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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er octobre 1996

AFFAIRES COURANTES

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du rapport 4899

PÉTITIONS

LE DÉFICIT

L'ÉCONOMIE

LA PETITE ENTREPRISE

LES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

LA FISCALITÉ

L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LE DIVORCE

    Projet de loi C-41. Motion de deuxième lecture 4900
    Mme Gagnon (Québec) 4903
    Mme Gagnon (Québec) 4914

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES BÉNÉVOLES DU SACO

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA MUSIQUE

    Mme Gagnon (Québec) 4932

LA JUSTICE

LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

LA CROIX-ROUGE INTERNATIONALE ET LA SOCIÉTÉ DU CROISSANT-ROUGE

TEMAGAMI

LE PONT DE LA CONFÉDÉRATION

LES JEUX OLYMPIQUES D'ATLANTA

L'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4934

L'ÉCONOMIE

LE CANCER DU SEIN

LE PARTI QUÉBÉCOIS

LA COMMUNAUTÉ ITALIENNE

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4935

LES ATHLÈTES OLYMPIQUES

LE BLOC QUÉBÉCOIS

LES ARMES À FEU

QUESTIONS ORALES

LE RENVOI À LA COUR SUPRÊME

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4936
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4936
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4937

LE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LES FORCES ARMÉES

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4939
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4939

LA SOMALIE

LE TRANSPORT AÉRIEN

LA JUSTICE

L'AMIANTE

    M. Chrétien (Frontenac) 4941
    M. Chrétien (Frontenac) 4941

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4942

LA JUSTICE

LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME

LA JUSTICE

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

L'EMPLOI POUR LES JEUNES

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES ATHLÈTES CANADIENS DES JEUX OLYMPIQUES ET DES JEUX PARALYMPIQUES

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4946

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

    Projet de loi C-53. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 4946
    M. Hill (Prince George-Peace River) 4946
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4948
    Report du vote sur la motion 4952

LA LOI SUR LE DIVORCE

    Projet de loi C-41. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 4952

LOI SUR LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI C-45-AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

LA LOI SUR LE DIVORCE

    Projet de loi C-41. Reprise de l'étude de la motion 4957
    M. Harper (Simcoe-Centre) 4960

LA LOI MARITIME DU CANADA

    Projet de loi C-44. Reprise de l'étude de la motion 4962
    Adoption de la motion par 161 voix contre 51 4963
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet deloi, et renvoi à un comité 4963

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

    Projet de loi C-53. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 4963
    Adoption de la motion par 178 voix contre 36 4964
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet deloi, et renvoi à un comité 4965

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE RETOUR AU CANADA DE KARIM NOAH

    M. Tremblay (Rosemont) 4965
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 4967
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 4972

MOTION D'AJOURNEMENT

LA JUSTICE

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

LE PRIX DE L'ESSENCE


4899


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 1er octobre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. John English (Kitchener, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant la cinquième rencontre annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui s'est tenue à Stockholm, en Suède, du 5 au 9 juillet 1996.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne qui a participé à la septième rencontre annuelle du Groupe interparlementaire Canada-Japon, rencontre qui s'est tenue à Toronto, à Montréal et à Ottawa, du 1er au 5 septembre 1996, ainsi que le rapport de la réunion du comité exécutif du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, qui a eu lieu à Ottawa, du 6 au 8 septembre 1996.

La région Asie-Pacifique revêt une importance de plus en plus grande pour le Canada. Le Japon se classe maintenant au deuxième rang parmi nos partenaires commerciaux. L'Asie est devenue, par ordre d'importance, la deuxième région avec laquelle le Canada entretient des relations commerciales.

La septième rencontre annuelle Canada-Japon qui a pris fin dernièrement a traité de nos relations bilatérales harmonieuses et en pleine croissance. Les discussions ont porté sur la coopération bilatérale et multilatérale dans un monde qui évolue rapidement. Les relations avec nos autres voisins de la région Asie-Pacifique évoluent elles aussi.

Le Canada sera l'hôte de la cinquième rencontre annuelle du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique qui aura lieu en janvier, à Vancouver. Le comité exécutif du FPAP vient de tenir, à Ottawa, une réunion couronnée de succès qui a été fort productive et il a approuvé les dispositions prévues pour la rencontre de Vancouver. Nous sommes impatients d'être les hôtes de cette rencontre et nous nous réjouissons que, l'an prochain, la première réunion du Forum de l'Asie-Pacifique se tienne au Canada.

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Le comité a convenu de faire rapport de ce projet de loi sans amendement.

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 33e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, rapport concernant les membres et les membres associés de certains comités.

Si la Chambre y consent, je propose l'adoption du 33e rapport du Comité permanent.

(La motion est adoptée.)

* * *

(1005)

PÉTITIONS

LE DÉFICIT

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter à la Chambre trois pétitions qui portent sur l'économie canadienne et sont signées par des habitants de North York.

La première pétition attire l'attention de la Chambre sur l'engagement pris par le gouvernement dans son livre rouge, de réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB. Les pétitionnaires demandent au Parlement de continuer à tenir la promesse faite aux Canadiens et à respecter son engagement de réduire le déficit, de sorte que le gouvernement puisse atteindre son objectif révisé de 2 p. 100 du PIB pour 1997-1998.

L'ÉCONOMIE

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition attire l'attention de la Chambre sur le fait que, l'an dernier seulement, les taux d'intérêt à court terme ont baissé de trois points de pourcentage, qu'au cours des deux ans et demi qui viennent de s'écouler l'inflation a été en moyenne de moins de 2 p. 100 et que d'ici 1997-1998 le déficit fédéral aura été réduit de 25 milliards de dollars. Les pétitionnaires attirent de plus

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l'attention de la Chambre sur le fait que depuis que le gouvernement libéral a pris ses fonctions, plus de 600 000 emplois ont été créés.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de travailler assidûment à maintenir un environnement sain pour la création d'emplois et la croissance économique.

LA PETITE ENTREPRISE

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, la dernière pétition attire l'attention de la Chambre sur le rôle important que joue la petite entreprise dans notre économie. C'est elle qui a créé plus de 85 p. 100 des nouveaux emplois et qui compte pour plus de 60 p. 100 de la production économique canadienne.

Les pétitionnaires attirent de plus l'attention de la Chambre sur le fait que le gouvernement améliore le climat pour la petite entreprise en s'attaquant au financement, à la réduction des recoupements et des dédoublements, à l'amélioration de l'accès à l'autoroute de l'information et à l'aide à l'exportation.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de continuer à créer un environnement sain pour la petite entreprise, à s'assurer qu'elle a le financement dont elle a besoin et à l'aider à explorer et utiliser de nouvelles possibilités.

LES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter deux pétitions conformes à l'article 36 du Règlement.

Ces pétitions implorent le Parlement de présenter une mesure législative qui interdirait que les criminels profitent d'une façon quelconque de leurs crimes.

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions aujourd'hui.

La première a trait à l'imposition de la famille et est signée par des citoyens de Calgary, en Alberta. Les pétitionnaires font remarquer à la Chambre que le fait de gérer une maison et d'éduquer des enfants d'âge préscolaire représente une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

Les pétitionnaires prient donc le Parlement d'adopter des initiatives en vue d'éliminer la discrimination dans le régime fiscal à l'endroit des familles où un parent décide de rester à la maison pour s'occuper d'un enfant d'âge préscolaire, d'une personne âgée, handicapée ou atteinte d'une maladie chronique.

L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition provient de Midland, en Ontario, et a trait à l'étiquetage des boissons alcoolisées.

Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcoolisées peut entraîner des problèmes de santé ou diminuer les capacités d'une personne. Ils insistent sur le fait qu'il est possible de prévenir totalement le syndrome de l'alcool chez le foetus ainsi que d'autres malformations congénitales liées à l'alcool en évitant de consommer de l'alcool pendant la grossesse.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative visant à rendre obligatoire l'apposition sur les contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les futures mères et autres consommateurs contre les risques associés à la consommation d'alcool.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): D'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


4900

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE DIVORCE

L'hon. Alfonso Gagliano (au nom du ministre de la Justice) propose: Que le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

(1010)

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui en faveur du projet de loi visant à modifier la Loi sur le divorce et d'autres lois. Avant d'aborder en détail les modifications proposées, je voudrais préciser dans quel contexte général elles doivent s'insérer.

Aujourd'hui, au Canada, on nous demande de mettre l'accent sur ce que nous avons en commun et de revenir aux valeurs fondamentales. Nous, les Canadiens, nous partageons des valeurs. Nous n'aurions jamais réussi à grandir pendant 130 ans et finalement à nous classer parmi les pays les plus prospères, si nous n'avions pas partagé les mêmes principes et les mêmes convictions. Si nous mettons de côté les querelles concernant les champs de compétence et les divers visages de la fédération et si nous examinons les caractéristiques qui nous définissent en tant que pays, nous constaterons aisément que les Canadiens de toutes les provinces et de toutes les régions partagent les mêmes valeurs.

Nous sommes une société compatissante, tolérante et civilisée. Nous sommes fiers des programmes sociaux qui protègent les plus vulnérables d'entre nous. Nous prenons au sérieux notre engagement à partager. Ces valeurs sont manifestes dans la façon dont nous traitons nos enfants.

En tant que Canadiens, nous comprenons qu'il faut intervenir tôt dans l'enfance pour garantir la sécurité, si nous voulons tous nous réaliser complètement. De plus, nous insistons beaucoup sur l'im-


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portance que revêt la responsabilité individuelle, même si les gouvernements ont un rôle à jouer pour aider les plus vulnérables. Nous croyons aussi que chaque membre de la société doit assumer ses propres responsabilités.

Quel lien y a-t-il entre ces valeurs et notre stratégie relative aux pensions alimentaires? C'est que les Canadiens ont besoin de lois et de politiques qui garantissent que les pensions alimentaires sont appropriées, que les pères et les mères qui versent ces pensions alimentaires sont respectés et que ceux qui doivent verser ces pensions alimentaires s'acquittent vraiment de leur obligation. Compte tenu de tout cela, les mesures que nous proposons dans le cadre de notre stratégie relative aux pensions alimentaires reflètent les valeurs fondamentales qui nous unissent.

Le point de départ, c'est que la structure de la famille canadienne est en évolution. Il y a aujourd'hui un nombre sans précédent de familles dirigées par un seul parent. L'éclatement d'une famille signifie que deux ménages doivent vivre avec moins de ressources et que, trop souvent, ce sont les enfants qui en souffrent. Depuis 20 ans, le nombre des familles dirigées par un seul parent a doublé et se chiffre à près de un million au Canada. En 1990, 61 p. 100 des familles dirigées par une femme seule se situaient sous le seuil de la pauvreté. Ce chiffre est de 10 p. 100 chez les familles dirigées par deux parents.

Les mesures que nous prenons pour renforcer le système des pensions alimentaires ne mettront pas un terme à la pauvreté chez les enfants, mais elles amélioreront la situation.

La valeur de ces mesures découle des principes communs qui les sous-tendent, en particulier le principe prévoyant qu'il faut penser aux enfants d'abord. Ces réformes donneront la priorité aux enfants et la leur conserveront. Subvenir aux besoins des enfants est la première et la plus importante des obligations des parents.

Les nouvelles mesures veilleront également à mettre en pratique le principe voulant que le niveau de vie d'un enfant, aussi bien avant qu'après le divorce, doit correspondre aux moyens des parents. Les enfants constituent une responsabilité partagée, et le divorce n'y change rien.

Les modifications assureront également le respect du principe voulant que les personnes dans la même situation financière doivent être traitées de la même façon. Les deux parents ont l'obligation de subvenir aux besoins de leurs enfants selon leurs moyens de payer.

La stratégie que nous avons adoptée comporte quatre éléments interdépendants. Tout d'abord, nous proposons des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants afin d'établir établir des montants de pension alimentaire appropriés et cohérents et de réduire le degré de conflit entre les parents qui se séparent. Deuxièmement, nous modifions le mode d'imposition des pensions alimentaires afin de rendre la chose plus équitable et plus simple. Troisièmement, nous renforçons les mesures fédérales et provinciales de coercition à l'égard de ceux qui manquent volontairement à leurs obligations alimentaires pour les obliger à faire les paiements à temps et au complet. Quatrièmement, nous venons en aide aux parents à faible revenu qui travaillent en doublant, au cours des deux prochaines années, le montant du supplément de revenu gagné inclus dans la prestation fiscale pour enfants. Je voudrais décrire chacun de ces éléments de façon plus détaillée.

(1015)

Les lignes directrices sont au coeur de ces réformes; elles seront utilisées partout au Canada par les tribunaux, par les avocats et par les parents pour établir le montant approprié des pensions alimentaires pour enfants. À l'heure actuelle, les tribunaux fixent le montant des pensions alimentaires au cas par cas. Le problème prolonge les litiges et aggrave l'angoisse des parents. Certains soutiennent que le système est fondé sur le principe que chacun mérite de pouvoir être entendu devant le tribunal. Or, tous les juges n'ont pas la même approche ou la même philosophie. Par conséquent, les montants des pensions varient énormément non seulement d'un bout à l'autre du pays, mais même à l'intérieur des provinces et même d'une famille à l'autre.

Le montant disponible pour subvenir aux besoins d'un enfant ne devrait pas être établi en fonction de la province où l'on habite, de la salle du tribunal où siège le juge saisi du dossier, ou de la partie qui a l'avocat le plus persuasif. Les lignes directrices établiront, sans qu'il soit nécessaire de recourir au tribunal, le montant de la pension alimentaire à payer en fonction du revenu de la personne qui paie. Les montants sont calculés d'après une formule qui tient compte des dépenses moyennes consacrées aux enfants selon divers niveaux de revenu. Les contributions des parents pour subvenir aux besoins des enfants augmenteront ou diminueront dans la même mesure que leurs revenus, tout comme cela se ferait si la famille était demeurée unie.

Les lignes directrices sont normalisées, mais elles sont également souples. Il n'y a pas deux familles exactement pareilles. Des dépenses exceptionnelles pour les enfants peuvent être ajoutées, comme les frais médicaux non assurés et les frais de garderie pour les enfants d'âge préscolaire. Le tribunal peut également modifier le montant de la pension alimentaire si l'on peut démontrer qu'il cause des difficultés excessives.

Cette approche a énormément de mérites. Elle est simple et elle est normalisée. Tous les parents qui versent la pension alimentaire paient, à revenu égal, le même montant. La formule est facile à utiliser et, en fin de compte, facile à comprendre. Les parents auront moins de motifs de discorde au sujet de ce qui constitue une pension alimentaire appropriée. Il y aura donc moins de conflits, moins de frais juridiques, moins de frais d'aide juridique, moins de frais judiciaires. En fin de compte, les parents pourront conserver, pour le plus grand bien des enfants, beaucoup d'argent qui était versé jusqu'ici aux avocats.

Le deuxième volet de notre stratégie relative aux pensions alimentaires est la modification de la fiscalité de ces versements. En ce moment, ils sont déductibles de l'impôt pour celui qui les fait et imposables pour celui qui les reçoit. Cette règle existe depuis 54 ans. Après avoir considéré tous les tenants et aboutissants, nous avons conclu que cette approche était injuste et dépassée.

Pour commencer, on comprend à notre époque que les parents n'ont pas besoin d'un encouragement fiscal, d'une récompense fiscale pour payer la pension alimentaire de leurs enfants et qu'il


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n'est pas normal que tous les contribuables subventionnent les familles séparées ou divorcées.

De toute manière, la subvention est plus efficace lorsqu'il y a un grand écart de revenus entre la mère et le père, ce qui est de moins en moins courant. L'évolution des tendances salariales a rapproché les revenus des deux sexes. Lorsque la mère gagne autant ou plus que le père qui verse la pension, elle est pénalisée par le régime actuel. C'est le cas pour plus du tiers des couples séparés, et la proportion est à la hausse. Même lorsque les revenus sont différents, la subvention n'est efficace que si les tribunaux se donnent le mal, dans chaque cas, de faire des calculs complexes pour relever le montant en fonction de l'impôt à payer. Ils ne le font pas toujours. L'impôt réduit donc la pension alimentaire, et ce sont les enfants qui y perdent.

En outre, les parents qui ont la garde des enfants ne veulent pas avoir à appliquer le régime fiscal. Or, ce sont eux qui doivent calculer le montant de l'impôt et le payer le 30 avril de chaque année, que les versements de pension alimentaire arrivent à temps ou non.

Question encore plus fondamentale, comme la pension alimentaire est de l'argent qui doit servir aux besoins des enfants, il ne s'agit pas d'un revenu pour le parent qui a la garde. Celui-ci ne devrait donc pas être imposé pour ce soutien.

(1020)

Les réformes vont modifier le système. Nous adoptons ce qu'on appelle un système sans déduction ni inclusion. Cela signifie que le parent qui verse la pension alimentaire ne pourra pas la déduire de son revenu total et le parent qui a la garde des enfants ne sera pas tenu de l'inclure dans le sien. Cette formule n'entrera en vigueur que le 1er mai 1997 et s'appliquera à toutes les pensions alimentaires accordées après cette date. Elle ne s'appliquera pas aux pensions alimentaires qui étaient déjà versées à cette date à moins que les parties n'y consentent ou que le tribunal en décide ainsi.

Nous avons d'excellentes raisons d'attendre 14 mois pour mettre en oeuvre cette modification. Nous voulons que la modification fiscale et les lignes directrices entrent en vigueur en même temps. De cette manière, si les parties à des ordonnances existantes veulent modifier leur traitement fiscal, les nouveaux taux des pensions alimentaires pour enfants pourront être tirés directement des tables sans qu'il soit nécessaire d'évaluer chaque cas.

Nous prévoyons que les provinces établiront des lignes directrices complémentaires pour couvrir les taux des pensions alimentaires des cas qui relèvent de la compétence provinciale de telle sorte que les systèmes soient uniformes. Elles auront 14 mois pour le faire.

Enfin, le délai servira à planifier la transition. Le gouvernement fédéral a réservé 50 millions de dollars pour aider les provinces à mettre au point des systèmes simples et efficaces de traiter les nombreuses demandes qui risquent d'être présentées à l'égard des diverses ordonnances existantes une fois que les modifications seront en vigueur.

Dans les mois qui viennent, les gouvernements, les tribunaux, les professionnels et les autres intervenants vont veiller ensemble à ce que ces cas soient réglés rapidement et efficacement. Le régime fiscal actuel est en place depuis 50 ans. Je ne crois pas déraisonnable de prendre 14 mois pour le réformer complètement.

Permettez-moi de parler des préoccupations que ces modifications ont suscitées chez certains pères de famille. D'abord, les parents qui ont déjà une ordonnance ou une entente alimentaire au profit d'un enfant ne seront pas forcés d'adopter un nouveau régime fiscal. Les deux parents peuvent décider pour une raison ou pour une autre que leur entente relative à la pension alimentaire fonctionne raisonnablement bien et ne devrait pas être modifiée.

Ensuite, j'encourage les parents à examiner les lignes directrices qui ont été publiées et à voir si elles peuvent s'appliquer à leur propre cas. Ces lignes directrices sont le fruit de nombreuses années de consultation dans tout le Canada et tiennent compte des taux d'imposition et des dépenses moyennes qu'exige la garde des enfants. Elles ont été éprouvées auprès non seulement d'avocats spécialisés dans le droit de la famille, mais encore de pères et de mères, qu'ils aient ou non la garde de leurs enfants.

Troisièmement, dans certaines circonstances, le montant établi selon les lignes directrices peut entraîner des privations injustifiables parce qu'il est tout simplement irréaliste. Cela peut arriver, nous le reconnaissons, et le nouveau processus peut servir à corriger de telles situations.

Enfin, nous nous engageons à surveiller l'application des lignes directrices et à les rectifier au besoin. Je rappelle que, lorsque nous évaluerons les montants à verser, nous tiendrons compte du bien-être et des besoins des enfants. Je crois que nous nous entendons tous à ce sujet. Évidemment, pour avoir un système équitable de soutien de l'enfant, il ne suffit pas d'établir des niveaux de pensions alimentaires justes et de prévoir un traitement fiscal équitable. Il faut aussi veiller à ce que le plein montant de la pension soit versé à temps. Il est essentiel de faire respecter les ententes intervenues.

Permettez-moi de signaler que les nombreux parents qui versent le plein montant de la pension à temps méritent tout notre respect. Ils prennent leurs responsabilités au sérieux et respectent leur engagement. D'autres sont incapables de verser la pension parce qu'ils jouent de malchance: ils ont perdu leur emploi ou ils sont tombés malades. Ils doivent alors demander au tribunal de les décharger d'une partie des responsabilités qu'ils ne peuvent plus assumer. Cependant, il reste encore beaucoup trop de payeurs défaillants.

En date de septembre dernier, près de la moitié des cas inscrits au programme ontarien de soutien financier de la famille correspondaient à des ordonnances de pensions alimentaires où aucun montant n'avait encore été versé. Dans l'autre moitié des cas, le plein montant de la pension n'avait été versé qu'une fois sur quatre.

Le refus chronique de payer de ceux qui en ont les moyens mais qui refusent de verser une pension alimentaire est tout simplement inadmissible dans notre société. Ces gens ne laissent pas seulement tomber leurs fils et leurs filles, mais ils se soustraient à leurs responsabilités d'honnêtes citoyens. En trahissant ainsi leurs enfants, ils obligent tous les autres Canadiens à prendre la relève.


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(1025)

La responsabilité première de l'exécution des ordonnances alimentaires incombe actuellement aux provinces. Les organismes provinciaux ont certes déjà beaucoup fait à cet égard, mais le gouvernement fédéral a également un rôle à jouer, à savoir un rôle de chef de file en coordonnant, en encourageant les efforts des provinces et en leur ajoutant un complément.

Les mesures que nous proposons soutiendront et amélioreront les stratégies des gouvernements provinciaux et territoriaux. Nous voulons travailler avec eux à une cause commune. Nous prendrons une série de mesures. Je voudrais simplement en mentionner quelques-unes.

La loi fédérale nous permettra de suspendre les autorisations et autres certificats fédéraux comme les passeports dans les cas de refus de payer persistant. Cela permettra aux provinces d'accéder aux banques de données de Revenu Canada afin de les aider à retrouver les personnes qui ne remplissent pas leurs obligations alimentaires familiales de façon persistante. Cela permettre d'investir de l'argent et des efforts dans l'amélioration des systèmes informatiques pour le partage d'information entre provinces afin de coordonner leurs efforts.

Le quatrième pilier de la stratégie en matière d'ordonnances alimentaires est une mesure visant à aider les familles de travailleurs moins bien nantis, que les parents soient séparés ou qu'ils vivent encore ensemble. Le gouvernement canadien contribue à une sécurité du revenu de base pour les enfants au moyen de la prestation fiscale pour enfants.

Une composante de cette prestation est le supplément du revenu gagné qui représente un avantage non imposable servant de complément aux revenus d'emploi des familles dont le revenu net est inférieur à 25 900 $. À l'heure actuelle, le montant maximal payable au titre du supplément du revenu gagné s'élève à 500 $ par année par famille. D'ici deux ans, le gouvernement canadien va doubler ce supplément, le faisant passer à 1 000 $ par famille par année.

Les recettes récupérées par suite de la suppression de la déduction des pensions alimentaires pour enfants serviront à financer l'augmentation du supplément du revenu gagné. De cette façon, d'ici cinq ans, plus d'un milliard de dollars de revenus supplémentaires iront à quelque 700 000 familles à bas revenu dont les parents sont dans la population active. Environ un tiers d'entre elles seront des familles monoparentales.

Les avantages de cette stratégie sont évidents. Le supplément du revenu gagné est franc d'impôts et aidera directement les familles qui ont besoin d'argent pour leurs enfants. Ce supplément sera distribué de façon équitable entre les familles dont les parents sont séparés et celles qui sont restées intactes. En outre, le supplément du revenu gagné est destiné à ceux qui en ont le plus besoin.

Ces réformes donneront de bons résultats parce qu'elles se compléteront. Les lignes directrices garantiront la fixation de montants uniformes à des niveaux appropriés, réduisant du même coup les conflits et les dépenses.

Une disposition fiscale reflétant les conditions et les valeurs sociales de 1942 sera modifiée afin d'être conforme aux tendances et aux besoins actuels. La création d'outils efficaces contribuera à une meilleure exécution des ordonnances, de sorte que les gens qui feront leurs paiements sauront que ceux qui ne le font pas seront poursuivis. Les recettes supplémentaires qui seront obtenues par suite des changements seront directement redirigées vers le système au profit des enfants des familles de travailleurs à bas revenu.

J'invite les députés à appuyer ce projet de loi et à contribuer au succès de cette stratégie. Le gouvernement mettra les enfants d'abord. Il chargera comme il se doit les parents de cette responsabilité et fera en sorte que nous ayons un système qui soit axé sur le soutien des enfants et dont nous pourrons être fiers.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-41, projet de loi portant sur différents aspects des pensions alimentaires pour enfants. Ce projet de loi vise un objectif fort louable, celui d'améliorer le sort des enfants dont les parents sont divorcés.

(1030)

Outre les impacts au niveau affectif et psychologique, ces enfants ont, dans la vaste majorité des cas, à subir un autre genre de conséquence qui les affecte péniblement dans leur quotidien. Cette conséquence, on l'aura deviné, c'est la chute parfois dramatique de leur niveau de vie.

Un mémoire présenté il y a deux ans par le défunt Conseil canadien sur la situation de la femme faisait état des mères gardiennes qui ont décrit à quel point le désespoir, la fatigue émotive et d'autres problèmes familiaux, comme les modalités de garde des enfants ainsi que la violence conjugale et les mauvais traitements infligés aux enfants influent sur la négociation des pensions alimentaires. Pour en finir ou pour éviter des confrontations continuelles, elles acceptent parfois des montants moins élevés, le résultat étant, bien évidemment, des ressources financières moindres pour elles et leurs enfants.

Or, s'il est un domaine sur lequel les gouvernements peuvent et doivent agir directement, c'est celui des conditions de vie des enfants et de leurs parents. C'est lors du dépôt du budget en mars dernier que le gouvernement dévoilait l'ensemble de son plan d'action sur les pensions alimentaires pour enfants.

Ce plan comprenait quatre volets. La défiscalisation des pensions alimentaires pour enfants, l'élaboration et l'adoption de lignes directrices fédérales, la mise en oeuvre de mesures d'exécution visant à assurer le paiement intégral et ponctuel des pensions et enfin, l'augmentation du supplément au revenu gagné sous forme de prestations fiscales pour enfants.

Cette annonce suivait celle faite en novembre 1994 par le ministre de la Justice à l'effet que son projet de lignes directrices permettrait à l'État d'économiser 1,5 milliard de dollars par année au poste de l'aide sociale si 80 p. 100 des débiteurs payaient la pension. On voit bien que le but visé par le gouvernement fédéral était double: améliorer le sort des enfants et économiser des montants importants à l'État.


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Cette intervention de l'État se situe dans un ensemble d'actions posées par tous les niveaux de gouvernement pour tenter de régler un des problèmes les plus endémiques vécus par notre société, quelle soit canadienne ou québécoise, celui de l'appauvrissement des femmes et des enfants.

Ainsi, le Québec a adopté, l'an dernier, une loi pour s'assurer que dès qu'une pension alimentaire est octroyée, le régime prévoit le dépôt, l'enregistrement et l'inscription automatique des ordonnances de pensions alimentaires par le greffier de la Cour supérieure où est entendue la cause. Pour les non-salariés, le régime exige le dépôt d'une sûreté équivalent à trois mois de pension. Pour les salariés, on a prévu une retenue à la source.

Il s'agit, comme on le voit, de mesures facilitant le paiement des pensions alimentaires pour les enfants et pour le gardien des enfants ou la gardienne des enfants. De telles mesures ont également été adoptées dans d'autres provinces canadiennes. On sait, par exemple, qu'un régime universel et obligatoire de perception automatique des pensions alimentaires existe aussi au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Ainsi donc, les gouvernements provinciaux ont déjà pris certaines mesures dans le cadre de leur champ de compétence pour améliorer la situation financière des femmes et des enfants.

Le projet du gouvernement fédéral déposé aujourd'hui est un projet de loi qui complète les actions des autres gouvernements dans la lutte à la pauvreté. Le divorce est de toute évidence très présent dans les sociétés québécoise et canadienne. C'est au Québec, par contre, que le phénomène a pris le plus d'ampleur, alors que près de 50 p. 100 des mariages se soldent par un divorce.

En 1990, 78 152 divorces ont été prononcés au Canada donnant lieu à 48 525 jugements concernant la garde d'enfants et environ 44 p. 100 des jugements rendus en matière familiale comportaient une ordonnance de pension alimentaire. De tous ces jugements, pour l'année 1989 seulement, 83 p. 100 étaient le fruit d'une entente entre les conjoints. Et on sait dans quel contexte se font les ententes. Or, on voit tout de suite l'impact que l'existence d'une grille pourrait avoir dans le processus de négociation.

On sait également qu'une majorité écrasante-98 p. 100 en 1988 et, pour l'année 1990, 77 p. 100 des cas, au Québec-des bénéficiaires des paiements de soutien pour enfants sont des femmes. C'est pourquoi on comprendra que dans mon discours, je réfère à cette personne au féminin. Mes collègues comprendront, je l'espère, que je n'ai toutefois nullement l'intention d'occulter la réalité des autres 20 p. 100 de parents gardiens qui sont des hommes.

(1035)

Les statistiques sont très explicites: les deux tiers des femmes divorcées avec trois enfants vivent sous le seuil de la pauvreté. Or, qui dit pauvreté de la mère dit pauvreté de ses enfants, puisque, comme je viens de le dire, 80 p. 100 des enfants habitent avec cette dernière. Il n'y a là aucune surprise, tous reconnaissent cette réalité.

Je tiens à préciser que cette décision est faite avec le consentement des deux époux. Or, on me permettra de rappeler à cette

Chambre quels sont les impacts de la monoparentalité sur les femmes et les enfants. On sait qu'un lien a été établi entre la pauvreté chez les femmes, surtout celles avec des enfants, et l'échec du mariage. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les familles monoparentales dirigées par des femmes constituent le groupe le plus menacé par la pauvreté au Canada.

Une recherche effectuée par le personnel de la Bibliothèque du Parlement note que les auteurs d'études portant sur les pensions alimentaires pour enfants au Canada ont fait ressortir que celles-ci ne représentent même pas, en moyenne, la moitié des dépenses réelles engagées et que c'est habituellement le conjoint ayant la garde des enfants qui doit absorber la différence. Et on se demandera pourquoi les femmes sont pauvres, surtout quand on sait que leur revenu ne représente en moyenne que les deux tiers de celui des hommes. Le fameux écart salarial entre les sexes prend ici toute son importance. Il est donc évident, et c'est la conclusion qu'on en tire, qu'un fardeau inéquitable est imposé aux femmes devant élever seules leurs enfants.

D'autres chiffres pour éclairer notre lanterne sont utiles. À la suite d'une rupture, on sait que les femmes et les enfants voient leur niveau de vie diminuer entre 27 p. 100 et 37 p. 100, selon les statistiques, tandis que celui des hommes augmente infailliblement, on peut dire entre 4 p. 100 et 30 p. 100. Mais il faut aussi l'analyser dans le contexte où les femmes, elles, voient leur niveau de vie diminuer entre 27 p. 100 et 37 p. 100.

Cette situation a amené le défunt Conseil canadien sur la situation de la femme à écrire, en mars 1994, et à répéter jusqu'à son inopportune abolition, que je déplore ce matin aussi en cette Chambre, que: «Compte tenu des plus grandes responsabilités assumées par la mère qui reçoit la pension, de la disparité entre la capacité de gain des hommes et des femmes de payer et des limites que le fait d'élever des enfants impose à la capacité de gain de la mère ayant la garde des enfants, la politique fiscale devrait d'abord tenir compte de la situation de la mère.»

Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme n'était pas le seul à en arriver à cette conclusion. J'aimerais vous citer un extrait d'un article écrit en 1994 par l'honorable Claire L'Heureux-Dubé, juge à la Cour suprême du Canada, et publié dans la revue Femmes et droit. Le sujet de cet article était les mythes auxquels la société et les tribunaux sont confrontés quand il s'agit de pensions alimentaires pour enfants.

Elle relevait qu'une étude du ministère de la Justice réalisée en 1990 évaluait que 59 p. 100 des femmes et des enfants visés par l'étude avaient, après un divorce, un niveau de vie inférieur au seuil de la pauvreté, pourcentage qui tombait à 46 p. 100 lorsque la pension alimentaire était incluse dans le calcul de leur revenu.

Ainsi donc, quand la pension alimentaire est versée, il y a encore près de la moitié des femmes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. C'est absolument désolant. Même à cela, il y aurait eu une amélioration, puisque les données de 1988 révélaient que les deux tiers des femmes divorcées avaient un revenu total qui les plaçait au-dessous


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du seuil de la pauvreté. En excluant la pension alimentaire, cette proportion passait à 74 p. 100.

Plus loin, la juge écrivait également: «La croyance populaire selon laquelle les hommes sont généralement écrasés par des ordonnances de pensions alimentaires déraisonnables, et ce, au profit des femmes qui se paient des luxes et des petits à-côtés est doublement erronée. [. . .] Cette croyance découle de la fausse prémisse selon laquelle les femmes, particulièrement celles qui sont demeurées au foyer pendant la vie commune, accèdent toujours ou, du moins facilement, à l'indépendance économique après le divorce. [. . .] Cette croyance élude plusieurs réalités, tout aussi vraies qu'incontournables. Suite au divorce, la femme est le parent à qui est presque toujours confiée la garde des enfants, et ce, par entente mutuelle, dans 80 p. 100 des cas.»

(1040)

Madame la juge disait aussi: «D'autre part, la croyance selon laquelle les ex-conjoints se retrouvent dans des situations analogues après le divorce ne tient pas compte de la réalité quotidienne à laquelle doit faire face le parent qui en a la garde. Or, les difficultés économiques se trouvent exacerbées par la responsabilité inhérente à la garde d'un enfant.»

Je poursuis: «Pour la grande majorité des parents ayant la garde d'enfants, il s'agit d'une responsabilité qui entraîne une réduction proportionnelle des choix économiques suite au divorce. Ainsi l'ex-épouse aura encore plus de difficulté à surmonter sa capacité limitée de gagner sa vie lorsqu'elle entrera sur le marché du travail après des années d'activités professionnelles réduites ou, dans certains cas, nulles. Elle sera restreinte dans ses choix économiques, contrairement à son mari, en raison de la nécessité de demeurer à proximité des écoles, de ne pas travailler tard en soirée à cause de ses responsabilités familiales, et de rester au foyer si l'enfant est malade. À cela s'ajoute la nécessité de choisir un quartier plus sécuritaire pour les enfants, loin des zones de trafic, ayant des espaces verts, et ce, afin que les enfants puissent au moins jouer dans un espace plus sécuritaire. L'autre conjoint, par contre, ne rencontre pas généralement ces obstacles. Il est plus libre de vivre où il le désire et de consacrer au travail les heures qui lui conviennent. Il a plus de disponibilité. Ainsi, les coûts réels inhérents à la garde d'un enfant ne sont-ils que rarement, sinon jamais, reflétés par les sommes d'argent allouées au chapitre des aliments.»

Toujours selon la juge Dubé, dans son article «Mythes auxquels la société et les tribunaux sont confrontés»: «Malgré les faits reliés à la garde d'un enfant, on continuera à véhiculer ce mythe que le coût de vie des enfants est minime, ce qui amène certains à croire que les montants réclamés à titre de pension alimentaire pour les enfants à qui la garde est confiée sont excessifs et gonflés, voire carrément mensongers. La réalité, bien sûr, est tout autre, puisque le parent ayant la garde sacrifiera plus souvent qu'autrement ses propres besoins au bénéfice de l'enfant. Ces croyances influencent également les actes du débiteur de la pension alimentaire. Il sera plus aisé d'en justifier le non-paiement lorsqu'on ne croit pas que les frais sont nécessaires. Ces suppositions et croyances sont proprement tragiques lorsqu'on les confronte au nombre, toujours croissant, d'enfants canadiens qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté.»

C'est donc en fonction de ces conséquences sur les femmes et les enfants que nous analyserons ce projet de loi C-41, à tout le moins certains des points qui nous semblent les plus importants.

Le projet de loi touche donc deux des quatre volets de l'intervention fédérale prévue en matière de pensions alimentaires pour enfants. Il s'agit de la mise en place d'un cadre pour l'élaboration et l'adoption de lignes directrices et du renforcement des mesures de perception des pensions alimentaires.

Je commencerai d'abord par mentionner les aspects que je considère positifs dans ce projet de loi. Tout d'abord, la mise en place d'un cadre pour des lignes directrices: le Bloc québécois est favorable à ce principe. Cependant, ce cadre suscite des interrogations auxquelles je reviendrai plus loin.

Ensuite, le projet de loi établit une distinction entre la pension pour enfants et la pension pour conjoint. Cette distinction est, à mon avis, bénéfique puisqu'elle permettra de combattre les mythes auxquels faisait référence la juge L'Heureux-Dubé. De plus, cette distinction permettra de centrer les décisions sur l'enfant qui doit être la première personne visée par les mesures d'aide et de protection.

Passons maintenant aux dispositions prévues pour rendre les mesures d'exécution plus efficaces. Ainsi, l'ajout de Revenu Canada à la liste des ministères fédéraux dont les banques de données peuvent être consultées pour retrouver les mauvais payeurs est une bonne direction, ainsi que la création d'un nouveau mécanisme en vertu duquel les mauvais payeurs pourraient se voir refuser certaines autorisations comme le passeport, le permis de conduire, etc. Il y a aussi l'élargissement de l'accès aux prestations de retraite des fonctionnaires fédéraux et aux rémunérations des personnes travaillant en mer afin que les arriérés de pensions alimentaires soient remboursés.

(1045)

Il va de soi que toute mesure qui permettra de remettre aux enfants l'argent nécessaire à leur entretien mérite notre appui. Je mentionnerai aussi l'élargissement de la définition du mot «enfant» pour inclure les enfants de 16 à 18 ans et aussi les étudiants. À mon avis, cette mesure présente un portrait plus fidèle de la réalité vécue au sein des familles contemporaines et aidera bon nombre d'enfants et de jeunes adultes à partir du bon pied.

Enfin, toujours dans l'optique de l'intérêt primordial de l'enfant, j'appuie la priorité accordée aux aliments de l'enfant quand une pension est demandée pour l'enfant et l'ex-conjoint. Il est, à mon avis, fondamental que les besoins de l'enfant soient priorisés, et cela, en tout temps, dans toute loi. Il y va de notre avenir collectif.

Voilà les éléments du projet de loi qui méritent d'être appuyés. D'autres éléments, par contre, suscitent à prime abord des questions ou des réactions moins positives. Je ne traiterai que d'un élément qui me semble, à mon avis, le plus important. Par la suite, je ferai d'autres propositions de modification en fonction de l'évolution du projet de loi, et je suis certaine que mes collègues, ce matin, aborderont d'autres aspects que je n'aurai pas mentionnés ici pendant le temps qui m'est alloué.

Pour ce qui est des aspects négatifs, le pouvoir discrétionnaire est l'élément le plus inacceptable à mes yeux et il risque même de causer une situation carrément cauchemardesque dans la mise en application des lignes directrices. Je vais vous citer l'article 4 du


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projet de loi où il est question de ce pouvoir discrétionnaire qu'on octroie au Conseil des ministres. Les termes sont clairs, et je les cite:

(5) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner une province pour l'application de la définition de «lignes directrices applicables».
Je pense qu'il y a un problème, et il est de taille.

En effet, comment un gouvernement qui, d'un côté, déclare inciter les gouvernements provinciaux à élaborer et à adopter leurs propres lignes directrices peut-il, du même souffle, se conférer un pouvoir discrétionnaire absolu pour décider s'il acceptera que les lignes directrices adoptées par une province remplacent les siennes dans cette même province? C'est comme dire: «Je te dis de faire adopter tes propres lois, mais je t'avise que c'est moi qui, en bout de ligne, déciderai si je n'imposerai pas ma loi à moi parce que la tienne ne me plaît pas.» Il y a là un message un peu ambigu.

Cette attitude nous incite à nous questionner sur les intentions véritables de ce gouvernement. Va-t-on vraiment laisser les provinces décider elles-mêmes ce qui est bon pour leur population ou va-t-on, encore une fois, insidieusement s'ingérer et imposer ses normes et politiques? Je pose la question.

J'invite le gouvernement à réfléchir aux propos de son ministre des Affaires intergouvernementales qui vantait, pas plus tard qu'hier, les vertus de la décentralisation et comparait la centralisation à un démon à combattre à tout prix. Pour une fois, je peux vous dire que je suis d'accord avec l'honorable ministre.

À ceux et celles qui pourraient penser que la question est oiseuse, je dirais qu'il n'en est rien. Cette question est primordiale parce que, dans les faits, les parents et les enfants pourraient se retrouver bien concrètement avec deux systèmes de règles qui s'appliqueraient dans la même cour de justice, par les mêmes juges, aux mêmes personnes, selon qu'elles choisissent de divorcer ou de se séparer. Quelle aberration!

Ainsi, si le gouvernement fédéral décidait de ne pas reconnaître les lignes directrices adoptées par les provinces pour les cas de séparation ou de cessation de vie commune de conjoints de fait, ce seraient les lignes directrices du fédéral qui s'appliqueraient dans le cas de divorce, à cause de la compétence du fédéral en matière de divorce. Imaginez la scène. Il y a là toute une séparation.

Le juge X, dans une cause de divorce, octroie à Mme A, pour ses enfants, une pension alimentaire de 1 000 $ par mois. Le même juge, 30 minutes plus tard, dans la même salle d'audience, octroie à Mme B, dans une cause de séparation, pour ses enfants, une pension alimentaire de 1 500 $. Les deux femmes et leurs enfants pourraient être voisins, être dans la même situation financière et se retrouveraient avec des décisions carrément différentes, parce que la même grille n'a pas été utilisée.

Donc, l'aberration est totale et j'invite ce gouvernement à réfléchir et à poser des actes concrets. Si on dit aux provinces: «On vous laisse le choix», il ne faudrait pas arriver avec ses propres normes.

(1050)

Je veux préciser que ce scénario est parfaitement plausible à cause justement de l'article 4 du projet de loi.

Le gouvernement fédéral a ici une belle occasion de faire enfin preuve de la flexibilité tant vantée, mais encore parfaitement inexistante, sauf dans la tête de certains de nos collègues libéraux.

Nous demandons que le pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 4 soit éliminé et que l'on prévoie que dès qu'une province rencontre les critères prévus plus loin au texte, au nouvel article 26.1, elle voit ses propres lignes directrices appliquées sur son territoire en matière de divorce. Le gros bon sens et le respect n'en demandent pas moins.

Cette problématique a d'ailleurs été étudiée par le Comité fédéral-provincial-territorial qui avait proposé, dans son rapport, trois alternatives au problème bien concret soulevé par le partage des compétences, à savoir qu'un barème pourrait être utilisé dans le cas des divorces et un autre dans les cas relevant du droit privé. Le gouvernement a choisi de privilégier une formule unique sur un même territoire et nous sommes entièrement d'accord. Il reste à s'assurer qu'il ne défasse pas d'une main ce qu'il propose de l'autre.

J'aimerais maintenant traiter de la grille appelée «lignes directrices» dans le projet de loi. Les avocats et les experts juridiques s'entendent depuis bon nombre d'années pour dire que le manque d'uniformité et la nature arbitraire de la détermination des pensions alimentaires sont inquiétants.

On sait que les décisions concernant les ordonnances alimentaires pour enfants sont laissées à la discrétion des juges et sont également soumises aux nombreux tripotements possibles d'un ou des conjoints dans l'évaluation de leur capacité de payer. Il y a donc actuellement un manque total d'uniformité dans les montants octroyés.

De plus, dans la situation actuelle, les pensions alimentaires pour enfants sont, selon une étude, insuffisantes au départ, c'est-à-dire au moment où elles sont établies et la situation ne fait qu'empirer sous l'effet de l'inflation et à mesure que les enfants grandissent et que leurs besoins financiers augmentent. En fait, nombreux sont ceux et celles oeuvrant au sein de l'appareil judiciaire qui réclament des mesures d'uniformisation des pensions alimentaires pour enfants.

Le projet de loi propose la possibilité d'adoption d'une grille, ce qui est un pas dans la bonne direction. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'en est arrivé le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille concernant les pensions alimentaires pour enfants, qui écrivait:

«Le Comité [. . .]croit que l'adoption d'une formule de fixation des pensions alimentaires pour les enfants aidera les parents, les avocats et les juges à négocier et à fixer des pensions alimentaires équitables et cohérentes et à amener les parents à mieux accepter leur responsabilité à l'égard des enfants. En faisant disparaître une source importante de conflits au moment de la dissolution de la famille, la formule pourrait également favoriser des relations positives entre les membres de la famille, notamment entre l'enfant et le parent qui n'en a pas la garde. Elle pourrait aussi entraîner une diminution des frais juridiques payés par les parents ainsi que des frais d'aide juridique, des frais de cour et d'exécution des ordonnances, qui sont payés par l'État.»
C'est également l'opinion du Conseil du statut de la femme qui, dans un avis déposé il y a un mois à peine dans le cadre des consultations du gouvernement québécois, outre les avantages considérés par le Comité fédéral-provincial-territorial, voyait d'autres avantages à un modèle de fixation des pensions alimentaires. Parmi ces derniers, le Conseil énumérait ceux-ci: le rôle que joue-


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rait, auprès des parents, un outil objectif qui leur permettrait plus facilement de conclure des ententes mieux adaptées à leur situation; l'assurance qu'un tel outil accorderait aux femmes dans leurs négociations avec leurs ex-conjoints; l'utilisation par un tribunal d'un instrument objectif et donc un processus décisionnel plus prévisible; et, enfin, le rôle éducatif qu'un tel outil jouerait auprès des parents non gardiens quant au bien-fondé de la pension alimentaire et de son utilisation par le parent gardien.

Il semble que la plupart des intervenants et des intervenantes soient d'accord avec les recommandations du Comité et nous le sommes aussi.

Certains avocats craignent cependant l'utilisation que feront les tribunaux des règles. À l'Île-du-Prince-Édouard où le gouvernement a adopté des lignes directrices plus généreuses que celles proposées par le fédéral, on déplore que les juges considèrent les premières comme un plafond. De plus, dans les États américains où des lignes directrices ont été adoptées, la discrétion judiciaire a pratiquement été éliminée.

(1055)

Cette discrétion judiciaire apparaît cependant comme une arme à double tranchant, et le régime de déduction-imposition en a relevé les écueils.

Dans un mémoire qu'il présentait au Groupe de travail sur le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants, en juillet 1994, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme écrivait, au sujet de l'impact fiscal de l'imposition des pensions alimentaires:

Les témoignages sont contradictoires quant à la majoration du montant des pensions alimentaires et de l'ampleur de celles-ci, et il existe très peu de renseignements indiquant que le reste de l'épargne fiscale sert au soutien des enfants. Certains praticiens du droit de la famille disent tenir toujours compte de l'impôt à payer, mais il existe une différence essentielle entre le fait de souligner les conséquences fiscales et celui de s'assurer que le montant de la pension alimentaire reflète entièrement la majoration. D'autres praticiens du droit de la famille signalent que même lorsque les conséquences fiscales sont toutes présentées, le montant finalement accordé n'en tient pas compte parce qu'«un plafond de verre se glisse dans la salle d'audience». Le juge agit intuitivement et déclare que «cela ne coûte pas vraiment aussi cher [. . .] Ou les montants accordés ne sont généralement pas aussi élevés» et il réduit finalement le montant de la pension alimentaire.
Une grille uniforme viendrait cependant régler ce problème dans une large mesure.

Un autre problème soulevé par les avocats est l'inquiétude que, si le montant des pensions augmente, de plus en plus de pères vont demander la garde, ce qui entraînera des frais judiciaires pour les mères. Enfin, certains juges craignent de voir le nombre de mauvais payeurs augmenter.

Bref, même si le principe d'une grille uniforme apparaît comme un élément de solution, il faudra quand même être vigilant et surveiller étroitement l'application qu'en feront les tribunaux.

C'est ce que confirme d'ailleurs la présidente de l'Association du Barreau canadien, Division du droit de la famille, qui croit que, pour être efficaces, les lignes directrices doivent être assez souples pour tenir compte des variations dans le coût de la vie dans les différentes provinces et villes, ainsi que pour les différents besoins de certains enfants.

Un avocat de pratique privée a bien résumé cette pensée dans un article publié par le Law Times. Il conclut que les avantages sont plus importants que les inconvénients. L'avantage, selon lui, c'est l'uniformité. L'uniformité équivaut à la «prédictibilité», et quand on a ça, on n'a pas besoin d'aller en cour. Il ajoute qu'aux États-Unis, les avocats qui pratiquent dans les États où il y a des lignes directrices ont constaté que moins de couples demandent des mesures provisoires, ce qui leur épargne des milliers de dollars et décongestionne les tribunaux.

Nous sommes donc d'accord avec le principe de lignes directrices qui s'appliqueraient dans la grande majorité des cas. Nous avons cependant certains commentaires et interrogations quant à l'ébauche de grille qui a été publiée en juin dernier.

D'après les informations à notre disposition, la grille fédérale est basée sur un concept d'égalisation, c'est-à-dire que pour un revenu X, on paiera une contribution Y, sans tenir compte du revenu du parent gardien. Un parent débiteur pourrait donc savoir quelle contribution lui sera demandée en regardant uniquement la grille à la ligne correspondant à son revenu, sans même connaître le revenu du parent créancier, puisque celui-ci n'entre pas en jeu. De plus, cette grille ne tient compte que des impôts fédéral et provincial à payer; elle ne tient pas compte des autres transferts gouvernementaux propres à chaque province.

Par contre, le Québec s'apprête à déposer cet automne un projet de loi qui prévoirait l'adoption de ses propres lignes directrices. En août de cette année, une commission parlementaire a entendu des témoins pendant trois jours pour recevoir les commentaires sur la grille de fixation des pensions alimentaires proposée par le gouvernement. Les études se poursuivent pour bonifier l'ébauche actuellement en consultation.

La grille québécoise a été faite en tenant compte des droits et responsabilités des parents en vertu du droit civil québécois. Pour le calcul de la contribution, on additionne le salaire des deux parents. Ensuite, d'après les besoins de l'enfant, on établit un pourcentage pour chaque parent. De plus, la grille québécoise est basée sur l'ensemble du système québécois, c'est-à-dire le régime fiscal et les transferts gouvernementaux.

(1100)

On voit donc bien que la base des calculs est foncièrement différente et qu'une étude en profondeur permettrait de la bonifier afin de maximiser ses impacts positifs sur la situation financière des enfants.

Il nous apparaît donc de plus que, puisque la politique québécoise est basée sur un ensemble beaucoup plus complexe de données et qu'elle tient compte de toutes les politiques familiales et sociales en vigueur dans la province, il y a un autre argument en faveur de la reconnaissance par le gouvernement fédéral des lignes directrices élaborées par les gouvernements provinciaux pour leur population.


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Espérons que le gouvernement fédéral, cette fois-ci, entendra le message et respectera la volonté des provinces.

Avant de conclure, j'aimerais soulever un autre problème assez fréquent dans certaines régions limitrophes. Il s'agit des ex-conjoints qui habitent des provinces différentes et qui pourraient être tentés, afin d'économiser, de déménager dans la province dont les règles sont plus avantageuses pour eux ou pour elles.

Le projet de réglementation prévoit, à l'alinéa 3(4)a) que la table applicable serait celle du domicile habituel du parent payeur.

J'invite le ministre de la Justice à revoir cette disposition et à la modifier afin que le critère soit le lieu de résidence de l'enfant, comme le réclame le Québec. Il nous semble que cette orientation serait plus bénéfique à la grande majorité des enfants.

