SCRA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 31 mai 1999
Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Lawrence MacAulay, solliciteur général; M. Ole Ingstrup, qui est commissaire de Corrections Canada; et M. Willie Gibb, qui est président de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Merci, messieurs.
Nous avions prévu que la séance durerait jusqu'à 18 h 30. Si je comprends bien, nous avons des contraintes de temps. Monsieur le ministre, vous devez partir vers 16 h 30, et vous, monsieur Ingstrup, vous devez partir vers 15 h 15; je le précise à l'intention des députés, afin que nous sachions à l'avance au moment de poser nos questions quelles sont les contraintes de temps.
Je crois que le ministre a une déclaration à faire.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le président, avant que nous entendions les allocutions de nos témoins, j'aimerais m'assurer qu'on savait depuis longtemps que cette rencontre aurait lieu.
Le président: Oui.
M. Richard Marceau: Je présume que si nos témoins repartent avant que nous ayons pu obtenir tous les renseignements nécessaires pour bien accomplir notre travail, il sera possible que nous les convoquions à nouveau.
Le président: Certainement. Nous avons l'intention de poursuivre notre travail jusqu'à ce que nous ayons obtenu tous les renseignements nécessaires.
[Traduction]
Nous allons entendre une déclaration du ministre; monsieur Ingstrup, je crois que vous n'avez pas de déclaration. Je propose donc que de commencer par vous deux et de passer directement aux questions, après quoi, si vous le voulez bien, monsieur Gibbs, nous entendrons votre déclaration après le départ des deux autres. Merci.
Monsieur le ministre, je vous cède la parole.
L'honorable Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Merci, Paul, je veux dire monsieur le président. Je suis heureux de participer aujourd'hui à l'étude de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
J'ignore si vous l'avez présenté, mais mon sous-ministre, Jean Fournier, est également présent aujourd'hui.
La sécurité du public est au coeur du mandat du gouvernement et elle constitue la mission de mon portefeuille. Je crois fermement à l'importance de l'examen de la LSCMLC par le comité. Depuis sa mise en vigueur en 1992, la loi a toujours eu pour objet la protection des Canadiens. Je suis heureux que ce comité ait parcouru le pays pour entendre les opinions des Canadiens. Nous devons être à l'écoute des avis des citoyens qui s'intéressent au fonctionnement de la loi. L'examen de la loi est d'autant plus opportun qu'il coïncide avec la centenaire, en 1999, de la libération conditionnelle au Canada. L'examen de la loi est une occasion exceptionnelle pour les Canadiens de travailler ensemble afin d'accroître la sécurité du public et il fait partie intégrante des efforts soutenus déployés par le gouvernement pour bâtir des collectivités plus sûres.
Je suis particulièrement ravi que le comité ait pu entendre des représentants des personnes touchées par l'application de la loi, soit les membres et le personnel de la Commission des libérations conditionnelles, les directeurs d'établissement, les agents de correction, les agents de liberté conditionnelle, les membres des comités consultatifs de citoyens et les détenus eux-mêmes dans les divers établissements du Canada.
Le 3 mars 1998, le portefeuille du solliciteur général a amorcé une vaste consultation publique en publiant le document de discussion intitulé: Pour une société juste, paisible et sûre: la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition - Cinq ans plus tard. Plus de 175 personnes sont venues exposer leurs vues, et 60 participants additionnels ont communiqué leurs opinions par écrit. Au cours des consultations, on a constaté que peu de gens revendiquaient des modifications au texte de la loi. Les critiques et les propositions de changements portaient plutôt sur l'application de la loi.
Celant étant dit, je vous assure que je suis bien disposé à entendre toute proposition susceptible d'accroître l'efficacité du système correctionnel. Je sais qu'au cours de vos consultations, certaines questions de fond ont été soulevées que j'ai eu, moi aussi, à traiter depuis ma nomination. Je voudrais brièvement aborder certaines d'entre elles avec vous aujourd'hui.
En tant que pays, nous devons surmonter les difficultés particulières liées aux services correctionnels pour Autochtones. À 129 pour 100 000 habitants, le taux d'incarcération du Canada est parmi les plus élevés des pays industrialisés. Or, ces chiffres cachent un problème plus sérieux encore: la situation des délinquants autochtones. Tous les Canadiens devraient être consternés d'apprendre qu'un groupe qui constitue seulement 3 p. 100 de la population compte pour 16 p. 100 des détenus sous responsabilité fédérale. Le taux d'incarcération des Autochtones se chiffre à 735 pour 100 000, soit près de six fois le taux national.
Depuis quelques années, nous participons activement à plusieurs initiatives où les Premières nations jouent un rôle direct. Certains d'entre vous avez visité des pavillons de ressourcement et vous savez que nous concluons des ententes avec les collectivités autochtones au terme des articles 81 et 85 de la loi. Cependant, nous sommes également très ouverts aux idées du comité. D'après vous, que pouvons-nous faire pour remédier à la surreprésentation des Autochtones dans nos établissements? Est-ce qu'il suffit d'intensifier les mesures actuelles ou devons-nous plutôt trouver des solutions nouvelles?
En tant que solliciteur général, je suis aussi très inquiet du fléau de la toxicomanie chez les délinquants. J'ai été stupéfié d'apprendre que près de sept délinquants sur dix ont un problème grave d'alcool ou de drogue et que plus de la moitié des délinquants sous responsabilité fédérale se retrouvent derrière des barreaux à cause d'une infraction liée à la toxicomanie.
Dans l'année à venir, le portefeuille entend élargir les programmes communautaires qui offrent du traitement, de la formation et de la surveillance aux délinquants libérés sous condition. Je crois savoir que bon nombre d'entre vous ont eu l'occasion d'assister à une audience postsuspension où la toxicomanie était en cause. Je suis très ouvert à vos idées sur des façons de résoudre les problèmes liés à la toxicomanie chez les délinquants en établissement et dans la collectivité.
• 1540
De plus, je serais heureux de recevoir vos conseils à l'égard
des victimes. Je crois que nous devons faire tout notre possible
pour respecter les droits et répondre aux besoins des victimes de
la criminalité. Comme vous le savez, la ministre de la Justice a
récemment déposé un projet de loi qui vise à renforcer la voix des
victimes au sein du système de justice pénale. Je sais que vous
avez entendu des observations sur les questions des victimes et il
me tarde de connaître vos vues sur la façon de mieux satisfaire aux
besoins des victimes dans les services correctionnels et le
processus de mise en liberté sous condition.
Je sais que le sous-comité a également recueilli des observations sur des préoccupations concernant la procédure d'examen expéditif, qu'on appelle communément la PEE. Comme vous le savez, le projet de loi C-51 est entré en vigueur le 1er mai 1999. Il exclut de la procédure d'examen expéditif les délinquants reconnus coupables d'infractions de criminalité organisée. Mais croyez-vous qu'il faille aller plus loin? Que faire notamment des délinquants non violents condamnés pour une première infraction liée aux drogues ou contre les biens, quand on a des motifs de croire qu'ils présentent un risque élevé de récidive?
Une autre question qui a été soulevée est de savoir si les délinquants devraient continuer d'avoir le droit inconditionnel de renoncer à l'examen de leur cas en vue d'une libération conditionnelle. De plus, nous devons tenir compte du récent rapport du vérificateur général qui a conclu que le SCC doit continuer d'améliorer la qualité et les délais d'exécution du travail lié à la préparation des détenus et de leur cas en vue d'un examen par la Commission nationale des libérations conditionnelles.
J'ai touché à quelques-unes seulement des questions qui se rattachent à l'examen de la loi. Je sais que vous avez abordé un certain nombre d'autres dossiers importants, tels que la formation du personnel correctionnel, la libération d'office, le maintien en incarcération et le rôle de l'enquêteur correctionnel. Il va sans dire que je voudrais bien entendre vos vues sur tout ces sujets.
À tous les stades du processus correctionnel et de mise en liberté sous condition, nous devons chercher à accroître la sensibilisation du public et à susciter un débat public fructueux sur les questions relatives à la sécurité du public, aux services correctionnels et au système de libération conditionnelle. Je crois d'ailleurs que si nous arrivons à sensibiliser les gens à la contribution des services correctionnels et du processus de libération conditionnelle à la sécurité du public, nous parviendrons à changer la nature même du débat public.
Nous avons réalisé des gains importants pour ce qui est de mobiliser des citoyens et des organismes—souvent avec la précieuse collaboration du secteur bénévole—en vue de façonner l'avenir du système de justice pénale au Canada. Le portefeuille du solliciteur général a entrepris de nombreux projets d'éducation publique, tel que la réalisation du documentaire télévisé, Le grand test de la justice. Mais il y toujours moyen d'en faire plus. Vous pourrez peut-être exposer en détail dans votre rapport les choses que nous faisons bien et les éléments sur lesquels nous devons travailler.
Nous avons accompli des progrès pour ce qui est d'aider les Canadiens à se sentir plus en sécurité chez eux et dans leur collectivité, mais il y a toujours matière à amélioration. Mon personnel m'a tenu au courant de l'avancement des travaux du comité et je tiens maintenant à vous remercier publiquement pour toutes les journées et les nuits passées loin de vos familles et de vos amis, pour votre patience dans les avions, les trains et les automobiles lors de vos consultations et pour votre dévouement à la cause de l'amélioration du système qui assure la sécurité de tous les Canadiens et les Canadiennes. J'ai bien hâte de lire votre rapport et de prendre connaissance de vos recommandations.
Voilà qui met fin à ma déclaration d'ouverture. Je soupçonne qu'il y aura un certain nombre de questions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Nous allons maintenant passer aux questions et chaque intervenant aura sept minutes. Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.
Le ministre a dit, à juste titre, que nous sommes très inquiets au sujet de l'application de la loi. Mes questions s'adressent à M. Ingstrup.
Comme vous le savez, il y a eu énormément de préoccupations et tout un tollé dans la presse sur toute la question des 50-50, c'est-à-dire les quotas chiffrés. Je voudrais revenir au point de départ de ces préoccupations. Je me demande si vous connaissez un document de trois pages intitulé «Réunion générale du personnel, le 12 mars 1998».
Le commissaire Ole Ingstrup (Service correctionnel du Canada): Je ne sais pas si...
M. Jim Abbott: Je prie le greffier de remettre ce document à M. Ingstrup.
Je suppose qu'il s'agit d'un document authentique. Je cite:
-
Le gouvernement, par la voix de l'actuel solliciteur général, Andy
Scott, a fait savoir qu'il voudrait que d'ici l'an 2000, 50 p. 100
de nos détenus purgent leur peine en établissement et 50 p. 100
dans la collectivité.
• 1545
Maintenant, sans vous reporter spécifiquement à ce document,
je me demande si vous pourriez me dire, en réfléchissant à ce qui
s'est passé à cette époque, si d'après vous c'était bien ce que
voulait laisser entendre le solliciteur général de l'époque.
M. Lawrence MacAulay: Comme je l'ai dit à maintes reprises, il n'y a certainement pas de quotas chiffrés pour la libération conditionnelle et il n'y en aura pas. La sécurité du public est et restera la priorité absolue. Mais je vais laisser M. Ingstrup répondre à votre question précise.
Comm. Ole Ingstrup: Merci, monsieur le ministre.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'invoque le Règlement.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais savoir s'il est possible que nous obtenions aussi une copie du document qui a été transmis. Je souhaiterais que nous soyons tous sur la même longueur d'onde ici.
[Traduction]
Le président: Avez-vous d'autres exemplaires, Jim?
[Français]
M. Jacques Saada: En anglais et en français?
[Traduction]
M. Jim Abbott: J'en ai seulement un autre exemplaire ici.
[Français]
Le président: Nous pourrons faire photocopier ce document et le transmettre aux membres du comité.
M. Jacques Saada: Merci.
[Traduction]
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Le document était annexé au mémoire du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, qui a déjà été déposé au comité.
Le président: Mais ce n'est pas nécessairement tout le monde qui l'a en sa possession à l'heure actuelle.
M. Jim Abbott: Si l'on revenait à ma question. Aviez-vous été amené à comprendre à ce moment-là que le solliciteur général en poste envisageait des quotas de 50-50, ou bien était-ce une conclusion erronée dans ce document?
Comm. Ole Ingstrup: Monsieur le ministre, monsieur le président, avec votre permission, je voudrais donner quelques explications générales sur toute cette question des 50-50, parce que c'est manifestement devenu une question fort préoccupante, pour moi aussi, soit dit en passant.
Quand M. Scott était solliciteur général, il ne m'a jamais demandé d'imposer un nombre ou un pourcentage quelconque de détenus qui seraient à l'intérieur ou à l'extérieur. Ce qu'il a évoqué, c'est un rapport plus équilibré entre les deux. Il n'était pas difficile de comprendre l'origine de tout cela.
C'était à la suite du rapport du vérificateur général, qui a dit très clairement que le Service correctionnel du Canada ne fonctionnait pas de façon suffisamment efficace et efficiente du côté des programmes, pour ce qui est de bien préparer les dossiers pour la Commission des libérations conditionnelles, etc. Par conséquent, on pouvait supposer qu'un nombre important de détenus passaient du temps derrière les barreaux alors qu'ils n'auraient pas dû s'y trouver, qu'ils étaient incarcérés seulement à cause de ce que l'on pourrait appeler, faute de mieux, la paperasserie administrative. L'invitation qui émanait à la fois du vérificateur général et du ministre était de se débarrasser de cela et de travailler avec la plus grande efficacité et efficience possible.
Donc, fondamentalement, la réponse à votre question est non. Ni M. Scott ni aucun autre ministre ne m'a demandé d'appliquer ce scénario de 50-50.
Maintenant, d'où vient cette proportion de 50-50? Cela vient d'un exercice de planification stratégique tenu peu après mon retour aux services correctionnels. J'avais lu le rapport du vérificateur général et j'avais discuté avec le ministre du rapport, de ses conclusions et de ce qu'il était possible de faire à ce sujet. Nous avions identifié toute une série de choses que l'on pourrait mieux faire, par exemple l'évaluation des cas, la classification de sécurité, le placement des délinquants en établissement, et une longue liste d'autres éléments.
En tout, il y avait 16 éléments que l'on appelait des leviers dans le processus d'acheminement des détenus dans le système en vue de respecter ce qui était essentiellement la règle voulant que les dossiers soient présentés à la Commission des libérations conditionnelles—sans que les détenus soient nécessairement élargis—au tiers de leur peine, ce qui n'était pas le cas. Nous avons donc posé la question aux bureaux régionaux: Si nous faisions tout cela très bien, si nous actionnions parfaitement bien ces 16 leviers, sans jamais oublier le fait que le but de toutes nos activités, comme le ministre l'a souvent rappelé, est la sécurité publique, quel nombre ou proportion de détenus pourrions-nous élargir en toute sécurité d'ici l'an 2000, compte tenu de ce que nous savons maintenant sur la composition de la population carcérale, l'évolution démographique, etc., et des 16 leviers que nous étions censés améliorer. À ce moment-là, la meilleure estimation était de l'ordre de 50 p. 100 à l'intérieur des murs et 50 p. 100 à l'extérieur.
• 1550
Nous connaissons maintenant la capacité du service d'actionner
ces leviers. Nous en savons plus qu'à l'époque sur la composition
de notre population carcérale. Il nous apparaît maintenant assez
clairement que l'hypothèse la plus probable tourne autour de 43-57,
ou à peu près, d'ici l'an 2000. Mais encore une fois, cela évoluera
avec le temps.
M. Jim Abbott: Si je peux me permettre de vous interrompre, car nous avons d'autres questions à poser, je me demande ce que le grand public doit comprendre des observations que l'on trouve dans cette note. Il y est question des «incidents dans la collectivité»—autrement dit, des crimes—qui ne sont «pas très jolis», mais l'on se rassure en disant que «certains détenus que nous élargissons peuvent retomber dans le mauvais chemin, mais le directeur de l'établissement a dit qu'il nous appuiera». Tout cela ne donne pas au grand public tellement confiance dans le travail de vos collaborateurs. N'êtes-vous pas d'accord avec cela?
Comm. Ole Ingstrup: En effet, et comme je l'ai dit à quelques reprises ici même, il y a eu dans toute cette affaire certains propos malheureux et simplistes. Ce qu'il faut toutefois retenir, c'est que nous oeuvrons dans le domaine de la sécurité publique et que nous n'avons fait aucune tentative pour amener la Commission des libérations conditionnelles, par exemple, à libérer un plus grand nombre de détenus. Au contraire, nous avons constamment dit à la Commission des libérations conditionnelles que les critères qu'elle a établis sont de bons critères. Il n'est pas nécessaire de changer cela. Ce qu'il faut, c'est mieux préparer les détenus en vue de leur libération.
M. Jim Abbott: Vous avez dit vous-même, dans votre propre éditorial, et je cite:
-
Pour atteindre une proportion de 50-50 d'ici l'an 2000, il
faudra relever tout un défi sur le plan professionnel—mais c'est
loin d'être irréalisable: Il faut faire des efforts soutenus pour
assurer une réintégration sûre et en temps opportun. Chaque étape
compte, chaque jour est important.
Je vous invite à considérer que, bien que vous ayez en apparence fait profession de foi à l'égard de la sécurité, le fait est que vous commencez par établir un objectif de 50-50 d'ici l'an 2000 et que vous concluez en disant que «chaque étape compte, chaque jour est important». Tout cela donne le sentiment qu'il est urgent d'atteindre l'objectif chiffré de 50-50, or cet objectif n'existe tout simplement pas dans la loi.
Comm. Ole Ingstrup: Avec votre permission, monsieur le président, je voudrais dire deux choses.
