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HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 134
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 7 octobre 1998
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LES PRIX GEMINI |
Mme Sarmite Bulte |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Keith Martin |
MERRICKVILLE (ONTARIO) |
M. Joe Jordan |
LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME RURALE |
M. Guy St-Julien |
BERNADETTE MCCANN |
M. Hec Clouthier |
L'AGRICULTURE |
M. Garry Breitkreuz |
LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE |
M. Eugène Bellemare |
LA DISCRIMINATION |
M. Paul Mercier |
LA MARCHE SACRÉE POUR LA GUÉRISON |
M. Robert D. Nault |
LE KOSOVO |
M. Bob Mills |
LA MARCHE SACRÉE POUR LA GUÉRISON |
M. Peter Adams |
LES VÉTÉRANS DE LA MARINE MARCHANDE |
M. Gordon Earle |
LA PAUVRETÉ |
Mme Christiane Gagnon |
LES VÉTÉRANS DE LA MARINE MARCHANDE |
Mme Elsie Wayne |
LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU CANARD DES CANTONS DE L'EST |
M. Denis Paradis |
QUESTIONS ORALES |
LE SOMMET DE L'APEC |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Andy Scott |
Mme Deborah Grey |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Deborah Grey |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Chuck Strahl |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Chuck Strahl |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Michel Gauthier |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Michel Gauthier |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Alexa McDonough |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Alexa McDonough |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Peter MacKay |
L'hon. Andy Scott |
M. Peter MacKay |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. John Reynolds |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. John Reynolds |
L'hon. Andy Scott |
Mme Suzanne Tremblay |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Suzanne Tremblay |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Monte Solberg |
L'hon. Andy Scott |
M. Monte Solberg |
L'hon. Andy Scott |
Le très hon. Jean Chrétien |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Grant McNally |
L'hon. Andy Scott |
M. Grant McNally |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Andy Scott |
L'ÉCONOMIE CANADIENNE |
Mme Sue Barnes |
L'hon. Paul Martin |
LE SOMMET DE L'APEC |
M. Randy White |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Randy White |
L'hon. Andy Scott |
M. Svend J. Robinson |
L'hon. Andy Scott |
M. Svend J. Robinson |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Jean Dubé |
L'hon. Andy Scott |
M. Jean Dubé |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'IRAN |
Mme Colleen Beaumier |
L'hon. Lloyd Axworthy |
LE SOMMET DE L'APEC |
M. David Chatters |
L'hon. Andy Scott |
M. Michel Gauthier |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Yvon Godin |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ENVIRONNEMENT |
M. John Herron |
L'hon. Ralph E. Goodale |
NAV CANADA |
M. Mark Assad |
L'hon. David M. Collenette |
LE SOMMET DE L'APEC |
M. Dale Johnston |
L'hon. Andy Scott |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Andy Scott |
L'EXPORTATION D'ARMES |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
LE SOMMET DE L'APEC |
M. Peter Mancini |
Le très hon. Jean Chrétien |
PRÉSENCE À LA TRIBUNE |
Le Président |
QUESTION DE PRIVILÈGE |
La période des questions orales |
M. Stan Keyes |
Le Président |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Certains propos tenus au cours de la période des questions |
M. Peter MacKay |
Le Président |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
Le Kosovo |
L'hon. Don Boudria |
Motion |
Le projet de loi C-51 |
M. John Reynolds |
Motion |
AFFAIRES COURANTES |
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Comptes publics |
M. Walt Lastewka |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES |
L'hon. Charles Caccia |
LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ |
Projet de loi C-439. Présentation et première lecture |
Mme Libby Davies |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-440. Présentation et première lecture. |
M. Dan McTeague |
L'IRAN |
M. Svend J. Robinson |
Motion |
M. Keith Martin |
PÉTITIONS |
Le mariage |
M. Randy White |
Les droits à la propriété |
M. Ovid L. Jackson |
Les réacteurs CANDU |
M. Ovid L. Jackson |
L'hépatite C |
M. Jim Hart |
La Loi sur le divorce |
M. Mac Harb |
La justice |
M. Ted White |
Le MMT |
Mme Rose-Marie Ur |
L'Étude canadienne multicentrique sur l'ostéoporose |
Mme Rose-Marie Ur |
Les armes nucléaires |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le mariage |
M. Tom Wappel |
La chasse au loup |
M. Norman Doyle |
La justice |
M. Walt Lastewka |
Les armes nucléaires |
M. Keith Martin |
La Loi sur les jeunes contrevenants |
M. Keith Martin |
M. Keith Martin |
La famille |
M. Steve Mahoney |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS |
M. Peter Adams |
DEMANDES DE DOCUMENTS |
M. Peter Adams |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-51. Deuxième lecture |
M. Keith Martin |
M. Howard Hilstrom |
M. Bill Blaikie |
M. Steve Mahoney |
M. Gurmant Grewal |
M. René Canuel |
M. Steve Mahoney |
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
BOURSES D'ÉTUDES PORTANT LE NOM DE MÉDAILLÉS OLYMPIQUES |
Motion M-374 |
M. John Solomon |
M. Steve Mahoney |
Mme Diane Ablonczy |
M. Paul Crête |
M. Mark Muise |
M. Andrew Telegdi |
M. John Solomon |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LE KOSOVO |
L'hon. Lloyd Axworthy |
Motion |
M. Bob Mills |
M. Daniel Turp |
M. Bob Mills |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Ted McWhinney |
M. Chuck Strahl |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
M. Ted McWhinney |
M. Chuck Strahl |
M. Svend J. Robinson |
M. Ted McWhinney |
M. Gordon Earle |
M. David Price |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
M. David Price |
M. Gary Lunn |
L'hon. Charles Caccia |
M. René Laurin |
M. Robert Bertrand |
M. Keith Martin |
M. Bill Graham |
M. Bill Graham |
M. Keith Martin |
M. Julian Reed |
L'hon. Charles Caccia |
M. Bill Graham |
Mme Aileen Carroll |
M. Bill Graham |
M. Derek Lee |
M. Art Hanger |
Mme Aileen Carroll |
M. Art Hanger |
M. Bill Graham |
M. Gurmant Grewal |
Mme Jean Augustine |
M. Gurmant Grewal |
M. Clifford Lincoln |
M. Gurmant Grewal |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 134
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mercredi 7 octobre 1998
La séance est ouverte à 14 heures.
Prière
[Traduction]
Le Président: Comme le veut l'usage le mercredi, nous chanterons Ô Canada sous la conduite de la députée de Saint John.
[Note de la rédaction: Les députés se lèvent et chantent Ô Canada.]
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LES PRIX GEMINI
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, en fin de semaine avait lieu la 30e édition du gala des prix Gemini, à Toronto. Ces prix honorent tous les aspects de la production télévisuelle anglaise au Canada. Au nom de tous les députés à la Chambre, je tiens à féliciter tous les artistes et artisans qui étaient en nomination et tous ceux qui ont reçu un prix.
Je tiens à souligner en particulier les grandes réalisations de la Société Radio-Canada et son engagement envers la télévision canadienne. Des 67 prix Gemini octroyés, 41 ont été remis à des émissions de Radio-Canada et un nombre sans précédent de trophées, 11, ont été accordés à TVOntario. Cette année, la majorité des prix pour les meilleures émissions et les émissions les plus innovatrices de la télévision canadienne ont été remis à des diffuseurs subventionnés par l'État.
Les prix Gemini honorent de façon remarquable le talent des gens qui oeuvrent tant devant que derrière la caméra.
Encore une fois, je félicite tous ceux qui étaient en nomination et tous les récipiendaires d'un prix Gemini pour le dévouement dont ils font preuve afin de pouvoir offrir aux téléspectateurs canadiens d'excellentes émissions canadiennes.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, de nombreuses allégations circulent à propos de mauvais traitements dont les autochtones seraient victimes de la part de leur conseil de bande. Les autochtones essaient depuis des années de savoir où est rendu l'argent qu'ils ont gagné ou qu'on leur a donné.
Leurs conseils n'en font aucun cas, et le ministère fait l'autruche, n'étant nullement disposé à les aider, ce qui est un manquement flagrant à son devoir envers ces gens. Pendant ce temps, les autochtones vivent dans des conditions typiques du tiers monde, où la violence, l'exploitation sexuelle, la toxicomanie et les maladies, allant de la tuberculose au diabète, sont en train de détruire les fondements mêmes de leur société.
Les membres des bandes Pacheedaht et Kwicksutaineuk, entre autres, veulent des réponses. La ministre des Affaires indiennes doit cesser de faire l'autruche. Elle doit commander des vérifications judiciaires dans certaines de ces réserves, afin que les gens puissent obtenir les réponses qu'ils méritent. Elle doit mettre un terme à la violence qui sévit dans certaines des réserves. Elle doit faire son travail, pour aider ces gens à s'aider eux-mêmes.
* * *
MERRICKVILLE (ONTARIO)
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Monsieur le Président, huit mois à peine après la tempête de verglas qui a frappé l'est de l'Ontario, c'est un honneur pour moi de prendre aujourd'hui la parole pour féliciter le village de Merrickville, qui a été reconnu comme le plus joli village du Canada. Le village de Merrickville a gagné ce prix dans le cadre du concours Municipalités en fleurs, lancé en 1995.
Ce programme vise à stimuler le sens civique, à sensibiliser à la protection de l'environnement et à embellir les localités qui désirent relever le défi de ce concours national. Je sais à quel point les gens de cette localité ont dû travailler fort pour remettre leur village en état pour participer au concours. Leur sens de la communauté et leur détermination ont certainement été profitables.
Je félicite le comité organisateur, composé de Gary Clarke, Rhoda Drake, Joan Spencer et Doug Struthers, ainsi que les innombrables bénévoles qui ont contribué à la réalisation de cette initiative.
Félicitations à Merrickville, le plus beau village en fleurs du Canada.
* * *
[Français]
LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME RURALE
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, le 15 octobre, les femmes de tous les pays célébreront la Journée internationale de la femme rurale.
Au Canada, les femmes du milieu rural contribuent largement à la diversité et à l'excellence au sein du secteur agricole canadien. Elles ont prouvé l'importance primordiale de leur rôle en participant directement soit à l'exploitation, soit à la gestion de la ferme.
Au Canada, plus de 25 p. 100 des fermes sont exploitées par des femmes et 30 p. 100 sont gérées par des couples, mari et femme. De plus, la femme rurale contribue largement à la pérennité des collectivités et à la vie rurale par les longues heures qu'elle consacre au bénévolat et aux activités communautaires.
Au nom de mon collègue, le secrétaire d'État à l'Agriculture et à l'Agroalimentaire et aux Pêches et Océans et député de Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, qui a la responsabilité de ce dossier, j'encourage donc toutes les femmes rurales à continuer d'être actives dans le secteur agricole, et je les remercie de l'énorme contribution qu'elles apportent à notre pays sur le plan culturel, social et économique.
* * *
[Traduction]
BERNADETTE MCCANN
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nippissing—Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, dans le coeur de toute vraie femme, il y a une étincelle de feu divin qui reste invisible pendant les heures claires de la prospérité, mais qui jaillit et brille d'un feu brûlant aux heures sombres de l'adversité.
Bernadette McCann a été un brillant symbole d'espoir pour les femmes et les enfants du comté de Renfrew qui ont été victimes de mauvais traitements et ont trouvé réconfort et consolation dans l'établissement qui porte son nom.
Bernadette McCann a élevé onze enfants à Pembroke, en Ontario, y compris le pittoresque Terry McCann, ancien maire de cette localité. Bernadette était une femme humble et discrète qui allait à l'église tous les jours. Lorsqu'elle est morte, plus de 30 prêtres ont assisté à ses funérailles. Travailleuse infatigable, elle se consacrait entièrement à sa famille, à ses amis, à son Dieu, à sa paroisse et à sa collectivité. Elle a laissé derrière elle un héritage d'amour et de compassion qui est là pour nous soutenir dans notre monde troublé.
C'est avec beaucoup de fierté que je salue en Bernadette McCann une grande Canadienne et une femme d'envergure.
* * *
L'AGRICULTURE
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, hier, on lisait dans le Prairie Pools que: «En 1997, le revenu net total des exploitations agricoles des Prairies a diminué de 35 p. 100 en Alberta, de 40 p. 100 au Manitoba et de 84 p. 100 en Saskatchewan. Les recettes monétaires agricoles pour les six premiers mois de 1998 sont nettement inférieures à ce qu'elles étaient l'an dernier.»
Le ministre de l'Agriculture déclare que les programmes gouvernementaux actuels suffisent pour faire face à la crise économique qui menace les Prairies. Le ministre ne veut pas voir la réalité. Il ne pourra pas utiliser bien longtemps les chiffres sur les revenus agricoles pour camoufler la crise qui plane sur l'Ouest.
Il sait que le compte de stabilisation du revenu net moyen ne pourra pas couvrir les besoins de la plupart des producteurs agricoles de l'Ouest. Quelques agriculteurs ont déjà dû retirer de l'argent de leur compte de stabilisation cette année pour acheter des semences. L'an prochain, la situation sera encore pire.
Le ministre va-t-il laisser les agriculteurs des Prairies exposés aux vents mauvais qui soufflent en grande en partie à cause de près de trois décennies d'impéritie des gouvernements libéraux? Faites quelque chose maintenant.
* * *
LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, le Canada et l'Organisation de coopération et de développement économiques tiennent cette semaine à Ottawa une conférence à l'échelon ministériel sur le commerce électronique intitulée «Un monde sans frontières: Réaliser le potentiel du commerce électronique mondial».
Le commerce électronique rend les produits et les services, qu'ils soient en provenance de l'autre bout du monde ou du coin de la rue, disponibles en un clic de souris. Il permet aux gens de se brancher les uns aux autres. Il facilite l'amélioration et la prestation des services gouvernementaux, atteignant les citoyens là où ils sont.
[Français]
Ceci génère la croissance de nouvelles industries, tout en rencontrant les besoins du marché de façon plus rapide et efficace.
Encore une fois, comme plusieurs pays, le Canada est conscient du leadership à prendre dans le domaine du commerce électronique.
* * *
LA DISCRIMINATION
M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, on la croyait pourtant gagnée, la bataille de l'égalité. Finies, croyions-nous, toutes les formes de discrimination. L'homme et la femme sont enfin égaux devant la loi. Et, bien avant, c'est l'égalité des races qui avait été obtenue dans nos pays. Plus tôt encore, c'est le vote censitaire qui avait été aboli chez nous.
Oui, riches et pauvres, Blancs et Noirs, hommes et femmes, nous nous croyions tous égaux enfin, non seulement devant la loi, mais aussi face à nos employeurs. Jusqu'à ce que se pointe, au Canada, une nouvelle tête de l'hydre inégalitaire: les clauses dites «orphelin» dans les conventions collectives, qui ont pour effet qu'à compétence, grade, ancienneté et diplômes égaux, les enfants gagneraient moins que leur père.
Alors, nous allons la livrer aussi, cette nouvelle bataille, pour qu'à la discrimination suivant le sexe, la race, la fortune, ne succède pas, à présent, dernier avatar du monstre, la discrimination suivant l'âge.
* * *
[Traduction]
LA MARCHE SACRÉE POUR LA GUÉRISON
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui pour souligner les efforts déployés par l'évêque Beardy de Muskrat Dam, dans ma circonscription. Il est le premier évêque autochtone de l'Église anglicane. Il est le chef spirituel de plus de 50 paroisses dispersées sur plus de 800 000 kilomètres carrés dans le nord de l'Ontario et du Manitoba.
En août dernier, l'évêque Beardy et les membres de sa communauté ont entrepris la deuxième marche sacrée pour la guérison. Partis de Lac Seul, ils ont atteint aujourd'hui leur destination, Ottawa.
Cette marche sacrée poursuit un triple objectif: sensibiliser davantage la population aux abus commis dans le passé au sein des communautés des premières nations, promouvoir la réconciliation entre les autochtones, les non-autochtones et l'Église, et recueillir des fonds en vue de réaliser des initiatives communautaires dans le cadre du processus de guérison.
Pour reprendre les propos de l'évêque Beardy: «On ne peut rester les bras croisés après avoir vu tant de souffrances. Voici quelque chose que nous pouvons faire, tous ensemble.»
J'espère que les députés voudront bien se joindre à moi pour souligner par des applaudissements la contribution de l'évêque Beardy à un avenir plus positif pour tous les Canadiens.
* * *
LE KOSOVO
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, récemment, le ministre des Affaires étrangères a dit que nous ne pouvions pas permettre que les atteintes à la dignité humaine se poursuivent au Kosovo.
Je veux que la Chambre fasse plus qu'exprimer un sentiment d'inquiétude. Les Canadiens sont manifestement outrés par les horreurs que doivent endurer les civils au Kosovo.
À l'approche de l'hiver, presque 275 000 Serbes d'origine albanaise sont sans abri, alors que le président serbe Slobodan Milosevic continue de faire fi des menaces de l'OTAN et des Nations Unies, ce qui a des conséquences désastreuses pour les habitants du Kosovo et de toute la Serbie.
Le massacre au Kosovo force enfin le monde occidental à prendre des mesures draconiennes contre Milosevic.
Nous entendons parler depuis près d'un an de civils qui se font tuer, et le temps est maintenant venu de mettre fin au massacre. Au lieu de rester neutre, le Canada se doit de se joindre à ses alliés de l'OTAN pour intervenir dans ce conflit.
Le temps est venu pour l'OTAN de recourir à des frappes stratégiques, si nécessaire, pour mettre un terme à la violence qui sévit dans cette région troublée.
* * *
LA MARCHE SACRÉE POUR LA GUÉRISON
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, rendons hommage encore une fois à Gordon Beardy, évêque anglican du diocèse de Keewatin, et à ses compagnons.
Mgr Beardy est à la Chambre aujourd'hui pour finir l'édition de 1998 de sa marche sacrée pour la guérison.
Il y a deux ans, Mgr Beardy a entrepris sa première marche pour montrer sa solidarité avec les survivants des mauvais traitements infligés aux enfants autochtones dans les pensionnats dans les années 1950 et 1960.
L'an dernier, des gens de 25 collectivités ont participé avec lui à une marche de 3 000 kilomètres.
Mgr Beardy a commencé ces marches pour sensibiliser la population, promouvoir la guérison et recueillir des fonds pour les victimes de mauvais traitements.
Cette année, Mgr Beardy a encore une fois porté son message depuis la réserve de la première nation du lac Seul, près de Sioux Lookout, jusqu'à la capitale nationale, en passant par le nord-ouest et le nord-est de l'Ontario. Durant son périple, Mgr Beardy a passé une nuit dans la circonscription de Peterborough et a rendu visite à la première nation du lac Curve. Il a assisté à une réception en son honneur à l'église anglicane All Saints.
On dit qu'on ne peut pas juger un homme avant d'avoir marché un mille dans ses souliers. Les gestes de Mgr Beardy et de ses compagnons se passent de commentaires.
* * *
LES VÉTÉRANS DE LA MARINE MARCHANDE
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, Thérèse Casgrain, ancienne présidente de la Voix des femmes a dit un jour «la seule défense est la paix».
Je suis révolté par la dureté du gouvernement à l'égard des marins marchands canadiens qui ont risqué et souvent sacrifié leur vie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est temps que le gouvernement fasse la paix avec ces vétérans au lieu de mener contre eux une guerre d'attrition.
En février, le ministre, répondant à un message urgent que je lui avais envoyé, a dit: «En ce qui concerne les avantages accordés aux anciens combattants, le Canada est un chef de file mondial et nous en sommes fiers.»
J'ai honte de la fierté qu'éprouve le gouvernement à se montrer injuste avec les vétérans de la marine marchande. Au lieu de jouer ce jeu cruel et d'espérer que le problème disparaîtra à mesure que le nombre de ces gens déclinera au fil des ans, le gouvernement pourrait et devrait leur accorder le règlement qu'ils méritent.
* * *
[Français]
LA PAUVRETÉ
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le 17 octobre prochain est consacré Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté.
Le premier ministre déclarait, le 24 septembre 1997, et je cite: «La pauvreté est le facteur qui nuit le plus à un bon départ dans la vie.» Il ajoutait: «Nous investirons dans les enfants, notre ressource la plus importante.»
Fidèles à leur tradition, les libéraux ont fait exactement l'inverse. Ils sont allés chercher dans les poches des familles à faible revenu des milliards de dollars en refusant d'indexer les prestations fiscales pour enfants, les tables d'impôt et les crédits pour la TPS.
De plus, ils ont expédié sur le bien-être social leurs parents, faute de ne pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi. Depuis 1989, le nombre d'enfants vivant dans des familles bénéficiant de l'aide sociale a augmenté de 68 p. 100.
Au nom des enfants qui arrivent chaque matin à l'école le ventre vide, au nom de leurs parents, ces hommes et ces femmes que le premier ministre conduit au désespoir par ses choix politiques, je lui demande de placer l'être humain au coeur de ses priorités.
* * *
[Traduction]
LES VÉTÉRANS DE LA MARINE MARCHANDE
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, les vétérans de la marine marchande en sont au neuvième jour de la grève de la faim qu'ils ont entamée afin d'obtenir les mêmes indemnités et le même traitement que les autres anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont déjà perdu une douzaine de livres et le gouvernement ne s'est toujours pas manifesté.
En avril, le ministre avait promis de présenter, avant le mois de juin 1998, un projet de loi qui mettrait les vétérans de la marine marchande sur un pied d'égalité avec les anciens combattants des forces régulières. Il n'a pas tenu sa promesse. C'est pourquoi ces êtres courageux qui ont risqué leur vie pour défendre la paix et la liberté dont nous jouissons aujourd'hui font la grève de la faim.
Les vétérans de la marine marchande ont été privés de la majorité des avantages accordés aux autres anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Tout ce qu'ils veulent, c'est une indemnisation équitable et un traitement égal. Ils ont donné le bénéfice du doute au ministre des Anciens combattants. Ils ont fait appel à lui en toute bonne foi; malheureusement, il ne leur a pas rendu la pareille.
Nous espérons, comme l'ensemble des Canadiens et les autres anciens combattants, que le gouvernement fera la seule chose qui lui reste à faire et accordera à ces anciens combattants...
Le Président: Le député de Brome—Missisquoi a la parole.
* * *
[Français]
LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU CANARD DES CANTONS DE L'EST
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, c'est à Bromont et Ville du Lac-Brome que se tient la troisième édition du Festival international du canard des Cantons de l'Est, du 2 au 31 octobre 1998.
Il s'agit d'un rendez-vous gastronomique de haut niveau qui a déjà fait sa marque à l'échelle mondiale. Le Festival international du canard s'est d'ailleurs mérité le prix d'excellence or dans la catégorie Manifestation touristique, lors des récents grands prix du tourisme québécois.
Le gouvernement du Canada a investi 128 000 $ pour appuyer les efforts de promotion et de commercialisation du festival sur les marchés extérieurs et favoriser le développement du tourisme international dans la région des Cantons de l'Est.
Considérant le taux de change du dollar canadien, nous devons profiter de toutes les occasions pour aller chercher les touristes étrangers. C'est ce que Brome—Missisquoi fait avec l'aide très appréciée du gouvernement du Canada.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LE SOMMET DE L'APEC
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le solliciteur général est censé être le premier policier du pays. Il est censé exécuter les lois, sans préjuger du résultat des enquêtes en cours ni compromettre celles-ci comme il l'a fait la semaine dernière.
Pourquoi le solliciteur général siège-t-il encore au Cabinet?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit mardi, il est très clair que les allégations qui ont été faites ne sont pas fondées. Je les ai niées. La personne avec qui je m'entretenais a appuyé ma position.
Les députés se rabattent en masse sur cette affaire alors que, en fait, il n'y a rien là.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est drôle qu'un avocat libéral soit d'accord avec le ministre et corrobore ce qu'il a dit.
La semaine dernière, le solliciteur général s'est vanté publiquement à son vieux copain libéral qui était dans l'avion avec lui d'être devenu un gros bonnet à Ottawa. Il a fanfaronné aussi au sujet de l'enquête secrète sur Airbus et sur qui seraient les boucs émissaires dans l'affaire de l'APEC.
Avec ces petites vantardises, le ministre a révélé des affaires gouvernementales délicates. Quand le premier ministre exigera-t-il la démission du solliciteur général?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme la députée parle de l'Airbus, je la renvoie à ce qu'a dit, au cours de son point de presse, le député de Palliser, le fameux député dont il faut se méfier tout le temps.
«Il n'a absolument pas été question en tant que tel de l'affaire Airbus. Je ne me rappelle pas que le solliciteur général ait jamais prononcé le mot «Airbus» dans le cours de ses observations.»
Comme d'habitude, la députée est mal renseignée.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): C'est curieux, monsieur le Président. Un avocat qui trahirait la confiance de son client serait radié du tableau de l'ordre. Un médecin qui révélerait des renseignements personnels au sujet d'un client perdrait le droit de pratiquer. Mais lorsque le solliciteur général parle d'affaires gouvernementales délicates au sujet d'Airbus ou de personnes qui y sont associées, ou de l'APEC, que fait le premier ministre? Il le défend, l'appuie et le vante.
Comment le premier ministre peut-il défendre une conduite qui aurait fait radier du Barreau, interdire, condamner à une amende ou congédier d'autres Canadiens?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit à la députée que le député de Palliser a reconnu que le mot «Airbus» n'a jamais été employé, entendu ni mentionné par personne.
Venant de ce député, c'est la meilleure preuve. La députée le sait. Elle soulève et répète cette affaire au mépris de ce que l'on sait à la Chambre, à savoir qu'il faut respecter la vérité.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, jusqu'ici, une règle parlementaire sacrée voulait que les solliciteurs généraux ne parlent pas de causes relevant de leur compétence.
Or, l'actuel solliciteur général ne s'est pas gêné pour discuter de Frank Moores et de Karlheinz Schreiber, parties principales dans l'affaire des Airbus. S'il n'a pas mentionné leur nom, il l'a fait du moins implicitement. Il ne s'est pas gêné pour discuter des conclusions de l'enquête sur le sommet de l'APEC, tout cela avec un voisin de siège à bord d'un avion commercial, un lieu public.
Le premier ministre ne voit-il pas que le solliciteur général a compromis l'intégrité de son poste et qu'il doit demander sa démission?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on ne respecte aucunement la vérité. L'affaire des Airbus n'a pas été mentionnée au cours de cette discussion.
Non seulement le solliciteur général et l'avocat, mais même le député de Palliser ont dit que le mot Airbus n'avait jamais été prononcé en relation avec toute cette affaire.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, en refusant de demander au solliciteur général de démissionner, le premier ministre crée un dangereux précédent.
Cela signifie qu'il existe une nouvelle règle pour les solliciteurs généraux. Cela veut dire que les enquêtes confidentielles dont il est responsable peuvent être discutées et débattues publiquement, et même préjugées publiquement.
Afin de rétablir la confiance de la population envers le poste du solliciteur général, le plus haut législateur du pays, le premier ministre fera-t-il ce qu'il convient et lui demandera-t-il de démissionner aujourd'hui?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je répète que, selon le député de Palliser, aucune discussion n'a porté sur l'affaire des Airbus.
Les députés ont en main des questions écrites. Ils ne sont pas assez rapides pour les corriger. Ils devraient les relire. Je leur dis de ne pas mentionner les Airbus. Selon le député de Palliser, il n'a pas été question des Airbus au cours de cette...
Le Président: L'honorable chef du Bloc québécois a la parole.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans sa lettre, non seulement M. Toole confirme que le sujet de l'APEC a bel et bien été abordé par le solliciteur général dans l'avion, jeudi dernier, mais il affirme de plus qu'il n'a pas interprété les propos du solliciteur général comme étant préjudiciables à l'enquête de la GRC.
Le premier ministre se rend-il compte que l'alibi du solliciteur général n'est qu'une lettre d'un ami qui a interprété ses propos en bon militant libéral, et que c'est bien mince pour le maintenir en place?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable député sait très bien qu'il y a une enquête présentement qui a commencé lundi.
Alors, tout ce qu'on demande et tout ce que le gouvernement veut—et j'espère que c'est ce que la Chambre des communes veut—c'est que la Commission étudie le dossier, entende les témoins, à savoir qu'est-ce qui s'est passé à Vancouver cet après-midi de novembre dernier, et qu'elle fasse rapport au gouvernement, qui agira en conséquence.
Mais laisser la Commission faire son travail, c'est ce que le Parlement devrait faire à ce moment-ci, plutôt que d'essayer de faire des hypothèses sur des qu'en-dira-t-on.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre aimerait bien que l'enquête porte sur ce qui s'est produit entre les militants et la GRC. Mais on aimerait savoir ce que lui, le premier ministre, a fait, et ce qu'a dit son solliciteur général dans l'avion.
Est-ce que le premier ministre ne pense pas que la lettre de M. Toole, sa présence à Ottawa hier, sa déclaration à l'effet qu'on ne lui aurait pas demandé d'en faire plus, que tout ça ressemble à du service commandé, comme le premier ministre en a fait, du service commandé, avec la GRC?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit, je n'ai absolument aucune crainte, parce que je veux que la vérité soit connue.
Je ne m'excuserai auprès de personne pour dire que j'ai un préjugé favorable à l'égard de la police montée. Ils ont géré le Sommet du G7 à Halifax d'une façon parfaite. Nous avions reçu, antérieurement l'APEC, le président des États-Unis et le premier ministre de la Chine sans aucune difficulté. C'est pourquoi, lorsqu'il y a eu une réunion importante à Vancouver, j'avais confiance en la police montée.
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a peut-être confiance dans la police montée, mais on la connaît au Québec. On sait de quoi elle est capable, la police montée.
Lundi dernier, le solliciteur général souffrait d'un trou de mémoire complet. Hier, il était capable de faire de subtiles nuances quant à ce qu'il a dit ou n'a pas dit dans l'avion.
Est-ce que le premier ministre ne comprend pas que le prodigieux sursaut de mémoire de son solliciteur général n'a aucune crédibilité, que ça n'a pas d'allure, que ça sent mauvais et qu'il doit exiger sa démission?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le solliciteur général a fait une déclaration à 10 heures hier matin à la Chambre des communes où il a expliqué sa position, qui a été confirmée par l'avocat avec lequel il a parlé.
Pour moi, c'est suffisant. Quant aux notes qui ont été prises, ont-elles été bien prises ou pas? Lorsqu'on a des conversations privées, on ne s'attend pas à ce que nos voisins écoutent ce qu'on dit.
Je pensais qu'il y avait des règles ici, dans cette Chambre, qui faisaient que deux députés doivent se respecter...
Le Président: L'honorable député de Roberval a la parole.
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, tout ce qui manque à la réponse du premier ministre, c'est: quand on est solliciteur général, on est supposé avoir assez de jugement pour ne pas parler de ses dossiers dans un avion.
Je comprends le premier ministre de protéger son solliciteur général; c'est son bouclier. Le premier ministre sait-il qu'il n'y a plus un Canadien qui a confiance dans le solliciteur général, il n'y a plus un Canadien qui a confiance dans son bouclier, et il doit le mettre à la porte?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le solliciteur général est un député extrêmement respecté dans cette Chambre depuis qu'il siège au Parlement.
Des voix: Bravo!
Le très hon. Jean Chrétien: Il s'est occupé de tous les dossiers sociaux qui ont été présentés à la Chambre des communes, notamment celui des personnes handicapées. Il est allé partout pour essayer de faire avancer la cause des plus faibles de la société. C'est pourquoi j'ai confiance dans le solliciteur général qui est en poste à l'heure actuelle.
[Traduction]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, les Canadiens ont entendu des raisons convaincantes pour lesquelles le solliciteur général devrait démissionner.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: La parole est au chef du Nouveau Parti démocratique.
Mme Alexa McDonough: Ils essaient de comprendre les raisons pour lesquelles le premier ministre le laisse à son poste.
Si le solliciteur général démissionne, qui protégera les arrières du premier ministre? N'est-ce pas là la véritable raison qui explique pourquoi le premier ministre refuse de limoger le solliciteur général?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai passé la plus grande partie de ma vie à la Chambre des communes sur les banquettes de ce côté-ci. Je n'ai jamais eu besoin de personne pour me défendre.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ce n'est pas à la Chambre que le premier ministre a besoin de quelqu'un pour le défendre, mais devant la commission.
[Français]
Le premier ministre l'a dit: Pelletier et Carle n'ont pas attendu de subpoena, ils ont offert de se présenter devant la Commission.
Pourquoi le premier ministre refuse-t-il de faire la même chose? A-t-il quelque chose à cacher?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je demande à tout le monde de laisser la Commission faire son travail. Lorsque le travail de la Commission sera fait, tout le monde aura la vérité.
Lorsque nous avons reçu ici les gens des 18 pays qui devaient être présents au Sommet, nous avions en place un dispositif pour s'assurer de leur sécurité et avoir des délibérations paisibles, comme cela arrive partout dans le monde. C'était le devoir du gouvernement du Canada et du premier ministre de s'assurer que tout se passe bien au Canada. Dans les autres sommets et réunions qui se sont tenus au Canada, la police avait très bien fait son travail...
Le Président: Je regrette d'interrompre le très honorable premier ministre. Je cède maintenant la parole à l'honorable député de Pictou—Antigonish—Guysborough.
[Traduction]
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, pendant des semaines, le solliciteur général a fait la leçon à la Chambre sur le caractère inopportun des observations sur l'APEC. Or, tout ce qu'il a fallu, c'est un vol de retour chez lui pour que le solliciteur général devienne soudainement volubile.
Il a parlé de l'APEC, des Airbus et de simples citoyens visés dans une enquête en cours et mal fondée. Il est clair que le manque de jugement du solliciteur général le rend inapte à siéger au Cabinet.
Le solliciteur général rendra-t-il compte de ses erreurs? Agira-t-il honorablement? Démissionnera-t-il?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne le fait d'agir honorablement, le député d'en face a confirmé qu'il n'avait jamais été question de l'affaire des Airbus, mais le député l'a ressuscitée comme s'il en avait été question. Je pense que la tactique des députés se retourne contre eux.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, le premier ministre a promis aux Canadiens un gouvernement intègre. Or, il a nommé au poste de solliciteur général un député qui n'hésite pas à parler ouvertement et publiquement de questions gouvernementales délicates.
Le solliciteur général a juré de respecter la loi, mais il a violé son serment en parlant, lors d'un vol, de l'APEC et de nombreux hommes d'affaires et politiciens liés à l'affaire des Airbus.
Est-il fiable? Est-il crédible? Est-il discret? La réponse est non à ces trois questions. Le premier ministre fera-t-il maintenant preuve d'intégrité et de leadership, et demandera-t-il au solliciteur général de démissionner?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai cité à la Chambre des communes une déclaration du député de Palliser selon laquelle il n'a pas parlé du tout des Airbus. Il n'y a pas meilleur témoin que le député de Palliser.
Le député est le quatrième à prendre la parole et à soulever la question des Airbus alors que l'on sait que le solliciteur général et le député de Palliser ont dit que cette question n'a pas été discutée. Qui ne respecte pas les règles? Le député cherche simplement à en retirer bassement un avantage politique.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Le premier ministre sait bien que tout notre système de gouvernement ministériel est fondé sur la confidentialité et la responsabilité. Ce ministre a tenu un débat public à bord d'un avion. Personne n'est à l'abri des erreurs. Il a parlé du nouveau centre international d'études en matière correctionnelle au Canada. C'est une question dont le Cabinet est saisi.
Le ministre a violé un serment en discutant d'une question dont le gouvernement est saisi. Cette seule raison ne devrait-elle pas suffire pour qu'il démissionne?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a des débats. À l'heure actuelle, tout le monde parle du prochain budget. Tout le monde a des suggestions à faire sur la meilleure façon d'agir.
Autrefois, personne ne parlait de quoi que ce soit avant que le ministre des Finances n'ait pris une décision. Aujourd'hui, il y a davantage de participation parce que notre gouvernement est transparent. J'espère que les ministres et les députés discutent des questions qui ne sont pas confidentielles avec leurs électeurs pour obtenir leur avis sur ce qu'il convient de faire. C'est ça la démocratie.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, si l'on en croit le gouvernement actuel, on peut se permettre de dire tout ce qu'on veut dans un avion. Il suffit de ne pas l'admettre.
J'aimerais alors poser une question au solliciteur général. À 15 h 30 lundi, il ne se souvenait pas si la personne qui était assise à côté de lui était un homme ou une femme. Pourrait-il dire à la Chambre à quelle heure il a téléphoné à M. Toole pour lui demander d'écrire une lettre d'appui? À quelle heure l'a-t-il fait lundi?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai souligné hier, lorsqu'on m'a d'abord posé la question, je ne savais trop de quoi il s'agissait. Je ne me rappelais pas qui était assis à mes côtés dans cet avion.
Au cours des cinq dernières années, j'ai pris ce même vol plus de 300 fois. J'ai donc dû me renseigner pour savoir qui était assis à côté de moi ce jour-là. J'ai réussi à l'établir. J'ai fait un appel. J'ai établi sur quoi avait porté la discussion. Voilà ce que j'ai à dire et c'est la vérité.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Même M. Toole, un militant libéral, ne veut pas aller plus loin que ce qu'il a écrit pour couvrir le ministre. Le premier ministre ne comprend-il pas que la défense du solliciteur général est bien mince et que, par décence, il doit démissionner dès maintenant?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons discuté de ce problème. Ce que nous voulons, c'est que la Commission fasse son travail dans les plus brefs délais de façon à ce que tous les Canadiens sachent exactement ce qui s'est passé à Vancouver, au mois de novembre de l'an dernier. C'est ce qui est dans l'intérêt de tout le monde.
Le solliciteur général s'est levé à la Chambre, a donné sa position, confirmée par une lettre de cet avocat, et c'est la position que j'ai acceptée. Je suis convaincu que le solliciteur général peut très bien exécuter ses fonctions, vu la carrière exceptionnelle qu'il a eue par le passé dans la fonction publique au Nouveau-Brunswick ainsi que comme député de la Chambre des communes.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, je demande au premier ministre de ne pas changer de sujet.
On ne lui parle pas de la Commission, mais de son ministre. La lettre de M. Toole est claire. Le solliciteur général a parlé de l'enquête de l'APEC dans l'avion, alors qu'il ne devait pas le faire en tant que solliciteur général.
Qu'attend le premier ministre pour faire la seule chose honorable: demander la démission de son ministre, et surtout, l'accepter?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu à cette question hier et aujourd'hui. Le solliciteur général a la confiance du gouvernement.
J'ai répondu clairement et je suis très fier d'avoir un homme de son calibre, avec l'expérience qu'il a, pour servir dans mon Cabinet.
[Traduction]
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, résumons la situation. Le solliciteur général préjuge du résultat de l'enquête sur le sommet de l'APEC. Il fait des déclarations publiques sur Frank Moores et Karlheinz Schreiber. Enfin, il viole le caractère confidentiel des délibérations au Cabinet.
En tant que partisan des Yankees, il doit savoir qu'après trois prises, on est retiré. Quand le ministre va-t-il démissionner?
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, ces trois allégations sont fausses.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, permettez-moi d'exprimer les choses dans des termes que le ministre va comprendre. Il y a deux sorties en avant, deux sur les côtés et deux sorties en arrière. Quand va-t-il en prendre une et démissionner?
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, toute cette affaire est fondée sur des notes prises par une personne qui était assise à deux sièges de moi dans l'avion, alors que la personne à laquelle je m'adressais est venue appuyer mes souvenirs de cette discussion.
Je pense que c'est indigne de cette institution. J'ai trop de respect pour le Parlement pour ne pas dire qu'il est tout à fait inadmissible que cela se produise au Canada et dans cette enceinte.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Quel que soit le contenu réel des discussions entre le solliciteur général et M. Toole dans l'avion, jeudi dernier, un fait demeure: le solliciteur général ne doit jamais parler de ses dossiers dans un lieu public.
Le premier ministre ne trouve-t-il pas que l'imprudence de son solliciteur général le rend inapte à occuper ses fonctions et qu'il doit donc démissionner?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la réponse est non.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, un élément capital dans la fonction de solliciteur général, c'est son devoir de réserve. Or, la preuve est faite: ce ministre est un bavard.
N'est-ce pas là un motif suffisant pour que le premier ministre le relève de ses fonctions immédiatement?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le solliciteur général s'est levé à la Chambre. Suivant la tradition, il a fait, de son fauteuil, une déclaration solennelle et raconté cette conversation tel qu'il s'en rappelait. Cela est confirmé par la personne à qui il parlait, alors qu'il y avait quelqu'un qui écoutait à la dérobée, contrairement à l'éthique habituelle qui guide les gens de cette Chambre.
Je pense que Tommy Douglas et David Lewis étaient d'un autre calibre que les gens qui écoutent aux portes.
[Traduction]
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, ce qui est inacceptable, à la Chambre, c'est que le ministre n'ait pas la décence de démissionner. À cause de ses indiscrétions, le sergent d'état-major Hugh Stewart a été condamné sans procès. Les manchettes de tout le pays montrent qu'il est le bouc émissaire. Je pensais que les gens étaient innocents jusqu'à preuve du contraire, au Canada.
Une fois de plus, le solliciteur général va-t-il avoir la décence de démissionner aujourd'hui?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, j'ai un respect incroyable pour le processus d'enquête. Je parle très souvent publiquement en faveur de ce processus et de la nécessité de faire toute la lumière sur les diverses affaires. Je l'ai fait à de nombreuses reprises, souvent à la Chambre. Je crois qu'il nous incombe de laisser l'enquête suivre son cours pour que nous puissions enfin connaître la vérité.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, le solliciteur général essaie de s'accrocher malgré tous les faits qui remettent en question sa crédibilité. C'est incroyable. Il est évident qu'il a préjugé du résultat de toute cette enquête.
Étant donné que le solliciteur général ne veut pas démissionner, le premier ministre pourrait-il nous dire s'il va demander sa démission aujourd'hui? Oui ou non?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu six fois par la négative. Les députés n'écoutent peut-être pas.
La commission d'enquête examine la question à ce stade-ci.
Il est incroyable que les députés n'aient que ce sujet en tête. Cela reflète vraiment le remarquable bilan du gouvernement lorsque je vois, par exemple, le porte-parole de l'opposition en matière de finances intervenir sans dire mot des finances du pays.
Il n'y a qu'un petit problème. Dans le cadre de cette enquête, nous voulons connaître la vérité autant que l'opposition et le plus tôt possible. Nos vis-à-vis ne veulent pas qu'on fasse la lumière sur toute cette affaire, car ils n'ont aucun autre sujet de discussion.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, puisque le premier ministre veut parler de vérité, M. Toole ne dit pas, dans sa lettre, que le solliciteur général n'a pas parlé de l'APEC. Il dit: «Les propos du solliciteur général à propos de l'APEC, je ne les ai pas interprétés comme étant préjudiciables». C'est donc dire que le solliciteur général en a parlé.
Je demande au solliciteur général s'il nous dira aujourd'hui s'il en a parlé ou s'il n'en a pas parlé puisque son...
Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable chef du Bloc québécois. La parole est maintenant au solliciteur général.
[Traduction]
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit que j'étais persuadé que le processus nous permettra de faire la lumière sur cette affaire.
* * *
[Français]
L'ÉCONOMIE CANADIENNE
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.
Durant les derniers mois, la situation économique globale s'est développée de façon de plus en plus précaire.
[Traduction]
Nous avons été témoins des efforts déployés par le gouvernement lors des dernières réunions des pays membres du Commonwealth et du G7 et lors de celles du FMI.
Le ministre des Finances peut-il nous dire quand il présentera aux Canadiens un portrait complet de l'économie canadienne, de son état et des mesures que nous prendrons pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés actuellement?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la députée a parfaitement raison, le monde connaît une grave instabilité économique, même si cela ne paraît pas à la lumière des questions que pose l'opposition.
Dans ce contexte, nous devons reconnaître que notre pays sera, pour des générations à venir, tributaire des choix que nous faisons aujourd'hui.
Je suis donc heureux d'annoncer à la Chambre que je comparaîtrai devant le Comité permanent des finances le 14 octobre, à 14 heures, ici à Ottawa.
[Français]
Je vais présenter l'énoncé économique du pays le 14 octobre, à 14 heures, ici, à Ottawa.
* * *
[Traduction]
LE SOMMET DE L'APEC
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, le solliciteur général a parlé publiquement de boucs émissaires dans l'enquête sur le sommet de l'APEC et il a présumé de leur culpabilité avant même que l'enquête ait lieu.
Lorsqu'on pose des questions au solliciteur général à ce sujet, le premier ministre le défend. Lorsqu'on pose des questions à ce sujet au premier ministre, c'est le solliciteur général qui prend la parole.
Ma question s'adresse au premier ministre. Puisque le solliciteur général est vraiment à l'origine de la pire atteinte à la sécurité au Canada, pourquoi le premier ministre ne cesse-t-il pas de le protéger et pourquoi ne le congédie-t-il pas?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu à la même question à maintes occasions. J'ai dit que le solliciteur général est un député qui jouit d'une excellente réputation et qui siège à la Chambre des communes depuis cinq ans. C'est un député qui fait son travail avec beaucoup d'application. Il a dit qu'il n'a jamais discuté avec qui que ce soit d'un aspect de l'affaire qui ne soit pas du domaine public, et je le crois. L'avocat avec lequel il s'entretenait l'a confirmé. Cela n'a pas été confirmé par quelqu'un qui l'épiait. Habituellement, les renseignements de quelqu'un qui en épie un autre ne sont pas exacts.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Passons à un autre aspect, monsieur le Président. Le solliciteur général a mentionné Frank Moores et Karlheinz Schreiber dans sa conversation avec M. Toole.
S'il ne parlait pas de l'affaire Airbus, de quoi au juste parlait-il?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme l'a dit même le député de Palliser, il n'a pas été question des Airbus. Le reste de la conversation était privé, et le député n'avait pas le droit d'aborder une conversation privée à la Chambre.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, il est fascinant de voir à quel point on peut croire ce que dit le député de Palliser. Le solliciteur général a maintenant admis que le député avait bien compris à propos de l'Airbus, bien compris à propos de la cérémonie de la suerie, bien compris à propos des Yankees et bien compris à propos de son grand avenir comme ambassadeur.
