SCRA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 26 avril 1999
Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Cette séance du sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
Aujourd'hui, nous accueillons comme témoins
[Français]
de l'Association canadienne des chefs de police, M. Pierre Sangollo,
[Traduction]
M. Michael Shard et M. Vincent Westwick, ainsi que M. Boyd Campbell et M. David Griffin de l'Association canadienne des policiers.
Vous pouvez faire...
[Français]
une présentation d'environ 10 minutes de chacun des deux groupes, nous passerons ensuite aux questions des députés.
Monsieur Sangollo, est-ce vous qui allez commencer?
M. Pierre Sangollo (directeur, Association canadienne des chefs de police): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Pierre Sangollo et je suis directeur de la Sécurité publique de la ville de Sainte-Julie. Je représente l'Association canadienne des chefs de police. M'accompagnent M. Vincent Westwik, directeur des affaires juridiques du Service de police régional d'Ottawa-Carleton, et M. Michael Shard, inspecteur et conseiller juridique de la Police provinciale de l'Ontario.
On vient de me dire, monsieur le président, que les documents reliés à notre présentation ne sont pas arrivés. Soyez assuré que nous vous les ferons parvenir dans les plus brefs délais.
Dans un premier temps, je tiens, au nom de l'Association canadienne des chefs de police, à vous remercier de nous donner l'occasion de nous exprimer sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition cinq ans plus tard.
• 1535
L'Association canadienne
des chefs de police regroupe au-delà de 300 cadres
supérieurs et chefs de police à travers le Canada,
responsables d'environ 85 p. 100 des policiers et
policières au Canada, soit environ 45 000 agents et
agentes.
Dans le cadre de la consultation nationale tenue durant l'année 1998, les représentants de l'Association canadienne ont fait valoir certaines opinions permettant d'alimenter la cueillette d'information mise de l'avant par le solliciteur général du Canada. D'un bout à l'autre du pays, les chefs et leurs représentants ont participé activement aux séances de consultation publique.
Aujourd'hui, nous sommes devant vous pour inciter les législateurs à modifier quelques articles de la loi.
Il y a d'abord l'article 203 de la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous condition, qui a modifié le Code criminel en y ajoutant un article portant sur la détermination judiciaire de l'admissibilité à la libération conditionnelle. En somme, les juges sont habilités à fixer la date d'admissibilité à la libération conditionnelle à la moitié de la peine ou à 10 ans. C'est une disposition qui fait en sorte que devant un cas de drogue ou autre, le juge peut ordonner que l'individu purge le moindre de la moitié de sa peine ou 10 ans avant d'être admissible à la libération conditionnelle. Seulement 4 p. 100 des cas possibles ont fait l'objet de l'application de cette disposition depuis la mise en vigueur de la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous condition. Nous souhaiterions que les juges fixent la date d'admissibilité à la mise en liberté à la demie ou à 10 ans dans tous les cas d'infractions reliées au crime organisé. En ce moment, l'article 203 donne au juge la latitude d'imposer ou non l'application de cette disposition.
L'Association canadienne des chefs de police recommande que dans les cas reliés au crime organisé, c'est-à-dire les infractions dont il est question à l'article 95 du Code criminel, le juge ait l'obligation d'imposer cela. Ainsi, l'individu serait tenu de purger le moindre de la moitié de sa peine ou 10 ans avant d'être admissible à la mise en liberté.
Permettez-moi de faire un aparté. Quand une sentence est prononcée dans un cas de meurtre, le juge est en ce moment obligé d'expliquer à la personne condamnée qu'il lui est possible d'obtenir une libération, en vertu de l'article 745, après 15 ans. La communauté entière, dans tout le Canada, aimerait que lors de l'émission de toute peine fédérale, le juge explique aux membres de la communauté qui sont présents, soit les policiers, les victimes et le public qui est assis pour entendre la cause, que l'individu est, par exemple, condamné à une peine de 10 ans, mais pourra être remis en liberté après tant de temps, ce qui permettrait à la population de voir la réalité des sentences émises par les cours au lieu de croire que l'individu à qui on impose une peine de 10 à 15 ans sera incarcéré pendant 10 ou 15 ans. Donc, nous souhaiterions que dans le cas des sentences fédérales, le juge ait l'obligation d'expliquer qu'il est possible d'obtenir une libération conditionnelle après un sixième ou un tiers de la peine, par exemple.
Il y a aussi l'article 120, qui parle de la procédure d'examen expéditif ou accelerated parole review. J'ai fait partie du groupe de consultation du solliciteur général du Canada sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition cinq ans après, et nous avons abordé le sujet de la procédure d'examen expéditif à maintes reprises, monsieur le président. Il est inconcevable qu'on ait à remettre les individus en liberté en fonction de la seule notion de la gestion des crimes violents ou non violents. Permettez-moi de vous citer quelques exemples.
• 1540
Il s'agit de l'un des
gros cas de la GRC et du Service de police de la
Communauté urbaine de Montréal dont, soit dit en
passant, j'ai été directeur adjoint, qui a duré
quatre ans et qui concernait le blanchiment d'argent.
Au-delà de 164 millions de dollars avaient été
blanchis. Joseph
Lagana, le maître d'oeuvre de cette
escroquerie, a été condamné à 13 ans.
Pour un tel crime, la peine aurait été
de 25 à 30 ans ferme aux États-Unis, mais au Canada,
dans une société telle que la nôtre,
on est capable d'accepter cette peine de 13 ans.
Ce qui a estomaqué la population de Montréal, du Québec et du Canada a été le fait que Joseph Lagana a été remis en liberté après avoir purgé le sixième de sa peine. Je ne blâme pas les agents de la Commission nationale des libérations conditionnelles, car ces derniers doivent travailler avec les outils qui leur sont donnés. Comme ce n'était pas un crime violent, qu'il en était à sa première offense et qu'on n'avait aucune raison de croire à la commission d'un crime violent, M. Lagana est sorti.
Dans un communiqué, le solliciteur général du Canada, M. Andy Scott, mentionnait que cette procédure d'examen expéditif serait retirée pour les gens ayant commis des crimes reliés à l'article 95 du Code criminel, qui porte sur la criminalité organisée.
Nous vous demandons d'aller un peu plus loin. Quand des individus sont arrêtés pour trafic ou importation de stupéfiants tels que l'héroïne ou la cocaïne, il est extrêmement difficile de prouver qu'ils font partie du crime organisé. C'est ainsi que des caïds dans des cartels sont remis en liberté au sixième de leur peine. Du côté du crime organisé, on choisit toujours des individus qui n'ont pas de casier judiciaire pour être les maîtres d'oeuvre de ces grandes importations.
La même chose s'applique à nos personnes âgées, monsieur le président. J'ai mentionné à maintes reprises qu'avec la procédure d'examen expéditif, on avait complètement oublié nos personnes âgées. Je me permets de vous citer en exemple le télémarketing ou la fraude téléphonique.
Pour nous, il est quasiment impensable qu'on puisse remettre en liberté des individus qui ne visent que les personnes âgées, qui cherchent à les déposséder de leurs avoirs alors qu'elles ont 60, 70, 75 ou 80 ans. Ce n'est pas un crime violent. Quand c'est la première offense qu'ils commettent, ces individus-là sortent. Ayant siégé au comité sur le crime organisé au Canada, nous avons de l'information. Je peux vous dire, monsieur le président, que nous avons savons que le crime organisé s'est spécialisé dans le télémarketing. Le télémarketing est directement lié aux personnes âgées.
Donc, nous demandons que, lorsqu'on parle de procédure d'examen expéditif, on ne considère pas seulement le fait que le crime est violent ou non violent. Il faut aussi considérer les risques, l'impact sur les victimes et le type de crime. Je vous répète que le crime organisé met toujours à la tête de ces affaires des individus qui n'ont pas de casier judiciaire. À titre d'information, une enquête de télémarketing moyenne coûte un million de dollars et les sentences dépassent rarement 18 à 24 mois.
En somme, l'Association canadienne des chefs de police est beaucoup plus préoccupée par la libération hâtive que par la récidive. Les cas de récidive sont normalement des cas isolés qui viennent ternir le bon travail du Service correctionnel du Canada. Nous sommes persuadés que vous porterez une attention particulière à ces représentations. Nous vous remercions de nous avoir écoutés avec intérêt.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sangollo. Vous êtes sans doute au courant que le gouvernement vient d'apporter des modifications, mais vous demandez d'aller encore plus loin.
M. Pierre Sangollo: Effectivement.
Le président: Merci.
Monsieur Marceau, sept minutes.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci, monsieur le président.
Le président: Excusez-moi. J'ai oublié...
M. Richard Marceau: Cela ne me dérange pas. On peut y aller.
Le président: On va passer aux autres témoins. Je m'excuse.
[Traduction]
Messieurs Griffin et Campbell, au nom de l'Association canadienne des policiers, voulez-vous présenter des remarques liminaires d'environ 10 minutes?
M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers): Oui, monsieur. Merci beaucoup.
Bon après-midi. Je m'appelle David Griffin et je suis agent exécutif à l'Association canadienne des policiers. M. Boyd Campbell est le vice-président de l'Association canadienne des policiers. Il est aussi vice-président de l'Association des policiers de Winnipeg ainsi que sergent d'état-major au service de police de Winnipeg où il travaille depuis 26 ans.
Nous avons remis au greffier des exemplaires de notre mémoire dans les deux langues officielles. L'Association canadienne des polices est heureuse d'avoir cette occasion de présenter ses vues au sous-comité concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. À titre de professionnels qui consacrent leur vie à la sécurité des collectivités par la réduction du crime, nos membres s'intéressent vivement au rôle que le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles jouent dans le système de justice.