Le président: C'est le temps de M. Abbott, monsieur Ingstrup, et je vous invite donc à répondre le plus concisément possible.
Comm. Ole Ingstrup: Merci.
J'invite le comité à se reporter au texte complet de l'éditorial. Il fourmille d'expressions comme «réintégration sûre», «prêt à retourner en toute sécurité dans la collectivité», d'un bout à l'autre. Je dis que les faits démontrent que nos efforts réduisent la criminalité et ne l'augmente pas. Nous avons l'un des taux de récidivisme les plus bas jamais enregistré.
Le président: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau, je vous accorde sept minutes.
M. Richard Marceau: D'abord, monsieur le ministre et monsieur le commissaire, je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Mes questions s'adressent principalement à M. le commissaire.
Monsieur le commissaire, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que tous les employés du Service correctionnel du Canada, y compris vous-même, doivent être obligés de respecter les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition?
Comm. Ole Ingstrup: Absolument. La loi prévaut pour tous.
M. Richard Marceau: Seriez-vous d'accord avec moi qu'on n'indique nulle part dans cette loi des chiffres à titre de buts, d'hypothèses de travail ou d'objectifs dans les espèces de balises qui sont prévues pour guider votre travail et celui qu'effectuent tous les employés de votre service?
Comm. Ole Ingstrup: Oui. La loi renferme certainement des lignes directrices.
M. Richard Marceau: Il arrive que les lignes directrices soient accompagnées de chiffres ou de pourcentages.
Comm. Ole Ingstrup: Non, non, cela n'existe pas.
M. Richard Marceau: Est-ce qu'en l'absence de chiffres liés à ces directives ou objectifs, certaines personnes pourraient intenter des poursuites civiles contre le Service correctionnel du Canada si les employés de ce dernier tentaient d'atteindre des objectifs chiffrés qui sont énoncés dans différents documents, mais qui ne sont aucunement présents dans la loi?
Comm. Ole Ingstrup: Je ne le crois pas. Nos employés ont commencé à mieux se concentrer sur ce qu'on doit faire dans tous les cas en respectant les dispositions de la loi. Il s'agit de mieux travailler et de respecter les délais établis.
M. Richard Marceau: Vous êtes le commissaire et donc le patron du Service correctionnel. Aurais-je raison de dire que si en tant que patron, vous mettiez en place une hypothèse de travail ou un objectif chiffré pour vos employés, cette hypothèse de travail ou ces chiffres seraient des objectifs en fonction desquels vos employés seraient évalués?
Comm. Ole Ingstrup: Non, ce n'est pas le cas. Comme les chiffres le démontrent clairement, nous n'avons aucunement l'intention de faire en sorte qu'en l'an 2000, 50 p. 100 des contrevenants soient intégrés dans la société et 50 p. 100 d'entre eux soient incarcérés. Tous nos employés comprennent très bien que ce ne sont pas des objectifs, mais plutôt des prévisions que nous utilisons à des fins de planification, comme le font tous les autres ministères.
M. Richard Marceau: Je suis député et, de ce fait, je suis le patron de quelques employés. Je pourrais, par exemple, leur dire que mon hypothèse de travail prévoit qu'ils doivent rencontrer 2 000 citoyens au cours des prochains mois. Ne croyez-vous pas que si je leur présentais une telle hypothèse de travail, ces employés seraient portés à croire qu'il s'agit d'un objectif à atteindre?
Comm. Ole Ingstrup: Cela dépendrait de la façon dont on leur aurait expliqué l'objectif. Comme vous le savez sans doute, j'ai envoyé plusieurs lettres aux sous-commissaires régionaux pour leur expliquer clairement la différence entre des objectifs et des instruments de planification. Lorsque le comité a posé cette question à presque tous les directeurs des institutions pénitentiaires au pays, il a reçu une réponse négative. Ces directeurs ont dire croire qu'il n'existait pas de quotas ou d'objectifs, mais ils sont bien conscients qu'on s'attend à ce qu'ils fassent bien leur travail et qu'ils le fassent au moment voulu.
M. Richard Marceau: Un instant, je n'ai pas bien compris. Affirmez-vous que si une personne a travaillé conformément à l'hypothèse de travail, on considère qu'elle a bien fait son travail?
Comm. Ole Ingstrup: Non.
M. Richard Marceau: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Comm. Ole Ingstrup: On a dit à nos employés qu'ils devaient mieux faire leur travail dans 16 domaines bien précis. Bien qu'ils aient pu croire à un moment donné qu'on s'attendait à ce qu'ils fassent en sorte que 50 p. 100 des contrevenants soient intégrés dans la société et que 50 p. 100 soient incarcérés, ils savent maintenant que ce n'est pas le cas puisqu'on connaît mieux les conditions de travail existantes.
M. Richard Marceau: J'ai de la difficulté à faire concorder vos propos. Je lirai à l'intention de mes collègues un extrait d'une note de service rédigée le 3 juillet 1998 par le sous-commissaire pour l'Ontario, M. Reynolds, laquelle faisait partie des documents compilés par le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Veuillez excuser mon accent en anglais.
[Traduction]
-
À compter d'aujourd'hui, 23 détenus de plus sont incarcérés
qu'au début de l'année financière et 21 de plus dans la
collectivité. Il est évident que si la tendance se poursuit, nous
nous éloignerons encore plus de l'objectif convenu.
[Français]
Cela me paraît être un objectif assez précis. Est-ce que M. Reynolds aurait mal choisi ses mots?
Comm. Ole Ingstrup: M. Reynolds et moi avons échangé maintes notes afin de clarifier l'objectif de cette hypothèse de travail. On a convenu que le langage utilisé n'était pas le meilleur qui soit. Il est très clair qu'on devrait davantage porter notre attention sur les moyens plutôt que sur les chiffres.
M. Richard Marceau: D'accord. Je n'ai pas pris connaissance de la correspondance qui a été échangée entre vous et M. Reynolds, mais cette note que M. Reynolds a rédigée a été envoyée à tous les directeurs de district. Est-ce que M. Reynolds a envoyé une note par la suite afin de préciser qu'il ne s'agissait pas d'un but, mais plutôt d'autre chose?
• 1600
Deuxièmement, il me semble que c'est une situation
assez grave. Est-ce que M. Reynolds a fait l'objet de
mesures disciplinaires pour avoir dérogé de la ligne
directrice que vous êtes censé avoir établi et qui
prévoit qu'il n'y aura pas de quotas?
Comm. Ole Ingstrup: Il n'a pas fait l'objet de mesures disciplinaires, bien que nous lui ayons dit qu'un autre langage serait plus approprié, ce qu'il a expliqué aux membres de votre comité lorsque vous l'avez visité en région.
M. Richard Marceau: Est-ce que tous les employés ont reçu des éclaircissements au sujet des propos qu'avaient tenus M. Reynolds?
Comm. Ole Ingstrup: J'ai écrit à tous les sous-commissaires régionaux.
M. Richard Marceau: Est-ce qu'ils ont à leur tour écrit aux employés?
Comm. Ole Ingstrup: Je ne le sais pas, mais j'ai parlé avec tous les directeurs ici, à Ottawa, lors de la réunion.
M. Richard Marceau: D'accord.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Marceau. Le temps dont vous disposiez est écoulé.
[Traduction]
Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci monsieur le président.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): J'invoque le Règlement. Le commissaire vient de mentionner une lettre qu'il a écrite en réponse à l'information présentée par M. Marceau. Serait-il possible que le comité obtienne copie de cette lettre?
Comm. Ole Ingstrup: Absolument. Nous nous ferons un plaisir de voir ce que l'on peut trouver.
M. Lawrence MacAulay: Si vous ne l'avez pas, nous veillerons à vous la faire parvenir.
Le président: Vous pouvez l'envoyer au bureau du greffier. Merci.
M. Peter MacKay: Pendant que nous y sommes, monsieur le président, et je suppose que le temps qui m'est imparti n'est pas en train de s'écouler...
Le président: Le temps file.
M. Peter MacKay: J'ai remarqué que le commissaire a apporté un certain nombre de classeurs. Je me demande si l'on pourrait les faire déposer et si nous pourrions jeter un coup d'oeil à la documentation qu'il a apportée aujourd'hui.
Le président: Quels classeurs?
M. Peter MacKay: Les documents qui sont sur la table. Je me demande si nous pourrions examiner tout cela dans le cadre de notre examen.
Le président: Non, si l'on cite un document, alors il convient de le faire déposer. Je ne pense pas que l'on puisse demander aux témoins d'apporter tout le contenu de leur bureau au comité.
M. Peter MacKay: Je ne pense pas que cela représente la totalité de son bureau.
Le président: Si l'on cite un document, nous pouvons le demander.
Donc, monsieur MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay: Merci monsieur le président et je veux remercier le solliciteur général en particulier et tous les autres témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Mes questions s'adressent également à M. Ingstrup.
Monsieur le commissaire, je suppose qu'on est en train de jongler avec les mots, mais vous avez utilisé l'expression «propos malheureux» en réponse à une question antérieure. J'ai pris connaissance d'un certain nombre de documents qu'on a déjà cités et il semble bien que l'on y retrouve, dans un bon nombre de cas, des données chiffrées sous une forme ou une autre.
Je viens de faire une vérification et voici ce que j'ai trouvé: Objectifs chiffrés, cibles, répartition équilibrée, calendriers de réinsertion, plans de réinsertion, processus de réinsertion, chiffres réalisables, hausse des élargissements nécessaires sur le plan régional, objectifs en matière d'élargissement, égalisation, population carcérale en établissement et en collectivité, objectifs et cibles convenus. Voilà certaines expressions que l'on recense et je comprends que vous ayez parlé de «propos malheureux». Quoi qu'il en soit, il semble bien que tout cela peut de plus en plus se ramener à la question de savoir ce qu'est un quota.
Pour faire suite aux questions qu'ont déjà posées mes collègues, je me demande si vous pourriez reconnaître qu'il y a une différence entre un processus approuvé—et je fais évidemment allusion aux directives qui régissent vos activités et celles de votre ministère, et l'adaptation de ce processus en vue d'atteindre un objectif convenu, une cible, un quota. Il y a manifestement une différence. Est-ce que vous le reconnaîtriez?
De plus, ne voyez-vous pas qu'il est vraiment dangereux d'instiller à vos fonctionnaires du SCC ou aux directeurs d'établissements un principe qui les encourage à atteindre des objectifs chiffrés ou des quotas en matière d'élargissement? En fin de compte, cela devient un facteur déterminant au moment de prendre une décision. Si le chiffre est plus important que le processus, ne voyez-vous pas que cela peut compromettre la caractéristique dont le solliciteur général a déjà dit qu'elle était prééminente, à savoir la protection du public?
M. Lawrence MacAulay: Monsieur MacKay, on m'a posé la question à maintes reprises à la Chambre et le commissaire a fait un certain nombre de déclarations. Il n'y a absolument pas de quota. La sécurité publique est toujours la priorité absolue. Nous ne sommes même pas proches d'un quota quelconque. Il n'y a rien de vrai là dedans. Le chiffre était de 50-50. Il a expliqué la provenance de ce chiffre. C'est regrettable, mais la sécurité publique est toujours prioritaire.
Je ne veux pas parler pour le commissaire, mais c'est précisément la situation.
M. Peter MacKay: Monsieur le ministre, je comprends ce que vous dites, mais il existe de plus en plus de preuves du contraire, des indications que ces chiffres existent déjà. Peut-être les a-t-on adaptés, peut-être les choses ont-elles changées depuis.
Je me réfère plus précisément à un autre document dont on a déjà parlé. C'est un document daté du 3 juillet 1998 qui s'intitule «Réintégration» et qui a été envoyé par Brendan Reynolds, le commissaire adjoint pour l'Ontario. On y parle d'«objectif convenu», de «programme de réintégration» en ajoutant que c'est toujours une priorité, de «chiffres réalistes, ambitieux, mais réalisables». On y parle de programmes de réintégration qui permettront aux différents directeurs de prison de discuter des «responsabilités de chacun en matière de réintégration» et de performance dans les établissements.
Cela semble donc implicite. Si ces chiffres ne sont pas atteints, peut-être envisage-t-on des mesures disciplinaires. D'après ce document, nous devons accorder une plus grande priorité aux programmes de réintégration.
À part cela, il y a un autre document mystérieux qui circule; je me demande si vous connaissez «Retour à l'essentiel» c'est le titre du manuel utilisé par les participants.
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. Peter MacKay: Monsieur le commissaire, quels raccourcis prenons-nous? Là encore, il doit s'agir de propos malheureux.
Comm. Ole Ingstrup: Pas du tout.
Monsieur le président, pour répondre à cette question, je dois revenir au point de départ. Le point de départ, c'est que le Service correctionnel du Canada ne libère personne, c'est une fonction de la Commission nationale des libérations. Nous n'avons jamais demandé à la Commission nationale des libérations de modifier ses critères ou de les appliquer avec plus d'indulgence. Quant à la réintégration, c'est notre raison d'être. C'est notre seule activité. Nous préparons les gens pour qu'ils redeviennent des citoyens respectueux des lois. C'est la contribution du SCC pour améliorer la sécurité dans les sociétés.
Il s'agit donc de réintégrer les gens dans la société en préservant le plus possible la sécurité: est-ce que nous le faisons? Absolument, en collaboration avec la Commission nationale des libérations. Entre nos deux organismes, nous avons le taux de récidivisme le plus faible au monde.
Monsieur le président, monsieur MacKay, vous avez dit que nous libérions les gens mais je vous assure que si nous libérions les gens quel que soit le risque qu'ils présentent, cela irait à l'encontre de nos objectifs. Ils commettraient de nouvelles infractions, une nouvelle sentence serait prononcée qui viendrait s'ajouter à l'ancienne, bref, ce serait exactement l'inverse de ce que nous souhaitons.
La philosophie du Service correctionnel du Canada est évidemment de suivre la loi. Si vous ajoutez au rapport du vérificateur général ce qui a été dit au Comité des comptes publics, vous verrez que tout a poussé le Service correctionnel du Canada à mieux préparer les contrevenants et à le faire d'une façon plus efficace et plus rapide. C'est à l'origine de tout cet exercice.
M. Peter MacKay: Je me permets de vous faire observer que dans le document rédigé en juillet 1998 par M. Reynolds, on trouve un chiffre bien précis, un objectif de 660 détenus à libérer avant le 31 décembre 1999. Vous avez essayé de corriger ce chiffre, ou du moins de l'interpréter différemment, vous avez dit que ce n'était pas un chiffre arbitraire, un chiffre choisi au hasard. Comment faites-vous ce calcul?
Il me semble que l'existence même de ce chiffre précis compromet dans une certaine mesure les sauvegardes qui existent déjà. Si vous tenez à atteindre ce chiffre, il va falloir sacrifier quelque chose quelque part.
Le président: Pouvez-vous répondre très rapidement car nous manquons de temps.
Comm. Ole Ingstrup: Chaque commissaire adjoint chargé d'une région considère sa population de détenus et calcule un chiffre sur la base des dossiers de la Commission nationale des libérations. Cela lui donne un résultat qui lui semble conforme à ce qui est possible dans les délais prévus. Ce n'est pas un objectif. Si la sécurité du public est en jeu, les choses s'arrêtent là. C'est aussi simple que cela.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Wappel, vous avez sept minutes.
M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. Mes questions s'adressent également au commissaire.
M. Abbott a parlé de la réunion générale du personnel qui a eu lieu le 12 mars 1998. Commissaire, quand avez-vous pris connaissance du procès-verbal de cette réunion?
Comm. Ole Ingstrup: Je ne sais vraiment pas.
M. Tom Wappel: Approximativement?
Comm. Ole Ingstrup: Non, même pas.
M. Tom Wappel: Vous avez pris connaissance du procès-verbal?
Comm. Ole Ingstrup: Je lis beaucoup de documents. Je ne me souviens pas d'avoir lu celui-là, mais nous avons discuté d'un certain nombre de sujets. Il y a un autre établissement qui a dit à peu près la même chose, ce qui m'a poussé à écrire une lettre pour dire qu'on ne devait pas expliquer les choses au personnel de cette façon-là. Je crois que c'était en août 1998.
M. Tom Wappel: Mes collègues ont déjà mentionné que dans cette note de service on parle de 50 p. 100 de détenus en établissement et de 50 p. 100 détenus dans la collectivité. Tout de suite après ce paragraphe, il y a une phrase assez inquiétante: «Certains des détenus que nous élargissons peuvent retomber dans le mauvais chemin, mais le directeur a dit qu'il nous appuiera».
Quand vous lisez cela, commissaire, quelle est votre réaction?
Comm. Ole Ingstrup: Quand vous l'expliquez, cela me donne une impression, réaliste dans une certaine mesure: le directeur considère qu'il y a toujours un risque à relâcher les détenus, mais qu'il faut tout de même les relâcher.
M. Tom Wappel: La phrase se lit: «que nous élargissons peuvent retomber dans le mauvais chemin». À votre avis, c'est une référence à l'endroit, n'est-ce pas?
Comm. Ole Ingstrup: Oui, c'est ce que j'ai compris.
M. Tom Wappel: C'est ce que vous avez compris? Très bien. Quelques mois plus tard, vous avez rédigé un éditorial. C'est vous qui avez rédigé cet éditorial pour Let's Talk?
Comm. Ole Ingstrup: Oui, c'est moi.
M. Tom Wappel: Vous avez dit, entre autres: «... le solliciteur général m'a demandé d'arriver à une répartition mieux équilibrée de la population des détenus.» Est-ce que c'est exact?
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. Tom Wappel: De quel solliciteur général s'agissait-il?
Comm. Ole Ingstrup: De M. Scott, qui a dit exactement cela devant le Comité de la justice.