Le solliciteur général doit choisir. Admettra-t-il maintenant que le député avait également bien compris à propos de l'APEC? Admettra-t-il ce fait? Dira-t-il la vérité? Démissionnera-t-il?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député de Palliser a essentiellement capté quelques paroles entendues par hasard et fabriqué une histoire. Le Parlement ne peut fonctionner à ce niveau...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Les députés des deux côtés sont bien près de tenir des propos antiparlementaires. J'invite tous les députés à se montrer judicieux dans leur choix de mots tant pour les questions que pour les réponses.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au premier ministre. Il doit savoir que les autorités malaises ont brutalement frappé l'ancien vice-premier ministre Anwar, ont arrêté des manifestants et des gais pacifiques et jeté des députés d'opposition en prison.
Puisque le premier ministre a dit que la question des droits de la personne figurait à l'ordre du jour du sommet de l'APEC, est-il d'accord avec le député libéral de Quadra pour dire que la Malaisie n'était pas un lieu bien choisi pour tenir le prochain sommet de l'APEC? Va-t-il boycotter le sommet de l'APEC en Malaisie?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, au nom du gouvernement, le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères ont protesté très ouvertement contre le gouvernement de Malaisie, la semaine dernière.
Pour le moment, aucun des pays membres de l'APEC ne songe à boycotter ce genre de réunion. Devrions-nous boycotter l'ONU parce que la Malaisie y siège? Devrions-nous boycotter tous les organismes internationaux parce que la Malaisie en fait partie?
Je tiens à répéter au député qu'en ce qui concerne l'Indonésie, le président Suharto était...
Le Président: Le député de Madawaska—Restigouche a la parole.
[Français]
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, que la conversation du solliciteur général ait été de nature privée ou publique, là n'est pas la question. Ce qui importe, c'est que le ministre responsable pour la GRC a dévoilé des détails au sujet d'une enquête en cours à un citoyen qui n'est pas partie à cette enquête. Ceci est inacceptable.
Cette conversation, conjuguée à son comportement des deux derniers jours, ne lui laisse aucun choix. Le ministre fera-t-il honneur à cette Chambre en démissionnant de son poste?
[Traduction]
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce qu'allègue le député n'est absolument pas vrai.
[Français]
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, il est clair que le solliciteur général n'acceptera pas la responsabilité pour ses actions. Si le premier ministre permet au solliciteur général de garder son poste au Cabinet, le message qu'il envoie c'est qu'il accepte que son ministre ait des discussions publiques sur des enquêtes qui sont nettement confidentielles.
Le premier ministre protégera-t-il la confidentialité et l'intégrité d'enquêtes futures? Le premier ministre fera-t-il honneur à cette Chambre en demandant la démission du solliciteur général?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a eu absolument aucune allusion de la part du ministre au sujet de l'enquête sur Airbus. Il n'en a pas été question.
Même le député de Palliser a dit qu'il n'a pas été du tout question de ce dossier. Alors, pour moi, c'est suffisant. S'il en avait discuté, j'agirais autrement, mais il n'en a pas discuté. Alors, s'il m'amène des faits concrets et réels, avec preuves à l'appui, au lieu des racontars comme ceux-là, je vais agir.
* * *
[Traduction]
L'IRAN
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Monsieur le Président, le 21 juillet 1998, les autorités iraniennes ont exécuté Ruhullah Rawhani, parce qu'il pratiquait sa foi Baha'i. Il y a actuellement quatre autres baha'is en instance d'exécution.
Est-ce que le ministre des Affaires étrangères pourrait expliquer aux Canadiens la position du Canada en ce qui concerne la politique odieuse de l'Iran à l'égard des baha'is.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je pense que tous les députés partagent la grande inquiétude de la députée.
La semaine dernière, aux Nations Unies, j'ai eu l'occasion de poser la question directement au ministre des affaires étrangères d'Iran. Je lui ai fait valoir que ces arrestations n'étaient pas justifiées, que les personnes arrêtées devraient être relâchées et que, de plus, leur liberté devrait être reconnue en Iran comme partout au monde.
* * *
LE SOMMET DE L'APEC
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, le Code de conduite de 1994 du Conseil privé, que tous les députés des premiers bancs d'en face prétendent respecter, dit que le titulaire d'une charge publique agira avec honnêteté ainsi que selon les normes supérieures en matière d'éthique de façon à préserver et à faire croître la confiance du public dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du gouvernement.
Le premier ministre et le solliciteur général se rient de ces principes et embarrassent toute la Chambre devant les Canadiens. Quand le premier ministre demandera-t-il au solliciteur général de démissionner?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je sais sur quoi porte le serment en question et je le respecte. Je respecte tous les principes et je n'ai pas dévié de cela au sujet de cette commission d'enquête. Je prends cela très au sérieux. Je sais où est la vérité et je suis confiant du bien-fondé de ma position.
[Français]
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
Comment peut-il considérer que le témoignage du député de Palliser est la norme quand il s'agit d'Airbus et qu'il faut se fier sur ce qu'il nous a dit, alors que lorsqu'il nous parle de l'APEC, il ne faudrait pas le croire parce que ce ne serait pas exact.
Pourquoi on le croirait dans le cas de l'Airbus, parce que ça fait l'affaire du premier ministre, et on ne le croirait pas dans l'autre cas parce que cela voudrait dire le renvoi du solliciteur général?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est que dans le cas d'Airbus, c'est ce que le ministre a dit et c'est ce que l'avocat a dit. Même le député, qui essayait de mettre le ministre dans l'embarras avec son histoire fabriquée, a conclu qu'il n'avait pas parlé d'Airbus. Alors, c'est encore mieux.
[Traduction]
Le Président: Chers collègues, une fois de plus je vous demande d'être judicieux dans votre choix de mots, parce que nous nous laissons un peu emporter aujourd'hui.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, vous savez, quand j'étais petit, j'écoutais Robin des bois, et Robin des bois volait les riches pour donner aux pauvres.
Maintenant que j'ai grandi, ce n'est plus le même Robin des bois que j'avais connu. Le Robin des bois d'aujourd'hui vole les pauvres pour donner aux riches.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: J'espère que Robin des bois n'est pas ici aujourd'hui. Je demanderais à l'honorable député de poser sa question.
M. Yvon Godin: Notre Robin des bois était un conte de fées, il n'est pas ici aujourd'hui.
Ma question au premier ministre est la suivante. Est-ce qu'il va créer un fonds indépendant pour la caisse de l'assurance-emploi pour que les riches ne profitent pas des pauvres?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons un débat. L'honorable député peut parler et nous dire ce qu'il pense qu'on doit faire à cet égard.
Ce qui est intéressant, c'est que d'autres députés font des consultations populaires. La députée de Rimouski—Mitis a fait un sondage dans sa circonscription apparemment, selon Le Soleil, et les gens disent qu'ils sont moins préoccupés par cela et qu'on devrait dépenser dans toutes sortes de programmes. Je peux déposer la citation devant la Chambre.
* * *
[Traduction]
L'ENVIRONNEMENT
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Dans quelques semaines, les ministres de l'Environnement se réuniront à Buenos Aires pour donner suite à la conférence de Kyoto sur les changements climatiques. Les ministres fédéral et provinciaux de l'Énergie auront une réunion à Halifax la semaine prochaine, pour discuter de la position du Canada.
J'espère que ce gouvernement a tiré des leçons de sa démarche improvisée à Kyoto au sujet des changements climatiques. Il n'a tenu alors aucun dialogue réel avec les Canadiens, aucun dialogue réel avec les provinces, et la position adoptée à la réunion de la dernière heure, à Regina, a été abandonnée dès le lendemain.
Étant donné la méfiance suscitée par le gâchis de Regina, le ministre s'engagerait-il aujourd'hui à ce que la position adoptée pour la conférence de Buenos Aires ait le soutien total des provinces?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, dans les 48 heures suivant la conférence de Kyoto, les premiers ministres du Canada ont mis en place un mécanisme permettant aux provinces, à l'industrie, aux organisations environnementales et à de nombreux autres intéressés de participer.
Les ministres de l'Énergie et de l'Environnement se sont réunis en avril pour lancer le processus, qui se poursuit. Quinze groupes thématiques examinent toutes les dimensions du problème et 450 experts canadiens participent aux travaux. Il s'agit d'une démarche ouverte et transparente dans laquelle tout le monde a sa place, et le Canada va prendre les mesures voulues en ce qui concerne les changements climatiques.
* * *
[Français]
NAV CANADA
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur le Président, Nav Canada a recommandé au ministère des Transports le transfert du Centre d'information de vols de Gatineau à la ville de Québec.
Dans l'intérêt de la sécurité dans les transports, est-ce que le ministre des Transports peut dire à cette Chambre si Nav Canada peut effectuer ces changements de services sans l'approbation de son ministère?
[Traduction]
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la réponse est non. Nous avons examiné l'étude effectuée par NAV Canada au sujet du projet de transfert des services d'information de vol de Gatineau à Québec. Nous avons relevé certaines failles en ce qui concerne la sécurité. Aujourd'hui, nous avons fait savoir à NAV Canada qu'elle devait revoir son étude aéronautique, régler les problèmes qui nous préoccupent en ce qui concerne la sécurité et apaiser les craintes des usagers qui sont mal informés des raisons de cette décision. Rien ne se fera tant que nous ne serons pas absolument certains que ce transfert peut être effectué sans danger.
* * *
LE SOMMET DE L'APEC
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, le solliciteur général dit qu'il n'a pas discuté de l'affaire de l'Airbus l'autre jour dans l'avion. Pourtant, il ne nie pas avoir mentionné les noms de Frank Moores et de Karlheinz Schreiber.
S'il ne parlait pas de l'affaire de l'Airbus, de quoi parlait-il?
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il a été établi que nous n'avons pas discuté de l'affaire de l'Airbus. Il s'agit d'une conversation privée que personne n'aurait dû écouter clandestinement.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la lettre de M. Toole confirme qu'il y a eu discussion au sujet de l'APEC entre lui et le solliciteur général dans l'avion.
Le solliciteur général a dit, hier, qu'il n'a plus rien à dire au sujet de la discussion, puisqu'il s'agissait d'une conversation privée.
Je demande au solliciteur général s'il trouve normal de discuter, supposément en privé, dans un lieu public, d'une question hautement confidentielle qui concerne ses fonctions. Est-ce qu'il trouve cela normal et responsable?
[Traduction]
L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai discuté en détail du travail de la Commission des plaintes du public, de la foi que j'ai elle, du respect que je lui porte et de mon désir de la voir établir toute la vérité dans cette affaire. Voilà de quoi j'ai discuté.
* * *
[Français]
L'EXPORTATION D'ARMES
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
Habituellement, le ministre des Affaires étrangères dépose à la Chambre un rapport sur l'exportation d'armes par le Canada.
Quand le ministre déposera-t-il ce rapport pour nous donner des indications, à savoir si le gouvernement a vendu, comme en 1996, des armes à l'Indonésie de Suharto?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le député semble déjà avoir connaissance de ce que contient le rapport alors que celui-ci n'a pas encore été déposé. C'est ainsi que l'opposition semble travailler ces temps-ci.
Je déposerai le rapport très bientôt. Je pense que le député le trouvera intéressant.
* * *
LE SOMMET DE L'APEC
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, il existe une maxime en droit. La ministre de la Justice, le solliciteur général et le premier ministre la connaissent aussi bien que moi. Non seulement justice doit être faite, mais elle doit l'être de façon manifeste.
La Commission des plaintes du public chargée de l'enquête se trouve maintenant au coeur d'une controverse par suite de certaines révélations et de l'inaction du gouvernement dans ce dossier. Au nom de la justice, le premier ministre fera-t-il maintenant ce que je lui ai demandé de faire il y a trois semaines et ordonnera-t-il une enquête judiciaire indépendante pour aller au fond de cette affaire?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'enquête a commencé lundi et la comparution des témoins, aujourd'hui même.
La commission entendra les étudiants et les représentants de la GRC. Les gens connaîtront les faits exacts. Ils sauront en mesure de juger si la conduite de la GRC a été normale dans les circonstances.
Trois enquêteurs chevronnés ont été nommés et feront rapport au gouvernement, conformément aux exigences de la loi adoptée, non pas par le gouvernement actuel, mais par son prédécesseur.
* * *
PRÉSENCE À LA TRIBUNE
Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune d'une délégation du Koweït.
Des voix: Bravo!
Le Président: La question de privilège du député porte-t-elle sur la période des questions?
M. Stan Keyes: Oui, monsieur le Président.
* * *
QUESTION DE PRIVILÈGE
LA PÉRIODE DES QUESTIONS ORALES
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question de privilège se rapporte à la période des questions. Je prie le Président d'être indulgent à mon égard car je n'ai pas préparé mon intervention. Cependant, je tenterai d'être le plus succinct possible.
Durant la période des questions, ces dernières semaines et même depuis plusieurs mois, mon privilège parlementaire a été violé relativement aux questions importantes posées par l'opposition et aux réponses tout aussi importantes données par les députés ministériels.
En effet, au moment où nous tentons d'écouter une question ou une réponse, la règle des 30 secondes met un terme aux interventions. En cette époque où le temps est compté et où toutes les moindres actions de la journée doivent se faire rapidement, je crois que nous méritons mieux que de voir la présidence contrainte par des limites de temps. Il m'est impossible d'entendre la question...
Le Président: Je crois que l'intervention du député ne constitue pas vraiment une question de privilège, mais je dois néanmoins lui donner raison. La Chambre des communes, dans sa sagesse, a étudié la question. Le député dispose d'un autre recours. Je suis certain que nous pourrons lui donner un conseil un peu plus tard.
Les leaders à la Chambre ont fait une recommandation concernant l'emploi du temps et je l'ai prise au sérieux. Parfois, pour une raison ou l'autre, j'accorde un peu plus de temps pour une question ou une réponse mais, de façon générale, les députés posent leurs questions et obtiennent leurs réponses en moins de 35 secondes.
Le député peut cependant soumettre son cas au Comité de la procédure qui, j'en suis sûr, voudra l'écouter. Quoi qu'il en soit, la question de privilège ne me semble pas fondée.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement pour protester contre le fait que la présidence a accepté les mots «fabriqué» et «fabrication» qu'a employés le solliciteur général lorsqu'il a répondu à une question venant du Nouveau Parti démocratique. Il a également employé le mot «fabrication» lorsqu'il a répondu à un député du Bloc québécois.
Monsieur le Président, j'attire votre attention sur le commentaire 494, à la page 158 du Beauchesne. À mon avis, ces termes sont manifestement antiparlementaires. Je prie la présidence de demander qu'ils soient retirés.
Le Président: D'une façon générale, aucun terme n'est en soi antiparlementaire. Tout dépend de l'utilisation qu'on en fait et du contexte dans lequel on l'emploie.
Avec tout le respect que je dois aux députés, le terme «menteur» est interdit à la Chambre. Un député ne peut pas en traiter un autre de menteur. Cependant, en ce qui concerne le terme proprement dit, si un député disait: «Certains estiment que je suis menteur», j'aurais du mal à l'empêcher de l'utiliser. Je ne dis pas cela de façon facétieuse.
Les termes «fabriqué, à peine croyable, incroyable ou inimaginable» sont tous presque antiparlementaires. Je préférerais qu'on n'utilise pas des termes comme «fabriqué», «fabrication», «délibérément fabriqué». J'en fais donc la remarque aux députés et je leur demande de ne pas employer ces termes pendant nos débats.
Je n'aime pas intervenir lorsqu'un député qui pose une question ou qui donne une réponse emploie des termes qui sont presque antiparlementaires. Je prendrai note de la discrète admonestation, si je peux m'exprimer ainsi, que le député a faite à la présidence. Je tiendrai sérieusement compte de termes de ce genre lorsqu'ils se rapprocheront de termes antiparlementaires et je songerai à intervenir plus rapidement à l'avenir.
J'accepte l'admonestation dans le même esprit qu'elle a été faite.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
LE KOSOVO
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour que la motion suivante soit présentée. Je propose:
Que, le 7 octobre 1998, le Chambre ne s'ajourne pas à 18 h 30, mais que, à l'heure dite, un ministre de la Couronne propose la motion qui suit:
Que la Chambre prenne note de la terrible situation humanitaire que confronte la population du Kosovo, ainsi que de l'intention du gouvernement de prendre, avec la collaboration de la communauté internationale, des mesures pour résoudre le conflit, favoriser un règlement politique pour le Kosovo et faciliter la fourniture d'aide humanitaire aux réfugiés.
Que, durant ce débat, le premier intervenant de chaque parti ne dispose que de vingt minutes, avec une période de dix minutes pour les questions et observations, et que, par la suite, aucun intervenant ne dispose de plus de dix minutes, avec une période de cinq minutes pour les questions et observations, pourvu que la présidence ne reçoive aucune motion dilatoire, ni appels de quorum ou demandes de consentement unanime pour présenter des motions ou pour passer outre au Règlement, et que, lorsqu'il n'y aura plus de députés voulant prendre la parole, la Chambre s'ajourne jusqu'à la prochaine séance.
Le vice-président: Le leader du gouvernement à la Chambre a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
LE PROJET DE LOI C-51
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, suite aux discussions qui ont eu lieu entre tous les partis, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour que la motion suivante soit présentée.
Que, lorsque le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, est appelé à l'ordre du jour, le discours d'ouverture de l'Opposition officielle soit d'une durée de 20 minutes, suivi d'une période de questions et de commentaires d'une durée de dix minutes, sauf que lorsque l'honorable député de West Vancouver—Sunshine Coast prendra la parole plus tard dans le débat, il conservera les privilèges du second député à prendre la parole dans le débat conformément à l'alinéa 74(1)a) du Règlement.
Le vice-président: Le député de West Vancouver—Sunshine Coast a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE
COMPTES PUBLICS
M. Walt Lastewka (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 109 du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au 10e rapport du Comité permanent de la Chambre des communes sur les comptes publics, concernant le chapitre 29 du rapport de décembre 1997 du vérificateur général du Canada intitulé: Industrie Canada—La gestion du programme des prêts aux petites entreprises.
* * *
[Français]
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à trois pétitions.
* * *
DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre des communes, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe à la session d'avril de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenue à Strasbourg, du 20 au 24 avril 1998, et le rapport de la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe aux réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenues à Paris et à Strasbourg du 17 au 26 juin 1998.
* * *
[Traduction]
LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) demande à présenter le projet de loi C-439, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (prêt étudiant).
—Je suis heureuse de prendre la parole pour présenter à la Chambre mon projet de loi qui modifierait la Loi sur la faillite dans son application aux étudiants.
L'objectif du projet de loi est d'abroger les modifications discriminatoires apportées à la Loi sur la faillite qui forcent les étudiants ayant beaucoup de dettes à attendre dix ans, au lieu de deux précédemment, avant de pouvoir se prévaloir des dispositions sur la faillite.
En dépit du coût élevé des frais de scolarité et de l'accroissement de l'endettement étudiant, 93 p. 100 des étudiants trouvent le moyen de rembourser leurs prêts. Ce sont seulement les plus désespérés et les plus endettés qui cherchent la protection de la Loi sur la faillite.
Ce projet de loi abrogerait la période d'attente de dix ans et la ramènerait à deux ans, ce qui serait beaucoup plus juste. J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi, vu les difficultés que connaissent les étudiants aujourd'hui.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LE CODE CRIMINEL
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-440, Loi modifiant le Code criminel (fuite).
—Monsieur le Président, ce projet de loi vise à modifier le Code criminel pour y ajouter une disposition, et prévoir des peines en conséquence, concernant quiconque utilise un véhicule à moteur pour échapper à la police et cause ainsi des blessures ou un décès.
Fuir la police d'une manière qui entraîne une poursuite à grande vitesse entraîne des risques inhabituels pour la sécurité des policiers et de la population, et cela mérite des sanctions criminelles particulières.
Les dispositions actuelles du Code criminel sur la conduite dangereuse ne permettent pas de réagir comme il le faudrait dans ces circonstances.
En vertu de ce projet de loi, quiconque conduisant un véhicule à moteur dans le but de fuir alors qu'il est poursuivi par un agent de la paix est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans.
En outre, quiconque commet une telle infraction et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans. Quiconque cause ainsi la mort d'une autre personne est passible de l'emprisonnement à perpétuité.
(Les motions sont adoptées, et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
L'IRAN
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, ayant consulté des députés de tous les partis, je demande le consentement unanime pour pouvoir présenter la motion suivante, appuyée par les députés de Rosedale, Red Deer, Beauharnois—Salaberry et Richmond—Arthabaska.
Que la Chambre se déclare profondément préoccupée par les graves attaques lancées récemment contre la communauté bahá'ie d'Iran, y compris la brutale exécution de M. Rahu'llah Rawhani en juillet, l'arrestation de 36 universitaires bahá'is ainsi que la confirmation de la sentence de mort prononcée contre deux Bahá'is et la détention de 11 autres Bahá'is pour avoir pratiqué leur religion; et demande au gouvernement de l'Iran de mettre fin à l'oppression de la communauté bahá'ie, d'assurer la sécurité et la libération rapide de tous les Bahá'is emprisonnés en Iran et de respecter les principes des pactes internationaux relatifs aux droits de la personne dont l'Iran est signataire.
(La motion est adoptée.)
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, devant le carnage, la dévastation et le génocide qui se déroulent actuellement dans l'ancienne Yougoslavie, je propose la motion suivante:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait faire pression sur l'Assemblée générale des Nations Unies afin d'obtenir l'inculpation du président de la Serbie Slobodan Milosevic pour crimes contre l'humanité, exercer des pressions aux Nations Unies pour la constitution d'une force d'observateurs des Nations Unies en vue du retrait immédiat des forces serbes du Kosovo et pour que le HCNUR et les ONG puissent s'occuper des réfugiés du Kosovo librement et en sécurité.
Le vice-président: Le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer cette motion?
Une voix: Non.
Le vice-président: Il n'y a pas consentement.
* * *
PÉTITIONS
LE MARIAGE
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je dépose aujourd'hui une pétition signée par des électeurs de Langley—Abbotsford, ma circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de promulguer le projet de loi C-225, la Loi modifiant la Loi sur le mariage, pour qu'il soit précisé dans la loi qu'un mariage ne peut être contracté qu'entre un homme célibataire et une femme célibataire.
LES DROITS À LA PROPRIÉTÉ
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions au nom des électeurs de Bruce—Grey.
Dans la première, les signataires expriment leur appui au projet de loi C-304 qui garantirait certains droits à la propriété aux citoyens canadiens.
LES RÉACTEURS CANDU
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième émane d'électeurs habitant Owen Sound, Annan, Meaford, Shallow Lake et Chatworth, qui demandent au Parlement de ne pas financer et de ne pas subventionner la vente de réacteurs CANDU à la Chine ou à quelque autre pays.
L'HÉPATITE C
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, depuis 1867, les Canadiens ont le droit de présenter des pétitions au Parlement canadien et à la Couronne pour demander le redressement de torts.
Aujourd'hui, je présente donc trois pétitions qui demandent à la Couronne de revoir l'offre de compensation qui a été faite aux Canadiens atteints de l'hépatite C après avoir reçu du sang contaminé.
J'aurais voulu ajouter ces pétitions à celle de Joey Haché, qui a recueilli 30 000 signatures et a été présentée au premier ministre, mais j'ai appris du greffier aux pétitions que le premier ministre ne s'était pas acquitté de ses responsabilités puisqu'il ne l'a pas présentée à la Chambre.
Par conséquent, je présente ces pétitions signées par 259 personnes d'Okanagan—Coquihalla et je demande où est celle de Joey Haché.
Le vice-président: Le député ferait mieux de s'en tenir à la formule traditionnelle pour présenter les pétitions et présenter celles qu'il a au lieu de se préoccuper du sort des autres pétitions. Je suis certain que la réponse l'intéresse, mais ce n'est pas le moment de poser ce genre de question.
LA LOI SUR LE DIVORCE
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai ici une pétition signée par des Canadiens de la Saskatchewan et du Manitoba, qui demandent au Parlement de modifier la Loi sur le divorce afin que, comme le propose le projet de loi C-340, elle renferme une disposition sur le droit de garde ou d'accès auprès des enfants par les parents des époux.
LA JUSTICE
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour présenter une pétition au nom de Leone et Peter Jackson ainsi que de 99 autres personnes de North Vancouver.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que les crimes violents commis par des jeunes sont un sujet de vive inquiétude pour les Canadiens et que le nombre de crimes violents commis par des jeunes diminuerait si la Loi sur les jeunes contrevenants était modifiée de façon à ce que les jeunes soient tenus entièrement responsables de leur comportement criminel et qu'ils soient passibles de peines d'emprisonnement plus longues qui les dissuaderaient de se livrer à des actes criminels.
Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement d'apporter des modifications importantes à la Loi sur les jeunes contrevenant pour, entre autres, faire de la protection de la société une priorité absolue; abaisser l'âge minimum des jeunes assujettis à la loi de 12 à 10 ans; autoriser la publication du nom des jeunes contrevenants violents; augmenter de trois à sept ans la peine maximum d'emprisonnement pour toutes les infractions, à l'exception des meurtres; et porter de 10 à 15 ans la peine d'emprisonnement maximum pour meurtre au premier degré.
LE MMT
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, conformément à l'article 36 du Règlement, une pétition signée par des habitants de Grand Bend, Burlington, London et Etobicoke.
Les pétitionnaires signalent que le MMT ajouté à l'essence nuit au fonctionnement des dispositifs antipollution et réduit le rendement des moteurs, ce qui entraîne des niveaux supérieurs de smog.
Ils demandent au Parlement de fixer de nouvelles normes nationales de propreté des carburants pour une essence sans MMT et une moindre teneur en soufre.
L'ÉTUDE CANADIENNE MULTICENTRIQUE SUR L'OSTÉOPOROSE
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, la seconde pétition est signée principalement par des Canadiens de la région de Lambton, dans ma circonscription, qui demandent au gouvernement de financer convenablement les années qui restent de l'Étude canadienne multicentrique sur l'ostéoporose.
LES ARMES NUCLÉAIRES
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, j'ai le plaisir et l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre d'électeurs et d'habitants de la ville de Winnipeg, au Manitoba.
Les pétitionnaires sont préoccupés de ce qu'il existe aujourd'hui dans le monde plus de 35 000 armes nucléaires. Ils demandent au gouvernement de réagir et d'attirer l'attention du monde sur le fait que des armes nucléaires continuent de menacer la santé et la survie de l'humanité et l'environnement mondial.
Les pétitionnaires rappellent que l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, a déjà dit que la façon la plus sûre et la plus rapide de supprimer la menace nucléaire consiste à se débarrasser carrément des armes nucléaires.
Les pétitionnaires demandent au gouvernement et au Parlement de prévoir l'élaboration immédiate et la conclusion avant l'an 2000 d'une convention internationale fixant un calendrier exécutoire pour la suppression de toutes les armes nucléaires.
LE MARIAGE
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai à présenter cinq pétitions sur le même sujet provenant des localités de Surrey (Colombie-Britannique), Kamloops, Ottawa, Lethbridge (Alberta) et Nipissing (Ontario).
Les quelque 200 pétitionnaires demandent au Parlement de promulguer le projet de loi C-225 afin de préciser dans loi qu'un mariage ne peut être contracté qu'entre un homme célibataire et une femme célibataire.
LA CHASSE AU LOUP
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'une centaine de personnes de St. John's Est qui se préoccupent de la population des loups qui subsiste dans le monde. Une chasse au loup a été autorisée dans les Territoires du Nord-Ouest, et des autoneiges sont utilisées à cette fin.
Les pétitionnaires invitent le Parlement à adopter des mesures visant à mettre fin à la chasse au loup à l'aide d'autoneiges au Canada.
LA JUSTICE
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions de mes électeurs de St. Catharines et de la région de Niagara.
Les pétitionnaires se disent très inquiets et perturbés par la victimisation des familles de Kristen French et de Leslie Mahaffy qui se poursuit avec l'utilisation des bandes vidéo filmées par Bernardo.
Ils demandent au Parlement du Canada de modifier le paragraphe 486(1) du Code criminel en prévoyant une dérogation spéciale qui exclurait la preuve contenant de la pornographie infantile ou de la pornographie exécutée sous la contrainte.
LES ARMES NUCLÉAIRES
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions d'électeurs de ma circonscription, Esquimalt—Juan de Fuca, et de la Colombie-Britannique en général.
Dans le cas de la première, les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer la négociation immédiate et la conclusion d'ici l'an 2000 d'une convention internationale imposant un échéancier obligatoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition, venant elle aussi d'électeurs de ma circonscription et de la Colombie-Britannique en général, demande qu'on apporte des modifications radicales à la Loi sur les jeunes contrevenants. Les pétitionnaires croient que la violence chez les jeunes est un problème croissant dans notre société et que des crimes comme le meurtre devraient être renvoyés devant un tribunal pour adultes.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Ma dernière pétition, monsieur le Président, signée elle aussi par des centaines d'habitants de la Colombie-Britannique, demande au Parlement d'adopter une mesure législative pour abroger la Loi sur les jeunes contrevenants et la remplacer par une loi qui prévoira des sanctions adéquates afin de protéger la société. Elle invite en même temps à coopérer avec les provinces pour mettre en oeuvre des programmes de prévention, comme le programme d'aide préscolaire, pour s'attaquer aux causes profondes de la criminalité.
LA FAMILLE
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition signée par 51 Canadiens dont la plupart habitent ma circonscription. Les pétitionnaires sont tous membres du Mississauga Gospel Temple et ils demandent au Parlement d'appuyer une motion qui vise à reconnaître le droit fondamental des personnes de mener leur vie de famille librement sans ingérence indue de la part de l'État et le droit fondamental, la responsabilité et la liberté des parents de décider de l'éducation de leurs enfants.
* * *
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondrons aujourd'hui à la question no 111. .[Texte]
Question no 111—M. Chris Axworthy:
Le ministère de la Défense nationale a-t-il l'intention de modifier les systèmes de communications de l'avion Aurora et, si oui, combien cela coûtera-t-il?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Les changements envisagés pour les systèmes de communications de l'Aurora n'ont pas dépassé l'étape de la planification. Ces changements pourraient comprendre le remplacement du Système de gestion des communications (SGC), la modernisation du système de transmission des données, le remplacement des radios HF, UHF et VHF, l'acquisition d'un système de communications par satellites et l'acquisition de deux autres radios UHF. Même si la planification est en cours, tous les changements envisagés pour les systèmes de communications de l'Aurora doivent être approuvés par les autorités compétentes. Les données relatives aux coûts appartiennent exclusivement aux entrepreneurs et elles nous ont été communiquées à titre confiendtiel par certains d'entre eux. Il n'est pas certain que tous les changements iront de l'avant ou qu'ils seront mis en oeuvre aux coûts estimatifs actuels.
* * *
[Traduction]
QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 91 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, le document en question serait déposé immédiatement.
Le vice-président:: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord. .[Texte]
Question no 91—M. John Cummins:
Au sujet de la méfloquine, médicament antipaludique administré aux militaires canadiens envoyés en Somalie en 1992-93, et de la loi qui régit sa disponibilité et son administration: a) la méfloquine était- elle un médicament homologué quand elle a été administrée aux militaires et, sinon, quel était son statut, et comment était- elle légalement disponible; b) les militaires ont-ils participé à l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam (méfloquine) durant cette période; c) la méfloquine a-t-elle été administrée conformément à l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et de la Loi sur les aliments et drogues; d) qui était l'«enquêteur principal» responsable de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam dans les Forces armées; e) quel médecin des Forces relevait de l'«enquêteur principal» dans l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam; f) quel était le rôle du médecin des Forces, le Dr Martin Tepper, dans l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam; g) à l'époque, qui était responsable de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam à la Direction générale de la protection de la santé (DGPS) du ministère de la Santé; h) quels étaient le rôle et la responsabilité de la DGPS dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi et du règlement sur les aliments et drogues quant à l'utilisation de la méfloquine parmi les Forces; i) quand la DGPS a-t-elle su que la méfloquine était administrée aux militaires devant être envoyés en Somalie; j) avant l'homologation de la méfloquine, les Forces canadiennes étaient- elles tenues d'informer le fabricant de l'usage du médicament, dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues; k) quelle information les Forces canadiennes étaient-elles tenues de divulguer aux militaires qui recevaient le médicament, dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues; l) les Forces armées ont- elles rempli leur responsabilité envers le fabricant dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues avant l'homologation de la méfloquine et si oui, comment; m) avant l'homologation de la méfloquine, quelle responsabilité avaient les Forces canadiennes envers la DGPS dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues; n) les Forces ont-elles rempli leur responsabilité de pré-homologation envers la DGPS dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et si oui, comment; o) quelles mesures la DGPS a-t-elle prises envers le fabricant quand elle a su que l'administration de la méfloquine avait été liée, chez les militaires, à des comportements homicides et suicidaires bizarres et inexpliqués; p) quelles mesures la DGPS a-t-elle prises envers les Forces canadiennes et le Dr Martin Tepper quand elle a su que l'administration de la méfloquine avait été liée, chez les militaires, à des comportements homicides et suicidaires bizarres et inexpliqués; q) quelle mesure disciplinaire est prévue dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues si le fabricant refuse d'obtempérer; r) quelle mesure disciplinaire a été prise contre le fabricant pour avoir refusé de respecter les exigences de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et de la Loi sur les aliments et drogues; s) quelle mesure disciplinaire est prévue dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et en vertu de la Loi sur les aliments et drogues contre le Dr Martin Tepper et d'autres militaires qui ont refusé d'obtempérer; t) quelle mesure disciplinaire la DGPS a-t-elle prise contre le Dr Martin Tepper et d'autres militaires pour avoir refusé de respecter les exigences de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et de la Loi sur les aliments et drogues durant la période de pré-homologation; u) quelle mesure la DGPS a-t-elle prise afin de remédier aux infractions envers les exigences de divulgation en vertu de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam et de la Loi sur les aliments et drogues; v) la DGPS a-t-elle fait enquête pour établir la nature des réactions négatives qui se sont manifestées parmi les militaires; w) quelle mesure la DGPS a-t-elle prise pour faire en sorte que les omissions constatées dans le cadre de l'Étude de contrôle de l'innocuité du Liriam soient intégrées dans l'analyse finale sur le médicament; x) à la suite de l'expérience des militaires avec méfloquine en Somalie, quelles mesures la DGPS a-t-elle prises à ce jour pour avoir évalué l'exactitude des données fournies par les médecins canadiens, sur la nature et la fréquence des effets neuropsychiatriques et comportementaux de la méfloquine?
(Le document est déposé.)
[Traduction]
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je demande que les autres questions soient réservées.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
* * *
DEMANDES DE DOCUMENTS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les motions portant production de documents soient reportées.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LE CODE CRIMINEL
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 septembre, de la motion: Que le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, nous reprenons le débat.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, encore une fois, je considère comme un privilège la possibilité d'intervenir sur le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il s'agit d'un projet de loi omnibus.
Je le dis dès le départ. Quand on pense au menu législatif et à l'effet que pourrait avoir ce projet de loi sur des questions telles que les jeux d'argent, les homicides, la prostitution des enfants, les ordonnances de sursis et le gangstérisme, il faut se demander si ce projet de loi s'attaque vraiment à tous ces problèmes graves et s'il propose des solutions constructives. Non, ce n'est pas le cas et cela reflète la difficulté que nous continuons d'éprouver à la Chambre. On se limite à des solutions superficielles ou, pire encore, on ne fait rien.
Nous n'allons pas en profondeur, nous ne proposons pas les solutions constructives qui existent pourtant au Canada et ailleurs dans le monde, et que nous pourrions appliquer.
Le projet de loi C-51 traite des jeux d'argent. Que fait-il pour aider ceux que consument la passion du jeu? Que propose-t-il pour régler les problèmes énormes causés par les jeux d'argent qui déchirent certaines familles? S'attaque-t-il au problème de santé croissant que représentent les jeux d'argent? Non.
Que fait le projet de loi? Il autorise l'exploitation de casinos sur les navires de croisière, afin d'éliminer l'interdiction des jeux de dés. Il va sans dire que les députés ont mieux à faire que de s'attaquer à cette question.
Nous pourrions proposer des solutions pour aider ceux qui sont aux prises avec des problèmes de dépendance aux jeux d'argent, plutôt que d'y voir une autre possibilité de faire une ponction fiscale, car c'est ce dont il s'agit dans bien des cas. Ces jeux sont à l'origine de graves problèmes dans bien des sociétés, notamment dans les réserves autochtones.
Luttons-nous contre les crimes avec violence? Proposons-nous des moyens de prévenir ces crimes, d'empêcher qu'il y ait des victimes innocentes au Canada? Non, nous restons en surface et proposons ce piètre projet de loi qui fera en sorte qu'il ne sera plus nécessaire que la victime meure dans l'année pour qu'on reconnaisse qu'il y a eu homicide.
Nous appuyons certes cette mesure, mais le gouvernement aurait certainement pu proposer, dans le projet de loi, des solutions plus constructives pour protéger les Canadiens. Il aurait pu trouver des moyens d'adopter l'idée exprimée dans la motion d'initiative parlementaire présentée par une députée libérale. La motion de cette députée, qui est de Toronto, portait sur l'imposition de peines consécutives pour les crimes avec violence, au lieu des peines concurrentes qui sont prononcées actuellement.
Les individus condamnés pour crimes avec violence reçoivent trop souvent des peines concurrentes. Quel message envoyons-nous à ceux-là qui commettent des meurtres ou des infractions avec violence? Ces personnes comprendront que si elles commettent un meurtre ou un viol, ou une agression causant des lésions corporelles, elles se verront infliger la même peine que si elles commettaient un même crime six fois.
Le gouvernement aurait pu s'attaquer à ce problème. Il aurait pu retenir la motion d'initiative parlementaire, mais il a choisi de ne pas le faire. C'est déplorable.
La prostitution enfantine pose un énorme problème au Canada. On trouve des prostitués aussi jeunes que 11 ou 12 ans. Les souteneurs les obligent à prendre de la drogue pour se livrer à la prostitution. Cela a pour effet de ruiner leur vie ou même pire, de les tuer à cause des actes de violence dont ils sont victimes ou parce qu'ils contractent le SIDA.
Qu'a fait le gouvernement pour contrer la prostitution enfantine? Il a proposé des mesures et des modifications pour permettre l'écoute électronique. Mon parti, lui, propose des solutions constructives depuis des années.
Pourquoi les souteneurs d'enfants prostitués obtiennent-ils des peines minimales obligatoires? Pourquoi le gouvernement ne prévoit-il pas dans ce projet de loi une peine obligatoire pour les individus qui obligent des enfants à consommer de la drogue ou qui agissent comme souteneurs de filles et de garçons de 11 et 12 ans et les soumettent à des abus dont ils subiront les conséquences toute leur vie? Pourquoi le gouvernement ne présente-t-il pas un projet de loi pour lutter contre ce problème?
J'encourage et j'implore le gouvernement d'écouter les recommandations constructives qui sont faites non seulement par les députés de mon parti mais par les députés de tous les partis. Ce sont des solutions constructives concernant la prostitution enfantine. Je défie la ministre de la Justice, qui s'intéresse beaucoup à la question, d'aller dans les rues. Au lieu de parler aux autorités, elle devrait plutôt aller dans les rues et rencontrer les prostitués, les personnes dont les vies sont ruinées par cette plaie qu'est la prostitution. Elle devrait aller à Vancouver ou à Toronto. Elle devrait aller voir ce qui se passe dans les rues.
Prenons le cas de la condamnation avec sursis. Je ne puis croire que le gouvernement n'a pas adopté la motion présentée par une députée ministérielle, qui proposait un projet de loi d'initiative parlementaire constructif comportant l'imposition de peines consécutives dans les cas d'infractions avec violence.
Prenons le cas de la criminalité organisée. Le public serait intéressé de savoir qu'un individu condamné peut obtenir une libération conditionnelle après avoir purgé un sixième de sa peine.
Une voix: Il faut présenter une demande de libération conditionnelle.
M. Keith Martin: Mais le fait que n'importe qui puisse présenter une demande et obtenir une mise en liberté après avoir purgé le sixième de sa peine est consternant. Quel genre de message envoie-t-on aux agents de la GRC et aux policiers de notre pays lorsque les criminels peuvent jouir à nouveau de leur liberté après avoir purgé le sixième de leur peine, cela, après que les policiers eurent mis leur vie en jeu et travaillé d'arrache-pied pour arrêter les criminels et les faire condamner?
Le projet de loi à l'étude garantit que les membres d'organisations criminelles doivent purger plus du sixième de leur peine. Pourquoi les individus qui entretiennent des liens avec le crime organisé et qui sont impliqués dans des affaires de trafic de drogue, de prostitution, d'escroquerie et de meurtre sont-ils libérés après avoir purgé le sixième de leur peine? Ce n'est pas de cette façon que les Canadiens pourront avoir confiance dans leur système de justice et se sentir en sécurité dans leur pays.
Nous sommes tout à fait d'accord pour donner une chance aux gens. Nous comprenons parfaitement que quelqu'un, à un certain moment de sa vie, puisse avoir des ennuis avec la loi et être extrêmement bouleversé par ce qu'il a fait. Mais le cas d'un membre du crime organisé est bien différent de celui d'un adolescent qui a des ennuis avec la loi pour avoir commis un délit et qui peut inspirer de la sympathie. Cela n'a rien à voir avec la sympathie qu'on peut éprouver pour quelqu'un qui a été maltraité au cours de son existence, qui a commis une faute et qui a été trouvé coupable.
Il est question, en l'occurrence, d'individus qui commettent des meurtres. Il est question d'individus qui prennent l'argent d'immigrants dans notre pays et qui les volent en leur promettant de les protéger. Il est question d'individus qui abusent grossièrement de civils innocents dans notre pays. Voilà les individus envers lesquels il faut sévir grandement. Il faut renforcer les dispositions législatives à cet égard et mettre ces individus derrière les barreaux.
Le projet de loi traite de certaines questions, mais il y en a d'autres qu'il n'aborde pas. Le Parti réformiste est en faveur de lois efficaces et constructives, qui protègent les Canadiens contre les infractions liées aux armes à feu. Nous ne sommes pas en faveur de l'enregistrement des armes à feu pour la simple raison que cette formalité rendra nos rues moins sûres. On prendra de l'argent du bras fonctionnel de la justice pour le réaffecter à quelque chose qui ne rendra pas les rues plus sûres. Si l'enregistrement des armes à feu avait pour effet de rendre les rues plus sûres, nous l'appuierions. Cependant, la froide réalité montre clairement que l'enregistrement des armes ne rendra pas les rues plus sûres.
Nous devons embaucher 350 agents de la GRC en Colombie-Britannique, mais nous ne pourrons le faire faute d'argent. Or, le gouvernement affecte des centaines de millions à quelque chose qui ne marchera pas.
Le gouvernement avait l'occasion de faire de la prévention du crime. Je sais que la ministre de la Justice a mis sur pied un excellent programme de prévention du crime à Edmonton, et je l'en félicite. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. La députée de Moncton—Riverview—Dieppe a été une dirigeante du programme national Bon départ, que son mari et elle ont créé, et elle mérite nos félicitations à cet égard.
Ces idées et celles des députés de tous les partis d'opposition ont été proposées de temps à autre, y compris la motion no 261 que j'ai présentée en mai et qui a été adoptée à l'unanimité à la Chambre. Elles doivent être examinées et adoptées rapidement parce que nous ne nous attaquons pas aux causes de la criminalité.
Par exemple, il a été prouvé que les mesures que nous prenons pour les enfants au cours des huit premières années de leur vie peuvent avoir des effets profonds et déterminants sur la fréquentation scolaire. Elles ont permis de réduire le crime de moitié, et les grossesses chez les adolescentes, de 60 p. 100. Elles font faire des économies aux programmes sociaux en réduisant le nombre d'enfants qui vivent de l'aide sociale. Le contribuable économise ainsi 30 000 $ par enfant. Comment les députés peuvent-ils le nier? On en voit des preuves partout, de Moncton à Hawaii à Ypsilanti, au Michigan, où des programmes efficaces de prévention de la criminalité ont été appliqués.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas inséré dans le projet de loi C-51 les bonnes suggestions dont lui ont fait part les divers partis et son propre caucus; pourquoi ne les a-t-il pas appliquées de façon constructive et cohérente partout au pays?
En matière de leadership, le gouvernement a un rôle énorme à jouer. Il est vrai que bon nombre de ces programmes devraient relever des provinces, mais le gouvernement fédéral a quand même le pouvoir de convoquer les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé, de la Justice et du Développement des ressources humaines à une réunion, ici, à Ottawa ou ailleurs au pays pour tous les réunir en un seul endroit et de leur demander de présenter les programmes qui sont déjà en place. Ils pourraient alors déterminer ceux qui ne fonctionnent pas et les éliminer. Ils pourraient garder ceux qui fonctionnent bien et les intégrer dans un programme national.»
Aucune province, aucun premier ministre provincial, aucun ministre provincial n'a le pouvoir de convoquer une telle réunion. Seuls les ministres qui siègent devant nous aujourd'hui ont ce pouvoir. Ces ministres ont le pouvoir, le devoir et l'obligation de jouer le rôle de leader que leur a confié la population canadienne. Ils sont les seuls à posséder le pouvoir nécessaire pour convoquer tous ces ministres à une réunion qui aurait des répercussions notables et profondes sur la vie, la santé, le bien-être, les moyens d'existence et l'avenir des jeunes Canadiens d'aujourd'hui.
Allons de l'avant! Oublions les mesures législatives comme le projet de loi C-51. Occupons-nous des vrais dossiers et apportons aux problèmes des solutions qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur rentabilité. Si on va au-delà de l'esprit de parti, tout le monde y gagne.
Laissons la politicaillerie à l'écart de ces questions et attachons-nous aux faits. Si nous nous étions arrêtés aux faits et si nous avions eu un semblant de débat sur les faits, nous serions capables de tirer le meilleur des députés de tous les partis, en fait de tirer le meilleur de la Chambre des communes, et nous y gagnerions tous.
J'exhorte le gouvernement à examiner les propositions qui seront faites par les membres du Parti réformiste, par les députés du parti ministériel et par les députés des autres partis d'opposition. Examinons des solutions constructives. Étudions les solutions qui reposent sur les faits et mettons-les en oeuvre.