Je me rends compte que mon temps est presque écoulé, donc, je conclurai en rappelant que l'opposition officielle appuie les principes contenus dans le projet de loi C-41, mais que nous avons de sérieuses réserves sur la pertinence du pouvoir discrétionnaire que se réserve le gouvernement et sur certains éléments d'application.

En attendant, nous réitérons notre invitation au gouvernement à faire preuve d'un peu de flexibilité pour une fois et à laisser aux provinces une place importante dans un domaine qui relève finalement de leur compétence, sauf en matière de divorce, celui de la famille.

Nous invitons également le ministre de la Justice à déposer immédiatement le projet de loi qui doit actualiser les deux autres volets de la réforme, afin que les citoyens et citoyennes puissent savoir exactement dans quelle direction le gouvernement les entraîne, et surtout, à quel coût, pour eux et pour l'État.

[Traduction]

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord vous remercier de m'accorder la parole dans le débat actuel. C'est un honneur pour moi d'être la première à intervenir. Mon parti m'a demandé d'amorcer le débat à l'étape de la deuxième lecture.

Nous reconnaissons que le gouvernement, en présentant le projet de loi C-41, veut résoudre un problème très grave de notre société, celui des arrérages importants en matière de pensions alimentaires. En Colombie-Britannique, la province d'où je suis originaire, il arrive que les arrérages soient importants, voire persistants, dans certains cas. Il nous faut résoudre ce problème et, en ce sens, le projet de loi est le bienvenu.

Dans bien des divorces, le parent qui n'a pas la garde des enfants travaille très fort, verse une pension et essaie de rester en rapport avec son ancienne famille. Je signale par ailleurs que, dans notre société, neuf fois sur dix, c'est l'homme qui n'a pas la garde des enfants.

J'estime que le projet de loi règle un problème très important, mais j'ai toutefois plusieurs réserves à son sujet.

Dans le budget de 1996, le gouvernement a proposé une stratégie visant à modifier le système canadien de pensions alimentaires pour enfants, y compris l'adoption de lignes directrices servant à déterminer la pension alimentaire pour enfants dans les cas de divorce. Le projet de loi mettant en oeuvre les aspects clés de la stratégie a été déposé à la Chambre des communes le 30 mai 1996, Les lignes directrices et les nouvelles règles fiscales visant les pensions alimentaires pour enfants devraient entrer en vigueur le 1er mai 1997.

Le projet de loi C-41 modifiera la Loi sur le divorce et d'autres mesures législatives afin de permettre la mise en place d'un système fédéral facilitant le versement des pensions alimentaires pour les enfants ou les ex-conjoints.

Le projet de loi modifiera quatre lois et permettra de réaliser les quatre objectifs suivants. Premièrement, il établira des lignes directrices fédérales concernant les pensions alimentaires pour enfants. Comme je l'ai déjà dit, c'est nécessaire.

Deuxièmement, les bases de données de Revenu Canada pourront être consultées lorsqu'il y a défaut de paiement. Cela pourrait occasionner toutes sortes de problèmes liés à la protection de la vie privée et à la confidentialité. Ce sont là quelques-unes des questions qu'il faut prendre en considération.

(1105)

Troisièmement, on prévoit refuser les passeports et certaines autorisations aux individus dont le paiement des pensions alimentaires est en retard. Un avis de saisie-arrêt serait émis dans ces cas. Si je comprends bien le projet de loi, il n'y aura plus d'avis de l'intention de pratiquer une saisie-arrêt. C'est là un grave sujet de préoccupation. Pourquoi? Nous reconnaissons qu'il arrive que des personnes recevant un avis d'intention disparaissent parce qu'elles n'ont pas du tout l'intention de payer de pension alimentaire.

Supposons qu'une personne travaille à l'extérieur du Canada, par exemple sur une plate-forme de forage en Iran, et que l'avis d'intention de pratiquer une saisie-arrêt ne lui parvient pas dans les 30 jours ou qu'un affidavit comporte des renseignements erronés. Nous savons que cela se produit souvent. Cette personne se voit donc très désavantagée. C'est là un autre problème.

Quatrièmement, la saisie-arrêt pourrait s'appliquer à une pension de la fonction publique fédérale et au salaire de l'individu qui travaille en mer.

Les lois visées dans le projet de loi C-41, en plus de la Loi sur le divorce, sont la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

Les députés ministériels qui ont pris la parole ont déjà indiqué que le projet de loi établit une grille de paiement des pensions alimentaires et instaure des mécanismes d'exécution pouvant être mis en branle en cas de défaut de paiement. C'est tout ce qu'il fait.

Le projet de loi ne dit rien de la déductibilité fiscale des pensions alimentaires et n'établit pas de système de médiation obligatoire. Il n'améliore pas la possibilité pour le parent qui n'a pas la garde des enfants, ou, j'oserais ajouter, pour les grands-parents, de voir les enfants. Il ne parle pas non plus des recours du parent payeur à qui l'autre parent refuse le droit de voir ses enfants sans raison valable.


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Ce ne sont là que quelques exemples d'aspects importants du droit de la famille qui ne sont pas abordés dans le projet de loi. Puisque le projet de loi C-41 n'aborde pas l'aspect le plus controversé des pensions alimentaires, soit la déductibilité des pensions aux fins de l'impôt, contrairement à ce qui était annoncé dans le budget de 1996, ni l'accès aux enfants ni toutes les autres questions concernant la réforme du droit de la famille, pourquoi le gouvernement le qualifie-t-il de stratégie globale visant à améliorer le système des pensions alimentaires pour les enfants?

Global signifie qui englobe tous les aspects. Le mieux que l'on puisse dire, c'est que le projet de loi n'est qu'une mesure très parcellaire de modification de la Loi sur le divorce. Lorsque je dis global, je fais allusion au projet de lignes directrices fédérales sur la pension alimentaire produites en juin 1996 par le ministère de la Justice et où il est dit que, dans le budget de 1996, le gouvernement avait annoncé une stratégie globale visant à améliorer le système canadien des pensions alimentaires pour enfants, notamment par l'élaboration de lignes directrices, et le reste. J'ai ici de sérieuses réserves parce que je ne vois pas dans le projet de loi une stratégie globale.

C'est pourtant ce dont les Canadiens ont besoin. Une telle stratégie devrait mettre l'accent sur les mesures qui bénéficient aux enfants du divorce. Il est ici question d'enfants. Lorsque je parle des grands-parents et du droit de la famille en général à la Chambre des communes, ce sont toujours les enfants qui sont au coeur de mes préoccupations.

Une stratégie globale inclurait la médiation obligatoire comme première étape des formalités de divorce plutôt que le recours immédiat aux tribunaux. Une stratégie globale inclurait des dispositions exécutoires sur les droits de visite. Elle comprendrait aussi des mesures visant à permettre aux grands-parents d'avoir plus facilement accès à leurs petits-enfants. Le projet de loi devrait également inclure les mesures fiscales annoncées dans le budget.

Je trouve le raisonnement du gouvernement fédéral plutôt étrange lorsque je pense qu'une des raisons que le ministre m'a donnée pour justifier son refus d'appuyer mon projet de loi sur les grands-parents à l'étape de l'étude en comité était qu'il procéderait à une réforme globale du droit de la famille et de la Loi sur le divorce. Donc, la question de la relation entre les grands-parents et leurs petits-enfants devrait être examinée à une date ultérieure, mais il sera malheureusement beaucoup trop tard pour de nombreux grands-parents.

Pourtant, le ministre est en faveur d'une mesure fragmentaire en ce qui concerne les pensions alimentaires. Le projet de loi C-41 représente-t-il une réforme globale? Non, ce n'est évidemment pas le cas. Cette mesure est une réaction typique des libéraux, qui cherchent à régler rapidement une partie du problème. Comme toujours, lorsqu'on ne règle qu'une partie d'un problème, on commence toujours par la partie la plus facile, celle qui ne posera pas de difficultés. C'est là la philosophie libérale: jouer prudemment et ne jamais prendre de risques. Il doit y avoir des élections qui s'en viennent.

L'idée de jouer prudemment et de ne faire les choses qu'à moitié ne fonctionnera pas dans le cas de la réforme du droit de la famille. Il y a des questions pressantes qui devraient être réglées dans un seul projet de loi.

En ce qui concerne le projet de loi C-41 comme tel, nous avons de sérieuses préoccupations. Nous ne croyons pas que cette mesure législative apporte une solution équitable à la question des pensions alimentaires.

Nous sommes ici pour représenter tous les Canadiens, hommes et femmes. Ce projet de loi est décidément défavorable aux hommes. Il ne traite vraiment pas les deux parents de façon équitable. Nous savons tous que ce sont principalement les hommes qui paient des pensions alimentaires. Ce projet de loi ne fait rien pour leur assurer des droits de visite.

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Il n'y a rien de prévu au sujet des questions de médiation qui sont indispensables pour les couples qui se sépareront, mais qui continueront d'accorder la priorité à leurs enfants. Je crois comprendre que les avocats des causes de divorce doivent tenter la médiation avant de s'adresser au tribunal. On me dit toutefois que cela soulève tout au plus un intérêt mitigé et que peu font un effort sérieux en ce sens.

J'ai donc trouvé intéressant d'apprendre que le projet pilote d'Edmonton oblige les gens à suivre un cours de six heures avant de pouvoir entamer des procédures pour obtenir des droits de visite ou de garde. Ce séminaire de deux soirs qui est offert gratuitement fournit des renseignements généraux sur des sujets comme les répercussions du divorce sur les enfants, des manières d'atténuer un conflit et des moyens de négocier une entente pour ne pas aller en cour.

Le ministre de la Justice de l'Alberta, Brian Evans, a déclaré que ce programme visait à aider les enfants, puis à faire gagner du temps et économiser de l'argent aux tribunaux: «Si les parties s'entendent dès le départ, qu'elles ont une attitude amicale et qu'elles veillent aux intérêts des enfants, il n'y a pas lieu de contraindre les parents. Il y a place à la souplesse. Le programme vise d'abord à atténuer les répercussions du divorce sur les enfants et à éviter des problèmes judiciaires dans l'avenir. Des enfants qui portent des séquelles psychologiques et émotives ont de bonnes chances d'avoir un jour des démêlés avec la justice.»

L'article ajoute que l'Alberta est la seconde province, après la Saskatchewan, à introduire ce programme et que le Manitoba envisage d'en faire autant.

Selon Mme Diane Bell, de la Section du droit de la famille de l'Association du barreau canadien, il n'existe pas de programme semblable en Colombie-Britannique: «Ce serait bien qu'il y en ait un. Les avocats s'en serviraient probablement.»

Le programme d'Edmonton est un projet pilote d'une durée d'un an qui pourrait s'appliquer au reste de la province. Ce sont les ministères de la Justice et des Services sociaux qui s'occupent de son application. M. Gronow, un fonctionnaire du ministère de la Justice, a fait savoir que 1 200 couples de la région d'Edmonton suivront le cours chaque année parce qu'ils seront incapables de régler leurs différends concernant la garde des enfants ou les droits de visite. Les parents qui voudront saisir un tribunal de cette question devront alors prouver qu'ils ont suivi le cours.

Je dois féliciter les gens d'Edmonton, parce que je crois qu'ils s'attaquent au coeur du problème. D'abord, aucun régime de pensions alimentaires pour enfants ne fonctionnera si les intéressés ne


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sont pas disposés à le respecter. Le programme est réaliste, parce qu'il traite des véritables faits. Si l'on regarde la réalité en face, c'est-à-dire qu'il faut répondre aux besoins de l'enfant en tenant compte des moyens du père et en amenant les deux parents à négocier avec un médiateur, on trouvera bien un compromis réalisable. Je crois qu'on a pris les moyens pour que ça se passe ainsi, à Edmonton, et on a eu raison de le faire.

Ce que cet article nous apprend, c'est qu'on a besoin de ces programmes. Le divorce est devenu très courant dans notre pays, et il vaudrait mieux composer avec cette réalité de façon positive. Je crois qu'on n'accordera jamais trop d'importance à notre engagement envers nos enfants. Investir dans un enfant, c'est investir dans l'avenir du pays.

Le projet de loi C-41 habilite le gouverneur en conseil, le Cabinet, à fixer une grille des pensions alimentaires pour enfants et conjoints, mais ne précise pas que les juges peuvent déroger de cette grille si les circonstances l'exigent. Je crois que, dans ce cas, ce serait trop facile pour un juge de simplement appliquer la grille, parce qu'il y aurait sûrement moins d'appels interjetés.

Donc, tout ce qu'il y a d'important et qui prête à conséquence dans ce projet de loi sera mis en oeuvre par décret et nous, parlementaires, n'aurons pas même une chance de modifier ou de commenter la question de la période d'application des pensions alimentaires pour enfants.

Le Parti réformiste a de la difficulté à accepter ce système. Nous avons toujours de la difficulté à accepter que le gouvernement tente de passer outre aux pouvoirs du Parlement en imposant ses idées dans une réglementation plutôt que dans une loi. La grille en question devrait être soumise à un comité de la Chambre avant qu'elle n'ait force de loi.

Comme je n'ai pas une longue expérience au Comité de la justice de la Chambre des communes, je doute qu'il soit la tribune appropriée pour examiner cette question. Par ailleurs, un comité de la Chambre, dont les membres seraient em mesure de comprendre les problèmes des familles séparées, devrait se pencher sur les lignes directrices.

L'article 2 du projet de loi, qui modifie l'article 15 de la Loi sur le divorce, reconnaît qu'un juge peut, en fixant le montant de la pension alimentaire pour les enfants et le conjoint, tenir compte des ententes conclues précédemment entre les parties, de la capacité de payer et des facteurs qui seraient à l'avantage de l'enfant. Avant tout, le juge doit tenir compte des lignes directrices convenues, c'est-à-dire de la grille établie en vertu de ce projet de loi.

À mon avis, ceux qui ont rédigé cette mesure législative, l'ont fait à l'envers. Le juge devrait d'abord examiner l'accord conclu entre les parties et, seulement lorsque les parties n'arrivent pas à s'entendre, se reporter au barème. De même, il devrait tenir compte de la capacité de payer. Si l'on envisage sérieusement de recourir à la médiation avant le divorce, comme c'est le cas en Alberta, alors les parents seront déjà parvenus à un accord qui leur convient.

Il sera inutile d'imposer des pressions supplémentaires à un couple qui se trouve déjà dans une situation très stressante. Nous avons déjà des tas d'exemples de cas où la pension alimentaire dépasse la capacité du conjoint de payer. Peu importe les conséquences, celui-ci aura du mal à payer.

(1115)

Le Financial Post a examiné le problème de façon réaliste. Dans un article intitulé «Sévir envers les pères mauvais payeurs ne réglera pas le problème», l'auteur dit:

Les pères mauvais payeurs suivent de peu les compagnies de tabac dans la liste des scélérats. En Amérique du Nord, les gouvernements se livrent concurrence pour mettre au point les stratégies les plus dures en vue d'obliger ces hommes à payer la pension alimentaire. C'est le gouvernement conservateur de l'Ontario qui remporte le prix de la sévérité. À compter du 1er janvier, les pères qui, en Ontario, ne paient pas la pension alimentaire pour enfants que leur a imposée le tribunal, perdront leur permis de conduire, se verront ôter toute possibilité d'emprunt et auront droit sous peu à la visite de l'agent de recouvrement.
Les mères seules peuvent-elles donc s'attendre à voir bientôt leur revenu augmenter substantiellement? Certainement pas.
Selon Statistique Canada, même les hommes qui ont la chance d'avoir un emploi à temps plein gagnent en moyenne 40 000 $ par an. Or, un père qui vit loin de ses enfants doit encore payer des impôts. Il doit encore manger et se loger. Il lui est encore interdit en vertu de la loi de se promener nu en public et cependant il doit aller travailler.
En Ontario, un homme seul qui gagne 40 000 $ paie plus de 15 000 $ d'impôts, même après la première réduction d'impôt du gouvernement Harris. Donnez-lui la maigre somme de 1 500 $ pour se nourrir et 6 000 $ pour se loger dans un appartement bon marché. Prévoyez 1 500 $ pour financer, assurer et entretenir une voiture et 1 000 $ pour se chausser et s'habiller. Ajoutez 2 000 $ pour faire la lessive, pour s'éclairer, pour acheter du dentifrice et se payer un téléphone pour appeler les enfants qu'il fait vivre, une coupe de cheveux de temps à autre, et quelques autres menues dépenses.
Autrement dit, à condition que cet homme soit disposé à leur consacrer tout son revenu disponible et à condition également qu'il ne se remarie jamais et qu'il n'ait jamais d'autres enfants, nous réussirons sans doute à en tirer jusqu'à 10 000 $ par an en pension alimentaire. Si nous n'arrivons pas à l'obliger à vivre comme un moine, si nous lui permettons de fonder une nouvelle famille, cette somme sera rapidement réduite à 1 000 ou 2 000 $ par an, ce qui ne nous mènera pas très loin, n'est-ce pas?
Voici la vérité que tout le débat sur les pères mauvais payeurs évite soigneusement. La raison pour laquelle les femmes et les enfants sont généralement dans une situation financière difficile après la séparation des parents n'est pas tant que certains hommes sont égoïstes et qu'ils se vengent en ne leur donnant pas d'argent-bien que ce soit parfois le cas-c'est le fait que le salarié moyen ne gagne pas suffisamment pour entretenir deux foyers. Pas plus d'ailleurs que le salarié comparativement plus aisé qui fait partie des 10 p. 100 au Canada dont le revenu brut est de 50 000 $ par an.
Une voix: Oh, oh!

Le président suppléant (M. Kilger): Je demanderais la collaboration des députés pour que nous puissions entendre les interventions de chacun. Lorsque nous en serons aux questions et observations, je leur donnerais la parole dans la mesure du possible.

Mme Jennings: Monsieur le Président:

Peu importe à quel point les ordonnances alimentaires sont contraignantes pour ces hommes, peu importe la rigueur avec laquelle le gouvernement les applique, la maternité sera toujours une catastrophe économique pour les mères divorcées ou célibataires, pour des motifs purement économiques et arithmétiques. Des règles plus rigoureu-

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ses en matière de pension alimentaire ne feront qu'exacerber la situation catastrophique, surtout chez les pauvres.
Ne vous méprenez pas, j'ai bel et bien entendu les commentaires en sourdine, assez discourtois par ailleurs. Cela signifie simplement que les députés d'en face veulent attirer notre attention, peut-être avec raison, sur le fait que les mères vivent habituellement une situation très difficile. C'est vrai. Mais nous ne devons pas faire l'autruche et prétendre qu'il règne une certaine prospérité économique au sein de notre société car ce n'est pas le cas.

Je ne veux pas que les familles se disloquent encore davantage après le divorce. Un divorce ne signifie pas nécessairement l'éclatement total d'une famille. Les gens sensés peuvent encourager le père, qui n'a pas habituellement la garde des enfants, à visiter ceux-ci et à leur faire comprendre qu'il les aime toujours et s'intéresse encore à eux. Cependant, nous ne pouvons anéantir quelqu'un et lui demander ensuite d'être un bon père de famille. Il faut user de gros bon sens. Pendant de très nombreuses années, ceux qui versaient les pensions alimentaires et ceux qui les recevaient ont connu de graves difficultés. Je le sais très bien personnellement. Je n'ai pas pour autant cessé de réfléchir ou de voir la réalité.

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En ces temps de difficultés économiques, le gouvernement libéral devrait certainement prendre en compte le taux de chômage de 10 p. 100. Nous ne pouvons punir les gens. Il faut plutôt les encourager. Voilà ce que nous devons viser lorsque nous élaborons les lois.

Puisque nous avons adopté le divorce sans imputation de faute, car c'est ce que nous avons fait je crois, nous devons demeurer fidèles à nous-mêmes et ne pas utiliser la pension alimentaire comme moyen de punir le parent n'ayant pas la garde. Il n'y a, dans ce dossier, ni affreux vilain ni preux chevalier sur son cheval blanc.

Nous nous inquiétons également de certains articles du projet de loi qui permettent au gouvernement de suspendre des permis et des passeports pour obtenir le paiement des arriérés de pensions alimentaires. Je pense cependant que dans le cas des arriérés persistants, il faut être prudent. En suspendant un permis ou un passeport, on peut compromettre l'emploi de la personne, donc son gagne-pain. On ne résout rien si on fait perdre son emploi à la personne en cause. Ce n'est certainement pas ainsi qu'elle pourra payer ou aider qui que ce soit, en particulier ses enfants.

Si on supprime à la personne sa capacité de gagner sa vie, alors il n'y aura pas du tout d'argent pour payer les pensions des enfants. C'est donc une situation où tout le monde est perdant. Il faut aussi garder à l'esprit le fait que la révocation du passeport peut compromettre l'emploi d'une personne si son travail exige qu'elle se rende à l'étranger. L'aspect international de la révocation du passeport devrait également être étudié.

J'espère que ces articles seront examinés sérieusement en comité. Nous allons envisager la présentation d'amendements qui allongeraient la période d'avis en vertu de l'article 22 du projet de loi qui modifie le paragraphe 67(4) de la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales.

Ce qui me gêne également beaucoup au sujet de ce projet de loi, c'est le fait qu'il ne résout pas la question de l'accès, en particulier l'accès des grands-parents aux petits-enfants.

Finalement, les médias commencent à parler de cette question importante dans notre société, celle de donner aux enfants canadiens l'accès à leur famille, laquelle comprend également les grands-parents.

On nous dit d'attendre une révision complète de la Loi sur le divorce. Je dis au ministre de la Justice qu'un certain nombre de grands-parents n'ont plus beaucoup de temps de reste.

Entendons-nous sur une chose. Dans les affaires de divorce, il n'y a pas de bons et de mauvais. C'est justement ce que reconnaît le divorce sans faute. Comment être sûr que l'on soit juste et que l'on accorde des responsabilités et des droits d'accès égaux, en reconnaissance du fait que ce sont les parents qui divorcent et non les enfants. Je parle ici en termes généraux. Nous savons tous qu'il y a des parents qui n'auraient jamais dû avoir d'enfants. Certains sont irresponsables et se désintéressent de leurs enfants, mais en général, les parents, divorcés ou non, ont beaucoup d'empathie pour leurs enfants, ils les aiment, ils les voudraient avec eux et ils veulent les aider. C'est la principale raison pour laquelle la médiation est essentielle avant le divorce, avant que l'on accorde la garde à un parent et que l'on fixe les modalités d'accès de l'autre.

Qu'est-ce que je veux dire réellement? Je veux dire que ce sont les enfants qui sont les vraies victimes du divorce. Ils ont besoin d'une famille qui les aime et qui s'occupe d'eux. En tant qu'enseignante pendant plus de 30 ans, je peux dire à la Chambre que tous les enfants sont touchés par le divorce. Toutefois, le divorce se produit et continuera de se produire. Donc, que pouvons-nous faire en tant que pays? Nous devons tous nous souvenir que la famille est l'unité la plus fondamentale de notre société.

Malheureusement, dans le monde qui est le nôtre, plus de 50 p. 100 des mariages débouchent sur un divorce. Et malheureusement, dans un cas de divorce, l'objet de ce projet de loi, c'est le plus souvent les enfants qui passent en dernier. Et ce, malgré le fait que les tribunaux et nos lois disent que l'intérêt de l'enfant est leur préoccupation première. Dans la plupart des cas, on se préoccupe d'abord et avant tout de l'intérêt du parent qui a la garde de l'enfant.

Aux États-Unis, où l'on enregistre les tendances en matière de divorce, il est abondamment établi qu'en pratique on privilégie l'intérêt du parent qui a la garde de l'enfant. L'enfant et le reste de la famille sont rarement pris en compte.

La Chambre sait combien je me préoccupe du sort de nos petits-enfants canadiens, et j'ai évoqué la crise qui surgit après le divorce quand de nombreux petits-enfants ne peuvent plus voir ou visiter leurs grands-parents. Il se peut que je n'aie pas la même vision de la famille que d'autres parlementaires. En tout cas, à mon avis, ce n'est pas parce qu'il y a eu divorce que l'enfant ou les enfants issus de ce mariage perdent à jamais un père ou une mère. Ce n'est pas parce que leurs parents ont divorcé que ces enfants n'ont pas moins besoin de conserver des liens familiaux, bien au contraire. Soit, c'est peut-être plus difficile, mais c'est également encore plus nécessaire.


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Si nous voulons une société forte, saine, il nous faut nous pencher sur la situation des familles, qu'elles soient séparées ou non. Nous devons encourager les enfants à rester en contact avec toute la famille. Les enfants ont besoin de savoir que les deux parents, même s'ils ont divorcé, ainsi que les grands-parents des deux côtés les aiment. Certes, la pension alimentaire ou son non-paiement est un facteur important, mais j'estime que le gouvernement, en abordant ce problème comme s'il s'agissait d'un élément isolé du dossier, ne va pas aider à le résoudre mais plutôt l'empirer.

Je tiens à préciser que je proposerai des amendements parce que j'ai déjà exprimé certaines réserves concernant le projet de loi et j'ose espérer que le gouvernement prendra ces amendements au sérieux.

Avant de conclure, je signale l'existence d'un ouvrage américain qui s'intitule Ladies' Home Journal. Une femme d'affaires, Rebecca Morrick, était un parent qui ne recevait pas toujours la pension alimentaire pour enfants qui lui était due. L'argent ne lui parvenait pas régulièrement, de sorte qu'elle a lancé sa propre agence de recouvrement. Elle a dit: «Je comprends la colère et la frustration des femmes qui s'adressent à moi. Je sais ce que c'est lorsqu'un chèque de pension alimentaire n'arrive pas ou que l'anniversaire d'un enfant passe inaperçu. Je sais comment on se sent lorsqu'on doit fouiller pour trouver de la monnaie juste pour acheter un gallon de lait. Croyez-moi, j'ai déjà vécu cela.»

Ensuite, elle parle de son travail et du succès qu'elle a eu à trouver, comme elle dit, les pères mauvais payeurs. Cette expression n'est pas très gentille, mais elle décrit probablement la situation. Elle a dit: «Il me faut environ six mois pour commencer à recouvrer de l'argent auprès des pères mauvais payeurs et je fais la majeure partie de mes démarches par ordinateur. En fin de compte, une cliente peut fort bien se débrouiller. Même si le montant de la pension alimentaire est relativement faible, l'ex-conjoint peut être obligé de verser à sa conjointe l'intérêt composé couru au cours des années de non-paiement. Chose peu étonnante, trouver les pères en fuite est ma spécialité. Dans une affaire que j'achève actuellement, la plus importante que je n'aie jamais eue, j'ai fini par retrouver un père mauvais payeur qui devait plus de 200 000 $. En 1979, on lui avait ordonné de verser à ma cliente 300 $ par mois pour subvenir aux besoins de leur fille, mais il s'était enfui de la ville sans payer un sou.

«Sa femme Moranda n'avait pas cherché bien fort à le retrouver, pensant que, de toute façon, il ne gagnerait jamais assez d'argent pour faire les paiements. Cependant, des années plus tard, Moranda a appris que son ex-conjoint était devenu parolier d'une vedette de musique country et connaissait du succès. Nous l'avons trouvé à Nashville, nous lui avons signifié l'ordonnance du tribunal et nous avons entamé la procédure de saisie de ses chèques de redevances, dont certains s'élèvent à plus de 30 000 $.»

Elle parle des cas dont elle a été chargée et où elle a obtenu du succès. Ce qu'elle dit, c'est que ce sont de graves cas de non-paiement de pension alimentaire pour enfants. Elle en est témoin tout le temps et essaie de corriger la situation, avec un certain succès. Elle mentionne aussi que la bureaucratie vient souvent mêler les cartes, ce qui arrive aussi au Canada. Cela se produit même trop souvent et ceux qui oeuvrent dans le domaine social sont parfois surchargés de travail et ne peuvent s'occuper de tous les problèmes.

Étant donné que cette femme a été confrontée à la situation, qu'elle travaille quotidiennement dans ce domaine et qu'elle voit les pires scénarios, a-t-elle autant de préjugés que le député d'en face? Est-ce possible qu'elle ne fasse valoir qu'un aspect de la question, comme le député d'en face? Ou alors, est-ce qu'elle traite. . .

Mme Clancy: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Quand la députée demande si la femme a «autant de préjugés que le député d'en face», j'aimerais qu'elle précise à quel député d'en face elle fait allusion. Le député de Scarborough-Rouge River. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je signale respectueusement que la députée intervient dans le débat, mais qu'il ne s'agit pas d'un recours au Règlement. Reprenons le débat. La parole est à la députée de Mission-Coquitlam.

Mme Jennings: Monsieur le Président, les libéraux aiment se faire entendre.

Cette remarque se rapporte à ce qui vient de se passer. Je faisais donc remarquer que cette femme traite quotidiennement de ce genre de situation, qu'elle voit les pires scénarios où la pension alimentaire n'est pas versée.

Voici ce qu'elle m'a dit: «Au début, j'essayais de rester calme et objective, et d'agir en véritable détective expérimenté, mais ce n'était pas dans ma nature. J'ai donc laissé intervenir mes émotions et je me suis mise à donner des opinions personnelles à mes clients. Je ne suis jamais aussi satisfaite que lorsque mon intervention aide à réunir une famille. Certains pères sont réellement soulagés quand j'arrive à les retracer. Ils s'ennuient de leurs enfants et veulent recommencer à neuf.

«Il y a, par exemple, le cas de Joe et de Sally. Exaspéré de ne jamais pouvoir rendre visite à ses enfants quand il le demandait, Joe a arrêté de verser la pension alimentaire et Sally s'est opposée à ce qu'il voit les enfants tant qu'il ne recommencerait pas à envoyer les chèques. Pour désamorcer cet affrontement acrimonieux, j'ai rédigé une modification de l'ordonnance prévoyant la reprise immédiate des versements et le rétablissement immédiat des droits de visite. Toujours méfiante à l'égard de Joe, Sally hésitait à signer l'entente, mais je l'ai prévenue que je cesserais de m'occuper de son cas si elle ne le faisait pas. Elle a fini par céder. Depuis, les chèques sont versés et les visites ont repris, pour le plus grand bien de tous.

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«C'est une grande source de satisfaction que d'aider les femmes à recevoir l'argent qui leur revient, mais aider des pères comme Joe à renouer avec leur famille me porte à vraiment apprécier ma profession. La paternité peut et doit être autre chose qu'un chèque mensuel, autre chose que la satisfaction des besoins matériels. Mon travail m'a appris qu'un enfant dont le père disparaît n'est plus jamais tout à fait le même.» Plus de 30 ans passés dans l'enseignement me le confirment.

Au moment de conclure mon intervention, je dois rappeler que personne ne comprend mieux que moi qui parle d'expérience la


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gravité du problème dont nous discutons. Si nous ne commençons pas à nous occuper de tout le monde, à donner la priorité aux enfants, les problèmes de séparation, de divorce et de non-versement des pensions alimentaires ne feront que s'aggraver.

Le président suppléant (M. Kilger): L'article 74 du Règlement s'applique au débat sur cette motion. Les trois premiers députés à prendre la parole ont droit à un maximum de 40 minutes, mais sans période de questions ou d'observations. Au cours des cinq prochaines heures de débat, les interventions seront de 20 minutes, suivies d'une période de questions et observations de 10 minutes.

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, dès le début de mon intervention, je voudrais rendre hommage à la députée de Mission-Coquitlam, qui a plaidé en faveur des grands-parents. Je ne suis peut-être pas d'accord avec le projet de loi qu'elle a proposé, mais je suis certainement d'accord avec l'esprit et l'intention de son plaidoyer.

Je voudrais également rappeler ce qu'elle vient de dire à la fin de son intervention, à savoir que si nous ne nous soucions pas de tout le monde et spécialement des enfants, nous allons connaître des ennuis. Voilà qui est réconfortant à entendre, et, d'après ce que je sais de la députée, une expression fidèle de ses sentiments. Il est également réconfortant d'entendre ces paroles venir des rangs des réformistes.

Je ne saurais cependant mieux dire que dire qu'il y a de la place pour tout dans les lois et que tout doit être à sa place. Je comprends l'exaspération de la députée, étant donné son plaidoyer sur la question de l'accès des grands-parents aux enfants dans une situation d'après-divorce, mais la mesure à l'étude n'a rien à voir avec l'accès. Il s'agit d'une toute autre considération dont il faudra nous occuper à un autre moment. Le projet de loi porte précisément sur les mesures de redressement provisoires et sur la situation à laquelle sont confrontées la plupart des mères tâchant de se débrouiller financièrement dans une situation d'après-divorce.

Pour expliquer pourquoi des modifications sont apportées comme elles le sont et pourquoi le gouvernement décide d'agir comme il le fait, particulièrement dans ces circonstances, il devient parfois nécessaire de parler du monde réel.

Je félicite la députée, mais je pense qu'il y a un soupçon de naïveté dans ses propos. Nous n'avons pas affaire, surtout quand nous parlons des familles d'après-divorce, au meilleur des mondes possible. En effet, pour ceux d'entre nous qui avons une longue expérience dans le domaine du droit de la famille, il n'est possible pour ceux qui sont passés par là de survivre dans le monde d'après-divorce que si la loi est suffisamment solide pour assurer le comportement qui permet la survie.

Ce n'est pas un monde qu'on peut voir en rose. Pendant quelques années, et même plusieurs années, la situation d'après-divorce est tout simplement infernale pour ceux qui ont à la vivre.

Je voudrais corriger une erreur que la députée n'a certainement pas commise intentionnellement en citant des statistiques. Le taux de divorce au Canada n'est pas de 50 p. 100, dieu merci. Il fluctue plutôt entre 3 et 3,9 sur 10. Ce n'est pas fameux, mais ce n'est pas aussi mauvais que 50 p. 100. Ce taux devrait peut-être se chiffrer à 50 p. 100 étant donné certaines des choses qui se passent dans les ménages qui tiennent encore ensemble. Quoi qu'il en soit, par souci d'exactitude, je tiens à préciser que le taux de divorce se situe quelque part entre 3 et 3,9 sur 10.

(1135)

Une voix: Votre source?

Mme Clancy: Ma source est Statistique Canada. Si le député veut contester mes sources, il s'en mordra les doigts.

Après avoir entendu les observations de la députée, je tiens à lui dire que la prudence est de mise lorsqu'on tente d'établir une corrélation entre les enfants du divorce et la criminalité. Si la députée peut prouver ces allégations, nous lui serions reconnaissants de nous faire part de ses sources. Étant donné le taux élevé de divorce, il faudrait s'attendre à une hausse de la criminalité et non à la baisse que nous enregistrons ces temps-ci.

Malgré la bonne volonté qui ressort du discours de la députée et de son intérêt pour cette question, son interprétation de la situation est d'une naïveté que nous devons corriger.

Je le répète, le monde après le divorce n'est pas le meilleur des mondes. En général, les gens divorcent parce qu'ils sont au bout de leur rouleau et doivent mettre un terme à la relation la plus personnelle et la plus intime qui existe sur cette terre. Lorsque les gens vivent des émotions qui passent d'un extrême à l'autre, il peut y avoir des réactions et des retombées épouvantables non seulement pour le mari et la femme qui divorcent, mais aussi, comme la députée l'a mentionné, pour les enfants.

Toutes les mesures législatives canadiennes qui traitent d'une façon ou d'une autre des enfants, qu'il s'agisse de la Loi sur le divorce, de la législation provinciale sur l'entretien ou la garde des enfants, ou de toute autre mesure, se fondent sur le principe suivant: les intérêts de l'enfant sont primordiaux. Une des tragédies de notre pays, c'est que nous-législateurs, avocats ou juristes-ne savons toujours pas comment donner vraiment un sens à cette expression. Si les parents, qui sont les premiers intéressés, n'arrivent pas à rechercher au premier chef le meilleur intérêt de l'enfant, comme ils sont censés le faire, il est insensé de croire que quelqu'un d'autre y réussira.

Après le divorce, les enfants sont traumatisés. Comme législateurs, nous devons présenter une mesure législative qui réduira le traumatisme au minimum et qui assurera la situation la plus avantageuse possible. Personne n'a jamais dit ni ne dira jamais que les solutions législatives constituent une panacée. Ce n'est pas possible.

Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit, en 1978, plus de90 p. 100 des ordonnances alimentaires au profit d'un enfant et des allocations d'entretien n'étaient pas exécutées. Il y a 18 ans, plus de 90 p. 100 de ces ordonnances étaient impossibles à exécuter au Canada. Depuis lors, la situation s'est améliorée. Je n'ai pas les


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statistiques pour aujourd'hui, mais je crois que c'est autour de60 p. 100. Cela demeure inacceptable.

Une des choses que j'ai vues maintes fois en tant que spécialiste du droit familial aidant des femmes à faire appliquer des ordonnances alimentaires au profit d'un enfant, c'est ce que j'appellerais le syndrome du «je-n'en-peux-plus». Ces femmes en étaient arrivées au point où le jeu n'en valait plus la chandelle. La pension alimentaire arrivait en retard, si elle arrivait. Le procès au tribunal de la famille ou même, à l'occasion d'un jugement de divorce, à la Cour suprême, supposait que ces femmes s'absentent de leur travail. L'affaire les perturbait au plan émotionnel. Il est très stressant pour la plupart des gens de témoigner devant un tribunal, surtout lorsqu'il s'agit de choses aussi délicates que leur situation financière ou matrimoniale.

(1140)

Souvent, une cliente me téléphonait pour me dire qu'à nouveau la pension alimentaire ne lui a pas été versée. Je lui disais alors que nous allons en saisir le tribunal de la famille. Elle me répondait: «Non, au diable tout cela. Je ne veux plus être importunée. Cela ne vaut pas la peine. Je préfère m'en passer plutôt que d'avoir à composer avec tout cela.»

En présentant ce projet de loi-qui portera sur les règlements-le gouvernement tente d'atténuer un peu ce genre de problème. Il le présente aussi parce que, n'en déplaise aux députés d'en face, au moment d'un divorce, le niveau de vie de la femme baisse considérablement, alors que celui de l'homme augmente. Voulez-vous des statistiques à ce sujet? Faites une simple vérification. Je parie que vous pourriez même vérifier auprès de certains députés d'en face qui sont peut-être au courant. Il est certain que, d'une manière générale, les femmes au Canada n'ont pas aussi facilement accès que les hommes aux ressources financières, aux emplois, aux promotions, etc. C'est une réalité.

Deuxièmement, il est évident que si la femme paie de l'impôt sur cette somme et que, d'entrée de jeu, elle fait partie d'une catégorie moins nantie, elle sera plus durement frappée. C'est un autre problème que le projet de loi à l'étude tente de régler.

Tout le système repose toutefois sur les recommandations qui sont fournies aux juges et à ceux qui vont mettre au point le règlement au tribunal ou lors de l'exercice de médiation préalable. En passant, je signale au troisième parti que la médiation existe dans notre pays depuis un certain temps déjà et qu'elle fonctionne. C'est probablement pour cette raison que l'exécution forcée des ordonnances alimentaires a diminué et qu'elle est maintenant de l'ordre de 60 p. 100. Cela ne suffit pas, cependant.

Nous ne réglerons toutefois pas le problème en disant que les pères ou les parents qui ne versent pas de pension alimentaire comprennent tout simplement mal leurs obligations. Certains d'entre eux ne veulent pas payer. Ils refusent carrément de signer le chèque. L'exécution forcée des ordonnances est et demeure un problème. Je le répète, le projet de loi à l'étude vise à résoudre ou à atténuer certains de ces problèmes.

Il ne faut pas s'imaginer que les mères et les pères reviendront ensemble après une rupture. Ce genre de chose n'arrive que dans les rares films qui sont présentés à l'époque de Noël et, malheureusement, dans l'imagination de nombreux enfants du divorce, mais pas dans la réalité. Ne perdons pas notre temps à parler des moyens à prendre pour réparer les relations personnelles, car ce n'est pas le rôle du législateur à tout le moins. Parlons plutôt des moyens à prendre pour que les problèmes financiers des intéressés soient au moins réglés de manière à ce que les enfants et les parents seuls puissent quelque peu améliorer leur sort.

Je ne doute pas qu'il existe dans la société des professionnels qui peuvent travailler à la reconstruction affective, ce qui est possible dans un nombre limité de cas. Ce n'est pas notre travail, pas plus que c'est notre rôle de traiter de l'accès. Il consiste plutôt à adopter des modifications qui porteront sur les mesures de redressement provisoires aux termes de la Loi sur le divorce. C'est ce que nous faisons.

La députée d'en face a soulevé un certain nombre de questions qui sont purement et simplement liées à des domaines de compétence provinciale. C'est bien beau de mettre en doute les secteurs de compétence. Mais la compétence, c'est important. Certaines questions relèvent de la compétence provinciale, alors que d'autres sont du ressort du gouvernement fédéral. Or, la question dont nous sommes saisis est du ressort du gouvernement fédéral. C'est quelque chose que nous pouvons faire. Et nous le faisons.

C'est une mesure qui se fait attendre depuis très longtemps et dont la décision de la Cour fédérale dans la cause Thibaudeau a accéléré l'étude. C'est grâce à la députée de Nepean qui a défendu cette cause dès le début. C'est donc avec fierté que j'appuie ce projet de loi aujourd'hui.

(1145)

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention le discours de ma collègue de l'autre côté de la Chambre et je trouve qu'elle a cité des exemples qui sont fort louables. En soi, le principe du projet de loi est acceptable parce qu'il prévoit d'abord le bien de l'enfant.

Par contre, j'aimerais que la députée réponde à une question sur le principe des lignes directrices établies par le fédéral dans les cas de divorce, lesquelles viendraient à l'encontre des lignes directrices établies par les provinces, le Québec entre autres, sur la séparation.

On sait que, par décret, le gouvernement pourrait décider de ne pas autoriser. . .

Mme Clancy: La séparation.

Mme Gagnon: Oui, par les lignes directrices.


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J'aimerais que la députée nous explique pourquoi le gouvernement, dans ce cas-ci, ne prévoit pas donner le pouvoir aux provinces en matière de lignes directrices. Je pense que, dans ce cas-ci, c'est un exemple flagrant de non-décentralisation. Un collègue libéral a par ailleurs qualifié le fédéralisme centralisateur de démon du midi.

Je voudrais que la députée m'explique comment il se fait que, par un décret, le gouvernement fédéral ne pourra pas accepter dans certains cas les lignes directrices des provinces. Je crois que cela démontre encore une fois l'inefficacité du gouvernement. On n'a pas encore la volonté de décentraliser et de laisser aux provinces leurs propres champs de compétence. Comment se fait-il que la députée ne voit pas cet aspect négatif dans le projet de loi?

J'admets que le gouvernement a quand même de bonnes dispositions en ce qui a trait aux enfants, aux femmes, afin d'améliorer leurs conditions de vie. Dans tout ce débat, je pense qu'on est d'accord, mais on est en désaccord sur les dispositions des lignes directrices parce que, encore une fois, on ne permet pas aux gouvernements provinciaux d'aller de l'avant avec leurs propres lignes directrices. C'est comme si un tribunal prononçait une sentence dans un cas de divorce dans une salle, que 30 minutes plus tard, pour une autre femme dans un cas de séparation, avec une même situation financière, il en prononçait un autre parce que le fédéral agit d'une façon et les provinces d'une autre.

Qu'on donne donc la possibilité aux provinces d'exercer leurs propres lignes directrices. Cela me préoccupe qu'on donne un pouvoir allant au-delà du pouvoir des députés de cette Chambre.

[Traduction]

Mme Clancy: Monsieur le Président, je veux remercier la députée de Québec de son intervention et de ses observations. Je ne veux vraiment pas, dans ce cas, avoir l'air d'avoir une attitude condescendante. Permettez-moi tout d'abord de faire une remarque évidente: je ne connais pas vraiment les lois précises du Québec auxquelles la députée a fait allusion. Je suis cependant très au courant de la juxtaposition, si je peux employer ce terme, des lois fédérales et provinciales dans ce domaine.

Cela revient dans une certaine mesure à ce que j'ai dit dans ma conclusion au sujet de la compétence. C'est peut-être une question de traduction, car j'écoutais l'interprète. L'interprète a employé le verbe permettre. La députée, bien qu'elle ne soit pas avocate, sait certainement qu'il ne s'agit pas pour le gouvernement fédéral de permettre quoi que ce soit au gouvernement provincial. Les secteurs de compétence son clairement définis tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral.

La Loi sur le divorce relève du gouvernement fédéral et c'est vraiment le seul cas où le gouvernement fédéral s'intéresse aux ramifications juridiques de la rupture d'un mariage. Il y a d'autres types de rupture de mariage, à part le divorce, qui relèvent du gouvernement provincial.

Encore une fois, je ne peux que répéter à la députée que ce n'est pas du tout une question de décentralisation. En fait, je me souviens que la question avait été abordée il y a quelques années lors d'une conférence constitutionnelle entre des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. Le premier ministre Lévesque, qui représentait le Québec à ce moment-là, était d'accord pour que toutes les questions liées au droit de la famille soient confiées aux provinces. Cette idée a provoqué une forte réaction négative de la part des sociétés du barreau et des avocats d'un bout à l'autre du pays, y compris d'avocats du Québec, dont certains étaient peut-être même membres du Bloc québécois ou du Parti québécois.

(1150)

Soyons sérieux ici et regardons les lignes directrices. Je le répète, je ne connais pas les lignes directrices en vigueur au Québec, mais je peux imaginer qu'elles ne sont pas très différentes de celles qui sont en vigueur dans d'autres provinces et qui ne sont peut-être pas des plus efficaces. Cependant, en général, lorsqu'il y a médiation ou entente avant le procès dans les cas de divorce et de rupture de mariage, la plupart des juges au Québec et dans les autres provinces canadiennes essaient d'évaluer la situation du mieux qu'ils peuvent et essaient aussi-et c'est ce que j'ai dit auparavant-de tenir compte de ce qui est le mieux pour l'enfant.

Je ne vois rien dans les lignes directrices fédérales qui va à l'encontre des lignes directrices provinciales. Les lignes directrices fédérales sont de bonnes lignes directrices. À mon avis et à ma connaissance, elles reflètent ce qui se passe dans les autres provinces. Elles sont essentiellement fondées sur les mêmes idées et les mêmes théories et visent essentiellement les mêmes buts.

Je serais très surprise qu'il y ait quelque chose dans le Code civil du Québec qui soit tout à fait contraire aux lignes directrices fédérales, mais, si c'était le cas, j'imagine que le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice serait intéressé à savoir quels sont ces points et à les examiner. Toutefois, il est peu probable que ce genre de conflit existe.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, au cours de son exposé, la députée a fait allusion à l'intérêt des enfants et elle a déclaré que, selon elle, le projet de loi protégeait l'intérêt des enfants ou répondait aux préoccupations à leur sujet.

La chose la plus importante pour un enfant, c'est d'avoir deux parents aimants. La députée pourrait-elle commenter le fait que le projet de loi n'améliore en rien les droits de visite du parent qui n'a pas la garde des enfants? Ne s'agit-il pas là d'une sérieuse lacune du projet de loi?

On modifie rarement la Loi sur le divorce. On devrait donc en faire un examen beaucoup plus approfondi que ne le permet le projet de loi. La députée pourrait-elle nous dire quelques mots à ce sujet?

Mme Clancy: Monsieur le Président, je suis heureuse que l'on me pose cette question. Je sais que le député est de bonne foi et je lui répondrai donc très sérieusement.

Il est vrai que le mieux que l'on puisse souhaiter à un enfant, c'est d'avoir deux parents aimants. Je me réfère à ma propre expérience. Les sept premières années de ma vie ont été les plus idylliques qu'un enfant puisse avoir, puis mon père est décédé. Ce fut une tragédie que personne n'aurait pu prévoir. Ma mère a pris seule la relève. J'ai été très chanceuse et j'ai grandi entourée d'amour. La


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magnifique créature qui parle en ce moment est un produit de cet amour.

Lorsque la disparition de mon père me pesait lourd, ma mère me disait: «Tu sais, Mary, beaucoup de choses pires que la perte de ton père auraient pu t'arriver.» Et c'était très vrai. Je pense que le député le sait.

Ce serait merveilleux si nous pouvions adopter une loi faisant en sorte que tous les enfants aient deux parents aimants. Ce serait peut-être la meilleure chose que nous puissions faire, cependant, nous savons que c'est impossible. Nous savons qu'il y a des parents qui négligent leurs enfants, qui leur infligent de mauvais traitements, qui agissent de la façon la plus ignoble envers eux et qui trahissent leur amour et leur confiance. Cela pousse des législateurs comme nous, tous les Canadiens et tous les gens de bonne volonté de la terre à réclamer justice.

(1155)

Tout à l'heure, j'ai dit que les législateurs pouvaient faire certaines choses, mais que d'autres choses étaient hors de leur portée. Nous ne pouvons pas adopter de lois qui donneraient à tous les enfants deux parents aimants. Nous ne pouvons qu'essayer de rendre la situation la meilleure possible.

Cela m'amène à l'aspect technique de la question des droits de visite prévus dans la Loi sur le divorce. Je ne vois pas exactement ce que souhaite le député à ce sujet. S'il veut parler des gens qui peuvent réclamer le droit de visite, c'est une autre affaire. Cependant, des droits de visite sont prévus dans la Loi sur le divorce. S'il fait allusion au projet de loi d'initiative parlementaire de la députée de Mission-Coquitlam, je lui rappelle que j'ai déjà exprimé mon soutien pour le but visé. Cependant, je n'appuie pas le moyen qu'elle a choisi pour l'atteindre.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, à l'occasion de l'étude du projet de loi C-41 que nous avons devant nous, on a un bon exemple que la politique ne suit pas nécessairement les revendications du milieu aussi rapidement qu'on voudrait obtenir les modifications souhaitées.

Ce qu'on tente de régler avec le projet de loi C-41, c'est un problème vécu par beaucoup de familles monoparentales. Il n'est pas nécessaire que je vous dise que, la plupart du temps, peut-être dans 99 p. 100 des cas, ce sont les femmes qui subissent ça, et également à 100 p. 100, ce sont les enfants en bout de ligne. Il y avait beaucoup d'iniquité.

Les groupes de femmes et les groupes communautaires, beaucoup d'individus, des hommes et des femmes demandaient depuis longtemps au gouvernement, autant conservateur à l'époque que libéral depuis 1993, d'apporter des modifications à cette législation. C'était clair. Il y avait une certaine unanimité dans le milieu, bien qu'il y ait des pères payeurs qui voient ça d'un mauvais oeil, naturellement. Mais lorsqu'on regarde l'objet qu'on voulait fixer, qui était l'amélioration du bien-être des enfants, je pense que tout le monde était d'accord pour dire qu'il y avait un problème.

Il a fallu une saga judiciaire pour faire véritablement réagir le gouvernement. Il a fallu qu'une femme qui avait du culot, oui, affronte le gouvernement sur une question aussi importante, et c'est l'affaire Thibaudeau que tout le monde connaît.

Cette femme-là était appuyée par beaucoup de monde, mais entre autres également-et ce n'est pas pour nous vanter-par l'opposition officielle dès le début. Tout à l'heure, j'entendais un député du Parti libéral dire que dès le début, son parti avait appuyé les modifications qu'on propose dans le projet de loi C-41, mais nous avons posé des questions au gouvernement sur ce domaine précis et de façon très évidente depuis le moment où nous sommes devenus l'opposition officielle.

Souvenez-vous des demandes répétées en cette Chambre au ministre de la Justice afin qu'il dépose un projet de loi pour équilibrer entre les deux parents la charge financière reliée aux enfants, comme l'a demandé à plusieurs reprises la députée bloquiste de Québec. Ou encore du cri d'urgence du député de Témiscamingue qui disait, en mai 1995: «Il est donc impératif que le gouvernement agisse immédiatement pour répondre aux attentes des femmes.»

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour féliciter, entre autres, la député de Québec de sa ténacité et de sa persévérance puisqu'il s'agit d'un dossier qui n'était pas facile. Il y avait toutes sortes de préjugés qui entraient en ligne de compte, toutes sortes d'éléments qu'on devait prendre en considération, et elle a toujours extrêmement bien défendu le dossier. C'est pourquoi l'opposition a fait front commun pour faire modifier ces règles.