M. Tom Wappel: Quand le solliciteur général parlait d'une répartition mieux équilibrée, que voulait-il dire?
Comm. Ole Ingstrup: Ce qu'il voulait dire, à mon avis, c'est que nous devrions prendre le rapport du vérificateur général au sérieux et appliquer activement ses recommandations. Autrement dit, il fallait rechercher une formule plus équilibrée, et certainement pas une répartition moitié-moitié.
M. Tom Wappel: Excusez-moi, commissaire, mais ce n'est pas une formule équilibrée. Vous avez dit: «une répartition mieux équilibrée de la population des détenus». Je suppose que lorsque vous parlez de répartition mieux équilibrée, vous parlez des détenus qui entrent et qui sortent, n'est-ce pas?
Comm. Ole Ingstrup: Précisément.
M. Tom Wappel: Le dernier paragraphe, comme on l'a dit, et je reprends vos propres termes: «Il ne sera pas facile d'atteindre une proportion moitié-moitié d'ici l'an 2000».
Comm. Ole Ingstrup: Exactement.
M. Tom Wappel: C'est donc ce que vous avez dit vous-même qui a donné l'impression qu'on recherchait une proportion moitié-moitié, n'est-ce pas?
Comm. Ole Ingstrup: Non.
M. Tom Wappel: Ce n'est pas vrai?
Comm. Ole Ingstrup: Non, ce n'est pas vrai.
M. Tom Wappel: Dans ce cas, que voulez-vous dire quand vous parlez d'une proportion moitié-moitié?
Comm. Ole Ingstrup: Vous devez comprendre cela dans son contexte. À la séance de planification stratégique, tout le monde savait de quoi il était question et nous nous sommes dits que si nous faisions notre travail particulièrement bien, en suivant les directives du rapport du vérificateur général, nous finirions probablement par avoir la moitié des contrevenants dans les institutions et la moitié dans la collectivité.
Le thème de cet éditorial c'est que la sécurité du public était une priorité absolue. Les détenus doivent purger leur peine et se préparer en vue de leur libération, ils ne sont pas là pour perdre leur temps. C'est l'idée principale du rapport du vérificateur général.
Dans ces deux paragraphes, je répète cinq ou six fois que nous ne sacrifions pas la sécurité du public. J'en déduis ensuite, avec un peu d'incertitude, qu'en actionnant tous ces leviers on atteindra peut-être ce résultat. Ce que je dis, c'est que cela pourrait être une tâche considérable. Cela a maintenant été confirmé, car nous sommes loin du compte.
M. Tom Wappel: Commissaire, vous dites que la sécurité du public est la principale considération. Dans cet éditorial, vous avez déclaré:
-
Une fois que le contrevenant aura réintégré la communauté, nous
éviterons dans la mesure du possible une réincarcération, en
particulier en cas d'infraction en droit strict aux conditions de
sa libération conditionnelle.
Qu'est-ce que cela signifie?
Comm. Ole Ingstrup: Cela signifie, monsieur, que nous allons mieux surveiller ces gens-là dans la collectivité. Nous allons faire notre possible pour travailler en collaboration avec la police dans la collectivité. Nous voulons mettre en place de nouveaux programmes pour qu'il ne soit plus aussi nécessaire de les jeter de nouveau en prison, parce qu'on ne contribue pas forcément à la sécurité du public en remettant en prison des gens, et on ferait mieux de changer...
M. Tom Wappel: Attendez un instant; qu'est-ce qu'une infraction en droit strict?
Comm. Ole Ingstrup: C'est une infraction aux conditions fixées par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Souvent, ces conditions sont fondées sur nos recommandations et n'ont pas de rapport avec une activité criminelle quelconque.
M. Tom Wappel: Supposons que la Commission des libérations interdise au détenu élargi tout contact avec des criminels connus et qu'il le fasse tout de même: est-ce que c'est une infraction en droit strict?
Comm. Ole Ingstrup: C'est ainsi qu'on les désigne, c'est le nom qu'on leur donne.
M. Tom Wappel: Et vous ne pensez pas que c'est une raison pour remettre les gens en prison. Si on dit au type de ne pas avoir de contacts avec des criminels connus et qu'il le fait tout de même, c'est une infraction en droit strict et vous êtes prêts à n'en pas faire cas.
Comm. Ole Ingstrup: Ce n'est pas ce que nous disons. Nous pensons que cela dépend des cas. Cela a toujours été notre position à la Commission nationale des libérations.
M. Tom Wappel: Je vous pose la question suivante: Est-ce que c'est une infraction en droit strict de boire de l'alcool ou de se droguer quand on vous a dit de ne pas le faire?
Comm. Ole Ingstrup: Absolument.
M. Tom Wappel: C'est donc ce qu'on appelle une infraction en droit strict.
Comm. Ole Ingstrup: Dans notre terminologie, c'est toute infraction aux conditions d'une libération conditionnelle, à l'exception des activités criminelles.
M. Tom Wappel: Exactement.
Comm. Ole Ingstrup: C'est la distinction que nous faisons entre les deux.
M. Tom Wappel: On dit au détenu qu'il ne doit pas boire d'alcool, ne doit pas se droguer, qu'il ne doit pas avoir de contacts avec des criminels connus, et s'il enfreint ces directives, ce sont des infractions en droit strict. D'autre part, vous dites que vous voulez éviter de remettre les contrevenants en prison, surtout dans ces cas-là. À votre avis, comment les détenus vont-ils comprendre cela?
Comm. Ole Ingstrup: À mon avis, ils vont comprendre ce qu'il faut comprendre: nous voulons nous assurer que les détenus ne se trouveront dans des situations qui constituent une infraction en droit strict, ce qui minimise...
M. Tom Wappel: Mais ce n'est pas ce que vous dites. Vous ne dites pas que vous allez essayer d'empêcher les infractions en droit strict.
Comm. Ole Ingstrup: Mais si.
M. Tom Wappel: Vous dites que vous ne les réemprisonnerez pas pour des infractions en droit strict.
Comm. Ole Ingstrup: Où voyez-vous cela, monsieur?
M. Tom Wappel: Dans le second paragraphe:
-
Une fois réintégrés dans la collectivité, nous ferons notre
possible pour limiter la nécessité de réincarcérer les
contrevenants, surtout s'il s'agit d'infractions en droit strict
aux conditions de leur libération conditionnelle.
... au lieu, par exemple, d'essayer d'empêcher ces infractions en droit strict aux conditions de leur libération conditionnelle.
À mon avis, c'est le second point qui n'est pas clair dans ce très court éditorial où on parle aussi d'une «proportion moitié-moitié». Il faut considérer la tête quand on se demande ce qui fait bouger les jambes.
Comm. Ole Ingstrup: Dès qu'on s'aperçoit que les gens n'ont pas respecté les conditions de leur libération, nous intervenons. Nous intervenons...
M. Lawrence MacAulay: Comme la drogue ou l'alcool.
Comm. Ole Ingstrup: Qu'il s'agisse de drogue ou d'alcool, ou d'autre chose. Nous intervenons, et très souvent nous suspendons l'intéressé, nous le référons à Commission nationale des libérations qui décide ou non de révoquer sa libération conditionnelle, et, qui décide si l'intéressé pourra être libéré à nouveau lorsque sa suspension aura été levée. Là encore, c'est une décision que nous prenons ensemble, avec la Commission nationale des libérations. Dans ce passage de mon éditorial, je dis que nous avons l'intention de limiter la nécessité de réincarcérer les contrevenants, mais évidemment, en cas d'une infraction en droit strict nous intervenons.
Le président: Merci, monsieur Ingstrup. Notre temps est maintenant écoulé, mais j'aimerais avoir une précision car ce n'est pas la première fois qu'on parle de la définition d'une infraction en droit strict. C'est toute infraction qui ne constitue pas un nouveau crime, c'est bien la différence pratique?
Comm. Ole Ingstrup: Exactement.
Le président: D'accord.
Nous passons maintenant au second tour, trois minutes, après quoi nous alternerons...
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur le président, comme le comité est souverain, je propose qu'on fasse un autre tour de table de sept minutes. Quand on a trois minutes, on n'a pas assez de temps.
Le président: Mais les règles de procédure qu'on avait adoptées...
M. Richard Marceau: On peut toujours les changer. Seriez-vous d'accord pour qu'on revienne à sept minutes?
Le président: Sept minutes après ces trois minutes?
M. Richard Marceau: Oui.
Le président: D'accord pour un deuxième tour de sept minutes.
[Traduction]
J'aimerais demander également...
[Français]
M. Tom Wappel: Cinq ou sept minutes, monsieur le président?
Le président: Sept minutes. On est ici jusqu'à 18 h 30. On peut prendre du temps pour échanger.
[Traduction]
Je rappelle aux membres du comité que tous les partis ont maintenant eu un premier tour et que nous avons traité d'une des questions. Toutefois, le sous-comité a pris connaissance d'autres questions pendant ses déplacements, des questions qui figurent dans notre rapport. C'est une simple observation.
Monsieur Abbott.
M. Jim Gouk: Monsieur le président, j'invoque le Règlement, pour apporte une précision à ce que vous avez dit: c'est la raison pour laquelle nous avons demandé à ces témoins de revenir.
Le président: Certainement.
M. Jim Gouk: Nous aurons peut-être besoin de pas mal de temps avec M. Ingstrup pour approfondir ces questions qui inquiètent sincèrement les membres de ce comité.
Le président: Monsieur Gouk, je n'essaie pas de limiter les questions, mais je ne voudrais pas non plus que nous nous répétions interminablement. Par conséquent...
M. Jim Gouk: Quand les réponses deviendront répétitives, il sera temps de passer à autre chose.
Le président: D'accord, allez-y. Monsieur Abbott, vous avez sept minutes.
M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président.
Je comprends votre point de vue, mais cette question touche de très près ce que le ministre lui-même a dit au sujet de la façon dont la loi, cette loi, est appliquée. C'est un exemple parfaitement classique. En juillet 1998, je suis allé à l'institution de Kent, et c'est là que j'ai entendu parler de cette proportion moitié-moitié. Les gens à qui j'ai parlé à l'institution de Kent en Colombie-Britannique au mois de juillet, le personnel, le personnel correctionnel, les administrateurs, tous comprenaient les choses de cette façon-là.
Donc, au sujet de cette note de service sur la réintégration qui est signée par M. Reynolds et qui date du 3 juillet, je dois demander à M. Ingstrup s'il a eu l'occasion de préciser ou bien d'annuler ce qui figurait dans cette note de service et la façon dont cela avait été interprété? C'est bien ce que vous avez dit? Vous ai-je bien compris?
Comm. Ole Ingstrup: Monsieur Abbott, je crois avoir fait tout ce que je pouvais faire pour m'assurer que mon personnel ne se méprendrait pas sur la signification de cette note, comme certaines personnes à l'extérieur du Service correctionnel se sont méprises. J'ai pris l'affaire très au sérieux, je me suis dit que s'il pouvait y avoir un malentendu à l'extérieur, il pouvait fort bien y avoir un malentendu à l'intérieur. J'ai donc envoyé une lettre, en août 1998, je crois. D'autre part, chaque fois que nous avons eu des réunions, j'ai répété la même chose dans les régions. Je l'ai répété encore aux réunions des administrateurs qui ont lieu tous les six mois et je crois que c'est devenu tout à fait officiel.
Permettez-moi d'ajouter une chose? Je reviens à la question des infractions en droit strict; il ne faut pas oublier que chaque année au niveau fédéral nous continuons à réincarcérer 2 000 personnes pour des quasi-délits, des choses comme l'alcool, la drogue ou des contacts avec d'autres criminels. C'est loin d'être rare, c'est au contraire très fréquent.
M. Lawrence MacAulay: Au cas où on m'aurait mal compris, j'aimerais préciser quelque chose: si on vous a ordonné de ne pas prendre de drogue ou d'alcool, et si on s'aperçoit que vous le faites, vous pouvez être réincarcéré. Comme vous l'avez dit, chaque année 2 000 personnes sont réincarcérées pour de telles infractions. Quand M. Wappel a posé sa question, je me suis dit qu'il pensait peut-être à tort que personne n'était jamais réincarcéré pour des infractions en droit strict. En réalité, c'est très fréquent.
M. Jim Abbott: D'accord.
Monsieur Ingstrup, dans votre exposé aujourd'hui, et également lorsque vous avez comparu au moment de l'étude du budget principal, vous avez dit que vous tentiez de donner suite aux observations du vérificateur général en accélérant le processus de réintégration. Est-ce que l'opération Retour à l'essentiel en fait partie?
Comm. Ole Ingstrup: Effectivement, cela en fait partie, et je n'ai jamais répondu à la question de M. MacKay à ce sujet. L'opération Retour à l'essentiel, c'est simplement un exercice auquel doivent se livrer périodiquement tous les grands organismes quand ils s'aperçoivent qu'ils ont trop de processus et de politiques et que cela encombre leur système. Cette opération Retour à l'essentiel, ce sont des raccourcis pour simplifier le système, aller à l'essentiel et permettre aux gens de passer directement ce qui est important sans pour autant sacrifier le moins du monde la sécurité du public.
M. Jim Abbott: Ce que vous nous dites, donc—et je tiens à ce que cela soit parfaitement clair—pour être juste envers vous—c'est que cette opération Bypass n'envisage absolument pas de contourner le moindrement la loi, les lois, les règles ou les règlements?
Comm. Ole Ingstrup: Précisément.
M. Jim Abbott: Je tiens à ce que vous puissiez le dire clairement.
Comm. Ole Ingstrup: Je vous en remercie beaucoup.
Monsieur le président, comme je parle de «Retour à l'essentiel», c'est justement, comme son nom l'indique, qu'il est devenu nécessaire de désengorger les vaisseaux sanguins pour veiller à ce que les choses se déroulent comme il le doit. Ce qui est intéressant, c'est que dans le texte français on parle de «retour à l'essentiel». C'est exactement ce dont il s'agit.
M. Jim Abbott: Et pourtant, avec ce retour à l'essentiel... J'ai seulement parcouru le document, il est très épais. Je suis loin d'être spécialiste, mais j'ai l'impression que le nombre des détenus recommandés pour incarcération ou le nombre de révocations de libération conditionnelle a diminué. C'est l'impression que j'ai.
• 1625
Par conséquent, ce n'est pas forcément... Non, je vais le dire
autrement. D'une part, vos collaborateurs et vous-même n'essayez
pas de contourner la loi, mais il n'en reste pas moins qu'on
accélère le processus, uniquement pour l'accélérer, afin
d'atteindre les objectifs du vérificateur général.
Comm. Ole Ingstrup: Si vous le permettez, monsieur le président, l'objectif du vérificateur général c'est que nous observions les dispositions de la loi qui nous régit, tout comme n'importe quelle bonne administration publique doit le faire. Autrement dit, si le Parlement a décidé qu'après avoir purgé un sixième de sa peine un détenu peut solliciter une libération conditionnelle de jour, il n'est pas normal que, le moment venu, l'organisme ne soit pas prêt à présenter le détenu en question à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Pour ce genre de choses, les retards ne sont pas admissibles. Or, quand nous nous sommes penchés sur la question, nous avons vu que nous avions du retard, un retard provoqué par de mauvaises priorités, par toutes sortes de procédures qui n'avaient rien à voir avec la sécurité du public.
J'ajoute que cela a provoqué une légère augmentation—vraiment très légère—du nombre des libérations et du nombre des réincarcération, mais également une baisse du récidivisme. La société canadienne est donc plus en sécurité aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été par le passé.
M. Jim Abbott: J'ai une dernière question à vous poser. Cela a à voir encore une fois... et je pense que M. Wappel a posé la question, mais je n'ai pas compris votre réponse, excusez-moi. C'est une citation de vous, je crois:
-
Une fois réintégré dans la collectivité, nous ferons notre possible
pour limiter la nécessité de réincarcérer les
contrevenants—surtout s'il s'agit d'infraction en droit strict aux
conditions de libération conditionnelle.
Comment cela cadre-t-il avec l'affirmation du ministre, qui dit que la sécurité de la population est la priorité.
Comm. Ole Ingstrup: C'est facile à comprendre, monsieur le député. Non, ce n'est pas facile à comprendre, mais je pense pouvoir vous expliquer comment ça marche.
L'idée ici, c'est que si nous augmentons nos activités dans la collectivité, nous dominerons mieux la situation, nous aurons un meilleur contact avec les délinquants et saurons mieux ce qu'ils font. Moins de délinquants manqueront aux conditions de leur libération conditionnelle et il sera moins souvent nécessaire de les réincarcérer. C'est l'idée. Faire davantage pour protéger la population aboutira à moins de manquement aux conditions de la libération et il sera donc moins nécessaire de renvoyer les délinquants en prison.
Comme le ministre l'a dit, par contre, le chiffre est encore passablement élevé. En tout, on en envoie environ 2 000. Deux mille sur environ 5 000 admissions viennent de manquements non criminels sur une base annuelle. On ne peut donc pas dire que l'on ne réagit pas.
Le président: Merci, monsieur Ingstrup.
Aviez-vous quelque chose à ajouter, monsieur le ministre?
M. Lawrence MacAulay: Il y a un problème car les délinquants sont relâchés. En ce qui concerne les groupes d'entraide pour toxicomanes ou alcooliques, je me demande—j'aimerais que vous examiniez cela aussi—s'il y a suffisamment de mécanismes d'aide ou si ce sont les bons. Comment trouver la bonne forme d'aide pour lutter contre la toxicomanie et l'alcoolisme? On espère qu'ils s'occupent de leur toxicomanie en prison, mais lorsque vous êtes en libération conditionnelle, c'est déjà parfois assez difficile d'être un alcoolique mais être un alcoolique et un ex-détenu, c'est deux fois plus dur.
