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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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36e Législature, 1ère Session


HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 117

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 8 juin 1998

VINITIATIVES PARLEMENTAIRES

. 1105

VLE COMMISSAIRE AUX DROITS DES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS
VMotion
VM. Peter MacKay

. 1110

. 1115

VM. Stan Keyes

. 1120

. 1125

VM. Chuck Cadman

. 1130

. 1135

VM. Michel Bellehumeur

. 1140

VM. Dick Proctor

. 1145

VM. Peter MacKay

. 1150

VSuspension de la séance
VReprise de la séance
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES

. 1200

VLES CRÉDITS
VJour désigné—Les décisions judiciaires
VM. Eric Lowther
VMotion

. 1205

. 1210

. 1215

VM. Philip Mayfield

. 1220

VM. Werner Schmidt

. 1225

VMme Carolyn Bennett

. 1230

VM. Myron Thompson

. 1235

VM. Paul Forseth
VM. Réal Ménard

. 1240

. 1245

VM. Peter Goldring

. 1250

VMme Judy Wasylycia-Leis

. 1255

. 1300

VM. Grant McNally
VM. Myron Thompson

. 1305

VM. Peter MacKay

. 1310

. 1315

VM. Réal Ménard
VMme Shaughnessy Cohen

. 1320

VM. Grant McNally

. 1325

VM. Réal Ménard

. 1330

VM. Jason Kenney

. 1335

. 1340

. 1345

VM. Peter MacKay

. 1350

VM. Grant McNally
VL'hon. Hedy Fry

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLA FONDATION AYDEN BYLE DE RECHERCHE SUR LE DIABÈTE
VM. Paul Steckle
VL'HÉPATITE C
VM. Grant Hill

. 1400

VLE CLUB KIWANIS DE VAL D'OR
VM. Guy St-Julien
VLES MUNICIPALITÉS
VM. Inky Mark
VLE CANCER
VMme Carolyn Bennett
VLA SEMAINE ANNUELLE DU FOYER
VMme Judi Longfield
VCANPASS
VM. Gary Pillitteri

. 1405

VM. OLIVAR ASSELIN
VM. Maurice Dumas
VLE PACTE DE L'AUTOMOBILE
VMme Bonnie Brown
VLE SÉNAT
VM. Grant McNally
VLE PARTI RÉFORMISTE
VMme Marlene Jennings

. 1410

VLES OCÉANS
VM. Peter Stoffer
VLES OCÉANS
VM. Wayne Easter
VLE GOUVERNEMENT DE L'ONTARIO
VM. Jim Jones
VL'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
VM. Benoît Sauvageau
VLE YWCA
VM. Peter Adams
VLES CANADIENS D'ORIGINE UKRAINIENNE
VM. Rick Borotsik

. 1415

VQUESTIONS ORALES
VLA COLOMBIE-BRITANNIQUE
VM. Preston Manning
VL'hon. Jane Stewart
VM. Preston Manning
VL'hon. Jane Stewart
VM. Preston Manning
VL'hon. Jane Stewart
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VM. Mike Scott

. 1420

VL'hon. Jane Stewart
VLE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Allan Rock
VM. Gilles Duceppe
VL'hon. Allan Rock
VMme Pauline Picard
VL'hon. Jim Peterson
VMme Pauline Picard
VL'hon. Allan Rock

. 1425

VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. Bill Blaikie
VL'hon. Sergio Marchi
VM. Bill Blaikie
VL'hon. Herb Gray
VM. David Price
VL'hon. Herb Gray
VM. David Price

. 1430

VL'hon. Herb Gray
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. Philip Mayfield
VL'hon. Jane Stewart
VM. Philip Mayfield
VL'hon. Jane Stewart
VLA SANTÉ
VM. Michel Gauthier
VL'hon. Allan Rock
VM. Michel Gauthier

. 1435

VL'hon. Allan Rock
VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. Bob Mills
VL'hon. Herb Gray
VM. Bob Mills
VL'hon. Herb Gray
VLA CONDITION FÉMININE
VMme Christiane Gagnon
VL'hon. Hedy Fry
VMme Christiane Gagnon
VL'hon. Hedy Fry

. 1440

VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VM. Dick Harris
VL'hon. Sergio Marchi
VM. Dick Harris
VL'hon. Sergio Marchi
VLE TRANSPORT AÉRIEN
VM. Michel Guimond
VM. Stan Keyes
VL'ENVIRONNEMENT
VM. Robert Bertrand
VL'hon. Christine Stewart

. 1445

VL'HÉPATITE C
VM. Grant Hill
VL'hon. Allan Rock
VM. Grant Hill
VL'hon. Allan Rock
VLA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Hedy Fry
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Hedy Fry
VL'AN 2000
VM. Jim Jones
VL'hon. Marcel Massé

. 1450

VM. Jim Jones
VL'hon. Marcel Massé
VLES JEUNES
VM. Stan Dromisky
VL'hon. Ronald J. Duhamel
VL'ENVIRONNEMENT
VM. Rob Anders
VL'hon. Alfonso Gagliano
VLES SYSTÈMES INFORMATIQUES DE L'AN 2000
VMme Francine Lalonde
VL'hon. Herb Gray
VLA CONDITION FÉMININE
VMme Wendy Lill

. 1455

VL'hon. Hedy Fry
VL'IMMIGRATION
VM. Peter MacKay
VMme Maria Minna
VLA FISCALITÉ
VMme Karen Redman
VMme Sue Barnes
VL'AN 2000
VM. Werner Schmidt
VL'hon. Marcel Massé
VLA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE
VM. Yvan Bernier

. 1500

VM. Robert D. Nault
VL'ÉDUCATION
VM. Nelson Riis
VL'hon. Jim Peterson
VRECOURS AU RÈGLEMENT
VCommentaires durant la période des questions
VM. Bill Blaikie

. 1505

VAFFAIRES COURANTES
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Peter Adams
VLOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVES
VProjet de loi C-44. Présentation et première lecture
VL'hon. Marcel Massé
VLA LOI SUR LES PARCS NATIONAUX
VProjet de loi C-419. Présentation et première lecture
VM. Steve Mahoney
VPÉTITIONS
VL'unité nationale
VM. Peter Goldring

. 1510

VLe personnel des services d'urgence
VM. Paul Szabo
VL'Accord multilatéral sur l'investissement
VM. Nelson Riis
VLes pensions
VM. Nelson Riis
VLes sports professionnels
VM. Nelson Riis
VLa justice
VMme Diane Ablonczy
VLe mariage
VMme Diane Ablonczy
VM. Paul Steckle
VL'aide au suicide
VM. Paul Steckle
VLa justice
VM. Roy Bailey

. 1515

VLes pesticides
VMme Sophia Leung
VLes armes nucléaires
VMme Bev Desjarlais
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Peter Adams
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—Les décisions judiciaires
VMotion
VL'hon. Hedy Fry

. 1520

. 1525

VM. Grant McNally

. 1530

VMme Bev Desjarlais
VM. Ken Epp
VM. Jim Pankiw

. 1535

VM. Werner Schmidt

. 1540

. 1545

VL'hon. Hedy Fry

. 1550

. 1555

VM. Jim Pankiw

. 1600

. 1605

VL'hon. Hedy Fry
VM. Bill Graham

. 1610

VM. Bill Graham

. 1615

VM. Grant McNally

. 1620

VM. Ken Epp
VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Peter Adams
VMotion

. 1625

VMotion
VLES CRÉDITS
VJour désigné—Les décisions judiciaires
VMotion
VMme Shaughnessy Cohen

. 1630

. 1635

VM. Grant McNally
VM. Jim Pankiw

. 1640

VM. Gerry Ritz

. 1645

. 1650

VM. Eric Lowther
VM. Lynn Myers
VM. Rick Casson

. 1655

. 1700

VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Peter Adams
VMotion
VLES CRÉDITS
VJour désigné—Les décisions judiciaires
VMotion
VM. Andrew Telegdi

. 1705

VM. Lynn Myers

. 1710

. 1715

VM. Grant McNally
VM. Jim Pankiw

. 1720

VM. Steve Mahoney

. 1725

. 1730

VM. Eric Lowther

. 1735

VM. Dick Harris

. 1740

. 1745

VM. Jim Pankiw

. 1750

VM. Grant McNally
VM. Myron Thompson

. 1755

. 1800

VM. Eric Lowther

. 1805

VM. Jake E. Hoeppner
VMme Carolyn Parrish

. 1810

. 1815

VM. Ken Epp

. 1820

VM. Jim Pankiw
VM. Grant McNally

. 1825

VM. David Chatters
VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Jim Pankiw
VMotion
VLES CRÉDITS
VJour désigné—Les décisions judiciaires
VMotion

. 1830

VLOI SUR L'ÉDUCATION DES MI'KMAQ
VProjet de loi C-30. Étape du rapport
VDécision de la Présidence
VLe vice-président
VMotions d'amendement
VM. Claude Bachand
VMotion no 1

. 1835

. 1840

VM. Peter Adams

. 1845

VM. Mike Scott

. 1850

. 1855

VM. Gordon Earle

. 1900

VM. Gerald Keddy

. 1905

VLe vote est réputé avoir été demandé et différé
VM. Claude Bachand
VMotion no 2
VLe vote est réputé avoir été demandé et différé
VLOI SUR LES LETTRES ET BILLETS DE DÉPÔT
VProjet de loi S-9. Étape du rapport

. 1910

VMotion d'approbation
VL'hon. Christine Stewart
VTroisième lecture
VL'hon. Christine Stewart
VM. Tony Valeri

. 1915

VM. John Williams

. 1920

VM. Jean Dubé

. 1925

VM. Chuck Strahl

. 1930

VM. Mike Scott

. 1935

VM. Peter MacKay

. 1940

VLOI DE 1985 SUR LES NORMES DE PRESTATION DE PENSION
VProjet de loi S-3. Troisième lecture.
VM. Chuck Strahl

. 1945

VM. Jim Pankiw

. 1950

. 1955

VM. André Harvey

. 2000

VM. John Williams

. 2005

. 2010

VM. Ivan Grose
VM. Tony Valeri

. 2015

VM. John Williams

. 2020

VM. Ken Epp

. 2025

. 2030

VLA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ
VProjet de loi C-4. Deuxième lecture et adoption des amendements du Sénat
VL'hon. David Kilgour

. 2035

. 2040

VM. Jake E. Hoeppner

. 2045

. 2050

. 2055

. 2100

VM. Dick Proctor

. 2105

. 2110

. 2115

VM. Jake E. Hoeppner

. 2120

VM. Ken Epp

. 2125

VMme Hélène Alarie

. 2130

VM. Rick Borotsik

. 2135

. 2140

. 2145

VM. Jake E. Hoeppner

. 2150

VM. Dick Proctor

. 2155

VM. Wayne Easter

. 2200

. 2205

VM. Jake E. Hoeppner

. 2210

. 2215

VM. Mike Scott

. 2220

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 117


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 8 juin 1998

La séance est ouverte à 11 heures.



Prière


INITIATIVES PARLEMENTAIRES

 

. 1105 +

[Traduction]

LE COMMISSAIRE AUX DROITS DES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS

 

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC) propose:

    Que, de l'avis de cette Chambre, le gouvernement devrait créer le poste de commissaire aux droits des victimes d'actes criminels, dont le rôle serait semblable à celui de l'Enquêteur correctionnel.

—Madame la Présidente, je suis heureux d'ouvrir le débat sur cette motion appuyée par le député de Surrey-Nord auquel je sais gré de son appui.

La motion no 386 demande au gouvernement fédéral de créer le poste de commissaire aux droits des victimes dont le rôle, est-il précisé, serait semblable à celui de l'Enquêteur correctionnel. J'ai présenté cette motion le mois dernier, afin de souligner la nécessité pour les victimes d'actes criminels d'avoir voix au chapitre dans notre système de justice pénale.

Depuis les élections de juin l'an dernier, il est devenu de plus en plus clair que les victimes ont besoin de la création de ce poste. En tant que porte-parole du Parti progressiste conservateur en matière de justice, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec plusieurs victimes d'actes criminels. Ce sont des personnes courageuses qui non seulement sont opposées à la criminalité, mais qui veulent se vouer à la cause des victimes en général. Ce sont aussi des conjoints, des enfants, des parents, des frères et des soeurs de personnes qui ont perdu des êtres chers par suite d'activités criminelles.

Malheureusement, bien souvent les victimes n'ont personne vers qui se tourner au niveau fédéral pour obtenir de l'aide quand les responsables chargés d'administrer la justice ne tiennent pas compte de leurs préoccupations. Je mentionne le niveau fédéral parce que toutes les provinces et tous les territoires ont en place des lois concernant les victimes de la criminalité, contrairement au gouvernement fédéral qui semble hésiter à adopter une déclaration des droits des victimes.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, il existe au sein du ministère de la Justice, une division qui s'occupe des services aux victimes. Au Québec, les victimes d'actes criminels peuvent faire appel au Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, le BAVAC, pour obtenir des renseignements et de l'aide. Les gouvernements progressistes conservateurs de l'Alberta, du Manitoba et de l'Ontario ont aussi accru le nombre de services et de renseignements mis à la disposition des victimes et de leurs familles.

Le problème, ce n'est pas tant les bureaux que le manque d'information et les programmes gouvernementaux qui sont offerts aux victimes. C'est par-dessus tout l'absence d'un avocat indépendant pour les victimes en cas de dérapage du système de justice.

Qui est alors chargé de répondre aux questions que l'on se pose au sujet des victimes, ces êtres chers qui sont morts ou ont été blessés à la suite d'un acte criminel? C'est en pareilles circonstances que s'impose un organisme fédéral capable de résoudre ces problèmes. Arrêtons-nous au cas de Carolyn Solomon, de Garson, en Ontario. En 1997, Mme Solomon a perdu son fils Kevin, tué par Michael Hector. Hector était un libéré conditionnel aux termes de la législation fédérale, qui n'a pas fait l'objet d'une surveillance adéquate. La personne chargée de le surveiller n'avait pas été suffisamment renseignée sur ses antécédents.

Hector a violé les termes de sa libération conditionnelle et on n'aurait pas dû lui permettre d'arpenter nos rues en toute liberté. Il a donc eu tout le loisir de tuer. Résultat, trois personnes ont été assassinées, dont Kevin, le fils de Carolyn Solomon.

Mme Solomon a voulu savoir pourquoi on avait laissé Michael Hector violer les termes de sa libération conditionnelle, sans devoir en rendre compte. Elle a voulu savoir pourquoi le Service correctionnel du Canada n'a pas fourni au surveillant du libéré conditionnel Michael Hector tous les renseignements voulus sur ses antécédents criminels et psychologiques. Elle a voulu savoir pourquoi le surveillant d'Hector a ajouté foi, sans prendre la peine de faire les vérifications nécessaires, à tout ce qu'Hector lui a raconté. On n'a procédé à aucune enquête en profondeur sur les renseignements fournis par le libéré conditionnel.

 

. 1110 + -

Il faut reconnaître que le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont mis en place un mécanisme qui leur permet de procéder rapidement à une enquête quand une affaire a toutes les apparences d'avoir été bâclée, comme c'est le cas ici. Mme Solomon est une victime du crime que Micheal Hector a commis par la faute du Service correctionnel du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles, alors que ce sont ces mêmes organismes qui sont chargés de faire enquête sur les circonstances entourant la tragédie.

Mme Solomon a tout naturellement posé des questions pendant les mois qui ont suivi le décès de son fils et demandé à voir le rapport final de l'enquête effectuée par le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles. Or, comment ces organismes ont-ils répondu à ses demandes de renseignements? Par un silence de mort, sinon une légère indifférence. Ce n'est que lorsque Mme Solomon a retenu les services d'un avocat et a menacé d'entreprendre des poursuites judiciaires que le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont enfin accepté de lui remettre une copie du rapport d'enquête de la commission sur le décès de son fils. Ce n'est qu'après s'être battue pendant un an contre l'apathie des agences fédérales subventionnées en partie par ses impôts que Mme Solomon a pu recevoir une réponse sérieuse.

Il y a quelques mois, Mme Solomon est venue me rencontrer à mon bureau d'Ottawa. Elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit: «Je suis plus en colère contre notre système de justice que contre Michael Hector.» Cette déclaration en dit long, puisque Michael Hector est l'homme qui a tué son fils. Voilà un bien triste tableau de l'état actuel de notre système de justice, lorsqu'une mère dont le fils a été tué condamne ainsi notre système de justice.

Mme Solomon n'est pas la seule dans son cas. Helen Leadley, de Calgary, en Alberta, a perdu, en 1983, sa fille de 23 ans tuée par Robert Paul Thompson, un détenu qui avait obtenu une permission de sortir. Il y a deux semaines, Thompson s'est vu accorder une permission de sortir sous surveillance pendant 19 heures pour assister à un service religieux. Qui a escorté M. Thompson? Était-ce un garde de sécurité? Non. L'escorte de M. Thompson était le chapelain des détenus de Springhill, parce que cette sortie faisait partie du programme de développement personnel de M. Thompson, comme on l'a expliqué à Mme Leadley.

Bien qu'un programme de développement personnel pour un tueur condamné soit une initiative louable, le libérer sans surveillance adéquate est une véritable insulte pour les victimes et pour les membres de leur famille, comme Mme Leadley.

Que doit faire Mme Leadley? À qui doit-elle s'adresser? Le gouvernement fédéral lui offre-t-il la possibilité de s'adresser un intervenant indépendant ou un ombusdman pour lui demander de faire enquête sur les décisions contestables prises par le Service correctionnel du Canada ou d'autres agences connexes? Non. Malheureusement, il n'existe pas de poste de ce genre. La victime dans un tel cas est de nouveau victimisée.

Quelqu'un tue un des êtres qui vous sont chers et le système de justice criminelle ne s'intéresse qu'aux besoins du criminel, souvent au détriment des besoins de la victime.

Le manque de considération de la justice pour les droits de la victime fait que non seulement les victimes, mais aussi le public en général ont de moins en moins confiance dans la justice. On a déjà mentionné souvent ce problème de confiance. Les frustrations des victimes et du public en témoignent constamment. Notre justice n'inspire pas vraiment confiance, et il est temps que cela change.

Cela ne veut pas dire que le public doit toujours être d'accord avec les décisions de la police, de la magistrature, des procureurs, de la commission des libérations conditionnelles ou même de l'administration pénitentiaire, mais les Canadiens doivent savoir que la victime aura les mêmes privilèges que l'accusé, afin que les droits des deux soient protégés par notre régime judiciaire.

Malheureusement, dans les conditions actuelles, la plupart des Canadiens ne voient guère de possibilités d'inclure les vues des victimes dans le processus de prise de décisions.

La semaine dernière, je tenais une réunion publique dans ma circonscription, en Nouvelle-Écosse. Le thème était les droits des victimes. Il n'y avait pas beaucoup de gens dans l'assemblée qui avaient une grande confiance dans notre justice. Beaucoup plus étaient mécontents du régime politique et de sa capacité d'apporter des changements.

Des victimes comme Carolyn Solomon ne devraient pas avoir à dépenser leur propre argent pour retenir les services d'avocats afin d'avoir des réponses du système judiciaire. Elles devraient avoir accès à un commissaires aux droits des victimes d'actes criminels, un défenseur indépendant, leur voix au niveau fédéral, lequel aurait un rôle dans le système judiciaire. Le rôle de ce commissaire serait calqué sur celui de l'enquêteur correctionnel, un poste créé en 1973 aux termes de la partie II de la Loi sur les enquêtes.

Depuis 1992, le bureau de l'enquêteur correctionnel relève de la partie III de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. L'enquêteur correctionnel, indépendant du service correctionnel, est le défenseur des détenus purgeant leur peine dans un pénitencier fédéral. Il peut agir de sa propre initiative, à la demande du solliciteur général ou suite à une plainte d'un détenu ou au nom d'un détenu.

 

. 1115 + -

L'enquêteur revoit également tous les rapports d'enquête du SCC sur les décès et les accidents graves survenus dans le système correctionnel fédéral. Chaque année, l'enquêteur correctionnel présente une rapport sur les enquêtes et les mesures prises au ministère du Solliciteur général, et celui-ci doit déposer le rapport au Parlement.

Par le passé, ces rapports ont décrit les problèmes généraux intéressant les détenus de ressort fédéral comme le surpeuplement, la double occupation des cellules et le recours à la force par les gardiens. Ce ne sont là que ces exemples. Il me semble que ce serait un grand progrès si le gouvernement établissait un poste de commissaire aux droits des victimes qui aurait le pouvoir de faire enquête sur des problèmes similaires au nom des victimes et de déposer lui aussi un rapport à la Chambre.

Est-ce que le climat ne serait pas plus favorable si un rapport indépendant était publié chaque année, décrivant les problèmes auxquels les victimes font face dans notre régime fédéral de justice et permettant aux députés de chercher des solutions à ces problèmes?

Un commissaire aux droits des victimes ne serait pas qu'une oreille sympathique ou un centre d'échange d'information. Il serait un ombudsman, un défenseur, une voix indépendante à l'intérieur du système de justice, car ce système, je le crois comme tout le monde, ne tient pas compte comme il se doit des droits des victimes.

La ministre de la Justice a dit aux médias, plus tôt cette année, qu'elle avait l'intention de créer un bureau national des droits des victimes. Malheureusement, les victimes à qui j'ai parlé et que j'ai rencontrées récemment craignent que cette initiative ne se résume qu'à un ensemble de services d'information aux victimes que les gouvernements provinciaux et territoriaux offrent déjà. La ministre et le gouvernement pourraient faire preuve de bonne foi en créant un important mécanisme gouvernemental de défense des droits des victimes. À cette fin, ils devraient appuyer en principe la motion no 386.

Que ceux qui hésiteraient à souscrire à cette motion parce qu'elle empiéterait sur les compétences provinciales ou territoriales se demandent tout simplement quel organisme provincial est en mesure de tenir les organismes fédéraux responsables de leurs décisions au sein de la composante fédérale du système de justice pénale.

Rappelons-nous que, mis à part le Bureau de l'enquêteur correctionnel, il existe actuellement de nombreux organismes fédéraux indépendants qui sont chargés d'examiner les décisions prises par d'importantes institutions nationales. La GRC est assujettie à un examen indépendant à la fois de la Commission des plaintes du public contre la GRC et du Comité d'examen externe de la GRC. Le SCRS est soumis au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité et à un inspecteur général du SCRS.

Lorsque survient un accident lié aux transports, le Bureau d'enquête sur la sécurité des transports a pour mandat de faire enquête. Air Canada n'enquête pas sur les écrasements de ses propres avions sans examen effectué par une commission. De même, VIA Rail n'est pas chargée d'enquêter seule sur les accidents de trains de voyageurs. Le fonctionnement du gouvernement du Canada dans son ensemble est assujetti à l'examen de la part de bureaux comme ceux du vérificateur général, du commissaire à l'information, du commissaire à la protection de la vie privée et du commissaire aux langues officielles.

Une société et un gouvernement qui sont disposés à prévoir un examen indépendant d'un si grand nombre de ces objectifs de politique devraient également être disposés à prévoir la nomination d'un défenseur indépendant des victimes de crime.

Les victimes ne demandent pas le droit d'être juge et jury. Elles demandent tout simplement d'être écoutées et respectées par un système qui attache souvent trop d'importance au rapport entre l'État et la collectivité. Il faut que les victimes fassent partie du système de justice pénale.

Comme on l'a illustré précédemment, dans le cas de Caroline Soloman et son fils et dans bien d'autres cas, la peine imposée au contrevenant est souvent moins importante aux yeux des victimes que leur expérience comme telle du processus judiciaire. Les victimes réclament voix au chapitre et la motion no 386 contribuerait à la leur donner.

J'exhorte tous les députés de tous les côtés de la Chambre à mettre de côté le sectarisme qui entre souvent dans la question de la loi et de l'ordre. Faisons une contribution durable et positive en faveur de ceux qui ont été exclus pendant trop longtemps du système de justice. Donnons aux victimes une plus grande voix au chapitre dans notre système de justice.

À l'époque où j'étais avocat en Nouvelle-Écosse, j'ai entendu bien des gens dire qu'on voit la valeur d'une vraie démocratie à la façon dont elle traite ses détenus. Le temps est certes venu pour le Canada de montrer que nous voulons qu'on juge notre démocratie à la façon dont elle traite ses victimes.

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Madame la Présidente, je considère comme un privilège de pouvoir prendre la parole sur une question de la plus haute importance pour la ministre de la Justice et pour le gouvernement, c'est-à-dire le rôle des victimes au sein du système judiciaire. Je trouve encourageant de savoir qu'un aussi grand nombre de députés s'entendent pour dire qu'il faut faire beaucoup plus pour améliorer la condition des victimes.

 

. 1120 + -

En discutant de la pertinence de nommer un commissaire fédéral aux droits des victimes d'actes criminels, comme le propose la motion du député, nous devons tenir compte de toute une gamme d'enjeux, notamment les recoupements entre les compétences fédérales et provinciales dans ce domaine.

Cependant, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne s'étant engagé à examiner à fond la question de la place des victimes au sein du système judiciaire, je trouve assez étrange que nous soyons en train d'en débattre à la Chambre aujourd'hui. La semaine prochaine se tiendra le forum sur les victimes, ici-même à Ottawa, où nous entendrons les personnes les mieux placées pour savoir ce qui doit être fait et le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer pour s'assurer que les besoins sont comblés.

On a déjà fait du bon travail dans ce domaine. Je crois que l'expérience des personnes qui ont fait un travail de pionnier sera utile aux membres du comité, dans l'élaboration de leurs recommandations.

Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a parlé de la question, la semaine dernière, durant le débat sur la motion du Parti réformiste concernant le système de justice pénale, lors de la journée d'opposition. Je rappelle que le député avait signalé que, en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le bureau de l'enquêteur correctionnel avait été créé pour garantir que les délinquants incarcérés dans un établissement fédéral puissent adresser leurs plaintes et leurs préoccupations à un organisme responsable. Le député laisse entendre qu'il devrait y avoir un organisme parallèle ou un commissaire—je l'ai aussi entendu utiliser le terme d'ombudsman—chargé d'examiner les intérêts des victimes d'actes criminels.

Les députés savent que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne examine actuellement la place des victimes au sein du système de justice pénale. Cet examen est en cours, notamment par suite d'une motion parrainée par le député de Langley—Abbotsford, en avril 1996, invitant le gouvernement fédéral à demander au comité permanent d'élaborer un projet de loi sur les droits des victimes. En avril 1997, le comité permanent a entendu plusieurs témoins et il a conclu qu'un examen plus approfondi de la question et d'autres qui y sont liées s'imposait vraiment.

Le comité permanent doit se pencher sur de nombreuses questions, dont le besoin d'offrir d'autres services aux victimes, la possibilité de subventionner ces services, les besoins d'information des victimes et d'autres modifications à apporter éventuellement au Code criminel.

La ministre de la Justice a déjà discuté plusieurs options avec les procureurs généraux des provinces, mais elle a aussi signalé que d'autres renseignements seraient recueillis par le comité permanent. Ce processus de consultation aidera la ministre à préciser un grand nombre des options à l'étude.

Il conviendrait de renvoyer au comité cette motion visant à créer un poste de commissaire. Le comité pourra entendre des spécialistes pour savoir ce que les victimes demandent au système de justice pénale, ce qu'elles en attendent et ce qu'elles en reçoivent actuellement.

Le comité possède déjà des renseignements sur la gamme des services et il connaît les lois qui sont en place dans les provinces et les territoires. Il est donc mieux placé pour évaluer les avantages que présenterait la création d'un poste de commissaire et la faisabilité d'une telle mesure.

La proposition du député n'est pas nouvelle. La ministre de la Justice a déjà dit qu'elle s'intéressait à la création d'un poste au gouvernement fédéral pour les victimes d'actes criminels. La ministre a discuté de la question avec ses homologues provinciaux qui ont dit être favorables à ce que le fédéral joue un rôle complémentaire et à ce qu'il y ait un mécanisme de coordination ayant notamment pour effet d'améliorer le système de justice pénale afin d'avantager les victimes d'actes criminels et de voir à ce qu'elles reçoivent les renseignements dont elles ont besoin. La création d'un commissaire aux droits des victimes d'actes criminels pourra permettre l'atteinte de nombreux objectifs que le député a mentionnés.

Enfin, la ministre de la Justice a écrit au président du comité permanent exprimant son intérêt pour l'examen du rôle de la victime dans le système de justice pénale et demandant l'opinion du comité sur plusieurs options précises, y compris la création du poste en question. Dans sa lettre, la ministre déclare:

    En plus des modifications au Code criminel, j'ai songé à plusieurs autres options qui ne sont pas de nature législative, y compris la mise sur pied d'un «Bureau» à l'intention des victimes de crimes au sein du ministère de la Justice. J'ai discuté de la création d'un tel bureau avec mes homologues provinciaux et territoriaux et j'ai reçu leur appui. Un bureau des victimes d'actes criminels aurait, entres autres, le mandat de s'assurer que l'on tient compte du point de vue des victimes au cours de la mise au point des politiques et mesures législatives en matière de droit criminel. Ce bureau coordonnerait toutes les initiatives ayant trait aux victimes et faciliterait les initiatives fédérales, provinciales et territoriales. De façon générale, il constituerait un centre de ressources tant à l'échelle nationale qu'internationale, ainsi qu'un point de contact pour la collecte de renseignements sur le rôle des victimes de crime au sein du système de justice pénale. Le comité permanent pourrait décider d'étudier le bien-fondé d'un tel bureau pour les victimes de crimes.

 

. 1125 + -

La ministre de la Justice a reconnu que l'étude du comité permanent permet de recueillir tout un éventail d'opinions sur toutes sortes de questions ayant trait aux victimes. Je suis d'avis que l'étude de la motion ne devrait être entreprise qu'après ce processus de révision dont elle pourrait d'ailleurs faire partie.

La ministre reconnaît également dans sa lettre au comité permanent le travail accompli par un comité fédéral-provincial-territorial réunissant tous les directeurs provinciaux et territoriaux des services s'occupant des victimes. Ce groupe a recueilli des renseignements sur les programmes, les services et les lois en place au Canada et il tient régulièrement des rencontres dans le but de se pencher sur certaines questions et de proposer des solutions.

Ce genre de collaboration fédérale-provinciale-territoriale est essentiel pour pouvoir répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes au sein du système de justice pénale parce que les gouvernements doivent pouvoir travailler ensemble. On doit donc encourager cette collaboration et même y donner un caractère officiel. La mise sur pied d'un «Bureau», tel que proposée par la ministre de la Justice, serait un moyen d'assurer la collaboration et la consultation aux niveaux fédéral, provincial et territorial

Au cours des discussions tenues jusqu'à présent entre la ministre de la Justice et les représentants des victimes, les prestataires de services et plusieurs experts de divers domaines, on peut voir un thème commun se dessiner. Les victimes et les témoins doivent pouvoir compter sur des renseignements et ils ne savent pas toujours où les obtenir lorsqu'ils font face au système de justice pénale.

Ils ne veulent pas se faire dire que leur problème relève de quelqu'un d'autre ou encore d'une autre juridiction. De plus, la plupart d'entre eux sont d'avis que le gouvernement a la responsabilité de leur venir en aide. Il existe déjà plusieurs excellents programmes et services, mais des lacunes subsistent dans les efforts pour faire connaître ces services aux Canadiens.

Il faut donc concentrer notre attention sur la question de savoir comment le gouvernement peut créer un point central de contact pour les victimes et un réseau de distributeurs d'information. La ministre de la Justice a déjà lancé un processus afin de travailler en étroite coopération avec les provinces à cet égard et n'a pas l'intention d'instituer une bureaucratie lourde et coûteuse.

Quant à la question des droits des victimes, j'ai quelques réserves à propos du rôle du gouvernement fédéral. Nous ne devrions pas faire croire aux Canadiens qu'il faut une charte spéciale et une loi spéciale, selon la situation dans laquelle ils se trouvent. La Charte canadienne des droits et des libertés nous assure à tous de profiter également des bienfaits et de la protection de la loi. De plus, le droit pénal et la procédure pénale sont très bien énoncés dans le Code criminel.

Un autre sujet de préoccupation a trait aux responsabilités relevant de la compétence des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Les provinces et les territoires ont adopté des lois portant sur divers prétendus droits des victimes et touchant le traitement équitable des victimes, la distribution d'information, la prestation de services et d'autres questions connexes.

Les lois fédérales peuvent porter uniquement sur des questions de compétence fédérale. Une autre question importante à prendre en considération quand on élabore des lois sur les droits, c'est celle de savoir comment on pourra faire appliquer réellement les dispositions relatives aux violations de ces droits. La plupart des lois sur les droits des victimes ne prévoient aucun recours. De véritables améliorations exigent que tous les intervenants dans le système de justice pénale soient disposés à collaborer. Nous sommes intéressés à savoir quel rôle ils pensent que le gouvernement fédéral pourrait jouer vraiment à cet égard.

J'ai parlé tout à l'heure du rôle que joue le gouvernement fédéral en faisant adopter les lois pénales. Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre les nombreuses modifications que le gouvernement a fait apporter au Code criminel du Canada en réponse directe aux préoccupations des victimes de crimes.

Je mentionnerai par exemple la loi sur le contrôle des armes à feu, c'est-à-dire la loi C-68, la stratégie de prévention de la criminalité, le système national d'information sur les agresseurs sexuels d'enfants, la loi sur la détermination de la peine, les modifications au Code criminel permettant le prélèvement de substances corporelles aux fins d'analyse génétique, c'est-à-dire la loi C-104, la limitation de la possibilité d'invoquer en défense l'intoxication extrême, et les modifications apportées par la loi C-55 concernant les délinquants présentant un risque élevé de récidive.

Je pourrais poursuivre encore longtemps cette énumération. La ministre de la Justice a également fait savoir qu'elle proposera d'autres modifications au Code criminel à la suite de l'étude du rapport du comité permanent et en réponse aux recommandations faites par les défenseurs des droits des victimes et par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les victimes de crimes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion no 386, proposée par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough.

Bien que j'appuie l'idée de créer un poste de commissaire aux droits des victimes d'actes criminels, dont le rôle serait semblable à celui de l'enquêteur correctionnel, j'ai certaines réserves.

L'objectif officiel du bureau de l'enquêteur correctionnel est de jouer le rôle d'ombudsman au sein du Service correctionnel canadien.

 

. 1130 + -

Il est chargé de faire des études et des enquêtes indépendantes relatives aux problèmes éprouvés par les détenus sous responsabilité fédérale en ce qui concerne les décisions, les recommandations, les actions ou les omissions du commissaire du Service correctionnel, ses employés ou ses agents, relativement à l'administration de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Simplement parlant, le bureau de l'enquêteur correctionnel est le service des plaintes des détenus sous responsabilité fédérale.

On peut parfois mettre en doute la validité de certaines de ces plaintes, mais c'est un autre sujet.

Comme plusieurs l'ont mentionné, notre système judiciaire est foncièrement injuste car, depuis des années, nous avons un défenseur des droits des contrevenants, mais pas le pendant pour les victimes des crimes. Cette injustice vient renforcer le scepticisme du public qui pense que nous tenons plus aux droits des criminels qu'à ceux des innocents et des citoyens respectueux de la loi.

M. Ron Stewart occupe le poste d'enquêteur correctionnel depuis plusieurs années et les Canadiens ont de la chance de pouvoir compter sur son jugement indépendant. Il n'a jamais hésité à critiquer publiquement le gouvernement pour ses failles et ses erreurs. De toute évidence, ce n'est pas un pantin du gouvernement.

Je veux être sûr que les Canadiens puissent avoir la même opinion de l'indépendance du commissaire aux droits des victimes d'actes criminels. Le poste doit être occupé par une personne qui s'acquittera de ses responsabilités dans l'intérêt des Canadiens et non uniquement du gouvernement.

Comme je viens de le dire, M. Stewart a toujours fait preuve d'indépendance. Depuis des années, il dénonce les erreurs du Service correctionnel. Toutefois, il y a une faiblesse flagrante et elle tient au pouvoir ou, plus exactement, au manque de pouvoir associé à son poste.

Chaque année, il fait rapport des mêmes lacunes et insuffisances et, chaque année, le gouvernement néglige de résoudre correctement les problèmes. Cela ne nous donnera pas grand-chose d'avoir un commissaire indépendant aux droits des victimes d'actes criminels si nous n'avons pas aussi en place un mécanisme visant à assurer que l'on donne suite aux enquêtes et aux rapports.

Cela ne donne pas grand-chose de présenter sans cesse des recommandations s'il n'existe aucune obligation légale de donner suite à ces recommandations ni une certaine forme de responsabilité.

À supposer que nous accordions au commissaire aux droits des victimes d'actes criminels dont on propose de créer le poste toute l'autonomie nécessaire pour faire un bon travail et que nous nommions à ce poste quelqu'un qui aura le courage de s'attaquer au besoin au gouvernement, il faudrait alors prévoir le mandat de ce commissaire.

Quelles seraient ses fonctions? Aurait-il notamment le pouvoir d'enquêter sur les décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel lorsque d'ex-détenus commettent des crimes violents dans les jours suivant leur libération?

Cela est arrivé un certain nombre de fois récemment. La commission des libérations conditionnelles a décidé qu'un vol à main armée n'était pas un délit violent parce qu'aucun coup de feu n'avait été tiré. Elle a accordé une libération conditionnelle au délinquant en question qui s'est alors empressé d'aller tuer trois personnes.

Un autre tueur a été libéré sur parole, mais personne ne s'est donné la peine d'informer de son passé la femme avec qui il a emménagé et il l'a tuée.

Un homme est libéré d'office en dépit de mises en garde voulant qu'il présente un risque élevé de commettre des actes de violence et, 50 jours plus tard, il participe à la torture et au meurtre d'un jeune homme, ici même, à Ottawa.

À l'heure actuelle, les ministères chargés du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition mènent leurs propres enquêtes lorsque leurs décisions sont mises en doute. J'ignore qui le gouvernement croit berner, mais cette situation de conflit d'intérêts n'aide certes pas les Canadiens à avoir confiance dans le processus et n'ajoute certes pas à la crédibilité de celui-ci. Nous avons manifestement besoin d'un examen indépendant. Peut-être le commissaire aux droits des victimes d'actes criminels pourrait-il s'en charger.

La motion semble indiquer un rôle semblable à celui de l'enquêteur correctionnel. On remarque que le budget de l'enquêteur correctionnel excède 1 million de dollars par année. En 1996, son personnel comptait 17 membres. J'espère que le défenseur des victimes aurait droit à quelque chose de similaire surtout s'il s'occupe d'enquêter sur les décisions de divers ministères.

Je crains que la ministre de la Justice, qui a dit être ouverte à cette idée, ne fasse qu'un geste symbolique à l'endroit des victimes pour que celles-ci croient que le gouvernement s'intéresse à leur sort. Si un bureau doit être créé, il doit l'être correctement et il doit jouer un rôle significatif au sein de notre système juridique. Les citoyens ne se satisferont sûrement pas d'efforts symboliques ni d'un alourdissement de la bureaucratie ni d'une autre occasion de récompenser de fidèles militants libéraux au moyen de nominations partisanes. Cela ne fera qu'alimenter leur insatisfaction et leur colère en ce qui concerne le système de justice pénale en particulier.

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne examine actuellement le rôle des victimes dans le système de justice pénale. On sait déjà que les victimes ont des droits différents selon la province ou le territoire qu'ils habitent. Il nous faut des normes universelles pour que tous les Canadiens jouissent des mêmes droits.

On pourrait confier au commissaire proposé la responsabilité de faire pression en faveur de l'uniformisation des droits d'un bout à l'autre du pays et de coordonner les efforts en ce sens. Il pourrait aussi se charger d'offrir à la population des programmes d'éducation nationaux pour que tous soient au courant de l'aide et des ressources à la disposition des victimes.

 

. 1135 + -

Il pourrait aussi conseiller le gouvernement quant aux modifications à apporter aux lois afin d'améliorer le respect des droits des victimes. Son bureau pourrait devenir le centre de ressources destiné aux divers groupes de victimes. Il semble y avoir une multitude de tâches que l'on pourrait confier à un tel bureau.

Comme je l'ai déjà dit, le comité permanent étudie la question. Il y aura également un colloque sur les droits des victimes la semaine prochaine, et je ne doute pas que nous apprendrons ce que les Canadiens veulent.

La motion du député de Pictou—Antigonish—Guysborough ne fait que proposer la création du poste. Si le gouvernement accepte la proposition, il faudra bien sûr déterminer quelles seront exactement les fonctions du commissaire.

J'appuie cette motion même si j'ai des réserves à cet égard. L'idée est certes intéressante, mais le bureau doit être établi correctement. Il est proposé dans la motion un rôle semblable à celui de l'Enquêteur correctionnel. Même si l'indépendance de ce dernier est indiscutable, je suis convaincu qu'on peut faire mieux.

Le bureau du commissaire aux droits des victimes doit avoir plus de pouvoirs. Cela ne donnera rien d'établir un tel bureau, de demander au commissaire de déposer au Parlement un rapport annuel sur ses activités et ses recommandations s'il n'a pas de comptes à rendre relativement à ces recommandations.

Je remercie tout le monde de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette initiative digne d'intérêt. Je remercie également le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, d'avoir présenté sa motion. Il est regrettable que cette motion n'ait pas été considérée comme une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Je demande donc le consentement unanime pour que la motion M-386 puisse faire l'objet d'un vote.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la Présidente, la motion M-386 se lit comme suit:

    Que, de l'avis de cette Chambre, le gouvernement devrait créer le poste de commissaire aux droits des victimes d'actes criminels, dont le rôle serait semblable à celui de l'enquêteur correctionnel.

On voit immédiatement, par son libellé, que cette motion touche à un sujet extrêmement sérieux. Effectivement, compte tenu de ce que vivent les victimes d'actes criminels, c'est un sujet qui mérite d'être abordé et examiné pour savoir ce qui se fait dans les provinces canadiennes, entre autres, au Québec, puisque je suis un député québécois.

On sait que le crime affecte de plusieurs façons les personnes qui en sont victimes. Celles-ci subissent des préjudices d'ordre physique, psychologique, matériel et social. Les victimes et leurs proches ont donc des besoins particuliers. Les victimes doivent être traitées de façon juste et humaine par le système de justice pénale. Il importe donc qu'elles soient informées de leurs droits et des moyens de les faire valoir, du cheminement de leurs dossiers et de leurs obligations.

Les victimes ont besoin d'aide pour faire face à leur situation. Cependant, là où je ne peux être d'accord avec le parrain de cette motion, ainsi qu'avec son parti, le Parti réformiste, c'est lorsqu'on dit que de telles matières devraient faire l'objet de normes nationales.

Compte tenu que le Bloc québécois ainsi que les Québécois et les Québécoises revendiquent certaines choses depuis des années, et qu'on investit dans des domaines sociaux de façon très particulière depuis 25 ou 30 ans, on ne peut pas partir du même point que l'Ouest canadien ou les Maritimes sur un sujet, tel que celui à l'étude aujourd'hui.

Ce n'est pas parce que nous avons des prétentions particulières ou qu'on se pense meilleurs que les autres, qu'on s'entende bien. C'est qu'au Québec, cette question a déjà été développée et traitée par l'Assemblée nationale et je pense très sincèrement, compte tenu des résultats, que les provinces sont les mieux placées pour faire face à la mise sur pied de tels organismes ou à la nomination de tels commissaires.

Présentement, on étudie en comité parlementaire la question des droits des victimes. Une représentante du gouvernement de la Colombie-Britannique est venue dire à peu près la même chose que ce que dit le Québec depuis des années. La Colombie-Britannique a peut-être un peu moins d'expérience que le Québec dans ce domaine précis, mais, à l'heure actuelle, je peux dire que cette province m'a impressionné par tout ce qu'elle fait pour aider les victimes. Il y a sans doute d'autres provinces également, mais je ne les ai pas entendues à l'heure actuelle. Mais la Colombie-Britannique confirme, comme le Québec, que ce sont les provinces qui sont les mieux placées pour faire face à cette problématique.

 

. 1140 + -

Au Québec, on a une loi traitant de ces questions; il s'agit de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. C'est dans les Statuts refondus du Québec, au chapitre A-13.2. Je ne lirai pas la loi, parce qu'elle est assez volumineuse, mais je vais toutefois souligner les sujets traités.

Naturellement, on définit ce qu'est une victime et ce qu'est un acte criminel. On définit également les personnes à charge. On donne les traitements de la victime et on énumère ses droits. On y souligne que la victime doit être informée de ses droits, de l'application de la loi et être informée également, si l'intérêt public le requiert et le permet, de l'enquête policière et des accusations qu'on portera contre l'agresseur. Elle a droit, naturellement, à l'assistance médicale. Elle a droit, et c'est une obligation, à la collaboration des autorités.

De plus, il y a, au Québec, un Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. Ce Bureau est financé en grande partie par des surplus d'amendes et par des amendes que le législateur permet d'imposer aux agresseurs lorsqu'ils sont trouvés coupables.

Au Québec, on a cette orientation que le député du Parti conservateur voudrait bien voir instituée sur le plan national. Selon ce que disaient également les députés réformistes, il faudrait avoir des normes nationales pour que tout le monde soit traité équitablement.

Il ne faut pas embarquer dans cela. Je dis de ne pas toucher à cela, puisque cela relève de la juridiction provinciale. C'est en vertu de la Constitution canadienne que l'administration de la justice est de juridiction provinciale. Je ne crois pas qu'on doive, à ce moment-ci, intervenir dans cette sphère de juridiction.

Je n'ai entendu personne du Québec, jusqu'à maintenant, réclamer une intervention de ce style, puisqu'on a chez nous la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, et surtout le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas matière à amélioration. Tout peut être amélioré, incluant le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. Cependant, ce que je dis, c'est que s'il y a place à amélioration, c'est à la province à le faire. Inversement, si le fédéral semble avoir de l'argent dont il ne sait que faire, comme l'a dit la représentante de Colombie-Britannique, et s'il veut investir dans cette sphère de juridiction, aucun problème. Il s'agirait tout simplement de transférer cet argent, qui provient des taxes et des impôts des Canadiens et des Québécois, aux Législatures provinciales pour qu'elles l'investissent là où c'est nécessaire pour améliorer, comme dans le cas du Québec, les droits des victimes ainsi que le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels.

En conclusion, nous sommes contre la motion telle qu'elle est rédigée. Le Bloc québécois ne peut appuyer une motion semblable. Au Québec, nous avons déjà le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels et le Québec remplit bien ses responsabilités en matière d'aide aux victimes.

Si le gouvernement fédéral veut, comme cela semble être son désir, investir dans ce champ de responsabilité qui est de juridiction provinciale, qu'il le fasse par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale du Québec et des autres Législatures provinciales pour que les gouvernements de chaque province, y inclus le Québec, puissent investir là où ils le veulent pour aider directement les victimes d'actes criminels.

[Traduction]

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Madame la Présidente, je veux intervenir très brièvement au nom du Nouveau Parti démocratique pour dire que nous appuyons la motion présentée par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Elle est ainsi libellée:

    Que, de l'avis de cette Chambre, le gouvernement devrait créer le poste de commissaire aux droits des victimes d'actes criminels, dont le rôle serait semblable à celui de l'Enquêteur correctionnel.

 

. 1145 + -

Nous appuyons cette proposition. Nous croyons qu'elle reconnaît la nécessité de services accrus pour les victimes d'actes criminels, les droits de ces dernières et leur rôle dans le système de justice.

L'enquêteur correctionnel a pour mandat d'enquêter de manière indépendante sur les plaintes des détenus et de faire rapport des problèmes des détenus qui relèvent de la responsabilité du solliciteur général. L'enquêteur correctionnel, comme l'a souligné le député réformiste qui a pris la parole il y a quelques minutes, joue le rôle d'un ombudsman des établissements correctionnels fédéraux et il doit clarifier les pouvoirs et les responsabilités du bureau dans une structure législative bien définie.

Le bureau doit notamment enquêter sur les problèmes des contrevenants qui sont liés aux décisions, aux recommandations, aux actions ou aux omissions du commissaire du Service correctionnel du Canada ou de toute personne qui relève de la surveillance et de la direction du commissaire ou qui exécute, pour le commissaire ou en son nom, des services qui touchent les contrevenants individuellement ou collectivement.

L'ombudsman doit non seulement être indépendant et avoir un accès non limité à l'information lorsqu'il mène ses enquêtes obligatoires, mais il doit aussi agir, et c'est là un aspect fondamental de son travail, en présentant des recommandations et en déposant publiquement des rapports plutôt qu'en rendant des décisions qui doivent être mises en application.

Dans ce cadre législatif, le pouvoir du bureau c'est sa capacité de faire des enquêtes rigoureuses et objectives sur un large éventail de mesures administratives et de présenter ses constatations et ses recommandations d'abord au Service correctionnel du Canada. Lorsque le service correctionnel ne donne pas suite aux constatations et recommandations du bureau, la question est renvoyée au ministre et, s'il le faut, au Parlement et à la population dans le cadre d'un rapport annuel ou d'un rapport spécial.

Dans notre parti, nous croyons que la création d'un poste de commissaire aux droits des victimes sur le modèle de la fonction d'enquêteur correctionnel serait un premier pas important en faveur des besoins et des préoccupations des victimes dans notre système pénal. Un commissaire aux droits des victimes ferait en sorte que les victimes d'actes criminels reçoivent le traitement équitable et digne qu'elles méritent dans le système et empêcherait qu'elles soient à nouveau victimisées par le système.

En terminant, je dirai que nous appuyons la motion et que nous comptons sur le gouvernement pour la prendre sérieusement en considération.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a cinq minutes pour conclure le débat. Il est entendu que, après l'intervention du député, le débat sera terminé.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis encouragé par les commentaires des députés des deux côtés de la Chambre. J'ai cependant quelques préoccupations au sujet de ce qu'a dit le secrétaire parlementaire. Il est clair que nous avons présenté cette motion en toute bonne foi.

Il est clair aussi qu'il existe en ce moment un esprit de collaboration au sein du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Ce comité étudie la question générale du droit des victimes, mais la motion a été présentée à un moment où il n'était pas certain qu'il aborderait ce sujet. Il va sans dire que personne n'a voulu qu'il y ait dédoublement. La motion offre tout simplement à la Chambre des communes l'occasion d'exprimer son souhait de voir constituer, au sein du système de justice, un bureau qui reconnaisse officiellement les droits des victimes et améliore la participation des victimes au système.

Ce sujet sera abordé sur une tribune nationale au cours de la semaine prochaine. Comme on l'a mentionné, ce forum donnera aux principaux intervenants de notre système judiciaire l'occasion de s'exprimer, de parler à la ministre elle-même, de parler aux fonctionnaires du ministère qui, espérons-le, seront chargés de rédiger une déclaration des droits des victimes ou de créer un poste semblable à celui proposé dans cette motion.

 

. 1150 + -

Le député a fait remarquer que la ministre a déjà manifesté de l'intérêt à cet égard. Cela m'encourage beaucoup, et je crois que cela devrait encourager aussi tous les députés de la Chambre. La seule réserve que j'ai en entendant cela, c'est que le temps passe vite. La Chambre a aujourd'hui l'occasion de dire qu'elle veut que cela se fasse sans tarder, pour employer les paroles de la ministre. Nous espérons que cela se fera.

Les victimes d'un bout à l'autre du pays seront encouragées par cette initiative, qui leur permettra de participer plus pleinement au processus, qui leur donnera voix au chapitre. Ce forum leur donnera la possibilité de communiquer directement avec la ministre et les fonctionnaires de son ministère qui, espérons-le, mettrons ce genre de changements législatifs au premier plan dans un avenir très rapproché.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de soulever cette question ce matin. Je prends à coeur les remarques faites par les députés des deux côtés de la Chambre et je suis très encouragé par l'approche non partisane qu'on semble vouloir adopter à l'égard de la question des droits des victimes.

Je suis impatient de voir ce genre de changements se concrétiser très bientôt. Cela voudra dire que le débat de ce matin aura porté fruits. Ceux qui ont la malchance d'être des victimes auront la possibilité de participer plus pleinement au processus et, espérons-le, de voir à ce que justice soit faite dans notre pays.

M. Peter Adams: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je vous serais reconnaissant de demander le consentement unanime de la Chambre pour que nous suspendions la séance jusqu'à midi, après quoi nous passerons à l'étude des initiatives ministérielles.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Y a-t-il consentement unanime pour que nous procédions de cette façon?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Auparavant, comme il n'y a pas d'autres députés qui souhaitent intervenir et que la motion ne doit pas être mise aux voix, l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. L'article est rayé du Feuilleton.

[Français]

SUSPENSION DE LA SÉANCE

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Donc, tel que convenu, la séance est maintenant suspendue jusqu'à midi.

(La séance est suspendue à 11 h 52.)

[Traduction]

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 12 heures.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

 

. 1200 + -

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LES DÉCISIONS JUDICIAIRES

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.) propose:  

    Que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être affectée par des décisions judiciaires, comme c'est le cas avec la définition de «conjoint» dans la décision Rosenberg, et que, par conséquent, le gouvernement devrait en appeler immédiatement de cette décision.

—Monsieur le Président, la première partie de cette motion est un appel à la défense de la démocratie représentative, à tous les Canadiens qui y croient. La décision mentionnée dans la motion n'est qu'un autre exemple de décision judiciaire qui empêche les Canadiens de se faire entendre dans le processus démocratique parlementaire.

La décision rendue dans l'affaire Rosenberg est un bon exemple car elle est d'actualité et, comme nous l'expliciterons, elle va clairement à l'encontre des déclarations et positions prises par les chefs de parti à la Chambre et les députés dans leur ensemble. Il s'agit également d'un exemple approprié, car si le gouvernement fédéral agit, il peut protéger le processus législatif au Canada et faire en sorte que la population soit entendue.

Est-ce que j'adopte un ton trop fort ou mélodramatique lorsque je dis que les décisions judiciaires empiètent de plus en plus sur la démocratie au Canada? Au contraire, je sais que beaucoup de Canadiens croient que je n'exprime pas la situation en termes suffisamment énergiques.

Mes collègues et moi-même avons bon espoir que les autres députés se joindront à ceux qui, à la Chambre, demandent l'adoption de mesures précises, non seulement au sujet de l'affaire Rosenberg mais également pour défendre la démocratie dans son ensemble.

Au cours du débat d'aujourd'hui, les députés entendront probablement parler d'activisme judiciaire. Cette nouvelle expression fait référence aux décisions de juges qui vont bien au-delà de l'intention de la loi et qui ont pour effet de modifier la loi de façon substantielle, au point que des juges se sont substitués aux législateurs, au lieu de se limiter à interpréter et appliquer la loi.

Il s'agit, à ma connaissance, d'un phénomène relativement nouveau au Canada, mais qui prend de l'ampleur. Avant 1982, il existait, en vertu de la Déclaration canadienne des droits, une entente selon laquelle nous avions tous des droits inhérents, à moins qu'une loi ne les limite. D'autre part, certains droits étaient protégés contre l'ingérence ou l'intervention du gouvernement dans la vie des citoyens.

Depuis la constitutionnalisation de la Charte des droits et libertés, en 1982, certains juges se sont donné des pouvoirs plus étendus qu'ils n'y étaient autorisés.

Des tribunaux ont invoqué la Charte des droits pour invalider ou modifier des lois qui avaient été créées et étudiées à la Chambre par les législateurs élus par le peuple. C'est ce qui s'est produit dans l'affaire Rosenberg et dans de nombreux autres cas.

Dans l'affaire Schachter, survenue en 1992, la Cour suprême a statué que les juges pouvaient réécrire les lois par l'interprétation qu'ils en font. Dans ce cas précis, la Cour suprême s'est fondée sur la Constitution pour justifier son interprétation des lois. Ni la Charte ni la Constitution n'ont jamais accordé explicitement ce droit aux tribunaux.

Quand un nombre grandissant de juges non élus qui ne rendent pas de comptes ajoutent des mots à des lois qui ont été débattues et adoptées par des parlementaires dûment élus, le moment est venu de s'inquiéter de l'avenir de notre société libre et démocratique. Nous donnons aujourd'hui l'alerte. Je pourrais vous citer un certain nombre de causes pour illustrer mon point. J'en ai une liste, mais pour économiser du temps, je vais laisser le soin aux collègues de vous faire part d'un bon nombre de ces exemples. Je vais m'arrêter sur un exemple précis. Si, jusqu'à maintenant, tout le monde n'a pas clairement compris notre crainte, un examen de l'affaire Rosenberg permettra d'éclaircir les choses. Cela va illustrer mon propos.

 

. 1205 + -

L'affaire Rosenberg porte sur la Loi de l'impôt sur le revenu qui disait précisément «les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale». La Cour d'appel de l'Ontario, qui était saisi de l'affaire Rosenberg, a décidé, par le biais de son interprétation, d'ajouter des mots à la loi adoptée par le Parlement. La loi se lira dorénavant «les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé et de même sexe qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale».

Comme dans certains autres exemples dont j'ai parlé, cette redéfinition de la définition du «conjoint» par le tribunal pour inclure les relations entre conjoints de même sexe est une modification importante apportée à la loi. Si cette modification antidémocratique, apportée par un cour qui n'a aucun compte à rendre, demeure, au moins 40 autres lois fédérales où figure le terme «conjoint» seront touchées. Lorsqu'on modifie la définition de «conjoint», la définition de «mariage» elle-même est automatiquement redéfinie pour inclure les relations entre conjoints de même sexe, car la définition de «mariage» dans la loi dépend de la définition de «conjoint».

Les Canadiens ont-ils eu leur mot à dire dans tout ceci? Non. Est-ce que le Parlement a eu son mot à dire? Il est intéressant de savoir que le Parlement s'est clairement exprimé sur cette question, et c'est la raison pour laquelle cet exemple illustre si bien le problème. Au cours de la trente-cinquième législature, on a présenté la motion no 264. Elle proposait de reconnaître légalement les conjoints de même sexe. Le Parlement s'est prononcé clairement en rejetant la motion par 124 voix contre 52. La Chambre a ainsi refusé de reconnaître les relations entre conjoints de même sexe. Il s'agit de la voix collective des Canadiens défendant la validité de la loi actuelle, que les Canadiens ont élaborée dans le cadre d'un processus démocratique. Les juges de ce tribunal n'ont tenu aucun compte de cela et ont, de façon indépendante, fait exactement ce que les députés avaient refusé dans une proportion de presque trois pour un.

Que peut-on faire? À court terme, le gouvernement fédéral peut défendre la loi canadienne devant les tribunaux et contester la décision de la Cour d'appel de l'Ontario. Cela protégerait le processus démocratique et nos libertés fondamentales contre un tribunal qui fait ses propres lois. La décision dans l'affaire Rosenberg a été rendue le 23 avril 1998. Le gouvernement fédéral a 60 jours pour en appeler avant que les dispositions n'entrent en vigueur. Cela signifie que le gouvernement fédéral a deux semaines encore à sa disposition pour interjeter appel. Le temps presse. Le gouvernement va-t-il contester la décision? Quelle est sa position? Comme il ne fait rien, cela laisse supposer qu'il souscrit à ce que le tribunal fait et à la façon dont il a procédé.

Les réponses données par les ministres de la Justice du gouvernement libéral à des électeurs vont peut-être nous donner une idée de ce que le gouvernement va faire. Je vais citer deux lettres qui ont été envoyées à des électeurs par les ministres de la Justice au cours de la trente-cinquième et de la trente-sixième législatures. La première est datée du 24 avril. Dans cette missive, l'actuelle ministre de la Justice dit à un électeur: «Ainsi, le mariage est clairement défini dans la loi canadienne comme l'union de deux personnes de sexe opposé. Les avocats de mon ministère ont toujours défendu avec succès ce concept du mariage devant les tribunaux et continueront de le faire.»

 

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La ministre de la Justice dit ensuite: «Cela fait maintenant un certain temps que le problème des prestations aux personnes de même sexe a été soulevé devant les tribunaux et je continue de croire qu'il n'est pas nécessaire de changer les concepts bien connus du conjoint et du mariage pour tenir compte de toutes les considérations que les cours et les tribunaux pourraient invoquer en matière d'équité.»

J'ai une lettre similaire du ministre de la Justice durant la 35e législature, qui reprend presque mot pour mot les propos ci-dessus.

Le ton de ces lettres laisserait espérer que le gouvernement libéral va en fait défendre la loi canadienne et son application. Cependant, permettez que je vous cite le hansard. Il y a quelques jours, un député a posé la question suivante à la ministre de la Justice: «La ministre de la Justice croit-elle que des juges non élus ont le droit d'apporter des modifications comme celle-là ou pense-t-elle que des modifications de ce genre devraient être apportées par le Parlement fédéral, par les représentants élus des Canadiens?» Cette question faisait allusion à l'affaire Rosenberg.

Je ne vous lirai pas la réponse de la ministre au complet, mais seulement la dernière partie: «Dans l'affaire Rosenberg, les magistrats ont fait ce qu'ils étaient tenus de faire conformément à la Constitution, à savoir interpréter et appliquer la loi.»

Il s'agit d'être clair. Dans sa lettre à un électeur, la ministre transmet un message différent de celui qu'elle adresse à la Chambre des communes. Deux positions contradictoires en l'espace de cinq semaines. Quelle est la position du gouvernement à ce sujet?

J'espère, comme beaucoup de mes collègues, que cette affaire servira au gouvernement de point de départ pour tenir son engagement à l'égard des Canadiens et pour faire comprendre aux juges qui changent la loi, qui outrepassent leurs pouvoirs, que cela doit cesser.

Malgré les messages contradictoires venant de la ministre de la Justice, nous espérons que le gouvernement libéral va se réveiller, s'élever contre de tels abus, s'emparer des rênes du gouvernement et se porter à la défense des libertés démocratiques et du processus législatif dans ce pays. Nous lui demandons de le faire.

Il y a dans notre système judiciaire des hommes et des femmes dévoués et compétents, des personnes de haute intégrité qui consacrent une énergie considérable à la cause de la justice en ces temps difficiles. J'ai ici des citations de beaucoup d'entre elles, qui se préoccupent justement de ce qui est au centre du débat d'aujourd'hui. Peut-être que pour lui rendre hommage, je devrais commencer par citer M. le juge Sopinka, récemment décédé, un homme très succinct qui déclarait avec sagesse ce que tout juge devrait savoir et ce que tout Canadien attend: [...]la Cour doit être consciente de son rôle au sein de la structure constitutionnelle de notre forme de gouvernement démocratique et ne doit pas chercher à apporter des changements fondamentaux à des politiques bien établies, en se fondant sur des principes constitutionnels généraux et sur sa propre opinion de la sagesse de la loi.

Le problème, c'est que certains juges et certains tribunaux deviennent des législateurs non autorisés et non responsables, ils font ce que certains appellent de l'activisme judiciaire, un problème croissant au Canada. Les réformistes pensent que c'est un problème que l'on peut résoudre si l'on a la volonté politique de faire quelque chose. Le Parti réformiste a agi. Dans la nouvelle loi sur le Canada que nous proposons, et qui va être distribuée dans tout le Canada, il y a un article qui, d'abord, indique comment la Cour suprême peut être rendue plus responsable et, ensuite, donne en détail un processus permettant de s'assurer que les personnes nommées ont la bonne philosophie judiciaire et les qualifications pour maintenir l'ordre dans nos institutions.

 

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Pour terminer, permettez-moi de revenir à la motion présentée. Cette motion très importante demande au gouvernement fédéral de prendre des mesures pour protéger la loi canadienne et le rôle du Parlement. Pour ce cas précis, il y a un créneau de deux semaines pendant lequel on peut agir.

Nous invitons le gouvernement à faire quelque chose, nous lui demandons, au nom de tous les Canadiens, de faire savoir que la loi et l'ordre seront maintenus et que nos institutions démocratiques seront protégées. Pour le salut de notre démocratie, j'exhorte tous les députés à appuyer cette motion et à exiger que le gouvernement prenne enfin une position ferme afin de préserver nos libertés et l'intégrité du processus démocratique. En fait, j'estime que c'est de leur devoir.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, il me semble que le sujet dont il est question est basé sur la tradition et l'histoire.

Le système que nous avons n'a pas été élaboré et inventé par une poignée de personnes. L'histoire de notre régime parlementaire et de notre système judiciaire remonte à une époque où les rois régnaient en souverains absolus. C'est une histoire extrêmement intéressante. Les Anglais ont été les premiers à remettre en question les pouvoirs de la Couronne, à les réduire, et c'est de là que vient l'évolution de tout le processus démocratique parlementaire jusqu'au point où nous en sommes aujourd'hui.

Je trouve cela paradoxal qu'au moment où nous parlons du fait que le Parlement du Canada commence à perdre ses pouvoirs au profit de la Cour suprême, en même temps je lis dans les journaux qu'en Grande-Bretagne, on est en train d'éliminer ou de réduire les pouvoirs de ceux qui siègent à la Chambre des lords du simple fait qu'ils ont acquis ce droit à la naissance. Je trouve très intéressant de constater que le gouvernement s'oppose vivement à ce qu'on suive le modèle américain. Pourtant, aux États-Unis, la Cour suprême a le pouvoir de modifier, d'amender ou de supprimer des lois. Nous suivons ce modèle.

Mon collègue pourrait-il me dire s'il a réfléchi aux conséquences à long terme de cette érosion des pouvoirs du Parlement au profit de la Cour suprême?

M. Eric Lowther: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Oui, j'y ai réfléchi, à l'instar de nombreux députés à la Chambre et de nombreux Canadiens dans tout le pays.

Ce type d'ajout à la loi touche déjà de nombreux aspects du système juridique canadien et des lois qui nous régissent. J'ai en main un certain nombre de décisions rendues par les tribunaux, qui vont à l'encontre de l'intention du législateur. Il n'y a aucun contrôle de ce processus. Je pourrais vous parler de nombreuses décisions, mais permettez-moi d'en choisir une.

De nombreux habitants de la Colombie-Britannique sont au courant de cette affaire. Il s'agit de la décision rendue en 1997 dans l'affaire Delgamuukw. La cour a décidé que les titres fonciers des autochtones sur 23 000 milles carrés situés au nord-ouest de la Colombie-Britannique n'avaient jamais été éteints. Cette décision supprimait la souveraineté provinciale et fédérale. Elle invalidait la common law en vigueur depuis 1846. Elle minait la compétence des gouvernements fédéral et provincial sur des territoires assujettis à des revendications territoriales touchant 80 p 100 du territoire de la Colombie-Britannique.

Il y a d'autres cas, à l'autre bout du pays. Rendons-nous à l'Île-du-Prince-Édouard, un endroit merveilleux que j'ai eu récemment l'occasion de visiter. Dans l'affaire Prosper, en 1994, la cour a renversé une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies parce que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard n'avait pas fourni une ligne d'aide juridique téléphonique fonctionnant 24 heures par jour pour une personne comme le conducteur en cause. Le juge en chef Lamer a déclaré que les gouvernements provinciaux devraient en subir les conséquences s'ils ne respectaient pas les droits d'un accusé.

 

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Je pourrais vous citer un certain nombre d'autres cas. Des décisions de ce genre ont un effet tout à fait destructeur. Elles se situent à l'extérieur du processus démocratique que nous avons adopté au Canada et pour lequel des hommes et des femmes sont morts sur les champs de bataille, il y a 50 ans.

À l'instar de nombreux députés de notre parti, je suis inquiet. Il est plus que temps de superviser à nouveau les tribunaux pour veiller à ce que leurs décisions soient conformes à la loi. C'est la raison pour laquelle, dans la loi sur le nouveau Canada du Parti réformiste, on se penche sur cette question précise et on propose que les décisions de la Cour suprême et des autres tribunaux soient soumises à un processus d'examen pour veiller à ce que l'objet d'une loi ne soit pas violé par certains tribunaux qui ont décidé de jouer un rôle proactif, d'être actifs sur le plan juridique en ajoutant des dispositions aux lois, en donnant aux lois des objectifs qu'elles n'avaient pas.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je crois comprendre ce dont parle le député quand il fait allusion à la suprématie du Parlement et de l'appareil judiciaire. Peut-il expliquer un peu plus clairement quelle est exactement la relation entre le Parlement et l'appareil judiciaire parce que la ligne de démarcation semble devenir un peu plus floue. Il semble que l'appareil judiciaire agisse de plus en plus comme le Parlement et que ce dernier se dirige dans une autre direction, bien que l'on ne sache pas trop laquelle.

Traditionnellement, il me semble que l'appareil judiciaire devait être indépendant du Parlement. Il devait agir de son propre chef, être capable d'examiner les choses de façon indépendante et de dire «voici ce que pense le législateur, voici ce qu'il a adopté, voici ce qu'il veut que le gouvernement soit et voici comment la population veut être gouvernée».

Le député peut-il faire la différence entre le rôle du Parlement et l'indépendance de l'appareil judiciaire?

