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FAIT Rapport du Comité

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LIER LE COMMERCE, LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA SANTÉ, ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

« Ce qu'en disent les Canadiens »

L'OMC ne traite simplement de rien qui n'ait des conséquences importantes du point de vue du droit environnemental et de la politique environnementale. Il importe qu'avant de consolider ou proroger ces engagements, nous commencions à saisir à quoi ressemblent ces conséquences et nous nous engagions à en traiter d'une manière qui permettra de régler les problèmes écologiques très pressants que nous connaissons. (Témoignage)

Steven Shrybman
Mardi, 27 avril 1999
Vancouver

Certains diront que les accords commerciaux mondiaux permettront à la population de la planète de jouir d'une plus grande prospérité, mais nous ne sommes pas d'accord...Déjà, en Ontario, nous avons vu le gouvernement provincial diminuer la réglementation et la surveillance dans le domaine de l'environnement pour pouvoir livrer concurrence à l'étranger. Nous ne pourrons jamais réparer certains dommages causés à l'environnement par ces décisions. (Témoignage)

Ken Bondy
Vendredi, 30 avril 1999
Windsor

...il ne devrait pas y avoir de lien entre les dispositions portant sur l'environnement et les accords sur le commerce et l'investissement. En associant les deux, on donne aux détracteurs un autre moyen de harceler les exportateurs canadiens. Il existe déjà des mécanismes en matière d'environnement. L'accord parallèle sur l'environnement dans l'ALENA, intitulé Accord nord-américain de coopération en matière d'environnement, en est un exemple. La question de l'environnement devrait rester séparée et ne pas servir à limiter le commerce. (Témoignage)

Gary Leithead
Alberta Forest Products Association
Mercredi, 28 avril 1999
Edmonton

Si l'on regarde les sondages d'opinion publique sur les aspirations des Canadiens en matière de politique étrangère, on constate que quels que soient leur langue ou leur revenu, les Canadiens de toutes les régions accordent sans contredit la grande priorité à la protection de l'environnement mondial. Cet impératif vient avant la libéralisation du commerce...Nous ne pouvons pas permettre que le régime commercial ne reconnaisse pas les accords multilatéraux sur l'environnement et, dans des domaines importants, ait préséance sur eux. (Témoignage)

professeur John Kirton
Département de sciences politiques, Université de Toronto
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

La proposition de Sir Leon Brittan portant que les traités commerciaux soient assortis d'une analyse environnementale relève de la bonne gestion publique. (Mémoire)

David Runnalls
Institut international pour le développement durable
Jeudi, 18 mars 1999

On a fait valoir que l'incorporation de normes environnementales à l'OMC revenait à faire du protectionnisme vert. Il s'agit là pourtant d'une préoccupation légitime et toutes les interventions en la matière doivent respecter les besoins et les conditions des économies aux différents niveaux de développement...L'interprétation actuelle de l'OMC à l'égard des procédés et méthodes de production donne davantage l'impression de protéger les producteurs et non le public. Nous croyons que les procédés et méthodes de production constituent une préoccupation environnementale qui, dans certaines circonstances définies soigneusement, devrait constituer un motif valable de restriction des importations. Le succès de l'étude de cette question dépendra beaucoup de la volonté et de la capacité d'apaiser les craintes légitimes de protectionnisme vert. (Témoignage)

Simon Rosenblum
Mouvement canadien pour une fédération mondiale
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

Les gouvernements doivent inclure dans les négociations commerciales l'encouragement et la facilitation des systèmes et des outils de gestion de l'environnement. Comment devrions-nous englober ces facteurs environnementaux? Les négociations devraient encourager et faciliter le recours à des systèmes de gestion de l'environnement tel ISO 14001, qui est un système volontaire mis en place à l'initiative du secteur privé et utilisé couramment par des sociétés avant-gardistes partout dans le monde...Le marché peut être avantageux s'il y a moins de contraintes et moins de subventions. Voilà pourquoi le principe de l'élimination des subventions doit s'appliquer, mais permettre la pollution est une forme de subvention indirecte. Le pollueur ne paie pas la subvention qu'il reçoit du fait qu'il est autorisé à polluer ou à exploiter des ressources d'une manière inefficace. Nous devons internaliser des coûts qui sont externes en ce moment. Les systèmes et les outils de gestion de l'environnement dont nous venons de parler nous permettent précisément d'internaliser ces coûts externes. (Témoignage)

professeur Dixon Thompson
Université de Calgary
Jeudi, 29 avril 1999
Calgary

Comment peut-on améliorer la coordination entre l'OMC et des groupes comme Codex Alimentarius et l'Organisation internationale de normalisation? Ces organismes établissent les normes qui empêchent des accords commerciaux et peut-être devrions-nous envisager de faire intervenir les acteurs non-étatiques directement dans ces processus et non par l'intermédiaire de leurs gouvernements. (Témoignage)

Julie Soloway
Centre for International Studies, Université de Toronto
Mardi, 27 avril 1999
Toronto

Les récentes négociations commerciales ont mis l'accent sur la suppression des obstacles au commerce et à l'investissement, ne laissant que des principes directeurs volontaires pour contrer les impacts négatifs de cette ligne de conduite sur les sociétés et sur l'environnement. Un des grands problèmes tient au fait que les pays n'ont pas la possibilité de faire des distinctions dans les biens et services en fonction du mode de production. Cela nuit au développement économique et social...Par exemple, les pays ne peuvent pas privilégier des produits du bois et du papier qui répondent aux exigences du Forest Stewardship Council, ni des tapis qui répondent aux exigences des codes du travail des enfants de l'Organisation internationale du travail. Il est essentiel d'envisager le commerce et l'investissement dans une nouvelle optique de réglementation pour le bien global de l'humanité tout en donnant aux commerçants et aux investisseurs un ensemble commun de règles et de protections. (Mémoire)

Carolyn Taylor
Saskatchewan Environmental Society
Vendredi, 30 avril 1999
Saskatoon

Jusqu'à maintenant, un certain nombre de poursuites ont été intentées contre des règlements environnementaux canadiens, notamment à propos de l'interdiction de l'usage de MMT, des PCB et des exportations d'eau douce. Ces poursuites ont milité en faveur d'un renforcement de la transparence et de la responsabilité dans les procédures de règlement des différends, de façon que les préoccupations des citoyens en matière d'environnement soient prises en compte. On constate déjà des changements très encourageants à l'Organisation mondiale du commerce, notamment la restriction concernant les documents, la possibilité pour les tierces parties de faire des interventions désintéressées et la consultation permanente. (Témoignage)

