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FAIT Rapport du Comité

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L'INVESTISSEMENT ET LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE

« Ce qu'en disent les Canadiens»

Selon nous, l'Organisation mondiale du commerce a pour seul objectif d'aider les grandes entreprises qui n'ont guère à coeur les intérêts du public. Les aspects de l'AMI auxquels nous trouvons à redire sont trop nombreux pour qu'il soit possible de les passer en revue ici. Nous estimons que les futures négociations [sur l'investissement] ne devraient pas reprendre sur les bases établies [pour l'AMI] à Paris. Les futures négociations doivent inclure des obligations de résultats claires et des règlements concernant la juste expropriation des biens des entreprises en vue de répondre aux besoins essentiels de la collectivité. (Témoignage)

Dennis Gaumond
Jeudi, 29 avril 1999
London

...cette leçon à tirer ne devrait pas être qu'il n'est pas approprié de négocier des règles en matière d'investissement. Il me semble qu'étant donné le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, il est au contraire tout à fait approprié de se doter de règles en matière d'investissement et de continuer à approfondir l'incidence de ces règles sur ce que les gouvernements peuvent faire. (Témoignage)

professeur Michael Hart, Centre des politiques de commerce et de droit
Lundi, 26 avril 1999
Vancouver

Tout en appuyant l'inclusion à titre prioritaire de l'investissement dans l'ordre du jour de l'OMC, nous souhaitons que l'OMC ne s'enlise pas dans un débat politisé, acrimonieux et diviseur qui risque de lui nuire à long terme... En particulier, il convient de mieux définir la notion clé de l'« expropriation » des investissements étrangers qui déclenche le mécanisme de règlement des différends. Il faudrait retirer de l'accord les domaines légitimes de réglementation et de législation lorsqu'il n'est pas vraiment fait main basse sur un élément d'actif. Il faut également réexaminer d'autres aspects des dispositions relatives à l'État investisseur, y compris le secret et le manque de transparence du processus, comme aux termes des dispositions de l'ALENA. (Mémoire)

Jayson Myers, Alliance des manufacturiers et des exportateurs
Vendredi, 30 avril 1999

Le report des négociations de l'AMI offre au comité permanent l'occasion de passer au crible et d'améliorer les dispositions défectueuses de l'AMI. (Mémoire)

Dr. Raj Pannu, MLA, Nouveau parti démocratique de l'Alberta
Mercredi, 28 avril 1999
Edmonton

...la souveraineté du Canada ne sera pas minée par un accord sur les investissements. Le Canada gardera sa capacité de donner son accord à de larges fusions ou acquisitions d'entreprises qui impliquent des sociétés canadiennes et de maintenir les limites du contrôle étranger lors de la privatisation d'entreprises sous contrôle gouvernemental. Il n'y aura aucune répercussion sur les programmes sociaux canadiens.

Par ailleurs, l'engagement du Canada à un tel accord ne fait que nous obliger à traiter les investisseurs étrangers au Canada de la même façon que nos propres investisseurs. Les investisseurs étrangers seraient donc assujettis aux mêmes lois et règlements dans tous les domaines, y compris en matière d'environnement, de santé, de travail et de culture. (Témoignage)

Mr. Jacques Garon, Conseil du patronat du Québec
Mercredi, 24 mars 1999
Montréal

Il faut s'opposer aux accords du genre de l'AMI au nom de l'intérêt public canadien et ne pas en faire la promotion du point de vue étroit des entreprises canadiennes qui investissent beaucoup dans les pays en développement. (Mémoire)

Robert White
Congrès du travail du Canada
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

Si [les membres] de l'OMC décident de négocier des règles d'investissement, je recommanderais au gouvernement canadien d'accorder dans les négociations autant d'importance aux mesures qui assurent le droit des États à édicter des lois et des règlements en vue de préserver l'identité culturelle, la qualité de l'environnement et la cohésion sociale qu'à celles qui protègent les intérêts des investisseurs étrangers. (Témoignage)

professeur Elizabeth Smythe
Université Concordia
Mercredi, 28 avril 1999
Edmonton

Les principes de la nation la plus favorisée et du traitement national ne suffisent pas à assurer le traitement juste et équitable des investissements parce que les exigences d'un régime d'investissement sont structurellement différentes de celles de la libéralisation du commerce des biens et services. Les investissements productifs ont un horizon à long terme et peuvent subir de nombreux changements au fil du temps. Un investisseur étranger acquiert des droits permanents dans un pays d'accueil, une sorte de citoyenneté économique, et ces droits s'accompagnent d'obligations. La communauté internationale devrait se donner un forum autre que l'OMC pour négocier un régime multilatéral d'encadrement des investissements internationaux. (Mémoire).

David Runnalls
Institut international du développement durable
Jeudi, 18 mars 1999

Nous voudrions qu'il y ait un moratoire sur les mécanismes de règlement des différends investisseur-État jusqu'à ce que leurs répercussions sur la politique publique soient mieux comprises. (Témoignage)

Cynthia Callard
Médecins pour un Canada sans fumée
Jeudi, 15 avril 1999

Que le gouvernement canadien s'oppose à ce que des négociations générales sur les investissements prennent place à l'OMC tant que n'auront pas été instituées des mesures de sauvegarde suffisantes pour assurer la primauté du droit international relatif aux droits humains (Témoignage)

Warren Allmand
Centre international des droits de la personne et du développement démocratique
Mercredi, 24 mars 1999
Montréal

Toute l'idée de la politique en matière de concurrence est de maintenir un système ouvert à l'innovation, en ne permettant pas aux grands d'empêcher les petits d'innover avec succès. Il ne faut pas oublier que la politique en matière de concurrence doit maintenir la marmite en ébullition. (Témoignage)

professeur James McNiven
"Business and Public Administration"
Université Dalhousie
Mercredi, 23 mars 1999

L'élaboration d'une politique de concurrence internationale dépend du système national préexistant. Il est normal que le droit de la concurrence varie d'un pays à l'autre étant donné la diversité des réalités politiques, sociales et économiques... Les préférences des divers pays détermineront la politique de concurrence internationale. Les pays peuvent différer grandement quant à l'ampleur qu'il convient de donner à la politique de concurrence et quant aux règles nationales qu'il convient de coordonner. (Mémoire)