Lorsque la grande majorité des délinquants sont finalement condamnés à l'incarcération dans les établissements fédéraux, ils ont joui de l'indulgence qui imprègne le système de justice et ils constituent les criminels les plus violents, dangereux ou endurcis que nous connaissions. Aujourd'hui, 80 p. 100 des délinquants fédéraux sont en prison pour des crimes violents, comparativement à 58 p. 100 il y a 10 ans.
Selon le vérificateur général du Canada, 500 délinquants de plus ont été libérés dans la collectivité l'an dernier qu'au cours de l'année précédente. Au cours des 10 dernières années, les tribunaux ont incarcéré moins de délinquants. Les écrous ont fléchi de 10 p. 100 dans les établissements fédéraux au cours des cinq dernières années. La surveillance communautaire est de plus en plus l'option de choix alors que le nombre de délinquants écroués dans les établissements fédéraux et provinciaux a augmenté de 22,8 p. 100 au cours des 10 dernières années. Ces délinquants ne sont pas nécessairement incarcérés, mais ils sont sous la responsabilité des autorités correctionnelles. Le nombre de délinquants soumis à la surveillance communautaire a augmenté de 70 p. 100.
La surveillance communautaire est en manque de ressources. En février 1998, le SCC a constaté qu'il ne pouvait plus satisfaire aux normes nationales visant la fréquence des contacts avec les délinquants libérés dans la collectivité. En tout, les autorités n'ont pu contacter que de 11 à 38 p. 100 des délinquants fédéraux à la fréquence requise.
Le personnel du SCC est de plus en plus contraint d'accroître le nombre de délinquants libérés dans la collectivité. En 1998, Andy Scott, le solliciteur général, a souligné que puisque les délinquants sont issus de la collectivité et que presque tous y retourneront, la meilleure façon de protéger la population canadienne est de les préparer à leur mise en liberté.
En 1998, le personnel du SCC a appris par l'intermédiaire du solliciteur général, M. Andy Scott, que le gouvernement voudrait que d'ici l'an 2000, 50 p. 100 des délinquants soient en établissement et 50 p. 100 en liberté dans la collectivité. Le commissaire Ingstrup a répondu que:
-
L'atteinte de la proportion 50/50 d'ici l'an 2000 est un défi qui
n'est pas nécessairement insurmontable.
Il a ensuite indiqué à ses sous-commissaires que:
-
la proportion 50/50 est l'hypothèse de travail qui est fondée sur
les données actuelles. Elle n'est pas une cible arbitraire ou
artificielle.
Le vérificateur général presse le SCC d'accélérer la préparation à temps des délinquants pour leur première date de libération conditionnelle afin de réduire les coûts. Il souligne à nouveau ce besoin dans son rapport annuel de 1999.
La Commission nationale des libérations conditionnelles ne reçoit pas suffisamment de renseignements pour prendre des décisions éclairées touchant la libération des délinquants dans la collectivité. Selon la plus récente évaluation, seulement 46 p. 100 des rapports soumis à la Commission satisfaisaient aux normes, 11 p. 100 étaient de piètre qualité et, fait encore plus grave, 16 p. 100 des rapports concernant les délinquants à risque élevé étaient aussi de piètre qualité.
Mon collègue, M. Campbell, traitera maintenant des préoccupations des policiers de première ligne.
Le sergent d'état-major Boyd Campbell (vice-président du Manitoba, Association canadienne des policiers): Monsieur le président, nous croyons que les délinquants doivent assumer la responsabilité de leur crime et qu'il ne faut pas reléguer les victimes aux oubliettes. Malheureusement, les dispositions actuelles de la détermination des peines et la mise en liberté sous condition ne prennent pas en compte ce principe. En tant que porte-parole national des policiers canadiens, l'ACP s'inquiète grandement de l'importance grandissante que l'on accorde à la libération dans la collectivité et à la surveillance communautaire.
• 1550
Le système est à bout de souffle, monsieur le président. Le
désir pressant de libérer sous surveillance communautaire les
délinquants sous responsabilité fédérale entraîne la libération
dans la collectivité d'un plus grand nombre de criminels violents
et à risque élevé.
Les outils d'évaluation du risque sont continuellement modifiés afin de manipuler les probabilités mathématiques et les coûts lorsqu'il s'agit de comparer la mise en liberté dans la collectivité et l'incarcération. Malheureusement, ces analyses cliniques ne prennent pas en compte les coûts humains réels.
Les délinquants récidivistes qui commettent des crimes graves mais non violents continuent de jouir de l'indulgence du système et de l'hésitation à réprimer, poursuivre, condamner, incarcérer et mettre sous garde. Les mots tels que châtiment, dissuasion, peine et conséquence ont été épurés du jargon politiquement correct du système correctionnel.
Le système correctionnel, à cause des lenteurs ou de données incomplètes, contourne systématique les exigences touchant la libération conditionnelle et privilégie maintenant le programme des permissions de sortir, plus expéditif et contrôlé par le SCC. Il faut redonner à la Commission nationale des libérations conditionnelles le rôle de contrôleur qui est le sien.
Dans son dernier rapport, le vérificateur général mentionne une diminution de 37 p. 100 du nombre de révocations par suite d'une nouvelle infraction depuis 1993-1994. Cependant, nous pensons que c'est là davantage un symptôme d'un problème encore plus profond qu'une invitation à l'optimisme, et ce, pour plusieurs raisons. Ces raisons comprennent la surveillance moindre et les contacts peu fréquents par les agents de libération conditionnelle, comme l'indique le rapport du vérificateur général; une réduction du nombre de conditions imposées par le SCC pour déterminer l'admissibilité à la libération conditionnelle, celle-ci étant ordonnée par les commissions de libération conditionnelle, ce qui réduit la possibilité d'interventions; pour la police, une capacité réduite d'appliquer les lois; et la révocation de la libération à la place d'une nouvelle mise en accusation.
Monsieur le président, les contrevenants peuvent être libérés d'office après avoir purgé les deux tiers de leur peine. La Commission nationale des libérations conditionnelles peut envisager le maintien en incarcération seulement si le SCC le recommande. Cette situation est inacceptable. Les victimes et les familles des victimes n'ont aucune voix au chapitre lorsque les décisions sont prises en matière de la mise en liberté sous condition. Les délinquants ont un défenseur en la personne de l'enquêteur correctionnel, les victimes, aucun. La procédure d'examen expéditif et la libération d'office ne sont pas des mécanismes de réinsertion sociale efficaces car près de 40 p. 100 des délinquants récidivent. Ces mécanismes devraient donc être abandonnés.
La surveillance communautaire est inefficace et a besoin de ressources additionnelles et d'une attention accrue. D'autres intervenants ont mentionné au comité que des bénévoles et même des personnes avec un casier judiciaire assurent la surveillance communautaire. La mise en liberté sous condition des personnes dont l'expulsion du Canada a été ordonnée et qui attendent une décision de l'Immigration tient de l'absurde. Les délinquants qui récidivent pendant leur libération sous condition ne devraient pas être admissibles à la libération conditionnelle anticipée en raison de leur dossier judiciaire et de leur situation carcérale, sinon il n'y a plus d'effet dissuasif sur les délinquants libérés dans la collectivité.
L'article 745 ne cesse de préoccuper grandement les policiers, les victimes et les familles du pays et devrait être abrogé—non pas modifié, monsieur le président, mais bien abrogé. Les délinquants qui commettent plus d'un meurtre ou d'une agression sexuelle grave devraient se voir imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Enfin, monsieur le président, l'appareil judiciaire a montré sa grande hésitation à imposer des périodes discrétionnaires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle même s'il en a le pouvoir.
M. David Griffin: Nos recommandations, monsieur, se trouvent à la page 14 de notre mémoire. Nous serions heureux de discuter de ces observations plus en détail ou de répondre à vos questions. Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
Le président: Vous entendez certainement la sonnerie.
C'est une sonnerie d'une demi-heure; il nous reste environ 23 minutes.
Je propose que nous commencions les questions puis, si les témoins veulent bien patienter, nous suspendrons la séance pour 15 minutes environ pour aller voter avant de revenir pour conclure la séance, si cela vous va.
[Français]
Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.
M. Richard Marceau: Je vous remercie tous les cinq de vous êtes déplacés.
Monsieur Sangollo, j'ai bien hâte de lire le document que nous n'avons pas encore reçu, parce que vous avez exposé des points que j'ai trouvé intéressants.
• 1555
Je dois d'abord vous dire, monsieur
Sangollo, que j'ai bien aimé votre exposé sur Lagana.
Il s'agit en effet d'une situation très troublante, qui a
suscité plusieurs réactions, mais pas de la
part du gouvernement jusqu'à ce jour.
Il y a quelques mois, j'ai déposé au nom du Bloc québécois un projet de loi qui fera en sorte que la procédure d'examen expéditif ne pourra pas s'appliquer dans des cas de trafic de stupéfiants ou de blanchiment d'argent. Je ne me souviens pas exactement du numéro du projet de loi, mais est-ce qu'une mesure telle que celle-là vous satisferait au moins partiellement? C'est ma première question.