Janine Ferretti
North American Commission for Environmental Cooperation
Lundi, 26 avril 1999
Winnipeg

En 1996, les États-Unis ont menacé le Canada de sanctions économiques, en conséquence de la chasse illégale, mais ont reculé devant les menaces du Canada de porter l'affaire officiellement devant l'OMC/GATT pour faire valoir que de telles sancitons contreviendraient aux accords de libre-échange. Il semble que lOMC voie les normes relatives à l'environnement et au lieu de travail comme des «barrières techniques au commerce». (Témoignage)

Annelise Sorg
Société canadienne de la protection de l'environnement marin
Mardi , 27 avril 1999
Vancouver

Le Canada est une nation commerçante et les Canadiens sont des gens à l'esprit honnête. Nous voulons entreprendre du commerce et des investissements qui valorisent véritablement les gens et l'environnement. Nous avons la responsabilité d'entreprendre un développement réellement durable, c'est-à-dire qui satisfait les besoins de la génération actuelle sans compromettre les besoins des générations à venir. La libéralisation débridée du commerce et de l'investissement est incapable de soutenir un développement durable. (Témoignage)

Jeff Keighley
Canadian Auto Workers in British Columbia
Lundi, 26 avril 1999
Vancouver

Le Canada peut jouer le rôle de passerelle entre les nations puissantes et les nations démunies et faire adopter des règles qui respectent simultanément l'environnement, les objectifs commerciaux et les objectifs de développement... Nous devons rechercher un type de négociations à l'OMC qui favorise avant tout le bien-être de la population. La qualité de l'environnement et l'utilisation des ressources renouvelables ne doivent pas être sacrifiées au nom de l'expansion du commerce. (Témoignage)

Aaron Cosbey et Dr. Arthur Hanson
Institut international pour le développement durable
Lundi, 26 avril 1999
Winnipeg

Le développement durable brille par son absence dans toutes ces propositions nouvelles [pour les prochaines négociations ]

Dr. Peter Carter
Canadian Association of Physicians for the Environment
Mardi, 27 avril 1999
Vancouver

Notre association recommande fortement que le Canada énonce les principes suivants pour régir les négociations internationales visant à assurer aux pays souverains la maîtrise de leurs ressources environnementales: faire valoir l'importance de faire reposer la prise de décision sur une démarche scientifique rigoureuse, faire du principe de prudence le fondement de la politique gouvernementale et, reconnaître la nécessité d'une protection efficace de l'environnement comme préalable au développement durable. Il s'agit là de principes qui ne sont pas mutuellement exclusifs. (Témoignage)

Colin Isaacs et Robert Fraser
Association canadienne des industries de l'environment (CIEA)
Jeudi, 25 mars 1999
Montréal

L'environnement doit être considéré comme un mandat public par les gouvernements futurs et actuels de la planète. Or, les récentes décisions des gouvernements et des organes commerciaux n'avaient rien pour raffermir la confiance du public! (Mémoire)

Rob Spring
Travailleurs canadiens de l'automobile (section 444), Comité de l'environnement
Vendredi, 30 avril 1999
Windsor

Lier le commerce, la protection de l'environnement et de la santé,
et le développement durable

... l'OMC est un grand allié du développement durable - pas son ennemi. Dans le préambule de l'Accord de Marrakech qui instituait l'OMC, il est précisé que nous avons entre autres pour objectif l'utilisation optimale des ressources du monde conformément aux principes du développement durable en cherchant à protéger et à préserver l'environnement et à trouver de meilleurs moyens de le faire. Ce ne sont pas des mots creux. Il s'agit de l'énoncé d'une intention réelle et d'objectifs réalisables.

- Renato Ruggiero, ancien directeur général de l'OMC, allocution d'ouverture à l'occasion du Symposium de haut niveau sur le commerce et l'environnement, Genève, 15 mars 1999

Certains des témoignages les plus frappants et des mémoires les plus détaillés portent sur les questions, de plus en plus nombreuses, où sont confrontées les forces de la mondialisation et les règles de la libéralisation des échanges, d'une part, et les impératifs écologiques et les intérêts divers et parfois incompatibles des entreprises, des consommateurs et des citoyens concernés, d'autre part. Certaines de ces questions - par exemple en ce qui concerne la sécurité des aliments, comme on l'a fait observer dans des chapitres antérieurs - sont devenues des points très sensibles dans des différends extrêmement acrimonieux entre les membres de l'OMC, ce sujet des mesures qu'un pays est autorisé à prendre pour protéger l'environnement, prévenir des risques pour la santé, assurer une exploitation rationnelle et durable des ressources et préserver la biodiversité. Il fait peu de doute qu' à l'échelle international l'augmentation constante des flux des échanges de biens et de services et des investissements a des répercussions sur l'environnement mondial, influe sur la qualité de la vie humaine et des autres formes de vie et fait douter du caractère durable des modes courants de production, de consommation et d'échange. Les enjeux sont extrêmement élevés, et les arguments qui militent en faveur d'une action collective pèsent lourd, bien qu'il soit souvent difficile d'arriver à un consensus.

Presque tous les témoins sont parfaitement conscients des répercussions considérables des échanges commerciaux et des investissements sur l'environnement et sur la santé, ainsi que de la nécessité de mieux intégrer les politiques et les mesures de réglementation aux échelons national et international. Beaucoup sont convaincus qu'il faudra pour cela améliorer les processus, tant au Canada qu'au palier multilatéral, de façon que ceux-ci soient plus ouverts et plus transparents, plus représentatifs et plus démocratiques, davantage fondés sur la diffusion et le partage de l'information, plus constructifs, coordonnés et cohérents. Les premières recommandations du Comité visaient précisément à remédier à certaines de ces lacunes.

Une bonne partie des arguments dont nous avons été saisis contredisent les affirmations de l'OMC et des fonctionnaires voulant que le système du GATT/OMC soit respectueux de l'environnement. La critique la plus étoffée, qui trouve écho dans d'autres mémoires provenant de toutes les régions du Canada, est celle qui est contenue dans le « Guide for Environmentalists » préparé pour le Common Front on the World Trade Organization et remis au Comité par Steven Shrybman, directeur exécutif de la West Coast Environmental Law Association. À Vancouver toujours, le Dr Peter Carter, au nom de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, a présenté des documents détaillés sur les nombreuses faiblesses des cadres actuels de la politique commerciale, mais a par ailleurs proposé des façons de profiter de travaux prometteurs réalisés au palier multilatéral - dans la foulée notamment du rapport de 1997 du Groupe consultatif de haut niveau sur l'environnement de l'OCDE, aussi cité favorablement par l'Institut international du développement durable de Winnipeg. Le Mémoire de l'IIDD contenait une foule de propositions constructives en vue d'intégrer les principes du développement durable au système des échanges commerciaux. À Toronto, les professeurs John Kirton et Julie Soloway de l'Université de Toronto ont affirmé que l'OMC avait encore beaucoup de retard en matière d'environnement, mais qu'elle pourrait apprendre beaucoup de l'expérience acquise avec l'ALENA au sujet de la coopération environnementale. Cette affirmation a cependant été contestée par Michelle Swenarchuk de l'Association canadienne du droit de l'environnement et par Christine Elwell du Sierra Club. Elles estiment pour leur part que, ces cinq dernières années, le commerce a souvent entraîné plus de pertes que de gains pour l'environnement.