Francine Matte, Lawson A.W. Hunter et Randall Hofley
Stikeman, Elliott
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

je pense qu'il est vrai qu'elle doit être abordée au sein de l'OMC. Je ne pense pas qu'il faille l'aborder en élaborant une sorte de politique mondiale en matière de concurrence. Je crois qu'il faut s'attaquer à cette question en établissant des limites autour des règles nationales, des limites qui imposeraient une certaine harmonisation de ces règles nationales. Je crois que l'exemple classique de ce problème est celui de la fusion de Boeing et de Lockheed, aux États-Unis, où l'on a deux compagnies américaines qui fusionnent et où l'Union européenne dit: «Nous ne vous laisserons pas travailler en Europe si vous ne respectez pas les règles de notre politique en matière de concurrence.» Dans cette situation, on est aux prises avec les politiques en matière de concurrence de l'Union européenne et des États-Unis, et cela pourrait se produire dans de nombreux autres pays également. Il me semble donc qu'il nous faut trouver une sorte de superstructure. (Témoignage)

professeur Brian Russell
"School of Business", Univeristé Dalhousie
Mercredi, 24 mars 1999
Halifax

L'investissement et la politique de la concurrence

L'investissement et la politique de la concurrence (PC) sont deux des nouvelles questions qui peuvent être inscrites à l'ordre du jour d'un prochain cycle de négociations multilatérales. Dans un sens, cela est inévitable, les deux sujets faisant d'ores et déjà partie de ceux qui sont traités dans certains accords de l'OMC. La question qui se pose alors est de savoir si le traitement actuel doit être modifié ou élargi.

Au cours des négociations qui ont abouti au GATT en 1947, la possibilité de conclure un accord sur l'investissement a été explorée dans la proposition portant sur l'Organisation internationale du commerce. Il était également envisagé de prendre des dispositions concernant les pratiques commerciales restrictives, étant donné les préoccupations soulevées par la formation et l'exploitation de cartels internationaux. On n'est cependant parvenu à conclure aucun accord sur l'investissement ni sur la politique de la concurrence, et ni l'un ni l'autre de ces sujets n'a été évoqué au sein de cette tribune jusqu'à la tenue des négociations du Cycle d'Uruguay. Pendant ce temps, des pourparlers et des négociations ont eu lieu au sein de l'OCDE et de diverses organisations des Nations Unies, comme la CNUCED et l'OIT. Parallèlement, les pays ont abordé les questions de l'investissement en négociant des traités bilatéraux connus, au Canada, sous le nom d'Accord sur la protection et la promotion des investissements étrangers, qui sont au nombre de 1 600 à travers le monde, dont 23 impliquant le Canada. À l'échelle régionale, des accords commerciaux comme l'ALENA et les accords commerciaux bilatéraux comportent des dispositions sur l'investissement, sujet qui est également traité dans le cadre de la création de la ZLEA1.

Préoccupations sur le plan de l'investissement

Même si de multiples obligations s'appliquent déjà au commerce des biens et des services, des accords commerciaux comme l'ALENA ne renferment que des règles partielles sur l'investissement. En ce qui concerne l'OMC, on trouve des règles liées à l'investissement dans l'Accord sur les mesures concernant les investissements et idées au commerce (Accord sur les MIC) et dans l'AGCS. Les MIC obligent les investisseurs à opérer dans certaines conditions, par exemple à restreindre leurs importations et à s'engager à effectuer un minimum d'exportations, ou bien à offrir un certain nombre d'emplois. L'AGCS instaure le droit d'établissement qui autorise les prestataires de services étrangers à pénétrer un marché en y établissant une présence commerciale dans les secteurs de services ayant fait l'objet d'engagements de la part des pays concernés - voir chapitre 5. L'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires prévoit les disciplines qui s'appliquent aux subventions destinées à financer des opérations de lancement, et l'Accord sur les marchés publics garantit le traitement non discriminatoire des fournisseurs nationaux et étrangers qui ont passé un marché couvert par l'accord. Dans l'ALENA, le chapitre 11 est consacré à l'investissement, et la liste des mesures de rendement prohibées est plus longue que celle que l'on trouve dans l'Accord sur l'OMC.

L'investissement étranger direct (IED) est un investissement à long terme dans des activités productrices à l'étranger, par opposition à une injection de capitaux, qui est un investissement à court terme et souvent de nature spéculative. L'élaboration de ses règles a été stimulée par l'augmentation des IED et par une conception de

Encadré 10.1 Questions traitées dans l'ALENA, l'Accord commercial entre le Canada et le Chili et les Accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers conclus avec plusieurs pays industrialisés.

· définitions d'investissement et d'investisseur;

· normes minimales de traitement : traitement juste et équitable, conforme au droit international;

· engagements de la nation la plus favorisée : traitement non discriminatoire des investisseurs canadiens dans un pays, relativement aux investisseurs étrangers d'autres pays;

· traitement national : traitement non discriminatoire des investisseurs canadiens dans un pays relativement aux investisseurs nationaux du pays en question;

· droit de faire virer des fonds librement et sans délai, aussi bien dans un pays qu'en dehors de ce pays;

· règles sur l'expropriation et l'indemnisation;

· engagements autorisant les investisseurs à choisir librement les dirigeants chargés de leurs investissements;

· disciplines sur les prescriptions de résultat imposées par un pays d'accueil à un investisseur, par exemple, règles sur le contenu d'origine nationale et prescriptions relatives à l'équilibrage des échanges et au transfert de technologie;

· droit d'adopter des mesures environnementales conformes aux principes de l'accord;

· exceptions générales et spécifiques aux obligations découlant de certaines mesures de sauvegarde;

· engagements relatifs à la transparence des politiques gouvernementales concernant les investisseurs étrangers;

· mesure d'obligation de tenir les arrangements, des arrangements entre États et entre certains États et les investisseurs, par le biais de la procédure de règlement des différends.

Source: Site Web d'Industrie Canada (strategis.ic.gc.ca), 15 mars 1999.

l'investissement et du commerce qui en faisaient des activités complémentaires. Dans certains cas, l'investissement peut remplacer le commerce. Les tarifs douaniers qui découragent l'importation de biens et de services en constituent un exemple. Mais de plus en plus, et au fur et à mesure que les obstacles que constituent les tarifs douaniers sont levés, on considère que l'investissement et le commerce sont des activités complémentaires et l'on a recours au deux pour desservir les marchés étrangers. Industrie Canada souligne que l'IED ouvre souvent des perspectives commerciales aux exportateurs canadiens. Si la libéralisation requiert l'élimination d'obstacles, il est logique que l'investissement, tout comme le commerce, soit assujetti à des règles.