M. Pierre Sangollo: N'ayant pas vu le contenu du projet de loi, il nous est difficile de dire s'il nous satisfait. Monsieur Marceau, nous demandons qu'on cesse de traiter comme les autres les gens qui exploitent notre société et le système et qui sont complètement à part des autres. Des mesures doivent être prises. On se rappellera les symposiums sur le crime organisé et autres. Des mesures doivent être prises contre ces gens, et l'une de ces mesures serait la non-admissibilité à la libération conditionnelle. C'est une des mesures qu'on avait proposées en 1996, lors d'un symposium auxquels MM. Gray et Rock étaient présents. Donc, oui, c'est une des mesures à prendre.
M. Richard Marceau: Vous avez mentionné ce que j'appellerais l'illogisme de la dichotomie artificielle qu'il y a entre le crime violent et le crime non violent pour la procédure d'examen expéditif. Comme vous le savez, on a automatiquement droit à la procédure d'examen expéditif sauf dans le cas de certaines infractions qui sont spécifiquement désignées. Selon vous, quels crimes devraient faire partie de la liste des crimes rendant leurs auteurs inadmissibles à la procédure d'examen expéditif?
M. Pierre Sangollo: Il y a des crimes qui sont déjà mentionnés aux annexes. Je ne suis pas en mesure de vous donner en ce moment la liste détaillée de ces crimes. Je pense surtout au télémarketing, à la fraude par téléphone. Ce que nous voulons faire ressortir, monsieur Marceau, c'est qu'une évaluation du risque est faite lorsqu'il y a des auditions de la Commission nationale, mais non lors de la procédure d'examen expéditif. On se pose une seule question, à savoir si c'est un crime violent ou non. Quand une dame se fait pousser et se fait voler son sac à main, c'est un crime violent. L'individu qui a commis ce crime mériterait peut-être de sortir au sixième de sa peine à cause de tout ce qui peut l'avoir conduit à faire cela à l'âge de 18 ou 19 ans, mais il ne sera pas admissible, alors que celui qui a dépossédé une dame ou un monsieur de tous ses avoirs sera libéré au sixième de sa peine. C'est là qu'est l'illogisme.
M. Richard Marceau: À moins que je vous aie mal compris, vous soulevez deux problèmes qui existent à l'heure actuelle. Le premier est qu'il n'y a pas d'évaluation des risques lors de la procédure d'examen expéditif, et je vous comprends bien. Vous voudriez donc qu'il y ait une évaluation des risques. Deuxièmement, je vous ai peut-être mal compris, mais j'ai cru comprendre que vous vouliez que des gens qui, à l'heure actuelle, ont accès à la procédure d'examen expéditif n'y aient pas accès étant donné le crime qu'ils ont commis. Est-ce que je me trompe?
M. Pierre Sangollo: Tous les gens qui commettent des crimes d'importation, de trafic international ou qui ont des rapports avec le crime organisé ne devraient pas y avoir accès.
M. Richard Marceau: D'accord. Je vous demande cela parce que nous allons devoir rédiger des recommandations. Vous serait-il possible de faire parvenir au comité un document dans lequel vous diriez très clairement que les gens qui commettent les crimes A, B et C ne devraient pas avoir accès à la procédure d'examen expéditif? Cela m'aiderait beaucoup lorsque viendra le temps de travailler au rapport.
M. Pierre Sangollo: Puis-je me permettre de vous poser une question? Quelle est la date ou l'heure limite à laquelle je pourrais vous faire parvenir cela?
Le président: Aussi vite que possible. Non, d'ici la fin du mois de mai.
M. Richard Marceau: Cela me convient. J'ai encore quelques questions, monsieur le président.
Monsieur Griffin, je m'excuse, mais je reviendrai à vous.
Monsieur Sangollo, vous avez parlé de la difficulté qu'avaient les forces policières à prouver que quelqu'un est membre d'un groupe organisé. J'ai une question très précise. Cela m'intéresse, parce que je suis en train de mijoter un projet de loi contre le crime organisé. C'est donc très concret pour moi. Quelle mesure législative souhaiteriez-vous qu'on adopte pour vous aider, en tant que policiers, à identifier ou à faire identifier quelqu'un en tant que membre d'un groupe criminel?
M. Pierre Sangollo: Relativement à l'article 95 du Code criminel, au niveau de l'ensemble du Canada, il y a le Service canadien des renseignements criminels, le SCRC, dont je fais partie de l'exécutif depuis plusieurs années. En ce moment, la difficulté pour les procureurs est de comprendre et de recueillir tous les éléments prévus par la loi. Je ne peux pas vous répondre avec beaucoup de précision parce qu'on cherche encore la meilleure façon d'accuser quelqu'un en vertu de la loi ou de l'article 95 du Code criminel.
M. Richard Marceau: Est-ce que l'article 95 va assez loin pour vous ou s'il devrait aller encore plus loin?
M. Pierre Sangollo: Je ne veux pas commencer un débat. À l'époque, nous avions fait des représentations devant le ministre Rock et M. Gray, mais nous n'avions pas obtenu ce que nous voulions. On a toujours dit que c'était un premier pas vers une loi. Les dispositions qu'on avait n'avaient pas de dents. On a maintenant des termes, notamment celui de «criminalité organisée», qu'on ne trouvait pas. Il reste à assimiler et à apprendre à utiliser l'outil avant d'en demander un meilleur. En ce moment, je ne suis pas capable de vous dire si l'outil est bien utilisé ou non.
Le président: Je dois vous arrêter, car le temps est écoulé.
[Traduction]
Monsieur Abbott, il nous reste sept minutes avant de suspendre la séance.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Tout d'abord, en ce qui concerne votre recommandation 10 d'interdire la libération sous condition des personnes en attente d'expulsion du pays, mon parti est entièrement d'accord. Manifestement, dans ce genre de situation, il serait avantageux pour le libéré conditionnel de disparaître, et nous approuvons sans réserves cette recommandation.
En revanche, la recommandation 13 présente un défi intéressant. Vous recommandez de contraindre les délinquants libérés dans la collectivité de fournir avant leur libération un échantillon d'ADN afin qu'il soit ajouté à la banque de données génétiques. À mon avis, cela va à l'encontre de la loi existante sur les empreintes génétiques. Recommandez-vous qu'on modifie cette loi?
M. David Griffin: Oui, monsieur. Nous sommes préoccupés par le fait que la loi existante ne permet pas le prélèvement d'échantillons d'ADN chez les détenus. À notre sens, si l'on a l'intention de libérer ces contrevenants dans la collectivité avant qu'ils n'aient fini de purger leur peine d'incarcération, on devrait exiger d'eux un échantillon, premièrement pour s'assurer que ces détenus ne font pas l'objet d'une autre enquête toujours en cours et, deuxièmement, pour s'assurer que, s'ils récidivent pendant qu'ils sont en liberté conditionnelle, il sera plus facile de les appréhender.
M. Jim Abbott: Très bien, mais puis-je vous demander si une telle disposition serait considérée conforme à la Charte?
M. David Griffin: Nous encourageons le comité à se pencher sur cette question. À notre avis, le prélèvement d'un échantillon dans de telles circonstances ne serait pas jugé contraire à la Charte. Il est certain qu'il appartient à chacun de décider de demander ou non une libération conditionnelle. Il incombe alors à l'État de fixer les conditions de cette mise en liberté. À notre avis, cela devrait être une de ces conditions.
M. Jim Abbott: Est-ce que quelque chose m'a échappé? Je cherche la libération d'office. Je n'en vois aucune mention ici. C'est le point 3. J'ignore comment j'ai pu ne pas voir cela.
J'aurais tendance, comme vous, à recommander l'élimination de la libération d'office, mais cela soulève la question de savoir ce qui se passera à la fin de la peine d'emprisonnement. Autrement dit, est-ce que ces détenus seront libérés de toute façon, est-ce qu'on ne fait pas que remettre le problème à plus tard?
M. David Griffin: Nous nous opposons à l'octroi automatique de la libération conditionnelle sans qu'il ait été déterminé de façon impartiale si ce délinquant doit être libéré dans la collectivité. Autant la libération d'office que la procédure d'examen expéditif prévoient une mise en liberté automatique. Il incombe au Service correctionnel du Canada de faire la preuve dans les cas exceptionnels, de prouver pourquoi un délinquant ne devrait pas obtenir la libération d'office ou se prévaloir de la procédure d'examen expéditif.
À notre avis, ce pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être conféré au Service correctionnel du Canada, mais plutôt à la Commission des libérations conditionnelles qui aurait alors le pouvoir discrétionnaire de déterminer dans tous les cas si le détenu peut faire l'objet d'une libération anticipée.
M. Jim Abbott: Comment caractérisez-vous l'opinion de votre organisation à ce sujet? Êtes-vous davantage préoccupés par la sécurité du public ou par la peine qui doit être infligée pour avoir commis un crime? Autrement dit, j'aimerais savoir lequel de ces deux points est votre priorité.
M. David Griffin: Nous nous préoccupons avant tout de la sécurité du public. Comme nous l'avons indiqué dans nos remarques liminaires, 80 p. 100 des délinquants actuellement incarcérés dans un établissement fédéral ont commis un crime avec violence. En réponse aux questions précédentes, on a parlé du classement des crimes. Bien des crimes sont considérés comme étant des crimes sans violence, même s'ils sont envahissants, humiliants et perturbants pour les victimes. Ainsi, l'entrée par effraction n'est pas un crime avec violence. Si le criminel a déféqué ou uriné dans l'habitation où il est entré par effraction, s'il a commis d'autres gestes grotesques, peu importe, ce crime reste un crime sans violence. Il y a bien d'autres exemples de crimes figurant dans la catégorie des crimes sans violence, et ceux qui les ont commis seront libérés dans la collectivité le plus tôt possible.