Je ne suis pas ici pour critiquer quoi que ce soit, mais j'aimerais que vous examiniez la chose. J'ai déjà dit au commissaire que je tiens beaucoup à ce qu'on s'en occupe. Le problème c'est que lorsque vous êtes alcoolique et que vous avez eu pas mal de démêlés avec la justice, et si la seule façon pour vous de vous procurer de la drogue ou de l'alcool c'est de recourir aux méthodes illégales que vous utilisiez avant, Jim, c'est ce que vous allez faire à votre sortie.
La seule chose que je voudrais faire, avec votre aide et celle du comité, c'est de trouver un programme d'aide pour les secourir.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Myers, vous disposez de sept minutes.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier le ministre d'être venu aujourd'hui. C'est une excellente occasion pour nous de lui poser des questions sur ce sujet très important.
Monsieur Ingstrup, je voudrais commencer par vous, si vous le voulez bien. En réponse à la question précédente, qui avait déjà été posée, je crois, à propos du Comité des comptes publics et, plus précisément, du vérificateur général... il s'agissait de mieux préparer les gens plus tôt. Et vous venez de répondre à une question précédente à propos de façons de procéder qui n'améliorent pas la sécurité publique. M. Grose et moi-même faisions partie de ce Comité des comptes publics et nous avons participé à la rédaction du rapport. Autant dire que nous avons des idées bien arrêtées dans ce domaine.
• 1630
Mais ce que je voudrais vraiment, c'est que vous nous disiez
de façon un peu plus détaillée ce que vous faites dans ce domaine
important. Dans notre rapport, nous avons proposé que vous preniez
des mesures dans votre secteur. J'aimerais que vous nous en
parliez.
M. Lawrence MacAulay: Allez-y.
Comm. Ole Ingstrup: Merci, monsieur le ministre.
Comme je l'ai dit, nous avons recensé 16 secteurs. Certains avaient été notés dans le rapport du Comité des comptes publics et nous en avons trouvé quelques autres où il nous a semblé bon d'aller dans le même sens.
Un des exemples les plus probants que cite le vérificateur général dans son rapport est celui du détenu qui purge une peine de trois ans: notre service est tenu par la loi de préparer le détenu à présenter une demande de semi-liberté s'il le souhaite, après avoir purgé le sixième de sa peine. Si l'on considère le temps qu'il faut pour évaluer et placer les détenus, vous n'avez que 19 jours pour exécuter le plan correctionnel. Vous ne pouvez donc manquer d'être en retard. Nous avons l'obligation de trouver un modèle qui fera en sorte que nous ne serons pas systématiquement en retard.
Nous avons donc examiné 16 secteurs. L'un d'eux est d'améliorer et d'accélérer le classement du détenu selon le niveau de sécurité. Nous avons examiné comment améliorer le placement pénitencier pour qu'il ne perde pas de temps là où il n'y a aucun programme d'amélioration de la sécurité publique. Nous avons examiné les plans correctionnels pour veiller à ce qu'ils soient prêts à temps et obtenir des renseignements des provinces, de la police et aux tribunaux plus rapidement et de façon plus sûre. Nous avons examiné des façons d'effectuer des évaluations et de réserver des places dans des programmes à temps pour que les détenus ne perdent pas de temps dans la filière.
Ça n'a rien à voir avec la mise en liberté des détenus. Il s'agit de rationaliser la réinsertion en toute sécurité, comme le vérificateur général l'a dit, et nous sommes d'accord avec cela, et le comité aussi, d'ailleurs.
M. Lynn Myers: Il est important de noter cela, monsieur le président, parce que je crois qu'il est opportun pour nous de traiter de cette question à ce moment-ci.
Monsieur Gibbs, je voulais vous poser une question à propos de la Commission des libérations conditionnelles...
Le président: Excusez-moi, monsieur Myers, je pense que le ministre doit nous quitter maintenant.
Merci beaucoup d'être venu, monsieur le ministre. Selon la tournure de nos discussions, il se peut que le comité veuille vous inviter à nouveau, mais le greffier communiquera avec votre bureau si besoin est.
M. Lawrence MacAulay: Merci, monsieur le président. De toute évidence, les membres ne se sont pas trop intéressés à moi quand j'étais ici. Mais c'est exactement ce que je souhaite. Je tiens beaucoup à voir votre rapport. Nous tenons tous à faire un meilleur travail.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Myers, veuillez continuer.
M. Lynn Myers: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Gibbs, je voulais vous poser une question à propos de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Nous entendons souvent parler dans les médias, d'affaires qui tournent mal et que les médias montent en épingle, si vous me passez l'expression. Pourriez-vous nous dire si cela est représentatif de ce qui se passe dans ce secteur. J'espère que vous n'allez pas me dire que non. Je pense qu'il serait utile pour les citoyens que vous nous en parliez.
M. Willie Gibbs (président, Commission nationale des libérations conditionnelles): Merci, monsieur le président.
Quand les médias montent un incident en épingle, il s'agit habituellement d'un détenu mis en liberté sous condition, soit en libération conditionnelle soit en libération d'office, qui a commis une infraction avec violence. Cela nous inquiète autant que tous ceux qui sont ici et le reste de la population. Heureusement, ces incidents ne surviennent pas très souvent. Évidemment, même une fois, c'est une fois de trop.
• 1635
En ce qui concerne le taux de récidivisme dont M. Ingstrup a
parlé tout à l'heure, environ 5 p. 100 des détenus en semi-liberté
récidivent; dans le cas des détenus en liberté conditionnelle, le
taux est de 11 p. 100, dans le cas des infractions avec violence,
le taux varie entre 1 et 2 p. 100 de tous les détenus en liberté
sous condition. Le chiffre est donc très bas. Malheureusement,
lorsque cela se produit, cela fait les manchettes dans la région et
dans le pays. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Lynn Myers: Merci beaucoup.
Monsieur le président, j'aimerais poursuivre dans cette veine pendant quelques instants et opposer la perception à la réalité. Avant d'être élu au Parlement, j'ai fait partie pendant 10 ans du Service de la police régionale de Waterloo entre autres en tant que président. La région de Waterloo est une communauté d'environ 450 000 personnes. Le service compte 700 policiers et civils. J'ai été renversé de voir que le taux de criminalité a baissé autant chez nous. Le citoyen ordinaire, lui, vous dirait le contraire: «La criminalité est à la hausse et cela nous fait très peur.» J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez et à quoi vous attribuez cela.
Vous pourriez peut-être aussi nous parler de la composition démographique ou des facteurs de réduction de la criminalité au Canada. On peut affirmer en général que c'est ce qui se produit et c'est quelque chose qu'il faut comprendre un peu mieux.
Peut-être pourriez-vous nous donner plus de détails, monsieur Ingstrup, ou vous, monsieur Gibbs.
M. Willie Gibbs: Je vais vous donner ma version des choses, et M. Ingstrup vous donnera la sienne.
Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent la perception erronée de la population. D'abord, les statistiques du ministère de la Justice montrent clairement que depuis cinq ou six ans, la criminalité a baissé au pays. Il en va de même pour certains États américains. Toutefois, les médias instantanés, c'est-à-dire la télévision, les journaux, etc., diffusent très rapidement le fait qu'un crime a été commis, même si cela ne se produit pas tous les jours. Mais lorsque cela arrive, cela crée tout un émoi.
Je dirais aussi que la moitié des chaînes de télévision que la plupart des Canadiens regardent viennent des États-Unis et que les chaînes américaines font beaucoup plus de battage autour de ces crimes que les chaînes canadiennes; elles font des mini-séries et des films de ces incidents. Il y a beaucoup d'autres facteurs.
Il est donc très difficile, dans ces circonstances, de donner les chiffres du ministère de la Justice et de dire que la situation s'améliore d'année en année. Quand un drame se produit, ils en parlent pendant des jours, des semaines et des mois.
Le président: Merci, monsieur Gibbs et monsieur Myers.
[Français]
Monsieur Marceau, sept minutes.
M. Richard Marceau: Monsieur Ingstrup, je m'excuse de devoir revenir à la même question, mais je ne suis pas convaincu d'avoir tout compris. Lorsque j'étais jeune, ma mère me disait que je devais poser des questions tant que je ne comprenais pas. C'est ce que je fais.
Le 18 août dernier, vous avez écrit une lettre à tous les sous-commissaires dans laquelle vous disiez:
[Traduction]
-
Quand je vous ai demandé de me donner une meilleure idée des
conséquences de cette initiative, vous m'avez dit qu'une
répartition moitié-moitié dans chaque région était réalisable d'ici
à l'an 2000.
[Français]
Et vous disiez à la fin:
[Traduction]
-
La répartition moitié-moitié est notre hypothèse de travail, en
fonction des meilleurs renseignements dont nous disposons
aujourd'hui.
[Français]
Ce sont vos mots, et non les miens.
Par la suite, après des questions de ce comité le 11 mai dernier, vous avez encore précisé que l'hypothèse de travail de votre service était qu'il fallait qu'il y ait plus de 40 p. 100 de personnes intégrées dans la société et moins de 60 p. 100 de personnes incarcérées. Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est une hypothèse de travail?
Comm. Ole Ingstrup: On fait la même chose dans les hôpitaux. On dit: s'il n'y a pas d'épidémie, combien d'opérations va-t-on faire l'année prochaine et de combien de salles d'opération aura-t-on besoin? C'est un résultat de ce qu'on...
M. Richard Marceau: Donc, un résultat qui se produirait normalement.
Comm. Ole Ingstrup: Qui se produirait dans certaines conditions.
M. Richard Marceau: D'accord.
Comm. Ole Ingstrup: Ces conditions peuvent changer de temps en temps. Même notre façon d'analyser la population carcérale peut changer d'une année à l'autre, par exemple. On s'est rendu compte qu'en Colombie-Britannique, il y avait beaucoup plus de détenus purgeant des sentences à vie que dans les autres régions, ce qui crée évidemment un autre rapport entre le nombre de détenus dans la communauté et celui dans les institutions, car ces détenus ne sont pas libérés.
M. Richard Marceau: Excusez ma mauvaise maîtrise de l'anglais, mais lorsque quelque chose est achievable, cela ne veut-il pas dire que c'est une chose vers laquelle on doit tendre, something that we must strive for? Ce n'est pas cela?
[Traduction]
Comm. Ole Ingstrup: Je vois ce que vous voulez dire, et c'est une des raisons pour lesquelles nous essayons de mieux expliquer ce que nous faisons. Toutefois, monsieur le président, ce n'est pas facile à expliquer dans un vidéoclip de 15 secondes.
Je peux vous dire toutefois qu'au SCC nous utilisons le modèle de responsabilisation recommandé par l'OCDE. Nous examinons les détenus, le nombre de détenus, le genre de crimes, le type de clientèle. Nous examinons le processus, la filière suivie pendant que les détenus sont là. Nous examinons le produit, le nombre de détenus qui restent en prison et le nombre de ceux qui sont relâchés. Enfin, et c'est le plus important, nous examinons les résultats: la fréquence de la criminalité dans la société, dans la collectivité.
Nous examinons en quoi le produit sera différent si l'on modifie la méthode de traitement.
[Français]
M. Richard Marceau: Dans la note de service de M. Reynolds, il est dit, et je cite encore une fois:
[Traduction]
-
Il faut que je renforce le message que je vous ai donné lors de
notre première rencontre, à savoir que la réinsertion est, et
continue d'être, une de mes priorités absolues.
[Français]
Je pense que ce devrait être traduit par «plan de réinsertion sociale». Quel est ce plan de réinsertion sociale?
Comm. Ole Ingstrup: Le plan de réinsertion sociale, c'est simplement ce qu'on fait au Service correctionnel du Canada. On est ici pour mieux préparer les individus à une vie respectueuse de la loi dans la communauté après leur libération conditionnelle ou à la fin de leur sentence. Cela fait partie du mandat que nous donne la loi. Ce n'est pas une chose que le service a inventée; c'est notre travail.
M. Richard Marceau: Je trouve intéressant ce que vous dites; toujours dans la même note de service, à la toute fin, des objectifs sont indiqués, et on dit que cela devrait être fait par les district directors. Encore une fois, excusez mon anglais. Un des objectifs est de
[Traduction]
réduire le taux de révocation de 10 p. 100 entre 1997 et 1998. Révocation,
[Français]
à moins que je ne me trompe, se fait dans le cas des gens qui ont brisé leurs conditions de libération conditionnelle. Si on veut réduire de 10 p. 100 le nombre de ces cas, c'est qu'il y a un but quelque part. Comment veut-on effectuer une telle réduction du taux de bris des conditions de libération conditionnelle?
Comm. Ole Ingstrup: Si on fait un meilleur travail dans la communauté, il y aura moins de cas de bris de conditions, parce qu'il y aura moins de crimes et moins de violations des conditions imposées par la Commission nationale. Le sous-commissaire, si j'ai bien compris ce que vous me lisiez, a dit qu'on devait faire un meilleur travail dans la communauté pour éviter qu'on ait besoin de révoquer la libération conditionnelle de certains détenus. Ce n'est pas contre la sécurité publique. Au contraire, cela favorise la sécurité publique.
Le président: Merci, monsieur Marceau.
[Traduction]
Monsieur Grose, vous avez sept minutes.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je sais que tout le monde sera déçu que je ne veuille pas parler de la répartition moitié-moitié. Des déclarations malheureuses ont été faites et ont été mal interprétées; comme je connais un peu ce genre de choses, je comprends.
Parlons de la libération d'office. Je n'étais pas ici lorsque l'on a modifié la projet de loi et que l'on est passé de la réduction méritée de peine à la libération d'office et je ne m'explique pas le changement. J'ai un faible pour la réduction méritée de peine. Une des raisons de cela, c'est que la libération d'office est difficile à justifier. Dans le vrai monde, on a l'impression que le juge a imposé au condamné six ans de prison et que nous, dans notre sagesse infinie, avons décidé de ramener la peine à quatre ans, par exemple. Je sais que ce n'est pas le cas, mais c'est ainsi que c'est perçu. Dans le cas de la réduction méritée de peine, on peut au moins dire aux gens que le détenu s'est bien conduit pendant son incarcération, que c'est une forme de contrôle en prison, ce genre de choses.
Expliquez-moi pourquoi nous avons la libération d'office plutôt que la réduction méritée de peine.
Comm. Ole Ingstrup: Puisque M. Gibbs est en train de boire, je vais vous donner la meilleure explication que je puisse trouver.
C'est ce qu'a choisi le Parlement lorsque la loi a été modifiée. La raison, je crois—et ce n'est qu'une hypothèse de ma part—c'est que la libération doit être reliée à la sécurité publique. Or, ce n'est pas parce que le détenu s'est bien conduit en prison qu'il en fera autant dans la société. Dire aux gens que nous voulons augmenter ou que nous sommes prêts à augmenter le risque pour la sécurité publique dans les cas où les détenus ont été sages en prison, je crois, a été considéré comme une façon inacceptable de voir les choses.
Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi ne l'a-t-on pas tout simplement abolie? C'est parce que l'on s'est de plus en plus rendu compte à ce moment-là, comme aujourd'hui, que la mise en liberté graduelle est la façon la plus efficace de relâcher les détenus. Et le dernier tiers de la peine, en moyenne, est une bonne période à passer dans la société, lorsque nous tenons toujours le sujet en laisse et que nous pouvons le ramener s'il commet une nouvelle infraction ou s'il présente d'une manière ou d'une autre une menace pour la société. C'était cela l'idée. Du point de vue d'un professionnel, il me semblait encourageant de voir que le système de libération était axé sur la sécurité de la population et non sur une récompense accordée au détenu pour une conduite qui n'a rien à voir avec la sécurité publique.
M. Ivan Grose: Oui, c'est cela l'explication. Toutefois, nous savons tous les deux que peu importe si l'on a recours à la réduction méritée de peine ou à la libération d'office, le détenu est quand même relâché à peu près au même moment. Je ne vois pas comment on peut faire passer le message que la libération d'office nous garantit que l'individu est réformé et qu'il peut réintégrer la société. La perception, c'est qu'on lui accorde une remise de peine, que l'on vide les prisons, qu'elles sont bondées, etc. Je sais que ce n'est pas le cas, mais c'est ainsi que c'est perçu.
Je me demande s'il n'y a pas une meilleure façon de présenter les choses. Comme beaucoup d'éléments du système, c'est mal compris. Notre message ne passe pas. Si quelqu'un devrait être capable de le faire passer, c'est bien moi, et je n'y arrive pas. Je comprends donc les difficultés.
Faudrait-il alors songer à réformer le système pour que le détenu soit évalué à intervalles réguliers, après avoir purgé le sixième de sa peine, ou les deux tiers, peu importe, mais que ce soit basé entièrement sur une évaluation? Je sais que dans le cas de la libération d'office, une évaluation est faite, et si le détenu ne s'est pas amendé ou s'il présente encore un danger, il reste en prison. Mais est-ce qu'on pourrait faire comprendre que personne ne sera relâché tant que nous, dans notre sagesse infinie, n'avons pas décidé qu'il n'est plus une menace pour la société?
M. Willie Gibbs: Tout d'abord, la libération au deux tiers de la peine a de longs antécédents. Elle remonte aux années 40 ou 50, à l'époque de la réduction légale de peine.
M. Ivan Grose: Je m'en souviens bien.
M. Willie Gibbs: Cela signifie que le quart de la peine était supprimé d'office et qu'il fallait s'évader ou participer à une émeute en prison ou commettre quelque chose de très grave pour ne pas avoir droit à la réduction légale de peine. À cela s'ajoutaient quelques jours par mois, deux ou trois, que l'on pouvait mériter, mais au bout du compte, aux deux tiers de la peine, vous étiez relâché. Mais vous étiez tout à fait libre. Vous n'aviez plus à vous présenter devant un agent de libération conditionnelle ou devant qui que ce soit.
