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FAIT Rapport du Comité

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LA MISE EN OEUVRE DES ACCORDS DE L'OMC ET LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

« Ce qu'en disent les Canadiens »

Au Canada, la mise en place des décisions de l'OMC relativement à des questions non tarifaires est souvent du ressort des provinces. Il est donc essentiel que les ministres du Commerce des provinces et des territoires se rallient à la position canadienne sur les questions internationales. Le Canada ne peut négocier à l'échelle internationale de façon efficace si son approche est remise en question sur son territoire ou si des organes infranationaux sont à contre-courant les uns des autres. (Mémoire)

Nancy Hughes Anthony
Chambre de commerce du Canada
Mercredi, 28 avril 1999
Toronto

Ce que l'on constate est qu'un grand nombre des accords qui ont été négociés dans le cadre de l'Uruguay Round, qui est entré en vigueur en 1995, n'ont en réalité pas été mis en oeuvre par les pays signataires. La propriété intellectuelle est notamment un aspect qui traîne, mais c'est plus étendu que ça. Toute la question de la mise en oeuvre et de la façon dont il faut faire appliquer les accords et faire en sorte que les pays appliquent effectivement ce à quoi ils se sont engagés en signant ces accords, il me semble, est un véritable trou dans le régime actuel de l'OMC. (Témoignage)

professeur Brian Russell
École de gestion, Université Dalhousie
Mercredi, 24 mars 1999
Halifax

L'Accord de l'OMC prévoit une zone grise en ce qui touche à la mise en oeuvre des décisions rendues dans le cadre du règlement des différends. Ce n'est pas un problème qui nous est facile de résoudre. C'est au coeur du différend actuel sur les bananes entre les États-Unis et la Communauté européenne. L'OMC doit décider ce qu'il convient de faire lorsque la partie contre laquelle une décision défavorable a été rendue n'applique pas cette décision ou le fait de façon insatisfaisante. (Témoignage)

Lawrence Herman
Cassels, Brock, Blackwell
Mardi, 2 mars 1999

Quatre-vingt pour cent de l'aide technique offerte par l'OMC elle-même dépend de contributions volontaires spéciales d'un nombre restreint de pays, ce qui en rend la planification difficile. Il semblerait qu'il soit temps d'évaluer ces efforts disparates et de mieux les coordonner... De plus, le Canada devrait appuyer l'augmentation des fonds réguliers destinés à l'aide technique de l'OMC et, entre-temps, apporter une contribution au fonds spécial de l'OMC destiné à cette fin. De plus, l'aide technique est nécessaire pour s'assurer que les pays en développement pourront bénéficier du système de règlement des différends de l'OMC, que l'on considère encore comme une de ses plus importantes réalisations. ...Cependant, la plupart des pays n'ont pas les compétences juridiques appropriées et, comme la capacité de l'OMC de fournir de l'aide juridique est très limitée, dans la plupart des cas, ils ont dû faire appel à des cabinets d'avocats internationaux. Les coûts élevés limitent leur capacité de connaître leurs droits, et encore plus de les défendre. C'est pourquoi plusieurs pays ont proposé la création d'un Centre de services consultatifs sur le droit de l'OMC... Le Canada devrait apporter une contribution financière au Centre de services consultatifs sur le droit de l'OMC. (Mémoire)

Ann Weston
L'Institut Nord-Sud
Jeudi, 18 mars 1999

...qu'il est tout à fait extravagant qu'une société étrangère puisse reprocher au gouvernement canadien d'avoir adopté une loi dans l'intérêt public et que la population canadienne ne soit pas habilitée de plein droit à savoir qu'une contestation a été amorcée (Témoignage)

professeur Howard Mann
Faculté de droit, Université d'Ottawa
Mardi, 16 mars 1999

Lorsque le droit commercial est bafoué par des ententes commerciales négociées en secret par des représentants de la Couronne et sans participation aucune du Parlement national, le régime démocratique dans son ensemble est en péril. (Mémoire)

Stephen Kerr
Concerned Citizens
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

Bien que l'OMC soit composée de membres qui n'ont pas été élus par les Canadiens et les Canadiennes, l'Organisation mondiale du commerce est en mesure de contester des décisions prises démocratiquement par le gouvernement du Canada. ... L'Organisation mondiale du commerce fait cela en menaçant les gouvernements de sanctions qui sont trop sévères pour que même le pays le plus riche puisse ne pas en tenir compte. (Témoignage)

Damien McCombs
Lundi, 26 avril 1999
Vancouver

Je crois que la plupart des Canadiens ne saisissent probablement pas ce qui est arrivé avec la création de l'OMC, la transformation des mécanismes d'exécution qui s'est faite au moment de la création de l'OMC. Nous avons transformé un régime qui visait essentiellement à faciliter le règlement consensuel de différends entre les parties au GATT en un régime qui comportait réellement un mécanisme d'exécution efficace. Maintenant, les décisions des tribunaux de l'OMC sont automatiquement appliquées dans les 60 jours suivant la publication, à moins d'un appel. La même règle s'applique alors à la décision de la Commission d'appel, à moins que tout un chacun parmi les membres de l'OMC ne décide de bloquer la mise en oeuvre. (Témoignage)

Steven Shrybman
West Coast Environmental Law Association
Mardi, 27 avril 1999
Vancouver

Je n'arrête pas d'entendre parler des décisions prises par l'Organisation mondiale du commerce. Elles semblent sortir de nulle part. Lorsqu'elle prononce ces décisions, c'est comme si elles étaient dictées par une série de règles d'origine naturelle. Je soutiens que cela ne devrait pas être le cas. L'Organisation mondiale du commerce ne devrait jamais se voir accorder des pouvoirs que nous, citoyens, ne pouvons changer lorsque nous déterminons collectivement qu'il est souhaitable de le faire. (Témoignage)

George Harris
Lundi, 26 avril 1999
Winnipeg

Les Canadiens seraient outrés d'apprendre que les gouvernements des États-Unis et du Canada peuvent imposer aux Européens des produits à base de boeuf comportant des hormones de croissance ou d'autres organismes génétiquement modifiés, notamment dans les huiles de cuisson et les pommes de terre. Pour la plupart des gens, l'idée qu'une législation acceptée par voie démocratique puisse être bafouée par un accord commercial est tout simplement choquante... (Témoignage)

Christine Elwell
Sierra Club du Canada
Mercredi, 28 avril 1999
Toronto

Le CTCanada appuie les propositions importantes faites par la CISL visant à élargir considérablement les examens des politiques commerciales de l'OMC des pays membres de façon à inclure une évaluation en profondeur des répercussions sociales de la libéralisation des échanges commerciaux. Les répercussions particulières et largement négligées sur les femmes doivent être un élément clé de ce travail.. (Mémoire)

Robert White et Andrew Jackson
Congrès du travail du Canada
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

... nous devons, en cas de différends, pouvoir compter sur des mécanismes de règlement qui sont adaptés, c'est-à-dire rapides, équitables, décisifs et définitifs. Aux termes de l'accord sur le bois d'oeuvre en vigueur aujourd'hui, recourir à la procédure de règlement des différends est un coup de dés dont les résultats sont pour l'essentiel imprévisibles. Même si on gagne, on est perdant à cause des longs délais, du coût élevé de la procédure et du fait que les règles du jeu, de toute façon, risquent d'être modifiées dans l'intérêt du partenaire commercial dominant ... De petites échappatoires ont tôt fait de devenir de graves lacunes structurelles, et les différends ont tôt fait de s'envenimer. L'industrie et le gouvernement doivent établir des mécanismes de prévention des violations de la politique commerciale et, le cas échéant, réagir de façon rapide et efficace. Des interventions rapides auraient permis de neutraliser les différends récents entourant le bois de colombage prépercé, les produits de bois dégrossi et d'autres produits dits à valeur ajoutée. (Témoignage)

David Emerson
Free Trade Lumber Council
Mardi, 27 avril 1999
Vancouver

Cette multiplication de nouveaux domaines d'intervention de l'OMC et la conclusion d'accords dans ces domaines variés font en sorte qu'il y a maintenant un risque de contradiction entre les accords et entre les engagements. Comme exemple bien connu, il y a l'opposition entre le GATT et l'Accord général sur le commerce des services, le GATS. Ce conflit a été mis en évidence, entre autres, dans l'affaire sur la banane dont vous avez tous entendu parler et dans l'affaire sur les périodiques, celle qui concerne directement le Canada présentement. Dans ces conflits, on a soulevé le problème de déterminer si les interventions nationales étaient relatives aux services ou aux biens et, souvent, la décision rendue l'a été à la surprise des gouvernements concernés. Ayant travaillé sur la question des services, par exemple, je pense qu'il est inévitable que ce type de conflits se multiplie. Il faudra, dans les négociations, établir des règles plus précises à cet égard. (Témoignage)