M. Eric Lowther: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Le député a raison de souligner que le Parlement, les représentants élus de la population, doit débattre les projets de loi et adopter les lois régissant la population. La voix de tous les Canadiens est exprimée à la Chambre. L'une des choses que j'ai toujours aimée, c'est que le débat à la Chambre et aux comités. Les lois qui en résultent sont le reflet de la volonté exprimée des Canadiens. Tel est le rôle de cette Chambre.

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, son rôle consiste à interpréter les lois et à les appliquer. Mais ce que l'on observe au Canada, c'est que les juges invoquent maintenant la Charte des droits et libertés pour modifier les lois ou en modifier l'application. Ils se sont donnés ce pouvoir-là. Ce ne sont pas tous les juges qui sont d'accord là-dessus. En fait, dans mon discours j'ai cité mes discussions avec le juge Sopinka, récemment décédé, et je pourrais citer d'autres juges qui ne sont pas d'accord non plus.

L'ex-ministre de la Justice lui-même au cours de la 35e législature a dit à la Chambre que les tribunaux ne doivent pas élaborer des politiques ni récrire les lois. C'est le rôle du Parlement.

Ce que je trouve étonnant aujourd'hui, c'est que les deux derniers titulaires du poste de ministre de la Justice se sont fermement déclarés contre ce rôle des tribunaux, mais quand nous sommes saisis d'un cas, et cela est arrivé souvent comme je l'ai dit, qui viole clairement ce qu'ils ont dit publiquement et en privé dans des lettres à leurs électeurs, ils ne font rien. Tout ce passe comme s'ils souscrivaient à ce que font les tribunaux. C'est très embrouillé pour moi et j'espère vraiment qu'au cours du débat d'aujourd'hui, ils seront forcés de défendre le rôle du Parlement et aussi celui des tribunaux.

M. Philip Mayfield: Monsieur le Président, j'ai une autre question à poser à mon collègue.

 

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Depuis que je suis au Parlement, il me semble que les gens que je représente ont une opinion bien arrêtée sur la loi et que la loi doit les représenter de diverses façons.

Une chose me préoccupe et je voudrais que mon collègue me dise ce qui, à son avis, est la conséquence de ce que j'appellerais la dégradation illégitime de la loi par ceux qui ne représentent pas la population, mais qui bénéficient d'une nomination et pensent donc n'avoir aucun compte à rendre à la population canadienne. Quelles conséquences le député voit-il à ce que la Cour suprême modifie les lois?

M. Eric Lowther: Monsieur le Président, la principale conséquence que les Canadiens commencent à constater, c'est que les lois du pays et les décisions des tribunaux n'ont pas grand-chose à voir avec la réalité. C'est une source d'inquiétude pour tous les habitants du pays. Les Canadiens ont de plus en plus l'impression que la confusion règne dans les tribunaux et que les décisions judiciaires ne reflètent ni leurs priorités, ni leurs valeurs, ni leur culture. Cela nous inquiète beaucoup.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Madame la Présidente, je suis très honorée d'intervenir pour dénoncer la motion que les réformistes proposent aujourd'hui.

À titre de médecin de famille, je ne prétends pas avoir l'autorité nécessaire pour parler de la division entre la loi et l'État. Je sais seulement que nous devons veiller à ce que le Parlement ne nuise pas à la façon dont la loi est interprétée et appliquée.

Dans l'affaire Rosenberg, la juge Abella a décidé que l'orientation sexuelle du conjoint survivant ne saurait en aucun cas être considérée comme un facteur plus pertinent que la race, la couleur ou l'origine ethnique lorsqu'il s'agit de savoir s'il devrait avoir droit à la protection de revenu pour laquelle son conjoint a versé des cotisations. Elle a ajouté que la discrimination contre les homosexuels en matière de pension ne servait aucun «objectif urgent et réel» et que «l'objectif que poursuit le gouvernement en favorisant les unions hétérosexuelles permet d'enfreindre les droits protégés par la Constitution que possèdent les gais et les lesbiennes. Cet objectif est donc discriminatoire et ne saurait justifier la violation de la Constitution.»

La décision stipule que «le vieillissement et la retraite ne sont pas des phénomènes uniques aux hétérosexuels» et que «les tribunaux ne fonctionnent pas par sondages».

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je regrette d'interrompre la députée, mais je lui rappelle qu'au cours du débat, il n'est pas permis de nommer des juges.

Mme Carolyn Bennett: «Ils sont tenus de rendre des décisions réfléchies sur la question de savoir si une violation constitutionnelle se justifie dans une société libre et démocratique.» Les juges signalent que la lutte pour la déségrégation raciale a duré soixante ans aux États-Unis et que d'attendre que les mentalités évoluent peut s'avérer une solution désespérante.

En tant que médecin généraliste, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les conjoints que j'ai vus étaient unis jusqu'à leur mort. Comme les gens d'en face se l'imaginent, certains de ces couples ont vécu des situations très difficiles, combattant les maladies les plus graves.

C'est l'épidémie du sida qui nous a le mieux appris ce que pouvait ressentir un homme qui, après avoir été abandonné par sa famille, est devenu un grand artiste, puis a été soigné jusqu'à sa mort par son partenaire appelé, selon la mode du moment, son copain, son compagnon de vie, son conjoint. Sur son lit de mort, il s'aperçoit que ses parents sont revenus auprès de lui pour décider que tous ses biens appartiennent désormais à sa famille qui l'avait pourtant abandonné lorsqu'il était jeune.

Parmi les familles que j'ai soignées, il y avait ce couple formé de deux femmes. L'une d'elles avait quitté son mari qui la violentait. Ensemble, les deux femmes élevaient un enfant. La mère de l'enfant est morte du cancer du sein. Dans l'esprit de l'enfant, l'identité de son deuxième parent ne faisait aucun doute.

 

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Il nous faut absolument aller de l'avant et comprendre que les vieux préjugés que nous entretenons, selon lesquels les relations hétérosexuelles sont les seules acceptables, ne sont plus valides et conformes à la réalité d'aujourd'hui.

Lorsqu'ils entendront ces deux récits, les Canadiens comprendront en quoi consistent les bonnes décisions que nous nous devons de prendre. Il est vrai que, en grandissant dans une boutique de fleuriste, j'ai vite compris que plusieurs membres du personnel de mes parents avaient, comme compagnon de vie, des personnes du même sexe. Toutefois, on peut très bien comprendre, même sans cela, que ce genre de discrimination et cette argumentation au sujet de la définition de conjoint camouflent à peine l'homophobie.

Je suis déçue que nous en soyons encore, en 1998, à discuter de cela. Combien de temps s'est-il écoulé depuis que M. Trudeau nous disait que l'État n'a rien à faire dans la chambre à coucher des gens? Pourquoi jonglons-nous encore avec la définition de conjoint? C'est un jugement de valeur. Un jugement de valeur injustifié.

Je crois que nous devons commencer par redéfinir ce qui constitue les unités de notre société. Notre pays ne sera jamais plus fort que les unités qui le constituent. Que nous donnions à ces unités la définition de famille ou de filet social, ce sont ces petites unités qui, liées entre elles, font la force de notre pays.

Il est très important que nous choisissions ceux qui décideront pour nous.

Lorsque je travaillais au service d'urgence et que je demandais à un patient qui était son plus proche parent, il importait peu que ces gens soient mariés. Son plus proche parent était la personne qu'il considérait comme son conjoint, son compagnon de vie.

Parfois, de soi-disant parents du patient arrivaient d'une région quelconque et remettaient en question tout le plan de soins établi. Cela a un effet destructeur sur le tissu social.

Je suis de plus en plus convaincue qu'à certains moments donnés c'est le Parlement qui dirige, et qu'à d'autres ce sont les tribunaux. Lorsqu'un tribunal expose des lacunes dans la loi, nous devons nous plier à son jugement. Les droits des minorités ne ressortiront jamais dans un sondage d'opinion. Il nous incombe, en tant que dirigeants du gouvernement, de ne pas céder à la peur générale envers un soi-disant mouvement d'évangélisation homosexuelle. Une telle chose n'existe pas.

Des gens m'ont dit que s'il n'était pas aussi facile d'opter pour le mode de vie homosexuel, les gens ne le choisiraient pas. Pourtant, je crois que c'est sans doute le choix le plus difficile qu'on puisse faire. Je ne crois pas que quiconque le fasse librement. Ce choix tient à la nature des gens et nous devons respecter cela. Nous devons veiller à protéger les liens que ces gens ont entre eux. Lorsque quelqu'un perd un conjoint qui avait une pension, il devrait y avoir droit. Il devrait avoir droit de recevoir les biens de la personne qui était son compagnon de vie, et recevoir ses avantages puisque tous deux y ont contribué.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, l'ancien ministre de la Justice et actuel ministre de la Santé a déclaré ce qui suit, à l'appui du projet de loi C-33: «Ce n'est pas aux tribunaux de définir la politique concernant des questions comme celles-ci. C'est le rôle des législateurs et nous devrions avoir le courage de le faire.»

Approuvez-vous ou désapprouvez-vous ces propos de votre ministre?

Mme Carolyn Bennett: Madame la Présidente, je crois que ce que l'ancien ministre de la Justice a dit, c'est que, quand on a un gouvernement qui sait exercer son leadership, on ne devrait pas avoir à s'en remettre aux tribunaux pour prendre les décision plus délicates.

Si nous, au Parlement, ne faisons que les choses faciles et laissons les tribunaux prendre les décisions plus délicates, nous ne faisons pas le travail dont la population nous a confié le mandat en nous élisant.

 

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Je ne crois pas que l'ancien ministre de la Justice ait voulu dire que nous ne devons pas le faire ou que les tribunaux ne devraient pas prendre de décisions de principe dans l'interprétation de la loi. Toutefois, une fois qu'ils ont pris de telles décisions, nous avons la responsabilité d'accomplir l'étape suivante, soit de vérifier si la loi ne devrait pas être modifiée.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Madame la Présidente, l'intervention de la députée est peut-être louable, mais elle est peut-être un peu à côté de la question dont nous discutons aujourd'hui. En gros, nous parlons des activités judiciaires et d'une préoccupation fondamentale, maintenant que nous avons une charte, à savoir que l'instance qui prend les décisions est aussi importante que la décision elle-même.

La position de notre parti au sujet de la constitution de la Cour suprême et des nominations aux plus hauts tribunaux des provinces est très précise. Elle se lit comme suit:

      A. Le Parti réformiste préconise l'adoption de procédures de ratification des nominations à la Cour suprême plus sévères et plus transparentes, compte tenu des pouvoirs que nos législateurs concèdent aux tribunaux. Nous croyons qu'un Sénat élu devrait ratifier toutes les nominations à la Cour suprême du Canada et à tous les tribunaux dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral.

      B. Le Parti réformiste préconise l'adoption de démarches visant à assurer une représentation régionale adéquate à la Cour suprême et considère que les nominations devraient être la responsabilité des assemblées législatives provinciales, et non des gouvernements provinciaux.

      C. Le Parti réformiste préconise la nomination des juges à la Cour suprême du Canada pour un mandat fixe et non renouvelable de dix ans.

L'idée, c'est de déterminer le rôle approprié des tribunaux, car, en fin de compte, c'est le Parlement qui doit avoir le pouvoir. S'il faut avoir ce genre de débat sur des questions de politique, comme la députée semblait vouloir le faire aujourd'hui, c'est très bien, mais ces questions doivent être tranchées par le Parlement, et non les tribunaux.

Maintenant que nous avons une charte, nous devons être très attentifs à savoir qui prend les décisions et quelles sont ces décisions. De cette façon, on peut espérer que les tribunaux n'outrepasseront pas leurs pouvoirs et laisseront le Parlement faire son travail.

Mme Carolyn Bennett: Madame la Présidente, il est curieux que le député ait parlé de la pertinence de mes observations et qu'il n'ait pas pu s'abstenir de parler du Sénat dans les siennes.

Je crois qu'il est impérieux d'examiner la façon dont nous sommes régis. Il est intéressant de constater que, dans sa nouvelle loi sur le Canada, le Parti réformiste dit qu'il demandera au législateur d'examiner les décisions de la Cour suprême et de modifier les lois en cas de nécessité.

C'est en fait ce qui se produit déjà. C'est de cela que nous parlions au sujet des observations faites par l'ancien ministre de la Justice. Il est très important que le pouvoir judiciaire soit indépendant et libre de toute intervention et de tout sectarisme politiques pour pouvoir agir de façon raisonnée.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, c'est avec grand plaisir que je participe au débat.

Je comprends que par cette motion, le Parti réformiste veut mettre en lumière deux aspects. Un premier aspect est la nécessité que le Parlement puisse donner les orientations concernant les lois et qu'il est souhaitable, avant même que les lois soient interprétées par le pouvoir judiciaire, il y ait eu des débats au préalable en cette Chambre. S'agissant de ce principe, nous en sommes.

Le deuxième aspect de leur proposition est plus fidèle à la tradition «homophobique» des réformistes, et demande au Parlement d'en appeler du jugement Rosenberg. Le jugement Rosenberg a été rendu par la Cour d'appel de l'Ontario en avril de cette année et il invalide une disposition précise de la Loi de l'impôt sur le revenu, parce qu'elle n'inclut pas les conjoints de même sexe.

Ceux qui étaient membres de cette assemblée lors de la précédente Législature connaissent très bien la fermeture d'esprit du Parti réformiste, fermeture d'esprit à la toute limite du dogmatisme. Ils savent bien que ce qui dérange les réformistes, c'est cette incapacité d'admettre que deux hommes ou deux femmes peuvent librement, en toute sérénité, choisir de former un couple et de s'avantager mutuellement. C'est évidemment discriminatoire, dans un contexte comme celui-là, de ne pas reconnaître aux homosexuels les bénéfices qui sont consentis aux hétérosexuels.

 

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C'est vrai qu'on peut souhaiter que les parlementaires de cette Chambre se prononcent sur la reconnaissance des conjoints de même sexe. Ils auront l'occasion de le faire, puisque j'ai l'intention de présenter un projet de loi à la Chambre en septembre. J'espère que le Parti réformiste, le Parti libéral, le Parti progressiste-conservateur et le Nouveau Parti démocratique appuieront ce projet de loi pour qu'il fasse l'objet d'un vote et pour que tous les parlementaires puissent s'exprimer sur un sujet d'importance.

Il s'agit finalement de mettre fin à la discrimination dont les homosexuels sont victimes, à tel point que l'on puisse reconnaître que deux hommes ou deux femmes peuvent former un couple et que l'État doit verser les mêmes bénéfices, les mêmes prestations, et reconnaître les mêmes droits et les mêmes obligations à ceux qui sont engagés dans des unions, même s'ils sont homosexuels.

Quel est l'essentiel du jugement Rosenberg? Il faut se rappeler que Mme Rosenberg et Mme Evans, qui étaient membres du Syndicat canadien de la Fonction publique, étaient toutes deux engagées dans une union homosexuelle. Elles ont porté leur cause en justice. Le syndicat a demandé à Revenu Canada, qui administre la Loi de l'impôt sur le revenu, de reconnaître leur régime de pensions et de l'agréer. La raison pour laquelle nous discutons aujourd'hui de l'affaire Rosenberg, c'est que le Syndicat canadien de la Fonction publique a jugé discriminatoire le fait que Revenu Canada ne veuille pas reconnaître un régime de pension qui devrait être agréé, parce que dans la Loi de l'impôt sur le revenu, on ne permet pas de reconnaître les conjoints de même sexe.

Qu'a dit la Cour d'appel de l'Ontario? La Cour d'appel de l'Ontario a dit que oui, c'est discriminatoire et que le paragraphe 252(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu devrait être interprété comme si on y faisait explicitement référence aux conjoints de même sexe.

Ce qui est encore plus intéressant, en ce qui a trait à la Charte des droits et libertés, il est possible pour le législateur, comme pour les tribunaux, de limiter un certain nombre de libertés. Cette possibilité qu'ont le législateur et les tribunaux de limiter un certain nombre de libertés existe en vertu de l'article 1.

Je voudrais souligner ce qu'a conclu la Cour d'appel de l'Ontario en ce qui a trait à l'article 1, appliqué à la Loi de l'impôt sur le revenu, en relation avec le cas Rosenberg. C'est assez éloquent, et je crois que c'est la partie la plus intéressante du jugement.

On y souligne que: «[...] les hétérosexuels ne sont pas seuls à vieillir et à prendre leur retraite.» Qui peut nier que les homosexuels aussi vieillissent? C'est là une loi de la nature qui est équitable et qui n'a rien à voir avec la fortune, la religion ou la race. On dit que «[...] les hétérosexuels ne sont pas seuls à vieillir et à prendre leur retraite. L'hétérosexualité n'a rien qui justifie que le gouvernement y accorde une attention préférentielle à la possibilité d'insécurité économique. Il ne saurait donc s'agir d'un objectif urgent et réel, justifiant que soit reconnue de façon exclusive la nécessité de protéger les revenus des Canadiens âgés ayant des préférences hétérosexuelles.»

C'est de cela dont le Parti réformiste devra un jour s'expliquer. En vertu de quelle logique, deux hommes ou deux femmes qui travaillent, qui paient des prestations, qui sont des consommateurs, des contribuables et des citoyens, en vertu de quelle logique, dis-je, un parlementaire de cette Chambre pourrait se lever et ne pas reconnaître, avec le minimum d'honnêteté qu'on est en droit de s'attendre des parlementaires, qu'il y a quelque chose de discriminatoire?

Il faut être clairs. La question de la reconnaissance des conjoints de même sexe, ce n'est pas une question d'être à gauche ou d'être à droite.

 

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J'ouvre une parenthèse pour rappeler qu'en 1992, la ministre de la Justice de l'époque, Mme Kim Campbell, a décidé, parce qu'un jugement avait été rendu par une cour de l'Ontario toujours, de reconnaître que l'on ne pouvait pas discriminer sur la base de l'orientation sexuelle. C'est la fameuse affaire Haig qui a donné lieu à un amendement à la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui nous a permis, comme parlementaires, d'adopter, il y a deux ans, le projet de loi C-33.

La question de reconnaître que deux hommes ou deux femmes peuvent vivre ensemble une relation gratifiante, mutuellement consentie, être des consommateurs, des citoyens engagés, des gens impliqués dans leur communauté, payer leurs cotisations syndicales, payer tous les avantages et obligations qui découlent d'une participation du marché du travail, c'est d'abord et avant tout une question de non-discrimination.

Un jour ou l'autre, le Parti réformiste devra dire s'il est capable de reconnaître que ce n'est pas acceptable pour un État, que ce n'est pas acceptable pour un gouvernement, de discriminer sur la base de l'orientation sexuelle. Parce que, on le sait très bien, on ne choisit pas d'être homosexuel. Ce n'est pas une question de choix. Je n'ai pas demandé, en me levant, un matin, d'être homosexuel et le lendemain matin, d'être hétérosexuel. Ce qui fait qu'on est homosexuel, c'est une question de désir, c'est une question d'attirance.

Tant et aussi longtemps que le Parti réformiste présentera des motions qui, on le rappelle, sont homophobes, ne sont pas très dignes des parlementaires, qu'envoie-t-il comme message à la population? Ce qu'il envoie comme message à la population aujourd'hui, c'est qu'il ne reconnaît pas la réalité des gens qui sont engagés dans des unions de fait homosexuelles.

Je crois que ce n'est pas à leur honneur. Bien sûr, il faut qu'il y ait un débat. Ils ont raison de dire que ce n'est pas acceptable que, dans une démocratie, ce soient les juges qui rendent des décisions. Ce à quoi il faut s'empresser d'ajouter, cependant, que lorsqu'une décision est rendue, évidemment, on ne peut pas décider qu'elle ne sera pas exécutoire, qu'on n'y donnera pas suite. Parce que c'est cela, la première partie de la motion réformiste.

Est-ce que le Parti réformiste pourrait considérer ce qu'ont dit différents tribunaux depuis une dizaine d'années, autant ceux liés aux questions du travail, ceux liés aux questions de la santé, les tribunaux administratifs, comme les tribunaux de droit commun? Tous ont dit qu'il y a quelque chose de discriminatoire à ne pas donner aux conjoints de même sexe les mêmes prestations que celles consenties aux hétérosexuels. C'est discriminatoire, car car ce sont des payeurs de taxes, ils contribuent par leurs taxes et leurs impôts.

Ce que je souhaite très clairement, c'est que le Parti réformiste reconnaisse, une fois pour toutes, qu'il y a de la discrimination. Lorsqu'on est homosexuel, on est aussi un consommateur payeur de taxes. Lorsqu'on vit avec un conjoint ou une conjointe pendant cinq, dix ou quinze ans, et que ce conjoint décède, qu'on n'a pas droit à une prestation de conjoint survivant, il n'y a rien, il n'y a aucune loi, aucun principe moral, aucun principe d'équité pouvant justifier que le gouvernement, que le législateur prive de prestations des gens qui ont droit à ces prestations parce qu'ils les ont payées. Ce sera important que le législateur amende toutes les lois, pas seulement la Loi de l'impôt sur le revenu, mais l'ensemble des lois.

Lorsque j'ai déposé un projet de loi, en 1994, j'ai recensé l'ensemble des lois où il y avait une définition de conjoint. Je peux dire qu'il y en avait près de 70. Ce débat est inévitable et je dis aux réformistes que la reconnaissance des conjoints de même sexe est inévitable.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Madame la Présidente, je crois que le député est sincère, mais j'estime que son intervention est hors de propos. Nous discutons très manifestement aujourd'hui de l'activisme du pouvoir judiciaire et de son usurpation du rôle du Parlement.

La propension du pouvoir judiciaire à réinterpréter les lois au-delà d'une simple déclaration et d'un libellé clair et évident suscite une vive inquiétude. La définition de conjoint s'applique très clairement à un homme et une femme. Une modification de cette définition on ne peut plus fondamentale ne devrait pas être faite par les tribunaux, mais par le Parlement, en tant que représentant élu de tous les Canadiens.

Le député ne croit-il pas que c'est le Parlement qui devrait décider de cette modification?

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la Présidente, je suis d'accord avec mon collègue qu'il est important que nous ayons un débat éclairé à la Chambre, avec tout le temps que cela requiert, pour discuter de la reconnaissance des conjoints de même sexe.

 

. 1250 + -

Je mets cependant mon collègue en garde sur le fait qu'il pourrait utiliser un faux-fuyant. Je demande à mes collègues, au cours de ce débat, de se lever et de dire si oui ou non, ils croient que deux hommes ou deux femmes qui sont engagés dans une union homosexuelle devraient avoir les mêmes bénéfices, les mêmes prestations et les mêmes obligations que des conjoints hétérosexuels, parce que c'est cela, la vraie question.

On peut choisir que le Parlement fasse le débat d'abord, mais les juges n'ont pas erré lorsqu'ils ont statué, autant à la Cour suprême que dans des tribunaux inférieurs de droit administratif, qu'il y avait discrimination.

Je souhaite que les porte-parole du Parti réformiste, nos collègues, admettent et donnent un signal clair aux législateurs que nous reconnaissons qu'il y a discrimination. Il faut amender les lois, et nous serions un Parlement tout à fait éclairé en votant à l'unanimité pour la reconnaissance des conjoints de même sexe.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Madame la Présidente, la question que nous débattons est la définition de conjoint. S'il convient de la modifier, j'estime que l'endroit pour le faire et pour en débattre équitablement est la Chambre, où tous les députés peuvent participer au débat.

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la Présidente, je dois dire que je présenterai un projet de loi, au mois de septembre, qui sera soumis à l'examen de la Chambre. Ce projet de loi donne l'opportunité aux parlementaires que nous sommes de débattre de la reconnaissance des conjoints de même sexe.

Je souhaite qu'au Comité de régie interne, le Parti réformiste, le gouvernement et tous les partis représentés à la Chambre permettent qu'il fasse l'objet d'un vote, parce que moi je vais en accepter le résultat.

Mon collègue a raison de dire nous devons faire ce débat à la Chambre. Nous devons voter sur une question d'importance comme celle-là, et je me donne toute la latitude démocratique qui doit exister entre parlementaires pour convaincre mes collègues du Parti réformiste qu'il y a matière à discrimination lorsqu'on ne reconnaît pas les conjoints de même sexe, et je me permets d'être optimiste quant à l'éventualité qu'ils votent en faveur de mon projet de loi.

[Traduction]

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Madame la Présidente, c'est avec un vif sentiment de tristesse et de déception que j'interviens aujourd'hui au nom de mes collègues du caucus du Nouveau Parti démocratique pour débattre de cette motion du Parti réformiste, car on ne peut y voir qu'une tentative à peine voilée de promouvoir et d'approuver la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Si la motion constituait vraiment un effort pour ouvrir le débat parlementaire sur les moyens de rendre notre système judiciaire plus sensible, plus efficace et plus démocratique, nous serions alors saisis d'une motion portant précisément sur ces questions, une motion qui aborderait la question de la durée des nominations des juges aux divers tribunaux. Elle parlerait de l'équilibre à maintenir à la magistrature en termes de genre, de gens de couleur et d'autochtones. Elle parlerait de la formation appropriée pour que les juges prennent de meilleures décisions. Or, la motion à l'étude n'aborde aucune de ces questions. Elle n'aborde pas non plus la question de la démocratisation de la Cour suprême ou de notre système judiciaire.

Nous avons plutôt affaire aujourd'hui à une motion qui cherche à mettre fin au pouvoir qu'ont les juges d'appliquer la Charte canadienne des droits et des libertés. Nous aurions une charte, mais elle ne protégerait pas les droits et les libertés des Canadiens. Ces droits englobent, comme nous le savons tous, la liberté d'expression, la liberté d'association et le droit à l'égalité sans discrimination fondée sur des considérations de race, d'origine nationale ou ethnique, de couleur, de religion, de sexe, d'âge ou d'invalidité. Ces droits et libertés tiennent beaucoup à coeur aux Canadiens. Ils n'y renonceront pas. Ils ne les céderont pas facilement parce que le Parti réformiste leur dit de le faire.

Dans l'affaire Rosenberg, le tribunal a jugé que les lesbiennes et les gais cotisaient également aux régimes de retraite et devraient avoir un droit égal aux prestations. Avant cette décision, le gouvernement fédéral pénalisait les employeurs qui accordaient à leurs employés homosexuels les mêmes prestations de retraite qu'à tous leurs autres employés. Le gouvernement fédéral révoquait l'agrément du régime de retraite à des fins fiscales et le rendait non viable. Le gouvernement fédéral se trouvait en fait à obliger les employeurs d'exercer de la discrimination à l'égard de certains employés et de les priver des prestations pour lesquelles les employés avaient cotisé.

 

. 1255 + -

Dans l'affaire Rosenberg, l'employeur était le Syndicat canadien de la fonction publique. Ce syndicat voulait offrir des prestations de pension égales à tous ses employés et le gouvernement fédéral lui interdisait de le faire. En raison de la décision Rosenberg, les conjoints des personnes qui contribuent à des régimes de pension de l'employeur pourront dorénavant retirer les mêmes avantages des régimes de pension, peu importe leur sexe.

La décision Rosenberg est appuyée par de larges segments de la société canadienne, dont beaucoup de groupes de promotion de l'égalité. J'inclus dans ce nombre le Conseil national des Canadiens chinois, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et les groupes de lutte contre la pauvreté.

Le Nouveau Parti démocratique se réjouit de la décision Rosenberg et ne voudrait pas que l'on revienne au XIXe siècle comme le souhaite le Parti réformiste. Nous sommes presque entrés dans le troisième millénaire et le Parti réformiste n'a pas encore compris de quoi il retournait en l'occurrence, pas plus que le Parti libéral, malheureusement. Les libéraux se contentent d'attendre que les tribunaux prennent les décisions, car ils n'ont pas le courage de faire ce qu'ils devraient faire. Ils ne veulent pas être associés aux droits à l'égalité des lesbiennes et des gais.

Par son inaction sur les droits à l'égalité, le gouvernement libéral a donné aujourd'hui au Parti réformiste une tribune pour faire la promotion de ses idées anti-gais et anti-lesbiennes. Si le gouvernement fédéral cessait de pénaliser les employeurs qui veulent traiter tous leurs employés également, nous n'aurions pas ce débat aujourd'hui.

Le Nouveau Parti démocratique de la Colombie-Britannique a reconnu les partenaires de même sexe. Il a admis qu'en ne reconnaissant pas les partenaires de même sexe on contribuait à la pauvreté infantile, car les partenaires de même sexe ne sont pas légalement responsables de payer une pension alimentaire pour les enfants. Les lesbiennes, les gais et les bisexuels ne réclament pas seulement les mêmes droits que les hétérosexuels, ils réclament aussi les mêmes responsabilités. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse vient de se prononcer sur la question. Il a étendu les prestations de pension au partenaire survivant aux couples de même sexe.

La motion d'aujourd'hui fait voir le vrai visage du Parti réformiste. Ce n'est pas très beau. Selon le Sun de Vancouver, le chef du Parti réformiste aurait déclaré que l'homosexualité était destructrice pour l'individu et, à long terme, destructrice pour la société. Un autre député réformiste a déclaré qu'il congédierait une lesbienne ou un gai ou qu'il les confinerait dans l'arrière-boutique, loin des clients. Un autre encore a déclaré que la discrimination dans l'emploi contre les gais et les lesbiennes était dans l'intérêt de la société. Le porte-parole adjoint pour les questions de justice du même parti a déclaré que la violence contre les gais ne relevait pas des droits de la personne.

Les libéraux aussi ont eu leur contingent de députés contre l'égalité, notamment Roseanne Skoke, pour ne nommer qu'elle. Elle a déclaré que l'homosexualité était le fléau de l'humanité. Le chef du parti conservateur aurait dit, en 1994, qu'il était trop coûteux pour les contribuables de protéger les gais et les lesbiennes

Au début des années 90, mon collègue, le député de Burnaby a proposé une modification prévoyant l'allocation de prestations aux conjoints de même sexe dans le cas des députés. À l'époque, les conservateurs de Mulroney avaient rejeté la modification. Aujourd'hui, le Parti réformiste suit la tradition mulroneyiste. Qu'on ne s'y méprenne pas: ce n'est pas par accident que le Parti réformiste a choisi le jugement Rosenberg à l'égard de cette motion peu judicieuse. Dans sa motion, le Parti réformiste demande au gouvernement d'en appeler du jugement Rosenberg. J'exhorte le gouvernement à cesser de suivre l'exemple du Parti réformiste en ces matières et à mettre immédiatement fin au traitement injuste et inégal des employés.

Le Parti réformiste aime mettre son nez dans les chambres à coucher et les cuisines des Canadiens et dire à ceux-ci avec qui ils peuvent dormir, qui ils peuvent aimer et avec qui ils peuvent partager leur vie. Le Parti réformiste veut décider ce qu'est une famille et ce qui n'en est pas une. Il veut décider qu'une veuve qui a vécu 20 ans avec UN partenaire peut recevoir une rente de conjoint survivant mais qu'une veuve qui a vécu 20 ans avec UNE partenaire ne le peut pas.

Les lesbiennes et les gais payent les mêmes impôts et participent aux mêmes avantages sociaux que tout le monde. Et pourtant, s'il n'en tenait qu'au Parti réformiste, ils contribueraient à ces programmes sans que leur famille n'en profite jamais. C'est de la discrimination. Ce n'est tout simplement pas correct.

C'est avec beaucoup d'intérêt que les Canadiens suivent le présent débat. Ils vont entendre les observations oiseuses et les rationalisations tordues des réformistes qui s'efforcent de donner un air respectable à ce qui est purement et simplement du fanatisme. Le Nouveau Parti démocratique rejette catégoriquement cette motion et tout ce qu'elle représente.

Les néo-démocrates croient que le gouvernement et le Parti réformiste n'ont absolument pas à décider qui on peut aimer ni ce qui constitue une famille et ils n'ont absolument pas à dire aux employeurs de faire de la discrimination contre leurs employés.

 

. 1300 + -

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec intérêt la fin du discours de la députée et j'ai été étonné des belles paroles et des observations qu'elle a présentées et qui n'ont vraiment rien à voir avec la motion à l'étude.

Je voudrais lui poser une question toute simple, car la question fondamentale dont nous discutons aujourd'hui, c'est celle de savoir si, de l'avis des députés et des Canadiens, c'est au pouvoir judiciaire qu'il appartient de faire les lois dans notre pays. Les décisions des tribunaux devraient-elles avoir préséance sur ce que nous, les représentants élus de notre pays, décidons?

La députée croit-elle que les tribunaux devraient prendre l'initiative et créer des précédents ou est-elle d'avis que pareille question devrait faire l'objet d'un débat ouvert à la Chambre, de manière à ce que les gens aient leur mot à dire et que les législateurs élus par les Canadiens puissent discuter ouvertement de ces questions?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Madame la Présidente, je signale au député que les propos qu'il a entendus ce matin en provenance de cette extrémité de la Chambre ne sont pas de belles paroles. Ils dévoilaient plutôt les véritables intentions que les réformistes nourrissent en présentant cette motion et ils constituaient une réaction tout à fait justifiée de colère, de déception et de malaise à l'idée que le Parti réformiste tente de promouvoir la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et sous prétexte de vouloir rendre notre système de justice plus responsable et plus démocratique.

La magistrature, la Cour Suprême et les tribunaux de notre pays interprètent la loi et appliquent des mesures législatives qui existent depuis longtemps. Il est question, en l'occurrence, de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ces deux lois sont très claires en ce qui concerne les droits à l'égalité et le caractère illicite de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Nous constatons, avec l'affaire Rosenberg, l'application sans équivoque de dispositions législatives qui existent de longue date et qui traduisent l'opinion des Canadiens d'un océan à l'autre.

Permettez-moi de rappeler aux députés du Parti réformiste que les décisions des tribunaux servent à annuler ou à redéfinir la loi lorsque celle-ci est jugée injuste. Il fut un temps où les femmes battues étaient envoyées à l'hôpital avec des os fracturés. Elles étaient violées à maintes reprises. Elles voyaient leur vie et celle de leurs enfants menacées et elles étaient emprisonnées pour s'être défendues.

Il fut un temps où les policiers ne pouvaient aider ces femmes ou refusaient de le faire. Les femmes qui tuaient leur mari violent en légitime défense étaient incarcérées à perpétuité. Les tribunaux ont élargi leur vision de la légitime défense et ont tenu compte du syndrome de la femme battue, de manière à ce que les femmes qui sont battues, qui sont victimes de mauvais traitements et qui craignent pour leur vie ne soient pas davantage punies par le système de justice.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Madame la Présidente, je me souviens d'une histoire de meurtre survenue en Colombie-Britannique en 1997. Au cours d'une poursuite immédiate, les policiers étaient entrés dans un endroit où se trouvait le principal suspect et l'avaient arrêté. C'est bien cette personne qui avait commis le meurtre.

Le tribunal a décidé que le policier aurait dû d'abord obtenir un mandat, ce qui va à l'encontre de ma définition de poursuite immédiate et de mesures de ce genre. On a donc dû mettre sur pied un nouveau processus d'émission de mandats et un meurtrier est toujours en liberté.

Ce sont là des points sur lesquels un comité des Communes devrait se pencher. Il faut résoudre ce genre de problèmes. C'est à nous d'agir. Ce n'est pas aux tribunaux de le faire.

La député est-elle d'accord avec la décision Feeney?

 

. 1305 + -

Mme Judy Wasylycia-Leis: Madame la Présidente, comme je l'ai déjà dit dans mon discours d'ouverture, si les réformistes voulaient réellement par cette motion trouver des moyens d'améliorer le système judiciaire et de donner des principes plus démocratiques à la Cour suprême, ils l'auraient fait de façon franche et honnête. Ils ont toutefois soulevé dans leur motion la décision Rosenberg qui traite précisément de l'application de la loi au chapitre des avantages sociaux consentis aux conjoints de même sexe et de la reconnaissance des couples homosexuels.

Cette question est très importante. Le Parti réformiste essaie de revenir en arrière plutôt que de traiter des questions à l'étude. Si les réformistes veulent vraiment améliorer le système juridique et l'appareil judiciaire du Canada, je leur suggère de commencer par lutter pour l'égalité dans tous les sens du mot et de modifier nos systèmes en conséquence.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, c'est un peu à contrecoeur que je prends la parole pour participer au débat sur la motion présentée par le Parti réformiste.

Il semble que nous soyons en train de débattre des questions qui existent depuis toujours. Nous parlons ici de quelque chose de fondamental, en l'occurrence la façon dont le pouvoir judiciaire et le pouvoir législative sont indépendants l'un de l'autre.

Dans sa motion, le député de Calgary-Centre semble avoir oublié certains des principes les plus fondamentaux que nous avons appris dans nos cours d'introduction à la politique. Il s'agit ici de bien comprendre les principes fondamentaux de la démocratie. Aujourd'hui, nous devons consacrer du temps précieux à discuter des principes fondamentaux de la démocratie et peut-être même à éclairer le Parti réformiste à ce sujet. J'aurais préféré que nous consacrions ce temps précieux à tenir des débats plus constructifs à la Chambre.

Je crois que nous serons tous d'accord pour dire que notre démocratie, bien qu'elle ne soit pas parfaite, est une des meilleures au monde. L'une des raisons qui fait que notre démocratie est si respectée et si enviée par les autres pays, c'est qu'elle est fondée sur des règles de droit très solides, particulièrement celle selon laquelle les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif sont indépendants les uns des autres.

Si les politiciens avaient plus de pouvoir que les juges et étaient en mesure de renverser à leur gré les décisions des tribunaux, cela risquerait d'être le chaos total. Pour que le système fonctionne, il doit être fondé sur le principe des freins et contrepoids.

Si les réformistes étaient au pouvoir, s'ils pouvaient faire les choses à leur façon, les politiciens ne feraient que suivre l'actualité. Nous serions de vraies girouettes. Chaque fois qu'une question serait soulevée, nous nous empresserions de corriger la situation et nous essaierions de faire exactement ce que les médias nous diraient de faire.

Nous ne pouvons pas gouverner par sondage dans ce pays. La réponse doit être mesurée et tempérée lorsque le besoin se fait sentir. Nous ne pouvons pas être réactionnaires. On a constamment recours au mot «rhétorique» à la Chambre. C'est néanmoins au Parti réformiste qu'il s'applique le mieux. Voilà qui ne contribue pas à l'application de notre programme national.

Si le propre du pouvoir législatif c'est de légiférer, le pouvoir judiciaire a, quant à lui, pour fonction de faire en sorte que les lois adoptées par les parlementaires soient respectées. C'est vrai que cela s'inscrit dans le rôle même de la plus haute cour du pays, mais il faut également faire respecter la constitution et la charte des droits. Il arrive parfois qu'intentionnellement ou non celles-ci soient enfreintes par une loi, qu'elle ait été adoptée depuis fort longtemps ou aujourd'hui même.

Ce discours peut paraître aride à ceux et celles qui nous écoutent à la maison, mais il ne fait aucun doute qu'il est bon de temps à autre de réexaminer ces questions fondamentales. C'est un exercice parfois salutaire en ce qu'il est l'occasion de revoir nos positions et de bien peser les éléments en présence. Si l'on veut modifier nos valeurs morales, il faut le faire en usant d'une extrême prudence.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais m'assurer que tout le monde comprend le véritable enjeu de l'affaire. La motion du Parti réformiste a été proposée à la Chambre sans que cette précaution nécessaire n'ait été prise. Le député de Calgary-Centre a, à toutes fins utiles, recommandé à la Chambre d'en appeler de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario. Or, nous ne saurions donner mandat à un tribunal pour ce faire. Tel n'est pas notre rôle. Ce n'est absolument pas de notre ressort. En quoi consiste le cas Rosenberg? Il porte simplement sur la définition du terme «conjoint». Il a trait à un aspect très pointu de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit l'enregistrement d'un régime de pension. Comme à l'accoutumée, le Parti réformiste a tenté de faire passer toutes sortes d'hypothèses pour des faits objectifs. Il n'en est rien.

 

. 1310 + -

Ce différend découle du fait que Revenu Canada est dans l'incapacité d'accepter et de comprendre les nouvelles dispositions relatives au versement de la prestation de survivant dans le cas de conjoints de même sexe.

N'allons pas accorder à la question plus d'importance qu'elle n'en a vraiment. Gardons-nous de réagir outre mesure. Ne nous laissons pas emporter. Le procureur général du Canada concède que l'exclusion de certains bénéficiaires pour des raisons d'orientation sexuelle est discriminatoire; par contre, il maintient que cette inégalité est raisonnable et se justifie aux termes de l'article 1 de la Charte, la disposition salvatrice, que la restriction reprochée, à savoir l'exclusion des partenaires homosexuels qui vivent avec des employés adhérents visés par la Loi de l'impôt sur le revenu, vise un objectif urgent et réel. C'est la question sur laquelle la cour a statué.

La décision de la cour d'appel de l'Ontario est unanime:

    Les différences en matière de cohabitation et de préférences sexuelles sont des réalités qui doivent être équitablement reconnues, et non des extravagances qui doivent être pénalisées sur le plan économique.

C'est simple. Les gens doivent être traités de la même façon par la loi, quels que soient leur style de vie. C'est un principe essentiel de la législation canadienne.

Essentiellement, il n'y a aucune raison rationnelle de priver les employés homosexuels des droits dont bénéficient les employés hétérosexuels, tant sur le plan des prestations que sur celui de leur vie privée. Je cite un autre extrait du jugement:

    Le vieillissement et la retraite ne sont pas des phénomènes uniques aux hétérosexuels et l'hétérosexualité ne justifie pas en soi le traitement préférentiel que le gouvernement réserve aux hétérosexuels en ce qui concerne la possibilité d'une insécurité financière. Le fait d'isoler et de reconnaître de façon exclusive les Canadiens âgés dont l'orientation sexuelle est hétérosexuelle en vue de leur accorder une protection de revenu ne constitue donc pas un objectif urgent et réel.

Cela signifie que la loi ne devrait pas faire de différence entre les différentes orientations sexuelles. C'est tout.

Enfin, une dernière citation:

    Il est difficile de percevoir un lien rationnel entre le fait de protéger les conjoints hétérosexuels contre l'insécurité de revenu au décès de leur conjoint et le fait de nier la même protection aux conjoints homosexuels qui vivent ensemble. L'orientation sexuelle du conjoint survivant ne saurait en aucun cas être considérée comme un facteur plus pertinent que la race, la couleur ou l'origine ethnique lorsqu'il s'agit de savoir s'il devrait avoir droit à la protection de revenu pour laquelle son conjoint a versé des cotisations.

Ce sont là des principes très clairs auxquels tous les députés devraient adhérer.

Contrairement à ce que le Parti réformiste a tenté de faire valoir, cette décision n'a de toute évidence rien à voir avec la définition de la famille. Elle concerne un cas particulier et traite uniquement de l'exclusion des prestations aux personnes de même sexe. Il s'agit, dans ce cas, de discrimination économique fondée sur l'orientation sexuelle.

Il ne s'agit pas d'une décision d'application générale visant à modifier la définition de la famille. Quiconque affirme que cette décision vise la famille ou la définition de la famille est dans l'erreur.

Comme tous les autres députés, je suis convaincu que la famille doit être préservée. Sa valeur doit être reconnue et respectée et je ne crois pas que cette décision judiciaire aura pour effet de changer cela. Encore une fois, il n'existe aucun lien entre la discrimination indûment fondée sur l'orientation sexuelle et une tentative de miner le concept de famille.

Les députés réformistes croient que la modification de la définition de conjoint conduirait automatiquement à la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe. Ce n'est tout simplement pas le cas et je ne souhaite pas qu'il en soit ainsi. D'ailleurs, la meilleure preuve que ce n'est pas là notre intention, c'est qu'il y a sept provinces et un territoire qui ont adopté des lois de protection des droits de la personne qui interdisent la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Pourtant, aucune ne reconnaît les mariages entre personnes de même sexe.

Je ne crois pas que cette décision conduira à la reconnaissance, en droit, des mariages entre personnes de même sexe. Cette décision n'y fait aucunement référence et ne parle pas non plus de redéfinir la famille ou le mariage. Ce sont des questions tout à fait distinctes.

L'important, dans notre société, n'est pas de savoir si quelqu'un est hétérosexuel ou homosexuel, s'il est polygame ou s'il s'abstient de relations sexuelles. Il s'agit de faire en sorte que tous et chacun aient une bonne qualité de vie et la loi est là pour protéger les gens et faire en sorte qu'ils aient un droit égal à une vie de bonne qualité. Peu importe le choix qui est fait. Le choix est une affaire personnelle et la société doit faire preuve de respect et de tolérance à ce sujet.

 

. 1315 + -

Certaines conditions législatives doivent être créées et d'autres modifiées par suite de l'évolution des moeurs. Cela ne signifie pas pour autant que nous devions promouvoir l'homosexualité et ce n'est d'ailleurs pas l'objet du débat actuel. Il y a toutefois une différence entre promouvoir les droits de la personne et les respecter.

La décision Rosenberg porte sur les droits de la personne et vise à faire en sorte que nos lois ne soient pas discriminatoires. La discrimination est le fait de traiter des personnes différemment, de leur accorder des avantages différents ou de leur refuser des avantages à cause de choix qu'elles ont faits.

Le paragraphe 252(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu était discriminatoire. Je crois que la Cour d'appel de l'Ontario a rendu un bon jugement en remédiant à cette situation. Nous ne sommes pas ici pour poser des gestes discriminatoires. Ce n'est pas notre rôle et le choix ne nous appartient pas. Le choix a été fait.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je félicite mon collègue pour son discours d'ouverture.

Mais je veux lui demander s'il ne croit pas qu'il serait indiqué de faire un peu ce qu'a fait son parti lorsqu'il formait le gouvernement en 1992. On se rappellera qu'un jugement très important a été rendu, justement par une cour de l'Ontario, soit l'affaire Haig. Dans cette affaire, on a déclaré inconstitutionnelle la Loi canadienne des droits de la personne, parce qu'elle n'incluait pas l'orientation sexuelle dans les motifs interdisant la discrimination.

La ministre de la Justice de l'époque a décidé que, non seulement la loi serait exécutoire, mais qu'elle le serait à travers tout le Canada. On doit à Kim Campbell, qui a été première ministre du Canada en 1993, cette générosité qui a fait en sorte que, finalement, on a dû revoir la Loi canadienne sur les droits de la personne et offrir une protection additionnelle, basée sur la non-discrimination pour les motifs de l'orientation sexuelle, à tous les employés qui relèvent de la juridiction fédérale.

Est-ce que notre collègue ne croit pas que le gouvernement devrait s'inspirer du geste qu'a posé Kim Campbell, décider qu'il n'ira pas en appel du jugement et le rendre exécutoire à travers tout le Canada, séance tenante, maintenant?

[Traduction]

M. Peter MacKay: Madame la Présidente, je remercie mon collègue du Bloc québécois de reconnaître la contribution que le Parti progressiste conservateur a faite à la cause de la justice par le passé.

Nous avons certes beaucoup de motifs de fierté à cet égard. Nous cherchons toujours à modifier les lois pour servir la justice et faire en sorte que les bases de notre système de justice ne comportent aucune discrimination.

La décision Haig dont le député a parlé a été importante. La ministre de la Justice de l'époque, Kim Campbell, a servi la cause de la justice, comme les autres membres du gouvernement.

Je suis certainement rassuré par les observations que j'ai entendues à la Chambre au sujet de la décision Rosenberg. Je n'ai aucunement l'impression que le gouvernement va ordonner à ses procureurs d'interjeter appel. La décision sera prise sans égard à nos observations ni aux discussions qui se déroulent ici. Je ne veux pas dire que ce débat n'a pas sa place aux Communes, mais il nous faut préserver l'indépendance de la magistrature. Le pouvoir législatif doit lui aussi remplir son rôle.

Je suis favorable à ces propos, je prends note de l'intérêt du député pour ce sujet et je le remercie de sa question.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Madame la Présidente, je félicite le leader conservateur à la Chambre de son excellente intervention.

Si le gouvernement décide de ne pas en appeler de la décision Rosenberg, le leader conservateur veut-il dire que lui et son parti appuieront le choix du gouvernement?

M. Peter MacKay: Madame la Présidente, ma réponse sera claire et sans équivoque. Nous avons décidé de ne pas encourager le gouvernement à interjeter appel.

J'ai lu la décision. Je suis entièrement d'accord sur le commentaire et les observations des juges qui ont rendu cette décision. Nous estimons que cette question est à toutes fins utiles réglée une fois pour toutes. Nous n'incitons donc pas le gouvernement à faire appel et nous n'allons pas appuyer la motion à l'étude.

 

. 1320 + -

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de participer aujourd'hui à la Chambre à ce débat très important.

Ces dernières années, notre appareil judiciaire, la magistrature, a nettement outrepassé son mandat, qui est d'interpréter la loi selon l'intention du Parlement, en donnant à la loi un sens que n'ont jamais prévu les représentants élus de notre pays. Cette façon de faire, qui s'est lentement installée, s'est trouvée à mettre l'établissement de la loi par la prise de jugements faisant précédent entre les mains des juges.

Les Canadiens ne veulent pas qu'une poignée de non-élus prennent des décisions de ce genre. Le système actuel ne prévoit aucun contrepoids permettant de corriger le problème lorsque le gouvernement, qui est censé refléter la volonté de la majorité, ne prend pas ses responsabilités.

Je soutiens que, par suite de cet activisme judiciaire, le gouvernement libéral n'a pas pris ses responsabilités dans cette affaire et dans bien d'autres, qu'il s'agisse de l'affaire Feeney, en 1997, du jugement Delgamuukw, en 1997 ou des jugements Eldridge, Halm, Singh, Prosper ou Heywood, et j'en passe.

La motion proposée aujourd'hui concerne l'activisme judiciaire et le fait que les tribunaux établissent les lois au Canada au moyen des jugements qui font précédent. C'est ce que nous débattons aujourd'hui. La question est de savoir s'il devrait en être ainsi.

Si nous appuyons nettement cette façon de faire, il faut alors nous demander ce que diable nous faisons ici en tant que représentants élus des Canadiens. Si les tribunaux se mettent simplement à établir les lois au Canada, pourquoi diable sommes-nous ici?

J'estime que nous sommes ici pour débattre ouvertement et librement les mérites des argumentations qui sont présentées et des décisions qui sont prises. Nous, les représentants élus des Canadiens, sommes ici pour débattre des questions comme celle-ci, pour dire franchement ce que nous pensons et pour présenter sans peur le point de vue de nos électeurs.

Je voudrais parler maintenant de la décision judiciaire très importante dont il est question dans cette motion. Je ne crains pas de parler du jugement Rosenberg parce que ce jugement ou, plutôt, le fait que le gouvernement n'y ait pas réagi montre que le gouvernement a encore une fois manqué de leadership. Le gouvernement se contente de laisser les tribunaux rendre un jugement qui risque d'avoir une incidence profonde sur beaucoup de lois fédérales, sans lever le petit doigt, sans même en parler, en espérant que disparaissent cette affaire et d'autres affaires semblables touchant à toutes sortes de domaines et de sujets.

La ministre de la Justice, en tant que procureur général du Canada, a jusqu'au 22 juin pour interjeter appel de cette décision. Jusqu'ici, elle n'a donné aucun signe de son intention de le faire. En fait, le 27 mai, elle a déclaré au député de Yorkton—Melville:

    Dans l'affaire Rosenberg, les magistrats ont fait ce qu'ils étaient tenus de faire conformément à la Constitution, à savoir interpréter et appliquer la loi.

La ministre de la Justice ne comprend pas que cette décision aura en fait un impact profond sur la législation fédérale. C'est jouer la politique de l'autruche que de dire que les décisions rendues par un tribunal ne font pas jurisprudence. Ce n'est pas ce que nous a enseigné l'histoire. L'histoire nous a enseigné que les décisions prises par les tribunaux créent un précédent et qu'en fait elles ont un impact sur les lois.

J'ai oublié de dire au début de mon intervention que je partage mon temps avec mon collègue.

Les magistrats sont en train d'établir des lois en les réinterprétant en fonction de leurs idées. La ministre de la Justice tarde à intervenir dans le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La ministre va-t-elle continuer à ne rien faire, à se conduire comme une somnambule, à faire preuve de faiblesse face aux problèmes sérieux, les députés de l'opposition se le demandent. Le fait que le prédécesseur de l'actuelle ministre de la Justice, l'actuel ministre de la Santé, essaie de rassurer les députés en leur disant qu'il n'est pas question quant à lui que le Tribunal canadien des droits de la personne se mêle de redéfinir les termes conjoint, famille ou autre est très révélateur. En fait, en parlant du Commissaire Max Yalden, il a dit:

    Il a parlé de prestations, mais il a dit ne pas vouloir en faire une nouvelle définition en droit.

 

. 1325 + -

Tout devrait donc être bien. En réalité, nous ne devrions pas nous préoccuper du tout.

En 1996, dans l'affaire Canada c. Moore, une autre cause traitant des prestations aux conjoints de même sexe, le gouvernement a tenté de régler ce problème en utilisant le terme «partenaire», ce qui aurait réglé la situation. Cela aurait pu être une solution. En juin 1997, la Commission a fait savoir au Conseil du Trésor que le terme partenaire n'était pas suffisant, lui ordonnant d'utiliser le terme conjoint en parlant des partenaires du même sexe.

La commission qui selon l'ancien ministre de la Justice n'avait pas l'intention de redéfinir le terme conjoint l'a donc tout à fait contredit. Il faut donc revoir ses paroles et les considérer pour ce qu'elles étaient, c'est-à-dire des mots vides de sens, n'entraînant aucune mesure précise par le ministre. Pour ce qui est des paroles et des discussions, il faut reconnaître que les mots sont souvent vides s'ils ne sont pas suivis d'une intervention. Au cours du débat sur le projet de loi C-33, l'ancien ministre de la Justice a affirmé:

    Nous ne devrions pas nous en remettre aux tribunaux pour traiter des questions d'ordre public de ce genre. C'est une responsabilité qui incombe au législateur et nous devrions avoir le courage de nous en occuper.

Je demande à l'ancien ministre de la Justice s'il pourrait donner un coup de coude à sa voisine de pupitre pour l'inciter à prendre certaines mesures dans ce cas et bien d'autres.

Le Parlement a la responsabilité de préparer les lois du pays, puisque les Canadiens ont donné ce droit aux législateurs lorsqu'ils les ont élus. Le Parlement a le rôle unique de discuter de l'équilibre entre les droits et les responsabilités dans une société démocratique et les tribunaux devraient leur donner la chance de le faire. Les assemblées législatives sont soumises à l'examen du public; la Chambre des communes est donc le meilleur endroit pour débattre de questions revêtant une importance primordiale du point de vue social.

Pourquoi cette affaire, entre autres, suscite-t-elle tant d'émoi? Quelles sont les conséquences à long terme de cette décision? Si le procureur général ne fait rien, la décision Rosenberg créera un précédent dont les répercussions se feront ressentir sur plus de 40 lois et elle ira droit au coeur de la définition de «conjoint» et même de la définition de ce qu'est le mariage en droit canadien.

Le mariage est la pierre angulaire de toute société. En 1995, dans l'arrêt Egan, un juge de la Cour suprême a dit ceci:

    Le mariage est depuis des temps immémoriaux fermement enraciné dans notre tradition juridique, qui elle-même est le reflet de traditions philosophiques et religieuses anciennes. Mais la véritable raison d'être du mariage les transcende toutes et repose fermement sur la réalité biologique et sociale qui fait que seuls les couples hétérosexuels ont la capacité de procréer, que la plupart des enfants sont le fruit de ces unions et que ce sont ceux qui entretiennent ce genre d'union qui prennent généralement soin des enfants et qui les élèvent.

Je dirai en continuant que les Canadiens ont tout lieu de se demander quelles sont les motivations et les intentions du présent gouvernement. À ce que je sache, il n'a été question de redéfinir le mariage ni dans le livre rouge publié par les libéraux avant les élections de l'an dernier, ni dans le discours du Trône.

Nous nous demandons ce que va faire le gouvernement. Va-t-il tout simplement décider de ne pas contester la décision, et, ce faisant, permettre l'établissement d'un précédent dont s'inspireront les tribunaux dans d'autres décisions?

S'il n'en appelle pas de la décision Rosenberg, le gouvernement va tout simplement confirmer son manque de direction, son irresponsabilité et son mépris pour le mariage et la famille, qui forment la pierre angulaire de la société canadienne. L'occasion d'agir se présente aujourd'hui à la ministre de la Justice et au premier ministre.

Le premier ministre a ridiculisé une résolution adoptée récemment par plus de 1 200 délégués réformistes réunis en assemblée et par laquelle ils demandaient que soit faite une analyse de l'impact des lois fédérales sur la famille. Je le répète, les gestes en disent plus que les mots.

Les députés de l'opposition officielle exhortent le gouvernement à passer à l'action et à redonner aux représentants élus du peuple le pouvoir de légiférer. Faute de quoi, les Canadiens sauront que le présent gouvernement fait une fois de plus fausse route.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je pense que notre collègue du Parti réformiste a, bien malgré lui, induit la Chambre en erreur et pris des libertés un peu excessives avec les faits, lorsqu'il nous invite à comprendre que le jugement, dans son libellé, remet en cause la définition de la famille.

 

. 1330 + -

Je lui demande de m'indiquer où, dans le jugement Rosenberg qui a été rendu, on le sait, en avril dernier, il revoit une mise en cause de la famille. Je crois qu'affirmer une chose comme celle-là, ici même, à la Chambre des communes, n'est pas très responsable et témoigne d'une méconnaissance un peu crasse de ce qu'est le jugement.

Ce que le jugement dit, c'est qu'il est discriminatoire de ne pas verser de prestations de conjoint survivant à des travailleurs qui ont payé des cotisations et qui devraient en recevoir en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Je demande à mon collègue de m'indiquer où, dans le jugement que j'ai ici devant moi, on peut s'inquiéter d'une remise en cause de la famille.

[Traduction]

M. Grant McNally: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question.

L'affaire dont nous sommes saisis aujourd'hui concerne quatre mots figurant dans un jugement rendu par la Cour d'appel de l'Ontario et qui redéfinissent le terme «conjoint». Voilà l'objet du débat. Nous débattons du fait que les tribunaux et le pouvoir judiciaire, dans leurs décisions, interprètent abusivement certaines dispositions en outrepassant leur contexte. Voilà ce dont il est question aujourd'hui. Tel est l'enjeu du débat.

Nous parlons du pouvoir judiciaire, de son rôle, de ce qui s'est passé dans l'affaire qui nous occupe. De toute évidence, comme dans bien d'autres cas, la Cour d'appel de l'Ontario a, dans ce cas-ci, donné une interprétation abusive de la loi, créant ainsi un précédent. Nous savons tous, à moins d'être extrêmement naïfs, que les décisions rendues par les juges ne sont pas sans avoir un impact sur les jugements à venir.

C'est donc de l'avenir dont il est question ici. Si, dans cette affaire et dans d'autres du même genre portant sur divers domaines législatifs, nous, les parlementaires, approuvons cette façon de faire des tribunaux qui consiste à interpréter autrement ce que décident des représentants qui ont été expressément élus à cette fin, eh bien, à quoi servons-nous au juste?

Si nous sommes ici, c'est précisément pour débattre des questions comme celle-ci et bien d'autres qui ne sont pas sans importance. Ces débats doivent avoir lieu à la Chambre des communes de façon que ceux que les électeurs ont envoyés ici pour exprimer leurs points de vue soient en mesure de défendre par tous les moyens ce qu'ils estiment être la volonté de la population.

Si le gouvernement abdique sur ce point et permet aux tribunaux de redéfinir la loi, c'est qu'il manque de leadership. La motion d'aujourd'hui appelle donc à un débat ouvert sur des questions qui revêtent une grande importance. Si nous n'en faisons rien, nous manquons à notre mission.

Nous devons pouvoir débattre ouvertement de questions extrêmement importantes sans craindre d'être traités de tous les noms, comme ça été le cas aujourd'hui. Nous devons pouvoir en débattre ouvertement et objectivement de façon que la population en comprenne l'enjeu.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur la motion d'opposition dont nous sommes saisis et qui dit ceci: Que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne doit pas être affectée par des décisions judiciaires, comme c'est le cas avec la définition de «conjoint» dans la décision Rosenberg, et que, par conséquent, le gouvernement devrait en appeler immédiatement de cette décision.

Au départ, je voudrais préciser une chose qui semble ne pas avoir été parfaitement comprise jusqu'ici. Nous discutons fondamentalement de deux propositions contenues dans cette motion.

 

. 1335 + -

Tout d'abord, la proposition générale selon laquelle la législation fédérale ne devrait pas être modifiée ou reformulée par des décisions judiciaires. En d'autres termes, il s'agit du principe de la suprématie du Parlement. C'est un sujet extrêmement important auquel devraient s'intéresser de très près tous les députés. Tous les Canadiens devraient participer au débat dynamique et essentiel sur le rôle approprié des tribunaux, en fonction de la suprématie du Parlement. Fondamentalement, il s'agit d'un débat non pas entre la suprématie du Parlement et les examens judiciaires, mais entre la suprématie du Parlement et la suprématie du judiciaire.

En fin de compte, dans tout système de gouvernement où il y a un équilibre des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, l'un d'eux doit avoir la primauté. On ne peut éviter cette question fondamentale. Or, selon la tradition parlementaire et notre common law en vigueur depuis plusieurs centaines d'années, cette suprématie revient au Parlement. C'est le plus haut tribunal du pays. C'est ici qu'on doit adopter des lois pour tous les Canadiens.

C'est la première hypothèse générale à la base de la motion dont je vais parler.

Je vais mettre l'accent sur la seconde partie de la motion voulant que le gouvernement en appelle immédiatement de la décision Rosenberg.

Je ne peux vraiment pas comprendre qu'un député puisse s'opposer à cette seconde proposition voulant que le gouvernement conteste immédiatement la décision dans l'affaire Rosenberg. À la lumière du débat de ce matin, il y a des députés parmi nous qui croient que les tribunaux devraient avoir le pouvoir de réécrire les lois fédérales, peu importe ce que nos électeurs et nous-mêmes en pensons. C'est une position qui se respecte. Cependant, nous n'avons pas encore permis aux tribunaux d'avoir le dernier mot dans ce cas-ci.

La décision Rosenberg, dont nous discutons, a été rendue par la Cour d'appel de l'Ontario. À ma connaissance, la cour d'appel d'une province n'est pas le plus haut tribunal du pays. C'est plutôt la Cour suprême du Canada.

Ce qu'on demande dans la deuxième partie de cette motion, c'est que le procureur général du Canada donne à ses fonctionnaires l'ordre de contester la décision de la Cour d'appel de l'Ontario devant la Cour suprême du Canada. J'invite mes collègues de la Chambre qui souscrivent à la notion de la suprématie du judiciaire sur le Parlement de permettre à leurs alliés au sein du pouvoir judiciaire, à ces merveilleux juges de la Cour suprême, d'avoir leur mot à dire, chose qu'ils n'ont pas encore eue.

Je trouve cela plutôt ironique. L'éminente juge qui a rédigé la décision majoritaire de la Cour d'appel de l'Ontario, la juge Rosalie Abella, était, si je comprends bien, une des candidates à une nomination à la Cour suprême du Canada pour combler la toute dernière vacance. N'est-il pas intéressant que ce soit la ministre de la Justice, qui tergiverse depuis six semaines maintenant quant à savoir si on va en appeler ou non de la décision de la juge Abella devant la Cour suprême du Canada, qui n'a pas nommé cette juge à la Cour suprême du Canada.

Mme Shaughnessy Cohen: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Le député est certainement au courant des décisions rendues par divers présidents de la Chambre à l'effet qu'il ne convient pas de nommer un juge en particulier. C'est absolument inacceptable. Si les députés veulent parler de la magistrature de façon générale, ils peuvent le faire. Cependant, nommer un juge en particulier qui ne peut pas se défendre constitue un abus des privilèges de la Chambre. C'est aussi faire preuve de lâcheté.

M. Jason Kenney: Madame la Présidente, je ne connais aucun article du Règlement ni aucune convention de cette Chambre qui interdise aux députés de mentionner des décisions précises rendues par des juges. Je ne vois pas comment je peux citer des extraits de certaines décisions rendues par certains juges, comme j'ai l'intention de le faire dans mon discours, sans mentionner le nom des juges en question.

 

. 1340 + -

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Relativement à ce rappel au Règlement, je renvoie les députés au commentaire 493 de Beauchesne, qui dit ceci:

    De tout temps, les présidents de la Chambre ont considéré comme non parlementaires les allusions aux magistrats et aux tribunaux, lorsqu'elles revêtaient le caractère d'une attaque personnelle ou d'un blâme.

M. Jason Kenney: Merci, madame la Présidente, d'avoir apporté cette précision. Je n'ai aucunement l'intention de m'en prendre aux juges.

Il convient de mentionner ici que ceux qui croient que les juges devraient avoir le pouvoir de réécrire les lois du Parlement croient aussi que les juges devraient être à l'abri de toute critique. À mon avis, il y a là deux poids deux mesures. Si les juges croient qu'ils devraient être essentiellement des politiciens survalorisés, ils doivent être prêts à accepter que leurs jugements fassent l'objet d'un examen et d'un débat publics, ce que nous cherchons à faire ici.

Je parlais de la juge qui a rédigé la décision rendue à la majorité dans l'affaire Rosenberg, celle-là même que la ministre de la Justice a décidé de ne pas nommer à la Cour suprême du Canada. On pourrait logiquement en conclure, d'après la plus récente nomination à la Cour suprême, que la ministre de la Justice n'avait pas assez confiance en la juge Rosalie Abella pour la nommer à la Cour suprême du Canada. Par contre, la ministre n'a pas encore décidé de laisser la Cour suprême trancher la question. Autrement dit, la ministre de la Justice laisse la juge qui a rendu la décision avoir le dernier mot même si elle n'avait pas assez confiance en elle pour la nommer au plus haut tribunal du pays. Il y a un certain manque de logique ici.

Je veux revenir sur certaines des remarques faites par le distingué leader parlementaire du cinquième parti. J'ai trouvé ses remarques décevantes et quelque peu déficientes du point de vue de la logique. Tout d'abord, il a soutenu que la décision Rosenberg était extrêmement...

Mme Shaughnessy Cohen: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. L'opposition ne peut pas fendre les cheveux en quatre ici. C'est bien beau de dire qu'il ne faut pas mentionner le nom de la juge, mais, une fois qu'on l'a déjà mentionné, on ne peut pas dire toutes sortes de choses calomnieuses à son sujet, par exemple qu'elle n'a pas été choisie pour siéger à la Cour suprême du Canada.

Le député ne sait absolument pas, pas plus que moi-même ou n'importe qui d'autre à la Chambre sauf le premier ministre, qui la ministre de la Justice considérait comme des candidats possibles pour cette nomination à la Cour suprême du Canada. Il n'en a aucune idée. C'est pourquoi il ne devrait pas entacher...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): L'intervention de la députée tient du débat.

M. Jason Kenney: Madame la Présidente, les élucubrations de la députée d'en face étaient fort intéressantes.

Je le répète, je veux commenter certaines des observations qu'a faites le leader parlementaire du cinquième parti. Il a déclaré que cette décision, de nature très étroite, ne consistait qu'en une application technique et que les membres de mon parti prétendaient, pour des motifs malicieux et déraisonnables, que la décision aurait sur la loi une incidence beaucoup plus profonde que celle prévue.

La position du député me semble incohérente, puisqu'il affirme qu'il est déraisonnable pour le Parlement de définir le conjoint de manière à intégrer dans cette définition les conjoints de même sexe, mais qu'il est tout à fait raisonnable que la Chambre définisse le mariage comme une union entre deux personnes de sexe opposé seulement. Autrement dit, il est en faveur de la discrimination lorsqu'il est question de mariage, mais pas lorsqu'il est temps de définir le mot «conjoint». Ce genre d'ergoterie légaliste me semble franchement incohérent.

 

. 1345 + -

Permettez-moi de lire l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu que vise la décision Rosenberg afin que chacun puisse comprendre exactement ce que dit cette décision:

    Dans cette loi,

      a) les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale;

      b) la mention du mariage vaut mention d'une union conjugale entre deux particuliers dont l'un est le conjoint de l'autre par l'effet de l'alinéa a);

      c) les dispositions applicables à une personne mariée s'appliquent à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a); et

      d) les dispositions applicables à une personne non mariée ne s'appliquent pas à la personne qui est le conjoint d'un contribuable par l'effet de l'alinéa a).

Dans le langage obscur de la Loi de l'impôt sur le revenu, cela signifie essentiellement que la définition d'un conjoint et celle du mariage, aux fins de l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu visé par la décision Rosenberg, sont synonymes. J'en suis réduit à conclure que le leader à la Chambre du cinquième parti n'a pas lu l'article pertinent de la loi, car il est très clair que, en modifiant la définition de conjoint, les juges ont indirectement redéfini le mariage.

Le leader du cinquième parti a dit qu'il était raisonnable que le Parlement pratique la discrimination dans la définition du mariage, une discrimination positive et justifiable en faveur du mariage conçu comme il l'a été pendant des millénaires, comme une institution qui réunit deux personnes de sexes opposés.