Parallèlement, le Comité a aussi été saisi de l'opinion de représentants du secteur de l'agriculture et des industries primaires qui craignent que des ambiguïtés au niveau des règles commerciales elles-mêmes (notamment dans l'Accord SPS et dans celui sur les obstacles techniques au commerce, bien que les questions d'environnement aient des ramifications qui touchent l'ensemble des activités de l'OMC, y compris l'AGCS et les ADPIC) et de leurs rapports avec les accords internationaux en matière d'environnement, et enfin certaines mesures environnementales liées au commerce aboutissent à de nouvelles formes déguisées de « protectionnisme vert ». Celui-ci compromettrait les marchés d'exportation et les investissements canadiens sans pour autant servir des fins publiques légitimes. Ils souhaitent des règles claires, explicites et réfléchies qu'ils seraient en mesure de respecter et qui ne porteraient pas atteinte à la viabilité de leurs entreprises, et des emplois et des revenus qui en dépendent. D'autres témoins ont fait remarquer qu'il fallait dissiper les soupçons de nombreux pays en développement qui voient dans les règlements rigoureux de protection de l'environnement et de la santé imposés par les gouvernements des pays développés des visées éventuellement protectionnistes. Il reste que partout, comme nous l'avons dit dans d'autres chapitres, les citoyens et les consommateurs sont de plus en plus conscients de ces enjeux et sont aussi de plus en plus prompts à faire valoir leurs droits en ce qui concerne le fonctionnement du marché et ses répercussions sur les droits des autres avec lesquels ils partagent la planète, en particulier les groupes et les collectivités humaines vulnérables et les espèces animales et végétales menacées.

Le risque est grand que le débat se polarise autour de ces sujets, ce qui aurait un effet plus paralysant qu'autre chose au niveau des timides tentatives du système commercial de s'attaquer à ces véritables devinettes politiques et juridiques. Pour surmonter ces obstacles et arriver à la case départ, le Comité trouve intéressante la démarche de Janine Ferretti, directrice de la North American Commission for Environmental Cooperation, qui en plus de soulever les enjeux centraux de la transparence, de l'accès et de la participation, a identifié plusieurs autres importantes catégories de préoccupations qui devraient être au coeur de l'élaboration d'une politique progressiste. L'une de ces propositions consiste à mieux faire connaître l'évaluation des répercussions environnementales de la libéralisation des échanges et à améliorer les processus utilisés pour mener ces évaluations. De nombreux témoins craignent en effet qu'on pèche par excès de précipitation et qu'on aborde de nouvelles négociations sans avoir vraiment saisi toutes les répercussions du Cycle d'Uruguay et sans avoir pris des précautions suffisantes.

Une autre grande catégorie d'enjeux concerne la formulation future des règles commerciales de manière que celles-ci puissent, sans contredire leurs propres fins, appuyer d'importants objectifs de protection de l'environnement et de la santé publique. À cet égard, Mme Ferretti propose qu'on agisse sur trois fronts en particulier : résoudre les rapports ambivalents entre les règles du GATT/OMC et les dispositions des accords multilatéraux en matière d'environnement (il en existe actuellement plus de 180); résoudre une multitude de problèmes concernant les procédés et les méthodes de production (PMP), le recours croissant à l'éco-étiquetage et à des mécanismes d'homologation ainsi qu'à leur traitement aux termes des règles du GATT/OMC; et enfin, promouvoir des liens positifs où les mesures de libéralisation des échanges et les mesures de protection de l'environnement peuvent se renforcer mutuellement. Elle a signalé des estimations récentes selon lesquelles le secteur des produits et des services écologiques représente 22 milliards de dollars par an au Canada. Ce chiffre va augmenter dans l'avenir, ne serait-ce que du fait des politiques adoptées pour répondre aux changements climatiques. Le Canada peut jouer un rôle de leader en la matière et promouvoir des discussions franches et honnêtes en vue de mettre un terme à des subventions néfastes pour l'environnement dans les secteurs de l'agriculture et des pêches (Témoignage, réunion no 119, Winnipeg, 26 avril, 9:10).

Ce message a été repris dans d'autres présentations. À Calgary, M. Dixon Thompson et le groupe Ekos de la faculté de Design environnemental de l'Université de Calgary ont fait valoir des arguments éloquents pour demander que le gouvernement encourage et facilite les systèmes et instruments de gestion de l'environnement dans le contexte d'un vigoureux programme de négociation sur le commerce et l'environnement (Témoignage, réunion no 125, Calgary, 29 avril 1999). À Montréal, des représentants de l'Association canadienne des industries de l'environnement a dit au Comité que les gouvernements du Canada devraient se montrer davantage proactifs dans les domaines où il est possible de réaliser des bénéfices, simultanément sur le plan des exportations et sur celui de l'environnement aux paliers national et international. Par exemple, M. Colin Isaacs, président du Comité de la politique nationale de l'Association, a dit : « Le Canada est un chef de file dans le domaine des systèmes de gestion de l'environnement, de l'attestation environnementale et de l'éco-étiquetage, et pourtant nous accusons du retard dans leur mise en oeuvre chez nous par rapport à nos objectifs internationaux. » Il estime que le Canada aura du mal à soutenir la concurrence sur les marchés internationaux si nos gouvernements n'encouragent pas l'adoption de normes avancées à l'intérieur du Canada de manière à répondre aux attentes internationales (Témoignage, réunion no 110, Montréal, 25 mars 1999).