M. Jim Abbott: Mais puisqu'il faut malheureusement faire face à ces incidents terribles que vous venez de décrire, car ils se produisent réellement, est-ce qu'une peine d'incarcération plus longue ne réglerait pas le problème?
M. David Griffin: La question est de savoir si nous sommes convaincus que nous ne libérons pas dans la collectivité des détenus avant qu'ils ne soient prêts à être remis en liberté. À notre avis, si ce délinquant n'est pas prêt à être libéré, il ne devrait pas avoir droit à une mise en liberté ou à une libération conditionnelle automatique.
Nous sommes aussi très préoccupés par l'emploi des permissions de sortir et des permissions de sortir sans escorte. C'est le Service correctionnel du Canada qui prend ces décisions, sans que la commission des libérations conditionnelles n'ait voix au chapitre. Si des pressions s'exercent sur le Service correctionnel pour qu'il libère davantage de délinquants dans la collectivité, il peut le faire en libérant certains détenus pour une période allant jusqu'à 60 jours, sans que la commission des libérations conditionnelles ait à intervenir. À notre sens, c'est la sécurité des collectivités qui doit primer, et les autorités carcérales ne devraient pas prendre de décisions en matière de remise en liberté.
M. Jim Abbott: J'invente une situation où les calculs sont simples. Un criminel purge une peine de six ans pour un crime très répréhensible, peut-être même avec violence. Il devient admissible à la libération conditionnelle, conformément à la procédure normale, après avoir purgé deux ans de sa peine et est mis en liberté sous condition après avoir purgé quatre ans de sa peine. Disons que ce délinquant a décidé de ne participer à aucun programme en prison. Vous estimez qu'il devrait rester en prison jusqu'à la fin de sa peine de six ans.
Nous avons un contrevenant asocial, dont le comportement est asocial, et après six ans de prison au plus, on le libère. N'est-ce pas remettre à plus tard l'inévitable?
M. David Griffin: Il est certain qu'on empêche le délinquant de récidiver pendant les deux dernières années de sa peine. Selon le système actuel, il n'y a pas de conditions particulières rattachées à l'admissibilité à la libération d'office.
Le président: Je dois vous interrompre car nous devons aller voter.
Nous suspendons la séance, mais avant que les députés ne partent, nous allons distribuer des informations et une proposition de budget concernant une conférence qui se tiendra à Saskatoon en septembre et dont le sujet est pertinent à nos travaux. Peut-être pourriez-vous jeter un coup d'oeil à ces documents pendant le vote; nous en discuterons à la fin de cette séance.
Entre temps, nous savons gré aux témoins... nous devrions être de retour dans une quinzaine de minutes.
M. Jim Abbott: Il y aura à cette conférence un conférencier absolument brillant.
Le président: Nous le savons pertinemment...
M. Jim Abbott: Je sais.
Le président: ...que c'est un orateur brillant.
Merci. Nous suspendons la séance pour environ 15 minutes.
Le président: Nous reprenons la séance. Je remercie encore une fois les représentants de l'Association canadienne des policiers et de l'Association canadienne des chefs de police de leur patience. Je cède maintenant la parole aux ministériels, pour une série de questions de sept minutes.
[Français]
Monsieur Saada, voulez-vous poser des questions?
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Oui, bien sûr. J'ai été traumatisé par le vote, monsieur le président.
Merci infiniment de votre présentation. J'ai deux ou trois questions. Je vais adresser la première à M. Sangollo. Il y a une notion qui me paraît extrêmement intéressante et que j'aimerais explorer avec lui.
À l'heure actuelle, on a des crimes qui sont déclarés violents et d'autres qui sont déclarés non violents, ainsi que des criminels qui sont placés dans l'une ou l'autre de ces catégories et qui ont accès à différents types de libération conditionnelle selon les circonstances. Vous avez exposé une notion qui me paraît très importante et extrêmement intéressante à explorer, et c'est celle de l'impact du crime sur la victime comme étant un des critères d'admissibilité à la liberté conditionnelle. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Pierre Sangollo: Oui, c'est exact. Lorsqu'un individu commet un crime, il faut examiner non seulement l'impact sur la victime, mais aussi le type de crime. Évidemment, les deux sont un peu reliés. Comme je l'ai mentionné au sujet des personnes âgées... Je donnais l'exemple de l'individu qui pousse simplement une personne âgée pour lui voler son sac à main. C'est un crime violent qui est peut-être commis par un petit jeune de 19 ans qui a consommé un peu trop de pot ou d'alcool. D'un autre côté, l'individu qui dépossède une personne âgée de tous ses biens ne commet pas un crime violent. C'est ce que nous considérons illogique.
M. Jacques Saada: Sans y avoir réfléchi très longuement, si je pousse votre logique, est-ce qu'on ne risque pas de créer tellement de flou dans ce qu'on appelle l'impact sur la victime qu'on arrive finalement à mettre tout dans un même sac et à contourner toute l'approche des libérations conditionnelles?
M. Pierre Sangollo: J'ai toujours dit qu'il ne devait pas y avoir de tapis mur à mur dans les cas de libération conditionnelle. Le juge a quand même la responsabilité d'imposer une peine en fonction du crime commis et de son impact. Par contre, la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel gèrent la sentence. Il est évident que la commission ne fait que la gérer. Ses outils de gestion lui sont conférés par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Ce que je ne peux pas admettre, c'est qu'on ait un tapis mur à mur pour la libération conditionnelle. À mon avis, la procédure d'examen expéditif est un tapis mur à mur qui ne tient pas compte de l'impact, du risque de récidive et d'autres éléments.
M. Jacques Saada: Cette recommandation s'applique-t-elle exclusivement à la procédure d'examen expéditif ou si vous envisagez une chose plus large? Je vais vous dire pourquoi je pose cette question.
Vous venez de dire à l'instant que le juge a une certaine discrétion à exercer en fonction du cas. Par contre, au début de votre présentation, vous demandiez que là où le juge a une certaine discrétion, cette discrétion lui soit retirée pour qu'il impose d'office une prolongation du minimum avant l'admissibilité à la liberté conditionnelle.
M. Pierre Sangollo: C'est exact. J'ai dit que pour certains crimes, notamment tout ce qui a trait au crime organisé... Comme le président le disait tout à l'heure, le solliciteur général vient de déposer une modification qui fait en sorte que les individus qui ont été trouvés coupables d'offenses reliées à la criminalité organisée ne seront pas admissibles au processus d'examen expéditif. Mais nous voulons aller plus loin, parce qu'on doit faire la preuve que l'offense est reliée à la criminalité organisée, ce qui n'est pas facile à faire en ce moment.
Donc, le juge a une discrétion pour les offenses non reliées à la criminalité organisée et tout autre crime violent, mais il ne devrait pas en avoir pour des offenses reliées à la criminalité organisée.
M. Jacques Saada: Je comprends.
Monsieur le président, j'ai plusieurs questions et vous m'interromprez quand j'arriverai près de la limite de mon temps.
Le président: Il vous reste deux minutes et demie.
M. Jacques Saada: Très bien.
[Traduction]
Si ma mémoire est bonne, je crois que c'est M. Campbell qui a parlé d'échantillons d'ADN, ou peut-être était-ce vous, monsieur Griffin. Je crois savoir que les dispositions sur la banque de données génétiques prévoient déjà la possibilité de prélever de façon rétroactive des échantillons d'ADN dans le cas de certains crimes, surtout les crimes avec violence. J'ignore si cela correspond à ce que vous recommandez, peut-être ne sommes nous pas d'accord, mais j'ai fait faire la vérification...
M. David Griffin: Nous n'avons pas été satisfaits de la version définitive des dispositions législatives sur les empreintes génétiques; la liste exclusive de crimes permet de résoudre certains problèmes, mais pas tous. Nous estimons donc qu'on devrait pouvoir prélever des échantillons d'ADN chez toutes les personnes soupçonnées d'un crime. En l'occurrence, nous recommandons qu'avant d'accorder à un délinquant une libération anticipée dans la collectivité, on exige de lui, comme condition à cette mise en liberté, au même titre que la bonne conduite qui est exigée, qu'il s'abstienne de consommer de l'alcool ou des drogues, qu'il respecte un couvre-feu et, en outre, qu'il donne un échantillon d'ADN. Cela s'appliquerait à tous les détenus sous responsabilité fédérale qui seraient remis en liberté.
M. Jacques Saada: Je vois.
Étant donné qu'il ne me reste qu'environ une minute et quinze secondes, je ne veux pas m'engager dans un débat sur l'ADN, même si j'ai pris bonne note de ce que vous avez dit.
La question que je pose maintenant s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous finalement.
[Français]
Elle est très large.
Puisqu'on parle dans certains cas de l'obligation d'imposer une période plus longue avant l'admissibilité à la période de liberté conditionnelle, en particulier dans des cas reliés au crime organisé, et puisqu'on parle des problèmes relatifs à la libération d'office—je crois que tout le monde y a fait allusion d'une façon ou d'une autre—je pose une question fondamentale. Est-ce que, d'après vous, le principe même d'avoir des échéances fixes d'admissibilité à la liberté conditionnelle dans tout le processus est un avantage ou un handicap?
M. Pierre Sangollo: Il y a des avantages à avoir des échéances fixes. Je pense que les gens sont en droit, qu'ils aient commis des crimes ou non, de savoir ce qui s'en vient et ce que sont leurs droits. Quant à moi, ce ne sont pas les échéances fixes qui posent problème, mais plutôt la procédure elle-même. Les échéances fixes ne me semblent pas poser un problème, à l'exception...