Le Canada s'intéresse au dossier de l'investissement à titre de pays d'accueil et de pays de provenance, c'est-à-dire à titre de bénéficiaire de l'IED et d'investisseur à l'étranger. Historiquement, le stock d'IED du Canada a toujours été plus important que le stock de ses investissements à l'étranger, mais en 1996, selon Statistique Canada, le total des investissements à l'étranger a dépassé pour la première fois l'IED au Canada. Le flux des investissements canadiens vers l'étranger s'est également diversifié, si bien que l'IED aux États-Unis, qui représentait 70 % du total des investissements étrangers, est maintenant tombé à 50 %. L'IED du Canada est maintenant également dirigé vers l'Amérique latine, les Caraîbes, l'Europe de l'Ouest et l'Asie. On trouvera d'autres données sur l'IED dans l'introduction au chapitre 2 ainsi que dans l'encadré 10.1.

Si un accord plus complet sur l'IED était élaboré, il aurait pour objet de rationaliser les traités bilatéraux relatifs à l'investissement et d'étendre l'application des dispositions contenues dans ces traités aux pays en voie de développement, pays avec lesquels le Canada n'a justement pas conclu de tels traités. Un examen des dispositions énoncées dans les traités bilatéraux indique le type de questions dont la négociation serait probablement jugée pertinente par le Canada, dans l'optique de la conclusion d'un accord multilatéral. Les sujets touchant l'investissement dont on trouve la liste au tableau 1 sont les mêmes que ceux qui sont déjà traités dans plusieurs accords commerciaux dont le Canada est signataire.

Selon Industrie Canada, les lacunes que l'ont peut déceler dans les règles qui existent actuellement en vertu de l'Accord sur l'OMC sont les suivantes : les principes du traitement non discriminatoire ne sont pas appliqués aux investisseurs dans le secteur du commerce des biens; il n'existe aucun engagement relatif à la transparence des politiques qui régissent actuellement l'investissement dans le secteur du commerce des biens; le transfert de fonds dans les secteurs des ressources et de la fabrication ne fait l'objet d'aucun engagement; il n'existe pas de dispositions sur les prescriptions de résultat dans le secteur des services; enfin, rien ne garantit la protection contre les expropriations sans indemnisation. Ces lacunes ne concernent que l'IED ailleurs que dans les pays signataires de l'ALENA et ceux avec lesquels le Canada a signé des traités bilatéraux relatifs aux investissements, ce qui représente à l'heure actuelle un pourcentage modeste du total de l'investissement à l'étranger.

Préoccupations concernant la politique de la concurrence

L'argument avancé pour appuyer l'inclusion de la PC au sein de l'OMC repose sur l'idée que la politique commerciale et la PC ont des objectifs complémentaires. Dans un cas comme dans l'autre, le but est d'améliorer le bien-être du consommateur en rendant les marchés disputables, autrement dit accessibles. (pour plus d'explications, voir l'encadré 10.2. Voir également la discussion sur l'application généralisée du principe de la contestabilité de la juste valeur marchande, au chapitre 1). Jusqu'ici la politique commerciale a mis l'accent sur l'élimination des mesures prises par les gouvernements, comme les tarifs douaniers et les obstacles non tarifaires qui restreignent le commerce. Une autre série de politiques, celles qui portent sur la concurrence (politiques anti-trust), ont des objectifs similaires. Mais elles portent sur des mesures que peuvent prendre en toute autonomie des décideurs du secteur privé qui peuvent ainsi restreindre l'accès au marché. La politique commerciale traite plutôt des mesures prises par les pouvoirs publics et de l'accès transfrontières aux marchés, alors que la politique de la concurrence concerne des mesures prises dans le secteur privé et à l'intérieur des frontières d'un pays.

Dans le domaine de la PC, des règles peuvent être appliquées à des mesures prises dans le privé et ayant des répercussions sur les importations et les exportations. Dans plusieurs pays, y compris le Canada, par exemple, la politique de la concurrence autorise les cartels d'exportation - des accords passés entre des entreprises nationales pour fixer les prix sur des marchés étrangers - procédure qui n'est pas autorisée sur les marchés nationaux. Il est clair que cela a des repércussions sur les exportations et les importations, étant donné que cela autorise des entreprises à pratiquer une discrimination par les prix, en exigeant des prix plus élevés sur les marchés étrangers que sur les marchés nationaux; le problème inverse est traité par les recours commerciaux qui s'appliquent au dumping.

Encadré 10.2 Marchés disputables

On dit qu'un marché est disputable si une initiative prise par un vendeur déjà établi sur le marché pour relever les prix au-dessus d'un niveau « concurrentiel » aboutit à faire entrer sur le marché de nouvelles entreprises, tant et si bien que les prix retombent à un niveau concurrentiel. Un marché est dit disputable dans les deux cas suivants : soit de nouvelles entreprises apparaissent sur le marché lorsque les prix sont relevés, soit l'entreprise déjà implantée sur le marché, qui pourrait être un monopole, se comporte comme une entreprise concurrentielle parce qu'elle craint qu'en relevant les prix, des concurrents puissent apparaître sur le marché. Ainsi, une entreprise monopolistique peut se comporter comme une entreprise qui opère sur un marché concurrentiel s'il s'agit d'un marché disputable. Cependant, tous les marchés ne sont pas disputables. Certaines conditions peuvent prévaloir : elles peuvent être liées à l'économie d'une branche d'activité - c'est le cas des économies d'échelle - ou découler d'une politique gouvernementale - c'est le cas des prescriptions en matière de licence - ou être la conséquence de mesures prises par des entreprises privées - c'est le cas des ententes exclusives qui bloquent l'accès au marché ou font disparaître effectivement tout risque de cette nature. Les mesures qui permettent de rendre les marchés plus disputables requièrent souvent une amélioration des conditions d'accès au marché qui débouche sur les avantages découlant de la libéralisation du commerce. La politique de la concurrence favorise la création de marchés disputables en contrant les mesures prises par des entreprises privées pour entraver la concurrence que pourraient exercer d'autres entreprises sur un marché.

D'autres exemples démontrent la convergence entre le commerce et la PC. Deux cas récents illustrent les problèmes frontaliers : la fusion de Boeing et de McDonnell Douglas et l'affaire Kodak-Fuji. La Commission européenne a menacé de bloquer la fusion des sociétés d'aéronautique en arguant qu'elles avaient conclu des accords d'approvisionnement exclusifs avec certaines grandes compagnies aériennes, ce qui risquait de porter préjudice aux fabricants de l'appareil concurrent fabriqué en Europe, l'Airbus. Les États-Unis ont menacé de riposter si la fusion ne se faisait pas. Des pratiques anticoncurrentielles privées concernant l'accès au marché japonais ont été à la source d'une requête en vertu de l'article 301 déposée par Kodak et communiquée à l'OMC. Le problème était dû à des mesures prises par une société japonaise intégrée verticalement pour limiter la capacité de Kodak à distribuer des pellicules au Japon.