Je voudrais également remercier le député de Témiscamingue qui était critique au revenu à cette époque. Il nous a expliqué les conséquences pécuniaires de façon très claire. Avec ses explications, il a également contribué à faire en sorte que le Bloc soit unanime sur cette question.

Cependant, avec presque un an de retard, le gouvernement, le ministre a enfin déposé la réforme réclamée depuis si longtemps par le Bloc québécois.

Dans le budget de 1996, c'est là où on s'en rend compte en premier, le gouvernement fédéral dévoilait finalement le nouveau système de pensions alimentaires pour les enfants. Rappelons qu'il y avait quatre volets. Le premier volet établissait que les pensions alimentaire ne sont plus imposées pour les parents ayant la garde des enfants entraînant, par le fait même, l'imposition de la pension au parent qui n'a pas la garde. Deuxièmement, le supplément au revenu gagné inclus dans les prestations fiscales fédérales pour enfants sera doublé. Troisièmement volet, des lignes directrices seront émises pour le calcul des pensions alimentaires, et, quatrième volet, de nouvelles mesures renforcées pour la perception des pensions alimentaires seront aussi annoncées.

(1200)

Si on adopte ce projet de loi, le projet de loi C-41, qui modifie la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, certaines dispositions de la Loi sur la saisie-arrêt et d'autres lois connexes, il donnera effet à deux des quatre volets que j'ai énumérés tout à l'heure. On reviendra à ces volets plus précisément.


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Selon le projet de loi à l'étude, la Loi sur le divorce serait modifiée de manière à ce que soit établi un cadre d'utilisation de lignes directrices pour la détermination du quantum des pensions alimentaires pour enfants. De telles lignes directrices remplaceraient le pouvoir judiciaire discrétionnaire et elles seraient adoptées par règlement.

Le deuxième volet touché par le projet de loi C-41 concerne les mesures d'application. Plus spécifiquement, le projet de loi modifierait la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales de manière à ce que Revenu Canada soit ajouté à la liste des ministères fédéraux dont les banques de données peuvent être consultées pour retrouver les mauvais payeurs débiteurs de pensions alimentaires, pensions qui étaient accordées soit pour les enfants, soit pour l'autre conjoint.

Les modifications créeraient un nouveau mécanisme dans lequel les mauvais payeurs persistants pourraient se voir refuser certaines autorisations et certains avantages. Tout le reste de la nouvelle législation serait mis en place par le truchement d'une loi d'exécution du budget qui sera déposée, selon toute vraisemblance, à l'automne.

Si on examine les deux volets spécifiques touchés par le projet de loi C-41, le premier volet est le plus important, car il porte sur les fameuses lignes directrices. J'ai entendu toutes sortes de choses dans cette Chambre et ça vaut la peine de prendre quelques minutes pour préciser les lignes directrices et préciser aux députés qui l'ignorent ce qui se fait dans d'autres provinces relativement à ces lignes directrices parce que, effectivement, le gouvernement du Québec le fait. À l'heure actuelle, on a ces fameuses lignes directrices.

Le projet de loi C-41 ajoutera des lignes directrices, mais elles seront prépondérantes, même si certaines législatures provinciales ont déjà adopté des lignes directrices. Pour répondre plus spécifiquement à la députée d'Halifax qui disait ne pas connaître les lignes directrices du Québec, je pense que ça vaut la peine de prendre quelques minutes et d'examiner les lignes directrices du Québec et d'examiner d'un autre côté les lignes directrices du fédéral.

Voici en détail les divers critères retenus pour fixer les lignes directrices. J'invite les députés d'en face à écouter très sérieusement et attentivement, surtout la députée d'Halifax. C'est le temps qu'elle écoute pour qu'elle comprenne ce qui se passe.

Le modèle québécois est basé sur le coût réel de l'enfant. L'enfant a besoin de tant, on évalue ce dont l'enfant a besoin. Cela ne peut pas être plus sûr, plus certain que cela. Mais le modèle fédéral est basé sur l'égalisation partielle des niveaux de vie, donc un enfant de cinq ans, de façon générale, a besoin de tant. Mais cet enfant a peut-être besoin de plus parce qu'il est habitué à vivre avec plus dans une autre famille. Donc, on voit immédiatement que, dès le premier critère, ça ne correspond pas à 100 p. 100 à la réalité.

Un deuxième élément concernant le modèle québécois est qu'il est basé sur la capacité de payer des deux parents. Y a-t-il quelque chose de plus normal que cela? On parle du partage, entre les deux parents, de la responsabilité financière des enfants au prorata de leurs ressources. Ça ne peut pas être plus précis. Qu'a prévu le fédéral, lui qui pense être le bon Dieu dans ce domaine? Selon le modèle fédéral, on présume que les revenus des deux parents sont égaux. Y a-t-il quelque chose de plus faux que cela?

Il arrive quelquefois que les parents, la femme et l'homme, ont le même revenu, mais dans certains domaines, les femmes gagnent30 p. 100 de moins. Mais on se rend compte immédiatement que c'est un principe basé peut-être sur l'idéal, mais ce n'est pas la réalité. D'après ce que ma collègue me dit, même à travail égal, les femmes gagnent 30 p. 100 de moins que les hommes. Donc dans le cas de deux ingénieurs, il y a immédiatement une différence. Le fédéral est dans les patates sur toute la ligne.

(1205)

Le troisième élément, le modèle québécois n'inclut ni implicitement ni explicitement un montant de pension alimentaire pour le parent gardien. Au fédéral, on fait le contraire. Le modèle inclut implicitement un montant pour le parent gardien.

Le quatrième élément au niveau québécois: harmonisation avec les programmes québécois en matière de sécurité du revenu et de fiscalité. Est-ce normal? Il ne semble pas pour le fédéral, puisque le modèle fédéral n'est pas harmonisé avec les programmes québécois.

Un autre élément, au Québec, est la proportion des dépenses pour les enfants qui décroît avec le revenu. Au fédéral, les dépenses pour les enfants sont constantes avec le revenu. Le dernier élément, au Québec, le parent non gardien prestataire de la sécurité du revenu n'a pas à payer de pension alimentaire. Le modèle fédéral prévoit que le parent non gardien prestataire de la sécurité du revenu pourrait avoir à payer une pension alimentaire.

Je viens de donner à la députée d'Halifax, qui disait douter qu'il y ait d'énormes différences entre le modèle québécois et le modèle fédéral, la preuve et l'argumentation nécessaires qui prouvent le contraire. Elle pourrait faire part de ça à son caucus et tenter de convaincre le ministre de la Justice qu'il fait fausse route en voulant imposer certaines normes fédérales, un système égalitaire pour toutes les provinces.

On a l'exemple qu'au Québec, encore une fois-parce que je suis un député du Québec, pas parce que je suis un Québécois, pas parce que je viens du peuple québécois-mais encore une fois, on fait les choses différemment. On a la preuve, encore une fois, qu'on forme une société distincte. Même dans un projet de loi, somme toute, sans importance au niveau de la Constitution, on voit la différence de faire du peuple québécois.

Je pense que le temps aurait peut-être été bien choisi pour le gouvernement fédéral d'avoir une clause spécifique reconnaissant le caractère distinct du Québec dans le domaine de la famille et lui donnant pleine juridiction dans ce domaine. C'était le temps de le faire. Le premier ministre du Canada se vante qu'il reconnaît le caractère distinct du Québec, c'était le temps de le prouver dans un projet de loi qui, je pense, est extrêmement important pour la famille qui est finalement la source du peuple québécois.

Cela étant dit, bien que le Bloc québécois ait applaudi à prime abord la réforme du ministre concernant les lignes directrices sur la détermination du quantum des pensions alimentaires, nous avions soulevé quelques réserves quant à la mise en place dans les provinces des dites lignes directrices fédérales.


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À la lecture du projet de loi C-41 et en comparant le modèle québécois au modèle fédéral en ce qui concerne les fameuses lignes directrices, on voit bien que nos craintes sont confirmées. De plus, je pense qu'on les institutionnalise dans le projet de loi C-41 en créant deux systèmes complètement différents.

Je pense que les arguments que je viens de fournir à la députée d'Halifax pourraient être utilisés par d'autres députés libéraux pour faire face, comme le disait si bien le ministre des Affaires intergouvernementales, au démon de la centralisation. Je pense qu'ils ont assez d'éléments pour empêcher le démon de la centralisation du ministre des Affaires intergouvernementales d'agir, et pour revenir sur leurs pas, revenir à la réalité et décentraliser comme on le souhaite.

Dans le premier volet du projet de loi C-41, on touche à beaucoup de choses et je vous en ferai une nomenclature assez rapide. Ce que je vais vous dire, c'est très légaliste, mais je pense qu'on devrait s'attarder beaucoup à ces éléments compte tenu que les législateurs ne parlent pas pour rien dire. C'est une règle de droit qu'on répète souvent. Je pense que lorsque le législateur veut adopter un projet de loi semblable, tous les mots ont une signification extrêmement importante.

(1210)

Si un gouvernement provincial décide de mettre en place des lignes directrices pour sa province, ces dernières auront préséance sur celles du fédéral, seulement si le gouverneur en conseil désigne par décret les lignes directrices de la province comme étant les lignes directrices applicables. Là, je fais référence au paragraphe 1(4) qui s'énonce comme suit:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner une province pour l'application de la définition de «lignes directrices applicables» au paragraphe (1).
«Peut», monsieur le Président. Immédiatement, vous allez comprendre que le Bloc québécois trouve inadmissible ce petit mot de quatre lettres, «peut». De toute évidence, on doit remplacer cela par «doit»; «le gouverneur en conseil doit, par décret. . .» On veut que le gouverneur en conseil n'ait pas le choix, n'ait pas de discrétion à savoir si oui ou non les lignes directrices d'une province auront préséance sur les lignes directrices du fédéral.

Si une province prend l'initiative, si une province prend le temps de faire des lignes directrices dans un domaine aussi important que celui-là, je pense que le gouverneur en conseil n'a pas le choix et doit, par décret, désigner la province comme étant celle dont les lignes directrices seront applicables.

Toujours selon le projet de loi, les provinces devront donc remplir les critères désignés par le fédéral à l'article 26.1 pour voir leurs lignes directrices acceptées comme les lignes directrices applicables. Le gouvernement fédéral se garde ainsi un pouvoir discrétionnaire absolu quant à l'acceptation ou non du décret, selon le paragraphe (4).

Encore une fois, on peut voir le paternalisme habituel du gouvernement fédéral qui veut toujours encadrer les politiques sociales mises de l'avant par les gouvernements provinciaux. C'est toujours la mise sous tutelle des provinces par le grand frère fédéral qui s'obstine à vouloir imposer ses vues aux provinces sans aucun souci d'adaptation aux particularités des différentes régions du Canada.

Également, le refus des lignes directrices mises de l'avant par une province entraînerait la situation absurde où lorsque les parents se séparent, la grille provinciale s'appliquerait, puisque les séparations sont de juridiction provinciale, et lorsque les parents divorcent, là, ce serait la grille fédérale qui s'appliquerait parce que le fédéral a préséance en matière de divorce.

On assisterait à du magasinage législatif béni par le ministre de la Justice à Ottawa. Si on adopte cela tel quel, cela permettra aux avocats, aux personnes impliquées dans un dossier familial de se demander: je vais me séparer ou me divorcer? La seule considération que j'ai est la suivante: bien souvent on peut le dire, même si je suis un homme, l'homme voit certaines choses sur le plan financier que la femme ne voit peut-être pas sous le coup de l'émotion et les avocats vont participer à cela. Si un avocat est le moindrement futé et influence son client ou tente de l'influencer, et réussit à influencer l'avocat ou l'avocate-dans bien des cas, les femmes se font représenter par des avocates, ça va de soi, c'est leur choix, il n'y a aucun problème là-ce que je veux dire c'est que, à la suite d'une négociation, à la suite d'éléments pour influencer des avocats dans un dossier, ils choisiront peut-être de divorcer au lieu de se séparer parce que les lignes directrices du fédéral sont peut-être moins généreuses que celles du provincial.

On va véritablement assister à du magasinage législatif et je pense que s'il y a un domaine dans lequel on doit empêcher cela, c'est bien dans le domaine familial puisque l'objectif, comme je le disais au tout début de mon exposé, c'est la protection et le bien-être des enfants.

Enfin, le gouvernement fédéral retient le lieu de résidence du débiteur, du payeur, pour souligner quelles lignes directrices s'appliquent. Tandis que le gouvernement québécois, une autre différence pour la députée d'Halifax, lui, retient la résidence de l'enfant, ce dernier critère étant beaucoup plus conforme aux principes énoncés dans plusieurs arrêts des tribunaux où l'intérêt de l'enfant doit primer par-dessus tout.

En effet, les règles appliquées par une province risquent d'être beaucoup plus conformes à la situation de l'enfant que les règles de la province débitrice. Cela va de soi. Est-ce que les enfants n'ont pas, selon le ministre de la Justice, la même valeur, quel que soit le statut des parents, quel que soit le cas, qu'il s'agisse d'une séparation ou d'un divorce?

(1215)

Je ne sais pas ce que le ministre peut répondre, mais je vous dis immédiatement que, pour le Bloc québécois, indépendamment du statut des parents, les enfants ont la même valeur, et on devrait tout faire pour que les enfants puissent bénéficier de la plus généreuse des pensions, de façon à ce qu'ils soient le plus à l'aise dans cette situation fort difficile.

Je vous donne un autre exemple. Selon les règles fédérales et provinciales que nous avons, si les montants prévus par le règlement fédéral sont moins exigeants, après calcul, le payeur québécois paierait moins de pension alimentaire s'il était un payeur ontarien. Qu'est-ce qui empêche le payeur québécois, lorsqu'il commence à sentir la soupe chaude un petit peu, de déménager en Ontario et de s'assurer ainsi, en vertu de l'article 1(3)a), de payer


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des sommes moindres? Qu'est-ce qui empêche un payeur de ce style de déménager pour faire fi de ses obligations alimentaires ou pour en payer le moins possible? Rien. Même lorsqu'on regarde les notes du ministre, on le dit clairement dans l'ébauche des lignes directrices, on permet ce genre d'échappatoire des obligations financières.

Ce manque d'uniformité au Canada d'une province à l'autre, accentué par le nombre de tribunaux qui rendent des décisions sur les pensions alimentaires, multiplié par le nombre de lois fédérales et provinciales qui s'entrecroisent, le tout conjugué aux disparités régionales pour le coût de la vie, donne un beau résultat, celui d'une instabilité financière pour les familles séparées ou divorcées. L'objectif n'est pas atteint si on ne fait pas les modifications qui s'imposent à ce projet de loi.

De toute évidence, il serait beaucoup plus logique de laisser chaque province choisir le modèle de fixation des pensions alimentaires qui lui convient et lui laisser le choix des modalités d'application de ces règlements de fixation afin que sa politique gouvernementale en matière de sécurité sociale, de fiscalité et de politique familiale soit respectée.

Dans le domaine familial, ce n'est pas un domaine qu'on prend et, oups!, on le sort d'un chapeau et, oups!, on est capable de traiter du domaine familial. Tout est rattaché. C'est un domaine extrêmement important et, de toute évidence, avec les exemples que j'ai donnés, avec le modèle québécois, le modèle fédéral, je suis sûr que toute la Chambre des communes a bien compris que la province, en l'occurrence le Québec dans l'exemple que j'ai donné, mais je suis persuadé que d'autres provinces ont de telles modalités également de fixées, que ce sont les provinces qui sont le plus près de la base, qui vivent les problèmes au niveau des familles, au niveau du revenu familial, au niveau des indemnités de toutes sortes. C'est la province qui est le plus en mesure de voir les besoins familiaux et, par conséquent, le fédéral devrait se retirer avec ses gros sabots de ce domaine et donner pleine juridiction aux provinces.

Comme vous me faites signe qu'il ne me reste plus grand temps, je dirai brièvement, en ce qui a trait au deuxième volet du projet de loi C-41, que somme toute, l'opposition est d'accord.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je désire faire une brève observation et poser une question à mon collègue. La question de la famille a été soulevée à maintes reprises dans le débat actuel et j'y porte un grand intérêt en tant que député.

Les députés savent que les familles unies produisent de bonnes choses. Le projet de loi dont il est ici question concerne plutôt les familles désunies.

On a mentionné l'arrêt Thibodeau. Le député sait que le changement dans cet arrêt place les parents qui se séparent sur un pied d'égalité comme cela a été toujours le cas dans les familles, ce qui est juste et équitable. Je suis heureux que le député et tous ceux qui l'ont précédé aient débuté leurs discours en disant que les intérêts des enfants doivent primer. Je suis entièrement d'accord avec eux.

(1220)

Ma question concerne le barème des paiements. Lorsqu'il a dit que l'intérêt des enfants devait avoir priorité, mon collègue a fait référence à une situation au Québec où la détermination des paiements ne repose pas sur une présumée égalité des parents. On utilise une formule pour établir le montant à payer. Le député a décrit la proposition fédérale d'un barème des montants à payer comme une mesure fondée sur une présumée égalité des parents.

Si le député examine attentivement la proposition, il constatera que les montants des prestations de pension alimentaire sont déterminés en fonction des besoins des enfants, ce qui est conforme aux critères que le député à lui-même énoncés.

Le député peut-il expliquer en quoi la formule québécoise est différente ou meilleure en ce qui a trait aux pensions alimentaires?

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, j'aimerais faire fausse route, j'aimerais me tromper, cependant, lorsque je lis le projet de loi C-41, lorsque j'examine l'ébauche des lignes directrices de juin 1996 sur les pensions alimentaires pour enfants, un document d'information préparé par le ministère de la Justice, force m'est de conclure que j'ai malheureusement raison. Ce n'est pas drôle de dire ça en cette Chambre, mais j'ai raison.

Le modèle fédéral présume que les revenus des deux parents sont égaux. Bien sûr, il est faux de dire que les revenus des parents sont toujours égaux. Il arrive qu'ils le soient. Mais pourquoi dire dans le modèle fédéral qu'on présume que les revenus des parents sont égaux? C'est ce que les juges utiliseront pour rendre un jugement dans un cas de divorce. Ces lignes directrices, si elles sont adoptées telles quelles, enlèveront toute discrétion au juge pour décider si les enfants ont droit à une pension alimentaire et si oui, quel sera le montant de la pension.

L'exemple que je donnais, c'est qu'au Québec, les règles que l'Assemblée nationale adoptera, les lignes directrices qui seront incessamment adoptées par l'Assemblée nationale seront basées sur la capacité de payer des deux parents. Si un des deux parents gagne 200 000 $ et que l'autre n'a jamais travaillé ou se trouve un emploi à 25 000 $ ou 30 000 $ par année, vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas un juge qui devrait dire que les enfants recevront une pension alimentaire de X dollars, dont la moitié sera payée par madame et l'autre par monsieur. C'est évidemment clair que monsieur, qui gagne 200 000 $, aura à payer une pension alimentaire plus élevée que madame qui en gagne 20 000 $ ou 25 000 $ par année.

J'aimerais avoir tort. Peut-être que le député est au courant de certaines discussions du caucus libéral qui lui font croire que le ministre redressera un peu les lignes directrices et qu'il penchera plus du côté de l'approche québécoise que celle qu'il préconise en ce moment. Mais pour l'instant, lorsque je lis le projet de loi C-41, lorsque j'examine l'ébauche des lignes directrices du ministre de la Justice, j'en conclus qu'effectivement, le modèle fédéral est malheureusement déconnecté de la réalité.


4920

[Traduction]

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada. J'ai l'intention de souligner les principaux éléments de la stratégie fédérale en matière de pensions alimentaires pour enfants touchés par les modifications proposées à ces lois.

(1225)

À la base de ces réformes, il y a le principe que l'enfant doit être la considération première en cas de dissolution d'un mariage. Le premier devoir des parents est de payer pour l'éducation de leur enfant. C'est aussi d'une grande importance pour nous, en tant que législateurs, du moins pour ceux qui siègent de ce côté-ci de la Chambre. L'attitude qu'on a adoptée en mai et les changements qu'on a alors annoncés sont conçus de manière à s'assurer que les enfants Canadiens seront avantagés.

Le gouvernement modifie le mode d'imposition des pensions alimentaires pour enfants. Je suis heureuse de voir que le gouvernement a respecté sa promesse à cet égard.

En 1994, j'avais présenté à la Chambre une motion qui se lisait comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, afin que les paiements de pension alimentaire ne soient plus considérés comme un revenu imposable pour le bénéficiaire.
Cette motion a été adoptée à l'unanimité à la Chambre. C'est ce qui a donné le signal au gouvernement qu'il était temps de repenser la politique d'imposition des pensions adoptée en 1942, parce qu'elle ne répondait plus aux besoins des parents seuls, surtout les mères qui travaillent dans les années 90.

Le Canada adoptera un système que l'on dit être sans déduction ni inclusion. Les nouvelles règles s'appliqueront aux ordonnances ou aux ententes entrant en vigueur à compter du 1er mai 1997. Les pensions alimentaires fixées en vertu d'une ordonnance de la cour prise avant mai 1997 continueront d'être déductibles pour le parent payeur, tandis que le parent qui reçoit une pension devra l'inclure dans son revenu comme un revenu imposable jusqu'à ce que le montant du paiement soit modifié par écrit, par la cour ou les parties, ou encore que les deux parties produisent auprès de Revenu Canada une formule signée pour signifier que les nouvelles règles fiscales devraient s'appliquer aux conditions qui régissent le versement de leur pension alimentaire.

Le gouvernement adopte des lignes directrices sur le versement de pensions alimentaires pour enfants, de manière à les rendre plus équitables et plus constantes et à réduire les risques de conflit entre les parents qui se séparent. Les lignes directrices seront appliquées par les tribunaux d'un bout à l'autre du Canada, ainsi que par les avocats, les juges et les parents, quand viendra le temps de fixer le montant des paiements.

Ces lignes directrices comportent trois parties essentielles. Premièrement, les barèmes de paiement sont présentés sous forme de tableaux, comme pour les impôts, montrant le montant de base de la pension alimentaire que doit verser un parent qui n'a pas la garde des enfants, selon le nombre d'enfants ou le revenu du parent payeur.

Le parent qui a la garde des enfants consacre une part similaire de son revenu aux besoins des enfants du fait même que, leurs niveaux de vie étant inséparables, les enfants partageront les ressources du parent avec lequel ils vivent. Selon que le revenu des deux parents diminue ou augmente, la part du revenu consacré par chacun aux besoins de leurs enfants diminuera ou augmentera.

Deuxièmement, les montants indiqués peuvent être ajustés en fonction de la situation de chaque famille. Quatre catégories de dépenses spéciales peuvent être ajoutées aux montants indiqués dans les grilles si elles sont raisonnables et nécessaires, compte tenu des besoins des enfants et des moyens des parents. Elles comprennent les frais de garderie pour les enfants d'âge préscolaire et les frais médicaux qui ne sont pas couverts par l'assurance.

Les lignes directrices permettent aussi de changer le montant de la pension alimentaire au cas-et c'est rare-où cela créerait des difficultés indues à l'un des parents ou à l'enfant.

Troisièmement, le gouvernement renforce les mesures fédérales et provinciales visant à veiller à l'exécution des ordonnances alimentaires. La responsabilité de veiller à l'exécution des ordonnances alimentaires incombe aux provinces et aux territoires. Les mesures proposées par le gouvernement viennent renforcer celles mises en oeuvre par les provinces et les territoires à cette fin. Le gouvernement vise en particulier les parents qui ne paient jamais. Les mesures visant à faire respecter les ordonnances alimentaires incluent notamment une campagne de sensibilisation du public, le refus de certaines autorisations fédérales, des mesures plus agressives pour le recouvrement des pensions alimentaires faisant l'objet d'une ordonnance rendue dans une autre province, l'amélioration des services fédéraux de dépistage, l'extension du champ d'application de la distraction des pensions fédérales, l'amélioration des systèmes informatiques reliant les services fédéraux, provinciaux et territoriaux chargés de veiller à l'exécution des ordonnances, et un nouveau directeur fédéral pour l'aide à l'exécution des ordonnances.

On continue de chercher de nouvelles stratégies en vue de recouvrer les arriérés en matière de pension alimentaire pour les enfants et de déterminer les raisons pour lesquelles tant de parents ne paient pas.

(1230)

Quatrièmement, comme ces réformes ont pour but d'aider les enfants, le gouvernement fédéral réinvestira l'argent qu'il devrait percevoir grâce aux nouvelles règles fiscales dans des mesures pour venir en aide aux enfants. Le gouvernement fera passer de 500 à 1 000 $ par an, autrement dit, il doublera le supplément au revenu de travail dans le cadre de la prestation fiscale pour enfants. Le supplément de revenu est une prestation non imposable destinée à s'ajouter aux gains tirés d'un emploi des familles qui gagnent au moins 3 750 $ et dont le revenu net est inférieur à 25 921 $.

Pour conclure, je crois que les réformes que j'ai présentées répondent à la nécessité qui se fait sentir depuis longtemps de revoir la façon dont le Canada assure le paiement de pensions alimentaires pour les enfants après rupture de la famille. Ces réformes font passer les intérêts des enfants en premier. Elles feront peser la responsabilité sur les parents et permettront d'adapter le système des pensions alimentaires pour enfants aux conditions des années 90.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole au sujet du projet de loi C-41, une loi visant à modifier la Loi sur le divorce,


4921

la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

La députée de Halifax a dit que les gouvernements ne pouvaient pas légiférer à l'égard des familles qui s'aiment. Je voudrais dire ici, aujourd'hui, que les gouvernements peuvent, bien au contraire, adopter des mesures qui finissent par détruire les familles qui s'aiment.

Les gouvernements et les lois qu'ils adoptent ont une influence marquante sur ces institutions qui constituent le fondement de notre société. L'intégrité, par exemple, la qualité la plus importante pour une personne ou une nation, naît et se nourrit des exemples et des conversations que l'on trouve dans les foyers.

C'est dans une famille stable que l'on cultive les qualités les plus essentielles au succès des individus et des nations. C'est entre les murs des foyers de la nation que nous apprenons à trouver notre sécurité et à accepter le comportement spontané des membres de notre famille. Nous apprenons à nous connaître grâce aux interactions que nous avons avec les autres et à ce que pensent ceux qui nous connaissent le mieux. Nous apprenons à attendre et à faire des compromis. C'est peut-être là que nous aiguisons nos talents d'orateurs ou même nos techniques d'autodéfense avec nos frères et soeurs. C'est peut-être là que nous découvrons la valeur d'un frère ou d'une soeur, un allié loyal dans la cour de l'école ou au coin d'une rue dangereuse.

Nous nous répondons les uns aux autres, nous partageons les responsabilités des tâches les plus petites ou les plus importantes. Nous voyons la valeur d'un amour partagé, des tâches complémentaires mais tout aussi importantes du père, de la mère et des enfants. Nous reconnaissons les possibilités grandissantes des membres de la famille. Plus nous avons de liberté, plus nous acceptons nos responsabilités envers la famille, la société et nous-mêmes.

Nous acceptons les conséquences des tâches qui n'ont pas été faites. Nous apprenons à distinguer le bien du mal. Nous partageons les avantages d'une bourse commune. Nous grandissons en apprenant les histoires du passé, les coutumes et la culture, et nous transmettons ces richesses à nos enfants.

Malheureusement, cette image de la famille unie est de moins en moins une réalité au Canada. En fait, elle est devenue la principale victime de l'époque et des politiques gouvernementales défaillantes. Le taux de divorce a augmenté 15 fois depuis les années 50. On prévoit que plus de la moitié des jeunes passeront au moins une partie de leurs années de croissance dans une famille monoparentale.

La rupture de la famille est source de problèmes pour les jeunes. Beaucoup cherchent une communauté à l'extérieur de leur foyer, et il y a maintenant quelque 100 000 ou 200 000 jeunes Canadiens qui sont sans foyer par choix. Selon un rapport de 1995 de l'UNICEF, le Canada a un des taux de suicide le plus élevé au monde chez les adolescents. Depuis 1960, le taux a quadruplé et maintenant, près de 12 jeunes sur 100 000, surtout des garçons, choisissent de mettre fin à leurs jours. Selon le sociologue Karl Zinmeister, de nombreuses données scientifiques prouvent que, lorsque la famille éclate, les enfants souffrent parfois de séquelles intellectuelles, physiques et émotives qui persisteront durant toute leur vie.

Le système de justice lacunaire des libéraux menace aussi les familles canadiennes. Elles sont victimes d'un système de justice qui protège davantage les droits des criminels, y compris les délinquants violents, que ceux des citoyens respectueux des lois.

(1235)

Par exemple, la violence familiale se produit dans nos maisons, mais elle est du ressort du système de justice pénale. Nous devons absolument examiner la question de la violence familiale, mais pas à travers le prisme d'un parti pris contre un sexe car cette attitude empêche toute évaluation exacte et toute élaboration de véritables solutions aux problèmes. La Loi sur les jeunes contrevenants ne traite pas sérieusement la criminalité des jeunes et, ajoutée aux autres lois qui réduisent le rôle des parents dans la vie de leurs enfants, elle empêche les parents de lutter efficacement contre certaines influences qui peuvent inciter les enfants à la criminalité.

Quels sont les facteurs économiques? Une étude du Fraser Institute a montré que la famille moyenne de quatre personnes consacre 46 p. 100 de son salaire aux impôts de toutes sortes. La même étude révèle que les impôts de la famille moyenne ont grimpé de1 167 p. 100 depuis 1961 au Canada. Ce chiffre prend toute son importance lorsqu'on constate que le revenu réel des familles a diminué depuis 1988. Le revenu réel s'est effrité à cause des politiques fiscales et des dépenses des gouvernements conservateurs et libéraux successifs.

Dans un récent rapport, Statistique Canada nous apprend que, depuis 1989, le revenu net après impôt a diminué de 6,5 p. 100 et qu'il se situe maintenant au même niveau que vers le début des années 80, à la fin de la récession. Le nombre d'heures de travail requises pour maintenir un foyer a presque doublé en 20 ans.

Cette politique de l'économie galopante a entièrement remodelé les voisinages de notre nation. En 1986, 12 p. 100 seulement des foyers canadiens étaient composés d'un conjoint travaillant à l'extérieur et d'un autre demeurant à temps plein à la maison.

Les sources de stress se multiplient géométriquement pour les familles monoparentales. Le temps, si précieux pour les communications ou le ressourcement, devient rare et l'allié naturel que représente l'autre adulte compréhensif et capable d'empathie n'est plus là. Le fait que trop souvent l'argent manque est également un élément crucial. Plus de la moitié des Canadiens qui vivent en deça du seuil de pauvreté sont des parents seuls, des femmes pour la grande majorité. Toutefois, à cause de l'endettement de l'État, des dépenses effrénées du gouvernement et du manque d'appréciation de l'importance de la famille, ce genre de situation va continuer à être le triste lot de nos enfants et, à moins qu'on intervienne, des enfants de nos enfants.

Les libéraux nous disent qu'ils veulent que la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui protège avant tout les intérêts des enfants. C'est devenu un refrain cher à ce côté de la Chambre. Et


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pourtant, comme d'habitude, si on y regarde de plus près, le gouvernement est loin de joindre le geste à la parole.

On pourrait croire qu'aborder la question des pensions alimentaires et de la dissolution des mariages serait l'occasion rêvée pour mieux comprendre la situation des enfants et pour agir dans leur intérêt. Cependant, les libéraux sont une fois de plus aveuglés par l'idée fausse qu'ils se font du rôle du gouvernement. Ils refusent de voir que ce qui est dans l'intérêt d'un enfant c'est d'avoir une famille, appuyée et encouragée par une société qui reconnaît en elle sa composante la plus importante. Permettez-moi de poser quelques questions aux libéraux sur leur version de ce qui est dans l'intérêt des enfants.

Est-ce dans l'intérêt des enfants que d'avoir une politique passive de non intervention qui prend pour acquis le taux de divorce sans chercher à en connaître les causes ni a y trouver des remèdes?

Est-ce dans l'intérêt des enfants que de multiplier les garderies privées dont les tarifs exorbitants accroissent le fardeau financier des familles, les obligeant à y avoir davantage recours pendant que l'autre parent travaille pour pouvoir joindre les deux bouts?

Est-ce dans l'intérêt des enfants que de s'entêter à offrir des programmes sociaux universels que le gouvernement ne peut plus se payer, au lieu de restreindre ces programmes à ceux qui sont vraiment dans le besoin, surtout les enfants?

Est-ce dans l'intérêt des enfants que d'enlever le pouvoir des mains des parents de façon qu'ils ne puissent plus élever leurs enfants convenablement?

En d'autres termes, le plus grand facteur de destruction des familles à l'heure actuelle, c'est la politique des décideurs libéraux, qui est envahissante, source de discorde, où le gouvernement se borne à imposer et à dépenser.

La Loi sur le divorce dont nous sommes saisis aujourd'hui, qui à l'origine a conféré au gouvernement fédéral la compétence en la matière, a déjà été rouverte à deux reprises, la première fois en 1968 pour y instaurer le divorce sans notion de faute, puis en 1982 pour y apporter d'autres modifications. Pour accélérer la procédure de divorce devant les tribunaux et probablement pour que les enfants aient moins à souffrir de l'aigreur de leurs parents, on a décidé de supprimer toute notion de faute de part et d'autre sauf en ce qui concerne les décisions à prendre au sujet de la garde des enfants.

(1240)

Il convient de noter que ce sont les questions relatives aux enfants qui sont encore la plus grand source de discorde et, malheureusement, cette mesure législative n'est pas faite pour améliorer la situation. On ne pourra probablement jamais mesurer toutes les conséquences des modifications qui ont déjà été apportées à la Loi sur le divorce ni de celles dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Pour modifier la loi comme on le propose une fois de plus aujourd'hui, compte tenu de l'état de dévastation où se trouve actuellement notre société, il faudrait que le gouvernement prenne ses responsabilités au sérieux et regarde la réalité bien en face. Le rafistolage idéologique qui est proposé dans le projet de loi C-41 témoigne d'une faillite de la pensée et de la conscience.

Le projet de loi traite de l'exécution des ordonnances alimentaires. Je me réjouis de ce qu'on reconnaisse la nécessité d'une pareille mesure et qu'on tente d'en arrêter les modalités. Pour le bénéfice des personnes en cause, les décisions à caractère exécutoire devraient avoir force de loi. Ce serait bien si ce souci du bon respect des lois s'étendait jusqu'à la protection des citoyens respectueux de la loi face au système de justice pénale, mais nous y reviendrons un de ces jours.

Les parents qui ont la garde de leurs enfants doivent bénéficier de la protection de la loi à l'égard des droits qui leur sont conférés dans la loi. Or, le gouvernement fait valoir un point de vue partial et tendancieux pour renforcer les mesures d'exécution des ordonnances alimentaires, tout en se gardant bien de parler de l'importance ou de l'exécution des ordonnances relatives à l'accès aux enfants.

Dans tout divorce impliquant des enfants il y a deux parents, c'est-à-dire le parent qui a la garde et celui qui ne l'a pas. Or, les modifications proposées ne témoignent pas autant de respect pour le second. Les deux parents ont des responsabilités et les deux parents ont des droits.

La grande majorité des tribunaux n'accordent pas la garde des enfants au père. Soixante pour cent des familles qui vivent dans la pauvreté aujourd'hui sont dirigées par des hommes. Les pressions financières, y compris les niveaux élevés d'impôt, ont un effet puissant et destructeur sur la cohésion de ces familles. Les hommes participent. Les femmes aussi. Pourtant, le système actuel rend les recours difficiles pour les hommes qui veulent contester la décision d'un juge au sujet de la pension alimentaire pour enfants ou du droit de visite.

Des hommes qui vont venus me voir à mon bureau ont fait faillite. Certains m'ont dit qu'ils songeaient à se suicider, leur vie ayant été ruinée par les interminables batailles devant les tribunaux qu'ils avaient livrées pour pouvoir rendre visite à leurs enfants, en vain. Comment le projet de loi C-41 répond-il à leurs préoccupations?

Il n'y a pas d'engagement dans le projet de loi à exécuter les ordonnances de visite des enfants. Le système n'est pas appliqué de façon égale dans d'autres domaines non plus. Par exemple, le projet de loi C-41 propose d'accorder au parent ayant la garde des enfants un accès aux renseignements sur le revenu de son ancien conjoint pendant trois ans. Cette mesure s'éloigne radicalement des principes reconnus de protection des renseignements personnels. Si l'on songe à prévoir des exceptions de ce genre, les mêmes dispositions devraient s'appliquer aux deux parents, aux deux parties dans un divorce.

Le divorce fait souffrir les enfants. La douleur que vivent les enfants d'un couple divorcé revêt bien des formes. Outre les nombreux coûts imposés à la société, il y a, bien sûr, les pressions


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financières que j'ai mentionnées plus tôt. Une des raisons importantes pour lesquelles des problèmes financiers surgissent, c'est simplement qu'il est beaucoup plus coûteux de maintenir deux ménages qu'un seul.

Je trouve cela étrange. Le gouvernement prétend être préoccupé par la pauvreté chez les enfants. C'est un thème que nous avons entendu souvent du côté du gouvernement. Toutefois, personne ne prendra le gouvernement au sérieux s'il ne tient pas compte du risque de pauvreté encore plus grand qui découle d'un divorce.

Les difficultés financières sont au deuxième rang en importance, loin derrière le traumatisme que cause le divorce chez les enfants. Le divorce, qui est très difficile à vivre pour des enfants plus âgés, l'est encore plus pour les plus jeunes. La douleur est aggravée par les procédures légales acrimonieuses, que compliquent encore davantage les méthodes accusatoires des avocats qui liguent un époux contre l'autre.

En 1970, la Commission de réforme du droit du Canada a fait paraître une étude importante sur le droit de la famille, où elle recommandait d'abandonner les méthodes accusatoires dans les procédures de divorce. Le principale raison de ce changement, c'est le tort qu'il cause aux enfants.

(1245)

Nous voici 26 ans plus tard et qu'est-ce que les gouvernements successifs des libéraux et des conservateurs ont fait? Le but d'une entente en cas de divorce consiste toujours à avoir un gagnant et un perdant, de sorte qu'il y a une bataille juridique constante aussi bien devant les tribunaux que dans les bureaux d'avocats.

Nous avons un système accusatoire qui aboutit toujours à un même résultat, c'est-à-dire la destruction d'une relation entre deux combattants. Ce système nuit à la possibilité qu'après le divorce, il existe une relation dont les enfants vont bénéficier. Ce gouvernement libéral qui prétend favoriser la famille et centrer son attention sur les enfants, que propose-t-il pour corriger la situation? Absolument rien.

Avec le projet de loi C-41, le gouvernement ne peut avoir une meilleure occasion d'agir, mais il n'entreprend aucun changement important ou constructif. Quelle solution propose-t-il? Aucune.

Les libéraux se contentent d'une demi-mesure, d'une approche biaisée et stéréotypée alors qu'il a vraiment l'occasion d'apporter des modifications importantes. Le gouvernement se moque complètement de l'importance du processus global. Pour le gouvernement, il suffit d'appliquer la loi et de fixer une grille de paiements inflexible.

Récemment, un conseiller matrimonial est venu à mon bureau. Étant sur la première ligne pour intervenir en cas de difficultés matrimoniales, il a exprimé de vives inquiétudes face à la situation actuelle. Il a confirmé qu'il n'y avait en ce moment aucun élément de prévention dans le processus suivi avec les conjoints qui veulent divorcer.

Le gouvernement est favorable à la prévention du crime, ainsi qu'à l'amélioration de la santé de la population. Pourquoi ne s'intéresse-t-il pas à réformer le processus du divorce pour y ajouter des moyens de prévention? Pourquoi écarte-t-il et décourage-t-il les conseillers matrimoniaux? Il refuse mordicus d'admettre leur valeur comme agents de prévention de première ligne face à ce fléau social. Le gouvernement assujettit même leurs services à la fameuse TPS.

Qui sont les victimes du gouvernement? La désunion des familles est particulièrement dure pour les pauvres, et le divorce aggrave encore des situations déjà pénibles.

J'ai discuté récemment avec un avocat en droit de la famille à Coquitlam. Il exerce le droit depuis 25 ans. Tout au long de sa pratique du droit de la famille, il ne se souvient que d'une poignée de cas où le couple a pu éviter le divorce après être passé chez lui.

Le système actuel favorise les affrontements. Il jette de l'huile sur le feu. Il attise la colère et alimente la suspicion entre les conjoints, et c'est l'enfant qui en souffre.

Mais il y a une autre solution qui faciliterait le processus prévu par la loi et aiderait ainsi les familles en cause. Il y a en ce moment chevauchement entre les compétences provinciales et fédérales en ce qui concerne la séparation, la pension alimentaire du conjoint et de l'enfant, le divorce et le partage des biens.

C'est un tribunal fédéral qui prend la décision sur la pension alimentaire de l'enfant tandis que l'application de l'ordonnance relève des provinces. Pour le bien des personnes en cause, il faut s'attaquer à ce problème. Je proposerais tout d'abord un tribunal de la famille unifié qui pourrait s'occuper de tout ce qui se rapporte à l'éclatement des familles. Tous les éléments de la prise de décisions pourraient ainsi être regroupés dans un contexte plus large, plus équitable, afin qu'il soit plus facile d'assurer la justice et l'application des ordonnances.

Cette idée a été mise à l'essai en Colombie-Britannique, et les résultats ont été excellents. Il est temps que le gouvernement fédéral reconnaisse la nécessité d'un système semblable et prenne l'initiative à cet égard.

Une deuxième question a été soulevée non seulement par le Parti réformiste du Canada, mais aussi par l'Association du Barreau canadien: la nécessité d'une médiation. La médiation obligatoire dans le cadre d'un tribunal de la famille unifié est l'élément clé d'une démarche efficace face au problème du divorce.

Un système efficace rendrait la médiation obligatoire lorsque le couple a des enfants. Il se présenterait comme un processus qui facilite les solutions, contrairement au système actuel, qui facilite la destruction.

La médiation a pour objectif de parvenir à une solution qui soit mutuellement acceptable et mutuellement respectée. Ce processus est capable de réduire énormément le nombre de situations où il y a un gagnant et un perdant, où au moins une partie est victime du processus.


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(1250)

Cette approche individualisée, personnalisée, à l'égard des actions en divorce est impossible avec le genre d'approche actuel, de confrontation, faite pour tout le monde, que propose le gouvernement fédéral.

Je concluerai en disant que nous devons nous soucier des intérêts supérieurs de l'enfant. Les enfants arrivent dans le monde avec deux parents. La décision qui concerne l'enfant doit englober plus que des chiffres, des nombres et des dollars.

Un enfant ne se résume pas à l'argent que les parents apportent dans le ménage. Il est composé de gènes, de l'histoire de la famille élargie et des valeurs ancestrales de cette famille.

Avec ce projet de loi, le gouvernement doit des excuses à toute la population, car nous nous en trouvons tous plus forts si les familles sont appréciées et encouragées.

Je ne puis appuyer le projet de loi qui reste complètement aveugle à la chance réelle qui s'offre à nous de renforcer les fondements de la société au lieu d'examiner seulement une petite partie du tableau d'ensemble.

La politique gouvernementale doit reconnaître la valeur de la famille et des enfants. J'invite respectueusement le gouvernement à reconnaître qu'il n'a proposé là qu'un modeste début de solution et que la crise de la désintégration de la famille est beaucoup trop grande pour la laisser attendre plus longtemps.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais faire une brève observation, puis poser une question à la députée. Ma question porte sur le droit de visite.

La députée a soulevé une ou deux questions du genre. Ses interventions à la Chambre ont toujours été très cohérentes. Il y a eu la question de la violence conjugale. La députée n'est pas sans savoir que, dans son dernier rapport diffusé en 1995, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies attribue 50 p. 100 des cas de violence conjugale à la consommation abusive d'alcool.

Deuxièmement, les participants au colloque canado-américain sur la santé des femmes, tenu à Ottawa, au mois de juin 1996, ont évalué le coût associé à la violence conjugale à 4,2 milliards de dollars par année. La députée a tout à fait raison. Il y a probablement des initiatives qui visent à prévenir la violence conjugale, plutôt que d'y réagir, qui dépassent le cadre de cette mesure législative.

À l'assemblée annuelle de l'Association de prévention du crime de Mississauga, j'ai rencontré une délégation formée d'hommes qui avaient des ordonnances attributives de droit de visite. Ces hommes n'avaient pas la garde des enfants. Ils avaient un gros problème.

L'expérience de la députée ne lui a-t-elle pas permis de constater que le problème ne tient pas à la législation en vigueur. Les ordonnances attributives de droit de visite existent et sont accordées de façon assez équitable. C'est le respect de ces ordonnances qui pose problème, et cela relève de la compétence des provinces.

Mme Hayes: Monsieur le Président, je remercie le député pour son intervention. En ce qui concerne d'abord ses observations sur la violence familiale, je dirai comme lui que si l'on ne s'attaque pas aux causes profondes de ce problème, les solutions que nous proposons demeureront sans effet.

J'estime certes qu'il nous faut non seulement établir un système de justice criminelle sûr et efficace, mais encore examiner les causes profondes du problème. Je conviens que l'alcoolisme est très souvent lié aux cas de violence familiale. Il faut effectivement se pencher là-dessus. Je défie le député d'aller de l'avant avec ses initiatives et le gouvernement, de reconnaître les initiatives du députés dans ce domaine.

Pour ce qui est ensuite de la question de l'accès, je trouve intéressant que le député la soulève. Encore là, j'en ai discuté avec un avocat. Je ne suis pas avocate moi-même. Cette question me tient tellement à coeur que je me suis efforcée d'obtenir l'opinion de divers spécialistes.

Je ne suis pas sûre que la situation soit la même dans toutes les provinces. Chez moi, en Colombie-Britannique, on a trouvé un moyen très efficace d'exécuter les ordonnances alimentaires au profit d'un enfant. Tout un service a été créé pour les faire exécuter.

(1255)

Un savant avocat de mes amis m'a dit que la même structure, les mêmes bureaux en fait, pourraient s'occuper d'assurer l'accès. Les personnes qui veillent à ce que les pensions alimentaires soient versées pourraient veiller aussi à ce que l'accès soit assuré et à ce que l'ordonnance du tribunal soit respectée. Les deux sont ordonnés par un tribunal. Les deux sont prescrits par la loi.

Je le répète, les deux parents ont des droits. Et les deux parents ont des devoirs. La situation actuelle insiste sur les droits d'un seul parent et sur les responsabilités de l'autre. Si le gouvernement fédéral peut décider d'établir des lignes directrices qui ont préséance sur celles des gouvernements provinciaux-comme l'a dit notre collègue bloquiste, les lignes directrices régissant les pensions alimentaires relèvent au Québec et dans la plupart des autres provinces de la compétence provinciale-si le gouvernement fédéral peut prendre des mesures pour faire exécuter les ordonnances alimentaires parce qu'il y trouve son intérêt, pourquoi ne peut-il pas prendre des mesures pour faire exécuter les ordonnances relatives à l'accès qui aient aussi préséance sur celles des provinces?

Certes, si l'on peut discuter des unes, on devrait pouvoir discuter des autres aussi. Un enfant a deux parents et les deux ont des droits et des responsabilités. Pour être juste et équitable, les gouvernements devraient agir dans l'intérêt de tous les Canadiens.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, à compter de maintenant, les députés de l'opposition officielle partageront leur temps de parole dans le présent débat.

Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi C-41 qui est actuellement devant nous. On a deux visions: celle de l'honorable député de Prince-Albert-Churchill River qui présente ce projet de loi comme une panacée, comme étant le remède à tous les maux, et celle de notre collègue de Port Moody-Coquitlam qui vient de parler, qui voit dans ce projet de loi plutôt un pas en arrière qu'un pas en avant.


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La réalité est probablement quelque part entre les deux. Il y a des améliorations, bien sûr, et il y a aussi des carences et des déficiences sérieuses. Tout dépend de l'angle sous lequel on regarde le projet de loi.

Je vous rappellerai que la première Loi fédérale sur le divorce date seulement de 1968. Pour les plus jeunes collègues, 1968, c'est une autre génération, c'est presque un autre siècle. Pour moi, c'est l'année où je fréquentais encore le Palais de justice et je me rappelle les premières fois où cette loi a été appliquée.

Avant 1968, les provinces avaient des compétences en matière de divorce et seulement deux provinces n'avaient pas de loi sur le divorce: Terre-Neuve et Québec. On a uniformisé en 1968. On a révisé la loi en 1985 et actuellement, on vit avec la Loi de 1985 sur le divorce qui, suivant la réalité canadienne, s'est appliquée effectivement à partir du 1er juin 1986. Il y a toujours un décalage entre les années où les lois sont adoptées et le moment où elles entrent en vigueur.

Que l'on veuille fixer maintenant des paramètres pour déterminer des montants de pensions alimentaires, je pense que c'est un élément positif dans la vision qu'avait le député de Prince-Albert-Churchill River. Ce sera beaucoup plus simple pour un juge de déterminer le montant qui doit être accordé pour les besoins de l'enfant, plutôt que de fonctionner comme on fonctionne depuis 1968, c'est-à-dire produire les fameuses listes de besoins pour les enfants.

Mon honorable ami et néanmoins collègue de Beauport-Montmorency-Orléans, qui est lui-même avocat, a tout probablement plaidé plusieurs fois dans sa vie en déposant des listes de besoins pour les enfants. Lorsqu'on prend la liste présentée par un des requérants et celle présentée par l'autre, on se rend compte qu'on est à peu près à 238 p. 100 des besoins réels de l'enfant.

Il y a un langage inflammatoire dans les procédures, quelque chose dont on doit s'éloigner, on doit déjudiciariser, et c'en est une des façons, et c'est un aspect positif que de fixer des paramètres, des grilles dont on pourra sans doute, exceptionnellement, dévier pour des circonstances particulières, mais auxquelles au moins on sera tenus comme barèmes, comme guides fondamentaux à appliquer. Tant mieux si on réussit à sortir toutes ces questions ou une partie des questions du prétoire. Ce n'est pas l'endroit idéal pour les régler.

(1300)

Ceux qui sont intervenus avant moi ont mentionné que l'enfant doit être au centre de toutes les décisions qui se prennent en matière de divorce. C'est un principe sur lequel tout le monde s'entend, sauf cependant ceux qui sont devant les tribunaux, bien souvent, et qui vont se servir de l'enfant, non pas comme la personne à protéger, mais comme un instrument de marchandage, quand ce n'est pas carrément un instrument de chantage en matière de divorce. Un parent dit: «Si la pension alimentaire était moins élevée, peut-être que je pourrais prendre l'enfant plus souvent» ou encore «Je le verrai moins souvent dans d'autres circonstances», peu importe.

C'est dramatique quand un petit bonhomme, une petite bonne femme devient l'objet d'un marchandage devant la cour, alors que c'est une personne à protéger. C'est là au moins un des aspects positifs d'avoir établi des grilles, des paramètres pour déterminer les montants de pensions alimentaires.

C'est aussi un progrès par rapport aux lois antérieures, à la loi de 1968 et à la loi de 1985, progrès que de pouvoir retracer et faire payer ceux et celles qui doivent des pensions alimentaires. Ce n'est pas à la société de financer les mauvais payeurs et les mauvaises payeuses en matière de pensions alimentaires.

Tant mieux si on peut les retracer, les faire payer, et qu'on puisse avoir accès à davantage de données pour identifier ces personnes, pour les localiser et pour retrouver les employeurs éventuels et, dans d'autres cas, faire payer des acomptes provisionnels qui serviront de garantie. Je pense qu'on ne peut pas être contre ces améliorations, toujours dans l'optique de la loi de 1968 et de celle de 1985.

Mais ces lois ont une carence fondamentale. La carence fondamentale des lois sur le divorce de 1968 et de 1985 a été que le divorce est devenu quelque chose de banal. On a banalisé le divorce et on a banalisé les politiques en matière familiale en même temps. Notre Loi sur le divorce ne fait obligation aux procureurs que de mentionner à leur client respectif qu'il existe un système de médiation. Il n'y a aucune obligation pour les parties de se soumettre à une quelconque conciliation ou médiation qui éviterait, dans bien des cas, la procédure adversariale et la montée d'adrénaline que cela amène des deux côtés de la barricade, et l'expression est bien choisie dans cet exemple-ci.