Ivan Bernier
Faculté de droit, Université Laval
Lundi, 22 mars 1999
Ville de Québec

Je ne crois pas-et je serai très franc à ce sujet-que la transparence soit la même chose que l'accessibilité. Je ne crois pas que cela serait dans l'intérêt du Canada ou que cela encouragerait la primauté du droit à l'échelle internationale si des groupes d'intérêts ou des particuliers pouvaient participer au processus de règlement des différends de l'OMC. Cela ne veut pas dire cependant que l'État ne puisse transmettre les points de vue de ces groupes d'intérêts, mais je ne crois pas que cela soit compatible avec le concept de l'OMC qui est une institution internationale. Je ne crois non plus que cela améliorerait, encouragerait ou rendrait plus efficace la procédure de règlement des différends si on permettait à des particuliers d'avoir accès à ce système. Il ne s'agit pas là d'une position rétrograde. En fait, selon moi, les États réussissent très bien à régler directement les différends entre eux. Je suis également d'avis que nous n'avons pas encore suffisamment d'expérience avec les processus de l'OMC et qu'il est sans doute encore trop tôt pour juger de l'efficacité de ces processus. (Témoignage)

Lawrence Herman
Cassels, Brock, Blackwell
Mardi, 2 mars 1999

En ce qui concerne l'approche canadienne face à cette question [réglement des différends] ..., il est très facile de considérer tout cela d'un point de vue de gains et de pertes, à savoir combien de causes ont été gagnées et combien de causes ont été perdues par le Canada. Essentiellement, il est important de se rappeler que lorsqu'on fait une telle analyse, il faut tenir compte d'attentes raisonnables au départ. Compte tenu des règles et des mesures adoptées par les gouvernements, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, il faut tenir compte des résultats qui sont atteints. Il faut se demander si l'analyse qui a été faite par l'organe d'appel, par le groupe spécial, tient compte ou non des règles. C'est cela qui est important lorsqu'on doit évaluer l'approche que doit prendre le gouvernement canadien quant à sa considération du résultat qui a été atteint à la suite des négociations. ... Il faut donc tenir compte de la question de savoir si la priorité canadienne est de rouvrir la totalité du débat sur la procédure ou d'y aller de façon très pointue, c'est-à-dire de se pencher sur les questions plus systémiques qui ont été soulevées dans le contexte des affaires jusqu'à présent. (Témoignage)

Serge Fréchette
Thomas & Davis
Mardi, 16 mars 1999

La judiciarisation du système crée un processus de renforcement intégré. La tendance à appeler des décisions semble déjà faire partie du système, et l'on s'attendrait à ce que soient rédigés un plus grand nombre de rapports de panel à l'intention de l'organe d'appel plutôt que pour les parties. Nous entendrons bientôt le slogan « laissez-litigez ». (Témoignage)

professeure Sylvia Ostry
Centre for International Studies, University of Toronto
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

La mise en oeuvre des accords de l'OMC et le
règlement des différends

Suivant la procédure interne qui lui est propre, chaque membre de l'OMC a procédé à la mise en oeuvre et à la ratification des accords de l'OMC. Par contre, le fait que les membres aient ratifié les accords n'est nullement une garantie qu'ils vont respecter leurs engagements. Nous verrons dans les pages qui suivent en quoi consiste la mise en oeuvre des accords de l'OMC et la surveillance qui en est faite en vue d'assurer le respect des engagements en découlant. Nous traiterons également du mécanisme utilisé par un membre pour obtenir qu'un autre membre respecte ses obligations, c'est-à-dire la procédure de règlement des différends. Pour des explications sur la structure des accords de l'OMC et l'étendue des obligations, consulter l'annexe 3A de ce chapitre.

Mise en oeuvre des accords de l'OMC

Les pays membres sont tenus de mettre en oeuvre leurs obligations découlant des accords de l'OMC; autrement dit, ils doivent intégrer dans leurs juridictions les règles qui assurent l'ouverture de leur marché. Pour ce faire, ils leur faut, dans bien des cas, modifier leurs législations et leurs réglementations, ou encore en adopter de nouvelles.

Les pays industrialisés ont au cours des ans mis sur pied un système élaboré de règles régissant le commerce et les échanges commerciaux avec l'étranger. À titre d'exemple, le Canada a adopté la Loi sur les douanes et le Tarif des douanes, la Loi sur les mesures spéciales d'importation et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Les pays industrialisés ont généralement un système législatif et réglementaire comparable à celui du Canada. Par contre, les pays en développement (PED) et plus particulière les pays les moins avancés (PMA) n'ont pas de cadres législatifs ni de cadres réglementaires aussi élaborés. Dans biens des cas, ces derniers n'ont même pas les ressources humaines ni matérielles qui leur permettraient d'adopter de telles mesures.

En conséquence, le fardeau rattaché à la mise en oeuvre des obligations découlant des accords de l'OMC varie d'un membre à l'autre. Pour la plupart des pays industrialisés, la mise en oeuvre de ces accords a pu se faire assez facilement, et même assez rapidement. Les structures administratives de ces pays sont suffisamment développées pour qu'ils puissent procéder à cette mise en oeuvre. Par contre, la mise en oeuvre des obligations découlant des accords de l'OMC pose beaucoup plus de problèmes aux PED, et plus spécialement aux PMA.

Si l'on tient compte du fait que le Canada a dû apporter des modifications à près d'une trentaine de lois pour mettre en oeuvre ses obligations en vertu des accords de l'OMC avant que les accords signés le 14 avril 1994 à Marrakech ne soient ratifiés par le Cabinet, on peut facilement imaginer le fardeau que constitue la mise en oeuvre de ces accords pour les PED et les PMA1.

La mise en oeuvre des accords de l'OMC est primordiale au succès de l'Organisation. À la fin de la deuxième Conférence ministérielle, tenue à Genève en mai 1998, les membres ont, dans leur déclaration finale, rappelé ce fait dans les termes suivants :

La mise en oeuvre intégrale et fidèle de l'Accord sur l'OMC et des Décisions ministérielles est impérative pour la crédibilité du Système commercial multilatéral et indispensable au maintien de l'élan qui permettra d'accroître le commerce mondial, d'encourager la création d'emplois et de relever les niveaux de vie dans toutes les régions du monde 2.

La mise en oeuvre des engagements découlant des accords de l'OMC est une oeuvre collective de tous les membres de l'Organisation. La libéralisation des échanges, et la prospérité qui s'ensuivra, ne pourra se réaliser que si tous les membres respectent leurs engagements. Le Comité est convaincu que la mise en oeuvre des accords de l'OMC est une étape essentielle vers la libéralisation des échanges.

Difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des accords de l'OMC

Comme on peut le constater, les accords de l'OMC ont des effets considérables sur les PED et les PMA. On pourrait formuler ce constat différemment et dire que c'est la réalité de la libéralisation des échanges qui a des effets sur ces pays, tout comme elle en a sur les pays développés et sur leur population. Plusieurs témoins nous ont donné des exemples des effets de la restructuration de l'économie dans le mouvement de libéralisation des échanges sur la population canadienne et celle des PED.

Les membres de l'OMC sont, depuis le début des activités de l'Organisation, sensibilisés aux difficultés rencontrées par les PMA et ils ont d'ailleurs établi un groupe de travail sur le sujet, le Sous-comité sur les pays les moins avancés (Sous-comité sur les PMA) qui relève du Comité du commerce et du développement. Les membres de l'OMC croient que la capacité des PMA de retirer des avantages de leur participation au système commercial multilatéral est étroitement liée à leur capacité de mettre en oeuvre les accords de l'OMC. L'assistance accordée aux PMA est d'ailleurs fondée sur la prémisse de vouloir augmenter leurs capacités de profiter de la libéralisation des échanges.

Au cours de ses travaux, le Sous-comité sur les PMA a identifié les principales difficultés auxquelles ces pays étaient confrontés dans la mise en oeuvre des accords et dans la participation aux activités de l'OMC3.

· Les divers ministères concernés par les questions de commerce n'ont pas su ou n'ont tout simplement pas la capacité de coordonner leurs activités pour réaliser la mise en oeuvre des accords de l'OMC et répondre à certaines exigences imposées aux membres, telles les notifications4.

· Les PMA n'ont pas les mécanismes administratifs et institutionnels pour répondre aux besoins d'enquêtes liés aux questions de sauvegardes, aux subventions et mesures compensatoires, aux pratiques antidumping, aux obstacles techniques au commerce, aux mesures sanitaires et phytosanitaires et au droit de propriété intellectuelle.

· Les fonctionnaires des PMA ne sont pas suffisamment formés pour réaliser la mise en oeuvre des accords de l'OMC ou pour procéder aux notifications.

· La mise en oeuvre des accords de l'OMC exige des PMA qu'ils adaptent leurs législations et leurs réglementations pour se conformer à leurs engagements. Encore là, les ressources sont insuffisantes ou tout simplement manquantes.