Le gouvernement pourrait aussi s'occuper des conditions épouvantables qui règnent dans les réserves autochtones. Le député de Wild Rose et le député de Skeena ont présenté des solutions constructives pour régler les problèmes des réserves.
J'ai consacré une partie de l'été dernier à pratiquer la médecine d'urgence auprès d'autochtones qui ont été battus, qui ont consommé des surdoses de drogue, qui ont tenté de se suicider, qui ont subi de mauvais traitements ou des sévices sexuels. La responsabilité de tous ces maux incombe à deux groupes de personnes: les dirigeants non autochtones du pays et les chefs autochtones, qui, à mon avis—et je ne parle pas au nom du Parti réformiste—suivent une voie qui ne mène nulle part.
Ils doivent s'attaquer aux problèmes, faire face à la situation terrible sur leurs réserves. Ils doivent briser le cycle d'un État providence institutionnalisé que nous avons lancé et qui continue d'entraver le développement des peuples autochtones au Canada.
Nous devons veiller à ce que les ressources offertes par le ministère des Affaires indiennes parviennent aux gens auxquels elles sont destinées. Beaucoup de mes collègues et moi-même avons des réserves autochtones dans nos circonscriptions. Les autochtones se demandent où va cet argent que le ministère verse pour eux.
L'utilise-t-on pour des programmes d'éducation? S'en sert-on pour régler des problèmes de toxicomanie? Va-t-il à la formation? L'utilise-t-on, dans ma circonscription, sur la réserve Pacheedaht pour réparer les fosses septiques qui débordent? Le ministère de la Santé est au courant de cela et pourtant, rien n'est fait. On ferme les yeux là-dessus. On joue à l'autruche.
On donne de l'argent sans demander des comptes. Quelles sont les victimes de tout cela? Ce sont les autochtones qui n'ont aucun recours, car lorsqu'ils s'adressent au ministère, on leur dit d'aller voir leurs conseils. Lorsqu'ils le font, on se fiche de leur situation à nouveau.
J'ignore si beaucoup de députés d'en face comprennent la terrible tragédie qui se produit et les conséquences de leurs actions pour ces gens. Il s'agit de procéder à des vérifications judiciaires sur certaines de ces réserves, non pas pour se lancer dans une chasse aux sorcières ou trouver un bouc émissaire, mais pour trouver des réponses, afin que les ressources disponibles parviennent vraiment aux gens concernés et que ces derniers puissent se débrouiller seuls, prendre leur sort en main.
La ministre a précisé la semaine dernière que ses propositions et la façon de procéder de son gouvernement consistaient à intégrer, à réunir les autochtones. Dans ma province, en Colombie-Britannique, l'entente conclue avec les Nisga'a va exactement dans le sens inverse. Cette entente va creuser un fossé entre les autochtones et les non-autochtones. Les autochtones et les non-autochtones doivent traiter entre eux dans un climat de respect et de tolérance mutuels pour pouvoir travailler ensemble afin d'aller de l'avant dans le but de bâtir une société plus forte, plus constructive, où tout le monde peut pleinement se réaliser.
Sur les réserves que je visite, des gens sont abattus, des personnes sont victimes d'agression sexuelle et n'ont aucun recours.
De l'argent qui doit servir à l'enseignement disparaît mystérieusement. On présume qu'il se retrouve entre les mains du conseil. Y a-t-il quelqu'un qui examine le problème? Pensez-vous! Qui paie? Les contribuables, certainement, mais aussi, et c'est plus grave, les autochtones de ces réserves qui sont parfois soumis à une brutalité insensée. Y a-t-il quelqu'un qui les écoute? Personne. Pourquoi? Parce que nous sommes paralysés par la rectitude politique et que nous avons peur.
Nous devons surmonter cette crainte non pour nous, mais pour les peuples autochtones qui, dans notre pays même, connaissent des conditions de vie dignes du tiers monde. J'invite les députés d'en face à aller le constater de leurs propres yeux.
Le projet de loi C-51 fait-il quoi que ce soit pour lutter contre la violence qui sévit dans les réserves? Absolument rien. Fait-il quoi que ce soit pour que cessent les viols, les agressions sexuelles, les mauvais traitements infligés aux enfants et les autres formes de violence? Rien du tout.
De qui perdons-nous la confiance? Nous perdons la confiance des autochtones de la base qui attendent, qui implorent, qui réclament un leadership et de l'aide. Que faisons-nous? Nous donnons de l'argent au conseil, à l'Assemblée des premières nations, un organisme politique qui n'est pas nécessairement là pour le peuple.
Les autochtones de la base cherchent depuis des années un chef de file pour pouvoir se prendre en main. Ils ne s'intéressent pas tant que cela aux revendications territoriales, mais ils veulent vivre en sécurité. Ils veulent des emplois, ils veulent travailler, préserver leur culture et leur langue. Ils veulent être les maîtres de leur destin. Ils veulent la même chose que nous.
Pourquoi le Canada a-t-il continué dans la voie de la séparation et de l'apartheid? Pourquoi avons-nous fait cela? J'invite les députés d'en face à faire un examen de conscience.
Mon temps de parole est terminé, mais j'espère que les députés ministériels vont collaborer avec nous et avec tous les autres députés pour que, au lieu de jouer à l'autruche, nous apportions des changements constructifs pour donner justice à tous et résoudre les vrais problèmes.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, pour ce qui est des problèmes que connaissent les autochtones sur les réserves, j'en ai vu plusieurs exemples pour m'être rendu, notamment après les élections, sur plusieurs réserves dans ma circonscription où des gens ont perdu leur emploi après avoir été renvoyés arbitrairement le lendemain des élections, manifestement pour avoir voté en faveur de la mauvaise personne ou l'avoir appuyée. L'électricité a été coupée dans une certaine résidence et je parle là de cas documentés.
Le problème semble provenir d'un manque de responsabilité démocratique. La responsabilité semble être moins grande que celle qui existe au sein des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral. Ces gouvernements ne sont pas parfaits pour ce qui est de la responsabilité en matière d'accès à l'information, de législation du travail et de ce genre de choses, mais j'aimerais savoir ce que le député a à dire au sujet de la responsabilité démocratique. Est-il possible d'améliorer les choses à cet égard dans les provinces?
M. Keith Martin: Monsieur le Président, cette question touche un problème très important qui inquiète de nombreux autochtones de la base. Ce problème a trait non seulement à ce qui se passe aujourd'hui, mais à ce qui va se passer demain une fois les revendications territoriales réglées. Il a trait à la question de la responsabilité démocratique.
Sur l'île de Vancouver, trois bandes indiennes de la base sont venues me voir, la bande de Beecher Bay, la bande de Pacheenaht et la bande de Kwicksutaineuk. Ces trois bandes et bien d'autres ont demandé à leurs députés de leur trouver des réponses. Le fond du problème, c'est l'obligation de rendre compte non seulement de la manière dont les bandes sont dirigées, mais aussi de l'utilisation des ressources.
En ce moment, beaucoup de bandes sont très bien dirigées, mais d'autres pas. L'argent est remis aux conseils de bande, et ce sont les membres des conseils qui l'empochent. Lorsque des membres de la bande demandent où est passé l'argent, ils reçoivent une réponse méprisante ou pire, ils sont victimes de mauvais traitements. On entre par effraction dans leur maison, on commet des actes de violence contre eux ou leur famille.
Lorsque ces autochtones s'adressent au ministère des Affaires indiennes ou à la ministre, celle-ci estampille «protégé» sur les lettres et dit qu'elle ne voit rien de mal, et qu'il faut s'adresser à la GRC s'il y a un problème. La GRC répugne à se mêler de ces histoires-là parce qu'elle n'a pas les ressources voulues.
Au bout du compte, comme mon collègue l'a dit, les autochtones de la base sont mal pris et ne savent plus vers qui se tourner. Personne ne les aide. Si la ministre des Affaires indiennes ne commence pas à très bientôt à prendre les choses en main, elle va avoir des difficultés car nous n'allons plus patienter.
C'est bien étrange que les députés ministériels ne traitent pas de ces très importantes questions de justice et ne posent pas même une question.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, étant donné que je suis le premier intervenant de mon parti sur ce projet de loi, je parlerai donc pendant les 40 minutes qui me sont allouées.
Pour parler d'un sujet aussi vaste et aussi intéressant, j'aurais besoin de plus de 40 minutes, mais je n'invoquerai pas le Règlement de cette Chambre pour demander le consentement unanime afin de parler plus longtemps. Je vais essayer de m'en tenir aux 40 minutes qui me sont imparties.
Étant donné que vous êtes un Président avenant à l'endroit des députés, j'aimerais que vous m'indiquiez quand il ne me restera plus que cinq minutes, conformément à l'usage de cette Chambre.
Dès le départ, peut-être que certains de mes collègues d'en face ou mes collègues de cette Chambre se demandent pourquoi le porte-parole du Bloc québécois en matière de transports intervient sur un projet de loi traitant d'amendements majeurs au Code criminel, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ainsi que des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La raison en est fort simple. Ce n'est pas uniquement eu égard au fait que je suis avocat de formation, mais il y a dans ce projet de loi une disposition que nous trouvons très intéressante.
Sans présumer de la position finale de notre parti au terme de la dernière lecture, je dirais d'emblée que ce projet de loi est quand même perfectible. Nous avons l'intention d'apporter, en comité, certains amendements qui, nous en sommes persuadés, sauront retenir l'attention du gouvernement et de tous les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Dans un premier temps, je vais présenter les dispositions générales de ce projet de loi pour en arriver à la disposition plus particulière qui m'intéresse.
Ce projet de loi prévoit des amendements au Code criminel en vue d'autoriser l'exploitation de casinos sur les navires de croisières internationales qui sont immatriculés au Canada, ou qui se trouvent dans des eaux canadiennes.
Il modifie le Code criminel pour autoriser le jeu de dés dans les casinos exploités par les provinces. Je suis persuadé que Loto-Québec sera très intéressée par cette disposition.
Il prévoit d'élargir le champ d'application de l'infraction relative à l'obtention de services sexuels de la part personnes âgées de moins de 18 ans.
Il modifie le Code criminel afin de supprimer la période d'un an et un jour applicable aux infractions pour homicide ou pour négligence criminelle ayant causé la mort.
Il vise à moderniser les dispositions sur le vol et la possession de minéraux précieux.
Il vise aussi à moderniser les dispositions relatives aux infractions en matière de reproduction de billets de banque.
Il vise à ne permettre l'exécution de mandats de perquisition que par les personnes chargées de l'exécution de la loi.
Il vise à prévoir des pouvoirs en matière d'enlèvement de dispositifs électroniques de surveillance légalement installés.
Il vise à prévoir, relativement à la détermination de la peine, des mesures sur la prise en considération d'autres accusations et de la capacité de payer du délinquant et d'autres mesures touchant à des points de nature technique.
Il vise à prévoir des règles sur l'exécution de l'ordonnance de sursis en cas de manquement à l'une de ces conditions.
Il vise à rendre les dispositions en matière de confiscation de produits de la criminalité applicables aux infractions relatives au télémarketing trompeur qui sont visées à la Loi sur la concurrence.
Et, enfin, il vise à apporter des correctifs de nature technique.
Il y a aussi des éléments de ce projet de loi qui prévoient des modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui ont trait aux circonstances aggravantes et à l'immunité en matière pénale pour les actes que les personnes chargées de l'exécution de la loi accomplissent dans le cadre de leurs fonctions.
Et, finalement, ce projet de loi prévoit des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soustrayant les personnes déclarées coupables d'un acte de gangstérisme à l'admissibilité à la procédure d'examen expéditif.
Compte tenu que le projet de loi C-51 comporte une victoire importante pour le Bloc québécois au sujet de l'ouverture des casinos sur les navires de croisières internationales, d'où mon propos de cet après-midi, nous sommes, en tant que parti, favorables au principe du projet de loi C-51.
Par ailleurs, nous considérons que ce projet de loi ne va pas assez loin au niveau du blanchiment d'argent, notamment parce qu'il n'élimine pas la présence des billets de 1 000 $ sur le marché. On sait que notre collègue, le député de Charlesbourg, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur le sujet.
Notre parti considère également que le projet de loi n'empêchera pas la répétition désolante de cas comme celui de M. Joseph Lagana qui est sorti de prison après avoir purgé seulement un sixième de sa peine.
Mon collègue, le député de Berthier—Montcalm, aura l'occasion d'y revenir ultérieurement lors des séances du Comité de la justice.
Si je reviens sur l'élément qui nous intéresse dans ce projet de loi, nous devons référer à l'article 7 du projet de loi C-51 qui prévoit d'ajouter ce qui suit après l'article 207 du Code criminel. Et je pense qu'il est pertinent de le lire:
207.1 (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente partie en matière de jeux et de paris, le propriétaire d'un navire de croisière internationale ou la personne l'exploitant—ou leur mandataire—sont autorisés à mettre sur pied, gérer ou exploiter une loterie sur celui-ci—et les personnes à bord sont autorisées à y participer—si les conditions suivantes sont remplies:
a) les personnes y participant se trouvent sur le navire;
b) il n'existe aucun lien—par quelque moyen de communication que ce soit—entre cette loterie, d'une part, et une autre loterie ou des systèmes de paris, de mises collectives ou de paris collectifs exploités à l'extérieur du navire, d'autre part;
c) la loterie n'est pas exploitée dans un rayon de cinq milles marins du port canadien où le navire fait escale ou prévoit faire escale;
d) selon le cas:
(i) le navire est immatriculé au Canada et il est prévu que tout le voyage aura lieu à l'extérieur du Canada,
(ii) le navire est immatriculé au Canada ou ailleurs et il est prévu qu'une partie du voyage aura lieu à l'intérieur du Canada, auquel cas les exigences suivantes s'appliquent:
(A) le voyage est d'une durée d'au moins quarante-huit heures, se fait en partie dans les eaux internationales et comporte au moins une escale dans un port non canadien, y compris le port de départ ou de destination,
(B) il n'est pas prévu qu'il y aura débarquement dans un port canadien de passagers embarqués dans un autre port canadien, à moins qu'il n'y ait, entre les deux ports, au moins une escale dans un port non canadien.
Bref, je veux dire d'emblée que cette disposition fait l'affaire du Bloc québécois pour différentes raisons que je vais tenter d'expliquer. Elle fait aussi l'unanimité de la communauté de la grande région de Québec. J'aurai l'occasion, tout à l'heure, de parler des intervenants qui ont appuyé certaines démarches que les députés du Bloc québécois de la région de Québec ont faites, comme parti et comme équipe régionale, et qui ont donné lieu au résultat que nous avons devant nous, soit le projet de loi C-51.
J'aimerais revenir, et je crois qu'il serait pertinent de le faire, à une chose. Notre parti avait présenté, au nom de l'équipe régionale des députés du Bloc québécois, des projets de loi d'initiatives parlementaires. Je fais référence au projet de loi C-415, Loi modifiant le Code criminel (jeux et paris), que j'avais déposé. Il serait pertinent de voir dans quelle mesure le gouvernement a été à l'écoute des demandes du Bloc québécois.
Lors de la dernière campagne électorale et de celle de 1993, certaines personnes se demandaient—et c'était souvent nos voisins d'en face lorsqu'on les rencontrait dans des débats contradictoires—ce que les députés du Bloc québécois allaient faire là. Il y avait même des jeux de mots très simplistes que le premier ministre ou le chef progressiste-conservateur, M. Jean Charest, nous servaient. On disait que les députés du Bloc québécois iraient pour bloquer le système. C'était une articulation académique très, très poussée!
Mais on avait, et on a encore, un rôle à jouer. La victoire que nous avons obtenue, par le fait que le gouvernement a été sensible à nos arguments et a écouté notre voix vis-à-vis cette modification du Code criminel, démontre très bien que les députés du Bloc québécois, qui représentent 60 p. 100 des comtés du Québec, jouent un rôle important relativement à la défense des intérêts du Québec.
Donc, en déposant le projet de loi C-415, je demandais que soit modifié le Code criminel pour qu'une personne puisse, à bord d'un navire de croisière internationale naviguant dans les eaux canadiennes, mettre en place et exploiter un casino réglementaire pour les passagers du navire lorsque certaines conditions sont réunies. Ce texte prévoit également qu'un passager d'un tel navire puisse entrer dans un tel casino et y jouer.
Je ne ferai pas allusion aux modifications de l'article 207.1 du Code criminel que je proposais, mais je rappellerai que j'avais proposé que le casino ferme une heure avant l'escale dans un port canadien. Le gouvernement a préféré opter pour la fermeture du casino cinq milles nautiques avant l'escale dans un port canadien. On n'y voit aucun problème. Il faudrait que je demande à mes amis, les pilotes du Bas-Saint-Laurent, pour savoir à quoi correspond une heure en milles nautiques.
Les députés à la Chambre se rappelleront que lors de la précédente Législature, le Bloc québécois avait aussi déposé un projet de loi d'initiatives parlementaires qui, malheureusement, est mort au Feuilleton étant donné le déclenchement des élections, le 2 juin 1997.
Je ne peux pas m'empêcher de prendre quelques minutes pour parler du système archaïque qu'est celui des projets de loi d'initiatives parlementaires. Un système que nous tenons de la tradition parlementaire britannique, exactement comme votre rôle en tant que Président et le rôle des députés de cette Chambre. Nous avons la procédure des projets de loi d'initiatives parlementaires ou ce que les gens appellent, dans le jargon, les projets de loi privés.
Pour qu'un projet de loi d'initiatives parlementaires soit choisi pour faire l'objet d'un débat à la Chambre, nous avons un système totalement archaïque et incroyable alors que nous sommes à l'aube des années 2000.
Nous sommes à l'aube d'un autre siècle, d'un autre millénaire, et nous utilisons encore la procédure archaïque du tirage au sort, c'est-à-dire de mettre le nom du député et de son projet de loi dans un chapeau—oui, monsieur le Président, vous avez bien compris, dans un chapeau. J'ai vu que vous êtes presque tombé en bas de votre fauteuil, mais je vois que vous êtes bien à l'aise maintenant, vous êtes bien calé dans votre fauteuil.
Les noms des députés sont mis dans un chapeau et les projets de loi sont pigés au hasard. C'est une aberration monumentale. Je pense qu'on devrait être capable, à l'aube de l'an 2000, de trouver un autre système pour privilégier des projets de loi d'initiative parlementaire. Parce que, par définition, un projet de loi d'initiative parlementaire émane d'un député démocratiquement élu, qui est connecté à ses électeurs, quel que soit le parti.
Je privilégie énormément le travail parlementaire et je respecte mes amis de n'importe quel côté de la Chambre. Nous avons chacun et chacune ici une légitimité. Nous avons été élus par des gens de façon démocratique. Personne au Canada n'est allé voter avec un revolver sur la tempe. Personne n'est allé voter dans des bureaux de vote où il y avait des mitraillettes. C'est ça, la démocratie.
C'est pour cela que je demande régulièrement, lorsque c'est possible, en comité ou à la Chambre, à mes collègues de respecter le voeu démocratique des citoyens et des citoyennes qui nous ont demandés de les représenter de notre mieux.
Nous ne sommes pas parfaits. Aucun député ne peut dire qu'il a une baguette magique et qu'il va faire des miracles. Nous faisons de notre mieux avec nos convictions profondes. Je demande aux collègues de nous respecter en tant qu'individus. Il n'y a pas d'ambiguïté sur le rôle du Bloc québécois: nous sommes ici pour défendre la souveraineté du Québec, de faire valoir que le système fédéral ne fonctionne pas et aussi de faire notre travail de défense des intérêts du Québec.
On ne l'a pas volée, notre élection. Si 60 p. 100 des comtés du Québec sont représentés par des députés du Bloc québécois, je pense que tout le monde devrait prendre fait et cause et prendre acte du résultat du vote démocratique de la population.
Cela étant dit, monsieur le Président, je m'adresse à vous, car je pense que vous êtes très actif, vous êtes un juriste reconnu dans la région de Kingston et les Îles. J'aimerais que vous réfléchissiez sérieusement sur la façon d'améliorer la mécanique de choisir des projets de loi d'initiative parlementaire. C'est un mandat que je vous confie, et j'ose espérer vous lire sur ce sujet.
Le dossier de l'ouverture des casinos sur les navires de croisières faisait partie, lors de l'élection du 2 juin 1997, de la plate-forme régionale des députés du Bloc québécois. Ma collègue de Québec, assise ici, qui est la présidente de notre caucus régional des huit députés du Bloc québécois, se rappelle très bien que nous nous sommes réunis et nous avons consulté divers intervenants dans la grande région de Québec, nous avons rencontré des groupes. Nous avions un vécu en tant que caucus régional lors de la précédente législature.
Nous avions eu l'occasion, donc, depuis 1993, de rencontrer des gens et des groupes régulièrement. La problématique de demander un amendement au Code criminel pour permettre l'ouverture des casinos sur les navires de croisières internationales faisait partie intégrante de notre plate-forme régionale. C'est pour cela que les gens, dans la grande région de Québec, se réjouissent du fait que le Code criminel sera amendé une fois que les diverses étapes seront passées à la Chambre des communes pour faire en sorte que dorénavant, cet irritant pourra être levé.
Je pense qu'il serait pertinent de prendre quelques minutes pour expliquer quel était le problème dans cette question. La configuration du golfe Saint-Laurent et du fleuve Saint-Laurent affectait les navires de croisières internationales qui, en majorité, opèrent des casinos, parce que ceux-ci font partie des activités de détente des personnes qui font des croisières et constituent également un revenu lucratif pour les armateurs.
On a rencontré des armateurs, comme ceux de la compagnie Holland America lorsqu'on est allé visiter le MS Veemdam lors de sa première escale à Québec. De la même compagnie, aussi, on a accueilli au mois de septembre, il y a deux ans, le MS Westerdam.
Les armateurs nous disaient: «Si on pouvait opérer nos casinos à bord, cela permettrait d'avoir beaucoup plus de navires qui choisiraient le réseau du Saint-Laurent et des Grands Lacs comme escale.» En plus, les navires qui viennent déjà pourraient venir plus souvent. Cela développerait beaucoup plus d'escales.
Il s'agit, la plupart du temps, de navires dont les passagers sont Américains. Je n'apprends rien à ceux qui nous écoutent en disant que cet été on a vécu une crise fantastique du dollar que le gouvernement a regardé passer. Lorsqu'on est descendu aussi bas que 61¢ ou 62¢, le premier ministre disait: «Ce n'est pas grave, ça va permettre aux touristes de venir voir les plages du Nouveau-Brunswick.» Il était davantage préoccupé par son golf, par son «back swing», par l'importance de garder ses yeux sur la balle, que du dollar qui dégringolait.
De toute façon, on sait qu'avec la valeur du dollar présentement, beaucoup de touristes américains en croisière choisissent le panorama du golfe et du fleuve Saint-Laurent ainsi que celui des Grands Lacs. Bien sûr, ce sont des navires qui ont la profondeur requise et une largeur pas trop excessive pour pouvoir aller dans les écluses.
Les armateurs nous disaient: «Si on pouvait opérer nos casinos jusqu'à une heure avant l'escale, cela donnerait beaucoup plus d'achalandage, pas uniquement au port de Québec, mais aussi au port de Trois-Rivières et dans celui de Montréal, et pour certains navires pouvant aller jusqu'à Thunder Bay.»
C'est pour cela le député libéral de Thunder Bay m'avait déjà fait part, lorsque nous faisions partie du Comité permanent des transports, du fait qu'il approuvait le projet de loi d'initiatives parlementaires que j'avais déposé.
La configuration du fleuve fait en sorte que les eaux internationales se terminaient quelque part au large de l'île d'Anticosti. Ceux qui connaissent bien leur géographie savent que le bateau de croisière qui arrive au large de cette île devait fermer son casino à l'entrée des eaux canadiennes. Sa première escale était seulement la ville de Québec, deux jours plus tard. Il y avait donc une période de deux jours où le casino ne pouvait pas ouvrir. Les passagers s'en plaignaient et le réseau du Saint-Laurent et des Grands Lacs s'en trouvait largement défavorisé.
À l'opposé, je ferai remarquer que le port d'Halifax n'est pas au prise avec le même problème, pas plus que le port de Vancouver. Une fois que l'on quitte English Bay, on est rendu presque tout de suite dans les eaux internationales. Seulement une heure suivant le départ de la croisière, les gens pouvent recommencer à jouer parce qu'ils sont déjà dans les eaux internationales.
Nous disons: modifions le Code criminel. À cet égard, le Bloc québécois a reçu, entre autres, l'appui de Loto-Québec et du ministère du Tourisme du Québec. Ils ne voyaient pas une menace à l'opération des casinos provinciaux parce qu'il s'agit d'une clientèle captive que celle qui est à bord d'un navire.
Il est sûr que lorsqu'on arrive au quai et que l'escale commence, l'armateur doit fermer son casino. On n'a pas de problème à ce sujet. C'est tout à fait normal.
J'ai mentionné tout à l'heure que ce projet de loi avait vraiment fait l'unanimité auprès des intervenants dans la région. Je citerai certains organismes qui se sont manifestés favorablement à l'endroit de la position du Bloc québécois demandant au gouvernement un amendement au Code criminel pour permettre l'ouverture des casinos sur les bateaux de croisières.
J'ai nommé l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec, le Secrétariat à la mise en valeur du Saint-Laurent, la Corporation des pilotes du Bas-Saint-Laurent, la Coopérative des artisans et des commerçants du quartier Petit Champlain, l'Association des gens d'affaires de Place-Royale, le ministère du Tourisme du Québec, Loto-Québec, la Société de développement économique du Québec, appelée la SODES, la Ville de Québec, la Communauté urbaine de Québec et le Port de Québec.
Je pense qu'il serait pertinent que je cite, pour votre culture personnelle, une lettre signée par le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Denis Giguère, le maire de Loretteville, je crois, qui écrivait à la ministre de la Justice, le 20 avril 1998. Il disait ceci:
Objet: Modifications au Code criminel—autorisation de casinos dans le fleuve Saint-Laurent
Madame la Ministre,
Au cours des deux dernières années, le Conseil de la Communauté urbaine de Québec a tenté à plusieurs reprises de sensibiliser votre prédécesseur à l'importance d'apporter des modifications au Code criminel afin que l'industrie des croisières internationales sur le fleuve Saint-Laurent et dans l'Est canadien puisse se développer rapidement. Vous trouverez d'ailleurs joint à la présente copie des lettres qui lui ont été adressées de même qu'à vos collègues du gouvernement fédéral.
À quelques occasions, les médias ont laissé entendre que le gouvernement fédéral était prêt à agir dans cette affaire et que les modifications proposées au Code criminel seraient soumises pour débat à la Chambre des communes prochainement. Malheureusement, il n'en est rien et ce dossier piétine. Plusieurs intervenants ont laissé entendre que ce retard était attribuable à une absence de consensus au sein des intervenants de l'industrie touristique associés de près au développement de l'industrie des croisières. À mon avis, il n'en est rien.
C'est M. Giguère, le président de la Communauté urbaine de Québec qui le dit.
Au contraire, cette industrie est en plein essor et l'est du Canada tout entier profite des retombées qu'elle génère dans nos économies provinciales et régionales.
Madame la Ministre, je me permets donc de réitérer notre demande à l'effet que le gouvernement fédéral agisse rapidement dans cette affaire et pose les gestes requis très prochainement.
Je vous remercie de l'attention accordée à la présente et vous prie d'agréer, Madame la ministre, l'expression de mes sentiments distingués.
Et c'est signé «Le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Denis Giguère». Nous en avons reçu une copie conforme.
Donc, je pense qu'il était clair que les intervenants touristiques de la grande région de Québec étaient entièrement favorables à notre position là-dessus, ce que le gouvernement a confirmé en acceptant de modifier le Code criminel.
Quand je dis que le Port de Québec est d'accord avec notre approche, je fais référence à un article du Soleil de Québec paru le samedi 25 avril 1998. Le président du Port de Québec, M. Ross Gaudreault, tenait une conférence de presse, et l'article s'y rapportant se lit en gros comme suit:
La Ville de Québec semble en voie de devenir une escale de choix pour les navires de croisière. De plus en plus de paquebots accostent à Québec et de plus en plus tôt dans la saison [...]
Cela a fait dire au président-directeur général du Port de Québec, M. Ross Gaudreault:
[...] que les années qui viennent devraient voir augmenter considérablement le nombre de passagers à mettre le pied à terre dans la Vieille Capitale.
Plus loin, l'article dit:
Les escales des bateaux de croisière ont des retombées économiques très importantes pour la ville de Québec. Cette année, en 1998, on estime que 45 000 passagers débarqueront à Québec et qu'ils dépenseront environ 110 $ américains chacun, et c'est sans compter l'équipage et les dépenses reliées aux navires. L'an dernier, en 1997, environ 5,9 millions de dollars ont été injectés dans l'économie du Québec et de la Ville de Québec.
J'arrête ici la citation de l'article.
J'ai voulu illustrer qu'il s'agit d'un dossier d'amendement au Code criminel qui est d'une importance capitale au niveau du développement économique. Je pense que ce projet de loi fait en sorte de lever un irritant et que le milieu régional sera maintenant capable d'assumer son leadership et d'être représenté lors des conférences.
Chaque année, au mois de mars, il y a une grosse conférence nord-américaine à Miami, où les croisiéristes viennent pour choisir leurs destinations pour les prochaines années. Lorsque les porte-parole du port de Québec, la SODES ou divers intervenants représenteront la grande région de Québec, ils seront en mesure de faire valoir, auprès de ces croisiéristes et auprès des armateurs, que l'irritant que représente la fermeture des casinos est maintenant levé en vertu d'un amendement au Code criminel.
Je ne veux pas prolonger mon discours indûment et souhaite permettre à d'autres collègues de s'exprimer sur le sujet. Toutefois, je ferai part du fait que nous avions relancé la ministre de la Justice, le 21 mai dernier, dans une lettre que nous lui avions envoyée.
Le 8 juin dernier, avec ma collègue, la députée de Québec, nous avions donné une conférence de presse à laquelle assistaient divers intervenants régionaux. Le 9 juin dernier, nous avions questionné à la Chambre la ministre de la Justice. On lui demandait ceci: «Afin de régler une fois pour toutes cet irritant qui nuit à l'expansion de l'industrie des croisières internationales, la ministre s'engage-t-elle à agir et à initier dès maintenant les modifications requises au Code criminel, afin de permettre aux navires de croisière d'exploiter leurs casinos dans le golfe Saint-Laurent?»
La réponse de la ministre a été simple. Le 11 juin dernier, la ministre déposait, dans ce projet de loi omnibus, une disposition pour permettre l'ouverture des casinos sur les navires de croisière.
Je terminerai en disant ceci: pourquoi est-ce important pour la grande région de Québec d'obtenir cet amendement? Nous sommes persuadés que le gouvernement sera sensible à cette demande parce qu'elle fait facilement l'unanimité.
J'ai trouvé, dans mes dossiers, les statistiques de 1996 sur l'achalandage du port de Vancouver. Comme je l'ai déjà mentionné, on sait qu'il n'y a pas de problème pour le port de Vancouver. Dès que le navire de croisière quitte English Bay, il peut, une heure plus tard, ouvrir de nouveau son casino. Pour y être allé à quelques reprises avec le Comité permanent des transports, on sait comment les croisières vers l'Alaska ont pris une importance foudroyante depuis les dernières années, en terme d'escales et de de passagers qui dépensent. Ces passagers laissent de l'argent dans l'économie de la grande région de Vancouver.
Je vais citer quelques chiffres relatifs aux années 1992, 1993, 1994 et 1996, en ce qui a trait au nombre de passagers de croisières au port de Vancouver. En 1992, il y avait 449 239 passagers; en 1994, c'était grimpé à 591 409 et, en 1996, c'était 701 547 passagers. Ces passagers, lors d'une escale,—toutes les études économiques le démontrent—apportent beaucoup. N'oublions pas qu'il s'agit de passagers assez fortunés.
La semaine dernière, on a accueilli dans le port de Québec le plus gros bateau de croisière au monde, le Vision of the Sea. Ce bateau transporte 2 400 passagers. Sur un bateau semblable, les croisières coûtent environ 10 000 $ américains par semaine. Disons que ce ne sont pas des croisières offertes au grand public américain. Il n'y a pas de honte à le reconnaître, ce sont des gens assez fortunés qui sont en mesure de payer 10 000 $ américains par semaine. Ces gens, lorsque le bateau est à quai et qu'ils se promènent à pied lors de leur journée d'escale, dépensent entre 110 et 150 $ américains.
Quand on voit qu'à Vancouver on en a accueilli 701 547 en 1996, on imagine ce que cela représente. J'aurai des chiffres plus récents pour 1997 mais c'est largement supérieur. De mémoire, le nombre est près de 900 000. Je ne veux pas dire quelque chose de faux et j'aurai l'occasion d'y revenir si j'interviens de nouveau lors de l'étude en troisième lecture.
C'est important pour le développement économique d'une grande région, d'autant plus que la région de Québec est aussi en train de prendre position pour un nouveau type de croisières. Il y a un projet de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain qui propose de développer la croisière de luxe nordique et la croisière éco-touristique. Québec deviendrait le port d'embarquement régional pour des croisières tout le long de la côte du Labrador, pouvant même aller jusqu'au Groënland.
Encore une fois, je pense que cela pourrait représenter des retombées économiques très intéressantes, une fois cet irritant levé, pour exploiter des casinos dans les eaux internationales.
Il m'a fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi. Soyez assuré que nous serons vigilants, lors des prochaines lectures de ce projet de loi, et que mon collègue de Berthier—Montcalm sera très à l'affût lors des discussions en comité.
Même si nous ne sommes pas contre le principe du projet de loi C-51, nous aurons quand même des amendements à proposer par l'entremise de notre collègue, le porte-parole en matière de justice, le député de Berthier—Montcalm. Nous espérons que le gouvernement prêtera une oreille attentive à nos recommandations.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité de parler du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Tout d'abord, je voudrais attirer l'attention de la Chambre, et surtout du public qui nous écoute, sur le fait que la mesure est un projet de loi omnibus. C'est le nom que l'on donne à un projet de loi qui contient de nombreuses modifications sans rapport entre elles. D'habitude, les projets de loi omnibus touchent le Code criminel, mais ils peuvent aussi toucher d'autres sujets.
Je voudrais rappeler à la Chambre que, par le passé, la Chambre s'est rebellé contre certains projets de loi omnibus. Elle les trouvent contraires à la procédure parlementaire parce qu'ils limitent les possibilités d'intervention des députés sur les divers sujets qui y sont couverts.
Une des crises les plus importantes et les plus paralysantes de l'histoire parlementaire canadienne s'est produite au sujet d'un projet de loi omnibus, celui qu'un gouvernement libéral avait proposé en 1982.
Ce n'était pas, alors, un projet de loi sur le Code criminel, mais sur la politique énergétique. Il a amené ce que l'on a appelé l'épisode des cloches, car celles-ci ont retenti pendant 16 jours au début de 1982.
Les députés moins anciens ne savent peut-être pas que, à cette époque, les cloches, que l'on appelle maintenant le timbre, étaient beaucoup plus bruyantes qu'aujourd'hui. Elles ont sonné pendant 16 jours, 24 heures par jour, jusqu'à ce que la crise soit finalement résolue. C'était au sujet d'un projet de loi omnibus.
Même s'il n'y a pas ce genre de controverse au sujet du projet de loi dont nous sommes saisis, je n'en pense pas moins que les projets de loi omnibus posent pas mal de problèmes au députés de la Chambre des communes, en particulier pour l'opposition qui ne peut faire autrement que voter en faveur ou contre le projet de loi dans son ensemble. Or, il arrive souvent dans le cas des projets de loi omnibus que nous soyons en faveur de certains aspects et contre d'autres.
En ce qui concerne le projet de loi C-51, nous appuyons plusieurs dispositions, notamment celles qui consistent à élargir le champ d'application de l'infraction relative à l'obtention de services sexuels de personnes âgées de moins de 18 ans, à supprimer la période d'un an et un jour applicable aux infractions pour homicide ou pour négligence criminelle ayant causé la mort, à moderniser les dispositions sur le vol et la possession de minéraux précieux, enfin celle qui consiste à moderniser les dispositions relatives aux infractions en matière de reproduction de billets de banque.
Nous sommes en faveur des dispositions visant à ne permettre l'exécution de mandats de perquisition que par les personnes chargées de l'exécution de la loi, à prévoir, relativement à la détermination de la peine des mesures sur la prise en considération d'autres accusations et de la capacité de payer du délinquant et d'autres mesures touchant à des points de nature technique. Nous appuyons les dispositions prévoyant des règles sur l'exécution de l'ordonnance de sursis en cas de manquement à l'une de ses conditions et rendant les dispositions en matière de confiscation de produits de la criminalité applicables aux infractions relatives au télémarketing trompeur qui sont visées à la Loi sur la concurrence.
Plusieurs de ces dispositions ne sont que des correctifs d'ordre administratif ou technique ou qui ont pour but de moderniser la loi. En revanche, il y dans ce projet de loi certains éléments qui, à notre avis, sont contestables et méritent d'être examinés. Je veux parler en particulier de la disposition qui permettrait l'exploitation de casinos sur les navires de croisière internationale battant pavillon canadien ou croisant dans les eaux canadiennes et de la disposition qui permettrait à une province de mettre sur pied et de gérer les jeux de dés.
Après avoir entendu le député du Bloc québécois, je crois comprendre un peu mieux ce que cette modification a à voir avec l'exploitation de casinos à bord de navires de croisière internationaux battant pavillon canadien ou naviguent en eaux canadiennes. Il se peut, à la réflexion, que cette proposition ait quelque fondement compte tenu de la situation particulière dans laquelle la ville de Québec se trouve par rapport aux navires de croisière internationaux et canadiens.
Je suis reconnaissant au député d'avoir expliqué l'importance que le Québec et la ville de Québec accordent à cette modification.
Cela étant dit, je m'en tiendrai à la disposition qui permet qu'une province exploite et gère des jeux de dés. J'évoque cet aspect parce que je partage la préoccupation de beaucoup de Canadiens, de mes collègues du Parti démocratique assurément, et sans doute de députés appartenant à d'autres partis, à savoir que les partis, qu'ils forment le gouvernement ou non, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, ont tous succombé d'une façon ou d'autre, ou sont sur le point de succomber, aux jeux de hasard, à une forme de dépendance au jeu, dépendance que l'on trouve non seulement chez les joueurs invétérés mais également chez les gouvernements qui ne peuvent plus se passer des revenus qu'ils tirent du jeu.
C'est un problème qui transcende les partis. Je n'irai pas jusqu'à prétendre qu'un parti politique quelconque soit à l'abri des critiques à cet égard. Je veux simplement exprimer mon inquiétude, celle de mes collègues et, je l'espère, celle des collègues de tous les partis en voyant que nous sommes devenus un pays de casinos.
Il y a un casino dans ma propre circonscription dont le nom est Club Regent. Si quelqu'un m'avait dit il y a dix ans qu'il y aurait un jour un casino le long du trajet que je dois faire tous les jours entre ma résidence et mon bureau de circonscription, je l'aurais traité de fou et lui aurais répondu que cela n'arriverait jamais. Or, c'est le cas aujourd'hui.
Je suis certain que beaucoup de mes électeurs s'en réjouissent. Le casino est bien situé. Les gens aiment bien y aller et il y en a, dont un grand nombre de mes bons amis, qui peuvent dépenser seulement un certain montant et s'amuser. Ils se fixent des limites et une fois qu'ils les ont atteintes, ils s'en vont. Parfois, ils gagnent, parfois, ils perdent, mais ce n'est pas destructif.
Cependant, le fait est que, pour bien des Canadiens, c'est destructif. C'est destructif pour leur vie personnelle et leur portefeuille. Je ne puis m'empêcher de penser qu'en définitive c'est destructif pour le bien-être collectif que d'avoir des gouvernements qui sont devenus tellement dépendants des recettes des jeux de hasard qu'ils cherchent toujours à accroître ce genre d'activités.
Où peuvent-ils construire un autre casino? Peuvent-ils construire un hôtel pour accueillir d'autres gens de l'extérieur de la ville, de la province ou du pays? Que peuvent-ils faire pour inciter d'autres Canadiens et d'autres étrangers à venir au Canada et à s'adonner aux jeux de hasard?
Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres députés, mais je sais que, dans ma jeunesse, c'était à Las Vegas que l'on jouait à l'argent. Le jeu, c'était quelque chose qui se passait dans une salle obscure où les gars jouaient au poker. C'était mal vu. C'était une activité que la société désapprouvait.
Les provinces ont fait de ce phénomène qui était mal vu dans le passé une importante composante de la vie sociale et fiscale. Je pense que c'est une erreur. À mon avis, beaucoup de Canadiens estiment que c'est une erreur. Je le pense, que ce soit préconisé par un gouvernement néo-démocrate, par un gouvernement libéral, un gouvernement conservateur, un gouvernement péquiste ou, Dieu nous en préserve, un gouvernement réformiste.
Je voulais simplement exprimer mon opinion à ce sujet. C'est quelque chose qui n'est pas dans ma tradition politique. En dépit des mesures prises par certains gouvernements néo-démocrates, il existe au sein du NPD, depuis l'époque du CCF, une longue tradition d'opposition aux jeux de hasard. Je crois que cela vient du Social Gospel et des Églises protestantes. Ma propre Église, l'Église unie du Canada, est encore fermement opposée à toute forme de jeu de hasard.
Je crois que nous sommes arrivés à un point où il nous faut réfléchir sérieusement à la drogue commune que sont devenus les jeux de hasard plutôt que de faciliter ces jeux, comme le fait le projet de loi C-51. Jusqu'à maintenant, nous n'avions pas permis les jeux de dés. Nous avons entendu parler de jeter les dés dans le dossier constitutionnel, en 1992 ou vers cette date, lorsque le premier ministre a déclaré qu'il lancerait les dés, mais je m'écarte du sujet. Je prends cette question très au sérieux.
Je crois que ce serait une grave erreur d'élargir la gamme des jeux de hasard disponibles au Canada. Nous savons que les jeux de hasard désavantagent les pauvres de façon disproportionnée. Nous savons que, à bien des égards, les jeux de hasard sont un impôt prélevé auprès des pauvres. À mon avis, plutôt que de chercher des moyens d'augmenter les recettes qui désavantagent les personnes à faible revenu de façon disproportionnée, nous devrions envisager une véritable réforme de notre régime fiscal, accorder de véritables allégements fiscaux aux Canadiens à faible revenu et rechercher des moyens de faire contribuer davantage les nantis, les très bien nantis, au bien-être commun.
En ce moment, nous avons à toutes fins pratiques un régime fiscal qui subventionne les riches. Si certaines personnes ont assez d'argent pour placer 10 000 $ ou 15 000 $ dans des REER, si elles peuvent maximiser leur REER, le gouvernement du Canada subventionne leurs pensions alors qu'au même moment, il dit à beaucoup de Canadiens à faible revenu qu'ils devront se débrouiller avec de moins en moins d'argent. Il n'y aura pas de hausses notables du RPC ou de la SV. Toutefois, quand il s'agit de subventionner les rentes de retraite de ceux qui sont assez riches pour choisir de maximiser leur REER, on dirait qu'il n'y a pas de limite. Je suppose que c'est l'accomplissement d'une de ces prédictions cruelles de la bible qui dit que les riches en auront encore plus et que les pauvres en auront encore moins. Je paraphrase, mais les députés savent de quel enseignement je parle.
Je ne crois pas que nous devions veiller à son accomplissement comme nous l'avons fait par notre régime fiscal actuel. Voilà un point, mais fondamentalement, ce que je voulais dire, c'est que, selon moi, à un moment donné dans les années 80, nous avons pris la mauvaise direction. Gouvernement après gouvernement, province après province, les autorités se sont mises à délivrer de tels permis. Ce fut dans les années 80 et 90, mais tout a commencé dans les années 80, ou même avant cela. Tout a commencé avec les loteries à la fin des années 70, mais les choses ont évolué depuis.
On pourrait discuter longtemps du moment où tout cela a commencé, mais le fait demeure que, à un moment donné, nous avons pris un très mauvais tournant. J'espère que, un jour, nous aurons la sagesse de chercher de véritables solutions de rechange, plutôt que de recourir aux jeux de hasard pour élever les recettes gouvernementales, et que nous reviendrons aux temps où il n'y avait pas, ou beaucoup moins, de jeux de hasard sanctionnés par le gouvernement.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir en faveur de ce projet de loi. À l'instar du député qui m'a précédé, je voudrais parler de certaines questions qu'il a soulevées.
Je trouve intéressant de voir le temps que nous consacrons à la Chambre aux questions de justice et de criminalité. C'est particulièrement vrai depuis l'arrivée des réformistes parmi nous. Ils essaient de dramatiser les choses et, en toute franchise, d'effrayer les Canadiens et les visiteurs au Canada alors que, dans l'ensemble, le Canada est un endroit sûr où travailler et élever une famille et un endroit sûr à visiter.
Je voudrais donc rassurer les gens et leur dire que, malgré des lacunes, notre système de justice est quand même un excellent système. Il punit comme il se doit les criminels et assure la sécurité des familles. Lorsque des gens sont victimes de tragédies, il existe un mécanisme permettant de réagir à ces tragédies.
Je tiens également à dire aux visiteurs, à des gens comme Stafford et Lesley Woods qui viennent d'arriver d'Europe aujourd'hui, que même s'ils seront avec moi, leur séjour au Canada sera assez sûr. Ils n'ont pas à s'inquiéter, car contrairement à ce que le Parti réformiste voudrait leur faire croire, ils ne sont pas dans un pays bondé de criminels, où le crime organisé est bien implanté, où les bandes criminalisées sont présentes partout et où les viols et le pillage sont monnaie courante. Ce n'est tout simplement pas la réalité au Canada.
J'ai aussi été particulièrement intéressé par les observations de notre collègue réformiste qui a dit qu'il fallait, pour le paraphraser, dépolitiser ces débats. Pourtant, depuis un peu plus d'un an que je suis ici, j'ai pu constater que les députés réformistes sont ceux qui se font le plus de capital politique avec la justice, la criminalité et, chose plus tragique, les victimes de crimes.
