurer que nous employons des moyens qui permettront de régler les problèmes du passé. Nous devons nous assurer que l'avenir nous réserve à tous des chances égales de réussir dans la carrière de notre choix. En tant que société, nous devons être prêts à prendre des mesures pour protéger tous les citoyens en cas de discrimination, que ce soit à cause de leur race, de leur origine ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs aptitudes mentales ou physiques. Tous ceux qui se distinguent par l'une ou l'autre de ces caractéristiques doivent pouvoir réussir dans notre société.

Le choix des mots est très important. Les mots peuvent blesser ou apaiser. Il est temps que tous les députés de notre honorable Chambre se rendent compte de l'importance et du pouvoir des mots. Faisons en sorte que toutes nos paroles et tous nos actes confèrent dignité, respect et honneur à tous les Canadiens et soient représentatifs des valeurs que nous partageons comme la tolérance, la coopération et la justice.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Madame la Présidente, le député de North Vancouver a déposé devant cette Chambre la motion M-141, qui s'inspire de la même philosophie politique que celle du député réformiste de Wetaskiwin, qui a déposé la motion M-154 dont nous allons débattre dans les prochaines minutes. La motion M-141 est la suivante et je cite:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer l'élimination du paragraphe 15(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui est contraire au principe de l'égalité énoncé au paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés, et que le gouvernement devrait favoriser l'égalité en milieu de travail en mettant fin aux programmes d'embauche discriminatoire qui sont le résultat de l'application de la notion de promotion sociale du paragraphe 15(2).
(1800)

Les paragraphes 15(1) et 15(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 auxquels le député fait allusion portent sur la Charte canadienne des droits et libertés et traitent plus précisément des droits à l'égalité dans la société canadienne. Ces deux paragraphes 15(1) et 15(2), en vigueur depuis avril 1985 et dont le député demande l'élimination, sont les suivants et je cite:

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Le paragraphe (2) concerne les programmes de promotion sociale dont le député de North Vancouver veut obtenir l'abolition et s'énonce ainsi:

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.
Cela, en fait, n'a pas pour conséquence, n'en déplaise au député de North Vancouver, d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer le situation de groupes défavorisés quant aux caractéristiques personnelles des individus qui constituent ces groupes discriminés.

Le député veut donc le maintien du paragraphe 15(1) qui réaffirme l'égalité de tous devant la loi et l'égalité de bénéfice et protection égale de la loi, mais il veut, du même coup, que le gouvernement abolisse le paragraphe 15(2) qui, selon lui, vient en contradiction avec le paragraphe 15(1), en d'autres mots, que le gouvernement mette fin aux programmes d'égalité en emploi favo-


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risée par des programmes d'embauche que le député qualifie de discriminatoire.

La Cour suprême du Canada a rendu 23 décisions relatives à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, certaines plus connues, comme la cause Thibaudeau portant sur l'inclusion des pensions alimentaires dans le revenu. D'autres, comme la cause Andrews, ont fait jurisprudence. Cette cause, datant de 1989, a permis de formuler un code d'interprétation dans les cas portant sur les droits à l'égalité. Dans cette affaire, l'appelant a contesté avec succès l'obligation d'être citoyen canadien pour être admis au bureau de la Colombie-Britannique.

Mme Mary C. Hurley, recherchiste à la Division du droit et du gouvernement de la Bibliothèque du Parlement, a fait une étude exhaustive portant sur «Les droits à l'égalité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés: interprétation de l'article 15 dans les décisions de la Cour suprême du Canada».

Mme Hurley nous dit que le cadre établi dans l'affaire Andrews a servi jusqu'ici de guide qui a fait autorité en la matière et que la méthode souple d'analyse retenue par la Cour suprême, par rapport à l'article premier dont le député de North Vancouver veut une interprétation rigide et légaliste, cette méthode souple d'analyse favorisée par la Cour suprême permet, en outre, plus de retenue judiciaire à l'égard de choix législatifs dans les affaires dites socio-économiques où la situation oblige le gouvernement à concilier les revendications légitimes de groupes concurrents pour des ressources limitées. Mais, tous ces raisonnements sont trop subtils pour le député de North Vancouver et lui échappent.

Dans l'excellente note qu'elle a rédigée, Mme Hurley poursuit et je cite: «L'égalité est une notion comparative qui se perçoit par rapport à la situation d'autres personnes dans le contexte social ou politique. Il s'ensuit qu'une loi ne sera pas nécessairement fautive parce qu'elle établit des distinctions. Des classifications législatives s'imposent pour qu'on puisse administrer une société moderne. Aux fins de l'article 15, la discrimination est définie comme une distinction, intentionnelle ou non, fondée sur des motifs liés aux caractéristiques personnelles de la personne ou du groupe de personnes visées, qui a pour effet d'imposer des désavantages ou des fardeaux qui sont épargnés à d'autres ou de les priver de bénéfices ou d'avantages dont d'autres peuvent se prévaloir.»

(1805)

Toutes ces informations et tous ces raisonnements que j'ai cités décrivant le cadre d'analyse légal sur lequel repose l'article 15 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne reçoivent pas l'assentiment du député de North Vancouver, qui réagit en véritable dinosaure politique et pour qui toute notion d'égalité renvoie au réflexe primaire de lutte pour la vie, où la loi de la jungle devrait remplacer tout l'échafaudage social que la société canadienne moderne s'est donné au cours du XXe siècle.

L'égalité en milieu de travail à laquelle le député fait allusion est, au contraire, favorisée par les programmes de promotion sociale à l'intention des groupes historiquement défavorisés. Cette égalité en emploi a son pendant dans les subventions aux entreprises, surtout envers les entreprises en démarrage et vise à les aider à franchir certaines étapes cruciales de croissance. Au niveau collectif, les programmes sociaux visent à uniformiser les chances de chacun. Les paiements de transfert et de péréquation, pour leur part, tentent d'aider les provinces les moins nanties. Toutes ces politiques, à différents niveaux, visent à corriger des inégalités qui font partie de la nature et qui sont inscrites dans l'évolution de la vie en société.

Éliminons les impôts progressifs, revenons à l'état naturel, à l'état sauvage, c'est ce que voudrait le député. Le darwinisme social n'a plus sa place dans une société moderne. Abolir tous les programmes d'aide et d'égalité des chances nous pousserait à l'anarchie en marginalisant plusieurs groupes de la société.

Je comprends les réactions du député, issu de l'Ouest canadien, un jeune pays, une nouvelle frontière. Les descendants des pionniers et des défricheurs ont été habitués à ne compter que sur eux-mêmes, mais à mesure qu'un pays vieillit, évolue, dirais-je, il se structure et développe sa mission sociale. Les vieux pays européens, pour la plupart, ont historiquement été les plus à gauche, même si parfois l'état de leurs finances publiques les ramenait à l'équilibre du centre. Il faut évoluer. L'égalité des chances mesure souvent le degré d'évolution, le degré de civilisation atteint dans un pays. L'équilibre entre l'économique et le social est complexe. Il faut y travailler de manière ciselée et non pas à coup de hache, comme le préconise le député de North Vancouver.

Quand on essaie d'abolir tous les programmes d'aide pour tous, plusieurs individus ou groupes démunis en viennent au désespoir ou se révoltent. Dans ce contexte, si le Parti réformiste se refuse à tout contrôle des armes à feu, serait-ce parce que ces protagonistes se sentent assiégés par tous ceux à qui ils ont enlevé tout espoir de s'en sortir.

En conclusion, j'invite le député à réfléchir, à vieillir un peu, à prendre un peu de maturité et nous démontrer le niveau de civilisation dont il pourrait être capable. Nous visons dans un pays avancé de 30 millions d'habitants à l'orée de l'an 2000, pas à Dawson City en 1898.

[Traduction]

M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir en réponse à la motion no 141 présentée par le député.

Dans sa motion, le député de Vancouver-Nord demande que le gouvernement appuie l'élimination du paragraphe 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est la disposition de la Charte qui permet l'adoption de mesures visant à remédier aux inégalités au sein de la société canadienne, y compris de promouvoir l'égalité des chances sur le marché du travail.

Le député dit que le paragraphe 15(2) de la Charte est contraire au principe de l'égalité énoncé au paragraphe 15(1) de la Charte. Selon le dictionnaire, «contraire» veut dire «opposé à». Et donc, le député semble craindre que le paragraphe 15(2) de la Charte ne soit opposé à l'esprit du paragraphe 15(1). À titre de rappel, le paragraphe 15(1) de la Charte dit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même


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bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. C'est l'un des principes fondamentaux à la base de la Charte.

(1810)

En réponse à la motion du député, le gouvernement estime qu'il n'y absolument aucune contradiction entre la volonté de garantir l'égalité de tous les Canadiens, comme le prévoit le paragraphe 15(1), tout en ayant la possibilité d'agir dans certains cas pour corriger des inégalités d'accès, comme le paragraphe 15(2) l'autorise.