Le Comité ne peut évidemment pas se prononcer sur toutes les questions dont il a été saisi sous la rubrique du présent chapitre. Au demeurant, nous n'avons pas une connaissance particulièrement approfondie de nombreux sujets, lesquels devraient faire l'objet d'études intensives continues et d'un examen public de la part de toutes les parties concernées. Nous pouvons cependant mettre en relief les aspects prioritaires de ces questions auxquelles le Canada devrait s'intéresser, de concert avec les autres membres de l'OMC, en vue et à la suite de la Conférence de Seattle, de manière à promouvoir des mécanismes pratiques d'intégration des politiques concernant le commerce et des politiques relatives à l'environnement, à la santé et au développement durable aux structures, aux pratiques et aux disciplines du régime de l'OMC. Cependant, avant de passer à ce sujet, nous donnerons dans les sections suivantes un aperçu des réalisations de ce régime puis nous réfléchirons aux moyens de l'améliorer.

Le GATT/l'OMC et les questions d'environnement

Le GATT contient certes certaines dispositions concernant l'environnement et la santé, mais il n'y a pas eu de groupe de négociation distinct sur ces questions1 durant les sept ans des négociations du Cycle d'Uruguay, si bien que beaucoup sont restées en suspens, ce qui a laissé de nombreux critiques très insatisfaits des résultats2. La Conférence de Marrakech de 1994 a cependant entraîné la création du Comité du commerce et de l'environnement, qui s'est réuni la première fois en 1995 avec la mission d'étudier dix sujets touchant tous les aspects du système commercial (voir l'encadré 12.1), y compris la question de la transparence et celle des relations avec les ONG. Un long document d'information, préparé par la Division du commerce et de l'environnement du Secrétariat de l'OMC en prévision du Symposium de haut niveau sur le commerce et l'environnement de mars 1999 qui a attiré un certain nombre de représentants des ONG à Genève, passe en revue les activités du CCE. On y décrit, en outre, les réalisations du GATT d'un point de vue historique, les dispositions concernant l'environnement des principaux accords de l'OMC (au-delà des exhortations contenues dans le préambule cité par Ruggiero), et la douzaine de cas concernant l'environnement et la santé humaine ou animale qui ont été déférés à des groupes spéciaux de règlement des différends3. Le rapport intégral du symposium a été publié. Au Canada, le MAECI a fait paraître un document de consultation sur le commerce et l'environnement dans lequel il examine les travaux du CCE et les enjeux politiques actuels du point de vue du gouvernement du Canada4.

Quelles sont les principales règles du GATT/OMC touchant les règlements en matière d'environnement et de santé? Le principe de « non-discrimination » du GATT, établi de longue date, signifie que les « produits similaires » étrangers doivent bénéficier du « traitement national » dans le pays importateur (tel qu'on le définit à l'article III) et, en conséquence, ne peuvent généralement pas être exclus ou soumis par ailleurs à un traitement discriminatoire selon leur provenance ou leur mode de production. Il reste cependant que cette règle générale du GATT est sujette à certaines exceptions générales énoncées à l'article XX. En particulier, les pays sont autorisés à appliquer, à l'intérieur de leurs secteurs de compétence, les mesures discriminatoires « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux » ou « se rapportant

Encadré 12.1: Mandat du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC,
tel qu'il est énoncé dans l'Accord de Marrakech d'avril 1994

· Point 1 : « Rapports entre les dispositions du système commercial multilatéral et les mesures commerciales prises à des fins de protection de l'environnement, y compris celles qui relèvent d'accords environnementaux multilatéraux »

· Point 2 : « Rapports entre les politiques environnementales qui intéressent le commerce et les mesures environnementales ayant des effets notables sur le commerce et les dispositions du système commercial multilatéral »

· Point 3 : « Rapports entre les dispositions du système commercial multilatéral et :

· a) les impositions et taxes appliquées à des fins de protection de l'environnement;

· b) les prescriptions, établies à des fins de protection de l'environnement, relatives aux produits, y compris les normes et règlements techniques et les prescriptions en matière d'emballage, d'étiquetage et de recyclage »

· Point 4 : « Dispositions du système commercial multilatéral pour ce qui est de la transparence des mesures commerciales appliquées à des fins de protection de l'environnement et des mesures et prescriptions environnementales qui ont des effets notables sur le commerce »

· Point 5 : « Rapports entre les mécanismes de règlement des différends du système commercial multilatéral et ceux qui sont prévus dans les accords environnementaux multilatéraux »

· Point 6 : « Effet des mesures environnementales sur l'accès aux marchés, notamment pour les pays en développement et en particulier les moins avancés d'entre eux, et avantages environnementaux de l'élimination des restrictions et distorsions des échanges »

· Point 7 : « Question des exportations de produits interdits sur le marché intérieur »

· Point 8 : « Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) »

· Point 9 : « Services »

· Point 10 : « Arrangements appropriés concernant les relations avec les organisations non gouvernementales visées à l'article V de l'Accord sur l'OMC et transparence en matière de documentation »

à la conservation des ressources naturelles ». Parallèlement, le préambule de l'article XX limite la portée de ces mesures; elles ne doivent pas avoir un caractère « arbitraires ou injustifiable » ni constituer « une restriction déguisée au commerce international ». Toutes ces dispositions ont donné lieu à des interprétations différentes et suscité de vifs conflits. En outre, il n'est pas clairement établi si les règles qui régissent les « produits similaires » empêchent les pays d'imposer de manière proactive des normes environnementales plus strictes aux procédés et méthodes de production (PMP) qui s'appliqueraient de façon extraterritoriale aux produits importés.

Les critiques affirment que, jusqu'à présent, les groupes spéciaux de résolution de différends du GATT/OMC (voir la note 3) interprètent les textes de façon étroite et, en dernière analyse, placent toujours les intérêts du libre-échange devant ceux de la protection de l'environnement. Comme l'a fait remarquer Michelle Swenarchuk : « Il importe de comprendre que le GATT/OMC aurait pu dès le départ tenir compte des préoccupations en matière de protection de l'environnement et de la santé, compte tenu du libellé de l'article XX. Cependant, chaque décision rendue est contre l'imposition de normes nationales, ce qui a entraîné l'élimination systématique des solutions dont on pensait que les gouvernements pourraient se prévaloir aux termes de cet article. » (Mémoire, Association canadienne du droit de l'environnement, Toronto, 28 avril 1999, p. 4)

Dans plusieurs des cas soumis à un groupe de règlement des différends du GATT/OMC qui ont suscité des inquiétudes généralisées, les pays en voie de développement ont réussi à contester des restrictions imposées par les États-Unis sur l'importation de produits fondés sur des PMP, produits considérés par les Américains comme mettant en danger certaines espèces marines. Dans l'affaire du thon et des dauphins de 1991, le Mexique a obtenu une décision contre les États-Unis, qui interdisaient l'importation de thon pris au moyen de filets selon eux meurtriers pour les dauphins. Le GATT a statué que les États-Unis ne pouvaient pas recourir à des normes relatives aux PMP en matière de conservation des espèces marines pour exercer une discrimination à l'encontre de produits au-delà de sa compétence territoriale. Une affaire contestée et plus récente concerne l'interdiction par les États-Unis de l'importation de crevettes récoltées au moyen de PMP considérés comme dangereux pour les espèces de tortues de mer protégées aux termes de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction, bien que le mémorandum d'accord ne contienne aucune disposition autorisant explicitement des restrictions unilatérales fondées sur les PMP. L'Organe d'appel de l'OMC a finalement maintenu la décision initiale du groupe spécial de règlement des différends contre la loi américaine. Dans les deux cas cependant, les Américains ont refusé de modifier les dispositions en cause de la Marine Mammal Protection Act.