Il est intéressant de les entendre dire qu'ils seraient en faveur d'une loi sur les armes à feu, d'un système d'enregistrement des armes à feu, alors qu'ils sont opposés à une loi sur le contrôle des armes à feu qui rendrait nos rues plus sûres et qui a l'appui de quelque 80 p. 100 des Canadiens.
La semaine dernière ou la semaine précédente, on a étudié le projet de loi sur l'identification par les empreintes génétiques qui permettra aux corps policiers de tout le pays de pouvoir exercer un meilleur contrôle et de mieux appliquer la loi. Les chefs de police et les associations de policiers appuient en grand nombre cette mesure. Les policiers croient et savent qu'un système d'enregistrement des empreintes génétiques dans une banque de données appropriée va les aider à accomplir leur travail. Mon collègue de Waterloo qui, si je ne m'abuse, a siégé à la commission de police, pourra le confirmer. Pourtant, les réformistes se sont opposés à ce projet de loi et ils ont tenté de se faire du capital politique.
Des députés se lèvent pour dénoncer la chasse aux sorcières, mais, à ce que je vois, il n'y en a que pour la chasse aux sorcières à la Chambre. Nous en sommes au point où il faut regarder sous la porte du compartiment aux toilettes pour s'assurer qu'il n'y a personne en train de prendre des notes pour recueillir des propos qui pourraient faire l'objet d'une question de privilège ou pour mettre quelqu'un dans l'embarras à cause d'une observation faite en privé. Aucun endroit ne semble sûr désormais, parce qu'il y a partout des députés de l'opposition qui cherchent à prendre en défaut les députés du gouvernement, qui cherchent à fabriquer et à dévoiler un affreux scandale.
Ils rêvent d'un scandale. Les députés d'en face sont témoins des difficultés du président Clinton. Ils voient l'avidité des médias américains et les jeux politiques des membres du parti républicain dans le processus de destitution. Ils se demandent pourquoi on ne s'amuserait pas autant Canada, pourquoi on ne pourrait pas imaginer un scandale. Ils se cherchent une victime. Ils prennent des notes et font tout ce qu'ils peuvent pour suivre les conversations privées dans l'espoir de pouvoir s'amuser.
On préfère s'adonner à ces jeux plutôt que de continuer à gérer le pays. On aime mieux s'amuser que s'attaquer aux graves répercussions économiques de la crise financière en Asie et aux problèmes que le ministre canadien des Finances a tenté de régler à Washington. On ne s'interroge pas là-dessus. Il n'y a pas eu une seule question de l'opposition portant sur la gravité de la situation du FMI, sur les performances des marchés des valeurs mobilières dans le monde ou sur la crise au Japon. Que voyons-nous à la place? Des députés qui disent que nous ne devrions pas nous livrer à de la politicaillerie.
C'est plus qu'une simple blague, c'est bien triste car, quand nous sommes saisis d'un projet de loi comme celui à l'étude—qui est un projet de loi omnibus nous invitant à examiner de nombreuses modifications à la loi, je le reconnais—, les députés d'en face préfèrent se livrer à de la politicaillerie au lieu de s'occuper des problèmes importants.
Je veux parler du problème du jeu. Le député du Nouveau Parti démocratique a le culot de répandre des calomnies dans le pays alors que c'est au premier ministre néo-démocrate, Bob Rae, que nous devons d'avoir engagé l'Ontario sur la pente glissante des jeux du casino. La glissade a été accélérée par le premier ministre actuel. Il a remis tout l'avenir économique de la province d'Ontario entre les mains du jeu.
Le casino de Windsor génère des recettes de plusieurs centaines de millions de dollars. Le Casino Rama en fait autant, et il y a aussi le casino des casinos à Niagara Falls. Pouvons-nous les fermer? Pouvons-nous dire aux habitants de ces localités que, désolés, nous devons faire disparaître tous ces emplois? Ce sont les néo-démocrates qui nous ont engagés sur cette pente glissante. Ils devraient au moins avoir le courage de l'admettre.
Les habitants de Windsor peuvent voir de l'autre côté de la rivière Detroit une ville de plusieurs millions d'habitants qui est sur le point de se lancer dans la construction et l'exploitation de trois—je dis bien trois—casinos géants. Quel impact ces nouveaux casinos auront-ils sur le casino de Windsor? Ce dernier aura beaucoup de mal à soutenir leur concurrence.
Le jeu de dés dont il est question dans le projet de loi, souvent appelé familièrement «craps», n'est pas autorisé actuellement au Canada. Le projet de loi donnera au moins la chance de survivre aux casinos de Windsor et de Niagara, situés juste en face de métropoles américaines qui possèdent aussi des casinos.
Quelles options s'offrent à nous? Je trouve la situation tragique, parce que les gouvernements provinciaux, avec en tête l'Ontario, la province la plus importante en fonction de sa taille et de son impact économique, doivent désormais compter sur les recettes des jeux de hasard. En fait, avec les compressions et les changements qui ont été appliqués, Mike Harris a fermé en Ontario tous les casinos pour oeuvres de bienfaisance.
Pouvez-vous imaginer cela? Il a fermé les petits casinos pour oeuvres de bienfaisance qui finançaient les équipes de hockey, les scouts, les groupes de bénévoles de tous les coins du pays et certainement de la circonscription que je représente, Mississauga. Toutes ces organisations comptaient sur les casinos pour oeuvres de bienfaisance. Que faisaient de mal ces casinos? Le gouvernement provincial a déclaré: «Ils ne sont pas réglementés. Ils font ce qu'ils veulent. Les organisations de bienfaisance ne font pas assez d'argent. Nous allons donc prendre l'initiative de construire 44 nouveaux casinos en Ontario.»
Le gouvernement provincial a effectué un appel d'offres. Des promoteurs ont présenté des projets et dépensé des millions de dollars. Puis, sans songer aux effets néfastes d'avoir fermé tous les casinos pour oeuvres de bienfaisance, le gouvernement provincial a dit aux bénévoles et aux organisations de bienfaisance: «Vous ne pouvez plus exploiter de casinos pour financer vos activités.» Centraide et bien d'autres groupes qui comptaient sur la contribution de ces casinos se présentent aujourd'hui devant les conseils municipaux et disent: «Que pouvons-nous faire désormais? Accordez-nous un permis pour que nous puissions organiser des bingos. Accordez-nous un peu d'aide. Donnez-nous la chance de survivre.»
Mike Harris et le gouvernement conservateur, suivant les traces des néo-démocrates, créateurs de la grande migration des casinos en Ontario, ont banni les casinos pour oeuvres de bienfaisance et annulé l'appel d'offres pour les 44 casinos qui devaient ouvrir. Les organismes de bienfaisance auraient pu présenter au moins des demandes à la Fondation Trillium pour obtenir des fonds, mais la province a dit à ces organismes de charité de trouver un autre moyen de survivre. Quelles sont leurs options? Ces derniers n'ont manifestement pas d'autre choix que de se tourner vers leurs membres. Le nombre de ventes de pâtisseries et de ventes bric-à-brac qu'on peut organiser pour tenter de récupérer ces recettes perdues est quand même limité.
La question des casinos à de quoi faire honte à bien des gens, du moins en Ontario. Mais nous n'avons maintenant plus le choix. Que nous soyons du côté de l'opposition, du côté du gouvernement ou du côté du parti qui a créé cette situation, nous devons maintenant assurer la survie de ces établissements, qui sont devenus d'importants générateurs de la richesse économique dont les provinces dépendent désormais pour le financement des soins de santé, des programmes sociaux et même de l'éducation, compte tenu des sommes qui leur reviennent. Donc, bienvenue dans le royaume du jeu, car c'est ce que notre pays est en train de devenir à mesure que le phénomène des casinos continue de prendre de l'ampleur.
Une autre partie du projet de loi que l'opposition aurait dû reconnaître comme importante, mais ne l'a pas fait, est celle qui concerne la violence familiale. Un des changements apportés dans ce projet de loi omnibus découle du fait que nous avons déterminé, en travaillant avec les provinces, que les personnes arrêtées pour cause de violence familiale essaient souvent de communiquer avec les victimes. Nous savons tous cela.
Je fais de la politique depuis presque 20 ans déjà et, comme beaucoup de députés à la Chambre, je défends la cause des femmes battues et de toutes les victimes de violence familiale, qui savent par expérience que, dans ce genre de cas, les accusés essaient de communiquer avec les victimes. Pourquoi? Pour amener leurs victimes à changer d'idée. Ou ils demandent parfois à leur avocat de proposer une sorte de marché pour que la femme retire sa plainte. La plupart du temps, ce sont les femmes qui sont victimes de cette violence.
Ce projet de loi dit que c'est maintenant interdit. Qu'un accusé ne peut plus communiquer avec la personne qu'il est accusé d'avoir battue. On ne peut pas envoyer son avocat comme missionnaire pour convaincre la personne contre qui on a commis des actes de violence, dans bien des cas une épouse, une petite amie ou une conjointe de fait. Il n'est plus possible de s'ingérer de cette façon.
Pourquoi est-ce important? J'ai siégé pendant neuf ans et demi au conseil régional et au conseil municipal de la région de Peel et de Mississauga. Nous administrions les services sociaux et nous le faisons toujours. Mon épouse fait actuellement partie du conseil. Nous étions directement confrontés aux résultats. Nous recevions des femmes—la plupart du temps, il s'agissait de femmes—dont une majorité nous arrivaient avec des yeux au beurre noir ou des fractures à cause d'actes de violence conjugale.
Ce qui ajoute au caractère tragique de toute l'affaire, c'est que trop souvent ces femmes refusent de porter plainte, soit par contrainte ou parce qu'elles craignent pour la sécurité de leurs enfants ou leur propre sécurité. Elles refusent de le faire. Les parlementaires, les autorités municipales, locales et régionales, les députés provinciaux ne doivent pas tolérer cette véritable plaie qui frappe notre société. Nous devons lutter contre la violence conjugale et nous efforcer de l'éliminer.
S'il y a une raison, une seule, pour laquelle nous devons appuyer le projet de loi C-51, c'est bien celle-là. Si nous votons contre le projet de loi, le changement souhaité ne se produira pas.
Je demande aux députés d'en face de cesser de se livrer aux jeux dont je suis témoin à la Chambre et de tenir compte des moyens que ce projet de loi nous donne pour aider les membres de notre société. Le projet de loi contribuera, entre autres choses, à rendre plus efficace le système judiciaire contre la violence conjugale. Il fera comprendre aux auteurs d'actes de violence conjugale, comme je le disais, qu'ils ne pourront plus communiquer avec leurs victimes ou le faire clandestinement en ayant recours à un avocat.
Ce projet de loi permettra aux travailleurs sociaux et aux personnes qui s'occupent des victimes de violence conjugale de soutenir ces personnes et leur donner le courage dont elles ont besoin pour aller de l'avant, de manière à obtenir la condamnation des agresseurs et nous permettre de lutter efficacement contre la violence conjugale.
Ce n'est là qu'une raison qui justifie notre appui au projet de loi, mais il y en a de nombreuses autres. Je pense notamment à la question de la prostitution enfantine. Ce projet de loi facilitera également la tâche des services de police. Comment? En leur permettant d'avoir recours à la surveillance électronique pour prouver qu'un individu a sollicité les faveurs sexuelles d'un mineur et obtenir qu'il soit condamné. La police ne peut pas agir de la sorte actuellement, mais il est crucial qu'elle puisse le faire. C'est ce que va permettre ce projet de loi.
Les députés d'en face voudront peut-être que l'on ajoute une disposition visant à alourdir la peine. Le gouvernement l'a fait dans d'autres domaines. Ce projet de loi, pas plus que les autres, ne peut servir de panacée à tous les problèmes du système de justice. Il ne faut pas s'attendre à ce que le projet de loi C-51 règle tous les problèmes.
Aucun député d'aucun parti n'admet quelque délit sexuel que ce soit contre des enfants. C'est faire de la petite politique que de prétendre le contraire. Cela me ramène à un projet de loi d'initiative parlementaire dont nous avons débattu ici au début de la semaine, à savoir le projet de loi C-284. On a aussi essayé de faire de la petite politique autour de modifications à la Loi sur le casier judiciaire, qui prévoient la divulgation du dossier des personnes reconnues coupables de quelque délit sexuel contre un mineur et qui ont été réhabilitées.
Le solliciteur général a déjà le pouvoir de divulguer des dossiers de réhabilitation à des associations en règle. Quelles sont ces organisations?
Beaucoup de condamnés sont libérés sur parole, purgent toute leur peine ou sont réhabilités. À ma connaissance, personne n'a jamais été réhabilité après avoir été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement un mineur. Certes, les personnes reconnues coupables de ce délit purgent toute leur peine et finissent par retourner dans la collectivité.
On a publié le nom et la photographie de nombre d'entre elles pour que la communauté où elles vont vivre soit avertie de leur retour dans son sein. Toutefois, cela s'est fait comme il le faut. Cela s'est fait par l'intermédiaire des forces policières afin que les droits de personne ne soient violés.
C'est l'une des grandes qualités du pays sûr qu'est le Canada, du pays où j'ai accueilli Stafford et Lesley Woods, du pays où j'ai accueilli des gens du monde entier. Le Canada est un pays sûr. Nous avons une démocratie parlementaire qui nous permet de mettre en place les lois qui protégeront les femmes et les enfants, tous les membres de la société, en fait.
Le projet de loi devrait bénéficier d'un appui unanime pour bien des raisons dont les quelques-unes que j'ai invoquées ici aujourd'hui.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi C-51 au nom de l'opposition officielle et des habitants de Surrey-Centre. Le projet de loi propose des modifications au Code criminel au chapitre du jeu, des homicides, de la prostitution enfantine, de la mise en liberté sous condition, du crime organisé, des concessions minières, des dispositions relatives à la copie de devises par ordinateur et bien d'autres choses encore qu'il serait trop long d'énumérer.
J'ai écouté attentivement ce que les libéraux avaient à dire. J'aimerais me livrer à un petit exercice de dissection pour leur expliquer l'anatomie de ce projet de loi. Les libéraux font six coups de la même pierre. Rappelons-nous bien de ce chiffre. Je traiterai d'ailleurs de ces six sujets sou peu.
Comme pour bien des mesures législatives étudiées depuis notre retour de septembre, le gouvernement a décidé de faire le moins possible avec ce projet de loi. Avec le projet de loi C-3, les libéraux ont lié les mains de nos services d'application de la loi en leur refusant l'accès à toutes les techniques d'identification par les empreintes génétiques. Les libéraux ont ignoré les victimes de crimes et la sécurité des Canadiens pour protéger les droits des accusés. Les libéraux se préoccupent davantage des criminels que des victimes.
La semaine dernière, nous avons vu le projet de loi C-53 subir un traitement accéléré à la Chambre, passant les étapes de la première et de la deuxième lectures en quatre jours ouvrables. Les libéraux n'ont pas réussi régler le problème du programme de financement des petites entreprises. Encore un échec.
En faisant le moins possible de ce qu'ils devraient—et ne pouvaient pas—faire pour améliorer le programme de prêts aux petites entreprises, les libéraux ont ignoré les recommandations du vérificateur général et des 90 000 membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Le projet de loi C-35 est un autre exemple du même type. La semaine dernière, le gouvernement n'est pas allé suffisamment loin dans les modifications qu'il a apportées aux dispositions législatives régissant les mesures anti-dumping et anti-subvention liées aux importations. Les libéraux ont encore une fois ignoré les intérêts des entreprises et des consommateurs canadiens qui se situent en aval d'un droit d'importation ou d'un droit compensateur imposé à l'égard d'un produit importé.
Les libéraux auraient pu accéder à la demande des policiers canadiens qui travaillent au front et qui souhaitaient pouvoir recourir à l'identification par les empreintes génétiques dans leur lutte contre la criminalité. Les libéraux auraient pu aider les petites entreprises à prospérer et à créer davantage d'emplois dans notre pays. Ils auraient simplement pu faire en sorte que les entreprises et les consommateurs en aval soient pris en considération plus tôt dans le processus qui aura des répercussions sur eux.
Dans le projet de loi C-51, les libéraux proposent six modifications superficielles au Code criminel. Les mesures qu'ils proposent dans le projet de loi sont très faibles, voire timorées.
Selon le titre du projet de loi, il s'agit d'une loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Si l'on se fie au titre, on pourrait penser que les libéraux vont faire quelque chose par rapport aux crimes liés à la drogue, aux bandes de trafiquants et à d'autres questions semblables.
Le premier problème auquel les libéraux disent s'attaquer dans le projet de loi C-51, c'est celui du jeu illégal. Pensez donc à la déception que mes électeurs et moi avons éprouvée en constatant que le gouvernement ne propose qu'une mesure pour résoudre le problème du jeu illégal. Il permet l'exploitation de casinos à bord des navires de croisière internationale qui se trouvent dans les eaux canadiennes. C'est tout ce qu'il propose à cet égard dans le projet de loi à l'étude.
Il n'est pas question de s'attaquer aux jeux de hasard, ni aux preneurs de paris clandestins, ni aux rackets des jeux illégaux, ni aux escrocs qui sévissent sur le marché noir. Rien de la sorte. Les Canadiens ne font même pas de croisières, ils n'en ont pas les moyens. Les Canadiens sont si lourdement imposés et le dollar est tellement faible qu'ils prennent leurs vacances au Canada. Ils ne peuvent pas aller à l'étranger avec un dollar qui ne vaut que 65 cents. Ils ne peuvent pas aller plus loin que là où leur voiture de 10 ans les conduira.
Le gouvernement libéral ne trompe personne. Dans ma circonscription de Surrey, le gouvernement provincial a approuvé les machines à sous et les jeux de hasard, mais la municipalité les a interdits. Les deux ordres de gouvernement sont en désaccord.
Avec le projet de loi C-51, le gouvernement fédéral propose de légaliser certaines formes de jeux de hasard. Il y a quelque chose qui ne va pas quand nos divers ordres de gouvernement se contredisent. Ne serait-il pas mieux et résolument progressiste si tous les ordres de gouvernement se complétaient au lieu de se contredire? Les libéraux ont-ils oublié ce que le mot synergie voulait dire? Est-ce qu'ils veulent que deux plus deux fassent trois ou cinq?
La deuxième modification apportée par le projet de loi C-51 a trait aux homicides. Elle supprime une disposition datant du siècle dernier qui stipulait que pour qu'un meurtre soit un homicide, il fallait que la victime soit morte dans une période d'un an et un jour après l'incident ayant entraîné son décès.
Dernièrement, il y a eu un décès dans ma circonscription de Surrey-Centre. Sandor Nyerges était un sourd-muet de 80 ans, ancien combattant des deux guerres mondiales. Il a été attaqué chez lui au cours d'un cambriolage manqué. Ce courageux Canadien, qui était fort et déterminé, a fini par succomber à ses blessures après plusieurs jours à l'hôpital.
C'est que c'est une bonne chose que les libéraux se débarrassent enfin de cette disposition du siècle dernier. Les victimes ne meurent pas toujours tout de suite et nous devrions prévoir une disposition en ce sens dans nos lois pénales. Pourquoi les Canadiens ont-ils dû attendre tout un siècle avant que la loi soit modifiée?
Troisièmement, avec ce projet de loi, le gouvernement autorise l'écoute électronique pour élucider les crimes de proxénétisme auprès d'enfants, de tenue d'une maison de débauche et d'obtention de services sexuels auprès de prostitués mineurs. En outre, le projet de loi rend criminelle la communication avec quiconque en vue d'obtenir ou de tenter d'obtenir les services que j'ai mentionnés.
L'Amérique du Nord a un grave problème d'abus de drogues. Dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, nous connaissons fort bien ce problème. L'usage de drogues injectables est de plus en plus répandu. Il s'agit de la catégorie de drogues la plus dangereuse et la plus grave. Elles rendent les gens malades, agités et désespérés. Nous sommes heureux que le projet de loi C-51 aide nos autorités chargées de l'exécution de la loi à s'attaquer à ce problème.
Les libéraux auraient pu faire davantage. Ils auraient pu en profiter pour accroître les peines imposées aux personnes reconnues coupables de ces infractions. Mais les libéraux ne punissent pas sévèrement les crimes.
Quatrièmement, le gouvernement modifie la disposition de la loi qui concerne l'ordonnance de sursis. Avec cette modification, l'exécution de l'ordonnance de sursis en ce qui concerne sa durée sera immédiatement suspendue si un délinquant qui fait l'objet de l'ordonnance enfreint une condition de cette dernière. La suspension cessera lorsqu'une nouvelle peine sera imposée pour manquement à une condition de l'ordonnance.
Autrefois, l'audience du tribunal sur le prétendu manquement à une condition de l'ordonnance de sursis devait avoir lieu dans les 30 jours. Plus maintenant. Avec le projet de loi C-51, l'audience du tribunal devra avoir lieu dans les meilleurs délais. Notre législation sera ainsi moins dure quant au traitement des manquements aux conditions des condamnations avec sursis.
Les libéraux n'ont pas profité de l'occasion pour interdire les ordonnances de sursis dans les cas d'actes criminels violents. Le gouvernement a encore raté une chance de sévir fermement contre la criminalité.
Le crime organisé est le cinquième point abordé par ce projet de loi. Un membre d'une bande criminelle n'aura plus droit à la libération conditionnelle après avoir purgé le seizième de sa peine. Voilà un gros changement. Les Canadiens ne veulent pas que des criminels puissent être libérés conditionnellement après avoir purgé le seizième ou même le tiers de leur peine. On ne donne pas des peines de 25 ans en pensant que l'intéressé n'en purgera qu'une fraction. Vingt-cinq ne veut pas dire cinq, mais bien vingt-cinq ans. On parle ici du seizième de la peine.
Notre généreux système accorde déjà la semi-liberté, la libération conditionnelle et la libération d'office aux membres de gangs. Les libéraux laissent aux Canadiens un système de justice pénale conçu pour garder les criminels le moins longtemps possible. Les libéraux retournent les criminels dans les rues le plus vite possible afin qu'ils ne passent pas trop de temps et n'occupent pas trop d'espace dans nos établissements pénitenciers.
Les Canadiens savent que les libéraux ne sont pas très préoccupés, et peut-être pas du tout, par l'idée que ces délinquants pourraient commettre de nouveaux actes criminels ou infractions.
Les libéraux se préoccupent plus des droits des criminels que des droits des victimes et de la sécurité de la société canadienne.
Le gouvernement libéral ne devrait pas se préoccuper de la réadaptation des criminels. Il devrait se préoccuper de la possibilité que des criminels commettent d'autres crimes. Au lieu de cela, le gouvernement se concentre sur la vitesse avec laquelle une personne reconnue coupable d'un acte criminel peut être libérée. Encore une fois, les libéraux ne sévissent pas sévèrement contre la criminalité.
La sixième catégorie de changements est un fourre-tout qui permet aux libéraux de régler un certain nombre de détails administratifs. Par exemple, le projet de loi C-51 propose de mettre un terme à l'utilisation d'ordinateurs pour copier des billets de banque. Cela semble être une bonne mesure, mais il y en a d'autres dans la même catégorie que le temps ne me permet pas d'aborder. Je vais les laisser de côté.
Dans cinq des six catégories que j'ai énumérées, le parti au pouvoir nous déçoit. Il nous laisser tomber une fois de plus. Les libéraux ne prennent pas de mesures concrètes pour protéger les Canadiens, rendre nos foyers et nos rues plus sûrs et faire diminuer la criminalité grâce à des mesures de dissuasion. Le jeu, les drogues, la prostitution, le crime organisé, le gangstérisme et même les homicides sont une partie à la fois déplorable et menaçante de notre culture.
La semaine dernière, le procureur général de la Colombie-Britannique a dit que les autorités policières sont en train de perdre la guerre contre le crime organisé, les gangs, les drogues, la prostitution, etc.
La plupart d'entre nous préféreraient ne pas avoir à s'occuper de ces choses-là. Nous tenons pourtant à lutter efficacement contre les auteurs de ces crimes et à atténuer les conséquences nocives pour des victimes innocentes.
À propos de gouvernement et de société, nous pouvons constater que les divers gouvernements de la planète approuvent des comportements différents dans leurs sociétés.
Certains gouvernements autorisent une utilisation libérale de drogues dangereuses comme l'héroïne et, dans certaines sociétés, la prostitution est légale. Les résultats sont parfois tout à fait déplorables pour ces sociétés et parfois non, si incroyable cela puisse-t-il être. Certaines sociétés autorisent le jeu, par exemple.
Le problème que nous avons rencontré par rapport à ces activités c'est que, lorsqu'une activité est considérée comme criminelle, d'autres vices s'y greffent très souvent. Par ailleurs, une région où le jeu est légal peut connaître les problèmes liés au crime organisé et à la prostitution. Grâce à l'éducation et à la prévention, nous pouvons améliorer la façon dont notre société combat ces vices. Notre gouvernement devrait être proactif, au lieu de se contenter de réagir après coup.
Mon collègue d'Esquimalt—Juan de Fuca a fait adopter à la Chambre une motion visant à mettre en oeuvre, à l'échelle nationale, un programme Bon départ à l'intention de nos jeunes. Il s'agissait de s'occuper de chaque enfant et de veiller à ce que ses besoins soient satisfaits. Voilà qui aiderait nos enfants à se préparer à mener des existences à l'abri du crime, saines et prospères.
La population de Surrey-Centre souhaite que notre gouvernement fédéral joue un rôle de leadership dans la lutte contre le crime. Or, les libéraux n'ont pas répondu à cet appel lorsqu'ils ont rédigé le projet de loi C-51 dont est actuellement saisie la Chambre.
Nous, de ce côté-ci de la Chambre, espérons que les libéraux accepteront de renforcer le projet de loi C-51 de la façon que j'ai indiquée à l'étape de l'étude en comité et durant le débat à la Chambre.
Bref, pour tous ces motifs, je ne peux appuyer le projet de loi C-51.
[Français]
M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Monsieur le Président, bien sûr, lorsqu'on consulte les journaux, le matin, et qu'on voit que des crimes ont été commis, on est tous déjà agressés. Quand on voit que des enfants ont été maltraités et que des femmes ont été battues, on se dit tous que cela n'a pas de sens.
Nous vivons dans une société où ces crimes ne devraient pas exister. Mais on sait très bien—et, malheureusement, les journalistes nous en présentent beaucoup trop—que ces crimes existent. Cependant, et je vais poser la question plus tard à mon collègue, est-ce que c'est parce que nous allons renforcer une loi que, demain, ou l'an prochain, il y aura moins de crimes? Je n'en suis pas certain.
Bien sûr, il faut des lois. Dans ma circonscription, M. Leblanc, un curé, a fait embarquer quelqu'un et il est maintenant décédé. Le procès doit se tenir, donc, je n'en parlerai pas. Mais un bon samaritain fait embarquer quelqu'un, on ne le retrouve plus. On le recherche, et quand on le retrouve, il est décédé.
Ma question ne concerne pas tellement le crime comme tel. Tout le monde est contre le crime et tous s'entendent pour dire qu'il faut l'arrêter. Mais comment faire? Comment arriver, dans une société très civilisée, à ce que les crimes disparaissent? Je voudrais bien qu'ils disparaissent complètement, ou à tout le moins que cela se fasse graduellement. Et je crois que c'est par la prévention qu'on peut y parvenir.
Un enfant de deux, quatre ou cinq ans qui n'est pas aimé a déjà une grande colère en lui. La colère s'approfondit, s'incruste dans sa chair et il reste avec cela. À 12 ou 14 ans, ses compagnons d'école le ridiculisent, et parce qu'il a une colère en lui, il la manifeste. Si ses professeurs, ses tuteurs ou ses parents ne lui donnent pas le moyen de contrer cette colère, elle va se manifester par une rage encore plus forte.
Ce à quoi je veux en venir, c'est à la prévention. Comment se fait-il qu'on investisse autant d'argent dans les corps policiers et qu'on n'en mette pas autant dans la prévention? Je demande à mon collègue comment on pourrait créer des moyens de prévention pour arrêter cela.
[Traduction]
M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, je félicite le député de l'importante question qu'il a soulevée. Cela ne veut pas nécessairement dire pour autant que je suis d'accord avec lui.
La prévention est toujours bonne, prévenir vaut mieux que guérir. Dans notre pays, nous essayons de limiter les dégâts de la criminalité au lieu de la prévenir.
Ce qui est pire, c'est de voir les ministériels prendre la parole pour représenter leurs électeurs, quand en fait, ils ne les écoutent pas. Tous les Canadiens réclament un renforcement des lois afin de prévenir la criminalité.
Aucun des projets de loi que nous examinons à la Chambre n'est vraiment musclé. L'Association canadienne des policiers a demandé au gouvernement une mesure législative sur l'ADN pour pouvoir élucider un plus grand nombre de crimes et empêcher que d'autres crimes ne soient commis. Ce n'est pas ce que le gouvernement a fait.
Notre système est tel qu'il encourage les criminels à commettre des crimes. Ce n'est pas un système qui permet de prévenir la criminalité.
J'ai lu dans le journal que, dans ma circonscription, on rationnait l'essence pour les voitures de patrouille de la GRC. Comment alors contrôler la criminalité? Comment peut-on dépenser ainsi de l'argent sans atteindre les objectifs? Le gouvernement est à blâmer.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais demander au député du Parti réformiste quelle justification il peut avoir pour voter contre ce projet de loi alors qu'il dit s'opposer à l'abolition de la disposition qui empêche de poursuivre des gens pour homicide ou négligence criminelle après une période de un an et un jour. Il refuse de faciliter la poursuite d'individus qui obtiennent les services de prostitués mineurs. Il refuse d'aider les juges et les policiers à prendre des mesures à l'égard de contrevenants qui violent une condition de l'ordonnance de sursis. Il s'oppose aux dispositions qui soustraient les personnes déclarées coupables d'un acte de gangstérisme à l'admissibilité à la procédure d'examen expéditif de leur demande de libération conditionnelle. En votant contre le projet de loi, il affirme qu'il refuse d'accorder de nouveaux pouvoirs aux juges pour leur permettre d'empêcher un accusé détenu préalablement à une audience sur le cautionnement de communiquer avec un témoin ou toute autre personne.
Je le renvoie aux questions portant sur la violence familiale. En votant contre le projet de loi C-51, il refuse d'accueillir des modifications qui permettraient en fait d'éliminer la violence familiale et de résoudre d'autres problèmes graves touchant la sécurité de tous les Canadiens.
Le député pourrait-il expliquer pourquoi il s'oppose à ces modifications au Code criminel et pourquoi il vote contre ces propositions?
M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, je suis tellement exaspéré par les explications du député qu'il me sera difficile de répondre dans le court temps de parole qui me reste. Je voudrais demander au député pourquoi son parti n'écoute pas les Canadiens. Pourquoi n'écoute-t-il pas l'Association canadienne des policiers? Pourquoi n'écoute-t-il pas les victimes? Pourquoi est-il si résolu à entendre les criminels? Comment se fait-il que les députés libéraux ne voient pas la prostitution, le jeu, les homicides. Les criminels opèrent et s'en tirent.
C'est pour cela que nous n'appuyons pas ce projet de loi. Le gouvernement n'écoute pas la population. Il ne nous propose pas de mesures législatives susceptibles de fonctionner, des mesures qui donneraient à la GRC et aux autres forces policières les outils dont elles ont besoin pour combattre le crime.
Lorsque nous allons frapper aux portes lors des campagnes électorales, nous voyons les collants avertisseurs de système d'alarme sur les portes et les fenêtres. Non seulement les gens ne se sentent pas en sécurité dans la rue, mais ils ne se sentent pas en sécurité chez eux. C'est pour cela qu'ils ont des systèmes d'alarme. Je prie le député de demander au gouvernement de mettre cela dans le projet de loi.
Le président suppléant (M. McClelland): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des mesures d'initiative parlementaire figurant au Feuilleton d'aujourd'hui.
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
BOURSES D'ÉTUDES PORTANT LE NOM DE MÉDAILLÉS OLYMPIQUES
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD) propose:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait songer à créer des bourses d'études couvrant l'intégralité des frais de scolarité et portant le nom de chacun des athlètes canadiens remportant une médaille d'or aux Jeux olympiques, en commençant par les médaillés des Jeux olympiques d'hiver 1998, afin d'encourager les jeunes athlètes canadiens de talent à terminer leurs études dans des universités canadiennes tout en continuant d'exceller dans leurs disciplines olympiques respectives, et qu'il devrait étudier la possibilité de nommer la première bourse en l'honneur de l'équipe de curling de Sandra Schmirler de Regina.
—Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler de cette très importante motion.
Cette motion est inspirée par la victoire incroyable de l'équipe de curling de Sandra Schmirler plus tôt cette année, plus précisément le dimanche 5 février 1998, aux Jeux olympiques de Nagano. Presque tous les habitants de la Saskatchewan ont vu cette victoire sur le petit écran et tous les Canadiens en ont tiré une grande fierté.
Cette équipe de Canadiennes, membres du club de curling Caledonia de Regina, avait remporté six championnats provinciaux et trois titres mondiaux avant de gagner la toute première médaille d'or aux Olympiques d'hiver de cette année, où le curling féminin était pour la première fois officiellement inscrit au programme des Jeux olympiques.
Ces femmes sont devenues des modèles pour une nouvelle génération de jeunes qui rêvent de représenter le Canada aux Olympiques, en particulier aux Jeux d'hiver. La capitaine de l'équipe Sandra Schmirler, la troisième Jan Betker, la deuxième Joan McCusker et la première Marsha Gudereit ainsi que la remplaçante Atina Ford sont toutes nées en Saskatchewan. Ces Canadiennes excellent toutes dans leur discipline sportive.
Nous devrions appuyer la proposition visant à créer les bourses d'études pour diverses bonnes raisons que je vais expliquer.
Je suis d'avis qu'il est temps de se demander ce qu'on doit faire pour former des athlètes de calibre olympique au Canada et comment on pourrait promouvoir l'excellence aussi bien en athlétisme que dans les études au Canada. Les universités canadiennes ont longtemps observé une politique selon laquelle elles ne remettaient aucune bourse d'athlétisme supérieure à 1 500 $ par an et jamais à des étudiants de première année.
Je suis d'accord avec l'objectif principal de cette politique, qui est d'éviter à nos universités certains des excès qui se sont produits dans les universités américaines, surtout les plus grandes et les mieux nanties, où l'on a consacré plus d'argent et d'attention pour former des équipes athlétiques que pour encourager les étudiants qu'elles subventionnaient à acquérir des connaissances.
Les grandes écoles reçoivent des fonds assez considérables de leurs diplômés et attirent les meilleurs athlètes, qui ne sont pas toujours les meilleurs étudiants. Mais les petites écoles doivent se donner beaucoup de mal pour financer leurs programmes d'études, qui sont censés être après tout leur principale activité.
C'est ce que les universités canadiennes ont cherché à éviter. Cependant, les généreuses bourses d'études américaines attirent chaque année quelque 1 800 étudiants canadiens aux États-Unis. Pour beaucoup de jeunes athlètes, cela représente une chance unique.
Par exemple, le chef néo-démocrate de l'Ontario, Howie Hampton, a quitté Fort Frances lorsqu'il était jeune pour aller étudier dans une université américaine grâce à une bourse obtenue pour ses performances au hockey. Il est revenu des années plus tard avec un diplôme en droit pour exercer dans sa ville natale après, bien sûr, avoir fait un arrêt en Saskatchewan, où il a pu vivre l'expérience du gouvernement néo-démocrate à la fin des années 1970.
Lorsque M. Hampton est retourné à Fort Frances, il a été entraîneur d'équipes de hockey locales. Puis, il a été élu à Queen's Park, où il a occupé successivement les postes de procureur général et de ministre des Ressources naturelles. Il est maintenant chef du Nouveau Parti démocratique de l'Ontario.
Tout cela pour dire que ces bourses sont une chance qui ne se présente qu'une fois dans une vie.
Cependant, pour ce qui est des étudiants canadiens aux États-Unis et des étudiants américains au Canada, nous avons un déficit de 350 millions de dollars dans le domaine de l'éducation. Quelques universités des provinces de l'Ouest essaient de faire changer la politique canadienne pour endiguer un peu le flot des meilleurs athlètes canadiens vers les écoles américaines, car lorsque les étudiants partent, nos universités perdent les dons des anciens et des parents.
Nous savons tous que le gouvernement fédéral a exempté ces dons d'impôt avec le projet de loi S-9 adopté au cours de la dernière législature, mais que, au même moment, il amputait sérieusement les fonds consacrés à l'aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire.
Je veux que les Canadiens sachent que c'était là un incroyable coup de Jarnac pour le système d'éducation canadien. Le gouvernement libéral a adopté le projet de loi S-9 lors de la dernière législature. Le Parti réformiste, le Bloc québécois et le Parti conservateur ont appuyé ce projet de loi. Le NPD a été le seul à dire que cette mesure était destinée aux riches et aux nantis et qu'elle était tout à fait injuste pour notre système d'éducation.
Alors qu'il réduit le financement au titre de l'éducation au Canada de deux milliards de dollars par année, le gouvernement libéral permet aux Canadiens de verser des contributions à des universités et à des établissements d'enseignement postsecondaire des États-Unis et de bénéficier d'une déduction d'impôt au Canada. Le régime fiscal de notre pays soutient maintenant le système d'éducation américain, alors que nous imposons des compressions à nos propres étudiants. C'est là la façon de faire des libéraux, des réformistes, des conservateurs et des bloquistes.
Le projet de loi S-9 est insidieux. Les libéraux ici présents devraient vraiment avoir honte. Les partis d'opposition devraient eux aussi avoir honte d'avoir laissé tomber les jeunes de notre pays pour l'amour des établissements américains. Je n'arrive pas à y croire.
Lorsque je parle du projet de loi S-9 aux gens, ils n'en reviennent pas. On peut maintenant avoir droit à une déduction d'impôt au Canada pour des contributions versées à des universités et à des établissements d'enseignement postsecondaire des États-Unis. Certains disent qu'il y a réciprocité. Cependant, les faits révèlent que plus de 25 000 étudiants canadiens vont étudier aux États-Unis. Ils entraînent dans leur sillage les dons que font à leur campus leurs parents, d'autres membres de leur famille et certaines entreprises bien nanties, alors qu'il y a moins de 5 000 étudiants américains qui viennent au Canada.
Il s'agit d'un rapport de cinq contre un. Nous soutenons le système d'éducation américain avec des recettes fiscales canadiennes, tandis que nous abandonnons nos étudiants et nos jeunes en ne répondant pas à leurs souhaits et à leurs besoins au chapitre de l'éducation. C'est incroyable.
Ce que je propose, c'est que le gouvernement fédéral crée, avec les fonds publics, des bourses d'études couvrant l'intégralité des frais de scolarité. Si nous avons les moyens de subventionner les universités américaines, nous avons les moyens de subventionner les athlètes et les établissements d'enseignement canadiens. J'ai le sentiment que cela aidera les jeunes athlètes canadiens et leur donnera les titres universitaires nécessaires dans une économie mondialisée.
Cela aidera également les universités canadiennes. Cela permettra de garder chez nous certains de nos meilleurs athlètes sans trop entamer les fonds que nos universités recueillent de leurs anciens diplômés et sans créer d'autres disparités entre les universités canadiennes, comme on peut le constater aux États-Unis.
En donnant à ces bourses d'études le nom de médaillés d'or canadiens aux Jeux olympiques, en commençant, comme je le propose, avec l'équipe de Sandra Schmirler, de Regina, nous pourrions d'une part souligner leurs exploits et d'autre part, profiter de leur statut de modèles pour inspirer la prochaine génération d'athlètes de calibre olympique.
Le gouvernement pourrait financer cette proposition facilement, soit dit en passant, grâce aux économies que nous pourrions réaliser en supprimant les dispositions inacceptables du projet de loi S-9 dont j'ai parlé tout à l'heure.
Je veux également prendre le temps de vous faire part des craintes que nous entendons tous les ans, à cette époque-ci, à mon bureau de comté de Regina, de la part d'étudiants et de parents au sujet de l'aide apportée aux étudiants au Canada et des énormes dettes que les étudiants doivent accumuler pour faire ce que les gouvernements, l'industrie et, en fait, l'avenir de notre économie exigent, c'est-à-dire acquérir au moins un diplôme de premier cycle.
La formation postsecondaire n'a jamais été aussi essentielle à l'avenir de notre pays et elle n'a jamais été aussi coûteuse. Ce sont l'industrie, les gouvernements et la société dans son ensemble, ainsi que les étudiants, qui profitent de tout cela, mais par contre, de plus en plus, ce sont les étudiants seuls qui supportent les coûts et courent les risques que cela suppose. En fait, de nombreuses modifications apportées récemment aux programmes d'aide aux étudiants au niveau fédéral, notamment les dispositions tout à fait discriminatoires adoptées l'année dernière qui interdisent à tout détenteur d'un prêt étudiant de faire faillite pendant dix ans, sont inspirées par les grandes banques qui, de façon hypocrite, exercent des pressions contre les bourses aux étudiants et une baisse des droits de scolarité, mais font ensuite de l'argent grâce à l'intérêt perçu sur les prêts aux étudiants.
Il n'est pas surprenant alors que les banques soient parmi les cibles de la semaine d'action prévue, la semaine prochaine, par la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Je salue et appuie les efforts de cette fédération.
Les grandes entreprises lient les mains des jeunes parce qu'elles ne les aideront pas à payer leurs études, ce qui serait dans l'intérêt de l'ensemble du pays, et pendant ce temps nous permettons aux Reichmann et Bronfman de défalquer presque chaque année des centaines de millions de dollars en impôt. Les étudiants canadiens ont les mains liées. Ils mettent dix ans à rembourser ces prêts parce que nous leur imposons une dette moyenne de 25 000 $.
Pour revenir là où j'ai commencé au sujet de cette proposition, je relisais ce matin certains articles de journaux concernant la victoire remportée par Mme Schmirler, en février dernier et je me suis rappelé certaines choses qu'elle avait dites.
Invitée à commenter l'opinion selon laquelle son équipe de curling était la meilleure de tous les temps, elle a donné une réponse typique de l'idéal sportif canadien, qui lui a tant mérité l'affection de la population de ma province, la Saskatchewan. Elle a répondu: Peu importe ce que je crois, nous jouons pour le plaisir, nous faisons de notre mieux et nous nous sommes retrouvés à ce niveau. Certes, nous avons remporté passablement de victoires, mais on compte beaucoup de bonnes équipes à Regina.
Interrogée quant à savoir si son équipe était la meilleure, elle a répondu que son équipe avait trouvé la bonne combinaison et que cela fonctionnait depuis ses tout débuts. Elle a ajouté qu'il y avait une harmonie des personnalités au sein de l'équipe, laquelle regroupait tout de même de bonnes joueuses de curling.
Partout où elles sont allées, ces femmes ont parlé de leurs familles, de leurs communautés et de leur pays. Elles ont présenté leur victoire non pas comme une réussite individuelle mais comme le fruit du travail d'une équipe qui avait pu compter sur le soutien des familles et de la communauté.
Sandra Schmirler et les membres de son équipe représentaient les meilleures valeurs de la Saskatchewan et c'est encore le cas aujourd'hui. La population de la Saskatchewan est très fière de ses athlètes et des valeurs familiales, de l'esprit communautaire, du sens du travail et de la modestie qui les animent.
Nous avons besoin de plus de héros de ce genre. C'est pourquoi je propose la création d'un fonds fédéral, un programme de bourses d'études couvrant la totalité des frais d'études, afin de garder les jeunes athlètes dans les universités canadiennes, et cela dans l'intérêt du Canada. Je crois que le nom le plus approprié qu'on puisse donner à ce fonds est celui de Sandra Schmirler et de son équipe.
J'ai ici une liste de médaillés d'or dont le nom pourrait être donné à une bourse d'études. Voici: Ross Rebagliati, médaillé d'or à la planche à neige; Catriona LeMay Doan, de Saskatoon, en Saskatchewan, médaillée d'or, au 500 mètres en patinage de vitesse sur piste longue; Annie Perreault, médaillée d'or au 500 mètres en patinage de vitesse sur courte piste; Marc Gagnon, Derrick Campbell, Eric Bédard et François Drolet, médaillés d'or au relais 5 000 mètres sur piste courte; tous les membres de l'équipe féminine de curling que j'ai mentionnés et qui ont remporté la médaille d'or; et Pierre Leuders et Dave MacEachern, médaillés d'or au bob à deux.
Le Canada a également remporté des médailles d'argent et de bronze. Un jour, j'aimerais que le programme de bourses soit étendu non seulement aux médaillés d'or, mais à tous les athlètes ayant remporté une médaille d'argent ou de bronze aux Jeux olympiques.
En résumé, je propose ici une mesure très importante que le gouvernement pourrait prendre pour aider les athlètes canadiens à relever certains défis qui se dressent devant eux et à atteindre le calibre olympique.
Je fais remarquer que nous pourrions probablement assumer 10 000 fois le coût annuel de ce programme en rejetant le projet de loi S-9, qui retire de l'argent du système canadien d'éducation pour le donner aux Américains. Je rappelle que cette mesure législative a reçu l'appui des libéraux, des réformistes, des bloquistes et des conservateurs.
À mesure que les jeunes Canadiens découvriront cette mesure législative insidieuse, qui s'attaque au financement adéquat de l'éducation postsecondaire à laquelle ils pensaient avoir droit en naissant, ils songeront sérieusement à élire aux prochaines élections un gouvernement qui prend l'éducation au sérieux et qui appuie les jeunes, qui représentent véritablement l'avenir de notre pays.
J'ai hâte d'entendre ce que mes collègues ont à dire au sujet de cette motion. Je serai ravi de prendre cinq minutes pour clore le débat à la fin de nos délibérations.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais bien pouvoir, dans un sens, prendre la parole et dire au député d'en face que je suis prêt, complètement ou partiellement, à appuyer cette motion parce que j'estime que l'intention du motionnaire est sans doute bonne.
C'est toutefois malheureux de politiser les Jeux olympiques et nos champions olympiques. Qui oubliera la fierté que tous les Canadiens ont ressentie, à l'exception, peut-être d'un ou deux députés du Bloc qui ont causé des difficultés durant les Jeux olympiques? Je ne vais pas relancer le débat sur l'affaire des drapeaux. Qui peut oublier? La plupart d'entre nous sommes restés debout tard dans la nuit, jusqu'au petit matin, pour suivre les compétitions.