Si on avait, comme dans certains États américains-je pense à la Californie, je pense à l'État du Michigan-des rencontres obligatoires de prévues avec des travailleurs sociaux et psychologues avant que les poursuites en divorce, les procédures ne puissent s'étendre, je pense qu'on aurait fait un autre pas.

Il est évident qu'on manque notre coup chaque fois qu'on intervient dans la Loi sur le divorce sans penser qu'il y a, d'abord et avant tout, une réalité familiale, une cellule à protéger, et les parents se retrouvent sans ressources.

On leur donne des ressources après coup, lorsqu'il est trop tard pour faire quelque chose. Des réconciliations après que des gens aient plaidé de façon adversariale en cour les uns contre les autres, il n'y en a pas beaucoup. Notre pratique nous démontre que ce n'est pas sur le parvis du palais de justice que les gens vont se réconcilier.

À toutes fins utiles, l'acte de divorce, le jugement de divorce ne met pas fin au mariage. Il n'est que le certificat de décès du mariage, constatant que plus rien ne va entre les deux époux. C'est bien avant qu'il faudrait intervenir.

Et là, on est mal équipés, parce que, on y revient toujours, mais notre fameuse Constitution de 1867, notre Acte de l'Amérique du Nord britannique, voulant séparer les choses, a remis certains pouvoirs aux provinces, certains au fédéral. Ainsi, en vertu du paragraphe 91(26) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le mariage et le divorce sont de compétence fédérale, alors qu'en vertu du paragraphe 92(12), la célébration du mariage est de compétence


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provinciale, et en vertu du paragraphe 92(13), propriété et droit civil sont deux juridictions provinciales.

Comment peut-on avoir une politique unifiée, alors qu'on a des législateurs qui ne siègent pas au même endroit pour établir leurs politiques? Cela a été, au moins pour le Québec, une demande traditionnelle que d'avoir une politique de la famille unifiée, qu'un même législateur puisse légiférer pour le tout. Et le Québec l'avait fait.

(1305)

En 1981, la Loi 89, adoptée par l'Assemblée nationale du Québec, prévoyait même des dispositions en matière de divorce, politique intégrée qu'il n'a jamais été possible d'appliquer parce que les pouvoirs n'ont jamais été récupérés. Le fameux rapatriement de 1982 est venu gelé toute possibilité de modification de la Constitution canadienne.

Le Code civil du Québec étant un des critères du Québec comme société distincte, le projet de loi C-110 adopté ici, aux dires du premier ministre, reconnaissant soi-disant le Québec comme société distincte, aurait dû reconnaître la primauté du Québec, sinon l'exclusivité de compétence du Québec en matière de mariage, de divorce, quelles que soient la célébration ou les conditions de fond. Mais non, on a omis de faire mention de toutes ces considérations lors du dépôt de ce projet de loi-ci, comme on a oublié d'en faire mention lors de l'adoption du projet de loi C-110 qui ne vaut pas d'ailleurs beaucoup plus cher que le papier sur lequel il est écrit.

Ce sera un peu dommage, sinon passablement dommage de voir que dans certaines provinces, à cause des dispositions actuelles du projet de loi C-41, on se retrouvera avec des grilles provinciales, des normes provinciales qui auront à être soumises à l'approbation du gouverneur en conseil; alors que dans d'autres provinces, on se retrouvera sans grille et que ce sont les grilles fédérales qui s'appliqueront de plein droit. Il n'y a vraiment pas de politique unifiée. Alors que le Québec est en train de mettre la dernière touche, de peaufiner sa propre grille, pourquoi cette grille ne serait-elle pas reconnue?

Je suggère simplement que la loi soit amendée en comité pour tenir compte du fait qu'il existe des grilles dans certaines provinces. Aux yeux du législateur fédéral, ces grilles ne sont peut-être pas suffisantes, mais il n'appartient pas au législateur fédéral de juger ce que font les législateurs provinciaux. Ce sont les électeurs, les électrices de chacune des provinces qui ont le souci de cela.

Si les électeurs et les électrices du Nouveau-Brunswick sont insatisfaits de ce qui se passe en matière de droit de la famille chez eux, ils n'ont qu'à se comporter en conséquence aux élections et changer leur gouvernement, et ainsi pour chaque province, comme nous, lorsque nous exerçons des compétences en matière fédérale.

Puisque nous partageons maintenant notre temps à partir de maintenant, je termine en disant que nous allons appuyer en principe le projet de loi C-41 pour les raisons invoquées par mes collègues, l'honorable députée de Québec et celui de Berthier-Montcalm. Nous allons travailler à peaufiner et à améliorer ce projet de loi à l'étape du comité.

[Traduction]

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, une observation a retenu mon attention, celle concernant la récupération des pouvoirs en matière de divorce. Quand le Québec a-t-il eu pareils pouvoirs au sein de la Confédération?

Par ailleurs, le député devrait dire aux Québécois que le Parti réformiste, s'il est porté au pouvoir, pourrait accorder cela aux Québécois, dans une confédération plus souple et flexible, et que la séparation n'est pas la solution qui permettra aux Québécois à réaliser leurs aspirations en matière de politique sociale. Il y a d'autres façons de négocier, de choisir de participer à un meilleur accord.

Je voulais faire des observations sur ces deux aspects. Le député a parlé d'une époque où le Québec avait ces pouvoirs. Quand le Québec a-t-il eu ces pouvoirs en matière de divorce dans le cadre de la Confédération? Le député doit dire aux Québécois qu'il existe une solution de rechange à la séparation pour envisager la politique sociale de demain.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le Président, j'aimerais répondre au commentaire du député de New Westminster-Burnaby qui a posé la bonne question, mais le problème remonte à 1867, alors qu'on a décidé d'avoir un cheval à deux têtes. On a décidé que certaines compétences, comme la célébration du mariage, seraient de compétence provinciale, mais que le divorce serait de compétence fédérale.

Alors que les couples vivent dans un endroit donné, qu'il sont soumis à des règles particulières, si ça va mal entre eux, ont-ils besoin de deux séries de législation? Ont-ils besoin de faire affaire à des tribunaux différents? Il me semble qu'on simplifierait de beaucoup le fonctionnement de tout le système en ayant un juge, un tribunal compétent sur l'ensemble du droit de la famille plutôt que d'avoir des juges de diverses cours qui interviendront.

(1310)

Ce serait une façon de simplifier le problème. Même en supposant les prémisses que l'honorable député soulevait, même en supposant que rien ne soit changé dans le système fédéral actuel, que la question de la souveraineté, on la mette sur la glace, ne serait-ce que pour répondre aux fins de sa question, ce serait déjà une amélioration au système actuel que de rendre aux provinces l'administration locale de la justice, puisque c'est finalement de cela qu'on parle.

Qui est mieux placé que les provinces pour administrer les politiques en matière de droit de la famille? Je soumets que ce pouvoir-là devrait être restitué aux provinces ou, pour être techniquement plus juste, n'aurait jamais dû être de compétence fédérale, mais être laissé aux provinces en 1867.

[Traduction]

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, on nous dit souvent que, au bout du compte,


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la séparation est la meilleure solution. Si le député souhaite qu'un seul palier se penche sur les questions matrimoniales et le droit familial, nous en avons maintenant l'occasion.

Il suffit que les provinces établissent un tribunal familial unifié. Le ministère de la Justice m'a assuré qu'il est disposé à nommer des juges qui pourraient agir en cas d'unification, de sorte que les provinces auraient tous les travailleurs de soutien nécessaires pour accentuer les efforts de médiation relevant d'un seul palier. Il pourrait s'agir d'un guichet unique où seraient réunis les pouvoirs provinciaux et les compétences fédérales d'un juge qui est nommé par une province et d'un juge qui est nommé par le gouvernement fédéral et qui dispose des compétences pertinentes.

Cette expérience dure maintenant depuis une vingtaine d'années dans divers secteurs de compétence au Canada. Voilà vraiment une occasion de permettre à la Confédération de fonctionner et de produire exactement les résultats dont parle le député. Ce genre de situation existe au Canada. Il n'en tient qu'aux provinces d'affecter les fonds nécessaires et de lancer le projet.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le Président, fondamentalement, ce dont on n'a pas besoin, c'est de délégation de pouvoirs fédéraux aux provinces, c'est-à-dire que le fédéral fasse administrer ses programmes par les provinces. Ce dont on a besoin, c'est de dévolution de pouvoir. Qui dit dévolution de pouvoir dit abandon d'une compétence par un gouvernement au profit d'un autre et la constitutionnalisation de cet état de droit.

Il y a une très grande différence entre la vision de mon honorable ami, que je respecte sans la partager, et celle que le Bloc québécois avance à l'effet que les pouvoirs doivent être récupérés par les provinces.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté le débat de ce soir. Ma femme et moi irons à quelques mariages dans les prochaines semaines. Nous avons assisté à d'autres mariages durant l'été et je suis convaincu que nombre de députés présents et de Canadiens qui nous écoutent en ont fait autant. Au moment où il est question de modifications proposées à la Loi sur le divorce, nous pensons peut-être à des mariages auxquels nous avons assisté récemment ou à celui de nos enfants, d'un neveu ou d'une nièce. Nombre d'entre nous connaissent de telles périodes dans leur vie. Il semble que les mariages viennent par fournées.

J'ai été frappé par le fait qu'il se pourrait fort bien que l'on intervienne trop tard. Il vaudrait peut-être mieux discuter d'une nouvelle loi sur le mariage. Nombre d'entre nous ont peut-être dit ou pensé, en guise d'avertissement, qu'il devrait être beaucoup plus difficile de se marier. Peut-être que nous nous trompons de cible.

Comme d'autres députés l'ont si bien souligné, notre société est fondée sur la famille. Dans les groupes religieux ou ethniques, qui attachent une très grande importance à la famille ainsi qu'à l'engagement et aux responsabilités qui en découlent, le taux de divorce est bien plus faible que dans la population en général.

(1315)

Je n'essaie certainement pas de faire la morale à la Chambre et aux Canadiens. J'ai une grande expérience de ces questions, étant resté fidèle à une longue tradition familiale en divorçant deux fois. Ma mère a divorcé, tout comme ma grand-mère en 1932, en Alberta. Ce n'était pas une mince affaire que de divorcer à cette époque-là.

J'ai dit à maintes reprises qu'il valait bien mieux venir d'un foyer brisé que de vivre dans un foyer brisé. Cependant, loin de moi l'idée de dénigrer l'importance de la famille et l'idée qu'il vaut mieux que les enfants grandissent au sein d'une famille qui est unie et qui les soutient. Rien n'est plus important dans la vie d'un enfant. Cela dit, nous savons, d'après les statistiques, qu'un fort pourcentage de mariages, voire la majorité d'entre eux, finiront hélas par un divorce. Ces circonstances malheureuses auront pour effet que les enfants souffriront, à des degrés divers, des conséquences du divorce. Certains enfants, grâce à la maturité, à la sagesse et à la bonne volonté des parents, souffriront beaucoup moins que d'autres et pourraient même en profiter.

De temps à autre, en notre qualité de députés, nous avons affaire à des électeurs qui viennent nous voir parce qu'ils ne savent où aller. Ce sont très souvent des parents seuls qui ont de la difficulté à faire vivre leurs enfants. Certains sont des parents qui n'ont pas la garde des enfants et qui estiment avoir été grièvement lésés parce que, même s'ils ont respecté toutes les conditions de leur entente, ils ne peuvent pas vivre avec leurs enfants. Ce projet de loi n'apporte pas de solution à ces problèmes. À mon avis, c'est une grave erreur.

Lorsque nous cherchons à savoir pourquoi les familles se brisent ou pourquoi les droits de visite suscitent tant d'acrimonie, on constate que, très souvent, c'est parce que la volonté de vengeance l'emporte. On tombe souvent dans un cercle vicieux. Si le parent qui n'a pas la garde des enfants verse la pension alimentaire à temps, il obtiendra ses droits de visite. D'après mon expérience, je serais tenté de dire que le montant de la pension n'est peut-être pas aussi important que la régularité du versement. Le montant de la pension est important, mais il n'est pas aussi important que la régularité des versements lorsque le parent qui a la garde des enfants s'attend à recevoir sa pension chaque mois.

Cela m'amène à parler de mon point de vue personnel. Je me suis fait une opinion sur la question puisque j'ai payé une pension alimentaire pratiquement toute ma vie adulte. Aussi loin que je me souvienne, pas un mois ne s'est passé sans que je paie une pension alimentaire. Je pouvais déduire le montant de la pension alimentaire de mon salaire qui, en général, était plus élevé que celui de mon ex-conjointe. Pour sa part, elle devait payer de l'impôt sur la pension que je lui versais. Cela lui créait un assez gros problème à la fin de l'année. L'impôt n'était pas déduit au moment où elle recevait


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l'argent et elle devait le payer au moment de produire sa déclaration de revenus.

(1320)

J'en ai parlé avec elle et je lui demandé quel serait, à son avis, le meilleur moyen de régler ce problème. Je lui ai demandé si c'était elle qui devrait payer l'impôt sur cet argent, si c'était moi ou si nous devrions payer sur chacun notre moitié de la pension. Nous sommes arrivés à la conclusion que la meilleure solution serait que je paie l'impôt sur la moitié du montant de la pension et qu'elle paie sur l'autre moitié.

Mais ce ne sera pas possible après l'adoption du projet de loi à l'étude. Le parent qui n'a pas la garde de l'enfant paiera l'impôt sur le totalité de la pension tandis que l'autre parent ne paiera pas d'impôt. Les ententes sur les pensions alimentaires déjà en vigueur ne seront cependant pas touchées par les nouvelles dispositions. Je suis certain que les tribunaux tiendront compte de qui paiera l'impôt dans leur jugement.

Ce projet de loi prévoit un barème des pensions alimentaires qui seront payées, pour chaque enfant, au parent qui a la garde, habituellement la mère, d'après le revenu du parent qui n'a pas la garde, habituellement l'ex-mari. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée. Cela ne laisse cependant aucun pouvoir discrétionnaire aux tribunaux. Selon mon expérience, la rupture d'un mariage est très souvent directement liée à des difficultés financières. Il n'y a alors pas beaucoup d'argent de disponible pour les pensions alimentaires. Très souvent, nous voyons un père qui verse une pension alimentaire alors que le parent qui a la garde, la mère, s'est remariée et a un niveau de vie beaucoup plus élevé que celui de son ex-mari.

Les choses ne sont jamais nettes. Nous avons tendance à faire ces lois d'après notre expérience fondée sur les cas extrêmes. Très souvent, les cas extrêmes sont hideux. Le fait est que si un mari ne veut pas verser de pension alimentaire, aucune loi ne pourra le forcer à le faire. Il doit le faire parce qu'il accepte sa responsabilité et que c'est la bonne chose à faire.

Je suppose que c'est là où notre société fait fausse route. Quand un couple décider de divorcer, est-ce aux conjoints de se décharger des responsabilités qu'ils ont contractées lorsqu'ils se sont mariés et ont décidé de mettre des enfants au monde? Depuis quand incombe-t-il à quelqu'un d'autre d'assumer la responsabilité financière à l'égard de mes enfants parce que j'ai décidé, moi, de divorcer? Si je suis divorcé pour une raison ou l'autre et que je n'ai pas les moyens d'assumer les responsabilités financières que j'ai contractées librement pendant mon premier mariage, rien ne m'autorise à invoquer les responsabilités d'un second mariage pour justifier mon incapacité financière d'assumer les premières.

Lorsque nous prenons des décisions, nous devons faire preuve de suffisamment de maturité pour accepter les responsabilités qui s'ensuivent. Il ne s'agit pas d'éviter de prendre ces décisions, mais d'avoir la sagesse d'assumer les responsabilités qui en découlent.

Étant donné que le conjoint qui reçoit les prestations en dépend, il est tout à fait indiqué que le gouvernement, qui représente toute la population, prenne les mesures voulues pour assurer le paiement des pensions alimentaires. Les pensions alimentaires, nous le savons, sont régies par des lois fédérales mais sont administrées par les provinces. Or, il faut agir avec équité. Les personnes dont le salaire sera saisi doivent en être avisées. J'ignore ce que font les autres, mais lorsque j'étais employeur et que je recevais un avis de saisie visant l'un de mes employés, cela me faisait sourciller.

(1325)

Que se passe-t-il si la personne dont le salaire sera saisi respecte ses obligations, mais est engagée dans un différend compliqué?

Les avocats ne sont pas tous des gens consciencieux. Certains n'ont même pas la moindre idée de ce qu'ils font parce qu'ils n'ont pas fait leurs devoirs. Certains peuvent décider de rendre la vie des gens insupportable. Ils peuvent ne pas avoir fait tout ce qu'ils peuvent avant d'émettre un avis de saisie. C'est inacceptable qu'on puisse saisir un salaire sans avis.

J'ai aussi beaucoup de difficulté à accepter l'idée qu'on puisse examiner les rapports d'impôt précédents après un divorce. La seule raison de le faire, à mon avis, serait de tenter d'obtenir une pension alimentaire plus élevée.

Quand les gens décident de divorcer, il me semble que cela devrait s'arrêter là. Chaque conjoint doit connaître le revenu de l'autre afin de pouvoir fixer une allocation équitable. Une fois qu'on s'est entendu là-dessus, pourquoi une partie devrait-elle avoir le droit de rouvrir ces vieux dossiers après cinq ans? Pour moi, cela n'a aucun sens.

Certaines des critiques formulées à l'endroit de ce projet de loi, qui peuvent être positives ou négatives, portent sur le fait que l'allocation d'une pension ne soit plus à la discrétion du tribunal. Cela ne permet pas de tenir compte de la capacité de payer du parent qui n'a pas la garde ni des ressources financières de celui qui a la garde.

Bien que, dans la grande majorité des divorces, ce soient les femmes qui aient la garde des enfants, il arrive que la partie lésée soit le mari. Il arrive que la femme, qui a la garde des enfants, soit aussi celle qui demande le divorce. Dans certains cas, la femme se remarie presque immédiatement après le divorce. J'en connais dont la femme n'a subi aucun préjudice financier à la suite du divorce, mais l'ex-mari a tout de même perdu sa maison, son foyer et sa raison de vivre pour pouvoir financer ce nouveau mariage.

Je suis vraiment nerveux à l'idée de fixer des règles arbitraires qui ne laissent rien à la discrétion des juges. C'est parce qu'ils veulent s'en remettre au juge que certains couples s'adressent aux tribunaux.


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Une autre chose est inquiétante dans ces lignes directrices. Seront-elles un plafond ou un plancher? Qu'arrive-t-il lorsqu'un parent est en mesure de payer beaucoup plus?

(1330)

Troisièmement, un autre élément qui me préoccupe est la réouverture des dossiers déjà fermés.

En 1977, Betty Jane Wylie, auteur de Beginnings: a book for widows, a écrit qu'à l'époque des jours sombres, avant la découverte des antiseptiques, les femmes mouraient souvent en couches et il n'était pas rare de voir un homme survivre à deux ou trois épouses. Cela se produit encore de nos jours, mais à cause d'un phénomène infiniment plus compliqué et dispendieux que l'on appelle le divorce. Il ne fait absolument aucun doute qu'il est beaucoup plus coûteux de divorcer que de tenir le coup.

En terminant ma participation à ce débat, je dirai que notre société devrait accorder plus d'importance au mariage et faire en sorte qu'il soit beaucoup plus difficile de se marier au lieu de faciliter le divorcer. Parfois, et je parle ici d'après mon expérience personnelle, la chose la plus difficile est de surmonter les problèmes et de tenir bon. Par conséquent, il vaudrait la peine que le Parlement examine de près les notions de tribunal unifié de la famille, d'arbitrage, de médiation et d'effort proactif.

Comme l'a déclaré le grand Charlie Farquharson, statistiquement, deux mariages sur cinq se terminent par un divorce; les autres couples tiennent le coup jusqu'à la fin. Il y a sans doute, dans ces propos, une perle de sagesse dont nous pourrions tous profiter. À mesure que nous discutons des répercussions du divorce et du droit familial sur les enfants, il devient de plus en plus évident que les Canadiens qui parviennent à tenir le coup malgré les épreuves vont probablement constater que les sacrifices consentis à leur famille sont source de grand réconfort à long terme.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, Le député vient de faire allusion à une blague que, avec tout le respect que je lui dois, je ne trouve pas drôle. Les difficultés que doivent surmonter les couples sont, malheureusement, devenues par trop courantes dans notre société. Le député sait fort bien que, lorsqu'un couple se sépare, il va falloir de toute évidence une deuxième résidence. Si le revenu cumulatif de ces deux personnes demeure inchangé, leur situation financière va se détériorer à cause des coûts supplémentaires. À la suite d'un divorce, beaucoup de familles vivent dans la pauvreté.

Ma question vise à tirer au clair les propos du député. Il me semble y avoir déceler une certaine contradiction. Il a parlé de sa situation personnelle, et je suis désolé d'apprendre qu'il est deux fois divorcé, mais il dit qu'il faut se comporter en adulte, accepter ses responsabilités et endurer la situation. Je ne l'ai pas entendu dire quoi que ce soit sur les conséquences du divorce pour les enfants ni sur le fait qu'il peut y avoir des circonstances où, même si le couple ne s'entend plus, il est important, surtout quand les enfants sont en bas âge, de se comporter en adulte et de s'acquitter des responsabilités qu'entraînent les voeux matrimoniaux qu'a prononcés le député.

(1335)

M. McClelland: Monsieur le Président, c'est tout à fait juste. Quand j'ai parlé de s'acquitter de ses responsabilités, je pensais aux responsabilités financières. Il est absolument essentiel que, lorsqu'on s'engage à verser une pension alimentaire pour nos enfants, on le fasse.

Le député d'en face n'a pas mentionné que je dis souvent qu'il vaut mieux pour un enfant d'être issu d'un foyer brisé que de vivre dans une famille désunie. C'est exactement mon cas. Je ne doute absolument pas qu'il y ait des familles qui soient capables de tenir bon. De toute évidence, si j'avais pu le faire, je l'aurais fait, et ce n'est pas parce que je ne l'ai pas fait, quelles qu'en soient les raisons, que c'est bien.

Ce que je voulais dire, c'est que, du point de vue statistique, si on considère les conséquences du divorce, qu'il soit dû à l'alcoolisme ou à autre chose, les conséquences de l'éclatement de la famille et ce que ça veut dire pour les familles monoparentales qui en sont issues, il est évident que les familles qui n'ont pas à en subir les conséquences vont probablement s'en tirer mieux que celles qui les subissent. C'est évident.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie certainement la franchise avec laquelle le député d'Edmonton-Sud-Ouest a formulé ses observations. C'est une question dont traiteront la plupart d'entre nous. Je voudrais, moi aussi, aborder la question sous un angle personnel. Un très bon ami à moi et sa conjointe vivent en ce moment les tribulations d'une éventuelle rupture.

Étant donné ce qu'a dit le député en donnant à entendre que ce projet de loi pourrait accélérer le divorce ou ne pas offrir de remède approprié, j'ai l'impression, du moins c'est ce que m'inspirent mes conversations avec mes électeurs et bien d'autres gens qui sollicitent l'avis de tous les députés à la Chambre, que la justice a tendance à favoriser davantage les intérêts de la femme que ceux de l'homme en ce qui concerne la garde des enfants.

Le député pourrait-il clarifier, pour moi et pour les autres députés à la Chambre, ses véritables objections? Il semble y avoir une contradiction dans sa déclaration, puisqu'il dit que la mesure législative ne semblerait pas permettre que la justice suive normalement son cours.

M. McClelland: Monsieur le Président, cette mesure législative et l'application d'une grille de paiements étaient, comme je l'ai dit antérieurement au cours du débat sur le budget, une étape plutôt responsable et assez bonne. La raison, c'est que l'on définit un montant que le parent qui a la garde peut espérer recevoir pour chacun des enfants dont il a la garde.

Si j'ai dit que, à mon avis, la mesure était peut-être un peu faible, c'est parce que nous devons toujours avoir recours à une décision judiciaire. Cela doit toujours faire partie de tout paiement. Même si le projet de loi laisse une certaine liberté au juge, l'expérience


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d'autres administrations a montré que, lorsqu'une grille existe, elle a tendance à prévaloir.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, en tant que député de Lévis, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat. Je sentais de mon devoir, en tant que député masculin, d'intervenir dans ce débat, parce que tout sujet qui touche aux pensions alimentaires est faussement identifié ou perçu comme étant un sujet sur lequel surtout des femmes interviennent.

(1340)

Cela est basé sur le fait qu'en réalité, malheureusement, ce sont les femmes qui actuellement doivent davantage s'occuper des familles après un divorce.

Je comprends le député réformiste d'Edmonton-Sud-Ouest, qui est un des éléments les plus modérés de son parti à bien des points de vue et sur le plan social également. Il reste que je n'aime pas l'entendre dire qu'il vaut mieux endurer plutôt que de divorcer. Endurer, ça veut dire, dans certains cas, pour bien des enfants, pour bien des femmes et peut-être aussi des hommes, souffrir de façon intenable.

Il y a une réalité, une statistique qui ne peut nous échapper. En 1990, au Canada, il y a eu 78 152 divorces, et c'est sûrement encore plus actuellement. Bien entendu, ces divorces impliquaient des hommes et des femmes, alors si on multiplie ce nombre par deux, on voit que ces divorces touchent 150 000 hommes ou femmes. De plus, si on suppose une moyenne de deux enfants et plus par famille, c'est 300 000 personnes qui ont été touchées par ces divorces au Canada, et on parle seulement de cette année-là, ce n'est pas un cumulatif. Donc il y a eu tant de situations de divorce qui ont touché 300 000 personnes en 1990, et probablement que 300 000 personnes et plus ont été touchées en 1991, et les situations continuent d'augmenter.

On sait également qu'une majorité écrasante, c'était 98 p. 100 en 1988, des bénéficiaires des paiements de soutien pour enfants étaient des femmes. C'est moindre aujourd'hui, mais c'est très important. C'est pour cela que je me dis, moi, en tant que député masculin, qu'il est bon que les hommes qu'on représente se sentent interpellés aussi par la situation. On peut cependant avoir des points de vue différents dépendamment des lignes de parti, dépendamment des objectifs que véhiculent les différents partis concernés.

Je suis un ancien membre du Comité du développement des ressources humaines et maintenant membre du Comité de la santé en compagnie du député de Mississauga-Sud. Nous savons, il sait, lui, jusqu'à quel point les premières années de la vie sont importantes, et aussi comment les conditions économiques, les conditions sociales non seulement affectent plus tard la santé, mais peuvent aussi amener des problèmes j'allais dire sur le plan de la délinquance, mais également sur le plan du climat social, du climat individuel.

C'est sûr que la solution idéale, c'est facile de la réaffirmer, c'est d'avoir dans la société un père et une mère qui restent avec leurs enfants jusqu'à ce qu'ils atteignent leur majorité et même plus et qui soutiennent leurs études. C'est le contexte idéal, que tout le monde devrait souhaiter.

Mais il y a un fait qu'on ne peut pas ignorer, et il s'agit de ces 78 152 divorces qui sont arrivés en 1990. Et c'est sans compter les gens vivant dans des unions de fait, qui se séparent sans être mariés et qui ont eu des enfants. C'est pour cela que moi, l'année passée, quand j'ai vu le ministre de la Justice déposer son plan, on a même vu dans le budget fédéral, le dernier budget, un espoir, quelque chose qui était changé à la suite du jugement Thibaudeau. Au fond, le fameux débat sur les déductions de pensions n'était plus de considérer un parent ou l'autre, mais l'accent était plutôt mis sur la façon de mieux aider les enfants.

Il y a 20 p. 100 des enfants qui vivent sous le seuil de la pauvreté au Canada, et la très grande majorité sont dans des situations de familles monoparentales.

(1345)

On peut affirmer sans se tromper, que la plupart du temps c'est-à-dire dans 80 p. 100 des cas, ces familles sont dirigées par des femmes. C'est là la situation réelle. Il y un élément auquel je suis vraiment sensible, c'est la situation des mères. À la fin, ce sont les enfants qui seront les victimes si on ne traite pas ce problème de façon correcte. Ils en seront les victimes pour longtemps.

Si la situation économique se détériore, avec tout le stress psychologique et autre que ça amène, et que cela s'accumule pendant un certain nombre d'années, les résultats sur les enfants peuvent être désastreux. Parfois j'entends ici dans cette Chambre, venant particulièrement du Parti réformiste, des gens qui nous disent que le taux de délinquance juvénile est effrayant, que le taux de criminalité est effrayant, que ce qui se passe dans notre société est effrayant. Les gens affirment aussi souvent vivre une grande insécurité. Je veux bien accepter ça, mais il faut essayer de comprendre comment cela arrive.

Des méga-études qui prennent en compte les résultats de toutes les analyses ont découvert que ces troubles sont souvent dus à des problèmes socio-économiques vécus par les enfants lorsqu'ils sont en bas âge et qu'ils ne sont même pas conscients de la réalité sociale. Le stress ne se transmet pas toujours de façon explicite, de façon verbale, ça se transmet par les tensions familiales, les chicanes, la tension qui peut exister entre des époux qui vivent ensemble ou non.

Si les conjoints se font des histoires au plan juridique, cela affecte les enfants. Je ne dis pas dans tous les cas, car il y a quand même des couples responsables qui divorcent à l'amiable. Il y a des hommes qui s'acquittent correctement de leurs responsabilités.

Il ne s'agit pas d'accuser les gens qui se conduisent correctement. Mais il y a un fait social que le député d'Edmonton-Sud-Ouest devrait comprendre, c'est qu'il y a aussi malheureusement une bonne proportion de gens qui ne s'acquittent pas convenablement de leurs responsabilités face à leurs enfants, et ce sont majoritairement des hommes. Il ont peut-être l'impression que parce qu'ils n'ont pas obtenu la garde ou la garde partagée de leurs enfants, parfois ils décident de faire souffrir leur ex-conjointe sans réaliser qu'en réalité ce sont leurs enfants qui souffrent le plus. Ça c'est intolérable.


4931

Je ne veux pas prendre un ton accusateur, je veux prendre un autre ton parce que je pense qu'il est important que ce débat se fasse. Il est important que nous, les hommes, soyons interpellés de la même façon que les femmes qui doivent assumer les responsabilités de familles monoparentales. Il faut être conscients qu'on doit les aider, de même que les hommes dans une situation semblable.

Dernièrement, je me suis rendu dans une association de familles monoparentales de mon comté. Cette association fêtait son 15e anniversaire. Au début on ne voyait pas d'hommes dans ce genre d'association, mais je me suis rendu compte que maintenant il y en a. Il y a aussi des hommes chefs de famille monoparentale et ils trouvent ça incroyablement difficile. Ça l'est.

Je ne veux pas entrer dans les situations personnelles des individus qui sont dans cette Chambre mais je suis persuadé qu'il y a des gens en cette Chambre qui sont des chefs de famille monoparentale. Leur tâche à la Chambre demande beaucoup de disponibilité et ils n'ont peut-être pas tout le temps qu'ils voudraient à consacrer à leurs enfants, les enfants peuvent s'en plaindre.

Je connais des discussions qu'on voit dans d'autres métiers, d'autres professions qui exigent également beaucoup de responsabilité mais ce n'est pas toujours financier mais ça demande beaucoup. L'aspect financier finit par être intolérable. Je le répète, 20 p. 100 des enfants au Canada, un pays qui dit bénéficier de l'une des meilleures qualité de vie au monde, 20 p. 100 des enfants canadiens ou québécois vivent sous le seuil de la pauvreté.

(1350)

La situation des familles monoparentales ou des gens qui ne s'acquittent pas raisonnablement, correctement de leurs responsabilités est un des principaux facteurs qui contribuent à cela.

Un des aspects, c'est que tout en partageant l'objectif poursuivi par le ministre, en trouvant que son projet de loi est relativement correct, il reste qu'il y a une différence dans ce projet de loi par rapport à la stratégie annoncée le printemps dernier. Nous, du Bloc québécois, on craignait qu'il y ait des trous dans la loi, ou encore des choses qui pourraient être nuisibles.

Je parle ici en tant qu'ancien membre du Comité des ressources humaines, il y a aussi un aspect qui saute aux yeux maintenant, c'est, malgré tout, malgré les bonnes intentions, le paternalisme exagéré de l'État fédéral dans ce domaine. Je vous parle comme Québécois. Depuis l'an dernier, il y a un régime au Québec qui prévoit l'ensemble de ces conditions en ce qui concerne les pensions alimentaires. Il y a même un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires chez des conjoints qui s'avèrent délinquants de ce côté-là. Mais ce n'est pas simple. C'est tout neuf, on voit qu'il y a certaines difficultés; on est au début du mécanisme.

Il y a quelque chose d'étrange là-dedans. Vous allez dire: ah les bloquistes, les députés de l'opposition officielle, ils rappellent toujours cela. Mais quelqu'un qui ne fait pas face à ses responsabilités, dans le fond, il ne suit pas son contrat de mariage ou ses obligations. Il se trouve que le fédéral, en voulant intervenir dans ce champ, intervient dans un champ de juridiction provinciale. Je me comprends et je vais expliquer.

Le mariage est de responsabilité provinciale. Le divorce est de responsabilité fédérale. Il y a aussi ceux qui ne sont pas mariés; lorsqu'ils se séparent, ce n'est pas un divorce. C'est un groupe à part et les gens dans cette situation ne sont pas régis, en aucune façon, pas assujettis au projet de loi fédéral parce qu'ici, on ne traite que de l'aspect du divorce. Or, la réalité canadienne, et québécoise d'ailleurs, c'est que de plus en plus, on voit beaucoup de gens en union de fait.

Le paradoxe du système fédéraliste actuel, il faut bien le répéter, est qu'on se marie dans le cadre d'une juridiction provinciale, et on divorce dans le cadre d'une juridiction fédérale. C'est un peu bizarre, mais c'est la réalité, il faut le rappeler. C'est la situation actuelle.

En cela, le fédéral a un paternalisme engagé, engageant et embarrassant, comme c'est le cas dans le domaine de l'éducation et de la santé. Dans ce domaine comme dans les deux que je viens de citer, il fixe des lignes directrices dans un projet de loi qu'il présente aux provinces en disant: «Oui, on accepterait que vous interveniez là-dedans mais à la condition que. . . et que vous utilisiez des lignes directrices comme ça; mais si vous n'acceptez pas nos lignes directrices de telle façon, eh bien là, on s'excuse, mais c'est le système fédéral qui va prévaloir en matière de divorce parce que le divorce est de juridiction fédérale.»

Alors, cela fait une drôle de situation. Prenons par exemple un couple ayant deux enfants; ce couple marié décide de divorcer, or, c'est le fédéral qui aura préséance. Dans une situation semblable, avec les mêmes besoins financiers pour les enfants, dans le cas d'une union de fait, ce serait la province qui aurait préséance.

Avec toutes les latitudes, les différences de traitement qui peuvent se présenter, je vous pose la question: est-ce qu'on trouve que c'est une situation juste, équitable, équilibrée, sereine, favorisant un développement social cohérent? C'est une des lacunes du système fédéral. On est obligé de le dire encore une fois: le gouvernement fédéral, le big brother fédéral se sent obligé d'intervenir avec ses gros sabots, de venir dans le champ des provinces.

(1355)

Quand une province ne s'entend pas, elle est punie, elle n'a pas droit aux avantages du régime fédéral ou encore, quand il n'y a pas d'avantages, c'est la règle fédérale qui prime.

Alors c'était l'avis de l'opposition que je voulais exprimer sur ce projet de loi. Je souhaite que les discussions aillent bien. Il est possible que le gouvernement libéral, qui est majoritaire, décide de ne faire aucune concession, aucun compromis, mais ce n'est pas un cadre qui vise une harmonie. Au départ, je souhaite que les représentants du gouvernement acceptent les compromis que vont proposer les députés de l'opposition officielle qui essaient de faire leur travail de façon constructive, parce qu'il s'agit là de situations qui touche des humains, des individus sur lesquels les décisions auront des répercussions importantes au plan social, surtout en ce qui a trait aux enfants, donc pour l'avenir de tout le monde.

4932

Je sais que le député de Mississauga-Sud est un homme sensible. Il siège avec moi au Comité permanent de la santé. Comme je sais qu'il a beaucoup d'influence sur ces collègues je lui propose un défi, celui d'essayer de convaincre ses autres collègues de viser la santé des enfants, étant donné qu'on vise des relations plus harmonieuses entre hommes et femmes qui ont des responsabilités face à des enfants, bien qu'il y ait des assouplissements, et celui de se montrer réceptif à nos compromis.

Le Président: Mes chers collègues, nous avons peut-être le temps pour une question de 30 secondes et une réponse d'une minutes.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais formuler brièvement une observation et une question. Mon observation a trait aux relations de fait. Le député a dit qu'elles étaient fort répandues dans notre société.

Le député aimerait peut-être se pencher sur certaines recherches qui portent sur l'incidence de la violence familiale, qu'il s'agisse de familles ou de conjoints de fait. Je pense qu'il constatera que l'incidence de la violence familiale est plus élevée au sein des couples de fait.

Ma question a trait à la prévention, par opposition à la recherche de solutions lorsque les problèmes surgissent. Le député dit que le Québec possède un bon système qui permet la saisie ou le prélèvement des paiements comme mesures d'exécution des ordonnances. Le député a passé son temps à nous dire comment il fallait régler le problème après coup.

J'aimerais demander au député s'il ne pense pas qu'un système, comme il en existe dans certains États américains, où l'on prévient les divorces en soumettant à un programme de 12 semaines les couples qui envisagent de se séparer, histoire de les ramener à la réalité, ne devrait être mis en oeuvre avant que l'on accorde le divorce au Québec ou ailleurs au Canada?

[Français]

M. Dubé: Monsieur le Président, je ne connais pas très bien le système américain dont le député parle. Très franchement, lorsque je ne connais pas un sujet à fond je n'en parle pas, habituellement, parce que je ne pourrais être convaincant. Et quand je ne suis pas convaincu je suis encore moins convaincant.

Cela dit, je ne suis pas fermé à cette idée. On va l'étudier ensemble. La député de Québec qui est devant moi est notre critique en matière de condition féminine. Si c'est une bonne idée, elle nous conseillera sûrement, après avoir étudié le sujet à fond. Sous réserve quand même de ça.

Il reste une chose. Je ne sais pas ailleurs, mais je sais qu'au Québec, par exemple, il existe, offerts par les CLSC ou par des organismes privés, ce qu'on appelle des services qui tentent une réconciliation avant qu'un couple se sépare, qui tentent des rapprochements en gardant toujours l'optique que les enfants soient le mieux traités possible. Il y a une longue tradition là-dessus. Ça ne se passe pas toujours bien parce qu'il y a vraiment des cas regrettables d'extrême violence où quelqu'un en arrive même à tuer son ex-conjoint, ce qu'il faut le déplorer.

Je rappelle une dernière chose. Les réformistes parlent souvent des criminels dans les rues, des dangereux délinquants qui créent de l'insécurité, mais 85 p. 100 des crimes sont commis par des gens qui vivent parfois dans des environnements très proches, aussi proches que la famille, et ce sont souvent des ex-conjoints. Le député parle de prévention. Je suis très attentif à ça et j'appuierai toute mesure qu'il proposera lorsque. . .

Le Président: Nous passons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


4932

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

(1400)

[Traduction]

LES BÉNÉVOLES DU SACO

M. Janko PeriG (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage à certaines personnes de ma circonscription, Cambridge, qui ont proposé de leur plein gré leurs talents pour contribuer au développement des économies de la Russie, de la Thaïlande, du Sri Lanka, de la Pologne et de la Hongrie.

Dans le cadre du SACO, le Service d'assistance canadien aux organismes, Steve Meissner, Donald MacLeod, Dirk Booy et Al Galusz ont, au niveau de la collectivité, perpétué la longue tradition du Canada en matière de collaboration et de responsabilité internationales.

Les bénévoles qui travaillent à titre de conseillers pour le SACO sont des hommes et des femmes qualifiés, le plus souvent à la retraite, qui partagent leur expérience avec des entreprises et des organisations dans les pays en développement.

Au nom des citoyens de Cambridge, je souhaite la bienvenue à ces bénévoles qui ont fait honneur au Canada et je les exhorte à continuer à aider les économies en développement de notre village global.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA MUSIQUE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, en cette Journée internationale de la musique, j'aimerais souligner l'initiative et la réalisation d'un grand rêve, celui de Nil Parent, qui s'intitule Ronde et Bleue.

Ce musicien québécois persévérant, pour donner suite à une promesse faite à son fils atteint d'une maladie incurable, a composé un hymne à la paix. À 10 h 10 aujourd'hui, heure du Québec, des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants en Amérique, en Europe et en Afrique, dans les écoles ou dans les rues, ont chanté ensemble d'une seule voix.


4933

Cet événement constitue une répétition en vue du grand rendez-vous de l'an 2000, plus précisément le 31 décembre 1999, alors qu'un choeur planétaire chantera l'hymne à la paix.

Ce mégaprojet transmet un message d'espoir pour qu'à l'aube de l'an 2000, la paix devienne un véritable projet de société, «pour que sur la terre, l'espoir fleurisse bleu».

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, des citations à comparaître ne sont pas délivrées par caprice et les politiciens ne sont pas au-dessus des lois. Nous sommes tous citoyens de ce pays qu'on appelle le Canada. La primauté du droit est un principe fondamentale de notre démocratie. Par conséquent, il est indispensable que nous, en tant que législateurs du Canada, soyons assujettis aux lois adoptées par le Parlement.

Un tribunal de la Saskatchewan demande au chef adjoint du Parti conservateur au Sénat de témoigner à la suite d'accusations de corruption dans le gouvernement de M. Devine, où il était second. Il évite de se présenter devant le tribunal en invoquant un privilège peu utilisé des députés et des sénateurs qui les dispense de donner suite à une citation à comparaître 40 jours avant ou après une session, de même que pendant une session.

En se soustrayant à l'ordonnance du tribunal, le chef adjoint du Parti conservateur abuse de la confiance des Canadiens dans un endroit où la confiance devrait occuper la plus haute place. Le Sénat demeure un anachronisme et, pourtant, il continue de recevoir l'appui du premier ministre.

Les actions du chef adjoint du Parti conservateur ternissent l'image de tous les politiciens. Il n'est manifestement pas nécessaire d'invoquer l'immunité. Cela témoigne d'un grave abus de privilège.

Que le sénateur Berntson démissionne.

* * *

LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, comme le matin qui se lève sur le paysage politique sombre et morne, après des années où l'on a accepté passivement les solutions pathétiques des entreprises canadiennes pour répondre aux besoins du Canada, nous voyons le pendule commencer à change de direction en 1996.

Des élections partielles provinciales dans Halifax-Fairview, où le NPD a recueilli 65 p. 100 des votes, aux élections partielles fédérales dans Hamilton-Est, où nous sommes arrivés au deuxième rang en remportant plus de votes que les conservateurs et les réformistes ensemble, à la réélection du NPD en Colombie-Britannique, et maintenant à l'élection du gouvernement néo-démocrate du Yukon, nous constatons que les Canadiens s'opposent à ce que leur disent les membres de l'aile droite des libéraux, des conservateurs et des réformistes.

Il existe une autre solution. Elle n'est pas facile, mais elle consiste à s'attaquer à nos problèmes en se fondant sur l'effort de la collectivité et la collaboration, plutôt que sur la concurrence et l'abandon devant ceux qui exercent du pouvoir.

Je félicite Piers McDonald et le gouvernement néo-démocrate du Yukon qui redonnent espoir aux Canadiens. Les prochaines élections fédérales ne tarderont pas et un nombre croissant de Canadiens semblent savoir qui représente vraiment l'opposition.

* * *

LA CROIX-ROUGE INTERNATIONALE ET LA SOCIÉTÉ DU CROISSANT-ROUGE

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'informer la Chambre que St. John's, Terre-Neuve et Labrador, et la Croix-Rouge canadienne reçoivent des visiteurs du monde entier cette semaine.

Soixante hauts représentants de la Croix-Rouge internationale et de la Société du Croissant-Rouge de tous les coins du monde se réunissent à St. John's pour un congrès de trois jours. C'est la première fois dans l'histoire de ce groupe qu'il se réunit à l'extérieur de l'Europe. Le choix de St. John's pour la réunion de cette année traduit l'appui que la Croix-Rouge canadienne et le gouvernement canadien ont donné à la Croix-Rouge internationale au fil des ans.

(1405)

Cette année marque le 100e anniversaire des services humanitaires que la Croix-Rouge canadienne fournit au monde entier. Son service et son dévouement pour les malheureux sont connus partout.

Je suis honorée qu'on ait choisi de tenir la réunion à St. John's et, au nom du gouvernement, j'offre mes meilleurs voeux aux représentants.

* * *

TEMAGAMI

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, au cours de la semaine dernière, des centaines de prospecteurs sont arrivés dans la région de Temagami, située dans ma circonscription, dans le cadre de ce qui constitue peut-être une des plus grandes vagues de prospection jamais vue.

L'ouverture de près de 6 000 kilomètres carrés à l'exploration a non seulement suscité beaucoup de fièvre chez les prospecteurs et les sociétés minières, mais elle a aussi fait naître dans les localités de la région de grands espoirs en la création de nouveaux emplois permanents et bien rémunérés.

[Français]

Évidemment, toute exploitation dans la région doit être viable du point de vue de l'environnement. Étant donné que l'industrie minière du Canada est un chef de file mondial dans la conception et l'application de pratiques écologiques, je suis convaincu que tout développement minier dans Temagami saura être à la hauteur des normes canadiennes.


4934

[Traduction]

J'ai bien hâte de travailler avec les groupes locaux, avec les dirigeants autochtones et avec les sociétés minières pour veiller à ce que l'exploitation minière dans la région de Temagami se fasse d'une façon responsable.

[Français]

Je travaillerai volontiers avec les groupes locaux, les dirigeants autochtones et les membres de l'industrie. . .

Le Président: Je regrette, le temps de l'honorable député est écoulé.

* * *

[Traduction]

LE PONT DE LA CONFÉDÉRATION

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, lors d'une cérémonie qui s'est déroulée vendredi dernier dans la localité de Borden-Carleton, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a annoncé le nom officiel qu'on donnera au pont qui reliera bientôt l'île du Prince-Édouard au Canada continental.

Le lien fixe portera le nom de pont de la Confédération. Ce nom reconnaît le rôle important que l'Île-du-Prince-Édouard a joué dans la riche histoire du Canada et qui a amené les Canadiens à parler de la province comme du «berceau de la Confédération».

Pour tous les Canadiens, ce nom célèbre notre riche passé et notre avenir prometteur, un avenir fondé sur le genre d'ingéniosité et de travail acharné qui ont permis de construire le pont de la Confédération.

Les Canadiens de tous les coins du pays ont contribué à trouver un nom au pont. Le nombre des propositions de même que la qualité des suggestions et la créativité dont elles font preuve illustrent bien la fierté que nous, les Canadiens, ressentons non seulement à l'égard de cet incroyable exploit du génie civil, mais aussi à l'égard de notre grand pays.

Je tiens à féliciter le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le comité consultatif et tous les Canadiens qui ont participé au choix d'un nom pour le nouveau pont. Merci à tous.

* * *

[Français]

LES JEUX OLYMPIQUES D'ATLANTA

M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, c'est avec respect que les députés du Bloc québécois saluent aujourd'hui les athlètes canadiens et québécois qui ont participé aux Jeux olympiques et paralympiques d'Atlanta.

Nous joignons nos voix à toutes celles qui, avant nous, ont salué votre détermination et votre courage. Peu importe que vous soyez revenus de ces Jeux avec ou sans médaille, vous avez gagné. En effet, vous avez réalisé votre rêve et êtes pour nous tous une source importante d'inspiration.

Certains épisodes des Jeux sont gravés dans notre mémoire. C'est ainsi que nous saluons avec fierté Chantal Petitclerc, qui a mérité deux médailles d'or et trois médailles d'argent. Grâce à ses efforts et à sa persévérance, elle est devenue un modèle pour notre jeunesse, tout comme Donovan Baily, Annie Pelletier et tous les autres.

À tous et toutes, nos plus sincères remerciements pour le grand spectacle que vous nous avez offert.

* * *

[Traduction]

L'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, au nom des contribuables canadiens, je remercie les gouvernements de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario et du Yukon d'avoir invoqué la Constitution pour contester le douteux système d'enregistrement des armes à feu que le gouvernement libéral a imposé à tout le pays.

La semaine dernière, les ministres provinciaux de la Justice ont soutenu publiquement que l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse ne serait pas un moyen efficace dans la lutte contre le crime; cela ne fait rien pour enrayer les crimes commis avec des armes à feu, ou la contrebande; c'est une mauvaise utilisation de ressources rares. Ils ont fait valoir que le gouvernement fédéral n'avait jamais prouvé qu'il existait une corrélation entre l'enregistrement des armes à feu et la diminution de la criminalité. Ils disent qu'il est temps de s'attaquer aux criminels qui utilisent des armes pour commettre leurs méfaits au lieu de pénaliser les citoyens respectueux des lois en les obligeant à enregistrer leurs armes.

Si les provinces ont gain de cause, les centaines de millions que nous économiserons pourront servir à combattre les vrais crimes, les vrais criminels, car nous pourrons envoyer plus de policiers dans les rues au lieu de les garder dans des bureaux à brasser des papiers inutiles.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Jerry Pickard (Essex-Kent, Lib.): Monsieur le Président, sous la direction du gouvernement libéral, notre économie s'est considérablement améliorée au cours des trois dernières années.

(1410)

Qui eut cru, au début des années 90, que les taux d'intérêt, qui excédaient alors les 10 p. 100, seraient aujourd'hui sous le seuil des 6 p. 100. Les taux hypothécaires ont baissé de 4 p. 100, ce qui fait économiser 3 000 $ à la famille canadienne moyenne. Les bas taux d'intérêt aident les petites entreprises et le marché du logement à faire de grands progrès et à aller de l'avant.

Notre politique monétaire a permis que la valeur de notre dollar passe de 90c. à 73c. américains. Cette baisse, alliée aux missions commerciales d'Équipe Canada, a accru notre balance commerciale de 38 p. 100, ce qui a créé quelque 680 000 emplois au Canada. Le taux de chômage est passé de 11,2 p. 100 à 9,4 p. 100 dans


4935

l'ensemble du Canada et est tombé sous la barre des 9 p. 100 dans le sud-ouest de l'Ontario, ma région.

Le gouvernement fait et continuera de faire preuve de leadership.

* * *

LE CANCER DU SEIN

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'annoncer à la Chambre qu'octobre est le Mois de la sensibilisation au cancer du sein. Il est symbolisé par les rubans roses que certains de mes collègues portent aujourd'hui.

Le cancer du sein est la première cause de décès attribuable au cancer parmi les Canadiennes. Environ 18 600 nouveaux cas de cancer du sein seront diagnostiqués cette année, et 5 300 femmes mourront de cette maladie.

En 1992, Santé Canada a lancé un important projet qui concerne le cancer du sein et dont le budget totalise 25 millions de dollars pour cinq ans. Nos partenaires dans ce projet comprennent le Conseil de recherches médicales, la Société canadienne du cancer, l'Institut national du cancer du Canada, les provinces et les territoires.

D'autres activités sont aussi en cours. Santé Canada appuie les activités de dépistage du cancer du sein dans les provinces, l'élaboration de lignes directrices concernant les soins et les traitements, la recherche, cinq projets d'échange d'information ainsi que des stratégies visant la formation continue des professionnels de la santé.

Je loue les efforts de ceux qui luttent contre cette maladie. Octobre nous donnera à tous l'occasion d'appuyer les initiatives qui sont prises à l'égard du cancer du sein.

* * *

[Français]

LE PARTI QUÉBÉCOIS

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, la question linguistique continue de secouer le Parti québécois.