À la défense de l'OMC, certains affirment que les règles de l'organisme ne sont jamais entrées directement en conflit avec les dispositions d'un accord multilatéral sur l'environnement et que, dans l'appel relatif aux crevettes et aux tortues, on a tenu compte des facteurs environnementaux et permis par ailleurs pour la première fois à des ONG de présenter des mémoires. Malgré tout cela, les écologistes considèrent quand même que le résultat, c'est que l'on fait encore passer les considérations commerciales d'accès aux marchés avant les objectifs en matière de protection de l'environnement. Ces cas révèlent aussi les problèmes que suscite l'imposition de mesures commerciales unilatérales ayant une application extraterritoriale, même si elles sont prises pour des motifs louables, pour combler des lacunes là où les instruments internationaux de protection de l'environnement ne sont pas suffisamment développés ou suffisamment rigoureux. Il est donc logique de se demander si toute la notion de la non-discrimination sur la base des règles relatives au traitement national doit être revue et clarifiée de façon à mieux tenir compte des préoccupations valables concernant l'environnement, la santé, les questions sociales et le développement durable des ressources que suscite la façon dont les marchandises exportées sont produites.

Un autre sujet est à l'origine d'une importante controverse et a donné lieu à des différends éventuellement très coûteux et lourds de conséquences. Il s'agit de l'adoption de normes de produits, de règles d'étiquetage et de règlements sanitaires nouveaux, plus rigoureux et orientés vers les préoccupations des consommateurs, et de leur compatibilité avec les règles du GATT/OMC, notamment avec les accords relatifs aux obstacles techniques au commerce et aux mesures sanitaires et phytosanitaires auxquels on a fait allusion dans les chapitres précédents (voir les chapitres 3 à 5). Dans l'ensemble, les groupes de producteurs et les exportateurs canadiens réclament des règles transparentes fondées sur des principes « scientifiques » sûrs et qui n'exercent pas une discrimination indue contre l'accès aux marchés des produits canadiens (il y a, par exemple, le cas de l'introduction du boeuf traité aux hormones d'origine canadienne et américaine sur le marché de l'Union européenne, ou les exigences d'étiquetage et d'homologation concernant les aliments génétiquement modifiés ou les produits forestiers canadiens, etc.). Le document de consultation du MAECI sur l'Accord sur l'application des mesures des sanitaires et phytosanitaires reflète ces préoccupations et précise qu'on ne doit pas permettre la prise en considération de facteurs non scientifiques. Le Ministère considère que les pays doivent répondre aux préoccupations légitimes des consommateurs dans la politique publique, mais qu'on ne doit pas se servir de ces préoccupations pour restreindre les importations sans justification5.

Ce qui est « justifié » et ce qui ne l'est pas n'est cependant pas toujours aussi évident. Les associations de protection de l'environnement et les organisations syndicales qui ont comparu devant le Comité critiquent ce qu'elles considèrent comme le souci de favoriser d'abord et avant tout les échanges aux dépens des mesures de protection de l'environnement et de la santé humaine. En outre, on manque de confiance dans les méthodes d'évaluation des risques et des critères de réglementation des produits de l'OMC ainsi que dans le renvoi de ces questions à des organismes internationaux d'établissement de normes (par exemple, l'Organisation internationale de normalisation, qui fixe les normes ISO, et la Commission du Codex Alimentarius en ce qui concerne la sécurité alimentaire), ou dans les « codes de conduite » comme ceux qui figurent dans l'Accord sur les obstacles techniques au commerce. D'autres règles de l'OMC aux termes du GATS et de l'Accord sur les ADPIC pourraient aussi de plus en plus être critiquées sur le plan de la santé publique, sur le plan de l'environnement et sur le plan social6. Compte tenu de la plus grande sensibilisation des consommateurs et de la montée des mouvements de défense des citoyens à l`échelle internationale, il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire aux tables de négociation internationales pour remédier aux lacunes du régime actuel. L'Institut international du développement durable de Winnipeg a aussi affirmé que l'OMC doit s'attaquer à la tâche difficile qui consiste à élaborer des règles appropriées en vue d'incorporer le principe de précaution, un aspect établi du droit international, à ses activités (Témoignage, réunion n° 95, 4 mars 1999, et réunion n° 119, 26 avril 1999, Winnipeg).

Principes du développement durable et propositions de réforme

La sous-performance, jusqu'à présent, du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC, de même que le bilan controversé des décisions contestées du GATT/OMC, abstraction faite de certains progrès dans cette jurisprudence qui évolue, ont mis au jour des ambiguïtés et des lacunes importantes auxquelles il importe de remédier sans tarder au palier multilatéral. Les témoins en général estiment que le Canada doit être prêt à discuter sérieusement des questions d'environnement et de commerce à la Conférence de Seattle. Ce qui est moins certain, c'est dans quelle mesure ces questions peuvent être réglées au moyen de réformes effectuées à l'intérieur du cadre actuel de l'OMC.

Au terme du Cycle d'Uruguay, l'IIDD du Canada était au premier rang de ceux qui réclamaient l'élaboration d'un programme environnemental pratique pour le nouvel OMC avant même que l'organisation soit établie, et il a élaboré sept « principes de Winnipeg » régissant l'établissement de liens entre la politique commerciale et les objectifs en matière de développement durable : rentabilité et internalisation des coûts; équité; intégrité environnementale; subsidiarité; coopération internationale; science et précautions; ouverture7. À l'époque, on réclamait aussi la création d'une « Organisation mondiale de l'environnement » qui travaillerait en collaboration avec le régime du GATT/OMC de manière à promouvoir des objectifs environnementaux et le renforcement des obligations internationales en matière de protection de l'environnement par le biais du système d'échanges multilatéraux, ce qui éviterait d'amener les États-Unis et d'autres pays à recourir à des mesures unilatérales (comme dans l'affaire bien connue du thon et des dauphins)8. Lors du Symposium sur le commerce et l'environnement de l'OMC de mars 1999, le directeur général Ruggiero a semblé intéressé par cette idée, à laquelle souscrit M. Peter Carter, entendu à Vancouver. D'autres, en revanche, se demandent s'il est opportun, ou même faisable, dans le climat actuel, d'instituer une nouvelle bureaucratie internationale. Les avis sont moins partagés sur la nécessité à tout le moins d'un meilleur mécanisme d'intégration et de liaison. L'IIDD propose en conséquence d'établir une tribune multilatérale, une « conférence permanente sur le commerce et l'environnement » qui réunirait l'OMC et d'autres intervenants importants dans le domaine de l'environnement en vue de résoudre les problèmes et les conflits potentiels avant qu'ils s'aggravent.