Nous avons tous ressenti une grande déception quand notre équipe de hockey n'a pu remporter de médaille. Toutefois, quand je songe à l'inclusion de joueurs d'élite de la Ligue nationale de hockey, qui aurait pu et aurait du rendre le tournoi plus enlevé, la réalité c'est que je n'ai jamais considéré ces joueurs comme de véritables Olympiens, au même titre que ceux dont le député a parlé, soit les Ross Rebagliati, Annie Perreault, Marc Gagnon et son équipe. Nous nous sommes réjouis de leur succès et de celui de notre équipe de bobsleigh.
Nous avons probablement pu voir plus d'images des compétitions de curling à cause du changement d'heure. D'aucuns ont fait des remarques désobligeantes au sujet du curling comme discipline olympique. Or, c'est un jeu exigeant qui demande beaucoup de sacrifices et d'efforts de la part des athlètes.
Le député propose que l'on appelle la première bourse d'études en l'honneur de l'équipe de curling de Sandra Schmirler, de Regina. Nous tenons à féliciter cette athlète ainsi que tous les habitants de la Saskatchewan. Je me trompe peut-être—et le député me corrigera s'il le veut—, mais je pense que la Saskatchewan pourrait être la province du pays à avoir remporté le plus de médailles aux Olympiques. Une de nos provinces les plus petites produit des athlètes extraordinairement talentueux qui...
M. John Solomon: Et aussi des députés.
M. Steve Mahoney: Je n'en sais rien. Cela a probablement été vrai autrefois si l'on songe à certains des prédécesseurs du député comme Tommy Douglas et certains des néo-démocrates que j'ai très bien connus personnellement grâce aux relations de ma famille. Je ne me lancerai pas dans des propos désobligeants à l'égard du député d'en face quant au niveau de son talent.
Même si je crois qu'il a le coeur à la bonne place en tâchant de proposer un motion visant à instituer un programme de bourses d'études portant le nom de Canadiens dont nous sommes tous fiers, je crois cependant que sa tête est à la mauvaise place, ce qui est assez typique des néo-démocrates. C'est qu'ils tiennent très rarement compte de l'impact économique des motions qu'ils proposent.
Je lui reconnais le mérite d'avoir suggéré, même s'il l'a fait incorrectement et d'une manière partisane, la façon dont ce programme pourrait être financé. Je ne crois pas qu'il ait bien étudié son dossier. S'il veut proposer un débat sur la question de savoir si l'on devrait ou non attribuer des crédits à l'intention des gens qui investissent dans l'éducation de leurs enfants, peu importe où elle se donne, il devrait peut-être le faire. Il pourrait se mettre à l'écoute des familles qui font ce genre d'investissement pour aider leurs enfants à acquérir une éducation supérieure et à devenir des athlètes d'un niveau d'excellence supérieur, et cela, dans certains cas, au sud de la frontière.
Nous avons très souvent tendance à avoir huit mois d'hiver et quatre mois de mauvaises conditions de patinage au Canada. Les athlètes ont parfois besoin de s'entraîner dans des climats plus chauds. C'est pourquoi ils vont dans le sud, pour profiter d'installations dont nous ne disposons pas ici. À moins qu'elles soient construites à l'intérieur, à un énorme coût dans la plupart des cas pour le contribuable local, ces installations ne sont pas disponibles chez nous.
Ce n'est pas aussi simple que le député néo-démocrate d'en face voudrait bien le croire. Il s'en prend aux grandes entreprises et aux institutions américaines ou encore au gouvernement, comme les néo-démocrates essaient régulièrement de le faire.
Le gouvernement du Canada fait un certain nombre de choses pour venir en aide à nos athlètes. Au cours du dernier exercice financier, dans le cadre du Programme d'aide aux athlètes, quelque 900 athlètes exceptionnels ont reçu une aide financière totalisant plus de 7,25 millions de dollars. Les contribuables appuient les athlètes d'élite dans leurs efforts pour améliorer leur performance et remporter l'or, l'argent et le bronze.
Lorsque nous nous réjouissons du succès des champions qui décrochent une médaille ou une autre, ne faut-il pas aussi reconnaître les athlètes qui participent, qui se dépensent, qui font partie de l'équipe, mais qui ne réussissent peut-être pas à décrocher une médaille?
Il y a un réel danger d'élitisme si nous ne veillons pas à reconnaître que l'équipe olympique doit être appuyée dans son ensemble. Elle doit être franchement appuyée par tous les parlementaires de tous les partis et de tous les coins du pays. Cela ne s'est pas fait jusqu'à maintenant.
Le gouvernement a accordé un appui de l'ordre de 7,25 millions de dollars aux athlètes. Les athlètes touchent une allocation de subsistance et d'entraînement qui peut aller, selon le degré de succès et la performance, de 185 $ à autant que 810 $ par mois. Cela peut constituer une aide substantielle pour un athlète qui s'entraîne tout en poursuivant des études.
Il existe d'autres formes de bourse d'études dont je parlerai dans un moment. Les bourses qui sont accordées dans le cadre du Programme d'aide aux athlètes sont des bourses pratiques. Elles viennent en aide aux méritants. Les bourses les plus importantes vont aux champions olympiques et du monde, mais le plus grand nombre va aux athlètes qui peuvent exceller dans des sports de haute performance. Cela ne veut pas dire qu'ils ont la chance d'arborer une médaille, mais ils ont le potentiel voulu pour réussir.
Je me rappelle un reportage qui a été diffusé l'autre soir sur le réseau CTV, je crois. J'ai oublié le nom de la personne en question et je m'en excuse auprès d'elle. Il s'agissait d'un jeune athlète qui voulait faire partie de l'équipe nationale en tant que plongeur. Voilà le genre d'excellence dont on parle. Ses parents s'efforçaient de recueillir 12 000 $ pour l'aider à réaliser son objectif de faire partie de l'équipe nationale et, plus tard, de l'équipe olympique. Cela représente un défi énorme pour une famille.
Il est possible de recueillir des fonds. Quoi qu'en disent les députés de gauche du Nouveau Parti démocratique, les entreprises canadiennes soutiennent les athlètes olympiques. Elles soutiennent les jeunes qui cherchent à atteindre l'excellence et à se dépasser, que ce soit aux Jeux olympiques ou dans des sports pratiqués dans leur localité.
Nous les soutenons également au moyen du Fonds des bourses d'études du millénaire créé lors du dernier budget. Ce fonds accordera chaque année plus de 100 000 bourses d'études à des étudiants à plein temps ou à temps partiel, en fonction de leurs besoins financiers et de leur mérite, et non de leur aptitude à faire des sauts en hauteur, à nager sur une certaine distance ou à s'adonner à un jeu en particulier.
Je suis d'accord pour qu'on aide nos athlètes. Mais créer un nouveau palier de bourses d'études, sans se préoccuper de ce qu'il en coûtera aux contribuables, est une autre idée farfelue, comme le NPD sait en proposer. Le député d'en face a bien raison d'être fier des athlètes de sa province, la Saskatchewan. Tous les Canadiens partagent cette fierté avec lui.
Cependant, il devrait jeter un coup d'oeil aux chiffres et se rendre compte que le gouvernement appuie les athlètes olympiques et les efforts dans le domaine des études postsecondaires, au nom de tous les étudiants du Canada. En conséquence, je ne peux donc malheureusement pas appuyer la motion du député.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, ce soir nous débattons une motion proposée par le député de Regina—Lumsden—Lake Centre. C'est une motion d'initiative parlementaire qui propose:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait songer à créer des bourses d'études couvrant l'intégralité des frais de scolarité et portant le nom de chacun des athlètes canadiens remportant une médaille d'or aux Jeux olympiques, en commençant par les médaillés des Jeux olympiques d'hiver 1998, afin d'encourager les jeunes athlètes canadiens de talent à terminer leurs études dans des universités canadiennes tout en continuant d'exceller dans leurs disciplines olympiques respectives, et qu'il devrait étudier la possibilité de nommer la première bourse en l'honneur de l'équipe de curling de Sandra Schmirler de Regina.
Comme la Chambre le sait, cette motion ne peut faire l'objet d'un vote. Ce n'est pas la Chambre qui décidera s'il convient de mettre cette idée en pratique. Toutefois, elle mérite d'être étudiée et débattue à la Chambre et je félicite le député de son initiative.
Le discours du ministériel m'a fait penser à la fameuse remarque de Rodney Dangerfield qui a dit: «I don't get no respect». Je suis certaine que le député de Regina—Lumsden—Lake Centre est du même avis. Je vais probablement dire une ou deux choses qu'on trouvera sans doute pas très respectueuses, ce qui n'empêche pas que nous avons le plus grand respect pour Sandra Schmirler et son équipe.
Je ne sais pas ce qu'ont fait les autres députés l'hiver dernier, mais je me souviens m'être précipitée à la maison plusieurs fois après mon travail au bureau et ici, à la Chambre, pour regarder les finales de curling sur la chaîne des Jeux olympiques. J'ai pris grand plaisir à voir Sandra Schmirler et les autres Canadiennes de son équipe de la Saskatchewan prouver qu'elles étaient les meilleures au monde, et ce, d'autant plus que c'était la première fois que le curling était une discipline olympique. Ce fut un événement marquant pour tous les Canadiens et, je crois, pour un bon nombre d'entre nous ici. Il est donc tout à fait naturel et fort louable que le député veuille reconnaître pareil exploit.
Le député a fait des commentaires assez durs et gratuits à l'endroit des autres partis à la Chambre lorsqu'il a laissé entendre que les Canadiens pouvaient économiser, puis décider d'aller dépenser à l'étranger leurs économies au titre de l'éducation. Je ne suis pas de cet avis. Je pense que le député a décidé de s'en prendre aux États-Unis. Il a ensuite dit que certaines mesures gouvernementales allaient lier les mains des jeunes Canadiens par rapport à leurs choix sur le plan de l'éducation.
Il convient de souligner ici le manque de cohérence du député. Il ne veut pas que les jeunes aient les mains liées à certains égards, mais il est très heureux qu'ils les aient liées à d'autres égards. Au lieu de garder nos jeunes captifs au Canada par le biais de la politique fiscale ou de la politique économique du gouvernement, nous devrions faire en sorte que les établissements d'enseignement canadiens soient tellement solides, bons et compétents, et dispensent un enseignement d'une telle qualité, que non seulement les Canadiens ne lorgneraient plus vers l'étranger pour poursuivre leurs études, mais que de nombreux étudiants étrangers viendraient en masse au Canada pour bénéficier de l'excellence de son enseignement. Je pense qu'il serait préférable de poursuivre cet objectif.
À l'instar du député, je pense que le gouvernement a porté un dur coup à notre système d'enseignement postsecondaire en sabrant l'aide accordée à ce secteur. Voilà ce que le gouvernement a fait. Il a privé annuellement de 1,5 milliard de dollars notre système d'enseignement postsecondaire.
Il a ensuite réinjecté la maigre somme de 250 millions de dollars par année, c'est-à-dire un sixième environ de ce qu'il avait retiré, et il s'est pété les bretelles en disant que c'était merveilleux. Il s'est bien gardé de mentionner qu'en agissant de la sorte, il a empiété sur les droits et les pouvoirs des provinces, car l'enseignement postsecondaire relève de leur compétence. En mettant sur pied un système de bourses comme celui qu'il a créé, le gouvernement fédéral a porté atteinte aux relations fédérales-provinciales. C'est une façon de procéder qui ne peut qu'engendrer des fruits amers pour le gouvernement fédéral, quand viendra le temps de conclure des ententes fédérales-provinciales dans de nombreux domaines où la bonne foi et les bonnes relations sont essentielles.
C'est extrêmement important de soutenir la qualité de l'éducation dans notre pays. Plutôt que de couper dans ce secteur, le gouvernement devrait trouver à couper dans certaines autres de ses entreprises. Il pourrait réduire le gaspillage et les dépenses en double que nous avons souvent signalées à la Chambre.
Je suis sûre que le député réagira en voyant que j'estime qu'on applique deux poids, deux mesures lorsqu'on dénonce ce que souhaitent les députés de tous les partis, sauf ceux du NPD, c'est-à-dire le libre choix pour les étudiants. On ne devrait pas leur lier les mains, mais leur donner de bonnes raisons de rester au Canada, autres que celle de devoir le faire parce qu'on les empêche de dépenser leur argent ailleurs.
Il faut dire que l'idée de créer des bourses d'athlétisme est valable. On trouve des bourses d'études dans bien des domaines, comme les sciences, le génie, la musique et la littérature. La plupart des gens seraient d'accord pour dire que ces bourses sont légitimes et souhaitables.
Nous voulons encourager les jeunes Canadiens à rechercher l'excellence de bien des façons différentes, en s'appuyant sur ce qu'ils peuvent faire de mieux. L'excellence dans les sports est un élément très important des réalisations humaines. L'athlétisme devrait donc être encouragé et reconnu.
Des prix d'athlétisme représentant jusqu'à 1 500 $ sont actuellement accessibles à certains étudiants, dans quelques universités canadiennes. Les étudiants de première année n'y sont pas admissibles. Cette restriction visait à inciter les étudiants à s'intéresser à un programme d'études avant que des bourses ne leur soient accessibles.
À une réunion de l'Union sportive interuniversitaire canadienne tenue en juin, quelques universités ont proposé de hausser cette somme de 1 500 $ à 3 000 $ et d'offrir les prix aux étudiants de première année également. La motion n'a pas été adoptée à cette rencontre, plusieurs universités ayant dit ne pas avoir les fonds nécessaires. Nous pouvons remercier le gouvernement pour une bonne partie de cette difficulté.
Le nombre d'athlètes qui bénéficient de ce type d'aide est évalué à moins de 200. On manque de fonds. Je ne crois pas que ce soit parce que les super-riches sont radins quand vient le temps d'encourager un grand nombre de ces entreprises visant à aider nos jeunes, comme l'auteur de la motion semble le dire. Le gouvernement ne s'est pas engagé à protéger et à accroître le financement de l'éducation postsecondaire.
Donner à des bourses d'études le nom de médaillés d'or aux Jeux olympiques me semble une idée intéressante. Le public appréciera cette marque de reconnaissance à l'endroit de nos athlètes canadiens. Le programme olympique est très important au Canada. Trois villes canadiennes, y compris ma ville natale, Calgary, proposent d'organiser les Jeux olympiques de 2010. La décision quant à la ville canadienne qui pourra présenter sa candidature pour accueillir les athlètes olympiques sera prise le mois prochain. Je salue la ville de Calgary pour sa candidature qu'elle mousse avec énormément d'énergie.
Les athlètes qui espèrent participer aux prochains Jeux olympiques jouissent de l'appui et de l'encouragement de nous tous. Parfois, nous avons l'impression que les travaux de la Chambre prennent quelque peu la forme d'un marathon. Nos athlètes qui s'entraînent et travaillent fort pour pouvoir participer aux Jeux olympiques ainsi que les villes et les bénévoles qui organisent ces jeux méritent nos félicitations.
La Chambre est saisie d'une motion intéressante. Je suis ravie d'avoir eu l'occasion d'en discuter. Je remercie le député qui l'a proposée.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Regina—Lumsden—Lake Centre de permettre, par cette motion, qu'il y ait finalement un débat dans cette Chambre sur le financement qui peut être assuré aux athlètes de compétition au Canada.
La motion parle de bourses d'études, au niveau universitaire, pour les athlètes d'élite. Dans cette proposition, on retrouve ce que j'appellerai, l'illusion du NPD, c'est-à-dire que c'est toujours du gouvernement fédéral que doivent venir les bonnes nouvelles, indépendamment des juridictions et des responsabilités.
L'éducation est une responsabilité provinciale. On voit déjà là qu'il y a des différences très nettes entre le Québec et les autres régions du Canada. Par exemple, au Québec, on a déjà un régime de prêts et bourses. Il existe déjà des bourses pour les étudiants en fonction des besoins financiers, tant au niveau collégial qu'universitaire. Ces bourses sont accessibles à des gens dans tous les domaines, dans tous les secteurs, indépendamment de leurs performances.
Le type de bourses qui est proposé dans la motion ressemble beaucoup aux bourses du millénaire. Ce n'est pas la version la plus appropriée.
On peut quand même reconnaître que le député a mis le doigt sur un problème réel, sur une situation qui doit être étudiée, mais il a, en bout de ligne, une mauvaise solution.
À la fin de l'été, lorsque j'ai fait ma consultation prébudgétaire, j'ai rencontré de jeunes parents de 35 ou 40 ans qui ont de jeunes enfants qui participent dans des sports d'élite et qui ont espoir de faire un jour de la compétition nationale et internationale. Ces gens-là font vraiment face à d'importantes difficultés de financement. C'est plutôt de ce côté-là qu'il faudrait se tourner et voir la façon d'assurer aux parents l'aide nécessaire pour qu'ils n'aient pas à dépenser 2 000 $, 3 000 $ ou 5 000 $ par année dans la formation sportive de leur enfant qui a des talents et qui veut les mettre en valeur.
J'ai vu un père, chauffeur d'autobus, me raconter pendant une heure, dans mon bureau, tous les sacrifices et les acrobaties qu'il doit faire pour pouvoir financer les activités sportives de son enfant et les frais d'études. Par exemple, ce sont des patins et de l'équipement de toutes sortes. On parle facilement de milliers de dollars.
La vision d'avenir est beaucoup plus de s'assurer que puissent éclore des milliers de talents, de permettre à nos jeunes de participer à des compétitions, d'obtenir l'aide nécessaire pendant qu'ils grandissent et que ce soit leurs parents qui reçoivent cette forme d'aide.
Dans le cadre de cette consultation prébudgétaire, j'ai fait des suggestions pour qu'il y ait des crédits d'impôt ou toute autre forme d'action permettant aux parents d'être un peu soulagés eu égard aux efforts qu'ils font au niveau financier lorsqu'ils doivent aider leurs enfants.
Je comprends très bien qu'ils sont souvent devant un problème assez important. D'un côté, il y a le talent de l'enfant et, de l'autre côté, la capacité ou non de la famille d'assurer ce soutien. Comme on est tous très fiers quand nos athlètes gagnent, on devrait aussi être tous très fiers de pouvoir les former correctement et de leur donner le soutien financier adéquat.
Cela me permet de répondre au député libéral qui a dit tout à l'heure: «Peut-être que dans cette Chambre tout le monde est fier des résultats des athlètes canadiens, sauf peut-être quelques députés du Bloc québécois.» C'est une attitude mesquine qui ne correspond pas du tout à ce qui s'est passé ici lorsque les médaillés olympiques sont venus nous rencontrer.
Je ne pense pas que personne soit allé demander à Alexandre Depatie, de Laval, si ses parents étaient souverainistes ou fédéralistes. Cela n'a pas d'importance pour reconnaître la qualité de la performance d'un athlète. Ce qui est important c'est qu'on permette au talent d'éclore, qu'on lui permette de se développer et, qu'en fin de compte, on puisse féliciter les gens lorsqu'ils atteignent des critères de performance hors de la norme et qui se rendent à des championnats mondiaux.
L'idée du Nouveau Parti démocratique de soulever la question du financement, de l'aide aux athlètes d'élite, est une bonne proposition. La façon de le faire ne m'apparaît pas nécessairement idéale, car on l'a vu lorsque le Comité sur le patrimoine a tenu des audiences sur le sport professionnel et le sport amateur.
Lors des audiences sur le sport professionnel, c'était très populaire. Plein de députés de la Chambre étaient présents, parce qu'il y avait là les magnats de la Ligue nationale de hockey. Quand on a tenu les audiences sur le sport amateur, le comité était beaucoup plus désert. Il y avait amplement de chaises de disponibles. Pourtant, le problème qui existe est très important.
Est-ce qu'on ne pourrait pas équilibrer, en quelque part, les crédits d'impôt que l'on accorde pour des loges pour des équipes de sport professionnel comparativement à l'aide qu'on donne réellement aux parents qui en ont besoin pour permettre de soutenir financièrement leur jeune qui a du talent et qui a besoin de le mettre en valeur, mais qui a besoin aussi de se payer de l'équipement et de faire financer ses déplacements pour s'assurer de suivre correctement la situation.
À un autre niveau de compétition, il y a une autre aberration. Plus tôt, le député libéral parlait des programmes que le gouvernement fédéral offre pour soutenir les athlètes d'élite lorsqu'ils sont sélectionnés au niveau des équipes nationales.
Il y a des gens de ma circonscription qui sont venus me dire: «J'ai été sélectionné pour aller à la Coupe du monde en Allemagne, mais le financement qu'on m'accorde ne correspond qu'à 20 p. 100 ou 30 p. 100 des frais réels que je vais encourir.» Il y a des personnes qui n'ont pu se rendre à la Coupe du monde, parce qu'ils ne disposaient pas de la somme qu'on leur demandait.
Lorsqu'on a fait une telle sélection, lorsqu'on a décidé que quelqu'un avait l'habileté et les compétences pour s'y rendre, on devrait s'assurer que le financement sera raisonnable. C'est peut-être normal de demander une contribution à l'athlète, mais il faudrait que la normalité soit du genre 80-20, 80 p. 100 du financement par l'État, 20 p. 100 par l'individu, par l'étudiant, et non l'inverse, où l'État fournit 20 p. 100 et l'athlète doit trouver 80 p. 100.
C'est un peu insultant en bout de ligne. Si, d'un côté, on vous reconnaît comme étant capable de compétitionner au niveau international, que votre pays vous reconnaît en ce sens-là, vous offre de participer, comme représentant du pays, à ces compétitions, mais de l'autre côté, vous avez un mois, un mois et demi pour ramasser 3 000 $, 4 000 $, 5 000 $, 10 000 $ pour pouvoir vous rendre à ces compétitions, je pense qu'il y a quelque chose à faire de ce côté. Ces questions devraient être réglées dans le prochain budget de façon à ce que le financement puisse se faire le plus correctement possible.
C'est d'autant plus intéressant si on regarde en perspective. Si, par exemple, la ville de Québec obtient les Jeux de 2010, c'est aujourd'hui que les athlètes de 2010 commencent à éclore un peu partout. Les jeunes qui ont aujourd'hui 6, 8, 10 ans vont avoir 20, 25 ans en 2010 et ce seront eux qui performeront. Je souhaite qu'à ce moment-là, il y ait une équipe du Québec qui puisse être présente, au même titre que les équipes de toutes les autres nations. On pourra alors exprimer notre fierté sur les résultats qu'obtiendront nos jeunes compétiteurs.
Il y a une particularité qu'on ne retrouve pas dans la proposition. Il y a un aspect qui peut paraître un peu technique mais qui est pertinent. On parle des universités dans cette proposition. Il pourrait y avoir de l'aide qui s'adresse, non seulement aux universités, mais aux cégeps.
Au Québec, il y a les cégeps, les collèges d'enseignement général et professionnel, qui forment des techniciens, des gens qui sont, en fin de formation, disponibles pour le marché du travail: des techniciens en informatique, en aménagement de la faune, en santé animale, en biologie et dans toutes sortes de secteurs. Donc, ils peuvent aller directement sur le marché du travail. Pourquoi ces gens ne pourraient-ils être admissibles à ce type de programmes, ainsi que les gens qui vont en formation professionnelle?
Pourquoi n'aiderait-on pas quelqu'un qui devient menuisier ou charpentier, qui a un talent d'athlète, qui performe comme athlète, et en même temps, lui donner une chance de compléter ses études correctement? Je pense qu'il serait intéressant d'accorder une valorisation au travail manuel et technique.
Je ne prétends nullement que le député veuille exclure ces gens. Mais je crois que dans le présent débat, il est intéressant de pouvoir étudier l'ensemble de la question et mettre sur la table tous les points importants.
En bout de ligne—et c'est là qu'on peut reconnaître au député le plus de mérite—il faudra que le gouvernement agisse de façon à améliorer la situation des jeunes athlètes québécois et canadiens qui doivent compétitionner au niveau international. On doit éviter de reproduire les situations actuelles où on a beaucoup de jeunes qui abandonnent, non pas à cause de leur volonté ou de leur capacité d'aller au bout de leurs talents, mais beaucoup plus parce qu'ils n'auront pas le soutien financier. Dans ce sens-là, on doit applaudir le député d'avoir amorcé ce débat.
[Traduction]
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, je suis très heureux de traiter à la Chambre de la motion M-374, qui propose la création de bourses d'études portant le nom de médaillés des Jeux olympiques.
De toute évidence, la création de bourses d'études bénéficierait énormément à tous les étudiants qui envisagent de fréquenter une université. À l'heure actuelle, les étudiants d'université ont du mal à payer les frais de scolarité élevés et sont aux prises avec une lourde dette. À sa sortie de l'université, l'étudiant moyen a une dette de plus de 25 000 $ et beaucoup d'étudiants doivent déclarer faillite. C'est totalement scandaleux. Même avant que ces étudiants ne trouvent leur premier vrai emploi, ils sont écrasés sous le poids d'une dette énorme.
La solution des libéraux à ce problème a été la création du Fonds de bourses d'études du millénaire, qui est davantage un monument à la gloire de l'actuel premier ministre qu'une initiative positive. Seulement 7 p. 100 des étudiants canadiens bénéficieront de ce fonds.
En dépit de cette sombre perspective, des étudiants poursuivent leurs études universitaires ou collégiales, car ils se rendent compte qu'il s'agit là de leur meilleure chance de trouver un emploi décent.
Il est évident que nos étudiants ont besoin d'une aide immédiate. Ils hypothèquent leur avenir, sans espoir de trouver un emploi décent. Le chômage chez les jeunes atteint un taux effarant de 15 p. 100 dans tout le pays et, étant donné la conjoncture économique actuelle, leurs espoirs de trouver un emploi diminuent.
La réduction des impôts contribuerait à stimuler davantage la croissance économique, ce qui offrirait de meilleures perspectives d'emploi à nos jeunes. Le gouvernement pourrait aider davantage l'économie en rendant les cotisations d'assurance-emploi en trop aux travailleurs et aux employeurs, à qui elles appartiennent.
Cette motion serait profitable aux étudiants qui fréquentent actuellement une université ou qui songent à le faire dans un proche avenir. Cependant, ces bourses d'études serviraient également à d'autres fins très importantes.
Faire porter à des bourses d'études le nom de gagnants de médailles d'or aux Jeux olympiques serait une façon extraordinaire de rendre hommage aux athlètes qui se sont couverts de gloire aux Jeux olympiques. Le travail acharné de ces athlètes et leur engagement envers leur sport pourraient servir de rappel à nos étudiants qu'ils peuvent réaliser leurs rêves, quels qu'ils soient. Que les étudiants s'intéressent aux sports ou non, ces champions olympiques pourraient leur servir de modèles. Ils donnent tout son sens au mot détermination. Je ne parle pas uniquement de détermination à l'égard des sports. Je parle également de la détermination nécessaire pour réussir dans les études, en affaires et dans la vie.
Créer des bourses d'études et leur donner le nom des Canadiens médaillés d'or aux jeux olympiques contribuerait également à la reconnaissance de notre programme olympique. Cela rappellerait aux Canadiens les performances remarquables de nos athlètes dans les compétitions internationales.
Le programme olympique du Canada a besoin d'être rendu plus visible pour stimuler la participation financière du secteur privé. Notre programme olympique est sérieusement sous-financé. Nos athlètes ne peuvent pas porter toute leur attention sur leur entraînement parce qu'ils manquent d'argent. Ils ont besoin d'un meilleur soutien pour obtenir des résultats de calibre mondial, mais, en ce moment, le gouvernement ne veut pas dégager les fonds nécessaires pour leur permettre d'atteindre le but.
Il y a tout juste quelques semaines, un des membres de l'équipe canadienne de bobsleigh a dû émigrer aux États-Unis pour tenter d'être admis dans l'équipe américaine. Les États-Unis soutiennent financièrement leurs athlètes afin qu'ils puissent se concentrer sur leur entraînement et exploiter leur potentiel au maximum.
Le Canada peut, à juste titre, être fier de ses athlètes olympiques. En dépit des fonds limités dont ils disposent, nos athlètes sont parvenus à épater le monde par des performances mémorables qui leur ont mérité des médailles d'or aux jeux olympiques.
Qui peut oublier les jeux olympiques d'Atlanta et Donovan Bailey, l'homme le plus rapide du monde? Pendant un instant, sa victoire éclatante a captivé tous les Canadiens et nous a donné un sentiment de fierté que nous n'avons plus connu depuis.
Nous nous moquons souvent du patriotisme exacerbé des Américains, mais il serait peut-être temps que les Canadiens commencent à tirer fierté de leur histoire et de leurs réalisations. Les Canadiens devraient être fiers de ce qu'ils sont et de ce que leur pays a accompli.
Après tout, n'oublions pas que le Canada est encore considéré comme étant le meilleur pays où vivre dans le monde. Soyons fiers de notre pays et fiers de nos athlètes.
Nous ne devrions pas devoir attendre la télédiffusion des jeux olympiques tous les quatre ans pour nous rappeler les performances remarquables de nos médaillés d'or comme Nancy Greene, Barbara Ann Scott, Donovan Bailey, Gaétan Boucher et bien d'autres qui ont été nommés ici.
Prenons les moyens de garder bien vivant le souvenir de leurs exploits en rattachant leurs noms à des bourses d'études. Créer des bourses d'études et leur donner le nom de médaillés d'or aux jeux olympiques permettrait d'atteindre de nombreux objectifs que j'ai déjà mentionnés.
Je termine en félicitant le député de Regina—Lumsden—Lake Centre pour avoir présenté cette motion très intéressante.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, dans ma circonscription, Kitchener—Waterloo, l'Oktoberfest commencera ce vendredi et durera dix jours. Je sais que tous les députés aimeraient bien venir chez nous et profiter de notre hospitalité.
Je vais d'abord faire quelques observations sur ce que le député du Bloc a dit, à savoir que tous les Canadiens d'un océan à l'autre, de l'Atlantique au Pacifique, sont incroyablement fiers des exploits de nos athlètes olympiques.
Nous sommes fiers d'eux pour s'être qualifiés au niveau de l'élite mondiale. Nous sommes incroyablement fiers d'eux pour les médailles qu'ils ont remportées. Je pense que c'est un événement qui est bon pour l'unité nationale parce qu'il permet aux athlètes canadiens, qu'ils viennent du Québec, de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs, de se côtoyer.
La proposition du député de Regina—Lumsden—Lake Centre de créer des bourses d'études pour de jeunes athlètes prometteurs couvrant l'intégralité des frais de scolarité et portant le nom d'athlètes canadiens ayant remporté une médaille d'or aux Jeux olympiques est certainement excellente, et tous les députés devraient y souscrire. Je comprends qu'il veuille nommer l'une de ces bourses en l'honneur de l'équipe de Sandra Schmirler, qui a remporté une médaille d'or au curling, ce dont les Canadiens d'un océan à l'autre sont très fiers.
Toutes les collectivités aiment beaucoup leurs athlètes olympiques. Le regretté Victor Davis, de ma circonscription, a gagné une médaille aux Jeux de 1984.
Je pense que tous les députés seront d'accord avec moi pour dire que le fait de voir les athlètes canadiens représenter le Canada sur la plus haute marche du podium nous rend tous très fiers de notre pays. Nos athlètes d'élite sont également d'excellents modèles à suivre pour tous les Canadiens, les jeunes notamment.
Leurs réalisations, en plus d'alimenter notre fierté, incitent les jeunes Canadiens à poursuivre l'excellence dans les sports et dans d'autres activités.
Le gouvernement joue un rôle inestimable. Nous faisons de grandes contributions financières. Je tiens également à souligner qu'il incombe à tous les Canadiens de faire des contributions individuelles.
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux des observations des députés au sujet de cette motion. Je remercie la députée de Churchill d'avoir appuyé la motion. Je remercie également le député conservateur de South Shore qui appuie aussi la motion. C'est très important à ce moment.
Je peux affirmer à la députée réformiste de Calgary—Nose Hill que ce projet de loi ne prêche pas deux poids deux mesures. Il apporterait une aide supplémentaire aux jeunes pour leur formation. Elle dit que si nous abrogions le projet de loi S-9, cela lierait les mains des jeunes. Ceci ne liera pas les mains des jeunes, mais leur ouvrira toutes sortes de possibilités.
Il y a 25 000 jeunes Canadiens qui fréquentent des universités ou autres institutions américaines, ce qui est 500 p. 100 de plus que le nombre d'Américains fréquentant nos institutions. C'était le cas avant l'adoption du projet de loi S-9, qui accordait des déductions fiscales pour les dons aux universités américaines. Je ne suis pas d'accord avec la députée à ce sujet. C'est une chose qu'elle devrait examiner d'un peu plus près.
En ce qui concerne le Parti libéral, le député d'Ottawa—Vanier disait que cela lui paraissait une bonne idée. J'en suis heureux. Par contre, le député de Mississauga-Ouest, qui a lu la réponse du gouvernement, n'a pas lu la motion. Il en est encore à la campagne électorale provinciale de 1995. C'est ainsi que j'interprète ses remarques. Elles étaient provocantes. Il parlait pour son gouvernement, mais il est essentiellement passé à causé de la plaque.
Je ne suis pas surpris qu'il attaque le Nouveau Parti démocratique. Il a attaqué les athlètes. Il a attaqué les jeunes. Il a attaqué les chômeurs. Il fait de la politique. Il pense que cette mesure n'est pas digne d'être présentée à la Chambre. En réalité, ce qui est plus politique c'est que lui et son gouvernement ont exercé des compressions dans le domaine de l'éducation, particulièrement au chapitre du financement de l'éducation postsecondaire, à un point tel qu'il y a une crise imminente au niveau de l'accessibilité à l'éducation.
Pour se faire du capital politique, le gouvernement met sur pied un nouveau programme, le Fonds des bourses du millénaire, qui pourrait offrir pendant un certain nombre d'années des bourses d'études supplémentaires pour 6 ou 7 p. 100 des étudiants admissibles. On exclut donc 93 ou 94 p. 100 de tous les étudiants qui pourraient avoir besoin de fonds supplémentaires. À mon avis, le gouvernement s'est ingéré dans un domaine de responsabilité provinciale en proposant ce programme des bourses d'études du millénaire.
Le député bloquiste a fait une observation pertinente lorsqu'il a souligné qu'on n'avait pas inclus dans la motion le financement des cégeps ou des écoles techniques. C'est une bonne idée qui pourrait être incluse dans cette motion.
Je remercie les députés d'avoir participé à ce débat. Je suis heureux d'avoir obtenu leurs points de vue. Bien que cette motion ne soit pas acceptée par tous, je demande le consentement unanime pour qu'elle puisse faire l'objet d'un vote.
Le vice-président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que cette motion soit mise aux voix?
Une voix: Non.
M. John Solomon: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La Chambre pourrait-elle envisager la possibilité de soumettre la motion à un comité pour plus ample étude?
Le vice-président: La Chambre consent-elle à ce que la motion soit soumise à une comité pour qu'il l'étudie plus en profondeur?
Une voix: Non.
Le vice-président: La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée et l'article est rayé du Feuilleton.
[Français]
Comme il est 18 h 30, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre tiendra maintenant un débat spécial sur la situation au Kosovo.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LE KOSOVO
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose:
Que la Chambre prenne note de la terrible situation humanitaire que confronte la population du Kosovo, ainsi que de l'intention du gouvernement de prendre, avec la collaboration de la communauté internationale, des mesures pour résoudre le conflit, favoriser un règlement politique pour le Kosovo et faciliter la fourniture d'aide humanitaire aux réfugiés.
—Monsieur le Président, je commencerai par remercier les députés de nous donner l'occasion de tenir ce débat spécial sur la situation au Kosovo.
On peut dire que nous vivons une période difficile et troublante en voyant se dérouler pareille tragédie dans cette partie du monde. Je crois que les Canadiens tiennent beaucoup à ce que nous tâchions de trouver une solution au conflit. Le problème auquel nous sommes confrontés dans l'immédiat tient bien sûr au danger imminent pour la vie et le bien-être de dizaines de milliers de gens dans cette région.
Le gouvernement yougoslave est impliqué depuis longtemps dans cette histoire. Il importe de signaler qu'à la fin des années 80, en 1989 pour être plus précis, il a retiré le statut d'autonomie dont jouissait le Kosovo au sein de l'ex-Yougoslavie. Cette mesure a provoqué un mouvement d'insurrection qui, après près d'une décennie de répression politique, a abouti à un conflit ouvert.
Nous pouvons comprendre et nous aurions peut-être pu admettre la nécessité pour le gouvernement yougoslave de préserver sa sécurité interne et de défendre ses frontières contre l'extérieur, ce qui a motivé selon lui la campagne d'intervention militaire massive qu'il a lancée en février et en mars derniers. Il est cependant clair et évident pour quiconque observe ce qui se passe que le gouvernement yougoslave a dépassé toutes les bornes de ce que ces objectifs pouvaient justifier.
Au nombre des tactiques brutales auxquelles les autorités yougoslaves ont eu recours pour combattre l'Armée de libération du Kosovo, on note le bombardement des populations civiles, l'incendie des maisons et des récoltes et l'exécution de civils innocents. Deux exemples très tragiques suffiront à faire comprendre ce que je veux dire.
Il y a une semaine à peine, des diplomates et observateurs ont visité le village de Gladno Delo, qui signifie village affamé dans notre langue. Presque toutes les maisons du village avaient été détruites. Il ne restait plus aucun meuble ni aucun bien nulle part. Le village avait été rasé. Il n'y avait pas la moindre trace des habitants de ce village.
Le même jour, des gens de la région de Vranic ont déclaré qu'une offensive yougoslave sans discrimination avait commencé quelques jours auparavant et que l'artillerie et l'infanterie, appuyées par des véhicules de combat mécanisé, avaient chassé vers les montagnes 20 000 villageois.
Le lendemain, les militaires ont informé ces gens qu'ils pouvaient rentrer chez eux sans crainte. À mesure que le convoi rentrait au village, des policiers et des militaires, entre autres, l'ont arrêté, attaqué, fouillé et pillé. On a pu constater plus tard les débris calcinés de 150 véhicules sur la route de Vranic. De toute évidence, bien des vies avaient été sacrifiées.
[Français]
C'est très clair, il faut que le Canada et les communautés rejettent le recours au terrorisme pour obtenir l'indépendance du Kosovo. Nous avons clairement indiqué que la solution pour le Kosovo est l'autonomie à l'intérieur de la Yougoslavie. La paix dans les Balkans n'est pas possible si les frontières peuvent être changées par la force.
Aussi, nous avons investi beaucoup pour empêcher cela en Bosnie. Personne au Canada et dans la Communauté internationale n'appuie le recours à la violence pour atteindre des buts politiques.
Mais nous ne pouvons encore moins accepter les actions du gouvernement de la Yougoslavie, contrôlant des forces militaires, paramilitaires et policières, qui utilisent son artillerie, ses chars et ses avions pour forcer ses propres citoyens.
[Traduction]
Nous devons parfois nous reporter à nos règles. Il existe des précédents, des conventions, des pactes, des accords, des documents et des traités, mais tout cela pèse peu face à l'humanité et ses souffrances.
De toute évidence, nous sommes confrontés à une terrible désastre. Les organismes d'aide signalent qu'il y a près de 300 000 personnes déplacées par suite des opérations militaires effectuées en Yougoslavie et au Kosovo. Trente mille sont aujourd'hui des réfugiés dans des pays voisins. Les autres sont des personnes déplacées à l'intérieur de la Yougoslavie.
Nous savons aussi que, dans cette partie du monde, l'hiver approche à grands pas. Ce n'est plus qu'une question de jours avant qu'il neige et jusqu'à 50 000 personnes sont sans abri. Nous ne pouvons attendre qu'elles gèlent dans les montagnes. Nous devons agir et mettre un terme aux opérations du gouvernement qui les ont chassées de chez elles et les ont placées dans une situation intenable.
Je souligne que le Canada tente depuis le début de mobiliser et de stimuler la réaction de la communauté internationale. L'été dernier, nous avons mené une campagne diplomatique assez importante dans toutes les capitales pour inviter le Conseil de sécurité des Nations Unies à s'engager directement dans ce dossier. Nous avons réussi jusqu'à un certain point, puisque le Conseil de sécurité, qui ne s'était pas penché sur le dossier depuis longtemps, a commencé à se réunir.
J'ai également écrit directement au ministre des Affaires étrangères de Russie, M. Primakov, lui rappelant que, en tant que membre permanent du conseil et partenaire privilégié du gouvernement de Belgrade, son pays avait un rôle spécial à jouer pour ce qui était de faire pression sur Milosevic.
Beaucoup de députés se souviendront que, lors des rencontres du sommet du G8 à Londres et à Birmingham le printemps dernier, le gouvernement russe s'était engagé directement à intercéder auprès de Milosevic et à exiger le genre de réponse nécessaire sur le plan humanitaire. Comme je l'ai dit, le gouvernement russe a des liens spéciaux avec Belgrade. Nous avons fait un effort particulier pour voir à ce que le gouvernement russe tienne cet engagement et se serve de ses liens spéciaux avec Belgrade.
Je viens de répéter le même message au nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Ivanov, juste avant qu'il ne se rende à Belgrade ce week-end.
Nous avons également dépêché notre envoyé spécial à Belgrade et au Kosovo le week-end dernier pour qu'il entreprenne des démarches au nom du Canada dans cette région même, mais cette initiative n'a pas été très fructueuse.
Je crois que ces mesures correspondent aux mesures prises par de nombreux autres pays qui ont dépêché des envoyés et qui ont entrepris des démarches pour essayer de trouver une solution politique pacifique à ce conflit.
Le Conseil de sécurité a adopté, en septembre, une résolution exigeant que les dirigeants yougoslaves cessent les attaques contre les civils et ordonnent le retrait des forces utilisées pour réprimer de la population, qu'ils entreprennent un dialogue constructif et des négociations avec les dirigeants politiques du Kosovo afin de trouver une solution politique au conflit, que les Kosovars eux-mêmes, le KLA, n'aient pas recours à la violence et viennent aussi à la table de négociation, et que des engagements clairs soient pris pour permettre l'acheminement des secours humanitaires et la libre circulation des observateurs internationaux.
En même temps, des organismes comme l'OSCE et d'autres ont pu envoyer des missions dans la région. Encore une fois, le Canada a participé à des missions d'observation au Kosovo en vue d'y assurer une présence internationale et de surveiller la situation.
Le gouvernement des États-Unis a pris diverses mesures, notamment par le biais de son envoyé spécial qui est toujours sur place, afin d'essayer encore une fois de convaincre le gouvernement yougoslave et les Kosovars qu'il y avait d'autres moyens de régler ce conflit et qu'ils pouvaient compter sur l'aide de la communauté internationale.
Il est clair que jusqu'à maintenant, le gouvernement de Belgrade joue au chat et à la souris avec le reste du monde et se joue de la vie de ses propres citoyens. Il prétend que la crise du Kosovo est une affaire purement intérieure, qu'il n'y a pas violation des droits de la personne et que tout ce qu'il fait, c'est de répondre aux attaques terroristes. Ceci après que près de 15 000 réfugiés kosovars aient déjà traversé la frontière pour passer en Albanie.
Quand les ministres de l'OTAN ont convenu de préparer toute une série de plans d'urgence pour empêcher que la crise ne s'étende dans les régions voisines de Macédonie, le président Milosevic a encore une fois fait des promesses de médiation et de paix. Il avait promis au président Eltsine, lors d'une rencontre qui avait fait beaucoup de bruit, qu'il mettrait en oeuvre un plan d'action de sorte qu'un groupe d'observateurs puisse se rendre à Belgrade pour entamer des entretiens au sujet du retour de la communauté internationale à l'OSCE. Il avait accepté de mettre sur pied des centres d'aide pour les personnes déplacées.
Pour vous donner une idée de ce qui se passe, au cours des deux semaines qui ont suivi cet engagement, l'armée yougoslave a intensifié ses bombardements et poursuivi ses actions pour pousser plus de gens hors de leurs maisons et de leurs villages. La police a refusé l'accès quel qu'il soit aux observateurs internationaux. Cet été, le rythme des agressions contre la population s'est accéléré.
Les autorités de Belgrade avaient clairement décidé deux choses. La première, déraciner autant de Kosovars que possible, d'incendier leurs maisons, de détruire tout ce qui leur servait de moyens d'existence. Appuyer les rebelles coûterait beaucoup trop cher. C'était un acte de terrorisme. L'hiver se chargerait de ceux que ni l'armée ni la police n'avaient réussi à convaincre. Le deuxième argument rejoint le sujet du débat de ce soir. Il était évident que le gouvernement de Belgrade ne pensait pas que la communauté internationale réagirait de façon si décisive pour empêcher que cela ne se produise.
Quand on considère tous ces efforts et ces tentatives en vue de maîtriser la situation, et la duplicité du gouvernement lui-même, on comprend comment le gouvernement de Belgrade en est arrivé à ces conclusions. Nous devons nous demander maintenant quels sont nos choix et nos options. C'est d'ailleurs l'objet du débat de ce soir et la raison pour laquelle nous comptons sur la participation des députés parlant au nom de leurs électeurs.
Pour mieux centrer le débat, je reviens à la résolution 1199, adoptée en septembre, et aux exigences qui y sont énoncées. Pendant que ces exigences étaient clairement expliquées, l'OTAN, qui est la seule organisation internationale pouvant organiser une intervention internationale dans la région, commençait à dresser des plans en vue d'une frappe aérienne et à prendre les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de ces derniers. Pendant que les pays membres de l'OTAN déterminaient quelle serait leur participation, Belgrade, continuant à jouer au chat et à la souris, mit un bémol à son comportement.
La résolution 1199 impose clairement une série de conditions aux autorités yougoslaves. Comme l'a dit le secrétaire général dans son rapport, déposé lundi, ces conditions n'ont pas été respectées. En effet, les violations des droits de la personne se poursuivent, les transgressions contre les normes et les principes humanitaires se poursuivent, le respect de la résolution est loin d'être complet.
Pendant que le Conseil de sécurité continue à se débattre avec les problèmes qui entourent le règlement de cette question, il est important que la communauté internationale, dont nous sommes membres, commence à se demander comment exercer le maximum de pressions et concrétiser les déclarations qui ont été faites. Il est clair que les autorités de Belgrade ne négocieront pas de leur plein gré. Ce n'est que contraintes et forcées par les pressions de la communauté internationale qu'elles s'assiéront à la table pour trouver une solution. L'OTAN est un élément important de cet effort.