Le débat porte sur un sujet très sérieux. Le leader du cinquième parti a aussi dit qu'il préférerait que nous discutions de choses plus importantes. Je ne peux pas concevoir de sujet de discussion plus grave pour les députés que le maintien de la suprématie du Parlement confirmée par notre histoire constitutionnelle.

À ce propos, je vais citer les propos du juge John McClung de la Cour d'appel de l'Alberta. Dans la décision Vriend, le juge a dit: «Lorsque des juges non élus décident de légiférer, ils mettent de côté l'équilibre des pouvoirs et les conventions qui sont l'aboutissement de siècles d'efforts. Cet acquis a coûté cher. Notre patrimoine constitutionnel n'est que le récit de cette acquisition, et le sang des hommes du peuple et des rois a parfois coulé. Tout cela est sacrifié lorsque des juges impatients de faire valoir des droits lancent les tribunaux dans les territoires incertains du débat politique.» Je ne saurais m'exprimer avec plus d'éloquence.

J'exhorte tous les députés à réfléchir sérieusement aux conséquences non seulement de cette décision, mais aussi de ce rôle de législateur que les tribunaux ont commencé à s'arroger. C'est nous, et non les juges, qui représentons le peuple.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations de l'orateur précédent et l'échange qui a eu lieu entre lui et le représentant du gouvernement. Je ne peux m'empêcher de songer au débat que nous avons eu, il y a peu de temps, au sujet du projet de loi C-37, concernant la Loi sur les juges. Nous avons là encore été témoins d'une attaque fort virulente et parfois personnelle à l'endroit des juges. Je suis donc désolé que nous nous écartions du sujet dans ce débat-ci.

Encore une fois, la Chambre est saisie d'une motion dont l'objet est très limité. Pourtant, le Parti réformiste a choisi de l'élargir en adoptant une vaste approche générale et alarmiste dans ce dossier.

Au lieu de s'en prendre au pouvoir judiciaire et de le démolir et de dire aux Canadiens que cette décision entraînera la chute de la démocratie, que propose le Parti réformiste? Que suggère-t-il que nous fassions lorsqu'il s'agit de tenter de limiter le pouvoir des juges? Au lieu de laisser entendre que nous devrions fouler ce pouvoir aux pieds, que suggère le Parti réformiste? Je me le demande.

M. Jason Kenney: Madame la Présidente, je rejette la fausse prémisse de l'observation du député.

 

. 1350 + -

Cette motion traite très clairement de deux questions, tout d'abord de la question générale de l'activisme du pouvoir judiciaire, à savoir que, en règle générale, des lois fédérales ne devraient être ni modifiées ni réécrites en raison de décisions judiciaires. Cette question vaut grandement la peine d'être débattue. La motion traite ensuite d'une question précise, l'appel de la décision Rosenberg. Il y a deux questions en cause dans cette motion. Nous n'essayons de débattre que ces deux questions.

Que pouvons-nous faire pour limiter un pouvoir judiciaire hyperactif? Tout d'abord, nous pourrions adopter des mécanismes d'examen parlementaire concernant la mise en candidature des juges, de sorte que nous, parlementaires agissant au nom des Canadiens, puissions être assurés, dans le cadre d'un processus public transparent, que les personnes qui siègent à la magistrature croient au cadre constitutionnel des fondateurs du pays et au régime parlementaire.

Nous voudrions pouvoir, en tant que parlementaires, mettre en doute les candidatures proposées à la magistrature. Nous estimons également que les tribunaux devraient être investis du pouvoir d'invalider des lois du Parlement, mais pas de les réécrire. Le Parlement devrait conserver, comme c'est le cas depuis des centaines d'années, le pouvoir ultime de rétablir des lois qu'il juge conformes à notre cadre constitutionnel.

C'est pourquoi les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1982 y ont inséré l'article 33, la disposition de dérogation, en tant que garantie ultime de la suprématie du Parlement. Nous ne devrions pas craindre de l'invoquer en temps opportun.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Madame la Présidente, le cas Rosenberg me rappelle une situation qui me touche de près. Ma mère est devenue veuve il a un peu plus de deux ans et sa soeur vient de le devenir. Ma mère et ma tante pourraient vivre ensemble très bientôt. Je me demande si le gouvernement étendrait l'application de cette décision à des cas semblables.

M. Jason Kenney: Madame la Présidente, il est évident que je ne peux pas parler pour le gouvernement et c'est la raison de la motion d'aujourd'hui.

C'est un cas très important et nous voudrions des précisions et des réponses à des questions comme celle-ci. Nous ne les aurons pas tant que le processus n'aura pas été jusqu'au bout, et c'est pour cela que le jugement doit faire l'objet d'un appel à la Cour suprême du Canada. Après, le Parlement pourra se saisir de nouveau de la question.

Il y a beaucoup plus de questions que de réponses. Le gouvernement a dit par le passé que sa position est qu'il prône le maintien de la définition actuelle de conjoint et de prestations de conjoint. Restera-t-il ou non sur cette position? C'est la question dont nous sommes saisis aujourd'hui. J'espère que nous aurons une réponse bientôt de la part de la ministre de la Justice.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Madame la Présidente, je prends la parole pour exposer les deux raisons qui me poussent à rejeter la motion. Premièrement, la motion porte atteinte aux principes démocratiques fondamentaux. Deuxièmement, elle est fort discriminatoire, car elle va tout à fait à l'encontre de tous les principes d'égalité du Canada.

Je veux tout d'abord expliquer en quoi la motion porte atteinte aux principes démocratiques. Dans une démocratie, en particulier dans un pays comme le nôtre, à l'heure actuelle, l'équilibre entre un corps élu comme la Chambre des communes et la Cour suprême ou les tribunaux consiste à trouver une façon que la justice soit rendue le mieux possible grâce à la législation et à l'interprétation des lois.

Nous devons examiner la Charte, la Loi canadienne sur les droits de la personne et toutes les lois qui ont été présentées, qui traitent de l'égalité des personnes et qui reconnaissent le principe fondamental selon lequel les êtres humains ne sont pas tous identiques. L'égalité ne signifie pas qu'il faut traiter tout le monde de la même manière. L'égalité constitue une assise fondamentale sur laquelle la société canadienne s'est édifiée. C'est l'une des valeurs communes qui est chère à l'ensemble des Canadiens, quels que soient l'endroit où ils vivent, leurs origines ou leur couleur.

Il est très important de comprendre que, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ou dans notre Charte, lorsqu'il est question d'égalité, il est question de la reconnaissance de la diversité des individus. C'est ce que tente de détruire la motion actuellement à l'étude.

Si, dans notre démocratie, le Parlement continue de miner les décisions de la Cour suprême de notre pays, des décisions qui sont fondées sur notre Constitution et sur la justice fondamentale, le Canada ne sera plus une démocratie, mais bien une dictature.

 

. 1355 + -

Les dictatures voient le jour dans des pays où le gouvernement, la Chambre des communes et le Parlement tentent de passer outre à la justice fondamentale et aux lois. Est-ce là ce que proposent les députés en présentant cette motion?

Voyons des exemples du passé, des exemples de situations où des gouvernements ont tenté de museler leurs juges, leur cour suprême et leurs tribunaux. Prenons l'exemple récent de l'Afrique du Sud où des gouvernements ont adopté des lois qui étaient fondamentalement discriminatoires envers la population de ce pays, des lois qui ne reconnaissaient des droits qu'à certaines personnes et qui en privaient les autres. Figurent parmi ces droits, celui de marcher dans les rues, le droit de se trouver dehors après la tombée de la nuit dans toutes les villes d'Afrique du Sud, le droit au travail, le droit à l'éducation et le droit au mariage interracial. En Afrique du Sud, le gouvernement de l'époque, par le truchement de son parlement, a décidé que lorsqu'il y avait mariage interracial, ce dernier n'était pas légal aux yeux de la loi.

Est-ce là ce qu'on tente de faire ici? Veut-on dire que les gouvernements ont toujours raison, que les Chambres du Parlement ont toujours raison et qu'elles seules ont le droit de décider comment les citoyens vivront et ce qui est essentiel à la justice fondamentale et à l'égalité dans notre pays? Est-ce là ce que l'on essaie de faire? Essaie-t-on de détruire la démocratie? Veut-on que le Canada devienne une dictature? Voilà exactement à quoi se résume le principe fondamental de la motion à l'étude. Il y est question de dictature, de ce qu'on appelle la tyrannie de la majorité.

Les députés du Parti réformiste se targuent sans cesse de représenter la population. Est-ce qu'ils représentent seulement une catégorie de la population ou bien tous les Canadiens, y compris les gais et les lesbiennes, les Noirs, les Canadiens de religions différentes, ceux qui vivent dans les régions isolées, ceux qui ne peuvent trouver de travail dans les Maritimes et les Canadiens autochtones? Les députés réformistes veulent-ils dire qu'ils représentent tous ces gens-là? J'en doute car ils interviennent jour après jour à la Chambre pour s'en prendre violemment aux Canadiens qui n'appartiennent pas au groupe qu'ils disent représenter, la masse.

Madame la Présidente, je trouve choquant d'avoir à prendre la parole pour débattre d'une motion aussi fondamentalement régressive et aussi désagréable.

Je suis désolée, monsieur le Président, je ne voulais pas vous appeler madame la Présidente. je n'avais pas remarqué que vous étiez arrivé à la Chambre.

Le Président: Cette toge trompe parfois les gens quand ils me regardent, mais je suis toujours monsieur le Président.

Quoi qu'il en soit, nous en sommes arrivés au moment où nous pouvons vous laisser souffler un peu. Vous pourrez reprendre la parole à plein régime après la période des questions, et nous avons hâte de vous entendre de nouveau. Comme il est près de 14 heures, nous allons passer aux déclarations de députés.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA FONDATION AYDEN BYLE DE RECHERCHE SUR LE DIABÈTE

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui rendre hommage au sens civique d'un électeur de ma circonscription.

M. Ayden Byle, un homme du nord de la circonscription de Huron—Bruce, a décidé de mettre sur pied la fondation Ayden Byle de recherche sur le diabète.

Cet organisme, dirigé par le père de Ayden, Marshall Byle, recueillera des dons de la population et des entreprises pour la recherche sur le diabète.

En plus de créer cette fondation pour sensibiliser la population à cette cause, Ayden a récemment lancé le défi canadien.

Ce défi est assez simple, Ayden met au défi les Canadiens d'un océan à l'autre de contribuer financièrement pour aider à éradiquer la terrible maladie qu'est le diabète.

Pour atteindre cet objectif, Ayden a entrepris le 1er juin une course d'un bout à l'autre du Canada pour amasser des fonds pour la recherche et pour sensibiliser les Canadiens à la maladie. Il a commencé sur la côte ouest et sa course devrait se terminer vers la fin de l'été.

J'encourage tous les députés à prendre note de cet effort et à s'unir à moi pour souhaiter à Ayden Byle nos meilleurs voeux de succès.

*  *  *

L'HÉPATITE C

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le dossier de l'hépatite C a été assez dur pour le Parti libéral.

Il y a eu les documents déchiquetés de la commission Krever. Il y a eu les recours aux tribunaux. Il y a eu les délibérations paralysées du Cabinet.

Finalement, lorsque le juge Krever a présenté son rapport, je croyais que la bataille était terminée, mais le gouvernement a décidé de n'indemniser qu'un petit pourcentage des victimes. Il a dit que c'était parce que le test de l'ALT n'était pas disponible avant 1970 pour le dépistage de l'hépatite. Il n'était pas disponible parce que les organismes fédéraux de réglementation avaient choisi de ne pas utiliser ce test à cette fin. La décision a été prise par les organismes de réglementation.

 

. 1400 + -

Tout ce que les victimes réclament, c'est l'équité et, cet été, ces victimes suivront les politiciens libéraux dans toutes leurs activités, qu'il s'agisse de parades, d'inaugurations, de discours publics ou de quoi que ce soit d'autre. Ils agiteront un petit drapeau où on pourra lire: «N'oubliez pas les victimes de l'hépatite C».

Je n'aimerais pas être à la place des libéraux. Je ne voudrais pas avoir à vivre le long été chaud qu'ils vivront...

Le Président: Le député d'Abitibi.

*  *  *

[Français]

LE CLUB KIWANIS DE VAL D'OR

M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, le club Kiwanis de Val d'Or a pris naissance le 17 septembre 1947. Depuis sa formation, le club Kiwanis de Val d'Or a toujours visé un seul but, l'aide à la jeunesse.

Le club Kiwanis oeuvre principalement dans le hockey mineur de calibres Atome et Pee Wee. Le club Kiwanis a aidé, par le biais du dévouement exceptionnel de ses membres, au sein d'autres mouvements communautaires à Val d'Or et a piloté le projet de la statue du Mineur au carré Lapointe.

En 1976, les membres Kiwanis se sont associés à des bénévoles pour mettre en place le comité de financement de la deuxième glace. Aujourd'hui, la Ville de Val d'Or a désigné ce bâtiment Aréna Kiwanis.

Les centaines de bénévoles et de donateurs qui, inlassablement, soutiennent les membres du Club Kiwanis et leur oeuvre méritent toute notre reconnaissance. Aujourd'hui, plus que jamais, l'implication, la camaraderie et la fierté de nos membres permettent d'exceller dans la réalisation de projets destinés aux jeunes.

*  *  *

[Traduction]

LES MUNICIPALITÉS

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le Président, au congrès de 1996 de la Fédération canadienne des municipalités, nous avions entendu le premier ministre déclarer qu'il était temps de reconnaître les gouvernements municipaux.

Aujourd'hui, à l'assemblée de la FCM tenue à Regina, le premier ministre n'a pas dit un seul mot sur le rôle des municipalités. S'il voulait vraiment prendre le pouls des Canadiens, il écouterait les problèmes qu'éprouvent les municipalités par suite des compressions financières du fédéral et du fait qu'il s'est délesté de services qu'il fournissait.

Le premier ministre parle de l'autoroute de l'information. Les municipalités se demandent où trouver le financement pour la réfection des rues et des routes. Les municipalités ont tout ce qu'il leur faut au niveau de l'intelligence et des idées. Mais elles ont besoin d'une voix et d'une place à la table des négociations.

Le gouvernement devrait mettre en application l'article 5 de la Loi sur le nouveau Canada élaborée par les réformistes, qui est le suivant: «Le gouvernement du Canada reconnaît par les présentes que les gouvernements municipaux constituent le premier palier de gouvernement au Canada et convient d'assurer la représentation des gouvernements municipaux aux conférences fédérales-provinciales portant sur la prestation et le financement des services essentiels.»

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LE CANCER

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, c'était hier la onzième célébration annuelle de la Journée nationale des survivants du cancer. D'un bout à l'autre du Canada, des événements ont eu lieu pour sensibiliser la population à la maladie et pour célébrer le courage des survivants.

Il est primordial de se rappeler que, depuis 1969, le taux de mortalité due au cancer est continuellement en baisse pour tous les Canadiens et les Canadiennes de moins de 60 ans. Même si une personne sur trois sera atteinte du cancer, la moitié d'entre elles vont survivre.

La Journée nationale des survivants du cancer a pour objet de saluer les survivants et leurs familles, leurs amis et les gens qui les soignent. Nous devons aussi penser aux bénévoles et aux chercheurs qui aident à rendre la survie possible.

Grâce à des organisations comme la Société canadienne du cancer, les personnes atteintes du cancer ont appris à exprimer leurs craintes et, en communiquant avec leurs médecins et divers travailleurs de la santé, ils nous ont aidé à comprendre les défauts du système de soins de santé et ils ont aidé les professionnels de la santé à réorganiser les priorités de manière à adopter une approche davantage centrée sur les malades.

Je suis heureuse d'avoir cette occasion de remercier et de féliciter tous les intervenants pour leurs réalisations et leurs efforts remarquables.

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LA SEMAINE ANNUELLE DU FOYER

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Monsieur le Président, la ville d'Ajax, dans ma circonscription, a un avantage particulier: ses bénévoles. Là où l'on en comptait des centaines, il y en a maintenant des milliers.

Fondée en 1971, la semaine annuelle du foyer d'Ajax en est à sa 28e édition, grâce aux efforts des bénévoles et des organisations vouées au service de la collectivité. Cette année, les enfants seront à l'honneur au cours de cette semaine. Les activités au programme prévoient des démonstrations d'athlétisme, du volley-ball de plage, un carnaval des petits sur le bord du lac, un pique-nique familial et une fête foraine organisés par les Optimistes, le tout étant couronné d'un gigantesque feu d'artifice.

Les objectifs premiers de la semaine du foyer d'Ajax sont restés à peu près les mêmes. Cette semaine vise à remercier la population d'Ajax, à concevoir des activités pour tous, sans égard au sexe, à la religion, à la race, à l'âge ou aux moyens des gens, de promouvoir la ville d'Ajax, où tant de gens se sentent chez eux, et d'encourager les anciens habitants de la ville à revenir y faire un tour.

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CANPASS

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Monsieur le Président, vendredi dernier, ma circonscription, Niagara Falls, a été témoin du lancement de CANPASS, le service qui vise à faciliter le passage de la frontière à ceux qui empruntent quotidiennement le pont Whirlpool.

Revenu Canada travaille depuis un certain temps, dans le cadre du programme Frontière efficace, à l'établissement de ce nouveau service qui sera avantageux pour tous les Canadiens, tous les voyageurs qui traversent régulièrement la frontière au poste de Niagara et tous les habitants de la région de Niagara Falls.

 

. 1405 + -

Le programme CANPASS accélère l'entrée au Canada de voyageurs pré-autorisés et présentant peu de risques. Il a été rendu possible grâce à une collaboration fructueuse entre le gouvernement fédéral et le secteur public.

Je remercie les agents des douanes de la région, qui ont joué un rôle majeur dans l'élaboration d'une procédure permettant le bon fonctionnement du laissez-passer CANPASS sur le pont Whirlpool. Douanes Canada assure depuis longtemps un service efficace et compétent. C'est un autre exemple de ce que fait le gouvernement libéral pour garantir des rues et des villes sûres pour les Canadiens.

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[Français]

M. OLIVAR ASSELIN

M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais aujourd'hui rendre hommage à l'un des grands du journalisme québécois, M. Olivar Asselin.

Grand nationaliste, pamphlétaire brillant et sarcastique, sa carrière a profondément marqué les Canadiens français des XIXe et XXe siècles.

Ardent défenseur des droits des Franco-Ontariens, Olivar Asselin fut l'un des piliers du mouvement de résistance des francophones de l'Ontario face à l'ignoble Règlement 17, avec Marie Gérin-Lajoie, la mère et la fille.

Aujourd'hui encore, un grand nombre de journalistes québécois affirment avec fierté appartenir à l'école Asselin, et ce n'est pas par hasard que le grand prix de journalisme de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal porte le nom d'Olivar Asselin.

En terminant, je désire saluer l'oeuvre de Mme Hélène Pelletier-Baillargeon, biographe d'Olivar Asselin, qui a su, grâce à son immense talent, rendre hommage à une légende du journalisme québécois, en souhaitant que le deuxième volume de cette biographie nous arrive bientôt.

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[Traduction]

LE PACTE DE L'AUTOMOBILE

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Monsieur le Président, le Pacte de l'automobile constitue l'entente commerciale la plus fructueuse et la plus bénéfique pour les Canadiens que le Canada ait jamais conclue.

Les entreprises visées par le pacte fournissent des emplois à plein temps et bien rémunérés à plus de 65 000 travailleurs. Les fabricants de pièces d'automobile emploient 90 000 autres Canadiens.

En 1996, les sociétés visées par le pacte ont exporté pour 45 milliards de dollars de véhicules. L'an dernier, le Canada a affiché un excédent commercial de 13,5 milliards de dollars dans ses échanges avec les États-Unis. Le secteur de l'automobile représente notre principal exportateur.

La société Ford du Canada Limitée a son siège social dans ma circonscription, Oakville. Depuis 1990, Ford a investi près de 6 milliards de dollars dans ses installations de production au Canada. Cet important investissement témoigne de l'importance que revêt le Canada pour Ford.

Compte tenu de la surcapacité de l'industrie de l'automobile qui nous menace ainsi que des fusions déjà annoncées, il ne convient pas de modifier le régime tarifaire applicable aux véhicules finis et de menacer le Pacte de l'automobile.

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LE SÉNAT

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, il y a sept sièges vacants au Sénat, soit un en Nouvelle-Écosse, un à Terre-Neuve, un au Manitoba et quatre en Ontario. Le téléphone du premier ministre ne doit pas dérougir, des valets du Parti libéral demandant un remboursement de faveur.

Il doit y avoir quantité de bons libéraux qui ont organisé un dîner, distribué des tracts et, surtout, remis un chèque au parti, mais qui attendent toujours un siège à la Cour suprême ou à la CISR ou à la commission des libérations conditionnelles.

Le premier ministre a supplanté Brian Mulroney au chapitre des nominations partisanes, des voyages et, évidemment, du recours au bâillon. Mais il y un geste de M. Mulroney que le premier ministre n'a pas encore imité, c'est celui d'avoir nommé le premier et l'unique sénateur élu du Canada, le réformiste Stan Waters.

Le premier ministre, c'est bien connu, fait fi de la volonté des Canadiens. L'occasion se présente maintenant à lui de donner suite à sa promesse de réformer le Sénat ou de continuer à nommer des valets du Parti libéral. Quelle que soit la décision du premier ministre, une chose est sûre. Il annoncera sa décision après l'ajournement de la Chambre parce qu'il n'osera pas braver la tempête puisqu'il ne choisira pas des sénateurs élus.

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LE PARTI RÉFORMISTE

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière le député d'Edmonton—Strathcona s'est rendu à Québec avec ses proches amis personnels du Bloc québécois. Pendant qu'il était là-bas, il a parlé éloquemment, en français, de la «troisième voie» du Parti réformiste, laquelle devrait attirer des tas de Québécois à son parti.

Je me demande si les Québécois seraient aussi intéressés par la voie du Parti réformiste s'ils savaient que deux jours après sa visite à Québec, ce même député d'Edmonton—Strathcona a présenté une motion visant à supprimer le budget du Commissaire aux langues officielles.

La réponse, c'est que les Québécois ne sont pas intéressés par le plan du Parti réformiste visant à démanteler les services en français au sein du gouvernement fédéral. C'est pour cela que le Parti réformiste continuera à échouer lamentablement dans toutes ses tentatives pour attirer les Québécois à lui, quel que soit le nombre de ses amis séparatistes.

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. 1410 + -

LES OCÉANS

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, le 8 juin est la Journée internationale des océans et, représentant la Nouvelle-Écosse, c'est une journée importante pour moi.

Les océans couvrent 75 p. 100 de la surface terrestre mais, malheureusement, la race humaine et notre gouvernement essaient systématiquement de détruire cette très précieuse ressource, en polluant, en déversant des déchets radioactifs, en faisant de la surpêche, en étant négligent dans la recherche d'hydrocarbures. Notre bilan à cet égard n'est pas très bon.

Aujourd'hui, beaucoup de nos stocks de poisson sont en péril, ce qui menace le mode de subsistance de millions de personnes qui habitent dans des collectivités côtières. Je prie le gouvernement et toutes les nations de prendre des mesures maintenant pour protéger nos océans, de sorte que les générations futures puissent profiter de ce que les mers ont à offrir.

*  *  *

LES OCÉANS

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de rappeler à mes collègues et à tous les Canadiens que c'est aujourd'hui la Journée des océans. Depuis 1992, un peu partout dans le monde, on célèbre en ce jour ce qui constitue une des plus grandes richesses de la planète.

L'événement revêt aujourd'hui une importance particulière puisque les Nations Unies ont déclaré 1998 Année internationale des océans. Le Canada organise des activités destinées à sensibiliser sa population à l'importance des océans et à la nécessité de les protéger.

Pour souligner l'événement, le ministère des Pêches et des Océans a, pour sa part, lancé diverses initiatives. Premièrement, il y a la Fondation jeunesse pour les océans, qui cherche à promouvoir le leadership et l'éducation chez les jeunes dans le domaine des océans. Il y a ensuite une consultation publique à l'échelle nationale en vue de l'élaboration d'une stratégie nationale de gestion des océans. Mentionnons également l'étude publique d'un projet de politique sur les zones de protection marine. Sans oublier un cadre national permettant d'établir et de gérer ces zones dans le cadre de la Loi sur les océans du Canada.

*  *  *

LE GOUVERNEMENT DE L'ONTARIO

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour souligner le troisième anniversaire de l'élection du gouvernement progressiste conservateur de l'Ontario.

Les réalisations de ce gouvernement sont nombreuses: un allégement fiscal de 30 p. 100 qui sera chose faite le 1er juillet, soit six mois avant la date prévue; les 12 mois les plus générateurs d'emplois de l'histoire de la province—265 000 nouveaux emplois nets ont été créés entre février 1997 et février 1998; une approche équilibrée du déficit qui sera ainsi éliminé au cours de l'exercice 2000-2001; une économie qui connaît la plus forte croissance de tous les pays du G7.

Mike Harris a récemment été la victime d'attaques sauvages de la part du premier ministre et du ministre des Finances. C'est qu'ils n'acceptent pas qu'il soit possible, pour un gouvernement à la fois progressiste et conservateur, d'abaisser les impôts, de réduire le déficit et de créer des emplois.

*  *  *

[Français]

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, le Forum jeunesse du Bloc québécois organisait, hier, une journée de réflexion sur la mondialisation où il fut entre autres question de l'Accord multilatéral sur l'investissement.

Le Bloc québécois, en accord avec le gouvernement du Québec et certaines provinces, a déjà exprimé de sérieuses réserves sur certains aspects de l'Accord.

Tous ces jeunes du Québec, et certainement d'autres du reste du Canada, s'interrogent et s'inquiètent quant aux conséquences de l'AMI, notamment sur le développement économique et culturel. Selon eux, la responsabilité sociale des multinationales dans la communauté est également un aspect important qui est malheureusement mis de côté dans les négociations sur l'AMI.

Le Bloc québécois demande au gouvernement fédéral de tendre l'oreille et de répondre aux préoccupations de ces jeunes, puisque ce sont eux qui prendront la relève et qui bâtiront la société de demain.

*  *  *

[Traduction]

LE YWCA

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, il y a 15 ans, le YWCA de Peterborough, Victoria et Haliburton a mis sur pied deux centres d'aide pour les femmes battues et leurs enfants. Depuis ce temps, ces abris ont littéralement donné à des milliers de femmes le courage de faire face à la violence, la pauvreté et l'oppression.

Nous remercions tous les Canadiens de partout au pays qui oeuvrent dans des abris de ce genre. Nous félicitons toutes les femmes et tous les enfants qui ont eu recours à ces abris pour prendre un nouveau départ dans la vie.

Des félicitations toutes spéciales au YWCA de Peterborough, Victoria et Haliburton. Bon anniversaire aux centres d'aide.

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LES CANADIENS D'ORIGINE UKRAINIENNE

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, la communauté ukrainienne du Canada souligne cette semaine le 65e anniversaire du génocide par la famine orchestré par le leader soviétique Joseph Staline en Ukraine en 1932-1933. Environ 7 millions d'Ukrainiens ont péri.

Les dirigeants du parti soviétique, avec l'aide de soldats et d'unités de la police secrète, ont saisi la totalité des vivres. Des villages entiers sont transformés en des amas de cadavres. Un embargo a été imposé à de grandes parties de l'Ukraine, aucune nourriture ne pouvant passer et personne ne pouvant sortir. Pendant que les entrepôts placés sous garde étaient remplis de grains, les paysans pris à ramasser les quelques petits grains qui restaient dans les champs étaient battus, arrêtés et même fusillés. Cette extermination était la concrétisation d'une politique d'État.

 

. 1415 + -

Les vivres sont encore aujourd'hui une arme de prédilection dans plusieurs régimes autoritaires du monde. Quelqu'un a dit que ceux qui ne peuvent se rappeler du passé sont condamnés à le répéter.

Nous nous joignons aujourd'hui à la communauté ukrainienne et à d'autres Canadiens pour nous remémorer les atrocités de ce crime contre l'humanité.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le 11 décembre dernier, la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Delgamuukw, qui portait sur les revendications territoriales autochtones en Colombie-Britannique.

Dans sa décision, la cour a beaucoup élargi le concept des titres autochtones au point où le sommet des premières nations de la Colombie-Britannique revendique des titres autochtones à l'égard de l'ensemble des terres et ressources de la province.

La question que je pose à la ministre des Affaires indiennes est la suivante: À qui appartient la Colombie-Britannique?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme le chef de l'opposition l'a signalé, c'est le 11 décembre dernier que la Cour suprême a rendu cette importante décision.

Le lendemain, j'étais en Colombie-Britannique pour rencontrer les premières nations, le gouvernement provincial et les gens d'affaires afin de leur assurer que nous prenions les mesures nécessaires pour que la décision de la Cour suprême fasse partie intégrante du processus de négociation des traités.

Je suis heureuse de souhaiter enfin la bienvenue au député dans ce débat.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, la décision Delgamuukw a créé de l'incertitude dans chaque secteur de l'économie de la Colombie-Britannique qui touche les terres ou les ressources, notamment l'exploitation minière, les pêches, l'élevage, l'agriculture et le tourisme; tous ces secteurs sont touchés.

La décision a aussi créé une dette potentielle de dizaines de milliards de dollars pour les contribuables. À elles seules, ces répercussions suffisent à paralyser l'économie de la Colombie-Britannique.

Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il rien fait de concret pour neutraliser ces répercussions?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il est clair que la chose la plus importante que nous puissions faire pour créer un climat de certitude en Colombie-Britannique, c'est de négocier les traités. C'est ce que nous faisons.

Je tiens à signaler que, selon le Laurier Institute, la conclusion de ces traités fera croître de 1 p. 100 l'économie de la province.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral a entrepris ce processus de négociation des traités en Colombie-Britannique il y a sept ans et n'a encore obtenu aucun résultat concret.

Tout ce que le gouvernement libéral a fait dans cette province jusqu'à maintenant relativement à la question des revendications territoriales a contribué à empirer la situation au lieu de l'améliorer. Maintenant, à cause de la décision Delgamuukw, chaque lopin de terre en Colombie-Britannique fait l'objet d'une opposition et les excuses et l'inaction de la ministre ne font encore une fois qu'empirer les choses au lieu de les améliorer.

La ministre des Affaires indiennes mettra-t-elle fin à toute cette incertitude en légiférant pour adopter une définition du concept des titres autochtones qui tienne compte des intérêts des habitants de la Colombie-Britannique?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, en six mois, tout ce que les réformistes ont pu trouver à proposer, c'est qu'on légifère pour enlever aux autochtones leurs droits. C'est l'approche d'il y a deux siècles, et elle ne s'est pas révélée fructueuse.

Le Cour suprême nous dit de négocier pour trouver des solutions. C'est l'approche que nous adoptons et c'est la meilleure façon de créer un climat de certitude en Colombie-Britannique.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, après six mois, le mieux que la ministre puisse trouver à dire, c'est que nous allons continuer de suivre une politique ratée qui n'a produit absolument aucun résultat.

Les emplois en Colombie-Britannique sont en danger à cause de l'inaction du gouvernement à la suite du jugement dans l'affaire Delgamuukw. La province est entrée en récession et les investissements diminuent dans les secteurs agricole, forestier et minier. Les gens de la Colombie-Britannique ont besoin d'emplois, et tout de suite, pas d'une autre étude.

Que fera la ministre des Affaires indiennes pour garantir aux entreprises de la Colombie-Britannique que leurs investissements sont sûrs?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, une des parties les plus importantes aux discussions que nous avons en Colombie- Britannique, c'est le monde des affaires de la province.

On a maintenant entrepris d'apporter la solution au problème depuis longtemps en suspens des traités et des négociations.

Lorsque le député d'en face a parlé de négociation, il se trouvait dans mon coin de l'Ontario. Qu'a-t-il proposé de faire dans des situations comme celle d'Ipperwash? Faire intervenir l'armée, voilà la solution que préconise ce parti pour les ententes les plus importantes que nous devons conclure avec les autochtones du Canada.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, la ministre ne tient pas compte des faits.

Après sept ans, le gouvernement n'a pas produit une seule entente en Colombie-Britannique. À ce rythme, il lui faudra des décennies, voire des siècles, pour régler tous les dossiers.

 

. 1420 + -

Entre-temps, le jugement dans l'affaire Delgamuukw a une incidence sur toutes les revendications territoriales, passées, présentes et futures, et se répercute sur la coupe de bois au Nouveau-Brunswick, sur les revendications territoriales en Ontario, sur l'exploitation minière au Labrador, sur l'élevage en Alberta, sur l'exploitation forestière en Colombie-Britannique et sur les centrales hydroélectriques au Québec.

Pourquoi la ministre ne fait-elle pas entrer dans la loi une définition pratique et équitable de l'expression «titre autochtone»?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Soyons justes, monsieur le Président. Il est absolument ridicule de dire que le gouvernement fédéral peut imposer une solution par la loi à cet égard. Il y a des parties qui doivent être présentes à la table des négociations et qui ont toutes une opinion sur les moyens d'accomplir des progrès dans ce domaine. Nous en sommes là.

Le 12 mai, un éditorial du Financial Post affirmait ceci:

    La ministre Stewart et ses homologues provinciaux sont sur la bonne voie en cherchant à donner un nouveau départ à la conclusion d'ententes.

*  *  *

[Français]

LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, l'Association canadienne des soins de santé a dénoncé vertement le gouvernement fédéral pour ses compressions draconiennes dans le financement de la santé au Canada.

L'Association a même soutenu que les compressions d'Ottawa ont mené à la crise actuelle des systèmes de soins de santé.

Comment le vice-premier ministre peut-il justifier le refus continuel du gouvernement fédéral face aux demandes de toutes parts de réinjecter de l'argent dans le financement de la santé, alors que tous les systèmes de santé au Canada en ont grandement besoin?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous avons augmenté les transferts aux provinces récemment. Nous avons augmenté à 12,5 milliards de dollars chaque année les transferts aux provinces, comme l'a recommandé le Forum national sur la santé, il y a deux ans.

Alors, nous avons agi de façon responsable pour assurer l'avenir de notre système public de soins de santé.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le Forum national sur la santé dénonce justement ce gouvernement qui tente de nous faire croire qu'il a augmenté de six milliards de dollars, alors qu'il aura coupé 42 milliards de dollars plutôt que 48 milliards de dollars. C'est ça, la réalité.

Je lui demande, avec 6 milliards de dollars de prévision de surplus, est-ce qu'il ne serait pas temps d'injecter de l'argent dans les soins de santé, alors que les coupures de 2 milliards de dollars, au Québec seulement, représentent la fermeture et le fonctionnement de tous les hôpitaux de Montréal?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, nous avons déjà augmenté les transferts.

Mais je veux souligner que la santé, c'est une juridiction partagée entre le fédéral et les provinces. Les provinces doivent faire leur part. Le ministre Rochon et le gouvernement Bouchard ont agi de façon à produire des résultats malheureux au Québec. C'est la responsabilité de la province.

Nous avons l'intention de prendre nos responsabilités avec les transferts que nous avons déjà augmentés.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre.

Dans sa lettre ouverte au premier ministre, l'Association canadienne des soins de santé affirme que si la population canadienne a perdu confiance dans le système de santé, c'est à cause des énormes coupures effectuées par le gouvernement fédéral dans les paiements de transfert aux provinces.

Avec un surplus de 6 milliards de dollars, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas prioritairement réduire le niveau des coupures qu'il a imposées aux provinces afin de diminuer l'énorme pression qu'il a créée sur le système de santé partout au Canada?

L'hon. Jim Peterson (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, en dépit des coupures, les provinces ont beaucoup bénéficié des taux d'intérêt moins élevés, de la péréquation, etc.

Mais je dois quand même faire une citation: «On doit quand même admettre qu'il y a un sens des responsabilités qui nous lie à faire notre part pour que le Canada, que nous avons contribué à endetter, se désendette». Ce sont les propos de Bernard Landry à l'Assemblée nationale.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, le ministre admet-il que ses coupures au Québec, même après tout ce qu'il vient de dire, c'est l'équivalent du salaire de toutes les infirmières en exercice au cours d'une année?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable députée ignore apparemment le fait que le fédéral transfère annuellement une somme d'à peu près 28 milliards de dollars aux provinces pour, entre autres choses, le système de soins de santé.

C'est une responsabilité partagée entre les deux paliers de gouvernement, le fédéral et le provincial. Comme je l'ai déjà dit, nous avons l'intention de respecter les responsabilités du gouvernement fédéral, et nous avons déjà agi pour assurer l'avenir de notre système de soins de santé.

*  *  *

 

. 1425 + -

[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au vice-premier ministre.

Dans le dossier de la prolifération des armes nucléaires, le Canada fait de plus en plus penser à l'Homme qui plantait des bombes, car nous vendons nos réacteurs CANDU aux quatre coins de la planète, ce qui facilite la course aux armes nucléaires.

Pourquoi le gouvernement a-t-il permis au ministre des Finances de signer des accords financiers avec la Chine et la Turquie sans examen ministériel en bonne et due forme? Quand le gouvernement va-t-il renoncer à son obsession d'exporter des réacteurs CANDU?

L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, il est carrément inexact de dire qu'il n'y a pas eu d'examen financier.

Le gouvernement du Canada, par l'entremise du Cabinet, a donné un mandat large aux négociateurs, mais lorsqu'il s'agit d'examiner plus précisément la proposition financière, cette tâche est confiée à la Société pour l'expansion des exportations, qui est une société d'État. L'EACL examine aussi les détails du contrat.

Le gouvernement du Canada a établi des orientations et des lignes directrices générales. Les deux sociétés d'État se sont chargées des détails du financement et du contrat, et c'est ainsi que les choses se passent depuis le début du programme de l'EACL.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, on présume que le ministre serait prêt à défendre un gouvernement qui a manqué de diligence dans cette affaire. L'autre problème, c'est que le Canada semble de plus en plus hypocrite dans tout ce dossier.

Le Président: J'invite le député à s'abstenir d'employer ce mot.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, nous avons maintenant tout un groupe, le groupe des propriétaires de CANDU, qui fait en Inde, au Pakistan et ailleurs ce qu'un gouvernement pharisaïque prétend ne plus faire.

Quand le gouvernement va-t-il rappeler non seulement nos ambassadeurs, mais aussi ce groupe de propriétaires de CANDU qui favorise la course aux armes nucléaires? Quand allons-nous retirer ces gens qui collaborent à des programmes d'armement nucléaire?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la prémisse sur laquelle se fonde la question du député est tout à fait fausse. Le Canada ne facilite pas l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins militaires.

Après la catastrophe de Tchernobyl, il a été convenu qu'il serait dans l'intérêt de la sécurité des populations civiles que les pays concernés diffusent les renseignements non exclusifs concernant la sécurité des produits nucléaires afin de veiller à ce que les réacteurs fournis à l'origine à des fins pacifiques soit utilisés de façon sécuritaire. Les leçons que nous avons tirées de l'accident de Tchernobyl seraient appliquées dans ces cas-là.

Nous n'appuyons pas l'utilisation accrue de l'énergie nucléaire ni son utilissation à des fins militaires dans ces pays ou...

Le Président: Le député de Compton—Stanstead.

[Français]

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, la semaine dernière, mon parti a demandé au gouvernement si sa politique étrangère était à vendre.

Les médias ont rapporté que les techniciens nucléaires canadiens étaient toujours au travail en Inde et au Pakistan. Ceci démontre clairement que la politique étrangère canadienne est bel et bien mise en vente.

Quand ces techniciens seront-ils rappelés au bercail afin d'apaiser les tensions?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme je viens de le dire, après le désastre de Tchernobyl, en Ukraine, nous avions décidé de rendre disponibles aux pays comme l'Inde et le Pakistan des informations publiques pour les aider à maintenir ces réacteurs, ces appareils, d'une manière sécuritaire.

C'est dans l'intérêt de la population de ces pays d'avoir cette sorte d'échange d'informations, mais nous n'avons pas de programme de coopération pour aider de quelque façon que ce soit l'expansion de l'utilisation de pouvoirs...

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable vice-premier ministre. La parole est maintenant à l'honorable député de Compton—Stanstead.

[Traduction]

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, le gouvernement fait erreur s'il pense que le Canada n'aide pas l'Inde ou le Pakistan à fabriquer des bombes nucléaires. Les faits montrent clairement que la technologie canadienne a servi et continue de servir à la fabrication de bombes nucléaires en Inde, au Pakistan et en Chine.

Le gouvernement va-t-il continuer de prétendre que le Canada n'a joué aucun rôle dans les essais nucléaires menés le mois passé ou va-t-il immédiatement rappeler nos techniciens en mission dans cette région?

 

. 1430 + -

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député fait des allégations que les faits n'ont pas permis de confirmer jusqu'à maintenant.

Le Canada n'a joué aucun rôle qui aurait pu aider l'Inde et le Pakistan à effectuer leurs récents essais nucléaires. Depuis 1976, nous n'avons pas de programme de coopération en matière nucléaire avec l'Inde et le Pakistan.

Pour assurer la sécurité des réacteurs fournis à des fins pacifiques, nous avons simplement diffusé des renseignements non exclusifs afin de veiller à ce que les réacteurs soient tenus en bon état au niveau de la sécurité. Je ne vois pas pourquoi le député s'opposerait à cette initiative et mettrait en danger...

Le Président: Le député de Cariboo—Chilcotin.

*  *  *

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, la décision Delgamuukw ravage l'économie de Cariboo—Chilcotin. À Williams Lake, on abandonne au beau milieu des travaux de construction un projet de développement autorisé. Dans Seton Valley, on arrête des opérations forestières approuvées par la province. À Lillooet, une entreprise de placage qui emploie près de 200 personnes est menacée de fermeture. Des autochtones ont dit à des éleveurs qu'ils ne possédaient pas les terres dont ils ont les titres.

Que fait la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien pour empêcher l'explosion de cette poudrière?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je dois dire clairement que les recommandations de l'opposition ne feront rien pour régler la situation en Colombie-Britannique. Il est absurde de la part des gens d'en face de laisser entendre qu'une loi unilatérale puisse résoudre les problèmes que soulèvent les droits des autochtones. C'est garantir qu'il y aura confrontation et nous n'avons vraiment pas besoin de cela en Colombie-Britannique.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, la ministre ne comprend pas. À Ottawa, la Cour suprême rend des décisions qui ont des répercussions chez nous. Des premières nations disent aux éleveurs qu'ils ne possèdent plus leurs ranchs et qu'ils devraient rendre leurs biens pacifiquement. On dit aux investisseurs de ne pas investir un cent en Colombie-Britannique. La situation se tend.

Mes électeurs veulent une réponse sans détours. Qu'est-ce que la ministre entend faire pour mettre fin à l'incertitude et éviter un long été de confrontation?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce sont les gens d'en face qui ne comprennent pas. Les gens d'en face devraient lire la décision de la Cour suprême, selon laquelle la solution aux revendications des droits autochtones se trouve aujourd'hui autour d'une table de négociation. Les réformistes ne pensent qu'à faire peur, qu'à trouver un bouc émissaire.

Il faut plutôt chercher la solution à la table où sont représentées toutes les parties. Ces dernières, soit les premières nations, la province, le gouvernement fédéral, les entreprises et la population de la Colombie-Britannique, sont favorables aux solutions négociées pacifiquement.

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[Français]

LA SANTÉ

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Santé vient de dire deux énormités.

La première, c'est que le secteur de la santé était un champ de compétence partagée. Or, à ce que je sache, cela a toujours été un champ de compétence relevant exclusivement des provinces. La deuxième, c'est que le fédéral n'avait pas diminué les paiements de transfert. Il vient de nous dire qu'il les a augmentés.

Comment le ministre de la Santé peut-il penser garder un minimum de crédibilité en affirmant une pareille horreur, alors que les paiements de transfert, qui étaient de 678 $ par personne...

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député. Le ministre de la Santé a la parole.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, le gouvernement fédéral est responsable de l'interprétation et du renforcement de la Loi canadienne sur la santé. C'est la première chose. Nous avons l'intention de respecter la juridiction et la responsabilité fédérales.

La deuxième chose, c'est qu'après la recommandation du Forum national sur la santé, un forum indépendant du gouvernement, qui a suggéré qu'on augmente les transferts, nous l'avons fait.

M. Gilles Duceppe: On coupe moins.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: L'honorable député de Roberval a la parole.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, c'est un ministre de la Santé qui n'a aucune compassion, absolument aucune.

Est-ce qu'il réalise que les coupures imposées chaque année par le gouvernement fédéral au Québec en matière de soins de santé représentent le double du budget de tous les CLSC du Québec mis ensemble?

 

. 1435 + -

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la réalité, c'est que nous avons augmenté les transferts, mais le gouvernement du Québec doit accepter les conséquences de ses propres politiques dans le domaine de la santé. Ce sont les politiques du gouvernement Bouchard qui ont entraîné ces conséquences dans les hôpitaux québécois.

Des voix: Oh, oh!

L'hon. Allan Rock: Nous avons fait notre part. Nous avons rempli nos responsabilités, comme toujours, à l'égard des transferts.

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[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le président, les libéraux essaient toujours de nier leur participation aux programmes nucléaires du Pakistan et de l'Inde. Il y a pourtant des technologues canadiens qui travaillent actuellement dans ces deux pays. Ces Canadiens travaillent à mettre sur pied le programme nucléaire de ces deux pays et ils sont là-bas depuis des années. Selon certains spécialistes, les utilisations de cette technologie sont interchangeables à des fins intérieures ou militaires.

Les faits se passent d'explications. Pourquoi le gouvernement ne dit-il pas la vérité aux Canadiens?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pourrais poser la même question au député. Pourquoi n'appuie-t-il pas ses questions sur la vérité?

À ma connaissance, il n'y a aucune preuve que les technologues en question aident l'Inde ou le Pakistan à mettre en place leurs programmes militaires. Ils offrent des renseignements qui permettent d'assurer un entretien sécuritaire des réacteurs nucléaires utilisés à des fins civiles.

Pourquoi le député s'oppose-t-il à ce que l'on assure la sécurité des civils dans ces pays?

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le ministre n'a absolument rien compris. Nous avons écouté les représentants d'EACL; ils nous ont parlé des garanties. Aucun membre de notre comité n'est convaincu de leur efficacité. Ce genre de beaux discours produit peut-être l'effet escompté au sein du caucus libéral, mais pas auprès de la population canadienne. Pourquoi le gouvernement ne joue-t-il pas franc jeu et ne dit-il pas aux Canadiens à quoi rime ce programme nucléaire?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous ne participons pas à la mise en oeuvre d'un programme nucléaire avec l'Inde et le Pakistan, mais, conformément aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique, nous offrons de l'information au sujet des réacteurs nucléaires fournis avant que le programme ne prenne fin en 1976, afin d'assurer un entretien sécuritaire de ces réacteurs, dans l'intérêt des populations civiles.

Nous n'avons rien à voir avec les programmes militaires actuels de l'Inde et du Pakistan. Si le député est avide de vérité, pourquoi ses questions ne reposent-elles pas sur des faits qui sont vrais?

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[Français]

LA CONDITION FÉMININE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre.

Ce matin, les membres du Comité d'action nationale sur le statut de la femme ont fait part aux parlementaires des difficultés que les organisations communautaires de femmes éprouvent depuis que le gouvernement libéral a réduit leurs subventions de manière substantielle.

Si le vice-premier ministre reconnaît que le travail des groupes de femmes est essentiel en vue de rendre la société canadienne égalitaire, qu'attend-il pour leur accorder les 2 $ par femme qui lui sont demandés?

[Traduction]

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, en réalité ce gouvernement a fait plus que tous les autres pour promouvoir l'égalité en faveur des femmes au Canada.

Pour promouvoir l'égalité en faveur des femmes , il est important de financer des ONG, mais il y a d'autres méthodes que nous employons. Par exemple, l'analyse comparative basée sur le sexe garantit que tous les ministères tiennent compte de l'impact sur l'égalité des sexes des politiques et des lois dont ils sont responsables.

Dans le dernier budget, nous avons fait plus pour aider les femmes...

Le Président: La députée de Québec.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, si le gouvernement fait tant pour les femmes, pourquoi maintient-il des dispositions qui pénalisent les femmes enceintes en leur limitant l'accès aux prestations d'assurance-emploi, alors qu'il a souscrit à l'objectif d'égalité économique des femmes, lors d'un vote unanime à la Chambre des communes qui portait sur cette question, le 8 mars 1994?

[Traduction]

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je ne comprends pas la question de la députée parce que les mesures prises par le gouvernement en ce qui a trait aux prestations de grossesse permettent maintenant aux femmes de s'absenter du travail pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans. Une femme qui prend un congé de grossesse pour s'occuper de ses enfants a jusqu'à cinq ans pour profiter d'une aide recyclage fournie par l'assurance-emploi afin de retourner sur le marché du travail.

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. 1440 + -

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre du Commerce international vient de dire à la Chambre que l'EACL et la SEE sont les seuls responsables de la vente de ce réacteur nucléaire à la Chine. Il est même allé jusqu'à dire que ces organismes s'étaient occupés seuls du contrat et du financement. Il sait pertinemment que l'EACL et la SEE n'ont pas le pouvoir d'autoriser une garantie d'emprunt de 1,5 milliard de dollars pour financer cela.

Comment diable le gouvernement a-t-il pu offrir cette garantie d'emprunt? Comment le ministre des Finances a-t-il pu autoriser une garantie d'emprunt sans même examiner les contrats ni les détails de la vente? Comment a-t-il pu faire cela?

L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, la question antérieure donnait l'impression qu'il n'y a pas eu de diligence financière raisonnable. J'ai dit au député et à la Chambre que c'est exactement ce qu'il y a eu, une diligence financière raisonnable qui a été assurée par la section des exportations de la Société pour l'expansion des exportations.

Des mois avant que le contrat ne soit signé, le gouvernement fédéral, par l'entremise du Cabinet, a fixé de larges paramètres d'action tant à la SEE qu'à l'EACL. Ces paramètres ont été respectés dans les ventes de Candu à la Chine de même que dans les ventes antérieures de Candu.

Il faut aussi remarquer que, depuis 1979, plus de 250 transactions d'une valeur totale de 5 milliards de dollars ont été conclues avec la Chine et qu'il n'y a eu jusqu'à maintenant aucune dette.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Ne nous éloignons pas du sujet, monsieur le Président. Le fait est que le ministre des Finances et l'ancien ministre de la Défense ont accordé une garantie d'emprunt de 1,5 milliard de dollars pour la vente de ces réacteurs nucléaires alors que leurs propres hauts fonctionnaires ont déclaré sous serment que les détails de ces contrats ne se sont jamais rendus au ministère du ministre.

Pourquoi le ministre des Finances et le Cabinet ont-ils approuvé une garantie d'emprunt de 1,5 milliard de dollars au profit de la Chine pour l'acquisition des réacteurs sans d'abord examiner les ententes?

L'hon. Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, c'est le gouvernement fédéral qui a fixé ces paramètres d'action. Les hauts fonctionnaires ont aussi dit au tribunal que l'examen financier proprement dit a toujours été effectué tant par l'EACL que par la SEE. Ces organismes ont travaillé de concert avec le gouvernement fédéral.

Quant à la diligence financière raisonnable, elle n'est pas la responsabilité du ministère des Finances, ni de ceux du Commerce ou des Affaires étrangères, mais bien de l'organisme chargé des exportations, à savoir la Société pour l'expansion des exportations.

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[Français]

LE TRANSPORT AÉRIEN

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre.

Le ministre des Transports a admis que les décisions gouvernementales dans l'attribution des routes aériennes ont pour objectif de favoriser Canadien pour lui permettre de se développer et de concurrencer ainsi Air Canada.

Étant donné qu'il a fallu 25 ans avant que le gouvernement libéral admette que les décisions prises dans les années 1970 ont été une erreur pour le développement de l'aéroport de Montréal, faudra-t-il attendre cette fois que l'irréparable soit commis pour que le gouvernement comprenne qu'en freinant le développement d'Air Canada, il freine tout le développement économique de Montréal?

[Traduction]

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Transports a dit très clairement au député d'en face que le gouvernement mise sur une politique prévoyant l'existence de deux compagnies aériennes, car cette politique favorise une saine concurrence au profit des voyageurs du Canada.

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[Français]

L'ENVIRONNEMENT

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement.

Ce matin, le gouvernement canadien a annoncé sa participation à la phase III du Plan Saint-Laurent. Cet important projet prévoit des investissements majeurs pour le Québec.

La ministre pourrait-elle nous préciser la nature et les objectifs des investissements qui seront réalisés dans le cadre de ce plan?

[Traduction]

L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été très heureuse d'annoncer ce matin, à Montréal, la troisième phase du plan d'action du Saint-Laurent. Il s'agit de l'un de cinq programmes environnementaux mis en oeuvre dans les régions. Ils visent à améliorer la santé des systèmes écologiques et la santé humaine. Ils sont également très importants en ce sens qu'ils font appel à la participation des Canadiens ordinaires.

Au cours des deux dernières étapes, un investissement fédéral de 150 millions de dollars a rapporté plus de un milliard de dollars en activités bénéfiques pour le fleuve Saint-Laurent. La phase que nous avons annoncée aujourd'hui concernera les activités agricoles et industrielles, la navigation et le transport maritime. Nous prévoyons de nombreuses retombées environnementales, dont une meilleure protection d'espèces en danger comme le béluga.

*  *  *

 

. 1445 + -

L'HÉPATITE C

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, nous avons finalement obtenu par écrit ce que les bureaucrates fédéraux disent du programme d'indemnisation des victimes de l'hépatite C. Ils ont dit que: «Le programme d'indemnisation fédéral ne correspond pas aux recommandations formulées par la commission Krever.»

Le ministre de la Santé admettra-t-il finalement ce que tous les Canadiens savent pertinemment, soit qu'il n'a tout simplement pas tenu compte des recommandations de la commission Krever?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il est vrai que la commission Krever recommandait que les provinces et les territoires versent une indemnisation.

Le gouvernement a jugé qu'il devait jouer un rôle de leadership, comme toujours, et amener les provinces à faire consensus sur un programme d'indemnisation de 22 000 personnes. C'est ce que nous avons fait.

Quant au reste, le député se souviendra qu'il existe un groupe de travail et un processus d'examen des options. Il devrait peut-être laisser aboutir ce processus afin que nous puissions déterminer quoi faire ensuite.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, on nous a parlé il y a quelques minutes du site Internet du ministre de la Santé où il est déclaré que le gouvernement accepte les conclusions du rapport du juge Krever en entier et sans réserve. Il y a là une contradiction.

Le ministre éliminera-t-il cette phrase de son site Internet et la remplacera-t-il par une déclaration plus exacte, qui dirait que le gouvernement n'a pas du tout fait ce que recommandait le juge Krever?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la personne qui a guidé le député dans le site Internet aurait dû être plus prudente.

Bien sûr, nous acceptons toutes les conclusions. Le juge Krever a examiné tous les faits et a formulé des conclusions qui sont correctes.

Pour ce qui est des recommandations, il appartenait aux gouvernements de décider quelle voie prendre après le rapport Krever.

Comme le sait le député, les provinces sont parvenues à un consensus sur l'indemnisation de 22 000 victimes. Pour les autres, attendons la fin des travaux du groupe de fonctionnaires avant de décider quoi faire.

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LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, d'un bout à l'autre du pays, les audiences sur la garde des enfants et le droit de visites sont devenues autant d'occasions d'intimider et de bafouer les femmes qui dénoncent la violence conjugale.

Les femmes ont été sifflées et huées et la violence dont elle sont l'objet a été niée.

Les séances auxquelles j'ai assisté m'ont rappelé ce qui s'est passé à la Chambre, en 1982, quand Margaret Mitchell a été ridiculisée pour avoir soulevé la question de la violence faite aux femmes.

J'aimerais demander à la ministre responsable de la situation de la femme si elle partage nos préoccupations et si elle est prête à exprimer son inquiétude et à mettre les choses au point en ce qui concerne la violence faite aux femmes.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, la question de la violence faite aux femmes, que ce soit au foyer, dans le milieu de travail ou dans la société en général, est l'une des préoccupations premières du gouvernement. À preuve, les mesures législatives qu'il a proposées et les programmes qu'il a mis sur pied.

En ce qui concerne le manque de respect envers les femmes dont fait état la députée, il est d'une importance primordiale que nous écoutions tous les points de vue dans ce débat, et que nous le fassions avec respect de façon à ce que nous puissions en apprendre davantage et que le comité puisse faire des recommandations éclairées sur la foi de cette écoute respectueuse.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, il est très important que la ministre responsable de la condition de la femme présente de façon claire et précise la position du gouvernement en ce qui concerne la violence faite aux femmes.

Le gouvernement s'attaque au droit des femmes à l'égalité en imposant des lignes directrices extrêmement restrictives en matière de financement et en ne contestant pas des points de vue qui sont en retard de 20 ans.

La ministre peut-elle donner aujourd'hui l'assurance à la Chambre qu'elle va aider financièrement les organismes de promotion de l'égalité à contrer la propagande scandaleuse qui nie la violence faite aux femmes?

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, le pays est en fait l'un des rares qui subventionnent les ONG. Il n'y en a pas beaucoup qui le font. Nous allons continuer à le faire. Il est absolument et fondamentalement important que les organismes de défense de la femme puissent communiquer avec le gouvernement et le tenir au courant du vécu des femmes. Nous avons l'intention de continuer à les subventionner.

Nous n'empêchons aucun organisme de promotion de l'égalité des femmes d'avoir accès au financement. Il suffit de faire une demande.

*  *  *

L'AN 2000

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, l'agent d'information en chef du premier ministre, M. Paul Rummell, a démissionné de son poste au cours du week-end pour retourner dans le secteur privé. Cette démission survient au beau milieu de la bataille contre le bogue du millénaire, le plus important projet technologique jamais vu au sein du gouvernement du Canada.

M. Rummell a sans doute rédigé un rapport sur l'état du projet pour son successeur. Le premier ministre rendra-t-il public ce rapport?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, M. Rummell a rendu de grands services au gouvernement. Il nous est venu du secteur privé en vertu d'un contrat temporaire. Il a maintenant terminé sa tâche. Le tsar de l'an 2000, Guy McKenzie, un fonctionnaire au passé irréprochable, sera dorénavant dans la fonction publique. Cet homme a montré qu'il avait les qualités requises pour faire de cette entreprise un succès.

 

. 1450 + -

M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, les rats quittent le navire. M. Rummell est parti afin de ne pas être le bouc émissaire du gouvernement quand celui-ci perdra la bataille contre le temps.

Le bogue du millénaire est un grave problème et le gouvernement doit s'y attaquer en faisant appel à ses propres ressources.

Ma question s'adresse de nouveau au premier ministre. S'engagera-t-il aujourd'hui à accepter personnellement le blâme si, dans 561 jours et 9 heures, son gouvernement n'est pas prêt à entrer dans le prochain millénaire?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, la responsabilité de la lutte contre le bogue de l'an 2000 est passée du premier ministre au Conseil du Trésor. Nous avons mis sur pied un bureau de travail sur l'an 2000 qui, jusqu'à maintenant, a déjà fait deux sondages auprès des divers ministères fédéraux, et nous sommes en bonne voie de régler ce problème. La nomination d'un fonctionnaire de premier ordre nous aidera à y parvenir.

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LES JEUNES

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État aux Sciences, à la Recherche et au Développement.

Le secrétaire d'État peut-il nous dire ce que fait le gouvernement fédéral pour aider les jeunes Canadiens à devenir des participants actifs dans le contexte de l'économie basée sur la connaissance?

L'hon. Ronald J. Duhamel (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Monsieur le Président, outre le fait que le Canada deviendra d'ici l'an 2000 le pays le plus branché du monde, une initiative mérite d'être mentionnée. Le Programme des collections numérisées de Rescol, d'Industrie Canada, a déjà donné lieu à 280 marchés de service ayant créé 1 400 emplois pour les jeunes Canadiens. Ces marchés permettront d'accroître considérablement le contenu canadien sur l'autoroute électronique, dans les communications multimédias et dans le monde des affaires.

J'ai aussi annoncé, le 2 juin, à l'intention des Canadiens autochtones, un projet qui sera réalisé par Internet et qui créera 200 emplois. Ce projet permettra aux autochtones de participer à des entreprises commerciales et nous permettra d'apprécier leurs talents encore davantage...

Le Président: Le député de Calgary-Ouest.

*  *  *

L'ENVIRONNEMENT

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, un communiqué de presse long et verbeux aurait également fait l'affaire.

Le ministre responsable de Terre-Neuve déverse 70 millions de dollars pris à même les recettes fiscales du Canada pour tenter de réparer le désastre environnemental de l'ancienne base navale Argentia. Il présente l'affaire comme un programme ponctuel de création d'emplois, comme il le fait avec les pêches, les bassins de Sydney et la LSPA. Ce sont des solutions à court terme qui ne font rien pour régler les problèmes fondamentaux de la région de l'Atlantique.

Les Américains se sont engagés à payer le nettoyage de leurs bases militaires à Terre-Neuve. Pourquoi le ministre n'envoie-t-il pas la facture à Bill?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le Conseil du Trésor a approuvé le plan financier de nettoyage de la base Argentia, où des armes américaines ont été abandonnées. Le ministère des Affaires étrangères négocie actuellement avec le gouvernement des États-Unis pour obtenir remboursement.

Entre-temps, nous avons entrepris le nettoyage de l'emplacement, ce qui, par la même occasion, crée des emplois à Terre-Neuve et dans la région de l'Atlantique.

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[Français]

LES SYSTÈMES INFORMATIQUES DE L'AN 2000

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre.

Dans un rapport unanime déposé le 14 mai dernier, le Comité permanent de l'industrie recommandait l'amortissement intégral des nouveaux ordinateurs achetés par les PME pour remplacer ceux qui ne peuvent pas passer l'an 2000.

Le vice-premier ministre s'engage-t-il à donner suite à cette mesure fiscale d'ici la fin de la session, afin que les PME puissent procéder le plus rapidement possible aux ajustements nécessaires?

L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous considérons la situation très sérieusement. Je serais bien content de recevoir plus d'informations afin de donner une réponse plus approfondie à mon honorable collègue dans les plus brefs délais possible.

*  *  *

[Traduction]

LA CONDITION FÉMININE

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, la plus importante organisation féminine du Canada, le Comité canadien d'action sur le statut de la femme n'a pas d'argent pour s'acquitter de son travail, pour promouvoir la justice et l'égalité pour les femmes, au Canada.

 

. 1455 + -

De nouvelles lignes directrices sur le financement menacent la viabilité des organisations féminines.

La secrétaire d'État à la Situation de la femme va-t-elle veiller à ce que son gouvernement consacre au moins 2 $ par femme et jeune fille au Canada à l'égalité des femmes et abandonne ses nouvelles lignes directrices sur le financement qui causent des torts si inutiles aux femmes?

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je pense que la députée se reporte au fait que le Comité canadien d'action n'a pas encore reçu d'argent du gouvernement.

Si le comité fait une demande de financement, on l'étudiera. Cependant, il ne l'a pas encore fait.

De plus, la plupart des grosses organisations nationales qui travaillent pour l'égalité des femmes ont déjà reçu leur financement aux termes des nouvelles lignes directrices.

J'invite donc le Comité canadien d'action sur le statut de la femme à présenter une demande.

*  *  *

L'IMMIGRATION

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, le 30 avril 1998, la ministre de l'Immigration a rendu public un rapport sur le nombre de permis ministériels émis en 1997. Sur 4 059 permis ministériels émis, 37 p. 100 touchaient des individus qui étaient inadmissibles au Canada en raison de leurs antécédents criminels. De plus, 395 de ces permis ont été émis à des individus coupables d'infractions graves comme des agressions et des agressions sexuelles et 79 de ces individus avaient commis ces infractions au cours des cinq dernières années.

La ministre peut-elle nous expliquer pour quelles raisons son gouvernement aide les criminels à entrer au Canada lorsque nous devrions essayer d'éviter qu'ils n'y entrent?

Mme Maria Minna (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, cette information n'a rien de nouveau. Comme le député le sait, la ministre a saisi la Chambre des communes de ces renseignements le 2 avril. Le député n'avait pas à attendre que cela soit publié dans les journaux pour soulever des questions à ce sujet.

Quoi qu'il en soit, au cours des cinq dernières années, le nombre de permis émis a baissé de 75 p. 100, passant de 16 000 à 4 000 par année. La situation a beaucoup changé à cet égard. On peut révoquer un permis en tout temps. On délivre des permis pour de nombreuses raisons différentes. Il peut s'agir notamment d'un permis de travail temporaire.

*  *  *

LA FISCALITÉ

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national.

Mes électeurs me consultent souvent au sujet de situations qui mettent en cause Revenu Canada et qui leur semblent injustes.

Lorsque l'Agence canadienne des douanes et du revenu sera en place, est-ce que je pourrai continuer d'aider mes électeurs à résoudre leurs problèmes?

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, Revenu Canada a toujours fait preuve d'équité dans ses rapports avec les contribuables, les particuliers et les entreprises, et il entend continuer de le faire. C'est pourquoi il existe une déclaration des droits des contribuables et un principe d'équité. L'agence les respectera.

Tous les députés conserveront le même droit d'accès au dossier fiscal de leurs électeurs, sous réserve de leur consentement, afin de continuer à les aider. Cette règle s'applique aussi à tous les contribuables canadiens.

*  *  *

L'AN 2000

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement est encore loin d'avoir trouvé une solution au bogue de l'an 2000. Nous constatons aujourd'hui la rapidité avec laquelle sombre ce navire.

Le principal responsable du dossier déclarait, il y a peu de temps: «Notre inquiétude s'accroît de jour en jour. Cette question nous a toujours inquiétés...»

Comment le gouvernement peut-il persister à promettre que le problème de l'an 2000 sera résolu alors que le capitaine abandonne le navire?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, M. Rummell, qui était le chef de la technologie de l'information, a été détaché du secteur privé temporairement et à titre contractuel. Son affectation est maintenant terminée et il sera remplacé sous peu.

D'ici là, le dossier du bogue de l'an 2000 a été confié à un fonctionnaire, M. Guy McKenzie, qui a beaucoup d'expérience dans ce domaine. Il a la compétence voulue pour nous aider à résoudre nos problèmes à temps, d'ici l'an 2000.

*  *  *

[Français]

LA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

En ce moment même, aux Îles-de-la-Madeleine, 300 personnes manifestent pour réclamer des mesures de soutien substantielles à l'égard des pêcheurs et des travailleurs de la pêche après l'expiration de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique.

Le ministre admet-il que cette manifestation est une indication de plus que les travailleurs des pêches sont très inquiets de ce qui les attend et qu'ils veulent une réponse à toutes leurs demandes, le plus rapidement possible, de la part du gouvernement fédéral?

 

. 1500 + -

[Traduction]

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le ministère du Développement des ressources humaines tient actuellement des consultations auprès des provinces. Nous examinons divers éléments et orientations possibles.

Une fois les consultations terminées, nous passerons à l'étape finale et examinerons des solutions de rechange et propositions que nous soumettrons aux gens. À partir de là, nous ferons comme lorsque la crise a débuté: nous veillerons à faire ce qu'il faut pour les personnes qui ont besoin de notre aide.

*  *  *

L'ÉDUCATION

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, dans un effort en vue d'assurer l'accès des étudiants à l'enseignement postsecondaire, la province de la Colombie-Britannique, reconnaissant la nécessité de se préparer pour l'économie basée sur le savoir qui sera celle du XXIe siècle, a gelé les frais de scolarité pour trois ans. La province craint maintenant que des étudiants d'autres provinces ne déménagent en Colombie-Britannique pour pouvoir bénéficier de frais de scolarité plus raisonnables.

Le gouvernement va-t-il faire preuve de leadership et réunir les ministres responsables de l'enseignement postsecondaire en vue d'essayer d'uniformiser les frais de scolarité dans tout le Canada de façon à ce que les Canadiens, peu importe où ils habitent, aient accès à l'enseignement postsecondaire?

L'hon. Jim Peterson (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, l'accès à l'enseignement est une question qui préoccupe beaucoup le gouvernement. C'est pourquoi il a agi avec autant de détermination. C'est pourquoi il a créé le fonds des bourses d'études du millénaire. C'est pourquoi nous avons les REEE et pourquoi nous avons mis en place la subvention canadienne pour l'épargne-études, qui est un financement complémentaire afin d'assurer l'accès des étudiants aux études.

C'est pourquoi nous avons réformé le Programme canadien des prêts aux étudiants. Nous avons accordé aux étudiants une période de grâce de 54 semaines après l'obtention du diplôme pour rembourser les intérêts sur leurs prêts. Nous veillerons à ce qu'une personne n'ait pas à rembourser plus de 15 p. 100 de son revenu par an. C'est pourquoi nous avons proposé la subvention canadienne pour l'épargne-études...

Le Président: Ceci met fin à la période des questions orales.

*  *  *

RECOURS AU RÈGLEMENT

COMMENTAIRES DURANT LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement à cause de commentaires formulés durant la période des questions orales.