M. Jacques Saada: J'ai compris.
M. Pierre Sangollo: À l'origine, on parlait du tiers, et ça va. On est maintenant rendu au sixième. C'est plutôt la procédure d'examen expéditif qui me préoccupe et préoccupe l'association. Les échéanciers ne nous préoccupent pas, du moins au niveau de l'association.
[Traduction]
Le président: Monsieur Griffin, vous pourriez donner une courte réponse, puis nous passerons.
M. David Griffin: Oui. Nous estimons qu'il devrait y avoir des délais prescrits pour l'admissibilité à la libération conditionnelle; la mise en liberté ne devrait toutefois pas être automatique. La Commission nationale des libérations conditionnelles devrait continuer à avoir un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et nous croyons que les statistiques qui figurent dans les rapports déposés auprès du gouvernement montrent que, dans les cas où la mise en liberté fait l'objet d'une détermination de la Commission, le taux de réussite est très élevé. Par contre, quand la mise en liberté se fait automatiquement, le taux de réussite n'est pas aussi élevé.
Le président: Merci.
Deuxième tour, monsieur Abbott. Trois minutes.
M. Jim Abbott: Merci.
J'ai un casse-tête à vous soumettre. Le voici. C'est le cas du délinquant qui se montre absolument incorrigible. Il est violent et s'en prend aux jeunes et aux femmes. Il arrive à la fin de la période d'incarcération qui lui a été imposée. Supposons qu'il a purgé sa peine jusqu'à la fin. À votre avis, quelle serait la meilleure conduite à adopter?
M. Pierre Sangollo: Monsieur Abbott, si j'avais la réponse à cette question, je ne serais sûrement pas assis ici. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons travaillé, et je crois que le gouvernement y a travaillé aussi, à l'élaboration d'une loi visant les délinquants à risque élevé. Par ailleurs, nous nous pencherons à mon comité, le Comité nationale mixte des hauts représentants officiels de la justice pénale, sur la question de la surveillance à long terme, qui peut sans doute s'appliquer à ce type de délinquants qui, après un certain nombre d'années... Certains d'entre eux ne veulent suivre aucun programme. Ils purgent leur peine jusqu'au bout, puis ils sont remis en liberté, et c'est un gros problème. C'est un gros problème à l'heure actuelle. Nous n'en avons pas beaucoup, mais un c'est déjà trop.
• 1645
Je crois qu'avec la nouvelle loi, nous sommes sur le point...
Il ne serait pas facile de déposer un projet de loi en ce sens en
raison de la Charte des droits et libertés. Il y a toutefois des
mesures à prendre, et nous l'avons déjà dit, dans certains cas, ces
délinquants ne devraient pas être remis en liberté. C'est très
facile à dire, mais ce n'est pas facile à faire.
M. David Griffin: Nous sommes d'accord avec vous. Notre principale préoccupation tient à l'apparent manque de volonté de la part des magistrats de prendre ces décisions. Il y a très peu de délinquants qui sont classés au bout du compte comme des délinquants à risque élevé ou des délinquants dangereux.
M. Jim Abbott: Une dernière question. Aux termes d'une des dispositions de la loi—je crois que c'est l'alinéa b), en tout cas c'est la lettre que j'ai retenue—qui prévoit que les délinquants soient mis—aidez-moi, quelqu'un—dans l'établissement le moins restrictif... D'après ce que j'ai pu apprendre des discussions que j'ai eues avec les directeurs des prisons et les membres du personnel du Service correctionnel canadien, il semble que la disposition en question n'est pas tellement un prétexte, mais presque une menace qui oblige le Service à transférer les délinquants d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, puis à un établissement à sécurité minimale, puis... On doit les faire avancer le plus rapidement possible à cause de cette disposition. Êtes-vous de cet avis?
M. David Griffin: C'est comme le saut en hauteur, où on doit sauter toujours plus haut jusqu'à qu'on fasse tomber la barre, sauf que c'est l'inverse. On continue à abaisser la barre jusqu'à qu'il y ait un problème.
M. Jim Abbott: J'ai l'impression, au risque de sembler vouloir critiquer le Service correctionnel—peut-être que je le critique effectivement—que ce qui compte pour le Service correctionnel, c'est d'en arriver au niveau de sécurité le plus bas possible, et qu'il est aiguillonné par la peur d'être mis dans l'embarras ou d'être critiqué pour ne pas être arrivé au niveau minimal assez rapidement. Je me demande si vous partagez ce point de vue.
M. David Griffin: Nous n'avons pas de données scientifiques là-dessus, mais je connais des cas de personnes qui...
Le président: Monsieur Abbott, je tiens à vous dire que le commissaire du Service correctionnel du Canada sera ici le 31 mai. Il vaudrait peut-être mieux attendre de lui poser la question à lui.
M. Jim Abbott: J'étais curieux de savoir ce qu'ils pensent quand ils voient...
Le président: Je n'ai pas remarqué beaucoup d'empressement de la part des témoins pour ce qui est de répondre à votre question.
M. Pierre Sangollo: Nous prenons nos distances par rapport aux questions de ce genre, monsieur Abbott.
Le président: Monsieur Wappel, trois minutes.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci. J'ai trois questions à vous poser, messieurs, et je tiens à vous remercier de votre présence ici aujourd'hui.
Je veux d'abord faire une mise au point d'ordre terminologique. Nous parlons de la procédure d'examen expéditif. Quand vous parlez de libération «automatique», voulez-vous parler de cette procédure?
M. David Griffin: Oui.
M. Pierre Sangollo: Oui.
M. Tom Wappel: Ce n'est pas vraiment automatique, n'est-ce pas? Ce semble l'être parce que la décision de la Commission se fonde sur l'étude du dossier. C'est bien cela?
M. David Griffin: Non, il incombe à la Commission de faire la preuve que le détenu ne devrait pas être libéré. Le détenu est automatiquement libéré à moins que la Commission ne puisse montrer qu'il est nécessaire de le garder en prison.
M. Tom Wappel: Oui, je comprends cela.
M. David Griffin: C'est automatique.
M. Tom Wappel: Ce n'est pas automatique, puisque la Commission peut faire la preuve... et vous avez demandé que les permissions de sortir simples et avec ou sans escorte relèvent de la Commission.
Le président: On parle de «présomption».
M. Tom Wappel: Je ne dis pas nécessairement que je ne suis pas d'accord avec vous. Je veux simplement qu'on comprenne bien que ce n'est pas automatique; il s'agit d'un processus accéléré. C'est une étude du dossier qu'on fait. La libération est probable, mais elle n'est pas garantie dans tous les cas.
M. Pierre Sangollo: Tout ce que je peux répondre à cela, monsieur, c'est que, à moins que quelqu'un n'écrive à la Commission pour dire qu'on a des raisons de croire que le délinquant va commettre un crime violent, sa libération est automatique.
M. Tom Wappel: C'est une question de terminologie, j'en conviens, mais je voulais soulever ce point.
Je veux aussi vous poser une question. En 1992, l'Association canadienne des chefs de police n'a pas donné son appui au projet de loi. Nous voilà maintenant, sept ans plus tard, en train d'étudier la loi adoptée. Êtes-vous toujours d'avis que le projet de loi n'est pas bon, ou en tout cas que la loi, sept ans plus tard, n'est pas bonne, ou avez-vous changé d'avis?
Maître Vincent Westwick (avocat général, Services de direction, Service de la police régionale d'Ottawa-Carleton, Association canadienne des chefs de police): Je peux peut-être répondre à cette question, monsieur Wappel. J'étais là quand nous avons témoigné, et je me souviens que vous et moi avions eu une discussion très vive sur certains des principes du projet de loi.
Je ne suis pas vraiment sûr que nous ayons été contre le projet de loi à ce moment-là. Nous nous opposions en principe à la façon dont la libération conditionnelle était envisagée, et c'est là le point de vue que nous avions présenté. Pour tout vous dire, je ne demanderais pas mieux que de lire pour que ce soit consigné au compte rendu certains des propos que j'ai tenus devant le comité en 1994, et je crois que l'association ne verrait aucun inconvénient à ce que je les réaffirme.
M. Tom Wappel: Non, monsieur Westwick, j'essaie simplement de savoir quel est votre point de vue dans le cadre de l'examen de la loi. M. Flanagan, qui était vice-président de l'Association canadienne des chefs de police et président de son comité des modifications législatives, a dit ceci:
-
[...] [l'ACCP] est d'avis que la libération conditionnelle et les
services correctionnels doivent s'assurer et maintenir la confiance
et l'appui de la population pour donner les résultats escomptés.
[...] Nous n'approuvons pas ni n'appuyons le projet de loi C-36 tel
qu'il est rédigé. Nous sommes d'avis que le texte actuel du projet
de loi n'incorpore pas et [...] ne reconnaît d'ailleurs pas les
préoccupations des différentes localités canadiennes.
C'était peut-être bien là votre position, et je n'y vois pas de mal; je ne la conteste pas nécessairement. Je veux simplement savoir si, après sept ans d'expérience pratique dans la rue, sur le terrain et dans les prisons, vous pensez que la loi fonctionne bien dans l'ensemble.
Me Vincent Westwick: Je n'en suis pas si convaincu. L'une de nos préoccupations, le 13 décembre 1994, soit la date à laquelle nous avons parlé des amendements, c'était la complexité. C'est trop complexe et je suis prêt à citer des chapitres et des dispositions à ce sujet. C'est une loi très complexe. Il est très difficile pour les avocats et les juges de la comprendre, alors imaginez pour le public, et particulièrement pour les victimes, qui sont poussés à lire la loi.