· Sur le plan technologique, bien peu de PMA disposent du matériel et du personnel qualifié qui simplifieraient leur travail dans la gestion de leur politique commerciale.

· Enfin, certaines PMA ont besoin d'aide pour élaborer, du moins en partie, leur politique commerciale.

Sylvia Ostry a expliqué que les difficultés rencontrées par les pays pauvres étaient intimement liées au niveau de développement de leurs infrastructures institutionnelles, de leurs systèmes de gouvernement, d'éducation et de droit, de leurs politiques réglementaires, etc. Selon elle, pour remédier à ces difficultés, il faut impérativement renforcer ces éléments et s'attaquer au problème de la marginalisation.

Assistance aux PED et aux PMA

À la fin de la première conférence ministérielle, tenue à Singapour en décembre 1996 (Conférence de Singapour), les membres de l'OMC ont renouvelé, dans leur déclaration finale, leur engagement « d'oeuvrer en faveur ... de l'intégration des pays en développement, des pays les moins avancés ... au système multilatéral 5». Pour faciliter l'intégration de ces pays dans l'économie mondiale, ils ont également convenu d'établir un programme d'assistance technique6 et ils ont également adopté un Plan d'action global et intégré de l'OMC en faveur des pays les moins avancés7.

Ces engagements ont conduit à l'adoption, en octobre 1997, d'un Cadre intégré pour l'assistance technique liée au commerce, y compris pour le renforcement des capacités humaines et institutionnelles, en vue d'aider les pays les moins avancés dans leurs activités commerciales et liées au commerce (Cadre intégré d'assistance aux PMA)8. Ce programme est le plus important « pour l'assistance technique liée au commerce, y compris pour le renforcement des capacités humaines et institutionnelles, en vue d'aider les pays les moins avancés dans leurs activités commerciales et liées au commerce, et pour l'amélioration de la capacité d'offre9 ». Six organisations participent à ce programme. Outre l'OMC, il s'agit de la Conferénce des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), du Centre du commerce international (CCI), du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). La participation de ces six organismes à un programme conjoint permet une meilleure intégration des efforts d'aide et d'assistance. Les activités soutenues par ce programme ont principalement pour objectifs :

· Le renforcement des capacités institutionnelles en vue de traiter les questions de politique commerciale;

· L'accroissement des capacités d'exportation;

· Le développement des services de soutien au commerce;

· Le renforcement des capacités de facilitation des échanges;

· La formation et la mise en valeur des ressources humaines, principalement dans les quatre domaines qui précèdent;

· Une aide à la création d'un cadre général réglementant les questions liées au commerce qui encourage le commerce et l'investissement10.

Ce programme d'assistance fonctionne par étapes : l'évaluation des besoins, la répartition et la coordination des tâches entre les organisations participantes, le financement, la mise en oeuvre et la surveillance des activités d'assistance et le réexamen et l'évaluation des activités. Ces activités peuvent prendre diverses formes, telles que des séminaires nationaux et régionaux, des cours de politique commerciale ou des missions techniques. À ce jour, 39 des 40 PMA qui ont exprimé leur désir de bénéficier du Cadre intégré d'assistance aux PMA ont fait l'objet d'une évaluation des besoins et d'une répartition des tâches11.

L'OMC parraine également d'autres programmes d'aide aux PMA sous la forme de séminaires, d'ateliers, de missions techniques et de réunions d'information. Les PED peuvent également bénéficier d'une aide sous forme d'assistance juridique pour faciliter leur participation aux règlements des différends12. L'OMC leur offre également des stages de formation sur les règles et les procédures régissant le règlement des différends13.

Au Canada, l'Agence canadienne pour le développement international (ACDI) offre depuis plusieurs décennies, de l'aide au développement. Elle a déjà contribué à un fonds commun du Cadre intégré et elle fait une contribution annuelle au Centre du commerce international (CCI). Le Comité est d'avis que le gouvernement canadien doit poursuivre son aide aux pays en développement. Le soutien aux PMA dans la mise en oeuvre des accords de l'OMC est essentiel à la participation de ces pays à l'Organisation et, en définitive, au succès et au maintien de l'OMC.

Recommandation 6

Que le gouvernement, dans le but d'aider les pays en développement (PED) et les pays les moins avancés (PMA) à mettre en oeuvre leurs engagements et à accroître leur capacité de participer aux activités de l'OMC et aux négociations à venir, participe, en rendant disponible des ressources humaines et financières :

· aux programmes d'assistance technique en faveur des PED et des PMA établis dans le cadre de l'OMC ou auxquels l'OMC participe;

· à toute autre initiative ou programme qui auraient des objectifs semblables.

Contrôle de la mise en oeuvre des accords de l'OMC

Comme nous l'avons mentionné précédemment, la ratification des accords de l'OMC par les membres n'est nullement une garantie que ceux-ci respecteront leurs engagements. La mise en oeuvre en droit interne des obligations souscrites est la première étape que les membres doivent franchir pour attester de leur volonté de se conformer à leurs obligations.

Nous avons cité précédemment une partie du paragraphe 8 de la Déclaration ministérielle de la deuxième conférence ministérielle, tenue à Genève en mai 1998, pour souligner l'importance de la mise en oeuvre des accords de l'OMC pour l'avenir de l'Organisation. Nous nous devons maintenant de citer la fin de ce même paragraphe pour signaler l'importance que les membres accordent au contrôle de la mise en oeuvre :

... Lorsque nous nous retrouverons, à la troisième session, nous poursuivrons notre évaluation de la mise en oeuvre des divers accords et de la réalisation de leurs objectifs. Une telle évaluation porterait, entre autres, sur les problèmes apparus dans la mise en oeuvre et leur incidence sur les perspectives en matière de commerce et de développement des membres. Nous réaffirmons l'engagement que nous avons pris de respecter les calendriers existants pour les examens, les négociations et les autres travaux dont nous sommes déjà convenus.

Cette évaluation de la mise en oeuvre qui sera à l'ordre du jour de la prochaine conférence ministérielle constitue un moyen de contrôle de la mise en oeuvre. En fonction de cette évaluation, les membres pourront poursuivre leur politique actuelle ou en adopter une nouvelle qui pourrait mieux répondre à leurs besoins ou à leurs préoccupations.

Depuis le début des activités de l'OMC, le respect des engagements découlant des accords de l'OMC a occupé une place non négligeable dans les activités de l'Organisation, dont le contrôle s'est exercé de multiples façons, tant par le mécanisme d'examen des politiques commerciales que par le processus de règlement des différends.

Mécanisme d'examen des politiques commerciales

Lors de la conclusion des accords de l'OMC, les pays membres, reprenant en cela une pratique instituée depuis plusieurs années sous les auspices du GATT, ont convenu d'un Mécanisme d'examen des politiques commerciales (MEPC) des membres 14. Le MEPC « a pour objet de contribuer à ce que tous les membres respectent davantage les règles, disciplines et engagements définis dans les accords commerciaux multilatéraux et, le cas échéant, dans les accords commerciaux plurilatéraux, et donc à faciliter le fonctionnement du système commercial multilatéral, en permettant une transparence accrue et une meilleure compréhension des politiques commerciales des membres. ... Le mécanisme d'examen permet d'apprécier et d'évaluer collectivement, d'une manière régulière, toute la gamme des politiques et pratiques commerciales des divers membres et leur incidence sur le fonctionnement du système commercial multilatéral. Il n'est toutefois pas destiné à servir de base pour assurer le respect d'obligations spécifiques découlant des accords ni pour des procédures de règlement des différends, ni à imposer aux membres de nouveaux engagements en matière de politique15 ».

Ces examens se font par l'Organe d'examen des politiques commerciales (OEPC), qui est constitué de tous les membres. Les politiques et les pratiques des membres sont soumises à un examen périodique. Cette périodicité est fonction de la part du commerce mondial des membres. Les quatre membres qui ont la plus grosse part du commerce mondial voient leurs politiques commerciales examinées tous les deux ans. Il s'agit de l'Union européenne, des États-Unis, du Japon et du Canada16. Les seize membres suivants font l'objet d'un examen tous les quatre ans, alors que la politique commerciale des autres est examinée tous les six ans. Un intervalle plus long peut être fixé pour les PMA17.

L'examen de l'OEPC est axé sur la politique et les pratiques commerciales des membres qui font l'objet de l'évaluation et il est fait en fonction de deux rapports, un premier établi par le secrétariat de l'OMC et un second produit par le membre qui fait l'objet de l'examen. L'OEPC publie par la suite le rapport de son examen. Bien que les réunions de l'OEPC se tiennent à huis clos, la publication des comptes rendus des réunions et des rapports d'examen permet aux intéressés d'être informés des principaux éléments des discussions.