Lorsque j'ai posé ma question, j'ai dit que je craignais que le Canada ne soit perçu comme un hypocrite. À ce moment là, le Président s'est levé pour me dire de faire attention à mon langage.

Je comprends très bien la règle nous interdisant de traiter une autre personne d'hypocrite. Toutefois, sauf erreur, cette règle ne m'empêche pas de dire que je crains que mon pays ne soit perçu comme un hypocrite en raison de certaines mesures prises par le gouvernement. À mon avis, un tel emploi de ce terme est tout à fait dans les limites du langage parlementaire, et je pense que l'avertissement donné n'était pas justifié.

Le vice-président: Le député de Winnipeg—Transcona est ici depuis longtemps et il connaît bien les pratiques de la Chambre. Il a tout à fait raison en ce qui a trait à l'utilisation du mot «hypocrite».

Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il n'est pas correct de traiter directement un député d'hypocrite, mais que ce terme employé dans un sens plus général n'est pas non parlementaire. Cela dit, je suis convaincu que le député sait aussi que certains mots employés, particulièrement au cours de la période des questions orales, mais aussi à d'autres moments, peuvent parfois provoquer la pagaille.

 

. 1505 + -

J'imagine que si le Président a donné un avertissement au député c'est parce que le mot employé par ce dernier risquait de susciter le désordre. Même si le terme était parlementaire au sens strict, le Président tient toujours compte des risques de désordre au moment de rendre une décision.

Le député a raison. Je suis convaincu que l'avertissement n'a pas été donné parce que le mot était inapproprié comme tel, mais plutôt parce que celui-ci risquait de provoquer le désordre à la Chambre. Par conséquent, j'espère que le député accepte cette explication de bonne grâce.

M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, ce mot tend à susciter le désordre parce que les députés croient qu'il est non parlementaire, alors que ce n'est pas le cas. En fait, cette perception erronée est renforcée par la présidence lorsque celle-ci intervient de la sorte, ce qui a pour effet d'augmenter encore davantage les risques de désordre la prochaine que le mot sera employé correctement.

Le vice-président: J'espère que la déclaration que la présidence vient de faire clarifie la situation pour tous les députés.



AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 49 pétitions.

*  *  *

[Français]

LOI SUR LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS (MESURES CORRECTIVES ET DISCIPLINAIRES)

 

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-44, Loi autorisant la prise de mesures correctives et disciplinaires à l'égard des membres de tribunaux administratifs, portant réorganisation et dissolution de certains organismes fédéraux et modifiant certaines lois en conséquence.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*  *  *

[Traduction]

LA LOI SUR LES PARCS NATIONAUX

 

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-419, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux et d'autres lois en conséquence (parcs canadiens).

—Monsieur le Président, je suis heureux de présenter ce projet de loi d'initiative parlementaire qui modifierait la Loi sur les parcs nationaux et d'autres lois en conséquence. L'objectif est de remplacer l'expression «parc national» par «parc canadien».

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*  *  *

PÉTITIONS

L'UNITÉ NATIONALE

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole dans cette Chambre auguste, cet édifice à la gloire de la Confédération canadienne, cette Chambre qui a accueilli Terre-Neuve en 1949, cette Chambre vénérée qui s'apprête à accueillir le Nunavut comme partenaire.

Moi, humble serviteur des électeurs d'Edmonton-Est, je suis fier d'être Canadien et de m'acquitter aujourd'hui de mes devoirs en présentant cette pétition de citoyens de tout le Canada, dont un bon nombre du Québec.

Cette pétition demande au premier ministre du Canada de déclarer que le Canada est indivisible et que la nation ne peut être altérée que par l'ensemble de ses citoyens et leur gouvernement national.

Monsieur le Président, je d'accord avec cela.

Le vice-président: Je pense que le député sait qu'il ne doit pas dire s'il est d'accord ou non avec la pétition qu'il présente. J'espère que, à l'avenir, il se conformera au Règlement.

 

. 1510 + -

LE PERSONNEL DES SERVICES D'URGENCE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter une pétition signée par un certain nombre de Canadiens, y compris des habitants de la circonscription de Mississauga-Sud que je représente. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que les agents de police et les pompiers mettent quotidiennement leur vie en péril dans l'exercice de leurs fonctions.

S'ils sont tués en service, leurs avantages sociaux prévoient rarement une indemnisation suffisante de leur famille. De plus, le public porte aussi le deuil des agents et des pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions et il souhaiterait offrir à la famille éprouvée de ces agents une preuve tangible de son appui.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de créer un fonds d'indemnisation des agents de sécurité publique à l'intention des familles des agents, policiers et pompiers, tués dans l'exercice de leurs fonctions.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre d'habitants des localités de Logan Lake et de Kamloops. Les pétitionnaires s'inquiètent de l'intention du gouvernement de participer aux négociations de l'Accord multilatéral sur l'investissement, appelé communément l'AMI.

Ils donnent toutes les raisons pour lesquelles ils s'opposent à l'AMI. Ils se demandent qui appuie l'AMI. Ils signalent que ce sont les multinationales en particulier qui en font la promotion. Ils demandent donc au gouvernement de se retirer des négociations et de ne pas signer l'accord.

LES PENSIONS

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition à présenter et les signataires s'inquiètent cette fois-ci de l'intention du gouvernement de modifier la façon dont les pensions sont versées aux personnes âgées au Canada. Ils se préoccupent du fait que les pensions seront calculées en fonction du revenu familial. Ils énumèrent d'autres aspects de la question qui les préoccupent et suggèrent essentiellement qu'aucun changement ne soit apporté avant que tous les Canadiens aient eu l'occasion d'exprimer leur point de vue à ce sujet.

LES SPORTS PROFESSIONNELS

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition concernant l'imposition. Les pétitionnaires s'inquiètent du fait que 90 p. 100 des billets achetés pour assister à des matches des Blue Jays sont déduits de l'impôt. Ils disent que c'est la même chose pour tous les sports professionnels. Il demandent pourquoi on autorise ce type de déduction. Quel type de transaction fait-on lorsqu'on regarde un match des Blue Jays, des Raptors, ou de toute autre équipe de sport professionnel?

Les pétitionnaires estiment que c'est un abus absolu. Les pétitionnaires demandent essentiellement que l'on procède à une réforme fiscale équitable longtemps attendue.

LA JUSTICE

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions à la Chambre. La première vient de ma circonscription, Calgary—Nose Hill. Les pétitionnaires demandent que des changements substantiels soient apportés à la Loi sur les jeunes contrevenants.

LE MARIAGE

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, dans la deuxième pétition, les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter le projet de loi C-225, concernant la définition du mariage, présenté par le député libéral de Scarborough Sud-Ouest.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter cet après-midi un certain nombre de pétitions. Dans la première, les pétitionnaires attirent l'attention sur le fait que pour les Canadiens, le mariage est l'union volontaire d'un célibataire, c'est-à-dire d'un homme seul non marié, et d'une célibataire, c'est-à-dire d'une femme non mariée.

Ils affirment qu'il appartient au Parlement de veiller à ce que le mariage, tel qu'on l'a toujours connu et compris au Canada, soit préservé et protégé. Ils demandent au Parlement d'adopter le projet de loi C-225, Loi modifiant la Loi sur le mariage (degrés prohibés) et la Loi d'interprétation de façon à ce qu'il soit bien précisé dans la loi qu'un mariage peut seulement être contracté entre un homme célibataire et une femme célibataire.

L'AIDE AU SUICIDE

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition concerne le caractère sacré de la vie humaine. Les pétitionnaires croient que la majorité des Canadiens pensent que les médecins au Canada devraient s'efforcer de sauver des vies, non pas d'y mettre fin. Ils demandent donc au Parlement de veiller à l'application rigoureuse des dispositions du Code criminel du Canada interdisant l'aide au suicide et de n'apporter à la loi aucun changement qui ait pour effet de sanctionner ou de permettre l'aide au suicide ou l'euthanasie active ou passive.

LA JUSTICE

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition provenant de la circonscription de Souris—Moose Mountain. Elle compte 15 pages et porte les signatures d'électeurs habitant les quatre coins de la circonscription. Les pétitionnaires prient le Parlement de modifier sensiblement la Loi sur les jeunes contrevenants. Comme elle a trait à une question très importante, je suis heureux de présenter cette pétition.

 

. 1515 + -

LES PESTICIDES

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition signée par des habitants de la Colombie-Britannique. Les pétitionnaires prient le Parlement de retirer ou d'annuler le permis d'utilisation de pesticides numéro 21401898 délivré à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et au ministère de l'Agriculture, et d'adopter une loi visant à empêcher qu'à l'avenir des bactéries et des pesticides chimiques soient pulvérisés sur les citoyens canadiens. Cette pétition porte plus de 2 000 signatures.

LES ARMES NUCLÉAIRES

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, j'ai des pétitions signées par des citoyens du Manitoba qui demandent au Parlement d'appuyer l'élaboration immédiate, et la conclusion avant l'an 2000, d'une convention établissant un échéancier ayant force exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LES DÉCISIONS JUDICIAIRES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de reprendre le débat sur cette question.

J'ai dit au début de mon intervention que j'étais particulièrement bouleversée par la motion à l'étude, car j'estime qu'elle porte atteinte aux principes de la démocratie et aux principes de l'égalité auxquels le Canada adhère depuis fort longtemps.

En ce qui concerne les principes démocratiques, le parti d'opposition nous dit aujourd'hui qu'il voudrait que le Parlement ait un pouvoir absolu sur les tribunaux du pays. C'est vraiment à cela que se résume cette motion.

J'ai également dit qu'un des problèmes, c'est que dans de nombreux pays où la démocratie est absente, c'est exactement ce qui se produit et les conséquences en sont désastreuses. Il suffit de regarder des pays, comme l'Afrique du Sud, et des régimes où nous savons que des juges sont jetés en prison et où le gouvernement ou le Parlement interdit aux citoyens de parler d'égalité ou de quoi que ce soit.

En dictant leur conduite aux juges, la Chambre risque de porter atteinte aux principes fondamentaux de la justice. Le Canada a accompli de nombreux progrès pour défendre les droits de la personne et favoriser l'égalité, si bien qu'il jouit d'une réputation qui fait l'envie du monde entier.

Bon nombre de ces progrès sont attribuables à la jurisprudence, aux recommandations et aux décisions judiciaires. Ce sont les tribunaux qui ont exhorté le Parlement à faire avancer le dossier, à reconnaître les droits de la personne et des groupes et à examiner la question de l'égalité.

Lorsque les tribunaux traitent de justice et rendent les décisions, ils informent et aident le Parlement. Ils sont un reflet du Parlement, pour que nous puissions continuer de promouvoir les valeurs qui nous tiennent à coeur et auxquelles nous adhérons dans la Charte et dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Bâillonner les tribunaux et déterminer qu'ils n'ont absolument aucun pouvoir de faire avancer la cause de la justice est un abus de pouvoir. C'est exactement ce qu'on propose aujourd'hui dans cette motion. On peut dire les choses de toutes sortes de belles manières. Le parti d'en face a l'habitude de présenter dans des termes doucereux et sophistiqués de telles déclarations discriminatoires et contre la justice, mais ce dont je parle, c'est de la vérité.

 

. 1520 + -

En définitive, le Parti réformiste prend position en faveur d'un abus des pouvoirs de la Chambre. Nous connaissons tous le dicton selon lequel le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument. Lorsque le parti d'en face est arrivé à la Chambre, il parlait de justice, de gens ordinaires, des droits de la population et des droits des particuliers. Depuis qu'il forme l'opposition officielle, on voit ce que le pouvoir peut faire et à quel point il corrompt.

C'est aussi une question d'égalité. L'égalité est un principe fondamental de la société canadienne. Être égal, ce n'est pas être identique. Le respect de l'égalité est aussi celui des différences dans notre société. Notre société est l'une des plus diversifiées au monde, non seulement du point de vue des races, de la couleur, de la religion ou des aptitudes et déficiences de la population. Elle est diversifiée dans tous les secteurs d'activité que l'humanité vivante engendre dans sa diversité. Cette diversité est source de force.

Une des choses les plus importantes que nous devons savoir, c'est que les différences que les humains partagent entre eux constituent autant d'obstacles à surmonter pour assurer l'égalité de tous. Le rôle d'un bon gouvernement et d'un bon système de justice est de reconnaître ces obstacles et de définir des stratégies permettant de réaliser l'égalité de tous, conscients que nous sommes de la nécessité de réagir lorsque des groupes se voient refuser l'égalité devant la loi. Les tribunaux canadiens jouent un rôle de premier plan à ce chapitre. Le parti d'en face dit essentiellement qu'il est opposé à l'égalité fondamentale.

Il est également question de valeurs familiales et de la nécessité d'éviter de parler de tout ce qui peut contribuer à détruire la famille traditionnelle. Je me souviens de l'époque de la famille traditionnelle où une jeune femme qui avait un enfant en dehors des liens du mariage était chassée de sa localité. Elle était considérée comme une paria et personne ne lui adressait la parole, parce qu'elle avait eu un enfant sans être mariée.

On se souviendra également de l'époque où une femme mariée ne pouvait trouver d'emploi dans la fonction publique parce qu'on estimait qu'elle volait un emploi à un homme qui était le gagne-pain de sa famille. Nous nous souvenons de choses de ce genre. Nous sommes conscients des divisions qui se sont produites.

Certaines personnes étaient victimes de discrimination à cause de la couleur de leur peau ou des autres différences qui les caractérisaient. À une certaine époque, la diversité aurait été chose impossible à la Chambre des communes parce que certaines personnes n'avaient pas le droit de vote, en raison de leurs différences.

Ces choses ont été perpétuées par les parlements de l'époque. La Charte des droits et libertés, notre système juridique et les tribunaux canadiens nous ont permis d'évoluer et ont fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui.

Ceux qui affirment aujourd'hui que nous voulons renier et détruire la famille tiennent le même langage que ceux qui affirmaient autrefois que le fait de permettre à des gens de couleur d'accéder à tel ou tel endroit allait en affecter la qualité. Ils refusaient de laisser ces derniers vivre près d'eux, sous prétexte que la propriété était organisée de telle façon qu'il était impossible à tous de vivre les uns à côté des autres. Les femmes n'étaient pas considérées comme des personnes et ne pouvaient pas siéger au Sénat. Les lois du pays ne le permettaient pas. Certains voudraient faire croire que le Parlement sait tout et voit tout.

La famille moderne est considérée comme un groupe, une unité. L'idée fondamentale acceptée est que ces personnes se soutiennent mutuellement sur les plans financier et affectif et constituent des unités stables dans notre société. Combien d'entre nous avons été élevés par une mère seule? Combien parmi nous viennent d'une famille reconstituée? Les recherches nous révèlent maintenant que les parents qui fondent une famille ne se marient pas nécessairement, que bien souvent, les structures sont fondées sur des situations de fait. Prétendons-nous dire qu'il n'y pas de place dans cette conception fondamentale de la famille pour un lien de soutien mutuel entre deux personnes et qu'il faut s'en tenir à une définition étroite, limitée aux vieilles traditions?

Un député de l'opposition officielle a dit à la Chambre aujourd'hui que la famille existait depuis des millénaires. Justement. Il y a aussi toutes sortes de comportements choquants qui ont duré pendant des millénaires. Il y a des gens qui sont traités injustement depuis des millénaires.

Le temps est venu que les parlements s'interrogent sur la façon de servir la justice, pour veiller à ce que nos parlements ne soient pas les seuls à servir cette cause. À bien des égards, elle est aussi servie par nos tribunaux. La justice exige que nous reconnaissions les différences et que nous les respections, dans la recherche de la stabilité pour nos collectivités et des mesures propres à garantir cette stabilité.

 

. 1525 + -

On n'a pas besoin d'être d'une certaine couleur, d'un certain sexe ou d'une certaine orientation sexuelle pour aimer, pour soutenir l'autre, pour manifester de la compassion et consolider la structure de la société. Ce n'est pas là le privilège d'un seul groupe de notre société.

Monsieur le Président, je dois vous dire que cette motion me choque profondément. Vous n'avez pas idée. Je me sens remplie d'indignation.

La société civile doit être fondée sur le respect des différences. Voilà le fondement de notre société. Que le Parti réformiste ne puisse pas le reconnaître montre à quel point il est coupé de la vie que vivent ceux qu'il prétend servir.

Tout le monde reconnaît ce que le Canada a fait. Pour la quatrième année consécutive, le Canada a été déclaré le meilleur pays au monde où vivre pour ce qui est des relations humaines. Il y a trois ans, le Canada a reçu un prix humanitaire des Nations Unies. C'était la première fois que ce prix était accordé. Il a été accordé au Canada parce qu'il était le seul pays—et je souligne, le seul pays—du monde a avoir réussi à accorder justice et égalité à toutes ses différentes populations de façon équitable et dans des délais raisonnables.

Nous sommes le seul pays qui reconnaît que l'égalité passe par-dessus les différences. Si on écoutait ce parti, il n'y aurait pas de place au Canada pour la diversité. Je suis outrée lorsque j'entends définir la famille en termes étroits. Toute personne vivant dans une famille non traditionnelle au Canada devrait en être offusquée.

En conclusion, je dirai que, lorsqu'il est question d'appliquer les droits de la personne dans ce pays, il ne faut pas revenir en arrière à ce que l'on faisait «dans le bon vieux temps», parce que, pour les droits de la personne, le bon vieux temps était souvent synonyme de cauchemar. Nous devons voir le Canada comme un pays qui a un rôle à jouer dans le monde, un pays, j'en suis fermement convaincue, que le monde adoptera comme modèle au cours du prochain millénaire. Ce ne sera pas parce que nous sommes le pays le plus riche, parce que ce n'est pas le cas. Et ce ne sera certainement pas parce que nous possédons l'armée la plus puissante.

Le monde se tournera vers le Canada parce que nous avons défini le concept de démocratie et le concept de droits de la personne. Nous avons défini le concept d'égalité de telle sorte que les Canadiens peuvent être fiers et peuvent prendre leur place en toute confiance, jouissant de la protection des lois du pays. Ils peuvent tirer le maximum de leur potentiel personnel. Nous avons une société où tous, peu importe leur couleur, leur race, leur sexe, leur orientation sexuelle et leur religion peuvent sentir qu'ils appartiennent véritablement à la société et qu'ils y ont une place.

Il est d'une arrogance extrême de croire que nous, les parlementaires, savons tout, que nous avons toutes les réponses et que nous n'avons pas besoin d'écouter ce que le pouvoir judiciaire, les cours suprêmes provinciales et d'autres Canadiens nous disent sur la façon d'orienter notre société. Entendre dire cela aussi m'offense.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, il est tout à fait scandaleux d'entendre une ministre qui siège au Cabinet donner de telles réponses à une motion présentée de façon démocratique pour qu'on en discute à la Chambre.

La ministre dit qu'elle est offensée que l'opposition présente une telle motion. Je me demande en quoi consiste sa vision de la démocratie alors qu'elle est offensée par un débat libre et ouvert à la Chambre. C'est plutôt scandaleux et je pense que cela en dit long sur le gouvernement, sur ses faiblesses et sur son incapacité de vouloir faire face à des questions et à un débat de façon ouverte.

Je voudrais poser à ma collègue une brève question. Elle a parlé de la famille et de toutes sortes d'autres choses dans son discours décousu. Je voudrais qu'elle nous dise ce qu'elle pense d'une observation formulée par son propre collègue, le leader du gouvernement à la Chambre des communes, dans une lettre qu'il a écrite à un électeur, en 1994.

Le leader du gouvernement à la Chambre a écrit alors: «Je m'oppose à ce que des couples homosexuels soient traités de la même façon que des couples hétérosexuels. Je ne crois pas que les homosexuels devraient être traités comme des familles. Mon épouse Mary Ann et moi-même ne prétendons pas être des homosexuels. Pourquoi les homosexuels prétendent-ils former une famille?» Chose tout à fait incroyable, cela vient du leader du gouvernement à la Chambre des communes.

Notre vis-à-vis pourrait-elle nous dire si elle est d'accord avec son collègue au Cabinet?

 

. 1530 + -

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, je suis désolée si le député a jugé mon discours décousu trop difficile à suivre. Je suis persuadée que les idées que j'ai soumises sont probablement trop complexes pour qu'il puisse les suivre.

Je ne suis pas offensée par le débat. Le fait que nous ayons ce débat à la Chambre montre que nous vivons, en fait, dans une société démocratique dans laquelle on peut discuter de ces questions. Je suis offensée par le contexte dans lequel cette motion est présentée et par ce que cette motion propose.

Ce qui importe, c'est que lorsqu'on pose une question, on puisse espérer obtenir une réponse qui pourrait peut-être éclairer le débat et clarifier les choses. Si on n'écoute pas, on sera alors toujours prisonnier de son petit monde.

Je ne suis pas offensée par le débat. Je suis offensée par les principes défendus dans cette motion que je considère antidémocratiques, comme je l'ai dit dans mon discours qui était trop difficile à suivre pour le député. En effet, on part du principe que la Cour suprême n'a rien à apprendre à la Chambre ou, en fait, que l'égalité est synonyme d'uniformité, qu'il s'agit de conserver d'anciennes traditions, des règles vieilles de milliers d'années qui offensent tout à fait les Canadiens et qui privent de nombreuses personnes de droits aux termes de la loi, et notamment du droit à l'égalité.

En ce qui concerne les familles, il ne s'agit pas de savoir si une personne est mariée, non mariée, célibataire, homosexuelle, lesbienne ou hétérosexuelle. Il s'agit de reconnaître une structure fondamentale dans notre société qui unit les gens, les soutient, les lie sur les plans émotif et financier. Toutes ces structures, quelle que soit la forme qu'elles prennent dans notre pays évoluant rapidement et marqué au coin de la diversité, doivent être respectées et traitées de la même façon aux termes de la loi.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question toute simple. J'aimerais demander à la député si elle pense qu'on devrait en appeler de la décision Rosenberg?

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, ce n'est pas à moi d'en décider ni même de commenter la décision.

Nous débattons une motion qui dit que les tribunaux n'ont pas le droit de se mêler de ce que fait le Parlement. C'est de ça dont je parle. Ce sera au gouvernement du Canada de débattre ces décisions.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, dans sa réponse à ma collègue, la ministre a contredit le leader du Parti libéral à la Chambre.

J'aimerais qu'elle répète après moi: Je suis en désaccord avec le leader de mon parti.

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, le député essaye de me faire dire des choses que je n'ai pas dites. Je ne répéterai pas ce qu'il veut que je répète. Contrairement aux députés d'en face, je ne suis pas une otarie savante qui aboie quand on le lui demande et qui répète ce qu'on lui dit.

Dans une démocratie, tout le monde est libre de dire ce qu'il veut, de décider ce qu'il veut, et de croire aux principes qu'il veut. On ne doit pas juger les gens d'après leurs décisions.

C'est en mon nom propre que je prends part au débat sur la motion dont nous sommes saisis. Les députés savent quelle est ma position. Je pense qu'elle reflète le fait que le Parti libéral et le gouvernement croient à la démocratie, à la suprématie du droit et à l'ordre, comprennent qu'il faut évoluer et savent qu'être égal ne veut pas dire être pareil. C'est l'objet de mon propos.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, la députée a dit qu'elle n'était pas une otarie savante, mais lors du vote sur l'hépatite C, tous les députés libéraux ont voté conformément à la volonté du premier ministre.

Une voix: Sur ordre.

M. Jim Pankiw: Sur ordre, ils ont voté contre la proposition visant à indemniser toutes les victimes de l'hépatite C. Il est peut-être exagéré de parler d'otarie savante, mais je pense que des termes comme «dressé» et «obéir» s'appliquent dans les circonstances.

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, j'aimerais bien répondre, mais je n'ai absolument rien à dire, parce que tout cela ne rime à rien pour moi.

 

. 1535 + -

M. Ken Epp: Monsieur le Président, dans ce cas j'ai une autre question. La ministre, comme nous tous, a beaucoup de respect pour les tribunaux et le système judiciaire. Ceux-ci font partie intégrante de notre système de justice et de droit.

La loi stipule clairement que c'est le Parlement qui doit faire les lois. L'un des juges respectés a dit clairement que ces changements législatifs incombaient au Parlement. Ce principe a d'ailleurs été respecté pendant des générations.

J'aimerais que la ministre nous dise si elle pense réellement que nous devrions fermer le Parlement et laisser les tribunaux faire les lois, en plus de les interpréter et de les appliquer.

L'hon. Hedy Fry: Pas du tout, monsieur le Président. C'est le contraire de ce que je disais plus tôt. Le fait que nous soyons ici en train de discuter de cette question, c'est cela la démocratie. C'est la raison d'être de la Chambre.

Je fais allusion à des principes assez fondamentaux dont nous discutons ici. Je fais allusion au fond du débat. Je sais que les députés d'en face n'aiment pas les débats qui portent sur des questions de fond, mais il s'agit d'une question de fond. Nous discutons du contexte de la motion réformiste. Nous discutons aussi des répercussions à long terme que pourrait avoir cette motion.

C'est cela qui me choque. Ce n'est pas le fait que nous discutions de la motion, non plus que le fait que l'on prétende que le Parlement n'a pas le droit de faire des lois. Si nous continuons d'avoir l'arrogance de supposer que nous avons toutes les réponses et que nous devrions continuer d'agir de la même façon que nous l'avons fait depuis toujours, nous ne ferons jamais de progrès. Les gains réalisés par le Canada, qui font de celui-ci le meilleur pays au monde, auront été inutiles et vains.

M. Ken Epp: Monsieur le Président, je serai bref. J'ai posé une question claire à la ministre et j'aimerais obtenir une réponse tout aussi claire. Est-elle d'avis que les tribunaux devraient créer les lois, qu'ils devraient légiférer et établir les règlements, rendant notre responsabilité à cet égard superflue? J'aimerais une réponse à ce sujet.

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, les tribunaux n'ont pas la responsabilité d'établir la loi. Ils n'ont que celle de l'interpréter. Notre Charte des droits et libertés est très claire à ce sujet. Notre Loi canadienne sur les droits de la personne est également assez claire. Les tribunaux doivent interpréter les lois dans le contexte de la société dans laquelle nous vivons, ils doivent les interpréter tout en informant les législateurs.

Une voix: Oh, oh.

L'hon. Hedy Fry: Nous en revenons toujours à la même chose. Ils posent une question, mais ils ne veulent pas vraiment entendre la réponse. Lorsque nous essayons de donner une réponse, ils continuent de parler. Si le député est intéressé à entendre la réponse, je veux bien la répéter.

Les tribunaux ont effectivement la responsabilité d'interpréter les lois. Il n'ont d'ailleurs pas uniquement la responsabilité d'interpréter les lois, mais également celle de les interpréter dans le cadre de notre Constitution, de notre Charte et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ils doivent le faire en tenant compte de la société dans laquelle nous vivons, en définissant cette société et en analysant la façon dont cette société a réussi à garantir l'égalité en se basant sur les lois en vigueur.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, nous venons d'entendre un échange des plus confus. La ministre a une bien fausse idée du contexte dans lequel cette motion a été rédigée et de son libellé. Je m'étonne que la ministre soit déjà partie, mais pas vraiment, parce qu'elle ne veut pas vraiment débattre de la question.

C'est une question des plus grave. Nous devrions débattre de son bien-fondé et non de l'interprétation qu'en donnent les libéraux, les réformistes ou un autre parti. La question consiste à déterminer lequel du Parlement ou du judiciaire doit avoir la préséance.

Ce qui est au coeur de la motion, c'est qui fait la loi, qui l'interprète et qui l'applique. C'est l'argument central de la motion dont la Chambre est saisie cet après-midi.

C'est la question que nous devons débattre. Dans ce cas-ci, nous devons centrer notre attention sur un terme en particulier et sur sa définition. Il s'agit du terme «conjoint» et de sa définition.

 

. 1540 + -

Je signale à la Chambre que tous les réformistes partageront leur temps de parole.

La question porte donc sur le terme «conjoint». Selon la Cour d'appel de l'Ontario, le terme «conjoint» définit une personne d'un même sexe qui cohabite avec un contribuable dans une relation conjugale. C'est la définition qu'a donnée la Cour d'appel de l'Ontario.

Je ferai remarquer que le Parlement ne partage pas la définition de la Cour d'appel de l'Ontario. J'ose dire que non seulement ce n'est pas la définition du Parlement, mais elle diffère aussi de la définition que la ministre de la Justice a donnée à la Chambre dans le cadre du projet de loi C-37.

Voici la définition que la ministre a utilisée en présentant le projet de loi. Il est question du conjoint survivant, mais le mot-clé dans ce cas, c'est celui de conjoint. Quelle en est la définition? Conjoint survivant s'entend notamment de la personne de sexe opposé qui, le jour du décès du juge, vivait avec lui depuis au moins un an dans une situation assimilable à une union conjugale.

La question prend maintenant une tournure assez intéressante. Comment se fait-il que le Parlement ait clairement énoncé sa définition pas plus tard que la semaine dernière et que la Cour d'appel de l'Ontario arrive à une définition différente?

Il y a actuellement un contre-courant qui prend de l'ampleur et qui est insensé. À mon avis, l'équivoque, dans ce cas, au sujet de la définition du conjoint signifie que la définition n'est pas la même pour les juges que pour les autres. Comment est-ce possible? La députée d'en face a parlé d'égalité. Cela donne à penser que les juges ne doivent absolument pas être traités différemment des autres Canadiens.

Force est de reconnaître qu'il y a une ministre qui n'a pas bien fait son travail en l'occurrence. Si la ministre veut être reconnue pour son intégrité, et je pense que c'est le cas, elle n'a d'autre choix que d'en appeler de la décision rendue dans l'affaire Rosenberg. Elle doit le faire.

Je veux soulever une autre question tout aussi, voire plus importante. Elle concerne le leadership. Nos lois et notre Constitution reposent sur un ensemble de principes et de valeurs. Nous croyons que la démocratie, le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, est la meilleure forme de gouvernement qui puisse exister. Pour que ce genre de gouvernement soit couronné de succès, ceux qui le composent doivent tous ensemble souscrire à un ensemble de principes.

Ils doivent tout d'abord penser que c'est là la meilleure forme de gouvernement. Je ne puis m'empêcher de penser aux paroles du regretté premier ministre britannique, Winston Churchill, qui a dit un jour que la démocratie est une forme de gouvernement imparfaite, mais qu'elle vaut mieux que toutes les autres.

Nous commençons à nous interroger sur les véritables raisons pour lesquelles les députés s'opposent à ce que nous proposons. Pour arriver à un consensus sur quelque question que ce soit, il faut bien comprendre non seulement les principes sous-jacents de la démocratie, mais aussi les valeurs que nous partageons. Pour que ce consensus soit valable, il faut que ces valeurs soient partagées par un grand nombre de personnes. Il est vrai qu'il faut sembler reconnaître que nous avons en commun un objectif, une ligne de conduite. C'est pour cette raison que j'exhorte la ministre à faire quelque chose de novateur.

 

. 1545 + -

Je pense à une philosophe américaine qui a décrit le continent nord-américain, en particulier les États-Unis mais aussi le Canada, comme étant un lieu où régnait la confusion sur les plans cognitif et moral. On dirait vraiment qu'il n'existe plus de croyance ou de reconnaissance de ce qui est bien ou mal.

Récemment, on a demandé à un groupe d'étudiants ce qu'ils feraient s'ils avaient le choix entre sauver la vie d'un être humain ou d'un animal domestique. Ils choisissaient l'animal. Qu'est-ce que ça nous apprend? Ça nous apprend que nous avons des valeurs très intéressantes, qui ont changé assez radicalement.

Cela semble aussi indiquer que nous avons un déséquilibre moral. Le bien, c'est ce qui est bon pour nous. En fait, nous avons changé une grande partie de notre vocabulaire. Par exemple, les chapardeurs sont devenus des acheteurs non traditionnels. Les tueurs ont une déficience morale. Nous devons reconnaître qu'il existe une vérité morale objective.

Comment puis-je oser dire de telles choses? Je vais citer cette philosophe, Christina Hoff Sommers, titulaire de la bourse W.H. Brady à l'American Enterprise Institute, à Washington, D.C.

    Même s'il est vrai que nous devons débattre d'enjeux controversés, il ne faut pas oublier qu'il existe un fond de questions d'ordre moral non controversées qui ont été réglées il y a longtemps. Nous devons amener les étudiants à prendre conscience qu'il y a des normes morales que toute civilisation digne de ce nom a découvertes. Nous devons les encourager à lire la bible, L'Éthique d'Aristote, Le Roi Lear de Shakespeare, le Coran et les Entretiens de Confucius. Presque n'importe quel grand ouvrage les familiarisera avec les grandes valeurs morales, soit l'intégrité, le respect de la vie humaine, la maîtrise de soi, l'honnêteté, le courage et l'abnégation de soi. Toutes les grandes religions du monde enseignent la même règle d'or, bien que dans une version négative: ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse.

Ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont les paroles d'une lettrée qui a fait des études étendues et approfondies. Ce sont là les valeurs sur lesquelles on s'entend: le courage, l'intégrité et la maîtrise de soi. Nous aimons ces qualités.

Si la ministre permet, dans ce cas précis, que la décision de la cour soit maintenue parce qu'elle ne fait rien pour empêcher cela, et c'est tout ce qu'il faut pour qu'on donne suite à la décision, non seulement elle se contredira, étant donné sa définition du mot conjoint inscrite dans le projet de loi C-37, mais elle contredira l'esprit de la loi.

Plus important encore, si elle ne fait rien, elle manquera d'intégrité. À mon avis, c'est là la pire critique que je puisse faire. En ne réagissant pas, elle dira aux Canadiens qu'elle est en faveur d'une déréglementation morale qui signifie, ni plus ni moins, que la moralité se résume à ce qui est bon pour nous. Ce n'est pas suffisant.

C'est contraire aux plus illustres ouvrages de littérature et aux principes de toutes les civilisations qui ont établi les grandes valeurs de base, les valeurs morales objectives que sont l'intégrité, le respect de la vie humaine et des choses du genre.

Que fera-t-elle? Je la supplie d'agir.

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'impression qu'il me faut répondre sous la forme d'une observation puis d'une question.

L'objet de la discussion, c'est la motion présentée par les députés d'en face qui dit que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être modifiée ou réécrite par des décisions judiciaires. Autrement dit, les tribunaux n'ont absolument ni le droit d'interpréter la loi ni le droit de signaler au Parlement qu'à leur avis il a fait une erreur.

 

. 1550 + -

M. Eric Lowther: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je pense qu'il est important de signaler que la députée d'en face a mal lu la motion dont elle parle.

Le vice-président: C'est peut-être le cas, mais je suis persuadé que la ministre se réjouit de ce qu'on le lui ait signalé. Quoi qu'il en soit, je ne crois qu'il y ait matière à rappel au Règlement.

L'hon. Hedy Fry: Monsieur le Président, je comprends très bien la motion. Ce que nous avons ici, c'est une déclaration générale selon laquelle, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être modifiée; on donne ensuite un exemple. La motion prévoit en général que la législation fédérale ne devrait être ni modifiée ni commentée par les tribunaux.

Voilà à quoi je faisais allusion. La question de l'égalité s'est ensuite posée. Le député vient de dire que nous parlons tous ici d'égalité, que les juges devraient être traités comme les autres Canadiens.

C'est le genre de raisonnements simplistes que nous servent tous les jours les députés d'en face. Il est difficile de répondre à des raisonnements aussi simplistes. Comment peut-on dire que, en matière législative, lorsqu'il s'agit d'interpréter la loi, les juges sont sur un pied d'égalité avec moi, qui ne suis pas juge et qui ne voit pas l'interprétation de la loi de la même manière. Nous ne comprenons même pas ce que nous entendons vraiment par «égalité», par «opinion d'expert», par «connaissances acquises dans l'exercice d'une profession».

Cela revient à dire que n'importe qui devrait pouvoir opérer quelqu'un de la vésicule biliaire. La notion d'égalité est tellement tordue dans l'esprit des députés d'en face que je me demande souvent si nous devrions nous donner la peine d'en débattre.

Et puis, il y a la question de mon intégrité, du bien et du mal, de la moralité et de ce que les philosophes ont dit au sujet du courage et de l'intégrité et de la maîtrise de soi.

Le courage, c'est la capacité de faire ce qu'il faut, même si cela risque d'être peu populaire. Lorsqu'on parle de valeurs morales, on parle des valeurs morales de qui? Parle-t-on encore de la tyrannie de la majorité? Lorsqu'on parle de moralité, parle-t-on de la moralité judéo-chrétienne? Parle-t-on de la moralité de l'Islam? Parle-t-on des droits de la personne? Parle-t-on de la moralité des autochtones? Qu'entend-on par «moralité»? Faut-il toujours définir tout ce que nous faisons à la lumière de notre religion ou de notre culture?

La notion de moralité est plus large que cela. Il s'agit de comprendre le besoin de tout être humain de pouvoir réaliser son potentiel, de vivre librement tel que Dieu l'a créé et d'avoir accès à tout ce que Dieu a mis sur cette Terre. Il s'agit de s'assurer que personne ne fait obstacle à cela. C'est cela, la moralité. C'est cela, au fond, la moralité.

M. Werner Schmidt: Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à l'honorable députée.

Je comprends que, dans sa vie privée, la députée est bien instruite, très compétente et très professionnelle et qu'elle comprend parfaitement l'importance de définir les mots clairement et précisément. Je le sais bien.

Je sais aussi que ce qu'elle vient d'appeler la moralité n'est pas du tout ce dont je parlais. J'ai parlé assez clairement des valeurs qu'on trouve dans la littérature et la philosophie et de divers autres points. Quand la députée m'a demandé «la moralité de qui?», je n'ai pas répondu. J'ai dit que c'étaient là certaines choses qu'on devrait faire et que cette question était très importante.

L'autre point, sur la place des juges dans notre société, l'interprétation des lois, la présence possible d'erreurs dans les lois et le fait qu'ils devraient écrire les lois, n'est pas à débattre aujourd'hui. J'encouragerais les gens à respecter cela.

La question à débattre ici est le jugement d'une cour d'appel. Il ne s'agit pas de dire qu'on pourrait améliorer la loi. Ce n'est pas le point à l'étude aujourd'hui. Le débat porte sur un jugement disant que dorénavant la loi se lira ainsi. Il ne s'agit pas du tout de dire qu'il faudrait que les législateurs examinent la situation pour voir s'il ne faudrait pas réécrire la loi. Je pense que c'est ça la question.

La députée n'a malheureusement pas compris ce que je voulais dire.

 

. 1555 + -

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, nous assistons en l'occurrence à l'abandon des valeurs familiales de la part du gouvernement libéral, qui fait clairement preuve d'hypocrisie quand il s'agit de défendre les familles traditionnelles.

À en juger d'après le manque de volonté de la part de la ministre de la Justice et du gouvernement libéral d'en appeler de la décision rendue dans la cause Rosenberg, le gouvernement permet aux tribunaux de contourner le Parlement et de réécrire les lois fédérales.

La motion du Parti réformiste s'énonce ainsi:

    Que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être affectée par des décisions judiciaires, comme c'est le cas avec la définition de «conjoint» dans la décision Rosenberg, et que, par conséquent, le gouvernement devrait en appeler immédiatement de cette décision.

Notre motion vise à mettre de la pression sur les libéraux pour qu'ils se prononcent franchement d'un côté ou de l'autre. Je les accuse de faire preuve d'hypocrisie parce qu'il est clair qu'ils n'en appelleront pas de cette décision.

J'ai quelques lettres ici à ce sujet. L'une, datée du 29 avril dernier, vient de la ministre de la Justice. En voici un passage:

    La définition de mariage dans la législation fédérale ne vient pas d'une loi adoptée par le Parlement; elle se trouve plutôt dans ce qu'on appelle la common law fédérale et est empruntée à une cause britannique remontant à 1866, celle de Hyde et Hyde c. Woodmansee... Cette cause a toujours été appliquée au Canada et établit qu'aucun mariage ne peut exister entre deux personnes de même sexe ou entre de multiples femmes ou maris.

    La définition de mariage est donc déjà claire dans le droit canadien et désigne une union de deux personnes de sexe opposé. Les avocats de mon ministère ont défendu avec succès ce concept de mariage devant les tribunaux et continueront de le faire.

Voilà l'élément clé de sa lettre.

Ce concept et la définition de ce terme viennent d'être réécrits par la Cour fédérale. Or, la ministre de la Justice n'est pas disposée à intervenir et à en appeler de cette décision. Je parle d'hypocrisie, car comment peut-elle affirmer clairement dans une lettre datée du 29 avril que le gouvernement défendra ce concept de mariage qui remonte au début de l'histoire de notre pays, et refuser d'agir alors que nous risquons de perdre ce concept?

J'ai une autre lettre datée du 24 février de l'année dernière et venant de l'actuel ministre de la Santé qui dit essentiellement la même chose. Depuis pas mal de temps, les ministres libéraux semblent ne pas éprouver de difficulté à écrire et à dire, en termes non équivoques, qu'ils sont prêts à défendre la famille traditionnelle. Cependant, compte tenu de cette décision d'un tribunal, ils sont prêts à faite volte face sur cette question, et cela entraîne de très importantes répercussions.

La question la plus importante que cette décision soulève, c'est quel organe est suprême dans notre pays en matière législative. Est-ce l'appareil judiciaire ou le Parlement? De façon répétée, on voit des juges récrire les lois pendant que le Parlement ne semble pas vouloir exercer l'autorité suprême, soit la fonction de législateur.

Rendue le 23 avril par la Cour d'appel de l'Ontario, la décision Rosenberg a changé la définition de «conjoint» dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour qu'elle s'applique aux conjoints de même sexe.

Le Parlement adopte les lois et les tribunaux sont là pour les appliquer. Les tribunaux ne doivent pas élaborer des politiques gouvernementales parce qu'ils ne sont pas composés de représentants élus. Ce n'est pas à eux de le faire.

 

. 1600 + -

Il est clair que la ministre de la Justice devrait en appeler de la décision Rosenberg afin de protéger la définition du terme conjoint et de confirmer le rôle du Parlement en tant qu'autorité suprême au Canada en matière législative. À défaut de quoi les libéraux nous donneront la preuve qu'ils tiennent moins à protéger la famille et davantage à poursuivre un programme de sociologie appliquée.

Ce que je considère comme étant encore plus hypocrite, c'est que les libéraux ont saisi la Chambre des communes du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les juges. On trouve dans ce projet de loi une définition de conjoint selon laquelle un conjoint est un membre du sexe opposé. Il y a uniformité entre les lettres de ministres auxquelles j'ai fait allusion et des lois rédigées par leurs ministères. Il n'y a pas d'uniformité entre cela et leur réticence à intervenir contre la décision de la cour.

Pourquoi la définition de «conjoint» est-elle source de préoccupation? Les gouvernements ont autorisé de nombreuses prestations au conjoint dont, entre autres, les déductions fiscales, l'admissibilité aux pensions, la prestation de conjoint et les avantages sociaux. Ils ont offert ces avantages aux couples hétérosexuels en reconnaissance du rôle qu'ils jouent dans la procréation et l'éducation des enfants.

La tradition et la nature veulent que les termes «conjoint» et «mariage» s'appliquent à l'union d'un homme et d'une femme. Cette pierre angulaire de la politique gouvernementale ne devrait pas être modifiée par les tribunaux; par contre, si le gouvernement est déterminé à procéder à un tel changement, il devrait le faire en plein jour, dans le cadre d'un débat parlementaire.

La réticence du gouvernement libéral à en appeler de cette décision équivaut à se cacher derrière la décision des tribunaux et à refuser de prendre la responsabilité d'un débat sur cette question, et sur d'autres questions du même genre alors que les juges ont pris sur eux de réécrire la loi. C'est se cacher derrière la décision des juges au lieu d'attaquer la question de front et de faire preuve de leadership. Malheureusement, le gouvernement libéral nous a montré à maintes reprises que le leadership n'était pas son fort.

C'est l'occasion rêvée pour le gouvernement de faire preuve de leadership, d'être fidèle aux positions qu'il a prises dans le passé, mais il préfère se cacher derrière la décision d'un juge et modifier la définition du terme «conjoint», qui remonte aux origines de notre pays.

Je vais citer le ministre de la Santé du temps où il était ministre de la Justice. Il avait dit que les tribunaux ne devaient pas décider des orientations ni réécrire les lois, car c'est le rôle du Parlement. Comment peut-il se présenter à la Chambre aujourd'hui et faire exactement l'inverse de ce qu'il a dit le 25 octobre 1994? Je le répète, c'est de l'hypocrisie pure et simple.

J'aimerais également faire remarquer que, pendant la 35e législature, la motion no 264, qui proposait que les couples homosexuels soient légalement reconnus, a été rejetée par la Chambre par 124 voix contre 52, soit une proportion de presque trois contre un.

La volonté du Parlement dans ce dossier est claire. Pourquoi donc les tribunaux décident-ils l'inverse quand le Parlement a déjà dit non? Les tribunaux outrepassent leurs pouvoirs. Ils outrepassent leur compétence. Le gouvernement devrait faire preuve de leadership et montrer aux Canadiens et aux tribunaux que le pouvoir de légiférer ne doit pas être laissé à la discrétion de juges nommés et que la Chambre des communes est l'autorité suprême en la matière.

 

. 1605 + -

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commenter quelques-unes des remarques de l'honorable député qui vient de parler.

Selon lui, le gouvernement aurait enlevé son soutien aux familles traditionnelles. Au contraire, le gouvernement soutient davantage les familles traditionnelles. Dans son dernier budget, le gouvernement a fait de nombreuses démarches pour soutenir les familles traditionnelles, notamment par l'entremise de l'assurance-emploi et de la prestation fiscale pour enfants.

Je suis contente que l'honorable député utilise le terme «traditionnel» et qu'il fasse allusion au devoir du Parlement de servir la population dans toute sa diversité. De nos jours, la famille traditionnelle n'est plus la seule et unique norme. Il y a toutes sortes de familles non traditionnelles. Est-ce que l'honorable député essaie de nous dire que le gouvernement ne peut pas servir toutes les familles, y compris les familles traditionnelles? C'est ça, l'égalité, essayer de servir toutes les familles.

L'honorable député fait allusion aussi à des intentions cachées de faire de la sociologie appliquée. Est-ce qu'il essaie de nous faire croire qu'en reconnaissant les familles composées de deux personnes du même sexe, d'une façon ou d'une autre, on essaie de contraindre tous les Canadiens à devenir homosexuels, à changer d'orientation sexuelle? Qu'est qu'il veut dire par cette allusion à la sociologie appliquée? C'est une question fort intéressante et je voudrais qu'il me donne des éclaircissements à ce sujet.

M. Jim Pankiw: Monsieur le Président, le député nous dit que le gouvernement libéral renforce son appui aux familles traditionnelles. En fait, rien n'est plus éloigné de la vérité. Maintes et maintes fois, nous sommes venus ici implorer les libéraux de modifier les politiques fiscales du gouvernement, qui sont discriminatoires à l'égard des familles, mais ils refusent d'agir. Il n'est certainement pas juste de dire que les libéraux renforcent l'appui aux familles.

De plus, si on ne peut pas voir que changer la définition de conjoint pour passer d'un membre de l'union d'un homme et un femme, à un membre de l'union de deux hommes ou de deux femmes, conduit à une érosion des valeurs de la famille traditionnelle, alors ça me dépasse. Je ne sais vraiment pas quoi dire.

M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais en revenir au point du député au sujet de l'abandon de la souveraineté du Parlement au profit des tribunaux. Le député semble tellement mécontent que les tribunaux interprètent le concept de la discrimination. Est-ce que lui et son parti pensent que nous devrions abroger la charte?

Le député ne voit-il pas que la décision Rosenberg émane d'un des plus hauts tribunaux du pays? La charte est la loi primordiale du pays, celle qui a préséance sur toutes les autres lois adoptées par le Parlement. Si les lois sont en contradiction avec les dispositions de la charte, si elles exercent une discrimination à l'égard de certaines personnes, et que le parti du député prenait le pouvoir et voulait adopter des lois mentionnant un groupe en particulier comme devant faire l'objet de discrimination, le député serait-il en faveur d'une abrogation de la charte? Est-ce ce qu'il souhaite? N'est-il pas d'avis que nos tribunaux sont là pour s'assurer que la Chambre agit conformément à cette loi fondamentale qui contient les principes de non-discrimination et de tolérance qui gouvernent notre société?

M. Jim Pankiw: Monsieur le Président, je remercie beaucoup le député de sa question puisqu'elle soulève à tout le moins une question, celle de savoir qui est au-dessus de qui, les tribunaux ou le Parlement.

Le pouvoir d'un tribunal devrait consister à rendre des décisions, peu importe que la loi soit valide ou non, constitutionnelle ou non. Les tribunaux n'ont pas et ne devraient pas avoir le pouvoir de réécrire des lois, ce qu'ils ont fait dans le cas qui nous occupe.

Monsieur le Président, ce chahut est insupportable. J'aimerais que vous interveniez.

Le président suppléant (M. McClelland): Il reste encore une minute à la période des questions et observations. Si vous voulez terminer votre observation...

Une voix: Oh, oh!

M. Jim Pankiw: C'est tout à fait sidérant.

Monsieur le Président, je voudrais simplement ajouter qu'il ne s'agit pas d'exposer des groupes à la discrimination. C'est tout simplement qu'en ce pays le mariage a toujours été défini comme l'union de deux conjoints, soit un homme et une femme.

Une voix: Vous tenez absolument à imposer votre façon de voir les choses.

 

. 1610 + -

M. Jim Pankiw: Je dis que je suis fier d'être ici pour défendre la définition du terme «conjoint» qui a cours depuis la naissance de notre pays, à savoir l'union d'un homme et d'une femme. La ministre fait vraiment un chahut insupportable!

M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux que le dernier orateur ait admis qu'il s'agit là d'une question dont nous devrions discuter et que nous savons où nous en allons.

Parlons un instant de ce qu'est la décision Rosenberg et de l'objectif que vise la Chambre. La décision Rosenberg a été rendue par un des tribunaux les plus hauts et les plus respectés du pays, au sujet de l'interprétation de la Charte, qui est le document de base qui nous régit dans notre société démocratique. Elle garantit l'application aux citoyens canadiens et aux députés de cette assemblée législative et de toutes les assemblées législatives du pays les principes qui les régissent.

À mon avis, cette décision qui découle de la Charte était juste, en ce sens qu'elle reflète nos valeurs et celles de notre société. Elle visait à faire en sorte que des personnes ne fassent pas l'objet de discrimination, car cela n'a pas de sens sur le plan pratique et dans le monde actuel, ce sur quoi je veux revenir. Cette décision est juste en principe et elle est juste pour ce qu'elle représente dans notre société. Elle est juste pour ce qu'elle représente dans ma circonscription, Toronto-Centre—Rosedale, et elle est juste pour ce qu'elle représente dans celles de tous les députés, aux yeux des personnes qui vivent dans des conditions analogues, qui paient des impôts, qui mènent une vie décente et qui ont le droit d'être traitées comme tout le monde.

Pour en revenir à la question de savoir qui a la suprématie, les tribunaux ou le Parlement, j'ai fait valoir cet argument lorsque j'ai posé ma question au député. À mon avis, la Charte est suprême et le Parlement s'est prononcé. Les Canadiens ont donné leur aval à la Charte. Nous, législateurs, et les assemblées législatives des diverses provinces avons donné notre aval à la Charte, précisément parce que les Canadiens savaient qu'un jour des gens pourraient prendre la parole et faire des allégations comme celles qui sont faites actuellement à la Chambre. Les Canadiens voulaient un rempart de tribunaux et de lois pour les défendre contre le genre de grandes déclarations que nous avons écoutées cet après-midi.

On a dit que la décision du tribunal dans la cause Rosenberg découle d'une mauvaise interprétation de la Charte. Où étaient ces députés lorsque nous avons adopté les modifications de la Loi sur les droits de la personne à la Chambre des communes? J'étais à la Chambre ce soir-là. Soixante-quinze pour cent des députés ont voté en faveur de la modification de la Loi sur les droits de la personne pour qu'elle interdise toute discrimination. Ces députés représentaient l'opinion des Canadiens. Lorsque les juges dans la cause Rosenberg ont lu ce que nous faisions à la Chambre, lorsqu'ils ont rendu cette décision, ils ont dit aux Canadiens de ne pas croire à la discrimination et qu'eux, les tribunaux, n'avaient pas pour tâche d'appliquer cette discrimination. Si vous lisez cette décision...

Une voix: Nous ne parlons pas de discrimination.

M. Bill Graham: Oh, si. Vous n'avez pas lu la décision rendue dans l'affaire Rosenberg ni les décisions de la Cour suprême du Canada, qui stipulent bien que ces mesures sont discriminatoires et ne peuvent être maintenues aux termes de l'article 1 de la Charte. Elles ne peuvent être maintenues qu'aux termes de l'article 7 si elles sont justifiées dans une société raisonnable et démocratique et nos tribunaux ont établi qu'elles ne l'étaient pas.

Permettez-moi de faire valoir ce point. Ensuite, nous pourrons débattre plus à fond de la nature de la Charte et des tribunaux et de notre rôle à nous.

Un mot à propos des simples citoyens qui travaillent et vivent dans notre société et qui cherchent à se faire une vie. Ce sont des gens ordinaires et décents, qui avouent bien candidement: «Je ne comprends pas la situation. Je travaille et je contribue à un régime de pensions, mais je ne profite pas du même traitement fiscal que les autres.» Il n'est pas question ici des valeurs familiales comme cherche à le prétendre le député. La famille traditionnelle n'est pas menacée. Je ne crois pas que les familles traditionnelles de la circonscription de Toronto-Centre—Rosedale que je représente pensent que leur existence est fragile au point où elles doivent la défendre en se rendant coupables de discrimination. Cela ne correspond pas à la nature de nos valeurs familiales traditionnelles.

Les valeurs familiales traditionnelles des Canadiens sont celles de la tolérance, de l'entraide, de la volonté de régler nos différends et d'apprendre à survivre tous ensemble. Les meilleurs employeurs de Toronto respectent ces principes. Je pense notamment à l'Université de Toronto et au Sun de Toronto, qui n'est pourtant pas reconnu comme un grand défenseur des valeurs libérales insensées.

 

. 1615 + -

Le Sun de Toronto fait de son mieux pour éviter que ses employés ne soient victimes de discrimination au chapitre des prestations de retraite. Pourquoi? Parce que le journal tient à embaucher les travailleurs les plus compétents. À l'exception de seulement deux conseillers qui ont voté contre, les représentants de la ville de Toronto se sont prononcés vendredi sur la question dont nous sommes saisis aujourd'hui. Ils ont dit refuser de payer des impôts et de cotiser à divers régimes s'ils n'avaient pas la certitude que tous les employés de la ville seraient traités sur un pied d'égalité.

C'est la question dont nous sommes saisis maintenant. C'est aussi la question qu'a débattue le gouvernement de la Nouvelle-Écosse avant d'adopter une mesure du même genre récemment. Personne n'a parlé de détruire les valeurs familiales.

Je peux comprendre pourquoi les réformistes font le lien avec les valeurs familiales. Ils peuvent ainsi gagner l'appui de personnes qui ont peur et qui s'inquiètent de ce qui arrive à notre société. Je m'inquiète tout autant du nombre des divorces, de l'éclatement des familles et d'autres questions du genre. Laisser entendre qu'ils parlent de la façon dont les gens seront traités financièrement est une erreur. Je le dis sincèrement parce que je crois qu'ils veulent se servir des valeurs familiales pour dénigrer ces gens et favoriser la discrimination.

Le député qui est intervenu juste avant moi a parlé des valeurs familiales et de la définition du terme «conjoint». Je me souviens qu'à l'époque où j'étudiais en droit, ce terme ne pouvait s'appliquer à des conjoints de fait. Il ne pouvait désigner un homme et une femme qui vivaient ensemble pendant plus de trois, quatre ou cinq ans et qui versaient des cotisations tout comme les membres d'une famille traditionnelle. La Loi de l'impôt sur le revenu et d'autres lois exerçaient une discrimination contre ces gens.

Nous avons appris depuis qu'il faut reconnaître le droit des Canadiens de vivre comme ils l'entendent. Les réformistes m'étonnent, parce qu'ils parlent constamment de lutter contre l'omniprésence de l'État et d'empêcher ce dernier de dicter aux Canadiens la manière de mener leur vie.

À mon avis, c'est le Parti réformiste qui est le véritable ingénieur social. Ce n'est pas nous qui allons empêcher les gens de vivre comme ils l'entendent, dans la mesure où ils ne nuisent à personne et contribuent à la société. Les véritables ingénieurs sociaux sont les députés réformistes quand, devant la Chambre, ils disent qu'ils veulent imposer un certain mode de vie faute de quoi ils menacent les gens de discrimination au titre des pensions et des autres avantages. Voilà la véritable manipulation sociale du Parti réformiste.

À mon avis, les réformistes ont tort de présenter cette motion maintenant. Ils ont mal interprété la nature de la décision rendue dans l'affaire Rosenberg, ainsi que la volonté de ce pays et de cette Chambre. Nous devons faire preuve de tolérance et encourager les citoyens qui désirent travailler et vivre ensemble pour créer des unités sociales constructives dans nos villes et dans nos régions rurales et qui apportent de réelles contributions à notre pays. Nous devons les accueillir dans la famille canadienne. Laissons-les travailler ensemble. Efforçons-nous ensemble de créer ce type de société et non pas une société discriminatoire.

On me rappelle que je suis censé partager mon temps avec la députée de Windsor—St. Clair.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt ce qu'a dit mon collègue. J'aimerais lui demander quel impact peut avoir cette décision sur d'autres individus dans notre société.

Je pense à ma propre mère qui est veuve et à sa soeur qui vient de le devenir récemment, je pense à la possibilité qu'elles vivent ensemble sous peu, et je me demande si elles tomberaient sous le coup de la même définition qui reconnaît les mêmes avantages. Elles seraient bien sûr du même sexe, mais n'auraient pas de rapports conjugaux. Qu'en est-il des autres personnes dans la même situation, de deux amies vivant ensemble par exemple?

Que pense le député de l'orientation que donnent les tribunaux, de leur interprétation de la loi? Est-il d'accord là-dessus ou bien pense-t-il que les décisions devraient être prises ici, à la Chambre?

 

. 1620 + -

M. Bill Graham: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question qui est très pertinente. C'est un sujet dont nous devons discuter à la Chambre.

Le premier principe sur lequel je me fonde est que nous avons adopté la Charte. Nous ne pouvons pas l'interpréter nous-mêmes. Nous avons confié cette responsabilité aux tribunaux. Tôt ou tard, des personnes qui vivront ensemble dans des circonstances semblables à celles de sa mère et de sa tante s'adresseront à une cour canadienne pour lui demander de se prononcer sur la discrimination dont elles font l'objet, alors que d'autres groupes au sein de la société n'en sont pas victimes. Ces personnes seront peut-être d'avis que l'interprétation de la loi faite dans l'affaire Rosenberg pourrait s'appliquer à elles. Si la cour statue en ce sens, je l'appuierai. J'appuierai cette décision à la Chambre et en tant que politique gouvernementale.

Je ne crois pas que cela coûterait très cher au Trésor public. Les personnes qui vivent ensemble dans une situation comparable et qui ont fait des contributions semblables à la société pourront être reconnues aux termes de la loi.

Je ne peux pas préjuger de ce que décideront les tribunaux, mais c'est une question dont je suis tout disposé à discuter avec mon collègue. Sa question est tout à fait pertinente. Si nous pouvions garder les débats à ce niveau, nous nous en trouverions tous mieux à la Chambre.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser au député une question qui porte sur le coeur du débat actuel. Il s'agit de la suprématie du pouvoir législatif.

Personne ne contestera sans doute que la Cour suprême du Canada a le dernier mot dans les affaires judiciaires. Je crois qu'il est depuis longtemps accepté que le pouvoir législatif est confié au Parlement, c'est-à-dire à la Chambre des communes dont les décisions sont entérinées d'office par le Sénat, qui a une légitimité douteuse parce qu'il est nommé et non pas élu.

Le député s'opposerait-il à une décision de la cour qui irait à l'encontre de la volonté du peuple, telle qu'exprimée à la Chambre des communes? Je parle expressément des questions dont nous traitons en ce moment. Le Parlement a déjà débattu de cette prémisse qui a été rejetée à l'occasion de votes libres. Lors des votes orchestrés par ceux qui occupaient les banquettes ministérielles, les choses ont pris une tournure contraire et cela constitue aussi une violation de la démocratie.

J'aimerais connaître le point de vue du député. Le Parlement est-il, oui ou non, l'ultime dépositaire du pouvoir législatif au Canada?

M. Bill Graham: J'ai donné la réponse à cette question au début de mes propos. Le Parlement est souverain dans ses fonctions législatives à l'intérieur des contraintes que nous nous imposons librement aux termes de la Charte, la loi suprême du pays. C'est le cas de toutes les législatures provinciales et de notre Parlement. À moins d'adopter la disposition dérogatoire, nous acceptons de restreindre nos compétences de cette façon, et je n'y vois aucune objection.

Je crois que le député base ses arguments sur une fausse prémisse. Selon lui, nous avons déclaré notre position sur cette question, position qu'on ensuite rejetée les tribunaux. Nous ne nous sommes pas prononcés sur la question depuis que le Parlement a adopté les modifications à la Loi sur les droits de la personne par un vote libre, sans contrainte de la part des banquettes ministérielles.

La Chambre se rappellera qu'il s'agissait d'un vote libre. Cela avait suscité beaucoup de controverses. Beaucoup de députés estimaient que le vote n'aurait pas dû être libre. Le fait que c'était un vote libre et que 75 p. 100 des députés qui siégeaient à ce moment-là ont dit qu'ils n'étaient pas en faveur de mesures discriminatoires semblables à celles dont on parle aujourd'hui, cela a envoyé un message clair à nous, les législateurs, et aux tribunaux, à savoir que le jugement Rosenberg, tel qu'il est, correspond à l'opinion de la Chambre. Cette décision correspond à l'opinion publique dans ce pays et aux principes de base qui nous régissent en tant que société démocratique.

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre les partis. Vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour la motion suivante:  

    Que, nonobstant tout article du Règlement qui se pratique habituellement, lorsque les délibérations des travaux des subsides expireront à 18h30 aujourd'hui, la Chambre continuera de siéger pour étudier l'étape du rapport du projet de loi C-30, l'étape du rapport et la troisième lecture du projet de loi S-9, la troisième lecture du projet de loi S-3 et l'étude des amendements du Sénat du projet de loi C-4;

    Que, tout vote demandé sur lesdits travaux sera remis jusqu'à la conclusion de l'étude des Ordres émanant du gouvernement le mardi, 9 juin 1998;

    Que, durant l'étude des travaux mentionnés ci-dessus, aucun appel de quorum, pour le consentement unanime ou pour une motion dilatoire, ne sera reçue; et

    Que, lorsqu'aucun député ne désirera parler durant l'étude du projet de loi C-4, la Chambre ajournera jusqu'à la prochaine séance.

 

. 1625 + -

Le président suppléant (M. McClelland): Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a-t-il le consentement unanime pour proposer la motion?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre a entendu les termes de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

M. Peter Adams: Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre les partis sur un autre sujet. Vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour la motion suivante:  

    Que, nonobstant l'Ordre spécial du 9 février 1998, la durée des discours et la rotation entre les partis durant l'étude des travaux des subsides le 9 juin 1998 seront tels que prévus dans le Règlement et dans la pratique habituelle de la Chambre lorsqu'elle étudie les Ordres émanant du gouvernement.

Le président suppléant (M. McClelland): Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. McClelland): La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LES DÉCISIONS JUDICIAIRES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Monsieur le Président, la motion prévoit que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être modifiée ni récrite par suite de décisions judiciaires. En fait, ce que l'opposition demande, c'est que la Chambre exprime une opinion contraire à la Constitution canadienne, qui définit clairement les rôles respectifs du Parlement, des tribunaux et de l'exécutif.

Le bon fonctionnement d'une société démocratique dépend d'un certain nombre d'intervenants clés: le Parlement, l'exécutif et la magistrature. C'est un cas classique où le tout est plus grand que la somme des parties et, lorsque chacune des parties respecte les autres, nous avons une société démocratique forte. J'estime que le Parti réformiste ne respecte pas la Chambre ni l'exécutif ni les tribunaux. Cela pose un problème.

Pour en revenir au cours de droit constitutionnel 101, ce ne sont pas les tribunaux qui limitent le Parlement, mais bien la Constitution, y compris la Charte. Le Parlement canadien, le gouvernement canadien ont délibérément choisi de permettre aux tribunaux d'interpréter et non de récrire ni de modifier la Charte et la Constitution. Ce rôle d'interprétation comprend le pouvoir de déclarer une loi anticonstitutionnelle non valable.

Les réformistes ne croient pas dans la Charte. Ils n'ont pas eu le courage de le dire, en fait, mais ils voudraient se débarrasser de la Charte des droits et libertés. Ils prétendent appuyer l'égalité de tous les Canadiens, mais ils essaient constamment de miner le seul instrument législatif qui garantit l'égalité, à savoir, la Charte des droits et libertés.

Les députés réformistes ne comprennent peut-être pas le rôle de la Charte des droits et la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne. Je dois dire que je les ai bien entendus soutenir le rôle constitutionnel des tribunaux de temps à autre, mais uniquement quand ceux-ci interprétaient les lois de la même façon qu'eux.

Le nouveau registre des armes à feu est contesté par les tribunaux. Si ces derniers appuient le point de vue du Parti réformiste sur le registre des armes à feu, pensez-vous que nous allons entendre des plaintes à cet égard? Je ne le pense pas. Il ne fait pas de doute que les tribunaux ont une plus grande visibilité et qu'ils jouent un plus grand rôle dans la vie de tous les jours des Canadiens en interprétant la Charte des droits. Mais ils ne le font pas arbitrairement. C'est un pouvoir que la Chambre des communes et neuf Assemblées législatives sur dix leur ont confié.

 

. 1630 + -

Si les tribunaux exercent une influence considérable sur l'élaboration du droit au Canada, ils le font en vertu de règles constitutionnelles et d'interprétation des lois bien établies, et non pas en fonction des préférences philosophiques des juges et ils ne devraient certainement pas le faire en fonction de la présence d'un parti croupion comme le Parti réformiste.

D'après les résultats des sondages que j'ai lus aujourd'hui, la solution de 12 p. 100 que le Parti réformiste offre aux Canadiens n'est pas la solution que préfèrent la plupart d'entre eux.

La population canadienne ne fait pas confiance au Parti réformiste en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux de la personne, et avec raison. En vertu du programme réformiste, les gens vivraient dans la crainte que l'État ne leur dicte comment ils doivent vivre. Le droits des minorités ne seraient pas protégés.

Dans le nouveau Canada qu'il propose, le Parti réformiste demandera au Parlement de lui céder le pouvoir d'examiner les arrêts de la Cour suprême et de modifier les lois en conséquence. Nous avons bien examiné un arrêt de la Cour suprême au cours de la dernière législature, lequel avait trait à la loi sur la protection des victimes de viol. Nous tentions de protéger les personnes victimes d'une agression. Je voudrais bien savoir où était le Parti réformiste à ce moment-là. A-t-il fait preuve de leadership dans ce cas-là? Non, il a tâté le terrain, puis il s'est esquivé. Un député s'est même demandé, au comité, pourquoi nous ne protégions pas les droits des hommes dans ce projet de loi et si des hommes innocents n'étaient pas ainsi harcelés par les tribunaux. On ne peut pas faire confiance au Parti réformiste.

Seules les questions d'importance nationale les plus difficiles sont entendues par la Cour suprême du Canada. Il est donc inévitable qu'il y ait un courant d'opinion en désaccord avec la décision rendue par ce tribunal. La Cour suprême en particulier est au courant de l'importance de souscrire à des normes juridiques lorsqu'il s'agit de trancher des questions dont elle est saisie.

Je suis persuadée, à l'instar de la majorité des députés à la Chambre, que les tribunaux canadiens comprennent bien et continueront de bien comprendre leur rôle dans une société démocratique.

En fait, la Charte a conduit à un dialogue dynamique, une conversation entre les tribunaux, l'exécutif et le Parlement. Des lois anticonstitutionnelles sont généralement remplacées par des lois qui sont conçues pour atteindre des objectifs semblables de façon plus constitutionnelle. Ce dialogue améliore le processus démocratique.

En ce qui concerne les récentes décisions qui ont ajouté des dispositions à une loi, c'est un recours que les tribunaux utilisent rarement et seulement après mûre réflexion. Je le répète, cela fait partie du dialogue. Les assemblées législatives sont libres de réagir en modifiant des lois en prévoyant des limites qui peuvent être justifiées aux termes de l'article 1 de la Charte.

On demande aux juges canadiens d'assumer des fonctions de plus en plus exigeantes sur le plan constitutionnel lorsqu'il s'agit de trancher des questions d'une importance fondamentale pour tous les Canadiens. Je suis la première à reconnaître que dans le cadre de leurs fonctions, les juges et leurs décisions ne sont pas toujours populaires. Il me semble que cela est inévitable étant donné que nous, les législateurs, leur avons donné la tâche parfois peu enviable de trancher certaines des questions socio-économiques et juridiques les plus difficiles et les plus susceptibles de semer la discorde.