Les pays se différencient par la portée et la valeur contraignante de leurs lois sur la concurrence. Environ 80 pays ont déclaré être dotés de lois de ce type en 1997, alors que 10 ans plutôt on n'en comptait qu'environ 40; toutefois, l'énoncé et les mesures d'application de la législation de chaque pays diffèrent 2. L'étendue de la couverture varie selon l'industrie et l'activité, la plupart des pays exemptant les accords entre syndicats ou associations professionnelles. L'efficacité de la politique dépend de sa portée et de sa valeur en tant que mesure contraignante, et cela est souvent déterminé par les décisions rendues par les tribunaux et les organes de réglementation. Par ailleurs, les autorités chargées du dossier de la concurrence jouissent encore souvent de pouvoirs discrétionnaires qui leur permettent de dire aux entreprises quelles mesures elles sont autorisées à prendre, si bien qu'il est difficile d'imposer la transparence de la politique. Comme dans le cas du piratage des droits d'auteur et de la politique sur les droits de propriété intellectuelle, on se perd dans les détails lorsqu'on cherche à comprendre comment la politique fonctionne et quelle est son efficacité probable. Même dans les pays dotés de lois sur la concurrence, il existe souvent des différences marquées sur le plan de leurs retombées véritables.

Les pratiques généralement couvertes par les lois et les règlements sur la concurrence comprennent notamment:

· la fixation des prix et les ententes ou arrangements cartellaires sur le partage des marchés;

· la cartélisation des exportations et des importations;

· les ententes entre concurrents pour truquer un processus d'appel d'offres;

· le boycottage ou le refus d'approvisionnement de la part d'un groupe donné;

· l'abus des pouvoirs conférés par une position monopolistique ou dominante;

· des accords de distribution ou d'approvisionnement exclusifs;

· la vente à prix imposé;

· la discrimination par les prix;

· les fusions horizontales et verticales et les regroupements par conglomérat;

· la publicité mensongère.

La poursuite engagée contre Microsoft, aux États-Unis, en vertu des lois antitrust, est un exemple des allégations d'abus de pouvoirs monopolistiques; la société Microsoft, en effet, est accusée d'avoir abusivement profité de sa position dominante sur le marché en faisant obstacle à la vente de logiciels fabriqués par des concurrents rivalisant avec des logiciels similaires dont Microsoft détient les droits de propriété. Cette affaire intéresse les fournisseurs de logiciels du Canada et des autres pays du monde puisque les mesures privées prises par Microsoft restreignent l'utilisation de leurs produits. Par le biais d'un processus de collaboration informel, le Canada et les États-Unis ont gagné un procès contre un cartel dont les actions affectaient le prix du papier thermographique pour télécopieurs dans les deux marchés et impliquaient des entreprises situées dans des pays tiers. Les amendes imposées au Canada se sont chiffrées au total à 3,5 millions de dollars. Une conspiration entre une entreprise canadienne et une entreprise américaine qui fournissaient des tuyaux en fonte ductile utilisés pour la distribution d'eau potable s'est soldée par l'imposition d'amendes au Canada qui s'élevaient à 2,5 millions de dollars.

On a accordé une attention particulière à deux pratiques - le dumping et la cartélisation des exportations. Les accords commerciaux comportent une procédure détaillée pour traiter les cas de dumping, laquelle est liée en partie aux mesures de sauvegarde prises pour protéger l'industrie nationale contre les importations à bas prix. Dans le droit de la concurrence, la discrimination par les prix et les prix d'éviction sont des équivalents du dumping à l'échelle nationale et nécessitent des mesures pour protéger les commerçants contre les pratiques déloyales de leurs concurrents en matière de prix. La plupart des pays ont des régimes distincts qui s'appliquent, d'une part, au dumping et, d'autre part, à la discrimination par les prix.

La cartélisation des exportations pose un problème inhabituel, sinon inattendu. Comme il a été mentionné, certains pays autorisent la mise en place et en application d'arrangements cartellaires, c'est-à-dire d'accords qui affectent les exportations, mais non les ventes nationales. Ces pays considèrent acceptable le fait d'imposer à d'autres des mesures qu'ils ne seraient pas prêts à accepter si elles concernaient le marché national. La plupart des observateurs n'accordent aucun mérite à ces arrangements et prétendent qu'ils devraient être interdits. Dans certains cas, l'existence d'arrangements cartellaires relatifs aux exportations ont poussé les gouvernements à autoriser la formation de cartels d'importation - des associations entre acheteurs destinées à compenser les activités des cartels d'exportation. Parmi les autres mesures de nature cartellaire, on peut citer les accords d'autolimitation des

Encadre 10.3 Exemples de pratiques anti-concurrentielles

En ce qui concerne les pratiques affectant l'accès des importations aux marchés, les exemples cités par les pays membres dans le cadre du débat comprenaient des cas de cartélisation des importations à l'échelle nationale : cartels internationaux répartissant les marchés entre les entreprises participantes; blocage déraisonnable d'importations parallèles; contrôle d'installations d'importation; restrictions abusives découlant d'une position dominante et mesures limitant le développement de marchés verticaux et interdisant ainsi certains marchés à des concurrents; certaines mesures privées concernant l'établissement de normes et autres pratiques anticoncurrentielles d'associations industrielles... Autres exemples illustrant ce type de pratiques: intégration verticale de manufacturiers locaux dans le processus de distribution; arrangements contractuels ayant les mêmes effets que l'intégration verticale - transactions commerciales et droits de distribution exclusifs; cartels impliquant des producteurs locaux; arrangements anticoncurrentiels impliquant des producteurs locaux et étrangers; pratiques fortement susceptibles d'être considérées comme des cas de bradage; et mesures privées aboutissant à l'établissement de normes et s'ajoutant à une cartélisation des importations, à des restrictions au développement de marchés verticaux et à des pratiques limitatives plus générales constituant un abus des pouvoirs liés à une position dominante.