Hier, c'était au tour du ministre Serge Ménard de se lancer dans la mêlée en déclarant, et je le cite: «Je ne voudrais pas que le pays que nous allons construire soit un pays qui ne traite pas ses minorités de la même façon que nous aurions voulu être traités dans le Canada.»

Le ministre devrait éviter de donner des leçons à qui que ce soit sur le traitement des francophones au Canada. Je lui rappelle, à cet égard, que le Canada est un pays où il y a deux langues officielles et que, malgré leur nombre restreint, les francophones ont réussi à s'imposer et à se faire valoir à tous les niveaux de la vie sociale, culturelle et politique canadienne.

Au fait, monsieur Ménard, à quand la venue d'un anglophone du West Island comme premier ministre du Québec?

LA COMMUNAUTÉ ITALIENNE

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le 9 septembre 1996, quatorze leaders de la communauté italo-québécoise, issus de différents courants politiques, dont la directrice du Centre des femmes italiennes de Mont-réal, trois anciens présidents du Congrès national des Italo-Canadiens, le président des gens d'affaires et professionnels italo-canadiens, et même le sénateur libéral Pietro Rizzuto, ont signé un manifeste et réclament, en ce qui concerne l'avenir du Québec, un débat politique, lucide et responsable dans le respect de la démocratie.

Ils supportent la position défendue par le Québec et considèrent que tous et toutes ont le devoir d'accepter la décision majoritaire prise démocratiquement. Il faut être reconnaissant à ces leaders d'avoir exprimé une position claire, et je cite: «[ . . . ] la communauté italo-québécoise demeurera partie intégrante du Québec, quel que soit le résultat du débat constitutionnel.»

J'invite donc mes collègues libéraux fédéraux du Québec à suivre l'exemple de la communauté italo-québécoise et à se dissocier publiquement de la démarche juridique de leur gouvernement.

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, je vous prierais de ne pas mentionner le nom de sénateurs lorsque vous faites des déclarations à la Chambre.

* * *

LES ATHLÈTES OLYMPIQUES

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, quand on pense que, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les libéraux étaient contre le libre-échange.

Aujourd'hui, nous rendons hommage à nos athlètes olympiques, certains d'entre eux étant d'ailleurs présents avec nous sur la colline du Parlement. La valeur de leur participation et de leur contribution à la société canadienne ne devrait pas être sous-estimée ni passée sous silence.

Selon moi, le sport est aussi important dans la vie que les études. D'une façon ou d'une autre, les sports font ou feront partie de la vie de tous les Canadiens. Les compétitions athlétiques préparent l'individu à faire face à la vie et à la réalité.

Un athlète olympique représente la quintessence du succès, non seulement parce qu'il s'efforce d'exceller dans un sport particulier, mais aussi parce qu'il veut représenter son pays. Ses heures de pratique sont récompensées lorsqu'il est choisi au sein de l'équipe olympique, et sa satisfaction atteint son apogée lorsqu'il remporte une médaille pour lui et pour son pays.

(1415)

Félicitations à tous ceux qui aspirent à devenir des athlètes olympiques, à tous ceux qui en ont rêvé, qui en rêvent et qui en rêveront et à tous ceux qui représentent leur pays.


4936

[Français]

LE BLOC QUÉBÉCOIS

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, l'histoire et la tradition politique du Québec ne nous ont pas fourni de nombreuses occasions de voir se réaliser des consensus aussi solides que celui qui s'est développé récemment autour du thème de l'emploi et de la relance économique.

Tous les intervenants socio-économiques et politiques du Québec sont unis autour de ces deux objectifs. Tous, sauf le Bloc québécois.

Croyez-le ou non, ce parti vient d'adopter en conseil général un plan d'action qui vise deux objectifs, et je le cite: «Permettre au gouvernement Bouchard de consacrer l'essentiel de ses énergies à l'économie», tandis que le Bloc va s'occuper, et je le cite: «de maintenir la flamme souverainiste.»

Le Bloc québécois vient de faire la preuve qu'il se fout des difficultés économiques que vivent les Québécois et les Québécoises. Les seules priorités qui comptent pour ces députés, ce sont leur réélection et le séparatisme.

* * *

[Traduction]

LES ARMES À FEU

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, tous les Canadiens comprennent et reconnaissent le fait que la loi, l'ordre et le respect de ses concitoyens sont des composantes importantes d'une société libre et démocratique. Je crois que les Canadiens réagiraient vivement si quelqu'un menaçait leur qualité de vie qui se fonde, entre autres choses, sur le respect de la loi et de l'ordre.

Les lois ne plaisent pas à tous les Canadiens, c'est vrai. Cependant, en respectant les lois, nous garantissons l'ordre au sein de notre société. Tous ceux qui encouragent délibérément les autres à défier ou à enfreindre les lois agissent de façon irresponsable et doivent être dénoncés.

Le mois dernier, le député réformiste de Yorkton-Melville s'est rendu dans la circonscription que je représente, Souris-Moose Mountain, afin d'inciter les gens à ne pas respecter le projet de loi C-68. Je trouve ce geste irresponsable et je me demande si le chef du Parti réformiste pense, comme son député, qu'il n'est pas nécessaire de respecter la loi. Si la réponse est non, il devrait le dire clairement.

______________________________________________

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE RENVOI À LA COUR SUPRÊME

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre vient de se rendre compte qu'il lui est impossible de rencontrer les engagements référendaires qu'il a pris à l'endroit des Québécois, aussi souhaite-t-il gagner du temps en demandant un avis à la Cour suprême sur la question de la souveraineté du Québec.

Le premier ministre admettra-t-il que le recours à la Cour suprême entraîne un délai de 12 à 18 mois et que ce délai lui permettra de gagner suffisamment de temps, jusqu'après les prochaines élections fédérales, afin de se présenter devant l'électorat sans avoir rempli ses engagements en prétextant attendre d'abord le résultat de cet avis?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je dois dire que, dès le mois de décembre, la Chambre des communes a voté ici en faveur de la société distincte, et j'espère que l'Assemblée nationale fera la même chose dans les plus brefs délais.

Ici, le gouvernement a pris ses responsabilités et a voté en faveur de la société distincte. L'autre engagement que nous avons pris est que nous n'allions pas modifier la Constitution sans le consentement du Québec. Le Parlement a pris ses responsabilités dès le mois de décembre, et nous avons adopté une loi qui accordait un veto régional au Canada, ce qui veut dire un veto au Québec. Mais on ne peut pas modifier la Constitution sans l'approbation du gouvernement du Québec.

Alors, si le chef de l'opposition veut avoir des changements, qu'il dise à la maison mère de voter une résolution sur la société distincte, qu'elle accepte le veto qu'on leur offre et que le gouvernement du Québec refuse.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre peut bien évoquer la résolution sur la société distincte. La plus belle preuve que cette résolution ne vaut pas le papier sur lequel elle est écrite, c'est qu'en aucun temps, le gouvernement n'a demandé à la Cour suprême de considérer cette résolution de la Chambre des communes dans l'avis qu'il va donner aux provinces.

(1420)

Si le premier ministre croit en ce qu'il fait, il est encore temps de dire aux juges de la Cour suprême de tenir compte de la résolution adoptée à la Chambre des communes et qui reconnaît le Québec comme une société distincte. Qu'il le fasse.

Je lui demande s'il admet au moins que non seulement le recours à la Cour suprême lui permettra de gagner du temps, mais également dans son esprit, que cela permettra de préparer une éventuelle intervention fédérale dans le cadre du prochain référendum au Québec, une intervention qui serait jugée autrement, par les Québécois, tout à fait inacceptable, et que le premier ministre veut voir préparée par la Cour suprême.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition a voté contre la résolution de société distincte. De plus, la loi a été adoptée par le Parlement du Canada et personne ne l'a contestée. Il n'y a pas de référence possible.

Pour continuer, dans le discours du Trône, nous avons proposé une série de changements à la fédération, le retrait de bien des domaines. Nous avons offert aux provinces un nouvel accord


4937

concernant la main-d'oeuvre que le ministre est en train de négocier avec les provinces.

Nous avons dit que nous n'allions pas utiliser le pouvoir de dépenser sans le consentement de cinq provinces. Nous avons parlé d'une série de choses pour changer la fédération. Depuis le mois de février, encore une fois, le Bloc québécois et le Parti Québécois veulent garder le statu quo, alors que nous sommes pour le changement au Canada.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, c'est absolument étonnant d'entendre le premier ministre dire qu'il n'a pas évoqué la résolution de la Chambre des communes devant la Cour suprême parce que le chef de l'opposition a voté contre. Je ne me savais pas si puissant. Je rappelle au premier ministre qu'il ne s'agissait pas d'un projet de loi mais bien d'une résolution de la Chambre de la commune.

Relativement à l'avis de la Cour suprême, le gouvernement, dans le reste du Canada, assure un faux sentiment de sécurité en se servant de cet appel à la Cour suprême pour dire au reste du Canada de ne pas s'en faire parce que cela sera un outil puissant pour contrer la souveraineté. Au Québec, il dit que cela n'empêchera pas la souveraineté, mais fixera simplement un cadre légal.

Le premier ministre admettra-t-il que son recours à la Cour suprême, non seulement lui fait gagner du temps, lui permet de préparer les esprits, mais en plus, cela lui permet de tenir un double langage selon qu'il se trouve au Québec ou dans le reste du Canada?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre des communes tous les jours. Par le biais de la Chambre des communes, c'est entendu dans tout le Canada, aussi bien au Québec que dans le reste du Canada.

Quand l'honorable député dit que c'est une simple résolution, encore là, le chef de l'opposition manifeste un manque de compréhension de la réalité. Nous avons adopté une loi sur le droit de veto. C'est une loi, ce n'est pas une résolution. C'est une loi et le député a voté contre une loi qui donne un droit de veto au Québec pour changer la Constitution.

Tant qu'à parler de promesses, nous sommes à la 12e journée de période de questions et le chef de l'opposition a dit dans le quotidien Le Devoir, il n'y a pas très longtemps: «En entrant aux Communes, la priorité portera sur les problèmes que vivent nos gens, particulièrement à Montréal et au Québec.» On va discuter d'emplois, on va parler d'économie. On a des suggestions à faire.

Tout ce dont le chef de l'opposition peut parler, parce qu'il sait qu'il ne peut pas nous attaquer sur nos politiques économiques, c'est de Constitution.

* * *

LE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Dans son ouvrage Le Canada et le Québec après le référendum: explications d'une quasi-défaite, les ministre des Affaires intergouvernementales, à l'époque professeur d'université, accusait le premier ministre d'avoir contribué à la cause souverainiste et d'avoir manqué de clarté dans ses promesses lors du dernier référendum, et je cite: «Ironiquement, ces promesses faites in extremis n'ont probablement pas aidé la cause du non. Au contraire, les contradictions au sein du camp du non et le manque de clarté des promesses ont probablement convaincu des voteurs d'opter pour le oui.»

(1425)

Comme le ministre des Affaires intergouvernementales déclarait hier être fier de n'avoir jamais renié aucun de ses écrits universitaires depuis qu'il est en politique, le ministre maintient-il toujours ce sévère jugement à l'endroit de celui qui est maintenant son chef?

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai jamais blâmé le premier ministre pour la victoire référendaire du non. J'ai simplement dit que les promesses qui ont été faites sont venues trop tard pour avoir un effet positif sur le vote.

C'est pourquoi il faut agir rapidement. C'est pourquoi il est important de clarifier les choses rapidement et de ne pas laisser le camp séparatiste, justement, utiliser la confusion, et nous allons clarifier un ensemble de choses.

Par exemple, il est faux de dire que cette fédération est centralisée. C'est l'une des plus décentralisées qui soit. Il est faux de dire que les Québécois n'ont pas leur part dans cette fédération. C'est l'une des fédérations les plus généreuses qui soit et il est faux de dire que cette fédération ne peut pas changer. Nous l'améliorons en travaillant avec tous nos partenaires qui croient dans le Canada. Il est faux de dire un ensemble de faussetés que répètent continuellement l'opposition et le mouvement indépendantiste et nous allons clarifier ces choses le plus rapidement possible.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, toujours dans le même ouvrage, le ministre écrivait que les libéraux devraient peut-être, et je cite: «considérer l'opinion du chef réformiste en promulguant une loi clarifiant les conditions selon lesquelles une province peut se séparer du Canada.»

Comme le ministre a dit hier en cette Chambre qu'il ne renie absolument rien de ses écrits, doit-on comprendre que c'est encore ce qu'il pense aujourd'hui, que c'est le plan du chef réformiste que doit suivre le gouvernement, et qu'en conséquence, il vient de consacrer la sainte alliance, libéraux et réformistes contre le Québec?

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, ce que voient les Québécois, c'est certainement toutes les tentatives visant à rendre le débat confus.


4938

L'opposition sait très bien que c'est dans la confusion qu'elle peut gagner et qu'avec une question claire, avec un processus clair concernant la sécession, les Québécois et les autres Canadiens vont se réconcilier et vont renforcer leurs liens de solidarité au lieu de les briser. Ils le savent et c'est pourquoi ils ont peur de la démarche que nous avons entreprise.

* * *

[Traduction]

LES FORCES ARMÉES

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le système de justice militaire est en butte aux soupçons à cause de la commission d'enquête sur la Somalie.

Hier soir, Radio-Canada rapportait un autre incident illustrant les lacunes manifestes du système de justice militaire, sous le règne du présent ministre de la Défense nationale.

Le commandant Dean Marsaw a été traîné en cour martiale et reconnu coupable de violence verbale et physique. Toutefois, la transcription et l'enregistrement sur vidéo des interrogatoires nous ont appris que les témoins ont été harcelés, traités de menteurs et accusés de refus de collaboration. Pour que le commandant Marsaw soit renvoyé des forces armées, le ministre doit confirmer son renvoi.

Le ministre acceptera-t-il de préserver le moral des troupes en suspendant immédiatement le renvoi du commandant Marsaw?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, le député manifeste un mépris sans borne pour l'application de la loi dans notre système de justice.

La cause a été portée devant une cour martiale. Je ne peux entrer dans les détails, mais l'inculpé a le droit d'interjeter appel auprès de la cour d'appel des cours martiales. Cette cour est composée de trois juges civils, généralement juges à la Cour fédérale du Canada ou à des cours supérieures provinciales.

Je crois que le député servirait bien la justice s'il laissait le processus suivre son cours, s'il permettait à l'inculpé de décider lui-même de son sort et s'il cessait de refaire constamment des procès à la Chambre des communes.

(1430)

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, pourquoi le ministre refuse-t-il encore de faire preuve de compétence et de prendre la bonne décision pour une fois?

Le ministre refuse de corriger ce qui semble une injustice flagrante. On ne cesse d'apporter des exemples prouvant que le système de justice militaire se livre à une véritable chasse aux sorcières. Le caporal Pernell se trouve en cour martiale pour avoir dit la vérité à la commission d'enquête sur la Somalie. Dean Marsaw a déjà été reconnu coupable et est sur le point d'être renvoyé de l'armée. Toute l'enquête a été remise en question.

Pour redonner un peu d'intégrité à l'enquête concernant la conduite du commandant Marsaw, le ministre demandera-t-il à la Gendarmerie royale du Canada de mener une enquête sur la première enquête qui a été bâclée?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député admet être arrivé à certaines conclusions en se fondant sur des reportages télédiffusés.

Encore une fois, il est manifeste que le Parti réformiste préconise les tactiques de justicier au lieu de faire confiance à la justice canadienne.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre oublie qu'il a lui-même proposé, au cours de l'été, une réforme du système de justice militaire. Ce système est en pleine déroute, sous le régime du présent ministre.

Il y a deux poids, deux mesures. Le général Boyle reçoit un traitement spécial. On met des gants blancs pour l'interroger. Dans le cas du commandant Marsaw, les témoins subissent un interrogatoire en règle et sont traités de menteurs. Il semble que le sort de Dean Marsaw était tout décidé d'avance et que le système de justice l'a laissé tomber.

Le temps est venu de réformer en profondeur la fonction du juge-avocat général. C'est la seule façon d'éviter d'autres incidents comme le procès de Dean Marsaw.

Dans le but de remonter le moral des membres des Forces armées canadiennes et de rétablir son leadership, le ministre s'engagera-t-il à réformer immédiatement le système de justice militaire?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Le député sait fort bien que j'ai déjà annoncé que nous réexaminons toutes les procédures et toutes les pratiques en vigueur à la Défense nationale, et notamment le système de justice militaire. J'espère que le Parlement participera à cette étude et que le député fera des observations réfléchies et bien informées au lieu de ses allégations habituelles.

Le député parle de déroute. C'est le Parti réformiste du Canada qui est en pleine déroute. Chaque jour, ses membres se présentent à la Chambre pour fustiger les militaires. Ils passent des commentaires sur le processus juridique et la commission sur la Somalie. Ils ne disent rien au sujet de l'unité nationale, de l'économie, de l'agriculture, de la justice sociale et de la réforme des pensions. Le Parti réformiste n'a rien à dire.

Des voix: Bravo!

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre. Pour un instant, j'ai cru qu'on avait sauté une journée cette semaine.


4939

[Français]

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances, dans son Discours du budget, affirmait, et je cite: «Quand de nouvelles économies importantes seront réalisées au chapitre de l'assurance-chômage, il sera possible de baisser encore plus les taux de cotisation et nous verrons qu'il en soit ainsi.» Or, on apprend ce matin que le ministre envisage sérieusement de monter le surplus à l'assurance-chômage jusqu'à 15 milliards de dollars.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Comment le ministre des Finances peut-il vouloir accumuler un surplus de 15 milliards à l'assurance-chômage au lieu de baisser les cotisations, alors que lui-même déclarait qu'une baisse de sept cents créerait 40 000 emplois sur deux ans et qu'il serait en mesure de baisser de façon significative cette taxe sur la masse salariale?

(1435)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le rapport auquel fait référence le député est un rapport de l'actuaire en chef du ministère du développement des Ressources humaines qui a fait une étude démontrant que si nous voulons accumuler un surplus dans le compte afin de ne pas souffrir encore une fois, comme le dernier gouvernement, il fallait avoir un surplus de 10 à 15 milliards de dollars.

Cela étant dit, j'aimerais souligner au député que, lorsqu'on a pris le pouvoir, le gouvernement précédent avait l'intention d'augmenter les primes d'assurance-chômage à 3,30 $. Nous les avons gelées à 3,07 $, puis nous les avons diminuées à 3 $ et nous les avons diminuées l'an passé à 2,95 $. L'année passée, on a diminué les cotisations de 1,8 milliard de dollars, ce qui a fait épargner aux contribuables au chapitre de l'assurance-chômage.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, lorsque le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, il a délibérément augmenté les cotisations à l'assurance-chômage. C'est le premier geste qu'il a fait comme politique économique.

Et on nous accuse de ne pas poser trop de questions sur l'emploi. J'accuse le gouvernement de ne jamais avoir de réponse sur l'emploi. Le ministre des Finances est plus prompt à se préoccuper du sort de ses millionnaires que de celui des chômeurs.

Voici ma question, à laquelle je m'attends à une réponse. En voulant accumuler un surplus de 15 milliards de dollars à l'assurance-chômage et en refusant de diminuer les cotisations des employeurs et des employés, le ministre réalise-t-il qu'il vient de décréter délibérément une taxe de 15 milliards de dollars sur l'emploi?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, le rapport auquel fait référence le député a été rédigé par un actuaire, par un expert qui a dit: «Si vous voulez avoir un surplus, ça prendra entre 10 et 15 milliards de dollars.»

Maintenant, le député parle d'emploi. Depuis qu'on a pris le pouvoir, plus de trois quarts de millions de nouveaux emplois ont été créés par des Canadiens sous ce gouvernement. Depuis le début de l'année, plus de 200 000 nouveaux emplois ont été créés par ce gouvernement. Au cours du mois d'août, plus de 82 000 emplois ont été créés par des Canadiens et des Canadiennes. On vient de voir hier que la croissance économique du Canada est non seulement très forte mais que le FMI a dit que le Canada, l'année prochaine, aura le plus fort taux de croissance économique de tous les pays du G-7. Ça va bien pour les Canadiens!

* * *

[Traduction]

LA SOMALIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, hier, on rapportait dans le Globe and Mail que le capitaine Alvis, un officier des bérets verts américains, a ordonné à un soldat canadien de tirer sur un Somalien.

Plus tard, le capitaine Alvis a nié avoir même été en Somalie au moment de l'incident, même si l'interview avait été enregistrée. Cependant, plus tard hier soir, il a dit que les faits rapportés étaient justes, mais qu'il ne fallait pas tenir compte de la partie sur les coups de feu tirés.

Le ministre de la Défense peut-il nous dire exactement ce qui s'est passé près de ce pont à Belet Huen?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'étais déconcerté lorsque j'ai lu l'article dans le Globe and Mail hier matin. J'étais aussi déconcerté lorsque j'ai vu l'homme en question à la télévision hier soir. Et je suis encore plus déconcerté par la façon dont le député interprète les événements à la Chambre aujourd'hui.

Le fait est que certaines allégations ont été faites dans un journal. Elles ont été remises en question. Il ne m'appartient pas de m'engager dans un débat sur ce sujet.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, tout ce que j'ai demandé, c'est qu'on aille au fond des choses pour savoir ce qui s'est vraiment passé près du pont à Belet Huen. Je ne peux pas croire que le ministre refuse de répondre.

Un homme a été tué par une balle tirée par un soldat canadien. Nous savons que les autorités militaires ont essayé de dissimuler la vérité relativement au meurtre de Shidane Arone, en Somalie. Elles ont déformé la vérité relativement à la mort du caporal MacKinnon, à Suffield. Et voilà que le ministre refuse de dire aux Canadiens ce qui s'est passé en Somalie dans ce cas particulier. Pourquoi le ministre ne joue-t-il pas franc jeu?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Prési-


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dent, le gouvernement a donné aux Canadiens une commission d'enquête chargée d'examiner toutes ces questions qui préoccupent le député. Qu'on la laisse faire son travail.

* * *

(1440)

[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, depuis longtemps, l'opposition officielle accuse le gouvernement de favoritisme à l'égard de la compagnie Canadian, au détriment de la compagnie Air Canada qui a 7 000 employés au Québec. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. La semaine dernière, c'était le directeur général international de la Cathay Pacific Airlines, le principal transporteur aérien de Hong Kong, qui affirmait, et je cite: «Il y a beaucoup de politique derrière cette décision [ . . . ]Je crois que le Canada ne veut pas exercer trop de pression sur Canadian International.»

M. Young: Oh! Oh!

M. Duceppe: Si le ministre du Développement des ressources humaines pouvait se taire, on continuerait. Monsieur le Président, est-ce que le ministre peut se taire? Il est effronté.

Une voix: Il n'est même pas poli.

M. Young: Il sait de quoi il parle.

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: Le député de Laurier-Sainte-Marie a la parole.

M. Duceppe: Monsieur le Président, le ministre des Transports se rend-il compte qu'en favorisant Canadian au détriment d'Air Canada, ce sont des emplois du Québec qu'il contribue à faire disparaître? Qu'ont-ils à s'acharner contre Air Canada et favoriser Canadian?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est le député qui n'y voit pas très clair. Il oublie que Canadien International et Air Canada sont toutes deux en concurrence avec Cathay Pacific. Le député cite un porte-parole de cette société qui était tout heureux de donner les informations en cause parce que, de toute évidence, il sait fort bien que cela est dans l'intérêt de sa société et non de celui des Lignes aériennes Canadian.

Demander à Cathay Pacific ce qu'il faut faire avec les lignes aériennes canadiennes dans le Pacifique, c'est un peu comme demander à un crocodile où l'on peut nager dans la rivière. Ce n'est pas une manoeuvre que l'on peut qualifier de brillante.

Quant à la question des emplois, nous n'essayons pas de réduire le nombre de vols. Contrairement à ce que pense le Bloc québécois, qui estime que nous favorisons un transporteur plutôt que l'autre, que l'un doit perdre pour que l'autre gagne, nous essayons d'accroître le trafic aérien.

Nos nouvelles routes aériennes, y compris celles qui ont été ouvertes dans le cadre du programme canado-américain «Ciels ouverts»-soit dit en passant, les États-Unis constituent le plus vaste marché international-, ont permis de créer 1 000 emplois chez Air Canada, 700 chez Canadien International et, de plus, il y a. . .

[Français]

Le Président: Je vous demanderais de bien vouloir raccourcir un peu les questions ainsi que les réponses.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, demander à un crocodile de s'occuper des baigneurs c'est comme demander à un ami de Canadian d'être ministre des Transports.

S'il ne veut pas parler de Cathay Pacific Airlines, je lui demande au ministre des Transports: Air Canada, la compagnie elle-même s'est plainte, la Chambre de commerce s'est plainte, tous les intervenants au Québec se sont plaints, est-ce que le ministre des Transports a entendu, dans son Ouest lointain, ce qui se passait au Québec avec Air Canada et toutes les plaintes qui sont portées contre ses actions dans le domaine du transport aérien?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député passe volontairement sous silence le fait que cet accroissement marqué du trafic aérien suscité par le gouvernement depuis trois ans s'est directement traduit par la création d'emplois dans tout le pays, y compris au Québec, le siège social d'Air Canada étant à Montréal. Et n'oublions pas Bombardier, qui fabrique l'avion à réaction RJ et dont le carnet de commandes compte à l'heure actuelle, si je ne m'abuse, une soixantaine de ces appareils.

Le député oublie de préciser que notre politique d'expansion du trafic aérien a considérablement amélioré la situation. Je tiens à lui donner l'assurance que nous allons maintenir notre orientation en vertu de laquelle les consommateurs canadiens ont le choix entre plusieurs transporteurs. De plus, nous ne voulons pas céder aux demandes du Bloc québécois et d'Air Canada, qui visent à détruire le système que nous avons si soigneusement établi au fil des ans et qui profite autant aux voyageurs canadiens.

* * *

LA JUSTICE

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, apparemment, la peur se répand au sein de notre système de justice. La juge Barbara Reed a exprimé sa crainte de rendre une décision allant à l'encontre de la volonté du gouvernement.

Dans une lettre au Toronto Star, elle a déclaré ceci: «Je suis ébranlée à l'idée des attaques virulentes auxquelles je dois m'attendre si je rends une décision défavorable au gouvernement.»

(1445)

Qu'est-ce que le ministre de la Justice a fait pour créer une telle panique dans l'esprit de cette juge?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je dois avouer que je ne peux pour ainsi dire rien apprendre au député pour ce qui est de semer la panique. Je crois qu'il peut très bien tout découvrir par lui-même.


4941

Le député a fait allusion à une lettre écrite par la juge Reed au Toronto Star. J'ai reçu un double de cette lettre et je n'y ai pas répondu. Je n'ai pas non plus l'intention d'y répondre ni de la commenter.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, il est évident pour tous ceux qui connaissent le contexte que la peur de la juge Reed est le résultat direct de l'incapacité du ministre d'utiliser son pouvoir pour protéger l'indépendance des tribunaux.

Le ministre aurait dû suspendre immédiatement Ted Thompson et déposer une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature contre son haut fonctionnaire de même que contre le juge en chef Julius Isaac pour leur atteinte sans précédent à l'indépendance d'un juge saisi.

Pourquoi le ministre ne prend-il pas toutes les mesures raisonnables en l'occurrence pour garantir sur-le-champ aux juges que toute atteinte à leur indépendance ne sera pas tolérée?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il ne serait pas inutile pour le député de prendre une heure ou deux pour cesser de répandre des craintes et examiner les faits. Il découvrirait alors que j'ai nommé il y a déjà quelques mois l'ancien juge en chef de l'Ontario, l'honorable Charles Dubin, une personne dont l'expérience et l'intégrité sont bien connues, pour examiner toutes les circonstances entourant l'incident auquel fait allusion le député.

Le rapport a été produit et rendu public en août dernier. Il établit clairement que le ministère de la Justice comprend très bien l'importance de l'indépendance du pouvoir judiciaire et en respecte les principes tous les jours.

M. Dubin a également formulé des recommandations concernant M. Thompson et, comme le député le sait parfaitement bien, celui-ci a volontairement renoncé au poste qu'il occupait.

Le rapport a donc établi clairement que le ministère de la Justice ne portait pas atteinte à l'indépendance de la Cour suprême.

* * *

[Français]

L'AMIANTE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La semaine dernière, des représentants du gouvernement fédéral rencontraient les maires de la région de l'amiante et les principaux intervenants de cette industrie. Lors de cette rencontre, aucun représentant fédéral n'a pu préciser quel serait l'effort financier que le gouvernement pourrait fournir afin de contrer la décision française.

Qu'attend le premier ministre pour participer financièrement à la stratégie québécoise de défendre l'utilisation sécuritaire de l'amiante chrysotile?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, je suis intervenu auprès de l'Union européenne et du gouvernement français au sujet de la question de l'amiante. Nous leur proposons d'examiner des façons sûres et contrôlées d'utiliser ce produit au lieu de l'interdire totalement. Certaines utilisations ne sont pas sûres, mais il y en a d'autres qui le sont. Je crois que le ministre de la Santé et les fonctionnaires de son ministère pourraient le confirmer.

Nous avons proposé aux Français de leur envoyer des experts pour trouver des façons d'utiliser l'amiante sans danger. Nous croyons qu'il existe des utilisations sûres et contrôlées de l'amiante. Nous voulons aider les Français en ce sens afin de permettre à l'industrie de l'amiante de survivre au Québec et de continuer de fournir des emplois.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, j'aurais souhaité une réponse du premier ministre lui-même puisqu'il s'agit d'une question qui touche 2 000 emplois dans ma région. De plus, c'est le premier ministre lui-même qui devrait avoir des entretiens avec le président français.

Étant donné que l'Organisation mondiale de la santé faisait récemment état du danger relié à l'utilisation de l'amiante, le gouvernement se réveillera-t-il enfin et interviendra-t-il énergiquement afin de promouvoir, au sein de cet organisme, l'utilisation sécuritaire de l'amiante, Directive 161 qui avait été adoptée à Genève par l'Organisation mondiale du travail?

(1450)

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous nous préoccupons de la question de l'emploi autant que n'importe qui au Québec. Nous voulons nous assurer que ces emplois seront conservés et que les utilisations contrôlées et sûres de l'amiante continueront d'être autorisées dans les pays où nous l'exportons.

Le premier ministre a déclaré à la Chambre la semaine dernière, sauf erreur, qu'il était prêt à intervenir, tout comme mon collègue le ministre de la Santé. Nous nous préoccupons tous de cette question et nous faisons tout ce que nous pouvons pour assurer la survie de cette industrie.

* * *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Monsieur le Président, hier, le ministre des Affaires étrangères a annoncé l'ouverture d'un bureau de liaison au Pendjab, en Inde. Je veux le féliciter et lui faire savoir que cette annonce a été accueillie avec beaucoup d'enthousiasme.

Le ministre peut-il dire à la Chambre en quoi l'ouverture de ce nouveau bureau bénéficiera aux deux pays?


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L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, je tiens à dire au député ainsi qu'au député de Bramalea-Gore-Malton à quel point j'ai apprécié l'intérêt marqué qu'ils ont manifesté pour ce dossier.

J'en profite pour confirmer que, hier, le ministre des Affaires étrangères de l'Inde et moi-même avons convenu de l'établissement d'un nouveau bureau de liaison au Pendjab. Cela fait suite au voyage en Inde que le premier ministre avait effectué avec l'Équipe Canada, où nous avons cherché à élargir notre cercle de relations.

Le bureau ouvrira en janvier. Le ministre des Affaires étrangères de l'Inde a été assez bon pour m'inviter, ainsi qu'une délégation de Canadiens, à assister à l'ouverture. Nous en profiterons pour examiner des questions de commerce et d'investissement ainsi que des moyens de faciliter l'immigration.

C'est une très bonne initiative qui vise à élargir et approfondir la nature de nos relations avec ce très important pays.

* * *

LA JUSTICE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice avait le pouvoir de renvoyer Ted Thompson et il ne l'a pas fait. Quoi d'étonnant à ce que les Canadiens en aient assez de notre système, du gouvernement et du ministre de la Justice?

À présent, trois criminels de guerre présumés se promènent en liberté, tout cela parce que le ministre de la Justice a, par l'intermédiaire de son avocat principal, Ted Thompson, a essayé de négocier une entente à huis clos avec un juge de la Cour fédérale.

Aujourd'hui, la lettre de la juge Barbara Reed au Star de Toronto jette le discrédit sur tout le système judiciaire fédéral, influençant indûment trois affaires d'expulsion contre des criminels de guerre présumés qui vivent actuellement au Canada.

Le ministre de la Justice va-t-il renvoyer directement ces affaires contre des criminels présumés devant la Cour suprême du Canada afin que celle-ci rende une décision, oui ou non?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, cette question est un mélange choquant de malentendu et d'inexactitude. C'est absolument choquant.

Nous avons pris la peine de demander à une personne d'une réputation hors de doute d'examiner en détail tous les faits entourant cette affaire. Quand M. Dubin a fait rapport en août, il n'a pas dit qu'il y avait lieu de renvoyer Ted Thompson. L'ancien juge en chef de l'Ontario qui, contrairement à mon collègue, a pris le soin d'examiner les faits en détail, de parler aux intéressés, d'examiner les documents et de les étudier conformément aux principes établis, a conclu qu'il n'y a avait pas de raison de renvoyer Ted Thompson. Il a simplement recommandé que M. Thompson ne reste pas dans ce poste, à la suite de quoi, M. Thompson a démissionné.

Ce rapport est éloquent. Il établit que le ministère de la Justice comprend le principe de l'indépendance judiciaire. Mon collègue devrait s'informer avant de poser une autre question.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, ce qui est vraiment choquant c'est que le ministre ne soit même pas capable de faire le ménage dans son ministère.

Des criminels de guerre se promènent en toute impunité au Canada parce que le ministre de la Justice refuse d'honorer le principe selon lequel les juges et les tribunaux doivent être libres de toute immixtion de la part des politiciens et des bureaucrates. Ce n'est pas la première fois que le ministre de la Justice franchit la ligne qui sépare les tribunaux et les politiciens.

Pourquoi le ministre ne fait-il pas la seule chose qui lui reste à faire, à savoir faire ses bagages et rentrer chez lui?

(1455)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une meilleure idée. Je vais envoyer un exemplaire du rapport Dubin au député et je vais lui demander de le lire. Une fois qu'il l'aura lu, il pourra poser une question pertinente.

* * *

[Français]

LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

Hier, une coalition de 130 organismes s'est adressée au premier ministre afin de lui demander d'agir au plus tôt dans la lutte contre le tabagisme. Alors que la prédécesseure de l'actuel ministre de la Santé nous promettait, en décembre dernier, un projet de loi réglementant les produits du tabac pour le printemps, aucun projet de loi n'a été déposé jusqu'à maintenant.

Le ministre entend-il donner suite aux promesses de son gouvernement et déposer immédiatement une législation sur le tabac?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier la députée de sa question. Le sujet a reçu beaucoup d'attention ces dernières semaines.

Je voudrais indiquer à la Chambre que, depuis que nous avons publié le plan d'action, en novembre 1995, nous avons reçu plus de 2 300 présentations de Canadiens des différentes régions du pays.

Nous sommes en train d'examiner nos propositions en regard de la charte, pour nous assurer que nous n'allons pas nous retrouver devant les tribunaux, comme cela nous est déjà arrivé par le passé. Lorsque nous présenterons quelque chose, nous aurons une mesure législative très complète qui répondra aux besoins, non seulement


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des groupes de tout le pays qui oeuvrent dans le domaine de la santé, mais des jeunes également.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il justifier maintenant que, d'un côté, son ministère subventionne une campagne antitabac qui coûte des millions de dollars et que, de l'autre, le ministre de l'Agriculture, lui, subventionne des recherches dans le domaine de la culture du tabac en Ontario?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la députée devrait savoir que la grande majorité des fonds fournis par le ministère de l'Agriculture, en ce qui concerne le tabac, sont liés à des questions agronomiques et portent principalement sur des cultures de remplacement, de sorte que les producteurs de tabac puissent trouver des moyens de se diversifier et de ne plus dépendre de cette culture.

* * *

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, l'attitude laxiste des libéraux à l'égard de la criminalité nuit beaucoup à notre système judiciaire. La politique est en train de faire pencher la balance de la justice.

La GRC, qui avait enquêté sur une sénatrice québécoise et sa fille, suggérait qu'elle soit inculpée de fraude. Tous les Canadiens doivent recevoir le même traitement, mais il semblerait que certains soient plus délicats que d'autres.

Pourquoi le ministre de la Justice n'a-t-il pas poursuivi la sénatrice pour avoir fraudé le gouvernement du Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons maintenant entendu les trois mousquetaires réformistes en matière de justice.

Des voix: Oh, oh!

M. Rock: Je me demande si, en unissant leurs efforts, ils pourraient poser une question sensée? Je ne pense même pas qu'ils pourraient.

Dans le cas dont parlait le député, il nous faut faire une distinction entre la loi d'une part et la politique de l'autre.

Parlons de la loi pendant 30 secondes. Un procureur très compétent, un avocat du bureau de Montréal, a regardé les faits en appliquant les critères habituels, et a décidé, selon des principes juridiques, qu'aucune poursuite ne devait être intentée. Il a présenté l'affaire à son supérieur qui a examiné la situation et est parvenu à la même conclusion. Ça, c'est la loi. C'est ainsi que le système doit fonctionner.

Regardons maintenant la politique. Une personne qui ne connaît pas les faits et qui ne connaît pas la loi vient à la Chambre nous poser cette question scandaleuse dans le but de se faire du capital politique. C'est ça la politique.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, ce qui est triste dans ce discours qui nous vient de l'autre côté de la Chambre, c'est que les Canadiens ont peur parce que les gens d'en face veulent faire de la sociologie appliquée au lieu d'administrer la justice. Ils n'y connaissent rien.

(1500)

Cette sénatrice, la vice-présidente du Comité sénatorial des affaires sociales, a fait un discours sur l'assurance-chômage. Elle connaît les règles. Comment se fait-il que les règles s'appliquent à tous les Canadiens ordinaires, qu'ils connaissent la loi ou pas, mais ne s'appliquent pas à un politicien ou un sénateur, si ce n'est à cause du ministre, qui fait de la sociologie appliquée?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la seule chose qui est effrayante en ce moment, c'est le député.

Je pense que ce que nous devrions faire, c'est nous souvenir que nous parlons d'un système juridique qui a fort bien fonctionné dans ce cas, de personnes responsables qui ont appliqué les critères qu'il fallait et qui sont parvenues à la même réponse. Tout le cinéma d'en face ne changera rien aux principes juridiques ni aux éléments fondamentaux de cette affaire.

* * *

[Français]

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.

Étant donné que les communautés francophones, d'un océan à l'autre, constituent une fibre essentielle du tissu social canadien, la ministre peut-elle nous dire ce que le gouvernement canadien fait et entend faire pour appuyer les francophones minoritaires en matière d'éducation?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été très fière de signer hier, pour le gouvernement du Canada, à Saint-Jean, Terre-Neuve, une entente qui avait l'appui de toutes les provinces, y compris le Québec.

Cette entente aura pour but de financer l'éducation en langue minoritaire à travers le Canada jusqu'à concurrence de un milliard de dollars, pour les anglophones au Québec et pour les francophones hors Québec.

Cela représente un fait actuel, c'est-à-dire que plus de la moitié des jeunes Canadiens et Canadiennes étudient dans la langue seconde de leur choix, soit le français ou l'anglais, et nous sommes fiers d'y contribuer.

* * *

[Traduction]

L'EMPLOI POUR LES JEUNES

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Elle concerne la situation catastrophique de l'emploi pour les jeunes, un groupe où le taux de chômage réel atteint presque 20 p. 100. Malgré cela, selon un certain document d'information, le gouvernement libéral n'a même pas affecté quel-


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que de 45 millions de dollars du montant réservé aux programmes pour les jeunes et il n'a pas encore lancé le programme promis de 20 millions de dollars qui devrait aider les jeunes à rembourser leurs prêts d'étudiants.

Quand le gouvernement libéral va-t-il enfin faire preuve de leadership et mettre en place une véritable stratégie pour régler le problème du chômage chez les jeunes au pays? Combien de jeunes devront s'ajouter à la liste des chômeurs avant que le gouvernement ne décide d'agir?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà indiqué aux députés que le budget affecté à l'emploi des jeunes comportait plus d'un volet. Un de ces volets visait spécifiquement les étudiants fréquentant des établissements d'enseignement supérieur ou ayant l'intention d'y retourner à l'automne. Nous avons mis ce volet en oeuvre durant l'été et nous avons doublé le montant prévu.

En ce qui concerne le montant de 45 millions de dollars dont parle le député, au moment de l'affectation de cette somme, au printemps, nous savions que de très nombreux jeunes ne fréquentaient pas des établissements d'enseignement et qu'ils avaient besoin d'une aide différente pour trouver de l'emploi dans un contexte très difficile.

Nous comprenons le dévouement du député à la cause de l'emploi pour les jeunes. J'espère qu'il comprendra que nous voulions prendre les décisions appropriées à la situation de ces étudiants non visés par les stratégies traditionnelles, qui fournissent de l'emploi pour l'été seulement.

Cette somme sera affectée et bien dépensée; elle servira à aider les jeunes qui cherchent du travail au pays.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de Son Excellence Inder Kumar Gujral, ministre des affaires extérieures de la République de l'Inde.

Des voix: Bravo!

* * *

(1505)

LES ATHLÈTES CANADIENS DES JEUX OLYMPIQUES ET DES JEUX PARALYMPIQUES

Le Président: Cette journée est un peu spéciale pour le Parlement et pour le Canada.

Nous allons faire certaines choses différemment au cours des prochaines minutes. La Chambre se forme maintenant en comité plénier pour rendre hommage aux athlètes canadiens des Jeux olympiques d'été et des Jeux paralympiques de 1996.

(La Chambre se forme en comité plénier pour rendre hommage aux athlètes canadiens des Jeux olympiques d'été et des Jeux paralymiques de 1996.)

M. Gilbert Parent (Président de la Chambre des communes): Comme je l'ai dit, cette journée est spéciale pour nous, ici, à la Chambre des communes. Pour la première fois dans l'histoire de notre pays, nous allons accueillir sur le parquet de la Chambre nos athlètes olympiques. Lorsqu'ils arriveront, ils passeront par la porte du Canada, à l'autre bout de la Chambre. Bien sûr, vous les accueillerez d'une manière qui convient à des participants aux Jeux olympiques.

[Français]

Quand ils seront tous arrivés sur le parquet de la Chambre, à ce point, je vais dire quelques mots pour vous et aussi en mon nom.

[Traduction]

Par la suite, je vais vous les présenter selon les disciplines auxquelles ils participent. Je donnerai leurs noms. Je vous demanderais de n'applaudir que lorsque j'aurai fini de nommer un certain groupe.

Ensuite, les athlètes quitteront la Chambre et vous et moi, chers collègues, les accueillerons dans la salle de lecture, où aura lieu une brève réception. Toutes les photos nécessaires pourront y être prises, et les athlètes seront très heureux, je le sais, de faire votre connaissance à tous.

Sur ce, en nous rappelant toujours que ceci est la Chambre des communes du Canada, le coeur de notre pays, en votre nom et en celui de tous les Canadiens, j'invite sur le parquet de la Chambre des communes nos athlètes des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques.

[Note de l'éditeur: Les athlètes canadiens des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques de 1996 entrent dans la Chambre.]

Des voix: Bravo!

(1510)

[Français]

Le Président: Compatriotes olympiens, chers collègues, l'été dernier, le monde avait les yeux fixés sur Atlanta. Un nombre record d'athlètes se sont rassemblés pour participer aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques.

Preuve de la réussite humaine et de l'amitié entre les peuples, les Jeux favorisent l'engagement des nations dans une compétition amicale. Ils permettent aux athlètes d'atteindre le sommet dont ils rêvaient.

[Traduction]

Les hommes et les femmes, dont certains sont ici, qui ont représenté les Canadiens à Atlanta, étaient les meilleurs athlètes du Canada. Leur participation aux Jeux représente un exploit remarquable. Et vous, les médaillés, vous êtes reconnus comme les meilleurs au monde.


4945

Certains d'entre vous ont brisé tous les records dans l'histoire du sport et nous, dans cette Chambre, et ceux qui vous regardent à la télévision partout au Canada, que nous étions à St. John's, à Vancouver ou à Whitehorse, nous avions tous les yeux rivés sur vous. Nous, les Canadiens, ne sommes pas des gens très bruyants, mais lorsque vous avez gagné ces médailles, 30 millions de personnes, ici au Canada, ont été transportées de joie et ont fait beaucoup de bruit. Vous avez peut-être même entendu nos acclamations à Atlanta.

Des voix: Bravo!

(1515)

[Français]

Le Président: Tous les Canadiens ont pris part à vos victoires. Nous en tirons une grande fierté. Vous avez su captiver notre imagination. Vous êtes devenus les héros d'une nouvelle génération de Canadiens, vous êtes le fleuron du sport canadien et vous incarnez tout ce que le Canada a de mieux à offrir au monde.

[Traduction]

Il est rare que nous recevions des invités sur le parquet de la Chambre des communes, mais c'est vraiment une journée extraordinaire aujourd'hui, chers collègues, et nous avons voulu faire une légère entorse au Règlement parce que nous, les députés et les 30 millions de Canadiens, tenions à vous remercier d'avoir fait tant d'honneur à notre pays.

Je vais lire chacun de vos noms. Chers collègues, je vous demande d'attendre pour applaudir. Ce sera difficile, je le sais. À la fin, je vous prie de ne pas vous précipiter sur le parquet. Je veux d'abord m'y rendre. Vous aurez l'occasion de saluer nos athlètes olympiques dans la salle de lecture, après cette présentation.

Je vais d'abord rappeler la discipline sportive et, comme l'espace manque un peu, je vous demande, lorsque j'en aurai fini avec votre section, de lever la main pour que nous vous saluions à la canadienne.

Voici le groupe de l'athlétisme: Jeff Adams, Dean Bergeron, Collette Bourgonje, Nick Cunningham, Clayton Gerein, Carl Marquis, Jacques Martin, Colin Mathieson, Brent McMahon, Marc Quessy et Joe Radmore. Voilà nos athlètes olympiques en athlétisme.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du basket-ball en fauteuil roulant: Marni Abbott, Jennifer Krempien, Kelly Krywa, Linda Kutrowski, Kendra Ohama et Marney Smithies. Voilà nos athlètes du basket-ball en fauteuil roulant.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du rugby en fauteuil roulant: Garett Hickling, Kirby Kranabetter, Brian McPhate, Al Semeniuk, Daryl Stubel et David Tweed.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du yachting: David Cook, Ken Kelly et John McRoberts. Voilà nos athlètes olympiques en yachting.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe de l'athlétisme: Donovan Bailey, Carlton Chambers, Jason Delasalle, Robert Esmie, France Gagné, Glenroy Gilbert, Kris Hodgins, Ljiljiana Ljubisic, Stuart McGregor, Tracey Melesko et James Shaw. Voilà nos athlètes olympiques en athlétisme.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du basket-ball et du basket-ball en fauteuil roulant: Chantal Benoit, Renée DelColle et Lori Radke.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du cyclisme: Curt Harnett et Gary Longhi.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant la représentante du plongeon: Annie Pelletier.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du goalball: Jeff Christy, Jean-François Crépault et Dean Kozak.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe du boulingrin: Vivian Berkeley et Lance McDonald.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe de l'aviron: Laryssa Biesenthal, Gavin Hassett, Kathleen Heddle, Alison Korn, Silken Laumann, Theresa Luke, Maria Maunder, Marnie McBean, Heather McDermid, Jessica Monroe, Diane O'Grady, Lesley Thompson, Tosha Tsang et Anna Van Der Kamp.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe de la natation: Tony Alexander, Rebeccah Bornemann, Andrew Haley, Garth Harris, Marianne Limpert, Curtis Myden, Joëlle Rivard, Elizabeth Walker et Walter Wu. Voilà nos athlètes olympiques en natation.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le groupe de la natation synchronisée: Lisa Alexander, Janice Bremner, Karen Clark, Karen Fonteyne, Sylvie Fréchette, Valérie Hould-Marchand, Kasia Kulesza, Christine Larsen, Cari Read et Erin Woodley.

Des voix: Bravo!

Le Président: Voici maintenant le représentant du yachting: Kirk Westergaard.

Des voix: Bravo!

Le Président: Chers collègues, nous nous sommes évidemment attachés à nos athlètes olympiques, mais en ce qui a trait aux personnes qui les guident, qui leur enseignent, qui les encouragent,

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je vous signale la présence à la tribune des entraîneurs des athlètes olympiques.

Des voix: Bravo!

Le Président: Chers athlètes olympiques et chers collègues, il n'y a pas beaucoup de moments où un pays peut ressentir autant de fierté qu'en a éprouvé le nôtre pendant les Jeux d'Atlanta. Vous nous avez donné des moments dont nous garderons longtemps le souvenir. Vous voyez, vous nous appartenez et nous, les Canadiens, vous appartenons. Aujourd'hui, nous vous revendiquons.

Merci d'avoir fait honneur au Canada.

Des voix: Bravo!

[Note de l'éditeur: Après avoir chanté l'hymne national, les athlètes olympiens et paralympiens qui ont représenté le Canada aux Jeux de 1996 sortent de la Chambre.]

* * *

(1535)

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet d'une affirmation que le député de Souris-Moose Mountain a faite pendant la période des questions. Je n'ai pas tenu les propos qu'il me prête.

En réalité, c'est même l'opposé. Je n'ai conseillé à personne d'enfreindre la loi. J'ai dit clairement que le projet de loi C-68 devrait être abrogé pour que les citoyens n'aient pas à payer des frais et à se conformer à une loi inutile. Lorsqu'on m'a posé la question carrément, je n'ai pas répondu par des faux-fuyants. J'ai dit que je respecterais la loi. Nous devons travailler très fort pour faire abroger le projet de loi C-68. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Avec le plus grand respect, je dois signaler au député de Yorkton-Melville que son recours au Règlement n'est pas fondé. Il s'agit d'une question de débat.

Le député a-t-il une question à poser à la présidence qui ne concerne pas la décision? La décision est claire: le rappel au Règlement n'est pas fondé.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président, est-ce qu'il y aurait matière à soulever la question de privilège, puisqu'on m'empêche de bien accomplir mon travail de député en faisant à mon sujet des affirmations erronées?

Le président suppléant (M. Kilger): Je dois répondre non, encore une fois. Je proposerais au député de consulter les services du greffier, s'il le souhaite, mais, a priori, je dirais que les privilèges ne sont pas en cause. Mais comme je ne suis qu'un homme faillible, je l'inviterais à consulter les greffiers, qui sont tous à notre service.


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 24 septembre, de la motion: Que le projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je ne peux pas dire que je suis particulièrement heureux de prendre la parole aujourd'hui concernant le projet de loi C-53. En fait, je n'en reviens pas de voir qu'un tel projet de loi soit lu pour la deuxième fois à la Chambre des communes.

D'un côté, les députés débattent de projets de loi qui prévoient des peines plus sévères, un durcissement de la Loi sur la libération conditionnelle et la peine capitale pour les criminels parce que c'est ce qu'exigent les Canadiens. De l'autre, les libéraux présentent cette proposition de gauche qui facilitent pour les détenus l'obtention de permissions de sortir.

Les lacunes de notre système judiciaire sont de plus en plus évidentes pour la majorité des Canadiens qui, très franchement, veulent qu'on y remédie. Soixante-dix pour cent des Canadiens veulent que les meurtriers sanguinaires, que les criminels coupables d'assassinat assorti de circonstances aggravantes soient condamnés à mort. Ils ne veulent pas que des tueurs ou des criminels obtiennent une libération conditionnelle avant d'avoir purgé toute leur peine et ils ne veulent certes pas qu'il soit plus facile pour les criminels emprisonnés d'obtenir des permissions de sortir, de quelque durée qu'elles soient.