C'est pour cette raison même au moins que nous ne voulons pas des juges populaires. En fait, il a toujours été primordial pour tous les Canadiens que les juges soient indépendants et libres de rendre ces décisions difficiles et parfois impopulaires.

Comme la juge Rosalie Abella l'a fait remarquer récemment:

    Les gouvernements préfèrent nécessairement se fier aux souhaits perçus de la majorité; les tribunaux, surtout dans l'application des droits des minorités, sont nécessairement obligés de passer fréquemment outre à leurs désirs [...] Les gouvernements élus peuvent attendre un changement d'attitudes afin de préserver la confiance de la population et la crédibilité des institutions, mais la confiance de la population et la crédibilité des institutions exigent que les tribunaux soient libres de rendre des décisions indépendantes malgré ces mêmes attitudes.

C'est le fond de la question: l'indépendance de notre magistrature. C'est le principe constitutionnel fondamental et il est essentiel à la confiance de la population dans le système judiciaire.

Même si tous les gens ne sont pas nécessairement d'accord avec une décision en particulier, il est important que la population sache que les tribunaux rendront une décision sans être confrontés à l'ingérence de gens comme nos vis-à-vis et d'autres.

La Déclaration universelle sur l'indépendance de la justice adoptée à Montréal en 1983 dit ceci:

    Le juge est libre et tenu de régler les affaires dont il est saisi en toute impartialité, selon son interprétation des faits et de la loi, sans être soumis à des restrictions, des influences, des incitations, des pressions, des menaces ou des ingérences, directes ou indirectes, de quelque origine que ce soit.

 

. 1635 + -

L'Assemblée générale des Nations Unies a souscrit aux principes de base de l'indépendance de la magistrature en 1985. Un des principes dit:

    Il ne doit y avoir aucune ingérence inappropriée ou injustifiée dans le processus judiciaire et qu'aucune décision judiciaire prise par un tribunal ne doit être assujettie à une révision. Ce principe ne fait pas obstacle au contrôle judiciaire.

Tous les gouvernements démocratiques ont souscrit à ces principes de l'indépendance de la magistrature. Ce faisant, les gouvernements et les assemblées législatives ont accepté de limiter leur pouvoir pour veiller à ce que la magistrature demeure indépendante et à ce qu'elle ait la légitimité nécessaire pour que la population garde confiance dans le système judiciaire.

Par votre entremise, monsieur le Président, je veux inviter nos vis-à-vis à cesser de rabâcher et à lire la Constitution. S'ils ne peuvent comprendre, ils peuvent obtenir certains conseils. C'est ce à quoi sert leur budget.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, je m'étonne que la députée dise que les tribunaux ne limitent pas le Parlement. En réalité, je pense qu'elle sait pertinemment, comme nous tous du reste, que lorsqu'un tribunal rend une décision, celle-ci a des répercussions. Elle établit un précédent pour les décisions futures. Il serait irresponsable de ne pas le reconnaître.

Il est question, en l'occurrence, d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario. La ministre de la Justice n'est même pas disposée à en appeler de cette décision devant le plus haut tribunal de notre pays, la Cour suprême.

La députée a dit qu'il faut interjeter appel auprès de la Cour suprême seulement lorsqu'il s'agit d'affaires très importantes. Ne croit-elle pas que la définition de mariage est une question importante? Bien des Canadiens attendent une ligne de conduite du gouvernement et ils veulent connaître exactement sa position dans ce dossier. Dans ce cas comme dans d'autres, le corps judiciaire donne une nouvelle interprétation de la loi. Si c'est le cas, la députée trouve-t-elle opportun que cette situation subsiste, qu'une poignée d'individus décident ce qui est dans l'intérêt des Canadiens?

La secrétaire d'État responsable du Multiculturalisme a parlé de la tyrannie de la majorité. C'est une déclaration assez étonnante.

Je suis curieux de savoir ce que la députée a à répondre à ces deux questions.

Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur le Président, je remercie le député de ses questions. Cela vient simplement renforcer ce que j'ai déjà dit et ce que je persiste à dire: fondamentalement, les députés du parti en question ne comprennent ni le régime actuel, ni la Charte des droits et libertés, ni notre Constitution, la loi canadienne qui a préséance sur toutes les autres dans notre pays.

J'appuie les tribunaux qui, conformément à leur mandat actuel, font respecter les droits et libertés de tous les Canadiens, y compris ceux des minorités.

Le député a parlé expressément de l'arrêt Rosenberg. Il a parlé du mariage. L'affaire Rosenberg n'a rien à voir avec le mariage.

Permettez-moi de poser au député et à ses collègues impitoyables cette question théorique. En quoi le fait d'étendre ces droits aux personnes visées par l'affaire Rosenberg, de permettre à deux personnes qui se soucient l'une de l'autre de s'occuper l'une de l'autre en vivant ensemble, en quoi cela porte-t-il atteinte à eux et à leur style de vie?

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux questions à poser à la députée.

Premièrement, elle a déclaré que le Parti réformiste s'opposait à la décision du juge, mais que nous appuierions toute décision déclarant le projet de loi C-68 anticonstitutionnel. Ne voit-elle pas la différence entre la décision d'un juge déclarant une loi anticonstitutionnelle et la décision d'un juge ajoutant des mots à une loi ou reformulant cette loi, ce qui est la responsabilité exclusive du Parlement? Ne voit-elle pas la différence? Il est évident que si, dans la cause où la constitutionnalité du projet de loi C-68 est contestée, le juge décide de récrire ou de modifier la loi, nous nous y opposerons. Ce n'est pas le travail des juges.

Deuxièmement, la députée et bon nombre de ses collègues libéraux affirment que notre position est discriminatoire. J'ai ici une lettre de la ministre de la Justice datée du 29 avril 1998. Elle y déclare qu'un mariage est une union entre des personnes de sexe opposé et que le ministère de la Justice va continuer de défendre cette conception du mariage devant les tribunaux. La députée croit-elle que la ministre de la Justice a des préjugés puisque sa position est la même que la nôtre?

 

. 1640 + -

Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur le Président, la réponse est non. Je ne considère pas qu'il s'agit d'un point sans importance. C'est à mon avis une question importante dans notre histoire constitutionnelle et un point important à discuter à la Chambre des communes.

Si la ministre de la Justice m'avait demandé mon opinion, j'aurais dit que nous ne devons pas en appeler de la décision Rosenberg. Je crois que c'est aussi l'avis de beaucoup de députés de ce côté-ci. Je ne crois pas du tout que cela ait quoi que ce soit à voir avec les peurs que le député exprime implicitement dans ses déclarations.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au nom des électeurs de Battlefords—Lloydminster, que je représente, pour participer au débat sur la motion présentée à la Chambre par mon collègue de Calgary-Centre.

Je veux d'abord éclaircir un point. La député de Windsor—St. Clair a lu une motion qui n'est certainement pas celle que nous proposons aujourd'hui. Notre motion dit ceci:

    Que, de l'avis de la Chambre, la législation fédérale ne devrait pas être affectée par des décisions judiciaires, comme c'est le cas avec la définition de «conjoint» dans la décision Rosenberg, et que, par conséquent, le gouvernement devrait en appeler immédiatement de cette décision.

C'est ce que dit la motion que nous proposons aujourd'hui. Cela ne correspond pas à celle que la députée a lue.

Je crois que tous les députés dûment élus peuvent voir la logique qui se dégage de la première partie de la motion. Nous sommes envoyés par les électeurs de nos circonscriptions respectives pour exprimer leurs désirs à la Chambre et nous nous donnons beaucoup de mal pour venir ici. À l'occasion, nous ne nous entendons pas sur la façon de répondre à ces désirs, mais, lorsque nous étudions des mesures législatives, nous voulons que ce soit les meilleures qui puissent être rédigées et adoptées à la majorité des voix et qu'elles soient acceptables pour la majorité de nos électeurs.

Si nous voulons continuer de nous battre contre ce que nous estimons être de mauvaises mesures législatives, nous devons le faire en public. En bout de ligne, notre réélection dépend de ce que les électeurs perçoivent comme étant notre opinion du programme législatif.

Évidemment, aucune loi n'est parfaite. Pour examiner les lois et voir si elles sont justes et équitables, nous avons un pouvoir judiciaire qui a pour mandat de confirmer ou d'invalider des lois. On demande aux juges à divers niveaux d'interpréter les lois également, mais cela veut dire que leur travail consiste à définir la signification des mots contenus dans une loi et seulement leur signification.

On n'a jamais confié aux juges la tâche d'ajouter des mots dans une loi. Non seulement les juges ne sont pas élus par le peuple, mais ils ne sont pas nommés pour rédiger des lois ou créer des politiques pouvant toucher des millions de vies ou encore pour ordonner des dépenses publiques de millions de dollars.

La question de la taxation sans représentation a engendré des révolutions, mais, au Canada, nous semblons prêts à ne pas tenir compte de l'histoire; nous semblons prêts à donner ce genre de pouvoir à des personnes ou à des groupes non élus qui ont leurs propres intérêts comme motivation.

Le cas que nous avons cité en exemple pour montrer comment les juges outrepassent leurs pouvoirs concerne la modification de la définition du terme «conjoint» dans la Loi de l'impôt sur le revenu, mais cette modification a des répercussions dans des centaines d'autres lois et règlements. Nombreux seront ceux sans doute qui verront dans cet exemple le Parti réformiste tentant de défendre le caractère sacré du mariage et de restreindre la famille à certaines formes approuvées à l'exclusion d'autres formes moins conventionnelles. La question est complexe, et personne ne prétend ici aujourd'hui qu'il ne devrait pas être loisible à chacun de choisir son monde de vie.

Le problème est de savoir si, oui ou non, les juges ont le droit d'imposer à toute la société une interprétation des lois rédigées par les représentants élus—je souligne ce dernier terme—et discutées publiquement à la Chambre. Lorsque l'interprétation judiciaire va jusqu'à ajouter des mots qui n'ont jamais figuré dans les lois, c'est foncièrement inacceptable. Les Canadiens ont lieu de s'inquiéter de la tendance croissante des tribunaux à récrire les lois à la légère, et je voudrais mentionner brièvement quelques exemples qui ont sûrement déjà été abordés au cours de la journée.

M. Ted Morton, professeur à l'Université de Calgary, raconte comment la Cour suprême du Canada a supprimé les dispositions de la Loi électorale qui interdisaient aux prisonniers de voter. Elle l'a fait non pas une, mais deux fois. La première fois, elle a rejeté une disposition d'application générale qui était peut-être injuste pour certains, mais, une fois la loi modifiée pour ne plus s'appliquer qu'aux détenus purgeant une peine de deux ans ou plus, les juges ont estimé que c'était toujours déraisonnable. Ce qu'il y a de déraisonnable, ce sont les inepties que continuent d'imposer aux électeurs respectueux des lois ces soi-disant gardiens de la démocratie.

M. Morton écrit ceci:

    Donner aux prisonniers le droit de vote, c'est non seulement une mauvaise politique, mais aussi une mauvaise loi. [...] Permettre à ceux qui violent les lois de choisir ceux qui font les lois, c'est faire insulte à tous les citoyens respectueux des lois et avilir le statut de citoyen. C'est pour cette raison qu'il n'y a aucun autre pays où les prisonniers ont le droit constitutionnel de voter.

À un moment où nous luttons pour inculquer à la génération montante le respect des lois et le sens de la responsabilité sociale et civique, les convictions et les actes de cette élite non élue, qui incarnent censément la loi même, sapent tous nos efforts et, du même coup, leur propre statut.

 

. 1645 + -

Un autre professeur de l'université Western Ontario, M. Rob Martin, a écrit dans un récent numéro du Law Times que c'est le juge Antonio Lamer qui est le premier à avoir avancé que les juges pouvaient sous-entendre ce qui, selon eux, était absent dans une loi. En fait, de l'avis de M. Martin, le juge Lamer a même été jusqu'à dire que ses collègues et lui pouvaient combler des lacunes dans la Constitution et créer de nouvelles institutions chaque fois qu'ils le croyaient nécessaire. Cela dépasse légèrement les limites.

Il devrait être évident, même pour les plus ardus des sceptiques, que si les juges en viennent à pouvoir réécrire les lois, à ordonner l'affectation de fonds publics et à modifier le sens même de notre langue pour satisfaire certains intérêts particuliers, cela signifie que le Parlement est alors devenu inutile.

La société en général sera alors à la merci des désirs d'une poignée de personnes se rencontrant en privé et prenant des décisions sans jamais avoir à se justifier ni à justifier leurs décisions.

Il s'agit là bien sûr du pire des scénarios, et en plus de voir plusieurs autres institutions tomber en même temps, il faudrait également croire que les juges qui siègent aux divers tribunaux sont tous mal intentionnés. Loin de là.

Je tiens à préciser que je ne crois pas que ce soit le cas ici, mais j'ajouterais que même les bonnes intentions peuvent donner lieu à de mauvaises politiques et de mauvaises décisions. Comme le dit cet adage bien connu, «l'enfer est pavé de bonnes intentions», certains de ces juges veulent d'ailleurs s'y rendre les premiers et y faire installer des réverbères et des feux de circulation pendant qu'ils le peuvent encore.

J'ai lu que les avocats se plaignent de ne plus savoir à quel genre de décisions s'attendre de la haute cour. Cela peut vouloir dire que les juges se sont coincés eux-mêmes à un point tel qu'ils ne se savent plus où ils en sont. Ces marques de confusion et de désaccord parmi les juges peuvent peut-être expliquer certaines des récentes décisions dont nous avons été témoins.

Pensons à la décision Singh rendue en 1985 et plus récemment à la décision Halm qui ont toutes deux contribué à l'apparition d'une nombreuse bureaucratie pour s'occuper des dossiers de réfugiés. Ironiquement, selon le professeur Morton, l'ONU considérait le système d'immigration canadien comme l'un des meilleurs au monde avant que les juges ne commencent à se mêler du traitement des réfugiés.

Nous faisons maintenant face à un nombre énorme de dossiers en instance, à un supplément de dépenses de l'ordre de 179 millions, à des millions versés à une industrie des réfugiés dirigée par des avocats, et grâce à une autre décision de la Cour suprême, nous sommes même forcés de traiter les trafiquants de drogues comme des enfants de choeur, puisqu'ils ne sont pas encore coupables ici.

Je suppose que, comme la ministre de l'Immigration elle-même s'est apparemment débarrassée des grandes règles concernant les criminels reconnus comme tels, les juges ont eu l'impression qu'il était temps de récrire la Loi de l'immigration pour les Canadiens. On constate que le droit de vote des prisonniers et les droits extraordinaires qu'on reconnaît à des criminels réfugiés au Canada s'enchaînent logiquement et que, l'an dernier, le jugement sur l'affaire Feeney nous a donné la dernière pièce du casse-tête. Il s'agissait d'un jeune homme qui avait prétendument battu un vieil homme à mort avant de retourner à sa roulotte pour y dormir du sommeil que procure un état d'ébriété avancé.

Les policiers avaient toutes les raisons de croire qu'ils avaient trouvé le suspect et croyaient avoir le droit de procéder à son arrestation sur des motifs raisonnables. Les juges ont déclaré que non, qu'il leur fallait un mandat, même s'il n'en avait pas toujours été ainsi.

Nous ne parlons pas, dans ce cas, d'innocents aux prises avec un système irresponsable. Ce n'est pas qu'on ait passé outre au principe que les gens sont présumés innocents. Nous parlons d'agents de la paix qui patrouillent nos rues, dans le cadre de notre système d'immigration, qui font leur travail en appliquant la loi établie par le Parlement, par les législateurs.

Quand la police ne peut pas compter sur les règles, comment peut-elle s'attendre à ce que le simple citoyen les respecte et leur obéisse? Ce qui tend à se produire, c'est que la police est découragée et frustrée au point de vouloir prendre les choses en main. Cela n'entraîne pas plus de libertés, mais moins.

J'ai un dernier mot à dire à propos de Rosenberg. C'est vrai que la politique du Parti réformiste établit que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme et que, par conséquent, le mot conjoint réfère aux personnes de sexe opposé qui forment cette union, comme la ministre de la Justice l'a dit elle-même dans son communiqué.

C'est ce que dit la loi depuis des siècles, et c'est ce que croient la grande majorité des Canadiens. Il y a beaucoup de bonnes raisons empiriques de conserver cette définition comme base de la société canadienne pour les années à venir. Ce n'est pas limitatif. Les gens sont toujours libres de choisir. Ils ont toujours des droits. Si la question consiste à déterminer comment les gens participeront aux programmes sociaux, en fonction de leur mode de vie, on verra à conférer les avantages séparément. Mais c'est bon qu'on en discute ici, à la Chambre, où les débats peuvent être suivis par tous les intéressés et où nous pouvons entendre un large éventail de points de vue. Nous n'avons pas à redéfinir la société de manière à combler les besoins de chaque individu s'il suffit de redéfinir les avantages.

Je cite encore le professeur Martin, qui a dit aussi: «C'est un principe de droit que les questions constitutionnelles ne soient soulevées qu'en dernier recours. La Constitution ne doit être remise en question que si une affaire ne peut se régler autrement.»

Nous devons cesser de nous imaginer que tous les groupes identifiables sont des victimes qui ont simplement besoin de droits supplémentaires s'ajoutant à ceux qu'ils ont déjà.

 

. 1650 + -

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié l'exposé court mais approfondi de mon collègue sur la motion dont nous sommes saisis.

J'ai trouvé intéressant de l'entendre faire allusion à un document écrit par la ministre de la Justice, dans laquelle celle-ci énonçait clairement sa position. Toutefois, j'ai vu une citation tirée du hansard qui semble contredire ce que la ministre avait déclaré, selon les dires du député qui a pris la parole avant moi.

Si j'ai bien compris mon collègue, il a dit que la ministre de la Justice appuie la définition actuelle des termes «conjoint» et «mariage», et qu'elle était prête à les défendre devant les tribunaux. Pourtant, lorsque j'ai consulté le hansard, j'ai constaté qu'une question claire avait été posée à la ministre relativement à ce dossier, et que celle-ci avait essentiellement répondu que le pouvoir judiciaire avait la responsabilité d'interpréter et d'appliquer les lois. Les deux déclarations me semblent tout à fait contradictoires. L'une parle de statu quo, tandis que l'autre dit qu'il faut laisser les tribunaux trancher selon leur bon plaisir.

Le député pourrait-il traiter de cette question et fournir une explication quant à savoir pourquoi cette situation existe et pourrait-il expliquer comment un gouvernement réformiste s'y prendrait face à cette question?

M. Gerry Ritz: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.

Lorsque j'ai dit que la ministre de la Justice appuyait l'institution du mariage telle qu'on la connaît, je me reportais à une lettre adressée par la ministre à un électeur qui avait écrit au sujet du projet de loi d'initiative parlementaire C-225 pour dire que cette mesure arrivait à point nommé.

Cette personne appuyait le projet de loi sans réserve et demandait à la ministre de la Justice d'en faire autant. Dans sa réponse, la ministre répétait qu'en vertu des lois en vigueur au Canada, le mot «conjoint» s'entendait évidemment de personnes de sexe opposé unies par les liens du mariage, et qu'elle allait continuer à défendre cette notion liée au mariage, au besoin devant les tribunaux.

C'est essentiellement le fondement de la motion d'aujourd'hui. Celle-ci demande à la ministre de la Justice d'en appeler au plus haut tribunal du pays—soit la Cour suprême du Canada—de la décision Rosenberg rendue par la Cour d'appel de l'Ontario, et de régler cette question. Examinons la situation d'un peu plus près. Examinons-la indépendamment de la définition de la «famille» et d'autres définitions, et discutons-en de façon publique et approfondie. Je pense qu'un tel exercice s'impose.

Quant à savoir comment un gouvernement réformiste aborderait le dossier, il s'agit de questions d'ordre moral. Dans notre livre bleu, nous proposons que ces questions fassent l'objet d'un référendum exécutoire, dans tout le Canada. Permettons à tous les Canadiens de se faire entendre, plutôt que de laisser les juges nous donner des directives, ou de nous en remettre à des parlementaires qui peuvent avoir tendance à éviter les questions de leurs électeurs. Nous demanderions à nos électeurs de trancher eux-mêmes ce genre de questions.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours du député et je voudrais lui demander pourquoi le Parti réformiste persiste à vouloir miner la Charte des droits et libertés? Pourquoi exactement?

Il est essentiel à l'application régulière de la loi et aux fondements de la justice que les tribunaux aient une certaine autonomie pour ce qui est de faire appliquer la Charte, autrement ils ne pourraient pas protéger l'égalité de tous les citoyens. Nous le comprenons et nous savons que c'est vrai.

J'ai participé au débat sur les juges et j'ai été très étonné d'entendre un député réformiste dire qu'une certaine juge ne méritait pas d'augmentation de salaire parce qu'elle n'appliquait pas la loi mosaïque. Quand les réformistes disent de telles choses, je ne sais pas ce qui les motive. Pourquoi le Parti réformiste persiste-t-il à vouloir miner la Charte des droits et libertés?

M. Gerry Ritz: Monsieur le Président, qu'est-ce qui vient en premier, la poule ou l'oeuf? Qu'est-ce qui est venu en premier au Canada, les lois ou les tribunaux? À notre avis, il fallait avoir les lois d'abord et les tribunaux pour les interpréter. On demande aux juges d'appliquer ces lois aux cas qui leur sont soumis, mais pas de rédiger les lois ni de combler les lacunes qu'ils voient. Voilà la différence principale entre notre philosophie et la leur.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat de cette motion au nom des électeurs de Lethbridge.

La motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui vise à faire en sorte que les lois fédérales cessent d'être affectées par des décisions judiciaires.

 

. 1655 + -

La motion ne se limite pas à la question de la définition de conjoint. Elle a des ramifications au-delà de la décision rendue par les tribunaux dans la cause Rosenberg.

Il est impérieux que la Chambre examine en profondeur les implications qu'il y a à donner libre cours aux tribunaux pour réécrire les lois, ce qui outrepasse le mandat qui leur a été attribué dans le cadre du processus démocratique.

En n'en appelant pas de la décision Rosenberg, nous permettons aux tribunaux d'établir la politique gouvernementale. Je me permets de rappeler à la Chambre que la magistrature n'est pas une institution élue.

Lorsque nous, les députés, sommes élus par nos électeurs, nous sommes élus sur la base de notre programme électoral, de nos réalisations personnelles dans la collectivité et de notre engagement envers nos électeurs à maintenir le régime démocratique de notre pays.

C'est au corps législatif qu'appartient le rôle fondamental de légiférer. En tant que représentants élus, nous avons des comptes à rendre aux Canadiens et à la volonté du peuple. La motion à l'étude demande d'en appeler de la décision Rosenberg parce qu'elle viole la règle démocratique de la suprématie parlementaire et parce qu'elle appuie la notion controversée d'activisme judiciaire.

Le gouvernement libéral est demeuré commodément silencieux sur le rôle du Parlement et l'activisme judiciaire. Quand les juges se mettent à agir comme des législateurs, ils outrepassent leur pouvoir juridique et le mandat qui leur a été attribué.

Quand le gouvernement en appellera-t-il d'une décision empreinte d'activisme judiciaire et fera-t-il respecter les lois du pays? Il est impérieux que le corps législatif crée et rédige des lois dictées par la volonté du public. La volonté du public ne s'est pas encore fait entendre.

Le silence du gouvernement libéral est très éloquent. Le gouvernement a jusqu'au 22 juin pour en appeler de ce cas flagrant d'activisme judiciaire.

Le fait de ne pas en appeler de cette décision récente ne pourra être interprété que comme une approbation de la décision. Si le gouvernement libéral appuie l'orientation que suggère la décision Rosenberg, il devrait quand même en appeler de la décision et suivre les canaux appropriés s'il désire modifier la définition de conjoint.

Peu importent les croyances personnelles, d'un côté ou de l'autre, l'essence de ce raisonnement est fondée sur le principe démocratique. Ou bien on respecte la tradition de la suprématie parlementaire ou bien on ne la respecte pas. Si le gouvernement libéral veut réécrire la loi afin qu'elle englobe les conjoints de même sexe, c'est au corps législatif et non aux tribunaux qu'il incombe de le décider. On ne saurait être plus clair.

J'exhorte les députés à repenser la stratégie qui consiste à laisser les décisions d'ordre législatif entre les mains d'instances non élues. Si la volonté populaire dicte un changement dans la définition actuelle de conjoint, la façon de s'y prendre est de modifier les lois. Ne pas interjeter appel d'une loi faite par un juge aura des conséquences énormes.

Est-ce que nous avons là un exemple de l'érosion progressive des principes démocratiques que notre grand pays défend depuis la Confédération? Le gouvernement libéral est-il disposé à rester en retrait pendant que des juges non élus modifient les lois au mépris des traditions démocratiques?

Le gouvernement libéral aura-t-il assez de cran pour tenir tête au judiciaire et établir la loi une fois pour toutes? Je suis persuadé que tous les députés savent à quel point il peut être difficile, politiquement, de prendre cette décision.

Après avoir étudié le problème, nous pourrions choisir de jouer les autruches et de refuser de nous occuper de ces questions difficiles, ou nous pourrions interjeter appel et faire en sorte que ces décisions soient prises par les assemblées législatives.

Lorsque nos électeurs nous ont choisis, ils l'on fait en croyant que nous allions faire respecter les principes de la démocratie. Si le gouvernement n'interjette pas appel de la décision Rosenberg, nous ne ferons pas respecter la démocratie. Nous encouragerons un activisme judiciaire à tout crin.

Un gouvernement qui refuse de s'attaquer à cette tâche difficile ne fait pas son travail. Nous avons pris un engagement solennel envers nos électeurs, en prêtant serment comme députés. Il est crucial que nous rendions des comptes.

Lorsque les Canadiens nous ont élus, ils nous ont confié la tâche d'améliorer les lois existantes du Canada et d'en adopter de nouvelles au gré des besoins. Bien sûr, ce travail nous amène à prendre des décisions fort difficiles, mais il faut les prendre. Et il faut les prendre en respectant les règles et les principes de la démocratie.

Si le gouvernement libéral appuie silencieusement cette décision judiciaire, il fera fi du processus démocratique normal et optera pour la solution de facilité.

Bien sûr, de profondes divergences de vues s'exprimeront à la Chambre au sujet de la définition de conjoint. Bien sûr, le débat a été et sera parsemé d'opinions et de convictions contraires. Ce sera malaisé sur le plan politique et le débat se fera jusqu'au niveau des circonscriptions. Mais c'est un débat qui doit se faire au Parlement, même si cela ne nous arrange pas sur le plan politique.

Nous avons été élu pour prendre toutes les types de décisions, les plus compliquées comme les plus simples. Il s'agit d'un débat qui doit se tenir à l'assemblée législative centrale de notre pays. Nous devons, au nom des Canadiens, jouer notre rôle de législateur. Il faut absolument que le gouvernement libéral fasse preuve de leadership et cesse de demander à la magistrature de trancher des questions délicates sur le plan politique.

 

. 1700 + -

Nous devons tenir compte de mises en garde similaires de la part des juges eux-mêmes. Le juge John McClung, de la Cour d'appel de l'Alberta, a déclaré officiellement:

    Nous, les juges, avons désormais la permission de corriger, avec modération, les excès législatifs, mais nous devrions nous restreindre au rôle de collaborateurs auprès des législateurs à l'intérieur d'un gouvernement responsable et ne pas nous aventurer à deviner les intentions des législateurs. Pourtant, les juges se détachent lentement mais sûrement de leur rôle de défenseurs des parlementaires pour devenir leurs ennemis.

Voilà ce que pensent les juges et les tribunaux. C'est leur façon de dire aux parlementaires de remettre de l'ordre dans leurs priorités et de recommencer à légiférer pour bien gouverner le pays.

Si nous n'en appelons pas de ces décisions qui sont de flagrants exemples d'activisme judiciaire, le message que nous envoyons aux juges est clair: ils peuvent agir comme des législateurs au lieu de se concentrer sur leur rôle qui consiste à interpréter la loi.

Les Canadiens n'élisent pas les juges pour qu'ils fassent des lois. C'est nous qui sommes élus à cette fin. Voilà justement pourquoi le gouvernement libéral doit respecter les principes démocratiques du Canada et restreindre l'incidence énorme que peuvent avoir les juges qui font les lois.

J'exhorte le gouvernement et tous les partis politiques à la Chambre à ne pas laisser les juges rédiger les lois et à débattre de la question à la Chambre des communes, qui est censée rédiger et adopter les lois. Je demande au gouvernement d'expliquer clairement sa position et d'aborder les questions d'intérêt public à l'assemblée qui doit justement tenir ce genre de débat.

Que la chose se révèle difficile ou non, nous devons maintenir et respecter les principes démocratiques de notre pays et cesser de permettre aux juges, qui ne sont pas élus, de faire les lois. Le gouvernement libéral a le pouvoir de le faire et je l'exhorte à respecter les principes juridiques de notre pays. Le gouvernement a jusqu'au 22 juin pour assumer ses responsabilités.

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, d'autres consultations ont eu lieu entre les partis au sujet de la séance de ce soir. Je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que soit ajouté le passage suivant à la motion que j'ai présentée plus tôt relativement à la poursuite de la séance ce soir. Je propose:  

    Qu'à la fin du débat aujourd'hui sur tout amendement à l'étape du rapport du projet de loi C-30, le vote par appel nominal soit réputé demandé et différé conformément à l'ordre spécial adopté plus tôt aujourd'hui.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LES DÉCISIONS JUDICIAIRES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, le député de Lethbridge dit des choses totalement absurdes. Il parle de la nécessité de préserver les traditions démocratiques au Canada, puis il s'en prend aussitôt après aux juges, qu'il voudrait voir élus comme aux États-Unis.

Mon collègue reconnaîtra certainement l'importance de la Charte des droits et libertés dans nos institutions démocratiques. Quand il parle de protection des institutions démocratiques des Canadiens, il devrait penser aux droits des minorités.

Depuis mon arrivée à la Chambre des communes, le Parti réformiste s'en prend continuellement aux droits des minorités au Canada, non pas tant dans le but d'en tirer des avantages, mais pour diviser les Canadiens et les exploiter à des fins politiques.

Nous ne sommes plus aux temps bibliques du Parti Crédit Social, ni aux jours bibliques du chef de l'opposition officielle.

 

. 1705 + -

M. Rick Casson: Monsieur le Président, il est regrettable que ces choses aient été dites sur ce ton. Je ne crois pas que c'était le chef de l'opposition qui animait l'émission de radio, mais son père. Il en est très fier, comme l'était son père et, j'en suis sûr, comme le sont ses propres enfants.

Après mon élection et avant que je ne me rende à Ottawa pour être assermenté, un électeur m'a demandé, dans mon bureau, quel aspect de mon travail de parlementaire me paraissait le plus important. Je lui ai répondu que, pour moi, la chose la plus importante était de défendre le point de vue de mes électeurs. Je le crois toujours. Il m'a répondu que j'avais tort et que ma fonction la plus importante serait d'adopter des lois éclairées, ces lois qui allaient régir les électeurs. Il a ajouté que je devrais le faire après mûre réflexion et beaucoup de préparation.

J'ai accordé une grande importance à ces propos qui, dans une certaine mesure, ont modifié mes priorités. Je me suis rendu compte de l'importance de notre rôle, en tant que parlementaires, d'élaborer les lois sous le régime desquelles vivent nos concitoyens.

Il n'en demeure pas moins que j'ai été élu pour représenter la population de ma circonscription et du Canada. Lorsque je contribue à élaborer une loi ou que j'en appuie l'adoption, j'apporte l'appui des Canadiens à cette loi. Nous ne devons jamais perdre la capacité, en tant que législateurs, de rédiger des lois pour la population canadienne. Si nous constatons que les juges, au lieu d'interpréter et d'appliquer les lois, les interprètent de façon à en changer l'intention, nous devons les en empêcher.

Si une loi ne donne pas les résultats pour lesquels elle a été adoptée, la Chambre doit la réexaminer. C'est tout ce que nous voulions faire valoir. Les reproches qu'on nous faits sur le reste en poussant des hauts cris ne sont pas pertinents.

Cet électeur m'a appris que la fonction législative est très importante et occupe une place de choix dans notre travail.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de Mississauga-Ouest.

J'interviens sur la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Le député d'en face ne semble pas très bien comprendre le fonctionnement de notre démocratie ni l'équilibre des pouvoirs que nous assurons afin de bien protéger notre système démocratique. La vérité, c'est que la décision Rosenberg rendue par la Cour d'appel de l'Ontario n'est qu'une des centaines qui sont rendues quotidiennement partout au Canada et qui touchent une direction ou une autre du gouvernement fédéral.

Le comble de l'ironie, c'est que les députés de l'opposition officielle ont centré l'attention sur une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, alors qu'ils ferment les yeux sur des centaines d'autres décisions importantes. Le débat porte donc sur une décision récente de la Cour d'appel de l'Ontario. Si je comprends bien, cette décision est étudiée par des fonctionnaires et, en temps opportun, le procureur général du Canada de concert avec son collègue, le ministre des Finances, qui est responsable de la Loi de l'impôt sur le revenu, déterminera la meilleure façon de procéder.

Je me demande si le député voudrait que tous les litiges contre le gouvernement du Canada, peu importe devant quel tribunal, fassent l'objet de débats à la Chambre. Je crois et j'espère que ce n'est pas le cas. Ce serait impossible et la Chambre ne pourrait pas s'attaquer aux dossiers importants.

Pour ce qui est de l'hypothèse faite dans la motion, selon laquelle le judiciaire va au-delà de ses compétences, je me permets d'expliquer aux gens d'en face le fonctionnement de notre démocratie. Les tribunaux continuent de jouer leur rôle légitime traditionnel. Tous les Canadiens savent que ce rôle légitime leur a été confié il y a longtemps, à l'époque où la Constitution a vu le jour. La Constitution est une garantie importante de notre démocratie.

C'est la Constitution qui établit les pouvoirs du Parlement et ceux des assemblées législatives provinciales. C'est elle qui prescrit la tenue d'élections dans des délais précis et qui définit les rôles du gouverneur général et du Sénat.

Le rôle légitime des tribunaux tel que le prescrit la Constitution consiste à examiner les mesures prises par la Chambre ou les assemblées législatives provinciales. Ils le font pour assurer que des mesures sont correctement mises en oeuvre dans le domaine de leur compétence.

Le gouvernement fédéral ne pourrait pas commencer à légiférer dans un domaine de compétence provinciale ou vice versa, ou encore au-delà des limites des libertés et des droits fondamentaux garantis à tous les Canadiens en vertu de la Charte des droits et libertés. L'importance fondamentale de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution et la capacité des citoyens ordinaires de contester les décisions de leur gouvernement font de notre pays ce qu'il est, un exemple remarquable de démocratie et d'équité.

 

. 1710 + -

Les tribunaux sont chargés d'interpréter la Constitution et de prendre des décisions au nom de tous les citoyens. Parfois, ce rôle va exiger que les tribunaux signalent aux gouvernements non seulement leurs actions qui constituent manifestement des abus de pouvoir, mais également les conséquences imprévues qui pourraient découler de mesures législatives adoptées de bonne foi par la Chambre. Il incombe donc aux tribunaux de signaler aux gouvernements même les cas où ils n'avaient aucune intention d'outrepasser leurs pouvoirs et où la Chambre a adopté de bonne foi des mesures qui risquent de causer des problèmes.

Les Canadiens comprennent la nécessité pour les gouvernements de concilier les intérêts de tous les Canadiens et d'essayer d'être équitables. Après tout, les gouvernements sont élus par la majorité, mais dans une démocratie, leur devoir est de servir les intérêts de tous les Canadiens. Les lois et le devoir du gouvernement ne peuvent refléter seulement qu'une vision de ce qui est juste, ou le débat tournerait indéfiniment autour de la question de savoir qui a le pouvoir d'établir ces normes et de forcer tous les Canadiens à les respecter.

Cette décision n'est donc pas la première à signaler au gouvernement qu'il est nécessaire de trouver une solution équitable à une question importante d'égalité. Comme le député le sait pertinemment, la décision elle-même ne met pas fin au débat. Ce qui est plutôt très intrigant, c'est qu'il semble s'opposer à ce que le tribunal assume, en partie, le rôle du Parlement en modifiant la loi. Par contre, il ne prétend pas que c'est à la Chambre que revient cette tâche. Il propose plutôt de contester la décision devant un autre tribunal, la Cour suprême du Canada. C'est une logique vraiment très étrange.

Je peux garantir à la Chambre qu'il n'existe pas de lois judiciaires, même si des alarmistes essayent par tous les moyens récemment de nous convaincre de l'existence de cette créature utilisée seulement par des «juges radicaux» sur lesquels on n'exerce plus aucun contrôle.

Permettez-moi plutôt de signaler qu'il est plus juste de dire que les tribunaux ne font que jouer le même rôle qu'ils ont toujours joué, c'est-à-dire examiner les actions des gouvernements et, dans quelques cas, lorsqu'ils croient que la réponse est claire, essayer d'aider les Canadiens et le Parlement en proposant une solution.

Je le répète, le recours choisi dans ce cas-ci, c'est-à-dire l'ajout de dispositions, n'est pas notre choix préféré, mais contrairement à ce que certains semblent croire, tout cela est loin d'être coulé dans le béton. Même si on ne fait pas appel de la décision, la Chambre dispose d'un certain nombre de possibilités, y compris l'adoption d'une loi, ce qui nous paraît préférable, pourvu que cette solution soit conforme à la Constitution et en particulier à la Charte des droits et libertés.

J'ai l'impression que les tribunaux et les assemblées législatives sont encore au stade du dialogue constructif dans ce domaine de la Charte. Les tribunaux interprètent nos principes constitutionnels et les appliquent aux lois. Si les tribunaux pensent que l'assemblée législative s'est trompée, ils déclarent la disposition invalide, mais l'assemblée peut toujours adopter une nouvelle loi qui réponde aux objections du tribunal.

De ce fait, cette motion est inappropriée et témoigne d'un manque de compréhension de la façon dont notre démocratie fonctionne. Il n'est pas nécessaire d'intervenir dans le processus courant avec ce genre d'affaire ou le genre d'affaires dont le gouvernement s'occupe depuis la Confédération. Il est inutile que le Parlement commence à discuter de décisions judiciaires données. De plus, il serait anormal que le Parlement commence à faire des commentaires sur certaines décisions des tribunaux.

La confiance du public dans les tribunaux et le système judiciaire dépend en grande partie de l'indépendance de la magistrature. Un élément important de cette indépendance est la capacité de prendre des décisions à l'abri de toute contrainte. C'est la clé de voûte de la démocratie canadienne et il importe de le noter. Cette liberté doit aussi mettre les juges à l'abri de toute pression du Parlement.

Cette motion, si elle était adoptée, serait un grave précédent d'interférence car cela reviendrait à dire que le législatif peut dire au judiciaire ce qu'il peut, ou ne peut pas, faire lorsqu'il constate qu'une disposition est inconstitutionnelle. Nous devrions laisser cette décision suivre son cours, comme nous l'avons fait avec des centaines d'autres.

Les sociologues ont fait remarquer que la variété dans les formes de ménage dans la société moderne devrait peut-être être reconnue d'une certaine façon en ayant une certaine souplesse qui reconnaisse toutes les relations de dépendance économique.

 

. 1715 + -

Les statistiques montrent que la fratrie est la forme la plus courante de vie commune pour les personnes de plus de 65 ans, autrement dit deux soeurs, deux frères ou un frère et une soeur qui ne peuvent se permettre un appartement qu'en mettant leur revenu en commun. Certains disent qu'au cours des prochaines années, la politique gouvernementale va se heurter aux valeurs de la société canadienne et au type de société auquel nous aspirons: une société qui traite chacun comme un individu, une société qui, comme l'a dit un socialiste, encourage l'esprit de compassion.

Une partie de notre stabilité en tant que nation vient de la force que représente la famille. La famille continue d'être le fondement de notre nation, c'est un fait reconnu dans cette Chambre et dans tous les foyers de cette grande nation.

Afin de résumer ce que cette motion signifie et ce qu'elle représente, je voudrais d'abord faire remarquer qu'elle est inacceptable pour quatre raisons. Premièrement, la conduite des affaires judiciaires par le gouvernement relève de la compétence exclusive du procureur général et cette Chambre ne devrait pas créer de précédent en s'immisçant dans son mandat ou dans ses décisions.

Deuxièmement, cette Chambre ne devrait pas créer de précédent en commençant à examiner la façon dont chaque affaire judiciaire concernant le gouvernement fédéral devrait être menée. Ce serait absolument ridicule.

Troisièmement, cette Chambre ne devrait pas créer de précédent qui pourrait sembler, aux yeux des Canadiens, porter atteinte à l'indépendance de l'appareil judiciaire. Si nous n'approuvons pas une décision rendue par les tribunaux, il ne s'agit pas de critiquer la décision en question, mais de trouver d'autres solutions.

Quatrièmement, les Canadiens non seulement ne considèrent pas qu'en rendant cette décision, les juges abusent de leur pouvoir, mais ils estiment essentiel de maintenir un équilibre entre le rôle des tribunaux et le rôle du Parlement pour le bon fonctionnement de la démocratie.

Je pense qu'après mûre réflexion, la plupart des députés de cette Chambre, seront d'accord avec moi.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de mon collègue. Récemment, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a interjeté appel, auprès de la Cour suprême, d'une décision d'un tribunal ontarien concernant une jeune femme qui doit être déportée, mais dont les enfants sont nés au Canada.

Dans ce cas particulier, le député dirait-il que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration s'est ingérée dans le processus en faisant appel à un tribunal supérieur? Si on poursuit son raisonnement jusqu'au bout, c'est la conclusion logique à laquelle on parvient. Je trouve cela très surprenant.

Ce qui semble être au coeur de la question est le fait que les ministériels ne veulent pas comprendre que dans le cas présent et dans d'autres affaires similaires, le pouvoir judiciaire interprète la loi d'une façon nouvelle qui n'existait pas jusque là

J'aimerais savoir ce qu'en pense le député. Pourquoi, si la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut en appeler d'une décision qui risquerait de créer un précédent pouvant avoir une incidence sur d'autres cas, ne pense-t-il pas qu'on pourrait en faire autant dans le cas présent? C'est tout à fait contradictoire. J'écoute le député.

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, en réponse au député je dirais tout simplement que je pense qu'il est à côté de la plaque. Interjeter appel fait partie des prérogatives de la ministre. Cela s'inscrit dans le processus, elle en a le droit, c'est prévu par le loi.

Je trouve décourageante l'attitude ambiguë des réformistes vis à vis des décisions de la Cour suprême et des autres tribunaux. J'ai dernièrement été surpris par un communiqué de presse émis le 7 mai 1996 par le député réformiste de Prince George—Peace River, intitulé «Les enfants sortent gagnants d'une décision de la Cour suprême» et dans lequel il applaudissait la cour pour avoir confirmé les droits des parents qui n'ont pas la garde. Même le chef du Parti réformiste a exploité cette affaire à des fins politiques.

Ce que je veux dire, c'est que les députés d'en face font un tri sélectif en fonction de leurs besoins. Les Canadiens ne sont pas dupes de leur hypocrisie. Cela fait partie des manoeuvres auxquelles nous sommes habitués de la part des députés d'en face.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, ma question est très simple.

 

. 1720 + -

Les députés d'en face ne comprennent-ils pas la différence entre une affaire dans laquelle le tribunal a fait observer la loi et une autre dans laquelle le juge a rajouté dans la loi des mots qui n'y étaient pas? Ne voient-ils pas la différence? Aucun d'entre vous n'a eu l'air de comprendre ce concept assez simple tout au cours de la journée. Ne voyez-vous pas la différence entre un juge qui détermine si une loi est constitutionnelle ou non et un autre qui réécrit le texte de loi de façon différente de ce que le Parlement avait décidé ou conçu? Ne voyez-vous pas la différence?

Le président suppléant (M. McClelland): Avant que le député de Waterloo-Wellington ne réponde, je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser la parole par l'intermédiaire de la présidence.

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, en réponse au député d'en face, j'aimerais souligner que nous comprenons très bien la différence dont il parle. Nous comprenons la base sur laquelle est établi notre grand pays et la démocratie qui le sous-tend. Ce sont des assises sur lesquelles nous travaillons tous les jours.

Ce qu'ils ne saisissent pas, c'est le danger qu'il y a à s'ingérer dans l'indépendance des juges. Disons plutôt que nous ne devrions pas nous ingérer dans l'indépendance du système judiciaire. Je suis étonné que les députés d'en face veulent le faire.

En toute justice, disons que cela fait partie intégrante de leur approche négativiste et alarmiste et qu'ils sont bien capables de le faire. C'est dommage.

Le député d'en face a dit quelque chose à propos d'exagérations. Comme d'habitude, ils sont encore eux-mêmes montés sur leurs grands chevaux avec ce genre d'arrogance.

Je leur dis que notre gouvernement continue d'appuyer les bases de la démocratie sur laquelle repose notre Constitution. Nous allons continuer dans cette voie. C'est la chose la plus appropriée à faire et les Canadiens respectent cela.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je vais demander au député de Wild Rose de ne pas avoir de crise cardiaque pendant notre débat.

La motion se divise à vrai dire en trois parties. Tout d'abord, il y a la partie sur l'attitude du Parti réformiste envers les juges, sur leur nomination et leurs pouvoirs. En deuxième lieu, il y a la définition de «conjoint» et toute la question de...

M. Dick Harris: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suis convaincu que vous admettrez que le commentaire du député sur le problème de santé du député de Wild Rose n'a pas sa place dans notre débat. La mention de ce problème n'ajoutait rien aux arguments du député. Je lui demande de retirer ses paroles.

Le président suppléant (M. McClelland): Il n'y a pas là matière à rappel au Règlement. Il n'appartient pas à la présidence de s'immiscer dans ce genre de discussion. Le député de Mississauga-Ouest peut poursuivre.

M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, je serai heureux de retirer mes paroles. Je ne voulais pas être mesquin. Je disais simplement cela pour faire allusion au dernier échange que j'ai eu à la Chambre avec le député et qui a été très vigoureux.

Vous n'avez pas à être aussi chatouilleux. Je retire mes paroles. Je reconnais qu'elles n'ajoutaient rien à notre débat.

Je reprends donc où j'en étais. La motion se divise en trois parties. Si le Parti réformiste était le moindrement honnête au sujet de son objectif, il n'aurait pas inclus la première partie, qui dit que les lois fédérales ne devraient pas être modifiées par le pouvoir judiciaire. La deuxième partie a trait à la définition de «conjoint» dans la décision Rosenberg. La troisième partie porte sur le droit d'appel.

Un de nous vis-à-vis a commis un lapsus freudien. En lisant la motion, le député réformiste—pardonnez-moi, j'oublie le nom de sa circonscription—a dit à la fin que le gouvernement devrait annuler la décision plutôt que d'en appeler immédiatement. La motion dit que le gouvernement devrait en appeler. Il est assez intéressant que le député ait dit que le gouvernement devrait annuler la décision Rosenberg. Cette erreur en dit long. Cette erreur, car je suppose que c'est bien une erreur et qu'elle n'a pas été commise intentionnellement, révèle on ne peut mieux ce que pense vraiment le Parti réformiste, soit que le Parlement devrait tout simplement avoir le droit d'annuler les décisions des tribunaux lorsqu'elles ne lui plaisent pas.

 

. 1725 + -

C'est à n'y rien comprendre: les réformistes, qui se présentent si souvent comme les champions de la liberté et de la protection des libertés pour tous, voudraient céder ce genre de pouvoir à tout autre gouvernement que le leur; nous savons d'ailleurs qu'ils ne formeront jamais le gouvernement. Songez aux conséquences.

Des parlementaires pourraient faire valoir qu'ils n'aiment pas telle ou telle décision rendue par un quelconque tribunal du pays et qu'ils bénéficient de l'appui d'un nombre suffisant de leurs collègues pour renverser la décision en question. Ce serait l'anarchie.

Je n'aime pas user de propos excessifs car les réformistes tentent alors de faire la démonstration qu'ils ne correspondent absolument pas aux étiquettes qu'on leur appose. Mais le fait est qu'ils n'envisagent pas toutes les conséquences de la cession d'un tel pouvoir à un groupe d'hommes et de femmes qui pourraient devoir céder leur siège tous les quatre ou cinq ans.

Songeons maintenant à la composition démographique de la Chambre des communes. On parle du parlement à l'italienne pour décrire le défi que constitue la présence de cinq partis politique à la Chambre. Il faut tenir des intérêts régionaux. Les intérêts de gens de l'Ouest diffèrent de ceux des Ontariens. Tout le monde sait que les intérêts des gens que le Bloc québécois prétend représenter diffèrent de ceux de la majorité ici.

Ce système est fondé sur la séparation du parlementaire et du judiciaire. Les fondre serait très dangereux.

Il n'y a pas si longtemps, je me suis entretenu avec des parlementaires britanniques qui songent à rédiger une charte des droits. Ils n'en ont pas. Les gens de Westminster qui ont fondé le parlementarisme démocratique sont sans constitution. Dire que notre pays a dû se rendre en Grande-Bretagne pour obtenir sa Constitution, alors que ces gens-là n'en ont jamais eue. Ils ne possèdent pas de charte des droits. Ils songent à en concocter une.

Le député d'en face a demandé à mon collègue pourquoi nous ne saisissons pas le fait que les juges sont en train de réécrire les lois. Ce que ses collègues et lui ne comprennent pas, c'est que les juges interprètent les lois. Telle la fonction des juges, d'après la charte des droits et la Constitution. Voilà ce qui énerve tant les gens d'en face. Ils préféreraient pouvoir, comme autrefois, changer la loi sous la menace d'un revolver. C'est leur méthode favorite. Or, ce n'est pas ainsi que le pays a été bâti.

Le Parti réformiste parle d'un pouvoir accordé à des gens non élus. Lorsqu'il s'agit de questions judiciaires qui nécessitent l'intervention de personnes possédant une énorme expérience et de vastes connaissances des lois pour pouvoir comprendre leurs conséquences pour la population, franchement, je fais beaucoup plus confiance aux juges du pays qu'aux députés du Parti réformiste. Il n'est tout simplement pas réaliste de remettre un tel pouvoir entre les mains de la Chambre.

Nous pouvons débattre les conséquences de certaines décisions pour la société.

J'ai mentionné que la question des juges avait été séparée en trois éléments. Le Parti réformiste voudrait qu'ils soient élus, comme c'est le cas aux États-Unis. Ce n'est pas le genre de politique que veulent les Canadiens. Ils ne veulent pas d'un magistrat qui rende une décision en fonction de ses chances d'être réélu. Ils veulent d'un magistrat qui rende une décision juste, fondée sur les lois du pays, sur les droits constitutionnels et sur la Charte des droits et libertés.

Il est curieux que les réformistes intègrent dans la question de la responsabilité des juges celle de la définition des avantages accordés aux conjoints de même sexe et celle de la définition de conjoint.

 

. 1730 + -

Je n'ai jamais pensé que nous obtenions des droits en raison de notre orientation sexuelle. Je ne pense pas non plus que nous devrions les perdre pour cette raison. Je ne crois pas que notre pays repose sur des principes comme l'octroi de droits à certains, et non à d'autres, parce qu'ils sont différents. Ce n'est pas le genre de valeurs auxquelles adhère le Canada.

Cependant, avec la mentalité et le jargon simplistes du Parti réformiste, c'est exactement le genre de système qu'il créerait. S'il s'intéressait vraiment à la réforme du pouvoir judiciaire, je me demande pourquoi il choisit cette décision en particulier, plutôt que d'autres.

J'ai entendu un député d'en face parler du droit d'appel dont peut se prévaloir la ministre de l'Immigration. C'est exactement là où je veux en venir. La ministre a droit d'appel, et non d'abrogation, tout comme les Canadiens. C'est stupéfiant. Cela fait que nous sommes tous égaux ici. Nous pouvons en appeler de cette décision. Nous pouvons ensuite modifier la loi si nous voulons une nouvelle loi que les tribunaux interpréterons en fonction de la Constitution et de la Charte.

Je citerai l'exemple tiré du Daily Mail, à Londres, en Angleterre. J'ai fait allusion tout à l'heure au fait que les Britanniques ont décidé de changer la façon dont ils traitent les faux demandeurs d'asile, les gens qui cherchent frauduleusement à entrer au Royaume-Uni. Alors que des cas pouvaient auparavant faire l'objet d'un procès ou d'un examen d'une durée de dix ans, ils se règlent aujourd'hui en sept jours. Nous pouvons faire la même chose. Le Parlement a le pouvoir de faire cela.

Lorsqu'un juge rend une décision au sujet d'une personne qui demande asile au Canada et que nous sommes un certain nombre à ne pas approuver cette décision—et je puis dire à tous les députés qu'il est arrivé que des députés de ce côté-ci de la Chambre n'approuvent pas des décisions de ce genre plus que les députés d'en face—devrions-nous simplement dire que c'en est assez et que nous allons renverser la décision de ce juge? Quelle catastrophe ce serait pour la bureaucratie et quel scénario effrayant, puisqu'on laisserait la chose à la volonté subjective de gens qui vont peut-être en élections ou qui ne sont peut-être pas sûrs de leur position et qui n'ont peut-être pas l'historique et les connaissances ou qui ne sont pas ferrés en droit.

C'est dangereux. C'est un terrain très glissant. À mon sens, le Parti réformiste essaie seulement de prétendre qu'il veut modifier l'appareil judiciaire en exprimant ses préoccupations à l'égard de questions concernant l'orientation sexuelle. Fort bien, mais essayer de se servir de l'un pour faire passer l'autre est non seulement malhonnête, mais aussi hypocrite.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai suivi avec intérêt ce que le dernier intervenant a dit, mais après avoir écouté les arguments qu'il a exposés avec énormément de passion, je craignais qu'il n'ait fait dévier le débat. Il brouillait les cartes. Il compliquait la question pour les gens. Je voudrais apporter quelques précisions et savoir ce qu'il en pense.

L'affaire dont il est question dans la motion que nous présentons est simplement représentative. J'ai une liste de nombreux autres exemples, dont les affaires Feeney, Delgamuukw ou Eldridge, de cinq ou six autres affaires dont je pourrais parler en détail, mais celle dont il est question actuellement est un excellent exemple, parce que les tribunaux ont ajouté des mots à la loi qui existait et qui avait reçu l'approbation de la Chambre. Le tribunal a ajouté des mots, et le député sait la somme de travail que suppose l'établissement du libellé exact de toute mesure législative dont la Chambre est saisie. Ce qui nous préoccupe, c'est l'ajout de mots.

Je ne suis pas certain de comprendre en écoutant les propos du député d'en face ainsi que des autres députés de son parti, dont certains de ses figures de proue. Ainsi, au cours de la dernière législature, le ministre de la Justice libéral a dit que nous ne devrions pas nous en remettre aux tribunaux pour déterminer les politiques gouvernementales dans des dossiers comme celui-ci. Il a dit que c'était le rôle des législateurs et que nous devrions avoir le courage de l'assumer.

 

. 1735 + -

Je souscris parfaitement à cette déclaration, comme tous les Canadiens, je pense. Le même ministre de la Justice a ajouté que les tribunaux ne devraient pas élaborer les politiques ni réécrire les lois, car c'est là le rôle du Parlement.

En l'occurrence, le tribunal a réécrit la loi. Il a ajouté des mots. Ce n'est pas une question d'interprétation ou d'application. Il s'agit d'un cas où les tribunaux réécrivent la loi. De l'aveu même du ministre, les tribunaux ne devraient pas faire cela, et je dois écouter, incrédule, le député d'en face dire que c'est ainsi que les tribunaux devraient agir. Je lui demande donc d'apporter les éclaircissements qui s'imposent.

M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, contrairement à ce que nous sommes habitués d'entendre de la part des réformistes, la question du député d'en face est plutôt réfléchie et je suis heureux d'y répondre.

Je ne cherche absolument pas à embrouiller la situation. Je dis simplement que l'on pourrait avoir ici un débat sur le pouvoir judiciaire et sur la question de savoir si l'autorité parlementaire doit avoir préséance sur le pouvoir judiciaire. Mais je sais quelle serait ma position. Je prônerais carrément la séparation des deux pouvoirs.

Or, les réformistes ont lié cette question à l'autre. Ils agissent comme des enfants d'école des années 1950 avec un numéro de la revue Playboy caché dans leurs livres à l'école. C'est ce qu'ils font en liant cette question à celle de l'orientation sexuelle, au lieu d'en discuter de la façon qui convient.

M. Dick Harris: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député de Mississauga—Ouest a peut-être apporté une revue Playboy à l'école, mais je peux vous assurer qu'aucun de nos députés n'a agi de la sorte. Par conséquent, le député devrait conserver l'exclusivité de ce geste.

Le président suppléant (M. McClelland):Sans oublier le Président.

M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, je ne sais trop quoi penser, si ce n'est que les réformistes sont très sensibles.

L'analogie sert à montrer qu'ils soulèvent une question qui devrait d'elle-même faire l'objet d'un débat. C'est le rôle des deux liens de la procédure parlementaire dans le système judiciaire. Si les réformistes portaient la question à un niveau plus élevé, nous pourrions avoir un débat clair et définir les lignes directrices nécessaires.

Je sais ce que veulent les réformistes. Ils veulent une justice expéditive. Ils veulent élire leurs juges. Ils veulent avoir le pouvoir de dire à un juge: «Si vous ne faites pas ce que nous disons, nous allons vous congédier. Nous allons renverser votre décision, parce que nous sommes élus et que vous ne l'êtes pas .»

Je sais ce que veulent les réformistes. Ce n'est pas ce que veulent les Canadiens. Les Canadiens ne veulent pas que leurs tribunaux prennent des décisions rapides et mauvaises. Ils veulent que ces décisions soient réfléchies, et les décisions du gouvernement devraient aussi être réfléchies.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur la motion de l'opposition d'aujourd'hui.

En guise d'introduction, je dirai que, même si cela ne me surprend pas, je suis un peu déçu que certains députés ministériels aient perdu de vue l'objet du débat d'aujourd'hui. Ils ont choisi de ne pas engager un débat de fond à l'aide d'une solide argumentation, mais de se lancer plutôt dans des attaques mesquines contre les députés de notre parti et de les calomnier.

Je pense en particulier à la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme, qui a pris la parole plus tôt, au député de Kitchener—Waterloo, qui a parlé plus tôt aussi, à la députée de Windsor—St. Clair surtout et au député de Mississauga-Ouest, qui vient tout juste de parler.

Si j'avais à choisir le titre de mon intervention aujourd'hui, ce serait: «Qui donc dirige le pays?» J'ai choisi ce titre parce que mes électeurs me posent souvent, en ma qualité de député, des questions sur des décisions judiciaires prises par un tribunal quelque part au Canada qu'ils trouvent bizarres. Je dois répondre à des électeurs en colère qui me disent: «Comment se fait-il donc que vous permettiez à ces juges de prendre des décisions comme celle-là? Moi qui croyais que c'était le Parlement qui dirigeait le pays. Qui donc est aux commandes?» Voilà la question qui justifie la motion d'aujourd'hui.

 

. 1740 + -

En rendant cet arrêt, les juges de la Cour suprême ont exercé le pouvoir qui leur a été conféré par la Constitution de 1982 de miner les lois adoptées par nous, la Chambre des communes. Il fut un temps, avant la Constitution de 1982, où la Chambre des communes reflétait la démocratie dans une forme plutôt pure, où les représentants qui y siégeaient y étaient envoyés par leurs électeurs pour représenter leurs points de vue.

À ma connaissance, c'est à cela que doit servir la Chambre des communes, le Parlement. Le Parlement doit être le lieu où les représentants élus et responsables viennent débattre les questions et représenter non seulement le point de vue de leurs électeurs, mais encore celui de la population en général. C'est ainsi que certains députés libéraux se sont écartés et qu'ils ont oublié le sens véritable de la démocratie.

La Constitution donne désormais aux juges le pouvoir d'altérer les lois qui ont été débattues et établies à la Chambre. À cet égard, j'accuse l'ancien premier ministre Trudeau d'avoir inclus dans la Constitution une disposition permettant au Parlement d'échapper à la responsabilité de prendre des décisions qui peuvent ne pas être perçues comme étant populaires par certaines factions dans ce pays. Il a inclus dans la Constitution une disposition qui fait que le Parlement n'a rien d'autre à faire que de maintenir le statu quo et de continuer à prendre des décisions et à faire des lois qu'on peut qualifier de non compromettantes. La responsabilité a été confiée à la magistrature. Ce n'est pas bien. Ce n'est pas bien que les juges de notre pays aient le pouvoir de réécrire des lois du Parlement.

L'affaire mentionnée dans la motion de l'opposition aujourd'hui, l'affaire Rosenberg, est un exemple où, comme l'a si bien fait remarquer le député de Dewdney—Alouette, un groupe de juges a pris une décision unilatérale à l'égard d'une loi du Parlement. Ils n'ont pas dit que, à leur avis, le Parlement devrait réexaminer cette loi. Ils n'ont pas fait cela. Ils n'ont pas recommandé que le Parlement débatte de nouveau cette loi. Ce qu'ils ont fait, c'est décider unilatéralement de réécrire cette loi, une loi qui touche la vie de tous les Canadiens. Les juges ont réécrit cette loi. Elle n'a pas été débattue de nouveau à la Chambre. Elle a été modifiée par un petit groupe de personnes nommées, et non élues, qui n'ont de comptes à rendre à personne.

En tant que politiciens, en tant que représentants des Canadiens, nous ne pouvons pas permettre que de telles choses se produisent. Nous pouvons permettre aux juges d'interpréter la loi au meilleur de leur jugement. Nous pouvons leur permettre d'appliquer les lois adoptées par la Chambre. C'est leur travail. Nous ne pouvons cependant pas leur permettre de faire de nouvelles lois. C'est là le travail de la Chambre.

Je crois que les craintes exprimées par le député de Mississauga-Ouest, qui a parlé de la façon dont un gouvernement majoritaire pourrait facilement imposer sa volonté au Parlement et aux Canadiens, ne font qu'appuyer notre position en faveur d'un Sénat triple E.

 

. 1745 + -

Cette Chambre devrait être élue de façon véritablement démocratique. Elle devrait constituer une représentation égale de toutes les régions du pays, même des régions où l'on ne trouve que de la roche ou des arbres et quelques personnes. Elle devrait avoir un véritable pouvoir pour influer sur le point de vue de la Chambre, qui est représentative de la population. Je remercie le député d'avoir démontré le bien-fondé de notre conception d'un Sénat triple E. Si nous avions cela, le député serait certainement débarrassé de certaines craintes.

Ce n'est pas un cas isolé où des juges ont fait la loi. Comme le député de Calgary-Centre l'a signalé, on en dénombre plusieurs cas différents. Il a mentionné l'affaire Feeney. C'est un cas où la police, en faisant son travail qui consiste à arrêter les méchants—du moins je pense que c'est sa raison d'être—et à voir à ce qu'ils soient traduits en justice, s'est fait dire par la Cour suprême qu'elle ne pouvait plus s'acquitter ainsi de ses fonctions. Elle ne peut plus entrer dans un endroit où se trouvent des éléments de preuve de fond à moins d'obtenir un mandat spécial. Cette affaire a suscité beaucoup d'incertitude concernant le travail des policiers.

Cette décision a été prise par un juge, et non par la Chambre, non par le Parlement du Canada. En raison de cette décision d'un juge, une personne qui était accusée d'un meurtre crapuleux est maintenant en liberté. C'est la logique obscure d'un juge qui justifie cette décision.

Dans l'affaire Delgamuukw, le tribunal a pris la responsabilité de traiter la revendication territoriale d'autochtones de notre pays. C'est le Parlement du Canada que ça regarde, et non la magistrature. La magistrature peut faire des recommandations au Parlement du Canada et exhorter le Parlement à y donner suite, mais elle ne peut prendre elle-même les décisions.

Parlons maintenant de l'affaire Singh, qui a trait aux audiences des réfugiés. Cette décision prise par un groupe de personnes non élu et qui n'a pas de comptes à rendre, un groupe de juges, a semé la pagaille dans le système de détermination du statut de réfugié. Elle a coûté des millions de dollars aux contribuables et a créé des arriérés indicibles, parce que les tribunaux, les juges, ont choisi non pas de formuler des recommandations, mais de changer la loi.

J'espère que les députés d'en face verront clairement l'idée centrale de ce débat. L'idée, c'est que le Parlement du Canada doit devenir et demeurer l'instance suprême dans l'élaboration des lois du Canada.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, à deux reprises, j'ai essayé de voir si des députés libéraux comprenaient la différence entre des juges, décidant de la constitutionnalité de lois et des juges rédigeant des lois et modifiant, en fait, le sens des lois dans leurs décisions. Je n'ai pas réussi à leur faire expliquer si oui ou non ils comprennent cela et en plus, si oui ou non ils sont d'accord avec cela.

Le député pourrait-il nous dire la position que les juges devraient avoir? Devraient-ils avoir le pouvoir de simplement trancher sur la constitutionnalité de lois ou devraient-ils pouvoir, comme ils l'ont fait dans le passé, modifier les lois, leur donner un nouveau sens?

 

. 1750 + -

M. Dick Harris: Monsieur le Président, à mon avis, le rôle des juges n'est certainement pas de réécrire les lois. Il incombe aux juges d'examiner le Code criminel et la Constitution comme nous les percevons et de préciser au Parlement si, à leur avis, les craintes soulevées sont valides. Ils formulent des recommandations et exhortent le Parlement du Canada à apporter des modifications dans les domaines qu'ils jugent nécessaire. C'est le rôle de la magistrature dans le cas de la Constitution et du Code criminel.

Nous ne pourrons jamais permettre aux tribunaux du Canada d'adopter une nouvelle loi. C'est notre travail. Si nous n'assumons pas cette responsabilité, nous ne devrions pas siéger ici.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt mon collègue et je le remercie de son discours.

Ce que j'ai dit plus tôt, c'est que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration fait appel dans un cas particulier. J'ai prétendu qu'elle le faisait alors que cela va créer un précédent juridique. Cette décision va établir un précédent qui, là encore, pourra avoir une influence sur d'autres décisions dans ce domaine en particulier.

Nous avons là un autre exemple d'une affaire touchant la législation en ce qui concerne la définition de «conjoint» et peut-être la redéfinition du «mariage».

Mon collègue pourrait-il nous dire ce qu'il pense du fait que le gouvernement libéral fait une chose dans un domaine, va en appel dans un cas particulier qui va avoir une influence dans la loi dans un domaine, mais, par contre, ne fait absolument rien dans ce cas-ci. Il semble qu'il ne veuille même pas que cette question soit soulevée. Cela montre bien que les juges donnent un nouveau sens à cette loi.

Le député pourrait-il nous dire ce qu'il pense de cette contradiction, de ce manque d'action dans un cas et de la prise de certaines mesures dans un autre cas? Comment, selon lui, le gouvernement pourrait être en mesure d'expliquer cette contradiction?

M. Dick Harris: Monsieur le Président, je crois franchement qu'il est très irresponsable de la part de ce gouvernement comme de tout gouvernement, de choisir quelles décisions judiciaires il convient de contester.

Dès que le pouvoir judiciaire modifie unilatéralement une loi en la réécrivant par ses décisions, le gouvernement, quel qu'il soit, a l'obligation et la responsabilité de contester cette décision et de dire clairement aux tribunaux qu'il ne leur appartient pas de réécrire les lois, mais que ce rôle est celui du Parlement. Ce dernier doit dès lors relever le défi, contester la décision et, une fois le défi relevé, considérer la décision du tribunal comme une recommandation, une invitation à la Chambre des communes, au Parlement canadien, à s'occuper de la question. Voilà ce que devrait faire le gouvernement.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de cette motion de crédits.

Tout d'abord, le député libéral de Mississauga-Ouest n'a pas à s'en faire au sujet de mon coeur. Il est très fort. En fait, je suis convaincu que je serai là beaucoup plus longtemps que le Parti libéral. Tout l'indique, à commencer par l'attitude qu'ont adoptée aujourd'hui les députés d'en face, la même que durant la trente-cinquième législature. Il y avait de nombreux libéraux dans les banquettes, puis ils ont subitement disparu. Continuez. Ce ne sera plus très long. Je suis convaincu que mon coeur continuera de battre après que le reste d'entre eux seront partis.

Je ne saurais dire combien de fois des gens inquiets m'ont demandé, que ce soit dans ma circonscription ou ailleurs au Canada, pourquoi ce sont les tribunaux qui font les lois, alors que les députés sont élus précisément pour le faire.

Mon collègue, le député de Calgary-Centre, a donné toute une liste de cas semblables. La seule raison pour laquelle la motion présentée en cette journée d'opposition fait référence à la décision Rosenberg, c'est que ce jugement est l'exemple le plus récent de décisions judiciaires qui ont modifié arbitrairement la loi, sans que la Chambre n'ait pu se prononcer.