En 1970, la loi a été modifiée et l'on a créé la liberté surveillée. Et c'est à partir de là que la libération d'office a vu le jour en 1992 dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Il faudrait donc, selon moi, examiner de très près ces antécédents, les avantages et les inconvénients d'une libération plus ou moins d'office au deux tiers de le faire ou un autre régime pour resserrer les règles. Je ne sais trop quelle est la réponse.
M. Ivan Grose: Que ce que je vais dire figure donc au compte rendu.
Dans l'ancien régime, il s'agissait d'une libération complète et sans entrave, et on ne mettait pas la laisse à l'individu. Aujourd'hui, on le tient en laisse pendant toute la durée de la peine imposée par le juge. C'est ce que je voulais faire comprendre. Merci beaucoup, vous l'avez très bien dit.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay: Monsieur le commissaire, le rapport du vérificateur général semble avoir beaucoup joué dans votre décision à propos de cette libération ou de cette répartition moitié-moitié. J'ai consulté son rapport, qui était loin d'encenser votre ministère. En fait, il a relevé un certain nombre de problèmes, notamment le fait que les activités de réinsertion ne sont pas mises en oeuvre de façon efficace. Il a dit qu'il fallait exercer une plus grande surveillance dans la collectivité, de meilleures évaluations du rendement et des mécanismes adéquats de contrôle de la qualité. Mais nulle part dans le rapport—et je l'ai lu attentivement—le vérificateur général ne parle de réduire le nombre de détenus dans nos prisons. Est-ce bien le cas?
Comm. Ole Ingstrup: Sauf votre respect, je vous dirai une chose. Vous n'allez pas réussir à me convaincre qu'il existe un système de quota, parce que je sais qu'il n'y en a pas. Je tiens à vous dire que le rapport du vérificateur général a évidemment eu de l'importance parce qu'il a signalé—je parle de celui de 1994-95—un certain nombre de faiblesses dans notre système. Je reconnais qu'il y en a. Lorsque j'ai assumé les fonctions de commissaire, ce rapport était sur la table. Je l'ai lu attentivement et j'ai dit que ce n'était effectivement pas une question d'orientation. Il ne s'agit pas de vider les prisons. Il s'agit de mieux faire le travail que le Parlement nous a demandé de faire. Et il a signalé un certain nombre de choses.
Toutefois si nous faisions—et c'est le lien entre les deux—tout ce que le vérificateur général nous a demandé de faire de façon irréprochable, en plus de certaines autres choses que nous avons examinées nous-mêmes à la suite de la vérification, nous pensons que le résultat, non pas l'objectif, mais le résultat d'un travail mieux fait, la répartition entre les deux serait différente. C'est de là que ça vient. C'est là où cela se recoupe.
M. Peter MacKay: En réponse à certaines questions de mon collègue M. Wappel, vous avez donné votre interprétation dÂinfractions en droit strict aux conditions de la libération conditionnelle et le fait qu'à l'occasion on pourrait fermer les yeux sur certains d'entre eux: Négliger de se présenter, rechute de toxicomanie ou d'alcoolisme, et—ce qui me préoccupe particulièrement—le fait que les délinquants sexuels fréquentent des enfants ou les cours d'école. Mais quelles que soient nos divergences de vue sur ce qui constitue un quasi-délit, je me pose des questions à propos d'une évaluation d'un comportement semblable en prison.
Vous nous avez dit très clairement que vous ne dirigez pas la Commission des libérations conditionnelles mais que vous formulez certaines recommandations. Or, je me suis laissé dire que les fonctionnaires du SCC ont reçu récemment une formation sur une nouvelle façon de préparer les rapports sur les détenus destinés à l'examen de la Commission nationale des libérations conditionnelles et je me demande s'il y a un lien entre cette nouvelle formation et l'opération Retour à l'essentiel. Est-ce que cela signifie que les infractions en droit strict commises par les détenus seront oubliées ou que vos fonctionnaires feront une recommandation favorable à la Commission des libérations conditionnelles?
Comm. Ole Ingstrup: Monsieur, l'expression «infraction en droit strict» a un sens bien précis pour nous. Elle signifie uniquement la violation des conditions établies par la Commission nationale des libérations conditionnelles par le détenu et non pas la perpétration de nouvelles infractions. C'est tout ce qu'elle signifie.
M. Peter MacKay: Sauf le respect que je vous dois, une infraction de droit strict ne désigne-t-elle pas le non-respect d'une condition que devait respecter le détenu?
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. Peter MacKay: Par conséquent, je suppose que l'on détermine les facteurs criminogènes que le détenu doit éviter. Une infraction de droit strict démontre que le détenu s'engage de nouveau dans la voie qui l'a mené à l'incarcération.
Comm. Ole Ingstrup: C'est tout à fait juste et c'est pourquoi nous réincarcérons environ 2 000 personnes par an pour ce genre d'infractions. Le travail que nous faisons dans la collectivité à pour but d'éviter qu'ils ne commettent ces infractions qui nous obligeront à les réincarcérer. Voilà le raisonnement.
M. Peter MacKay: Vous nous avez dit que le taux de récidive est à la baisse. Lorsque vous tirez une telle conclusion, tenez-vous compte du fait que certains commettent des infractions une fois expirée la période d'admissibilité à la libération conditionnelle? Le détenu qui satisfait aux conditions de sa libération conditionnelle est remis en liberté et commet une nouvelle infraction pour laquelle il est réincarcéré. On ne tient pas compte de cela?
Comm. Ole Ingstrup: Non, ce n'est pas un facteur pris en compte.
M. Peter MacKay: Ainsi ce n'est pas compté comme une récidive. De sorte que si, le lendemain où prend fin sa période de libération conditionnelle, le détenu commet une nouvelle infraction pour laquelle il est inculpé, reconnu coupable et réincarcéré, ce n'est pas compté comme une récidive.
Comm. Ole Ingstrup: Pour nous, le terme récidive décrit ce qui se passe au sein de la population carcérale sur une base annualisée. Nous ne pouvons pas suivre les gens après... nous pourrions le faire, mais ce serait une tâche énorme et nous ne sommes pas convaincus de pouvoir faire une évaluation juste. Nous espérons que notre système de justice intégré nous permettra d'intensifier nos efforts à cet égard. Toutefois, nous suivons de façon très systématique ceux dont nous avons la charge.
Nous sommes absolument convaincus de n'en oublier aucun car, la loi étant ce qu'elle est aujourd'hui, ils nous reviennent tous y compris ceux qui commettent des violations punissables d'emprisonnement dans une prison provinciale. Nous les rattrapons tous.
Quant à la préparation des cas pour la Commission nationale des libérations conditionnelles, je me ferai un plaisir de vous expliquer ce que cela signifie. Cela signifie que dans le passé, le président et moi-même en sommes venus à la conclusion qu'un certain nombre de nos agents de libération conditionnelle à l'intérieur de l'établissement et qui sont responsables de la préparation des dossiers à l'intention de la Commission des libérations conditionnelles, préparaient une déclaration générale sans systématiquement tenir compte de tous les critères que l'on retrouve dans les politiques de la Commission des libérations conditionnelles.
Vous qui êtes avocat, vous devez savoir que lorsque vous comparaissez devant le tribunal, vous présentez l'affaire selon les critères qui existent dans la loi. Nos agents de libérations conditionnelles n'observaient pas assez strictement cette règle et la Commission des libérations conditionnelles était souvent frustrée de ne pas obtenir comme elle le souhaitait une évaluation selon tous les critères de la politique. Nous voulions nous assurer de préparer des dossiers de façon à répondre aux besoins de la Commission des libérations conditionnelles en matière de prise de décisions. C'est tout.
M. Peter MacKay: J'en reviens à...
Le président: Dernière question, monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: ...la question des chiffres eux-mêmes et, pour reprendre votre terme, aux critères qui doivent être respectés. Quand les chiffres sont utilisés en parallèle avec les critères, n'admettez-vous pas que cela donne un message confus aux fonctionnaires de votre ministère? Ce que j'ai entendu aujourd'hui ne me convainc pas que nous facilitons la remise en liberté des détenus et que nous faisons en sorte qu'il soit plus difficile de les réincarcérer.
Comm. Ole Ingstrup: Je peux vous garantir, monsieur, que c'est la Commission des libérations conditionnelles qui décide en même temps de la remise en liberté des détenus et de leur retour en détention et puisqu'il y a recul de la criminalité, il n'y a absolument aucune raison de croire que les détenus réussissent plus facilement à obtenir leur liberté.
Nous pouvons cependant conclure que ceux que nous préparons en vue de leur comparution devant la Commission nationale des libérations conditionnelles présentent moins de risques qu'auparavant lorsqu'ils sont remis en liberté parce que nous faisons un meilleur travail de préparation. Mais la Commission des libérations conditionnelles ne libère pas plus de détenus.
M. Peter MacKay: N'admettriez-vous pas, monsieur le commissaire, qu'il y a moins de délinquants non violents dans les prisons canadiennes aujourd'hui que dans le passé? Nous avons à tout le moins réduit la fréquence d'incarcération des délinquants non violents pour n'incarcérer que ceux qui présentent un plus grand danger de violence.
Comm. Ole Ingstrup: Dites-vous qu'il y a moins de délinquants violents dans les prisons?
M. Peter MacKay: Non. Moins de délinquants non violents.
Comm. Ole Ingstrup: Moins de délinquants non violents. Il faudrait que je vérifie les chiffres. Il y a eu un certain changement mais, pour autant que je sache, c'est minime. Ce n'est pas un énorme changement.
M. Peter MacKay: Pas un énorme changement.
Comm. Ole Ingstrup: La différence a été constatée surtout à l'égard des délinquants sexuels où nous avons remarqué une forte augmentation suivie d'une baisse.
Le président: Merci, monsieur MacKay. Merci, monsieur Ingstrup.
[Français]
Monsieur Saada, sept minutes.
M. Jacques Saada: On a eu le plaisir d'entendre la réaction de l'ancien solliciteur général sur la question des quotas. Il a nié catégoriquement leur existence. La question a ensuite été posée à plusieurs reprises au solliciteur général actuel qui, lui aussi, a répondu qu'il n'y avait pas de quotas. On a posé la question, il y a quelques semaines, au commissaire, qui a répondu qu'il n'y avait pas de quotas. Moi-même, à cette table, il y a quelques semaines, j'avais déjà déclaré que je n'étais pas en faveur des quotas et que j'irais à l'encontre de cette mesure si elle existait effectivement. On m'a assuré qu'il n'y avait pas de quotas.
Comme il ne s'agit pas d'une question à saveur purement politique mais bien d'une question de sécurité publique, je voudrais demander au commissaire ce qu'il faudrait faire, concrètement parlant, pour expliquer une fois pour toutes qu'il n'y a pas de quotas afin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.
[Traduction]
Comm. Ole Ingstrup: J'aimerais bien connaître la réponse.
[Français]
J'ai essayé d'expliquer pendant une heure ou une heure et demie, de toutes les façons possibles, qu'il n'y avait pas de quotas. Il n'y a pas de quotas en termes des résultats qu'on doit obtenir de peur qu'il y ait des punitions ou des réactions.
M. Jacques Saada: Me permettez-vous de vous faire une suggestion?
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. Jacques Saada: Je comprends qu'il puisse y avoir des doutes quant à l'interprétation de ce qui s'est passé, mais n'y aurait-il pas moyen qu'une lettre toute simple et facile à comprendre soit envoyée à tous les députés de cette Chambre et à vos adjoints dans les régions de façon à ce qu'on ait tous le même langage, le même texte, afin qu'il n'y ait plus de doute possible quant aux quotas?
Comm. Ole Ingstrup: C'est une très bonne idée. D'ailleurs, je pense que la meilleure façon de souligner l'importance de cette question serait d'envoyer
[Traduction]
le procès-verbal et la transcription des délibérations à tous mes employés.
[Français]
C'est exactement ce qu'on va faire.
M. Jacques Saada: Ce serait magnifique parce qu'on n'a pas la prétention de croire que tout le monde suit à la lettre ce qu'on fait ici. Ce serait très bien de pouvoir mettre l'accent là-dessus.
Voici une question qui n'a rien à voir avec les quotas, heureusement. Une annonce a été faite selon laquelle vous allez recruter environ 1 000 nouveaux agents des services correctionnels au cours des trois prochaines années. Il est évident que 1 000 personnes qui arrivent dans le paysage, c'est beaucoup de monde. Des mesures ont-elles été prévues pour leur formation? Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont la formation de ces gens-là se fera dans le système?
Comm. Ole Ingstrup: Il y a trois choses à mentionner. Premièrement, pour nous, la question n'est pas seulement d'avoir 1 000 agents correctionnels additionnels. Il y a aussi le renouvellement des actuels agents correctionnels. Cela veut dire qu'au cours des trois prochaines années, on aura presque 2 500 personnes à remplacer.
On a un plan pour cela, y compris un plan de formation. On va continuer à donner 11 semaines de formation aux nouveaux agents. Ce qui est nouveau maintenant, c'est qu'au lieu de tenir compte simplement des connaissances des candidats lors de la sélection, on tient aussi compte de leur capacité d'apprendre et de leurs valeurs personnelles quant aux critères de libération conditionnelle pour s'assurer que leurs valeurs soient en accord avec celles exprimées dans la loi.
M. Jacques Saada: Merci. L'une des choses que je trouve les plus difficiles quand je vais dans mon comté, quand je parle avec mes gens,
[Traduction]
représente un très grave problème. Il s'agit d'un problème de perception lié à ce que nous avons dit il y a un instant en parlant d'autres choses. Les gens entendent parler des erreurs, des ratés et l'opinion publique a l'impression que nous ne garantissons pas adéquatement leur sécurité. Quand j'ai été nommé secrétaire parlementaire la première fois et que j'ai assisté à une réunion de l'organisation, la première chose que j'ai vue c'était un sondage d'opinion qui révélait que la Commission nationale des libérations conditionnelles avait une cote de popularité inférieure à la nôtre, ce qui n'est pas chose facile.
Croyez-vous que le Service correctionnel ou la Commission nationale des libérations conditionnelles pourrait réussir à corriger ce problème d'image? Il existe une différence entre la perception et la réalité, sauf en politique, et c'est le problème auquel nous nous heurtons ici. Pourriez-vous me dire si des mesures ont été prises, peuvent être prises ou encore sont envisagées pour tenter de rétablir la vérité dans l'esprit des gens?
M. Willie Gibbs: Monsieur le président, j'ai justement passé toute la semaine dernière en Colombie-Britannique. Il y a deux mois, je suis aussi resté une semaine dans la région de l'Atlantique et je visiterai trois autres régions et ce n'est qu'un début. Il y a deux ans, la Commission nationale des libérations conditionnelles a élaboré une stratégie d'éducation du public pour rétablir les faits. Par exemple, la semaine dernière, en Colombie-Britannique, j'ai rencontré les membres de trois comités de rédaction et j'ai participé à une tribune radiophonique en plus de visiter trois organismes d'assistance post-pénale: la Société Saint-Léonard qui y tenait son assemblée annuelle, la Société John Howard, etc.
Je peux vous garantir que nous faisons tout ce que nous pouvons pour mieux informer les gens. Nous avons le devoir de le faire. S'ils ne se laissent pas convaincre du bien-fondé de la libération conditionnelle ou de la mise en liberté sous condition, ils sont du moins renseignés. Mais il faut que les gens de la collectivité et pas uniquement les fonctionnaires d'Ottawa fassent beaucoup plus. Voilà pourquoi j'exhortais les gens de la Société John Howard et de la Société Saint-Léonard à agir car leurs maisons de transition et leurs bureaux se trouvent dans les grands centres urbains du Canada. Tous nos partenaires du système de justice pénale doivent s'employer à la même tâche. Nous devons peut-être leur donner l'impulsion, mais nous ne pouvons agir seuls.
Le président: Merci, monsieur Gibbs.
[Français]
Merci, monsieur Saada. Votre temps est écoulé.
M. Jacques Saada: C'est déjà fini? Eux ont parlé plus longtemps.
Le président: Le temps passe vite.
[Traduction]
Monsieur Abbott, chacun aura trois minutes dorénavant.
M. Jim Abbott: Trois minutes.
Quand j'ai visité une institution voisine d'un établissement à sécurité minimale où il y avait eu cinq évasions sur une période de trois ou quatre semaines, je crois, j'en suis arrivé rapidement à cette conclusion—corrigez-moi si je me trompe—que les gens qui avaient été placés dans des établissements à sécurité minimale n'auraient pas dû l'être. Autrement dit, voilà le genre de décisions que l'on prend et j'en suis arrivé à ma conclusion sur la foi de ce que m'ont dit le directeur de la prison et d'autres participants à la réunion. Ils m'ont renvoyé à l'alinéa 4d) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui enjoint le service d'utiliser les mesures les moins restrictives possible tout en assurant la protection du public, du personnel et des délinquants.
J'ai compris qu'il existe au sein du SCC une culture qui prend sa source dans la première partie de l'alinéa 4d) qui l'enjoint d'utiliser les mesures les moins restrictives possible. C'est l'impression que j'en ai retenue car j'ai aussi tenu compte du cas—je ne peux nommer le délinquant mais le fait date d'il y a quelques jours à peine—où un délinquant s'est évadé de Sumas, et ce n'est pas le seul cas de ce genre.