L'OMC elle-même devra changer encore bien davantage qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. John Kirton et Julie Soloway considèrent que la structure actuelle de l'OMC laisse grandement à désirer et que l'Organisation n'a ni l'expertise voulue ni une culture d'entreprise sensible aux questions d'environnement, et ce, alors qu'il n'existe aucune organisation mondiale de protection de l'environnement équivalente pour intégrer les valeurs du commerce et celles de la protection de l'environnement (Mémoire, Toronto, 27 avril 1999). Dans une évaluation indépendante de l'OMC effectuée par l'IIDD il y a plusieurs années, l'Institut se disait déçu de ses tendances conservatrices et de la faiblesse du Comité du commerce et de l'environnement; il déplorait aussi la persistance d'une culture de prise de décision fermée, l'inefficacité de structures internes perpétuées sans réflexion et un processus de règlement des différends qui ressemble au comité des règlements d'un club privé9. Dans ce rapport d'avancement, on pressait les membres de l'OMC d'envisager les changements suivants :

· adopter une procédure de règlement des différends beaucoup plus ouverte, notamment en y ouvrant l'accès aux parties non gouvernementales intéressées et en ayant recours à des experts en environnement;

· instituer un examen public des mesures concernant l'environnement liées au commerce prises par les membres de l'OMC au-delà des exigences actuelles de transparence et de préavis;

· inciter les pays en développement, dont bon nombre soupçonnent des visées protectionnistes, à appuyer un programme de développement durable comportant des garanties de meilleur accès aux marchés et de progrès sur le plan de la réduction des subventions faussant les échanges dans les pays du Nord;

· accorder une plus grande attention à la transition vers les techniques écologiques et les services environnementaux aux termes de l'Accord sur les ADPIC et du GATS;

· conclure de nouveaux accords sur l'utilisation des PMP pour promouvoir le développement durable, idéalement dans le contexte d'un nouvel accord de l'OMC sur le commerce et l'environnement.

Les mémoires détaillés de l'IIDD au Comité contiennent des précisions utiles sur ce menu de réformes. On y insiste pour que chaque élément du cadre des accords actuels de l'OMC, du programme incorporé et du nouveau programme de négociation fasse l'objet d'une évaluation approfondie sur les bases des principes du développement durable. L'Institut remarque par ailleurs que le document de consultation du gouvernement sur le commerce et l'environnement semble souscrire à une démarche qui intégrerait les préoccupations en matière de commerce et d'environnement à toutes les négociations pertinentes. Il recommande que les membres de l'OMC collaborent à un examen permanent des prochaines négociations de l'OMC du point de vue de l'environnement. Cependant, selon l'IIDD, le CCE actuel ne pourra pas à lui seul faire intégrer complètement les principes du développement durable au système de l'OMC. L'Institut demande donc que le conseil général de l'OMC commandite la préparation d'un « programme du développement durable » sur la base d'une procédure similaire à celle qui est suivie par le groupe consultatif de haut niveau de l'OCDE mentionné précédemment. À cet égard, l'Institut recommande également la mise sur pied d'un groupe d'inspection indépendant (comme la Banque mondiale l'a déjà fait) qui produirait un « bulletin public » faisant état de l'avancement en regard des objectifs du développement durable.

Dans un certain nombre de mémoires, on insistait sur la nécessité, pour les organes de l'OMC, d'être plus ouverts à la participation du public lors de l'examen de divers accords et d'adopter des processus d'évaluation des répercussions environnementales plus rigoureux et plus complets avant, pendant et après les négociations sous les auspices de l'OMC. Ce sont là des domaines dans lesquels le Canada peut continuer de jouer un rôle de chef de file. Comme nous l'avons noté au chapitre 3, on pourrait aussi mieux exploiter le mécanisme d'examen de la politique commerciale de l'OMC tant du point de vue de la participation du public que de celui de l'examen des effets sur l'environnement sur le plan national. Dans certains mémoires, comme dans celui de la Saskatchewan Environmental Society (Témoignage, réunion n° 128, Saskatoon, 30 avril 1999), on affirme qu'il faut non seulement que les règles commerciales soient compatibles avec les priorités en matière de protection de l'environnement et de la santé publique et qu'elles renforcent les normes en la matière au lieu de les affaiblir, mais aussi que les organes de mise en oeuvre responsables fournissent par ailleurs aux citoyens et aux consommateurs l'information nécessaire pour qu'ils puissent faire des choix responsables en matière d'environnement. Cela nous amène à une question épineuse, à savoir comment trouver, une façon de réglementer les PMP dans l'intérêt public qui soit favorable au commerce. L'IIDD estime que c'est la conclusion d'un accord sur le commerce et l'investissement sous les auspices de l'OMC qui permettrait le mieux de s'attaquer à ces questions, parce que la discrimination à l'égard de produits est un outil essentiel si l'on veut encourager le marché à s'orienter vers une production et une consommation sans danger pour l'environnement. Il s'agit de concevoir un système de règles qui ne risquerait pas d'ouvrir la porte à des abus protectionnistes. (Mémoire, IIDD, 26 avril 1999, p. 11)

L'IIDD est d'avis qu'il y a aussi d'autres secteurs pour lesquels il importe de mettre l'accent sur le rôle des mesures qui touchent le fonctionnement des marchés, dans le contexte des priorités de négociation du Canada. L'Institut mentionne, par exemple, l'élimination des subventions qui faussent le fonctionnement du marché et qui, de façon plus générale, pénalisent les producteurs efficaces. En effet, selon l'Institut, ces subventions, qui ont un effet pervers sur l'économie et sur l'environnement - dont l'IIDD évalue le montant total à l'échelle mondiale à 1,5 billions de dollars américains par an - constituent « une force considérable qui perpétue un type de développement impossible à soutenir à long terme ». Par ailleurs, l'Institut estime qu'on ne doit éliminer les obstacles au commerce, comme dans le cas de l'agriculture, qu'après y avoir longuement réfléchi et « sans créer sur les marchés des conditions qui compromettent le caractère et la pérennité du patrimoine culturel de l'Europe et de certains pays d'Asie ». (Mémoire, 26 avril 1999, p. 2) À l'instar de nombreux autres témoins, l'IIDD a aussi des réserves au sujet des événements récents, à l'OMC, dans des domaines plus nouveaux comme la propriété intellectuelle, l'investissement et la politique de concurrence (domaines dans lesquels de grosses sociétés ont des intérêts considérables) et estime que le cadre actuel de règlement de ces questions convient mal à la prise en compte des priorités en matière de développement durable. Selon lui, il importe d'abord de voir au bien public et de ne pas négliger les besoins des pays et des populations les plus pauvres.