Si on le leur demandait, les Canadiens diraient sûrement pour la plupart que les criminels notoires ne doivent pas passer le plus gros de leur peine hors de prison. Pourquoi cela, demanderaient-ils simplement. C'est ce que je voudrais bien savoir moi aussi.

Le secrétaire parlementaire du solliciteur général a essayé de répondre ici à cette question, la semaine dernière. Il prétend que ce projet de loi permettra aux détenus des prisons provinciales de sortir pour une durée déterminée, avec ou sans escorte, pour des raisons médicales, humanitaires ou de rééducation, tout cela afin de les aider à réintégrer la société.

(1540)

Il justifie encore le projet de loi C-53 en nous disant que nous n'avons rien à craindre. Après tout, il s'agit non pas de criminels endurcis, mais de personnes qui purgent des peines de moins de deux ans d'emprisonnement.

Je me demande si le secrétaire parlementaire a déjà entendu parler de dissuasion ou même de justice. Se rend-il compte que beaucoup de délinquants sexuels sont condamnés à des peines aussi ridiculement courtes? Les victimes vont-elles être rassurées quand le député leur dira qu'elles n'ont pas à s'inquiéter, que leur agresseur ne représente pas une menace et qu'il mérite qu'on l'aide en le


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laissant réintégrer la société où vivent ces mêmes victimes? La préoccupation pour la réintégration de criminels condamnés est-elle censée réconforter les victimes quand ces dernières rencontreront les criminels au magasin d'alimentation du quartier?

La durée de la peine ni même l'infraction ne sont pas pertinents dans ce cas. La vérité, c'est que les libéraux étalent leur manque flagrant de respect pour les tribunaux en encourageant l'adoption de dispositions qui contournent les décisions des juges et des jurys.

Comme chacun sait, ils tiennent particulièrement à l'article 745 du Code criminel, qui offre aux meurtriers la possibilité d'obtenir un réexamen de leur peine après avoir purgé 15 ans. Les libéraux font la sourde oreille aux Canadiens qui demandent l'abrogation de l'article 745. Il s'ensuit que les libéraux voudraient qu'encore plus de criminels obtiennent la permission de sortir.

Pourquoi écouter les juges et les jurys qui connaissent les circonstances entourant une condamnation et qui ont choisi d'envoyer ces criminels en prison pour une période donnée? Les libéraux ont présenté ce projet de loi pour une foule de raisons, d'après moi. Ces raisons sont peut-être valables, mais la solution ne l'est pas.

Comme tous les Canadiens, les libéraux reconnaissent que notre système judiciaire est en crise. Des citoyens et des organismes d'un bout à l'autre du pays leur disent que la criminalité violente augmente, que les gens ne se sentent pas en sécurité dans les rues ou chez eux. Ils savent aussi que les Canadiens veulent que les criminels soient condamnés à des peines plus longues et plus strictes. Nous savons tous cela.

Pourquoi donc alors le gouvernement présente-t-il ce projet de loi ridicule, qui va à l'encontre de toutes les préoccupations que je viens de mentionner? Est-ce parce qu'il est également conscient du grave problème de la surpopulation pénitentiaire et des restrictions budgétaires qui frappent les prisons du pays? Les libéraux espèrent-ils récupérer des places en libérant des prisonniers?

Évidemment, cette logique va directement à l'encontre de la réduction de la surpopulation pénitentiaire. Le meilleur moyen de réduire le nombre de criminels jetés en prison aux frais des contribuables est la dissuasion. La dissuasion est le fondement même du système judiciaire.

Je ne dis pas qu'il faut rejeter la réhabilitation, mais que cette dernière ne devrait pas être le point central de tous nos programmes correctionnels. Il y a un lien direct entre la surpopulation pénitentiaire et la clémence des programmes des permissions de sortir et des libérations conditionnelles.

Comment expliquer la surpopulation carcérale alors que, selon Statistique Canada, 80 p. 100 des 154 000 personnes sous la surveillance des services correctionnels étaient en liberté et bénéficiaient d'une forme de surveillance communautaire en 1994? Le nombre de personnes bénéficiant d'une liberté surveillée a aussi augmenté de 40 p. 100 entre 1990 et 1994.

Ces deux tendances contradictoires, la surpopulation et le plus grand nombre de personnes en liberté surveillée, sont pour le moins paradoxales, mais elles se comprennent très bien, à moins que l'on soit un libéral qui croit que c'est en dorlotant les détenus qu'on enrayera la criminalité. Les libéraux pensent que la réadaptation consiste à fournir aux détenus tous les agréments que les personnes de l'extérieur n'obtiennent qu'au prix d'un effort.

Si les gens commettent des crimes, c'est principalement parce que notre système de justice ne comporte plus d'élément dissuasif. Lorsque, dans notre société, un individu fait quelque chose de mal, il doit payer le prix et, en l'occurrence, cela signifie purger une peine d'emprisonnement. En quoi renforce-t-on la dissuasion en multipliant les permissions de sortir et les libérations conditionnelles anticipées?

Il est regrettable pour les libéraux, mais heureux pour les Canadiens que le Parti réformiste ait à proposer de meilleures solutions que la clémence des permissions de sortir et des libérations conditionnelles pour régler les problèmes de notre système de justice.

(1545)

Je remarque que, dans le hansard du 23 septembre, le député de Kingston et les Îles a parlé de réformer la détermination de la peine. Il a dit ceci: «C'est en fonction de la longueur de la peine d'emprisonnement que la population juge de la sévérité de la peine. Je crois que nous devons changer cela. J'invite nos vis-à-vis à y songer et à se pencher sur d'autres mesures.»

Depuis trois longues années, les réformistes proposent des solutions de rechange au système de justice actuelle. Les députés d'en face semblent toutefois faire la sourde oreille aux solutions proposées par les réformistes et aux souhaits exprimés par les Canadiens.

Nous savons maintenant que la solution des libéraux, celle qui consiste à gâter les criminels et à privilégier leur réadaptation, se traduit seulement par une hausse de la criminalité et une surpopulation carcérale. On a évalué à 46 milliards de dollars par année le coût total des actes criminels pour la société canadienne. Il en coûte environ 10 milliards de dollars uniquement pour faire appliquer les lois et administrer les prisons et les tribunaux. Le coût de l'aide juridique a monté en flèche. Il doit bien exister des solutions plus économiques.

Je crois que nous devons mettre l'accent sur deux aspects distincts: la prévention et la dissuasion. La prévention doit commencer à la maison, dès le plus jeune âge. Il faut enseigner aux enfants d'âge préscolaire la distinction entre le bien et le mal. La société doit faire tout ce qu'elle peut pour que les jeunes vivent dans le meilleur milieu possible, mais ils doivent accepter les conséquences de leurs mauvaises actions.

Les réformistes croient que les individus doivent, comment les gouvernements, être tenus responsables de leurs actes. Le rétablissement de la peine de mort ne serait-elle pas une bonne mesure de remplacement de l'emprisonnement à vie? Mais je tiens à être bien clair à ce sujet. Je parle ici de la peine de mort pour les individus reconnus coupables de meurtres prémédités commis de sang froid. Je parle d'une peine adaptée aux individus comme Clifford Olson, Paul Bernardo et Karla Homolka.


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Et pourquoi pas aussi le travail, tout simplement le travail? Et je ne veux pas dire lorsque le condamné en a envie, mais je parle du travail obligatoire. Une bonne partie du problème que nous avons dans la société aujourd'hui-et j'insiste sur le fait que certains croient qu'ils n'ont pas à travailler-provient de la philosophie du nouvel âge, qui semble gagner en force, même dans nos prisons. À l'époque de nos parents et de nos grands-parents, la morale du travail était simple: tu travailles ou tu meurs.

Les prisonniers devraient être tenus de travailler un nombre minimal d'heures par semaine. En cas de maladie, ils seraient tenus de reprendre leurs heures perdues plus tard. Ceux qui seraient incapables de faire le travail demandé se verraient assigner des tâches adaptées à leurs capacités. Mais, dans tous les cas, ils devraient travailler.

Pourquoi pas aussi des camps forestiers? Vous aurez remarqué, monsieur le Président, que je n'ai pas parlé de camps de type militaire. Je parle encore d'un milieu de travail structuré où règnerait une discipline rigoureuse. Je pense que cela conviendrait tout particulièrement aux jeunes contrevenants. En fin de semaine, lors d'une réunion qui avait lieu dans ma circonscription, un homme âgé m'a suggéré un moyen d'aider les jeunes à se discipliner. Il a recommandé d'instituer un service militaire obligatoire. J'ai entendu cette proposition bien des fois et je suis convaincu que d'autres députés aussi l'ont entendue.

Les Canadiens et les réformistes suggèrent des solutions pour corriger le système actuel tandis que les libéraux ne pensent qu'à dorloter ceux qui enfreignent nos lois. Ils disent qu'ils sont prêts à être réinsérés dans la société, ils les libèrent sous condition, mais ce n'est que pour les voir récidiver. La méthode du gant de velours n'est pas ce que les Canadiens réclament. Les Canadiens veulent que les criminels soient tenus responsables de leurs actes, que les châtiments soient adaptés à la gravité des crimes et aient une effet dissuasif.

Passer les mois d'hiver les plus froids dans la plus grande oisiveté dans un endroit chaud offrant toutes les commodités aux frais des contribuables n'est pas un moyen de dissuasion. J'ai un exemple tout frais à la mémoire puisque j'ai visité récemment le nouveau centre correctionnel provincial à Prince George. Ce sont de très belles installations offrant toutes sortes de commodités aux détenus.

Nous avons ici un autre exemple de mesure fragmentaire de la part des libéraux. Qu'est-ce qui les pousse à agir ainsi de façon aussi incohérente? À mon avis, les libéraux pensent avant tout aux prochaines élections, qui approchent à grands pas, eux qui ont passé les trois dernières années à célébrer leur heureux sort.

(1550)

Les Canadiens ont commencé à demander au gouvernement ce qu'il a fait pour améliorer l'économie, notre société, notre système de justice. Soudainement, les libéraux s'empressent d'adopter des mesures fragmentaires pour pouvoir dire aux Canadiens qu'ils ont fait quelque chose. Ils choisissent les questions les plus chaudes, adoptant des mesures législatives concernant les droits des homosexuels, la criminalité et les pensions alimentaires. La question des pensions alimentaires a justement été débattue à la Chambre ce matin.

Dans un autre exemple de mesure fragmentaire, les libéraux ont proposé un cadre plus sévère pour assurer l'exécution des ordonnances de pension alimentaire sans comprendre toute la question. Toutes les lois sur la garde des enfants et la Loi sur le divorce doivent être révisées et corrigées, mais les libéraux ont opté pour une mesure fragmentaire qui, selon eux, suffira à apaiser les électeurs en prévision des prochaines élections.

La mesure législative que nous débattons maintenant est un autre exemple. La confusion et l'inefficacité qui caractérisent notre système de justice et la hausse de la criminalité seront une question importante pour les Canadiens durant la prochaine campagne électorale.

Les libéraux vont se vanter auprès des électeurs d'avoir présenté des mesures législatives comme les projets de loi C-53 et C-45 dans le domaine de la justice. Ils ne se préoccupent guère du fait que ces mesures législatives ne tiennent absolument pas compte des changements que les Canadiens veulent. Ce qui est important pour la stratégie électorale des libéraux, c'est de pouvoir dire qu'ils ont fait quelque chose, même si ces mesures étaient peu pertinentes et destructrices, même si elles n'étaient que vaguement liées au crime et à la justice.

Ce n'est pas suffisant pour le Parti réformiste et ce n'est certainement pas suffisant pour les Canadiens. Ils attendent plus que cela et méritent plus que cela. Notre pays a besoin qu'on apporte des changements fondamentaux à son système judiciaire pour aider la gens à se sentir plus en sécurité, pour reconnaître les droits des victimes et pour dire clairement que l'activité criminelle n'est pas acceptable dans notre société.

Je peux assurer aux députés que le projet de loi C-53 ne fera rien de cela. En fait, il fera exactement le contraire.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Wild Rose.

Avant de parler du projet de loi, je signale à mes électeurs que la Loi sur les prisons et les maisons de correction ne s'applique qu'aux personnes condamnées pour des infractions à une loi fédérale et qui sont détenues dans un établissement correctionnel provincial. C'est-à-dire tout individu condamné à moins de deux ans de détention.

À première vue, les mesures proposées dans le projet de loi C-53 me semblent justifiées. Elles ont apparemment été demandées par les provinces et les territoires. Je n'ai pas eu l'occasion de consulter un ministre provincial au sujet des propositions du gouvernement fédéral, mais je présume que le Comité permanent de la justice le fera pendant l'étude article par article du projet de loi. J'espère que les libéraux laisseront le comité faire son travail. Ils n'ont pas un dossier très reluisant à cet égard.

En examinant le projet de loi, j'y ai trouvé des omissions évidentes. J'ignore si elles sont volontaires ou le fruit d'un oubli de la part des fonctionnaires. Des amendements devront être apportés au projet de loi C-53 avant que je puisse l'appuyer franchement.

Par exemple, l'article 2 du projet de loi, qui modifie l'article 7 de la loi, précise que les programmes de permissions de sortir visent à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant la réadaptation et la réinsertion sociale des prisonniers en tant que citoyens respectueux de la loi.


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Si j'avais eu la responsabilité de rédiger cet article, le but des programmes de permissions de sortir serait à peu près le suivant: récompenser les détenus qui ont purgé la majeure partie de leur peine et ont eu un comportement exemplaire; montrer aux autres détenus la valeur d'un bon comportement et l'équité du programme de remise en liberté au mérite; permettre aux contrevenants de participer à des programmes d'emploi ou trouver un emploi pour pouvoir indemniser leurs victimes; rembourser l'État pour le coût de leur détention et, finalement, dissuader les contrevenants de récidiver.

(1555)

J'admets que c'était rafraîchissant de voir un projet de loi ministériel commençant par une déclaration de principes. C'est la première chose que je regarde, parce que, si les principes de base sont mauvais, les mesures législatives ne seront jamais utiles.

La première chose que j'ai remarquée, c'est l'absence-espérons que ce n'est que temporaire-du principe le plus important, soit que la protection de la société doit être l'objectif primordial dans l'évaluation de n'importe quel cas. Pourquoi ce principe fondamental a-t-il été omis? Le gouvernement a inscrit un tel principe dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Pourquoi est-il absent de la Loi sur les prisons et les maisons de correction?

Même le sommaire législatif préparé par la Division du droit et du gouvernement du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement affirme: «Ce projet de loi semble accorder moins d'importance à la protection de la société que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.» C'est une lacune grave.

Je me suis intéressé à ce principe absent, qui est d'importance primordiale. Je veux faire remarquer quelques autres faiblesses dans les autres principes établis dans le projet de loi C-53. Le deuxième principe du projet de loi est ainsi libellé: «. . .doit tenir compte de toute l'information pertinente disponible». Reste à savoir ce que le gouvernement veut dire par «toute l'information disponible»? Les déclarations des victimes en font-elles partie? Cela donne-t-il le droit aux victimes d'être entendues chaque fois qu'on étudiera la possibilité de libérer un détenu en vertu du programme des permissions de sortir? Il le faudrait.

Je recommande aussi que le projet de loi comporte une définition de ce qu'on entend par «toute l'information pertinente disponible» et une liste des types de renseignements dont l'autorité compétente devrait tenir compte durant le processus d'examen.

Le troisième principe stipule que l'autorité compétente doit donner au prisonnier les motifs de la décision, ainsi que tous autres renseignements pertinents et la possibilité de la faire réviser. Cela veut-il dire que seul le prisonnier doit se voir fournir les renseignements pertinents? Si le gouvernement est aussi préoccupé par les droits des victimes qu'il le prétend, pourquoi ne les a-t-il pas incluses ici?

Je sais que le quatrième principe dit que l'autorité compétente doit faire l'échange, au moment opportun, des renseignements utiles dont elle dispose avec les autres éléments du système de justice pénale et tenir ses directives et programmes de permissions de sortir à la disposition des prisonniers, des victimes et du public.

Toutefois, je suis sûr que même les libéraux conviendront que les droits des victimes sont au moins aussi importants que ceux des prisonniers. Si c'est le cas, alors le troisième principe doit être modifié de façon à se lire de la façon suivante, et je cite ce qui devrait figurer à cet endroit: «. . .donner aux prisonniers et à leurs victimes les motifs de la décision, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de la faire réviser». Si un tel amendement n'est pas apporté, je ne pourrai pas appuyer ce projet de loi.

J'ai aussi certaines réserves au sujet du nouveau pouvoir que ce projet de loi confère aux provinces, le pouvoir de désigner les personnes ou les organismes qui seront l'autorité compétente. Si le projet de loi C-53 est promulgué, cela veut dire que n'importe quelle personne ou organisation désignée par la province serait responsable d'accorder des permissions de sortir aux prisonniers de cette province.

Aux termes de la législation actuelle, la province a le pouvoir de nommer un agent responsable de prendre les décisions concernant les permissions de sortir. Au moins un agent payé par le gouvernement peut être tenu responsable de ses décisions. Comment le gouvernement peut-il demander des comptes à n'importe quelle personne ou n'importe quelle organisation? C'est une question importante.

Les Canadiens s'inquiètent déjà de l'absence de responsabilité au sein du système correctionnel. Ils se font attaquer, voler, estropier, tuer par des condamnés qui jouissent d'une permission de sortir et ce n'est la faute à personne. Il n'est même pas permis à la nouvelle victime de poursuivre le gouvernement pour son erreur. Cela m'inquiète aussi, pas seulement mes électeurs.

Je recommande que l'on conserve le libellé de la loi en vigueur. Au moins si l'autorité compétente est un agent, cela garantit que l'on peut lui demander des comptes directement. Si l'autorité compétente est un conseil de détermination de la peine, un quelconque redresseur de torts ou encore une société pour la protection des droits des prisonniers, comment le gouvernement peut-il garantir qu'il soit rendu des comptes? Les Canadiens exigent qu'on leur rende davantage de comptes, pas moins. Ce projet de loi va dans la mauvaise direction. C'est une lacune grave.

(1600)

L'article suivant traite des raisons pour lesquelles l'autorité compétente peut accorder une permission de sortir. Il n'y est pas fait mention de la raison la plus importante. Ça devrait être, et j'espère que cela va figurer dans le projet de loi, pour participer à un programme de travail, pour faire restitution aux victimes, pour défrayer l'État du coût de l'incarcération et, en bout de ligne, pour décourager les détenus de commettre d'autres crimes. Ça tombe sous le sens. Ça devrait figurer dans le projet de loi. Le fait que ça n'y soit pas est une lacune grave.

Enfin, ce projet de loi devrait contenir un article traitant plus précisément des obligations et de la responsabilité du gouverne-


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ment et de l'autorité compétente lorsqu'un détenu autorisé à sortir commet un autre crime.

Nul n'est besoin de le rappeler aux députés de ce côté-ci de la Chambre, mais les députés libéraux de l'autre côté ont besoin qu'on leur rafraîchisse la mémoire. Daniel Gingras avait une permission de sortir sous surveillance lorsqu'il s'est échappé du West Edmonton Mall, tuant et violant plusieurs personnes par la suite.

Les criminels dangereux comme Gingras ne devraient pas se trouver dans une institution provinciale, me dit-on. Depuis que j'exerce ce métier, je me rends compte que bien des choses ne sont pas logiques. C'est pourquoi je pense qu'il est absolument essentiel que les droits des victimes passent avant ceux des prisonniers et que la protection de la société doit passer avant le droit des prisonniers à obtenir une permission de sortir.

À ma connaissance, il n'y a qu'une façon de donner la primauté à ces principes, c'est d,accorder aux Canadiens le droit de poursuivre le gouvernement lorsqu'il fait une erreur. Si on leur accordait le droit de poursuivre le gouvernement en dommages-intérêts en cas d'erreur, je vous garantis qu'il y en aurait beaucoup moins.

En conclusion, je dirais qu'à prime abord ce projet de loi a l'air satisfaisant, mais il faut aller au-delà des apparences et s'assurer que les choses sont comme il se doit. Il faut promouvoir la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes. Il faut donner aux victimes plus de droits qu'aux criminels.

Les libéraux disent toujours qu'ils tiennent comptent des suggestions et qu'ils sont à l'affût de critiques constructives. J'espère qu'ils ont écouté mes suggestions constructives et qu'ils en tiendront compte. J'espère que le projet de loi sera modifié de telle façon que je puisse l'appuyer.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à dire que je suis très heureux de parler du projet de loi C-53. La protection des criminels semble très importante pour le gouvernement. Chaque fois que nous ouvrons un projet de loi présenté à la Chambre, celui-ci renferme certains points concernant le traitement des prisonniers et les mesures que l'on pourrait prendre pour aider les coupables et les criminels.

Alors nous parcourons le document, puis nous le lisons attentivement. Il est facile de comprendre pourquoi nous ne pouvons appuyer ces projets de loi. Ils accordent la préséance à la réadaptation des criminels et à leur possibilité de réintégrer la société et non pas à la protection de la société. C'est ce que l'on constate, projet de loi après projet de loi.

Le gouvernement libéral, avec en tête cet ingénieur social que l'on appelle le ministre de la Justice, pourrait peut-être convaincre certaines personnes qu'il fait un excellent travail. Cependant, lorsqu'on examine les mesures mises en oeuvre, on voit ce qui se passe vraiment. Les gens d'en face peuvent peut-être m'expliquer pourquoi des criminels, des violeurs et des malfaiteurs de tous genres sont libérés sous caution, reçoivent des permissions de sortir ou ont droit à des mesures de rechange.

Par ailleurs, un agriculteur travaillant, qui cultive la terre et tente de vendre sa récolte au meilleur prix enfreint la loi. Celui-là vend ses propres produits illégalement. Nous allons l'enfermer et ne songeons surtout pas à une libération, à une caution ou à toute autre mesure du genre. Le producteur de grains, cet être violent, n'obtiendra ni permission de sortir, ni autorisation d'absence. Voilà quelle est la mentalité libérale.

(1605)

Par contre, le jour même où cet agriculteur a été condamné par le tribunal, un contrevenant qui s'était rendu dans une ferme, avait brûlé des tracteurs et des camions, volé un camion, battu les chiens à mort et vandalisé la maison de ferme, a eu droit, vous l'avez deviné, aux mesures de rechange. Il ne sera même pas incarcéré.

Nous voyons constamment des situations de ce genre. Cela me rappelle l'anniversaire de M. Gingras d'Edmonton. On a cru qu'il fallait faire quelque chose pour le libérer de prison parce qu'il avait été, ma foi, assez docile. Eh bien, deux autres personnes sont mortes à cause de cette philosophie, de cette manière d'agir libérale. Ce sont des choses qui arrivent et personne n'est tenu responsable.

Lorsqu'on nous présente un projet de loi comme celui-ci qui prévoit différentes choses, pourquoi n'y a-t-il pas une forme de responsabilité? Pourquoi ne prend-on pas le temps de dire ce qu'on va faire et, si ça ne marche pas, en tant que gouvernement, ils vont se considérer comme responsables auprès de la population du Canada? Si le gouvernement ne veut pas abroger l'article 745, il devrait peut-être adopter une nouvelle loi qui dirait qu'il sera responsable s'il libère un tueur après 15 ans et qu'il tue de nouveau. Mais les libéraux n'oseront jamais faire ça. Ils ne veulent pas se passer la corde au cou. Par contre, ils ne craignent pas de mettre en danger la sécurité de tous les Canadiens en prenant des décisions qui n'ont absolument aucun sens.

Dans ma propre collectivité, aujourd'hui, un violeur, qui avait fait l'objet de trois inculpations, a été arrêté à l'heure du déjeuner et libéré sous caution avant le repas de midi. Par contre, nous avons un céréaliculteur qui a vendu ses récoltes et a reçu plus d'argent que ce que la Commission canadienne lui aurait donné. Nous allons le mettre en prison sans lui permettre d'être libéré sous caution. C'est ça, la philosophie des libéraux. C'est de la sociologie appliquée.

Le ministre de la Justice devrait retourner sur Bay Street. C'est là qu'il devrait être parce que c'est ce qu'il connaît le mieux. Il ne connaît absolument rien à la loi et à l'ordre, ni à la protection de la population.

Tout ce que nous demandons dans les mesures législatives, tout ce que les Canadiens voudraient voir, c'est un peu de considération pour les victimes. Chaque fois qu'on nous présente une mesure législative, et le projet de loi C-53 n'y fait pas exception, il n'y a rien en faveur des victimes.

Les libéraux nous présentent cette mesure législative et nous demandent de l'appuyer parce que, si nous ne le faisons pas, nous n'aiderons pas grand monde. Ils prétendent qu'ils essaient d'accomplir quelque chose. Il faut qu'ils fassent sortir ces gens-là de prison et qu'ils les remettent en liberté. Ils disent que nous devons les réadapter si nous voulons faire quelque chose au sujet de la criminalité, indépendamment du fait que celle-ci a augmenté considérablement au cours des 15 dernières années. Et la raison pour laquelle ça


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ne marche pas, c'est en grande partie à cause de la philosophie fumeuse des libéraux.

Les libéraux ne sont pas assez intelligents ou refusent de s'ouvrir les yeux pour se rendre compte que cela ne fonctionne pas. Ils ne comprennent pas pourquoi des milliers de Canadiens de toutes les régions forment des groupes comme Victims of Violence, CAVEAT, CRY, toutes sortes d'organisations de victimes partout dans le pays. Les députés savent-ils pourquoi ils s'organisent entre eux? C'est parce que le gouvernement laisse tomber les Canadiens. Ils doivent s'organiser pour tenter de réveiller les gens de l'autre côté de la Chambre et leur dire que cela ne fonctionne pas.

Parlons de la bonne vieille loi sur le contrôle des armes à feu, celle qui est spécialement conçue pour s'en prendre à l'honnête citoyen. Les libéraux s'en prennent également à l'honnête citoyen. Ils disent: «Nous allons prendre des mesures contre la contrebande.» Je présume qu'ils l'ont fait. Regardons ce qu'ils ont fait au sujet des contrebandiers. Ils ont attrapé un agriculteur en train de vendre des céréales de l'autre côté de la frontière, pendant que les bateaux chargés de drogues, de réfugiés, d'armes à feu et de toutes les autres saloperies qu'ils rapportent en contrebande au Canada vont et viennent sans qu'on fasse quoi que ce soit.

Je m'excuse, mais lorsque nous jetons un coup d'oeil sur le projet de loi C-53, comme sur tous les autres projets de loi que j'ai vus, cette attitude vague et béatement positive ne prend pas avec les Canadiens. Un de ces jours, les libéraux vont se réveiller. Lorsque les Canadiens se rendront aux urnes, des gens comme le ministre de la Justice, cet ingénieur social, se rendront peut-être compte qu'ils ont commis une erreur et ne se soucient pas assez des Canadiens. Je voterais contre ce projet de loi immédiatement si j'en avais la chance, simplement parce qu'il fait fi des victimes de crime. Il est temps de cesser d'en faire fi.

(1610)

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais poser une question au député.

Dans sa diatribe, il a mentionné que tous les projets de loi présentés par le gouvernement actuel protégeaient les droits de tout le monde, sauf ceux de la société. C'est en gros ce qu'il a dit. Je voudrais lui poser quelques questions qui comportent plusieurs parties.

Comment ces mesures législatives peuvent-elles protéger les criminels sans protéger la société? Comment les peines plus sévères imposées aux jeunes reconnus coupables de crimes violents peuvent-elles aider les criminels, mais pas la société? Comment la nouvelle peine obligatoire de cinq ans imposée à toute personne reconnue coupable d'avoir eu recours à la violence pour obliger des enfants à se prostituer peut-elle aider les criminels, mais ne pas aider la société?

Comment le fait de classer dans la catégorie des meurtres au premier degré un meurtre commis par suite de harcèlement peut-il aider les criminels, mais ne pas aider la société? Comment peut-il expliquer que le fait que nous ayons fourni à la police une justification du mandat à signifier à des suspects afin de prélever des échantillons aux fins de tests de l'ADN aide les criminels, mais n'aide pas la société? J'aimerais savoir comment le fait que nous ayons interdit qu'on invoque l'intoxication extrême comme défense aide les criminels mais n'aide pas la société.

Le programme du gouvernement, les mesures qu'il a prises pour s'attaquer au crime protègent la société canadienne et reconnaissent la nécessité de protéger les droits des victimes. Nous avons accompli de l'excellent travail en matière de justice pénale au Canada et le député d'en face se trompe complètement quand il laisse entendre que nos mesures législatives ne font qu'aider les criminels, mais ne protègent pas la société.

M. Thompson: Monsieur le Président, j'appelle cela du bricolage. Oui, du bricolage pur et simple. Voilà ce que les députés d'en face font avec leurs lois.

Le député dit que le gouvernement a fait ceci et cela; or, va-t-il abroger l'article 745, comme les Canadiens le souhaitent? Non, pas du tout. Il va encore laisser mettre des tueurs en liberté après 15 ans. Est-ce là servir les intérêts de la société? Je ne le pense pas.

On met des délinquants violents en liberté sous caution le jour même de leur arrestation. Cela est possible grâce au gouvernement actuel. Est-ce là protéger la société? Oh, il y a bien quelques petites améliorations que les libéraux ont apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Le ministre des affaires sociales, qui passe pour le ministre de la Justice, a apporté de légères améliorations ici et là. Cela me rappelle quand ma mère mettait un peu de sucre dans une potion pour que je puisse l'avaler.

Il n'y a pas assez de sucre dans cette mesure pour qu'on y jette même un coup d'oeil. Le député d'en face n'a pas réussi à bien traiter du projet de loi. Je vais essayer d'y revenir. Il n'en a pas vraiment parlé. Il y aurait cent observations à faire.

Si le député est tellement persuadé que les Canadiens sont contents de ce que fait le gouvernement libéral, lui ou n'importe qui en face aurait-il l'obligeance de me dire pourquoi nous voyons des milliers et des milliers de Canadiens se joindre à des organismes qui contestent la politique du gouvernement touchant la criminalité parce qu'ils estiment qu'il fait un travail lamentable. On les appelle des victimes. Le député devrait en rencontrer quelques-unes pour entendre ce qu'elles ont à dire, et les députés d'en face finiraient peut-être par se réveiller. Une fois réveillés, ils écouteraient peut-être ce que veulent les Canadiens au lieu de ces doucereuses fadaises libérales.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.


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Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(1615)

Le président suppléant (M. Kilger): Le vote est reporté à la fin de la période réservée aux initiatives ministérielles aujourd'hui.

* * *

LA LOI SUR LE DIVORCE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, comme nous reprenons l'étude du projet de loi C-41, je voudrais fournir des explications au sujet de cette mesure législative. Il s'agit d'un projet de loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

Le projet de loi C-41 vise premièrement à établir des lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants; deuxièmement à autoriser la consultation des bases de données de Revenu Canada dans le but de retrouver les personnes qui ne remplissent pas leurs obligations alimentaires familiales; troisièmement à refuser des passeports et certaines autorisations aux délinquants chroniques; quatrièmement à prévoir la saisie-arrêt des pensions des fonctionnaires fédéraux et le salaire des marins qui travaillent en mer.

Malheureusement, de nos jours, entre 40 et 50 p. 100 des mariages finissent par un divorce. Ce qui est encore plus malheureux, c'est que les enfants sont les derniers à être considérés dans les cas de divorce.

Même si nos tribunaux et nos lois parlent très souvent des meilleurs intérêts de l'enfant, trop souvent, on veille en fait aux meilleurs intérêts du parent ayant la garde des enfants. Nous devons modifier la situation pour veiller véritablement aux intérêts de l'enfant.

Bon nombre des parents qui n'ont pas la garde des enfants omettent de verser la pension alimentaire ou la paient en retard. Comme le non-paiement de la pension nuit aux enfants et aux familles, il faut corriger la situation en prévoyant des peines pour le délinquant. Le projet de loi C-41 aborde cette question. Le non-paiement d'une pension alimentaire juste ne saurait être toléré.

L'an dernier, le caucus réformiste a réclamé des lignes directrices nationales et le renforcement de l'exécution des ordonnances de pension alimentaire. Ce projet de loi prévoit ces deux mesures. Toutefois, comme bien d'autres mesures législatives proposées par le gouvernement, le projet de loi C-41 ne va pas assez loin. Le projet de loi n'est qu'une mesure fragmentaire visant à modifier la Loi sur le divorce. Encore une fois, les libéraux ne donnent aux Canadiens qu'un élément de solution, au lieu d'une solution globale.

Le gouvernement libéral a toujours insisté sur la nécessité d'une réforme globale du droit de la famille, mais le projet de loi, encore une fois, ne traite que d'un petit élément d'un problème plus vaste. Les Canadiens ont besoin d'une approche globale qui puisse protéger les enfants des couples divorcés.

Je voudrais dire un mot de ce que comporterait selon moi une approche globale dans la modification de la Loi sur le divorce. Tout d'abord, la première étape serait une médiation obligatoire. On ne s'adresserait pas directement aux tribunaux.

Il arrive tellement souvent, devant les tribunaux, que les parents, par l'entremise de leurs avocats et souvent encouragés par eux, s'en prennent l'un à l'autre dans une lutte pour le partage des biens et la garde des enfants. En fin de compte, aucun des deux ne gagne. Inévitablement, ce sont les avocats qui sont les grands gagnants. Trop souvent, les enfants sont les grands perdants. La médiation atténuerait l'acrimonie du divorce, car les deux parties chercheraient un compromis. La plupart des parents souhaitent vraiment le mieux pour leurs enfants, mais les passions s'enflamment dans les affrontements que nous observons devant les tribunaux.

(1620)

La médiation encourage les parents à mettre de côté leur amertume et à servir les intérêts supérieurs des enfants. Il en résulte souvent une relation moins hostile entre les parents. Une bonne relation entre les parents est essentielle, car les enfants vivent et se développent grâce à la relation qui existe entre le père et la mère. Même après le divorce, le bien-être de l'enfant dépend directement du partage entre les deux parents des responsabilités à l'égard de leur enfant.

Ce matin, des députés d'en face ont dit qu'il était utopique de compter que les enfants aient deux parents. yJe ne parle pas d'une situation idéale. Je parle de la meilleure situation possible dans un procès de divorce très difficile.

Le second élément qui, à mon avis, devrait faire partie d'une réforme complète est l'accès des grands-parents à leurs petits-enfants. Les enfants doivent savoir que l'amour de leurs grands-parents paternels et maternels leur est assuré en dépit du divorce.

Une de mes électrices m'a envoyé une copie de la lettre qu'elle a adressée au ministre de la Justice et dont voici un extrait: «Je suis victime de votre indifférence pour les droits des grands-parents. Vous êtes tombé dans mon estime parce que vous ne voulez pas faire valoir les principes mêmes que vous prétendez défendre. Vous avez annihilé le droit inhérent d'enfants innocents à connaître les membres de leur famille immédiate. Vous n'avez pas tenu compte de l'opinion d'innombrables grands-parents qui ont personnellement souffert des lacunes de notre système judiciaire actuel.»


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C'est là une électrice avec qui je me suis entretenu plusieurs fois et à qui je n'ai malheureusement pas pu promettre que nous ferions ici quelque chose pour améliorer sa situation.

Que disent les spécialistes dans ce domaine? Voici ce que dit Jim Gladstone, professeur agrégé de travail social à l'Université McMaster, qui a étudié les relations entre les grands-mères et leurs petits-enfants après un divorce: «Un grand-parent peut offrir peut offrir un refuge matériel et émotionnel à l'enfant du divorce. Son rôle est d'autant plus important que les parents de l'enfant ont probablement eux-mêmes du mal à traverser cette période.»

Non seulement mon électrice, mais encore les prétendus spécialistes du domaine insistent pour dire qu'il est important que les grands-parents aient accès à leurs petit-enfants. C'est aussi affaire de bon sens. Les enfants du divorce ne méritent pas moins de garder leurs liens familiaux. En fait, durant ces moments difficiles, le maintien de tels liens est encore plus importants pour les enfants.

Dans un exercice global visant à modifier la Loi sur le divorce, des dispositions d'accès qui soient applicables constituent le troisième facteur à prendre en considération. Puisqu'il est question de garantir l'accès, je voudrais relater une situation que j'ai vécue il y a environ un an et demi. Chaque protagoniste dans cette affaire de divorce n'était pas au courant des démarches faites par l'autre. Le père et la mère sont venus me faire part de leurs griefs qui étaient très différents de part et d'autre.

La mère est venue la première. C'est elle qui avait la garde des enfants. Elle se plaignait d'avoir beaucoup de mal à payer le nécessaire à ses enfants. Cela s'expliquait en partie par le fait que le parent qui n'en avait pas la garde, le père, ne versait pas la pension alimentaire pour les enfants. En écoutant cette femme, j'ai compris les difficultés et le stress qu'elle vivait. Je comprenais évidemment qu'elle parle en termes très peu cordiaux de l'autre parent qui n'avait pas la garde des enfants et du fait qu'il ne versait pas la pension alimentaire. Elle a gagné ma sympathie. Elle vivait une situation très pénible, et c'était même difficile pour moi de l'entendre m'en parler. Je ne pouvais pas comprendre que le parent qui n'avait pas la garde, le père, refuse de verser la pension alimentaire de ses enfants.

(1625)

Puis, un peu plus tard, le père est venu me faire part de ses préoccupations. À mon avis, il ne savait absolument pas que la mère était venue me voir. Il était déchiré parce qu'on l'avait empêché de voir ses enfants, même si le tribunal lui avait reconnu ce droit. La mère, le parent qui avait la garde des enfants, l'avait empêché de les voir, même si cela faisait partie des conditions prévues dans le jugement de divorce. J'ai entendu l'autre version des faits. Le père, qui voulait désespérément entrer en contact avec ses enfants, avait refusé de verser la pension alimentaire parce qu'il voulait se prévaloir de l'accès qui lui était refusé.

Il est évident qu'en voulant légiférer sur les pensions alimentaires pour enfants, le gouvernement ne devrait pas s'employer à résoudre un seul aspect du problème. Il est très important qu'il prenne aussi en considération la question de l'accès, ce que ne fait absolument pas le projet de loi à l'étude. Je le répète, il s'agit d'une mesure fragmentaire, alors que nous avons besoin d'une mesure exhaustive. Le projet de loi à l'étude a donc très peu de valeur.

Il est très important que le parent qui n'a pas la garde des enfants puisse voir ceux-ci, comme en témoigne l'exemple que je viens de donner. Je l'ai déjà dit, les enfants existent et s'épanouissent grâce aux liens qui unissent un père et une mère. Je tiens à ajouter qu'ils s'épanouissent aussi grâce aux relations qu'ils entretiennent individuellement avec chacun de leur parent. Ces relations doivent constamment être renforcées à mesure que l'enfant grandit et mûrit. Cela est d'autant plus important si les parents ont divorcé et s'ils n'ont pas tous deux un accès continu aux enfants.

La relation entre les enfants et les deux parents constitue le fondement même de notre société. C'est ainsi que les valeurs et la culture sont protégées et transmises d'une génération à l'autre. Le maintien de ces liens est capital non seulement pour le développement des enfants, mais encore pour la stabilité sociale de notre société. C'est fondamental.

Les liens familiaux ont des effets considérables sur l'économie, la culture et la structure sociale. Leur importance est incommensurable.

Il est donc tout aussi important que les enfants dont les parents ont divorcé continuent d'avoir accès aux deux parents, à moins que les tribunaux n'aient déterminé qu'il existe des raisons substantielles particulières pour lesquelles l'un des parents ou les deux devraient se voir refuser l'accès aux enfants.

Malheureusement, le projet de loi C-41 ne règle pas le problème du manque d'équité dans l'exécution des ordonnances alimentaires. Revenons donc à la question des ordonnances alimentaires. L'une des principales lacunes du projet de loi C-41, c'est qu'il ne règle pas le problème du manque d'équité dans l'exécution des ordonnances alimentaires.

Le 5 avril 1995, le caucus du Parti réformiste a approuvé une déclaration sur les pensions alimentaires pour enfants, les paiements et les impôts. Dans cette déclaration, le Parti réformiste demandait l'établissement de lignes directrices nationales et le renforcement de l'exécution des ordonnances alimentaires. Comme je l'ai déjà dit, ce projet de loi répond à ces demandes dans une certaine mesure. Cependant, le Parti réformiste tient à ce que les dispositions soient justes. La question des pensions alimentaires pour enfants ne concerne pas seulement les femmes. C'est une question familiale.

(1630)

Le projet de loi C-41 voit à l'exécution des obligations alimentaires du parent qui n'a pas la charge de l'enfant, mais il ne fait rien pour voir à ce que le parent qui a la charge remplisse ses obligations face aux droits de visite, par exemple. C'est inacceptable.

Beaucoup de parents qui n'ont pas la garde refusent de verser les paiements parce qu'on les empêche de voir leurs enfants. Ce n'est pas rare. Cette situation provoque de la colère et affaiblit les liens entre les parents qui n'ont pas la garde et leurs enfants. Je sais que, s'ils pouvaient voir leurs enfants plus facilement, beaucoup plus de


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parents qui n'ont pas la garde rempliraient leurs obligations. Cela a d'ailleurs été confirmé par des gens qui ont une expérience considérable dans la recherche des parents qui n'ont pas la garde et qui ne paient pas les pensions alimentaires qu'ils sont tenus de payer. Ma collègue, la députée de Mission-Coquitlam, a donné des précisions à ce sujet ce matin. Il est clair que la plupart des parents veulent ce qui est le mieux pour leurs enfants.

Il y a aussi d'autres questions dont on n'a pas tenu compte dans ce projet de loi, mais je ne m'y attarderai pas.

Le processus qui consiste à mettre une loi en vigueur par décret est typique du gouvernement. Cela se fait constamment. C'est un processus non démocratique dont j'ai déjà parlé auparavant, et je n'en dirai pas plus long sur le sujet à ce moment-ci.

Une autre préoccupation que crée ce projet de loi, c'est qu'il pourrait porter atteinte à la vie privée du parent qui n'a pas la garde. Le projet de loi donne accès aux banques de données de Revenu Canada pour les renseignements concernant l'adresse et les sources possibles de paiement, mais il ne protège pas les autres renseignements contenus dans les dossiers de Revenu Canada. C'est déjà une préoccupation maintenant, et ce sera encore plus inquiétant une fois le projet de loi adopté.

Il y a ensuite la question de la révocation des passeports. Le projet de loi C-41 contient des dispositions permettant de révoquer le passeport d'une personne en défaut de paiement de la pension alimentaire de son enfant. Cela met la personne dans une situation délicate si elle doit aller à l'extérieur du Canada pour son travail. Comment une personne peut-elle travailler et payer la pension alimentaire de son enfant si elle ne peut pas se rendre à son lieu de travail?

Un électeur de ma circonscription m'a parlé des problèmes qu'il avait et m'a dit que le projet de loi empirerait sérieusement les choses. Il a dû quitter le pays pour travailler. Il ne pouvait pas trouver un emploi au Canada et n'avait pas les moyens de payer sa pension alimentaire, ce qu'il a pu faire en travaillant ailleurs qu'au Canada. Il craignait que le projet de loi l'empêche complètement de payer une pension alimentaire.

En s'opposant au projet de loi, le Parti réformiste n'appuie pas ceux qui ne paient pas la pension alimentaire de leurs enfants. Il est clair que ce n'est pas notre intention. Le problème, c'est que le projet de loi C-41 manque de substance et d'équité.

Les Canadiens attendent une stratégie globale apportant des changements qui bénéficient aux enfants de parents divorcés. En s'opposant au projet de loi, le Parti réformiste essaie de contraindre le gouvernement à procéder à une réforme globale de la Loi sur le divorce comportant notamment l'arbitrage obligatoire et définissant les droits de visite. Pour ce qui est des pensions alimentaires des enfants, le Parti réformiste croit que le bien-être de la famille doit être la première priorité, comme dans toute décision gouvernementale.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, à l'étape de la deuxième lecture.

Pendant la majeure partie du débat, aujourd'hui, les observations ont porté davantage sur les valeurs familiales que sur la substance du projet de loi. Le dernier orateur a soulevé des points intéressants au sujet du projet de loi, notamment s'il allait assez loin en ce qui concerne la saisie-arrêt sans préavis, la possibilité de rouvrir des ententes concernant les pensions et, bien sûr, la grille de détermination des montants de pension. Le député a parlé de questions d'équité et de la nécessité de modifier la Loi sur le divorce.

(1635)

En suivant le débat, j'ai constaté avec regret que de nombreux députés ont parlé de la disparition et de la rupture de la famille traditionnelle canadienne. Ils avaient également tendance à prendre à la légère la question du divorce et de la rupture des familles et ajoutaient que les unions de fait sont maintenant fréquentes. J'ai constaté très peu d'appui à la famille traditionnelle. Je craignais un peu que les Canadiens se demandent s'il y a quelqu'un ici qui parle au nom de la famille. J'ai quelques observations à formuler au sujet de la famille.

Quand je suis arrivé à la Chambre des communes et que je me suis joint au Comité permanent de la santé, l'un des premiers rapports que nous ayons examinés portait sur une stratégie pour le régime de soins de santé. L'un des énoncés les plus chargés de sens qu'on ait pu voir dans ce rapport de Santé Canada, c'est que nous dépensons environ 75 p. 100 de notre budget de la santé à des mesures curatives, pour régler des problèmes, et seulement 25 p. 100 à la prévention. Cette question de la prévention, par opposition au traitement des problèmes une fois qu'ils se sont manifestés, pourrait s'appliquer aussi à ce projet de loi et à bien d'autres qui sont soumis à la Chambre.

Je me rappelle de l'intervention que j'ai faite en cette enceinte sur le projet de loi C-10, la Loi portant pouvoir d'emprunt. La décision Thibaudeau venait juste d'être rendue. On a beaucoup parlé à l'époque de la famille et d'enjeux ayant trait à l'éclatement de la famille. C'était la première fois que je prenais la parole à la Chambre sans l'aide de mes notes. Je sais que de nombreux députés hésitent à dire ce qu'ils croient vraiment. Nous préparons nos textes, et les députés lisent parfois des discours tout faits. Je sais que, ce soir-là, j'ai pris la parole parce que je croyais vraiment à ce que je disais et que, au plus profond de mon âme, je savais de quoi je parlais. Je me souviens d'une chose que j'ai dite cette fois-là. J'avais dit que, si la famille était solide, on n'aurait plus de déficit. Ça fait un peu cliché.

Toutefois, j'ai entendu parler de la famille à maintes reprises depuis, à la Chambre, et je trouve qu'il y a quelque chose de terriblement mauvais qui est en train de se répandre dans notre société. Le respect de la famille se perd, et de plus en plus. On n'a plus de respect pour les familles qui choisissent de prendre soin des enfants à la maison. Quand on parle de projets de loi de ce genre, qui


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portent sur le divorce et l'application d'ordonnances de la cour pour le paiement de pensions alimentaires et la détermination des droits de visite, il faudrait penser à ce qu'on pourrait faire pour régler des problèmes qui sont rendus très graves.

Ce matin, une députée a pris la parole pour dire que, selon Statistique Canada, de 3 à 3,9 mariages sur 10 se terminaient par un divorce. Autrement dit, de 30 à 39 p. 100 des familles finissent par éclater. La députée a continué en disant que ce taux devrait peut-être se chiffrer à 50 p. 100, étant donné certaines des choses qui se passent dans les ménages qui tiennent encore ensemble. Cela m'a vraiment donné un coup et attristé de voir qu'il y avait parmi nous quelqu'un qui croyait qu'on devrait augmenter le taux de divorce pour régler les problèmes familiaux. Cela m'a semblé une solution paradoxale à un problème et cela m'a inquiété.

(1640)

Une nation solide est formée de familles solides. Quant à moi, cela ne fait pas de doute. Même si ce projet de loi porte sur des aspects de la rupture familiale, il est important d'avoir des règles équitables pour veiller à faire passer avant tout les besoins des enfants de ces familles brisées. Il s'agit là d'une priorité qui n'admet aucun compromis.

On parle beaucoup à la Chambre du terrible problème de la pauvreté chez les enfants et de la nécessité de faire quelque chose pour le régler. Tous les députés savent que si un couple avec enfants décide de se séparer, en supposant qu'il n'y a aucun autre changement dans leur situation financière, une chose importante va changer: quand deux personnes qui vivent ensemble décident, pour une raison ou une autre, de se séparer, il y a le coût d'une seconde résidence.

Les résidences coûtent à la plupart des familles environ 30 p. 100 de leur revenu disponible. Nous savons tous qu'il existe diverses catégories de résidences principales qu'on peut acquérir, mais même un simple appartement peut coûter, même dans cette ville, 500, 600 ou 700 $ par mois. Qui, dans cette enceinte, pourrait se permettre ces frais supplémentaires sans que le revenu familial n'en souffre ou du moins les revenus des deux personnes qui ont décidé de se séparer?

Il y a indubitablement des cas où la rupture familiale est une cause directe de la pauvreté chez les enfants, tout simplement parce que les deux parents n'ont pas des revenus suffisants pour assumer les frais d'une résidence supplémentaire. Lorsque la source est tarie, on aura beau adopter des lois sévères, prendre des mesures coercitives ou demander aux tribunaux de faire exécuter les ordonnances, on n'arrivera pas à augmenter les moyens financiers disponibles pour subvenir aux besoins de ces enfants.

La guerre contre la pauvreté chez les enfants est perdue d'avance si nous ne gagnons pas la bataille en faveur de la famille. Une famille unie et forte constituant l'unité économique de base de notre société est la solution à la pauvreté chez les enfants. J'en suis intimement convaincu.

La pauvreté chez les enfants est fonction de la décomposition de la société. Nous avons les moyens d'y faire échec et nous avons le droit de le faire.

Plus tôt aujourd'hui, un député a dit dans cette enceinte que nous nous devons nous comporter en adultes et avoir le courage de nous acquitter de nos responsabilités envers nos enfants, même lorsque notre mariage est en difficulté. De nos jours, le divorce semble trop facile et trop acceptable dans notre société. Il n'y a plus aucun respect pour la famille.

Si on y songe sérieusement, il n'y a aucun doute qu'une famille forte et saine est moins un fardeau pour les programmes sociaux, le système de justice pénale, le système de soins de santé et la productivité des entreprises et qu'elle leur coûte moins cher que les familles éclatées. Cela ne fait aucun doute.

Nous sommes en train de perdre la guerre contre la pauvreté chez les enfants, nous allons la perdre et nous ne ferons aucun progrès à cet égard si nous ne faisons pas de progrès en ce qui concerne la famille.

Il y a eu beaucoup trop de propos cavaliers dans cet endroit sur la situation de la famille, ainsi que sur la fréquence des divorces et des unions de fait. Il faut réaffirmer les valeurs sociales qui sont celles de notre société.

Notre régime fiscal a été aménagé à l'origine en fonction du rôle prédominant que jouait la famille dans notre société. Il y avait diverses déductions et des allocations familiales. Il y avait toutes sortes de dispositions donnant aux familles la latitude et les options voulues pour prendre soins de leurs enfants comme elles l'entendaient et pour diminuer le stress et les pressions subies par ces dernières, de façon à ce qu'il n'y ait pas autant de divorces et de séparations.

(1645)

Cependant, nous avons peu à peu modifié la Loi de l'impôt sur le revenu, à telle enseigne que cette loi est maintenant discriminatoire à l'égard des familles. Les députés savent que je présente presque quotidiennement une pétition affirmant que la gestion du foyer familial et le soin des enfants d'âge préscolaire constituent une profession respectable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

La Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'égard des couples qui décident de ne pas se séparer, à l'égard des familles qui s'occupent de leurs enfants, qui sont responsables et qui choisissent de surmonter les difficultés et de tenir bon.

Cet été, j'ai eu la chance de réfléchir à ma propre vie. Mon épouse et moi avons célébré notre 25e anniversaire de mariage au mois d'août. Nous nous sommes assis ensemble pour regarder les albums de photographies et pour parler à nos enfants. L'un d'eux est déménagé et a maintenant un emploi. Il y en a un autre qui est parti pour étudier à l'université et un autre qui habite avec nous et qui fréquente l'école secondaire.