Cherchons l'erreur. Devrions-nous modifier cet alinéa? Il me semble que si nous imposons aux détenus le moins de restrictions possibles, ceux qui risquent de violer, de tuer et de commettre des actes de pédophilie dès qu'ils seront remis en liberté devraient être empêchés de le faire. Faudrait-il modifier cet alinéa, faudrait-il chercher à modifier cette culture? Qu'est-ce qui ne va pas?
Comm. Ole Ingstrup: Monsieur le président, il y a là plusieurs éléments. J'ai toujours pensé... Bien entendu, c'est aux politiques de décider s'il faut modifier cet alinéa ou non, mais je n'ai jamais trouvé qu'il était source de problème.
Au SCC, quand nous faisons une évaluation du risque, nous tenons compte de deux facteurs. C'est un modèle classique de gestion du risque. Le risque égale la probabilité multipliée par la gravité. Ainsi, si nous pensons qu'un individu pourrait commettre une infraction grave nous ne l'envoyons pas dans un établissement à sécurité minimale.
Est-ce qu'il arrive parfois qu'il y ait des problèmes? Oui, absolument. À l'heure actuelle, monsieur, nous examinons deux aspects de la sécurité. Nous avons créé un groupe de travail chargé d'évaluer la sécurité au SCC et de déterminer quelles mesures nous permettraient d'améliorer notre bilan qui, dans l'ensemble, n'est pas si mauvais. J'ai aussi demandé à un sous-groupe spécial sur les établissements à sécurité minimale de déterminer s'il faudrait modifier les critères ou d'autres éléments.
M. Jim Abbott: Comme le temps nous presse, me permettez-vous de dire respectueusement que cela ne fonctionne pas toujours? À voir de ces délinquants à risque élevé dont certains disent que l'on doit assurer la réinsertion dans la société et dont on sait qu'il est difficile de les contrôler lorsque arrive la date de leur libération d'office, j'en conclus respectueusement que les faits ne confirment pas vos dires.
Comm. Ole Ingstrup: C'est certainement ce que nous tentons de faire. Mais comme je l'ai dit, monsieur, nous examinons la chose à la lumière des cas que vous avez mentionnés. Un groupe spécial étudie actuellement la question. Certaines recommandations nous sont déjà parvenues et nous essayons de déterminer ce que nous pouvons faire à court terme car, comme vous, je suis assez mécontent de certains aspects de la détention en milieu ouvert même si certains autres donnent d'excellents résultats. Nous examinons donc la chose.
Le président: Merci, monsieur Ingstrup et monsieur Abbott.
Monsieur Wappel, trois minutes.
M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.
J'avais cru comprendre que le commissaire devait nous quitter à 17 h 15. Deviez-vous partir à 17 h 15, à peu près?
Comm. Ole Ingstrup: Oui.
M. Tom Wappel: D'accord. J'ai bien sûr de nombreuses questions à poser, mais en trois minutes j'aimerais aborder une question très technique, monsieur le commissaire, touchant les unités spéciales de détention.
Le 22 mars de cette année, alors qu'il était assis dans le fauteuil que vous occupez aujourd'hui, le représentant de l'Association des avocats en droit carcéral du Québec, M. Stephen Fineberg, nous a demandé de vous poser une question, ce que je vais faire maintenant. Cela concerne la directive 551 du commissaire dont vous savez, j'en suis certain, qu'elle touche aux unités spéciales de détention. Vous pouvez émettre des directives conformément à l'article 97, lequel renvoie à l'article 30, et qui concerne les trois catégories de détenus: ceux des établissements à sécurité maximale, moyenne ou minimale.
La directive du commissaire numéro 551 concerne les gens qui ne peuvent pas être placés dans un établissement à sécurité maximale. D'ailleurs, le tout premier objectif de la directive du commissaire numéro 551 concernant les unités spéciales de détention dit:
-
Créer un environnement dans lequel les détenus dangereux sont
encouragés à agir de façon responsable afin de faciliter leur
intégration dans un établissement à sécurité maximale et où ils
reçoivent l'aide voulue pour ce faire.
Comme on nous a demandé d'examiner la loi afin de déterminer s'il faut y ajouter des dispositions ou en supprimer, n'imaginez pas que j'ai un but inavoué lorsque je pose cette question. Il nous a chargés de vous demander sur quel pouvoir juridique s'appuie le commissaire pour la directive 551. À votre avis, est-ce en vertu de l'article 97 ou d'une autre disposition?
• 1715
J'ai une question complémentaire, à savoir si vous croyez que
nous devrions dire expressément que la directive 551 a un fondement
juridique, par exemple en ajoutant à l'article 30 une catégorie
supplémentaire dite «spéciale».
Comm. Ole Ingstrup: Je réponds sans avoir pu réfléchir à la question, mais j'ai toujours pensé qu'une unité de détention spéciale constitue une catégorie très spéciale dans un établissement à sécurité maximale. Il s'agit d'un établissement à sécurité maximale mais qui comporte des caractéristiques spéciales.
Quand vous avez lu la directive, il m'est venu à l'esprit que nous pourrions simplement ajouter à la directive 551, article 1, «retour à un établissement à sécurité maximale ordinaire». Je pense que nous n'avons pas besoin de dispositions autres que celles qui se trouvent déjà dans la loi. Il faudrait peut-être apporter une légère précision dans la directive du commissaire même.
Mais, monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir à votre question et consulter nos avocats pour savoir s'ils ont une positions différente de la mienne et je vous ferai ensuite parvenir ma réponse.
Le président: Nous vous en serions reconnaissants, monsieur le commissaire, si vous pouviez nous faire parvenir une réponse sur cette question d'ordre technique.
Comm. Ole Ingstrup: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Je crois que c'est l'heure où vous devez nous quitter, ou avez-vous encore un peu de temps?
Comm. Ole Ingstrup: Pour cette fois-ci, je suis désolé, mais je dois partir. J'aimerais vous remercier de vos questions et je suis tout à fait disposé à revenir quand...
Le président: Merci d'être venu aujourd'hui. Comme nous l'avons dit dès le départ, il se peut que le comité vous invite de nouveau.
Comm. Ole Ingstrup: J'en serais ravi.
Le président: Comme nous déposerons notre rapport à l'automne, nous aurons amplement le temps d'ici là de prendre des arrangements.
Monsieur Gibbs, je vous remercie de votre patience. Si vous voulez nous livrer votre déclaration préliminaire, nous pourrons ensuite passer aux questions.
M. Willie Gibbs: Monsieur le président, pourrions-nous d'abord faire une pause d'une minute et demie? Je sais que ce n'est pas tout à fait dans les règles mais cela me rendrait service.
Le président: On m'accuse souvent de faire souffrir les députés. Mais nous pouvons certainement faire une pause.
[Français]
Nous allons faire une pause de cinq minutes.
[Traduction]
M. Willie Gibbs: Merci.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Monsieur Gibbs, si vous voulez nous faire votre exposé préliminaire, les députés pourront ensuite vous poser des questions.
M. Willie Gibbs: Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous présenter mes deux collègues:
[Français]
Mme Renée Collette, vice-présidente de la commission ici, à Ottawa, et Mme Gertrude Lavigne, conseillère juridique,
[Traduction]
qui travaille aussi au siège social.
Après avoir comparu deux fois récemment devant le Comité permanent et avoir répondu à une question pendant deux minutes à peine, je suis très heureux d'être ici de nouveau aujourd'hui pour discuter de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et aborder quelques questions importantes.
En premier lieu, je tiens à féliciter les membres du comité pour les travaux qu'ils ont accomplis dans le cadre de l'examen de la LSCMLC. J'ai suivi le déroulement de ces travaux avec beaucoup d'intérêt, et je crois que vos efforts ont permis de produire une mine de renseignements afin d'améliorer les services correctionnels et la mise en liberté sous condition au Canada. Vos efforts ont également servi d'exemple de l'engagement des citoyens en offrant aux Canadiens la possibilité concrète d'avoir leur mot à dire au sujet des questions qui revêtent de l'importance à leurs yeux. J'ai été très heureux de constater que plusieurs des mémoires que vous avez reçus et des témoins que vous avez entendus ont exprimé un appui sans réserve à la mise en liberté sous condition et à la réinsertion sociale sécuritaire des délinquants.
[Français]
Les programmes et les lois sur la mise en liberté sous condition ne sont pas un phénomène nouveau au Canada puisqu'ils ont 100 ans d'existence. En fait, l'année 1999 marque le 100e anniversaire de la mise en liberté sous condition au Canada. À mon avis, ce centenaire témoigne de trois faits importants. Il traduit les valeurs de compassion et d'équité chères aux Canadiens, qui reconnaissent que les gens peuvent changer et changent réellement, et que les délinquants peuvent devenir des citoyens respectueux des lois. Ce centenaire illustre la détermination constante des législateurs canadiens à l'égard de la mise en liberté sous condition et de la sécurité du public et les efforts qu'ils ne cessent de déployer pour préciser et améliorer la loi dans ce domaine. De plus, il montre que la libération conditionnelle produit des résultats.
• 1730
Nos rapports annuels sur le rendement
présentés au Parlement font ressortir l'efficacité de
la libération conditionnelle et l'amélioration de nos
résultats. Le système n'est pas parfait, mais c'est
encore le meilleur dont nous disposons. Il s'agit
d'une approche canadienne à la criminalité et à la
sécurité que nous nous employons sans cesse à
améliorer.
L'examen de la loi témoigne éloquemment des efforts déployés pour y arriver. À ce propos, j'aimerais vous entretenir brièvement de la vision de la commission pour le prochain millénaire et de nos efforts visant à nous améliorer constamment, cela dans toutes nos sphères d'activité. Il s'agit de mieux évaluer le risque; d'améliorer notre prise de décisions; d'accroître la participation des victimes au processus; de mieux comprendre la diversité culturelle; de répondre plus efficacement aux besoins des délinquants autochtones et de leurs collectivités; de recourir à des méthodes plus efficaces pour accroître la compréhension du public et obtenir son appui à l'égard de la mise en liberté sous condition en tant que stratégie protégeant la sécurité du public; et, finalement, de conclure de meilleurs partenariats avec la collectivité pour qu'elle soutienne un programme efficace de la mise en liberté sous condition.
[Traduction]
J'ai joint le document sur la Vision à mes observations préliminaires lorsque je les ai remises au comité. J'espère que vous trouverez ce document utile au moment de l'examen de la Loi.
Bien que la Vision soit notre guide pour l'avenir, notre cadre législatif jouera un rôle de premier plan dans les progrès que nous accomplirons en vue de la réalisation de la Vision.
La LSCMLC est fondamentalement une bonne loi. Lorsqu'elle a été proclamée en 1992, elle a constitué une étape importante dans le domaine des services correctionnels et de la mise en liberté sous condition au Canada. Elle a remplacé la Loi sur les pénitenciers et la Loi sur la libération conditionnelle de détenus par un cadre législatif moderne, équitable et respecté à l'échelle internationale. De par la loi, la Commission doit assurer la sécurité du public, faire preuve de transparence, rendre des comptes, respecter les besoins et les droits des victimes et prendre des mesures pour répondre aux besoins des groupes spéciaux de délinquants, y compris les Autochtones et les femmes.
Selon son libellé actuel, la Loi fournit à la Commission un grand nombre des outils dont elle a besoin pour s'acquitter de son mandat avec efficacité. Cependant, à mon avis, il y a quelques modifications à apporter pour permettre aux victimes d'avoir un rôle plus important dans le processus de mise en liberté sous condition et pour améliorer la qualité des décisions prises par la CNLC.
Le solliciteur général a déjà soulevé la question de l'examen expéditif, alors je ne l'aborderai pas dans mes observations préliminaires. Comme le solliciteur général a également soulevé la question relative aux victimes, j'aimerais vous fournir plus de détails sur le sujet.
La LSCMLC confère aux victimes le droit d'obtenir certains renseignements, d'observer les audiences de libération conditionnelle et d'avoir accès aux décisions de la CNLC au moyen du registre des décisions de la Commission. Ces dispositions constituaient une première étape importante. Elles ont permis de jeter des bases solides, mais nous sommes maintenant prêts à aller plus loin, et le rapport du comité permanent intitulé Les droits des victimes: Participer sans entraver nous montre la voie à suivre. Le rapport formule 17 recommandations pour améliorer la qualité de l'information et l'aide aux victimes dans le système de justice, y compris deux qui touchent directement la Commission.
Selon la première recommandation, les victimes devraient avoir le droit de lire une mise à jour de la déclaration de la victime, en personne ou sur bande audio ou vidéo, aux audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles. La Commission souscrit à cette recommandation. Avant de mettre en oeuvre les dispositions législatives à cet effet, il faudra prendre soin de s'assurer, par exemple, que les audiences ne deviennent pas contradictoires, mais nous croyons que cette approche créera un processus plus ouvert, plus transparent et plus efficace pour la prise de décisions en matière de mise en liberté sous condition et qu'elle permettra de mieux préparer les cas, de mieux communiquer l'information et de mieux évaluer le risque en vue d'une libération.
• 1735
Aux termes de la deuxième recommandation, la Commission
devrait permettre aux victimes de consulter les bandes sonores ou
les transcriptions des audiences de mise en liberté sous condition.
La Commission accepte la proposition de mettre les bandes sonores
à la disposition des victimes. En fait, nous produisons
actuellement des enregistrements des audiences de sorte que la mise
en oeuvre de cette approche se concentrera sur l'accès et le
contrôle appropriés des bandes sonores, les questions de respect de
la vie privée, etc.
Nous avons cependant de sérieuses réserves en ce qui concerne l'utilisation des transcriptions des audiences. À notre avis, la production de ces transcriptions perturbera le processus des audiences, exigera beaucoup de personnel et sera très coûteuse. En outre, la plupart des renseignements des transcriptions, surtout les éléments clés relatifs à l'évaluation du risque, figurent déjà dans le registre des décisions de la Commission.
[Français]
La sécurité du public est notre principale priorité. Pour assurer cette sécurité, il est essentiel de prendre des décisions judicieuses quant au moment et aux conditions de la mise en liberté des délinquants. Pour qu'il y ait des décisions de qualité, il faut des décideurs de qualité, c'est-à-dire des professionnels spécialisés qui se qualifient pour une nomination à la commission en fonction des principes de la compétence et du mérite.
Certains d'entre vous se souviennent sans doute que nous avons commencé à remanier notre processus de sélection des membres à la commission il y a environ cinq ans. Il en a découlé un nouveau processus de sélection comportant quatre étapes principales: d'abord l'annonce de postes vacants dans la Gazette du Canada; l'évaluation des démarches par rapport à des critères précis, comme la connaissance et l'expérience de la justice pénale, et une capacité d'analyse manifeste; la tenue d'entrevues avec les candidats qui satisfont aux critères afin de créer une liste des meilleurs candidats qualifiés; et, finalement, la soumission de la liste des candidats à l'examen du solliciteur et la recommandation au gouverneur en conseil.
Ce processus reflète les principes de la compétence et du mérite et a contribué à améliorer la qualité des décisions de la commission. Par conséquent, nous aimerions que ce processus et ces principes soient officiellement reconnus et protégés.
En guise de conclusion, j'aimerais soulever deux questions qui ne concernent peut-être pas la loi, mais qui revêtent tout de même une importance cruciale dans le domaine correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le solliciteur général a fait état, plus tôt cet après-midi, de la surreprésentation des autochtones dans la population carcérale. Pendant plusieurs années, la commission a collaboré avec ses partenaires de la justice pénale pour régler cette question et nous avons réalisé des progrès dans le cadre d'initiatives comme les audiences à l'aide d'Aînés, une formation adaptée aux différences culturelles, et la nomination d'autochtones parmi les membres et le personnel de la commission. Cependant, il reste beaucoup à accomplir si nous voulons aborder avec efficacité la question relative aux autochtones.
[Traduction]
Enfin, je tiens à traiter de la question de l'information du public. J'en ai déjà parlé. Au cours des dernières années, nous avons recueilli des données qui confirment que la libération conditionnelle donne des résultats, que la mise en liberté graduelle des délinquants dans la société constitue une stratégie efficace permettant d'assurer la sécurité du public. Cet état de fait est cependant en grande partie méconnu du public et des médias au Canada. La Commission est déterminée à faire connaître aux Canadiens les succès remportés par la libération conditionnelle au moyen d'information appropriée au public. Les activités qui marqueront le 100e anniversaire de la libération conditionnelle et le 40e anniversaire de la création de la Commission nationale des libérations conditionnelles serviront de base à ces efforts, et nous projetons d'intensifier ces activités au cours de l'année à venir.
• 1740
J'ai donc été très heureux de constater dans les travaux du
comité qu'il a reçu de nombreux témoignages selon lesquels la
dissémination d'information au public est considérée comme une
priorité importante au cours de l'examen de la LSCMLC.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur Gibbs. On a 30 minutes avant que les cloches ne sonnent pour le vote. Nous sommes cinq et je vous suggère donc des tours de cinq minutes.
[Traduction]
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Merci.
Merci, monsieur Gibbs, de votre présence ici aujourd'hui.
Je me demande si vous pourriez nous aider à faire la part des choses. Avez-vous une idée du nombre de personnes qui bénéficient d'une libération conditionnelle ou d'une libération d'office qui sont en liberté sans surveillance; c'est-à-dire des personnes qui ont en fait violé les conditions de leur libération et dont la Commission ne sait pas où elles sont? Combien y aurait-il de délinquants au Canada qui appartiendraient à cette catégorie?
M. Willie Gibbs: Si je comprends bien votre question, vous me demandez combien de personnes qui ont été libérées conditionnellement ou d'office sont illégalement en liberté.