Dans l'ensemble, si l'on veut faire progresser le développement durable, l'OMC devra s'efforcer de trouver un meilleur équilibre en ce qui a trait aux règles et aux disciplines régissant le commerce à l'intérieur d'un marché intégré à l'échelle mondiale. La Conférence de Seattle permettra de voir si les pays industrialisés et les pays en voie de développement arriveront à s'entendre sur la liste des questions commerciales ayant un lien avec l'environnement, ces questions étant prioritaires10. Gilbert Winham et Jeffrey Schott, entre autres, affirment qu'il va falloir que le Nord et le Sud négocient pour trouver des solutions qui soient fondées sur leurs intérêts mutuels et non le résultat de l'imposition de normes occidentales, si l'on veut que les négociations futures qui se dérouleront sous les auspices de l'OMC donnent des résultats satisfaisants pour tous les participants.

Ce que le Canada peut faire : défis et perspectives d'avenir

Dans les négociations futures, l'objectif le plus important pour le Canada dans les négociations futures consiste à préserver l'efficacité de l'OMC et à promouvoir sa transparence. Il sera de plus en plus difficile d'atteindre les objectifs du Canada en matière d'échanges commerciaux si l'OMC ne contribue pas de façon claire au développement durable à l'échelle mondiale.

1DD (Témoignage, réunion n° 119, 26 avril 1999, Winnipeg)

Le Canada est dans une position importante qui lui permet de prendre l'initiative au niveau de la promotion des valeurs et des normes environnementales. Selon les résultats de sondages d'opinion récents, l'environnement figure dans les grandes priorités de la politique étrangère du Canada. Le Canada, en tant que grande puissance écologique, est bien placé pour prendre l'initiative dans le domaine du commerce et de l'environnement.

John Kirton et Julie Soloway (Témoignage, réunion n° 122, Toronto, 27 avril 1999)

Abstraction faite de divergences au niveau des détails, les Canadiens que le Comité a entendus sont dans l'ensemble très sensibles aux arguments ci-dessus, voulant que le Canada prenne l'initiative de négociations sur le commerce et l'environnement au sein de l'OMC. Les porte-parole des agriculteurs, des entreprises et des industries admettent que le système des échanges doit composer avec un certain nombre de défis concernant l'environnement, la santé et développement durable. La plupart, cependant, tiennent à ce que le débat soit circonscrit par des règles claires fondées sur des faits scientifiques et par un cadre négocié au palier multilatéral, cadre qui limiterait les pratiques discriminatoires, les mesures unilatérales d'application extraterritoriale et le risque d'exploitation des réglementations à des fins protectionnistes. D'autres témoins font valoir encore plus vigoureusement que, s'il faut imposer des restrictions, celles-ci doivent viser l'utilisation de disciplines commerciales pour affaiblir des réglementations adoptées dans l'intérêt public. Dans la négociation des règles et des normes, les gouvernements et les organisations, comme l'OMC, qu'ils dominent, doivent placer les intérêts des citoyens et des générations futures en tête de liste et ne pas se laisser influencer par les puissants groupes d'intérêts des grandes sociétés privées. Certains témoins ont vertement critiqué les mesures prises jusqu'à maintenant et recommandent des réformes étendues de façon que la libéralisation des échanges ne devienne pas une fin en soi, mais soit compatible avec les objectifs en matière de protection de l'environnement, de santé publique et de développement durable à l'échelle locale et mondiale.

Le Comité a été heureux de recevoir des propositions constructives pour combiner les impératifs du commerce et ceux de la protection de l'environnement : par la reconnaissance, dans les statuts de l'Organisation, que les principes du développement durable s'appliquent à tous les éléments du régime de l'OMC; par des améliorations réfléchies à l'institution et aux processus et par des mécanismes de liaison; par des efforts concertés en vue de résoudre les ambiguïtés juridiques et de relever les normes (c'est-à-dire à l'égard de l'observation des obligations multilatérales en matière d'environnement, de l'amélioration des procédures de règlement des différends et d'évaluation des risques, et de l'adoption d'ententes négociées régissant les PMP); par des encouragements et des disciplines qui agissent sur le marché et se renforcent mutuellement (par exemple, quant aux subventions qui faussent les échanges et ont des effets pervers); en constituant la capacité nécessaire à une saine gestion de l'environnement; en facilitant les transferts de connaissances et en encourageant un secteur des services environnementaux dynamique à l'intérieur du Canada, lequel, au dire de l'Association canadienne des industries de l'environnement, présente un potentiel d'exportation considérable.

Rien de tout cela ne se fera sans l'adoption de mesures concertées par les gouvernements. À l'échelon national, il faut le plus tôt possible lancer de nouvelles consultations intensives de toutes les parties concernées, y compris des autres paliers de gouvernement, en vue d'aboutir à un consensus qui donnera au Canada une assise solide lui permettant de promouvoir, à la Conférence de Seattle, un programme progressiste axé sur le commerce et le développement durable. Il importe aussi d'instituer un processus qui permettra de continuer à répondre aux objectifs en matière d'éducation et de participation du public au-delà de la rencontre de Seattle. Le Canada doit faire connaître aux autres membres de l'OMC l'importance qu'il accorde à l'intégration des préoccupations en matière d'environnement dans le programme de l'OMC et à la consultation des principaux pays en voie de développement au sujet des réformes possibles.

Recommandation 36

Attendu que le succès du prochain cycle de négociations dépendra peut-être grandement des progrès réalisés au sujet des questions de commerce et d'environnement qui chevauchent de nombreux domaines de négociation de l'OMC et vu la necessité - comme dans le cas des consultations nationales sur l'agriculture - d'obtenir un meilleur consensus à l'intérieur du Canada, le gouvernement devrait exploiter pleinement le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur chargé de l'environnement pour établir un programme de négociation canadien cohérent et proactif à soumettre lors de la Conférence ministérielle de l'OMC de Seattle.