 

. 1755 + -

Les Canadiens croient que les personnes qu'ils paient grassement pour diriger le pays devraient leur rendre comptes de leur gestion. Je l'ai toujours pensé et je suis convaincu, monsieur le Président, que vous étiez de cet avis avant de vous retrouver ici. Les contribuables estiment que les gens qu'ils paient généreusement, y compris les juges, devraient leur rendre comptes de leurs actions.

Lorsque les Canadiens demandent qui dirige le pays et qui fait les lois. Ils veulent ensuite savoir à qui ces personnes rendent compte de leurs actions. Je dois malheureusement répondre «personne». Dans le système actuel, ces gens n'ont de compte à rendre à personne.

Je ne crois pas un seul instant qu'il y ait une seule personne dans cette Chambre, ou à tout le moins de ce côté-ci de la Chambre et de mon parti, qui ne serait pas prête à reconnaître que les connaissances des gens qui comprennent notre Constitution et les lois qui la sous-tendent devraient être mises à contribution pour garantir que nous agissons dans l'esprit de l'ensemble des lois de notre pays, dont la Constitution et la Charte des droits font partie. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

Lorsqu'il s'agit de modifier une mesure législative, je crois que la plupart des Canadiens sont d'avis que ces changements doivent être apportés en Chambre. Les Canadiens ont la possibilité de tenir leurs représentants responsables de leurs actes au moment des élections. Au moins une fois tous les quatre ou cinq ans, ils exercent leurs droits démocratiques et peuvent nous faire savoir s'ils sont contents ou non de notre rendement et de nos actions. Lorsque les contribuables n'ont même pas l'occasion de se prononcer de la sorte parce que les mesures sont prises de façon arbitraire par pur activisme judiciaire, ils sont un peu vexés et je les comprends.

Nous présentons la question en Chambre aujourd'hui pour tenter de faire comprendre au gouvernement que nous devons mieux saisir les attentes des contribuables canadiens. Ils veulent être bien représentés. Ils veulent qu'on leur rende des comptes sur les gros montants en cause et nous savons qu'il y a de gros montants en cause. Nous sommes les premiers de tous les pays développés au chapitre des impôts versés. Les contribuables veulent savoir où va leur argent et s'il produit les résultats auxquels ils s'attendent.

Je suis persuadé que de nombreuses personnes seront vexées de constater que les tribunaux ont ajouté une nouvelle définition du mot conjoint dans une mesure législative sans même consulter la Chambre des communes. J'espère qu'ils le feront savoir aux députés d'en face. Lorsque cette décision a été rendue, ceux qui s'intéressent à ces questions n'ont pas tardé à le faire savoir à mon collègue de Prince George et à moi. Les gens s'intéressent à ce qui se passe. Le téléphone a commencé à sonner et les lettres à arriver. C'est pourquoi, pas très longtemps après la décision, je suis intervenu à ce sujet-là pendant les déclarations de députés. J'essayais de transmettre le point de vue de mes électeurs.

Le gouvernement a l'obligation de défendre sa position officielle sur la définition de conjoint. Nous avons l'obligation de défendre la définition existante. Si l'appel échoue, qu'on saisisse le Parlement de l'affaire et qu'on la règle de façon démocratique. Je ne comprends pas ce qu'il y a de mal à cela. C'est notre rôle, discuter et légiférer. Nous pouvons même exprimer notre gratitude aux tribunaux parce qu'ils ont attiré notre attention sur le fait que la loi n'est pas bien conçue et qu'il faut la modifier. Faisons notre boulot. Les tribunaux ne doivent pas le faire à notre place. Ce n'est pas ce que je pensais.

 

. 1800 + -

L'ancien titulaire de la Justice, maintenant à la Santé, a déclaré, pour justifier la nécessité du projet de loi C-33: «Nous ne devrions pas nous fier aux tribunaux pour élaborer la politique officielle en la matière. C'est le travail des législateurs, et nous devrions avoir le courage de le faire.» Je ne saurais être plus d'accord.

Je ne suis pas toujours d'accord avec ce monsieur, mais, là-dessus, je lui donne entièrement raison. J'aurais cru que les gens d'en face aurait admis le gros bon sens de cette affirmation, puisqu'elle a été faite par l'un des leurs.

Le temps passe. Le gouvernement n'a que jusqu'au 22 juin pour se pourvoir en appel. Il est évident que nous sommes en présence d'une loi faite par un juge. La décision modifie une importante loi fédérale et arrive à un moment crucial. Cette décision doit faire l'objet d'un appel immédiat.

Je ne comprends pas comment les tribunaux ont pu décider de lire le conjoint de même sexe dans la définition, alors que le Parlement avait déjà dit non. Pendant la 35e législature, la motion M-264, qui proposait la reconnaissance légale des conjoints de même sexe, a été rejetée par 124 voix contre 52. Sur ces 124 voix, beaucoup venaient de l'autre côté. Il le fallait bien, sinon elle aurait été adoptée.

Pourquoi ce retournement? Que se passe-t-il? Tout d'un coup, cela devient acceptable, alors que lors de la précédente législature cela a été solidement défait, avec l'appui de tous les partis.

C'est une chose qui préoccupe beaucoup tous les Canadiens. Je le sais, parce qu'on demandait au député de Prince George à ses réunions publiques qui dirige le pays, les tribunaux ou nous. Il faut reconnaître ce qui se dit. Il faut reconnaître que les gens s'inquiètent et faire notre travail. Nous avons une tâche d'importance et nous devrions nous montrer à la hauteur.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai beaucoup apprécié les observations du député. Elles vont toujours droit au but, elles sont rafraîchissantes et claires.

Je connais un peu la circonscription du député, je sais combien ses électeurs l'apprécient et combien ils s'en remettent à lui et à son approche. Il est respecté pour son engagement personnel en faveur de la population locale.

Il serait intéressant de savoir ce que pense la population de Wild Rose. Que diraient les gens de cette circonscription? De quoi s'inquiètent-ils? Que diraient-ils de cette motion et de l'activisme judiciaire, si on veut l'appeler ainsi? Écoutons la voix de Wild Rose sur cette question.

M. Myron Thompson: Monsieur le Président, tout ce que puis dire, c'est que lorsque j'ai fait la déclaration à laquelle j'ai fait référence il y a un moment, plusieurs personnes m'ont téléphoné, écrit, télécopié ou adressé un courrier électronique pour me remercier d'avoir soulevé la question à la Chambre parce qu'ils se demandaient ce qui se passait à ce sujet et parce que c'était une question qui les préoccupait.

Elles n'ont pas été très nombreuses à le faire parce que beaucoup de gens ne prêtent guère attention à ce qui se passe. En fait, trop de gens sont dans ce cas, pour le malheur de ce pays. Toutefois, les personnes qui s'intéressent à ce qui se passe étaient très heureuses que cette question ait été soulevée. Elles n'ont pas précisé si elles approuvaient ou non la décision. Je crois que ce qui les préoccupait le plus, c'est de savoir qui dirige ce pays, les tribunaux ou le Parlement; je crois que c'est logique. Il est juste de se poser la question.

 

. 1805 + -

Je sais que les députés entendent souvent les mêmes questions et les mêmes commentaires. Si seulement ils voulaient l'admettre, si seulement ils se montraient à la hauteur et faisaient leur devoir.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais demander à mon collègue de Wild Rose ce qu'il pense des gouvernements qui utilisent l'appareil judiciaire.

L'Union soviétique a longtemps été une dictature. Ma mère me dit toujours qu'au début, avant la révolution, le gouvernement se servait des tribunaux pour faire jeter les gens en prison. Lorsque le peuple a réussi à contrôler le gouvernement, il y a eu la révolution. Puis, la dictature a carrément supprimé les tribunaux. La même chose est arrivée dans certains pays du tiers monde. Je me demande si mon collègue craint que la même chose n'arrive ici. J'aimerais savoir ce qu'il en pense.

M. Myron Thompson: Monsieur le Président, ce pays a certainement connu des événements tragiques à cette époque. Plutôt que de comparer cette situation à la nôtre, je dirai simplement ceci: nous vivons dans le meilleur pays du monde. Il n'y a pas de doute là-dessus. Je sais que les libéraux sont d'accord. C'est un fait. Mais nous devons cesser de tenir des propos absurdes comme de dire aux députés qu'ils sont mûrs pour la crise cardiaque s'ils ne se calment pas. Il faut regarder attentivement ce qui est en train de se produire en nous inspirant du passé, parce que l'histoire nous apprend des choses utiles.

Voyons certains événements passés. Que pouvons-nous faire, à la Chambre, pour éviter des tragédies dans les années futures? Que puis-je faire, ici, pour que mes quatre petits-enfants vivent dans un pays meilleur que celui que nous avons aujourd'hui? Que pouvons-nous faire pour assurer leur avenir?

Il nous suffirait de mettre un terme aux absurdités et de nous rendre compte que c'est nous, le tribunal suprême de notre pays, et que les gens attendent de nous que nous accomplissions nos travaux de manière à faire du Canada le meilleur pays que nous puissions imaginer. C'est ce que je veux faire. Je m'oppose à toutes les absurdités qui ont cours.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je dois avouer que j'ai été agréablement surprise à la première lecture de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Elle semble soulever une question relative à la gestion de notre pays qui revêt une grande importance philosophique et qui est d'une actualité brûlante. Il s'agissait toutefois d'une première réaction. Car, après y avoir réfléchi un peu, j'en suis venue à la conclusion que la motion posait de graves problèmes et qu'il n'y avait pas lieu de l'appuyer. La proposition du député tient davantage du cheval de Troie, et puis elle est contradictoire en soi.

Premièrement, en évoquant l'affaire Rosenberg qui porte sur le versement de prestations de pension à des couples de même sexe, l'opposition suscite des questions troublantes quant au véritable objectif qu'elle poursuit. Est-ce bien la défense des prérogatives parlementaires qui l'intéresse? Les réformistes parlent-ils d'appel parce qu'ils n'aiment pas le processus judiciaire en cause? Est-ce à l'application de la Charte des droits et libertés par un tribunal qu'ils s'opposent ou est-ce tout simplement parce qu'ils n'acceptent pas l'idée qu'un tribunal ait décidé que des couples du même sexe peuvent être considérés comme des conjoints aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu et que le gouvernement peut choisir d'assumer les conséquences de cette décision sur la loi actuelle en matière d'impôt sur le revenu?

Il y a une deuxième raison pour laquelle la Chambre devrait rejeter cette motion. Comme je l'ai mentionné au début, elle est contradictoire en soi. Elle laisse entendre que les décisions judiciaires privent le gouvernement de son pouvoir de gouverner. Or, il ne fait aucun doute que ce pouvoir repose sur la possibilité et l'obligation, pour le gouvernement, d'aborder les questions de manière réfléchie et globale.

Les tribunaux auraient tort de rendre précipitamment des décisions et les gouvernements, de légiférer à la légère. Ça donne de mauvaises lois et un leadership national qui laisse à désirer. Ce n'est pas une qualité que l'opposition semble apprécier ou appliquer, que ce soit en matière de valeurs sociales ou d'unité nationale.

 

. 1810 + -

Je rappelle à la Chambre que le gouvernement a jusqu'au 22 juin pour décider d'en appeler ou non de la décision auprès de la Cour suprême du Canada. Notre gouvernement examine actuellement les implications de la cause Rosenberg. Nous prendrons autant de temps qu'il en faut car c'est uniquement ainsi que nous avons la meilleure chance de donner aux Canadiens l'assurance que notre décision sert l'intérêt supérieur du pays et de tous ses citoyens. C'est ainsi qu'on devrait gouverner un pays. Nous ne nous laisserons pas presser de porter un jugement et risquer de consacrer l'intolérance ou un caprice partisan.

Je n'ai aucune hésitation à parler contre cette motion. Cela n'a rien à voir avec le problème d'équilibre entre le pouvoir législatif et l'obligation des tribunaux canadiens d'appliquer la charte des droits quand c'est nécessaire. Il est clair que cet équilibre n'est pas toujours facile à établir. J'écouterai avec grand intérêt les députés de tous les partis qui peuvent faire profiter le débat d'une véritable compétence en matière juridique et philosophique lorsque l'opposition permettra d'en tenir un.

Je puis peut-être contribuer à ce que le débat d'aujourd'hui soit autre chose que l'habituelle occasion pour l'opposition de parler pour la galerie, en faisant ce que je peux pour encourager un équilibre différent en l'occurrence, une compréhension équilibrée du contexte de la cause Rosenberg.

On conteste une décision rendue récemment par la cour d'appel, qui a jugé que la charte des droits exige que les régimes de retraite offert par l'employeur offrant des prestations aux partenaires de même sexe soient acceptés pour agrément aux fins de l'impôt sur le revenu. D'après la décision du tribunal, la définition que la Loi de l'impôt sur le revenu donne de conjoint inclut les partenaires de même sexe à cette fin.

Autrement dit, cela veut dire que le jugement modifie effectivement ou passe outre à la définition que la Loi de l'impôt sur le revenu donne de conjoint, qui limite le droit aux prestations au conjoint de sexe opposé. Une mise au point s'impose. Dans son libellé, la décision du tribunal s'applique uniquement à l'admissibilité établie aux prestations de pension de survivant. Elle ne modifie pas la définition que la Loi de l'impôt sur le revenu donne de conjoint à d'autres fins.

Il faudrait remarquer également que ce jugement n'oblige pas les employeurs à offrir les prestations de survivant aux partenaires de même sexe dans l'ensemble de prestations de pension qu'ils accordent à leurs employés. Les règles actuelles ne les en empêchent pas non plus. Le jugement exige cependant que, lorsqu'un employeur offre de telles prestations, le régime de retraite puisse maintenant avoir droit à l'agrément en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et bénéficier du même traitement fiscal que n'importe quel autre régime agréé.

Il n'y a rien d'ésotérique ou d'alarmant à propos de ce traitement fiscal des régimes de pension agréés. Tout régime de retraite enregistré aux fins de l'impôt bénéficie tout simplement d'un traitement fiscal analogue à celui dont bénéficie, par exemple, toute personne qui détient un REER. Les cotisations des employeurs et des employés à ce régime de retraite sont déductibles d'impôt. Les cotisations des employeurs ne sont pas considérées comme des avantages imposables pour l'employé et aucun impôt n'est perçu sur le revenu de placement provenant du régime. L'impôt est plutôt payé lorsque les fonds sont retirés du régime, habituellement sous forme de montants versés à l'employé après sa retraite.

J'ai dit plus tôt que la décision Rosenberg ne concerne que l'enregistrement de régimes de retraite. Il ne fait aucun doute que cette décision, dans sa forme actuelle, risque d'avoir d'importantes répercussions sur d'autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et de s'étendre à d'autres lois. Tout d'abord, des dispositions comme le transfert non imposable de soldes de REER à un conjoint survivant ressemblent en principe et en pratique aux prestations de survivant accordées aux termes de régimes de retraite. Il faudrait songer à modifier ces règles. Au-delà de cela, il s'agit de savoir s'il faudrait considérer que la décision Rosenberg s'applique à d'autres dispositions fiscales qui accordent des avantages à des conjoints hétérosexuels mariés ou de fait.

La Loi de l'impôt sur le revenu renferme des centaines de dispositions au sujet des conjoints. Ces avantages comprennent la prestation au conjoint, le transfert de crédits inutilisés, y compris le crédit en raison d'âge, le crédit pour revenu de pension, le crédit pour handicapés, le crédit pour études et le crédit pour frais de scolarité, et la capacité de cotiser à des REER du conjoint. Ces avantages sont accordés aux Canadiens en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous devrions également reconnaître que la loi renferme de nombreuses dispositions qui imposent aussi des obligations au conjoint.

Elles comprennent l'obligation de combiner les revenus aux fins des crédits d'impôt remboursables selon le revenu, comme le crédit d'impôt pour TPS et la prestation fiscale pour enfants, l'exigence limitant à une seule le nombre de résidences principales pour chaque couple, les règles d'attribution du revenu et l'élargissement aux personnes liées des restrictions applicables aux actionnaires importants.

 

. 1815 + -

Il est clair qu'il serait difficile de justifier le fait de n'accorder que les avantages fiscaux de la LIR aux partenaires de même sexe et de ne pas appliquer dans leur cas les dispositions leur imposant des obligations. Il en résulterait un régime fiscal qui avantagerait systématiquement les conjoints de même sexe comparativement aux conjoints de fait et aux couples mariés. Par ailleurs, les règles existantes ne favorisent pas systématiquement un groupe par rapport à un autre puisque les personnes reconnues comme conjoints ont autant d'avantages que d'obligations.

Cela m'amène à un autre point intéressant. Si toutes les dispositions de la LIR portant sur les conjoints s'appliquaient aux conjoints de même sexe, il n'est pas du tout certain que les couples de même sexe en seraient des bénéficiaires nets collectivement. Bien que les données ne permettent pas de faire d'estimations précises, je crois savoir que, selon les recherches effectuées par le ministère des Finances, si l'on modifie les règles actuelles pour traiter sur un pied d'égalité les couples de même sexe et les couples mariés ou les conjoints de fait aux fins de la LIR, il en résultera une légère perte financière pour les couples de même sexe.

Le résultat, c'est que le gain obtenu par le gouvernement grâce aux prestations plus basses en vertu des dispositions comme celles du crédit pour TPS dépasserait le coût supplémentaire des dispositions conférant des avantages comme le crédit pour conjoint. Nous comprenons tout à fait que la question de la reconnaissance des conjoints de même sexe dans les lois ne doit pas se limiter aux avantages ou aux désavantages financiers pour les intéressés ou le gouvernement.

Il convient dans un débat semblable de dire quels sont les résultats de l'analyse parce que le changement présente des avantages comme des inconvénients. Le débat sur la question du traitement fiscal de certains conjoints de même sexe ne porte pas simplement sur le déni d'avantages accordés aux autres Canadiens.

Nous savons tous que, pour les partis de l'opposition, l'opposition officielle en particulier, tout est noir ou blanc. Elle peut ainsi s'attaquer furieusement et passionnément à ce qui est contraire à ses idées. Quiconque s'intéresse vraiment au bon gouvernement, aux droits fondamentaux de la personne, à la justice sociale et à la tolérance sait que la prise de décisions efficaces exige le concours de la tête et du coeur, c'est-à-dire qu'il faut examiner tous les aspects de la question. C'est ce que le gouvernement libéral fait parce que c'est la seule façon de bien faire les choses en toute équité et en toute logique. Voilà pourquoi la meilleure position de principe à adopter face à cette motion est de la rejeter. Quand le Parti réformiste est prêt à s'engager dans un débat ouvert et honnête, la Chambre devrait écouter, mais pour cette motion, la seule réaction possible est de la rejeter.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser à la députée une question portant sur sa dernière phrase.

Elle a déclaré que, lorsque le Parti réformiste sera disposé à tenir un débat honnête et ouvert, la Chambre sera prête à l'écouter. Le problème, justement, c'est que la question n'a jamais été abordée à la Chambre. Ce sont les tribunaux qui ont pris la décision au nom des Canadiens, mais sans les consulter et sans consulter leurs représentants élus à la Chambre des communes.

Oui, tenons un débat. Discutons de cette question. Déterminons si notre société est prête à autoriser des juges nommés à rédiger les lois et les règlements qui régissent nos vies sans tenir compte des principes qu'appuie la population canadienne. Voilà le coeur du problème. J'aimerais bien savoir ce qu'en pense la députée.

Mme Carolyn Parrish: Monsieur le Président, je suis ravie de constater que le député d'en face a écouté mon discours jusqu'à la toute fin. Je trouve toujours cela intéressant lorsque le Parti réformiste parle de consulter. C'est devenu son mot clé. Il devrait se proclamer le parti de la consultation au lieu du parti de la réforme.

Il serait extrêmement difficile pour les députés de consulter personnellement et directement chacun de leurs électeurs. Souvent, notre rôle, en tant que membre du parti ministériel et député, consiste à examiner en profondeur les questions qui nous sont soumises et à prendre les meilleures décisions possibles, en consultation avec la population. Il n'y a rien de rituel là-dedans.

Il est également très difficile de transmettre tout le savoir d'un groupe d'érudits, comme les juges de la Cour suprême ou tout autre groupe de juges, à chacun des citoyens avant de consulter la population pour déterminer ce qu'elle veut. Si nous consultions chacun des citoyens canadiens, nous constaterions souvent que les décisions qu'ils nous demandent de prendre trahissent souvent leur manque de connaissances, de renseignements ou d'expérience. Il serait très intéressant de laisser les réformistes diriger le pays pendant une journée pour voir ce qui se passerait. Ils n'auraient jamais le temps de faire toute la consultation qu'ils voudraient.

 

. 1820 + -

Les personnes qui sont nommées à la magistrature ont un haut savoir. Il faut une grande somme de connaissances pour devenir juge et rendre des décisions réfléchies en se fondant sur des précédents, et peu de députés ou de gens ordinaires sauraient le faire.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, la députée croit-elle que les juges devraient avoir le pouvoir de rédiger, de réviser ou de modifier des lois? À son avis, est-ce que leur rôle devrait consister non seulement à rendre des décisions sur le respect de la Constitution et l'application des lois, mais aussi à modifier véritablement le sens des lois et à les réviser? Un oui ou un non suffiront comme réponse.

Mme Carolyn Parrish: Monsieur le Président, si je pouvais répondre par un oui ou un non, je le ferais.

Les juges fondent leurs décisions sur le respect de la Charte des droits et libertés. On ne leur dit pas de la rédiger de nouveau. On leur dit de la lire, de la comprendre, d'en devenir des spécialistes et de rendre leurs décisions en se fondant sur elle. On ne leur dit pas de modifier les lois. On leur demande de les interpréter de manière à protéger le document le plus important au Canada.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai suivi le débat toute la journée, et il est devenu évident à la lueur de ce que la députée vient de dire que le gouvernement fait preuve d'un certain élitisme intellectuel.

Nous reconnaissons que les juges de la Cour suprême et les juges des autres instances sont des personnes instruites qui travaillent très fort. Ils ont leurs propres opinions et leurs propres perspectives. Toutefois, la députée vient de dire que les décisions des juges devraient avoir préséance sur la volonté de la majorité des citoyens.

Je me demande si elle prône l'idée que les Canadiens devraient se taire, ne pas poser de questions et laisser décider le judiciaire, groupe de magistrats qui, tout instruits qu'ils puissent être, ne sont pas élus. Est-ce qu'elle demande aux Canadiens de se tenir tranquilles, que nous allons nous occuper de tout?

Est-ce qu'elle prétend que nous savons ce qui est bon pour eux, que les membres de la société qui sont instruits savent ce qui est bon pour eux et que nous devrions rejeter le bon sens des simples citoyens et ne pas leur permettre de débattre de questions importantes?

Je me demande si c'est bien ce qu'elle propose car c'est ce qui transparaît de ses arguments. Il devient de plus en plus clair, si on en croit ses propos et ceux de ses collègues ministériels, que c'est ce qu'ils pensent de l'électorat canadien. Comme l'a dit la ministre chargée du Multiculturalisme, c'est la tyrannie de la majorité, de la majorité qui a porté les libéraux au pouvoir. Est-ce ce qu'ils pensent de l'autre côté?

Mme Carolyn Parrish: Monsieur le Président, j'ai oeuvré pour plusieurs ordres de gouvernement et je trouve fascinant que les candidats aux élections ne fassent pas l'objet d'une présélection. Pour être élu, il suffit de pouvoir mâcher de la gomme tout en marchant.

Je trouve effarant que le député d'en face puisse penser que quelque chose d'aussi important que les lois de ce pays devraient être débattues par le commun des mortels, que chacun est un expert. S'il avait très mal au ventre, demanderait-il une consultation à un groupe de personnes rencontrées dans les rues d'Ottawa, pour essayer de trouver ce qui ne va pas? Non, il s'adresserait à un médecin qui a été formé pour analyser la situation.

Les juges et les avocats subissent un processus très strict. On ne devient juge qu'après avoir prouvé que l'on comprenait les lois et qu'on avait un jugement sain, ce dont ne font pas toujours preuve les députés d'en face.

 

. 1825 + -

M. Jim Pankiw: Monsieur le Président, je n'ai pas obtenu un simple oui ou non à ma question. La députée a sans doute considéré que ma question était verbeuse alors permettez-moi de la reformuler de façon plus succincte.

Les juges devraient-ils avoir le pouvoir de donner un sens nouveau aux dispositions législatives, dans les décisions qu'ils rendent?

Mme Carolyn Parrish: Non, monsieur le Président.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'aimerais formuler quelques observations.

Selon moi, il est malheureux que l'activisme judiciaire et la façon dont la Cour suprême interprète les lois du Canada soient liés à la nouvelle définition de «conjoint». C'était probablement inévitable, simplement parce que cet aspect de l'activisme judiciaire est l'exemple le plus évident des tribunaux...

*  *  *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je crois que vous obtiendrez le consentement unanime à l'égard de la motion suivante:  

    Que, nonobstant les dispositions du Règlement, la présidence ne puisse recevoir aucune motion en application des articles 57 et 78(3) du Règlement jusqu'à la fin de la session.

Le vice-président: Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion à ce moment-ci?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—LES DÉCISIONS JUDICIAIRES

 

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. David Chatters: Monsieur le Président, après cette interruption, je tenterai de reprendre où j'en étais.

Je déplore que notre débat soit lié à la redéfinition du mot conjoint en droit. Si nous remontons jusqu'à l'époque où M. Trudeau, ce grand défenseur de l'idéologie libérale, a introduit la Charte des droits et libertés, on constate qu'il a choisi délibérément de ne pas y inclure la question de l'orientation sexuelle. L'objectif de la loi était très clair. Par ailleurs, le Parlement a choisi à plusieurs occasions d'appuyer les définitions actuelles de conjoint et de mariage.

L'intention du Parlement dans la législation est très clair. L'ancien ministre de la Justice et la ministre actuelle ont clairement exprimé leur soutien pour la définition actuelle de conjoint.

C'est pour cela que nous avons choisi cette cause précise pour soulever la question du pouvoir des juges. Même si je reconnais la sagesse des tribunaux et des juges, c'est ce rôle que la Charte des droits et libertés leur a donné au départ. Ils devaient peser soigneusement toutes les questions qui leur étaient soumises à la lumière des dispositions de la Charte et présenter des recommandations au Parlement si, à leur avis, la question qui leur est soumise n'y était pas conforme.

Il est dit nulle part—et j'ai entendu très souvent cet argument dans le débat d'aujourd'hui—que les tribunaux ont reçu le mandat ou l'instruction d'ajouter dans la Charte des droits et libertés des dispositions qui sont clairement contraire à la volonté du Parlement. C'est à vrai dire sur cet élément fondamental que porte notre débat d'aujourd'hui.

Beaucoup a été dit pour tenter de faire diversion et de détourner le débat de son objet réel afin de nous faire un procès d'intention qui n'a pas lieu d'être.

 

. 1830 + -

J'ai été stupéfait d'entendre les commentaires choquants du député de Mississauga-Ouest lorsqu'il a laissé entendre qu'il serait dangereux pour le Canada et pour notre système démocratique de donner le pouvoir suprême au Parlement élu. Ces propos me renversent. Comment pourrait-il être plus dangereux de confier le pouvoir suprême à un organisme élu qui a des comptes à rendre au peuple tous les quatre ou cinq ans que de le confier à un petit groupe de personnes non élues qui n'ont pas à rendre compte de leurs décisions? Je n'arrive tout simplement pas à comprendre ce raisonnement.

Le vice-président: Comme il est 18 h 30, je dois informer la Chambre que le débat sur la motion est terminé. Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre passe maintenant à l'ordre du jour.

*  *  *

[Français]

LOI SUR L'ÉDUCATION DES MI'KMAQ

 

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation, dont le comité a fait rapport sans amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président: Il y a deux motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis en ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation.

La motion no 1 sera débattue et mise aux voix séparément.

[Traduction]

La motion no 2 fera l'objet d'un débat et d'un vote distincts.

[Français]

Je vais maintenant soumettre la motion no 1 à la Chambre.

MOTIONS D'AMENDEMENT

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) propose:  

    Motion no 1

    Que le projet de loi C-30, à l'article 7, soit modifié par substitution, aux lignes 24 à 27, page 2, de ce qui suit:

    «7. (1) La communauté est tenue d'offrir, dans la mesure du possible, directement ou indirectement à ses membres—où qu'ils résident en Nouvelle-Écosse—des programmes et des»

—Monsieur le Président, le projet de loi C-30 qui est présentement à l'étude l'a aussi été, naturellement, en comité. Malheureusement, lors de son étude en comité, nous n'étions pas tout à fait prêts à déposer certains amendements. Il a fallu relire les discussions qui ont eu lieu en comité. Finalement, après des discussions avec les chefs de la Nouvelle-Écosse, on a convenu de présenter l'amendement qui est devant nous aujourd'hui.

Alors, je dois mentionner qu'il y a une différence entre le projet de loi tel que libellé et, forcément, l'amendement qui est devant nous aujourd'hui. La différence est la suivante: le projet de loi prévoyait, à la suite d'une entente avec les Mi'kmaq, que tous les services reliés à l'éducation sur les réserves Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse s'adresseraient uniquement aux résidants de la réserve.

 

. 1835 + -

J'ai posé quelques questions aux fonctionnaires qui sont venus témoigner au comité pour finalement découvrir que si on les réservait uniquement aux gens habitant la réserve, c'était tout simplement une question monétaire. J'ai décidé d'en faire un enjeu en voulant élargir ces services à l'ensemble des membres de la Nouvelle-Écosse.

Au Canada, il y a actuellement un problème majeur concernant les autochtones hors réserve. On voit souvent ce type d'ententes où on dit aux gens: «Vous, vous êtes sur la réserve, vous allez avoir droit à certains services.» Maintenant, presque 40 p. 100 et même 50 p. 100 des autochtones inscrits, qui ont leur carte d'autochtone en bonne et due forme, ne restent pas sur une réserve. Ces gens-là se font dire qu'ils ne pourront pas recevoir les services.

J'ai été sensibilisé à ce problème, il y a déjà plusieurs années, et c'est peut-être la première fois qu'on en a une application vraiment précise, soit un projet de loi qui exclut les gens vivant hors réserve.

Il faut aussi comprendre pourquoi les gens ne vivent pas sur une réserve. Souvent, ce n'est pas par choix. Il y a actuellement d'énormes besoins sur les réserves en termes de logements, par exemple. Dans certaines réserves où nous sommes allés, il n'est pas exceptionnel de voir deux ou trois générations, 15 ou 16 personnes, habiter sous le même toit. Il y a une limite à la surpopulation au niveau des logements. La limite étant souvent atteinte, ces gens-là sont obligés de sortir de la réserve et de tout simplement aller s'installer ailleurs.

Cependant, le gouvernement a certaines responsabilités à l'égard de ces personnes. C'est dommage de voir l'approche qu'adopte le gouvernement vis-à-vis des autochtones hors réserve. Ce n'est pas le même ministre qui défend les intérêts de ces autochtones. Compte tenu que le gouvernement fédéral est fiduciaire des autochtones, c'est une terrible injustice qui est faite aux gens qui n'habitent pas les réserves. Il est donc important d'élargir les services en éducation à donner aux Mi'kmaq qui n'habitent pas uniquement sur les réserves.

Ce qu'on a devant nous, c'est une entente signée par une dizaine de communautés—quatre n'en sont pas encore signataires—et parmi ces dix communautés qui ont signé, probablement 3 000, 4 000 ou 5 000 personnes qui vivent en dehors de ces réserves en Nouvelle-Écosse ne pourront pas se prévaloir des services en éducation qui seront maintenant dévolus aux Mi'kmaq.

Comme je le disais, c'est une chose qui me tient à coeur depuis quelques années et c'est la première fois que j'ai une application concrète pour le démontrer. Je suis sûr que le président de l'alliance des autochtones hors réserve appuiera la proposition qui est devant nous. J'invite aussi mes collègues de la Chambre à faire de même.

Par contre, il y a un impact. Si l'entente qui est devant nous n'était pas modifiée, c'est 150 millions de dollars qui seraient donnés aux autochtones vivant sur les réserves mi'kmaq. Avec l'amendement qui est devant nous, on demande naturellement au gouvernement fédéral de bonifier l'entente. Cette entente, qui est évaluée à 150 millions de dollars, pourrait facilement passer au-delà de 200 millions de dollars, parce qu'il est important de traiter équitablement l'ensemble des autochtones inscrits qui ont leur carte en bonne et due forme.

Comme je le disais plus tôt, ce n'est pas parce que les gens veulent absolument aller vivre en dehors de la réserve. Au contraire, les gens considèrent maintenant cette nouvelle entente, ce nouveau projet de loi, comme une opportunité extraordinaire de vraiment prendre en charge leur système d'éducation. Dieu sait que dans une société, l'éducation, c'est important. C'est grâce à l'éducation qu'on peut donner des cours de culture et de langue.

Les autochtones sont de plus en plus préoccupés par les questions de culture et de langue, et cela leur permet d'assurer un développement du côté linguistique, qui est un peu un prolongement de leur culture. C'est important, dans le contexte actuel, après presque une décennie où on leur a renié leurs compétences en matière culturelle et linguistique.

Il ne faudrait pas non plus que le gouvernement saisisse l'occasion pour voter en faveur de l'amendement, mais qu'il ne bouge pas du côté des 150 millions de dollars, parce que là, on viendrait créer une augmentation au niveau des services que les Mi'kmaq devraient donner et cela engendrerait naturellement une baisse de la qualité de ceux-ci. Du côté du règlement et de l'accord, on a prévu 150 millions de dollars. Il ne faudrait dire qu'on est d'accord à ce que 5 000 ou 6 000 Mi'kmaq de plus s'ajoutent à l'entente, mais qu'on garde intacte l'enveloppe budgétaire prévue dans l'entente originale.

 

. 1840 + -

Selon moi, il va de soi que cette modification propose une augmentation et une bonification de l'accord. Comme je l'ai dit plus tôt, j'invite mes honorables collègues à faire en sorte de régler le problème de ceux qui habitent hors réserve une fois pour toutes.

Il faudrait éviter ce type d'article qui stipule que les autochtones qui sont sur les réserves sont considérés, alors qu'on n'a plus d'obligations à l'égard de ceux qui sont partis. Où sont ces obligations? Où vont ces gens-là? Ils vont dans des communautés, mais parfois aussi, ils vont tout simplement dans les rues. On me dit que la moitié des autochtones recensés en Ontario seraient à Toronto, comme itinérants, entre autres.

Ce sont donc les municipalités et les gouvernements provinciaux qui les ont sur les bras, à ce moment-là. L'obligation fiduciaire du gouvernement, à mon avis, devrait englober tout le monde.

C'est dommage que le gouvernement fasse une discrimination, et que ce ne soit pas le même ministre qui s'occupe des autochtones qui se trouvent sur les réserves et de ceux qui se trouvent hors réserve. C'est vraiment, selon moi, une démonstration claire que le gouvernement veut se désengager de son obligation fiduciaire à l'égard des autochtones. Ce n'est pas correct.

On avait l'occasion, avec ce projet de loi, de présenter une motion pour tenter de corriger un aspect, celui de l'éducation des Mi'kmaq. Cette forme de discrimination semble se produire partout. Mais lorsqu'on a l'occasion, comme c'est le cas aujourd'hui, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de discrimination et qu'ils soient tous inclus dans un projet de loi, je pense qu'il ne faut pas manquer cette opportunité.

Les autochtones qui résident sur les réserves, qui sont souvent représentés par l'Assemblée des Premières Nations, disent vouloir au moins sauver une partie du morceau. Ce qui se produit souvent, c'est qu'au lendemain de ces décisions, les gens qui sont hors réserve, on les oublie tout simplement; ils ne peuvent pas avoir les mêmes services que les autres et finalement, ils vivent la discrimination à l'année longue.

J'invite donc le gouvernement à vraiment souscrire à son rôle de fiduciaire à l'égard des autochtones, de tous les autochtones, tous ceux qui sont prescrits par la loi, qui sont normalement inclus, des autochtones reçus, des gens qualifiés comme étant autochtones, mais qui, parce que leur lieu de résidence est différent, se font dire qu'on ignorera leurs droits et qu'ils n'auront pas droit aux mêmes types de services que les autres.

L'amendement qui est devant nous vise à corriger la situation, et j'invite mes collègues à voter en faveur de la motion.

[Traduction]

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si je prends la parole ce soir, c'est pour contester l'amendement que propose le député de Saint-Jean dans la motion no 1. Je propose que cette motion ne soit pas approuvée.

Le projet de loi C-30 semble être un projet de loi historique qui redonne aux premières nations Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse la maîtrise de leur éducation. Le projet de loi C-30 jouit d'un grand appui auprès des premières nations, du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, des établissements d'enseignement de la Nouvelle-Écosse et il a l'appui solide de beaucoup de députés fédéraux. Les Mi'kmaq souhaitent que ce projet de loi soit adopté rapidement afin qu'ils puissent établir les programmes d'enseignement à l'intention des leurs.

Les députés doivent savoir que cette motion telle que proposée par le député de Saint-Jean traite de la question de l'éducation à l'extérieur des réserves. En tant que telle, elle empiète sur la compétence constitutionnelle provinciale en matière d'éducation dans toute la Nouvelle-Écosse. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, croyons qu'il ne faut pas imposer une loi fédérale s'ingérant dans un domaine de compétence provinciale sans d'importantes consultations avec les Mi'kmaq et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

La question de l'éducation à l'extérieur des réserves doit être traitée dans le cadre de négociations avec d'autres parties. Elle ne peut être réglée unilatéralement dans une loi fédérale. En outre, nous ne pouvons pas approuver l'amendement proposé, car il est contraire à ce qui a été négocié dans la convention conclue avec les Mi'kmaq et le gouvernement néo-écossais. Pour accepter l'amendement proposé par le député, il faudrait renégocier la convention. Les premières nations ne reçoivent pas des fonds pour offrir des programmes et des services aux autochtones qui résident à l'extérieur des réserves. Ce serait donc imposer un lourd fardeau aux premières nations Mi'kmaq que de les obliger à offrir de tels services.

 

. 1845 + -

Les premières nations Mi'kmaq participantes veulent se préparer à redonner à leurs collectivités la compétence en matière d'éducation. J'exhorte tous les députés à ne pas appuyer cet amendement, mais à aller de l'avant avec le projet de loi tel qu'appuyé par notre Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer aux motions présentées par le Bloc québécois pour la simple raison qu'elles ne changent essentiellement rien au principe du projet de loi. C'est justement le principe du projet de loi que le Parti réformiste a beaucoup de mal à accepter.

Le principe qui sous-tend ce projet de loi est fondé sur la notion selon laquelle les autochtones ou d'autres groupes ont besoin d'écoles distinctes pour réussir dans la vie. Lorsque le gouvernement fédéral présente ce genre de mesure législative, que dit-il? Dit-il que les enfants Mi'kmaq ne peuvent pas recevoir une bonne éducation dans le système scolaire public? Si c'est ce qu'il dit, alors nous sommes tous en danger parce que la majorité des enfants canadiens comptent sur le système scolaire public pour se faire instruire. Donc, si ce système est déficient de quelque manière que ce soit, nous ferions mieux d'y voir dès maintenant pour assurer l'avenir de notre pays.

Je sais que le système scolaire public a certainement ses faiblesses, mais s'il livre un produit acceptable du point de vue du taux de réussite des élèves, pourquoi alors mettre sur pied un système scolaire distinct pour les enfants Mi'kmaq?

À mon avis, toute la philosophie qui sous-tend ce projet de loi fait défaut. Elle favorise la division et présuppose que les Canadiens ne sont pas capables de travailler ensemble, de s'instruire ensemble et de coexister dans un climat de collaboration pacifique. Elle présuppose que, en tant que Canadiens, nous devons nous diviser en groupes et en sous-groupes pour pouvoir réussir. Je crois que c'est une mauvaise philosophie, une philosophie qui, à la longue, sera destructrice.

Cependant, ce qui me dérange le plus, c'est peut-être l'aspect de cette initiative qui ouvre la porte à une mauvaise utilisation des deniers publics, qui sont de plus en plus limités. L'expression «deniers publics de plus en plus limités» fait allusion au gros pot d'argent que collecte le ministre des Finances chaque année des Canadiens, ce que donnent les contribuables à la fédération. L'idée est que le gouvernement fédéral a des fonds illimités à investir dans l'éducation ou autre chose. Naturellement nous avons fini par comprendre ces dernières années que les ressources du gouvernement sont limitées et jusqu'à quel point elles le sont parce que nous avons vécu au-dessus de nos moyens pendant si longtemps que presque tous les Canadiens en ressentent les effets déplaisants. Nous avons très peu de ressources à consacrer à l'éducation.

J'ai quelques faits à signaler à la Chambre. Au cas où quelqu'un penserait que je les invente, je précise que je les tiens du ministère des Affaires indiennes. Le ministère nous a offert une séance d'information il y a quelques mois pour nous montrer comment bien il gérait les affaires des peuples autochtones du Canada. Les fonctionnaires du ministère ont parlé de leur merveilleux budget d'éducation et du fait qu'il servait à fournir un service d'éducation dans les communautés autochtones à travers le Canada.

Dans la plupart des communautés non autochtones, cela coûte environ 7 000 $ par an pour éduquer un enfant au primaire et au secondaire. Cela varie d'une province à l'autre et d'une région à l'autre, mais cela constitue une estimation assez prudente de ce qu'il en coûte pour un seul enfant canadien à l'intérieur du réseau d'enseignement public.

 

. 1850 + -

Selon les documents, le ministère des Affaires indiennes, débourse quelque $20,000, ou trois fois autant, pour un seul enfant autochtone à l'intérieur de leur réseau distinct. À mon avis, que bien d'autres partagent d'ailleurs, ce réseau distinct est loin d'être parfait. Quand la population autochtone de nos prisons dépasse la population autochtone de nos universités, le problème saute aux yeux. Quand le pourcentage des jeunes autochtones qui terminent leur 12e avec succès est beaucoup plus faible que le pourcentage des jeunes non autochtones, il est évident que quelque chose ne va vraiment pas.

J'ai toute la misère du monde à comprendre les piètres résultats d'un réseau qui consomme tant d'argent.

Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de visiter une petite école dans une réserve rurale de la Colombie-Britannique. Je voudrais partager mes impressions avec tous ceux qui sont ici. Le chef et un des conseillers m'ont invité à visiter l'école, dont ils étaient des plus fiers, et à juste titre. L'édifice était superbe. Il était tout neuf. Je comprenais pourquoi ils en étaient si fiers. Maintenant, pour partager ma découverte avec mes collègues.

On venait de construire cette école, dont j'ignore le coût exact. Je devine qu'il était de beaucoup supérieur à 1 million de dollars, et ce, pour un total de onze enfants. La raison est que la plupart des parents dans cette communauté avaient décidé d'envoyer leurs enfants à l'école publique ordinaire parce que, pensaient-ils, leurs enfants avaient de meilleures chances de recevoir une bonne éducation dans une école ordinaire que dans une école autochtone.

Une autre chose que j'ai découverte, c'est que pour ces 11 enfants, il y a avait deux instituteurs—à temps plein, je présume—et une personne derrière le bureau qui accueillait les visiteurs et qui, je suppose, faisait d'autres travaux de bureau. Il y avait donc trois employés rémunérés à temps plein et par-dessus ça, il y avait un conseil scolaire composé, je crois, de huit membres qui recevait chacun un salaire annuel. Il y avait en outre un président du conseil qui cumulait, je suppose, un salaire de membre et un salaire de président du conseil.

C'était une école très chère avec un conseil scolaire créé dans le but d'éduquer 11 enfants d'âges divers. On peut facilement imaginer dans ces circonstances la difficulté pour les enseignants de bien concentrer leur attention sur les enfants dont les âges étaient si variés. C'est un fait. Cela existe de nos jours en Colombie-Britannique.

Les chiffres du ministère des Affaires indiennes montrent que les écoles autochtones dépensent trois fois plus pour l'éducation des enfants que les écoles publiques ordinaires. Pour ce qui est du taux de succès, les résultats sont éloquents. Quelque chose ne va pas.

À mon avis, et de l'avis du Parti réformiste, ce n'est pas avec des mesures comme celles proposées dans le projet de loi que nous avons devant nous que nous allons régler le problème. C'est pourquoi nous ne pouvons appuyer les idées qui sous-tendent ce projet de loi, pas plus que le coût que cette proposition représente. L'idée d'avoir des écoles exclusivement réservées aux autochtones n'a rien donné. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi, pas plus que nous ne pouvons appuyer les amendements proposés puisqu'ils ne changent rien au principe à la base de cette mesure législative. Je me réjouis d'avoir pu faire part de mon point de vue au sujet du projet de loi et je suis impatient de savoir ce qu'en pensent les autres députés.

 

. 1855 + -

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité, ce soir, de parler du projet de loi C-30 à l'étape du rapport. Ce projet de loi traite des pouvoirs des Mi'kmaq de Nouvelle-Écosse en matière d'éducation. Son but est de transférer la compétence en matière d'éducation aux neuf bandes Mi'kmaq de ma province de Nouvelle-Écosse.

Le chef Lindsay Marshall de la bande de Chapel Island, président du Mi'kmaq Kina'matnewey, disait au Comité permanent des affaires indiennes et du Nord canadien: «La compétence en matière d'éducation est un droit fondamental de tous les Canadiens et un droit que la nation Mi'kmaq n'a pas exercé depuis les débuts de la colonisation, il y a 500 ans.»

Ce projet de loi vise à mettre un terme à cette injustice et à remettre le contrôle de l'enseignement au niveau communautaire.

La motion no 1 se lit comme suit:

    La communauté est tenue d'offrir, dans la mesure du possible, directement ou indirectement à ses membres—où qu'ils résident en Nouvelle-Écosse—des programmes et des»

Il s'agit d'essayer de faire en sorte que les Mi'kmaq, quel que soit l'endroit où ils résident en Nouvelle-Écosse, profitent de ce transfert de compétence en matière d'éducation.

Comme le mentionnait mon collègue du Bloc québécois, certains intervenants Mi'kmaq devant le comité se sont inquiétés de cette division de la collectivité.

L'un d'eux a fait une présentation très claire sur le fait que, souvent, les membres de la collectivité n'habitent pas sur la réserve, soit faute de logement, soit parce que les nécessités de l'emploi les ont amenés ailleurs. Pourtant, ils restent Mi'kmaq, qu'ils habitent sur la réserve ou non. On trouvait que le projet de loi, dans sa forme actuelle, tendait à diviser la collectivité et que, par conséquent, ce type d'amendement ferait beaucoup pour montrer que les Mi'kmaq sont solidaires et que, peu importe où habite une personne, elle doit avoir accès aux moyens offerts pour préserver la culture, avoir le contrôle du système d'éducation et bénéficier du système qui serait créé par ce transfert des responsabilités.

Les députés d'en face ont mentionné que cette motion suscitait des inquiétudes, parce que les autochtones de la Nouvelle-Écosse soutenaient largement ce projet de loi dans son état actuel. C'est certainement le cas. Il y a beaucoup d'excitation dans l'air. Il y a beaucoup d'anticipation, et les gens veulent aller de l'avant. Nous ne voulons certainement pas retarder l'adoption du projet de loi.

Par contre, il est aussi très important de tenir compte du fait qu'une collectivité ne doit pas être divisée artificiellement. Nous ne devrions donc pas nous en faire outre mesure au sujet du coût et des questions de champ de compétence, parce qu'il s'agit là d'un problème de longue date. Les autochtones y font face depuis de nombreuses années. On s'est demandé s'ils auraient accès à un service particulier.

Il est arrivé assez souvent qu'ils soient ballottés entre les gouvernements fédéral et provincial. Certains se sont fait dire que, puisqu'ils étaient autochtones, on présumait qu'ils devaient s'adresser au gouvernement fédéral. Des fonctionnaires fédéraux leur disaient ensuite que, puisqu'ils vivaient hors réserve, ce service particulier devait leur être offert par la province. Très souvent, les autochtones se trouvaient dans une situation particulière qui ne leur permettait pas d'avoir accès aux avantages auxquels les autres Canadiens avaient droit.

Nous ne devons pas nous préoccuper de cela outre mesure, parce que les gens raisonnables peuvent trouver des moyens de régler ces problèmes. Je suis sûr que les gouvernements fédéral et provincial peuvent s'entendre sur un moyen d'offrir aux autochtones vivant hors réserve les programmes existant dans la réserve et ce, à la satisfaction de tout le monde. Quand on veut, on peut.

J'appuie tout à fait cette motion, parce que je crois qu'elle confère au projet de loi l'esprit que les autochtones souhaitent y voir, sur le plan de l'unification de la collectivité.

 

. 1900 + -

Nous avons entendu toutes sortes d'arguments de la part des réformistes sur le fait que la mise sur pied d'un système d'éducation distinct était peu souhaitable. Je trouve ce genre d'argument assez étonnant parce qu'en y regardant de plus près, on se rend compte que c'est précisément ce que l'on fait depuis que le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les Indiens. On a mis sur pied un système qui n'a pas fonctionné et les pensionnats sont un exemple parfait de l'incapacité de la société non autochtone de traiter les autochtones de façon juste et équitable.

Maintenant que les autochtones désirent prendre charge de leur propre destinée, pourquoi a-t-on peur que nous mettions sur pied quelque chose de distinct et de différent qui causerait du tort? On ne peut certainement pas causer plus de tort que ce qui a déjà été fait au cours des années passées.

C'est maintenant le temps d'apporter des changements positifs. Nous sommes à deux doigts de réaliser ces changements et nous ne devons pas laisser le pessimisme et la crainte de la différence nous empêcher de permettre à ces gens d'assumer leur propre destinée et leur avenir.

Nous entendons parler des coûts. Le député du Parti réformiste a souligné qu'il en coûte trois fois plus cher pour faire instruire un enfant autochtone dans le système actuel que pour quelqu'un du système d'écoles publiques. Il a dit que quelque chose n'allait pas, et j'en conviens. Ce qui ne va pas, c'est qu'avec les chiffres qu'il utilise et les comparaisons qu'il établit, il parle de la gestion que fait le ministère des Affaires indiennes du système d'éducation.

En Nouvelle-Écosse nous parlons de quelque chose de bien différent. Nous parlons de transférer la prise en charge, l'autorité et la responsabilité au peuple Mi'kmaq même. Il n'est pas question de maintenir l'administration du ministère des Affaires indiennes.

Le député et les réformistes ont fortement appuyé le projet de loi parce qu'ils peuvent constater le gâchis que le ministère a créé au fil des ans. On veut maintenant faire quelque chose de plus positif.

On devrait envisager la chose de façon très positive. Si les députés veulent vraiment améliorer le sort des autochtones du Canada, il leur faut adopter massivement ce projet de loi. On devrait songer sérieusement à appuyer l'amendement qui permettrait aux communautés de rester unies, et non isolées, de façon qu'elles puissent surmonter ensemble les difficultés de la vie quotidienne à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves.

Il s'agit d'une mesure législative très importante. Il ne faut pas se laisser distraire par les arguments erronés touchant les coûts. Comme je l'ai déjà dit à la Chambre, nous avons tendance à nous laisser distraire par les coûts. Il nous faut plutôt songer à ce qu'il convient de faire pour nos semblables, pour nos concitoyens; c'est de là qu'il faut partir plutôt que de s'en remettre aux chiffres et aux comparaisons.

Voyons ce que cela signifie pour la population, pour les enfants. Il s'agit de mettre davantage l'accent sur la culture. C'est une entreprise pour la préservation de la langue. On constate que peu à peu les autochtones ont été privés de l'usage de leur langue. On les a dépouillés de leur culture. On les a dépouillés de leur identité, d'où leur faible estime de soi et leur peu de succès.

Ce projet de loi peut aider ces gens à rétablir leur confiance en soi, à les conforter dans le sentiment qu'ils sont enfin maîtres de leur propre destinée et à conférer à leur vie un sens qui leur permette d'espérer en l'avenir. Voilà ce qu'il nous faut faire.

Je suis donc heureux d'appuyer la motion qu'a présentée mon collègue du Bloc québécois.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, c'est une mesure législative historique qui délègue la compétence en matière d'éducation aux Mi'kmaq, par l'entremise de la personne morale créée à cette fin. Neuf des treize bandes mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse sont en faveur de cette mesure législative. Les autres ont le choix d'adhérer plus tard à cette entente et d'attendre de voir comment ce processus va fonctionner.

Le Parti progressiste conservateur appuie l'autonomie gouvernementale. Cette mesure est perçue comme un pas dans cette direction.

Cependant, en ce qui concerne l'amendement du député de Saint-Jean, avec lequel j'ai le plaisir de siéger au comité et que j'écoute toujours très attentivement, je voudrais dire qu'il m'est très difficile de souscrire à son amendement. Je sais qu'il a été présenté de bonne foi, mais le Parti conservateur ne peut l'appuyer. Nous ne pouvons le faire essentiellement pour la raison invoquée par le député néo-démocrate d'Halifax-Ouest, selon lequel nous ne devons pas nous préoccuper du coût. Nous devons, au contraire, nous préoccuper du coût. Ce qui est plus important encore, c'est que la nation Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse doit s'en inquiéter.

 

. 1905 + -

Nous avons une entente-cadre qui a été négociée entre les bandes de la Nouvelle-Écosse. Cette entente-cadre prime sur le projet de loi lui-même. Dans le cadre de cette entente, on s'est entendu pour mettre à l'essai ce processus pendant une période de trois à cinq ans, pour examiner le processus par la suite.

Le problème avec cet amendement, c'est qu'il exigerait que les réserves offrent des programmes et des services en matière d'éducation à ceux qui vivent à l'extérieur de la réserve. Comme notre vis-à-vis l'a déjà signalé, on empiète ainsi sur la compétence des provinces. Chose plus importante, cela ne fait pas partie de l'entente-cadre, et cela ferait donc porter un fardeau administratif et financier aux écoles qui ont accepté d'adhérer à cette entente.

En même temps, nous ne devons pas oublier qu'à la fin des cinq années de l'entente, nous aurons l'occasion d'examiner tout ceci. Les autres bandes de la Nouvelle-Écosse auront la possibilité d'étudier le processus. Si nous en avons les moyens alors, il sera possible d'inclure les Mi'kmaq vivant à l'extérieur des réserves, en plus de ceux qui vivent sur les réserves.

Si on agit unilatéralement, cela pose un problème, car on n'a absolument pas estimé les coûts. Dans bien des cas, il est peut-être question d'un quart de mille ou d'un kilomètre ou moins. Dans d'autres cas, il peut s'agir de transporter par autobus des enfants sur 15, 20 ou 30 kilomètres et il n'y aura peut-être pas assez d'étudiants pour que cette mesure soit rentable ou responsable.

Même si je comprends la raison pour laquelle on a présenté cet amendement, je tiens à dire que le Parti conservateur ne peut y souscrire.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

[Français]

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion du groupe no 1 est réputée avoir été mise aux voix et le vote par appel nominal est réputé avoir été demandé et différé.  

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) propose:  

    Motion no 2

    Que le projet de loi C-30 soit modifié par adjonction, après la ligne 24, page 4, du nouvel article suivant:

    «12.1 Dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toutes les dispositions de la présente loi, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien convoque une conférence réunissant les signataires de la convention afin de déterminer si la présente loi devrait être convertie en traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.»

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion du groupe no 2 est réputée avoir été mise aux voix et le vote par appel nominal est réputé avoir été demandé et différé au mardi 9 juin 1998, à la fin de la période prévue pour les ordres émanant du gouvernement.  

*  *  *

[Traduction]

LOI SUR LES LETTRES ET BILLETS DE DÉPÔT

 

La Chambre passe à l'étude du projet de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, dont le Comité a fait rapport sans amendement.

 

. 1910 + -

 

L'hon. Christine Stewart (au nom du secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

Le vice-président: Quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois? Avec le consentement, maintenant?

Des voix: D'accord.  

L'hon. Christine Stewart (au nom du secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.) propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de présenter le projet de loi S-9 en troisième et dernière lecture à la Chambre des communes. Ce projet de loi crée une nouvelle loi appelée Loi sur les lettres et billets de dépôt.

Le projet de loi est plutôt de forme, mais il est extrêmement important pour l'efficience des marchés financiers au Canada. La nouvelle loi proposée met à jour les lois fédérales pour les rendre conformes aux pratiques de traitement des échanges et des effets financiers.

Comme les députés le savent, les progrès de la technologie de l'information bouleversent le fonctionnement des entreprises dans tous les secteurs de l'économie. Il ne fait aucun doute que le secteur financier a été plus touché que la plupart des autres par ces bouleversements.

Les concurrents exercent de fortes pressions sur le secteur financier et l'obligent à mettre constamment au point de nouvelles méthodes pour accroître l'efficacité des pratiques et des marchés financiers. La Loi sur les lettres et billets de dépôt n'est qu'une mesure que propose le gouvernement pour appuyer et favoriser la modernisation de notre secteur financier.

La sphère d'activité précise que vise ce projet de loi est le traitement des échanges de certains effets financiers soumis aux lois fédérales. Un élément clé de la pratique sur les marchés modernes est le dépôt d'effets financiers dans des chambres de compensation.

Lorsqu'un effet déposé dans une chambre de compensation est vendu, sa propriété est transférée du vendeur à l'acheteur au moyen d'une inscription dans les registres de la chambre. Ainsi, il n'est plus nécessaire de procéder au transfert physique de l'effet financier d'une partie à une autre.

L'utilisation de dépôts centraux de valeurs mobilières a des avantages évidents quant à la sécurité et à l'efficacité des opérations sur les marchés financiers. Les transferts de beaucoup d'effets financiers s'effectuent déjà de cette façon, mais le projet de loi élargira la liste des effets admissibles pour y inclure deux nouveaux types d'effets, les lettres et les billets de dépôt. Les acceptations bancaires et les effets de commerce pourront maintenant être détenus dans un dépôt central. Le projet de loi S-9 établit également que les changements de propriété de ces effets seront effectués en procédant aux inscriptions appropriées dans les registres du dépôt.

Cette mesure est nécessaire parce que les règles existantes régissant ces types d'effets telles qu'énoncées dans la Loi sur les lettres de change ont été rédigées bien avant l'établissement de dépôts centraux et mentionnent encore, en décrivant les droits des parties à une opération, que ces instruments financiers doivent être réellement en la possession des parties. Ces exigences de la Loi sur les lettres de change ont empêché jusqu'ici l'utilisation d'un dépôt pour les instruments financiers qui font l'objet de la mesure à l'étude.

Autrement dit, parce que la loi n'a pas été modifiée pour s'adapter aux pratiques modernes, le plein usage des dépôts centraux n'a pas été possible. La mesure à l'étude, la Loi sur les lettres et billets de dépôt, tient compte d'une telle situation.

 

. 1915 + -

La nouvelle loi fait en sorte qu'en droit, l'acquéreur d'un effet ait les mêmes droits légaux grâce aux modifications qui sont nécessaires dans les circonstances, que l'acquéreur d'une lettre ou d'un billet en vertu de la Loi sur les lettres de change sans exiger la livraison réelle de l'effet.

L'introduction de ces nouveaux instruments financiers n'empêche nullement les particuliers ou les établissements d'acheter et de détenir d'autres lettres et billets qui restent assujettis à la Loi sur les lettres de change.

Pour distinguer ces nouveaux types d'effets des autres titres similaires, ils porteront au recto la mention qu'il s'agit de lettres ou de billets de dépôt assujettis à la Loi sur les lettres et billets de dépôt.

Il ne faut retarder davantage les avantages que comporte le recours étendu aux organismes de dépôt centraux. La Caisse canadienne de dépôt de valeurs voudrait que les acceptations de banque et le papier commercial soient des titres admissibles au dépôt chez elle cet automne. L'adoption de ce projet de loi lui permettrait d'accepter ces titres en dépôt.

La présentation de la Loi sur les lettres de dépôt et les billets de dépôt est conforme aux recommandations du groupe du secteur privé qui s'inquiète des travaux relatifs au système financier international et que l'on appelle communément le G30. Ce groupe préconise l'utilisation généralisée de systèmes de dépôt de valeurs mobilières et d'inscription des données sur les transactions, car il estime que cela aura pour effet d'améliorer l'efficience des marchés monétaires. Cette initiative jouit également de l'appui de l'ensemble du milieu des affaires.

Une modification de forme de la Loi sur la gestion des finances publiques figure également dans le projet de loi. La Loi sur la gestion des finances publiques permet que des effets de commerce comme les bons du Trésor soient échangés sur le marché. Cependant, il y a une question juridique de forme au sujet de la définition d'effet de commerce et de la question de savoir si cela comprend les titres de créance du gouvernement pour lesquels aucun certificat tangible n'est émis. La modification fera en sorte que la loi stipulera clairement que ce titre de créance du gouvernement peut être échangé.

Le projet de loi S-9 mérite d'être adopté rapidement, et j'exhorte les députés à l'approuver afin que nous puissions passer à d'autres projets de loi.

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, le projet de loi S-9, qui concerne les lettres de dépôt et les lettres de change, est l'un de ces textes compliqués qui ne semble intéresser que les comptables, les courtiers, les banquiers et les gens qui ont demandé que la loi soit modifiée afin d'améliorer l'efficacité des organismes auxquels ils ont affaire quotidiennement pour faciliter la circulation de l'argent. C'est la raison d'être du projet de loi S-9, faire en sorte que les finances de ce pays fonctionnent de façon plus fluide car malheureusement, les juristes y ont mis leur nez et ont compliqué ce qui était simple, dont les lettres de change.

Du temps où j'étudiais les lettres de change, il y a de cela très longtemps, il s'agissait d'une simple déclaration sur une simple feuille de papier, une promesse de payer une personne signée par une autre personne. Je n'ennuierai pas les députés avec l'exacte définition de ce qu'est une lettre de change.

Les juristes s'en sont emparés, y ont ajouté disposition après disposition, des clauses d'indemnisation et autres règles, à tel point que maintenant les lettres de change tiennent plus du livre que de la simple feuille de papier. Par conséquent, quand on veut faire circuler une lettre de change, au lieu de se passer une feuille de papier, c'est tout un livre qu'il faut faire passer, une véritable liasse de papiers, pour s'assurer qu'on est couvert du point de vue de la responsabilité légale ou en cas d'indemnisation. Cela est devenu extrêmement lourd à l'ère de l'électronique. Le projet de loi S-9 a donc été présenté pour améliorer la situation.

 

. 1920 + -

Sans entrer dans le détail, je dirai que le projet de loi vise à permettre que les volumineux livres de règles, de règlements et de définitions applicables aux lettres de change soient placés dans un dépôt central, ce qui permettra d'échanger des documents très courts sur lesquels il sera précisé que les parties acceptent de respecter les règles et les règlements et n'ont pas besoin d'échanger aussi tous les volumineux documents qui les contiennent. Il y aura donc dorénavant une seule feuille disant que les parties se reportent aux règles et aux règlements précisés dans les documents du dépôt central et qu'ils peuvent y être consultés en tout temps.

Je crains que, peut-être dans une génération, la simple feuille qui renvoie aux documents gardés au dépôt central soit devenue très longue et qu'il faille à nouveau adopter un projet de loi S-9 pour que, à nouveau, une simple feuille de papier renvoie aux documents qui renvoient eux-mêmes aux originaux. Nous savons vers quoi nous nous dirigeons.

L'efficacité s'impose. C'est pourquoi le Parti réformiste juge bon d'appuyer le projet de loi. Nous sommes l'opposition officielle, aussi c'est sans enthousiasme que nous avons décidé que, dans l'intérêt des gains d'efficacité, de l'amélioration des marchés financiers et de la réforme, il fallait appuyer le projet de loi. Je termine là-dessus et je laisse à mes collègues le soin d'aborder les aspects plus complexes.

M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je participe au débat sur le projet de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques.

Les hauts fonctionnaires ministériels ont fait savoir que la Loi sur les lettres et billets de dépôt est un projet de loi technique qui s'impose pour appuyer des améliorations à l'efficacité des marchés financiers au Canada. Le projet de loi vise à moderniser la loi fédérale désuète concernant le transfert des acceptations bancaires et des billets de trésorerie.

Le projet de loi traite de mobilisation, c'est-à-dire qu'un instrument matériel sera utilisé, mais sera détenu par une chambre de compensation ou autre du genre jusqu'à ce que les écritures montrent qu'il y a eu transfert de propriété. Grâce à la technologie moderne, un transfert de document n'est plus nécessaire dans le cadre d'une transaction. Une simple inscription en compte est faite. Ce projet de loi ne précise pas, en fait, lequel de ces deux gestes est exécuté. La transaction est plutôt régie par les règles de la chambre de dépôt.

J'aimerais savoir si c'est chose courante dans les autres marchés financiers. Par exemple, si deux personnes concluent une entente prévoyant un transfert d'intérêt de l'une à l'autre, mais que le dépositaire n'est informé de la transaction qu'immédiatement avant l'échéance, qui a légalement droit à l'intérêt avant que le gardien du billet ne soit avisé? L'acheteur ou le vendeur?

En outre, ce projet de loi traite des transactions électroniques et éloigne encore davantage les marchés du vieux système d'échange d'effets de commerce et de toute protection contre la bogue du millénaire ou ce qu'il est désormais convenu d'appeler le risque de l'an 2000.

Un éminent économiste de New York, Edward Yardeni, a laissé entendre que le problème de l'an 2000 est beaucoup plus grave que le gouvernement américain ne veut l'admettre par crainte, notamment, des poursuites judiciaires.

 

. 1925 + -

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, nous avons déjà examiné une bonne partie des éléments de ce projet de loi technique et la plupart des gens qui nous regardent, à moins de travailler dans une institution bancaire ou de s'occuper d'achat et de vente de lettres de dépôt et de billets de dépôt, trouveront ce débat passablement aride.

Je voudrais parler d'une chose qui me fait hésiter à appuyer le projet de loi. Sans prétendre être un spécialiste du sujet, je peux dire que le contenu du projet de loi semble clair. Il élimine la nécessité de procéder à une transaction physique en ce qui concerne les lettres de dépôt et les billets de dépôt. Autrement dit, il sera maintenant possible d'utiliser les moyens électroniques, à l'aube du XXIe siècle.

Je signale cependant que ce projet de loi porte le numéro S-9 et que la lettre S désigne le Sénat. Il y a d'autres mots qui commencent par la lettre S et qui pourraient décrire le Sénat.

Les réserves que j'ai au sujet de ce projet de loi tiennent au fait qu'il émane du Sénat. Le Sénat a, bien entendu, le privilège de présenter des projets de loi, mais, fait intéressant, le gouvernement a de plus en plus recours au Sénat pour lancer le débat sur des projets de loi de ce genre. Le gouvernement est d'autant plus heureux de le faire que l'opposition officielle est absente du Sénat.

Le Sénat est rempli de bons, loyaux et vieux hommes d'État qui se nourrissent de protocole, d'alcool et de Géritol et qui, dans leur sagesse collective, savent faire un second examen objectif des projets de loi. Le problème est que ce projet de loi n'est pas au Sénat pour y faire l'objet d'un second examen objectif, mais d'un premier examen semi-objectif.

La difficulté, pour beaucoup de députés et pour tous les députés de l'opposition officielle, tient au fait que les projets de loi devraient normalement provenir de la Chambre des communes. Ils devraient franchir les étapes de la première et de la deuxième lectures, être renvoyés à un comité, revenir à la Chambre, passer par l'étape du rapport, subir des amendements et être exposés à la critique de l'opposition.

Après avoir fait l'objet d'une étude en profondeur, qui se déroule habituellement sur quelques semaines à la Chambre, ils devraient ensuite être renvoyés au Sénat. Ça ne devrait pas être un Sénat comme celui qui existe maintenant, mais quoi qu'il en soit nous sommes aux prises avec celui-ci pour l'instant. Une fois renvoyés au Sénat, les projets de loi devraient faire l'objet d'un second examen objectif, puis recevoir la Sanction royale. C'est ainsi que les choses se font normalement.

Or, ce projet de loi provient du Sénat, où il n'y a pas d'opposition. L'opposition officielle est absente du Sénat. Les projets de loi peuvent donc y être soumis à toutes les manigances possibles qui se déroulent à cet endroit. Je ne sais même pas comment le système fonctionne à l'autre endroit. Le projet de loi nous est ensuite renvoyé et nous sommes supposés l'approuver automatiquement. C'est cela qui m'agace à propos de ce projet de loi.

Nous sommes maintenant saisis du projet de loi S-9. Pendant toute la dernière législature, je ne crois pas qu'il y ait eu neuf projets de loi émanant du Sénat, et nous en sommes maintenant déjà au neuvième qui provient de cet endroit. Le Sénat met la main sur le projet de loi en premier. Il propose les premiers amendements. Il tient des audiences. Il fait tout cela sans la participation de l'opposition officielle. Finalement, on nous remet le projet de loi, on s'attend à ce que nous l'acceptions automatiquement, que nous y apposions le sceau «approuvé» et, comme on dit, le tour est joué.