C'est justement parce que l'on peut proposer des mesures favorables à des groupes désavantagés que nous garantissons l'égalité dans la société canadienne. C'est le genre d'égalité que veut le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés et le genre d'égalité qui fait du Canada un des meilleurs endroits au monde où vivre.

Au cours des années, notre gouvernement et d'autres avant lui se sont déclarés prêts à agir lorsqu'il était nécessaire d'améliorer la situation de certains groupes ou individus défavorisés. C'est une fonction parfaitement légitime d'un gouvernement responsable.

[Français]

Nous sommes fiers de notre bilan et de notre parti pris en faveur des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et des traditions qu'elles incarnent. Nous sommes particulièrement en faveur des parties de la Charte qui préconisent l'égalité des chances pour tous les Canadiens.

[Traduction]

Étant donné que nous estimons que le paragraphe 15(2) est un élément nécessaire de la Charte des droits, qui appuie l'égalité, nous ne sommes pas en faveur de son élimination.

La motion du député demande également au gouvernement de mettre fin aux programmes d'embauche discriminatoires qui sont le résultat de l'application de la notion de promotion sociale. Là encore, les députés de ce côté rappellent à nos collègues du troisième parti que la promotion de l'égalité d'accès ne signifie pas que l'on prenne des mesures discriminatoires contre qui que ce soit dans le milieu de travail. Cela signifie, toutefois, que l'on agit de manière à faire en sorte qu'il n'y ait pas d'obstacles qui interdisent à certains groupes ou individus un accès total et égalitaire aux possibilités d'emplois que les autres ont dans la même société.

Les députés se souviendront du travail que nous avons fait l'automne dernier à propos du projet de loi C-64, une loi concernant l'équité en matière d'emploi. C'est peut-être le même genre de mesure de promotion sociale que le député de North Vancouver mentionne dans sa motion.

Le but du projet de loi C-64 n'était pas de promouvoir des mesures discriminatoires en matière d'embauche. Son but était simple et clair, c'était d'éliminer les obstacles systémiques qui empêchent des personnes qualifiées de travailler. Ce sont des obstacles qui n'ont rien à voir avec le mérite ou la capacité personnelle. Ils sont nés de pratiques et de règles officieuses qui se sont établies au cours des années et qui empêchent un accès identique à tous aux possibilités d'emplois.

Le but du projet de loi C-64 n'était pas et n'est pas d'imposer des programmes d'embauche discriminatoires ou des quotas, il n'exigeait pas que les employeurs embauchent des personnes qui ne sont pas qualifiées pour faire un travail déterminé. Le projet de loi excluait spécifiquement les quotas d'embauches ou les objectifs numériques arbitraires, parce qu'ils sont déraisonnables.

Il n'y a pas de quotas, il n'y a pas de programmes cachés, il n'y a pas de discrimination à rebours dans notre approche à l'équité en matière d'emploi. Le mérite reste le principe fondamental d'embauche et personne ne met cela en doute. Quiconque lit le projet de loi s'en apercevra.

Il est important aussi de remarquer que le projet de loi C-64 a eu l'appui d'une forte majorité de députés, y compris celui de l'opposition officielle. Ses avantages ont été soigneusement considérés et reconnus à la Chambre, pendant les audiences du comité et, plus généralement, par de très nombreux Canadiens.

C'est durant les audiences du comité que nous avons entendu certaines des approbations les plus fortes des principes de l'équité en matière d'emploi et de la valeur de l'égalité en milieu de travail. Beaucoup de ces commentaires venaient de la communauté d'affaires, y compris des entreprises de la province du député. Le milieu des affaires comprend que le Canada évolue dans un monde où il faut être bien informé et orienté vers l'avenir et où il faut savoir se positionner pour attirer et embaucher les gens les plus compétents et les plus intelligents.

Ce ne sont pas seulement les employeurs qui appuient les principes de l'équité en matière d'emploi. Les représentants syndicaux se sont prononcés en faveur de l'orientation que nous avons prise à cet égard.

Le marché n'est pas toujours juste et équitable. Il faut lui donner des directives et fixer des balises de temps à autre. Nous considérons qu'il appartient au gouvernement de reconnaître que le moment est arrivé et de faire preuve du leadership approprié. C'est ce qu'a fait notre gouvernement.

(1815)

Tout compte fait, il semble y avoir un consensus assez marqué en faveur des mesures que nous avons mises en oeuvre. Le milieu des affaires, les syndicats et les autres intervenants appuient notre démarche à l'égard de l'équité en matière d'emploi et, partant, de l'égalité des chances au travail. Le consensus semble assez répandu, sauf au sein du parti d'en face.

Il y en a encore qui choisissent de ne pas voir l'évidence, y compris les commentaires positifs du milieu des affaires, des représentants syndicaux et de bien d'autres intervenants, qui ont exprimé très clairement leur appui à l'égard des principes de l'équité en matière d'emploi.


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Ceux parmi nous qui vivent dans le monde réel et très compétitif des années 90 savent qu'il y a beaucoup d'avantages à tirer de la diversité dans les lieux de travail et d'une approche éclairée quant à l'équité en matière d'emploi.

J'invite mon collègue d'en face à examiner les avantages. Je lui rappelle aussi que le gouvernement maintient son engagement envers son programme de création d'emplois et de croissance. L'objectif sous-jacent est encore de voir les Canadiens retourner au travail. Le nombre d'emplois augmentera à mesure que notre programme économique favorisera la réalisation de cet objectif.

Les employeurs chercheront toujours les candidats les plus compétents. Le mérite demeurera le principal critère d'emploi. Le député de North Vancouver et ses électeurs peuvent être rassurés, le gouvernement ne fait rien pour changer cela.

Nous n'avons pas besoin d'éliminer le paragraphe 15(2) de la Charte comme le député de North Vancouver nous demande de le faire. Nous devons simplement créer les partenariats adéquats, qui augmenteront les débouchés pour tous les travailleurs.

Le député n'atteindra pas son but en éliminant le paragraphe 15(2) de la Charte des droits et libertés. Je n'appuie pas la motion à cet effet.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de traiter de cette motion. Commençons par quelques observations.

Qu'est-ce au juste que la discrimination, le racisme, les préjugés? N'est-ce pas le fait d'accoler une étiquette à quelqu'un du seul fait qu'il appartient à un groupe? Je trouve des plus intéressants que les députés d'en face soutiennent du bout des lèvres ce genre de mesure anti-discriminatoire, alors que c'est ce qu'ils font et ce, au plus haut niveau.

Voici un exemple tiré de la conduite de notre premier ministre. Un jour, le premier ministre se trouva sur une plate-forme en compagnie de quatre députés noirs de son parti. Plutôt que de signaler leurs apports en tant que parlementaires, le premier ministre a dit que ce qui l'avait impressionné chez eux c'était qu'ils souriaient beaucoup.

Comme si cela ne suffisait pas, il ajouta quelque chose, peut-être involontairement, à propos d'un des députés noirs de son groupe, une personne très bien, une secrétaire parlementaire. Au lieu d'évoquer le rôle qu'elle jouait dans les coulisses, le premier ministre expliqua que c'était la femme qui courait derrière lui quand il se présentait à la Chambre pour la période des questions.

Il est évident que les noirs ont encore beaucoup de chemin à faire en ce pays si même notre premier ministre s'en tient à leur sourire et au fait qu'ils courent derrière lui à la Chambre des communes. Je trouve cela déplorable.

Faire des commentaires à l'emporte-pièce à notre endroit et nous accoler toutes sortes d'étiquettes, c'est ça être imbu de préjugés. Les députés d'en face devraient balayer devant leur porte avant de se répandre en invectives contre nous. C'est dommage que j'en sois réduit à citer des exemples comme celui-là. Quand vont-ils commencer à regarder ce qu'ils font eux-mêmes et s'intéresser au fond de l'affaire?

Nous devons regarder ce que nous faisons nous-mêmes, chacun d'entre nous. Ce n'est qu'ainsi que nous réussirons à surmonter ce problème à titre individuel. Nous n'y parviendrons pas par la voie législative, en rangeant les gens dans des catégories. Je me demande ce que les libéraux éprouvent en entendant de telles remarques de la bouche de leur premier ministre.

Passons maintenant à la question qui nous préoccupe. Elle me tient à coeur puisqu'il m'est arrivé de temps à autre d'être l'objet de préjugés et de discrimination. Je ne donnerai pas d'exemples aujourd'hui. Cependant, mes électeurs attachent beaucoup d'importance à ce que je vais dire aujourd'hui.

(1820)

C'est en février 1995 que j'ai été confronté pour la première fois aux méthodes injustes des ministères fédéraux, des industries sous réglementation fédérale et à la discrimination à rebours qu'ils pratiquent. J'ai appris alors que l'École de la Gendarmerie royale du Canada, à Regina, allait former 426 nouveaux candidats en 1995. Cependant, les officiers supérieurs, les personnes responsables, ont décidé que 112 d'entre eux seraient des autochtones, 112 seraient des membres des minorités visibles et 95 seraient des femmes. Cela représentait 74 p. 100 du nombre total de nouvelles recrues.