D'entrée de jeu j'ai exhorté mes collègues de l'OTAN d'examiner toutes les dispositions qu'ils peuvent prendre afin de promouvoir une résolution, en insistant surtout sur une réponse proportionnée à la situation, faisant appel aux moyens appropriés. L'OTAN est prête à mettre en oeuvre un certain nombre d'actions visant à montrer à Milosevic qu'il est allé trop loin et qu'il ne peut continuer ainsi. On envisage notamment des frappes aériennes contre les capacités de l'armée et de la police yougoslaves d'expulser les gens de chez eux, et ce, de façon sélective, afin de les convaincre de ne plus user de ces procédés d'intimidation et de terreur contre leur propre population.
Je précise que l'OTAN explore également des moyens lui permettant de créer un environnement plus sûr et donc favorable au retour des personnes déplacées. La réunion de l'OTAN se déroulant jusqu'à la fin de cette semaine, nous continuerons d'insister sur l'importance d'élaborer des plans qui soient de nature à assurer un traitement adéquat des personnes déplacées et l'accès à l'aide humanitaire. C'est clair que l'OTAN doit être prête à intervenir. C'est clair que le Canada doit être en mesure de contribuer à le préparer à intervenir. Et c'est clair qu'il n'est pas facile de mettre au point de telles actions. Elles sont compliquées et délicates. Voilà pourquoi il est très important que nous profitions de l'occasion pour consulter la Chambre.
La semaine dernière, j'étais au siège des Nations Unies où j'ai pris part durant plusieurs jours à une réunion avec le Secrétaire général et je me suis adressé aux membres du Conseil de sécurité, un organisme au sein duquel nous espérons être acceptés, demain. Dans l'intervalle, nous ne pouvons que présenter des observations. J'ai fait valoir qu'il serait préférable que le Conseil de sécurité utilise le mandat que lui confère l'article VII pour que les directives soient bien claires. Or, il faut également tenir compte du fait qu'un ou deux membres du Conseil de sécurité qui détiennent un veto ont fait savoir qu'ils refuseraient d'accorder pareil mandat.
Le dilemme est de taille. Je m'attends à ce que demain ou après-demain d'autres tentatives soient faites pour que le Conseil de sécurité en arrive à un consensus, mais si elles échouent et que la menace de veto est mise à exécution ou oblige le Conseil de sécurité de ne pas intervenir, est-ce à dire que nous devons abandonner la partie, laissant cette tragédie humanitaire se perpétuer? C'est un dilemme qu'il nous faut contempler.
Je veux garantir que nous avons fait tout en notre pouvoir au téléphone, dans les couloirs et dans les diverses ambassades du monde, au cours des derniers jours, pour essayer de trouver une façon de veiller à ce que ces interventions aient lieu dans le bon contexte et le bon cadre. Nous devons encore faire face à la terrible tragédie que constitue le fait que sans ce mandat clair, étant donné la légitimité de la résolution 1199 déjà adoptée et de la déclaration claire faite par le secrétaire général selon laquelle on ne l'a pas respectée, nous risquons de devoir envisager d'autres interventions et d'autres mesures. On le fera dans le cadre des réunions de l'OTAN à la fin de cette semaine. C'est l'un de ces choix difficiles que chacun d'entre nous ici doit prendre. Cependant, dans les circonstances, nous devons nous rappeler du dicton qui veut que le mal triomphe chaque fois que les défenseurs du bien ne font rien.
Je suis ici à la Chambre ce soir pour inviter les députés à s'exprimer sur cette question et à nous faire part de leur opinion dont nous pourrons tenir compte alors que nous devrons, au cours des deux ou trois prochains jours prendre, en tant que gouvernement, des décisions difficiles. J'espère que les députés se rappelleront que le mal triomphe chaque fois que les défenseurs du bien ne font rien.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je veux poser un certain nombre de questions au ministre. J'essaierai d'être bref.
Je suis conscient de la situation difficile à laquelle nous faisons face. Je suppose que la question que beaucoup de gens se posent, est la suivante: Qu'allons-nous bombarder si nous décidons de procéder à des frappes aériennes? C'est la question qu'il faut poser. On devrait également savoir ce qui va se produire ensuite. Quels sont les plans de contingence? Que va-t-on faire pour aider les 270 000 sans-abri?
Il y a également une crainte bien réelle au sujet de l'expansion du conflit, de la situation difficile dans laquelle la Russie se trouve placée et de la décision qu'elle pourrait prendre. Quelle réaction le ministre entrevoit-il à une intervention de l'OTAN si la Russie oppose son veto à une intervention possible des Nations Unies? Je pourrais également, bien entendu, poser la même question au sujet de la Turquie, de la Grèce et de tous les autres pays, mais arrêtons-nous sur la Russie.
Les Canadiens voudraient également savoir le niveau de participation que le ministre prévoit pour le Canada. Qu'allons-nous faire, en fait? On parle de l'indépendance du Kosovo. C'est ce que les Kosovars souhaitent.
Le ministre pourrait-il préciser qu'il ne se préoccupe pas de ce genre de choses?
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le Président, comme je l'ai dit au début, le Conseil de l'OTAN, le Commandement stratégique au sein de l'OTAN et les forces armées ont mené de nombreux examens approfondis d'une série de plans de contingence.
Il ne conviendrait pas, je crois, que je donne un aperçu des mesures en question tant que les décisions n'auront pas été prises. Je puis assurer au député qu'une des options claires serait de recourir à une forme de frappes aériennes. Je ne suis pas libre de dire quelles seraient les cibles et d'autres choses du genre. Nous espérons qu'il suffira de montrer que nous sommes déterminés à recourir à des frappes aériennes et que nous ne serons pas forcés d'y recourir. Comme on le sait, en Bosnie, lorsqu'il a été question de frappes aériennes, M. Milosevic s'est présenté à la table. Tel est le genre d'équations auxquelles nous avons affaire.
En ce qui concerne nos relations avec la Russie, là non plus la situation n'est pas facile. Les Russes ont fait des déclarations très claires. Ils étaient à Belgrade, pas plus tard que la fin de semaine dernière. Le groupe de contact se réunira demain à Londres. J'ai communiqué aujourd'hui avec le ministre des Affaires étrangères de certains pays pour en discuter. Nous osons croire que ces discussions mèneront à un entretien avec le ministre russe des Affaires étrangères et nous espérons franchement que cet entretien débouchera sur une contribution plus active et plus positive au Conseil de sécurité lui-même et sur l'appui d'une résolution au Conseil de sécurité. Je ne peux pas dire que je sois furieusement optimiste à cet égard et le temps court.
Vendredi, je crois, il y aura une réunion du conseil mixte OTAN-Russie. Les députés se rappelleront que, lorsque nous avons parlé de l'expansion de l'OTAN, il a été convenu d'avoir ce conseil mixte réunissant l'OTAN et la Russie. Je crois qu'une réunion est prévue pour vendredi, avant que nous discutions, en fin de semaine, au niveau du conseil de l'OTAN.
Pour ce qui est de l'engagement du Canada à l'heure actuelle, les six CF-18 sur place sont postés en Italie. Cela faisait partie des plans de contingence jusqu'ici. Il serait probablement préférable de poser la question au ministre de la Défense qui sera là ce soir, mais, pour l'instant, il n'y a pas d'autres engagements.
Il s'agit d'une question importante et c'est l'une de celles sur lesquelles nous avons insisté au cours des discussions avec l'ONU et l'OTAN. Mais nous percevons aussi le besoin de dispositions visant à assurer la sécurité au Kosovo pour l'aide humanitaire et la protection des personnes déplacées. Ces gens-là sont effrayés. Ils ne vont pas rentrer chez eux. Ils vont geler. Ils pensent que, s'ils reviennent chez eux, ils vont se faire attaquer. Voilà le problème. Je dois donc répondre au député de Red Deer que cela fait évidemment partie du plan de contingence également.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, j'ai trois questions à poser au ministre.
Dans son discours, il a fait allusion au fait que deux membres permanents du Conseil de sécurité pourraient exercer leur droit de veto. Nous sommes tous conscients que la Russie est parmi ces membres, puisqu'il l'a exprimé clairement. Pourrait-il nous indiquer quel est autre membre qu'il croit être susceptible d'exercer un droit de veto et les raisons qui justifieraient l'emploi du droit de veto par cette autre puissance?
Ma deuxième question concerne le travail accompli par le représentant personnel du ministre. D'ailleurs, je crois que le ministre a fait un très bon choix en faisant appel à James Wright, un fonctionnaire de son ministère, qui est quelqu'un de très apprécié. J'ai eu l'occasion de le rencontrer lors d'une mission en Bosnie-Herzégovine et, si je comprends bien, il a rencontré à la fois des représentants des autorités gouvernementales en Yougoslavie, ainsi que des représentants des Kosovars. J'aimerais savoir ce que le représentant personnel du ministre lui a rapporté et quels ont été les résultats de ces discussions auxquelles il a fait allusion tout à l'heure.
En troisième et dernier lieu, j'aimerais savoir ce que le ministre pense d'une déclaration qui a été faite au début de la semaine, je pense, par quelqu'un dont on dit qu'il est un «war lord» notoire, quelqu'un connu comme étant arcane, qui aurait déclaré, et je cite:
[Traduction]
«Nous n'allons pas ployer l'échine devant les missiles de l'OTAN. Nous n'allons pas nous laisser asservir par l'OTAN ni d'autres puissances étrangères.»
[Français]
Est-ce que le ministre s'inquiète de tels propos? Est-ce qu'il pense qu'une intervention militaire, sous l'égide de l'OTAN ou de l'ONU, pourrait conduire à une guerre tout à fait dangereuse pour les Kosovars et les Yougoslaves?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le Président, je remercie le député de ses questions.
La réponse à la première est qu'il semblerait que la Chine a dit qu'elle opposerait également son veto. Mais je crois que cela dépend de la teneur de la résolution. Nous ne manquons pas encore de temps.
Le député sait à quoi s'en tenir, car lui et moi en avons longuement discuté. Je ne vais pas me lancer maintenant dans de grandes explications pour répondre à sa question sur l'équilibre entre la non-ingérence garantie aux termes de l'article 2 de la charte des Nations Unies et les préoccupations humanitaires plus vastes, mais il s'agit là d'un des grands problèmes de transition auxquels nous faisons face aujourd'hui. Jusqu'à quel point la communauté internationale peut-elle faire appel aux organisations internationales pour exiger des pays des comptes sur leur comportement humanitaire? Voilà le véritable enjeu à l'heure actuelle.
Je suis tout à fait d'accord avec le député. M. Wright est, de loin, la personne la plus compétente et c'est pour cette raison qu'il est allé là-bas. Je n'ai pas reçu de rapports écrits, mais j'ai eu des conversations téléphoniques avec lui.
Il a pu rencontrer les autorités à Belgrade et il est entré en contact direct avec la population civile kosovare, non pas avec les rebelles armés. Il n'a cependant pas eu beaucoup de succès. Ils ne semblent pas être disposés à modifier l'état actuel des choses. Mais on ne sait jamais. Nous sommes allés là-bas. Nous avons fait valoir notre point de vue. Ils nous ont écoutés et nous ne pouvons qu'espérer que les effets cumulatifs de nos démarches donneront des résultats d'ici une journée ou deux.
Quant à la déclaration qui a été lue, elle est quelque peu menaçante. Ce n'est pas inhabituel. Elle ne me surprend pas. Nous avons entendu des déclarations semblables en Bosnie. Je ne crois pas que le conflit s'étendra à cause de cela. En fait, j'ai encore très bon espoir qu'en tenant des débats de ce genre, en nous montrant déterminés à agir, nous pourrons parvenir à une solution politique d'ici la fin de la semaine. Mais il faudra clairement que notre volonté s'accompagne non pas simplement du menuet auquel nous avons assisté jusqu'à maintenant, mais d'une orientation beaucoup plus claire; nous devrons affirmer très nettement que nous sommes prêts à appliquer les mesures nécessaires.
En terminant, je tiens à donner l'assurance aux députés que, par soucis pour les Canadiens qui se trouvent en Yougoslavie, nous avons déjà avisé les personnes à charge et le personnel non essentiel de notre ambassade. Ils ont été avisés qu'ils devaient partir. Nous conserverons vraisemblablement un personnel réduit à l'ambassade pendant la durée des événements.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole, bien qu'il s'agisse d'un sujet qu'on préférerait ne pas avoir à aborder au Parlement.
À mes débuts dans cette Chambre, et je crois que c'était durant la toute première semaine de la session, nous avons tenu un débat sur la Bosnie. C'était l'un des premiers sujets à l'ordre du jour. Nous avions alors tenu un débat exploratoire, afin de voir comment faire face à ce genre de situation.
Nous devons évidemment nous occuper de la question. Quelque 275 000 personnes, tant Albanais que Serbes, souffrent actuellement. On dénombre au moins 50 000 sans-abri. C'est une situation que nous pouvons tous suivre à la télévision et qui nous touche tous. Nous croyons que nous devons agir.
Je ne crois pas que la question soit de décider s'il est nécessaire d'agir. Il y a cependant beaucoup de questions que nous devons aborder. Je vais donc en soulever certaines ce soir. Parfois, il n'y a pas de réponse, mais je persiste à croire que les Canadiens attendent de nous que nous en débattions à la Chambre.
La présence de nombreuses régions problématiques qui requièrent une intervention est symptomatique de la période de l'après-guerre froide dans laquelle nous vivons.
Nous sommes d'accord avec le ministre sur beaucoup de choses, et notamment à ce sujet. Nous devons reconnaître qu'il sera peut-être nécessaire de faire intervenir l'OTAN puisque des individus comme Slobodan Milosevic ne semblent comprendre que la manière forte. Il est regrettable que des gens comme lui existent, mais nous devons traiter avec beaucoup de personnes de son genre un peu partout dans le monde. Nous appuyons évidemment ce genre de réponse de l'OTAN ou la possibilité de devoir y recourir ultimement.
Cette semaine, nous avons aussi pris connaissance du rapport de Kofi Annan et nous avons appris la destruction de 6 000 à 7 000 immeubles. Nous avons vu des villages entièrement anéantis, victimes des tirs d'obus, et des gens qui vivent dans la crainte de rentrer chez eux.
En regardant ces images à la télévision, je ne puis m'empêcher de penser à ma visite dans certaines vallées de la Bosnie où l'on voyait défiler, mille après mille, kilomètre après kilomètre, une succession de villages bombardés. Il n'y avait personne. En circulant à bord de l'autocar, on ne voyait que des tombes dans les fossés. Il régnait un silence absolu. Je n'avais jamais été confronté à la réalité de la guerre avant de circuler dans ces décombres. Il n'y avait même pas un oiseau dans le ciel. Il régnait un silence mortel. Il n'y avait rien d'autre que des tombes.
Cela fait réfléchir. Il ne fallait pas s'écarter de la route. Il ne fallait pas que notre véhicule quitte la route. On nous a dit de rester sur le pavé qui semblait ancien, car il y avait des mines partout. Il y en avait dans les champs de maïs. Il y avait même des explosifs plastiques dissimulés dans des épis de maïs. Celui qui prenait cet épi perdait un bras, une jambe, un membre. Bref, il était estropié.
La chose la plus terrible dont j'ai été témoin s'est produite dans une cour d'école. Tous les enfants étaient entrés dans l'école. J'ai rencontré de ces enfants. Ils m'ont écrit ce qu'était leur vie pendant cette guerre. J'ai une douzaine de pages de récits d'enfants de 10 et 11 ans qui m'ont expliqué ce qu'était leur existence et ce que serait leur avenir. J'ai vu dans la cour d'école des canettes de Coke. Il y avait, sur une table, ce qui semblait être des canettes de Coke. J'ai dit à l'interprète que les enfants allaient être contents en apercevant ces canettes. Il a proposé de prendre un bâton. Avec le bâton, il a poussé une canette à côté de la table. La table a disparu dans un bruit fracassant. Il y avait une mine sous cette canette. Un enfant allait saisir cette canette de Coke en sortant de l'école. C'était là une mesure de représailles.
C'est de cela dont nous discutons. Voilà le genre d'environnement dont nous, Canadiens, ne pouvons imaginer l'existence nulle part dans le monde.
Les raisons qui font que nous devons intervenir sont évidentes. Le facteur humanitaire crève les yeux, bien sûr, mais les problèmes sont nombreux. Nous avons vu à la télévision un homme qui portait le corps inanimé de son jeune enfant. Ces images ne laissent aucun de nous indifférent et nous font comprendre que nous devons réagir à ce genre de terreur.
Le ministre a également parlé du problème des Nations Unies. C'est un problème sur lequel nous allons devoir nous pencher. Ce problème ne concerne pas seulement le Kosovo. On peut parler du Rwanda, du Nigeria, de la Bosnie. L'incapacité des Nations Unies à réagir devient un problème de plus en plus grave.
Je suis allé en Inde et au Pakistan cet été. L'incapacité de réagir au problème dans cette région est un problème que le monde doit résoudre. Nous devons régler la situation au Cachemire. J'ai dit et je répète que le Canada a un rôle important à jouer. Nous pouvons faire preuve de leadership. C'est ce que j'appelle du leadership diplomatique, de la médiation. Nous pourrions devenir les médiateurs du monde. J'ai cité certains exemples, et je dirais que cela s'applique aussi au Kosovo. Nous avons une réputation qui nous permet de faire des choses que les Américains, les Russes, les Français et les Britanniques ne peuvent pas faire. C'est un rôle que seul un pays comme le Canada, une puissance moyenne, peut jouer. Nous faisons partie du G7. Nous sommes membres de l'OTAN. Nous faisons partie de toutes sortes d'organisations. Nous serions respectés dans ce rôle.
Je suis frustré et je suis certain que le ministre l'est aussi. J'ai trouvé, dans mes dossiers, les notes dont je m'étais servi le 23 mars 1998 pour parler du Kosovo à notre caucus. J'en ai aussi d'autres. J'avais dit à ce moment-là qu'il fallait prendre des mesures, que des civils innocents, des femmes et des enfants, étaient tués chaque jour. Nous sommes maintenant en octobre et nous parlons toujours. Nous n'avons rien fait. C'est extrêmement frustrant pour nous tous. Nous devons régler ce problème. Nous devons trouver une meilleure façon de réagir à ces situations. Je voudrais bien avoir toutes les réponses et pouvoir dire au ministre: «Voici ce que nous devons faire, et cela va marcher.» Je peux faire des suggestions, mais je ne sais pas si elles régleront tous les problèmes.
J'ai de la difficulté avec les débats exploratoires. Je le répéterai chaque fois que nous aurons ce genre de débat. Je pense que la meilleure façon de procéder, ce serait de demander à la Chambre d'inviter quelqu'un à présenter un exposé complet, pour tous les parlementaires, un exposé qui soit sans couleur politique. Que l'on invite les plus grands experts que nous ayons au pays et il sont nombreux. Qu'ils nous expliquent la situation afin que les Canadiens comprennent mieux de quoi il retourne.
Ensuite, choisissons deux ou quatre ministériels et deux députés de l'opposition, ou toute autre formule du genre, qui expliqueront la position de leur parti.
Nous pourrions ensuite procéder à un vote où chacun se prononcera sans égard à son affiliation politique. La petite politique n'a pas sa place dans ce dossier. Nous parlons de vies. Il s'agit d'êtres humains. Nous pourrions voter sur ce qu'il conviendrait de faire, dégager un consensus. Je pense que les affaires étrangères s'y prêtent et nous serions respectés. Nous serions plus satisfaits. Bien des députés se croient obligés d'intervenir mais n'ont pas les connaissances ou les informations nécessaires pour ce faire. À mon avis, ce que je propose serait une meilleure façon de procéder que ce débat exploratoire que nous tenons ici ce soir.
À mon avis, ce qu'il y a de plus frustrant dans cette affaire, c'est la lenteur à réagir. J'aimerais que nous en parlions. Qu'il s'agisse de Slobodan Milosevic, de Saddam Hussein ou de quelqu'un d'autre de cet acabit, nous savons à qui nous avons affaire et voilà pourquoi nous devrions pouvoir trouver une réponse qui soit à la mesure de ces personnages.
Les Canadiens veulent en savoir davantage. Ils veulent savoir quelles seront les cibles si jamais nous optons pour des frappes aériennes. Ils veulent l'assurance que nous n'allons pas tout simplement faire davantage de victimes. Ils s'inquiètent de la nature de la force policière, du nettoyage par les Serbes et de l'épuration ethnique. Pouvons-nous vraiment aller là-bas lâcher quelques bombes si nous n'avons pas décidé de nous rendre à Belgrade pour donner une bonne leçon à cet individu? Il comprendrait, bien sûr, mais est-ce vraiment la solution dont nous devrons parler? Jusqu'où irons-nous? Nous devrions discuter de cela.
Quels sont les dangers pour les Canadiens? Nous devrions parler de cela aussi. Nous comprenons que la Serbie dispose d'un excellent système de radar. Elle a des missiles, des roquettes et un système de défense.
Si la vie de Canadiens est en danger, nous devrions le savoir à l'avance. C'est une chose de dire que les militaires sont toujours exposés à des risques, mais je crois que nous pourrions discuter beaucoup plus à fond du niveau de risque.
Envisageons-nous d'envoyer des troupes terrestres? Nous savons que des troupes terrestres seraient la seule garantie de succès. En Bosnie, la mission de maintien de la paix fonctionne parce que les gens sur le terrain ont des armes puissantes et ne se laissent pas intimider.
En parlant avec les gens là-bas, j'ai appris que la haine était toujours présente et qu'ils attendaient. Ils attendent qu'un jour les troupes partent, alors, ils tueront le voisin qui a tué leur grand-mère, leur grand-père ou leur enfant.
Les enfants là-bas peuvent parler de ce qui s'est produit en 1942. À dix ans, un enfant peut raconter des événements survenus en 1536, lorsque les Turcs ottomans sont arrivés. C'est effrayant, ces enfants vivent avec le poids de 500 ans d'histoire.
La solution serait d'aller là-bas avec un bon plan.
Je crois que nous devons constamment nous interroger sur les sentiments des États-Unis devant toute la question. Nous devons savoir cela, parce que j'ignore si nous pourrions nous aller sur le terrain sans tout le poids des États-Unis.
Il faut que le ministre de la Défense nous donne l'assurance que nos troupes sont prêtes ainsi que tout le matériel. Nous sommes fiers de nos militaires. Ceux d'entre nous qui ont visité des secteurs ravagés par la guerre et qui ont vu le drapeau canadien flotter au-dessus d'un véhicule de transport de troupes savent que les soldats canadiens nous font grandement honneur. Nous devons toutefois être surs qu'ils ont le matériel nécessaire pour accomplir ce genre de mission.
Outre le plan à long terme qui nous semble essentiel, nous voulons être représentés au sein du groupe de contact. Je crois que nous avons gagné nos galons. Nous sommes actifs depuis le début. Je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas réclamer plus énergiquement une place au sein du groupe de contact. Notre participation aux futures missions dépendra en partie du fait que nous aurons ou non notre mot à dire au sujet du rôle qui sera confié à nos troupes.
Il faudrait que l'Union européenne accepte de collaborer au plan à long terme dont nous parlons. Nous devrions lui demander ce qu'elle est prête à faire elle-même. Je sais à quel point il est difficile de poser une telle question. Je l'ai posée à des Allemands et à des Français et j'ai obtenu des réponses contradictoires. Ils doivent accepter leurs responsabilités.
Il faut des écoles. Il faut une infrastructure. Il faut un projet de société pour les 30 ou 40 prochaines années si nous voulons espérer aplanir les difficultés dans cette région du monde. Qui est prêt à agir et à investir dans ce projet? Pour réussir, il nous faut la collaboration de tous. Alors seulement nous pourrons être fiers et dire que nous avons fait quelque chose pour ce pays.
La question de l'instabilité régionale nous préoccupe tous. La situation économique de la Russie nous inquiète, tant du point de vue de sa capacité nucléaire que de celui de la stabilité de l'Europe et du reste du monde. La situation en Macédoine et en Albanie ainsi que le risque d'une flambée de violence ce que cela pourrait entraîner nous inquiètent. Nous nous inquiétons également au sujet de la Grèce et de la Turquie, deux partenaires au sein de l'OTAN, que cette décision pourrait mettre dans une situation de conflit. Nous devons nous poser ces questions et le faire avant de nous engager trop loin dans une action militaire.
J'aurais bien aimé pouvoir dire ce soir que j'ai la solution, que voici ce que le ministre devrait faire et ce que nous ferions si nous formions le gouvernement. Cependant, nous n'en sommes pas là. Il s'agit plutôt de veiller à ce que les Canadiens comprennent pourquoi nous nous engageons. Nous devons leur communiquer cette information par l'entremise des députés de tous les partis. Nous devons nous assurer que nous répondons à leurs questions, que nous traitons des vrais problèmes. Ensuite, nous pourrons dire que, dans un dossier comme celui-ci, nous avons accompli notre devoir.
J'espère que le ministre songera sérieusement à aborder différemment ces débats thématiques. Si cela ne marche pas, nous pourrons toujours revenir à cette formule-ci. Si seulement nous essayions, nous aurions des députés mieux informés. Les Canadiens seraient mieux informés eux aussi, et nous serions plus fiers des mesures que nous prenons pour aider des gens à se sortir de graves crises comme celle du Kosovo.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, j'ai une question pour mon collègue, le député de Red Deer.
Du fait que nous ne sommes pas en mesure d'évaluer les coûts et les modalités de l'intervention éventuelle du Canada, est-ce qu'il souhaiterait que cette question soit à nouveau débattue devant cette Chambre ou devant le Comité permanent des affaires étrangères?
[Traduction]
M. Bob Mills: Monsieur le Président, nous avons eu au comité un débat qui m'a semblé assez fructueux au sujet de Haïti. Des experts ont comparu et nous avons proposé des résolutions. Je vois en face le président du comité faire signe de la tête. Il reconnaîtra sûrement avec moi que la formule a très bien marché. L'étude a été très longue et nous avons eu la possibilité de poser beaucoup de questions et de discuter longuement. La difficulté, c'est que seuls les membres du comité ont pu prendre part au débat sur cette importante question, et que les Canadiens n'ont pas pu le suivre d'aussi près que s'il avait eu lieu à la Chambre.
Il faut approfondir le débat. Nous devons communiquer l'information. Ce débat thématique ne permettra pas de le faire. J'en suis fermement convaincu, même si les séances d'information que nous avons eues ont aidé à résoudre certains problèmes.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'ai pris note des observations du député. Je vais passer bientôt la parole à mon collègue de Vancouver.
Je ne considère pas ce débat comme la seule occasion qu'auront les parlementaires pour traiter de ce sujet. Nous voulions un débat thématique maintenant, car nous allons devoir prendre, notamment cette fin de semaine, des décisions au Conseil de l'OTAN et aux Nations Unies. Il est important que nous connaissions le point de vue des députés pour nous en inspirer avant de prendre une décision en tant que gouvernement.
Nous ne siégeons pas la semaine prochaine, mais je m'engage envers les députés à travailler avec les critiques et les leaders à la Chambre pour mettre au point un système, de comités ou d'autres choses, pour que nous ayons un certain degré de communication et d'information. Nous pouvons certainement mettre quelque chose sur pied.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, puis-je m'adresser au député de Red Deer et lui demander si j'ai raison de croire que son parti autoriserait le recours à la force armée avec la participation des Forces canadiennes.
Si c'est bien le cas, est-ce qu'il se limiterait aux termes des résolutions du conseil de sécurité qui définissent le territoire de manière assez précise, ou est-ce qu'il se baserait sur les dispositions plus générales de l'article 51, chapitre 7? En particulier, quel est son point de vue sur l'utilisation des forces aériennes? Comment relierait-il cela aux protocoles en supplément au protocole de Genève de 1977?
M. Bob Mills: Monsieur le Président, comme nous l'avons toujours fait dans le cadre de ces débats consultatifs, nous appuierons la décision ultime de recourir à la force militaire si nous traitons avec quelqu'un comme M. Milosevic. C'est le seul langage qu'il comprend. Nous croyons également que nous devons poser ces questions et obtenir des réponses. C'est ce que les Canadiens souhaitent.
Dans l'ensemble, notre parti et les Canadiens appuient notre intervention dans ces situations internationales. Par contre, il est évident que nous répondons à un besoin humanitaire. Il est très troublant de savoir que le veto sera exercé. Nous finirions peut-être par avoir une intervention de l'OTAN plutôt que des Nations Unies.
C'est troublant, car je crois que cela affaiblit énormément la position des Nations Unies. Cela signifie que de plus en plus de gens vont défier son autorité. Ainsi, agir à l'extérieur du cadre des Nations Unies ne fait rien d'autre que de nuire à l'organisation et pourrait en fin de compte conduire à sa disparition.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais préciser deux choses au député de Red Deer ainsi qu'au ministre.
Le ministre et le porte-parole de l'opposition ont tous deux utilisé des exemples personnels pour décrire les horreurs qui se continuent au Kosovo. Cela justifie en soi de prendre des mesures décisives. Le problème qui se pose pour de nombreux Canadiens et pour moi-même, c'est de savoir en quoi consisteront ces mesures décisives.
Le député de Vancouver Quadra a demandé si nous serions en faveur de frappes aériennes. Je serais d'accord pour cela. Je serais prêt à appuyer bien des choses si je savais exactement le but poursuivi. Le problème, c'est que nous voulons mettre un terme aux horreurs et aux souffrances, mais je ne sais toujours pas ce que nous considérerons comme une victoire.
Nous pouvons procéder à ces frappes aériennes, des frappes chirurgicales auxquelles nous pouvons avoir recours pour ne pas trop nous salir les mains. Nous voulons régler la situation. Nous ne voulons pas vraiment mettre en danger la vie de nos soldats. Nous souhaitons simplement faire sauter quelques dépôts de carburant et d'autres cibles du même genre. Cependant, il s'agit de savoir ce que nous considérerons comme une victoire une fois que toute cette opération va commencer? Quel est l'objectif politique et militaire visé?
Lorsqu'il est question d'engager nos forces dans cette intervention, je voudrais savoir ce que nous allons accomplir. Quel est le but ultime? Je veux mettre un terme aux souffrances. Je souhaite la paix. Je veux toutes ces bonnes choses auxquelles il est facile de souscrire. Le problème, c'est de savoir ce que constituera une victoire.
Le Kosovo n'a pas été annihilé, mais il est détruit en grande partie. Qu'est-ce qui amènera les gens à retourner dans leur secteur? Qu'est-ce qui amènera les réfugiés à revenir chez eux? Quelles garanties, quelle stabilité politique espérons-nous offrir à long terme?
Quelle assurance peut-on donner aux gens, du point de vue militaire? On pourrait annihiler tous les dépôts de carburant, le matériel militaire lourd, tout ce qu'il est possible de détruire grâce aux avions, mais nous ne pouvons pas protéger la population contre la bande d'animaux de Milosevic qui se trouvent au sol.
Les gens ne retourneront pas. Ils auront besoin d'être rassurés par une stabilité durable, sur 30 ou 40 ans, sur une génération ou deux. Bien qu'il s'agisse d'un débat consultatif, et je sais que nous sommes limités quant aux interventions possibles, je me demande toujours ce que nous espérons réaliser au juste, à long terme, sur les plans tant politique que militaire.
Nous allons envoyer des avions à réaction simplement parce que nous voulons à tout prix faire quelque chose. Je crois que c'est ce qui va se passer. Diantre! Nous voulons faire quelque chose, mais que pourrons-nous offrir aux gens du Kosovo qu'ils puissent garder avec eux quand tout cela sera fini? Je ne le vois pas encore. Je n'en sais toujours rien. Il n'y a pas de réponse simple.
Allons-nous utiliser les F-18 pour ce faire? Allons-nous exécuter une frappe puis faire une déclaration? Milosevic reculera d'un pas, mais il continuera à considérer que ce territoire est à lui, parce que nous ne pouvons pas faire ce qui est militairement et politiquement nécessaire pour le déloger de façon durable.
C'est, essentiellement, ce que je voulais faire observer. Cependant, qu'allons-nous faire de plus que simplement exprimer notre désir ferme et sincère de prendre une action décisive? Qu'allons-nous offrir à la population du Kosovo qui lui donne l'assurance que des bombardements de précision suivis d'un retrait feront une différence dans leur vie?
Quel est le plan à long terme? Quel est le plan d'ensemble? S'il ne s'agit que de bombarder et de mitrailler quelques régions pour montrer que nous avons fait quelque chose, je ne sais pas quel genre d'engagement nous pouvons faire. À part souhaiter que les troubles cessent là-bas, je ne sais quel genre d'engagement nous pouvons donner qui pourra vraiment faire une différence à long terme.
Je trouve tout cela très décourageant parce que nous voulons tous prendre une action décisive. Je crains que nous ne prenions une action qui, à terme, fera dire aux Kosovars qu'ils nous sont bien reconnaissants pour les bombardements, mais qu'ils n'ont toujours ni maisons, ni avenir, ni stabilité, ni organisation politique, ni société civile.
Le vice-président: Le député de Red Deer mérite d'avoir un peu de temps pour répondre. Il aura environ 30 secondes.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, je crois que le mécontentement est évident. Le ministre l'a exprimé. Je crois que nous partageons tous ce sentiment.
Si je devais répondre à cette question, je dirais qu'un bombardement forcera Milosevic à négocier parce qu'il comprend la manière forte. Une fois qu'il aura été amené à négocier, le véritable problème se posera car nous devrons avoir un plan d'action à long terme pour offrir une solution aux gens. Je commencerais par l'éducation, les hôpitaux et l'infrastructure.
La question de l'argent se pose. Il faudra également déterminer qui agira. C'est là que commence le véritable travail diplomatique, pour que tout le monde participe à la solution du problème. Avons-nous la volonté d'agir? Avons-nous les fonds? Voilà les questions.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, puis-je réclamer votre indulgence? Je sais que le ministre des Affaires étrangères doit partir, mais j'aimerais faire un commentaire qui lui permettra peut-être de répondre à une question. Est-ce que je pourrais avoir le consentement unanime de la Chambre à cette fin?
[Traduction]
Le vice-président: La difficulté vient du fait que la Chambre a convenu que personne ne demanderait le consentement unanime pendant ce débat. C'est la règle que nous avons décidé d'appliquer. Aussi, la présidence se trouve placée dans une situation plutôt difficile; il y aura d'autres demandes semblables.
Le député a la parole. Il pourra faire son discours et le ministre pourra poser une question ou faire une observation par la suite.
La Chambre désire-t-elle entendre le ministre ajouter quelque chose en réponse à une question?
M. Bill Graham: Demandez le consentement unanime.
Le vice-président: Là est le problème. Si nous le faisons une fois, la situation va se répéter. Le ministre pourra peut-être, avec la permission de la Chambre, donner une réponse, mais nous ne demandons pas le consentement de la Chambre.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je crois que la préoccupation de mon collègue est intéressante. Le ministre a répondu qu'il ne pouvait indiquer, à la Chambre, la stratégie, les modalités précises de l'intervention militaire.
Une question qui me semble encore plus importante et qui mérite peut-être une réponse ou à tout le moins un commentaire du ministre est la suivante: si le président Milosevic donne des assurances, lesquelles seront suffisantes pour ne pas envisager le recours à des mesures militaires? Je pose la question, parce que M. Milosevic a donné de telles assurances par le passé, surtout à la Russie, sans qu'il y ait de suite.
Le vice-président: J'ai une idée: le ministre peut répondre, mais disons que c'est une partie du discours de l'honorable député de Beauharnois—Salaberry.
L'honorable ministre des Affaires étrangères a la parole.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je ne veux pas empiéter sur le temps de parole du député, mais je dirai tout d'abord que la résolution 1199 adoptée par le conseil de sécurité énonce des conditions très précises que les autorités de Belgrade devront respecter.
Cela mis à part, il m'apparaît important d'examiner le texte du rapport du secrétaire général, qui indique également que, pour que la chose puisse se produire, il faudra une forme de présence internationale plus active. Je crois que cela répond aux questions précédentes concernant la manière d'obtenir une certaine forme de garantie, l'assurance que les personnes déplacées pourront revenir. La question devra faire partie des discussions et des négociations. Voilà la combinaison qui s'appliquera.
Je n'essaie pas d'être vague. Je crois que ces observations sont très utiles. Il est encore possible que le conseil de sécurité siège demain, jeudi. L'OTAN tiendra certainement des rencontres jeudi, vendredi et vraisemblablement samedi. Ce genre d'observations nous permettra d'être mieux éclairés quant nous participerons à l'élaboration du plan d'action définitif qui sera arrêté par le conseil de l'OTAN.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie pour la souplesse que vous manifestez, ce soir, et qui nous a permis d'avoir une réponse du ministre à une question qui, me semble-t-il, est très importante, qui est au coeur du débat qui va se poursuivre ces prochains jours et qui va sans doute intéresser les Kosovars, les Yougoslaves, l'ensemble de la Communauté internationale qui veut une solution à ce conflit armé qui a fait tant de morts déjà et qui pousse nombre de Kosovars à l'exil.
J'aimerais commencer mon intervention en indiquant l'accord de notre parti avec les propositions du Parti réformiste. Nous ne sommes pas souvent d'accord avec ce parti, mais en matière d'affaires étrangères, il nous arrive d'appuyer certaines initiatives, comme nous l'avions fait, le printemps dernier, lorsque le député de Red Deer avait présenté une motion concernant les débats relatifs aux opérations de maintien de la paix et au rôle que le Parlement devrait jouer en la matière. Nous avions manifesté notre accord à une présence et à une activité parlementaires plus importantes, notamment l'activité de cette Chambre.
La proposition du député de Red Deer a ceci d'intéressant qu'elle se veut pédagogique. Elle cherche à intéresser davantage les députés de cette Chambre aux affaires étrangères et à s'assurer que les députés de la Chambre soient conscients des enjeux importants des conflits et que ces enjeux les amènent à donner un consentement éclairé à des interventions que le gouvernement veut faire au nom de ce pays et aux interventions visant à favoriser le maintien, et le rétablissement, dans certains cas, de la paix internationale.
Le Bloc québécois appuie la motion présentée à la Chambre des communes ce soir. Il appuie donc une initiative qui vise à mettre fin au cycle de la violence qui s'est véritablement produite au Kosovo, dans cette République fédérale de Yougoslavie.
Déjà, en mars dernier, le Bloc québécois portait à l'attention de cette Chambre l'urgence d'agir pour que ne s'envenime pas le conflit dans cette région des Balkans. Le conflit s'est envenimé depuis le mois de mars. Il nous oblige aujourd'hui encore à débattre de cette question, à la veille de ce qui pourrait être une intervention plus agressive de la communauté internationale, pour que Slobodan Milosevic soit un chef d'État qui respecte les engagements de son pays au titre de la Charte des Nations Unies.
Des sanctions ont été prises, après avoir été annoncées par le Canada, bien que les mesures prises au printemps et l'été dernier se soient avérées modestes, selon les dires mêmes du secrétaire parlementaire d'alors, le député de Vancouver Quadra. Il avait dit lui-même de ces mesures qu'elles étaient modestes, sans doute trop modestes pour les problèmes qu'elles visaient à résoudre. Six mois plus tard, aujourd'hui même, force est de constater que ces sanctions du Canada et d'autres pays n'ont pas porté fruit et que la situation s'est dégradée considérablement.
Ces sanctions, cette diplomatie «soft», n'ont fait que donner du temps aux agresseurs pour solidifier leurs positions et pour ceux qui sont victimes de l'agression, et qui continuent de l'être de façon quotidienne, de prendre les chemins de l'exil, voire de l'exode, puisque les exodes sont massifs. Le député de Red Deer a rappelé qu'au-delà de 250 000 Kosovars fuient maintenant leurs villages et leurs communes et se sont réfugiés dans des pays étrangers. Ils se sont réfugiés aussi dans des pays européens qui ne sont ni voisins immédiats, ni des États qui sont propices à offrir un refuge intéressant pour ceux qui sont victimes de la terreur que font régner Slobodan Milosevic et ses troupes au Kosovo.
Les sanctions économiques ne sont d'ailleurs efficaces que si elles sont accompagnées d'une réelle volonté politique, d'une position claire visant à ce que les comportements irrespectueux des droits de la personne, de la part d'un gouvernement étranger, cessent immédiatement.
Les comportements brutaux, la répression des Kosovars par les forces de sécurité serbes sont des faits aujourd'hui connus. Ils sont connus depuis longtemps, depuis trop longtemps. Ces faits, ces comportements, cette répression justifient d'ailleurs aujourd'hui, et justifiaient hier, que la communauté internationale agisse, mais qu'elle agisse de façon cohérente et conséquente. Que la communauté internationale agisse d'abord parce qu'il est grand temps, avant qu'il ne soit trop tard. Que le Canada agisse, de concert avec d'autres pays, notamment ceux qui font partie du Groupe de contact auquel le député de Red Deer voudrait que le Canada devienne partie. Ce n'est d'ailleurs pas comme s'il n'avait pas essayé, mais ce club est fermé et ne veut pas inviter le Canada à en faire partie, dois-je le rappeler au député de Red Deer.
Le Canada doit travailler de concert avec les pays du Groupe de contact et avec les autres membres du Conseil de sécurité des Nations Unies pour agir de façon rapide, de façon décisive, pour qu'un message clair soit donné au leader Milosevic, et que ce message soit sans équivoque.
Les appels aux négociations du ministre des Affaires étrangères et de ses représentants, qui se sont multipliés encore cet été, n'ont pas donné de résultat. Ces appels et ces invitations au dialogue n'ont donné aucun résultat. C'est la raison pour laquelle maintenant on doit agir autrement. On doit agir autrement que par des sanctions diplomatiques et économiques, parce que celles-là aussi sont restées lettre morte.
L'intervention du Conseil de sécurité n'est pas inexistante puisqu'il adoptait, le 31 mars 1998, la Résolution 60. Il adoptait plus récemment, le 23 septembre, la Résolution 1199, à laquelle le ministre a fait allusion à plusieurs reprises dans ses interventions. L'intervention du Conseil de sécurité, qui n'a visiblement eu qu'un effet limité, voire aucun effet, se doit maintenant d'être plus énergique, plus importante qu'elle ne l'a été jusqu'à présent.
Il est temps pour le Conseil de sécurité d'agir pour des raisons essentiellement humanitaires. Il est temps d'agir, parce que trop de personnes ont pris le chemin de l'exil, parce que trop de personnes sont menacées de massacre. Beaucoup ont déjà été massacrées, mais ces massacres, ces viols, ces traitements inhumains et dégradants, la torture, sont des choses qui ont fait fuir les Kosovars de leurs communes, de leurs villes.
Trop de personnes ont peur de ce qui se passe dans leur contrée et se rappellent ce qui s'est passé à Sarajevo, à quelques kilomètres de la capitale de la République. Trop d'enfants, de femmes, de jeunes et de moins jeunes ont pris le chemin de l'exil, parce que l'hiver approche, parce que les récoltes ont été détruites par la guerre, cette sale guerre, une guerre minable, une guerre qui rase village après village, commune après commune, une guerre qui produira une famine.
C'est vers la Communauté internationale, vers le Conseil de sécurité même, que se tournent maintenant les Kosovars pour garder un espoir, un simple espoir, le seul qui subsiste véritablement. Le message que la Communauté doit lancer à la République fédérale yougoslave et à son président doit être clair. Ce message est qu'il ne faut pas abandonner les populations civiles. Il faut faire en sorte qu'elles soient épargnées de cette misère dans laquelle ces populations se sont retrouvées jusqu'à présent.
C'est pour ces populations, plus que pour toute autre raison, que la Communauté internationale doit agir. Elle doit agir de façon cohérente, de façon conséquente. C'est pour permettre d'entrevoir une vie meilleure que la Communauté internationale doit agir au Kosovo, en République fédérale yougoslave. La Communauté doit agir de façon conséquente, c'est-à-dire qu'elle doit envisager maintenant, non plus seulement des efforts humanitaires, mais un recours à la force armée, un recours militaire, jusqu'à ce que la paix soit rétablie dans cette région des Balkans.
La Communauté internationale a eu à intervenir dans cette région et intervient encore en Bosnie, particulièrement à Sarajevo, dans certains endroits où les Bosniaques, les Serbes, les Croates se sont entretués, où il y a encore menace d'atteinte à la vie de toutes ces populations.
Mais à l'époque, on s'en rappellera, la Communauté internationale et le Canada avaient été lents à réagir de façon concrète à cette menace constante à la paix et à la sécurité dont étaient responsables, encore une fois, Slobodan Milosevic et son gouvernement yougoslave.
On avait aussi tenté, à l'époque, d'adopter des sanctions, de favoriser le recours à la diplomatie, au dialogue. On avait souhaité que ces mesures triomphent, des mesures auxquelles on pensait que Slobodan Milosevic donnerait suite. On avait été poussés à l'intervention militaire seulement devant l'intransigeance des parties en cause à négocier un cessez-le-feu durable.
À cette époque, on avait considéré le problème avec des oeillères, laissant entendre que le problème était à Sarajevo et devait être réglé par Sarajevo, là où le conflit était le plus connu, le plus dramatique, le plus médiatisé, le plus symbolique. Peu de pays étaient alors intervenus en Bosnie, avec en tête le problème qui pourrait un jour survenir au Kosovo.
Il nous faut donc aujourd'hui considérer notre intervention de manière plus large, afin d'éviter que ce conflit, une fois la paix rétablie au Kosovo, ne se déplace vers la Macédoine, comme cela est possible. Des réfugiés kosovars sont déjà sur le territoire de l'État de Macédoine. Des réfugiés pourraient se retrouver dans d'autres régions avoisinantes également.
La situation actuelle appelle donc des actions cohérentes, un engagement humanitaire ferme, et de la part des pays membres de l'ONU, de la part des membres du Conseil de sécurité de l'Assemblée générale de l'OTAN, qui pourraient mettre en oeuvre les dispositions du Conseil de sécurité, il faut donc des actions cohérentes.