Malheureusement, nous ne pouvons pas agir ainsi. C'est pour cela que le projet de loi à l'étude est loin d'être idéal. Le gouvernement devrait présenter les projets de loi à la Chambre des communes. C'est ainsi qu'il faut procéder. Les projets de loi devraient être examinés par tous les partis de cet endroit, ce dernier étant représentatif de la diversité canadienne. Cet endroit représente les gens qui appuient le gouvernement et ceux qui s'y opposent, il représente une diversité d'idées. Personne n'a le monopole de la vérité, mais il y a au moins un petit échange d'idées ici. Le projet de loi est alors renvoyé au comité et ainsi de suite.

Cependant, lorsque le projet de loi émane du Sénat, le processus est inacceptable. Il est biaisé. Il laisse à désirer. L'autre endroit obtient une légitimité qu'il ne mérite pas. Je vais voter en faveur du projet de loi parce que son contenu semble de mise et parce que je crois qu'il aidera à moderniser notre système bancaire, mais je pense que la façon de procéder laisse à désirer. Elle est imparfaite.

En agissant ainsi, le gouvernement fait un pied de nez aux Canadiens et leur dit: peu importe que des députés du parti ministériel et des partis de l'opposition aient été élus. Nous allons contourner cela et aller directement au Sénat, sans passer GO, sans encaisser 200 $. Vous devrez tout simplement accepter la situation. Le gouvernement mériterait une carte Allez directement en prison. Il faudrait mettre le holà, car cette façon de procéder laisse à désirer.

 

. 1930 + -

Je voulais parler du numéro du projet de loi S-9. Chaque fois que le gouvernement présentera un projet de loi qui émanera du Sénat, je le dénoncerai, pour la simple et bonne raison que cet endroit ne mérite pas d'être le premier à l'examiner. C'est notre rôle à nous qui sommes élus, pas celui de ceux qui sont nommés.

Je vais appuyer le projet de loi, mais je dénonce sa provenance.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député de son intervention. Je suis certainement d'accord avec tout ce qu'il a dit. Je veux lui poser une question.

Le député a fait allusion au fait que nous étions déjà rendus au projet de loi S-9 au cours de la législature actuelle, alors que durant la législature précédente très peu de projets de loi ont émané du Sénat. Est-il d'avis que, si le processus est ainsi bafoué et si un si grand nombre de mesures législatives proviennent du Sénat, c'est que le gouvernement libéral n'a pas de véritable menu législatif?

Le député pense-t-il que ce soit la raison pour laquelle ce phénomène soit devenu si fréquent au cours de la présente législature? Mon collègue pourrait-il prendre quelques minutes pour traiter du menu législatif du gouvernement libéral?

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, je remercie le député de Skeena de sa question.

C'est un fait que le menu législatif du gouvernement est bien maigre. Il est intéressant de constater que même les sénateurs disent qu'ils n'ont rien à faire. J'imagine que c'est la raison pour laquelle le gouvernement leur demande de présenter d'abord les projets de loi. Le Sénat ne reçoit pas de la Chambre des communes des mesures ayant franchi l'étape de l'étude en comité, celles des première, deuxième et troisième lectures, puis l'étape du rapport, des amendements et des votes.

Cette situation pousse la crédulité à son maximum. Même les sénateurs disent qu'ils n'ont pas assez de travail. Je pensais que cela ne les dérangeaient pas de compter les fleurs sur le mur. Je croyais que les sénateurs étaient ravis lorsqu'ils avaient peu de travail. De toute façon, la plupart des Canadiens se demandent bien ce qu'ils font.

Même les sénateurs se plaignent de n'avoir rien à faire. La raison en est, et ceux qui nous écoutent à la télévision devraient aussi le savoir, que le menu législatif du gouvernement est extrêmement mince. Je n'irai pas jusqu'à dire que l'on fait du surplace, mais tant les sénateurs que les députés attendent les mesures législatives progressives qui feront que notre pays ira de l'avant. Au lieu de cela, le gouvernement dépose des projets de loi d'ordre administratif. Nous sommes heureux d'adopter ceux-ci, mais nous pensons qu'il serait beaucoup mieux de proposer toute une série de mesures utiles qui aideraient à définir la vision de ce que nous voulons être en tant que pays.

La différence entre un rêve et une vision c'est que les rêves ne sont que des paroles en l'air, tandis qu'une vision c'est un plan en vue de réaliser quelque chose. C'est un ensemble de rêves qui peuvent déboucher sur quelque chose de concret et rendre notre pays meilleur. Sans vision, il ne reste pour ainsi dire rien. C'est la même histoire encore cette session-ci.

On dirait que le gouvernement élu l'an dernier se réveille enfin en disant: «Nous avons été élus. Quelqu'un sait-il ce que nous devrions faire?» Le gouvernement cherche depuis tout ce temps et nous dit: «Nous ne savons pas trop ce que nous devrions faire, mais voici un projet de loi d'ordre administratif qui permet aux gens d'acquérir des lettes de dépôt ou des billets de dépôt par voie informatique, sans qu'un véritable document n'ait à être livré. Voilà une déclaration qui traduit une vision incroyable et qui va nous propulser dans le XXIe siècle. Qu'allons-nous faire avec toute la vision que renferment ces projets de loi?»

La vérité, c'est que ces projets de loi sont trop faibles. Ils sont sans couleur, sans saveur, sans vie. Ça manque de viagra là-dedans. Ils manquent de vie. Ce sont de faibles et petits projets de loi qui franchissent toutes les étapes du processus, mais qui auront très peu de conséquence. La soupe est claire et le choix est maigre. Nous examinons ces mesures législatives, parce que nous n'avons pas le choix.

 

. 1935 + -

Nous le ferons, tout en sachant qu'il n'y a rien de bien visionnaire dans le programme législatif du gouvernement. C'est malheureux, parce que les Canadiens aimeraient bien avoir une vision à laquelle s'agripper. S'ils pouvaient comprendre dans quelle voie le gouvernement se dirige, ils l'aideraient à se rendre à bon port, mais voilà, ce projet de loi ainsi que les quelques autres qui figurent au menu législatif n'offrent pas de véritable vision à laquelle les Canadiens pourraient se rallier pour aller de l'avant, et c'est bien regrettable.

Le Sénat ne nous est d'aucune aide. Il veut simplement avoir un peu de travail à faire, il l'a lui-même avoué. Sa tâche ne l'occupe pas pleinement. Il se demande ce qu'il est censé faire. Il se demande même probablement à quoi il sert désormais. Cela étant dit, le programme législatif du gouvernement est maigre. Il ne traduit aucune vision. Il est difficile de déchaîner l'enthousiasme des Canadiens, alors que nous siégeons tard ce soir pour adopter ce projet de loi, ce qui devrait se faire dans les prochaines minutes, espérons-le.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement les remarques de mon collègue du Parti réformiste.

Je ne m'oppose pas essentiellement à ce qu'il dit à propos du programme législatif faible et sans substance de ce gouvernement. Je crois comprendre qu'il encourage le Sénat à jouer un rôle plus actif dans le processus parlementaire et que, si le Sénat proposait des projets de loi plus substantiels, le Parti réformiste pourrait assouplir son attitude envers le Sénat et sa participation au processus

Nous savons que, comme on l'a vu durant la présente session, le Sénat présente parfois des projets de loi substantiels, qui sont ensuite adoptés par la Chambre lorsque le processus fonctionne bien.

Je demanderais donc à l'honorable député s'il encouragerait le Sénat à présenter des projets de loi plus substantiels, à mettre plus de vie dans son programme et à renvoyer plus de projets de loi à la Chambre des communes. Si c'est ça que veulent faire les réformistes, je dirais que la position du parti a pas mal changé.

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, cela n'exigerait pas seulement un changement de position, mais une lobotomie et je ne suis pas disposé à aller si loin.

Je ferai simplement remarquer que, d'une façon générale, les sénateurs disent qu'ils n'ont pas de travaux importants à faire. Nous pouvons leur dresser une liste de travaux importants à effectuer. Ils pourraient notamment examiner le processus de nomination. À l'heure actuelle, le premier ministre fait des milliers de nominations qui font rarement l'objet d'un examen ou de l'examen qu'elles méritent. Un Sénat élu pourrait infléchir le pouvoir du bureau du premier ministre.

Le Sénat pourrait aussi tenir des audiences sur les nominations à la Cour suprême par exemple, ou aux postes de commissaire à l'information, dont il est question maintenant à la Chambre, de commissaire à la protection de la vie privée ou de gardien en matière d'éthique. On pourrait confier au Sénat des rôles excellents, y compris celui de second examen objectif des mesures législatives. Il pourrait jouer un rôle légitime à cet égard, s'il avait la légitimité que confère l'élection.

Dans mon discours, je ne disais pas que son rôle devait augmenter pour que les projets de loi y soient présentés d'abord. J'ai dit très clairement que les projets de loi devaient d'abord être présentés par la Chambre. Le rôle d'un Sénat élu qui aurait l'intégrité et la légitimité que confère l'élection serait vraiment celui d'un second examen objectif.

Je sais qu'un grand nombre de sénateurs ont déclaré que leur rôle serait amélioré s'ils étaient élus au lieu d'être nommés. Leur position est difficile à l'heure actuelle. En un sens, je plains les sénateurs. Ils doivent suivre la procédure. Ils doivent automatiquement approuver les mesures qui sont proposées. Ils doivent approuver les projets de loi avant leur renvoi au gouverneur général. D'ailleurs, un bon nombre de sénateurs s'interrogent sur leur rôle et sur la légitimité de leur institution.

 

. 1940 + -

Je suis heureux de voir qu'un Sénat élu pourrait jouer de nombreux rôles, mais je n'y inclurais pas celui de présenter d'abord les projets de loi et d'éviter ainsi que la Chambre des communes en fasse un premier examen légitime. Je n'approuverais pas cela. Une telle notion ne serait jamais acceptée à un congrès sur la politique du Parti réformiste et ne serait même pas retenue dans une discussion entre réformistes.

Le vice-président: La période prévue pour les questions et les observations est maintenant écoulée. La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

*  *  *

LOI DE 1985 SUR LES NORMES DE PRESTATION DE PENSION

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 5 juin, de la motion: Que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai malheureusement pas participé au débat de vendredi. Je tiens d'abord à faire remarquer que ce projet de loi s'appelle S-3. C'est un problème.

Je ne veux cependant pas répéter tous les arguments que les gens ont déjà entendus à ce sujet. Ce n'est pas là le seul problème. Nous avons des doutes relativement à certains des privilèges que ce projet de loi confère à certaines personnes pour ce qui est de leur capacité de transférer des fonds d'un régime de pension.

Ce projet de loi vient du Sénat. Le processus est inversé. Je dois l'expliquer au gouvernement encore une fois. Il devrait présenter les projets de loi à la Chambre des communes d'abord, l'endroit où les députés ont été élus pour présenter des mesures législatives. Je comprends que c'est au gouvernement de le faire. Toutefois, c'est ici, à la Chambre, qu'il doit présenter les projets de loi afin que les partis de l'opposition aient tout de suite la chance de les examiner et d'exprimer leur opinion. Chaque projet de loi est ensuite renvoyé à un comité. Nous proposons des amendements. Nous entendons des experts et d'autres témoins. Nous invitons des gens à témoigner. Nous suivons tout le processus. C'est comme cela que nous arrivons à avoir un bon projet de loi.

Puis, une fois que le comité a apporté au projet de loi toutes les modifications nécessaires pour en faire le meilleur projet de loi possible, ce dernier revient à la Chambre pour l'étape du rapport. Cette étape nous permet d'examiner le projet de loi article par article. S'il a encore besoin d'être amélioré, nous proposons des amendements. Nous disons: «Voici comment on pourrait améliorer ce projet de loi. Cette partie n'est pas assez claire ou est trop ambiguë. Supprimons ceci.» Ensemble, nous suivons tout le processus. Nous allons en comité plénier. Nous débattons. Nous peaufinons. Nous essayons d'améliorer.

Même si nous appuyons une mesure législative, il y a souvent des améliorations à apporter. Il y a très peu de projets de loi parfaits ou de gens parfaits. Des erreurs sont commises, puis corrigées. Nous rétablissons les choses, puis nous passons au vote. Ensuite, le projet de loi est envoyé à l'autre endroit, où le processus est achevé.

Toutefois, lorsqu'un projet de loi est présenté d'abord au Sénat, l'opposition officielle n'est pas là. Elle n'est pas là parce que les sénateurs sont nommés par le premier ministre. Ils ne sont pas élus.

 

. 1945 + -

Vous serez heureux de l'apprendre, monsieur le Président, l'Alberta a amorcé un processus d'élection sénatoriale. Aux élections municipales de cet automne, les Albertains choisiront un candidat au Sénat dont le nom sera soumis au premier ministre. Le premier ministre de l'Alberta dira, une fois le processus achevé, que les Albertains—je ne vais pas parler au nom de tous les Albertains, ils s'exprimeront eux-mêmes au moment du scrutin, quel privilège—ont choisi telle ou telle personne.

Nous pensons que ce choix aura pour lui le jugement du peuple, le jugement de l'assemblée législative, le jugement de la région, et nous voudrions que le premier ministre, dans une première étape, nomme cette personne au Sénat comme représentant légitime.

Si le Parti réformiste est associé d'une façon ou d'une autre à cette personne, il aura au moins un représentant à l'autre endroit. Nous aurons une idée de ce que font ces gens-là pendant leur temps libre. Nous pourrions au moins prétendre, lorsqu'un projet de loi est présenté au Sénat, que nous avons eu la chance de le commenter.

Ce projet de loi est comme les autres. On a mis le charrue devant les boeufs. À mon sens, il ne sera jamais légitime de présenter les projets de loi d'abord à l'autre endroit. Les projets de loi doivent être déposés ici. Je crois que les Canadiens le comprennent lorsqu'on leur explique à une assemblée publique, lorsqu'on leur demande où les projets de loi doivent être présentés, au Sénat où personne ne sait comment les membres sont choisis, à moins d'être libéraux bon teint, ou à la Chambre des communes.

Les gens disent invariablement: «Je vous ai élus pour faire ce travail-là. C'est bien mieux que les projets de loi aillent aux Communes d'abord, puisque c'est votre boulot.»

Lorsqu'un projet est déposé au Sénat, il est discuté entre vieux copains. Ils vont rencontrer M. MacEachen pour voir s'il réagit toujours. Ils lui demandent des conseils. Bien sûr, il n'est pas censé être là, mais quoi qu'il en soit, ils lui demandent son avis, et ils discutent du projet. Je ne sais pas trop ce qu'ils font là-bas. Puis, le projet de loi nous est renvoyé, et nous devons l'approuver machinalement. Je ne suis pas d'accord. Les projets de loi doivent venir d'abord ici. Qu'ils aillent ensuite au Sénat, qui pourra perdre son temps à les étudier à sa guise.

C'est ici qu'on présente les mesures légitimes. Le projet de loi S-3 est le troisième. Nous venons d'adopter le S-9. Cela veut dire que le gouvernement emploie cette tactique beaucoup plus fréquemment qu'au cours de la dernière législature. C'est une tendance regrettable. C'est pourquoi je m'élève contre cette partie du projet de loi S-3.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, le député de Fraser Valley a dit que le programme législatif du gouvernement libéral était faible et manquait de vision.

Voudrait-il dire à la Chambre ce que sera le programme législatif du Parti réformiste quand il formera le gouvernement en 2001?

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de parler de la vision de son parti et d'essayer de faire partager aux gens dans cette assemblée et dans les tribunes publiques un peu partout dans le pays les thèmes autour desquels, à notre avis, les gens vont se rallier aux prochaines élections.

C'est une question qui est toujours débattue, et elle le sera encore aux prochaines élections. Les Canadiens se rallieront autour de plusieurs thèmes, dont la fiscalité.

Ils vont demander ce que leur réserve l'avenir. Ce que nous allons leur offrir. S'ils peuvent espérer un allégement fiscal un jour. Si nous avons des mesures à leur proposer. Ce que nous allons faire de l'excédent. Si nous allons continuer à créer de nouveaux programmes. Si nous allons réduire les impôts et les taxes, si nous allons réduire la bureaucratie et profiter de ce que nous avons un excédent pour rembourser une partie de la dette de façon à ce que nos enfants et nos petits-enfants puissent espérer une autre réduction des impôts et une moins grande ingérence de la part du gouvernement.

Aux prochaines élections, les gens vont dire que 15 ou 20 milliards de dollars d'excédent dans la caisse de l'assurance-emploi, c'est trop. C'est beaucoup trop. Les charges sociales tuent l'emploi. De plus en plus, les partis de ce côté-ci de la Chambre disent que ce surplus est trop élevé. Il nuit à l'emploi. Il nuit aux familles. Il nuit aux entrepreneurs. Il faut le réduire. Voilà l'ensemble des mesures fiscales que nous proposons.

J'ai aussi parlé de certaines réformes démocratiques et parlementaires que les Canadiens sont plus que prêts à embrasser. J'ai parlé un peu plus tôt du Sénat et du fait que les Canadiens ne reconnaissent aucune légitimité à l'autre endroit.

À part la réforme du Sénat, les Canadiens vont réclamer des réformes démocratiques et parlementaires qui leur montrent que le changement est possible et qu'ils pourront enfin avoir le contrôle sur les politiciens qu'ils envoient à Ottawa.

 

. 1950 + -

Cela veut dire, notamment, qu'on tiendra un référendum quand le gens voudront faire valoir leur point de vue sur ces questions. Cela entraînera également plus de votes libres à la Chambre des Communes, pour que les gens ne perdent plus leur poste pour avoir osé voter contre le gouvernement, pour ou contre un projet de loi. Le gouvernement ne tombera pas pour autant. Des changements démocratiques s'effectueront.

Les gens vont se demander ce qu'il faut faire des milliers de personnes nommées à certains postes. En feuilletant la Gazette il y a quelques jours, j'a vu une mention, blanc sur noir, le nom de la personne que j'ai défait aux élections de 1993. Il est maintenant président du conseil arbitral de l'assurance-emploi dans ma région. Il s'agit d'un libéral qui a perdu son siège en 1993, d'un libéral défait. C'est évident, car tous les libéraux de ma région ont perdu. Ils se résignent parce que le premier ministre les récompensera plus tard. Un jour, il demande «Qui n'a rien eu récemment? Ce gars qui a perdu son siège en 1993 n'a rien eu récemment, alors donnons-lui la présidence du conseil arbitral.» C'est justement ce qu'on vient de faire.

À mon avis, les Canadiens ont le droit de demander pourquoi on voit tous ces libéraux défaits dans des postes dont les contribuables paient le salaire. Ils doivent se dire: «Je l'ai mis dehors. Je n'ai pas voté pour lui parce que je n'avais pas confiance en lui, et voici maintenant qu'il a un bel emploi.»

Troisièmement, pour ce qui est de la vision de l'avenir de ce pays, les gens vont se demander comment rallier les Canadiens pour ce qui est du partage des compétences et de l'avenir du pays. Comment allons-nous répartir les pouvoirs entre le provincial, le fédéral et le municipal. Comment allons-nous aborder cela pour favoriser l'unité du pays sans causer de division entre les provinces comme cela a été trop souvent le cas au cours des dernières années? C'est une question légitime.

Une des premières choses que nous ferions, c'est de reconnaître les gouvernements municipaux comme le premier ordre de gouvernement, celui qui est le plus près des gens. Nous devrions faire participer les élus municipaux aux conférences fédérales-provinciales. Certains représentants, pas des milliers, mais certains représentants des gouvernements municipaux devraient être présents.

Disons par exemple que nous allons avoir cette nouvelle entente interprovinciale-fédérale qui porte sur un certain type de distribution de certains services, peut-être un programme d'action communautaire pour les enfants, une sorte de programme financé en partie par le gouvernement fédéral, coordonné par les provinces et administré par les gouvernements locaux. Le programme d'action communautaire pour les enfants, le PACE, est un parfait exemple.

Au lieu de téléphoner à la dernière minute aux municipalités, je pense que nous devrions les faire participer au processus dès le départ et leur demander comment on peut faire en sorte qu'un programme donné leur soit utile. On pourrait également leur demander comment on peut l'adapter à leurs besoins pour qu'il soit suffisamment souple. Faisons en sorte que les municipalités participent aux grandes décisions et pas simplement à l'administration des prises d'eau d'incendie à l'échelle locale. Elles doivent jouer un rôle dans tout cela et je pense que nous pouvons aider à ce chapitre.

Tout le processus du partage des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral est une grande question qui peut unifier notre pays. Nous pouvons décider que nous allons faire en sorte que la Chambre se penche sur un moins grand nombre de domaines, mais qu'elle s'acquitte mieux de sa tâche. Nous céderons ensuite aux provinces toute une série d'autres compétences, notamment la culture, la langue et les soins de santé. On va laisser les provinces s'occuper de toutes ces choses, car aux termes de la Constitution, ce sont elles qui devraient s'en charger.

Nous allons faire moins de choses à la Chambre, mais les faire mieux. Nous allons nous occuper de la défense nationale. Nous allons veiller à éliminer les obstacles au commerce interprovincial. Nous allons nous occuper du commerce international. Nous allons avoir des accords internationaux tels que l'OMC, le GATT, leurs successeurs et ainsi de suite. Nous allons nous occuper de ceci, ils vont s'occuper de cela, et nous n'allons pas nous immiscer dans leurs affaires, mais nous allons bien défendre nos domaines de compétence.

Lorsque les gens nous demandent si ces mesures les aideront à trouver un emploi, nous pouvons leur répondre de façon affirmative. Ces mesures les aideront à assurer leur avenir et à faire en sorte que les divers paliers de gouvernement ne s'immiscent pas dans leurs affaires. Les impôts de ces personnes seront moins élevés, de sorte qu'elles pourront mieux subvenir aux besoins de leurs familles ou encore lancer une entreprise et la garder en activité. Nous allons insister davantage sur la notion de responsabilité, de façon que les gens aient confiance que les personnes qu'ils envoient à Ottawa feront une différence réelle et pourront les aider. Ces élus ne se contenteront pas de saluer le drapeau et de respecter la ligne de parti.

Lorsque je parle aux gens, ils me disent que ce sont là les changements qu'ils aimeraient voir. Ils demandent à être convaincus qu'on peut y parvenir. À tout le moins, c'est une vision différente de celle que nous avons actuellement. Au cours de la prochaine campagne électorale, si nous pouvons faire porter le débat sur ces grandes questions, le Parti réformiste se portera fort bien. Ce qui est plus important, toutefois, c'est que le pays se portera bien. Mais ces questions doivent être réglées afin que les gens puissent aller de l'avant avec confiance et ne pas se dire que les choses sont comme elles l'ont toujours été et se demander si elles vont changer un jour. Nous pouvons changer les choses. Nous pouvons améliorer la situation, et tous les partis politiques auraient intérêt à apporter ces changements positifs, plutôt qu'à dire qu'il faut maintenir le statu quo.

 

. 1955 + -

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Monsieur le Président, j'ai deux brèves questions de nature très objective à poser à mon collègue, pour qui j'ai beaucoup de respect et avec qui j'ai beaucoup de plaisir à travailler. S'il veut redonner la juridiction aux provinces sur les questions, entre autres, linguistiques, n'est-ce pas le rôle d'un gouvernement national d'assurer la protection des minorités, parce que l'exemple du passé à cet égard n'est pas des plus probants à travers le pays?

C'est donc un premier point sur lequel j'aimerais avoir très honnêtement son opinion. Le fait de décentraliser la totale responsabilité au niveau de chacune des provinces ne m'apparaît pas comme étant un gage de très grande sécurité pour nos minorités à travers le pays.

Deuxièmement, et c'est ma dernière question, j'aimerais savoir quel est l'article, dans le nouveau programme électoral de son parti, concernant le partenariat avec les séparatistes du Québec. Quel engagement aimerait-il avoir dans sa prochaine plate-forme électorale? Cela ne m'apparaît pas promis à de très grands espoirs.

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, ce sont là deux questions qui ne tiennent pas une place prédominante dans ma région. Les questions linguistiques dont nous traitons sont un peu différentes de celles dont nous discutons au Parlement, mais je suis quand même heureux d'en parler à la Chambre.

Dans ma région, les enjeux linguistiques consistent à savoir le nombre de personnes parlant punjabi dont nous avons besoin dans nos hôpitaux. C'est important dans Abbotsford. On se demande aussi comment faire pour donner les services nécessaires aux quelques centaines de milliers d'immigrants chinois unilingues qui vivent dans le Lower Mainland? C'est l'un des enjeux linguistiques du Lower Mainland. Quand on parle d'enjeux linguistiques, sur la côte ouest, les problèmes sont bien différents de ce qu'ils sont ici. Les grands enjeux dont il est question sur les ondes de notre organe d'information national, si je puis m'exprimer ainsi, ne sont pas vraiment des enjeux à l'échelle locale. On en parle rarement.

Je présume que le député parle précisément de l'utilisation du françaiset de l'anglais, les deux langues dominantes au Canada, et du rôle du gouvernement fédéral dans la protection des droits des minorités. Le Parti réformiste a toujours dit que le gouvernement fédéral jouait un rôle dans la protection des droits de la personne, mais non dans la promotion de la culture ou de la langue dans une province donnée.

Par exemple, sous un gouvernement réformiste, le rôle du gouvernement fédéral ne serait pas de promouvoir la langue ou la culture française au Québec, d'où vient le député. Nous croyons que la langue et la culture françaises sont dynamiques et que leur existence est une bonne chose pour le Canada et le Québec, mais la promotion de la culture et de la langue relève du gouvernement provincial.

Le rôle du gouvernement fédéral se limite à la protection des droits des minorités. Autrement dit, si une instance quelconque ne se gêne pas pour éliminer les droits d'une minorité, où que ce soit au pays, le gouvernement fédéral doit s'interposer.

La promotion de la langue et de la culture est de compétence provinciale et le budget fédéral ne devrait comporter aucun poste budgétaire pour la promotion de la culture dans une province. Ce n'est pas la responsabilité du fédéral mais celle des provinces et le gouvernement fédéral ne devrait pas s'ingérer dans ce domaine.

Les provinces pourraient ainsi dépenser leur argent et déployer leurs efforts comme elles l'entendent. Cela signifie que les populations des diverses régions ne seraient pas soumises à une politique insensée, comme dans le lower mainland de la Colombie-Britannique, qui est assujetti à la même politique que Chicoutimi. Ça ne cadre pas. Une seule politique ne peut faire l'affaire de tous.

 

. 2000 + -

En Colombie-Britannique du moins, la politique gouvernementale actuelle en matière de culture et de langue est un véritable casse-tête car le gouvernement prétend l'appliquer à tout le monde de façon uniforme. Dans le lower mainland, les gens se demandent à quoi pense le gouvernement. Cela n'a aucun sens. Nous avons toutes sortes de problèmes linguistiques, mais aussi toutes sortes de possibilités linguistiques à cause de la diversité culturelle propre au lower mainland. Nous en tirons parti. La diversité propre au lower mainland nous ouvre une fenêtre sur le monde.

La Loi sur les langues officielles, par exemple, est tellement hors de contexte dans le lower mainland que les gens se demandent de quoi il s'agit. Ils ne comprennent pas que cette politique, qui n'est pas pertinente, puisse s'appliquer à leur région.

Certains séparatistes au Québec sont des cas désespérés. Ils veulent quitter le Canada pour tous les problèmes réels ou imaginaires. Selon eux, la situation est sans espoir et personne ne les aime. C'est ainsi qu'ils réagissent dans tous les cas.

Il y a cependant des gens au Québec qui, depuis 20 ans, se disent qu'ils ne sont pas vraiment des séparatistes, mais qu'ils sont mécontents du gouvernement fédéral qui impose ses vues, qui prétend qu'il s'agit d'une compétence fédérale-provinciale et qu'on ne peut rien y faire. Beaucoup d'entre eux se demandent s'il y a une autre solution que le séparatisme. Nous leur répondons par l'affirmative. Il y a une troisième voie, qui n'est ni le séparatisme ni le statu quo. C'est quelque chose de mieux et de différent que ce que nous avons maintenant. Voilà le genre de personnes avec qui nous voulons dialoguer. Il y a ceux qui disent qu'ils vont partir, parce qu'ils ne veulent ni dialoguer ni débattre. Ils refusent d'engager la discussion. Nous ne pouvons pas discuter avec ces gens, puisque leur idée est déjà faite.

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je poursuis le débat sur le projet de loi S-3. J'ai écouté attentivement le discours et les observations de mon collègue de Fraser Valley et, bien sûr, le Parti réformiste est d'accord avec lui car nous n'aimons pas le fait que ce projet de loi nous vienne du Sénat. Il aurait dû être présenté à la Chambre des communes. Ainsi, le gouvernement aurait pu vraiment savoir ce que pensait l'opposition officielle au lieu de n'avoir que l'opinion d'un sénateur depuis longtemps incrusté à l'autre bout du couloir.

Cela dit, le projet de loi a de bons aspects. Le Parti réformiste n'y est pas entièrement opposé. Il régularisera et renforcera la surveillance des régimes de pensions par le Bureau du surintendant des institutions financières pour assurer que les fonds des participants au régime sont aussi bien protégés et gérés que possible.

À une époque où les petites entreprises veulent offrir de meilleurs avantages sociaux à leurs employés, le projet de loi leur permettra de mettre sur pied un régime de pension beaucoup moins coûteux car elles pourront utiliser le modèle fourni par le gouvernement et l'administrer elles-mêmes, au lieu d'en confier le soin à un administrateur.

Le Parti réformiste approuve toutes ces choses car nous pensons qu'il est bon de renforcer le système de libre entreprise. Il est bon de renforcer les avantages sociaux dont bénéficient les employés. Il est bon de leur offrir la sécurité d'emploi et de véritables avantages sociaux. Ce projet de loi y contribue largement.

Par ailleurs, il porte sur la question des excédents. Certains régimes ont gagné beaucoup d'argent en bourse. Bien sûr, il n'y a pas que les fonds de pensions qui se sont enrichis grâce à la bourse ces dernières années. Les particuliers aussi y ont gagné des tonnes d'argent.

Le projet de loi S-3 traite de la répartition des excédents. Il stipule que si les deux tiers des participants votent en faveur d'une proposition donnée, celle-ci devient réalité. Si on propose de retourner l'argent à l'employeur, c'est ce qui se passera et l'employeur recevra le remboursement de ses cotisations ou pourra avoir accès aux excédents du fonds, même s'il n'y a jamais contribué. Les membres votent sur la question, et c'est là un processus relativement démocratique à propos duquel nous n'aurions rien à redire dans la plupart des circonstances.

 

. 2005 + -

Il y a toutefois une circonstance particulière à laquelle je pense, et c'est celle du conflit d'intérêts pour le ministre des Finances. Il convient tout d'abord de souligner que la motion visant à présenter le projet de loi S-3 à la Chambre des communes a été proposée par le ministre des Finances. Cela me préoccupe un peu, car, comme chacun le sait, ce dernier est non seulement un parlementaire et un ministre actuellement, mais aussi un homme d'affaires très prospère.

Il est de notoriété publique que le ministre était le président de la Canada Steamship Lines et est toujours un actionnaire principal de cette organisation. À l'instar de nombreux employeurs, la Canada Steamship Lines possède, à l'intention de ses employés, un régime de retraite assorti d'un excédent qui ferait la fierté de la plupart des gens. Il est assorti d'un excédent de plus de 100 millions de dollars. Voici la question qui se pose: à qui cet excédent appartient-il?

Le projet de loi S-3 établira un processus qui permettra aux propriétaires de l'entreprise d'avoir accès au fonds en question. Je pense que le ministre des Finances s'est placé dans une situation de conflit d'intérêts en présentant ce projet de loi. Son entreprise et lui-même, à titre d'actionnaire principal, pourraient bénéficier du projet de loi une fois qu'il aura reçu l'aval de la Chambre des communes.

Nous avons parlé au commissaire en matière d'éthique et il était d'avis que cela n'aurait pas vraiment de répercussions sur le ministre des Finances parce que son régime de retraite est enregistré en vertu d'une autre loi. Nous avons pensé que si c'était ce que le commissaire nous disait, le dossier était peut-être clos. Nous avions confiance dans le commissaire à l'éthique, ou du moins nous le pensions.

Toutefois, avec les années, nous avons commencé à avoir des doutes sérieux et nous les avons mentionnés ici. Je soulève la question une nouvelle fois parce que, selon le bilan de la société des fonds de pension de la Canada Steamship Lines Limited, dans le rapport annuel en date du 31 décembre 1996, le régime est enregistré en vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, sous le numéro 55006. Le projet de loi S-3 modifie la Loi sur les normes de prestation de pension.

Donc, le commissaire à l'éthique a tout à fait tort ou il ne sait pas ce qu'est l'éthique. C'est grave.

Pour renforcer mon argument, j'ai regardé les bulletins du fonds de pension de la CSL. Le bulletin d'octobre 1997 sur les excédents du régime dit ceci:

    Nous prévoyons que le projet de loi S-3 pourrait être adopté dès décembre, mais plus probablement début 1998. Le règlement qui accompagnera ce projet de loi ne sera certainement pas préparé avant l'adoption. Tant que nous n'aurons pas vu ce règlement, nous ne pourrons pas prévoir comment la société sera touchée.

Il dit encore:

    Nous ne pouvons que répéter que nous n'avons toujours pas pris de décision en ce qui concerne la proposition de distribution de l'excédent et qu'aucune distribution ne se fera sans consultation de nos membres, qui en seront avisés, et leur plein accord.

Le bulletin est adressé aux membres du régime et il mentionne spécifiquement que le projet de loi S-3 réglera le sort de leur régime. Par conséquent, le commissaire à l'éthique se trompe lorsqu'il nous affirme le contraire. Il est clair également, d'après le bulletin, que l'on envisage une distribution après l'adoption du projet de loi S-3.

J'en reviens au point que la motion d'adoption du projet de loi S-3 a été présentée par le ministre des Finances. J'estime que celui-ci devrait clarifier sa position en ce qui concerne cette mesure.

 

. 2010 + -

Alors qu'il a réduit les dépenses et équilibré le budget du gouvernement canadien, ce qui est tout un exploit de sa part, on ne voudrait pas que sa réputation soit ternie par le fait qu'il ait mis son bureau, son poste ou lui-même en péril pour une bagatelle comme le projet de loi S-3.

Comme je l'ai mentionné, le ministre des Finances se doit d'abord et avant tout d'expliquer à la Chambre pourquoi il a présenté lui-même le projet de loi au lieu de laisser quelqu'un d'autre le faire. Je crois savoir que le ministre de l'Industrie a présenté, au cours de la législature précédente, un projet de loi presque identique. Alors pourquoi changer de méthode?

Par ailleurs, j'estime que le ministre des Finances ne rendra service à personne s'il vote sur ce projet quand il sera mis aux voix. Ce sont là des enjeux importants.

Bref, le fait que le projet de loi émane du Sénat constitue un affront à la Chambre. L'aspect technique du projet de loi n'est pas sans mérite, mais il concerne également la Canada Steamship Lines dont, comme l'on sait, le ministre des Finances est l'un des principaux actionnaires.

À la lumière des documents que j'ai cités aujourd'hui, il ne fait aucun doute que, même si le régime de pension de la Canada Steamship Lines est assujetti à la Loi sur les normes de prestation de pension, l'objectif de ce projet de loi est de présenter une motion portant sur le partage de l'excédent du régime de pension qui, comme je l'ai mentionné, dépasse les 100 millions de dollars et que ça pourrait rapporter gros à quelqu'un.

Voilà pourquoi j'espère que le ministre des Finances expliquera sa position à la Chambre.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Monsieur le Président, c'est vrais qu'on a beaucoup parlé pour ne rien dire ce soir, mais le député d'en face a soulevé une question qu'il y a tout lieu d'aborder, à savoir le fait que le ministre des Finances possède des actions de la société Canada Steamship Lines.

Le député d'en face n'est pas sans savoir que ces actions sont détenues en fiducie sans droit de regard. C'est la loi qui l'exige. S'il veut contester la validité de cette mesure, je lui conseillerais de le faire lui-même, au lieu de le faire par le truchement du conseiller en éthique, et je lui conseillerais de le faire en dehors de la Chambre.

M. John Williams: Monsieur le Président, tout d'abord, je n'ai pas contesté l'éthique du conseiller en éthique et deuxièmement, j'ai demandé au ministre des Finances d'expliquer sa position à la Chambre. Je ne l'ai accusé d'absolument rien.

Nous savons tous que, avant d'embrasser une carrière en politique, le ministre des Finances était président de Canada Steamship Lines et qu'il a vraisemblablement placé ses actions dans une fiducie sans droit de regard. Si j'étais le ministre des Finances, que je quittais mon poste pour retourner à la vie privée et que je vérifiais le contenu de cette fiducie sans droit de regard, je serais très surpris si je m'apercevais que toutes mes actions avaient disparu. Je suis sûr que s'il constatait la disparition des actions de Canada Steamship Lines, il demanderait une explication à quelqu'un.

La perception est une chose importante et je demande que le ministre des Finances donne une explication à la Chambre.

M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lors du débat sur ce projet de loi, vendredi dernier, le député d'Elk Island a posé au sujet du projet de loi S-3 et du ministre des Finances une série de questions qui rejoignaient les déclarations qu'a faites le député de St. Albert.

Comme le député a posé une question, qu'on me permette d'y répondre aux fins du compte rendu.

Tout d'abord, le ministre des Finances n'a participé à aucune étape de l'élaboration du projet de loi S-3, il n'a pas eu de discussions avec de hauts fonctionnaires au sujet de sa teneur, pas plus qu'il n'a reçu des instances sur ses répercussions. En fait, le ministre des Finances a expressément demandé que le ministère ne le mêle à absolument aucun aspect de ce projet de loi.

 

. 2015 + -

Permettez-moi de citer directement la note rédigée le 4 octobre 1995 par le sous-ministre des Finances d'alors, David Dodge. La note est adressée au ministre des Finances, avec copie au secrétaire d'État aux Institutions financières internationales qui était alors en poste:

    L'objet de la présente note est de vous informer que le Bureau du surintendant des institutions financières est en train d'étudier une question dans laquelle ou pouvez être ou sembler être en situation de conflit d'intérêts et dont, par conséquent, vous ne devriez pas vous occuper.

    Dans votre lettre du 3 mars 1994, vous avez demandé à ne participer à aucune discussion ni décision concernant Passage Holdings Ltd. Cette question porte sur le régime de retraite des membres de la Canadian Maritime Officers Union; parmi les participants à ce régime figurent des personnes employées à bord de navires appartenant au Groupe CSL et exploités par ce groupe, filiale de Passage Holdings, et le Groupe CSL contribue au régime de pensions. Le BSIF ne vous a encore adressé aucun document et, après discussion avec le bureau du conseiller en éthique, les fonctionnaires du ministère et du BSIF ont reçu instruction de faire en sorte que vous ne soyez mêlé à cette affaire d'aucune manière.

    Dans ce cas, ce n'est peut-être pas suffisant, car ces questions peuvent devenir du domaine public, ou des personnes en cause risquent de vous demander votre aide. M. Peters (alors secrétaire d'État) est au courant de la question et a été informé par les fonctionnaires du BSIF dans le cadre des responsabilités que vous lui avez demandé d'assumer à l'égard de la Loi sur les normes de prestation de pension. Si des questions vous étaient posées à la Chambre ou si vous receviez des demandes de renseignements directement du public, vous devriez refuser de vous en mêler et laisser M. Peters répondre au nom du gouvernement.

    Je fais parvenir copie de la présente note au conseiller en éthique et au greffier du Conseil privé pour qu'ils soient au courant de la situation.

Fidèle à l'esprit d'ouverture et à la transparence dont le ministre des Finances a témoigné, je mettrai volontiers le document à la disposition des autres députés.

Par conséquent, à l'origine, le projet de loi S-3 a été présenté à la Chambre des communes, en 1995, par le ministre de l'Industrie. Après les élections générales de 1997, il a de nouveau été présenté, mais cette fois-ci directement à l'autre endroit par le leader du gouvernement au Sénat.

Pendant tout le processus, le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales s'est chargé de gérer l'étude de cette mesure législative au sein du ministre des Finances et avec le Bureau du surintendant des institutions financières.

Je tiens simplement à rappeler que toute allégation de conflit n'est pas fondée. Le ministre ne s'est nullement occupé du projet de loi S-3 et a pris toutes les mesures nécessaires pour prendre ses distances.

J'espère que cela met les choses au clair.

M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, l'orateur précédent a tenu à préciser que le conseiller en éthique avait été consulté, avait fait connaître son opinion, et tout, et tout.

Selon mes notes, le 30 janvier, nous avons consulté le conseiller en éthique au sujet du rôle du ministre concernant ce projet de loi. Il nous a répondu que la caisse de retraite de Canada Steamship Lines a été constituée en société en vertu de la Loi sur les sociétés de caisse de retraite sous les auspices du ministère de l'Industrie et qu'elle ne serait donc pas directement visée par la Loi sur les normes de prestation de pension.

Voilà pourquoi dans mon intervention j'ai déploré la conduite du conseiller en éthique qui, de toute évidence, ne s'est pas gêné pour nous transmettre de faux renseignements, pour nous induire en erreur dans notre évaluation de la situation. De toute évidence, il avait été mis au courant de la situation beaucoup plus tôt et il savait que le problème touchait au ministre des Finances. Cela illustre le manque d'éthique du conseiller en éthique.

 

. 2020 + -

Encore une fois, la motion a été proposée à la Chambre par le ministre des Finances. Le secrétaire parlementaire soutient que le ministre des Finances a fait tout ce qu'il a pu pour ne plus être responsable de ce projet de loi. Pourtant, il aurait pu demander à un autre ministre ou même au secrétaire d'État de parrainer la motion. De toute évidence, il a préféré le faire lui-même.

Je ne suis pas certain, et je pense ici à l'importance des apparences et des perceptions dans de telles circonstances, qu'une présentation par le secrétaire d'État aurait suffi. Il est l'adjoint du ministre. Le secrétaire d'État actuel a été nommé par proclamation du Cabinet, conformément à l'article 11 de la Loi sur les départements et ministres d'État adoptée par le premier ministre Trudeau, en 1970.

Aux termes de cette disposition, un ministre d'État aide le ministre ou les ministres chargés d'un ministère dont il utilise les services et installations. Il est donc clair que le secrétaire d'État a librement accès aux fonctionnaires et aux bureaux du ministère des Finances.

En outre, un article paru le 25 juin 1997 dans la Gazette signale que le secrétaire d'État a été nommé conformément à l'article 11 de la loi et qu'il doit aider le ministre des Finances à s'acquitter de ses fonctions. Le secrétaire d'État n'est donc pas éloigné du ministre des Finances. Il est son adjoint.

Encore une fois, je pose la question et demande une confirmation: pourquoi le ministre des Finances a-t-il présenté ce projet de loi à la Chambre des communes alors qu'il aurait pu laisser le ministre de l'Industrie s'en charger, comme il l'a déjà fait auparavant, si le ministre des Finances savait fort bien que ce projet de loi le plaçait carrément en conflit d'intérêt?

M. Tony Valeri: Monsieur le Président, il est trompeur de dire que le ministre a parrainé le projet de loi. Cette motion est réputée avoir été déposée par les finances, mais c'est le sénateur Graham qui l'a parrainée. Le ministre des Finances ne l'a pas parrainé. Dans cette Chambre, cette motion est réputée avoir été présentée par les finances. C'est strictement une question de procédure.

J'en reviens au point que j'ai souligné plus tôt en rapport avec la perception, pour utiliser le mot du député. J'ai lu pour le compte rendu que dans une lettre du ministre des Finances en date du 3 mars 1994, ce dernier a demandé de ne pas être mêlé à quelque discussion ou décision touchant à la société Passage Holdings Inc. Il est donc clair que, déjà en 1994, cette demande avait été faite par le ministre.

En octobre 1995, le sous-ministre de l'époque a tracé les grandes lignes de la situation dans une note au ministre. Il a informé le conseiller en matière d'éthique et le greffier du Conseil privé de la situation. Le ministère et les responsables du BSIF ont reçu ordre de voir à ce que le ministre des Finances ne soit en aucune façon mêlé à ce dossier.

Le député peut poursuivre ses insinuations. Je suppose que c'est là le rôle de l'opposition. Je ne fais que rapporter les faits de façon très claire pour que tout le monde le sache. Les députés l'ont demandé et je mets les faits sur la table pour qu'on puisse les analyser.

Je rappelle à nouveau au député, s'il veut dire que le ministre des Finances a parrainé ce projet de loi à la Chambre, que ce projet de loi a été parrainé par le sénateur Graham. Il est réputé avoir été présenté par les Finances à la Chambre. C'est très clair. Je répète qu'il est trompeur d'affirmer que le ministre a parrainé cette mesure.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, nous avons encore ici une autre question connexe très substantielle. Cette caisse de retraite, celle de la CSL, affiche un énorme excédent. Comme l'a dit mon collègue, le député de St. Albert, il sera distribué très bientôt. Autrement dit, on va s'occuper de l'excédent. D'après les règles proposées dans le projet de loi S-3 et d'autres règles en la matière, le surintendant des institutions financières surveille la distribution de l'excédent.

 

. 2025 + -

L'ennui, c'est qu'il faut un vote des bénéficiaires du régime de retraite pour convenir de la façon dont l'excédent sera divisé. S'il n'y a pas d'entente, l'excédent ne sera pas divisé; il demeurera entre les mains de l'entreprise. Cependant, s'il y a entente, il pourra être divisé. On peut penser qu'une partie au moins ira aux bénéficiaires, aux anciens employés de l'entreprise.

Si les deux tiers d'entre eux votent en faveur de la répartition, le surintendant qui est nommé par le ministre des Finances surveillera l'opération. Si moins des deux tiers, mais au moins la moitié des bénéficiaires votent en faveur, la question doit être soumise à un arbitre. Et qui nomme l'arbitre? Il se trouve que c'est le surintendant des institutions financières.

C'est à des moments comme celui-ci que je regrette vraiment de ne pouvoir utiliser des aides visuelles, après avoir passé 31 ans dans l'enseignement. J'aimerais bien dessiner le schéma suivant: le ministre des Finances nomme le surintendant, qui à son tour nomme l'arbitre. Celui-ci est donc relié directement au ministre des Finances. Disons que les gens décident de partager moitié-moitié. Je crois comprendre que l'excédent de la caisse de retraite se chiffre à plus de 110 millions de dollars, ce qui veut dire qu'il pourra toucher 55 millions de dollars en cas de partage. Le tout relève du contrôle direct du ministre des Finances par le truchement du surintendant des institutions financières.

C'est une question qui exige une réponse. J'aimerais donc entendre la réponse du secrétaire parlementaire à ce sujet.

M. Tony Valeri: Monsieur le Président, je veux revenir aux observations qu'a présentées le député de St. Albert à l'égard de cet aspect du projet de loi. Le député a fait savoir que si au moins les deux tiers des membres étaient d'accord, ils s'occuperaient de l'excédent. Pour paraphraser ce qu'il a dit, il est difficile de contester la démocratie. Cela semble plutôt démocratique de donner à des personnes l'occasion de se prononcer sur une question qui les touche directement. La condition des deux tiers a donc été proposée.

Le projet de loi a fait l'objet de consultations. Des employés du ministère et d'autres intéressés de même que les secteurs concernés ont été consultés sur le projet de loi pour voir comment certains des changements envisagés seraient apportés. La proposition présentée au comité est considérée comme une mesure très positive. Elle permet aux employeurs et aux employés de décider, sans modifier les ententes sur les pensions, des droits sur l'excédent.

Je le répète, le projet de loi établit des conditions visant à assurer l'équité qu'au moins les deux tiers des membres approuvent. Si les deux tiers ne sont pas atteints, les parties peuvent recourir à l'arbitrage, mais seulement si elles le désirent. Il revient aux personnes qui sont directement visées d'en décider.

Je reviens à l'observation voulant que cela me semble plutôt démocratique. La seule chose contre laquelle je m'insurge, c'est la constante insinuation que toute cette affaire est en quelque sorte manipulée. Je souhaite seulement que les députés s'en tiennent aux faits dont ils sont saisis. J'encourage tout le monde à aller demander à un membre d'un régime de pension touché s'il estime devoir avoir le droit de décider ce qui devrait être fait.

Je peux seulement répondre à la question en disant que le député de St. Albert semble croire que c'est tout à fait démocratique. Je voudrais seulement que le député d'Elk Island le crût aussi.

 

. 2030 + -

Le président suppléant (M. McClelland): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

*  *  *

LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

 

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.) propose: Que les amendements que le Sénat a apportés au projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, soient lus pour la deuxième fois et adoptés.

—Monsieur le Président, tout le monde sait que Brandon était la capitale du blé du Canada et vous savez vous-même, monsieur le Président, en tant qu'habitant des Prairies, que ce projet de loi traite d'une question revêtant des accents théologiques pour un grand nombre des 5 millions d'habitants des trois provinces des Prairies.

C'est avec plaisir qu'au nom du ministre responsable de la Commission canadienne du blé je prends la parole sur les amendements proposés par l'autre endroit au projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais souligner la diligence dont le comité a fait preuve dans l'étude de ce projet de loi. Comme chacun sait, le Comité sénatorial a tenu des audiences à Brandon, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton, Winnipeg et Ottawa au cours de plusieurs semaines. Au cours de ces audiences, il a entendu 92 agriculteurs, 34 organisations agricoles et trois ministres provinciaux de l'Agriculture, qui ont présenté leur mémoire au ministre responsable de la Commission canadienne du blé, aux fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et à ceux de la commission en tant que telle.

Ces consultations se sont traduites par les amendements que le gouvernement a l'intention d'appuyer. Je ferai d'ailleurs de brèves observations sur ces trois amendements.

Le premier clarifie les conditions de nomination du président et précise que le ministre responsable doit consulter le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé au sujet des qualités attendues du président et du candidat que le ministre a l'intention de proposer. Il ordonne par ailleurs au conseil d'administration de fixer la rémunération du président avant que le ministre propose un candidat. Je crois que tous les députés comprennent pourquoi c'est là un bon principe.

Le gouvernement du Canada a toujours voulu que la structure de gestion de la Commission canadienne du blé repose sur un véritable partenariat entre les producteurs de l'ouest canadien et le gouvernement. Une structure de gestion modelée sur celle d'une entreprise privée est un bon moyen de faire fonctionner ce partenariat.

Sous le régime instauré par le projet de loi C-4, les producteurs de l'Ouest pourraient élire 10 des 15 membres du nouveau conseil d'administration et le gouvernement en nommerait quatre ainsi que le président directeur général, qui serait aussi membre du conseil.

On juge qu'il est approprié que le gouvernement continue de jouer ce rôle car il continue de garantir les paiements initiaux et les emprunts, qui valent des milliards de dollars, et il est donc logique de rendre des comptes aux contribuables canadiens dans toute la mesure du possible.

Pour que les agriculteurs de l'Ouest et les contribuables canadiens y trouvent leur compte et soient protégés, le comité a proposé de renforcer et de clarifier l'obligation, pour le ministre, de consulter les directeurs avant de recommander un candidat au poste de président. Aucune recommandation ne sera faite avant que le conseil d'administration ait fixé la rémunération du président et en ait informé le ministre.

En clarifiant l'obligation de consulter sérieusement les directeurs avant de nommer un président, l'amendement, s'il est adopté, garantira que des rapports harmonieux et productifs seront instaurés dès le départ entre le président et les autres membres du conseil.

Le gouvernement a toujours voulu que le conseil d'administration soit consulté avant la nomination d'un président.

 

. 2035 + -

Cet amendement précise cette intention et l'intègre dans la loi. Le gouvernement est très heureux de cette clarification.

Le deuxième aspect du projet de loi C-4 sur lequel le Sénat a proposé des amendements concerne la façon d'étendre à d'autres grains, ou de réduire, le champ d'application du mandat de commercialisation de la Commission canadienne du blé.

Le projet de loi prévoyait, sous sa forme originale, un processus permettant d'exclure tout type, toute catégorie ou tout grade de blé ou d'orge du champ de compétence de la CCB. De la même façon, il prévoyait aussi un processus permettant d'inclure d'autres céréales dans le champ de compétence de la Commission canadienne du blé.

Cette modification visait à combler une lacune dans la Loi sur la Commission canadienne du blé. Je suis sûr que tous les députés des Prairies savent que, actuellement, le processus pour changer le mandat de la Commission canadienne du blé n'est pas clair.

Les producteurs et les groupes de producteurs ont exprimé certaines préoccupations à l'égard du mécanisme d'inclusion et d'exclusion prévu à l'origine dans le projet de loi C-4. En fait, beaucoup de préoccupations ont été exprimées.

Je suis certain que mes collègues du parti de l'opposition s'empresseront de me demander pourquoi la question n'a pas encore été réglée.

L'amendement proposé par le Sénat répond à ces préoccupations. Il vise à remplacer les dispositions existantes relatives à l'inclusion et à l'exclusion des grains par des dispositions qui exigeraient que le ministre responsable de la Commission consulte le conseil, dont deux tiers des membres ont été choisis par les agriculteurs, et fasse voter les producteurs avant que tout grain puisse être inclus dans le champ de compétence de la commission ou en être exclu.

Le résultat de ce vote devrait être en faveur de la proposition d'ajouter ou d'exclure un grain avant que le ministre ne prenne une initiative quelconque. Le gouvernement est favorable au principe démocratique voulant que ce soient les producteurs qui décident des changements futurs au mandat de la commission.

Ce qui reste fondamental, c'est que ce sont les agriculteurs et non le gouvernement qui contrôleront les changements futurs aux pouvoirs de commercialisation de la commission.

Le troisième domaine dans lequel le comité a proposé des amendements est celui de la responsabilité financière de la Commission canadienne du blé et des producteurs qu'elle sert.

Le Sénat a recommandé que le vérificateur général du Canada soit autorisé à procéder à une vérification unique des comptes et des transactions financières de la Commission canadienne du blé, et à faire rapport au conseil d'administration de la commission et au ministre responsable.

En tant que membres du conseil d'administration, les 10 représentants élus par les agriculteurs auront entièrement accès au rapport. Le conseil d'administration contrôlera également le genre de renseignements qui seront rendus publics et ceux qui resteront confidentiels pour des raisons commerciales.

Le gouvernement reconnaît que les agriculteurs ont le droit de savoir comment leur organisme de commercialisation travaille en leur nom. La Commission canadienne du blé travaille pour eux, et non l'inverse et, par conséquent, la façon dont elle travaille leur importe.

Les députés doivent se souvenir toutefois que la Commission est un compétiteur important sur le marché international. Avec des ventes de 6 milliards de dollars par année, c'est le cinquième exportateur canadien.

Au nom des producteurs canadiens, la Commission commercialise le blé et l'orge dans plus de 70 pays à travers le monde. Le commerce des grains sur cette échelle est hautement compétitif. L'information est indispensable et la confidentialité est primordiale.

Qui vend quoi à qui et à quel prix? Ce sont là des renseignements de nature commerciale de la plus haute importance et qui pourraient faire beaucoup de tort aux travaux de la Commission du blé s'ils arrivaient aux oreilles de la concurrence.

De toute évidence, il faut établir un équilibre entre transparence et reddition de comptes à l'intention des producteurs, pour faire en sorte que le fonctionnement et les dossiers de la commission ne soient pas plus accessibles au public que ceux des sociétés céréalières privées qui lui font concurrence, et qu'ils ne puissent pas être examinés plus attentivement.

Dans l'intérêt de cet équilibre, des firmes comptables privées très respectables font déjà une vérification annuelle complète des chiffres de la Commission canadienne du blé. Le rapport des vérificateurs est public et accessible à tous.

Outre cette question d'information publique en vertu du projet de loi C-4, 10 des 15 membres du conseil d'administration seraient élus par les producteurs, et ces administrateurs auraient accès à toute l'information opérationnelle concernant la commission. Cette information comprend notamment le prix auquel le grain a été vendu, les meilleurs prix obtenus, tous les coûts de fonctionnement et le rendement de la commission.

 

. 2040 + -

De même, avec ce projet de loi, le gouvernement donne beaucoup plus de pouvoirs à la Commission canadienne du blé. Une fois ce projet de loi adopté, la commission cessera d'être un agent de Sa Majesté et une société d'État. Les producteurs seront finalement maîtres de l'avenir de la commission.

Tous ces facteurs rendent moins nécessaire la responsabilité actuelle du vérificateur général de vérifier les livres de la commission. Néanmoins, si cet examen supplémentaire par le vérificateur peut accroître la transparence et l'obligation de rendre des comptes de la commission, et dissiper des inquiétudes très sincères, le gouvernement est prêt à appuyer cet amendement et à autoriser le vérificateur général à vérifier les comptes et les transactions financières de la commission.

Le gouvernement continue à penser que ce sont les administrateurs qui, grâce à leur connaissance intime du fonctionnement interne de la commission, sont les mieux placés pour décider des renseignements contenus dans le rapport du vérificateur général qui peuvent être rendus publics et de ceux qui, pour des raisons commerciales, doivent rester confidentiels.

Je tiens à féliciter l'autre endroit pour le travail qu'il a fait sur le projet de loi. Les amendements qu'il propose sont bons et c'est avec plaisir que j'appuie la motion en faveur de leur adoption. Il est important qu'ils soient acceptés rapidement par la Chambre afin que l'élection des 10 membres du conseil d'administration élus par les agriculteurs puisse avoir lieu à l'automne et que l'avenir de la commission repose désormais entre les mains des producteurs.

Ce projet de loi est le résultat de vastes consultations dont la teneur a été discutée, disséquée, débattue et commentée ad nauseam, diraient certains. On peut véritablement dire que cette mesure législative est probablement l'une de celles qui aient fait l'objet des débats les plus approfondis de mémoire récente.

J'exhorte mes collègues à appuyer ces amendements fort raisonnables afin que les agriculteurs de l'Ouest puissent aller de l'avant avec une Commission canadienne du blé modernisée et tenue de rendre des comptes.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, l'exposé du ministre m'a beaucoup plu. Je ne savais pas au juste s'il parlait de la Commission canadienne du blé ou de la Commission du blé de l'Amérique latine. Sa façon de décrire la Commission du blé semblait boiteuse.

Je voudrais éclairer quelque peu les députés sur la raison pour laquelle la Chambre est saisie de ce projet de loi. Je me dois d'être d'accord avec le gouvernement libéral. Il a enfin présenté un projet de loi après des consultations d'environ cinq ans, qui remontent à mon arrivée à la Chambre.

Ce projet de loi sur la Commission du blé découle du mécontentement des agriculteurs parce que leur blé gelé n'a pu être vendu en 1992-1993, parce que la Commission canadienne du blé n'a pas réussi à vendre leur blé touché par la fusariose et que les agriculteurs ont dû le faire eux-mêmes et ont trouvé un marché. Ils ont trouvé de meilleurs prix que ceux que la Commission du blé leur avait offerts.

C'est ce qui a causé une grande agitation dans l'ouest du Canada. Tout à coup, les agriculteurs se sont rendus compte qu'ils pouvaient vendre leur blé et leur orge comme ils pouvaient vendre leur colza, leur lin, leurs lentilles et leurs pois, et obtenir de meilleurs prix. C'est là que le débat a commencé.

J'ai été encouragé à la Chambre lorsque, après beaucoup de discussions à la réunion du Comité de l'agriculture, le ministre chargé de la Commission du blé a dit: Présentons un projet de loi. Voyons voir ce que nous devrions faire, mais, tout d'abord, nous devrions tenir des consultations. Ce n'était pas une mauvaise idée. Je dois en attribuer du mérite au ministre chargé de la Commission du blé. Je dois également lui accorder le mérite d'avoir mis sur pied le groupe d'étude sur la commercialisation du grain de l'Ouest, qui s'est déplacé dans tout l'ouest du Canada pour savoir ce que les agriculteurs voulaient vraiment que renferme la nouvelle mesure législative.

Lorsque le groupe d'étude, après environ un an de consultations et de déplacements, a rédigé son rapport, étonnamment, la majorité des agriculteurs ont accepté les conseils du groupe d'étude, qu'ils ont jugés assez bons. Ils allaient avoir des choix. Ils pourraient vendre une partie de l'orge qu'ils produisent par l'intermédiaire de la Commission ou sans elle. Ils pourraient destiner jusqu'à 25 p. 100 de leur blé à la vente sur le marché au comptant. Certains agriculteurs plus radicaux qui voulaient être totalement libres de vendre leur grain ont dit qu'ils pourraient composer avec cette situation. Ils étaient disposés à en faire l'essai pour voir.

 

. 2045 + -

C'est alors que le gouvernement libéral a commis une erreur. Il n'a pas apprécié ce que le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest lui a dit et il a décidé de lancer une consultation par écrit. Il a fallu de quatre à cinq mois avant de recevoir toutes les lettres et de connaître les avis des agriculteurs. Je ne pense pas que ces avis différaient vraiment des témoignages qu'avait entendus le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest.

Pour une raison quelconque, le gouvernement et le ministre paraissaient simplement incapables de comprendre. Les agriculteurs étaient insatisfaits du système de commercialisation et voulaient plus de liberté. Nous avons finalement légiféré.

Encore une fois, je dois reconnaître le mérite du gouvernement. Nous sommes allés discuter du projet de loi C-72 partout dans l'Ouest du Canada et, d'un bout à l'autre des Prairies, nous avons entendu la même chose. Les agriculteurs voulaient plus de liberté pour vendre leurs produits. Ils voulaient décider eux-mêmes comment vendre leur grain. Les céréaliculteurs forment l'entreprise la plus productive au monde du secteur agricole, mais, avec les prix qu'ils reçoivent de leur commission du blé, ils ne peuvent joindre les deux bouts.

Un nombre grandissant d'agriculteurs se sont tournés vers les cultures spéciales et ont graduellement réduit la quantité de blé à vendre par l'intermédiaire des commissions chaque année. Cela nuit à notre industrie agricole parce qu'il faut un système de rotation pour assurer une bonne intendance des terres et garantir un avenir prometteur en agriculture pour les futures générations.

À la fin de nos travaux, le projet de loi C-72 aurait pu être adopté, mais une erreur a été commise au cours des audiences. Ce fut une erreur tout à fait regrettable car elle a suscité beaucoup de division. Un député libéral a présenté un amendement, soit une disposition dite d'inclusion. Cette mesure a suscité beaucoup de division dans l'Ouest. Il y avait des gens qui ne voulaient rien savoir de l'idée de faire passer d'autres grains par la Commission canadienne du blé. Tout ce qu'ils souhaitaient comme réforme, c'est que la Commission du blé finisse par devoir rendre des comptes et qu'elle s'occupe comme il faut de la commercialisation de leurs grains.

À mon avis, c'est le Globe and Mail qui l'a le mieux exprimé juste avant le projet de loi C-4. Il a déclaré que, si la Commission canadienne du blé ne pouvait pas être contrainte à rendre des comptes et si elle ne mettait pas tout en oeuvre pour vendre le grain au meilleur prix, pourquoi les agriculteurs en voudraient-ils?

Monsieur le Président, je suis que si vous aviez une entreprise et que la personne qui la gérait en votre nom ne vendait pas vos produits au meilleur prix, qu'elle ne se préoccupait de vous faire réaliser des bénéfices et que votre entreprise était toujours en déficit, vous ne la garderiez pas longtemps à votre service ou bien c'est vous qui seriez acculé à la faillite. C'est précisément le problème auquel les agriculteurs sont confrontés en ce moment.

Les agriculteurs disparaissent de l'Ouest comme les mouches à l'automne. Les fermes sont de plus en plus grosses et l'endettement des agriculteurs est de plus en plus important. Notre secteur agricole s'en va à vau-l'eau. Voilà pourquoi il importe tant de ne pas répéter cette erreur dans ce cas-ci.

Soit, ces amendements constituent autant de pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant en ce qui concerne les agriculteurs de l'Ouest. Tout d'abord, le projet de loi devrait comporter un préambule où il serait dit que la Commission canadienne du blé a essentiellement pour mandat de vendre le grain dans le meilleur intérêt des agriculteurs.

Confier à la Commission canadienne du blé le simple mandat de procéder convenablement à la commercialisation du grain et d'assurer son transport, voilà qui n'est pas suffisant aux yeux des agriculteurs. Pour rester en affaires, il leur faut réaliser des bénéfices.

 

. 2050 + -

Pourquoi le gouvernement hésite-t-il tellement à inclure un préambule ou un article qui dirait que le principal mandat de la commission du blé est de vendre le grain au meilleur prix possible? Non pas toujours au prix le plus élevé, mais au meilleur prix possible. C'est ce qu'ont fait les agriculteurs en 1992 et 1993. Ils ont trouvé des marchés meilleurs que ceux que leur trouvait la Commission canadienne du blé.

Est-ce un péché? Je pose la question au ministre. Est-ce un péché d'adopter une loi qui assurerait ces avantages? Voilà pourquoi j'ai de la difficulté à appuyer ce projet de loi avec les amendements proposés par le Sénat. Ce sont de bons amendements, mais ils ne vont pas assez loin.

J'ai pris connaissance de quelques notes qui indiquent ce que le Sénat a dit après la tenue des audiences. Il est apparu très clairement, tout au long des audiences, que la majorité des agriculteurs n'étaient pas satisfaits du projet de loi.

Les amendements mineurs et dilués qui y ont été apportés ne vont pas résoudre les problèmes dans l'ouest du Canada. Ils ne vont pas unir les agriculteurs, qui discutent depuis près de dix ans pour savoir s'il faut créer un système de marchés ouverts, un monopole des ventes, un système mixte de commercialisation ou une commission du blé avec participation facultative.

Nous examinerons ces questions au cours des prochains jours, dans la mesure où le gouvernement libéral nous donnera le temps de débattre ces amendements. Je crois qu'il est très important de ne pas partir en vacance avant d'avoir adopté ce projet de loi et des amendements qui créeront une plus grande unité parmi les agriculteurs de l'Ouest.

Autrement, nous perdrons encore une plus grande partie du grain mis en marché par la commission. Les agriculteurs en produiront de moins en moins et le système finira par mourir de lui-même. Il n'y aura plus besoin d'une commission du blé car les agriculteurs ne produiront plus que des cultures spéciales.

Monsieur le Président, je voudrais vous poser une autre question. Vous êtes un homme sage et un homme d'affaires avisé. L'amendement proposé par le Sénat dit que le ministre ne nommera pas de président à moins que le conseil n'ait fixé sa rémunération et n'en est informé le ministre.

Le ministre peut nommer le président. Il peut choisir qui il veut. Ce pourrait être son gendre, son épouse, mais le conseil aurait le droit de fixer sa rémunération. Monsieur le Président, si vous deviez embaucher une personne dans votre entreprise, tout en sachant que cette personne a déjà été congédiée par les cinq entreprises précédentes pour lesquelles elle a travaillé, quel salaire seriez-vous prêt à lui donner? Lui confieriez-vous un poste bien rémunéré? La placeriez-vous tout en haut de l'échelle avec les autres administrateurs ou refuseriez-vous de lui donner quoi que ce soit, de manière à ce qu'elle parte avant même d'avoir été embauchée?

Je vois d'ici ce qui va arriver. Il va y avoir des problèmes entre la Commission et le Conseil car si les administrateurs estiment que le président ou le président-directeur général n'est pas capable de remplir ses fonctions ou n'est pas prêt à le faire, la rémunération va être telle qu'il ne pourra pas rester très longtemps. Et donc, le président-directeur général changera régulièrement. Les agriculteurs exigeront que celui-ci s'acquitte de ses fonctions.

C'est le gros problème que je vois dans cet amendement. Le type peut plaire au ministre. Le ministre peut dire: «Il a beau avoir une carte de membre du Parti libéral, ce sont les administrateurs qui vont décider de la rémunération et c'est là le problème.» En tant qu'agriculteur, je dirais: «Faites-le payer pour travailler pour vous s'il n'a pas les qualifications nécessaires car nous allons nous débarrasser de lui de toute façon. Alors pourquoi dépenser de l'argent pour lui?» C'est l'un des gros problèmes de cet amendement.

L'autre problème que je vois concerne la vérification par le vérificateur général. Nous avons proposé un amendement disant que la vérification devrait être effectuée par le vérificateur général parce que la plupart des agriculteurs le respectent et lui font confiance. C'est un document que les agriculteurs liraient. Chaque fois que le vérificateur général a produit un rapport—même s'ils ne lisent pas beaucoup—cela ils le lisaient car ils savaient ce qu'un bon travail signifie pour une industrie et ce qu'une vérification bien faite signifie pour une entreprise.

 

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Dans ma région, tout le monde discutait au café des problèmes soulevés par le vérificateur général, lorsqu'il disait que le gouvernement avait encore gaspillé des centaines de millions de dollars en paiements d'aide sociale en trop, en voyages à l'étranger, etc. Ils auraient très volontiers accepté que le vérificateur général examine les livres.