OMC, Rapport du Groupe de travail de l'interaction du commerce et de la politique de la concurrence transmis au Conseil général en 1998, WT/WGTCP/2,
8 décembre 1998, paragraphe 84.

exportations dans le cadre desquels les exportateurs sont fortement encouragés par un pays importateur à accepter de limiter leurs ventes à l'exportation. On a souvent recours à cette pratique pour empêcher la prise de certaines autres mesures de rétorsion jugées moins souhaitables.

En résumé, il existe toute une gamme de mesures privées qui peuvent restreindre l'accès au marché ou se traduire par des méthodes de concurrence inéquitables. À l'heure où les obstacles au commerce dressés par les gouvernements tombent, ces mesures privées deviennent plus visibles, et c'est la raison pour laquelle on formule des propositions pour qu'elles soient traitées dans un accord commercial. Dans un récent rapport de l'OMC, on trouve un résumé des pratiques restrictives que les pays membres souhaitent explorer - voir Encadré 10.3.

Opinions des témoins - investissement

Le fantôme de l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) a hanté les témoignages sur l'investissement et, dans une certaine mesure, l'examen des questions ayant trait à la politique de la concurrence, même si c'est surtout ce dernier dossier que les témoins souhaitaient voir examiné lors du prochain cycle de négociations. Tout au long des audiences du comité, l'AMI a été mentionné presque aussi fréquemment que l'OMC et généralement de manière peu flatteuse3.

Les témoins se sont dit préoccupés par deux aspects de l'AMI : le processus de consultation publique et les questions de fond qui risquent d'être incluses dans un accord sur l'investissement dans le cadre de l'OMC. Nous avons déjà traité dans la première recommandation de la nécessité de tenir des consultations régulières et nous nous contentons donc de la rappeler ici. Le comité a déjà formulé une recommandation semblable dans un rapport publié en décembre 1997, rapport où étaient formulées des recommandations à propos de nombreuses mesures que les témoins exhortent maintenant le gouvernement à adopter (voir note de bas de page no 1, 7-11).

Les questions de fond n'ont pas fait l'unanimité. Certains sont contre l'inclusion de la question des investissements dans un nouveau cycle de négociations. Le Conseil des Canadiens (Témoignage, réunion, no 93, 2 mars 1999) et le Congrès du Travail du Canada en sont des exemples. Ce dernier a fait valoir le risque que l'AMI mine la capacité des gouvernements d'offrir, dans un contexte non commercial, des services publics comme les soins de santé, ainsi que le risque que l'AMI déstabilise et sape la réglementation gouvernementale légitime appliquée dans l'intérêt public dans des secteurs comme l'environnement, ainsi que la santé et la sécurité (Mémoire, CTC, 27 avril 1999, p. 4-6). David Runnalls, président par intérim de l'Institut national du développement durable, a expliqué que son opposition était principalement due au fait qu'un accord sur l'investissement doit nécessairement avoir une structure différente de celle d'accords portant sur la libéralisation du commerce des biens (Témoignage, réunion no 95, 16 mars 1999). L'opposition des pays en voie de développement à un accord qui limiterait leur capacité à favoriser et à modeler leur développement économique national est un autre facteur qui a été noté.

Les opposants à l'intégration d'un accord du type de l'AMI dans l'accord sur l'OMC étaient plus nombreux que ses partisans. Leur opposition se concentrait sur plusieurs thèmes repris dans de nombreux mémoires. Ils ont exprimé l'idée qu'un accord sur l'investissement serait une atteinte à la souveraineté des États et rendrait difficile la mise en oeuvre de toute un gamme de politiques relatives à la culture, aux soins de santé, aux mesures sociales et à la main-d'oeuvre ainsi qu'aux normes environnementales. Les témoins se sont déclarés particulièrement préoccupés par le mécanisme qui permet aux investisseurs étrangers de réclamer des dommages et intérêts à l'État dans les pays membres dont les politiques ont des effets négatifs sur la valeur de leurs biens, comme il est prévu au chapitre 11 de l'ALENA. Michael Flavell, avocat exerçant dans un cabinet privé, a noté que ses confrères sont nombreux à dire que le chapitre 11 pose un problème parce que le concept d'expropriation est défini trop largement. (Témoignage, réunion, no 95, 16 mars 1999). Cette disposition de l'ALENA doit être modifiée, et la façon dont elle peut être énoncée dans tout accord multilatéral doit être examinée attentivement. Le professeur Bernier partage cette opinion et a déclaré que, si le dossier de l'investissement doit être négocié dans le cadre de l'OMC, il faut absolument ne pas laisser la porte ouverte à une telle éventualité. Les investisseurs doivent avoir le droit de protester contre des initiatives particulières et en nombre limité qui portent sur une expropriation en bonne et due forme ou sur des mesures similaires. Mais ils ne doivent certainement pas avoir la possibilité de se plaindre de situations jugées équivalentes à une expropriation, ce qui laisse la porte largement ouverte à n'importe quoi (Témoignage, réunion no 104, 22 mars 1999 Québec).

Recommandation 32

Vu les inquiétudes suscitées par l'interprétation du terme « expropriation » dans les modalités de l'ALENA relatives à l'arbitrage entre l'investisseur et l'État (chapitre 11), le gouvernement devrait veiller à ce que le concept d'expropriation au sens étroit du terme fasse partie de toute future négociation sur l'investissement dans le cadre de l'OMC.

Plus que tout autre cas, celui de l'Éthyl MMT a été utilisé pour démontrer que les propositions de l'AMI constituaient une charte des droits des entreprises multinationales qui aurait un impact néfaste sur les populations et les États. Dans la même veine, il a été suggéré d'inclure dans tout accord global une série de normes contraignantes portant sur la main-d'oeuvre, ainsi que des lignes directrices à respecter obligatoirement pour régir le comportement des multinationales et ainsi compenser les avantages présumés des investisseurs privés. La plupart des témoins estimaient que les lignes directrices facultatives de l'OCDE régissant les multinationales ne constituaient pas des mesures adéquates.

Tout au long des audiences qui se sont tenues dans l'Ouest du Canada, le comité a reçu de nombreux mémoires présentant des arguments semblables, par exemple, de la part de la West Coast Environmental Law Association (24 avril 1999) et du Comité spécial sur l'AMI établi par le gouvernement de la Colombie-Britannique (26 avril 1999), ainsi que de la part de porte-parole d'organisations religieuses, étudiantes et féminines et de la part de particuliers. Des membres du Conseil des Canadiens ont comparu dans plusieurs villes. Leurs exposés s'appuyaient sur une déclaration de principe provisoire portant sur la libéralisation du commerce et de l'investissement, que l'on peut consulter sur le site Web du Conseil à l'adresse suivante : www.canadians.org. Le Conseil et d'autres groupes d'intérêts ont utilisé Internet de manière fort efficace pour se rallier des partisans à leurs points de vue.