Il y a urgence pour agir de façon concertée avec nos alliés internationaux. Je comprends le dilemme que le ministre des Affaires étrangères a évoqué devant nous. De toute évidence, le Conseil de sécurité pourrait être bloqué, pourrait être empêché d'agir en vertu du Chapitre 7, si la Russie et la Chine voulaient exercer un droit de veto.
Le dilemme est grand, parce que l'intervention de la Communauté internationale, à travers des États ou à travers l'OTAN, pourrait être considérée comme illégale au sens du droit international. Le député de Vancouver Quadra est tout à fait conscient de l'illégalité formelle dans laquelle se placerait la Communauté internationale s'il n'y avait pas d'autorisation du Conseil de sécurité.
Mais ce que le ministre dit, c'est qu'il envisage que la Communauté internationale, que des États, que l'OTAN agissent, sans doute dans l'illégalité, parce que la légitimité impose une intervention de nature militaire.
Nous avons une motion devant nous, une motion qui est peut-être trop timide. Le libellé de la motion ne fait pas référence à l'utilisation de la force armée, à la participation du Canada au sein de l'OTAN, mais elle fait référence à la situation humanitaire avec laquelle doivent composer un nombre grandissant d'hommes, d'enfants et de femmes, dont le sort doit nous intéresser, ici même à Ottawa, bien que nous soyons à des milliers de kilomètres du Kosovo.
Le gouvernement nous demande de prendre note de cette terrible situation. Soit. Il était temps que le Parlement puisse prendre note de cette situation. Mais encore, le gouvernement nous fait part de son intention de prendre des mesures. Soit. Mais quelles mesures?
Les députés du Parti réformiste ont eu raison de souligner que nous n'avions pas ici, à la Chambre, ce soir, d'indications concrètes sur les mesures que le Canada favorise ou veut favoriser dans les débats qui auront lieu au Conseil de sécurité, au Conseil de l'OTAN et dans d'autres instances qui discuteront de cette question dans les prochaines heures ou les prochains jours. Des mesures, nous dit-on, qui visent à favoriser un règlement diplomatique. Soit. Mais encore, quelles mesures? Quel statut pour le Kosovo au sein de la République yougoslave ou à l'extérieur de la République yougoslave? Parce que l'on devrait envisager toute solution qui corresponde aux voeux de la population kosovar.
Tout cela nous paraît bien faible. Cette motion est trop faible, aurait dû être rédigée dans des termes plus forts, parce que le drame quotidien des populations mérite un langage plus fort.
Je termine en disant que la justice ici compte, et cette justice mérite que je cite, non pas George Washington—que le ministre aime citer, il nous l'a cité hier lors d'un débat législatif—mais Blaise Pascal, un philosophe que certains d'entre vous aiment et connaissent, qui disait: «La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela, faire que ce qui est juste soit fort».
Dans ce cas-ci, la justice et la force doivent être conjuguées pour mettre fin au drame que vivent les Kosovars, drame qu'ils ne doivent plus vivre, un drame qui doit cesser.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je vais tirer profit de l'expertise juridique de l'honorable député de Beauharnois—Salaberry.
On a cité la possibilité d'une intervention dirigée par l'OTAN. L'honorable député comprend bien que l'OTAN est une association régionale soumise à la Charte des Nations unies, contrôlée et limitée par des conditions préalables imposées par la Charte à l'application de la force armée.
Il se souvient certainement que pendant la guerre de Corée, on a utilisé une résolution de l'assemblée générale, la Résolution bien connue 377(V), pour remplir les lacunes en droit international public.
Est-ce que l'honorable député considère qu'il y a une nouvelle catégorie d'interventions humanitaires qui est séparée de la Charte ou est-ce vraiment une condition préalable à l'engagement des forces canadiennes d'avoir des résolutions tout à fait spécifiques de la part du Conseil de sécurité?
Il comprend bien que les résolutions déjà établies pour la Bosnie sont territorialisées d'une façon tout à fait précise. Alors, comment sortir de cette espèce de camisole de force juridique qui existe? Est-ce qu'il a des suggestions concrètes?
Il comprend bien aussi certainement que les protocoles supplémentaires, comme le Protocole de Genève de 1977, établissent des limitations draconiennes sur l'application de la force armée aérienne.
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, on veut faire du droit international à la Chambre, ce soir. C'est tout à fait intéressant.
J'ai remarqué que le député de Vancouver Quadra, un peu plus tôt, posait une question d'examen au député de Red Deer, ce qui était très difficile, d'ailleurs. Le député de Red Deer a donné une réponse très politique.
Je m'efforcerai de répondre à votre question en utilisant l'expertise que nous partageons et que nous voulons mettre d'ailleurs à contribution dans cette Chambre. Il n'est pas inutile d'avoir une expertise et de vouloir la partager avec ses collègues lorsque surviennent des débats comme celui-ci.
Dans l'état actuel du droit international, on peut difficilement prétendre que l'utilisation de la force au titre du Chapitre 7 peut se faire sans l'autorisation formelle du Conseil de sécurité. Si l'utilisation de la force a pu être faite dans le cadre de la crise du Golfe, c'est parce que le Conseil de sécurité avait autorisé certains États à utiliser la force.
Nous avons eu des débats ici, il y a quelques mois à peine, sur la possible utilisation de la force dans le cas de l'Irak. On se rappellera qu'à plusieurs reprises, j'ai interpelé le gouvernement en lui demandant s'il considérait avoir l'autorité, s'il considérait que les États auraient l'autorité pour utiliser la force à l'égard de l'Irak. Cette question est restée sans réponse. Je sais qu'il y a des opinions juridiques qui ont été formulées.
Mais je crois que dans l'état actuel du droit international, il est difficile de prétendre que l'utilisation de la force, même dans ce cas-ci, serait conforme à la Charte, s'il n'y avait pas une autorisation préalable du Conseil de sécurité.
En revanche, est-ce qu'une norme coutumière est en train de naître d'une pratique qui fera que les États pourront invoquer une rupture de la paix du type de celle que l'on connaît pour justifier une intervention? Je crois que c'est peut-être là la façon de résoudre ce dilemme, de développer une pratique qui fera qu'on puisse agir en dehors de la Charte, en invoquant une règle coutumière permettant aux États d'intervenir dans des cas comme celui-ci.
En ce qui concerne l'article 51, c'est peut-être la seule base juridique qu'on pourrait invoquer pour essayer de justifier, au plan légal, l'intervention dans ce cas-ci, bien que, encore là, ce sera une interprétation très large et très libérale de l'article 51 que l'on voudra faire.
Au-delà de cela et même comme internationaliste, je crois qu'il faut distiller le bien et le mal dans des situations comme celle-ci.
Si l'on croit que l'intervention armée est nécessaire pour assurer le respect des droits les plus fondamentaux de la personne humaine, si la légitimité est partagée par la communauté internationale et que l'opinion publique internationale, qui existe aussi, souhaite une intervention, sans doute y a-t-il lieu d'en faire une. Des peuples et des individus bénéficieront d'une telle intervention qui va les libérer de la terreur de personnes qui, un jour, je l'espère, seront traduites devant une cour criminelle internationale parce qu'ils ont commis des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre dont ils devront rendre compte devant la communauté internationale.
[Traduction]
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je ne puis citer Pascal ou Washington, mais je peux en revanche citer un philosophe grec, Pindare, qui a dit que c'était à ses actes que l'on reconnaissait l'homme. Cette idée dont il existe plusieurs versions a été reprise au fil du temps.
Je n'ai pas la réponse à la question que je voudrais poser au député qui vient de prendre la parole, mais j'aimerais savoir ce qu'il en pense. Pourquoi accorde-t-on toujours, aux Nations Unies, une telle priorité aux problèmes en Europe centrale et ne semble-t-on pas considérer d'autres cas de violation des droits de la personne, tout aussi horribles, dans d'autres régions du monde, comme un problème qu'il faut régler immédiatement?
Je pense par exemple à ce qui se passe en Algérie. Selon Amnistie internationale, des milliers de personnes ont été massacrées dans les régions rurales et personne ne sourcille, aucune résolution n'a été adoptée. Il s'agit là d'une violation des droits de la personne pratiquée à grande échelle et personne ne bronche.
Je pense aussi au nettoyage ethnique des communautés chrétiennes et tribales, dans la partie sud du Soudan, que pratique un gouvernement musulman qui persécute systématiquement les gens sans que personne ne bronche.
Il y a des problèmes en Angola. Nous savons tous ce qui se passe au Rwanda qui connaît maintenant d'autres difficultés, espérons moins graves que celles qu'il a déjà connues. Il y a des milliers de réfugiés en provenance de la Somalie.
Il y a des cas de violations systémiques et systématiques des droits de la personne dans une grande partie du monde, un grand nombre en Afrique, et les Nations Unies n'accordent pas à ces violations la même importance qu'elles accordent à la crise du Kosovo. Il y a une crise au Kosovo et c'est pourquoi nous sommes ici. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Toutefois, je me demande pourquoi il en est ainsi et je me demande si le député a songé à cela.
Qu'importe que ce soit la Convention de Genève, l'article 77, les résolutions du Conseil de sécurité ou tout autre instrument, pourquoi, alors que le monde occidental se tait au sujet de tant de régions du monde, le problème du Kosovo retient-il autant l'attention mondiale? J'ai mon idée à ce sujet, mais je me demande ce que le député en pense.
Je trouve tragique que les Nations Unies, et nous tous qui nous préoccupons des violations des droits de la personne, n'estimions pas que ce problème nous concerne tous. Martin Luther King avait raison lorsqu'il a prononcé sa fameuse phrase.
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, la question est excellente, mais il est très difficile d'y répondre. La réponse la plus simple consiste à dire que la communauté internationale applique deux poids et deux mesures. C'est d'ailleurs un principe qui est utilisé de façon exagérée en ce qui concerne les droits de la personne et la manière dont les Nations Unies et d'autres organisations internationales interviennent en cas de conflits. C'est la réponse la plus simple.
La réponse plus complexe, c'est que, lorsque une violation des droits de la personne devient réellement une menace pour la paix et la sécurité, on fait appel au Conseil de sécurité et à d'autres organisations des Nations Unies.
C'est à ce moment qu'on leur demande d'intervenir. Quand la paix et la sécurité internationales ont été gravement menacées par la situation en Bosnie, la communauté internationale est intervenue et elle est encore présente là-bas. La paix et la sécurité internationales ont aussi été menacées en Somalie, en Afrique. Le député a également mentionné le Soudan et l'Algérie. Quand la paix et la sécurité ont été menacées en Somalie, l'ONU est intervenue.
C'est peut-être à cause de cela qu'est apparu le problème, surtout pour les Américains. C'est pourquoi on prend tant de précaution avant d'intervenir de nouveau en Afrique. Ce n'est pas sage. L'Afrique est un continent perdu. C'est un continent que l'on sacrifie aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il devrait l'être. Il ne faudrait pas accuser les Nations Unies de cela. Il ne faut jamais oublier que les Nations Unies représentent des États membres. Ce sont ces États qui permettent ou interdisent l'intervention du Conseil de sécurité.
Voilà la réponse plus complexe. Cela ne justifie pas l'application de deux poids et deux mesures. Notre communauté internationale sera bien meilleure quand nous cesserons d'appliquer ce principe.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, je me demande si je pourrais demander la permission de la Chambre pour partager le temps qui m'est alloué avec mon collègue de Halifax-Ouest.
Le vice-président: La Chambre est-elle disposée à permettre ce partage du temps?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: Le député aura droit à 10 minutes pour son exposé, puis à cinq minutes pour les questions et observations.
M. Svend J. Robinson: Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier le ministre des Affaires étrangères qui a permis à la Chambre de discuter d'une motion d'une aussi grande importance.
Mes collègues du Nouveau Parti démocratique et moi appuyons la motion.
[Français]
Comme l'a dit le député de Beauharnois—Salaberry, nous aurions espéré que cela aille plus loin, que ce soit plus fort, que la justice et la force, les deux principes fondamentaux, soient exprimés plus clairement dans cette motion. Mais nous appuyons quand même la motion.
[Traduction]
La semaine dernière, la Chambre s'est prononcée unanimement à la suite des atrocités rapportées par le Human Rights Watch, soit le massacre de 18 civils innocents dans une forêt de la région de Drenica. D'autres députés en ont parlé plus tôt. La Chambre a exhorté d'une même voix le gouvernement de la Yougoslavie, le président Milosevic et toutes les parties en cause de déposer immédiatement les armes et de tenter d'en arriver à une solution avec l'aide d'organismes internationaux comme les Nations Unies et l'OSCE.
C'est également la semaine dernière, quelques jours plus tard, que Human Rights Watch a publié un rapport faisant état des violations scandaleuses des lois internationales, soulignant que les unités spéciales de police serbe et l'armée yougoslave avaient exécuté des civils, systématiquement détruit des propriétés civiles et attaqué des responsables de l'aide humanitaire.
Le directeur a souligné qu'il était clair depuis 7 mois que le gouvernement menait une guerre brutale contre des civils au Kosovo. Ce sont des crimes de guerre. Ce sont des crimes contre l'humanité et malgré tout, le gouvernement de la Yougoslavie et Milosevic refusent de collaborer avec le tribunal international qui fait enquête. Ils ont même été plus loin et ils ont restreint la liberté des journalistes locaux et étrangers qui tentent de faire rapport de ces atrocités.
Ces atrocités touchent de près certains des nôtres. La députée de Churchill s'est entretenue avec des électeurs de sa circonscription qui ont des parents au Kosovo qui ont subi des blessures horribles. Cela l'a bien sûr ébranlée comme cela nous touche tous d'ailleurs à un niveau profondément humain.
Cela dure depuis trop longtemps. Nous avons entendu les mêmes menaces, les mêmes promesses que la communauté internationale passera à l'action dans le cas du Kosovo que celles qui ont été faites dans celui de la Bosnie. Mais, hélas, la communauté internationale a échoué lamentablement. Il a fallu trois ans, 200 000 tués et bien trop d'avertissements pour que, par suite de la terrible attaque au mortier lancée par les Serbes sur un marché plein de gens à Sarajevo en août 1995, l'Ouest passe enfin à l'action.
Fait tragique, les mesures n'ont pas été prises par les Nations Unies. L'un des grands dilemmes et l'une des grandes tragédies du Kosovo, c'est que nous ne pouvons pas nous fier aux Nations Unies dans ces circonstances pour résoudre cette crise humanitaire. Nous ne pouvons pas supposer que le Conseil de sécurité adoptera une résolution qui autorisera le genre de réaction militaire ferme qui est clairement justifiée, et ce, depuis un certain temps déjà.
Nous avons vu les effets de l'agression serbe en Bosnie et nous les constatons maintenant dans le Kosovo. J'en ai été témoin quand j'ai visité Vukovar. J'ai été témoin de l'agression serbe en Croatie contre les habitants de ce pays. Je n'oublierai jamais avoir marché à travers les ruines d'une église à Vukovar et avoir ramassé un petit morceau de bois, ce qui restait d'une petite croix en bois.
La communauté des nations doit dire que ce genre d'atrocités est inacceptable. Le commissaire aux réfugiés des Nations Unies a lui-même évalué à plus de 280 000 le nombre des personnes déplacées à cause des combats depuis le mois de mars. Ces combats se sont principalement déroulés dans le Kosovo. Quelque 50 000 personnes n'ont pas encore trouvé de refuge. De nombreuses autres vivent dans des conditions très difficiles. Plus de 700 d'entre elles sont mortes. Et, comme l'hiver approche rapidement, le risque d'un désastre humanitaire est très réel.
J'exhorte le gouvernement canadien à réagir à cette tragédie, à redoubler d'efforts dans la collecte de fonds pour la reconstruction et les plans d'urgence pour l'hiver au Kosovo et à fournir une aide financière au Monténégro, à l'Albanie et à l'ancienne république yougoslave de la Macédoine, qui ont accueilli une foule de réfugiés et ont désespérément besoin de soutien à l'approche de l'hiver, qui arrive à grands pas.
Nous préférerions une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il serait souhaitable que l'OSCE, l'organe de sécurité régional pour ce secteur, en vienne à un consensus, mais nous ne pouvons permettre que la Russie et, peut-être, la Chine opposent leur veto, et que la règle du consensus de l'OSCE empêche le genre de mesures qui doivent vraisemblablement être prises, le genre d'actions militaires qui doivent être prises pour sauver des vies humaines.
Ne nous faisons pas d'illusions quant au risque que courent les militaires canadiens. Le Canada a envoyé six CF-18 à Aviano, en Italie, ainsi que 130 pilotes et membres d'équipage. Il s'agit de femmes et d'hommes courageux qui seront directement touchés par la décision que le gouvernement canadien prendra. Je suis sûr que tous les députés de la Chambre souhaitent bonne chance à ces hommes et ces femmes en cette période très difficile. Lorsque nous évoquons la possibilité d'une intervention militaire, nous reconnaissons tous, j'en suis sûr, que ce sont nos fils et nos filles qui risquent fort de se retrouver sur les lignes de front, qui risquent d'essuyer les tirs des missiles sol-air que les Serbes ont menacé d'utiliser.
Il s'agit là d'une catastrophe humaine. J'estime que, en tant que Canadiens, nous avons l'obligation d'agir au lieu de ne rien faire. Par ailleurs, le député de Fraser Valley a parlé, avec raison, du fait que l'intervention de la communauté internationale est très sélective. Bien sûr, nous sommes vivement préoccupés par la situation au Kosovo et nous devons admettre que des frappes aériennes seules seraient nettement insuffisantes dans le cadre d'une intervention sérieuse et appropriée. À défaut d'une force terrestre, la situation risque de s'envenimer et de devenir encore plus intenable.
Nous devons également nous rappeler que, quelle que soit l'intervention militaire, il ne faut pas mettre en danger la vie de personnes innocentes, qu'il s'agisse de Yougoslaves, de Kosovars ou d'autres personnes. Or, la communauté mondiale a commis l'erreur d'attendre trop longtemps pour intervenir en Bosnie. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter cette erreur au Kosovo.
Comme le député de Fraser Valley l'a dit, la communauté mondiale n'est pas intervenue lorsque d'autres catastrophes humaines se sont produites: un génocide a eu lieu au Timor oriental, où 200 000 personnes, soit le tiers de la population, ont été assassinées par le régime du président Suharto. La communauté internationale a-t-elle crié au scandale? Qu'a dit le Canada à ce propos?
Les Nations Unies ont présenté dix résolutions au sujet du Timor oriental et, honteusement, le Canada s'est abstenu ou a voté contre chacune d'elles. Le député de Fraser Valley a raison. Il y a deux poids deux mesures, que ce soit au sujet du Timor oriental, de la situation des Kurdes, de la Turquie, du nord de l'Iraq, de la Colombie ou du Soudan.
Je le répète, mes collègues et moi, du Nouveau Parti démocratique, appuyons cette motion. Nous espérons vivement que Milosevic reviendra à la raison, qu'il retirera ses troupes, qu'il respectera le droit des habitants du Kosovo à prendre leur avenir en main, à accéder, espérons-le, à l'autonomie dont ils bénéficiaient antérieurement, qu'il respectera leur droit à l'autonomie politique et que nous pourrons éviter la perpétuation des horreurs, car beaucoup trop de gens sont déjà morts. À bien des égards, il serait totalement inacceptable, non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour tous les peuples civilisés, que la communauté mondiale n'intervienne pas, non seulement par des paroles, mais également par des actions. La justice et la force.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Madame la Présidente, compte tenu des allocutions qui ont été prononcées jusqu'à maintenant à la Chambre, un consensus politique semble fort possible. Il s'agira peut-être d'un consensus politique de tous les partis représentés à la Chambre. Je me demande s'il peut nous faire passer à l'étape suivante et commenter les propositions du député de Beauharnois—Salaberry.
Il y a une nouvelle notion d'intervention humanitaire dont les origines et la nature diffèrent de ceux de l'intervention classique. Elle a quand même ses limites. L'OSCE, comme l'OTAN, est une organisation régionale de sécurité et ne peut outrepasser les conditions et les limites de la charte.
Le député croit-il qu'on pourra trouver, au moyen du droit international coutumier ou par l'intermédiaire de l'Assemblée générale, un fondement convenable pour une intervention armée canadienne, s'il y a lieu, et une justification pour des bombardements aériens?
Je crois que, au cours de la Guerre du Golfe, la compatibilité de certaines opérations lui a posé des problèmes. Peut-il nous éclairer là-dessus? Le droit coutumier peut évoluer très vite de nos jours. On a parlé du «droit coutumier instantané». Un certain nombre de précédents rapides peuvent donc constituer la nouvelle norme.
Le député peut-il nous éclairer ici? Il est fort possible que se dessine un consensus politique de tous les partis.
M. Svend J. Robinson: Monsieur le Président, je pense que le député de Vancouver Quadra a raison. Il semble, à écouter le débat de ce soir, qu'un consensus politique soit en train de se former sur la pertinence d'une résolution des Nations Unies, et si ce n'est pas des Nations Unies, de l'OSCE en tant qu'organisme régional aux termes de l'article VII. Faute de quoi—et je pense que le député a soulevé une question très importante—, existe-t-il dans le droit international un autre moyen de justifier une intervention militaire?
Clairement, le droit international évolue sans cesse. Il existe au Kosovo une menace évidente et prouvée, d'une ampleur dont nous avons déjà été témoins. Ce n'est pas une intervention préventive, comme le sait le député. C'est une intervention en réaction à des crimes de guerre contre l'humanité. Ce genre de crime est bien décrit en droit international. Si la communauté des nations, dans sa réaction, ne dépasse pas les limites de ce qui est nécessaire pour contrer des crimes de guerre contre l'humanité qui ont été prouvés, pièces à l'appui, j'espère que le droit international reconnaîtra la justice d'une telle intervention.
Par ailleurs, il est important qu'elle ne soit pas excessive. Il est important qu'elle soit fondée sur les principes du droit humanitaire et qu'elle soit suivie par des mesures de soutien. Il n'est pas acceptable de lâcher des bombes, de procéder à des frappes aériennes sans se soucier de ce qui se passera ensuite. Si on n'offre aucune aide aux Kosovars sur place, les forces militaires serbes pourraient se venger brutalement. Une situation totalement anarchique s'ensuivrait et l'opération pourrait avoir l'effet inverse de ce qu'on recherchait.
Pour ce qui est d'une justification juridique internationale, si le monde avait attendu pour intervenir en Bosnie un nouveau concept en droit international, comme il l'a fait au Rwanda à la plus grande honte de la communauté internationale, je ne peux qu'imaginer le carnage qui aurait continué à se produire. Si on ne trouve pas aujourd'hui de justification dans le droit international, il est peut-être temps de créer un précédent.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux de partager cette occasion d'intervenir dans le débat avec le député de Burnaby—Douglas. Je suis heureux dans la mesure où quelqu'un peut l'être de parler d'un sujet de cette nature. Comme nous le savons tous, il s'agit d'un sujet très grave. Le débat porte sur des événements très tristes et c'est un sujet dont la plupart d'entre nous préféreraient ne pas parler.
La motion dont la Chambre est saisie s'énonce ainsi:
Que la Chambre prenne note de la terrible situation humanitaire que confronte la population du Kosovo, ainsi que de l'intention du gouvernement de prendre, avec la collaboration de la communauté internationale, des mesures pour résoudre le conflit, favoriser un règlement politique pour le Kosovo et faciliter la fourniture d'aide humanitaire aux réfugiés.
Comme mon collègue l'a déjà dit, le NPD appuie la motion. Il est intéressant de noter qu'il y a quelques jours à peine, notre conseil fédéral a approuvé une résolution qui s'énonce ainsi:
Attendu que les forces armées serbes continuent de s'attaquer aux habitants du Kosovo, tuant, blessant et chassant des centaines de milliers de civils dans leurs efforts de purification ethnique dans la région;
Attendu que ces massacres ont été documentés et confirmés par des diplomates et des journalistes;
Attendu que tous les efforts diplomatiques déployés par les gouvernements européens et nord-américains n'ont rien donné pour empêcher ces massacres et cette purification ethnique;
Qu'il soit résolu que le NPD fédéral, en condamnant les massacres de civils innocents du Kosovo, demande au gouvernement libéral fédéral à Ottawa d'user de son influence à l'OTAN et à l'ONU pour exiger une intervention visant à mettre fin aux massacres et à la purification ethnique.
Qu'il soit en outre résolu que le NPD fédéral affirme et reconnaît le droit à l'autodétermination pour que les habitants du Kosovo puissent décider de leur propre avenir politique sans craindre l'oppression et la présence militaire des forces armées serbes.
Je trouve très encourageant de constater ce soir que la motion que le gouvernement a proposée prend en considération les préoccupations exprimées par les militants de la base qui ont assisté à l'assemblée de notre conseil.
En réalité, cela montre que la question que nous débattons n'est pas tendancieuse, qu'elle va au-delà des lignes de parti. C'est une question humanitaire qui devrait nous toucher tous.
Je tiens à renforcer l'argument qu'a fait valoir le député réformiste tout à l'heure. Il a dit que ce débat était exploratoire et qu'il aurait peut-être été préférable que, dans le cadre d'une réunion, on nous informe de ce qui se passe vraiment, qu'on nous fournisse des renseignements exacts sur la situation. Nous aurions alors été bien au courant du dossier pour pouvoir en débattre.
Je dis avec respect que, depuis que je suis en politique, il m'arrive beaucoup trop souvent d'avoir l'impression, et d'autres députés partagent sûrement mon sentiment, que nous passons rapidement d'un sujet à un autre. Nous traitons toutes sortes de sujets à un rythme trop accéléré. Des députés interviennent assez souvent à la Chambre en se reportant à des notes prises au dernier moment et ils traitent de sujets sur lesquels nous n'avons pas les données nécessaires pour tenir un débat approprié.
Cela est peut-être dû à la nature de nos travaux et reflète notre mode de vie aujourd'hui, un rythme de vie accéléré auquel nous devons nous adapter. C'est peut-être un des problèmes du monde moderne. Tout va trop vite. C'est peut-être pour cela qu'il y a tant de conflits et de problèmes humanitaires partout dans le monde. Nous ne prenons pas le temps d'étudier comme il faut les problèmes qui surgissent.
Notre débat porte sur une question humanitaire. On nous a décrit les souffrances de ces gens. Un article de journal a parlé d'images horribles à la télévision. On a vu une jeune enfant morte, la sucette toujours accrochée à son habit de neige mauve, le corps d'un homme attaché à un arbre et brûlé vif ou encore le corps recroquevillé d'un homme mitraillé par un tireur en automobile.
L'article mentionne ensuite que 200 villages du Kosovo ont été détruits. Environ 250 000 personnes sont sans abri et des milliers d'autres ont été tuées par les forces serbes qui ont mis en déroute l'armée de libération du Kosovo. L'article mentionne que l'hiver s'en vient et que la faim fera un grand nombre de victimes.
Tout cela nous trouble. Il y a quelques années, nous n'aurions peut-être pas vu de telles horreurs ou nous n'en aurions pas entendu parler. Aujourd'hui, la télévision nous transmet ces images jusque dans nos foyers. Nos enfants regardent la télévision. Nous sommes tous témoins des conséquences terribles du traitement inhumain que certains infligent à leurs semblables.
Il s'agit d'un problème sérieux. Nous savons que les deux factions en cause s'affrontent depuis longtemps déjà. Quand on y regarde de plus près, quand on parle de purification ethnique, d'extermination de tout un groupe de gens, il faut en revenir à l'essentiel de la race humaine et voir comment nous nous traitons les uns les autres.
Nous savons que les forces armées serbes continuent d'attaquer, de blesser et de tuer des gens. Un autre article faisait mention d'une famille qui avait été massacrée. On a rapporté la découverte des cadavres de cinq femmes et de trois enfants de 5 et 7 ans qui gisaient dans un étroit ravin menant à une installation de tentes de fortune où, selon les villageois, cette famille s'était installée pour se mettre à l'abri. Toutes les victimes ont été tirées dans la tête à bout portant, apparemment alors qu'elles tentaient de s'échapper. Plusieurs des cadavres portaient des marques de mutilation.
Nous avons entendu parler d'une femme de 28 ans, enceinte de deux mois selon les membres de sa famille. Elle avait le ventre ouvert. Nous avons aussi entendu parler d'un homme de 65 ans qui a été retrouvé dans une tente de fortune. On lui avait ouvert le crâne et la moitié de son cerveau en avait été extirpée et placée à ses côtés.
Il est difficile de croire qu'à l'aube du XXIe siècle nous parlions encore de telles atrocités, mais ces choses arrivent. Nous sommes tous d'accord pour dire que des mesures doivent être prises pour mettre un frein à ces actes. Nous préférerions bien sûr que les mesures adoptées ne soient pas des mesures militaires parce que nous savons que ce genre d'interventions en soi cause des problèmes.
Le ministre a signalé tout à l'heure qu'on a tenu de nombreuses réunions pour essayer de trouver une solution pacifique. Les Nations Unies et divers hauts fonctionnaires ont essayé de trouver une solution pacifique à ce problème, mais en vain.
Il faut enfin songer sérieusement à trouver le moyen de mettre un terme à tout cela. Et ce faisant, comme l'a signalé un député, nous ne devons pas oublier que, si nous optons pour l'aide militaire, des Canadiens et des Canadiennes vont se trouver dans une situation très dangereuse. Nous devons nous assurer que nos hommes et nos femmes sont prêts et bien équipés, aux plans matériel, émotionnel ou autres. Il y a beaucoup d'autres choses à envisager lorsqu'on regarde, dans son ensemble, cette situation très grave.
Pour terminer, on s'est demandé comment des choses comme cela pouvaient arriver, pourquoi il y a deux poids deux mesures, comment on peut tolérer des atrocités dans une région et pas dans une autre. Au bout du compte, c'est la responsabilité de chacun d'entre nous en tant qu'individus.
Les Nations Unis se composent d'individus. En réalité, c'est ce que chacun d'entre nous ressent dans son fors intérieur quant à savoir comment traiter avec des frères humains et s'il faut tolérer ces atrocités.
Cela me rappelle une histoire que raconte un ouvrage bien connu. Un homme qui allait d'un village à un autre tombe au milieu de brigands qui, après l'avoir roué de coups et dépouillé de ses vêtements et de ses biens, le laissent à demi mort le long de la route.
Vient un homme très cultivé. Il le voit, prend l'autre côté de la route et passe. Puis vient un chef religieux. Nous avons certes toujours beaucoup de chefs religieux et de personnes très cultivées dans notre société. Vient donc un chef religieux qui, pareillement, le voit, prend l'autre côté de la route et passe.
Puis, à ce qu'on nous dit, vient un homme, un Samaritain, qui était de la race de ceux que l'on méprisait à l'époque. C'était peut-être un proscrit. Il s'approche et, voyant l'homme dans le besoin, il bande ses plaies, le charge sur sa propre monture et le conduit en ville. Il le confie à un hôtelier à qui il donne de l'argent en disant: «Aie soin de lui. Ce que tu auras dépensé en plus, c'est moi qui le paierai à mon retour.»
C'est le genre de compassion que nous, en tant qu'individus...
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je crains de devoir interrompre le député. Le temps mis à sa disposition est expiré.
M. Svend J. Robinson: Madame la Présidente, j'ai écouté très attentivement les propos mûrement réfléchis du député de Halifax-Ouest. Est-ce que je pourrais entendre sa conclusion?
M. Gordon Earle: Madame la Présidente, je vais conclure très rapidement. Le genre de sollicitude que nous devons avoir les uns pour les autres, lorsqu'il s'agit de débattre de sécurité, lorsque nous siégeons à l'ONU, lorsque nous discutons de cette grave question à la Chambre, doit être celle manifestée par le bon samaritain.
Il incombe à chacun de nous d'agir de la sorte si nous voulons bâtir un monde meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Madame la Présidente, le débat porte sur une question très sérieuse, une question de vie ou de mort. Il mérite l'attention de tous les députés et de tous les Canadiens. Je remarque qu'il n'y a à la Chambre aucun ministre, personne pour écouter le point de vue de mon parti. C'est tout à fait inacceptable.
Le gouvernement a demandé à la Chambre de prendre note de la situation présente. J'ai déjà dit la même chose dans un débat semblable qui a eu lieu en février, au sujet de l'envoi de troupes canadiennes en Iraq, où la situation aurait fort bien pu être dangereuse. J'ai dit qu'il s'agissait de l'engagement le moins poussé que le gouvernement puisse prendre.
Lorsqu'il s'agit de questions de défense, le gouvernement refuse de proposer une motion de fond à la Chambre. Il refuse de laisser les députés se prononcer pour ou contre sa politique en matière de défense. Il est clair que le gouvernement a honte de sa politique de défense, mais comment s'en étonner?
Le premier ministre se plaît à dire aux Canadiens qu'il a consulté la Chambre des communes. Mais ils savent que le premier ministre refuse de laisser la Chambre se prononcer, tout comme il l'a toujours refusé pour toutes les autres questions militaires. Il refuse un vote sur sa politique, ce qui est pourtant fondamental en démocratie. Ce faisant, le premier ministre mine sa propre cause lorsqu'il dicte leur conduite à d'autres pays.
La question dont nous sommes saisis ce soir, c'est celle de la province yougoslave du Kosovo. Slobodan Milosevic est le dirigeant serbe de la Yougoslavie, et les preuves montrent qu'il a ordonné le massacre de milliers d'Albanais de souche. Ces preuves ne sont pas nouvelles. Le monde occidental est au courant de ces atrocités depuis au moins le mois de février. Deux cents villages du Kosovo ont maintenant été détruits et plus de 250 000 Kosovars sont devenus des réfugiés. Des milliers d'entre eux ont été tués.
L'Ouest est resté inactif, et le Canada, sous notre gouvernement, n'a rien fait pour presser les Nations Unies ou l'OTAN de passer à l'action plus tôt. Ce n'est que maintenant que le président des États-Unis et le premier ministre de la Grande-Bretagne ont décidé de passer à l'action que notre gouvernement s'est résolu à faire quelque chose. Tout un leadership. Cependant, les Canadiens ne s'attendent pas à ce que ce gouvernement fasse preuve de leadership. Ils s'attendent plutôt à ce qu'il s'excuse.
En Bosnie, l'Union européenne a eu l'air ridicule. En Bosnie, les Nations Unies ont échoué. Ce n'est que lorsque l'OTAN est passé à l'action, tardivement certes, que Milosevic a réagi. Les mesures prises par l'OTAN sont venues tardivement, mais elles ont été fermes.
En 1995, les raids aériens ont été suivis des accords de Dayton, un règlement fragile dont 1 300 militaires canadiens surveillent l'application jusqu'à ce jour.
Kofi Annan, le secrétaire généralde l'ONU, a fait une déclaration qui approuve l'action militaire. Si l'Ouest s'est décidé tardivement à passer à l'action, il est important qu'il le fasse maintenant.
Comme certains d'entre nous l'ont appris, la plus grande leçon de ce siècle est que si l'agresseur est apaisé, son appétit continue de croître. Bien que le leadership ait fait défaut en cette matière, l'OTAN doit agir maintenant.
Mais ce n'est pas une question simple. Le Kosovo est une province de Yougoslavie. Cette dernière est dirigée par Milosevic. Faut-il être favorable à l'indépendance du Kosovo en ce moment? C'est un exemple classique de la manière de ne pas agir dans le cas des minorités ethniques, mais il n'en reste pas moins que le dilemme est entre l'autodétermination et la préservation de l'intégrité des États.
Si seulement il suffisait de citer en exemple le Canada où deux peuples distincts peuvent vivre ensemble, parfois avec un peu d'acrimonie, mais généralement avec amour et respect pour l'autre partie. Si Milosevic pouvait entendre raison, comme la population du Québec ou celle de l'Alberta, les Balkans seraient un endroit beaucoup plus sûr.
Mais, M. Milosevic n'est pas un homme raisonnable. Tout le monde reconnaît en lui un tyran meurtrier qu'il faudrait traiter avec la dureté qu'il mérite. L'OTAN a démontré qu'elle était la seule force susceptible d'agir en ce moment.
Le gouvernement parle de prendre des mesures. Si ces mesures ne consistent pas à aider nos alliés au sein de l'OTAN qui vont employer de la force, mon parti devra se désolidariser du gouvernement.
Le Canada a six appareils CF-18 à la base aérienne d'Aviano, en Italie. Il faut les utiliser. Je ne connais aucune raison qui pourrait empêcher le Canada de participer à des missions de couverture aérienne. S'il y en a, le ministre devrait nous les donner tout de suite. Naturellement, il y a des risques et le gouvernement doit faire tout son possible pour sensibiliser les Canadiens à ces risques.
D'abord, les CF-18 survoleraient un territoire hostile. Les forces de Milosevic ne sont pas négligeables. Il a quatre brigades et il tentera d'abattre les avions de l'OTAN. Il y a un risque, mais c'est un risque que le Canada doit prendre.
Deuxièmement, Milosevic a laissé entendre qui se livrerait à des représailles contre les troupes de l'OTAN partout où il le pourra, et notamment en Bosnie. Comme je l'ai dit plus tôt, le Canada a 1 300 militaires en Bosnie. Je les ai visités au printemps dernier et ils sont certainement à la hauteur, mais ils seront en danger. Ils seront menacés, et c'est un risque. Le gouvernement doit mettre la population canadienne au courant de ce danger. Celle-ci doit savoir que le Canada participera aux opérations.
Troisièmement, après les bombardements il faudra peut-être occuper le terrain. Le secrétaire d'État américain à la Défense, M. Cohen, disait hier à Washington que ce serait peut-être nécessaire. Il disait que, dans ce cas, seules des troupes européennes seraient utilisées. Le Canada a besoin de savoir si l'on s'est entendu à ce sujet et quel rôle exactement il jouera après les bombardements initiaux.
Il y a d'autres facteurs. Il y a le facteur russe. Comme la Chambre le sait, les Russes sont ethniquement et religieusement apparentés aux Serbes. Ils nous ont dit qu'ils étaient contre un raid par l'OTAN. C'est regrettable, mais malheureusement, l'OTAN devra se passer de leur approbation. Espérons qu'ils se rangeront du côté de l'OTAN une fois qu'ils auront saisi l'urgence de la situation.
Un autre facteur que je dois mentionner, c'est le facteur Clinton. Le président est affaibli par l'enquête légitime dont il fait l'objet en vertu de la Constitution américaine. De l'avis de mon parti, il est important à ce stade que nos alliés de l'OTAN fassent plus que jamais preuve de solidarité.
Même si le leadership des États-Unis est indispensable, si le Canada est déterminé et joue son rôle comme il le devrait, le monde se rendra compte que l'OTAN continue d'être le plus bel exemple de sécurité collective de tous les temps. Et si la crise au Kosovo est une crise humanitaire, c'est aussi une opération militaire.
La Bosnie a prouvé que l'OTAN était la seule force crédible que respectera Milosevic.
En ce moment où le ministre des Affaires étrangères, qui ne comprend rien au monde, dit que le Canada montre l'exemple en demandant le désarmement nucléaire complet, une politique qui aurait valu à notre pays de se voir expulser de l'OTAN, il est temps que le gouvernement, le ministre de la Défense soient sérieux à propos du Canada et du monde et se montrent à la hauteur de sa réputation.
Le Canada doit jouer un rôle de responsabilité. Il doit se rendre compte que l'OTAN est la seule organisation qui peut faire une différence et agir avec ses alliés.
Mon parti soutiendra le gouvernement si le gouvernement soutient nos soldats.
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Madame la Présidente, avant d'aborder le sujet de ce soir, je voudrais aviser la Chambre que je reviens tout juste d'un service commémoratif, tenu à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, à la mémoire des victimes du tragique écrasement d'hélicoptère qui est survenu vendredi dernier et qui a coûté la vie à six personnes. Tous les députés, présents ou non, voudront sûrement se joindre à moi pour offrir leurs condoléances aux familles de ces braves Canadiens.
Les tristes événements de vendredi dernier nous rappellent la grande contribution des hommes et des femmes membres des Forces armées canadiennes.
Il arrive parfois que la paix et la sécurité internationales de même que le respect des droits de la personne soient menacés; il faut alors agir. Le Canada a toujours considéré ces causes fort louables et les Forces armées canadiennes ont à l'occasion été appelées à se faire l'instrument de notre détermination.
Nous vivons aujourd'hui un de ces moments cruciaux. Le conflit à Kosovo représente une grave menace à la paix et à la stabilité internationale et mine l'un de nos principaux principes, le respect des droits à la personne. Voilà pourquoi je me joins à mon collègue, le ministre des Affaires étrangères qui est intervenu un peu plus tôt, pour appuyer la participation du Canada à des opérations menées de concert avec nos alliés de l'OTAN, si une telle intervention est jugée nécessaire.
La participation du Canada à une mission au Kosovo, aux côtés de nos alliés, correspond en tout point à la position que nous avons toujours adoptée lorsque la sécurité internationale et les droits de la personne étaient menacés. Nous avons toujours accepté de nous joindre à la communauté internationale pour faire disparaître les menaces à la stabilité et à la paix.
[Français]
C'est pour toutes ces raisons que nous comptons parmi les membres fondateurs de l'OTAN. Les hommes et les femmes des Forces canadiennes participent aux opérations que l'OTAN mène en temps de paix depuis plus de 50 ans.
[Traduction]
Nous y participons depuis le premier jour. Si l'alliance à laquelle nous appartenons prend part à une opération destinée à promouvoir la paix et la stabilité et à restaurer les droits de la personne, le Canada devrait faire sa part.
Cette disposition à répondre à l'appel remonte à la naissance du Canada en tant qu'État. Nous sommes allés en Europe en 1914 pour participer au rétablissement de la paix sur ce continent. Nous y sommes retournés en 1939 pour les mêmes raisons. Au début de la guerre froide, les forces canadiennes sont allées en Corée pour préserver la paix. Elles l'ont fait pour les mêmes raisons que nous, nous avons combattu à deux reprises en Europe.
Environ six ans plus tard, le premier ministre Pearson a fait don au monde d'une idée toute simple mais ô combien puissante: les forces militaires de la communauté internationale devraient servir au maintien de la paix entre les parties en conflit. L'histoire peut en témoigner, l'idée a eu un succès certain.
À l'exception d'un tout petit nombre, les missions de maintien de la paix des Nations Unies ont toujours bénéficié de la présence d'hommes et de femmes des forces canadiennes.
Pour le Canada, au nombre des principes fondamentaux qui régissent nos politiques étrangère et de défense il y en a deux qui s'inscrivent dans le concept introduit par M. Pearson. Premièrement, la promotion de la paix et de la stabilité dans le monde est de la plus haute importance pour le Canada. Deuxièmement, la promotion de cette stabilité est mieux assurée collectivement car cela démontre clairement la volonté de la communauté internationale.
Pour ces raisons, il peut arriver que le Canada se trouve de temps à autre dans l'obligation d'engager ses ressources militaires en vue de protéger les intérêts et les valeurs chers aux Canadiens, et notre bilan dans ce domaine est éloquent à souhait.
Il ne faudrait pas oublier que le concept de maintien de la paix du premier ministre Pearson ne se limitait pas à fournir des soldats une fois que les combats étaient terminés. Il a clairement compris qu'il fallait parfois employer la force militaire non pas simplement pour assurer le maintien de la paix, mais pour créer les conditions dans lesquelles la paix peut être rétablie. La présente décennie nous a donné plusieurs exemples de pareilles circonstances.
En Bosnie, l'OTAN a dû employer une force sélective pour établir les conditions favorables à la paix et à la stabilité.
Lorsque Saddam Hussein a envahi le Koweït, la communauté internationale a dû recourir de nouveau à ses ressources militaires. Nous étions présents avec nos alliés. Nous sommes retournés récemment dans le golfe pour faire pression sur l'Irak afin qu'il se conforme aux opérations d'inspection des armements par les Nations Unies.
Dans ce cas-là, Kofi Annan s'est rendu en Irak pour tâcher d'obtenir par des moyens diplomatiques que Saddam Hussein se conforme à ses obligations. Kofi Annan a réussi, mais comme il le disait depuis Baghdad à la fin des entretiens, et il vaut la peine de réfléchir à ses paroles: «On peut accomplir beaucoup plus par des moyens diplomatiques quand ils s'appuient sur la fermeté et sur la force.»
Le Canada a joué un rôle actif dans la région troublée des Balkans depuis 1991, lorsque la guerre a éclaté. Nous avons d'abord participé à la mission d'observation de la Communauté européenne et ensuite à la FORPRONU, de 1992 à 1995. Au fil des années, des milliers de membres des Forces canadiennes ont fait sentir la présence du Canada.
Le Canada demeure en Bosnie sous l'égide de la SFOR, dans le cadre de notre engagement de longue date à assurer la sécurité dans cette région. À l'heure actuelle, nous comptons près de 1 300 militaires canadiens en Bosnie-Herzégovine. Ils sont appuyés par un escadron de six CF-18 opérant à partir d'Aviano, en Italie, lesquels ont pour rôle d'aider à faire respecter les zones d'exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie et de participer aux opérations aériennes sous l'égide de l'OTAN destinées à démontrer notre détermination concernant le Kosovo.
Lors du dernier débat à la Chambre sur la reconduction de notre participation à la SFOR, les députés sont intervenus les uns après les autres pour reconnaître que le Canada devait faire sa part pour préserver la paix résultant de l'intervention de l'OTAN en Bosnie. Nous avons reconnu que notre travail n'était pas terminé dans cette importante région du monde. Cela était une bonne chose, car l'intérêt que nous portons à la stabilité en Europe n'est pas purement altruiste. N'oublions pas que plus de 100 000 militaires qui ont servi dans les Forces canadiennes reposent en sol européen. Voilà qui nous rappelle l'importance que nous accordons à la paix et à la stabilité en Europe.
Durant plusieurs mois au Kosovo, nous avons été confrontés aux problèmes de la violence, de la purification ethnique et du déplacement de milliers et de milliers de réfugiés. Nous avons été de nouveau confrontés ces derniers jours au meurtre de sang froid de civils innocents. La brutalité avec laquelle les autorités yougoslaves traitent les Kosovars est inacceptable. Nous déplorons également les abus que commet l'Armée de libération du Kosovo, l'UCK. Il faut également exercer des pressions sur les Albanais du Kosovo pour qu'ils participent aux négociations de bonne foi.