Mes électeurs ont été outrés d'entendre cela. Je suis consterné de voir que le gouvernement fédéral peut mettre en oeuvre un programme d'action positive aussi discriminatoire et raciste et avoir le culot ensuite de parler d'égalité.

Les députés pourraient-ils me dire comment les Canadiens peuvent être sûrs que ce sont les policiers les plus compétents qu'on retient? Dans bien des cas, le principe du mérite sur lequel on devrait se fonder pour engager tous les fonctionnaires passe après la race, la couleur de la peau, le sexe des candidats. Lorsqu'on aura adopté, envers et contre tous, le projet de loi C-33 cette semaine ou la semaine prochaine, les quotas d'embauchage seront basés sur les préférences sexuelles et le comportement sexuel des candidats.

Cet exemple m'a prouvé, ainsi qu'à mes électeurs, que le conformisme politique était très répandu, même au sein de la GRC. Le gouvernement fédéral joue avec la sécurité de la population. Pensez-y. Les quotas d'embauchage du Parti libéral passent avant la sécurité du public.

Les Canadiens veulent avant tout que les meilleurs agents de la GRC patrouillent nos routes et nos rues, que c'est plus important pour eux que la couleur de leur peau, leur sexe ou leur orientation sexuelle. Si je me trompe, je suis sûr que j'en entendrai parler.

À cette fin, au cours de la dernière législature, j'ai présenté la motion M-356 dont je voudrais vous faire lecture:

Que, de l'avis de cette Chambre, le gouvernement devrait promulguer une loi abrogeant la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi, garantissant le droit de chaque candidat à un emploi relevant de la législation fédérale d'être évalué seulement en

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fonction de ses mérites et retirant toute forme de financement à tous les programmes d'action positive.
Lorsqu'on a prorogé le Parlement de façon arbitraire, pour des motifs purement politiques, ma motion est morte au Feuilleton et, je l'ai présentée à nouveau en mars.

La motion M-141 dont nous discutons aujourd'hui, et que mon collègue de North Vancouver a présentée, supprimerait les dispositions constitutionnelles qui donnent au gouvernement le pouvoir d'avoir au départ une loi sur l'équité en matière d'emploi. Cette motion propose d'éliminer le paragraphe 15(2) de la Charte des droits et libertés qui donne au gouvernement la possibilité de faire de la discrimination.

Le paragraphe 15(1) de la charte dit: «La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination.»

Il est suivi du paragraphe 15(2) qui précise que le paragraphe (1) ne s'applique pas aux: «lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés.» Ainsi, le paragraphe 15(2) de la charte dit que des particuliers, des entreprises ou le gouvernement peuvent très bien violer les dispositions de la charte sur l'égalité pourvu que les gens victimes de cette discrimination ne soient pas membres de ce qu'on appelle des groupes défavorisés.

Je voudrais revenir à l'exemple de la GRC pendant un instant. À peu près à la même période, la députée de Port Moody-Coquitlam a rendu publics des renseignements montrant que les membres de la GRC font partie des minorités visibles et qu'on donne également la préférence aux autochtones dans les mutations et les affectations, pour qu'ils puissent être près de leur famille et de leur collectivité. J'ai entendu parler de nombreux agents de la GRC qui se sont vu refuser des mutations même dans leur province d'origine, et encore moins dans leur ville natale.

Comment ces agents se sentent-ils lorsque leurs collègues bénéficient d'un traitement de faveur en raison de leur race? Les agents de police ont déjà assez de difficultés sans que la GRC adopte des pratiques d'embauche et de mutation qui créent du ressentiment parmi les agents. Classer les gens dans des catégories ne permet tout simplement pas de lever les obstacles. Cela ne fait que creuser encore davantage les fossés qui les divisent.

Je crois en l'égalité véritable. Le plus important critère d'embauche de tout candidat, c'est qu'il soit la personne la plus qualifiée pour occuper le poste. Si les compétences de deux candidats sont égales, alors je ne verrais pas d'inconvénient à privilégier l'un par rapport à l'autre. Mais ces quotas favorisent en fait une discrimination totale. Cela doit miner la confiance, l'estime personnelle et la crédibilité des agents de la GRC de savoir qu'ils ont obtenu leur emploi parce qu'ils sont autochtones, ou de sexe féminin, ou en raison de la couleur de leur peau. Leurs compétences ne comptent pas nécessairement. Cela a le même effet sur une députée qui est nommée par le premier ministre parce qu'elle est une femme.

(1825)

Comment doit se sentir un candidat d'un groupe minoritaire lorsqu'il rencontre un autre agent ou un membre du public? Se demande-t-il: «Pense-t-on que j'ai obtenu cet emploi parce que j'étais la personne la plus qualifiée, ou en raison de la couleur de ma peau, ou parce que je suis une femme?» De telles situations se produisent dans la vie.

L'équité en matière d'emploi et l'action positive sont simplement du racisme et du sexisme légalisés. Les libéraux pensent que la seule façon d'établir l'égalité, c'est en faisant de la discrimination. Leurs politiques et leurs lois ne font que diviser le pays. Je m'y opposerai de toutes mes forces.

Le gouvernement tente d'éliminer la discrimination en faisant de la discrimination. Il essaie d'établir l'égalité en contrevenant aux droits à l'égalité énoncés dans la Charte. Peu importe si celui qui bénéficie d'un statut spécial et de droits spéciaux ne subit aucun désavantage personnel, il suffit qu'il fasse partie d'un groupe défavorisé.

Chacun de nous peut être victime de discrimination. J'ai déjà eu ce sentiment désagréable. Avons-nous jamais entendu autant de paroles contradictoires, madame la Présidente? On voit Les Animaux de George Orwell à l'oeuvre dans la Charte canadienne des droits et libertés. Nous devons tout cela au gouvernement libéral. Sous sa direction, c'est une industrie en expansion. Il favorise de telles mesures, qui sont à l'opposé même de ce qu'il veut faire.

Maintenant que le gouvernement s'est donné le pouvoir de faire de la discrimination contre les Canadiens, d'outrepasser les dispositions de la Charte sur l'égalité, Statistique Canada a inscrit cette année dans le recensement une question d'un racisme criant. Les bureaucrates ont élaboré un projet de création d'emplois unique. S'ils peuvent classer plus de gens dans chacun des groupes dits défavorisés, ils pourront justifier l'affectation de plus gros montants aux programmes d'action positive, ce qui leur permettra d'exercer encore plus de discrimination contre nous.

Les députés sont sûrement au courant de la question. Les bureaucrates chargés du programme d'action positive disent à Statistique Canada qu'il leur faut plus de renseignements sur les racistes. Statistique Canada se plie à leur demande. Le 14 mai, on demandera donc à 20 p. 100 de Canadiens choisis au hasard d'indiquer leur race et la couleur de leur peau. Les Canadiens pourront alors choisir entre dix catégories, dont celles des Blancs, des Noirs, des Latino-Américains, des Chinois.

Si certains jugent la question raciste et insultante, et ne répondent pas correctement à la question, le gouvernement pourra leur imposer une amende de 500 $. Selon Statistique Canada, les renseignements serviront à gérer des programmes, comme celui de l'équité en matière d'emploi, et tous les renseignements sont confidentiels. On devrait plutôt dire que c'est une question d'un racisme criant qui n'a pas sa place dans un recensement national.

Le gouvernement doit prouver son efficacité. Il ne l'a jamais fait. Toute loi adoptée par la Chambre, dont l'efficacité n'est pas établie, doit être abrogée. C'est ce que nous proposons au moyen de cette motion.


2283

Je termine par la question suivante: qu'est-ce qui donne aux gens la dignité, la confiance et le sentiment d'appartenance? Ce n'est certainement pas le fait d'être divisés dans des groupes. C'est le fait d'être reconnus pour ce que nous sommes et pour ce que nous avons accompli.

Samedi dernier, j'ai rencontré des Indiens de Grasswood à Saskatoon. Le seul autre député présent était le député réformiste de North Island-Powell River. Les journalistes qui étaient sur les lieux n'ont pas manqué de remarquer que des députés qualifiés de racistes étaient les seuls présents à cette assemblée d'une soixantaine de personnes. Nous sommes restés là toute la journée pour écouter les préoccupations de ces Indiens. Nous les représentons à la Chambre.

Ce sont des initiatives comme celles-là qui abaissent les barrières. C'est individuellement que nous pouvons abattre les barrières, en nous efforçant de considérer chaque individu comme une personne unique et non comme membre d'un groupe. Nous serons acceptés dans la société en fonction de la contribution que nous apportons et de nos réalisations, non par d'autres moyens que la plupart des gens jugent discriminatoires.

J'espère que le gouvernement prendra la question à coeur.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La période allouée pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

* * *

[Traduction]

LE PRINCIPE DU MÉRITE

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer le droit de tous les candidats à un poste d'être évalués uniquement en fonction du principe du mérite.
-À en juger d'après la façon dont l'étude de cette motion vient immédiatement après celle de la motion de mon collègue, on croirait que nous avions arrangé les choses de cette façon, mais je puis assurer aux députés que cela est attribuable uniquement au hasard du tirage.