Dans le mémoire qu'il a soumis au Comité, David Runnalls, président par intérim de l'Institut international du développement durable (IIDD), soutient l'opinion que les réunions de l'OEPC devraient être publiques et que les citoyens et les groupes d'intérêts devraient être autorisés à soumettre des représentations. Pour lui, les politiques commerciales touchent directement les citoyens et il serait normal qu'ils puissent faire valoir leur point de vue sur le sujet 18. David Runnalls signale par ailleurs le rôle éducatif des travaux et du rapport de l'OEPC. Non seulement le public serait-il ainsi informé des conséquences nationales et internationales des politiques commerciales des pays mais aussi les personnes qui élaborent les politiques, les représentants élus et les gens d'affaires. De plus, David Runnalls maintient que l'examen de l'OEPC devrait, entre autres, couvrir les aspects liés au commerce des politiques environnementales des membres ainsi que la dimension environnementale des politiques commerciales19.

Lors de son témoignage devant le Comité, Errol Mendes, directeur du Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne, a également abordé ce sujet. Il a expliqué que le MEPC pourrait jouer un rôle dans l'examen de la relation entre, d'une part, la politique commerciale et, d'autre part, les normes du travail, le développement du marché du travail, la productivité, l'environnement, etc. Il a même suggéré que le Canada devrait prendre l'initiative pour que ces dimensions soient ajoutées aux éléments d'examen du MEPC.

Plusieurs témoins ont indiqué au Comité qu'il est inacceptable que les règles régissant les échanges ne laissent pas suffisamment de place au respect des droits de la personne, des droits des travailleurs et à la protection de l'environnement. Par contre, il n'y a pas de consensus sur la forme du lien qui devrait être établi entre ces préoccupations sociales et le commerce. Certains indiquent qu'il faudrait intégrer tous ces sujets au sein de l'OMC, alors que d'autres les répartiraient en autant d'organisations indépendantes et établiraient des liens de subordination (une hiérarchie) entre eux. Nous renvoyons le lecteur à la partie III pour une description de la problématique.

Si la structure de la réglementation des échanges commerciaux devait évoluer dans cette direction, il faudrait alors que le mécanisme d'examen des politiques commerciales des membres de l'OMC soit adapté pour qu'il tienne compte de la dimension sociale du commerce.

Comme le fonctionnement du MEPC devrait faire l'objet d'une évaluation en l'an 2 000, l'occasion serait bonne de suggérer des améliorations au processus d'examen. En conséquence, le Comité aimerait que le gouvernement du Canada étudie la possibilité de suggérer des modifications au MEPC afin d'y introduire de nouveaux éléments d'examen, à savoir : les effets de la politique commerciale sur le citoyen, le travail et l'environnement.

Les travaux des organes de l'OMC

Les travaux de l'OMC sont répartis entre divers comités, organes, conseils ou groupes et tous les membres peuvent participer aux activités de chacune de ces entités. Plusieurs comités ont, entre autres, pour fonction de surveiller l'application de l'Accord qui les constitue. Ainsi, le Comité sur le commerce des services a pour fonction de surveiller l'application de l'Accord général sur le commerce des services, le Comité de l'agriculture a pour fonction de surveiller l'application de l'Accord sur l'agriculture, et ainsi de suite.

Ces organes qui ont pour fonction de surveiller l'application d'un accord sont les destinataires des avis et des documents que les membres doivent notifier en vertu de ces accords. En conséquence, elles peuvent prendre connaissance de la politique et des pratiques politiques des membres dans les domaines qui les concernent. Ces sujets peuvent faire l'objet de discussions au moment des réunions et cela constitue autant d'occasions de tenter de régler des problèmes liés à la mise en oeuvre et au respect des engagements découlant des accords de l'OMC.

Le règlement des différends comme mesure de contrôle de la mise en oeuvre

Nous discuterons en détail de la procédure de règlement des différends de l'OMC dans la deuxième partie de ce chapitre. Nous ne voulons pour l'instant que signaler que la procédure de règlement des différends est également un mécanisme de contrôle de la mise en oeuvre des engagements découlant des accords de l'OMC.

Contrairement à l'examen des politiques commerciales, qui est un mécanisme collectif de contrôle de la mise en oeuvre des engagements, la procédure de règlement de différends est une procédure individualisée de contrôle. Un Membre qui prétend qu'un autre Membre ne respecte pas ses engagements peut, en faisant appel à cette procédure, obtenir de cet autre Membre qu'il modifie les mesures qui ne seraient pas conformes.

Le nombre important de dossiers de règlement des différends qui se règlent à l'étape des consultations semble établir que cette procédure est un mécanisme efficace de contrôle de la mise en oeuvre des accords de l'OMC.

Recommandation 7

Le gouvernement devrait s'assurer que la mise en oeuvre des engagements découlant des Accords de l'OMC puisse devenir l'oeuvre collective indispensable au succès de l'Organisation et, pour ce faire :

· qu'il intervienne auprès des membres qui n'ont pas achevé la mise en oeuvre de leurs engagements afin de les inciter à terminer leur travail dans les plus brefs délais;

· qu'il participe aux travaux du Mécanisme d'examen des politiques commerciales et qu'il exprime som opinion sur la conformité de la politique commerciale des membres avec leurs engagements;

· qu'il participe aux activités des divers organes de l'OMC et qu'il y fasse valoir l'importance que les membres respectent leurs engagements;

· qu'il utilise le mécanisme de règlement des différends pour obliger un autre Membre à respecter ses engagements, lorsqu'il juge que cela est nécessaire.

La mise en oeuvre et la poursuite des négociations

Comme on peut le constater dans ce qui précède, les difficultés auxquelles sont confrontées les PMA dans la mise en oeuvre de leurs engagements sont importantes. Pour plusieurs de ces pays, il faudra encore de nombreuses années avant qu'ils puissent réaliser un niveau acceptable de mise en oeuvre. Plusieurs témoins ont dit craindre que des ajouts aux accords actuels ne se traduisent pour ces PMA en un fardeau supplémentaire qui aurait pour effet de retarder encore plus le moment où ils pourraient mettre en oeuvre leurs engagements.

Pour éviter que la situation des PMA ne s'envenime, Tony Clarke, directeur de l'Institut Polaris, traduit bien le souhait général de ces témoins en demandant un moratoire sur la poursuite des négociations. Selon lui, avant d'entreprendre de nouvelles négociations, il serait primordial de s'assurer que tous les membres de l'OMC respectent leurs engagements et qu'ils sont en mesure de participer entièrement aux activités de l'Organisation.

Ann Weston, vice-présidente de l'Institut Nord-Sud, a également exprimé une idée commune à plusieurs témoins lorsqu'elle a mentionné qu'il faudrait effectuer un examen des conséquences sociales, environnementales et économiques des règles de l'OMC. Pour elle, ce bilan devrait se faire avant d'entreprendre de nouvelles négociations, car il pourrait servir à déterminer la nécessité de modifier les accords actuelsl20.

D'autres témoins, pour leur part, ont demandé la poursuite des négociations. Pour eux, trop d'éléments des accords demandent une attention immédiate et les problèmes qu'ils soulèvent ne peuvent être réglés qu'au moyen de nouvelles négociations. Selon eux, l'élimination des tarifs douaniers doit se poursuivre. Les problèmes liés à l'agriculture devraient être réglés le plus rapidement possible. Les progrès réalisés dans les échanges de services ne peuvent rester en plan et une plus grande libéralisation exige de nouvelles négociations.

Le Comité ne croit pas que les PMA seraient mieux servis par l'imposition d'un moratoire sur de nouvelles négociations. À son avis, les prochaines négociations devraient porter principalement sur des sujets qui font déjà l'objet d'accords, par exemple l'agriculture, les services, l'accès au marché, la propriété intellectuelle, etc. La conclusion de nouveaux engagements ne devrait pas, selon lui, ajouter de façon significative au travail de mise en oeuvre.

Les parties engagées dans les nouvelles négociations sauront sûrement saisir l'occasion qu'elles représentent pour faire ressortir les effets que les règles actuelles ont sur leur population, leur environnement et leur économie. Il leur faut également défendre leurs points de vue pour obtenir des modifications aux accords qui pourront répondre à leurs préoccupations.

Participation des provinces à la mise en oeuvre des traités internationaux au Canada

Au Canada, la mise en oeuvre des traités internationaux doit se faire dans le respect des compétences législatives résultant du partage établi entre le fédéral et les provinces par la Constitution canadienne. Dès lors que le traité ou un aspect du traité porte sur un domaine de compétence des provinces, la participation de celles-ci est indispensable au respect des engagements découlant du traité en question. Sans nul doute, la meilleure façon de s'assurer de la coopération des provinces est de les associer à l'ensemble du processus de négociation des ententes internationales 21.