Cet amendement dit qu'il y aura une vérification ponctuelle et que le vérificateur pourra la faire dans les deux ans suivant l'adoption du projet de loi. Il pourra choisir l'année. Je suis persuadé que le vérificateur général aura la sagesse de choisir parmi les années les plus près de la fin pour se faire une bonne idée.

Toutefois, si les pressions politiques se font assez vives, il pourrait fort bien vérifier les livres de 1943, ce qui ne nous serait pas très utile, vous en conviendrez. Il y a un autre problème. Il faudrait préciser quelles années feront l'objet d'une vérification et quand les résultats de la vérification doivent être communiqués. Nous devrions avoir une vérification d'optimisation des ressources pour savoir si la commission a fait un travail à moitié convenable au cours des deux ou trois dernières années. C'est un autre gros problème que je décèle dans ces amendements.

Le troisième problème, c'est l'élimination des dispositions sur l'ajout et la suppression de cultures relevant de la commission. Selon l'amendement, le ministre a une sorte de pouvoir de manipulation pour faire procéder à un vote. Mais s'il ne veut pas, personne ne peut le forcer à inviter les agriculteurs à se prononcer. Aucun mécanisme n'est prévu à cet égard. Ce genre de disposition pourrait opposer certains producteurs.

Je ne pense pas que les agriculteurs accepteront ce projet de loi tel quel. Il faudra le leur imposer. Nous savons qu'après que cette situation aura duré un certain temps, où les gens n'ont pas leur mot à dire quant à ce qu'ils font ou ce qu'ils veulent faire, le système finira par se détruire lui-même.

C'est en 1994 que j'ai parlé pour la première fois de la Commission canadienne du blé. J'ai entendu tout ce que disaient les agriculteurs qui déploraient que la Commission ne rende pas de comptes et qui entretenaient des soupçons à son sujet. Si la Commission ne devient pas plus transparente et responsable, la méfiance suffira à la détruire éventuellement, même si elle a passablement bien travaillé. Quand les gens voient une entité fermée qui est incapable ou peu disposée à donner aux gens concernés, les agriculteurs en l'occurrence, l'occasion de voir ce qu'elle fait, ils finissent par la rejeter, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Nous avons vu cela dans d'autres secteurs. La transparence, la concurrence et l'équité nous donnent l'entité et la concurrence dont nous avons besoin pour qu'un organisme fonctionne bien et accomplisse du bon travail pour les agriculteurs.

Il est impérieux de ne pas adopter cette mesure législative si nous ne réussissons pas à y faire inclure en préambule que la Commission doit être transparente et rendre des comptes aux agriculteurs. Si elle doit être transparente et rendre des comptes uniquement pour l'entreprise ou le ministre, la méfiance persistera et la Commission ne fonctionnera jamais comme il faut ou du moins pas à sa pleine capacité.

Il nous faut un système dans lequel nous puissions avoir confiance, comme c'est le cas d'un gouvernement. Les libéraux verront que, plus il y a de la méfiance, plus la situation empirera. Je parierais mon dernier dollar qu'en 1993 lorsque le gouvernement conservateur a mordu la poussière, ce n'était probablement pas à cause du mauvais travail qu'il a fait, mais à cause de la méfiance des gens qui croyaient qu'il ne faisait pas du bon travail.

On dit toujours qu'un gouvernement n'est pas élu; un gouvernement est défait. C'est la même chose dans le cas de la Commission canadienne du blé. La Commission se détruira elle-même si elle ne devient pas responsable et si elle ne donne pas aux agriculteurs l'occasion de lui faire confiance.

 

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C'est pourquoi je soutiens qu'une adhésion facultative à la Commission canadienne du blé rendrait cet organisme plus efficace. Celui-ci ferait probablement plus d'affaires parce qu'il devrait faire concurrence à d'autres compétiteurs. La commission est la mieux placée pour faire du bon travail. Avec son mandat, et compte tenu du volume de grains à laquelle elle a accès, elle devrait faire mieux que n'importe quel agriculteur individuel.

Je peux voir que si la commission regagne la confiance des intéressés et qu'elle fait du bon travail, celle-ci pourrait éventuellement commercialiser d'autres types de grains. Toutefois, si cette confiance n'est pas rétablie, les agriculteurs s'en rendront compte. En fin de compte, ceux-ci doivent se nourrir. Ils doivent absorber les coûts liés à leur machinerie et à leurs intrants. Il faut que le système fonctionne. Si le système ne permet pas de faire de l'agriculture une entreprise viable, il échouera.

Je tiens à préciser qu'en 1935 la Commission canadienne du blé n'exerçait pas un monopole. Un double système de commercialisation était alors en place. La commission a été mise sur pied pour faire concurrence aux compagnies de grains, qui ne faisaient probablement pas du bon travail.

En 1943, la commission assuma son monopole, non pas pour augmenter les prix au bénéfice des agriculteurs, mais plutôt pour contrôler les prix et permettre au gouvernement de vendre le grain à nos alliés à un prix inférieur. Je ne pense pas qu'un seul agriculteur de l'Ouest se soit opposé à participer à l'effort de guerre en acceptant un prix inférieur, de façon à aider les alliés dans leur lutte contre les nazis, les impérialistes, qu'on les appelle comme on voudra.

J'ai pensé que le ministre aimerait savoir que la commission n'exerçait pas un monopole à l'époque et qu'elle fonctionnait très bien dans un contexte de concurrence. C'est dans cette direction que l'on devrait s'orienter. J'espère que les libéraux sont assez futés pour inclure cet amendement et s'en approprier le crédit, au lieu que les réformistes le fassent à leur place.

Le président suppléant (M. McClelland): Nous passons maintenant aux déclarations de 20 minutes au maximum, avec 10 minutes pour les questions et les observations.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat ce soir sur le projet de loi C-4. Si je me rappelle bien, et je remonte seulement à septembre dans cette Chambre, cela a été le premier projet de loi que la Chambre a étudié. Nous l'avons renvoyé immédiatement au comité. Il convient dans ces derniers jours de la session, semble-t-il, de nous pencher encore là-dessus.

Dans le temps à ma disposition ce soir, je veux brièvement revoir l'historique du projet de loi et expliquer pourquoi le caucus néo-démocrate ne va pas et ne peut pas appuyer ce projet de loi. Plus particulièrement, nous ne pouvons souscrire aux amendements proposés par le Sénat.

Ce projet de loi sur la Commission canadienne du blé a suivi une voie longue et tortueuse qui a précédé mon arrivée. En décembre 1996, le gouvernement a présenté le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. Notre caucus, qui était alors plus petit, s'est opposé au projet de loi pour des raisons que je décrirai plus tard. On a ensuite renvoyé ce projet de loi au Comité de l'agriculture. Notre parti et d'autres ont déployé d'énormes efforts au comité. Ils ont proposé des amendements utiles, mais nous avons été dépassés par les événements et le projet de loi est mort au Feuilleton lorsqu'on a déclenché les élections fédérales de 1997, en avril dernier.

À la suite de ces élections, en septembre, le projet de loi sur la Commission canadienne du blé a été présenté à nouveau, sous la forme du projet de loi C-4. Notre caucus avait des préoccupations graves au départ, mais nous voulions attendre de voir ce que le gouvernement avait à l'esprit et nous nous sommes lancés dans le débat avec un esprit ouvert. Dans le débat de l'automne dernier, je me rappelle avoir dit que si le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire pouvait apaiser nos craintes, nous pourrions appuyer le projet de loi.

 

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Il a été renvoyé au comité permanent, mais mon optimisme n'était pas justifié. J'ai constaté que les travaux du comité ne servaient pas vraiment à grand-chose. Les libéraux n'étaient pas réellement intéressés à faire des concessions et on a accéléré indûment les délibérations du comité. À quel point?

Je me rappelle très bien la journée où Lorne Hehn, le président de la Commission canadienne du blé, est venu témoigner devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Nous devions, en tant que parti d'opposition, soumettre nos amendements, proposer nos modifications. Nous devions pouvoir le faire avant que la Commission canadienne du blé ne fasse son exposé devant le comité. Nous ne pensions pas alors et ne pensons toujours pas que c'est une façon de procéder.

Le projet de loi est revenu à la Chambre en février. Notre caucus ne pouvait l'appuyer même si nous voulions voir la fin de l'incertitude entourant la Commission canadienne du blé. Comme nous le savons tous, le projet de loi a été ensuite renvoyé au Sénat, et le Comité de l'agriculture de cet endroit a décidé de tenir des audiences publiques. Les sénateurs ont proposé trois amendements et formulé plusieurs recommandations. Je vais décrire ces amendements dans un instant et expliquer à nouveau pourquoi nous ne pouvons les appuyer.

Tout d'abord, je veux résumer ce qui nous préoccupe le plus dans le projet de loi C-4. Essentiellement, les néo-démocrates ont toujours appuyé la Commission canadienne du blé, parce qu'elle travaille dans l'intérêt des céréaliculteurs de l'ouest du pays. Comme le projet de loi C-4 mine la commission, nous nous y opposons.

Comment la mesure législative mine-t-elle la commission? Premièrement, le projet de loi C-4 prévoit l'achat au comptant. À notre avis, cela va à l'encontre d'un des principes fondamentaux de la commission du blé et ébranlera la confiance des agriculteurs dans la commission. Selon le projet de loi C-4, la commission pourra acheter des céréales de n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, à n'importe quel prix. Cela perturbe la pratique de longue date de la commission, qui achetait les céréales des agriculteurs à des prix annoncés et qui répartissaient les profits entre tous les producteurs de façon équitable.

Deuxièmement, le projet de loi C-4 propose un fonds de réserve qui coûtera aux agriculteurs des millions de dollars en prélèvements. Ce fonds n'est pas nécessaire. Les agriculteurs n'ont pas les moyens d'avoir un tel fonds et n'en veulent pas. Le ministre soutient que ce fonds peut être plafonné à 30 millions de dollars, ce qui est une nette amélioration par rapport au fonds de réserve de 575 millions ou de 600 millions de dollars dont on parlait l'automne dernier, lorsque le comité sénatorial étudiait la question. Que ce soit 30 millions ou 575 millions de dollars, c'est trop élevé et inutile.

Cette proposition découle des dispositions du projet de loi qui prévoit des achats au comptant. Un fonds de réserve serait inutile si le gouvernement à Ottawa continuait d'offrir des garanties financières à la commission, comme il l'a toujours fait. Qu'elles aient été créées en 1935 ou en 1943, ces garanties font partie depuis longtemps de l'histoire de la Commission canadienne du blé et ont rarement été utilisées. Par conséquent, elles n'ont presque rien coûté aux contribuables canadiens au cours de leur 60 années d'existence.

Nous voulons que le gouvernement canadien continue de garantir aux agriculteurs l'acompte à la livraison et l'ajustement de fin de campagne. Voilà l'essentiel d'un amendement néo-démocrate que le gouvernement a toujours rejeté.

Enfin, il y a la question de l'organisation sociale de la commission. Pendant 60 ans, la commission du blé, en tant qu'organisme d'État, a accompli un travail colossal au nom des agriculteurs. Le gouvernement propose maintenant que la Commission cesse d'être un organisme d'État et affirme que le projet de loi C-4 donnera aux agriculteurs un certain contrôle sur l'avenir de la Commission du blé.

Le projet de loi C-4 propose la formation d'un conseil d'administration composé de 15 membres, dont dix seraient élus et cinq seraient nommés par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire par Ottawa. S'il doit y avoir un conseil d'administration, nous ne voyons aucun problème à ce que le gouvernement y nomme un certain nombre de membres. Si le gouvernement doit avoir une certaine participation financière, et c'est le cas, il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il ait un certain aperçu des opérations du Conseil.

Aux termes du projet de loi C-4, le ministre conserve le pouvoir de choisir le président du conseil d'administration. Cette même personne occupera également le poste de premier dirigeant de la Commission canadienne du blé. Notre caucus s'oppose à cette proposition.

Nous sommes d'avis que cela donne au gouvernement trop de contrôle sur un conseil d'administration qui devrait en fait avoir des comptes à rendre aux agriculteurs. On entend souvent le gouvernement dire qu'il remet la Commission aux agriculteurs. Toutefois, à chaque fois qu'il se retrouve coincé, il semble qu'il redevienne très vite conscient de son pouvoir. Je songe par exemple au fait que le vérificateur général aura maintenant le pouvoir d'examiner et d'analyser le bilan de la commission du blé. Deloitte & Touche, qui s'occupe de la comptabilité depuis longtemps, a toujours fait un travail admirable. Nous n'en voyons pas la nécessité, particulièrement si l'on tient compte du fait que la commission est censée être remise aux agriculteurs.

 

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Nous croyons que le conseil d'administration devrait avoir la possibilité de choisir le président et le premier dirigeant et nous avons toujours demandé au ministre responsable de la commission du blé d'apporter cette modification.

Si la commission du blé doit être gérée par un conseil d'administration, les élections au conseil doivent se tenir de façon honnête. Elles doivent être tenues pour les agriculteurs et par les agriculteurs et nous ne croyons pas qu'il soit dans l'intérêt de qui que ce soit de laisser des intérêts étrangers s'immiscer dans ce processus.

Les amendements que nous avons proposés à l'étape du rapport prévoient que chaque producteur a un droit de vote. Je constate que les sénateurs sont d'accord avec nous sur ce point et qu'ils ont proposé la même chose que nous. Cependant, ils n'en ont pas fait un amendement.

Des élections justes auront également pour effet de limiter les dépenses électorales des candidats, tout comme elles le sont aux élections provinciales et fédérales, afin que les nantis, en l'occurrence les producteurs prospères, ne jouissent pas d'avantages indus. C'était un autre de nos amendements, et les sénateurs ont proposé la même chose.

Des élections justes auront pour effet aussi l'établissement de limites strictes et transparentes pour les dépenses des tiers. La Commission canadienne du blé est, après tout, une industrie de 6 millions de dollars et certains intérêts financiers voudraient bien mettre la main dessus. Nous ne voulons pas qu'ils se servent de leurs abondantes ressources financières pour influencer indûment les élections au conseil d'administration.

Quant à la disposition d'inclusion, nous avons toujours soutenu, dans notre caucus, que l'un des points positifs du projet de loi C-4, du moins jusqu'à ce que les sénateurs s'en mêlent, c'est qu'il prévoyait l'ajout de grains supplémentaires à ceux que gérait déjà la Commission canadienne du blé.

Le projet de loi C-4 aurait permis aux agriculteurs de décider d'ajouter des grains à ceux dont s'occupait la commission, aussi bien que d'en supprimer. Une telle disposition d'inclusion ou d'exclusion aurait pris effet uniquement après un vote des producteurs. Notre parti appuie fermement une telle disposition. Nous pensons que c'est une proposition sensée, modérée et démocratique.

Je me souviens fort bien que, lorsqu'il a comparu devant le comité en novembre dernier, le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan a dit très clairement que, à son avis, on lierait les mains de la future Commission canadienne du blé en limitant, comme le propose le projet de loi à l'étude, les dispositions sur l'inclusion et l'exclusion. M. Upshall a expliqué qu'on ne pouvait pas savoir ni prévoir quels seraient les besoins de la Commission canadienne du blé dans 10 ans et qu'il ne voyait pas l'utilité d'aller aussi loin. J'étais d'accord avec lui en novembre et je le suis encore plus maintenant, étant donné les changements proposés par l'autre endroit.

Nous nous y opposons et nous reconnaissons que les agriculteurs de l'Ouest se sont prononcés sur l'exclusion dans le cadre d'un scrutin qui a eu lieu en 1997 et que, à cette occasion, 63 p. 100 ont souhaité que l'orge continue de relever de la commission. La coalition des entreprises et certains de ses partenaires demandent que la disposition au sujet de l'inclusion soit supprimée du projet de loi C-4. J'ai expliqué pourquoi nous nous y opposons.

Essentiellement, nous pensons que ce sont les agriculteurs, et non pas les entreprises, qui devraient discuter de l'avenir de la commission du blé. Sincèrement, nous pensions que le ministre responsable de la Commission canadienne du blé tiendrait, au début de 1998, le même discours que l'automne dernier.

Vous comprendrez notre étonnement lorsque, à la onzième heure du débat à l'étape de la troisième lecture, le ministre responsable de la commission du blé a cédé aux pressions des entreprises et qu'il a proposé à la Chambre d'accepter un amendement qui supprimerait les dispositions sur l'inclusion et l'exclusion, amendement qui fait exactement ce que le lobby contre le projet de loi C-4 réclamait depuis le début. L'amendement proposé par le ministre lui aurait permis de décider du moment où se tiendrait un vote visant à inclure ou à exclure une sorte de grain.

Voilà un autre exemple qui montre bien que le gouvernement veut donner plus de pouvoirs aux producteurs sauf lorsque les choses se corsent. Le caucus a dit non. Le ministre dit que le conseil d'administration de la commission du blé a de véritables pouvoirs. Si c'est le cas, comment se fait-il qu'il a retiré les pouvoirs aux membres du conseil d'administration avant même d'avoir pu les leur conférer? S'il est vraiment en faveur de la démocratie, pourquoi le ministre n'a-t-il pas accepté l'amendement qui aurait permis aux membres du conseil d'administration de décider précisément du moment de la tenue d'un scrutin?

C'est dans ce contexte que le projet de loi C-4 a été renvoyé au Sénat.

 

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Comme il a été mentionné tout à l'heure, les sénateurs ont tenu des audiences et se sont prononcés. Ils ont proposé trois amendements et fait deux recommandations.

Le plus important de ces amendements est l'élimination des dispositions sur l'inclusion et l'exclusion. Fondamentalement, le Sénat a cédé au lobby des entreprises agricoles qui tenaient tellement à ce que la clause d'inclusion soit éliminée qu'ils étaient prêts à accepter que la clause d'exclusion soit éliminée elle aussi. Les deux allaient ensemble.

Malheureusement, cela pourrait très bien avoir été fait de concert avec le ministre responsable, qui avait tenté de faire exactement cela en proposant un amendement de dernière minute avant que nous votions en troisième lecture en février dernier.

Nous croyons que l'amendement du Sénat laisse la décision initiale sur l'inclusion ou l'exclusion d'une céréale au ministre plutôt qu'au conseil d'administration. Les producteurs ne pourront se prononcer par scrutin sur l'inclusion ou l'exclusion d'une céréale que lorsque le ministre en décidera ainsi.

Pour mettre la barre encore plus haut, le Parlement devra légiférer sur l'inclusion ou l'exclusion d'une céréale, même après un vote des agriculteurs.

Les sénateurs offrent une solution qui rendrait pratiquement impossible un ajout au mandat de la commission ou un retranchement.

Comme je l'ai déjà dit, la clause d'inclusion était un des rares traits qui rachetaient le projet de loi C-4, mais les sénateurs, apparemment sur les instances du ministre responsable, l'ont vidé de toute substance.

Les députés néo-démocrates s'opposent à l'élimination de la clause d'inclusion d'autant plus que cela se fait de façon antidémocratique. Nous croyons savoir qu'il faut accepter ou rejeter en bloc les amendements proposés par le Sénat. Compte tenu des sérieuses réserves que nous avons à l'égard de la clause d'inclusion, nous contestons l'ensemble.

Nous croyons que les agriculteurs appuient la commission du blé parce qu'elle fonctionne et qu'elle a toujours fonctionné dans leur intérêt supérieur. À l'instar des agriculteurs, les néo-démocrates appuient la commission du blé. La Commission canadienne du blé a 60 ans d'expérience internationale et est une des meilleures organisations de commercialisation des grains au monde.

Il y a deux mois, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un spécialiste en agriculture du Chili qui m'a fait remarquer que les céréales étaient le produit le plus important à être exporté du Canada vers ce pays d'Amérique du Sud. Je lui ai demandé ce qu'il pensait de la commission du blé. Il avait demandé aux meuniers de Santiago pourquoi ils payaient une prime supplémentaire de 8 ou 10 p. 100 sur les grains de la Commission canadienne du blé plutôt que d'acheter leurs céréales aux Américains ou sur le marché international.

Les meuniers lui ont répondu qu'ils pouvaient toujours compter sur les grains de la Commission canadienne du blé parce qu'ils savaient qu'ils obtenaient exactement ce que leur promettait la commission. Par contre, les Américains leur vendaient tel pourcentage de ceci ou cela ou autour de ce volume. Il était très impressionné que les meuniers lui aient dit que cela ne valait pas la peine pour 8 ou 10 p. 100. Ils pouvaient dormir tranquilles en sachant qu'ils allaient recevoir exactement ce qu'ils avaient commandé. Je crois que c'est un point très important qui n'échappe nullement à beaucoup de céréaliculteurs de l'ouest du Canada.

Nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi C-4 parce qu'il mine la Commission canadienne du blé et partant, la sécurité d'avenir des céréaliculteurs canadiens.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, j'ai beaucoup aimé le discours de mon collègue du NPD. Je voulais lui poser quelques questions. Je voulais notamment lui demander s'il était en faveur d'inclure dans le préambule un texte donnant à la commission le mandat de travailler dans l'intérêt des agriculteurs et non dans son propre intérêt.

Je dois d'abord féliciter le député pour ses remarques concernant le fait que les acheteurs étrangers achètent notre grain à cause de sa qualité. J'ai entendu si souvent le député de Malpeque dire que c'était la Commission canadienne du blé qui réussissait à obtenir un si bon prix pour notre grain, alors que j'ai toujours maintenu que c'était les agriculteurs qui rapportaient cet argent supplémentaire en offrant un produit de qualité.

J'aimerais que le député fasse quelques remarques au sujet du dernier sondage en Saskatchewan. Comme nous le savons, les agriculteurs de cette province ont toujours fortement appuyé la Commission canadienne du blé, mais le député provincial libéral de la région de Yorkton—Melville a fait un sondage dans sa circonscription et a découvert que 62 p. 100 de ses électeurs voteraient maintenant en faveur d'un système mixte de mise en marché, ce qui était très surprenant.

 

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Je me demandais comment le député pourrait expliquer ce changement soudain. Auparavant, la philosophie était qu'on ne pouvait pas faire pousser du grain sans la Commission canadienne du blé.

M. Dick Proctor: Monsieur le Président, pour ce qui est du premier point soulevé par le député de Portage—Lisgar au sujet du préambule, nous ne sommes pas contre cette idée. Nous avons d'ailleurs manifesté notre appui à l'égard de cette proposition la dernière fois que ce projet de loi a été débattu à la Chambre, et je suis heureux de réaffirmer cette position ce soir.

Pour ce qui est du sondage, nous sommes tous des politiciens et nous savons tous qu'il y a toutes sortes de sondages. Il y a des sondages terriblement scientifiques et d'autres qui ne sont pas scientifiques du tout. Sans avoir de détails sur le sondage effectué par le député provincial de Yorkton—Melville, je dirais qu'il n'entrerait probablement pas dans la catégorie des sondages qui sont exacts 19 fois sur 20 avec une marge d'erreur de plus ou moins 3 p. 100.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'ai moi aussi écouté avec intérêt le député du NPD.

Il a dit que la Commission canadienne du blé avait servi les intérêts des agriculteurs. Bien sûr, la commission ne s'applique qu'aux agriculteurs de l'Ouest. J'ai deux questions à lui poser en fonction de ce qu'il vient de dire.

Premièrement, si c'est bon dans l'ouest du Canada, pourquoi les agriculteurs dans le reste du pays n'ont-ils pas accès à un régime similaire?

Deuxièmement, que doit-on dire à un agriculteur des Prairies qui explique que la Société du crédit agricole, qui est un organisme fédéral, exige qu'il rembourse son emprunt et menace de le mettre en faillite alors qu'il ne peut pas vendre son grain parce que la Commission canadienne du blé n'est pas prête à l'acheter? Il me dit qu'il pourrait le vendre en le transportant lui-même sur le marché américain. Non seulement pourrait-il l'y vendre, mais il pourrait en obtenir un prix de deux à trois fois supérieur à ce que la Commission canadienne du blé finira par lui offrir. Vu cet état de chose, comment peut-on prétendre que la Commission canadienne du blé, sous sa forme actuelle, sert les intérêts des agriculteurs?

Il est évident que la commission peut jouer un rôle très important, mais dans de pareilles circonstances, les agriculteurs devraient avoir le droit, dans ce pays qui est censé être si libre, de vendre leurs grains là où ils peuvent en obtenir le meilleur prix. Cela n'arrive nulle part ailleurs.

Dans ma vie professionnelle, je n'ai jamais été obligé d'accepter le travail le moins bien payé. J'ai toujours pu choisir et les agriculteurs devraient avoir cette même latitude. J'aimerais savoir ce que le député en pense.

M. Dick Proctor: Monsieur le Président, comme le député le sait pertinemment, ce pays s'est développé à des stades et à des rythmes différents. Le député de Portage—Lisgar peut nous donner des références historiques, ce sont—que je sache—les producteurs de blé de l'Ouest et les producteurs de céréales qui ont demandé il y a plusieurs décennies à avoir le monopole. Comme le député l'a dit plus tôt ce soir, les grandes sociétés céréalières privées ont fait un très mauvais travail sur le plan de la commercialisation du grain. Les prix étaient élevés, de même que les tarifs de transport. Il fallait remédier au problème. Cela a entraîné la création de la Commission du blé.

Le député dit indirectement que la Commission du blé de l'Ontario a maintenant un double système de commercialisation. C'est comparer des pommes et des bananes, nous parlons en effet dans l'ouest du Canada d'une industrie qui représente environ 6 milliards de dollars par an. Je ne crois pas que l'on veuille prendre trop de risques quand les enjeux sont aussi gros.

 

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Pour ce qui est de toute cette affaire de saisies par la Société de crédit agricole, de la nécessité de commercialiser le grain et du fait que la Commission canadienne du blé ne s'occupe pas de ce produit, je dirai au député d'Elk Island qu'honnêtement je ne crois pas que dans cinq ans la Commission canadienne du blé soit reconnaissable, quoi que nous fassions ici ce soir.

À la prochaine série de négociations de l'OMC, les Américains feront en sorte que la Commission canadienne du blé comme nous l'avons connue et comme elle apparaît ce soir dans sa nouvelle forme atténuée ne survive pas. Les Européens l'ont déjà dans leur ligne de mire.

Les changements que nous apportons ce soir sont superficiels. En réalité, je crois que l'avenir de la Commission canadienne du blé ne tient qu'à un fil.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, un peu comme je l'ai fait lors du débat sur la loi les grains, je me dois d'avouer, dès le départ, que comme Québécoise, il m'est difficile de me sentir tout à fait concernée par ce projet de loi.

J'ai un peu l'impression d'assister à ce qui se passe dans une grande famille, les hauts et les bas de celle-ci, les chicanes, les sous-entendus, les malentendus et les arrangements aussi qu'on fait entre les membres d'une grande famille.

Il est normal qu'il en soit ainsi, puisque la Commission canadienne du blé et le projet de loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence visent, comme clientèle principale, les producteurs de l'Ouest et leur champ d'action est délimité aux provinces de l'Ouest.

Dans l'économie générale de cette loi, comme représentante de la province de Québec, j'ai bien examiné quels étaient nos intérêts et ce sur quoi on devait se défendre, s'il y avait lieu. J'avais aussi, comme bien des collègues, des problèmes avec les fameuses inclusions et exclusions. Cependant, dans l'ensemble et tout au long de ce débat, je ne me suis jamais sentie totalement concernée.

Qu'est-ce que je fais à ce moment-là? Je regarde si l'ensemble des agriculteurs ou l'agriculture peut en tirer un bénéfice et j'essaie d'orienter les discussions en ce sens.

Mais comme le débat a duré et traîné en longueur, j'ai bien été obligée d'ouvrir davantage mes horizons. Je me suis mise à lire des journaux qui venaient de l'Ouest pour me convaincre de plus en plus que ce débat était une chose absolument très importante pour les producteurs de l'Ouest, mais que cela ne débordait pas ce cadre.

J'écoutais un de mes collègues dire plus tôt: «Mais comment se fait-il que les autres provinces ne soient pas intéressées?» Eh bien, je pense que c'est un fait historique. On a fait une Commission canadienne du blé là où il y avait du blé.

Je me souviens, par ailleurs, que dans les années 1970—je peux parler du passé—on produisait très peu de grains au Québec. On produisait le grain uniquement pour la consommation sur les fermes. On produisait des grains traditionnels, surtout l'avoine et l'orge. C'est à partir des années 1980 que le gouvernement de l'époque, formé par le Parti québécois, a décidé d'augmenter la consommation à la ferme et aussi de s'orienter vers l'exportation.

Évidemment, on ne comparera jamais les greniers de l'Ouest avec la production du Québec, bien qu'on ait réalisé une grande amélioration dans la gamme des grains que l'on cultive et qu'on en soit même venus à faire de l'exportation pour du blé de panification.

Cela dit, il reste quand même que la mise en marché que nous avons à faire se fait tout naturellement en marché libre, parce que nous ne sommes pas un joueur comme les provinces dont la principale production agricole est axée sur la production de grains.

 

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Voilà que sur l'ensemble du projet, nous sommes d'accord, car nous sommes toujours d'accord lorsqu'il s'agit de faire des propositions pour une mise en marché organisée des produits agricoles. Le débat va aussi en ce sens, c'est-à-dire mise en marché organisée versus marché libre, avec les avantages que la Commission canadienne du blé a créés au fil du temps, c'est-à-dire une fiabilité du produit quant à son prix, à sa qualité et à sa livraison.

Quand on est importateur et qu'on doit faire des mélanges de moulées, on connaît l'importance de savoir à qui on a à faire et d'avoir un produit de qualité, surtout dans son uniformité. Au fil des ans, la Commission canadienne du blé a acquis cette renommée.

Aujourd'hui, on doit se prononcer sur les amendements que le Sénat a apportés au projet de loi. Certains amendements sont d'ordre technique, et j'aimerais en souligner deux qui sont d'intérêt pour nous, parce que ce sont des points que nous avons soulevés en cours de route. Il s'agit du nouvel article 8.1, et de l'article 36.

On ajoute, après le paragraphe existant, l'article 8.1:

    8.1 Dans les deux cas suivant la date d'entrée en vigueur du présent article, le vérificateur général peut entreprendre la vérification des comptes et opérations financières de la Commission pour les exercices qu'il juge à propos de vérifier. Son rapport de cette vérification est transmis à la Commission et au ministre.

Cet ajout répond à la demande de plusieurs, car les comptes pourront être vérifiés. Il s'agit d'une assurance supplémentaire pour assurer une bonne gestion, et probablement aussi pour rassurer les agriculteurs qui font affaire avec l'organisme.

Évidemment, je passe rapidement sur la suppression des lignes 27 à 36, à la page 17, car on en a fait tout un débat. Ce paragraphe enlève l'exclusion de toute catégorie, tout grade de blé, ou le blé produit dans telle région du Canada. Il se peut qu'au cours des années, on remette en question cet article.

L'article 47.1 du texte de la loi a été modifié et il se lit actuellement comme suit:

    47.1 Il ne peut être déposé au Parlement, à l'initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie ou grade de blé ou d'orge, ou le blé ou l'orge produit dans telle région du Canada, à l'application de la partie IV, que ce soit totalement ou partiellement, de façon générale ou pour une période déterminée, soit d'étendre l'application des parties III et IV, ou de l'une d'elles, à un autre grain, à moins que les conditions suivantes soient réunies:

      a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;

      b) les producteurs de ce grain ont voté—suivant les modalités fixées par le ministre—en faveur de la mesure.

Évidemment, on demande une grande participation des agriculteurs, et si elle ne se fait pas directement, par ces articles-là, les organismes de production de grains spécialisés, que ce soit le blé ou l'orge, ont voix au chapitre.

Pour nous, du Bloc québécois, les amendements apportés par le Sénat ne posent pas de problème. Certaines modifications, même, répondent aux demandes de l'opposition et de certains agriculteurs.

En ce sens, je ne me sens pas le droit de prolonger le débat plus longuement puisque, dès le départ, j'ai dit que nous étions peu ou pas impliqués. En conséquence, nous voterons en faveur du projet de loi, tel que modifié par les amendements du Sénat.

[Traduction]

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de voir que les députés du parti ministériel ont attendu aussi longtemps pour entendre les sages paroles qu'ont à prononcer les gens de ce côté-ci, au lieu des sages paroles des membres du Syndicat national des cultivateurs.

 

. 2135 + -

Il me semble que, depuis que j'ai été élu à la Chambre des communes, ce projet de loi est la mesure législative que j'ai étudiée de plus près. En fait, le projet de loi C-4 est la première mesure législative qui a été inscrite au Feuilleton de la 36e législature.

J'ai donc eu l'occasion, peu après avoir été élu pour la première fois à la Chambre, de suivre l'étude de ce projet de loi à mesure qu'il franchissait toutes les étapes du processus législatif et de constater également toutes les considérations politiques qui entraient évidemment en ligne de compte.

À l'étape de la deuxième lecture, nous, les députés du Parti progressiste-conservateur, avons voté en faveur du renvoi du projet de loi à un comité, en étant convaincus que nous aurions réellement l'occasion, en comité, de recueillir le point de vue des producteurs et de découvrir ce que pensaient vraiment les personnes qui seraient touchées par cette mesure législative, touchées sur le plan non seulement individuel, mais également commercial, puisque leurs exploitations agricoles reposent sur leur capacité de vendre les produits qu'ils cultivent, c'est-à-dire le blé et l'orge dans le cas des agriculteurs de l'ouest du Canada.

Les producteurs ont exposé au comité tous les problèmes et tous les ennuis qu'ils connaissaient avec la Commission canadienne du blé. En fait, après les avoir écoutés, la majorité des députés des partis d'opposition ont conclu que le projet de loi proposé par le ministre responsable de la Commission canadienne du blé n'allait pas régler les problèmes des producteurs de l'ouest du pays. Dans certains cas, les mesures législatives proposées aggraveraient le problème des producteurs de l'Ouest canadien, tout particulièrement en ce qui a trait à un article inacceptable mis de l'avant par un député.

Cela avait trait à la clause d'inclusion et d'exclusion, plus particulièrement à la clause d'inclusion proposée dans le projet de loi C-4, mais laissée de côté dans la mesure qui l'a précédé, le projet de loi C-72 dont nous avons été saisis au cours de la 35e législature.

Au niveau du comité, nous avons proposé ce que nous considérions être des modifications logiques. Toutefois, aucune de ces modifications n'a été adoptée en comité parce que le gouvernement a considéré qu'il était nécessaire d'imposer cette mesure mal fichue, contraire en tout à ce que les producteurs nous disaient.

Lorsque nous sommes revenus à la Chambre après les comités, nous pensions probablement alors que le gouvernement aurait une deuxième chance d'écouter les amendements proposés. À ce moment, le gouvernement a imposé la clôture du débat à la Chambre sur ce projet de loi très important qui touche la majorité des électeurs de ma circonscription.

Le projet de loi est passé au Sénat. Avant de toucher la question du rapport du Sénat et de certains bons amendements qui ont été renvoyés du Sénat, il y a certaines choses que je voudrais ajouter.

Si les amendements sont adoptés, le Parti progressiste conservateur appuiera le projet de loi. Nous l'appuierons à contrecoeur parce qu'il ne porte pas sur la question que les producteurs aimeraient voir traiter, c'est-à-dire la liberté de choix. Les producteurs veulent avoir le choix de la mise en marché et le choix de la méthode de vente de leurs produits, plutôt que d'avoir un système de commercialisation à guichet unique comme la Commission canadienne du blé. Le projet de loi ne touche pas cette question. Il y a bon nombre de questions qu'il ne touche pas. Toutefois, les amendements modifient suffisamment la mesure législative pour permettre d'amorcer le processus en vue de la transformation de la Commission canadienne du blé pour en permettre l'évolution à l'aube du XXIe siècle.

Lorsque la mesure a été étudiée par le Sénat, le Parti progressiste conservateur et le Parti réformiste ont tous deux demandé au Sénat de communiquer de nouveau avec les producteurs de l'Ouest.

 

. 2140 + -

Un certain nombre de députés réformistes ont signé une lettre au Sénat lui demandant s'il ne reprendrait pas le processus pour écouter ces gens que le gouvernement ne nous a malheureusement pas permis d'entendre au comité.

Si je parle du Parti réformiste, c'est que, après la présentation des amendements par le Sénat, le porte-parole du Parti réformiste a publié un communiqué de presse affirmant que les audiences avaient été une déplorable tentative de justifier l'existence du Sénat. Après avoir demandé au Sénat de reprendre ces amendements, après lui avoir demandé d'en discuter, le Parti réformiste a déclaré que c'était une déplorable tentative de justifier l'existence du Sénat. Le Parti réformiste semble se contredire encore une fois. Non seulement le Parti réformiste se contredit constamment, mais ces attaques partisanes mesquines ne font rien pour favoriser la coopération des législateurs dans les deux Chambres pour faire en sorte que les agriculteurs de l'Ouest bénéficient d'une meilleure loi.

Quand le Sénat a renvoyé le projet de loi à la Chambre, c'était avec des propositions d'amendements. J'ai pris plusieurs fois la parole à la Chambre pour exprimer mon opposition aux clauses d'inclusion et d'exclusion, parce que c'est cela que les gens veulent entendre et veulent obtenir dans cette mesure. Que s'est-il passé? Le Sénat a effectivement renvoyé le projet de loi avec une proposition d'amendement qui aurait aboli la clause d'inclusion. Le ministre peut en discuter avec les producteurs, mais c'est la Chambre qui décidera au bout du compte si d'autres denrées seront incluses aux fins du système de commercialisation de la Commission canadienne du blé. En soi, c'est un amendement très favorable.

Le Sénat a aussi formulé une recommandation pour que nous imposions un plafond de 30 millions de dollars au fonds de réserve. Les témoins qui ont comparu devant le comité déploraient constamment l'absence de paramètres relatifs au fonds de réserve. Les producteurs en avaient assez des prélèvements à cet égard. C'était de l'argent qu'ils devaient débourser. Le fonds de réserve a été plafonné à 30 millions de dollars, ce qui est également acceptable.

Des représentants de la Saskatachewan Canola Growers m'ont écrit. Ils sont ravis de certains amendements proposés par le comité sénatorial et ils sont heureux d'avoir été écoutés. Ils se réjouissent notamment de l'amendement, du changement proposé relativement aux dispositions concernant l'inclusion.

Un autre amendement clé, une mesure que le Parti réformiste a lui aussi proposée, concerne le rôle du vérificateur général par rapport à la Commission canadienne du blé. Nous avons entendu et compris le message des producteurs qui se demandaient pourquoi, s'ils étaient effectivement les propriétaires de la Commission canadienne du blé, ils ne pouvaient obtenir de l'information de cette organisation censée les représenter. C'était insensé.

Le comité sénatorial a écouté. À son retour, il a proposé que, pour une période de deux ans, le vérificateur général puisse examiner les activités de la Commission canadienne du blé; il ne s'agit pas d'un bilan ni d'états financiers qui sont présentés par la Commission canadienne du blé, mais d'une vérification des activités par le vérificateur général. C'est bon et mauvais à la fois. Les dispositions ne vont pas assez loin. Nous aurions aimé que le vérificateur général présente un rapport complet à la Chambre et aux véritables propriétaires de la Commission canadienne du blé, c'est-à-dire les producteurs. Les dispositions ne vont pas assez loin, mais c'est un premier pas dans la bonne direction. Je le répète, cet amendement a été proposé par le Sénat, et non pas par l'opposition, à l'étape de l'étude en comité au sein de la Chambre élue.

Il y a une ou deux questions qui ne sont pas réglées et qui auraient permis d'améliorer le projet de loi. J'aurais aimé qu'elles le soient. J'aurais aimé que tous les membres du conseil d'administration soient élus par les producteurs, et non pas seulement 10 sur 15, les autres étant nommés par le gouvernement. Malheureusement, l'amendement à cet égard a été proposé à la Chambre, par notre parti et par le Parti réformiste, mais il n'a pas été accepté au Sénat.

Le dernier et le plus important changement ne figurait pas dans les amendements que le Sénat a proposés et il concernait la commercialisation mixte.

 

. 2145 + -

Une des grands points que nous avons tous entendu au comité de la part des producteurs était: «Donnez-nous le choix dont parlent les députés de l'autre côté. Donnez-nous le choix. Permettez-nous d'avoir un double système de commercialisation en vertu duquel nous pourrions choisir entre la Commission canadienne du blé ou le marché libre pour vendre nos denrées. Du moins, donnez-nous la possibilité de nous retirer ou, au minimum, donnez-nous l'option de commercialiser une partie de nos denrées à l'extérieur de la Commission canadienne du blé.»

Nous n'avons pu l'obtenir. En fait, c'est un des domaines pour lesquels j'ai quelque mal à appuyer cette mesure législative. Elle n'a pas abordé, et a fortiori résolu, les problèmes de la Commission canadienne du blé.

Le député du NPD, pour lequel j'ai beaucoup de respect et que j'ai écouté attentivement aux audiences du comité, a beaucoup réfléchi à cette question. Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Il estime que la mesure va trop loin, que si elle est adoptée sans amendement elle va porter atteinte à la Commission canadienne du blé. J'estime pour ma part que la mesure ne va pas assez loin. Les amendements permettent au moins à la Commission canadienne du blé d'évoluer vers le XXIe siècle.

Le député disait aussi que la Commission canadienne du blé sera modifiée dans quelques années, et il a raison. Elle va changer, parce que nous, Canadiens, devons changer en vue de nous adapter à la mondialisation de l'économie.

Nous reconnaissons que, lorsque nous négocierons au sein de l'OMC en 1999, cette organisation sera sur la table. Il doit y avoir de la transparence. Il doit y avoir un esprit d'ouverture. Nos producteurs et nos partenaires commerciaux doivent avoir l'occasion de constater que le commerce est vraiment libre et honnête. Cela vient avec la possibilité de choisir et, de toute évidence, la possibilité d'avoir un double système de commercialisation.

Il a été très intéressant de suivre le cheminement de ce projet de loi depuis sa présentation à la Chambre, il y a environ neuf mois, au cours du 36e Parlement, jusqu'à maintenant. Honnêtement, je peux dire que ce projet de loi n'a pratiquement été accepté par personne. Le ministre chargé de la Commission canadienne du blé s'est mis à peu près tout le monde à dos, non seulement ceux qui, comme le député néo-démocrate par exemple, ont l'impression que l'affaire est allée trop loin, mais aussi ceux qui pensent qu'elle n'a pas été suffisamment poussée.

Le projet de loi a semé la discorde dans les familles, mais la question n'est toujours pas réglée. Il va revenir à la Chambre et j'espère y être assez longtemps pour pouvoir dire «Je l'avais prédit. Nous aurions dû procéder comme il faut, quand nous avons étudié le projet de loi, en 1997.»

J'ai déjà dit et je répète que, si les amendements sont adoptés, nous, les députés du Parti progressiste-conservateur, appuieront le projet de loi C-4, mais nous le ferons avec réticence. Nous savons qu'il ne réglera pas les problèmes des producteurs canadiens.

Merci, monsieur le Président, de m'avoir donné la chance de m'exprimer. Il est tard et, comme il y aura des questions et des observations, je termine mon discours.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir d'écouter le député de Brandon—Souris.

J'ai été quelque peu surpris cependant de son attaque contre le Parti réformiste, car nous ne formons pas le gouvernement. L'autre chose que le Parti réformiste a faite pour le député de Brandon—Souris, c'est l'isoler des mauvais libéraux. Nous l'entourons à l'Est, au Nord et à l'Ouest, tandis que les Américains le protègent au Sud. Il est donc bien placé. Je pensais que, de temps à autre, il pourrait nous remercier de le protéger contre un ennemi hostile.

Je ne sais pas si j'ai bien entendu ce qu'il a dit au sujet de la disposition d'inclusion et d'exclusion. La Chambre va décider si des grains sont ajoutés ou supprimés. C'est une bonne chose. Je pensais que c'était aux agriculteurs de décider cela. J'ignore s'il a fait un lapsus ou non.

 

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Je ne pensais pas que c'était de la politique conservatrice et je voudrais donc l'aider. Je ne voudrais pas que ses électeurs croient qu'il s'est rangé du côté des libéraux, car cela pourrait lui causer des problèmes. Je me demandais si c'était un lapsus et s'il avait quelque chose de bon à dire au sujet du Parti réformiste.

M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, mon vis-à-vis dit qu'en étant entouré par des réformistes plutôt que par des libéraux, je ne suis alors pas entouré par des ennemis. Je n'en suis pas si sûr. Si je n'avais pas des amis de mon propre caucus m'entourant, je supposerais peut-être que ce sont des ennemis. Cependant, je remercie le député de Portage—Lisgar, qui a apporté une contribution très utile au comité.

En ce qui concerne la disposition d'inclusion, comme le député le sait, la meilleure solution consiste simplement à la retirer de la loi entièrement et ne pas avoir d'inclusion ou d'exclusion. C'était l'argument du député de l'Île-du-Prince-Édouard. Selon lui, si on a des dispositions d'exclusion, on devrait avoir également des dispositions d'inclusion. Cela ne s'est pas produit.

Nous avons essayé. Nous avons présenté des amendements à cette fin et la meilleure solution est venue du Sénat. On va maintenant la soumettre au ministre. Il y aura un plébiscite. Comme le député l'a signalé, les producteurs vont se prononcer là-dessus. Je suppose qu'il est bon qu'un producteur ait le droit de dire si cela sera inclus ou non. C'est un autre frein et contrepoids.

Le dernier frein et contrepoids, c'est qu'on soumet la question à la Chambre. Cela protège même les producteurs qui pourraient ne vouloir aucun produit inclus. Il est question de produits qui, selon moi, ne devraient pas être assujettis à la Commission canadienne du blé. Il est important que nous ayons cet autre frein et contrepoids que le député a proposé.

La meilleure solution est de n'avoir aucune inclusion comme on l'a suggéré à de nombreuses reprises au député de l'Île-du-Prince-Édouard qui a défendu ce point de vue même si cela n'était pas prévu dans le projet de loi C-72 au cours de la dernière législature.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt, comme toujours, le député de Brandon—Souris.

J'ai de la difficulté à comprendre ce qu'il voulait dire au sujet du vérificateur général. Peut-être est-ce parce que j'ai la tête dure ou à cause de l'heure tardive, mais si, comme le ministre l'a dit si souvent, nous allons confier un rôle de direction aux producteurs au sein de la Commission canadienne du blé, je ne comprends pas pourquoi nous accepterions aussi l'amendement proposé par le Sénat, qui prévoit que deux ans après l'entrée en vigueur du projet de loi, le vérificateur général devra procéder à une vérification auprès de la commission.

Durant les travaux du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, nous avons pu prendre connaissance des rapports annuels de la compagnie de vérification Deloitte & Touche. Nous savons qu'il y a de l'information commerciale de nature délicate dont la divulgation pourrait nuire à la capacité de la commission du blé de faire des affaires sur un marché libre.

Je ne comprends pas la référence au vérificateur général. Le député de Brandon—Souris pourrait peut-être me l'expliquer.

M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, le député s'est opposé à toute forme de transparence de la Commission canadienne du blé. C'est sans doute pourquoi il ne comprend pas qu'il est important que le vérificateur général puisse avoir accès à la commission. Dix des quinze membres du conseil d'administration seront élus, mais il est néanmoins important que le conseil puisse avoir recours aux compétences professionnelles du vérificateur général pour examiner et vérifier ses opérations.

Le vérificateur pourrait ainsi s'assurer que ce dont parle le conseil est vraiment ce qui se produit et que nous avons le meilleur système de commercialisation au monde. Le vérificateur général aura la capacité et le professionnalisme voulus pour mettre ce talent à profit et approuver ou désapprouver ce que dira la Commission canadienne du blé.

En ce qui concerne la possibilité, évoquée par les supporters de la Commission canadienne du blé, que les concurrents jouissent d'un avantage déloyal, cet argument ne tient pas. Peut-être ont-ils quelque chose à cacher et ne veulent-ils pas que ces choses soient exprimées. En vérité, l'amendement prévoit que le vérificateur général présentera un rapport au conseil d'administration et au ministre, non pas au Parlement.

 

. 2155 + -

Le député m'a également entendu dire dans mon discours que le projet de loi n'allait pas assez loin. J'aurais voulu que le rapport du vérificateur général soit présenté au Parlement pour que nous puissions voir si la Commission canadienne du blé dispense aux producteurs les services de commercialisation pour lesquels ils paient. J'aurais aimé que le projet de loi aille jusque-là.

Le projet de loi est cependant meilleur dans son état actuel que jamais auparavant. Le vérificateur général présentera un rapport dans les deux ans. Les membres du conseil d'administration auront ainsi un moyen supplémentaire de voir s'ils font du bon travail ou, sinon, quels correctifs il convient d'apporter. Il s'agit, ni plus ni moins, d'un outil supplémentaire d'une grande importance. Je suis très heureux que l'amendement ait été proposé.

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais revenir sur certains points soulevés par le député de Brandon—Souris.

M. Rick Borotsik: Et les pommes de terre?

M. Wayne Easter: Et les pommes de terre? Eh bien, s'il y avait un organisme comme la Commission canadienne du blé pour assurer la commercialisation des pommes de terre, nous serions des plus heureux.

Le député de Brandon—Souris a évoqué la liberté de choix. Sauf que, quand il a parlé de la liberté de choix, c'était pour s'y opposer. Le député de Brandon—Souris se contredit. Le fait est que la disposition d'inclusion créait un mécanisme grâce auquel les producteurs pouvaient décider si, oui ou non, ils voulaient qu'une autre culture soit ajoutée. Elle offrait à chacun la possibilité de prendre part à la décision. Voilà ce que c'est qu'une véritable liberté de choix. Comme je l'ai mentionné, le député de Brandon—Souris s'est contredit à ce sujet.

Je dois reconnaître que le député de Portage—Lisgar avait bien raison de dire que les amendements que le Sénat propose d'apporter à ce projet de loi affaiblissent cette liberté de choix, c'est un fait. Dans la première mouture du projet de loi C-4, la disposition d'inclusion créait un mécanisme permettant aux producteurs de décider si, oui ou non, il fallait inclure de nouvelles cultures. Elle accordait aux producteurs le droit d'être maîtres de leur propre destinée pour ce qui est des cultures qui passeraient désormais par la Commission canadienne du blé.

Il y a une autre chose qui me chicote. Le député de Brandon—Souris s'est dit déçu que le Sénat n'ait introduit dans cette mesure législative aucun amendement relatif à un double système de commercialisation. C'est que l'on ne peut pas avoir en même temps un double système de commercialisation et un comptoir unique de commercialisation. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le Parti progressiste conservateur et le Parti réformiste ont tant de mal à le comprendre. Ou bien le système de commercialisation est unique ou bien il ne l'est pas. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

Si nous sommes dotés d'un double système de commercialisation, c'est que le marché est ouvert. Les producteurs de l'Ouest ont clairement décidé qu'ils ne voulaient pas d'un double système de commercialisation. Ils veulent un système de commercialisation à guichet unique pour maximiser leur rendement.

C'est sans doute la dernière fois que j'aurai l'occasion de parler de ce projet de loi durant le débat, alors je voudrais dire quelques mots du comité consultatif de la Commission canadienne du blé. Il est clair qu'aux dernières élections, la vaste majorité des membres du comité consultatif de la Commission canadienne du blé étaient des producteurs favorables à la cette dernière. Bien que je sois fortement en désaccord sur la stratégie qu'ils ont élaborée relativement à ce projet de loi, je voudrais quand même les remercier de leurs années de service et du ferme appui qu'ils ont accordé à la Commission canadienne du blé. Ils lui ont rendu de très grands services.

Les députés d'en face prétendent sans cesse que les producteurs n'ont pas voix au chapitre. Tous les trois ou quatre ans, on procède à l'élection des membres du comité consultatif de la Commission canadienne du blé, qui conseille celle-ci sur ses activités.

 

. 2200 + -

Ces producteurs se présentent aux élections et ce sont toujours des producteurs qui sont en faveur de la commission qui sont élus pour représenter les producteurs et conseiller la commission.

L'un des problèmes avec ce projet de loi, c'est que ces producteurs estimaient que les projets de loi C-72 et C-4 finiraient, au fil du temps, à cause des achats au comptant, notamment, par affaiblir la commission.

Ils étaient divisés sur cette question. Par conséquent, quand le comité sénatorial a tenu ses audiences, il était divisé et n'a pas conçu une stratégie pour mettre en évidence la position en faveur de la commission. J'admets, en tant que ferme partisan de la commission, que le camp des partisans de la commission n'a pas été assez actif, comparativement à son adversaire, qui a envoyé plus de gens que nous aux audiences.

C'est bien dommage, mais c'est la réalité. Je crois toujours fermement qu'il y a encore plus de gens qui appuient la notion de vente à guichet unique de la Commission canadienne du blé qu'il y en a qui s'y opposent.

La Commission canadienne du blé est depuis toujours un des meilleurs offices de commercialisation du monde. Elle maximise le rendement des producteurs et le fait systématiquement depuis 1935.

Au cours de la dernière législature, j'ai eu le privilège de siéger au Comité permanent de l'agriculture de la Chambre des communes et de visiter l'ouest du Canada, lorsque nous avons tenu des audiences sur le projet de loi prédécesseur du projet de loi C-4.

Nous avons eu une occasion rêvée d'entendre les producteurs de l'Ouest, qui nous ont dit clairement ce qu'ils voulaient, à savoir, la liberté de choix, la possibilité d'inclure de nouvelles cultures dans les projets de loi et d'avoir plus de voix au chapitre par rapport aux activités de la Commission canadienne du blé.

La Commission canadienne du blé agit selon quatre grands principes: les garanties gouvernementales: la vente à guichet unique, la maximisation du rendement des producteurs et la mise en commun des bénéfices.

Cet office est très important pour les agriculteurs de l'ouest du Canada et ceux de tout le Canada, même de l'extérieur de la région qu'il dessert, car il a exercé une pression à la hausse sur les prix des céréales canadiennes.

Bien que je sois un ardent défenseur de la nomination de commissaires à la Commission du blé, étant donné leurs connaissances en commercialisation, j'admets que, à la suite des audiences que nous avons tenues dans tout l'ouest du Canada et après avoir entendu les arguments présentés par les agriculteurs de tout le pays, j'ai reconnu que nous devions peut-être songer à l'élection d'une majorité d'agriculteurs à la Commission. Je crois que ce projet de loi répond à cela.

Je vous explique le cheminement du gouvernement dans le dossier. Le gouvernement a toujours voulu que la structure de gestion de la nouvelle Commission canadienne du blé donne aux producteurs de céréales de l'ouest du Canada le pouvoir de préparer l'avenir de la commission.

En vertu du projet de loi C-4, les agriculteurs de l'Ouest éliront 10 des 15 membres du nouveau conseil d'administration et le gouvernement en nommera quatre ainsi qu'un président directeur général, qui fera aussi partie du conseil.

Puisque le gouvernement continuera de garantir les paiements initiaux, les ventes à crédit et les emprunts et que ces garanties s'élèvent à des milliards de dollars, il est normal que l'organisme rende d'une certaine manière des comptes aux contribuables canadiens. Le projet de loi C-4 assure cette responsabilisation.

Il n'est que normal que le gouvernement continue de jouer un rôle puisqu'il garantit les emprunts.

 

. 2205 + -

Selon le projet de loi, nous garantissons les prix initiaux et nous sommes là pour soutenir les producteurs de céréales de l'ouest du Canada. Il est donc normal que nous ayons des comptes à rendre aux contribuables Canadiens et c'est ce que nous faisons par l'intermédiaire des nominations.

Selon le texte initial du projet de loi C-4, le ministre devait consulter les autres administrateurs avant de recommander une personne au poste de président. L'amendement proposé par le Sénat est beaucoup plus clair sur l'obligation de consulter et exige que le conseil d'administration fixe la rémunération du président avant qu'il soit nommé.

Je n'ai rien contre cela. Pendant les audiences dans l'ouest du Canada, nous avons entendu dire que, si le conseil d'administration n'aimait pas la personne proposée comme président, il pourrait lui accorder un salaire très bas pour l'amener à démissionner.

En clarifiant l'obligation du ministre de consulter le conseil avant de nommer le président, l'amendement aiderait à instaurer des rapports harmonieux et productifs entre le président et les autres membres du conseil. C'est ce que le gouvernement souhaite depuis le début. Le gouvernement est très heureux d'appuyer cet amendement.

Le troisième amendement proposé par le Sénat a trait à la responsabilité financière de la Commission canadienne du blé envers les agriculteurs qu'elle sert. Le gouvernement est fort conscient des observations que de nombreux groupes de producteurs et d'autres contribuables ont formulées au sujet du rôle que le vérificateur doit jouer pour aider à relever le niveau de confiance envers la Commission canadienne du blé.

Le gouvernement appuie cet amendement, mais je voudrais rappeler les réserves qu'il avait par le passé. Tout d'abord, la Commission canadienne du blé fait déjà l'objet d'une vérification complète tous les ans, qui est effectuée par une firme comptable respectée. Le rapport de vérification est un document public que tous peuvent se procurer.

Deuxièmement, en plus de cette information publique, aux termes du projet de loi C-4, dix des 15 membres du nouveau conseil d'administration seront élus par les producteurs. Ces administrateurs pourront mettre sur pied leur propre comité de vérification et demander des vérifications spéciales lorsqu'ils le jugent bon. Ils auront accès à toutes les données sur l'exploitation de la Commission canadienne du blé. Ces données comprendront les prix de vente du grain, les bonifications de prix obtenues et tous les frais d'exploitation. En somme, les administrateurs pourront veiller à ce que les agriculteurs obtiennent le maximum pour leur agent.

Par le projet de loi C-4, le gouvernement essaie délibérément de se départir du contrôle de la Commission canadienne du blé pour qu'elle soit contrôlée par les producteurs de l'Ouest. Il nous paraît logique que les producteurs acquièrent un contrôle de plus en plus grand.

Permettez-moi d'en revenir à mon point de départ, soit mes préoccupations au sujet des amendements proposés par l'autre endroit. Je crois, à propos de cet amendement-ci, que les agriculteurs auront moins de choix, si sont supprimées les dispositions sur l'ajout et le retrait de cultures relevant de la commission, qu'ils n'en avaient dans le projet de loi tel que la Chambre l'a adopté au départ.

Je suis persuadé que le député d'en face conviendra que la Commission canadienne du blé s'est révélée être un organisme de commercialisation hors pair en maximisant le rendement pour les producteurs, de façon que, avec l'aide de la commission, ils soient aussi prospères que possible, avec un marché international difficile et dans le monde difficile et stimulant où nous vivons.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, j'apprécie toujours les propos zélés du député de Malpèque. Je le considère comme un véritable défenseur de la Commission canadienne du blé. Je l'appellerais le Stompin' Tom Connors de la Commission canadienne du blé, car il croit en cette institution. Il pourrait battre n'importe qui à mort qui n'y croirait pas. Cet organisme lui tient à coeur. Je me demande pourquoi, puisqu'il n'a jamais vendu un boisseau de blé à la Commission. La seule raison que je puisse imaginer pour son appui, c'est qu'il en a acheté beaucoup de céréales fourragères à bas prix pour ses vaches laitières. Je comprends maintenant pourquoi il aime tant la Commission.

 

. 2210 + -

L'autre question que je voudrais lui poser a trait au travail extraordinaire que les membres du comité consultatif ont accompli d'après lui. Je ne le contesterai pas, car nous ne pouvons pas vraiment en juger d'après les chiffres que nous trouvons dans le rapport annuel.

Disons qu'ils ont fait un travail formidable. Pourquoi cela ne serait-il pas vrai également des administrateurs? Si les membres du comité consultatif ont fait du si bon travail, pourquoi ne pas élire 15 administrateurs au lieu d'en nommer cinq? Le député veut-il dire que les agriculteurs de l'Ouest ont seulement dix personnes en leur milieu qui pourraient siéger au conseil d'administration, qui ont assez de jugeote pour diriger la Commission, qu'il leur en manque cinq qu'il faut aller chercher quelque part dans les milieux politiques? Cela n'a pas de bon sens à mes yeux.

Comme nous le savons, la Commission canadienne du blé a finalement avoué lors des audiences du Sénat qu'elle était un des plus gros joueurs à la bourse des céréales de Minneapolis. Je n'ai jamais vu cela rapporté dans aucune de ses vérifications. J'ai écrit au commissaire, M. Hehn, pour voir si je ne pourrais pas avoir une vérification annuelle des opérations boursières pour voir si elle avait fait des gains ou des pertes. J'ai également demandé cette information auprès du ministre. La réponse tarde beaucoup à venir. J'ignore pourquoi. La première vérification n'a peut-être pas encore été imprimée. Cela n'a peut-être pas été rapporté dans les vérifications précédentes.

J'aimerais que le député réponde à cela, pour savoir pourquoi ces opérations boursières ne figurent pas dans aucune autre vérification annuelle.

M. Wayne Easter: Monsieur le Président, il y a pas mal de questions. Oui, nous aimons Stompin' Tom Connors, le troubadour de l'Île-du-Prince-Édouard, et nous sommes fiers de lui.

Premièrement, le député veut savoir pourquoi je suis en faveur de la Commission canadienne du blé. Ce n'est certainement pas parce que l'orge ne coûte pas cher. Je regrette de l'admettre, mais en 1974 l'honorable Otto Lang a affaibli la Commission en lui enlevant la responsabilité des grains fourragers.

J'ai appuyé la Commission en toute sincérité. Je me suis rendu dans l'ouest canadien à titre de président de la section jeunesse du Syndicat national des cultivateurs. J'ai ensuite été président national durant dix ans. Je ne suis pas comme ceux qui s'opposent à la Commission canadienne du blé et qui n'ont jamais mis les pieds dans les bureaux de cet organisme. Je me suis rendu dans ces bureaux et j'ai regardé comment fonctionnait le système, la bourse des marchandises de Winnipeg, et le système américain.

La situation est très claire lorsqu'on se rend aux bureaux de la CCB et qu'on voit tout l'arsenal déployé pour commercialiser les produits et savoir ce qui se passe sur les marchés partout dans le monde, et qu'on voit aussi comment le réseau de transport est adapté à l'effort de commercialisation. La Commission s'efforce de maximiser les recettes versées aux producteurs de l'ouest canadien, et son efficacité à cet égard a été confirmée.

Ceux qui prétendent que la commission n'est pas visible et transparente devrait jeter un coup d'oeil au rapport annuel de la CCB, qui montre clairement les prix pour chaque type de grain, les déductions prélevées au titre des frais d'entreposage et de transport, ainsi que les coûts administratifs. Ils verraient l'efficacité de cet organisme. Nous n'obtenons certainement pas ce genre de rapport détaillé de Cargill Grain ou d'autres.

Si les députés avaient mon expérience et allaient voir comment fonctionne le système pour en apprendre les rudiments, ils ne pourraient faire autrement que d'appuyer solidement la Commission canadienne du blé.

La notion de responsabilité existe. Le député a posé la question en mentionnant le chiffre de 10 directeurs sur 15. Pourquoi ne serait-ce pas tous les 15 directeurs? Pourquoi pas tous les 15? Les deux tiers des membres du conseil sont choisis par les producteurs.

 

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Considérons les garanties du gouvernement. Aucun autre organisme au Canada n'offre autant de garanties gouvernementales que ce système. Il faut donc rendre des comptes aux contribuables; il y a des garanties sur les emprunts et les garanties de départ.

Je ne comprends pas que le Parti réformiste préconise qu'on ne rende aucun compte aux contribuables. Allons donc, qu'il se réveille! Il faut qu'il y ait une certaine responsabilité. Nous allons nous assurer que le premier dirigeant rende des comptes aux contribuables. En même temps, nous allons nommer cette personne pour son savoir-faire en matière de commercialisation afin que la Commission canadienne du blé continue de maximiser les profits des producteurs céréaliers et d'être l'office de commercialisation supérieur qu'elle a toujours été.

Le député a parlé enfin des vérifications, du résultat net. Je crois qu'il a dit que la commission avait peut-être profité du système. La différence avec la Commission canadienne du blé, c'est qu'elle a profité du système avec une certaine intelligence du marché, en connaissant le marché, la situation politique et les conditions climatiques dans le monde entier.

L'essentiel pour la Commission canadienne du blé—et c'est vrai—c'est de maximiser les profits des producteurs. Si l'on compare les prix de la Commission canadienne du blé et ceux du marché libre, ces 35 dernières années, et si l'on excepte peut-être une année, la Commission canadienne du blé a toujours réussi à maximiser les profits.

Les députés d'en face qui vivent dans une région visée par la Commission canadienne du blé devraient être reconnaissants. Ils devraient prendre la parole à la Chambre pour remercier la Commission canadienne du blé de leur avoir rapporté de l'argent au fil des années en commercialisant les céréales.

Le président suppléant (M. McClelland): Il reste deux minutes pour les questions et les observations. Serait-il possible d'avoir une question d'une minute et une réponse d'une minute?

Des voix: Non.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je comprends qu'il est tard et que les députés veulent partir. J'ai attendu toute la soirée pour pouvoir faire quelques remarques. En fait, il y assez longtemps que j'attends pour intervenir au sujet du projet de loi C-4. Je vais être très bref.

Je viens du nord-ouest de la Colombie-Britannique et la culture des céréales n'est vraiment pas ma spécialité. Lorsque je passe près d'un champ en voiture, je ne peux pas faire la différence entre le blé et l'orge. Certains disent que je ne peux même pas faire la différence entre le maïs et le colza canola.

Le secrétaire parlementaire disait il y a quelques minutes que les députés de ce côté-ci de la Chambre et les céréaliculteurs de l'ouest du Canada devraient être très satisfaits de la Commission canadienne du blé et devraient s'empresser de l'appuyer. Certains de ces producteurs ne peuvent pas s'empresser de l'appuyer parce qu'ils sont en prison.

Je donne l'exemple d'Andy McMechan, un agriculteur de l'ouest du Canada, qui s'est fait confisquer sa machinerie et s'est fait jeter en prison. On est allé le chercher à sa ferme et on lui a passé les menottes parce qu'il a eu l'audace de passer son produit clandestinement à la frontière pour le vendre lui-même. Il a passé son produit en contrebande.

Produisait-il de la marijuana, de l'opium ou de la cocaïne? Quel était ce produit qu'il passait clandestinement à la frontière au milieu de la nuit? C'était du blé. C'était du grain.

Il a décidé qu'il pouvait obtenir un meilleur prix pour le grain qu'il cultivait lui-même, à la sueur de son front, sur sa propriété privée, avec sa propre machinerie, à partir des semences qu'il avait achetées avec son propre argent. Il a eu l'audace de ne pas passer par la Commission canadienne du blé et de vendre lui-même son grain. Il s'est retrouvé en prison et a dû assumer des coûts énormes. Je ne sais pas exactement combien il en a coûté à cet homme pour défier la Commission canadienne du blé et le gouvernement fédéral en tentant d'obtenir le meilleur prix possible pour son propre bien.

Nous aimons penser que nous vivons dans un pays libre. Personnellement, je trouve que ce genre d'attitude de la part du gouvernement est inacceptable dans un pays libre.

 

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Je veux demander au gouvernement libéral s'il croit que cela est juste, s'il croit que les habitants de l'ouest du Canada devraient sauter de joie à l'idée de se faire jeter en prison s'ils ne vendent pas leur blé par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé.

C'est un exemple parfait de la place énorme que notre gouvernement libéral «big brother» a prise au cours des deux ou trois dernières décennies et cela dénote une attitude condescendante. Ce n'est rien d'autre qu'un jeu de pouvoir.

Il n'y a pas longtemps, un parlementaire fédéral, et je ne le nommerai pas, a comparé le Canada à Cuba pour essayer de montrer que Cuba n'était pas un endroit si terrible. Cela lui a valu des critiques. Ses remarques ont offusqué beaucoup de gens. Et pourtant, il n'avait pas complètement tort à mon avis. Ce n'est pas que Cuba n'est pas si terrible que ça, mais plutôt que le Canada n'est pas si formidable quand on ne peut pas vendre ses propres biens là où on veut au risque d'être jeté en prison. On ne parle pas de substances interdites, mais de blé, de grains.

Le secrétaire parlementaire a longuement louangé le travail qu'accomplit la commission du blé. Ma question se pose au gouvernement, au secrétaire parlementaire et aux autres défenseurs de la commission du blé. Ma perspective est celle de quelqu'un qui ne connaît pas grand-chose au sujet des grains.

Si le travail de mise en marché que fait la commission est si merveilleux, j'aimerais savoir pourquoi on emprisonne les agriculteurs qui ne sont pas d'accord et qui veulent vendre leur grain? Pourquoi sont-ils à la merci du gouvernement qui les expulse de leur exploitation agricole et les emprisonne parce qu'ils ont osé vendre leur grain au meilleur prix? On ne peut pas dire qu'on vit dans un pays libre quand de telles choses se produisent au Canada de nos jours. Le projet de loi C-4 ne prévoit aucune mesure pour régler ce problème.

Le président suppléant (M. McClelland): Comme aucun autre député ne demande à intervenir dans le débat de ce soir, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, le débat est ajourné. La Chambre s'ajourne donc à 10 heures demain.

(La séance est levée à 22 h 21.)