Nous, les réformistes, adoptons des positions très franches sur les grands problèmes. On nous accuse parfois de ne pas être politiquement corrects, mais nous représentons les intérêts des gens ordinaires, non des élites politiques.

Même si la motion à l'étude est inscrite à mon nom, elle vient directement de la politique du Parti réformiste. Notre politique marque l'aboutissement du processus populaire qui débute au niveau des petites localités à l'intérieur de nos circonscriptions, puis passe au niveau de la circonscription avant de parvenir à celui de l'assemblée nationale.

Quand vient le temps des élections, la politique du Parti réformiste est prête. Il n'y aura pas de surprises pour les partisans ou les candidats du Parti réformistes grâce au processus démocratique que nous suivons. Les libéraux devraient suivre notre exemple au lieu de laisser un petit comité de conseillers publier un autre livre rouge qui sera mis de côté de toute façon dès que les votes auront été comptés.

Les réformistes croient que tous les Canadiens sont égaux en vertu de leur humanité commune, mais qu'ils ne sont pas égaux en termes de capacités, de préférences et de discipline. Les Canadiens qui veulent poursuivre une certaine vocation ne devraient pas avoir à affronter les obstacles de la discrimination, et ceux qui ont des capacités et de la discipline méritent que leur dur labeur soit récompensé.

Aux termes de la Charte des droits et des liberté de 1982, qui a été cité abondamment ce soir, la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Il s'agit sans aucun doute de l'élément le plus important de la charte. Les auteurs ont cependant infirmé cette disposition en ajoutant l'article 15.2 qui donne au gouvernement le droit d'adopter des programmes d'action positive. En dépit de cette disposition contradictoire et du fait que l'équité en matière d'emploi est considérée comme politiquement correcte, cette politique suppose une infériorité raciale ou sexuelle. Le fait est que les programmes d'équité ne suppriment pas la discrimination sexuelle et raciale du milieu de travail, ils l'institutionnalise.

Il fut un temps où la compétence des femmes et des membres des minorités n'était pas reconnue, mais les temps ont changé et nous ne sommes plus en 1929. Les obstacles à l'emploi pour les femmes, les membres des minorités et les personnes handicapées ont fait leur temps et risquent désormais de susciter de nouvelles formes de discrimination. Le gouvernement actuel voulait tellement se montrer plus politiquement correct que ses prédécesseurs et s'assurer l'affection et l'appui des groupes d'intérêts spéciaux qu'il a présenté le projet de loi C-64 en décembre 1994.

Le gouvernement espérait ainsi détourner l'attention des Canadiens des vrais problèmes du Canada, à savoir la dette nationale de 580 milliards de dollars.

Le projet de loi C-64 élargissait et remplaçait la Loi de 1986 sur l'équité en matière d'emploi. Il a fait que la loi intéresse désormais la fonction publique, les sociétés d'État et les employés du secteur privé qui sont visés par la réglementation fédérale, soit ceux qui travaillent pour les banques, les compagnies aériennes, les chemins de fer et les entreprises de télécommunication. Par suite d'une décision vraiment agressive, la portée de la loi a été étendue à toutes les entreprises de plus de 100 employés qui obtiennent des contrats du gouvernement fédéral.


2284

(1835)

Le projet de loi C-64 ne prévoit aucun contingent particulier, mais les inspecteurs, les vérificateurs et les administrateurs de la loi peuvent obliger les entreprises à atteindre des objectifs numériques. Que sont ces objectifs numériques? Ce sont des quotas déguisés.

Le gouvernement fait fi des sondages qui montrent que les Canadiens ne favorisent plus l'équité en matière d'emploi. Il n'a tenu aucun compte des exposés présentés devant le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées par des témoins crédibles.

Par exemple, voici ce que Mark Pickup, une victime de la sclérose en plaques, avait à dire lorsqu'il a témoigné devant le comité permanent. Il a dit: «Vous ne pouvez pas légiférer pour forcer quelqu'un à m'accepter parce que je suis handicapé, pas plus que vous ne pouvez légiférer pour forcer quelqu'un à m'aimer. Cela ne sert à rien. Essayer de légiférer dans ce domaine ne fait que créer de la condescendance au mieux et de l'hostilité au pire, et je n'ai pas besoin d'une dose supplémentaire de ni l'un ni l'autre. J'aurais plutôt besoin d'une dose réduite des deux.»

Le gouvernement a-t-il écouté ce que Mark Pickup avait à dire? Il n'en a pas tenu compte, pas plus qu'il n'a tenu compte des milliers d'autres personnes handicapées et autochtones qui ont dit au comité que l'ancienne loi ne les aidait pas.

En juin dernier, pendant le campagne électorale en Ontario, même le leader libéral provincial a promis de modifier la loi provinciale sur l'action positive, la qualifiant de défavorable, de bureaucratique et de coûteuse à administrer. Les électeurs ontariens ont finalement élu Mike Harris, qui avait promis de faire disparaître les lois sur l'équité en matière d'emploi. Il a tenu sa promesse. Il n'avait pas un livre rouge plein de promesses non tenus comme mes collègues d'en face.

En octobre 1995, la Cour européenne de justice a décidé que l'établissement de quotas pour les emplois et les promotions violait les lois européennes sur l'équité en matière d'emploi. Aux États-Unis, on est en train de mettre fin à trois décennies de programmes d'action positive.

La loi du gouvernement sur l'équité en matière d'emploi est une insulte pour les femmes, les minorités et les personnes handicapées. En tentant de racheter le passé, le gouvernement piétine le présent et compromet l'avenir.

Un gouvernement réformiste traiterait les gens de façon égale et ne punirait pas les générations d'aujourd'hui pour les erreurs des générations précédentes. La gestion de la diversité va au-delà des limites étroites de l'équité en matière d'emploi. Nous devons créer un milieu de travail juste et équitable qui reconnaît les besoins de tous les employés et essaie d'y répondre.

Le rôle du gouvernement n'est pas de déterminer les conditions en vertu desquelles les entreprises privées engagent leurs employés. Il est temps de laisser le bon sens prévaloir. Une main d'oeuvre diverse est un atout pour toute entreprise. Le marché dictera le degré de diversité du personnel. Les entreprises le feront par elles-mêmes et elles n'ont certainement pas besoin que le gouvernement leur impose des tracasseries administratives excessives.

Pour une raison quelconque, le gouvernement libéral suppose que quiconque fait partie d'un des quatre groupes désignés est désavantagé. Cette supposition est paternaliste, injuste et irréaliste.

Pourquoi le gouvernement présume-t-il qu'il doit légiférer sur l'équité? Le gouvernement a-t-il le monopole de la moralité? Le 21 mars dernier, le président du Conseil du Trésor a dit que le taux de participation des femmes à la fonction publique était passé de 44 p. 100 à 47, 4 p. 100 en l'espace d'une année, que près des deux tiers des 14,000 employés recrutés étaient des femmes et que 56 p. 100 des employés promus étaient des femmes. Cela témoigne d'un changement de mentalité et d'une nouvelle réalité.

J'aime à croire qu'elles ont été engagées ou promues en fonction de la valeur de leur travail et non de quotas artificiels. La fonction publique comprend des femmes qualifiées, compétentes qui méritent d'être récompensées pour leur excellence et non pas pour leur sexe. Elles méritent mieux que des politiques paternalistes de pure forme de la part de leurs employeurs.

(1840)

Les promotions étant la prochaine étape logique de la quête de l'égalité, nous devons prendre garde de ne pas perpétuer le principe de Peter. Il y a longtemps, la philosophie derrière l'équité en matière d'emploi était qu'il fallait sensibiliser les gens. C'est fait. Nous devons maintenant laisser libre cours au jeu de la concurrence.

Je suis membre du Comité permanent du développement des ressources humaines. Depuis deux ans, nous examinons le programme d'assurance-chômage. Nous entendons parler du besoin de programmes destinés à aider les gens qui ont abandonné toute recherche d'emploi et dire que les perspectives sur le marché du travail sont sombres. Elles sont suffisamment sombres sans qu'on les empire en imposant des quotas.

Le gouvernement a créé une nouvelle catégorie de désavantagés. Ce sont les jeunes hommes de race blanche. Mon collègue a parlé des quotas imposés à la GRC. Lors du salon des carrières tenu récemment à l'école secondaire de ma ville, de jeunes garçons se sont dits intéressés à devenir membres de la GRC. On leur a dit qu'ils feraient mieux de chercher un autre type d'emploi.

Le taux de chômage chez les hommes de 15 à 24 ans en mars était de 17,4 p. 100, alors qu'il était de 13,1 p. 100 chez les femmes du même groupe d'âge, une différence de 4,3 points de pourcentage. Il ne fait pas de doute que le chômage chez les jeunes est trop élevé. La meilleure façon pour le gouvernement d'aider les chômeurs canadiens, ce n'est pas de mettre en oeuvre des programmes d'équité en matière d'emploi qui nuisent à certains groupes, mais bien en équilibrant le budget, en réduisant les milliards de dollars de dette et en abaissant les impôts.