La pratique adoptée par le gouvernement canadien à ce sujet semble pour l'instant répondre assez bien aux besoins des divers éléments de la Fédération canadienne. Les provinces sont informées régulièrement de l'évolution des négociations et certaines d'entre elles sont même invitées à déléguer un représentant au sein de l'équipe canadienne lorsque cela est possible22. Ainsi, lors des dernières réunions des négociations du Cycle d'Uruguay, les gouvernements de l'Alberta et du Québec étaient représentés au sein de l'équipe canadienne23. Le député de Winnipeg-Transcona, M. Bill Blaikie, a d'ailleurs fait la suggestion à l'honorable Harry J. Enns, ministre de l'Agriculture du Manitoba, lorsqu'il a comparu devant le Comité, que sa province devrait également penser à déléguer un représentant auprès de l'équipe canadienne de négociations à l'OMC24.

Dans un mémoire détaillé sur le pouvoir de conclure des traités au sein de la fédération canadienne et sur la nécessité de faire participer les provinces aux prochaines négociations, le professeur David L. Cook, de l'University of Prince Edward Island, fait valoir que, en ce qui concerne le Canada, le Cycle du Millénaire sera le « Cycle des provinces »25. Selon lui, la participation des provinces serait justifiée par le fait que les partenaires commerciaux du Canada ont dans leur mire plusieurs pratiques commerciales des provinces qu'ils considèrent comme autant de barrières aux échanges : les entreprises d'État provinciales (magasins de boissons alcooliques), les marchés publics provinciaux, les subventions, les barrières techniques (non tarifaires) et une série de restrictions liées aux services professionnels et commerciaux (licences, certification, accréditation). Pour lui, il est nécessaire d'innover quant à la manière d'assurer la participation des provinces.

Andrew Reddick, directeur de la recherche du Centre pour la promotion de l'intérêt public, a également émis l'opinion que les provinces devraient être plus consultées parce que plusieurs sujets traités lors des négociations commerciales sont de leur responsabilité au sein de la Fédération canadienne26. Nancy Hugues Anthony, présidente de la Chambre de commerce du Canada, a mentionné, quant à elle, qu'il est impératif que les provinces et le fédéral expriment le même point de vue afin que le Canada puisse négocier de façon efficace27.

John Klassen, directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, a dit quant à lui que lorsqu'il est question des négociations en matière de services, d'investissements et de marchés publics entre autres, il fallait « mettre les provinces de son côté ». Il a également reconnu qu'il est impossible pour le fédéral de prendre des engagements touchant les provinces si ces dernières ne sont pas prêtes28.

Au Canada, plusieurs services relèvent de la compétence législative des provinces (services professionnels), alors que d'autres sont de compétence partagée (services financiers). Le commerce des services apparaît déjà à l'ordre du jour intégré. De plus, comme il a été mentionné précédemment, plusieurs autres domaines sur lesquels les provinces ont compétence risquent fort d'être ajoutés à l'ordre du jour. Dans cette optique, le Comité reconnaît également que les provinces ne pourront pas être laissées de côté lors des prochaines négociations.

Le Comité est conscient que l'équipe de négociations canadienne comprend déjà plusieurs représentants des divers ministères fédéraux touchés. Le gouvernement canadien devrait convenir avec les provinces d'un mécanisme permettant à celles-ci d'être pleinement informées du contenu des négociations et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs points de vue et de défendre leurs intérêts au sein ou auprès de l'équipe de négociations.

Nous parlons plus particulièrement des provinces, car elles peuvent être amenées à jouer un rôle dans la mise en oeuvre des engagements pris par le Canada dans le cadre des négociations commerciales. Il ne faudrait toutefois pas négliger l'impact que les accords commerciaux peuvent avoir sur les autres gouvernements régionaux au Canada, tels que les Premières Nations, les Territoires, les gouvernements locaux (municipalités). En ce sens, le gouvernement du Canada devrait porter une attention particulière aux commentaires que ceux-ci peuvent exprimer à l'égard des prochaines négociations commerciales ou de l'impact que les accords commerciaux peuvent avoir sur leurs communautés respectives.

Recommandation 8

Le gouvernement devrait poursuivre sa pratique qui consiste à informer et à consulter les provinces sur les questions liées à la libéralisation des échanges dans le cadre de l'OMC et des autres forums internationaux qui traitent du commerce, et de les associer aux procédures de négociations lorsque cela est souhaitable, de façon à protéger leurs intérêts dans leurs domaines de compétence, le tout, dans le respect des intérêts de l'ensemble de la Fédération canadienne.

Règlement des différends

L'introduction d'une procédure élaborée de règlement des différends au sein d'une organisation internationale régissant le commerce a été soulignée comme l'élément le plus significatif du nouveau système ou encore comme la meilleure contribution à la stabilité de l'économie mondiale29. On souligne ainsi l'arrivée d'un système de règlement des différends qui corrige les principaux défauts du système en vigueur sous le GATT de 1947. Bien qu'il ait évolué considérablement au cours des ans, le système alors appliqué pouvait facilement être paralysé par une partie contractante qui refusait de convenir à l'établissement d'un groupe spécial, d'adopter le rapport de ce groupe ou encore d'appliquer les conclusions de son rapport. En vertu du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, un membre ne peut plus paralyser de la sorte le processus de règlement des différends.

Les accords de l'OMC, qui comprennent des accords portant sur le commerce des marchandises et des services, sur les droits de propriété intellectuelle, sur l'investissement, etc., comportent un nombre imposant de règles. Pour faire respecter ces règles, les membres de l'OMC ont convenu d'un renforcement et d'un élargissement significatifs des règles et procédures régissant le règlement des différends. Alors que l'ancien régime de règlement des différends mis en place en vertu du GATT de 1947 laissait la place prépondérante à la négociation, le nouveau système est essentiellement fondé sur des règles. Peu importe leur pouvoir économique ou leur puissance politique, tous les membres sont égaux en ce qui concerne le respect de leurs obligations et leur capacité de forcer les autres membres à respecter leurs engagements.

Lorsqu'elles signent un traité, toutes les parties sont d'accord avec les principes que celui-ci établit. Par la suite, elles ne font pas toutes preuve du même empressement à respecter ces principes et à les mettre en pratique. Le respect du traité international est le plus grand défi auquel sont confrontées les parties qui en sont signataires. Il faut passer de la théorie à la pratique.

Nous avons vu précédemment que l'un des moyens utilisés par les membres pour réaliser la mise en oeuvre des accords de l'OMC consiste à s'assurer que leurs législations et leurs réglementations commerciales sont conformes à ces engagements. Pour effectuer cette mise en oeuvre, plusieurs membres ont dû apporter des modifications à leurs législations et à leurs réglementations ou en adopter de nouvelles.

«Un certain nombre de conflits portés récemment devant l'OMC auront forcément des répercussions sur les nouvelles négociations, notamment sur les importantes négociations dans le domaine de l'agriculture. Il est difficile de prédire exactement quel impact auront les constatations des experts ou les décisions de l'Organe d'appel, mais soyez certains que les négociateurs se pencheront sur ces questions en préparant leurs tactiques. Certains différends, en effet, ont des conséquences qui débordent de beaucoup le domaine dans lequel ils se produisent. Celui qui portait sur la banane par exemple est instructif, car il tenait essentiellement à l'interprétation de l'entente de services et de la question de la distribution.»

John Weekes
Ambassadeur du Canada à
l'Organisation mondiale commerce
Le mardi 11 mai 1999

Compte tenu du nombre de mesures commerciales mises en place par un seul Membre, il est presque impossible d'assurer que toutes ces mesures sont conformes à l'ensemble des engagements découlant des accords de l'OMC. Comme il y a 134 membres à l'OMC, il est impensable de pouvoir vérifier la conformité de toutes les mesures de tous les membres. Le mécanisme de règlement des différends est donc un moyen ponctuel de vérifier la conformité des mesures des membres.

Lorsqu'un membre conteste une mesure adoptée par un autre membre parce qu'elle ne serait pas conforme aux engagements découlant des accords de l'OMC, le règlement du litige entre eux doit se faire, dans le cadre de l'OMC, en vertu des règles et des procédures établies par le Mémorandum d'accord sur les règles et les procédures régissant le règlement des différends (Mémorandum sur le règlement des différends ou MRD). Pour une description des règles et des procédures du règlement des différends et de l'utilisation qui en est faite, voir l'annexe 3B qui traite de ces questions.

Critiques et problèmes rencontrés

Bien que le sentiment général à l'égard de la procédure de règlement des différends de l'OMC soit généralement positif30, les critiques que nous avons entendues portent principalement sur certains aspects de la procédure ou encore sur les effets du système. Nous reprenons ci-après ces principales critiques.

Atteinte à la souveraineté

Le système de règlement des différends est perçu par plusieurs comme une autorité supranationale qui impose aux membres un code de conduite en matière économique et qui porte directement atteinte à leur souveraineté.