Plusieurs témoins ont attiré l'attention du Comité sur le rapport Lalumière au gouvernement français, qui est communément considéré comme étant à la source de la décision de la France de se retirer des négociations et de l'échec de l'AMI qui a suivi. Une lecture du rapport dans son entier confirme les critiques émises à l'égard de l'AMI, mais révèle que les auteurs sont en faveur d'un certain type d'accord sur l'investissement : « Dans le désordre actuel de la mondialisation, il y a un intérêt de tous les pays à l'établissement de règles stables et équitables ... un accord est dans l'intérêt de la France et de nos entreprises »4. Le rapport présente ensuite une analyse des « éléments d'un nouvel accord » et des raisons pour lesquelles il serait préférable que ces éléments soient négociés au sein de l'OMC et non de l'OCDE.

L'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Canada (Témoignage, réunion no. 95, 4 mars 1999), ainsi que le professeur Bernier de l'Université Laval (Témoignage, réunion no 104, 22 mars 1999, Québec) ont présenté d'autres arguments appuyant l'inclusion d'un instrument plus large relatif à l'investissement dans le cadre de l'OMC. Quant à l'Association minière du Canada, ses représentants ont déclaré : «Un accord sur l'investissement devrait fournir un cadre général aux politiques nationales et aux principes internationaux relatifs au traitement de l'investissement à l'échelle internationale.» (Mémoire, 27 avril 1999).

Selon le professeur Stephen Globerman de l'Université Simon Fraser, parmi les actions inscrites à l'ordre du jour commercial du Canada et encore en suspens, aucune n'a plus d'importance que celle de poursuivre et de mener à bien la libéralisation de l'environnement global dans lequel s'inscrit l'investissement étranger direct (Mémoire, Stephens Globerman). Le professeur Winham de l'Université Dalhousie partageait ce point de vue, mais a fait remarquer que la façon de négocier un accord sur l'investissement au sein de l'OMC posera un problème et que les pays en voie de développement préféreront sans doute commencer par une initiative plus modeste, s'appuyant sur les conditions de l'accord conclu dans le cadre du Cycle d'Uruguay (Témoignage, réunion no 107, Halifax, 24 mars 1999).

Cette approche prudente se reflète dans la position adoptée par M. Pierre Sauvé, représentant officiel du Canada auprès de l'OCDE détaché à l'Université Harvard. M. Sauvé a déclaré à Ottawa le 12 mai 1999 qu'il y avait d'importantes leçons à tirer de l'expérience de l'AMI à propos des résultats que l'on peut espérer de négociations sur l'investissement, étant donné le contexte politique et économique actuel5. La croissance remarquable de l'IED, notamment au cours de la dernière décennie, et le fait que des dispositions sur l'investissement sont déjà incluses dans l'accord actuellement en vigueur - notamment dans l'énoncé de l'AGCS concernant les MIC et la « présense commerciale », ont amené M. Sauvé à suggérer qu'il serait sage de ne pas avoir des attentes trop ambitieuses à propos des discussions qui se tiendront à Seattle sur le commerce et l'investissement et de se concentrer plutôt sur des résultats à plus court terme. Parmi les sujets de discussion touchant l'AGCS, il a suggéré ce qui suit : élargir les règles qui définissent la présence commerciale; consolider les mesures de protection de l'investissement que l'on trouve dans l'AGCS; clarifier la méthode suivie pour faire la liste des engagements dans le cadre de l'AGCS; et favoriser une plus grande transparence des incitatifs à l'investissement. Étant donné qu'il existe déjà au sein de l'OMC un organe chargé de poursuivre les pourparlers en la matière - le Groupe de travail des liens entre commerce et investissement, - on pourrait envisager de renouveler et de préciser son mandat. (Témoignage, réunion no 135, 12 mai 1999)

Le témoignage du professeur Smythe du Collège d'Alberta de l'Université Concordia a repris certains de ces même points : le flux de l'IED a atteint des niveaux records, la plupart des investissements du Canada à l'étranger sont couverts par les dispositions de l'ALENA et des traités bilatéraux relatifs à l'investissement, et un examen des MIC fait partie des mesures découlant du Cycle d'Uruguay qui devraient être prises d'ici à la fin de 1999. Même si ces initiatives vont se poursuivre, Mme Smythe a recommandé que le Canada n'appuie pas l'inclusion de règles générales sur l'investissement dans l'ordre du jour du nouveau cycle de négociations de l'OMC (Témoignage, réunion no 124, Edmonton, 28 avril 1999).

L'importance du flux de l'IED ces dernières années permet de penser qu'un accord peut ne pas s'avérer nécessaire pour qu'une telle forme d'investissement se maintienne. Au cours d'une audience précédente portant sur l'AMI, des témoins qui appuyaient un accord sur l'investissement ont déclaré au comité que si un tel accord n'était pas conclu, cela serait particulièrement néfaste pour le Canada. La raison en est que la plupart des investissements étrangers concernent des pays industrialisés où il y a peu de risques d'expropriation et des pays en voie de développement où les investisseurs sont protégés par des traités bilatéraux, ou peuvent l'être. La question qui se pose est donc de savoir si les avantages nets dont jouissent les pays qui exportent et importent des capitaux seraient meilleurs s'il existait un accord.

Recommandation 33

Dans l'éventualité où le mandat du Groupe de travail des liens entre commerce et investissement de l'OMC serait renouvelé, le Groupe devrait chercher à raffiner et à élargir les engagements déjà pris en matière d'investissement.

Opinions des témoins - politique de la concurrence

Le consensus en faveur de l'inclusion de la politique de la concurrence dans un accord sur l'OMC étendu a été plus marqué, même si les témoins ont appelé à la prudence. L'AMEC a souligné que la politique et le droit de la concurrence forment un domaine très complexe, comme chacun sait. De l'avis de l'Alliance, "on devrait laisser de côté les discussions concernant le fond des règles et des recours en matière de concurrence et s'intéresser plutôt à l'élaboration de principes et de directives clairs permettant une administration ouverte et équitable de ces règles, ainsi qu'à leur mise en application" (Témoignage, réunion no 112, 13 avril 1999).