Les concessions spéciales minent le moral et le respect. On a perdu la notion des chances égales quelque part en cours de route.

Les immigrants qui sont arrivés au Canada au fil des siècles, nos ancêtres, sont venus ici parce qu'ils voyaient ce pays comme une terre de liberté et d'avenir. Le temps est venu d'entrer dans l'ère où tous les Canadiens sont traités de façon égale.

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur la motion no 154, présentée par le député de Wetaskiwin.


2285

Selon la motion, le gouvernement devrait appuyer le droit de tous les candidats à un poste d'être évalués uniquement en fonction du principe du mérite. Cette motion est totalement inutile et de portée trop étroite. Le gouvernement ne peut pas l'appuyer.

Nos pratiques actuelles reconnaissent déjà le principe du mérite. En fait, c'est grâce à l'application du principe du mérite que le Canada a aujourd'hui une fonction publique de calibre mondial. Le mérite est le fondement même du processus de sélection qui existe au sein du gouvernement fédéral et qui a permis d'avoir les fonctionnaires les plus compétents pour servir le gouvernement et la population canadienne.

Le principe du mérite s'applique au moment du recrutement des nouveaux fonctionnaires et au moment des promotions des fonctionnaires en poste. Prétendre le contraire serait porter atteinte à l'intégrité du processus de sélection.

Il est clair que le mérite est un principe fondamental qui, lorsqu'il est appliqué aux individus nommés dans la fonction publique, est le meilleur critère. Ce principe est inscrit dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Cette loi prévoit que les nominations se font selon le principe du mérite, sous réserve d'exceptions très limitées définies par le Parlement.

Par exemple, dans certaines situations particulières, la loi exige que la priorité soit accordée aux employés dont le poste est déclaré excédentaire et qui risquent une mise à pied. Le gouvernement croit que ces exceptions sont essentielles à un programme de recrutement des fonctionnaires efficient et basé sur le mérite.

Le gouvernement est un employeur responsable. Il doit être capable d'attirer des gens de haut calibre pour que les Canadiens continuent de bénéficier de l'une des meilleures fonctions publiques au monde. La motion ne reconnaît pas ce besoin. Elle nous imposerait un carcan que nous ne pouvons pas accepter.

(1845)

Dans la fonction publique du Canada, le recrutement est régi par la Loi sur l'équité dans l'emploi. La motion ne reconnaît pas que le principe important de l'équité dans l'emploi et le principe du mérite sont compatibles et essentiels au maintien d'une fonction publique qualifiée et représentative de tous les Canadiens.

Notre cadre législatif garantit que nos systèmes de dotation ne comportent aucune barrière systémique ou psychologique. Au Canada, seules les personnes qualifiées, peu importe leur race, leur origine, la couleur de leur peau, leur sexe, leur âge ou peu importe qu'elles soient handicapées ou pas, peuvent être recrutées dans la fonction publique du Canada.

Pour assurer le respect de ces importants principes, le Parlement a, dans sa grande sagesse, autorisé la Commission de la fonction publique à corriger certaines inégalités historiques dans la représentation de groupes désignés au sein de la fonction publique. Le Parlement a ainsi voulu faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à la fonction publique et que tous y soient représentés. Une organisation éclairée embauche les personnes les plus brillantes et les plus compétentes, qu'il s'agisse d'autochtones, de femmes, de membres de minorités visibles ou de personnes handicapées.

Comme le disait récemment le président du Conseil du Trésor lorsqu'il a déposé le budget principal des dépenses, notre fonction publique est composée de gens dévoués et efficaces. Nous voulons traiter nos employés avec justice et nous voulons qu'ils soient motivés et qu'ils se sentent mis en valeur dans leur travail. Le personnel de la fonction publique du Canada a toujours été réputé pour sa compétence, son intégrité et son goût du travail. Nous sommes convaincus que les hommes et les femmes qui en font partie continueront de faire preuve de professionnalisme. Le principe du mérite est fondamental dans notre capacité à recruter les plus brillants et les meilleurs.

Notre cadre législatif actuel est une bien meilleure garantie de la qualité de la fonction publique que la motion restrictive dont la Chambre est maintenant saisie. En deux mots, la motion no 154 est trop contraignante et trop restrictive pour mériter l'appui du gouvernement. Elle ne reconnaît pas l'importance du principe du mérite ni d'autres principes d'accès et de représentation que les Canadiens veulent voir leur gouvernement appliquer pour avoir une fonction publique qui demeure toujours qualifiée et représentative de la population. Toute organisation sensée engage des représentants de diverses races et religions. Je ne peux imaginer que le gouvernement du Canada puisse vouloir faire autrement.

Dans la circonscription de Bruce-Grey, que je représente, nous essayons de constituer une portion représentative de la population. Le nom lui-même, Bruce-Grey, le dit bien. Bruce est la partie écossaise, et Grey, la partie anglaise. Je suis vraiment un cas d'espèce. Il n'y a pas beaucoup de minorités. Dans notre corps policier, les femmes étaient minoritaires. Nous avons essayé de régler ce déséquilibre social. J'ai été le premier maire à embaucher une policière. Il y en a maintenant trois ou quatre, et le déséquilibre est en train de disparaître.

Il faut corriger les déséquilibres systémiques, car les individus doivent savoir que la société leur offre des possibilités. Comme je l'ai dit au chef de police, peut-être que si nous arrêtions le temps, que nous rétablissions les proportions des différents groupes et que nous recommencions à zéro, nous n'aurions pas à nous livrer concurrence.

Je sais que la situation de l'emploi est actuellement stressante, et que nous vivons une période de profonds changements. Je pense toutefois que, dans notre pays, l'un des meilleurs du monde, nous pouvons faire en sorte que l'on s'occupe des jeunes et que toutes les personnes de la société soient représentées. L'égalité d'accès pour tous, c'est ce qui fait du Canada le meilleur pays du monde.

(1850)

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Madame la Présidente, le député de Wetaskiwin a déposé en cette Chambre la motion M-154. Cette motion mentionne, et je cite:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer le droit de tous les candidats à un poste d'être évalués uniquement en fonction du principe du mérite.


2286

La motion présentée par l'honorable député s'impose d'elle-même. Tous les candidats à un poste ne devraient être évalués qu'en fonction du mérite. Je suis d'accord avec le député sur ce point: chaque candidat devrait être évalué le plus objectivement possible et selon son mérite, et seulement selon son mérite. Il s'agit, en fait, d'un principe de base en gestion des ressources humaines.

Mais ce principe du mérite et seulement selon le mérite ne joue pas jusqu'au bout. Plusieurs groupes dans la société sont pénalisés et ne sont pas évalués selon leur mérite par leur employeur respectif. Cette discrimination est généralement basée sur le sexe, l'appartenance à une culture ou à une minorité visible ou sur un handicap physique.

C'est justement pour cette raison que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les grandes entreprises ont dû intervenir par le biais de programmes d'équité en emploi. Laisser jouer les forces du marché avait pour effet de pénaliser injustement certains groupes de notre société.

C'est bien beau de dire qu'on applique le principe du mérite pour l'obtention d'un poste, mais sans intervention délibérée en faveur de certains groupes cibles, le mérite individuel n'est plus seul en cause, car les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles seront défavorisées dès le départ. C'est la raison pour laquelle ces quatre groupes ont été définis comme des groupes désignés en matière d'équité en emploi par le gouvernement fédéral en 1992.

En décembre 1992, un amendement apporté à la Loi sur la gestion des finances publiques conférait à l'équité en emploi dans la fonction publique fédérale son fondement législatif. Cependant, les éléments fondamentaux des programmes d'équité en emploi sont demeurés les mêmes que ceux déjà énoncés dans la politique du Conseil du Trésor sur l'équité en emploi de 1986. Il faut bien noter que la base législative du programme d'équité en emploi est donc bien antérieure à l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral actuel.

Le mérite dans l'attribution d'un poste doit être basé sur un système objectif d'évaluation des postes. Un système d'évaluation des postes doit décrire et mesurer les niveaux de complexité, de responsabilité, de connaissances et les conditions de travail liés à chaque poste, et ce, de la manière la plus objective possible.

Mais cette mission objective doit se doubler d'une mission sociale dans l'entreprise, et cette mission sociale se traduit généralement dans le domaine de la gestion des ressources humaines par la mise sur pied de programmes d'équité en emploi.

Mais la beauté de tout cela, c'est que l'économique et le social sont indissociables et se complètent en s'enrichissant mutuellement. Ainsi, des programmes d'équité en emploi permettent à des individus talentueux, membres des groupes désignés, de percer enfin, étant donné les politiques de recrutement et de promotion mises en place dans la foulée de ces programmes.

Ces gens se révèlent alors et apportent à leur employeur une contribution exceptionnelle, laquelle ils n'auraient jamais pu apporter sans l'existence de politiques d'équité en emploi, du fait que les membres de leur groupe d'appartenance étaient discriminés au départ par la culture du milieu ou la culture organisationnelle de leur entreprise.