Notre autre préoccupation se rapporte à...
M. Tom Wappel: J'ai du mal à imaginer qu'un citoyen veuille lire ce texte.
Me Vincent Westwick: Les personnes qui font ça sont les victimes, monsieur. Ce sont les victimes qui...
M. Tom Wappel: C'est illisible. Nous sommes d'accord, tous les deux.
Me Vincent Westwick: Exactement, et nous en avons discuté à l'époque.
M. Tom Wappel: C'est exact.
Me Vincent Westwick: Notre autre préoccupation ne se rapporte pas tellement à l'augmentation de la durée des peines. Quand un contrevenant est devant le juge qui prononce la peine, celui-ci, après avoir tenu compte de la preuve, des déclarations, des témoignages d'experts, de psychologues, de psychiatres et de quiconque, impose une peine de X mois ou de X années, à tort ou à raison, et ce qui nous préoccupait à l'époque comme maintenant, c'est qu'en fait, personne à la Cour, y compris le juge, ne peut dire à quelle date sera libéré le contrevenant, ni combien de temps il passera en prison. Une peine de six ans équivaut-elle à deux ans, à un an ou à trois ans? Cela mine la confiance du public dans le système, ce qui est troublant, à notre avis.
C'est que voulait dire M. Sangollo dans son exposé, et c'est ce dont nous avons discuté cet après-midi.
Le nouveau projet de loi sur les victimes qui vient d'être déposé, il y a quelques semaines, je crois, comporte une disposition qui demande au juge qui détermine la peine de lire pour les besoins du compte rendu une déclaration se rapportant à l'article 745. C'est une formule qui doit être lue, et qui dit que si une personne se voit imposer une peine de 25 ans, etc. C'est presque comme aviser le public que dans 15 ans, cette personne pourrait demander un examen judiciaire en vertu de l'article 745, etc. Je crois que l'on veut ainsi renseigner le public sur l'existence de cette disposition, pour qu'il en soit conscient et qu'il puisse réagir.
Ce que nous disons, je crois, c'est qui si vous êtes convaincu de cela, vous pourriez l'appliquer à ces dispositions et dire que oui, il s'agit bien d'une peine de six ans, mais étant donné les dispositions relatives à la libération d'office, c'est en fait un maximum de quatre ans et, en cas de procédure d'examen expéditif, il pourrait s'agir en fait de un an ou peut-être deux.
M. Tom Wappel: Mais en toute justice, une peine de six ans, quelle que soit l'interprétation qu'on en fait, demeure une peine de six ans. On peut passer quatre ans en prison et deux ans sous surveillance, à supposer que le détenu se conforme aux conditions de sa libération. C'est tout de même une peine de six ans, soit quatre ans en prison et deux sous surveillance. Le public l'ignore peut-être, mais les chefs de police et les agents de police sont au courant. Vous savez que s'il y a infraction aux conditions, le contrevenant est ramené à l'établissement carcéral.
Me Vincent Westwick: Vous avez raison, je le comprends. Mais je pense que la préoccupation qui sous-tendait nos commentaires, à l'époque, et qui est toujours valable, c'est que le public, lui, ne sait pas. Ce n'est pas simplement que les policiers sont les dépositaires de l'opinion publique; les policiers sont souvent ceux qui traitent directement avec les victimes, avec les témoins et avec d'autres personnes qui participent à la procédure. Voilà pourquoi nous sommes si préoccupés par la perception du public: ce sont nos officiers et ceux de l'APC qui sont si souvent en contact avec ces gens.
Le président: Merci, monsieur Wappel.
Passons maintenant à M. Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis en faveur de sept des quatorze recommandations de l'Association canadienne des policiers. C'est 50 p. 100, assez bon. C'était la note de passage, quand j'allais à l'école. On pourrait même me convaincre d'en accepter encore une ou deux.
Revenons à ce que disait M. Wappel. Au sujet de la libération conditionnelle, à quelques reprises, on a dit—je ne sais plus qui, mais peu importe—que la personne était libérée, un point c'est tout. Comme s'ils disparaissaient! M. Wappel a déclaré que l'on purge toute sa peine, que ce soit en établissement ou dans la société. Quand une personne condamnée pour meurtre au premier degré meurt, elle a fini de purger sa peine, ce jour-là, puisqu'elle est en libération conditionnelle jusqu'à la fin de ses jours. J'insiste là-dessus, parce que trop souvent, dans l'esprit des gens, cette personne est libre comme l'air. Ce n'est pas le cas.
Je veux dire une autre chose: il me semble que la plupart de vos recommandations visent à réduire le pouvoir discrétionnaire des juges, des services correctionnels et de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Si c'est une solution pour leur manque de jugement, je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Débarassons-nous d'eux et trouvons des gens qui ont un meilleur jugement. En les contraignant de plus en plus, c'est comme si l'on légiférait la peine exacte et la date de libération exacte, ici même. C'est mon impression, corrigez-moi si j'ai tort.
M. David Griffin: Je crois qu'en réalité, beaucoup de contrevenants passent une année sur six derrière les barreaux, et cinq dans la collectivité. Au sujet des attentes de la collectivité, je crois que c'est une question que connaissent mal les Canadiens et que s'ils étaient au courant, ils seraient consternés.
Au sujet du fait qu'ils continuent de purger leur peine, c'est vrai, oui. Mais répétons-le, le vérificateur, dans son rapport, a constaté que pour 38 p. 100 des contrevenants, la surveillance n'est pas aussi fréquente qu'on s'y attendrait, d'après les normes nationales. Nous sommes donc préoccupés entre autres parce que même s'il y a une surveillance, et même si le Service correctionnel vous dit qu'au 31 mai, le taux de révocations avait baissé de 37 p. 100, il semble que les ressources et le soutien censés être apportés dans la collectivité sont insuffisants. Nous sommes certainement préoccupés par le fait qu'après leur libération, ils ne sont pas suffisamment surveillés.
M. Ivan Grose: Si on améliorait les choses du côté du manque de surveillance et du pouvoir discrétionnaire des trois volets du régime correctionnel, serait-ce une meilleure solution que de légiférer pour préciser les peines? Il faut bien se rendre compte que chaque contrevenant qui comparaît devant un juge, qui purge sa peine en prison et qui est libéré sous surveillance est un cas particulier.
M. David Griffin: Tout cela nous ramène aux propos de M. Wappel sur la procédure et la terminologie. De notre point de vue, la libération est automatique pour un contrevenant, qu'il ait ou non prouvé qu'on peut le libérer dans la collectivité. Nous estimons que ces décisions doivent être prises en dehors du Service correctionnel, lorsqu'il s'agit de marquer un contrevenant, et qu'il doit revenir au contrevenant de prouver qu'il est apte à revenir en société. La libération ne devrait pas être automatique, à moins que quelqu'un soit prêt à intervenir et déclarer que ce contrevenant n'est pas libérable. C'est alors à la Commission de prouver qu'il y a des raisons de maintenir cette personne en incarcération.
M. Ivan Grose: Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Pour les besoins du compte rendu, il est important de préciser que même au sein de la Chambre des communes, il y a des points de vue différents et des débats. Je suis particulièrement intéressé par les commentaires de M. Westwick.
Quand j'utilise l'expression «les peines réelles», je ne l'entends pas dans un sens péjoratif. Il s'agit plutôt d'informer. Je pense qu'il est très important, comme M. Griffin vient de le signaler, que lorsqu'un contrevenant se voit imposer une peine de six ans—et pour qu'il reçoive une peine de six ans, il n'en est probablement pas à sa première infraction, mais à sa troisième ou à sa quatrième. Si l'on revoit ce contrevenant sur la rue, après un an, et c'est tout à fait possible, c'est frappant à mes yeux, cela mine la crédibilité du système judiciaire. Quelle incidence cela a-t-il sur vous, sur les services de police et sur les policiers de première ligne? Quelle différence cela fait-il? Comme je le disais, les opinions ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre de la table, mais j'aimerais savoir quelle différence cela fait pour vous, sur la rue, d'après vous.
M. Pierre Sangollo: Tout ce que je peux vous dire, c'est que si un crime grave est commis, même si cette personne avait le droit d'être en libération conditionnelle, si elle commet un crime grave, on ne pourra pas empêcher les médias de dire ce qu'ils veulent, et on en verra les effets.
J'ai travaillé avec le SCC et avec la CNLC pendant nombre d'années, et je travaille encore avec eux au comité national mixte, et nous savons qu'ils font un excellent travail. Mais pour savoir l'effet qu'aura sur une femme qui a été violée ou sur un jeune garçon qui a été agressé, de revoir cette personne six mois, un an ou deux ans plus tard sur la rue, alors que la peine était de cinq, six, sept ou huit ans... On ne peut pas vraiment dire à cette femme, à cette victime, à ce garçon, qu'au Canada, nous avons la Charte des droits et que le contrevenant avait le droit d'être libéré. Même si tout se fait comme il se doit, l'incidence est toujours la même.
Vous avez vu l'an dernier, surtout au Québec, quand on a affiché des photos de délinquants sexuels libérés, les problèmes graves que cela a créé pour les services de police. Est-ce qu'on appuie cela? Oui ou non? Cette personne a purgé sa peine et maintenant, sa photo se trouve sur tous les poteaux de téléphone et ailleurs encore. Si aucun crime grave n'est commis, tout va bien. Mais si un crime grave est commis, et que cela touche un jeune garçon, une jeune fille, qu'on a agressé une personne âgée, et que le contrevenant est en libération conditionnelle—nous le voyons depuis des années: on en fait tout un plat.