Recommandation 37

Lors de la préparation de la position du Canada en vue de la Conférence de Seattle, le gouvernement devrait étudier en particulier des propositions visant à :

· accorder une plus grande place et une attention de haut niveau aux questions de développement durable au sein du programme de travail de l'OMC;

· consolider l'évaluation des impacts par l'utilisation plus innovatrice du mécanisme d'examen de la politique commerciale;

· obtenir des résultats rapides dans les secteurs où les objectifs de libéralisation des échanges et de protection de l'environnement peuvent s'appuyer mutuellement (par exemple concernant la réduction des subventions);

· établir des mécanismes de liaison avec des organismes internationaux traitant de protection de l'environnement et de protection de la santé;

· dissiper les ambiguïtés que présentent les règles courantes et élargir le processus de règlement des différends pour permettre une plus grande participation d'experts en matière d'environnement et améliorer la transparence;

· travailler à la clarification des règles de l'OMC visant à faire respecter clairement les obligations aux termes des accords multilatéraux en matière d'environnement et assurer de meilleures disciplines multilatérales régissant les mesures en matière d'environnement et de santé liées au commerce, notamment les règlements et autres mesures (par exemple les codes volontaires) qui concernent les procédés et les méthodes de production;

· renforcer la capacité de l'OMC de coordonner son action avec celle d'autres organismes internationaux en vue de venir en aide aux pays pauvres, et en particulier aux pays les moins avancés, de manière que ceux-ci soient en mesure de respecter des normes plus élevées d'examen environnemental et de protection de l'environnement.

Recommandation 38

S'il y a lieu, les délégations canadiennes aux réunions de l'OMC de même que toutes les équipes de négociation canadiennes futures devraient compter dans leurs rangs des experts reconnus en matière d'environnement et de santé.


1# Il y a eu seulement un groupe de travail sur l'exportation de produits interdits sur le marché intérieur et d'autres substances dangereuses, lequel a été créé en 1989, mais n'a pas produit de texte. Ce sujet a été intégré au programme de travail du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC, mais a suscité très peu de discussions depuis.

2# Ces discussions amorcées mais jamais terminées ont au moins eu l'avantage de stimuler la réflexion chez certains responsables canadiens de la politique commerciale. Voir, par exemple, les textes figurant dans Keith Christie, réd., New Directions: Environment, Labour and the International Trade Agenda, Carleton University Press, Ottawa, 1995. Il existe aussi des bilans utiles du cycle de négociations du point de vue de l'environnement : Daniel Esty, Greening the GATT: Trade, Environment and the Future, Institute for International Economics, Washington D.C., juillet 1994; Jennifer Schultz, « The GATT/WTO Committee on Trade and Environment - Towards Environmental Reform », American Journal of International Law, avril 1995, p. 423 - 439; Graham Dunkley, The Free Trade Adventure: The Uruguay Round and Globalism - A Critique, Melbourne University Press, Melbourne, 1997; John Whalley et Peter Uimonen, Environmental Issues in the New World Trading System, Macmillan Press, Londres, 1997.

3# Le document cite six rapports de groupes spéciaux aux termes du GATT 1947-1994 - les plus récents concernent trois décisions, qui n'ont pas été adoptées, contre des mesures de protection de l'environnement américaines - et six groupes spéciaux établis depuis l'entrée en activité de l'OMC en 1995. Sur ces derniers, quatre ont fait rapport et leurs décisions ont toutes fait l'objet d'un appel. Dans chaque cas, l'OMC s'est prononcée contre les défendeurs (c'est-à-dire que les mesures de réglementation visant l'environnement ou la santé ont été considérées comme non conformes), et ces décisions ont toutes été adoptées. Deux causes sont encore en souffrance, notamment une affaire portée par le Canada contre l'Union européenne en 1998 sur des mesures touchant l'amiante et les produits d'amiante. Jusqu'à présent, des plaintes portant sur des considérations d'environnement et de santé ont été déposées à l'OMC deux fois contre les États-Unis, deux fois contre l'Union européenne, une fois contre l'Australie et une fois contre le Japon; le Canada figure parmi les plaignants dans trois de ces cas.

4# On peut consulter ce document aux sites Internet de l'OMC et du MAECI à l'adresse suivante : www.wto.org ou www.dfait-maeci.gc.ca

5# Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Sanitary and Phytosanitary Measures », Ottawa, mai 1999, p. 5-6.

6# C'est ce qu'ont souligné les représentants d'ONG du secteur de la santé et du secteur du développement; cette question figure aussi en bonne place dans le Mémoire du Congrès du travail du Canada. Pour un aperçu utile de la portée des questions concernant la santé, voir Collette Kinnon, « World trade: bringing health into the picture », World Health Forum, vol. 19, 1998, p. 397-408.

7# Trade and Sustainable Development Principles, Institut international du développement durable, Winnipeg, février 1994. Voir aussi la publication ultérieure de Nevin Shaw et Aaron Cosbey, GATT, the WTO and Sustainable Development: Positioning the Work Program on Trade and Environment, IIDD, Winnipeg, sans date.

8# Voir particulièrement Daniel Esty, Greening the GATT, 1994.

9# « The World Trade Organization and Sustainable Development: An Independent Assessment Summary », IIDD, Winnipeg, 1996, p.4-5.

10# À cet égard, le mieux pourrait être l'ennemi du bien. De toute évidence, le système mondial d'échanges ne sera pas rapidement ou facilement transformé du tout au tout. Selon un analyste de renom, il pourrait éventuellement être possible d'entamer bientôt des négociations en matière de commerce et d'environnement, notamment sur les points suivants :· un mécanisme de l'OMC permettant d'étudier et d'approuver des ententes environnementales internationales et une dérogation pour les ententes courantes; · une liste négociée de dommages environnementaux transfrontières qui pourraient donner lieu à des mesures unilatérales liées au commerce (TREMS), étant entendu que ces mesures ne seraient pas assujetties à la procédure de règlement des différends de l'OMC; · la clarification des accords sur les mesures phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce de manière à aboutir à une détermination meilleure et plus objective de la portée acceptable des mesures de réglementation discriminatoires prises par souci de protection de l'environnement ou de protection de la santé.· (Peter Unimonen, « The Environmental Dilemmas of the World Trade Organization », dans Jeffrey Schott, Launching New Global Trade Talks (1998), p. 130.)