Nous n'appuierons pas la motion M-154 présentée par le député, car l'évaluation à un poste uniquement en fonction du mérite ne doit pas faire fi de la politique fédérale d'équité en emploi énoncée en 1986 et qui s'est vue reconnaître par un amendement législatif en 1992. Et pour donner toute sa force et son objectivité au principe de l'évaluation au mérite, il faut justement que les groupes discriminés au départ soient reconnus, afin que les éléments les plus talentueux soient retenus indépendamment de leur origine d'appartenance. Ne reconnaître que le mérite seul serait faire preuve de courte vue et ignorerait finalement le mérite lui-même en bout de ligne.

Où en sommes-nous, au Canada et dans les diverses provinces, en matière d'équité en emploi dans le secteur public et le secteur privé? La situation varie d'une province à l'autre. Selon M. Morley Gunderson, directeur du Centre de relations industrielles à l'Université de Toronto qui a étudié la situation en Ontario, le secteur public et les grandes entreprises ont augmenté les salaires de leurs employés féminins de 20 p. 100 pour améliorer l'équité en emploi.

(1855)

Dans les entreprises plus petites, les corrections ont été beaucoup plus modestes. Et, au départ, les seules initiatives à l'extérieur du Québec venaient du gouvernement fédéral ou d'entreprises régies par le gouvernement fédéral. Le Québec a reconnu l'équité homme-femme en matière d'emploi dès 1976, alors que cinq autre provinces ont reconnu cette équité en emploi au milieu et vers la fin des années 1980. L'équité signifiant ici: à travail égal, salaire égal.

Le secteur public a pris un avance en matière d'équité en emploi entre les hommes et les femmes. Les grandes entreprises ont généralement mis sur pied un programme d'équité salariale, mais ceci est loin d'être le cas pour les plus petites entreprises.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante recommande même au gouvernement Harris en Ontario de porter de 10 à 50 employés le seuil requis pour l'établissement obligatoire d'un programme d'équité en emploi, ce qui exclurait les deux tiers de la force de travail de cette province.

De toute évidence, on observe que la discrimination salariale demeure plus présente dans le secteur privé. Au gouvernement fédéral, le coût d'implantation de l'équité salariale est actuellement estimé à 1,5 milliard, à la suite de la décision rendue par le Tribunal canadien des droits humains. Le Tribunal a reconnu les résultats et la pertinence de l'étude indépendante demandée conjointement par le Conseil du Trésor et les syndicats d'employés. Le fédéral s'est donné les mois d'avril et mai de cette année pour évaluer la rétroactivité et les augmentations salariales qui affecteraient la rémunération de 80 000 employés féminins.

L'Alliance de la fonction publique du Canada soutient que le gouvernement fédéral doit 1,5 milliard de dollars à 80 000 femmes qui oeuvrent dans six classifications d'emplois à prédominance féminine, tels que les emplois de commis, secrétaires et dactylos, entrées de données, libraires, personnel de service hospitalier et


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personnel de soutien en éducation. L'Alliance demande que les corrections salariales s'appliquent rétroactivement à 1986.

Certains syndiqués craignent que la rétroactivité salariale, bien que légitime, incite le gouvernement à effectuer des mises à pied supplémentaires. Le gouvernement fédéral se gargarise de mots en matière d'équité en emploi depuis plus de 10 ans, mais la mise en vigueur de la décision de la Cour se fait toujours attendre.

Nous ne pouvons donc appuyer cette motion M-154 car elle démontre une bien trop courte vue sur le rendement professionnel et le rendement au travail: n'évaluer un candidat que sur le seul mérite risquerait d'éliminer au départ des candidats talentueux issus de groupes discriminés. Quant au gouvernement actuel, il devrait sans délai se conformer à la décision du Tribunal et rendre définitivement justice à ses employés membres des groupes désignés-les autochtones, les personnes handicapées, les membres des minorités visibles et les femmes-en leur versant la rétroactivité et les augmentations salariales qui leur sont dues.

C'est à ce prix qu'on verra si ce gouvernement est capable, pour une fois, de joindre le geste à la parole.

[Traduction]

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre part ce soir au débat sur cette motion. Je félicite mon collège de Wetaskiwin d'avoir proposé cette motion et de s'être assuré que les députés de la Chambre et tous les Canadiens soient informés de la position du Parti réformiste à l'égard de l'équité en matière d'emploi et du recrutement en fonction du mérite.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, il existe deux écoles de pensée. La première est que les programmes législatifs sont nécessaires pour réparer les injustices, notamment les injustices observées par le passé au sein de la main-d'oeuvre. La deuxième est que le défaut de l'équité en matière d'emploi est qu'elle préconise le recrutement d'individus en fonction de caractéristiques personnelles et non pas du mérite. Il y a donc manifestement deux écoles de pensée.

Ce que ces deux points de vue opposés ont en commun, c'est qu'ils supposent chacun une forme d'action positive ou de mesure législative en matière d'emploi. On a pensé que c'était une bonne façon de s'attaquer aux inégalités en milieu de travail. On a écrit beaucoup de choses sur la culture du travail à cet égard. Cependant, je pense que les inégalités d'origine sociale n'expliquent pas les expériences extrêmement différentes que connaissent différents groupes au cours de leur vie.

Le gouvernement essaie d'écarter les éléments les plus complexes qui ressortent d'une analyse du projet de loi C-64. Les conditions aujourd'hui ne sont pas ce qu'elles étaient il y a 10 ans, voire même 15 ans. Les données empiriques et la documentation à l'appui montrent que la culture et l'éducation jouent un rôle plus marqué dans les écarts en milieu de travail que ce que nous pourrions supposer.

(1900)

Je vais maintenant souligner cinq points qui expriment bien la position du Parti réformiste telle que je la vois. Premièrement, tous les Canadiens sont égaux devant la loi et ont droit au même bénéfice de la loi, et tous les travailleurs ont le droit de n'être soumis à aucune discrimination au travail. Je crois sincèrement à ces principes.

Deuxièmement, le marché fournira les solutions au problème de la représentativité du milieu de travail dans le secteur privé. Le député de Fraser Valley-Ouest a déjà prononcé des propos très éloquents à ce sujet à la Chambre. Les entreprises qui pratiquent une gestion financière et une gestion du personnel adéquates embauchent du personnel capable d'établir des rapports efficaces avec leurs clients et capable de bien servir ceux-ci. Cela, en soi, devrait signifier qu'il y aura transparence dans la gestion, de sorte que les employés aient pleinement accès à toutes les possibilités qu'offre le milieu de travail.

Troisièmement, le rôle du gouvernement est de garantir l'égalité d'accès plutôt que de déterminer l'égalité du résultat de l'embauche dans le secteur public et au-delà du secteur public. L'égalité d'accès, c'est effectivement le rôle du gouvernement, mais un gouvernement ne saurait assurer l'égalité du résultat de l'embauche et ne devrait certainement pas essayer.

Par exemple, lorsque le NPD était au pouvoir en Ontario, il s'est rendu très impopulaire en mettant sur pied une réforme sociale coûteuse, pratiquement une révolution, en plein milieu de la récession la plus grave depuis les années 30. Les entreprises ont trouvé de nombreux moyens de contourner la nouvelle loi garantissant l'égalité de rémunération aux femmes. Elles ont employé les gens à contrat, elles ont imposé du temps supplémentaire non rémunéré et des semaines de travail plus courtes, et elles ont employé des travailleurs à temps partiel. La campagne d'équité en matière d'emploi du gouvernement, qui visait à faire embaucher plus de femmes, souvent en mettant des annonces décourageant les hommes de se présenter, a fortement déplu aux hommes qui en ont nourri un grand ressentiment.

Même Thomas Walkom, le chroniqueur du Toronto Star qui couvre l'assemblée législative à Queen's Park et qui est juste dans ses colonnes, disait que la décision d'embaucher en fonction de la race et du sexe était répréhensible, maladroite et regrettable. On devrait donner la priorité aux femmes seulement lorsque les candidats sont de même valeur, disait-il, car empêcher un groupe de poser sa candidature est dangereux. Il disait encore: «Tout ce que le gouvernement a réussi à faire, c'est créer une nouvelle victime, l'homme blanc en bonne santé.»

Le quatrième point du Parti réformiste, en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, c'est que le milieu de travail devrait être libre de tout obstacle arbitraire en matière d'embauche et de promotion. Le mérite doit être le seul critère d'embauche. Je pense que la majorité des Canadiens estiment qu'il doit en être ainsi. Cela signifierait que, de façon générale, les Canadiens n'appuient pas le projet de loi C-64, sur l'équité en matière d'emploi. C'est peut-être pour cette raison que le gouvernement a décidé de ne pas proclamer cette mesure législative. La question reste entière.

Cinquièmement, la loi et les mesures concernant l'équité en matière d'emploi qui écartent le principe du mérite des pratiques de recrutement sont coercitives, superflues et coûteuses, et il y a donc tout lieu de les abandonner. Le gouvernement pourrait faire un pas


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vers la reconnaissance du principe du mérite dans les pratiques de recrutement en abrogeant le projet de loi C-64.