La perte de souveraineté ne vient pas du système de règlement des différends, mais plutôt du fait qu'un État accepte de devenir partie à un traité international. Dès lors qu'un traité impose des obligations aux États qui le ratifient, il s'ensuit des restrictions à l'action de l'État dans le domaine couvert par le traité. Cette limitation de la capacité d'intervention d'un État est effectivement une limitation à l'exercice de sa souveraineté31.

La Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel est un bon exemple d'une telle limitation. En résumé, les États qui ont ratifié ce traité ne peuvent pas produire, entreposer ni utiliser ce genre de mines ou permettre, à l'intérieur de leur juridiction, qu'on en produise, entrepose ou utilise. L'imposition de telles restrictions à l'égard des mines antipersonnel est une atteinte évidente à la souveraineté de ces États. Pourtant, bien peu de personnes contestent le fait que le traité est un bon traité et qu'il a des objectifs tout à fait valables.

Lorsqu'il s'agit d'accords commerciaux, les critiques sur l'atteinte à la souveraineté des États deviennent très émotives. Une réaction de cet ordre est tout à fait compréhensible. Les accords commerciaux ont bien souvent pour effet de limiter les moyens d'intervention des gouvernements dans l'économie nationale. Les tarifs douaniers sont abaissés ou éliminés, des restrictions sont imposées sur l'octroi de subventions, etc. Ces mesures, isolément ou collectivement, ont, entre autres, pour effet d'ouvrir les marchés d'un État à la concurrence étrangère. Cette ouverture des marchés, qui a commencé bien avant la signature des accords de libéralisation des échanges, a des effets sur la structure industrielle et plus généralement sur l'ensemble de l'économie nationale des États.

Par contre, il faut également regarder l'autre côté de la médaille. En concluant des accords de libéralisation des échanges, le Canada n'est pas seul à accepter que son marché soit ouvert à la concurrence étrangère. Ses partenaires commerciaux prennent aussi les mêmes engagements. Comme l'économie canadienne est fortement orientée vers l'exportation, le Canada a tout à gagner d'une plus grande ouverture des marchés de ses principaux partenaires commerciaux. Le surplus de la balance commerciale du pays au cours des dernières années laisse présumer que la politique commerciale canadienne d'ouverture a bien fonctionné. Le gouvernement du Canada doit tout de même demeurer vigilant, car en matière économique rien n'est acquis.

En devenant partie à un traité, le Canada fait le pari que les restrictions qu'il s'impose seront compensées par les avantages que l'ensemble de sa population devrait en retirer. Les décisions des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel rappellent habituellement que des membres n'ont pas respecté certaines de leurs obligations. Pour respecter leurs engagements, ces membres doivent alors abroger ou changer la mesure jugée non conforme. Pour les gens, le mécanisme de règlement des différends est responsable de la perte de souveraineté parce qu'il entraîne habituellement une décision qui oblige le Membre concerné à modifier une mesure qu'il a adoptée, ou encore à modifier un élément de sa politique commerciale (ou de sa politique culturelle, dans le cas des périodiques à tirage dédoublé). Ces gens s'en prennent alors au messager plutôt qu'au message.

Comme nous venons de le mentionner, en devenant partie à un traité, l'État accepte de limiter ses moyens d'intervention dans l'espoir d'en retirer des avantages qui compenseront la perte de souveraineté qu'il doit assumer. Dans le cas de l'OMC, 134 membres ont ainsi accepté de limiter leur souveraineté dans l'espoir que la libéralisation des échanges sera profitable à leur population.

Justification scientifique des normes

Une autre illustration de l'effet des traités sur les politiques nationales est toute la problématique qui entoure le fondement scientifique des normes. Le principe général veut que les normes sanitaires et phytosanitaires que les membres adoptent doivent se justifier scientifiquement. Si un membre décide d'interdire un produit de consommation (produit alimentaire ou autre), les motifs de cette interdiction doivent être fondés scientifiquement.

Plusieurs différends ont fait ressortir la rigueur juridique avec laquelle ces principes du fondement scientifique ont été appliqués par les groupes spéciaux et l'Organe d'appel. Dès lors qu'il y a un doute quant à la justification scientifique d'une mesure, les groupes spéciaux et l'Organe d'appel la rejettent si elle ne peut se justifier par une autre disposition des accords.

Ainsi certains critiquent le fait que des normes adoptées pour la protection de l'environnement ont été annulées par les groupes spéciaux et l'Organe d'appel pour la raison qu'elles ne se justifiaient pas scientifiquement, alors que ces mesures font l'objet d'un large consensus au sein de la population ou sont des éléments importants de la politique environnementale d'un gouvernement32.

Le dossier des hormones de croissance administrées au boeuf, qui est très d'actualité, pourrait avoir pour conséquence d'obliger les membres de l'OMC à se pencher sur toute cette problématique du fondement scientifique des normes. Bien que les mesures interdisant l'importation de boeufs et de viande provenant de boeufs qui ont reçu des hormones de croissance (boeuf aux hormones) aient été déclarées non conformes par l'Organe d'appel, l'Union européenne a récemment annoncé qu'elle n'avait pas l'intention de modifier sa réglementation. Elle s'expose de ce fait à des sanctions de la part des États-Unis et du Canada, les parties plaignantes dans ce dossier.

L'Union européenne justifie son refus par le fait que des études scientifiques récentes tendent à établir des risques liés à la consommation de boeuf aux hormones33. Elle devient ainsi le premier Membre de l'OMC à préférer faire l'objet de sanctions plutôt que de se soumettre à une décision d'un groupe spécial ou de l'Organe d'appel. C'est un choix politique qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la crédibilité du système et même sur l'avenir de l'OMC. Le gouvernement du Canada devrait suivre ce dossier attentivement pour en évaluer les conséquences.

Conflit d'interprétation entre les accords GATT et AGCS

Ivan Bernier, professeur à la faculté de Droit de l'Université Laval, a souligné le problème que constitue le chevauchement dans l'application des accords, entre autres le GATT et l'AGCS (GATS), et le conflit potentiel qui peut en résulter34. Deux décisions ont fait ressortir plus particulièrement ces difficultés : les bananes et les périodiques à tirage dédoublé.

Dans le dossier des périodiques soumis à l'OMC par les États-Unis en 1996, le gouvernement du Canada a allégué que la taxe imposée (l'une des mesures contestées) était une taxe sur les services de publicité et que, par conséquent, elle devait être analysée en vertu de l'AGCS. Comme le Canada n'a pris aucun engagement sur les services de publicité en vertu de l'AGCS, il a soutenu n'avoir aucune obligation d'offrir un traitement national pour ces services et que la mesure devait être maintenue. Ni le groupe spécial ni l'Organe d'appel n'ont retenu cet argument. Ils ont au contraire tous deux conclu que la taxe visait le périodique (une marchandise) et que la mesure, soumise au GATT de 1994, était discriminatoire et par conséquent non conforme aux obligations du Canada35.

Sur ce conflit apparent entre le GATT de 1994 et l'AGCS, le groupe spécial s'exprime ainsi :

Les chevauchements entre la matière à laquelle s'appliquent les disciplines du GATT de 1994 et de l'AGCS sont inévitables, et le phénomène ira en s'accentuant avec le progrès de la technologie et la mondialisation des activités économiques. À notre avis, ces chevauchements ne compromettront pas la cohérence du système de l'OMC36.

Dans le dossier sur les bananes, la même question d'application exclusive ou conjointe du GATT de 1994 et de l'AGCS s'est posée. L'Organe d'appel a alors fait les commentaires suivants :

La deuxième question est de savoir si l'AGCS et le GATT de 1994 sont des accords qui s'excluent mutuellement. L'AGCS n'a pas été conçu pour traiter le même sujet que le GATT de 1994. L'AGCS a été conçu pour traiter un sujet qui n'est pas couvert par le GATT de 1994, à savoir le commerce des services. En conséquence, l'AGCS s'applique à la fourniture de services. Il prévoit, entre autres, à la fois le traitement NPF et le traitement national pour les services et les fournisseurs de services. Compte tenu du champ d'application respectif des deux accords, ils peuvent ou non se recouper, selon la nature de la mesure en question. Certaines mesures pourraient être considérées comme relevant exclusivement du GATT de 1994, lorsqu'elles affectent le commerce des marchandises en tant que marchandises. Certaines mesures pourraient être considérées comme relevant exclusivement de l'AGCS, lorsqu'elles affectent la fourniture de services en tant que services. Il y a toutefois une troisième catégorie de mesures qui pourraient être considérées comme relevant à la fois du GATT de 1994 et de l'AGCS. Il s'agit des mesures qui impliquent un service concernant une marchandise particulière ou un service fourni en liaison avec une marchandise particulière. Dans tous les cas entrant dans cette troisième catégorie, la mesure en question pourrait être examinée au regard aussi bien du GATT de 1994 que de l'AGCS. Toutefois, alors que la même mesure pourrait être examinée au regard des deux accords, les aspects spécifiques de cette mesure examinés au regard de chaque accord pourraient être différents. Dans le cadre du GATT de 1994, l'accent est mis sur la façon dont la mesure affecte les marchandises en cause. Dans le cadre de l'AGCS, l'accent est mis sur la façon dont la mesure affecte la fourniture du service ou les fournisseurs de services en cause. Quant à savoir si une certaine mesure affectant la fourniture d'un service lié à une marchandise particulière doit être examinée au regard du GATT de 1994 ou de l'AGCS, ou des deux, c'est une question qui ne peut être tranchée qu'au cas par cas. C'est également la conclusion à laquelle l'Organe d'appel est arrivé dans son rapport sur l'affaire Canada - Périodiques37.