M. Jim Abbott: Merci.
Le président: Monsieur Myers.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib): Merci beaucoup, monsieur le président. Commençons avec l'Association canadienne des chefs de police. J'aimerais mieux comprendre l'examen automatique pour la libération conditionnelle. Je me demande si vous avez des chiffres, sur le nombre de personnes qui ont obtenu une libération conditionnelle dans le cadre de ce programme, par rapport à ceux qui ne font pas partie du programme, particulièrement chez les récidivistes. Avez-vous ce genre de données, de documents ou de données non scientifiques?
M. Pierre Sangollo: Nous avons des documents à ce sujet. On trouve ces chiffres dans un document du solliciteur général du Canada, intitulé: Pour une société juste, paisible et sûre: la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition—cinq ans plus tard—document de consultation. Dans ce document, très synoptique, vous trouverez les réponses que vous cherchez. Il y a des statistiques sur la PEE, sur la mise en liberté par voie judiciaire, sur la libération conditionnelle totale, sur tout...
Oui, Mike, veuillez répondre.
Inspecteur Michael Shard (Police provinciale de l'Ontario; Association canadienne des chefs de police): Le document dont je parle est intitulé: Procédure d'examen expéditif de la mise en libération conditionnelle: Les objectifs sont-ils atteints? C'est un document publié par le solliciteur général du Canada en févier 1998. À la page 35 de 46, sur mon document imprimé à partir d'Internet, alors je ne sais pas si j'ai la page exacte, il y a la rubrique «Suivi sur une période fixe de deux ans».
Voici certaines des statistiques:
-
Alors que 32 p. 100 des délinquants du groupe pré-LSCMLC
admissibles à la PEE ont été réincarcérés dans les deux ans suivant
leur mise en liberté, 43 p. 100 du groupe post-LSCMLC ont été
réincarcérés. Le pourcentage de délinquants ayant commis des
violations techniques a plus que doublé, en passant de 7 p. 100 à
15 p. 100, alors que le pourcentage de délinquants ayant perpétré
une nouvelle infraction est passé de 25 p. 100 à 32 p. 100. Nous
avons noté une légère hausse du pourcentage de délinquants ayant
perpétré une nouvelle infraction avec violence, soit 4,1 p. 100 à
4,7 p. 100 [...] cette augmentation été beaucoup plus faible que
celle enregistrée auprès des groupes de référence.
On voit donc qu'en général, il y a une augmentation du taux de récidive.
M. Lynn Myers: Merci beaucoup.
• 1705
Maintenant une question pour l'Association canadienne des
policiers. Je m'intéresse à vos recommandations de la page 12,
particulièrement le no 7, et bien sûr, à l'abrogation controversée
de l'article 745 du Code criminel. Si j'ai bien compris,
actuellement, il y a un système assez complexe de
vérification—corrigez-moi si j'ai tort—qui fait qu'il faut
d'abord s'adresser à un juge, puis à un jury, et ce dernier doit
être unanime avant qu'il se passe quoi que ce soit et ensuite, bien
entendu, on passe par la Commission nationale des libérations
conditionnelles. Vous croyez toutefois que ce système de
vérification est insatisfaisant? Vous dites qu'il faut aller plus
loin, si j'ai bien compris.
M. David Griffin: À notre avis, toute la procédure—surtout l'audience en vertu de l'article 745—est extrêmement traumatisante pour les familles des victimes qui, tant bien que mal, ont cherché à réorganiser leur vie, ont passé 15 ans ou 17 ans à retrouver un sens à la vie. Ces gens se retrouvent à de nouvelles audiences pour savoir si la personne condamnée il y a 15 ans peut être libérée et revenir dans la collectivité.
Évidemment, la première préoccupation, c'est le fait que ces familles n'étaient même pas au courant que le meurtrier avait droit à cette procédure, mais ce qui compte le plus, à nos yeux, c'est que l'acte de tuer est le crime suprême et que notre société a jugé qu'il fallait punir ce crime d'une peine à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Nous estimons que 15 ans, c'est insuffisant.
M. Lynn Myers: Et vous ne pensez pas que les contrôles existants soient suffisants? Est-ce ce que vous dites?
M. David Griffin: C'est exact.
M. Lynn Myers: Passons maintenant au point 12. D'après ce que je vois, on parle ici en fait de peines consécutives. Je voulais mieux comprendre cela, compte tenu de la discrétion accordée aux juges. Si j'ai bien compris, cela existe déjà, les juges pouvant imposer des peines consécutives s'ils le croient justifié.
M. David Griffin: Honnêtement, à ce sujet, je ne sais pas. Il faudrait que je demande à d'autres, mais ce qui me préoccupe, c'est que dans certains cas, ceux qui commettent une seconde infraction—nous en parlions tout à l'heure—peuvent sortir plus tôt que ceux qui en sont à leur première infraction. Nous avons comparu devant le comité le mois dernier, au sujet du projet de loi C-251. Nous croyons que pour celui qui commet deux meurtres ou deux agressions sexuelles, il faut imposer deux périodes distinctes d'inadmissibilité, et qu'il ne doit pas pouvoir profiter d'une formule de calcul de peine ésotérique comme on en applique actuellement.
M. Lynn Myers: Pourriez-vous nous expliquer cela davantage, quand vous dites qu'en commettant deux crimes, on peut sortir plus tôt?
M. David Griffin: Si quelqu'un est en libération conditionnelle et récidive, pour un même crime, et est incarcéré de nouveau—Boyd pourrait l'expliquer mieux que moi, puisque je ne m'y retrouve pas complètement—la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour la deuxième infraction est calculée en tenant compte de la première infraction, ce qui est en fait avantageux.
Sgt é.-m. Boy Campbell: C'est notre interprétation, le chronomètre est mis en marche. Si vous êtes en libération conditionnelle, le chronomètre marche depuis le début de cette libération conditionnelle, même pour la deuxième infraction.
M. Lynn Myers: Je n'ai pas l'impression que cela soit le cas, mais peut-être qu'à un moment donné nous pourrons avoir...
Sgt é.-m. Boyd Campbell: Je sais que le Centre de ressources pour les victimes a comparu et a donné des exemples précis de cas de ce genre, c'est-à-dire de cas où quelqu'un qui aurait été mis en liberté sous condition aurait récidivé. Dans des cas comme ceux-là, au moment de calculer la peine, on remonte à la première infraction pour laquelle il y a eu des accusations.
[Français]
Le président: Monsieur Saada.
M. Jacques Saada: Je me trompe peut-être complètement, mais ce n'est pas ma compréhension des choses. Ma compréhension des choses est celle-ci. Par exemple, vous avez été condamné pour un crime et vous avez une période d'inadmissibilité de 15 ans. Vous commettez un second crime lorsque vous avez fait 10 ans de prison. La période d'inadmissibilité pour le second crime commence au moment où vous avez atteint... Autrement dit, ce que vous avez fait avant est en plus de ce qui va vous rester à faire comme période d'inadmissibilité.
• 1710
Je ne sais pas si quelqu'un va pouvoir me renseigner
là-dessus, mais c'est un point qui a été soulevé
spécifiquement au Comité de la justice, alors qu'on
parlait justement du projet de loi C-251.
On avait alors dit, non pas que les périodes d'inadmissibilité
s'additionnaient, mais qu'on commençait à calculer
l'inadmissibilité pour la seconde offense à partir du
point où était rendue la personne dans sa période
d'inadmissibilité pour la
première offense, peu importe le point où elle était
rendue. Donc, il y a un ajout.
Ce n'est pas l'un qui remplace l'autre. C'est un point
qui avait été soulevé par de nombreux témoins qui
étaient
venus, notamment des experts en droit.
[Traduction]
M. Lynn Myers: Monsieur le président, les chefs de police ont peut-être des précisions à nous donner.
Le président: Monsieur Sangollo.
M. Pierre Sangollo: Si l'on s'en tient au projet de loi C-45, je me rappelle avoir déjà expliqué en témoignage que le calcul de la peine était à ce point complexe qu'il avait fallu former notre propre ministère public. Je m'abstiendrai donc de vous donner mon opinion personnelle là-dessus, mais laissez-moi vous dire que je suis quasi certain de ce que vous avancez.
M. Jacques Saada: Je vous rassure tout de suite: je ne suis pas avocat moi non plus.
M. Pierre Sangollo: On remonte toujours à la première infraction, mais le contrevenant doit purger une partie de la deuxième peine; c'est obligatoire.
Le président: Notre comité pourra revoir tout cela avec nos documentalistes.
M. Lynn Myers: Cela m'intéresse.
Le président: Certainement.
M. Lynn Myers: Puis-je terminer avec une autre question?
Le président: Soyez bref, puis nous passerons à M. Wappel.
M. Lynn Myers: Je m'adresse à nouveau à l'Association canadienne des policiers au sujet de sa recommandation no 12. D'après ce que l'on entend dire de ce qui se passe aux États-Unis, le système de peines consécutives ne semble pas donner de résultats. Est-ce ce que vous avez pu le constater vous aussi? Étiez-vous au courant?
M. David Griffin: Non.
M. Lynn Myers: Merci beaucoup.
M. Jacques Saada: J'ai une observation à faire.
Le président: Allez-y.