On ne saurait aborder la motion d'aujourd'hui ou le projet de loi C-64 sans toucher un mot des quotas. Quand un quota n'en est-il pas un? Il semblerait qu'un quota n'en est pas un quand l'ex-ministre du Développement des ressources humaines le qualifie d'objectif numérique. N'oublions pas que le ministre était l'architecte en chef de la stratégie de sociologie appliquée du gouvernement pour ce qui concerne l'équité en matière d'emploi. Il insistait sur le fait que les objectifs numériques visaient à garantir la présence d'un certain nombre de femmes, d'autochtones, de membres des minorités visibles et de personnes handicapées dans certains secteurs, mais qu'il ne s'agissait pas de quotas même si le dictionnaire définit un quota comme un contingent ou pourcentage déterminé.

Pourquoi l'ex-ministre du Développement des ressources humaines n'appelle-t-il pas un chat un chat et un quota un quota? Il n'aime peut-être pas le terme parce que l'imposition de quotas de recrutement en faveur des groupes défavorisés aux États-Unis a provoqué un fâcheux ressac parmi les exclus.

(1905)

Je vais vous donner un exemple de ce qui s'est produit aux États-Unis. La situation aux États-Unis est curieusement illogique et je crois qu'elle soulève des questions au sujet des pratiques actuelles d'embauchage qui sont basées, en fait, sur ces objectifs quantitatifs.

Je vais prendre l'exemple d'un petit collège de la Californie. On a fait circuler un formulaire qui s'adressait aux entreprises voulant faire des affaires avec le collège. Les lettres qui accompagnaient les formulaires demandaient que ces formulaires soient remplis le plus rapidement possible. On y disait que pour pouvoir continuer à faire des affaires avec ces entreprises, tous les collèges devaient fournir des renseignements sur l'équité en matière d'emploi. Ces collèges reçoivent de l'aide gouvernementale aux États-Unis.

Le fournisseur doit préciser dans quelle proportion l'entreprise est contrôlée par des autochtones, des noirs, des hispaniques, des Américains d'origine asiatique et des Indiens d'Asie. Pour pouvoir traiter en priorité avec le collège, les entreprises doivent appartenir dans une proportion de 51 p. 100 à des gens membres d'une de ces minorités ou faire en sorte que leur gestion et leur fonctionnement quotidien soient contrôlés par des membres d'au moins un de ces groupes. La même priorité va aux entreprises détenues à 51 p. 100 par des femmes ou dont la gestion et le fonctionnement quotidien sont contrôlés par une ou plusieurs femmes qui possèdent l'entreprise.

On a créé une bureaucratie distincte pour surveiller l'application de ces mesures. Les sanctions imposées sont bien réelles. Sur le formulaire on précise que: «La transmission de faux renseignements constituera un motif suffisant pour mettre un terme à n'importe quel contrat octroyé et intenter des poursuites aux termes de la loi fédérale ou de la loi de l'État à ce sujet.»

Ne devrions-nous pas nous préoccuper davantage de faire disparaître de telles pratiques injustes du marché du travail? Lorsqu'il est question d'embaucher, ne devrait-on pas, en premier lieu, se demander ce que les candidats connaissent, ce qu'ils sont capables d'accomplir et les avantages qu'il y a à engager telle ou telle personne au lieu d'appliquer des filtres qui dictent de façon subjective l'embauche de certaines personnes?

Pour dire les choses simplement, les réformistes veulent que tous les Canadiens soient traités également et équitablement. Nous souhaitons qu'ils aient tous le même accès aux débouchés offerts. Ce que nous ne voulons pas, cependant, c'est qu'on dicte aux entreprises qui elles devraient engager. Favorisons plutôt des pratiques d'embauche équitables.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir traiter de cette motion, qui dit que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer le droit de tous les candidats à un poste d'être évalués uniquement en fonction du principe du mérite.

On pourrait se demander pourquoi nous avons besoin d'une telle motion. À mon avis, la plupart des Canadiens tiennent cela pour acquis. Lorsqu'une personne postule un emploi, il devrait lui suffire de dire: «Voici ma demande d'emploi. Voici ce que je vaux. Engagez-moi en fonction de ce que je peux faire pour vous.»

La plupart des Canadiens diraient sûrement que cela ressemble à la politique que nous devrions suivre. L'engagement en fonction du mérite a du bon sens sur le plan des affaires et sur celui de l'éthique. Elle a également du bon sens dans le milieu de travail, où les employés pourraient dire qu'ils occupent tel poste parce qu'ils l'ont mérité.

Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas au Canada. Je pense en particulier aux exceptions au principe du mérite. La plupart des gens sont embauchés en fonction du mérite, mais il y a des exceptions. Le gouvernement fédéral a déclaré que le principe du mérite ne devait pas nécessairement s'appliquer.

Quand on lui a demandé, en 1982, si le principe du mérite était important, la Cour fédérale du Canada a déclaré: «Les exigences du principe du mérite sont toujours les mêmes. Ce principe exige que la sélection se fasse en fonction du mérite, ce qui signifie qu'on trouvera les personnes les plus compétentes pour occuper les divers postes de la fonction publique.» Le tribunal a dit que nous devrions embaucher les meilleurs candidats disponibles, puisque c'est précisément ce que signifie l'embauche en fonction du principe du mérite.

Malheureusement, le gouvernement fédéral ne procède pas comme cela, en pratique. Les téléspectateurs doivent être étonnés de l'apprendre. Selon les règlements de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, il y a quatre exceptions à l'embauche en fonction du principe du mérite. Je pense que tout le monde serait d'avis que les gens embauchés à quelque emploi que ce soit, mais surtout dans la fonction publique, devraient l'être en fonction du mérite. Il y a quatre exceptions à l'exigence de prouver le mérite, car il existe dans la loi des dispositions permettant la discrimination, l'imposition de contraintes géographiques aux emplois, la suspension de la procédure d'appel des nominations par concours, et les considérations de mérite sont écartées dans le cas de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

(1910)

Nous en avons parlé plus tôt à propos du paragraphe 15(2) de la charte. Le principe du mérite, d'après la décision de 1982 de la cour


2289

d'appel, peut être contourné pour nommer quelqu'un non pas en fonction du mérite, mais en fonction de certaines des catégories visées par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous pouvons exercer de la discrimination, nous pouvons limiter les candidatures selon des critères géographiques, nous pouvons faire en sorte que personne ne puisse en appeler d'une éventuelle nomination à un poste. Les considérations de mérite, pour déterminer le candidat le plus qualifié, seront écartées.

Ce sont là des choses plutôt graves. La plupart des gens, des deux sexes, appartenant à quelque groupe que ce soit, se diraient: «Je vais décrocher ce poste grâce à mon mérite. Sapristi, je peux me débrouiller, je vais y réussir.» À l'heure actuelle, plus de la moitié des diplômés d'université sont des femmes. De plus en plus, les candidats aux études supérieures se recrutent chez les deux sexes, mais le nombre des femmes augmente constamment. Elles se disent: «Je puis décrocher cet emploi grâce à mon seul mérite. Je puis y réussir. Je n'ai pas besoin d'aide. Je n'ai pas besoin de faveur spéciale. Je n'ai pas besoin qu'on réduise les normes. Je peux faire le travail.» Et elles le peuvent en effet. Nous connaissons tous des personnes de tous les groupes de la société qui sont extrêmement compétents dans leur travail, non à cause de la couleur de leur peau ou de leur sexe, mais parce qu'elles font bien leur travail.

Malheureusement, nous constatons que les catégories qu'on trouve dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi permettent de contourner le principe du mérite. Des candidats qui ne sont pas les plus compétents peuvent être nommés, comme le dit la décision rendue en 1982, parce qu'ils ont satisfait aux exigences minimums et font partie de la bonne catégorie.

Les groupes désignés, aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, sont les autochtones, les gens de couleur, les femmes et les handicapés. Voilà la description utilisée. Je n'aime pas classer les personnes ainsi, mais c'est ce que fait la loi. Il me semble plutôt humiliant de dire à un membre de l'un de ces groupes: «Je ne pense pas que vous soyez assez compétent pour l'emploi. Nous allons vous accorder un traitement de faveur, parce que vous n'allez pas y arriver seul.»

Lorsque nous avons tenu des audiences sur le projet de loi C-64, la Loi sur l'équité en matière d'emploi, il y avait à la table une femme qui est lieutenant-colonel dans les Forces canadiennes, et nous avons discuté du principe du mérite.

Voici ce qu'elle m'a dit: «Je suis devenue lieutenant-colonel parce que j'étais la meilleure de ma promotion. Je ne peux pas imposer le respect à mes subalternes si je ne continue pas à mériter mon poste. Je suis la meilleure de ma promotion. Je serai colonel, un jour, et je vais encore une fois être la meilleure. Si quelqu'un veut me donner une promotion non parce que je suis la meilleure, mais parce que je suis une femme et que j'ai besoin d'un coup de pouce, je refuserai cette promotion. Comment pourrais-je commander aux hommes et aux femmes qui sont sous mes ordres? Est-ce que je peux leur imposer mes ordres? Je sais que vous êtes plus qualifié que moi, sergent, mais c'est moi qui donne les ordres. Cela ne marcherait pas chez les militaires. Et, à dire vrai, je n'ai pas besoin de coup de pouce. Je peux faire le travail et me qualifier au mérite et non parce que je suis une femme.» C'est un point de vue que j'entends souvent.