Le Canada, comme les autres États, risque de faire face à nouveau à de tels chevauchements dans l'application des accords de l'OMC. Lorsqu'un gouvernement adopte une mesure applicable au domaine des services (ou à un domaine particulier de service), il est tout à fait justifié de s'attendre que cette mesure soit considérée comme telle par les organismes qui auront éventuellement à se pencher sur celle-ci. Si ce principe ne tient pas, cela risque de porter atteinte à la prévisibilité des règles du commerce international et par conséquent de miner la confiance en ce système.

.Recommandation 9

Le gouvernement devrait se pencher sur la question du chevauchement dans l'application des accords de l'OMC, afin de déterminer s'il y a lieu de proposer des règles d'interprétation pour baliser ces chevauchements.

Il ne faudrait pas non plus négliger la question que soulèvent les conflits d'interprétation entre les accords de l'OMC et plus généralement entre les divers traités internationaux. Il sera bien souvent difficile de déterminer de façon précise quelle disposition d'un accord s'appliquera à une mesure particulière. Les dossiers des bananes et des périodiques ont mis en évidence ces conflits potentiels.

Le défi est déjà considérable dans le cadre d'une même organisation qui applique des accords commerciaux fondés sur les mêmes principes. Le défi risque de s'accroître si on ajoute à ces accords des normes sociales et environnementales qui pourraient fort bien relever d'une autre organisation. Si les membres de l'OMC décident de se soumettre à de telle normes, ils devront par la même occasion trouver un mécanisme capable de résoudre les conflits potentiels d'application des divers instruments juridiques.

Transparence et participation des tiers

Les critiques formulées à l'égard de la transparence des activités de l'OMC le sont aussi à l'égard de la procédure de règlement des différends. Les activités des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel ne sont pas ouvertes au public. Les prétentions des parties ne sont pas rendues publiques. Les tiers, autres que les membres, ne peuvent pas participer à la procédure.

Traditionnellement, les différends en matière commerciale se sont tenus sous le sceau de la confidentialité, et même du secret. On a toujours craint que des informations commerciales privilégiées ne soient rendues publiques et qu'il en résulte un préjudice pour le propriétaire de ces renseignements. Le meilleur moyen d'assurer la protection des informations privilégiées est d'entourer de confidentialité et de secret les litiges qui peuvent les dévoiler et de restreindre les parties qui peuvent participer à ces litiges38.

De même, les conflits entre États, qu'ils portent ou non sur des matières commerciales, sont également discutés à huis clos.

Pour ces deux raisons (conflit commercial et conflit entre États), lorsque le temps est venu d'établir une procédure de règlement de différends commerciaux entre États, on a tout naturellement établi une procédure exclusive entourée de secret. La question qu'il faut aujourd'hui se poser est de savoir s'il est toujours approprié de maintenir une telle procédure. Sur cette question, les opinions sont partagées.

Alléguant que les accords commerciaux ont des effets sur la population, sur l'environnement et sur l'économie en général, des témoins nous ont parlé de la nécessité d'intégrer dans le système la participation d'organismes compétents, ce qui permettrait de défendre des intérêts variés39. Pour ces témoins, la procédure de règlement des différends devrait être modifiée en conséquence.

D'autres témoins nous ont mentionné qu'il ne serait pas approprié d'élargir la participation à la procédure de règlement des différends. Pour eux, il est tout à fait normal que la participation à cette procédure soit restreinte aux membres puisque nous sommes en présence de traités internationaux et que seules les parties à ces traités devraient être autorisées à prendre part aux litiges concernant leur application40. Sylvia Ostry dit craindre l'ouverture de la procédure de règlement des différends à la participation des tiers non-membres. Selon elle, si les groupes environnementaux étaient autorisés à intervenir, les entreprises, les syndicats, les groupes de consommateurs et même les cabinets juridiques privés revendiqueraient le même accès et le système en place se transformerait en un système axé sur la confrontation et la contradiction41.

Donald McRae, professeur à l'Université d'Ottawa, a émis l'opinion que la question de la défense des intérêts particuliers devrait se régler à l'échelon national. En ce sens, le Canada devrait mettre en place une procédure par lequel une personne (individu, organisme ou corporation), dont les intérêts sont affectés par les politiques commerciales d'un autre pays, pourrait soumettre son dossier au gouvernement en lui demandant de se prévaloir de la procédure de règlement des différends42.

Des témoins ont mentionné que la transparence des travaux entourant le règlement des différends pourrait être améliorée si l'on rendait publics les mémoires soumis par les parties ainsi que les débats qui se sont déroulés devant le groupe spécial et l'Organe d'appel. Il faudrait, par contre, s'assurer de la protection des renseignements commerciaux privilégiés43.

Le Comité reconnaît que la question de la participation des tiers non-membres à la procédure de règlement des différends est une question qui requiert une attention particulière.

Pour d'autres, qui prennent une position mitoyenne, les accords sont des traités internationaux et les membres devraient être les principaux intervenants dans la procédure de règlement des différends. Ils mentionnent également qu'il serait important d'apporter certains aménagements à la procédure pour permettre à des personnes et à des organismes intéressés de faire valoir leur point de vue. La forme sous laquelle cette participation des tiers serait permise reste à préciser.

Recommandation 10

En conséquence, le gouvernement devrait étudier attentivement la question de la participation de tiers non-membres à la procédure de règlement des différends de l'OMC et de soulever, en temps opportun, cette question devant l'OMC pour qu'elle y soit étudiée.

Application des décisions des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel

Lorsque la décision du groupe spécial ou de l'Organe d'appel a été adoptée par l'ORD, le membre visé doit abroger ou modifier la mesure jugée non conforme pour respecter la décision. Pour ce faire, il peut bénéficier d'un délai qui ne devrait pas dépasser 15 mois.

Des témoins ont expliqué au Comité que cette étape de la procédure de règlement des différends était celle qui faisait le plus l'objet de critiques. Ces commentaires négatifs sont de deux ordres; certains sont liés à la procédure et d'autres, au fond du litige.

Si le membre visé par une décision adopte une nouvelle mesure pour remplacer la mesure jugée non conforme, cette nouvelle mesure peut faire l'objet d'un nouveau litige entre les parties. Le groupe spécial qui a entendu initialement l'affaire peut être appelé à se prononcer sur la nouvelle mesure. Ces nouvelles procédures ont pour effet de retarder l'application de la décision. En théorie, cette façon de faire pourrait se répéter à l'infini et empêcher le respect de la décision rendue. Les membres de l'OMC devraient donc se pencher sur la question afin de tenter de trouver une solution à cette situation.

D'autre part, la disposition du MRD qui permet l'application de la procédure de règlement des différends pour contester la nouvelle mesure ne précise pas si la décision que le groupe spécial rend peut faire l'objet d'un appel devant l'Organe d'appel44. Si tel devait être le cas, cela aurait pour effet de retarder encore plus l'application de la décision. La rédaction du paragraphe 21(5) du MRD est à ce point imprécise qu'il serait possible de défendre autant la position à l'effet que l'appel est autorisé que celle à l'effet que l'appel est interdit45.

Le paragraphe 22(2) du MRD établit que le membre qui bénéficie d'une décision peut demander à l'ORD l'autorisation de suspendre des concessions ou autres avantages. Cette demande ne peut se faire qu'à l'expiration d'un délai de 20 jours qui suit l'expiration du délai accordé pour mettre en application la décision et pourvu que les parties aient tenu des consultations dans ce délai de 20 jours sur la question de la compensation.

Cette disposition semble entrer en conflit avec la disposition précédemment citée qui permet le recours à de nouvelles procédures lorsque le membre visé a adopté une nouvelle mesure dont la compatibilité est contestée46. On peut alors faire face à une situation où il y aurait à la fois contestation d'une mesure et demande de compensation. Il serait illogique de suspendre des concessions ou autres avantages avant que l'ORD ait tranché définitivement la question de savoir si le membre visé respecte ses obligations. Il serait important d'apporter des précisions à l'une ou à l'autre de ces dispositions ou aux deux à la fois pour résoudre le problème de conflit potentiel entre elles.