M. Jacques Saada: Je vous renvoie à un article de la revue Time dont j'ai oublié le numéro et qui porte non pas sur les meurtres ou les délits de nature sexuelle, mais sur les stupéfiants. Vous savez que bon n ombre d'États américains ont renforcé leur... maintenant, vous savez, après trois fois c'est fini, par exemple. L'étude démontrait, comme l'ont confirmé plusieurs autorités américaines, que le système de peines consécutives obligatoires a échoué, puisque l'on ne sait plus quoi faire devant l'augmentation du taux de criminalité. J'imagine que c'est ce dont vous parliez.
M. Lynn Myers: Oui, exactement.
Le président: Merci.
Monsieur Wappel.
M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.
Revenons brièvement à la détermination de la peine. En 1992, à l'époque où nous avions été saisis pour la première fois du projet de loi, il est rapidement devenu clair que le système était très complexe, voire incompréhensible. Des tableaux nous avaient été apportés par les chefs de police, et l'un d'entre eux qui représentait le Québec avait expliqué à quel point il était impossible de comprendre la façon de calculer les peines.
Monsieur Westwick, vous et moi avions eu à l'époque une conversation révélatrice. Au sujet du calcul de la peine, vous affirmiez que vous n'y compreniez rien et que les autres non plus. Quand je vous ai demandé qui étaient ces autres, vous avez répondu qu'il s'agissait des avocats, de la poursuite, de l'avocat de la défense, des sténographes judiciaires, et parfois même des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je vous ai donc répondu que si les spécialistes eux-mêmes n'y comprenaient rien, il ne fallait pas s'attendre à ce que le profane y comprenne jamais quoi que ce soit, ce à quoi vous m'avez répliqué que c'était justement là ce que vous vouliez faire ressortir.
Les choses se sont-elles améliorées depuis? Après avoir reçu tous ces témoignages, le solliciteur général de l'époque, qui était Doug Lewis, avait donné l'impression qu'il mettrait sur pied une espèce de comité qui serait saisi du problème du calcul de la sentence et de sa complexité.
Au fond, vous avez déjà répondu en partie à ma question. Visiblement, les choses ne se sont guère améliorées depuis. Savez-vous si le solliciteur général a formé un comité en ce sens ou si des études ont été effectuées au cours des sept dernières années pour voir comment faciliter le calcul de la peine?
Me Vincent Westwick: Non.
M. Tom Wappel: Non, vous ne savez pas?
M. Pierre Sangollo: Non.
M. Tom Wappel: Bien.
Je voudrais mentionner une dernière petite chose, au sujet de la procédure d'examen expéditif. Je voulais être sûr de comprendre ce que vous avez affirmé. Vous avez dit, sauf erreur, que la grande majorité de ceux qui étaient admissibles à la procédure d'examen expéditif, qui ne s'applique qu'aux contrevenants incarcérés pour la première fois dans un établissement fédéral, n'étaient certainement pas des anges et que la plupart d'entre eux avaient déjà commis des infractions pour lesquelles ils avaient été incarcérés la plupart du temps dans des établissements provinciaux. Autrement dit, nous expédions la procédure d'examen à l'égard de délinquants qui peuvent avoir commis une liste longue comme ça d'infractions mais qui aboutissent pour la première fois dans un établissement fédéral. N'est-ce pas?
M. Pierre Sangollo: C'est exact, dans la mesure où ils n'ont pas commis de crimes violents.
M. Tom Wappel: Bien. Je n'ai rien à ajouter. Merci beaucoup.
M. Pierre Sangollo: Merci.
Le président: Monsieur Abbott, avez-vous d'autres questions?
M. John Abbott: Non, ça va.
Le président: Y a-t-il d'autres membres du comité qui voudraient poser des questions?
[Français]
J'aimerais poser une question à M. Sangollo. Quand les représentants de la Société John Howard du Canada ont comparu devant le comité, ils ont parlé de la situation où un détenu était libéré à la fin de sa peine d'incarcération. Dans ce cas, l'article 25 permet que des renseignements soient donnés aux policiers. D'après la Société John Howard, la police divulgue ces renseignements au public dans certains cas. Est-ce que c'est cela, la pratique?
[Traduction]
M. Pierre Sangollo: Il s'agit de délinquants à risque élevé qui sont libérés dans la société. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition oblige, si j'ose dire, le Service correctionnel à divulguer à la police les allées et venues des délinquants. Je vous renvoie à ce qui s'est passé à Toronto, à l'époque où une femme avait été agressée sexuellement par un délinquant libéré et où la ville avait dû l'indemniser à hauteur de 140 00 ou 160 000 $.
Nous en avions discuté avec le solliciteur général, il y a de cela quelques années. Nous avions expliqué que la loi nous permettait d'exiger cette information du Service correctionnel. Toutefois, une fois que nous avons reçu l'information, il nous revient à nous de décider si nous allons la divulguer ou pas. Puisque nous parlons de prévention, supposons qu'un délinquant sexuel habite le 505 de la rue de Manseau: il se pourrait que ses voisins aillent lui jeter des pierres ou manifestent en face de son domicile. Il se peut alors que cette personne décide de poursuivre la police en invoquant le fait qu'elle a déjà remboursé sa dette à la société, qu'elle a été mise en liberté et que la police n'aurait pas dû divulguer cette information.
Par ailleurs, si nous ne divulguons pas l'information et qu'une femme est agressée sexuellement ou qu'un pédophile commet un crime, on peut de toute façon nous poursuivre sous prétexte que nous n'avons justement pas divulgué l'information, et empêché peut-être ainsi que le crime soit commis. On pourrait invoquer le fait que le voisinage aurait dû être informé de la présence d'un criminel en son sein, pour que les parents puissent surveiller de plus près leurs enfants ou les empêcher d'aller jouer à l'extérieur. Encore une fois, tout tourne autour de la façon dont nous, la police, gérons l'information qui nous parvient.
[Français]
Le président: Il va falloir faire des modifications à la loi pour rendre cela plus clair.
M. Pierre Sangollo: Monsieur le président, nous avions demandé au solliciteur général de l'époque, M. Gray, d'examiner cela, et on avait mis sur pied un sous-comité dont Mary Campbell, qui est très bien connue ici, faisait partie. J'ai fait partie du sous-sous-comité. On avait recommandé que chaque province adopte des protocoles, et certaines provinces en ont adopté. Je ne peux pas vous dire lesquelles, mais beaucoup de provinces en ont adopté et d'autres n'en ont pas adopté. Il reste cependant qu'il appartient à la police de décider si on doit transmettre l'information ou non. Ce n'est certainement pas une modification à la Loi sur le système correctionnel qui va changer cette situation, car il appartient aux provinces de gérer l'information.
[Traduction]
Le président: Merci. Y a-t-il d'autres commentaires là-dessus?
Me Vincent Westwick: Puis-je ajouter quelque chose? En Ontario, la Loi sur la sécurité communautaire, qui est une loi provinciale, accorde des pouvoirs discrétionnaires très vastes au chef de police pour ce qui est de la divulgation d'information concernant un contrevenant et un délinquant mis en liberté dans certaines circonstances et qui répond à certains critères. Votre témoin avait peut-être en tête l'expérience découlant de cette loi provinciale.
Permettez-moi de corriger une observation précédente: je ne voudrais que M. Grose ait l'impression que l'Association canadienne des chefs de police préconise de limiter les pouvoirs discrétionnaires d'un juge de première instance, car ce n'est certainement pas notre point de vue.
• 1720
Ce que nous avons dit, et qui a peut-être été mal interprété,
doit se situer dans le contexte des mesures législatives dont nous
discutons actuellement. Nous continuons à prétendre que la plupart
des décisions concernant la détermination de la peine doivent être
laissées entre les mains du juge de première instance. Vous voyez
que c'est donc tout à fait le contraire.
M. Ivan Grose: Bien. Merci beaucoup.
J'aimerais ajouter quelque chose. En fait c'est un peu mon dada. Je crois que ceux qui sont reconnus coupables d'un délit de nature sexuelle devraient être traités de façon distincte par le système juridique. Ces gens sont malades. J'ignore comment on pourra les traiter dans le secteur médical, mais ils devraient être écartés de la société; ils devraient également être écartés du système de justice.
Il n'est pas juste d'imposer le fardeau aux services de police en leur disant qu'ils doivent aviser la collectivité si ces agresseurs sexuels s'y trouvent. Ce n'est pas votre travail. Ces gens-là devraient être écartés. À ce moment-là vous pourriez vous occuper des actes criminels, non pas de la maladie mentale.
Me Vincent Westwick: La mesure législative déposée pendant le premier mandat du gouvernement actuel, le projet de loi C-55, permettait dans une large mesure de régler ce problème. Évidemment ce n'est peut-être pas la solution parfaite à toutes les préoccupations qu'avaient les policiers, mais en élargissant la définition de criminel dangereux et en créant la définition de délinquant à contrôler, cela facilite un peu les choses. Bien sûr, cette mesure ne va pas aussi loin que ce que vous proposez, soit écarter complètement ces gens du système, mais cela a certainement facilité la tâche des procureurs et de la police, qui doivent composer avec ce genre de choses. Nous vous en sommes reconnaissants. Cela ne veut pas dire que l'on ne vous demande pas d'autres modifications mais nous sommes heureux d'avoir obtenu celle-là.
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier nos témoins de l'Association canadienne des policiers et de l'Association canadienne des chefs de police. Vos témoignages ont été fort utiles comme d'habitude. Merci beaucoup.
Nous ajournerons maintenant nos travaux. J'aimerais rappeler aux députés qu'ils doivent rester. Nous passerons à une réunion à huis clos pour discuter de la conférence. Merci.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]