Michael Flavell a attiré l'attention du Comité sur les différences qui existent entre les pays : certains sont dotés de lois sur la concurrence, d'autres pas ; certaines lois sont contraignantes, d'autres non; certains pays ont recours à des procédures judiciaires et d'autres à des mesures règlementaires; et il existe des différences entre les dispositions couvrant les pratiques restrictives et les exemptions qui sont accordées. À son avis, les négociateurs devraient chercher à harmoniser les lois existantes en se fondant sur les pratiques des nombreux pays dotés d'une politique de la concurrence effectivement mise en application, notamment en ce qui concerne l'interdiction de la fixation des prix, la concentration horizontale et la conspiration (Témoignage, réunion no 99, 16 mars 1999). Les mesures prises pour contrer les abus de pouvoir découlant d'une position dominante pourraient également être harmonisées, étant donné qu'elles font déjà l'objet d'un certain consensus dans le régime relatif à la concurrence de l'Union européenne.

Le Commissaire du Bureau de la concurrence, Industrie Canada, a appuyé des négociations qui déboucheraient sur une série de règles multilatérales ayant trait à la politique de la concurrence dans le cadre de l'OMC, à cause des liens entre le commerce et l'investissement et entre la politique commerciale et la politique de la concurrence, comme cela a déjà été mentionné précédemment6. En outre, le Commissaire a noté que l'introduction de nouvelles technologies signifie que le commerce connaît de moins en moins de frontières; la même remarque s'applique au comportement anticoncurrentiel (Témoignage, réunion no 113, 15 avril 1999). Il faut donc qu'il existe une collaboration entre les autorités chargées du dossier de la concurrence dans divers pays, initiative déjà lancée. Le Commissaire a appuyé un accord semblable à celui qui a été négocié à propos des ADPIC qui, en l'occurence, portait sur les mesures anticoncurrentielles touchant au commerce (ce que l'on appelle les MACC). Un tel accord renfermerait une disposition interdisant les cartels et la conspiration criminelle, une autre disposition sur l'examen des fusions, une autre encore sur les abus de pouvoirs découlant d'une position dominante; il conférerait un rôle de défenseur des intérêts en jeu à l'autorité chargée de l'application de la politique de la concurrence, afin de s'assurer que ce dossier est étudié par les divers organes chargés de la politique en la matière, il protégerait les informations confidentielles et, enfin, il donnerait accès à des facteurs de disuasions efficaces, qu'il s'agisse de mesures monétaires ou pénales (Témoignage, réunion no 113, 15 avril 1999).

Les MACC s'appuieraient sur les mesures existantes de collaboration officielle et informelle entre les autorités chargées de la politique de la concurrence dans différents pays. On commencerait par fixer des principes généraux et des secteurs prioritaires pour engager des pourparlers et parvenir à un accord. Avec le temps, on fixerait d'autres obligations et procédures nécessaires pour mettre en oeuvre un tel arrangement. Cette proposition suit le processus adopté pour élaborer le GATT et celui selon lequel on s'attend à ce qu'évolue l'AGCS. L'élaboration de MACC permettrait de faire entrer les mesures restrictives privées à l'accès au marché dans les considérations prises en compte par les négociateurs commerciaux.

Un mois après la comparution du Commissaire, le Bureau de la concurrence a affiché sur le site Web d'Industrie Canada un document de discussion invitant la population à exprimer son opinion sur les diverses options permettant l'internationalisation de la politique de la concurrence. Ce document renferme également un résumé des questions qui sont en jeu avec des références à l'OCDE, l'OMC, la CE et des sources universitaires.

Des avocats du cabinet Stikeman Elliott ont fait un survol des questions de politique ayant trait au commerce et à la concurrence. Ils ont noté que le fossé se creuse entre l'envergure géographique toujours grandissante des marchés économiques et la portée limitée des compétences des organes de règlementation et des compétences de la force contraignante de la politique de la concurrence; à noter également, la prolifération de lois et de directives nationales qui peuvent être utitlisées à mauvais escient ou à des fins stratégiques pour protéger les intérêts nationaux contre les importateurs étrangers (Mémoire, 27 avril 1999). Ce mémoire, où l'on soulignait qu'il était urgent d'agir, indiquait que le moment était opportun pour consolider la collaboration qui existe déjà entre les pays dotés de lois de la concurrence et que le Canada avait une occasion sans précédent d'être une force agissante dans le sens d'une évolution positive de ce dossier. Le Canada devrait favoriser un consensus sur la promotion d'une politique internationale de la concurrence au cours du prochain cycle de négociations de l'OMC (p. 15).

Une recommandation similaire a été formulée par le Secrétaire général adjoint de l'OCDE7. La proposition de l'OCDE a pour but d'amener les pays à avaliser un cadre de règles plutôt qu'une série de dispositions spécifiques (p. 3). Elle a été présentée comme un moyen terme avec une série de règles contraignantes semblables à celles qui ont été formulées par le Groupe de Munich (un groupe de spécialistes allemands de la concurrence)8, dans une ébauche de code international anti-trust, et une série de normes minimales. Les pays accepteraient une série de principes fondamentaux qui reprendraient des concepts de base tels que la pertinence du marché, les obstacles à l'entrée sur un marché, l'emprise sur un marché et les abus de pouvoirs découlant d'une position dominante, ainsi que les notions d'application régulière de la loi et de courtoisie internationale, sans pour autant que soit fixée une procédure officielle de règlement des différends.

L'analyse des liens entre la politique de la concurrence et la politique commerciale s'est intéressée aux recours commerciaux relatifs au dumping qui, comme il a été noté plus tôt, sont l'équivalents, sur les marchés internationaux, des prix d'éviction ou de discrimination par les prix. Les accords commerciaux comportent une procédure détaillée pour traiter les cas de dumping, laquelle est liée en partie aux mesures de sauvegarde destinées à protéger les industries nationales contre les importations à bas prix. La législation très précise de lutte relative à la concurrence qui s'applique au Canada et dans d'autres pays a pour but d'instaurer des mesures de lutte contre les pratiques équivalant au dumping et des mesures de protection des commerçants contre les pratiques inéquitables de leurs concurrents en ce qui concerne l'établissement des prix. Les deux politiques peuvent-elles être combinées?