Recommandation 11

En conséquence, le Comité recommande au gouvernement du Canada de se pencher sur la question du conflit potentiel entre les paragraphes 21(5) et 22(2) du Mémorandum de règlement des différends et de présenter ses recommandations à cet égard à l'OMC en temps opportun.

Bilan provisoire et expérience canadienne

Lors de son témoignage devant le Comité, l'honorable Sergio Marchi, ministre du Commerce international, a mentionné qu'un système commercial fondé sur des règles est bénéfique au Canada. Selon lui, les règles signifient prévisibilité et équité et empêchent que des Canadiens soient exclus à cause de l'application de normes discriminatoires47.

Des témoins ont mentionné qu'il fallait tracer un bilan positif de la participation du Canada à la procédure de règlement des différends. Ce bilan ne doit pas tenir compte exclusivement des dossiers où le Canada a perdu, mais faire aussi état des dossiers qu'on a conclu à son avantage48.

Donald McRae a signalé que l'expérience, à ce jour, de la procédure de règlement des différends établit que les membres plaignants ont plus souvent gain de cause que les autres. Il est d'avis que cette situation devrait se poursuivre jusqu'à ce que les membres actualisent leur législation pour la rendre conforme au degré de libéralisation exigé par l'OMC49. La mise en oeuvre des engagements découlant des accords de l'OMC se poursuit et la procédure de règlement des différends est un moyen efficace de contrôle de cette mise en oeuvre.

Un nombre croissant de petites et de moyennes entreprises (PME) canadiennes réussissent sur les marchés étrangers. Pour maintenir et augmenter le nombre de ces histoires à succès, il est important que l'ouverture des marchés soit fondée sur des règles claires et prévisibles. Le gouvernement du Canada doit s'assurer que les règles régissant les échanges commerciaux adoptées par les partenaires commerciaux du Canada soient conformes aux accords de l'OMC et aux autres accords commerciaux auxquels il est partie. Il devrait prendre les mesures nécessaires, y compris le recours à la procédure de règlement des différends, pour en assurer la conformité.

Somme toute, comme Serge Fréchette l'a mentionné au Comité, la procédure de règlement des différends est encore jeune, puisqu'elle n'a pas encore cinq ans. Il faut lui laisser le temps d'acquérir de l'expérience50. Le Comité est d'accord avec ce commentaire et en conclut qu'il est un peu tôt pour dresser un bilan exhaustif de la procédure de règlement des différends. Le gouvernement du Canada devra continuer à suivre ce dossier attentivement.


1# Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce, L. C., 1994, chapitre 47.

2# Déclaration ministérielle, adoptée le 20 mai 1998, document WT/MIN(98)/DEC/1, 25 mai 1998, paragraphe 8.

3# Mise en oeuvre des accords de l'OMC : inventaire des difficultés rencontrées par les pays les moins avancés et des réponses qui y ont été apportées, document WT/COMTD/LDC/W/10, Genève, OMC, 19 octobre 1998.

4# Plusieurs des accords de l'OMC exigent des membres qu'ils transmettent au secrétariat de l'OMC des informations et des documents sur leurs législations ou leurs programmes économiques. Par manque de ressource ou de compétence, les PMA ont beaucoup de difficultés à satisfaire à ces exigences.

5# Déclaration ministérielle de Singapour, adoptée le 13 décembre 1996, paragraphe 6.

6# Ibid, paragraphe 13.

7# Plan d'action global et intégré de l'OMC en faveur des pays les moins avancés, document WT/MIN(96)/14, Genève, 7 janvier 1997.

8# Cadre intégré pour l'assistance technique liée au commerce, y compris pour le renforcement des capacités humaines et institutionnelles, en vue d'aider les pays les moins avancés dans leurs activités commerciales et liées au commerce, document WT/LDC/HL/1/Rev.1, Genève, 23 octobre 1997.

9# Ibid. paragraphe 1.

10# Ibid. paragraphe 2.

11# Voir les documents de l'OMC WT/COMTD/IF/1 à WT/COMTD/IF/39.

12# MRD, paragraphe 27(2).

13# Ibid, paragraphe 27(3).

14# Voir le texte du Mécanisme d'examen des politiques commerciales à l'annexe 3 de l'Acte final, publié dans Les résultats des Négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, Genève, GATT, 1994.

15# MEPC, article A(i).

16# Le Canada a fait l'objet de deux examens depuis le début des activités de l'OMC. Les rapports de l'OEPC ont été publiés en novembre 1996 et en décembre 1998.

17# MEPC, article C(ii).

18# IISD Presentation to the Standing Committee on Foreign Affairs and International Trade - Study on the World Trade Organization, Avril 1999, p. 14.

19# Ibid. p.13-14.

20# Mémoire, Institut Nord-Sud, p. 7.

21# Michael Hart, Le Canada et le Cycle du Millénaire - Élaborer des règles globales pour une économie mondiale, p. 24.

22# En ce qui concerne le processus de consultation avec les provinces, John Klassen (directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) a mentionné au Comité que les représentants des provinces et du gouvernement fédéral se rencontrent tous les quatre mois. Lors de ces rencontres, les discussions portent sur l'ensemble du domaine de la politique commerciale. Il peut y être question des dossiers de l'OMC ou des autres négociations commerciales en cours ainsi que de la procédure de règlement des différends. De plus, les provinces ont accès à une série de documents mis à leur disposition au moyen d'un site Internet protégé par un mot de passe. Enfin, les provinces sont habituellement consultées sur les documents de discussion sur les dossiers touchant au commerce avant leur publication.

23# Le député de St-Hyacinthe-Bagot, M. Yvan Loubier, a indiqué lors de son témoignage devant le Comité qu'il avait participé aux négociations du Cycle d'Uruguay à titre de représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec.

24# Témoignage, réunion no 119, Winnipeg, 26 avril 1999.

25# David L. Cook, The Millennium Round of Multilateral Trade Negotiations: The Provinces and the Treaty Making-A Submission to the Standing Committee on Foreign Affairs and International Trade for the Public Hearings on Trade Negotiations under the Auspices of the World Trade Organization, Charlottetown, 25 avril, 1999. Le professeur Cook emploie l'expression « Provincial Round ».

26# Témoignage, réunion no 99, 16 mars 1999.

27# Témoignage, réunion no 123, Toronto, 28 avril 1999.

28# Témoignage, réunion no 96, 9 mars 1999.

29# Témoignage, réunion no 122, Toronto, 27 avril 1999. Mémoire, Gilbert Winham.

30# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999. Témoignage, réunion no 110, 25 mars 1999.

31# Témoignage, réunion no 122, Toronto, 27 avril 1999.

32# Voir les mémoires de la West Coast Environmental Law et de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Les dossiers habituellement cités sont : États-Unis - Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (WT/DS2); États-Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et certains produits de crevettes (WT/DS58); Communautés européennes - Mesures visant les animaux vivants et les viandes (hormones) (WT/DS48).

33# Il faut mentionner également qu'une large part de la population européenne s'oppose à un retrait de l'interdiction sur le boeuf aux hormones. Les autorités européennes ont fort probablement tenu compte de cette opinion avant de prendre la décision de maintenir leurs réglementations interdisant l'importation de boeuf aux hormones.

34# Témoignage, réunion no 104, Québec, 22 mars 1999.

35# Canada - Certaines mesures concernant les périodiques - Rapport du groupe spécial, WT/DS31/R, Genève, OMC, 14 mars 1997 et Canada - Certaines mesures concernant les périodiques - Rapport de l'Organe d'appel, WT/DS31/AB/R, Genève. OMC, 30 juin 1997.

36# Canada - Certaines mesures concernant les périodiques - Rapport du groupe spécial, WT/DS31/R, Genève, OMC, 14 mars 1997, paragraphe 5.18

37# Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes - Rapport de l'Organe d'appel, WT/DS27/AB/R, Genève, OMC, 9 septembre 1997, paragraphe 221.

38# Les groupes spéciaux et l'Organe d'appel peuvent prendre les mesures qu'ils jugent appropriées pour protéger les renseignements commerciaux privilégiés.

39# Mémoire, World Federalists of Canada.

40# Témoignage, Lawrence Herman, réunion no 93, 2 mars 1999.

41# Mémoire, Sylvia Ostry, p. 11.

42# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999.

43# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999.

44# MRD, paragraphe 21(5).

45# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999.

46# Mémoire, Gilbert Winham.

47# Témoignage, réunion no 88, 9 février 1999.

48# Témoignage, réunion no 95, 4 mars 1999. Témoignage, réunion no 107, Halifax, 24 mars 1999.

49# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999.

50# Témoignage, réunion no 101, 16 mars 1999.