Nous avons donc profité de cette occasion pour nous réunir et réfléchir à ce que représentait notre famille. Finalement, nous avons conclu que la famille était une somme de souvenirs. Une famille,


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c'est l'assurance que tous les membres seront présents pour célébrer les bons moments et qu'ils seront là aussi durant les moments difficiles. Dieu sait que nous sommes tous capables de traverser les épreuves. Cependant, il est beaucoup trop facile de dire non.

En fait, dans de nombreux États américains-et c'est peut-être même une exigence fédérale-, avant d'obtenir un divorce, toute personne doit participer à un programme de 12 semaines. C'est l'occasion de faire le point pour les couples qui songent à divorcer. Ils doivent faire face à la réalité et songer aux conséquences économiques, aux répercussions d'un divorce sur les enfants, à leur mode de vie, aux droits de visite et à la pension alimentaire qu'il faudra payer. Toute notre vie en sera affectée, c'est le moins qu'on puisse dire.

Tout le monde ici est d'accord pour dire que la rupture des familles avec enfants touche les enfants plus que n'importe qui. C'est justement la question.

L'aide sociale pour les familles monoparentales représente environ 80 p. 100 du revenu de ces familles, encore que je ne sois pas absolument sûr de mon chiffre. Cela signifie qu'il est difficile de défendre le point de vue que la rupture est une solution à quelque chose. En fait, c'est passer d'un problème important à un problème plus grave encore.

Je ne suis pas naïf. Je comprends très bien des choses comme la violence conjugale. J'ai été membre du conseil d'administration de Interim Place, un refuge pour femmes battues, pendant cinq ans. Je sais ce que c'est. Je sais en quoi consistent les mauvais traitements infligés au conjoint et aux enfants et je sais que, dans bien des cas, la meilleure chose, c'est la dissolution du mariage.

Notre responsabilité est de nous assurer que le parent qui a la garde des enfants et les enfants reçoivent l'aide nécessaire, indépendamment des conséquences pour la partie en faute, s'il y en a une. S'il y a un agresseur dans le couple et si c'est lui la cause du problème, lui qui a entraîné la rupture de la famille, alors il doit assumer la responsabilité de ses gestes.

Nous en revenons toujours au grand principe si important pour notre société: être responsables de nos actions ou de notre inaction.

Pour moi, la question de la violence conjugale est très importante. J'ai passé beaucoup de temps à travailler dans un refuge, comme trésorier, et à recueillir des fonds. Nous avons essayé de comprendre le problème. En tant qu'homme, j'ai constaté que j'étais souvent rejeté par certaines femmes qui se faisaient les avocates de femmes agressées. Il semble que certaines partent du principe que tous les hommes sont mauvais.

En tant que membre du conseil d'administration, c'était très difficile pour moi. Il a fallu deux ans avant que les autres me demandent ce que je pensais de certaines situations. Cependant, j'ai appris beaucoup et j'ai aussi appris beaucoup lorsque j'ai préparé le projet de loi sur les étiquettes de mise en garde à apposer sur les contenants de boissons alcoolisées. Ma recherche, qui est basée sur un rapport de 1995 du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, m'a montré que 50 p. 100 des cas de violence familiale dans notre société sont directement ou indirectement liés à l'abus d'alcool.

(1650)

Durant l'été, il y a eu un forum bilatéral sur la santé des femmes au Canada et aux États-Unis. Un des faits qui en sont ressortis, c'est que la violence conjugale coûte à la société canadienne quelque 4,2 milliards de dollars.

Face à pareille situation, nous sommes en droit de nous demander si l'on peut faire quelque chose pour y remédier. Je pense avoir entendu des députés dire qu'il nous fallait faire davantage. Ce «davantage», à mon avis, ne s'inscrit pas dans le contexte du projet de loi. Il va dans le sens de l'argument qui veut que nous cherchions de meilleures façons de prévenir les problèmes avant qu'il ne soit trop tard, que nous adoptions une attitude proactive, que nous passions à l'action et que nous mettions tout en oeuvre pour que nos familles, nos amis, nos connaissances ne viennent pas grossir ces tragiques statistiques. C'est une valeur que je fais mienne. C'est une valeur que partagent sans doute bon nombre de parlementaires ici présents.

J'ai entendu un député déclarer que les unions de fait étaient à la mode et qu'il n'y avait rien à redire à cela. Or, je sais que, si l'on jette un coup d'oeil sur l'incidence de la violence conjugale et que l'on compare les couples de fait et les couples mariés sur ce chapitre, on observe un rapport de deux contre un, c'est-à-dire que presque 66 p. 100 des cas de violence familiale se retrouvent chez les couples de fait. Force nous est de nous poser la question classique: pourquoi? Y a-t-il une raison à cela? Nous devons nous pencher sur ce genre de faits.

Lorsque l'occasion se présentera, j'espère que tous les députés se souviendront qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Les députés ici présents ont signalé des situations qui, même si elles débordent le contexte ou le champ d'application du projet de loi, sont susceptibles d'être redressées. J'espère que tous les députés, une fois sensibilisés, feront de leur mieux pour que les foyers brisés, les divorces et la nécessité de renforcer les lois pour faire exécuter les ordonnances alimentaires, les saisies-arrêts et les droits de visite ne constituent plus une priorité aussi grande comme c'est le cas en ce moment à la Chambre.

* * *

[Français]

LOI SUR LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI C-45-AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il a été impossible d'en arriver à un accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) ou (2) du Règlement relativement aux délibérations à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle).

En vertu des dispositions du paragraphe 78(3) du Règlement, je donne avis de mon intention de présenter une motion d'attribution de temps à la prochaine séance de la Chambre afin d'attribuer un


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nombre spécifié de jours ou d'heures aux délibérations à cette étape et aux décisions requises pour disposer de cette étape.

Des voix: Oh! Oh!

* * *

LA LOI SUR LE DIVORCE

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, si les réformistes pouvaient se taire, peut-être qu'on pourrait discuter du projet de loi.

Il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-41, la loi régissant les pensions alimentaires pour les enfants.

Comme nous le savons tous ici en cette Chambre, la sécurité, le bien-être et la santé de nos enfants devraient toujours être notre priorité. Étant moi-même chef de famille et mère de deux enfants, je suis bien placée pour prendre la parole aujourd'hui.

Nous nous devons de constater que la vie a bien changé depuis un certain nombre d'années et que de plus en plus de couples divorcent; c'est un fait. Lorsque j'ai entendu mon collègue de Mississauga-Sud parler du divorce comme s'il s'agissait d'une fatalité, je pense qu'un divorce est un choix.

(1655)

Quand on ne peut plus vivre ensemble, on est mieux de se séparer que de continuer à vivre ensemble et de faire vivre l'enfer à nos enfants. C'est vrai qu'il y a plus de divorces mais le divorce est un choix libre, c'est un choix qu'un homme ou une femme, ou les deux ensemble, font. Ils décident d'aller chacun de leur côté pour leur bien-être personnel mais aussi le bien-être de leurs enfants. On est en 1996, on n'est pas en 1930. C'est mon opinion personnelle, mais je pense que je reflète peut-être aussi beaucoup l'opinion de plusieurs de mes collègues.

Nous nous devons donc de constater qu'évidemment la vie a bien changé. Déjà pour les enfants c'est un choc terrible, un divorce, c'est sûr et certain. Parfois même les enfants prennent la complète et entière responsabilité de la décision de leurs parents, ils se sentent donc coupables du divorce et la vie leur est terriblement difficile.

Si en plus ces mêmes enfants n'ont pas toutes les ressources nécessaires pour grandir dans un environnement sain, ça nous donne les résultats que nous connaissons tous. La délinquance chez les enfants a pris des proportions énormes. Le parent, une femme de surcroît, en règle générale, souffre du manque de ressources financières et devient donc dépressive, ce qui rend la vie pénible pour ces mêmes enfants.

J'ai vu des cas tout à fait inacceptables. J'ai vu dans mon comté des situations où une mère de trois enfants voit arriver Noël et n'a aucune ressource. Elle cherche une façon de leur faire des cadeaux, de leur fournir des vivres pour le temps des fêtes. Des situations semblables se produisent parce que les ex-conjoints décident qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de payer la pension alimentaire, parce qu'ils sont trop occupés, parce qu'ils sont partis en voyage. C'est terrible de telles situations.

J'ai vu ça à plusieurs reprises. J'ai même vu à mon bureau de comté, un 24 décembre, une situation où j'ai dû chercher des ressources pour une mère et ses quatre enfants. Elle avait besoin de lait, de pain, de choses essentielles. Son conjoint avait décidé qu'il ne payait pas la pension, mais il était parti en Floride, et ça c'était tout à fait normal pour lui. Ce n'est pas toujours comme ça mais il y a beaucoup de situations où c'est comme ça que ça se passe, où c'est la réalité de la vie. Dans ces cas, il faut pouvoir faire face à une telle situation.

La pension alimentaire, pour moi, c'est une obligation première face aux enfants. Ainsi le Québec a adopté l'année dernière une loi pour s'assurer que dès qu'une pension alimentaire est octroyée, le régime prévoit le dépôt, l'enregistrement et l'inscription automatique des ordonnances de pensions alimentaires par le greffier de la cour supérieure où est entendue la cause. Pour les non-salariés, le régime exige le dépôt d'une sûreté équivalant à trois mois de pension. Pour les salariés, on a prévu une retenue à la source. Ces mesures visent à faciliter l'accès à la pension alimentaire.

J'aimerais vous citer un article qui a paru dans le journal Le Droit le 6 février 1995 et ça concerne le Québec. Je vous le cite donc: La ministre de la Condition féminine, Jeanne Blackburn, n'a pas tergiversé longtemps en vertu d'un projet de loi qu'elle vient de déposer à l'Assemblée nationale. Les montants des pensions alimentaires seront directement prélevés sur les chèques de paye des ex-conjoints. Pas à compter de l'an prochain ou dans six mois, mais dès avril prochain. Semblable mesure n'a absolument rien à voir avec le féminisme, le machisme ou le sexisme: elle relève de la justice la plus élémentaire et du simple bon sens.

Seulement 45 p. 100 des ex-conjoints (il faut savoir que 8 payeurs de pension sur 10 sont des hommes) s'acquitteraient correctement de leurs responsabilités; quant aux 55 p. 100 qui restent, ils représenteraient environ 25 000 mauvais payeurs.

Lorsqu'un divorce brise une famille, c'est la plupart du temps à la femme qu'échoit la garde des enfants. De difficile, sa vie devient misérable lorsque son ex néglige de payer sa pension alimentaire ou s'en acquitte seulement quand ça lui chante. Pourquoi tant d'hommes deviennent-ils irresponsables alors que la majorité d'entre eux sont parfaitement en mesure de payer? D'abord pour des motifs personnels, avance le Conseil du statut de la femme: le débiteur manque d'intérêt envers une vie familiale à laquelle il ne participe pas; il ignore ou veut ignorer les objectifs de la pension alimentaire; au vif ressentiment provoqué par le divorce, s'ajoute très souvent une rancune tenace, causée notamment par les conditions entourant les droits de visite des enfants.

(1700)

Le système de perception automatique demeure le moyen le plus efficace: l'un de ses avantages est qu'il n'oblige pas la créancière à faire appel au service de perception du gouvernement. Bien que ce dernier soit en général fiable, peu de femmes s'en servent: en 1993, moins de 6 p. 100 des créancières y ont recouru. Pourquoi? Une foule de raisons sans doute. Mais la peur de représailles d'un ex-conjoint, surtout s'il est violent, n'est certainement pas étrangère


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à cette attitude. Le projet de loi facilitera la vie aux femmes qui vivaient dans la pauvreté et la peur.

Un prévisible sentiment de frustration et de colère habitera peut-être ceux qui se font tirer l'oreille. Ce sont des égoïstes qui, bien que se sachant dans leur tort, veulent «punir» leur ex. Ils oublient que dans 94 p. 100 des cas, les enfants sont les bénéficiaires exclusifs du système de pension. D'ailleurs, on les voit mal manifester leur désaccord avec pancartes et tout le bataclan: ils ne feraient que s'attirer l'opprobre de 88 p. 100 de la population. C'est dans cette proportion que les répondants à un sondage se sont prononcés pour le projet de loi.

Les nouvelles dispositions ne permettront pas de rattraper tous les mauvais payeurs. Mais elles vont renforcer l'efficacité d'un système auquel les femmes avaient peur de recourir. En outre, la nouvelle loi devrait modifier le comportement des nouveaux débiteurs. Ce coup de barre n'a rien de révolutionnaire: trois autres provinces au Canada, dont l'Ontario, ont instauré elles aussi un système de déduction à la source.

C'est d'abord et surtout à cause des enfants que ce projet législatif devenait urgent. Il permettra à des milliers d'entre eux d'être plus en santé, de mieux manger, bref de recevoir le nécessaire dont ils sont privés. Trop d'enfants vivent en marge de la société dans des conditions parfois sordides. Sans être une panacée, la nouvelle loi devrait améliorer leur sort.

C'est une loi provinciale qu'on a au Québec.

J'ai aussi un autre rapport ici qui a paru dans La pauvreté des enfants au Canada, et j'aimerais peut-être vous faire part de quelques petites phrases dans ce rapport-ci.

On dit ici: Le nombre d'enfants pauvres a augmenté de 55 p. 100. Un nombre record d'enfants au Canada, 1,47 million d'enfants, vivent sous le seuil de la pauvreté. Plus d'un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre à l'heure actuelle. [. . .]

[. . .] Avec un taux de pauvreté de 60,8 p. 100, les enfants de familles monoparentales ont quatre fois plus de risques d'être pauvres que les enfants de familles biparentales. [. . .]

[. . .] Réalité: Dans plus de 70 p. 100 des cas, les femmes deviennent chefs de famille monoparentale par suite d'une séparation ou du décès de leur conjoint.

Il y a eu une augmentation de 69 p. 100 des enfants qui vivent dans des familles ayant besoin de l'aide sociale.

Plus de 1,1 million d'enfants vivent dans des familles qui ont eu besoin de l'aide sociale à un moment ou à un autre en 1994. L'augmentation de 69 p. 100, depuis 1989, s'explique par le plus fort taux de chômage et l'augmentation du nombre de travailleurs pauvres. Le nombre de familles ayant un revenu de moins de 40 000 $ par année a augmenté de 26 p. 100.

Quand on regarde tout ça et qu'on dit «jobs, jobs, jobs», disons que ça n'aide pas la cause des situations où ce sont encore les enfants qui paient le prix.

Nous sommes donc d'accord avec le principe du projet de loi, mais encore faut-il tenir compte des lois existantes dans les provinces, entre autres au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.

Le gouvernement fédéral a déposé ce projet de loi pour, si l'on peut dire, compléter les actions des autres gouvernements dans la lutte à la pauvreté.

En 1990, il y a eu 78 152 divorces de prononcés au Canada, donnant lieu à 48 525 jugements concernant la garde d'enfants. Également, en 1988, 98 p. 100 des bénéficiaires des paiements de pensions pour enfants étaient des femmes. Deux tiers des femmes divorcées avec trois enfants vivent sous le seuil de la pauvreté. Un enfant sur cinq ne mange pas à sa faim. Et je pourrais continuer comme cela très longtemps.

(1705)

Donc, j'ai dit que nous étions d'accord avec le fond de ce projet de loi. Par contre, et je dois le souligner, j'espère que j'ai assez de temps pour le faire, il y a certains aspects négatifs du projet de loi. Je pense qu'on doit le souligner ici. Il devrait y avoir des amendements, si on réussit à s'entendre avec le gouvernement. Ce pourrait être intéressant d'avoir une loi qui, un jour, pour une fois, fonctionnerait pour tout le monde, ce dont je doute, évidemment.

Tout d'abord, si un gouvernement provincial décide de mettre en place des lignes directrices pour sa province, ces dernières auront préséance sur celles du fédéral seulement si le gouverneur en conseil désigne par décret les lignes directrices de la province comme étant les lignes directrices applicables.

Le paragraphe 1(4) s'énonce comme suit:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner une province pour l'application de la définition de «lignes directrices applicables» au paragraphe (1) [..]
Ce que je veux souligner c'est ceci: le mot «peut» devrait être changé pour le mot «doit». Quand on dit qu'on peut, cela ne veut pas dire que c'est une chose absolue, alors que quand on dit qu'on doit par décret, on s'oblige si vous voulez.

Les provinces devront donc remplir les critères désignés par le fédéral à l'article 26.1 pour voir leurs lignes directrices être acceptées comme des lignes directrices applicables. Le gouvernement se garde ainsi un pouvoir discrétionnaire absolu quant à l'acceptation ou non du décret de l'article. Encore une fois, on peut voir le paternalisme habituel du gouvernement fédéral. Il faut faire très attention.

En conclusion, comme je l'ai dit, le Bloc québécois, en deuxième lecture, votera en faveur du projet de loi. Par contre, quelques modifications majeures devront être apportées pour rendre le projet de loi conforme au fameux fédéralisme flexible, comme toujours, et pour satisfaire les lois déjà existantes dans nos provinces.


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Parce que si on a une loi fédérale sur les pensions alimentaires qui vient encore chevaucher les lois qui existent déjà dans nos provinces, cela va encore pénaliser les femmes, pénaliser les enfants, pénaliser les familles parce qu'on va se tirailler pour savoir si c'est de juridiction fédérale ou provinciale. Cela va semer la confusion.

J'aimerais terminer là-dessus et dire que je suis contente qu'une initiative de cette importance soit prise par le gouvernement fédéral. Comme je le mentionnais un peu plus tôt, si nous réussissons à trouver des amendements qui plaisent à tous les partis de cette Chambre, peut-être aurons-nous fait un grand pas pour l'avenir de nos enfants et l'avenir des femmes, leur sécurité et le bien-être de tout le monde.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la députée a dit que nous sommes en 1996, pas dans les années 30. Ses autres observations mises à part, avec cette affirmation, elle a sommairement écarté la famille en tant que cellule fondamentale de la société. Les temps changent. Il faut s'adapter. Le divorce est chose courante, ce n'est pas un grand problème.

Les gens à la Chambre, à la tribune et ceux qui regardent les débats sur leur écran de télévision devraient savoir qu'il y a plus de députés à la Chambre qui honorent et respectent la famille et qui ont besoin de la famille que la députée ne l'a dit dans son discours. Des familles fortes font des pays forts, et la députée ne devrait pas rejeter la famille dans cet endroit.

Ma question porte sur une autre déclaration que la députée a faite. Elle a affirmé que, au Québec, la grille de paiements, la formule contribue grandement à régler le problème de la pauvreté chez les enfants. La députée sait bien que, si deux personnes qui gagnent un certain revenu se séparent et continuent d'avoir le même revenu, leur situation financière se détériorera pour une seule et unique raison. Deux personnes qui vivent séparées ont besoin d'une deuxième résidence, ce qui constitue une mesure très coûteuse pour ce qui est du revenu disponible.

(1710)

Comment la députée pense-t-elle que, d'une façon ou d'une autre, toute formule visant à répartir le revenu de deux personnes améliorera la situation des enfants lorsque ces deux personnes doivent assumer une lourde obligation additionnelle pour le reste de leur vie?

[Français]

Mme Guay: Monsieur le Président, je pense que le canal d'interprétation n'a pas bien fonctionné pour le Mississauga-Sud ou, en tout cas, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Je n'ai jamais dit que le divorce était une chose normale; par contre, il fait partie de notre culture et de notre société. Aujourd'hui, on le vit, c'est la réalité.

Pensez-vous qu'il faut forcer les gens à vivre ensemble aujourd'hui parce qu'il y a des enfants ou parce que c'est plus économique? Que faites-vous des sentiments? Que faites-vous des gens qui, vraiment, ont une incompatibilité? Que faites-vous des femmes violentées dont le mari les bat? Leur dira-t-on: «Non, non, non! ne partez pas de la maison, restez avec vos maris, vous serez mieux»? Voyons, monsieur le Président, ce n'est pas la réalité de la vie. La réalité de la vie c'est que, oui, on vit des divorces, mais personne ici en cette Chambre n'a le droit de porter un jugement sur un divorce. Cette décision appartient à deux personnes, et je n'ai pas porté de jugement là-dessus. J'ai simplement dit: «Oui, on a un taux effarant de divorce», mais on est en 1996; on n'est pas en 1930, je le répète.

Je suis très heureuse de savoir que l'honorable député de Mississauga-Sud est marié depuis 25 ans et qu'il est heureux avec ses enfants, c'est parfait, je le félicite parce que c'est drôlement rare aujourd'hui. On voit de plus en plus de familles monoparentales. Il y a des modifications à apporter à ce projet de loi et, j'en suis convaincue, si on réussit à s'entendre le projet de loi peut-être très bénéfique pour rassurer nos enfants et les femmes en particulier, parce que ce sont majoritairement des femmes qui sont à la maison avec les enfants lorsqu'il y a un divorce et qui sont prises pour les faire vivre. Elles sont obligées de quêter à leur ancien mari pour obtenir des sous pour faire vivre les enfants.

C'est une décision qu'on prend de faire des enfants. Faire des enfants est une décision qu'on prend à deux.

Je regrette que l'honorable député n'ait pas compris; peut-être que le canal d'interprétation fonctionnait mal, mais la réalité aujourd'hui, c'est ça, malheureusement, et on doit vivre avec.

[Traduction]

M. Szabo: Monsieur le Président, une fois de plus je reconnais que la députée a raison de dire que dans la plupart des cas de violence familiale, la chose qui convient de faire c'est de porter des accusations et mettre fin à cette union car personne ne devrait faire l'objet de ce genre d'abus. Ce dossier m'est très familier.

La députée a dit: «Et les sentiments dans tout ça?» Un de mes amis m'a raconté qu'il avait divorcé parce qu'il n'y avait plus d'amour entre lui et sa femme. Or, voilà que la députée est intervenue et a déclaré que quand une famille se disloque, il y a des enfants qui n'ont plus de quoi se nourrir.

Je voudrais poser une question très directe à la députée: Qu'est-ce qui lui importe: les sentiments conjugaux ou la nourriture à donner à un enfant? Ça ne peut être les deux à la fois. La députée doit choisir.

[Français]

Mme Guay: Monsieur le Président, je pense que l'honorable député de Mississauga-Sud est vraiment perdu aujourd'hui. En tout cas, il a un problème à quelque part de compréhension. Je ne suis pas ici pour faire de la religion, on parle de choses concrètes, on parle de familles, on parle de femmes avec des enfants. Oui, c'est important, des sentiments dans un couple. C'est important parce que ça réagit sur toute la famille, en particulier sur les enfants. Quand une femme est battue dans une maison, bien souvent les enfants le sont aussi, et c'est de la violence qu'on vit jour après jour.

L'honorable député me dit: «Ah, il faut faire cesser ça, il n'y a pas de problème, il faudrait que ça cesse.» Ça ne cesse pas comme ça, toutes ces histoires. Connaissez-vous une femmes, vous, qui a envie de se faire battre tous les jours? C'est sûr qu'il y a des choix à faire et qu'il y a des décisions à prendre. Ce que je ne comprends pas c'est que l'honorable député parle presque contre ce projet de loi alors


4960

qu'il vient de son propre gouvernement. Alors il y a quelque chose à quelque part de défaillant.

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour m'exprimer au sujet du projet de loi C-41 qui traite des questions relatives au divorce et aux paiements de pensions alimentaires.

Le vice-président: Je suis désolé. La présidence a oublié de faire quelque chose que l'on est censé faire avant 17 heures. Me permettez-vous de lire quelque chose qu'il faut signaler à l'instant?

(1715)

[Français]

Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de Parry Sound-Muskoka-La justice; l'honorable député de Saint-Boniface-Les communautés francophones; l'honorable député de Regina-Lumsden-Le prix de l'essence.

[Traduction]

M. Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, je prends la parole pour parler du projet de loi C-41, qui concerne certaines questions entourant le divorce et les pensions alimentaires pour enfants.

J'ai écouté avec intérêt le député de Mississauga-Sud, qui a parlé de façon éloquente et certainement passionnée de l'importance qu'il accorde à la famille et aux valeurs familiales, ce que j'apprécie au plus haut point. Cependant, il représente un parti qui forme la majorité à la Chambre et qui est justement capable de faire quelque chose pour renforcer les valeurs familiales, qui sont effectivement la pierre angulaire de notre société.

Il y a des choses qui ont été laissées de côté dans ce projet de loi, par exemple la façon dont la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire envers les couples mariés. Le fardeau fiscal très lourd est discriminatoire envers les couples mariés en ce sens qu'un deuxième emploi n'est plus un choix mais bien une nécessité. Nous pensons que cela contribue à l'éclatement des familles. De plus, il y a évidemment la non-reconnaissance du rôle très important que joue l'un des conjoints en restant à la maison pour s'occuper des enfants.

Par conséquent, même si je reconnais et j'apprécie l'attachement du député pour la famille, c'est une voix qui crie dans le désert et son opinion n'est pas partagée par la majorité de ses collègues. Il a même fait allusion au fait que, durant le débat aujourd'hui, un député a mentionné que le taux de divorce devrait peut-être être plus élevé. Ce qu'il n'a pas mentionné, c'est que cette remarque venait d'un député de son parti et certainement pas d'un député de mon parti.

Je crois qu'il est important de reconnaître que, lorsque nous abordons cette question, nous sommes devant une grande tragédie personnelle. Il devient nécessaire de parler de pension alimentaire pour enfant seulement lorsqu'il y a un divorce. La rupture d'un mariage est l'une des situations les plus douloureuses qu'une personne ait à traverser dans sa vie.

Malheureusement, le projet de loi C-41 n'est qu'une mesure fragmentaire alors qu'on aurait besoin d'une réforme en profondeur de la politique gouvernementale en ce qui concerne les familles. Le rafistolage que fait le gouvernement fédéral dans ce domaine qui relève en grande partie des gouvernements provinciaux peut satisfaire certains groupes d'intérêts qui savent se faire entendre, mais les changements proposés n'iront pas à la racine du problème des foyers brisés.

Nous avons cerné certains problèmes précis qui, selon nous, auraient dû être réglés avant que cette mesure législative ne soit adoptée. Il est clair que tous les parents veulent ce qui est le mieux pour leurs enfants. Même si leur mariage s'en va à la dérive, le bien-être des enfants demeurent la principale priorité des parents. Il est donc extrêmement important que, en tant que législateurs, nous comprenions l'impact émotif d'une telle situation et que nous fassions notre possible pour enlever du système judiciaire toute source de tension et d'irritation.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le Parti réformiste s'est déclaré favorable à la création d'un tribunal de la famille unifiée. Au lieu d'être portées devant deux ou même trois cours différentes pendant des procédures de divorce, toutes les questions touchant le droit de la famille seraient traitées par un seul tribunal et l'accent serait fortement mis sur la médiation.

Nous croyons que, dans ces situations difficiles, la loi doit être au service des parties et non pas constituer une cause supplémentaire de mécontentement. Malheureusement, le ministre n'a même pas encore commencé à examiner cet aspect important du droit de la famille.

Une des caractéristiques troublantes du projet de loi C-41 est l'insistance qu'il met sur des niveaux de paiement rigides des pensions alimentaires. Une année complète avant le dépôt du projet de loi, le Parti réformiste a proposé de publier des lignes directrices concernant les pensions. Nous avons dit qu'il serait possible de s'en remettre à Statistique Canada pour obtenir les données fondamentales concernant le coût moyen de l'éducation d'un enfant dans les grandes villes, les petites villes et les régions rurales. Les juges et les parties pourraient ensuite utiliser les données comme point de référence ou de départ dans les négociations visant à établir le montant des pensions.

Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait se garder d'intervenir dans les champs de compétence des provinces et donner aux juges le droit de rendre des ordonnances de pension finales en se fondant sur les principes éprouvés des besoins démontrés et de la capacité de payer.

Le projet de loi C-41 du ministre de la Justice impose une formule faite à Ottawa et qui ne permet pas aux juges d'accorder des pensions justes. La formule est inflexible et ne tient pas compte des besoins différents des familles.

(1720)

Une des lacunes de cette formule est qu'elle ne tient pas compte des dépenses directes effectuées pour les enfants par les parents qui n'en ont pas la garde. Ces dépenses comprennent le transport,


4961

l'alimentation, le logement et les loisirs pendant les jours de visite. La formule proposée par le ministre et ses fonctionnaires ignore ces facteurs, mais un juge en tiendrait compte.

Les enfants ont besoin de leurs deux parents. La garde, les droits de visite et la pension alimentaire sont des questions de compétence provinciale. Or, le projet de loi C-41 permettra au gouvernement fédéral d'aider les cours à recueillir des renseignements et à faire respecter les ordonnances de pensions alimentaires.

Nous appuyons cette initiative, mais nous croyons que le projet de loi doit permettre au gouvernement d'accorder son aide également en ce qui concerne l'accès dans les cas de garde. Lorsque les parents se servent de leurs enfants pour s'affronter, les grands perdants sont les enfants. La loi doit absolument refléter notre volonté d'assurer l'accès des enfants non seulement à l'argent de leurs parents, mais aussi à leur amour.

Nous avons dit que nous nous opposions au projet de loi parce qu'il ne tenait pas compte de certaines conséquences importantes du divorce. Je trouve encore plus inquiétante l'absence complète de solution aux problèmes sociaux plus graves que créent le divorce et la rupture des familles et qui nous ont obligés à nous occuper de la question des pensions alimentaires. Ces problèmes sous-jacents ont été aggravés par des politiques gouvernementales vieilles de plusieurs décennies qui, même si elles partaient d'une bonne intention, étaient néanmoins déficientes.

Les impôts progressifs qui ont pour effet de dissuader les gens de travailler davantage et les taxes qui abaissent le revenu familial réel sont des obstacles à la stabilité financière des familles. Les subventions aux garderies limitent les parents dans le choix des garderies. Les crédits d'impôt qui sont discriminatoires à l'égard des parents qui restent à la maison, y compris l'augmentation du supplément de revenu proposé dans le cadre de ces mesures, sont des exemples de décisions que prend le gouvernement à la place des parents, mais pas toujours dans l'intérêt de l'enfant.

Le gouvernement a reconnu d'autres types de relations comme équivalentes au mariage et a même, dans certains cas, accordé à ces partenaires des prestations versées à même l'argent des contribuables. Cette nouvelle politique a nui au statut spécial dont devrait jouir le mariage dans notre société.

Le gouvernement a ouvert les frontières à l'importation de matériel de plus en plus détaillé, violent et obscène qui nuit aux relations, qui avilissent les personnes et qui les privent de leur dignité. Nos institutions culturelles, dont beaucoup sont financées par les contribuables, enseignent un faux stéréotype de l'amour et du mariage en les décrivant comme des relations purement physiques. Ce n'est pas étonnant que tant de jeunes aient du mal à avoir des relations durables, car cela exige beaucoup plus.

Les réformistes croient en des impôts plus bas, plus uniformes et plus équitables. Nous appuyons le mariage en tant qu'institution spéciale et que condition favorable à l'éducation des enfants. Nous sommes en faveur de subventionner les parents, et non pas les garderies. Nous croyons en une société où les activités, le comportement et le matériel qui nuisent à la solidité des familles sont contrôlés ou interdits.

La société souffre terriblement de l'absence de leadership dans ce domaine. Je ne puis me rappeler à quand remonte la dernière fois qu'un député fédéral a pris la parole pour vanter les vertus du mariage et de la famille, ainsi que l'importance des parents dans l'éducation de la prochaine génération. Les libéraux ont passé plein de temps à parler de la valeur des autres types de relations, mais n'ont pas dit un mot à propos du mariage.

L'an dernier, j'ai eu l'honneur et le privilège d'assister à de nombreux anniversaires de personnes qui fêtaient leur cinquante ans de mariage. La Seconde Guerre mondiale a pris fin en 1946. Les braves jeunes qui ont eu la chance de rentrer au Canada se sont mariés et ont commencé une nouvelle vie. Grâce à leurs efforts et à leur persévérance, ils ont réussi à établir des relations durables qui devraient servir de modèle aux jeunes d'aujourd'hui. Nous avons beaucoup à apprendre de ces couples dont les partenaires ont fait preuve d'un tel amour et d'un tel engagement l'un envers l'autre.

Peut-être que, pour quelques-uns, il n'y a pas d'autre solution que le divorce, mais, pour beaucoup, l'importance du mariage a été tellement diminuée par cette société de gaspillage que le divorce semble être devenu la solution facile et raisonnable. Trop souvent, cependant, les principales victimes de cette nouvelle option, de ce pis-aller, sont le enfants.

(1725)

Si nous croyons en l'importance d'avoir des familles fortes, nous devons avoir un leadership ferme qui défend ce que nous croyons juste. Au cours des trois dernières années, j'ai entendu beaucoup de députés à la Chambre parler de la pauvreté qui frappe les enfants. Aujourd'hui, je les appuie, quand ils disent que la pauvreté chez les enfants est un grave problème au Canada.

Ce n'est pas un problème économique, comme certains le prétendent. En fait, notre société est assez riche. Il n'y a pas de raison que les familles, même celles qui ont les revenus les plus bas, ne puissent combler leurs besoins fondamentaux. La pauvreté dont je parle est affective et spirituelle. C'est ce que vit un enfant de parents divorcés. En ne voyant qu'un seul parent à la fois, les enfants du divorce souffrent d'une carence affective.

Une multitude d'études l'ont constaté et ont démontré que la vie est bien plus dure pour ces jeunes. Les enfants du divorce ont plus de chances de mal réussir à l'école ou d'abandonner l'école, de faire usage de drogues, de commettre des infractions, d'être déprimés, d'être victimes de maladies mentales ou suicidaires et d'avoir des problèmes dans leurs relations interpersonnelles, risquant davantage, notamment, de divorcer et d'avoir des problèmes de violence familiale à leur tour.

Les mesures de soutien des enfants ne doivent pas se limiter à la pension alimentaire. Il faut combler tous les besoins des enfants, y compris leur besoin d'avoir de l'amour et de l'attention de la part de leurs deux parents.

Les réformistes font preuve de leadership sur la question de la pauvreté chez les enfants en s'attaquant à la racine du problème, l'éclatement de la famille. Si le gouvernement libéral et le ministre de la Justice croient que les Canadiens ne s'intéressent pas à ce problème fondamental, que les Canadiens ne veulent employer qu'un placebo comme le projet de loi C-41 pour soigner l'un des symptômes du mal, ils devraient y réfléchir encore un peu.


4962

Les Canadiens se préoccupent de la famille. Ils s'inquiètent au sujet de la pauvreté chez les enfants. Ils tiennent à préserver leurs quartiers et leurs collectivités. Ce qui les intéresse moins, c'est le gros gouvernement impersonnel, ses impôts élevés, la manipulation qu'il fait de la société et l'ingérence dont il se rend coupable.

Ce n'est pas en créant d'autres programmes et d'autres dépenses qu'on réglera ce problème. Il faut faire preuve de leadership et apporter les changements législatifs nécessaires pour avoir un début de solution. Je demande à tous les députés de se joindre à moi pour s'opposer au projet de loi C-41.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Je félicite mon collègue de l'exposé qu'il vient de faire.

J'ai une question à lui poser. Un peu plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu un ministériel se vanter du nombre de projets de loi de nature judiciaire que le gouvernement avait présentés à la Chambre. En ce qui concerne la réforme de la Loi sur le divorce, nous nous attendions à une mesure législative globale traitant en profondeur d'un vaste éventail de questions. Et tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant c'est une mesure fragmentaire qui ne porte que sur un aspect de la question. J'aimerais que le député dise ce qu'il en pense.

Par ailleurs, la députée de Halifax a suggéré que le taux de divorce serait probablement plus élevé si un plus grand nombre de personnes ne restaient pas prisonnières de mariages qui ne valent pas la peine d'être sauvés. Puis il y a eu le député de Mississauga qui a dit que des changements beaucoup plus substantiels étaient nécessaires. Et pourtant tous ces députés sont des ministériels.

Le gouvernement a le pouvoir de faire les modifications qui s'imposent au lieu de se contenter de faire du bricolage avec tous ces différents projets de loi qui n'ont pas grand effet. J'aimerais également savoir ce que le député pense de ça.

M. Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Végréville de sa question.

Ce qui ressort de ce projet de loi est un manque de détermination de la part du gouvernement qui refuse de s'attaquer aux vrais problèmes que sont le divorce et l'éclatement des familles. Comme bien d'autres projets de loi, celui-ci est une demi-mesure qui essaye de ménager la chèvre et le chou et de satisfaire tout le monde. La tragédie est que, bien entendu, il ne s'attaque pas à la racine du problème.

Nous avons reçu aujourd'hui plus d'une centaine d'athlètes olympiques. Ce sont des modèles de détermination et d'engagement qui ont surmonté de multiples obstacles pour devenir les meilleurs au monde. L'engagement et la détermination que nous avons vus aujourd'hui chez ces athlètes canadiens est ce qui manque aux ministériels d'en face. Ils devraient faire preuve de la même détermination et du même engagement à l'égard de la cellule familiale de base et du rôle important qu'elle joue dans ce grand pays qui est le nôtre. Ces sentiments leur font cruellement défaut et j'aimerais pouvoir les leur communiquer.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le débat porte sur le projet de loi C-41 dont le titre est très long. Il s'agit d'une loi qui modifie quatre autres lois. Le but véritable de ce projet de loi est de faire respecter les ordonnances alimentaires afin que les parents n'ayant pas la garde de leurs enfants continuent de pourvoir financièrement aux besoins de ceux-ci.

Les principales dispositions du projet de loi visent à établir des lignes directrices sur les pensions alimentaires afin que l'allocation des pensions alimentaires se fasse de manière plus exacte et plus uniforme. Ce projet de loi accordera un accès aux bases de données de Revenu Canada afin qu'on puisse trouver les parents en défaut. Il permettra aussi la saisie des prestations de retraite des anciens employés de la fonction publique. Enfin, il prévoit le refus de certaines autorisations fédérales. Celles-ci sont définies de telle sorte qu'elles comprennent aussi les passeports.

Le projet de loi vise donc à donner du muscle à la loi afin que les parents contraints par une ordonnance alimentaire de subvenir financièrement aux besoins de leurs enfants le fassent vraiment.

Voilà donc les quatre principaux points à l'étude aujourd'hui, et je voudrais les examiner un à un. Cependant, monsieur le Président, je ne crois pas avoir le temps de le faire. Je vous demande donc la permission d'y revenir demain. La question est délicate. Nous parlons d'enfants, de familles, de divorce et de toutes les difficultés que cela peut entraîner. Nous devons donc faire preuve d'équilibre et de prudence. C'est ce que j'essaierai de faire demain.

Le vice-président: La députée de Calgary-Nord aura le droit de parole lorsque nous reprendrons le débat sur cette question demain.

* * *

[Français]

LA LOI MARITIME DU CANADA

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 septembre 1996, de la motion: Que le projet de loi C-44, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritime, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence, soit renvoyé au Comité permanent des transports.

Le vice-président: Comme il est maintenant 17 h 30, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de M. Anderson sur le projet de loi C-44.

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)


4963

(Vote no 131)

POUR

Députés
Ablonczy
Adams
Allmand
Anderson
Arseneault
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Baker
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Benoit
Bernier (Beauce)
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Bodnar
Bonin
Boudria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Brushett
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Copps
Cowling
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Discepola
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Forseth
Frazer
Fry
Gaffney
Gagliano
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Grey (Beaver River)
Grose
Grubel
Guarnieri
Hanger
Harb
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
MacAulay
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marleau
Massé
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McCormick
McKinnon
McTeague
McWhinney
Meredith
Mifflin
Milliken
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien (Labrador)
O'Brien (London-Middlesex)
Paradis
Parrish
Payne
Peric
Peterson
Pettigrew
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Ramsay
Reed
Richardson
Rideout
Robillard
Rock
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Simmons
Skoke
Speaker
Speller
Steckle
Stewart (Brant)
Strahl
Szabo
Telegdi
Thalheimer
Thompson
Torsney
Ur
Valeri
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Williams
Wood
Zed-161

CONTRE

Députés
Althouse
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Brien
Canuel
Chrétien (Frontenac)
Daviault
de Jong
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Epp
Fillion
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Landry
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
Ménard
Mercier
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Robinson
Rocheleau
Sauvageau
Solomon
Taylor
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
White (North Vancouver)-51

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Alcock
Asselin
Bakopanos
Caron
Cauchon
Crête
Dalphond-Guiral
Fontana
Keyes
Lalonde
Langlois
Lebel
Loubier
O'Reilly
Patry
Peters
Pomerleau
Young

(1800)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des transports.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le vice-président: La Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la deuxième lecture du projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction.

M. Boudria: Monsieur le Président, si la Chambre le veut bien, je propose que vous demandiez le consentement unanime des députés qui ont voté sur la motion précédente pour que leur vote soit enregistré comme s'ils avaient voté sur la motion actuellement


4964

devant la Chambre. Les députés libéraux voteront en faveur de la motion.

[Français]

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

M. Laurin: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois voteront pour ce projet de loi.

[Traduction]

M. Strahl: Monsieur le Président, les députés du Parti réformiste voteront non, à moins qu'ils n'aient des instructions différentes de leurs électeurs.

M. Solomon: Monsieur le Président, les néo-démocrates présents à la Chambre cet après-midi voteront contre la motion.

M. Bernier (Beauce): Monsieur le Président, je vote en faveur de la motion.

M. Nunziata: Monsieur le Président, je vote en faveur de la motion.

M. Easter: Monsieur le Président, je voterai en faveur de la motion.

M. Bhaduria: Monsieur le Président, je vote en faveur de la motion.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, je vote en faveur de la motion.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 132)

POUR

Députés
Adams
Allmand
Anderson
Arseneault
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bachand
Baker
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brushett
Byrne
Calder
Campbell
Cannis
Canuel
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Copps
Cowling
Culbert
Cullen
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finestone
Finlay
Flis
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier

Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Karygiannis
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Landry
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
MacAulay
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marchand
Marleau
Massé
McCormick
McKinnon
McTeague
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murray
Nault
Nunez
Nunziata
O'Brien (Labrador)
O'Brien (London-Middlesex)
Paradis
Paré
Parrish
Payne
Peric
Peterson
Pettigrew
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Robillard
Rocheleau
Rock
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Simmons
Skoke
Speller
Steckle
Stewart (Brant)
Szabo
Telegdi
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Zed-178

CONTRE

Députés
Ablonczy
Althouse
Benoit
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
de Jong
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Jennings
Johnston
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Ramsay
Robinson
Schmidt
Solomon
Speaker
Strahl
Taylor
Thompson
White (North Vancouver)
Williams-36

4965

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Alcock
Asselin
Bakopanos
Caron
Cauchon
Crête
Dalphond-Guiral
Fontana
Keyes
Lalonde
Langlois
Lebel
Loubier
O'Reilly
Patry
Peters
Pomerleau
Young

(1805)

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

______________________________________________


4965

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LE RETOUR AU CANADA DE KARIM NOAH

M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement canadien devrait faire toutes les pressions politiques appropriées auprès du gouvernement égyptien pour assurer le retour immédiat au Canada de Karim Noah, fils de Mme Micheline Tremblay, résidente du comté de Rosemont, qui a été enlevé illégalement le 17 janvier 1993 par son père, M. Moustafa Nouh, et déplacé de façon illicite vers l'Égypte.
-Monsieur le Président, je voudrais d'entrée de jeu, étant donné que je m'appelle moi-même Tremblay, vous mentionner, mentionner à mes collègues et à tous ceux qui nous écoutent que Mme Micheline Tremblay n'a aucun lien de parenté avec moi.

Par ailleurs, c'est une résidente du comté de Rosemont, et si j'ai présenté cette motion, le 28 février dernier, et que nous avons enfin ce débat aujourd'hui, c'est dans l'espoir de faire bouger le gouvernement canadien afin qu'il apporte un soutien réel aux démarches d'une mère, Mme Tremblay, qui se bat depuis bientôt quatre ans pour retrouver son fils et le rapatrier au Canada.

Mme Tremblay souhaite vivement une intervention politique du gouvernement canadien, parce qu'elle est convaincue que toutes les démarches juridiques qu'elle a entreprises et qu'elle continue de mener en Égypte seront insuffisantes pour lui permettre de rapatrier son fils ici.

(1810)

Il faut savoir que son ex-conjoint, M. Moustafa Nouh, en enlevant son enfant et en l'emmenant en Égypte, a violé à la fois le Code criminel canadien, le droit civil québécois, la Convention des Nations Unies sur les droits des enfants, la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.

Or, malgré ces violations claires du droit, Mme Tremblay a été incapable de revoir son fils pendant plus de trois ans, son ex-conjoint n'a pas été arrêté et le gouvernement canadien a continué de répéter qu'il ne pouvait pas intervenir dans le dossier. C'est incroyable mais c'est vrai et je suis convaincu que les gens qui nous écoutent ont de la difficulté à me croire, qu'ils se demandent comment un pays comme le Canada peut laisser bafouer ses lois et les droits de ses citoyens et de ses citoyennes d'une telle façon.

Je suis aussi convaincu qu'ils se demandent comment un pays comme l'Égypte accepte d'être un lieu d'immunité pour un kidnappeur d'enfant, un lieu où les lois criminelles ne peuvent pas l'atteindre.

En fait, une bonne partie de l'explication tient au contexte juridique des relations entre l'Égypte et le Canada à l'égard de ce genre de situation et à l'absence de volonté politique de changer la situation de la part des deux gouvernements.

Permettez-moi de vous expliquer en quelques mots le contexte juridique. Nous reviendrons par la suite sur la nécessité et l'urgence d'une volonté politique dans ce dossier.

L'ex-conjoint de Mme Micheline Tremblay, M. Nouh est un citoyen canadien d'origine égyptienne. En fait, il est à la fois citoyen canadien et citoyen égyptien. Lorsqu'il est en Égypte, il est traité comme un citoyen égyptien, ce qui lui procure dans les faits une double immunité à l'égard des accusations portées contre lui: une première immunité à l'égard des accusations criminelles parce que le Canada n'a pas signé de traité d'extradition avec l'Égypte. Alors la police se retrouve, dans les faits, pratiquement incapable d'arrêter l'accusé. Voyons ces faits.

Après une enquête sur les circonstances de l'enlèvement de Karim le 17 janvier 1993, des accusations criminelles ont été portées au Canada contre le père, Moustafa Nouh. Un mandat d'arrestation a été émis et la police canadienne a demandé la collaboration d'Interpol. Cette procédure habituelle ne donne cependant pas nécessairement lieu à une recherche active de l'accusé. L'essentiel du travail doit être réalisé par les policiers locaux, dans notre cas les policiers de la Communauté urbaine de Montréal, qui demandent la collaboration des autres corps policiers lorsqu'ils détiennent des indices sérieux.

Or, comme il n'existe pas de traité d'extradition entre l'Égypte et le Canada, il est impossible à la police canadienne de ramener l'accusé devant la justice à partir de l'Égypte. Moustafa Nouh doit donc être identifié et arrêté lors d'un séjour dans un autre pays, un pays avec lequel le Canada aurait un traité d'extradition.

L'enquête devant mener à une telle arrestation est très longue et difficile puisqu'elle implique de connaître les déplacements internationaux de l'accusé. Tout cela doit se faire sans la collaboration des autorités égyptiennes.

C'est facile à comprendre que dans ces conditions Moustafa Nouh peut continuer de circuler en toute liberté et en toute impunité en Égypte, et probablement à l'étranger, malgré les accusations criminelles portées contre lui au Canada.


4966

En fait, M. Nouh a une deuxième immunité, c'est-à-dire que sur un deuxième aspect il ne peut pas être atteint par les lois québécoises et canadiennes, et cette fois c'est à l'égard de l'ordonnance concernant les droits de garde de l'enfant. Sur les questions relatives à la garde d'un enfant, ces questions-là relèvent du droit civil, dans ce cas des lois civiles québécoises, et c'est comme ça dans chaque pays.

(1815)

Mais il existe une convention internationale visant à faire respecter les ordonnances de garde lorsqu'il y déplacement illicite d'un enfant par un des parents. Cette convention prévoit le retour immédiat de l'enfant dans son lieu habituel de résidence et reconnaît la compétence des tribunaux de ce lieu sur toutes les questions relatives aux droits de garde.

L'Égypte n'a pas signé la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et le Canada n'a pas jusqu'à maintenant pallié ce manque par une convention bilatérale avec l'Égypte. Même si l'Égypte n'a pas signé cette convention internationale, certains pays dont la France, par exemple, ont une entente avec l'Égypte et tous les ressortissants français ont la protection de cette convention.

C'est ce que le gouvernement canadien devrait faire, c'est ce que le gouvernement canadien nous a promis à plusieurs reprises. On nous dit qu'on tente de le faire, mais on tarde, et pendant ce temps-là des situations aussi dramatiques que celle de Mme Micheline Tremblay continuent de se vivre.

Si l'Égypte avait signé la convention internationale ou si tout simplement le Canada avait une convention bilatérale avec l'Égypte, les procédures auraient été relativement simples et peu dispendieuses, rapides aussi. En fait, Karim aurait été rapatrié après quelques semaines et remis à sa mère, alors que Moustapha Nouh aurait été dans l'obligation de venir faire valoir ses droits sur l'enfant au Canada, selon les lois québécoises et canadiennes.

Dans les faits, ce n'est malheureusement pas ce qui s'est passé. Mme Tremblay s'est retrouvée dans la situation absurde où la police était incapable d'arrêter le kidnappeur faute de l'existence d'un traité d'extradition avec l'Égypte, et le gouvernement canadien affirmait ne pouvoir rien faire parce qu'il n'avait pas signé de traité ni de convention avec l'Égypte.

La seule voie suggérée à Mme Tremblay fut de lui dire de tenter par elle-même de faire valoir ses droits auprès des tribunaux égyptiens selon les lois égyptiennes. Il faut savoir que de telles démarches exigent des sommes considérables en frais d'avocat et en frais de voyages; rappelons-nous qu'il s'agit pour la mère de se rendre en Égypte lors de chacune des comparutions devant le tribunal et qu'il n'existe aucun programme pour aider financièrement les victimes.

Heureusement, Mme Tremblay a pu bénéficier au point de départ de la solidarité de ses collègues de travail à la Banque nationale, à Montréal, qui ont organisé une collecte de fonds pour lui permettre d'entreprendre les démarches juridiques. Mais il s'agit de démarches longues et coûteuses qui ne peuvent en aucun cas être assumées par une personne seule.

D'autre part, l'Égypte est un pays musulman dont les coutumes et les lois sont fort différentes des nôtres, ce qui rend les chances d'obtenir, dans le cas de Karim, une ordonnance de retour au Canada à peu près nulles. Je vous donnerai un seul exemple qui illustre bien cette situation.

Comme Karim est un garçon et que le père est musulman, selon la loi égyptienne, l'enfant doit être élevé selon la religion musulmane. Dans le cas de Mme Tremblay, son fils Karim a été baptisé selon la religion catholique, ce qui constitue un manquement grave à son devoir selon la loi égyptienne. Voilà pourquoi son avocate lui a demandé de faire les démarches pour annuler le baptême de son fils si elle voulait augmenter ses chances d'obtenir la garde de son enfant selon les tribunaux égyptiens.

Vous imaginez facilement qu'il y a toute une série de coutumes et d'aspects comme ceux-là qui rendent pratiquement impossible le retour de Karim si on respecte entièrement la loi égyptienne.

Par ailleurs, même si nous pouvons tous comprendre que des pays différents ont des lois différentes, des coutumes différentes et des religions différentes et que nous respectons cette réalité, il faut comprendre que nous sommes ici devant une situation où des conjoints canadiens ont eu un enfant canadien qui a été élevé selon les lois canadiennes et québécoises avant qu'il ne soit kidnappé et emmené dans le pays d'origine du père.