Autre problème intéressant, lorsqu'une personne est engagée autrement que selon l'ordre du mérite, parce qu'elle appartient à une certaine catégorie et non parce qu'elle est la plus compétente, il n'y a pas de droit d'appel. Voici ce qui se passe. Disons qu'il y a 100 candidats et qu'il y a un certain nombre de membres de chacun des groupes désignés. On donnera le poste à un membre d'un des groupes désignés. Lorsque cette personne sera nommée, quelqu'un d'autre appartenant au même groupe, disons un autochtone, dira: «Attendez un instant. Cette femme a eu le poste. Je vais aller en appel. Ce n'est pas juste. Je suis mieux qualifié qu'elle.» Cependant, ces groupes désignés n'ont pas le droit d'aller en appel. Par conséquent, quelqu'un d'un autre groupe désigné dira: «Attendez un instant. C'est moi qui aurait dû avoir ce poste.» On lui répondra: «Désolé, il n'y a pas d'appel.» C'est ridicule.

(1915)

Et que dire des restrictions géographiques? Normalement, dans la fonction publique, il existe des restrictions géographiques relativement à l'endroit où une personne peut postuler un emploi, relativement à l'endroit où une personne habite par rapport à son lieu de travail, et ainsi de suite. Ce système ne tient compte d'aucune de ces restrictions.

Je ne veux pas dire que le gouvernement fédéral n'accorde aucune importance au mérite. Évidemment, le gouvernement fait subir des examens et a des exigences minimales. Toutefois, la Loi sur l'équité en matière d'emploi a priorité sur le principe du mérite, et c'est malheureux.

Il y a d'autres choses qui découlent de cela. En vertu de l'accord actuel avec les Nisga'a en Colombie-Britannique, les gens d'une seule race ont le droit de voter dans leurs élections. Les autres gens qui habitent là ne peuvent pas voter s'ils n'appartiennent pas à la race des Nisga'a. Il y a d'autres choses aussi en ce qui concerne les marchés avec les autochtones.

Nous voulons tous des chances égales pour tout le monde. La secrétaire d'État responsable de la Situation de la femme disait dans une lettre qu'elle m'a envoyée le 16 avril dernier: «Ce que nous recherchons maintenant n'est pas l'égalité des chances mais bien l'égalité des résultats. Nous ne verrons pas à ce que tous aient des chances égales», ce que nous voulons tous. «Nous verrons à ce que les résultats soient égaux.» Ce n'est pas là le principe du mérite. Ce n'est pas ce que les Canadiens veulent.

Cette motion est sage. Elle promeut l'unité sur le marché du travail, et je prie instamment tous les députés de l'adopter.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il n'y a plus de député pour prendre la parole et que la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

Est-on d'accord pour dire qu'il est 19 h 30?

Des voix: D'accord.

> 2290

2290

MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office, en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Madame la Présidente, le 24 avril 1996, j'ai eu l'occasion de poser une question au ministre du Développement des ressources humaines concernant la formation de la main-d'oeuvre. Cette question portait sur un vieux débat qui, on l'espère, sera réglé bientôt.

Au Québec, il y a un consensus pour que toute la question de la formation de la main-d'oeuvre relève du gouvernement du Québec. Ce consensus regroupe toutes les composantes de la société. C'est un phénomène assez particulier, car ce n'est pas à tous les jours que le Conseil du patronat du Québec, les fédérations syndicales, le réseau de l'éducation et le gouvernement se mettent tous d'accord sur le même point.

Il faut que la formation de la main-d'oeuvre, toute la question des mesures actives d'emploi soient sous la responsabilité d'un même gouvernement pour mettre fin au gaspillage annuel de 250 millions de dollars qui se reproduit d'année en année, et qui continuera de se produire tant qu'on n'aura pas un résultat qui nous permettra de mettre fin aux dédoublements actuels entre les deux gouvernements.

De plus, avec la réforme de l'assurance-chômage, ces activités seront financées à 100 p. 100 à même la Caisse de l'assurance-chômage. Il faut se rappeler que le régime d'assurance-chômage a été créé il y a près de 50 ans pour permettre aux gens d'avoir un revenu entre deux emplois.

(1920)

Mais le gouvernement actuel, avec sa réforme de l'assurance-chômage, vise maintenant à se servir de ces fonds-là pour financer des activités de formation dans un secteur qui n'est pas de sa responsabilité, mais celle de la province. Il est incapable de laisser la responsabilité à la province et il invoque le fait que l'argent de l'assurance-chômage étant versé au gouvernement fédéral, il ne pourrait pas le transférer aux gouvernements provinciaux parce qu'il a une responsabilité vis-à-vis de cet argent.

Je pense qu'il y a deux solutions possibles. La première, c'est qu'on s'organise pour que les cotisations financent vraiment l'assurance-chômage, que le gouvernement fédéral se désengage du côté de la main-d'oeuvre et laisse ce champ de juridiction aux provinces. Donc, qu'il libère le champ de taxation et qu'il permette au gouvernement du Québec, ou de toute autre province intéressée, de l'assumer.

L'autre possibilité, comme on a déjà vu dans d'autres programmes, c'est de s'assurer qu'il y a des ententes avec des vérifications a posteriori et avec une marge de manoeuvre très grande pour la province. Donc, la question sur la formation de la main-d'oeuvre a besoin d'être explicitée, semble-t-il.

Je voudrais savoir du secrétaire parlementaire si le gouvernement a l'intention de mettre de côté l'obligation d'une entente avec la province pour que les citoyens soient admissibles aux prêts et bourses. Il y a un effet un peu pervers dans la réforme actuelle qui dit que le fédéral ne pourra pas dépenser d'argent s'il n'y a pas d'entente avec la province concernant les programmes de prêts et bourses pour les adultes.

Cette mesure a l'effet contraire aussi parce que la province est prise dans un étau. Si elle ne signe pas d'entente avec le fédéral, si, par exemple, elle n'accepte pas les normes nationales que le fédéral pourrait vouloir imposer, elle privera ses citoyens des bénéfices des programmes de formation. Je pense que cette attitude est inacceptable.

J'aimerais savoir si le gouvernement a l'intention de se retirer tout simplement du secteur de la formation de la main-d'oeuvre et de permettre que les provinces qui le désirent puissent en avoir le plein contrôle et, ainsi, avoir des programmes efficaces qui permettront de diminuer le chômage fluctuant qu'on rencontre présentement au Canada et au Québec où on a peut-être 500 000 emplois disponibles, près de un million de chômeurs et on ne réussit pas à faire l'adéquation.

Comme l'a dit l'OCDE, qui est un organisme international d'envergure, nous n'avons pas un système efficace de formation de la main-d'oeuvre pour l'ajuster aux changements technologiques à cause des différents intervenants. Je demande donc au secrétaire parlementaire s'il peut m'assurer que le gouvernement changera de position à ce sujet.

[Traduction]

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais ramener le député et la Chambre à l'important discours du Trône. Je voudrais rassurer mes collègues de toutes les provinces qui remplissent une double fonction, soit représenter leur circonscription et, dans certains cas, leur province.

L'intention du gouvernement est fort simple, madame la Présidente, si vous avez lu la partie II du projet de loi sur l'assurance-emploi, dont la Chambre est saisie aujourd'hui, et qui fait l'objet de débats depuis plus de 140 jours, depuis son dépôt.

À la partie II, le gouvernement fédéral exprime son intention de négocier avec les provinces son retrait du champ de la formation de la main-d'oeuvre avant trois ans, au plus tard, et parallèlement, d'examiner ses propres responsabilités dans le régime d'assurance-chômage, en tenant compte des garanties constitutionnelles se rapportant à son rôle à cet égard.

Avant d'entreprendre des négociations avec les provinces, le gouvernement veut être certain d'obtenir des assurances et des garanties de résultats de la part des provinces. Il s'agit d'une caisse nationale.

2291

Parallèlement, il faut mettre en place un système de surveillance permettant de vérifier si les fonds transférés aux provinces et les ententes signées donnent les résultats attendus.

Quels sont ces résultats? La seule raison pour laquelle le gouvernement juge le processus acceptable, c'est qu'il veut éliminer les chevauchements coûteux. Nous nous gagnerons ainsi en efficience. Les systèmes doivent aider les hommes et les femmes à trouver des emplois et à améliorer leurs compétences, et aider les jeunes à entrer sur le marché du travail dans les domaines qui leur conviennent le mieux, compte tenu du climat de changement actuel.

C'est la réponse à la question. Tout ce que le député a à faire, c'est de consulter la partie II du projet de loi sur l'assurance-emploi et il verra que le gouvernement n'entrera pas dans les domaines de compétence des provinces sans leur approbation.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 25.)