M. Jim Abbott: Oui.
M. Willie Gibbs: Je ne suis pas sûr que nous ayons une ventilation aussi détaillée. Je crois que les personnes libérées conditionnellement ou d'office se trouvent peut-être dans la même catégorie que celles qui se sont évadées d'un établissement carcéral. Cette catégorie inclut peut-être aussi les absences temporaires. Je crois qu'il y en aurait environ 900, et je ne fais que deviner. Il faut comprendre aussi que le chiffre inclut les personnes illégalement en liberté depuis des dizaines d'années, car une fois qu'on est illégalement en liberté, on l'est de façon indéfinie.
M. Jim Abbott: Il s'agit sans doute là de quelque chose qui préoccupe les autorités.
M. Willie Gibbs: Absolument.
M. Jim Abbott: Avez-vous une idée de ce qui se fait pour remédier au problème?
M. Willie Gibbs: Nous sommes tout particulièrement préoccupés, tout d'abord, quand ce sont des délinquants condamnés à perpétuité qui échappent à la justice pendant qu'ils sont en liberté surveillée, car ils ont bien entendu été incarcérés pour les infractions les plus graves qu'on puisse commettre. Nous aimons, dans ces cas-là, conseiller à la police de s'attacher en priorité à retrouver ces délinquants, ou quelque autre délinquant qui soit en liberté et qui ait des tendances extrêmement violentes.
Je siège depuis longtemps au Comité national mixte de l'Association canadienne des chefs de police et des Services correctionnels fédéraux, et nous rappelons constamment à nos collègues de la police d'organiser leurs priorités de cette façon. Dans certains cas, on nous écoute, dans d'autres, on ne nous écoute pas.
M. Jim Abbott: Sur un sujet directement lié à cela, j'ai vu hier dans un journal de Calgary un article intéressant où il était question d'un certain Kenneth Gordon Savage. Je peux peut-être vous faire part de certains des détails. Ce n'est pas tellement son cas comme tel qui m'intéresse, mais sa valeur exemplaire.
Dans un des documents relatifs à sa libération conditionnelle, on dit:
-
À 21 ans, vous avez commencé à purger une peine préventive en tant
que délinquant sexuel dangereux à compter du 9 mars 1967 pour avoir
violé en juillet 1966 une petite fille de trois ans et demi. La
victime avait été retrouvée dans des buissons, sans connaissance et
le visage tuméfié.
Plutôt que d'entrer dans les détails et pour ne pas prendre trop de temps, je dirai simplement que cet individu a un casier judiciaire long de 30 ans. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qu'a dit le chroniqueur:
-
C'est intéressant, n'est-ce pas, de constater que lorsque les
psychiatres disent qu'un détenu ne pose pas de risque pour la
société, on tient toujours compte de leur avis, mais que lorsque
les mêmes psychiatres disent qu'un détenu est un danger pour la
société, on ne tient souvent pas compte de leur avis.
Auriez-vous quelque chose à dire au sujet de cette affirmation?
M. Willie Gibbs: J'ai du mal à concevoir que le même psychiatre puisse dire que quelqu'un ne présente pas de risque pour la société et aussi qu'il pourrait être violent. C'est bien ce que vous dites?
M. Jim Abbott: Je crois que ce sur quoi on veut mettre l'accent ici, c'est qu'il y avait trois personnes à l'audience de libération conditionnelle et qu'une d'entre elles a tenu compte de l'avis du psychiatre et voulait retarder la libération du détenu, qui, à ce moment-là—et il a perpétré des infractions sexuelles violentes sur les plus innocents de notre société sur une période de 30 ans—avait purgé quatre de ses sept ans d'emprisonnement et pouvait donc être libéré d'office. On l'a tout simplement remis en liberté.
Plutôt que de jeter la pierre à la Commission nationale des libérations conditionnelles, je vous demande finalement, en tant que président de cette Commission, ce qu'il faut faire en droit pour protéger les petites filles de trois ans et demi contre un animal de cette espèce.
M. Willie Gibbs: Je crois qu'on a déjà dans la loi, à la partie II, qui traite des libérations conditionnelles, des paramètres très clairs à suivre pour évaluer les détenus comme celui dont vous parlez. Il arrive qu'avec la meilleure volonté du monde dans les services correctionnels et à la Commission des libérations conditionnelles, on ne prenne pas la bonne décision. C'est un jugement qu'on peut porter après coup ou avec le recul, mais au moment de prendre la décision... Encore là, je n'ai pas les détails du cas.
M. Jim Abbott: Pardonnez-moi si je suis exaspéré, mais on a là un individu qui s'en est pris à des jeunes filles innocentes pendant 30 ans et qui a purgé quatre ans de sa peine de sept ans. Est-ce à cause d'une mauvaise décision de la part des commissaires ou est-ce à cause d'une lacune dans notre loi? Où est le problème? Pourquoi a-t-on remis cet individu en liberté après qu'il a purgé quatre ans de sa peine de sept ans alors qu'il avait manifesté une telle prédilection constante pour la violence et qu'il avait causé un tort irréparable à ces jeunes filles innocentes?
M. Willie Gibbs: Au moment où ils ont pris la décision, les commissaires estimaient, au meilleur de leurs connaissances, qu'il ne présenterait pas de risque. Je le répète, je ne connais ni les conclusions ni les recommandations qui ont été faites dans ce cas-là, je ne sais pas ce qu'on a dit ni rien d'autre, si bien que je suis un peu pris au dépourvu, mais j'indique clairement qu'au moment de l'examen de son cas, la personne à qui on envisage d'accorder une libération conditionnelle de jour ou totale ne devrait plus être considérée comme une personne violente, même si elle a déjà été reconnue coupable d'actes de violence et condamnée, parfois à une peine très longue, pour une ou plusieurs infractions violentes. D'accord?
Le président: Merci, monsieur Abbott.
[Français]
Monsieur Marceau, cinq minutes.
M. Richard Marceau: Monsieur Gibbs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Vous avez dit dans vos remarques d'introduction que vous étiez généralement assez satisfait de la loi telle qu'elle était à l'heure actuelle.
Or, lors de toutes les audiences du sous-comité, la question de la procédure d'examen expéditif a été soulevée assez régulièrement. Premièrement, l'actuelle procédure d'examen expéditif vous satisfait-elle?
M. Willie Gibbs: Pas tout à fait.
M. Richard Marceau: Qu'est-ce que vous y changeriez?
M. Willie Gibbs: Je pense que le concept de l'examen expéditif est bon. Lorsqu'une personne est incarcérée pour la première fois, pour un délit non violent, il vaut la peine de se pencher sur son cas aussitôt que possible et... [Note de la rédaction: Inaudible] ...la date d'admissibilité.
Le problème, c'est que nous devons faire la preuve de notre conviction qu'une personne particulière risque de commettre plus tard des délits violents. Les personnes qui sont incarcérées pour des délits non violents incluent non seulement des personnes qui ont commis des crimes contre la propriété et de la fraude, mais aussi des personnes qui ont fait du trafic de drogue. Ces personnes sont toutes admissibles.
M. Richard Marceau: Donc, vous voudriez que les gens qui ont été condamnés pour trafic de drogue ou pour blanchiment d'argent ne soient pas admissibles à la procédure d'examen expéditif.
M. Willie Gibbs: Exactement. On est tout à fait d'accord sur le concept d'examen expéditif. Ce sont les critères qui posent des problèmes.
M. Richard Marceau: Je suis content de vous entendre dire cela. J'ai déposé, il y a déjà plusieurs mois, un projet de loi qui allait dans ce sens-là. Je suis donc content de connaître votre position là-dessus.
Un des éléments qui étaient troublants pour plusieurs personnes était le caractère automatique de la procédure d'examen expéditif. Certaines personnes disaient qu'il faudrait qu'il y ait à tout le moins un examen de la part de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour voir si la personne en question devrait bénéficier de la procédure d'examen expéditif. Bref, il faudrait revenir un peu à ce qui se faisait auparavant. Êtes-vous d'accord avec ces gens ou si vous croyez que le caractère automatique de la PEE devrait demeurer?
M. Willie Gibbs: Toute libération par présomption préoccupe la commission, et c'est ce qui se passe ici. Ce n'est pas nécessairement aussi automatique que les gens le pensent, mais nous nous penchons sur tous les cas et nous devons faire la preuve que nous sommes convaincus que la personne va commettre un crime violent. Il me semble qu'il y a des crimes qui ne sont pas nécessairement violents, mais qui ne sont pas du tout acceptables, comme le trafic de drogue, la fraude, etc. C'est pour interdire ces choses inacceptables qu'on a un Code criminel.
M. Richard Marceau: D'accord.
M. Willie Gibbs: Que nous fassions l'examen sur dossier ou en audience, nous pouvons être convaincus que la personne va sortir et commettre ces délits. À moins que nous soyons convaincus qu'elle commettra un crime violent, nous devons la relâcher.
M. Richard Marceau: Voilà. Est-ce que le problème n'est pas là? Est-ce qu'on ne devrait pas renverser le fardeau de la preuve? Ne devrait-on pas obliger la personne qui veut bénéficier de la procédure d'examen expéditif à prouver qu'elle mérite d'en bénéficier, plutôt que d'obliger votre organisme à faire la preuve qu'elle est convaincue que la personne commettra un acte violent si elle sort?
M. Willie Gibbs: Bien sûr, nous préférons votre première hypothèse.
M. Richard Marceau: Pouvez-vous me décrire le rôle que joue actuellement la Commission nationale dans un cas de procédure d'examen expéditif? Qu'est-ce que vous faites exactement?
M. Willie Gibbs: Le cas nous est présenté. Je dois également dire qu'il est encourageant de voir que, parce que la loi oblige l'examen expéditif, tous les cas nous arrivent bien à temps pour qu'ils puissent être réglés à la date d'admissibilité.
Donc, lorsque le cas nous est présenté, nous faisons un examen sur papier au bureau. Lorsque nous n'avons aucune raison de croire que la personne commettra un crime violent, nous la relâchons sur papier. Lorsque nous avons un doute quelconque, nous envoyons deux commissaires pour faire une audience, mais le critère demeure le même: la personne a commis un crime non violent et elle ne risque pas de commettre un crime violent après sa sortie.
Donc, on fait d'abord un examen sur dossier au bureau et ensuite, si c'est nécessaire, il y a une audience. Il n'y a pas une audience dans tous les cas.
Le président: Merci, monsieur Gibbs et monsieur Marceau.
[Traduction]
Monsieur MacKay, vous avez cinq minutes.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et merci pour votre présence ici aujourd'hui et pour votre exposé, monsieur Gibbs.
Vous n'avez pas de système 50-50 à la Commission nationale des libérations conditionnelles?
M. Willie Gibbs: Non. Je tiens à le préciser pour le compte rendu, nous examinons et nous évaluons chaque cas selon ses mérites.
M. Peter MacKay: Je suppose que vous vous fondez en grande partie sur les recommandations du SCC, c'est-à-dire que vous recevez un rapport du SCC préalablement à la tenue de chaque audience de libération conditionnelle, et vous avez généralement une recommandation bien précise qui vous est faite dans ce rapport. N'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: C'est bien cela.
M. Peter MacKay: Vous me corrigerez si je me trompe, mais il me semble que vous passez rarement outre aux recommandations du SCC. Dans sa décision, la Commission des libérations conditionnelles insisterait lourdement sur les faits qui lui ont été transmis.
M. Willie Gibbs: Non, là je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur MacKay. Nous appelons cela le taux de convergence entre le SCC et la CNLC qui est, je crois, d'environ 80 p. 100. Alors oui, dans 80 p. 100 des cas ce serait vrai mais pas dans les 20 p. 100 qui restent. Encore une fois, nous ne tenons pas un tel compte. C'est tout simplement ainsi que les choses se font.
Nous sommes toutefois très attentifs à la présentation du dossier et à son contenu. Les rapports ne proviennent pas d'une seule personne. Au bout du compte, le surveillant de libérés conditionnels assiste à l'audience pour y présenter la plus récente recommandation du SCC. Mais nous disposons aussi des rapports du tribunal, de la poursuite, de la police, des psychologues et tout autre rapport pertinent qui pourrait nous être remis. Ainsi, si le surveillant de libérés conditionnels fait une appréciation trop positive, nous pouvons lui demander ce qu'il en est de tel ou tel autre rapport? En outre, notre entrevue avec le délinquant peut durer d'une demi-heure à une heure et demie. Nous devons nous assurer de l'absence de tout risque indu.
M. Peter MacKay: Bien sûr, et je sais bien qu'il y a d'autres critères très importants dont le témoignage des détenus eux-mêmes. Mais je persiste à croire que le rapport du SCC a énormément de poids. Je ne tente pas de semer la dissension ou de provoquer la paranoïa entre vos deux organisations mais si le SCC devait faire une recommandation erronée, tirer des conclusions trop optimistes ou faire des déclarations dans le rapport qui ne refléteraient pas la situation au sein de l'établissement, la CNLC n'a aucun moyen indépendant de vérifier le bien-fondé de la recommandation, c'est-à-dire l'évaluation du bon comportement du détenu. Vous comptez absolument sur la fiabilité des renseignements que vous fournit le SCC.
M. Willie Gibbs: J'aurais énormément de mal à croire que les rapports qui nous sont faits seraient délibérément rédigés de façon à nous induire en erreur car il n'y a pas que le surveillant de la libération conditionnelle de l'établissement qui soit en mesure de nous renseigner. Ainsi, je crois que pour l'essentiel ce n'est pas le cas. Nous devons néanmoins poser les bonnes questions pour vérifier la fiabilité de l'information et nous assurer d'avoir tous les renseignements pertinents avant de prendre notre décision.
M. Peter MacKay: Monsieur Gibbs, le système correctionnel actuel comporte un poste d'enquêteur correctionnel qui dispose d'un budget de plus de 1 million de dollars. L'un des problèmes mentionnés dans le rapport du vérificateur général c'est le manque de mécanisme de partage de l'information entre le SCC et la CNLC. D'ailleurs, c'est l'une des principales plaintes des victimes. On nous l'a répété souvent pendant nos audiences à la suite desquelles nous avons publié le rapport que vous avez déjà mentionné et qui s'intitule Les droits des victimes: Participer sans entraver.
Comment accueillez-vous l'idée de la création d'un poste d'ombudsman des victimes, modelé sur l'enquêteur correctionnel, qui aurait pour mandat de renseigner les familles des victimes, dont M. et Mme Solomon et Mlle McCuaig qui ont de sérieuses réserves quant au fonctionnement du système notamment en ce qui a trait aux dates d'admissibilité à la libération conditionnelle, à l'emplacement, à la procédure et au partage d'information qui fait parfois défaut.
• 1800
Il y a eu récemment un exemple dans le cas du meurtre de
Cameron Alkins. L'auteur du crime a été remis en liberté et la mère
n'en a rien su jusqu'à ce qu'elle lise un compte rendu dans les
journaux. À mon avis, s'il existait un bureau central fédéral aussi
connu que le poste d'enquêteur correctionnel, cela contribuerait
énormément à corriger certaines des iniquités du système.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Gibbs, je vous prierais de nous donner une réponse concise.
M. Willie Gibbs: Je ne crois pas être en mesure de faire des recommandations ou de donner un avis sur un poste d'ombudsman. Je peux vous expliquer comment nous tentons de travailler de concert avec les victimes et les groupes de défense des droits des victimes...
M. Peter MacKay: Serait-il utile d'ajouter cela à vos mécanismes de liaison avec les victimes?
M. Willie Gibbs: D'abord, dès que des groupes ou des personnes qui défendent les intérêts des victimes, comme Priscilla de Villiers de CAVEAT ou M. Steve Sullivan, communiquent avec nous pour obtenir de l'information, nous tentons de répondre le plus rapidement possible. En outre, dans tous nos bureaux régionaux, il y a deux ou trois personnes chargées d'assurer la liaison avec les victimes et certaines sont même des employés du SCC afin que nous donnions tous les mêmes renseignements dans le but d'éviter toute confusion.
Le président: Merci, monsieur Gibbs.
M. Willie Gibbs: Je pense que c'est le mieux que nous puissions faire pour l'instant. Quant à savoir si nous pourrions améliorer le système, je n'en sais rien.
Le président: Merci. Nous passons maintenant à M. Wappel, pour cinq minutes.
M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.
Monsieur Gibbs, j'aimerais prendre mes cinq minutes pour parler des procédures d'examen expéditif mais j'aimerais d'abord vous poser une première question assez inhabituelle. Connaissez-vous l'article 109?
M. Willie Gibbs: Vous parlez de la loi?
M. Tom Wappel: Oui. Avez-vous la loi devant vous? Je savais que vous l'auriez. Il s'agit de l'article 109 à la page 47. Pour la gouverne de ceux qui n'ont pas la loi en main, cet article dit que la Commission peut annuler toute ordonnance d'interdiction rendue par un tribunal. J'aimerais savoir si la Commission s'est déjà prévalu de cet article et, si oui, combien de fois. Si vous ne connaissez pas la réponse, vous pourriez vous engager à nous la faire parvenir, ce serait parfait.
M. Willie Gibbs: Si je connais mal cet article c'est que je n'ai jamais, dans les cinq ans depuis mon arrivée à la Commission, entendu parler d'un cas où la Commission l'aurait invoqué. Cela ne veut pas dire que nous ne l'avons pas fait, mais je n'ai souvenir d'aucun cas. C'est tout nouveau pour moi.
M. Tom Wappel: D'accord. Vous pourriez peut-être demander à vos fonctionnaires de vérifier si cet article a déjà été utilisé et, dans l'affirmative, combien de fois et dans quelles circonstances.