(1820)

Les lois sont claires, les conventions internationales sont claires. Si le père veut retourner dans son pays d'origine, il doit faire valoir ses droits sur l'enfant devant les tribunaux canadiens et québécois. Or, dans les faits, après avoir commis un acte doublement illégal, le père se retrouve en Égypte avec l'enfant, et la mère doit aller là-bas faire valoir ses droits devant les tribunaux égyptiens. En fait, c'est le monde à l'envers, et tout ce que le gouvernement canadien trouve à dire c'est qu'il ne peut pas intervenir.

Vous comme moi, comme toutes les personnes qui nous écoutent en ce moment, comprenons que c'est absurde et que c'est faux.

Mme Tremblay souhaite une intervention politique, nous l'appuyons dans sa démarche, avec plus de 2 000 citoyens et citoyennes de Rosemont qui ont à ce jour signé une pétition de soutien à son action.

Ces dernières années, le Canada s'est enorgueilli d'avoir été un pays ayant pris de nombreuses décisions en vue d'assurer un avenir meilleur aux enfants. La semaine dernière encore, le ministre des Affaires étrangères s'enorgueillissait de l'action internationale du Canada à l'égard des enfants auprès de la 51e assemblée générale des Nations Unies.

Nous voulons lui donner ici une toute petite occasion de mettre en pratique ses beaux discours. Nous avons la conviction qu'il peut agir, nous voulons qu'il agisse maintenant.

Notre conviction que le gouvernement canadien peut agir a été grandement renforcée par ce que nous avons vécu en juin dernier. En fait, le débat que nous avons aujourd'hui, nous aurions pu l'avoir le 12 juin dernier. Mais comme nous avons fait savoir que ce débat aurait lieu au même moment où Mme Tremblay était en Égypte, eh bien, pour la première fois en trois ans et demi ça a bougé là-bas.


4967

Le 11 juin, j'ai reçu un télégramme me demandant de retarder le débat. Effectivement, pour la première fois Mme Tremblay a pu voir son enfant pendant quelques heures en présence de son père. Les autorités avaient bougé.

Mais si nous tenons ce débat aujourd'hui, c'est parce que les autorités ont arrêté de bouger. La collaboration initiale est complètement insuffisante pour régler le cas rapidement. Après ce premier déblocage, les suites espérées n'ont pas eu lieu. C'est pourquoi nous continuerons de faire circuler la pétition et nous continuerons de faire des pressions politiques.

Nous voulons que le gouvernement canadien agisse rapidement pour rapatrier Karim, mais aussi pour signer une convention pour éviter d'autres cas comme celui-là.

Si vous me le permettez, en terminant, je voudrais rendre hommage au courage et à la détermination de cette mère, Mme Micheline Tremblay, qui lutte depuis près de 4 ans pour retrouver son fils. Je souhaite qu'elle nous inspire à tous un grand élan de solidarité pour faire bouger ce gouvernement.

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Présidente, d'entrée de jeu, j'aimerais remercier le député de Rosemont d'avoir proposé cette motion et ce débat sur l'enlèvement du fils de Mme Micheline Tremblay. Je voudrais tout d'abord dire que le gouvernement partage la frustration du député ainsi que la peine de Mme Tremblay qui tente de revoir et de retrouver son fils depuis si longtemps.

[Traduction]

Le ministère des Affaires étrangères fait des efforts constants depuis le 4 février 1993, date à laquelle Mme Tremblay nous a avisés de l'enlèvement de son fils. Karim Nouh est le fils de Mme Micheline Tremblay et de M. Moustafa Nouh. Il a été enlevé par son père et emmené en Égypte au début de 1993. À l'époque, Mme Tremblay et M. Nouh étaient séparés et avaient accepté la garde conjointe de leur fils, né le 14 juin 1989. À la suite de l'enlèvement, un mandat d'arrêt canadien, puis international, a été émis à l'endroit deM. Nouh.

(1825)

[Français]

Après l'enlèvement de son fils, Mme Tremblay a effectué le premier de plusieurs déplacements en Égypte et a entamé une procédure judiciaire pour faire reconnaître ses droits de garde par les tribunaux égyptiens. Tout au long de cette démarche, elle a reçu l'aide du ministère des Affaires étrangères et celle du personnel de l'Ambassade du Canada au Caire.

Elle n'a malheureusement pas réussi à faire reconnaître ses droits à la garde de son enfant par les tribunaux égyptiens, mais a obtenu en définitive de ceux-ci un droit de visite, ce qui est déjà une réussite exceptionnelle. Grâce aux multiples efforts de l'Ambassade du Canada au Caire et à la collaboration des autorités égyptiennes, l'endroit où se trouvait l'enfant a finalement été confirmé, et Mme Tremblay a pu visiter son fils le 18 juin dernier.

Interpol Égypte, sensible au malheur de cette mère, a mis toutes ses forces à contribution pour trouver Karim et a collaboré étroitement avec le personnel de l'Ambassade pour que Mme Tremblay puisse avoir accès en toute sécurité à son fils.

[Traduction]

Le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'ambassade du Canada au Caire, aide directement Mme Tremblay dans ses efforts pour récupérer son fils. Nous sommes résolus à poursuivre nos efforts et notre aide.

Au cours des années, nous avons fait de très nombreuses interventions auprès des autorités égyptiennes. Notre ambassade au Caire suit tous les aspects possibles du bien-être de Karim. Elle est toujours disponible pour le père et tient des réunions régulières avec le ministère des Affaires étrangères égyptien et Interpol Égypte en vue de trouver une solution.

[Français]

Il existe un certain nombre de cas tragiques comme celui de l'enlèvement de Karim Noah par son père, des cas où un enfant né au Canada est enlevé puis emmené à l'étranger en contravention des lois canadiennes et sans l'accord d'un des parents qui en ont la garde. Il s'agit là d'un important problème international, qui ajoute aux souffrances occasionnées par la désintégration de la famille et la séparation. Il touche de nombreux pays.

Le Canada se trouve au premier rang des pays qui cherchent une solution. Je suis peiné que nos efforts et ceux de tous les autres pays intéressés n'aient pas permis de trouver une solution efficace. Le gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts, non seulement pour soutenir Mme Tremblay, mais aussi pour mettre en place un mécanisme qui nous aidera à régler tous les autres cas semblables.

[Traduction]

La communauté internationale a fourni une réponse partielle. Dans le cas de certains enfants qui ont été enlevés, on peut trouver la réponse dans les dispositions de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Ce traité a fait l'objet de négociations au début des années 1980 et s'inspirait d'une proposition formulée par le Canada. Depuis lors, cette convention a été ratifiée par plus de 40 pays, dont le Canada.

Le traité prévoit essentiellement le retour immédiat d'un enfant qui a été indûment enlevé ou éloigné de son pays de résidence habituelle en violation des droits de garde. Il s'est révélé un outil très efficace pour de nombreux parents qui ont été confrontés à des situations semblables à celle de Mme Tremblay.

L'efficacité de la Convention de La Haye est limitée par le fait que seulement 42 pays l'ont ratifiée. Le Canada et d'autres signataires cherchent constamment à convaincre d'autres pays d'en faire autant, mais les progrès sont lents. C'est principalement dû au fait que plusieurs pays ont du mal à accepter et à mettre en oeuvre les


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principes fondamentaux du traité pour des raisons d'ordre culturel, religieux et juridique.

L'Égypte n'est signataire, ce qui explique que le traité ne soit d'aucun secours dans des cas d'enlèvement d'enfants comme Karim Noah. L'ancien ministre des Affaires étrangères et l'actuel titulaire ont toujours été conscients du problème que pose l'application du traité en Égypte ainsi que de la tragédie personnelle vécue par Mme Tremblay.

Je suis heureux de signaler que les autorités égyptiennes étaient également d'avis qu'il fallait trouver une solution de toute urgence. Par la suite, il a été décidé d'engager des discussions pour voir si un arrangement ne pourrait pas intervenir dans le cas de Karim Noah et d'autres.

(1830)

Une délégation canadienne s'est rendue au Caire au mois de mars de cette année. Nous avons bon espoir qu'une solution est envisageable dans un proche avenir.

[Français]

Le gouvernement est bien déterminé à conclure des ententes de collaboration efficaces qui permettront de régler les cas d'enlèvement international d'enfants. Je ne peux m'empêcher de noter que ce dossier comporte des dimensions juridiques, sociales et religieuses complexes.

Mme Tremblay s'est montrée résolue dans ses efforts pour faire connaître par les autorités égyptiennes son droit à la garde de son enfant. Nous sommes tous peinés que cela n'ait pas été possible. Je puis assurer aux députés, et particulièrement au député de Rosemont, que nous sommes toujours déterminés à aider et soutenir Mme Tremblay. Je ne peux qu'espérer que nos efforts aboutiront.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour traiter également de la motion no 169, qui porte sur l'enlèvement d'un jeune Canadien du Québec.

Le député de Rosemont demande au gouvernement canadien d'exercer les pressions politiques appropriées auprès du gouvernement égyptien pour assurer le retour immédiat au Canada de Karim Noah, qui a été enlevé illégalement le 17 janvier, comme nous l'avons entendu.

Je voudrais tout d'abord témoigner mon respect au député pour le fait qu'il se préoccupe manifestement de ses électeurs. Je le félicite de ses efforts pour représenter son électrice à la Chambre.

L'enlèvement d'enfants est une question sérieuse et compliquée au Canada, comme dans bien d'autres pays du monde. Le Canada constitue un bon exemple pour le reste du monde dans des questions comme celle-ci, car nous manifestons constamment notre préoccupation à l'égard des droits des enfants.

Il est particulièrement digne de mention que le Canada a joué un rôle de premier plan, comme l'a mentionné le député, pour rédiger la Convention relative aux droits de l'enfant et tenir le Sommet mondial pour les enfants en 1990.

Le Canada est également signataire de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Cette convention est issue du désir de protéger les enfants à l'échelle internationale contre les effets préjudiciables d'un enlèvement et de trouver un moyen d'assurer leur prompt retour à leur pays de résidence habituelle.

Cette convention a été adoptée lors de la 14e session de la conférence de La Haye. La convention établit les règles de base pour traiter les cas d'enlèvement d'enfants, à la fois lorsque le pays d'hébergement est signataire de la convention et dans les cas où il ne l'est pas.

Dans le cas qui nous occupe, le pays d'hébergement est l'Égypte, qui n'a ni signé ni ratifié cette convention. Dans des cas comme celui-ci, lorsque le pays d'hébergement n'a pas ratifié la convention, le ministère des Affaires étrangères peut offrir une certaine aide, comme cela a déjà été fait dans ce cas-ci.

Il me semble que le ministre des Affaires étrangères se soit entretenu avec son homologue égyptien en novembre 1995. Nous avons été mis au fait des progrès qui ont lieu là-bas.

Malheureusement, comme l'Égypte n'a pas ratifié la convention de La Haye, ce cas est régi par la législation interne de l'Égypte. Par conséquent, le gouvernement égyptien n'est pas le seul responsable de régler ce cas et les tribunaux égyptiens devront également intervenir.

Par ailleurs, les autorités canadiennes ont émis un mandat d'arrestation à l'encontre du père et elles ont fait en sorte que la mère puisse bénéficier de l'aide du Bureau d'enregistrement des enfants disparus. Ces efforts sont une mince consolation pour la mère qui tente désespérément de ravoir son enfant, mais on m'a dit que le rôle du gouvernement fédéral dans les cas d'enlèvement est plutôt limité.

Le droit de la famille relève de la compétence exclusive des provinces. Par conséquent, ce sont les autorités provinciales qui s'occupent des questions pratiques liées à la Convention de La Haye et aux enlèvements d'enfants.

Je suis convaincu que tous les députés de la Chambre exhorteront le gouvernement du Québec, de concert avec le gouvernement fédéral, à travailler avec la plus grande diligence possible pour faire en sorte que cet enfant revienne au pays.

D'une façon générale, le gouvernement fédéral sert uniquement d'intermédiaire entre les autorités étrangères et les provinces canadiennes. Le gouvernement canadien et le ministère fédéral de la Justice jouent un rôle important pour ce qui est de communiquer avec les provinces relativement à l'adhésion de nouveaux États à la Convention de La Haye. Les autorités fédérales s'occupent surtout de questions générales nécessitant des contacts entre les gouvernements étrangers et les provinces concernées.

(1835)

C'est de cette façon que le gouvernement canadien a apporté son aide lorsque le ministère des Affaires étrangères a communiqué


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avec le ministre égyptien. C'était là la mesure politique appropriée énoncée dans la Convention de La Haye. Par conséquent, bien que la motion du député de Rosemont témoigne de sa volonté d'aider son électrice, j'ose croire que le gouvernement canadien a fait, fait et continuera de faire tout ce qu'il peut pour aider à régler ce cas.

Étant donné que le droit de la famille relève de la compétence des provinces, le gouvernement canadien ne peut guère faire plus, si je me fie aux renseignements dont je dispose. Cela dit, il importe de faire preuve de diligence raisonnable.

Bien que le gouvernement canadien ne puisse apporter qu'une aide limitée dans ce cas particulier, nous pouvons faire plus en ce qui a trait au problème global de l'enlèvement international d'enfants.

Nous pouvons commencer par convaincre les autres nations de ratifier la Convention de La Haye, en exerçant toutes les pressions possibles, notamment par le biais de notre aide ou d'autres mesures susceptibles d'inciter les pays à signer la convention. Dans le cas des États qui étaient membres de la 14e session de la conférence sur le droit international privé, la convention entre en vigueur, pour eux et pour les autres États membres, dès que ceux-ci déposent leurs instruments de ratification auprès du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas.

Il y a actuellement six États membres à la conférence qui n'ont pas ratifié la convention. L'un d'entre eux est l'Égypte, qui est le pays refuge dans ce cas-ci.

Il est également possible de convaincre les États qui n'étaient pas membres au cours de la 14e session de ratifier la convention. Une fois que ces États auront enregistré leur assentiment auprès du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, leur assentiment prendra effet auprès des États contractants et l'agrément suivra rapidement.

Une fois en vigueur, la convention facilitera le retour d'enfants enlevés illégalement en établissant les formalités entre l'État où se trouvent ces enfants et celui où ils résidaient initialement. En vertu de la Convention de La Haye, les deux États collaborent et promeuvent la collaboration entre leurs autorités compétentes, afin de garantir le retour des enfants dans les plus brefs délais. La convention définit aussi les mesures que doivent adopter les deux États.

Plus il y a de pays qui ratifient cette convention, plus les pays collaboreront en cas d'enlèvements, permettant ainsi le retour rapide des enfants. C'est un domaine où le gouvernement canadien peut s'impliquer davantage et faire pression sur d'autres gouvernements.

Nous ne lions pas assez souvent ces cas avec nos programmes d'aide, avec nos programmes de coopération. Je crois qu'il est temps de commencer à le faire. C'est un problème grave, pas seulement pour l'enfant en cause, mais pour de nombreux parents partout au Canada et ailleurs. Le gouvernement canadien peut aussi aider à mettre un terme aux enlèvements d'enfants en encourageant le recours à une méthode préventive prévue par la convention.

La nouvelle facilité avec laquelle les gens peuvent circuler partout dans le monde a entraîné une hausse du nombre d'enlèvements d'enfants à l'échelle internationale. Par conséquent, il faut accroître le recours à des méthodes préventives. Au bout du compte, la prévention est la seule façon de lutter contre ce phénomène grandissant.

Bien que l'objet de la motion semble déjà être partiellement périmé, on n'a pas encore fini d'examiner le rôle que doit jouer le gouvernement canadien pour remédier aux affaires d'enlèvement international. Je l'invite à intensifier son action pour lutter contre les enlèvements d'enfants en encourageant des États comme l'Egypte à ratifier la convention de La Haye et en favorisant le recours aux méthodes de prévention décrites dans la convention.

Encore une fois, je signale que nous effaçons les dettes de pays comme l'Egypte. Nous devrions peut-être y attacher d'autres exigences avant de prendre ce genre de décision. Je crois que nous pouvons user de notre influence pour que nous n'ayons plus avoir à parler d'affaires comme celle-là à la Chambre.

Étant un parent, je puis comprendre la terrible douleur qu'éprouve cette mère, et je sympathise certainement avec elle.

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à participer avec mes collègues au débat sur un problème que je qualifierais de tragique. Moi qui suis mère, je puis comprendre cette autre mère et son angoisse.

Mes collègues ont abordé certains aspects du problème, et j'en ferai autant. Les enlèvements d'enfants sont des problèmes déjà difficiles à résoudre lorsqu'ils se produisent au Canada, mais ils le sont doublement lorsqu'ils se produisent hors de nos frontières, dans d'autres pays.

(1840)

Lorsque d'autres pays et d'autres cultures sont en cause, les problèmes se multiplient. Comme chaque enlèvement international est un cas unique en son genre, l'approche doit varier. Il peut arriver que ce qui s'impose dans un cas doivent être évité à tout prix dans un autre.

Nous poursuivrons nos efforts afin d'amener d'autres pays à résoudre le problème, soit en les encourageant à signer la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, soit, lorsqu'ils s'y refusent, en cherchant à établir un accord bilatéral pour garantir les intérêts supérieurs des enfants, où qu'ils soient.

La convention de La Haye, dont d'autres députés ont beaucoup parlé, ainsi que la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant sont le point de départ de nos efforts pour arriver à mieux comprendre ce problème pénible et à susciter une réaction internationale plus complète.

Nous devons tabler sur la réputation de notre pays à l'avant-garde de la lutte pour les droits des enfants pour épargner aux jeunes


4970

victimes les privations et l'isolement qui sont souvent la conséquence de ces actes criminels. Cela nous oblige à accorder la plus grande attention non seulement à chaque enfant, mais aussi au problème dans son ensemble.

Parallèlement, nous devons utiliser nos systèmes et réseaux de communication de plus en plus perfectionnés pour retrouver plus rapidement les enfants enlevés. Nous devons nous assurer de leur bien-être et engager des négociations éclairées avec les autres parents et le pays de résidence. Je crois savoir que c'est précisément ce qui se passe dans le cas qui nous occupe.

Fait à remarquer, le gouvernement croit fermement qu'en plus d'essayer de faire face aux enlèvements une fois qu'ils se sont produits, nous devons veiller à ce que les Canadiens soient bien informés à cet égard et à ce que tous les efforts soient faits pour en prévenir d'autres.

Les ministères des Affaires étrangères et du Commerce international collaborent étroitement, comme l'a dit le secrétaire parlementaire, avec des organismes non gouvernementaux voués au règlement de ces problèmes, y compris des organismes de services sociaux provinciaux, les autorités policières et juridiques, le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC, Douanes Canada et Citoyenneté et Immigration Canada, afin de conseiller les parents qui doivent envisager la possibilité que leurs enfants ont été enlevés dans un autre pays.

À titre de contribution à ces efforts, le ministère des Affaires étrangères vient de publier un manuel sur ce sujet pour les parents et les professionnels intéressés. Ce manuel est en train d'être distribué. C'est un excellent document, dont des exemplaires seront mis à la disposition des députés. Comme ces derniers le constateront, le manuel fournit des renseignements et des conseils complets aux parents. Nous espérons qu'il sera utile pour remédier à ce très grave problème.

Karim Noah est à la fois une personne en chair et en os et un symbole. Durant sa jeunesse, il a été séparé de sa mère à un âge où cela ne devrait pas arriver. Sa mère doit être félicitée pour le dévouement et le zèle avec lesquels elle a tenté de le faire revenir au Canada. À titre de symbole, Karim représente un flambeau qui nous pousse à continuer la lutte contre ce fléau social international.

Je tiens à donner l'assurance au député de Rosemont, voire à tous les députés, que les ministères des Affaires étrangères et du Commerce international viendront toujours en aide aux parents comme Mme Tremblay. De plus, le ministère des Affaires étrangères redoublera d'efforts pour conclure, avec davantage de pays, des ententes prévoyant des moyens plus efficaces pour lutter contre ces tragédies.

Par conséquent, je me joins aux autres députés pour penser à Mme Tremblay et à la situation difficile à laquelle nous sommes confrontés.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'ai accepté d'intervenir aujourd'hui pour appuyer la motion de mon collègue, le député de Rosemont.

Cette motion traite d'un sujet qui me tient à coeur: le bien-être des enfants. En effet, même si le texte de la motion demande au gouvernement canadien d'entreprendre des négociations et des représentations politiques afin d'assurer le retour au Canada d'un enfant kidnappé par son père, il n'en demeure pas moins que la personne au centre de toute affaire de ce genre, c'est l'enfant.

(1845)

C'est dans cette perspective que j'aborderai mon intervention. Comme je l'ai souligné précédemment, un enfant de trois ans s'est brutalement fait voler sa mère. C'est à ce niveau qu'il faut ramener toutes discussions portant sur le rapt d'enfants.

La conséquence bien réelle, bien terre à terre, bien quotidienne, c'est que le petit Karim n'a pas vu sa mère pendant trois ans, qu'il grandit sans elle, sans sa présence, sans ses soins, sans son amour. Tout ça parce qu'un adulte en a ainsi décidé pour des raisons qui ne concernent nullement l'enfant.

Il s'agit d'une cruelle réalité dont les conséquences risquent de s'avérer très négatives pour cet enfant. Je ne dis pas, et loin de moi la pensée qu'il serait plus acceptable qu'un enfant soit privé des soins de son père, au contraire. La présence des deux parents est nécessaire au développement harmonieux d'un enfant, présence toutefois qui peut prendre plusieurs formes, selon les conséquences. Cependant dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, un des deux parents disparaît complètement de la vie de l'enfant et tout cela pour des raisons qui lui sont totalement étrangères.

Malheureusement, les enfants sont souvent les victimes de l'amertume et de la colère qui rongent les membres d'une famille pendant et après une séparation. D'après le rapport annuel 1995 du Bureau d'enregistrement des enfants disparus publié par la GRC, il arrive souvent que le ravisseur laisse croire à l'enfant qu'il n'est plus aimé par l'autre parent, ou pire, que l'autre parent est mort.

De plus, souvent le ravisseur néglige l'éducation et la santé de l'enfant, sans compter que ce dernier est souvent laissé seul pour de longues périodes, le prédisposant ainsi à un comportement asocial. De plus, le petit Karim est malade nous dit-on. Il a revu sa mère cet été pour la première fois depuis janvier 1993.

De telles situations sont inacceptables, en fait, elles sont criminelles. C'est ce que la loi reconnaît et punit. Le Code criminel prévoit une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans pour un parent qui agit comme le père du petit Karim.

Par le biais d'un tel article de loi, notre société a reconnu l'importance pour un enfant de vivre dans un climat affectif stable, indépendamment de la qualité des relations entre les adultes qui l'entourent. Notre société reconnaît l'importance que revêt pour l'enfant l'accès à ses deux parents.

Enfin notre société réaffirme l'importance, en cas de conflit, de confier à des personnes neutres, en l'occurrence des juges, la tâche


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délicate de déterminer comment l'intérêt de l'enfant est le mieux servi. Un parent qui enlève son enfant et le prive de la présence de son autre parent est un criminel qui ne pense qu'à ses propres intérêts et cause un dommage considérable à cet enfant.

Le petit Karim n'est malheureusement pas le seul enfant à avoir été ainsi emmené de façon illicite à l'étranger. Au cours des dernières années, les cas d'enlèvements et de déplacements d'enfants dans d'autres pays ont augmenté. Ceci s'explique en partie par la plus grande facilité qu'ont les gens de se déplacer rapidement et sur de grandes distances.

Dans ces cas, les procédures de résolution du conflit sont compliquées à cause de leur caractère international. Même si un parent a la garde légale de l'enfant au Canada, on ne peut être sûrs que cette décision sera respectée ailleurs. Conséquemment, et c'est particulièrement le cas qui nous occupe, un parent ou un gardien peut être tenté d'enlever un enfant dans l'espoir d'être à l'abri de la justice canadienne à l'étranger, comme ce fut le cas du père de Karim.

Il n'existe actuellement pas de statistiques au Québec établissant avec certitude le nombre total d'enfants québécois déplacés ou retenus chaque année à l'étranger par un des parents. Vérifications faites auprès du Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC, une situation identique prévaut au palier fédéral.

Des chiffes sont bien sûr disponibles, mais ceux-ci indiquent le nombre d'enlèvement commis par les parents et signalés aux corps policiers sans que nous puissions identifier ceux de ces enlèvements qui ont un caractère international.

(1850)

Dans un tel contexte, il demeure encore difficile d'évaluer l'ampleur réelle du phénomène de l'enlèvement international d'enfants.

Mais même si le nombre d'enfants québécois et canadiens victimes d'enlèvement est relativement restreint, cela ne doit pas nous faire perdre de vue les préjudices que subissent ces enfants.

Je souligne encore une fois que la véritable victime d'un enlèvement d'enfant est l'enfant lui-même. Dans le cas qui nous occupe, c'est le petit Karim qui a souffert et qui souffre encore d'une perte d'équilibre et de stabilité, du traumatisme d'être séparé du parent qu'il avait toujours vu à ses côtés. C'est lui qui subit aussi les incertitudes et les frustrations qui découlent de la nécessité de s'adapter à une langue étrangère et à une nouvelle culture.

La capacité d'entrer en contact avec l'enfant enlevé et déplacé et les possibilités d'une résolution rapide de l'enlèvement varient énormément selon que l'État de refuge est ou non un État signataire de la Convention de La Haye. Celle-ci est avant tout une convention qui cherche à éviter les déplacements internationaux d'enfants en instituant une coopération étroite entre les autorités judiciaires et administratives des États contractants.

Mais l'Égypte, où a été emmené Karim, n'est pas partie à cette convention. De plus, nous savons qu'un faible pourcentage des enfants enlevés et dirigés vers un pays non signataire de la Convention de La Haye ont à ce jour été retournés au Québec et au Canada. Dans de tels cas, tous les mécanismes de coopération et d'entraide judiciaire établis par la Convention de La Haye et par la loi canadienne ne sont pas disponibles pour les parents qui ont besoin d'aide.

La localisation de l'enfant devient alors plus difficile, nécessitant par exemple le recours à des agences privées d'enquête. Le parent doit assurer sa représentation juridique à l'étranger et en assurer tous les coûts, ce qui est le cas pour la mère de Karim.

À toutes ces difficultés s'ajoute également le fait que le débat judiciaire est régi par le droit interne de cet État, dont les règles diffèrent grandement de celles que nous connaissons dans notre système juridique.

Devant une telle situation, je tiens à reprendre les mots de mon collègue de Rosemont pour demander au gouvernement canadien de s'engager à fond dans le dossier de Karim, de démontrer son soutien à sa mère en exerçant toutes les pressions politiques appropriées auprès du gouvernement égyptien, afin d'assurer le retour immédiat du petit Karim chez lui.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention les discours prononcés par mes honorables collègues aujourd'hui, et j'aimerais prendre quelques minutes de la Chambre pour traiter de ce dossier moi aussi.

Bien sûr, contrairement au député de Rosemont, je ne connais ni la famille de cet enfant ni l'enfant lui-même, sauf que j'ai été moi-même associé de très près à un cas semblable, il y a déjà plusieurs années.

En 1982, alors que mon enfant était à l'école, en maternelle, une de ses petites collègues de classe a disparu. L'enfant en question, Tina Lynn Malette, avait été enlevée par son père. Peu de temps plus tard, la famille m'a contacté. J'étais à l'époque député provincial. J'ai écrit à tous les conseils scolaires en Ontario, plus tard à ceux du Québec, et finalement, en avril 1983, on a découvert que Tina était rendue en Tunisie. C'est une situation analogue peut-être à celle que vient de nous décrire notre collègue d'en face.

À l'époque, et c'est probablement la même chose aujourd'hui, il n'y avait pas de traité d'extradition en ce qui a trait aux dossiers de ce genre et la Tunisie n'était pas elle non plus signataire d'aucune convention.

(1855)

Ce qui était difficile pour tout le monde, incluant votre humble serviteur, c'est que je connaissais la famille, l'enfant. J'ai vécu le dossier, j'ai vécu cette situation par laquelle ses collègues de classe, en l'occurrence ma fille, me demandaient où était Tina.


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On a travaillé pendant des années. Je me souviens avoir personnellement été rendre visite à l'ambassadeur de Tunisie pour lui apporter des pétitions signées par 7 000 Canadiens et Canadiennes lui demandant de prendre les mesures nécessaires pour rapatrier cette enfant au Canada. Au début, l'ambassadeur ne savait pas ou, en tout cas, prétendait ne pas savoir où était l'enfant, mais plus tard, tout le monde savait où était l'enfant en question. Elle était en Tunisie, personne ne le cachait.

Ce qui était encore peut-être plus triste, c'est que le père de l'enfant n'avait aucune autorité légale sur l'enfant en question, car le père et la mère tout d'abord, n'étaient pas mariés, dans un premier temps, bien que cela n'aurait pu faire une différence, le cas échéant. Dans un deuxième temps, le père et la mère s'étaient quittés depuis longtemps, et seule la mère avait la garde de l'enfant. Et troisièmement, sur les registres de naissance, il n'était même pas reconnu comme étant le père, bien qu'il l'ait été, fait que la mère ne niait pas. Donc, c'était un enlèvement très semblable à ce qu'aurait pu être un enlèvement d'un parfait étranger.

Il y a quelques minutes, j'ai tenté de joindre la tante de Tina Lynn Mallette, puisqu'elle est une voisine. Je n'ai toujours pas réussi à savoir si on savait où était l'enfant à ce jour. J'ai vérifié, il n'y a pas tellement longtemps, je m'informe toujours. Aujourd'hui, ma fille a 19 ans; elle est étudiante au niveau universitaire et elle n'a jamais revu Tina, moi non plus, ni ma voisine, à ce que je sache, celle dont je viens de parler, celle qui avait la garde de l'enfant au moment où elle a été enlevée par son père, sous prétexte que c'était une visite du dimanche après-midi. Il n'avait pas droit à cette visite, incidemment.

Alors, c'est un peu ce qui s'est passé dans ce dossier. Je dois peut-être m'excuser de relater des faits si tristes qui sont peut-être même décourageants aux yeux de ceux et celles qui sont près de cet enfant dont vient de nous parler notre collègue d'en face.

La raison pour laquelle je présente ce dossier à la Chambre n'est certainement pas pour décourager les parents de cet enfant, mais plutôt pour pouvoir moi aussi partager avec cette Chambre la tristesse que j'éprouve vis-à-vis ce genre de situation, premièrement, et, dans un deuxième temps, pour pouvoir démontrer la frustration que tous peuvent ressentir dans des dossiers semblables. Sur ce plan, je partage les sentiments de nos collègues qui ont soulevé ce dossier aujourd'hui. J'ose espérer que les gouvernements qui ne sont pas signataires de telles conventions le deviennent.

Je me permets également de profiter de l'occasion pour dire jusqu'à quel point il est important, dans le domaine des relations internationales, pour tous dans cette Chambre, de s'intéresser à ce dossier des conventions, des traités d'extradition, ainsi de suite.

Lorsque certains d'entre nous dans cette Chambre, et ça arrive parfois, tentent d'avoir un esprit un peu isolationniste, telle une certaine formation-et je m'excuse d'être partisan à un moment aussi triste-en tentant même de s'exclure des délégations de parlementaires qui échangent des points de vue entre les pays, s'il n'y avait pas d'autre raison-mais il y en a plusieurs autres pour lesquelles on doit s'entendre et se comprendre entre les pays du monde-que celle justement de faire en sorte qu'il puisse y avoir des lois permettant d'éviter que ce genre de situation se reproduise à l'avenir, ce serait encore très important.

(1900)

Au risque d'être pessimiste, il y aura probablement toujours des pays dans le monde qui refuseront de signer des conventions et de faire en sorte qu'il y ait une bonne entente nécessaire pour les relations entre les pays, bien sûr, mais surtout pour s'assurer de la sécurité des enfants ici comme ailleurs.

En conclusion, nous devrions travailler tous ensemble pour mettre fin à ce genre de problème, à régler cela dans la mesure où tous les gouvernements voudront l'entendre, et j'espère que les ambassadeurs, les émissaires des autres pays qui peuvent lire les débats de la Chambre, ou même les entendre de vive voix, prendront note de ce qu'ont dit tous les députés aujourd'hui.

Je pense que c'est le voeu de tous les parlementaires de mettre fin aux conditions qui font que certains parents qui sont plus forts peuvent, dans des conditions avantageuses pour eux-mêmes mais pas pour l'enfant, faire des enlèvements de ce genre, causer les difficultés dont a parlé notre collègue de Laval-Est il y a quelques minutes, les difficultés culturelles qu'a eu à vivre Karim Noah, qu'a eu à vivre Tina Lynn Mallette en quittant South Peele, Ontario, Canada, pour aller vivre en Tunisie, et Dieu sait si elle y est encore.

Il y a quelques années, ma fille avait eu l'occasion de rejoindre Tina Lynn par correspondance, lui envoyer une lettre, une photo, bien que cela fasse peut-être dix ans qu'elle ne l'avait pas vue. Aujourd'hui, je ne sais même plus où est Tina Lynn.

Le vice-président: Le temps de parole du député est écoulé.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans ce débat pour appuyer la motion de mon collègue de Rosemont, bien sûr, mais également pour soulever un autre aspect de cette question qui a été soulevé par mon collègue de Rosemont et ma collègue de Laval-Est.

Au-delà de l'aspect humain, il importe de donner de l'espoir aux parents qui vivent ce genre de situation. Je viens d'entendre mon collègue, le whip du gouvernement, nous raconter une expérience que lui-même a vécue, qui malheureusement n'a pas connu de dévouement au moment où on se parle, qui fait que cette famille, cette mère vit encore dans l'angoisse de revoir un jour sa fille.

On s'attendrait également, sans vouloir faire de petite politique, à ce que le gouvernement ne manifeste pas seulement de la compréhension. J'ai écouté les propos du secrétaire d'État aux Affaires étrangères. C'est très intéressant d'entendre le secrétaire d'État aux Affaires étrangères nous dire qu'il compatit avec la famille, qu'il comprend très bien, qu'il souhaite qu'on trouve une solution au problème que vit actuellement Mme Tremblay, mais je pense qu'il faudrait qu'on nous dise également-non seulement qu'on nous dise, mais qu'on passe aux actes-qu'on nous dise ce qu'on va faire concrètement pour trouver une solution à ce problème.


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Malheureusement, je suis obligé de mentionner que l'attitude ou le passé de ce gouvernement n'est pas de nature à rassurer Mme Tremblay et d'autres qui peuvent vivre ce genre de situation. On l'a vu dans le dossier de Trân Trieu Quân, que mon collègue de Louis-Hébert a soulevé en cette Chambre à plusieurs occasions. De la part du gouvernement, du ministre des Affaires étrangères, ce dossier est resté lettre morte.

(1905)

Pas plus que dans le dossier qui nous concerne, aucune suite n'a été donnée de façon concrète, de sorte que M. Quan est toujours emprisonné au Vietnam. Depuis trois ans, Mme Tremblay a multiplié procédure après procédure afin d'obtenir le retour de son enfant dont elle a la garde. Malheureusement, on se retrouve aujourd'hui, trois ans plus tard, à se poser les mêmes questions et à faire les mêmes demandes.

Je ne veux pas abuser de votre temps, mais j'insiste pour dire aux représentants de ce gouvernement qu'il faut agir auprès du gouvernement de l'Égypte et trouver une solution concrète. Bien sûr, on peut déplorer le fait que l'Égypte n'ait pas signé la Convention de La Haye concernant ce genre de situation, mais il faut trouver une solution concrète. Il faut qu'on arrête les discours et qu'on passe aux actes.

Je refuse de croire que le ministre des Affaires extérieures ne peut pas intervenir directement auprès du gouvernement égyptien pour lui faire entendre raison dans ce cas précis.

Le vice-président: La période pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

______________________________________________

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA JUSTICE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais reprendre la question que j'ai posée au ministre de la Justice et signaler les préoccupations de mes électeurs, qui veulent que les membres de leur famille puissent se sentir en sécurité chez eux et dans la rue. C'est le message clair que mes électeurs m'ont transmis au cours de deux colloques sur la justice organisés dans ma circonscription. Les très nombreux participants ont eu l'occasion d'exprimer leurs inquiétudes, surtout en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants.

L'initiative que vient de prendre le ministre de la Justice au sujet des contrevenants dangereux et des détenus purgeant des peines de longue durée m'intéresse beaucoup et intéresse aussi les habitants de ma circonscription qui ont participé à ces colloques et à d'autres rencontres du genre. Grâce à l'application de nouvelles restrictions plus sévères aux contrevenants violents présentant un risque élevé, les Canadiens se sentiront plus en sécurité chez eux et dans les rues. Ces nouvelles initiatives vont bien avec la série de mesures conçues pour améliorer la qualité de vie des Canadiens.

La liste de ces mesures est fort impressionnante: la création d'un conseil national de prévention du crime chargé d'élaborer des stratégies concernant les causes sous-jacentes de la criminalité; l'imposition de peines plus sévères aux jeunes contrevenants ayant commis des crimes violents; la création d'un système de repérage, branché sur le Centre d'information de la police canadienne, pour aider les procureurs provinciaux à déterminer les délinquants présentant un risque élevé; la création d'une nouvelle peine minimale de cinq ans d'emprisonnement pour les personnes reconnues coupables d'avoir eu recours à la violence pour obliger des enfants à se livrer à la prostitution; la classification du meurtre commis après harcèlement dans la catégorie des meurtres au premier degré; l'imposition de peines plus sévères aux personnes reconnues coupables de harcèlement; l'interdiction précise de la pratique de la mutilation génitale sur les personnes du sexe féminin.

Nous avons élaboré des lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants afin de protéger les enfants contre les difficultés financières que peut entraîner la rupture d'un mariage. Nous avons rendu les peines minimales imposées aux personnes reconnues coupables d'avoir commis un crime au moyen d'une arme à feu quatre fois plus sévères. Nous avons classé la contrebande d'armes à feu dans la catégorie des crimes érigés en entreprise appelant une peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Nous avons modifié la loi afin d'interdire à la défense d'invoquer l'intoxication volontaire dans les causes où des crimes violents ont été commis. Nous avons pris des mesures pour que les forces policières puissent signifier des mandats à des suspects pour le prélèvement d'échantillons d'ADN. Nous avons amélioré la loi en ce qui concerne les produits de la criminalité.

J'ai présenté à nouveau mon projet de loi d'initiative parlementaire pour que soit établi dans le Code criminel une déclaration des droits de la victime.

S'ajoutent à cela des propositions visant à créer une nouvelle catégorie de délinquants à long terme, qui comprendra les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle et d'autres délits sexuels. Pour que la collectivité soit mieux protégée, ces délinquants seront assujettis à une période additionnelle de surveillance d'au plus dix ans après qu'ils auront purgé leur peine et que leur période de libération conditionnelle sera terminée.

D'autres conditions spécifiques pourront s'ajouter pour assurer la surveillance étroite du délinquant, telles que l'obligation de se rapporter régulièrement au surveillant attitré et de participer à des séances de counselling, le contrôle électronique et d'autres programmes de réadaptation.

Ce sont toutes là de bonne initiatives mais, je répète au ministre qu'il est essentiel que les jeunes contrevenants soient aussi assujettis et aux dispositions et sanctions contenues dans le projet de loi C-55.

(1910)

J'espère que le ministre de la Justice tiendra compte de cela à l'égard de ce projet de loi très nécessaire et fort important.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député des efforts sérieux et soutenus qu'il déploie pour améliorer et renforcer le système de justice pénale au


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Canada et pour demander, au nom de ses électeurs, des mesures assurant notre sécurité dans nos rues et nos foyers.

Le projet de loi C-55 vise expressément et sans détour les contrevenants adultes qui présentent des risques élevés de récidive et qui ont un long passé de comportement violent. Le gouvernement a écouté la population et a apporté au Code criminel des modifications qui viseront plus particulièrement les délinquants sexuels et, en particulier, les pédophiles présentant un risque de récidive pour la société. Les deux améliorations prévues dans le projet de loi C-55 sont les nouvelles dispositions concernant la peine infligée aux délinquants à contrôler ainsi que les améliorations concernant la catégorie des délinquants dangereux.

Les pédophiles font malheureusement partie de ces deux catégories et des contrevenants qui ont un long passé de comportement anormal et de condamnations.

Il faut un comportement à long terme et répétitif pour qu'interviennent ces deux mécanismes. Il convient donc de se demander si les jeunes contrevenants sont susceptibles de constituer un groupe cible pour ces deux types de peine.

Pour répondre à la question du député, je dirai qu'il est possible que de jeunes contrevenants soient transférés devant un tribunal pour adultes, sous réserve de certaines dispositions. Pour que ces désignations s'appliquent, il faut qu'un comportement répétitif soit en cause et qu'il y ait un lourd dossier d'infractions violentes. Il est donc possible que la nouvelle loi s'applique aux jeunes contrevenants.

Je remercie le député de sa question et je transmettrai ses préoccupations au ministre.

[Français]

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, ma question du 24 septembre était la suivante, je la répète:

Les francophones du village de Laurier n'ont pas de local pour les étudiants de la Division scolaire franco-manitobaine. Le gouvernement provincial, en dépit de ses responsabilités constitutionnelles, n'a apporté aucune solution acceptable aux parents.
Est-ce que le gouvernement fédéral pense intervenir pour s'assurer que l'article 23, le droit de la gestion scolaire en français, soit respecté?
La ministre a répondu ceci, et je cite:

C'est évident que la communauté de Laurier a de bonnes raisons reflétées sur l'application de l'article 23 de la Charte et je suis convaincue que la ministre de l'Éducation va démontrer sa largesse et qu'elle va régler le problème qui, actuellement, est en contradiction avec l'article 23 de la Charte.
J'entends dire, selon des pourparlers que j'ai eus récemment, qu'il y a cette possibilité, qu'il y aurait une ouverture d'esprit, et je l'espère, parce qu'on en discute depuis longtemps et il y a longtemps que cela aurait dû être réglé.

Cette question que j'ai soulevée est importante non seulement en elle-même, mais elle a des implications beaucoup plus globales. Nous parlons encore et toujours de services pour les minorités, la minorité francophone à l'extérieur du Québec dans ce cas-ci.

Nous parlons encore et toujours d'obstacles auxquels font face ces minorités. Malgré la protection qu'on leur accorde, les communautés doivent encore se battre pour leurs droits fondamentaux, dans ce cas-ci, l'éducation en français.

Oui, le gouvernement a signé une entente hier qui aura pour but de financer l'éducation en langue minoritaire, et j'applaudis cette initiative. J'en suis fier. Mais les parents que je viens de mentionner, à ma connaissance, n'ont pas encore de locaux pour leurs enfants inscrits à la DSFM.

Ce que j'exige du Manitoba et ailleurs au Canada, lorsque nous faisons face à une telle situation, c'est que l'on considère l'ensemble du pays, l'ensemble de la population canadienne. Ce qui arrive au Manitoba a un impact sur la francophonie de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest, partout dans le pays. Ce dont nous avons besoin est une grande volonté, une ouverture d'esprit de la part de tous.

(1915)

Malheureusement, chaque fois qu'il y a une altercation de ce genre dans la francophonie à l'extérieur du Québec, le Bloc québécois et d'autres forces séparatistes ont tendance à l'utiliser à leurs propres fins.

Est-ce que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour s'assurer que l'article 23 de la Charte, le droit à l'éducation en français, soit respecté au Manitoba et ailleurs à 100 p. 100? Je crois que la réponse est oui.

J'ajoute aussi que je crois que le gouvernement, selon moi, doit donner, fournir les appuis financiers nécessaires à ces minorités, que ce soit pour l'éducation, pour la télévision, la radio, tout ce dont ils ont besoin pour améliorer leur sort.

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je reconnais très bien les préoccupations de mon collègue au sujet de l'école française à Laurier, au Manitoba.

Il est en effet essentiel que les enfants francophones soient logés dans des locaux convenables et qu'ils aient accès aux services nécessaires à une bonne éducation. Des discussions ont eu lieu entre la Division scolaire franco-manitobaine et la Commission scolaire de Turtle River pour trouver une solution acceptable pour cette année.

Les parties en sont arrivées à une entente qui prévoit que des salles de classe préfabriquées seront installées sur le terrain de l'école de Laurier et que les élèves francophones auront accès aux salles de bain, au gymnase ainsi qu'à la bibliothèque.

Toutes les personnes impliquées reconnaissent qu'il s'agit d'une solution temporaire. Nous encourageons la ministre de l'Éducation du Manitoba à suivre le dossier afin de répondre aux besoins de la communauté francophone de Laurier. Nous sommes persuadés que la situation sera réglée de façon satisfaisante pour tous.

4975

J'aimerais rappeler que ce gouvernement a pris un engagement ferme envers les communautés minoritaires de langues officielles et qu'il continuera à les appuyer. Nous avons une entente avec le Manitoba afin de l'aider à respecter l'article 23 de la Charte et à mettre en place des structures de gestion scolaire. Nous avons également une entente avec la province pour la prestation de services provinciaux en français.

Le gouvernement fédéral appuie en outre de nombreux projets que la communauté estime prioritaires pour son développement. Ainsi, une contribution fédérale de 1,5 million de dollars a été accordée pour la construction du Centre du patrimoine franco-manitobain.

Nous avons également conclu une entente de 10,2 millions de dollars sur une période de cinq ans avec la communauté francophone, afin de l'aider dans son développement.

Ce sont autant d'interventions qui témoignent de l'engagement ferme du gouvernement fédéral à veiller à l'épanouissement de la communauté franco-manitobaine.

[Traduction]

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, le printemps dernier, le prix de l'essence a grimpé de 8 à 10c. le litre partout au Canada sans raison. Lorsque j'ai demandé au gouvernement libéral de prendre des mesures pour arrêter ses maîtres, les pétrolières multinationales, d'escroquer ainsi la population, les libéraux ont affirmé que c'étaient les gouvernements provinciaux qui étaient à blâmer. Pourtant, ceux-ci n'ont pas le pouvoir de réglementer les pratiques de fixation des prix à l'échelle de tout le Canada.

Les députés néo-démocrates ont organisé le boycott d'Imperial Oil pendant une semaine en mai. Des milliers de consommateurs ont suivi le mot d'ordre et ont réussi à faire baisser les prix d'environ 4c. en Saskatchewan et de 2 à 3c.en Colombie-Britannique.

Finalement, le gouvernement de la Colombie-Britannique a lancé une enquête, comme celui du Nouveau-Brunswick, et, en juin, le gouvernement fédéral a demandé au Bureau de la politique de concurrence de faire une enquête criminelle sur les méthodes de fixation des prix par les pétrolières. Le boycott a été interrompu en attendant le résultat de cette enquête.

Lorsque toutes ces enquêtes ont été annoncées, les pétrolières ont abaissé leurs prix pour donner l'impression qu'il y avait une vraie concurrence. Pourtant, toutes les compagnies ont abaissé leurs prix à peu près aux mêmes niveaux et à peu près au même moment. Vers la fin d'août et au début de septembre, les prix ont encore augmenté, de 3 à 4c. le litre en Saskatchewan.

Les motifs invoqués par les pétrolières étaient ridicules. Au printemps, les grandes pétrolières avait annoncé que les prix augmentaient parce qu'elles s'attendaient à ce que du pétrole iraquien soit mis sur le marché. Lors des dernières hausses, elles ont déclaré que c'était parce qu'elles prévoyaient que le pétrole iraquien ne serait pas mis sur le marché. Lorsque les gens ont ri des explications stupides et farfelues données pour justifier les hausses de prix en Saskatchewan, les grandes pétrolières ont déclaré que, dans cette province, les hausses étaient attribuables aux conditions locales.

Mais quelles sont-elles ces conditions locales? Selon les gérants des stations-service d'Imperial Oil eux-mêmes, le siège social de Calgary leur aurait téléphoné pour leur dire de hausser leurs prix. C'est ce que les pétrolières appellent une condition locale.

La véritable raison de cette hausse est claire. Il y a une hausse importante au printemps, qui est la saison des semailles en Saskatchewan, et une hausse importante à l'automne, qui est la saison des récoltes dans l'ouest du Canada, notamment en Saskatchewan. Escroquer les agriculteurs le plus souvent possible, telle est la devise des pétrolières lorsque les agriculteurs n'ont d'autre choix que d'acheter de l'essence pour les deux cycles les plus cruciaux de leur entreprise.

Ces tactiques stupides de la part des pétrolières ne font que nuire aux Canadiens de la classe moyenne, aux travailleurs canadiens et aux entreprises, tout en faisant augmenter les profits des pétrolières, qui sortent ensuite leur argent du Canada. Cette année, Imperial Oil a sorti 1 milliard de dollars du Canada en achetant des actions d'Exxon qui étaient déjà détenues par Imperial Oil. Ce sont là des raisons qui justifieraient non seulement une enquête sur le prix du pétrole, mais la création d'une commission d'examen du prix de l'énergie qui forcerait les pétrolières à justifier leurs prix de façon exacte et honnête.

Par suite de cette dernière hausse, la Saskatchewan paient entre4 et 12c. le litre de plus que les autres provinces. Le Québec paie maintenant 54,9c. le litre, l'Ontario, 53,9c., le Manitoba, 57,9c., l'Alberta, 50,9c. Si on ne tient pas compte de la taxe, la Saskatchewan paie quand même entre 4 et 6c. de trop le litre. N'oublions pas que c'est dans une province où nous produisons, raffinons, traitons et exportons notre essence.

C'est pourquoi j'ai demandé au directeur des affaires criminelles du Bureau de la politique de concurrence de concentrer son enquête criminelle en Saskatchewan, pour mettre un terme aux pratiques injustes des pétrolières en ce qui concerne l'établissement des prix. Je suis certain que l'enquête criminelle sur ces pratiques des pétrolières en Saskatchewan contribuera à réduire le niveau d'exploitation des consommateurs qui existe actuellement et, espérons-le, à amener les pétrolières à rendre compte honnêtement de leurs actes.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, le 13 mai 1996, le directeur des enquêtes et recherches a institué, en vertu de la Loi sur la concurrence, une enquête sur les allégations de collusion entre les producteurs et les distributeurs d'essence. Cette enquête a été déclenchée à la demande du député d'Ottawa-Centre qui répondait à la requête de six de ses électeurs. Si l'enquête révèle que certaines infractions criminelles ont été commises, je suis convaincu que le directeur prendra les mesures appropriées.

Certaines personnes laissent entendre que les prix devraient être réglementés. Le pouvoir de réglementation des prix de l'essence est de compétence provinciale et non fédérale. Dans la province du député, en Saskatchewan, il appartiendra au gouvernement néo-dé-

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mocrate d'agir s'il croit que les prix de l'essence doivent être réglementés.

En général, le meilleur outil de régulation des prix est la concurrence du marché. Le consommateur doit habituellement payer des prix plus élevés lorsque ceux-ci sont fixés par le gouvernement. En outre, il doit aussi assumer le coût de la création et de l'administration du système de régulation. Si la Nouvelle-Écosse a décidé, en juillet 1991, de ne plus fixer les prix de l'essence, c'est en partie parce qu'elle a reconnu qu'il valait mieux laisser agir les forces du marché.

La régulation des prix signifierait aussi que les fournisseurs d'essence seraient moins incités à améliorer leur efficacité. Le contrôle des prix supprime la motivation; les entreprises sont moins portées à s'adapter rapidement aux fluctuations de la demande ou à mettre au point de meilleures méthodes de distribution. Il est plus facile de demander à l'organisme de réglementation d'augmenter le prix fixé que de faire des efforts pour réduire les coûts d'exploitation.

Je terminerai en faisant valoir qu'il y va toujours de l'intérêt des Canadiens que les prix de l'essence soient fixés dans un marché qui reste concurrentiel. Comme je l'ai mentionné au commencement, la Loi sur la concurrence viendra mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles déloyales.

Dernièrement, mon collègue, le ministre responsable du Bureau fédéral de développement régional du Québec s'est entretenu du dossier des prix de l'essence avec ses homologues provinciaux et territoriaux.

Le vice-président: Le temps de parole du député est expiré. L'ajournement de la Chambre est proposé d'office. La Chambre s'ajourne donc à 14 heures demain.

(La séance est levée à 19 h 23.)