De l'avis général, les deux approches ne devraient pas être combinées, même si c'est la solution qui a été retenue par l'Union européenne, étant donné que la création d'un seul marché a fait disparaître les distinctions entre les pays qui en font partie; c'est également l'approche adoptée dans l'Accord de relations économiques plus étroites conclu entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela peut refléter en partie une concurrence sur la plan bureaucratique et le fait qu'aucun groupe chargé de gérer certains instruments de politique ne veut abandonner cette responsabilité. Mais cela découle également en partie des conditions politiques qui règnent aux États-Unis et dans d'autres pays qui ont adopté des mesures antidumping et qui ne veulent pas abandonner ces pouvoirs. Michael Flavell a prétendu qu'au Canada les prix d'éviction ne sont pratiqués sur les marchés nationaux que par l'entité qui est en position dominante et qui cherche intentionnellement à faire du tort à un concurrent. Il n'est pas nécessaire, dans les cas de dumping, de démontrer qu'une telle intention existe. Ainsi, si le dumping était couvert par la politique nationale de la concurrence, la capacité du Canada à engager des poursuites antidumping s'en trouvraît affaiblie. Il serait en effet difficile de prouver que la chose a été faite intentionnellement, lorsque l'établissement des prix est le résultat de mesures prises ailleurs qu'au Canada. (Témoignage, réunion, no 99, 16 mars, 1999). Au Canada, le Commissaire chargé de l'application de la politique de la concurrence s'est également déclaré en faveur du maintien des deux régime distincts.

L'exemption accordée aux cartels d'exportation dans la législation en vigueur au Canada et dans d'autres pays est une autre question de fond. Fixer les prix sur des marchés étrangers en utilisant une méthode interdite sur les marchés nationaux n'a aucune justification économiquement parlant. Le Commissaire a noté qu'à son avis on peut justifier les cartels d'exportateurs soit sur le plan de l'économie, soit sur le invoquant la philosophie dont s'inspirent nos échanges commerciaux. C'est un domaine qui doit être clarifié (Témoignage, réunion no 113, 15 avril 1999).

D'autres témoins ont signalé l'existence de dispositions sur la politique de la concurrence dans le document de consultation relatif aux services de télécommunication et dans les documents portant sur l'exploitation d'entreprises détenues par l'État. Alors que certaines entreprises monopolistiques détenues par l'État ont été privatisées, elles ont souvent été converties en monopoles privés, lorsqu'il n'existe aucune loi de la concurrence et lorsque des actions privées peuvent perpétuer la distortion des échanges. Les organismes qui se sont déclarés en faveur d'un élargissement des accords commerciaux pour recouvrir la politique de la concurrence sont les suivants : la Chambre de commerce du Canada, la Canadian Conference on Policy Alternatives et le Synode des Églises luthériennes évangéliques de la Saskatchewan (Témoignage, réunion nos 120 et 123, 26 et 28 avril 1999).

En soulignant la nécessité d'accomplir des progrès dans ce secteur, les responsables de l'OCDE et de l'OMC ont signalé qu'il faudrait recueillir plus d'exemples de cas réels de pratiques commerciales restrictives entravant la libéralisation du commerce. L'OMC, qui a étudié la question de très près, a conclu qu'il serait souhaitable d'obtenir plus d'informations systématiques et empiriques sur la fréquence et l'impact des divers types de pratiques anticoncurrentielles des entreprises (par. 95). L'exposé des représentants de Stickeman Elliott souligne la nécessité d'obtenir plus d'informations systématiques sur la fréquence et l'impact des divers types de pratiques anticoncurrentielles (p. 8). Pour des pays comme le Canada et les États-Unis, où une politique de concurrence est en vigueur depuis plus d'un siècle, il semble surprenant que l'on ne puisse trouver facilement plus d'exemples de ces pratiques.

Les témoignages présentés au comité suggèrent que des discussions détaillées ont déjà lieu à propos de la nécessité d'élargir l'envergure de la politique de la concurrence et d'envisager une politique internationale, étant donné la pléthore de fusions et leurs conséquences à l'échelle internationale et à cause de certaines preuves démontrant qu'il existe toute une gamme de pratiques commerciales transfrontières à caratère restrictif. Les autorités chargées de la politique de la concurrence semblent déjà engager des pourparlers qui pourraient s'inscrire dans le cadre de régimes commerciaux comme l'OMC. Le comité n'a pas pu établir l'étroitesse de la collaboration qui peut exister entre les fonctionnaires chargés du commerce et ceux qui s'occupent de la concurrence.

Recommandation 34

Étant donné l'expansion du commerce et de l'investissement internationaux, y compris les fusions transfrontières impliquant de grandes sociétés, à quoi s'ajoute le fait que l'application de la politique de la concurrence tombe dans le champ des compétences nationales, le gouvernement devrait :

· se joindre à d'autres pays qui partagent ses opinions afin de recueillir plus d'information sur des exemples réels de pratiques anti-concurrentielles qui ont des retombées sur le commerce;

· encourager l'élaboration de régimes concurrentiels dans des pays où il n'en existe pas à l'heure actuelle, ainsi que l'application des politiques par les pays qui en sont dotés;

· chercher à faire accepter par tous un ensemble de principes qui seraient inclus dans un accord sur la politique de la concurrence, étant entendu qu'ils pourraient être élargis et précisés avec le temps.


1# On trouvera d'autres détails sur le contexte d'un Accord international sur l'investissement dans le troisième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, publié en décembre 1997 (43-50) et intitulé Le Canada et l'Accord multilatéral sur l'investissement.

2# The Economist, 3 octobre 1998, «Enquête sur le commerce mondial», p. 4.

3# Les artistes canadiens, pour appuyer leur présentation au comité à Saskatoon, le 30 avril 1999, ont déposé deux mémoires sur l'AMI rédigés en 1997 et 1998.

4# Catherine Lalumière et Jean-Pierre Landau, Rapport sur l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), Paris, septembre 1998.

5# Un exposé détaillé des raisons qui sous-tendent ces opinions se trouve dans un document signé par Pierre Sauvé et Christopher Wilkie, intitulé: «Exploring Approaches to Investment Liberalization in the GATS » préparé pour « Service 2000 - New Directions in Services Trade Liberalization », conférence coparrainée par l'American Enterprise Institute, la Brookings Institution, le Center for Business and Government de l'Université Harvard et la Coalition of Service Industry Education and Research Foundation, Washington (D.C.) 1er et 2 juin 1999.

6# On touvera dans le World Investment Report de la CNUCED, publié en 1996, une étude détaillée des liens entre commerce et investissement.

7# Voir « Competition policy: What chance for international Rules? », discours prononcé par Joanna R.Shelton à la conférence 545 de Wilton Park: The Global Trade Agenda, 25 novembre 1998.# Reproduit dans 65 Anti-trust and Trade Reg. Rep. (BNA, no 1628 (Special Supp)(19 août 1993).

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