M. Willie Gibbs: Bien sûr, nous ferons cela.
M. Tom Wappel: D'accord. Merci.
Pour ce qui est de la procédure d'examen expéditif, le tout dernier témoin qui a comparu devant nous à Montréal était M. Patrick Altimas de Maison L'Intervalle de Montréal. Les tout derniers mots qu'il nous a dits étaient «la procédure d'examen expéditif est un simulacre de libération conditionnelle». Il s'occupe de dossiers liés à la santé mentale et il nous a expliqué sa position. Ce constat très dur m'a semblé une conclusion intéressante à nos audiences publiques.
J'ai ensuite écouté votre évaluation de la procédure d'examen expéditif et j'aimerais aborder quelques points. Vous avez dit que cette procédure est réservée à ceux qui en sont à leurs premiers démêlés avec la justice et qui n'ont pas commis de crime avec violence. Bien entendu nous savons que cela n'a pas le sens que lui donnerait le commun des mortels. Vous voulez parler d'un détenu purgeant une première peine sous responsabilité fédérale.
M. Willie Gibbs: C'est ce que je croyais avoir dit mais si ce n'est pas le cas, je vous remercie de cette correction. Il s'agit d'une première peine pour une infraction non violente. Le délinquant peut être admissible même s'il a commis une infraction violente, que ce soit deux ans ou dix ans auparavant.
M. Tom Wappel: J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'exemple suivant en votre qualité de président de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Supposons qu'une personne ait été condamnée pour une infraction violente à six mois de détention dans une prison provinciale. Supposons que cette personne ait été condamnée pour cinq, six voire sept infractions punissables au niveau provincial avant d'être renvoyée au système fédéral après cinq, six ou sept infractions d'entrée par effraction, que certains considéreraient être une infraction violente—surtout quand c'est à vous que cela arrive—mais qui est réputée ne pas en être une. J'aimerais savoir si, en votre qualité de président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, vous êtes satisfait des critères actuels—à savoir un détenu purgeant une première peine pour un crime sans violence sous responsabilité fédérale—ou croyez-vous que nous devrions réviser ce critère pour préciser que la procédure d'examen expéditif ne s'applique qu'aux détenus purgeant une première peine et qui plus est, pour un crime sans violence? Qu'en pensez-vous?
M. Willie Gibbs: Premièrement, je ne suis pas d'accord avec ce critère. Je crois l'avoir déjà dit. Lorsqu'il s'agit d'une personne qui est incarcérée dans un pénitencier pour la première fois mais qui a déjà écopé de six ou huit peines d'emprisonnement au niveau provincial, on peut difficilement la décrire comme délinquant primaire. C'est-à-dire qu'elle est dangereusement sur la pente de la criminalité.
Deuxièmement, dans le cas où le détenu aurait commis un crime avec violence dans le passé, nous enverrions deux commissaires pour tenir une audience dans le but d'étudier en détail l'ensemble de son comportement antérieur afin de s'assurer qu'il ne pourrait pas sortir au cours des deux prochaines années—selon le temps qui reste jusqu'à l'expiration du mandat—et commettre un crime avec violence.
À la toute fin vous avez posé une autre question, mais je l'ai manquée.
M. Tom Wappel: J'ai demandé si le crime devrait être un crime sans violence.
M. Willie Gibbs: D'accord, je m'excuse. Vous avez demandé s'il y aurait lieu de le limiter aux détenus incarcérés dans un établissement fédéral qui en sont vraiment à leur première peine, et je vous répondrais que pas plus de 1 p. 100, sinon moins, de ceux qui purgent une peine sous responsabilité fédérale pour un crime sans violence n'aurait pas d'autre délit dans leurs casiers judiciaires. On pourrait dire que cela ne s'applique pas.
M. Tom Wappel: Eh bien, c'est justement ce à quoi je veux en venir. Si on tenait compte des peines au niveau provincial, alors l'examen expéditif s'appliquerait à beaucoup moins de délinquants, n'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: Oui.
M. Tom Wappel: Et cela relève du domaine de la gestion, et du nombre de détenus dans nos prisons, et des chiffres, et le ratio 50-50 ou 60-40, quelle que soit la façon de le décrire, etc. N'est-ce pas?
M. Willie Gibbs: Oui.
M. Tom Wappel: Pour ma dernière question, je ne veux pas couper les cheveux en quatre, mais je veux être clair. Aux termes de la loi, la Commission doit être convaincue qu'il n'existe aucun motif raisonnable de croire que le délinquant commettrait un crime avec violence—et je crois que vous avez utilisé les mots «une preuve convaincante» qu'il ne commettrait pas un crime avec violence. Que pensez-vous de cette expression «preuve convaincante» par opposition à «motif raisonnable»?
M. Willie Gibbs: Je regrette mon mauvais choix de mots. On devrait parler de «motif raisonnable».
M. Tom Wappel: C'est précisément ce que je veux dire. Ne croyez-vous pas que c'est un fardeau trop onéreux?
M. Willie Gibbs: On n'aurait pas dû mentionner le mot «preuve».
M. Tom Wappel: Ma question est celle-ci: Croyez-vous que «pas de motif raisonnable» impose un fardeau trop onéreux, ou est-ce qu'on devrait parler plutôt de la prépondérance des probabilités?
M. Willie Gibbs: Je ne crois pas que c'est la question centrale ici, parce que nous devons évaluer la probabilité de récidive en général. Je crois que notre bilan est plutôt positif à cet égard. Je trouve difficile à accepter qu'un détenu puisse se voir accorder une libération conditionnelle lorsqu'on croit que cette personne, une fois libérée, ne commettra pas un crime de violence, même si on croit qu'elle commettra un crime sans violence? Il y a quelque chose qui cloche là-dedans.
Le président: Merci, monsieur Gibbs.
Je sais que c'est le tour de l'opposition et que le timbre est sur le point de retentir, mais j'aimerais demander à l'opposition de me permettre de faire une entorse à la règle pour permettre à M. Grose, un membre qui a participé au voyage dans toutes les cinq régions et qui n'a pas manqué une seule réunion, de poser ses questions.
M. Jim Abbott: Nous sommes pleins de bonne volonté.
Le président: Merci.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.
Monsieur Gibbs, est-ce que le niveau actuel de surveillance des libérations conditionnelles nous permettra d'éliminer ou de réduire le nombre de quasi-délits? Le chiffre de 2 000 en un an me dérange un peu. Le fait que ce sont des manquements techniques pourraient à mon avis signifier une surveillance qui n'est pas tout à fait assez intense. Si un libéré conditionnel récidive, eh bien, c'est qu'il en avait l'intention et je ne crois pas qu'une surveillance intense pourrait faire la différence. Vous allez probablement répondre automatiquement que, oui, ça va bien, merci. Écoutez, si vous n'avez pas assez de ressources, nous en sommes responsables. Ce n'est pas votre faute.
Quelle est la charge de travail des superviseurs?
M. Willie Gibbs: Vous savez fort bien que c'est la SCC qui a le mandat de s'occuper des libérations conditionnelles...
M. Ivan Grose: Oui.
M. Willie Gibbs: ...mais je connais très bien la charge de travail. Je crois que chacun s'occupe d'une vingtaine de dossiers, entre 20 et 25, selon la région. Dans les régions isolées, ça peut varier entre 12 et 15 dossiers. Cela dépend du terrain que doit couvrir le superviseur en voiture ou en avion. Mais comme j'ai dit, ça varie généralement entre 20 et 25 dossiers, ce qui représente une charge légère comparativement à d'autres pays.
Pour ce qui est de conditions spéciales, c'est un domaine... on appelait cela «conditions spéciales» parce qu'elles étaient justement spéciales. Mais dans la loi actuelle, l'expression utilisée est «conditions additionnelles». La condition normale, comme vous le savez, est qu'il faut avoir un domicile et faire rapport à l'agent des libérations conditionnelles et ainsi de suite. Mais les conditions spéciales s'appliquent à des facteurs criminogènes particuliers, ou à des tendances propres aux contrevenants. Nous voulons aider le contrevenant à éviter une rechute.
D'après moi, on devrait revenir à l'expression «conditions spéciales». Lorsque je suis devenu membre de la Commission, je ne sais si c'était parce qu'on les qualifiait d'«additionnelles», mais on en retrouvait parfois dix ou douze dans un même dossier. Cela signifiait que le détenu n'avait pratiquement aucune chance de ne pas commettre d'erreur. Si on impose trop de conditions, une ou deux seront certainement violées.
Donc, la Commission nationale des libérations conditionnelles a depuis peu décidé qu'on imposerait une condition spéciale seulement si le but en était d'empêcher un contrevenant de récidiver. Par exemple, si la personne en question a une déviance sexuelle par rapport aux enfants, ou si elle a des problèmes de drogue ou d'alcool, etc., et si le commissaire croit que le problème a un rapport direct avec les crimes commis, il peut imposer des conditions. Aujourd'hui, on en impose en moyenne trois ou quatre par dossier.
M. Ivan Grose: Les déclarations des victimes pendant les audiences de libération conditionnelle—je dois dire en toute franchise que je m'y oppose, mais je les accepte. Ce qui me préoccupe c'est que, dans certains cas, la Commission pourrait réimposer une nouvelle peine, ce qui est injuste.
M. Willie Gibbs: Pardon, la Commission ferait quoi?
M. Ivan Grose: La Commission pourrait, en quelque sorte, imposer une nouvelle sentence au contrevenant, jugeant que la peine d'origine n'était pas assez sévère; en effet, la Commission renverserait la décision rendue antérieurement par le tribunal. D'après moi, ce n'est pas votre rôle.
Qui est une victime? Cela pourrait-il être l'Association des banquiers du Canada?
M. Willie Gibbs: C'est déjà défini dans la loi.
M. Ivan Grose: De toute évidence, je ne connais pas la loi. Je suis un des rares membres du comité à ne pas être avocat.
M. Willie Gibbs: On pourrait demander au conseiller juridique de la lire, si vous voulez.
M. Ivan Grose: Non. Vous parlez d'individus qui ont souffert...
M. Willie Gibbs: Il s'agit surtout de victimes de crime avec violence ou de leurs porte-parole qui veulent soit assister à l'audience ou lire une déclaration de victime. Elles représentent 99 p. 100 des cas.
M. Ivan Grose: Merci. J'ai deux questions très courtes.
Pour ce qui est des cas où la libération conditionnelle a été un succès... Je n'en connais pas—enfin, j'en connais un. Pouvez-vous nous fournir des données à ce sujet? Cela pourrait intéresser les Canadiens. Voilà ce qu'il faut faire. Informez-nous sur les succès, les ratios, les 10 p. 100 qui récidivent, qu'importe—cela nous aiderait à contrer la perception du public, qui est que chaque contrevenant en libération conditionnelle retourne tôt ou tard en prison.
L'autre question que je voulais élucider...
M. Willie Gibbs: Est-ce que je peux dire quelques mots avant que vous ne posiez votre deuxième question?
M. Ivan Grose: Oui.
M. Willie Gibbs: Je suis ravi que vous soyez là, parce que cette année nous déposons au Parlement le quatrième rapport de rendement de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il s'agit d'un document à couverture bleue. Il n'est pas très épais, il est dans les deux langues et facile à lire. Alors voilà. Si vous voulez une copie spéciale pour cette année, la prochaine sera déposée en septembre ou en octobre. Si vous voulez le rapport de l'année dernière, nous nous ferons un plaisir de vous le faire parvenir, mais vous allez en recevoir un tout neuf pour l'année financière qui vient de s'écouler.
M. Ivan Grose: J'en ai besoin.
L'autre question—il ne me faudra qu'une seconde—a trait aux personnes en libération conditionnelle qui disparaissent. Est-ce que la Commission ou le Service correctionnel s'en lave les mains? Un bon pourcentage de ces 900 personnes pourraient être mortes ou Dieu sait où.
M. Willie Gibbs: C'est la responsabilité du Service correctionnel et de la police. À ma connaissance, nous ne les oublions pas.
M. Ivan Grose: D'accord. Ça me semble être le genre de chose que ferait un gouvernement.
Le président: Merci, monsieur Grose.
J'entends le timbre, mais M. Abbott avait quelques petites questions.
M. Jim Abbott: À la fin de la présentation à Toronto, nous avons entendu le témoignage fort intéressant du Dr Marnie Rice, une personne de grande réputation et hautement qualifiée, qui, si j'ai bien compris ce qu'elle disait, expliquait qu'il était possible d'identifier ceux qui ne pourraient jamais réintégrer la population générale—il ne s'agit pas là de la population carcérale; je veux dire la population générale d'un pays—plus jamais. Êtes-vous d'accord?
M. Willie Gibbs: Excusez-moi, le timbre m'empêche d'entendre. Elle a dit que quelque chose ne devait pas se faire...?
M. Jim Abbott: Il y a certaines personnes qui, comme dans l'exemple que j'ai cité plus tôt, ont manifesté un comportement violent, antisocial, agressif, qui est constant, et qui les empêche de fonctionner au sein de la population générale.
M. Willie Gibbs: D'accord.
M. Jim Abbott: Nous n'avons vraiment pas de loi qui nous permettrait de régler ces cas-là. Nous avons les délinquants sexuels dangereux, mais encore une fois, il semblerait que la Cour suprême essayerait de renverser ces décisions ou il pourrait y avoir une contestation.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Selon moi, certaines personnes devraient être incarcérées en permanence, à tout jamais, afin de protéger les plus vulnérables dans notre société.
M. Willie Gibbs: Je ne suis pas d'accord avec cela, mais voici ce que je peux vous dire. Dans notre système nous avons quelque 200 délinquants dangereux, ce qu'on appelait autrefois des «délinquants sexuels dangereux». Seulement 8 p. 100 à 10 p. 100 de ces personnes-là sont en libération conditionnelle. Les autres sont incarcérées. Nous faisons très attention avec ces personnes-là. Donc, il serait impossible pour moi d'accepter qu'une personne ne puisse jamais, pendant toute sa vie, avoir la possibilité de réintégrer la société, même si c'est le cas pour bon nombre d'entre elles.
Le président: Merci, monsieur Gibbs.
Monsieur MacKay, une question courte et une réponse courte.
M. Peter MacKay: Merci, et merci pour votre patience, monsieur Gibbs. Je sais que l'après-midi a été assez long.
Une des choses les plus troublantes que j'ai entendues aujourd'hui venait du commissaire, M. Ingstrup, lorsqu'il a parlé des infractions en droit strict aux conditions de la libération. Si j'ai bien compris—et vous en avez parlé brièvement dans votre réponse à la question posée par M. Grose—la Commission des libérations conditionnelles impose certaines conditions à savoir ne pas boire d'alcool, faire des rapports, trouver un emploi, éviter certaines personnes, certains endroits, certaines choses. Je n'essaie pas de vous obliger à justifier... Eh bien, franchement, c'est ce que je fais. Ça existe.
Ne trouvez-vous pas cela troublant, qu'essentiellement le Service correctionnel, par ce rapport, par l'entremise du commissaire, dise aux responsables de la supervision qu'on peut dans certains cas ne pas tenir compte des conditions qui ont été mises en place par votre Commission des libérations conditionnelles ne pas tenir compte des facteurs criminogènes qui ont été identifiés par votre commission?
M. Willie Gibbs: C'est une situation qui nous préoccupait il y a quelques années, et nous en avons parlé. Je ne crois pas qu'il existe des quotas en ce moment.
Cela étant dit, nous traitons de façon très sérieuse les manquements aux conditions que nous imposons. C'est pourquoi, dans la loi, nous avons le pouvoir de faire des révocations directes. Depuis un an, ou peut-être un peu plus longtemps, il y a eu un plus grand nombre de révocations directes effectuées par la Commission des libérations conditionnelles, et pendant longtemps avant cela.
M. Peter MacKay: Puis-je vous interrompre? Excusez-moi, mais n'est-il pas vrai que le Service correctionnel doit faire une recommandation quelconque? Pouvez-vous l'exclure de...
M. Willie Gibbs: On le fait. Et c'est pour cela que je dis cela. Si une personne manque à une condition, on peut offrir des conseils à cette personne, en tant qu'agent de libération conditionnelle, et on peut faire certaines choses. On peut en quelque sorte restructurer la libération conditionnelle. On peut même faire une recommandation en vue de passer d'une libération complète à une semi-liberté, ou bien on peut effectuer une suspension. On a 30 jours pour décider. On peut même annuler la suspension. Mais il faut faire un rapport à la Commission. Et si nous croyons qu'on a tout essayé et qu'il existe encore un risque possible, à ce moment-là, on dit «aucune autre action n'est autorisée». Si nous ne sommes pas satisfaits, nous pouvons soit tenir une audience après la suspension pour examiner la question au complet ou bien nous pouvons faire une révocation directe.
M. Peter MacKay: Au sujet de cette révocation directe, conviendriez-vous que le Service correctionnel, en sa qualité d'instance de supervision, devrait assurer le filtrage. S'il a décidé quelque chose qui s'applique maintenant, comme si c'était un virus, qui dit qu'il faut réduire de 10 p. 100 les révocations, ne trouvez-vous pas cela un peu troublant? Même avant que cela n'arrive chez vous, avant que vous n'ayez la possibilité d'invoquer une révocation, le Service correctionnel a dit qu'il en faut 10 p. 100 de moins.
M. Willie Gibbs: Mais il est obligé de nous faire un rapport s'il y a manquement à une de nos conditions.
Le président: Merci, monsieur Gibbs. Il va falloir terminer maintenant.
Pour la gouverne des membres du comité, la réunion demain aura lieu à 15 h 30. M. Stewart, l'enquêteur des services correctionnels, qui est observateur à ces audiences, va vérifier son emploi du temps, et il sera parmi nous soit demain ou mercredi. Sinon, nous allons quand même nous réunir demain pour commencer l'examen de notre rapport.
Merci beaucoup.