Cependant, les pressions diplomatiques risquent d'être insuffisantes. Plus tôt cette année, l'OTAN a envoyé des avions dans cette région pour montrer la détermination des pays membres dans ce conflit. Nous l'avons fait en usant de la diplomatie appuyée par la force. Le Canada a renforcé sa contribution de longue date dans cette région de l'Europe en y envoyant six avions CF-18.
Les Forces canadiennes sont aptes et prêtes à participer à des missions dirigées par l'OTAN, si ces missions étaient jugées nécessaires. Notre contribution aux missions en ex-Yougoslavie et notre récent déploiement de troupes en République centrafricaine et dans le Golfe montrent clairement que nos forces sont prêtes et aptes au combat.
[Français]
Naturellement, le Canada préférerait une solution diplomatique. Par tradition, nous avons toujours fait appel à la raison et avons essayé de rétablir la paix sans recourir à la force, et sans même menacer d'y recourir.
[Traduction]
Nous n'avons pas l'habitude de battre en retraite devant l'intransigeance. Notre liberté et notre respect de la dignité des personnes de toutes origines ethniques et religieuses ne signifient plus grand-chose si nous refusons de défendre ces principes lorsqu'ils sont bafoués. S'il y a lieu, le Canada doit être prêt à intervenir, de concert avec ses alliés de l'OTAN.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Madame la Présidente, le ministre dit que nous serons prêts, mais s'il y avait des frappes aériennes de l'OTAN, y participerions-nous activement? Si oui, préparons-nous déjà nos troupes installées dans d'autres régions de la Bosnie en prévision des représailles qui seront probablement exercées?
Il aurait été utile de tenir une réunion d'information à l'intention de tous les partis avant ce débat, pour que nous arrivions un peu mieux préparés. C'est ce qu'on a fait la dernière fois et j'aurais apprécié que nous fassions de même cette fois-ci. J'espère que nous pourrons compter sur de telles séances d'information en cours de route, au fil de l'évolution de ce dossier.
L'hon. Arthur C. Eggleton: Madame la Présidente, pour ce qui est de la réunion d'information pour tous les partis, je rappelle au député que les événements se sont succédés très rapidement. On a fait tous les efforts possibles. Mon collègue le ministre des Affaires étrangères a passé beaucoup de temps à essayer d'obtenir une solution diplomatique à ce problème. Il s'est récemment rendu aux Nations Unies dans ce but. C'était l'objectif premier aux yeux du gouvernement. On a donc fait tous les efforts possibles pour parvenir à une solution diplomatique.
Le temps file et l'hiver approche. Des populations ont été déplacées. Des réfugiés risquent de mourir de faim ou de froid au cours de l'hiver. Nous devons donc agir très rapidement.
Toutes les questions discutées ici, et les difficultés rencontrées dans nos efforts pour obtenir l'appui du Conseil de sécurité afin que des mesures supplémentaires soient prises au besoin, ont été traitées quotidiennement dans les médias. Je crois que nous avons une excellente idée des questions en cause.
Notre débat exploratoire nous donne la possibilité d'entendre les différents points de vue sur notre participation et la question des précédents qui seraient établis s'il n'y avait pas de nouvelle résolution du Conseil de sécurité et si l'OTAN décidait de prendre des mesures.
Dans ce dernier cas, nous avons des ressources militaires déjà dans la région qui pourraient être rendues disponibles si le gouvernement le décidait. Nous voulons obtenir des avis avant de prendre une décision et c'est pourquoi nous avons le débat de ce soir. Nous pourrions mettre six avions CF-18 et un avion-citerne Hercules à la disposition de la force de l'OTAN. Nous avons eu des discussions à cet égard avec le Commandant suprême des Forces alliées en Europe. Lorsque le gouvernement et l'OTAN auront pris une décision finale, nos avions et notre personnel pourront participer à l'opération.
Je le répète, si nos alliés de l'OTAN lancent une opération, s'il faut intervenir, si nous ne pouvons pas parvenir à une solution par les voies diplomatiques, le Canada devra être aux côtés de ses alliés.
Quant à la question des troupes terrestres, elle est examinée activement en ce moment. Il est fort probable que ces troupes seront nécessaires, mais les plans ne sont pas encore arrêtés. Les autorités militaires de l'OTAN examinent toutes les possibilités, la taille de la force d'intervention et les endroits où des opérations pourraient avoir lieu sur le terrain. Je m'attends à ce que l'on nous demande de participer à une mission terrestre s'il y en a une aussi, mais une telle mission n'en est qu'aux premiers stades d'élaboration. Pour le moment, deux avis d'activation ont été donnés par l'OTAN. Le premier avait trait à la possibilité d'une frappe aérienne limitée. L'autre portait sur une mission aérienne par phases successives. Si la première option ne fonctionne pas, il est possible qu'une mission aérienne par phases successives accélérées soit lancée.
Je répète que nous espérons une solution diplomatique, mais nous connaissons M. Milosevic pour l'avoir vu agir en Bosnie. Nous savons que les frappes aériennes ont permis de l'amener à la table des négociations. Comme le député l'a dit tout à l'heure, cela a conduit à l'Accord de Dayton. Si nous devons recourir aux frappes aériennes pour l'amener à négocier, et si le gouvernement du Canada et l'OTAN en décident ainsi, nos avions et notre personnel seront disponibles.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Madame la Présidente, je veux tout d'abord remercier le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères des observations qu'ils ont faites ce soir. Je tiens à dire que j'appuie les positions qu'ils ont exposées. Je suis en faveur du recours à une intervention militaire. Comme le ministre l'a expliqué, de même que quelqu'un d'autre avant lui, la seule chose qui permettra à M. Milosevic d'entendre raison, c'est un coup de bâton sur la tête.
Je voudrais faire part de quelques observations et de certaines préoccupations. Je sais qu'il est très difficile d'obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU. Comme chacun le sait, la Russie et la Chine risquent fort d'exercer leur droit de veto. Il faudra peut-être agir en s'appuyant sur une résolution actuelle du conseil de sécurité ou finir par s'en remettre à l'OTAN, mais nous devrons laisser cela suivre son cours. J'appuie la participation du Canada et la mise à contribution des militaires canadiens. Nous avons un rôle à jouer.
D'entrée de jeu, on peut se demander ce qui justifie la présence du Canada là-bas. Il faut dire, tout d'abord, que nous avons été témoins du massacre de milliers d'innocents. Nous avons vu entre 250 000 et 300 000 personnes chassées de leur maison. Nous avons vu des villages entiers incendiés. C'est tout à fait inacceptable pour une nation civilisée comme la nôtre. Je pense que nous avons le devoir d'intervenir. Je ne sais pas si les mots suffisent pour décrire la gravité de la situation là-bas. Je reviens de Strasbourg où se sont tenues les réunions interparlementaires Canada-Europe. Il y a eu là-bas un débat d'urgence sur cette question. J'ai eu l'occasion de parler à bon nombre de mes collègues de la Communauté européenne. Ils ont dit exactement ce que je viens de dire à la Chambre.
C'est le sentiment que j'ai eu après m'être entretenu avec certaines personnes. Je vais lire quelques phrases tirées d'un article que Gwynne Dyer a écrit le 4 octobre dernier; c'est donc tout à fait d'actualité. Il donnera le ton. Je ne peux pas en lire une grande partie, car cela devient même inacceptable de lire de telles choses à la Chambre. «Ils ont déshabillé une femme et lui ont coupé les oreilles, le nez et les doigts, raconte un fermier qui, de sa cachette, a vu la police serbe massacrer 18 membres d'une même famille, âgés de 18 mois à 95 ans.»
Je n'ai pas pu continuer à lire cet article car c'était de pire en pire. Ça me retourne l'estomac d'apprendre ce qui se passe là-bas, de savoir que c'est M. Milosevic qui a donné l'ordre à ses troupes de commettre ces exactions. Elles ont brûlé des villages entiers.
Nous avons entendu le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires étrangères raconter que tout le long de la route, il avait vu des tombes et des villages entiers qui avaient été incendiés.
Je pense que le Canada a le devoir de participer. Ce genre de purification ethnique n'est pas différent de l'holocauste, pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est inacceptable. Je pense que M. Milosevic a eu tout le temps de respecter les résolutions des Nations Unies, mais qu'il a choisi de ne pas le faire.
Peut-être que je le juge mal, mais je ne partage pas l'optimisme du ministre de la Défense qui a dit que notre objectif est de parvenir à une résolution pacifique. Je crois honnêtement que c'est ce qu'il voudrait, mais je ne pense pas que ce soit possible avec l'homme avec lequel nous avons affaire. Il est probablement d'accord avec moi là-dessus. Je pense que le Canada et le reste du monde ont été plus que patients avec M. Milosevic et nous devons maintenant passer à l'action car le massacre de milliers d'innocents, où que ce soit, et à quelque époque que ce soit, est tout simplement inacceptable.
Supposons que nous nous allions de l'avant. Je suis en faveur d'une telle action, que ce soit sous l'égide de l'OTAN, en vertu d'un accord de sécurité de l'ONU ou d'un accord déjà existant. Que se passera-t-il ensuite? Nous savons que des centaines de milliers de familles et de particuliers ont pris refuge dans les collines. Comme le ministre l'a fait remarquer, l'hiver s'en vient à grands pas. Il y a 300 000 personnes sans abri.
Je crois que nous devons être prêts, en tant que pays, à prendre un engagement, que ce soit avec les Nations Unies ou avec l'OTAN. Il faudra ensuite assurer un suivi. Oui, des frappes aériennes sont nécessaires. Je ne suis même pas certain que nous voulions ramener Milosevic à la table de négociation. Il serait peut-être plus simple de se débarrasser de lui. Je ne suis pas certain que nous puissions raisonner avec un homme comme lui.
Le point que je veux faire ressortir, c'est que, en tant que pays, nous devons prendre un engagement à long terme pour que les mesures que nous prenons maintenant ne soient pas temporaires, pour qu'il y ait un plan d'ensemble, pour que nous ayons un objectif à atteindre. C'est une situation très difficile. Les Serbes ne sont pas prêts à laisser aller la province du Kosovo pour toutes sortes de raisons. Pourtant, la population de cette province est albanaise à 90 p. 100. Je crois que nous sommes là pour longtemps et j'espère que nous ferons partie d'une force de l'ONU qui sera présente dans cette région pour assurer la sécurité des habitants.
J'espère que cette province pourra devenir une république séparée de la Serbie. Certains de mes collègues ne sont peut-être pas d'accord avec moi sur ce point. Nous avons eu un débat intéressant. Certains ont dit qu'ils ne pensaient pas que c'était possible, que cette région ne pourra jamais accéder à l'indépendance, mais qu'elle devra plutôt demeurer une région autonome de la Serbie, comme elle l'était avant 1990.
Ce sont là des débats fascinants lorsqu'on regarde tous les détails. Toutefois je crois que, au bout du compte, je serai prêt à offrir mon appui aux deux ministres qui étaient présents ici ce soir. J'espère que le Canada prendra un engagement à long terme en vue de trouver une solution permanente à ce conflit. Je suis très heureux d'avoir participé à ce débat et de voir que tout le monde s'intéresse à la crise au Kosovo et cherche une solution dans un avenir rapproché.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Madame la Présidente, le gouvernement a présenté ce soir une motion adéquate, qui tombe à point nommé.
Tous les députés qui ont pris la parole avant moi ont appuyé la motion du ministre des Affaires étrangères, qui lance un appel en vue de résoudre le conflit, favoriser un règlement politique pour le Kosovo et faciliter la fourniture d'aide humanitaire aux réfugiés.
Le Kosovo présente une situation très complexe, à la fois pour des raisons historiques et symboliques. C'est ici que j'ai appris qu'en 1389 les Serbes ont livré la bataille du Kosovo polie, c'est-à-dire le lieu où a été livrée la bataille du Kosovo contre les Turcs. C'est au Kosovo que l'Église de Serbie a vu le jour. Le Kosovo incarne pour les Serbes des valeurs symboliques puisqu'il est leur territoire religieux, leur Terre sainte ou son équivalent.
Toutefois, il convient également de signaler, dans ce contexte, que bien que les Serbes prétendent être des membres civilisés de la communauté mondiale, ils ont lamentablement manqué d'en faire la preuve. Depuis des semaines et des mois, nous sommes témoins d'une situation qui ne peut nous laisser indifférents, et cela en dépit des distances et de l'océan qui nos séparent de l'Europe. La souffrance est immense, les atrocités insupportables et les crimes commis impardonnables.
Notre appartenance à l'espèce humaine nous commande de résoudre ce conflit et de trouver des solutions pour le faire. Nous devons exercer des pressions en faveur d'un règlement politique. Nous devons fournir une aide humanitaire aux quelque 300 000 personnes déplacées et aux 30 000 réfugiés.
Plusieurs députés ont parlé d'une intervention de l'OTAN. J'espère que nous ne pousserons pas la naïveté jusqu'à croire que des frappes aériennes de l'OTAN régleraient le problème. Elles auraient tout simplement pour effet de raffermir les Serbes dans une position déjà rigide et inacceptable. Il faudrait alors, comme première étape nécessaire, envoyer des forces terrestres de l'OTAN pour protéger l'ensemble de la population civile.
Nous ne nous faisons aucune illusion dans ce contexte. Les troupes envoyées pour protéger la population seraient peut-être obligées de rester en place pendant des années. Le Kosovo pourrait devenir une autre Chypre et la présence de troupes, qu'elles soient de l'OTAN ou des Nations Unies, pourrait devenir nécessaire pendant des décennies.
Le conseil de l'Europe, où le Parlement canadien possède, par le truchement de l'Association parlementaire Canada-Europe, un statut d'observateur, a produit un rapport politique rédigé par Andras Bargony, de la Hongrie. Le rapport s'intitule «La crise au Kosovo et la situation dans la République fédérale de Yougoslavie». Les recommandations du rapport adopté il y a deux semaines par l'Assemblée du conseil de l'Europe comprennent notamment les éléments suivants, jugés essentiels par les parlementaires européens pour parvenir à une solution pacifique durable de la crise.
Le premier élément en est de garantir la sécurité de tous les gens vivant au Kosovo par le retrait des forces de sécurité serbes, le désarmement des groupes armés albanais et le déploiement d'une force de paix internationale.
Le second est d'accorder au Kosovo un nouveau statut politique basé sur une plus grande autonomie à l'intérieur de la fédération yougoslave, en fonction des prérogatives dont la province jouissait aux termes de la Constitution de 1974 de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, qu'on adapterait bien entendu à la nouvelle situation et qu'on élargirait au besoin.
Troisièmement, ce statut prévoirait la plus forte autonomie possible pour le Kosovo sur les plans législatif, exécutif et judiciaire et en ce qui concerne l'ordre public, l'économie, l'éducation et la culture en respectant les droits des Serbes et des autres minorités vivant au Kosovo. Enfin, on prévoirait la participation directe des représentants du Kosovo au sein des institutions fédérales, en plus de procéder également à des réformes démocratiques.
Le quatrième élément consiste à donner des garanties internationales garantissant le respect de toute entente future et empêchant toute tentative de retour au statu quo ou de sécession.
Le dernier élément consiste à mettre en oeuvre des réformes démocratiques par l'entremise de la République fédérative de Yougoslavie, à garantir le respect complet des normes du Conseil de l'Europe au sujet du fonctionnement d'un système politique démocratique, la primauté du droit et la protection des droits de la personne et des droits des minorités nationales, notamment au Kosovo, au Sandjak et dans la Vojvodine.
Il me semble que ce sont des propositions tout à fait sensées faites par le Conseil de l'Europe, par l'assemblée et par nos collègues européens. L'assemblée a également jugé qu'en l'absence d'une position claire et sans équivoque de la communauté internationale, les pressions politiques et militaires exercées sur les deux parties pour qu'elles négocient ne donneraient pas grand résultat.
C'est pourquoi, il semble qu'une position claire et non équivoque de la communauté internationale soit nécessaire de toute urgence. Le statut futur du Kosovo doit être une priorité pour la communauté internationale. C'est tout à fait clair maintenant. La participation de toutes les parties intéressées, qu'il s'agisse des gouvernements ou des organismes internationaux concernés, est essentielle.
Je suis persuadé que tout le monde reconnaîtra ce soir que nous ne devons pas abandonner à leur sort les habitants du Kosovo. Nous devons prouver que la communauté internationale peut intervenir pour des motifs humanitaires. Il est plus que temps que nous le fassions.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Madame la Présidente, au moment où, à la Chambre, nous discutons paisiblement de problèmes internationaux, où nous avons la chance de nous exprimer librement dans la paix, la confiance et le respect de nos institutions et la sécurité des foyers de nos familles, au même moment, dans une autre partie du monde, il y a des gens qui meurent, qui sont martyrisés, qui sont bafoués, qui voient leurs enfants se faire violer et des familles être disséminées, sans lueur d'espoir que ce conflit puisse se régler rapidement.
Dans cette autre partie du monde, il y a des gens qui, parce qu'ils ont eu l'idée d'être autonomes, parce qu'ils ont voulu se diriger eux-mêmes, parce qu'ils ont voulu posséder leurs propres institutions, voient un président sanguinaire, n'étant pas du même avis, leur faire aujourd'hui la vie dure et faire en sorte qu'ils n'ont plus aucune dignité humaine.
Aujourd'hui, on se demande ce que l'on peut faire ou ce que l'on doit faire pour aider ces gens du Kosovo, ces albanophones qui sont maltraités. L'hiver dernier, nous avons vécu, dans certaines parties du Canada et au Québec entre autres, des situations graves où une intervention pour des raisons humanitaires était justifiée. Des gens, qui se voyaient obligés de quitter leur foyer temporairement et de loger à d'autres endroits que ceux qu'ils connaissaient habituellement, se trouvaient dans des situations où ils avaient besoin d'aide.
Si, à ce moment-là, on avait connu des moyens d'arrêter le vent, la pluie, la tempête et le verglas, tous les citoyens du Québec et du Canada auraient été unanimes à dire que oui, il faut utiliser le moyen connu pour arrêter les effets de la nature qui deviennent néfastes pour une période de quelques jours ou de quelques semaines. Tous auraient été unanimes pour qu'on prenne les grands moyens pour y arriver, afin d'éviter à quelques enfants et à quelques familles de notre population une situation désagréable pendant quelques semaines où leur vie n'était pas en danger.
Si nous avons tout mis en ordre pour tâcher de réduire les conséquences des effets de la nature chez nous, comment ne pourrions-nous pas, aujourd'hui, être d'accord pour que le gouvernement du Canada prenne les mesures nécessaires pour venir en aide à des gens qui sont 100 fois et 1 000 fois plus dans la misère que celle que nous avons connue?
Nos inondations et notre verglas sont des peccadilles et des événements anodins comparativement à ce qui se passe présentement en Yougoslavie et au Kosovo. Ces gens-là seront marqués non seulement pour leur vie, mais pour celle de quelques générations à venir. Nous avons les moyens d'aider à résoudre cette situation de façon urgente. Peut-être même avons-nous trop attendu jusqu'à maintenant.
La motion du gouvernement veut que l'on prenne les mesures parce que l'on constate que la voie diplomatique n'a pas réussi. Mais, pendant que nos diplomates discutaient, des gens étaient délogés de leur village, des gens étaient bannis de leurs maisons. Ils se voyaient obligés de se réfugier dans les montagnes et dans les forêts, parfois sans leurs enfants. Parfois, ce sont des enfants qui devaient fuir, qui cherchaient un abri parce qu'ils n'avaient plus de parents, de père ou de mère. Parfois même, à ces enfants qui fuyaient, il leur manquait un membre. Ce sont des orphelins.
Si nous pouvions vivre, ne serait-ce qu'une demi-journée, le désastre humain de ces victimes de la domination humaine de la part d'une autre personne, nous n'aurions pas besoin d'un débat d'une soirée complète à la Chambre des communes pour décider que les Canadiens et les Québécois sont d'accord pour aller aider une population démunie devant un adversaire, encore une fois sanguinaire, qui n'a d'aucune façon pu entendre raison jusqu'à maintenant.
Je serais moi-même contre la politique du oeil pour oeil, dent pour dent. Toutefois, ce dont il s'agit ici, ce n'est pas d'attaquer quelqu'un qu'on n'aime pas, c'est d'empêcher cet attaquant de poursuivre son action inhumaine contre des populations sans défense.
Il s'agit ici de donner à cette population sans défense les moyens de se protéger contre un agresseur sans merci. Ce n'est pas du «oeil pour oeil, dent pour dent», c'est de la légitime défense. Il s'agit de se prémunir, de se protéger contre l'envahisseur qui ne veut entendre raison d'aucune façon.
Même la pression internationale n'a pas suffi à M. Milosevic pour comprendre que son geste faisait l'objet d'une désapprobation presque planétaire, à l'exception de quelques pays qui ne l'ont pas encore désapprouvé, mais qui s'expriment du bout des lèvres.
Le Canada ne doit pas hésiter. Nous devons offrir nos modestes moyens. Nous n'avons pas la puissance des États-Unis, bien sûr, mais nous sommes un pays dont les moyens militaires, dont la force d'intervention humanitaire est grandement développée et peut nous permettre de jouer notre rôle dans le monde, de remplir nos obligations face aux autres pays, de respecter nos ententes d'aide humanitaire.
Nous devons faire aujourd'hui ce que nous aimerions qu'il nous soit fait dans un an, dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans, si le peuple canadien ou le peuple du Québec était attaqué par d'autres dictateurs de cette espèce qui voulaient dominer, parce que des gens décidaient, un bon matin, d'être autonomes et d'avoir leurs institutions.
On leur a tout enlevé, à ces gens. On leur a enlevé leurs institutions. On leur a enlevé leur droit de pratique religieuse. On leur a enlevé leurs universités. On leur a enlevé leurs journaux. On leur a enlevé leurs stations de radio. On leur a enlevé tous les moyens de s'exprimer. On leur a enlevé le moyen d'être eux-mêmes. C'est la justification du dictateur sanguinaire qui veut aujourd'hui assujettir ces populations. C'est pour cette raison qu'on veut poursuivre ces gens-là jusque dans leur foyer, jusque dans leur chambre à coucher, jusque dans leur union conjugale.
C'est un geste sauvage. C'est un geste inadmissible dont le Canada ne doit pas se rendre complice. Je suis sûr que le Canada doit prendre les mesures nécessaires préconisées dans la motion d'aujourd'hui.
Je suis sûr que tous les Canadiens et tous les Québécois seront d'accord pour que nos représentants, ceux qui peuvent nous représenter dans ce pays, agissent de telle sorte que cesse ce massacre et que la paix revienne au Kosovo.
M. Robert Bertrand (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, Lib.): Madame la Présidente, c'est pour moi un honneur de prendre la parole à la Chambre des communes et de me prononcer en faveur de la participation du Canada à une intervention éventuelle de l'OTAN au Kosovo.
Il y a plusieurs excellentes raisons pour lesquelles le Canada se doit de participer à une telle intervention.
Premièrement, comme l'ensemble de la Communauté internationale, le Canada est très inquiet du climat de violence et de violation des droits de la personne qui continue de sévir au Kosovo. Nous sommes horrifiés par le massacre récent d'au moins 14 civils. Nous tenons les autorités yougoslaves, dont le président Milosevic, directement responsables de la situation actuelle au Kosovo.
Le refus de la République yougoslave de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie constitue une grave violation de ses obligations internationales. En outre, le nombre de personnes déplacées, c'est-à-dire chassées brutalement de leurs foyers, s'élèvent désormais à plus de 280 000.
Notre pays, qui possède une longue et fière tradition de promotion du respect de la vie et de la dignité humaine à travers le monde, ne peut rester indifférent face à de tels abus et à de telles atrocités. Le temps est venu d'agir au Kosovo.
Deuxièmement, à titre de loyaux membres de l'OTAN, nous estimons qu'il est de notre devoir de continuer à appuyer sans réserve les efforts de nos alliés et de la Communauté internationale pour prévenir une catastrophe dans cette région déjà si éprouvée.
Troisièmement, une telle participation serait conforme à notre engagement envers le principe de la sécurité collective. Elle s'inscrirait dans la ligne de notre politique étrangère et de notre politique de défense.
Quatrièmement, cette participation constituerait une suite logique à nos engagements précédents dans les Balkans.
En effet, depuis 1991, nous participons aux efforts de la Communauté internationale en vue d'arrêter la violence et le massacre d'innocentes vies et de rétablir la paix dans cette région, que ce soit sous l'égide des Nations unies ou de l'OTAN. Depuis la signature de l'Accord de Dayton, nous exerçons un rôle important dans les mesures prises par l'OTAN afin de rétablir la stabilité en Bosnie-Herzégovine.
À l'heure actuelle, six de nos CF-18 sont stationnés à Aviano, en Italie, où ils soutiennent les effectifs au sol de la force de stabilisation en Bosnie. Ces aéronefs participent aux efforts qui visent à faire respecter la zone d'exclusion aérienne de l'OTAN au-dessus de ces territoires, ainsi qu'à des exercices du Partenariat pour la paix de l'OTAN dans cette région.
L'adoption de la Résolution 1199 par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 23 septembre dernier, prouve le sérieux et la gravité avec lesquels la Communauté internationale considère la situation.
Le Canada en appelle aux parties au conflit pour qu'elles remplissent leurs obligations conformément à cette Résolution et, en particulier, en ce qui concerne un accord de cessez-le-feu, la prise de mesures destinées à résoudre la crise humanitaire, ainsi que la négociation d'une solution pacifique.
L'OTAN élabore actuellement des plans en prévision d'une gamme d'interventions possibles au Kosovo. Elle a commencé à inventorier les ressources que les pays membres de l'Alliance pourraient mettre à contribution, si jamais la décision était prise de lancer une opération militaire.
Par rapport au Kosovo, aucune décision d'intervention armée n'a encore été prise par les membres de l'Alliance. Toutefois, si l'OTAN optait pour une intervention militaire, le Canada devrait y participer.
Si je me prononce avec une conviction profonde en faveur d'une participation du Canada à une intervention éventuelle de l'OTAN au Kosovo, c'est pour deux principales raisons. D'abord, parce que j'ai été personnellement témoin des horreurs que recouvre le terme antiseptique de «nettoyage ethnique». Ensuite, parce que j'ai pu constater de mes propres yeux les résultats positifs de la présence des Forces canadiennes en Bosnie, ainsi que le travail exceptionnel accompli par nos militaires dans le cadre de la Force de stabilisation de l'OTAN.
En effet, en ma qualité de président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, en novembre dernier, j'ai eu le privilège de diriger une délégation de huit membres des Comités de la défense et des affaires étrangères lors d'une visite en Bosnie.
Nous avons constaté la contribution du Canada à la mise en oeuvre de la politique d'édification de paix en Bosnie et en Herzégovine. Le maintien de la paix était assuré grâce à notre participation militaire à la Force de stabilisation dirigée par l'OTAN. Nous avons visité des projets de reconstruction qui avaient été réalisés avec l'aide d'organisations canadiennes non gouvernementales et des Forces canadiennes.
On me permettra d'ouvrir ici une parenthèse pour rappeler à mes collègues que le Canada poursuit sa participation dans la région. En effet, depuis le mois de mars, le Canada a contribué 430 000 $ à l'UNICEF au titre des mesures d'urgence, 435 000 $ au Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies et 400 000 $ à la Croix-Rouge pour l'aide aux réfugiés.
Lors de notre voyage d'étude, en novembre dernier, nous avons vu des initiatives de démocratisation menées en collaboration avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le Groupe international de police et beaucoup d'autres organismes. En nous basant sur tout ce que nous avons vu, nous avons conclu que des progrès considérables avaient été accomplis en Bosnie depuis la signature de l'Accord de Dayton.
Nous avons été fiers d'apprendre et de voir de nos propres yeux que le Canada avait joué un rôle majeur à l'égard des aspects militaires et civils de cet accord de paix, et tous les membres de notre groupe étaient d'avis que le Canada devait continuer de participer à cette initiative internationale.
Partout où nous sommes allés, nous avons aussi ressenti une vive émotion mêlée d'une grande fierté en entendant les habitants nous dire et nous redire combien notre présence était importante. Ils nous ont aussi demandé de remercier la population canadienne de sa contribution et des efforts qu'elle faisait pour les aider à rebâtir leur pays.
En novembre dernier, mes collègues et moi avons constaté de nos propres yeux les horribles ravages que cause le nettoyage ethnique. Nous avons vu une campagne dominée par des maisons en ruines. De village en village, nous avons vu des maisons détruites par les bombardements durant la guerre et nous en avons vu d'autres qui avaient été détruites afin d'empêcher leurs occupants de rentrer chez eux.
À notre arrivée en Bosnie, l'un des premiers briefings que nous avons reçus a porté sur la sensibilisation aux mines qui sont utilisées comme moyen de nettoyage ethnique. On nous a dit de ne pas quitter la surface pavée d'une route, lorsque nous descendions d'un véhicule, et de ne pas marcher sur l'herbe aux alentours des villages. On nous a dit que depuis des années, le sol des champs était semé, non plus de graines, mais de mines.
On nous a dit qu'en Bosnie, il y avait probablement un million de mines qui restent. Nous qui n'étions que de passage étions horrifiés par cette menace constante, invisible et insidieuse. Il nous était impossible de concevoir comment, depuis des années, la population locale pouvait vivre dans un tel climat, sachant que la mort ou la mutilation les attendait, eux ou leurs enfants, à chaque détour.
Il est difficile de décrire l'horreur qu'inspire une telle expérience, difficile de comprendre la haine qui pousse des voisins qui, la veille, étaient amis et qui, maintenant, peuvent s'entre-tuer, difficile de comprendre toute la violence dont l'humanité est capable.
C'est pourquoi j'invite mes collègues à approuver la participation du Canada à une intervention éventuelle de l'OTAN au Kosovo.
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer ce soir au débat sur le Kosovo.
Nous avons déjà discuté de cela. Je me rappelle que lorsque j'ai été élu pour la première fois en 1993, nous avons eu un débat à la Chambre sur le même conflit. Les cinq années qui se sont écoulées depuis ont prouvé que nous n'avons rien appris.
Alors que depuis neuf mois, les Albanais du Kosovo se font massacrer, mutiler et violer, la communauté internationale s'est contentée de se tordre les mains et d'accuser, sans rien faire. Des situations de ce genre se sont produites à plusieurs reprises et l'expérience des cinq dernières années a démontré que nous n'avons tiré aucune leçon.
Dans le cas du Kosovo, Slobodan Milosevic a pris le pouvoir en 1989, en promettant de débarrasser le Kosovo des Albanais, qui représentent 93 p. 100 de la population de ce territoire. Fidèle à sa promesse, il a engagé le processus du génocide ethnique et culturel de ce peuple.
Il a commencé par fermer les écoles, puis il a privé les Albanais de leurs emplois. Que leur restait-il à faire? Ils ont constitué l'Armée de libération du Kosovo, pour tenter de défendre leur peuple. Au début, ils ont connu des succès, mais ont subi ensuite de durs revers.
En ce moment même, 250 000 civils innocents sont déplacés et 50 000 innocents Albanais du Kosovo se sont réfugiés dans les forêts, où ils sont victimes du froid, de la faim et de la maladie. Certains d'entre eux ont été soumis aux pires atrocités qu'on puisse imaginer. Et pendant ce temps, nous continuons de ne rien faire.
Pendant que nous discutons ici aujourd'hui de la ligne de conduite à adopter, des gens se font massacrer depuis des mois déjà. Face à un despote comme Milosevic, nous n'avons qu'une solution, les bombes, car il n'y a qu'un langage qu'il comprenne et c'est celui de la force. Ce n'est certainement pas ce que souhaite son peuple, mais cet homme politique rusé et impitoyable veut le recours à la force. C'est le seul langage qu'il puisse comprendre.
Nous avons eu recours aux voies diplomatiques à de nombreuses reprises, mais en vain. Il s'est joué de nous et nous a fait miroiter l'espoir d'une solution négociée au lieu de la force, mais ce n'était que temporaire car il est vite retourné massacrer les gens. Cela doit finir. Il existe des solutions au problème.
Premièrement, Milosevic a reçu un ultimatum. Le secrétaire général Annan nous a appris que Milosevic n'a pas retiré ses troupes et nous devons le bombarder. Nous devrions viser des cibles militaires serbes importantes au Kosovo et entrer dans la grande Serbie, si nécessaire.
Deuxièmement, il faudra ensuite maintenir et renforcer le blocus autour de la Serbie. La situation actuelle est une vraie farce. Les Russes et les Grecs fournissent des armes, de l'argent et du matériel militaire aux Serbes, contribuant ainsi à alimenter le problème. Les Russes veulent s'immiscer dans les Balkans. Le blocus doit être renforcé si nous voulons réussir.
Troisièmement, il est important d'apaiser les craintes légitimes des Serbes car le Kosovo est pour les Serbes ce que Jérusalem est pour les Juifs. Le Champ des merles est pour eux un symbole très important. Malheureusement, c'est un symbole négatif, mais tout de même un symbole important qui doit être respecté. Le Champ des merles est un sanctuaire pour les Serbes. Ils doivent pouvoir y accéder librement et sans entrave.
Nous ne devons pas appuyer un pays indépendant appelé le Kosovo. Si nous donnions notre appui à la situation qui prévalait avant 1989, quand le Kosovo était un État autonome, je pense que nous pourrions arriver à un compromis raisonnable qui permettrait aux Albanais du Kosovo de vivre en paix et aux Serbes et à la République fédérative de Yougoslavie d'avoir libre accès à ces sanctuaires.
Si nous faisons cela, nous pouvons arriver à un compromis. Mais ce compromis devient plus difficile à cause du président Milosevic. Par ses actes génocides, il polarise les communautés et sème les graines de la violence ethnique pour les années à venir. Malheureusement, cette tragédie se reproduira encore.
On nous a aujourd'hui parlé d'intervention. L'expérience a prouvé ces dernières décennies que le monde est incapable de maîtriser les conflits lorsqu'ils se produisent, ou qu'il n'est pas prêt à le faire, et qu'il n'intervient qu'après la perte d'un nombre considérable de vies humaines. Que ce soit au Rwanda, en Tchétchénie, au Cambodge, au Soudan ou ailleurs, le monde est resté sans rien faire alors que des civils innocents étaient massacrés.
C'est pourquoi le droit international respecte, reconnaît et soutient l'intervention de puissances extérieures à l'intérieur des frontières d'un pays qui viole de façon flagrante les droits de la personne. En effet, même si nous appuyons l'intégrité d'un État, le droit international considère que l'intégrité et la sécurité de la population passent avant celles de l'État. En d'autres termes, un despote ne peut maltraiter les citoyens et penser s'en tirer sans aucun problème.
Collectivement, il nous incombe de protéger les gens non seulement pour des motifs humanitaires, mais également d'un point de vue tout à fait pragmatique. Un conflit à des milliers de kilomètres finit par se répercuter à notre porte en ce sens qu'il entraîne une augmentation de nos budgets de défense, de nos budgets d'aide et de nos programmes sociaux destinés aux personnes qui, fuyant un conflit ethnique, deviennent des réfugiés et aboutissent sur nos rives.
Le droit international respecte et appuie l'intervention. L'heure de la vérité sonne quand on cherche à savoir qui paie la note. Or, ce sont les civils qui paient la note. Il n'en a pas toujours été ainsi. Lors de la Première Guerre mondiale, 85 p. 100 des morts et des blessés étaient des soldats. Les guerres avaient lieu entre États-nations. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, 60 p. 100 des morts et des blessés étaient des soldats. De nos jours, 85 p. 100 des gens qui paient de leur sang, de leur vie ou d'un viol sont des innocents non armés, hommes, femmes et enfants. C'est la population civile qui paie le prix des conflits, qui sont le plus souvent des conflits ethniques se déroulant à l'intérieur des frontières d'un pays. Ce ne sont généralement pas des guerres entre États-nations.
Une volonté politique s'impose. Il nous faut de la détermination et du courage. Mes collègues et moi n'aimerions pas nous retrouver ici dans cinq ans pour amorcer un débat sur un autre groupe de personnes qui auraient été tuées, massacrées, alors que nous attendrions tous que quelqu'un se décide à intervenir.
Fort de ses énormes moyens diplomatiques et du respect international qu'il a su mériter, le Canada est à même de travailler avec d'autres États-nations à la recherche d'un consensus. L'année dernière, j'ai présenté une motion d'initiative parlementaire demandant au ministre des Affaires étrangères de rassembler des nations partageant les mêmes idéaux afin de les amener à élaborer une politique étrangère commune dans certains domaines, notamment la prévention des conflits.
Je me réjouis de ce que le ministre des Affaires étrangères ait conclu un traité avec la Norvège. Il nous faut maintenant étendre ce traité à d'autres pays animés du même esprit tels que la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Afrique du Sud, la Suède, la Finlande et le Costa-Rica pour commencer. Il y en a d'autres. Nous devrions les réunir à Ottawa en vue d'élaborer une politique étrangère commune dans certains domaines. Nous devrions, dans une certaine partie de notre politique étrangère, avoir un intérêt commun centré sur une chose, la prévention des conflits.
Il est essentiel d'intervenir tôt, en apprenant à détecter les signes précurseurs d'un conflit, et de se doter des outils nécessaires pour corriger la situation. Il faut d'abord prendre des mesures non militaires et, si la situation persiste, passer aux mesures militaires.
J'ai été déçu aujourd'hui. J'ai proposé une motion d'initiative parlementaire invitant la Chambre des communes à demander aux Nations Unies d'accuser de crimes de guerre Slobodan Milosevic et d'accorder au HCNUR et aux ONG un accès libre et complet aux réfugiés qui se trouvent au Kosovo et dans les environs. J'ai été profondément attristé quand la Chambre a refusé le consentement unanime. J'espère que le gouvernement en prendra note et qu'il adoptera sous peu une proposition de ce genre.
Je suis heureux que nous tenions ce débat. Il faut penser que nous ne pouvons tolérer un tel génocide, que ce soit au Kosovo ou ailleurs dans le monde. Nous devons sans tarder travailler à la prévention, parce que la vie de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants innocents est menacée.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais remercier le député d'Esquimalt—Juan de Fuca de sa contribution positive au débat et de ses observations toujours perspicaces sur la situation dont nous parlons ce soir.
J'ai suivi le débat de ce soir et je dois dire que j'ai été impressionné par le changement d'attitude du Parti réformiste. Lors des précédents débats, sur la Bosnie ou d'autres régions, ce parti avait été très réticent au sujet de l'engagement du Canada. Je constate maintenant que le parti, dont le député est un des membres éminents, est beaucoup plus prêt à reconnaître l'engagement du Canada dans le monde et la nécessité de notre participation.
J'ai écouté attentivement les propos du député de Red Deer qui représente son parti en matière de politique étrangère. J'ai décelé une légère différence entre le député qui vient de parler et le député de Red Deer.
Je pense que le député de Red Deer disait que si nous agissions sans la sanction du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui, comme le disait le ministre des Affaires étrangères, est improbable en raison de la position de la Russie et peut-être de la Chine, cela risquait de créer de sérieux problèmes pour nous et, à long terme, pour les Nations Unies. Le député lui-même a été beaucoup plus agressif en disant que nous devons agir, que nous devons agir maintenant si nous voulons répondre aux besoins humanitaires créés par cette terrible situation.
Pourrait-il nous donner son point de vue sur ce que deviendront les relations entre le Canada et les Nations Unies et d'autres pays de la région si l'OTAN se lance dans une entreprise un peu plus ambiguë que celle qui profiterait d'une résolution ferme du Conseil de sécurité?
M. Keith Martin: Madame la Présidente, je remercie mon collègue et ami du gouvernement, le très compétent président du Comité permanent des affaires étrangères. Il pose une excellente question.
Il souligne l'élément de base que, je pense, nous désirons tous, soit l'appui des Nations Unies, mais notre engagement et la raison de notre engagement ne se limitent pas à cela. Nous agissons pour des raisons humanitaires, comme beaucoup de députés à la Chambre l'ont dit aujourd'hui.
Nous aimerions que l'ONU s'engage dans ce conflit, mais si elle ne le fait pas, l'OTAN a certainement le pouvoir et les ressources nécessaires. Comme je l'ai dit dans mon discours, le droit international justifie l'intervention, comme dans tous les cas où l'on est témoin de violations flagrantes des droits de la personne. Dans ce cas-ci, on est témoin d'un génocide.
Je crois que l'OTAN doit assumer une certaine responsabilité. Bien que, comme le député l'a mentionné, la situation ne soit pas tout à fait de son ressort, l'OTAN est largement responsable d'une grande partie de la sécurité de l'Europe. Si la situation au Kosovo dégénère, on sera aux prises avec un conflit qui s'étendra au Montenegro, à la Grèce, à la Russie et à d'autres États de la région. Tous ces États pourraient se trouver touchés par un conflit plus vaste. Dans ce cas, le monde ne pourrait pas se contenter de fermer les yeux.
Dans un contexte plus large et dans un effort pour éviter un bain de sang encore pire et sauver des vies, l'OTAN, même s'il préférerait avoir l'appui tacite de l'ONU, devrait aller de l'avant de toute façon, parce que je crois qu'un principe supérieur est en cause ici. La crédibilité quant à la capacité d'intervention rapide des Nations Unies s'en trouverait améliorée.
En Bosnie, nous sommes intervenus beaucoup trop tard. C'est ainsi que 250 000 personnes ont été tuées et que les régions rurales du pays ont été ruinées pour des générations à venir.
Pour tirer quelque leçon de l'histoire récente, nous devrions examiner ce qui s'est produit en Bosnie et analyser le terrible échec de l'OTAN dans ce cas. Si l'OTAN s'avance un peu plus, tout en respectant les limites du droit international, de manière à agir quand il convient de le faire, je pense que, à long terme, les pays participants trouveront son intervention justifiée et qu'elle passera à l'histoire sous un jour favorable.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir prendre part à l'important débat de ce soir.
Il importe de souligner la remarquable unanimité qui se dégage ce soir à la Chambre, face aux terribles destructions qui se succèdent depuis plus d'un an Kosovo et qui privent de tout moyen de subsistance la population innocente de cette région.
Au Kosovo, la situation humanitaire est catastrophique. Les personnes déplacées et les réfugiés se comptent par centaines de milliers, et certains sont sans abri et privés des plus élémentaires nécessités de la vie.
Le plus scandaleux, c'est qu'un grand nombre de ces problèmes sont la conséquence directe des actes perpétrés par le gouvernement yougoslave, à qui il incombe pourtant de veiller au bien-être des habitants de cette région. Il est clair qu'il s'agit d'une guerre menée par un gouvernement contre ses propres citoyens. Il est déterminé à les chasser, déterminé à les détruire.
Cette violence et cette oppression sont à l'origine d'une crise humanitaire énorme. Le conflit du Kosovo a jeté sur les routes 290 000 personnes. Je viens d'une ville de 3,5 millions d'habitants. Si la ville de Toronto doit accueillir 300 000 personnes déplacées, essayez d'imaginer comment nous ferions face à cet énorme problème. Nous avons déjà du mal à faire face aux problèmes des sans-abri, de la maladie et aux autres difficultés de nos collectivités. Comment pourrions-nous faire face à l'énormité d'une telle catastrophe?
Si on veut comparer avec la tempête de verglas qui a sévi au Québec, imaginons un instant la tragédie humaine qui aurait eu lieu si les victimes de cette tempête n'avaient eu nulle part où aller, nulle part où retourner. Imaginons leurs maisons bombardées et complètement détruites. C'est le genre de situation à laquelle les Kosovars sont confrontés sur l'ordre de leur propre gouvernement. C'est ce qui est le plus terrible. L'hiver approche. Quelque 50 000 personnes, des enfants, des vieillards sont sans abri et ils ont peur de retourner dans leurs demeures détruites.
Nous voyons ces scènes à la télévision et nous en lisons le compte rendu dans les journaux, mais nous n'avons jamais vécu ce genre d'expériences. Ce soir à la Chambre, le député réformiste de Red Deer nous a parlé d'un voyage qu'il a effectué en Bosnie. Je peux également en témoigner. Nous en avons un peu fait l'expérience, de même que le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale. Nous nous sommes rendus en Bosnie. Nous avons constaté la dévastation de ce pays. C'est la même situation qui se produit à l'heure actuelle au Kosovo.
Il y a une différence toutefois entre le Kosovo et la Bosnie d'aujourd'hui. La différence, c'est qu'il y a quelques années, l'OTAN a décidé d'intervenir en Bosnie. Nous sommes intervenus avec efficacité. Nous avons en fin de compte été forcés d'intervenir. Nous l'avons fait. Aujourd'hui, même nous avons la terrible situation que nous a décrite le député de Red Deer, nous constatons que la paix, la sécurité et la société civile reprennent le droit de cité. Les agriculteurs peuvent cultiver leurs champs, les enfants peuvent jouer, les oiseaux ont repris leur chant et il y a une possibilité de vie que l'on ne retrouve pas au Kosovo.
Pourquoi cette différence? Comme le ministre l'a souligné dans sa déclaration préliminaire, les autorités yougoslaves ont un plan. Elles veulent terroriser leur propre population. Et ce plan réussit pour une seule et unique raison. C'est parce que la communauté internationale ne fait aucune menace crédible qui les arrêtera.
Il a été impossible de les arrêter à l'aide de résolutions dans le cas de la Bosnie. Les paroles sont efficaces dans les parlements, elles font partie de notre fonction de député, mais les paroles ne suffisent pas dans le cas de Slobodan Milosevic. Nous l'avons appris en Bosnie. Seuls des actes pourront l'arrêter. C'est l'expérience que nous avons connue et il n'y a aucune raison pour que cela ne s'applique pas dans ce cas-ci, comme ce fut le cas en Bosnie.
Il est clair qu'il faut agir. Tous les députés de la Chambre que j'ai entendus ce soir l'ont dit. Ce qui est moins clair, c'est la question de savoir comment nous devrions agir. Il y aura un débat et des discussions raisonnables sur la nature de notre intervention. Comme le député d'Esquimalt et bien d'autres députés l'ont souligné, nous savons que l'OTAN a les moyens d'agir. La question que nous devons nous poser, et il s'agit d'une question raisonnable, c'est: sur quel fondement juridique l'OTAN s'appuiera-t-elle pour intervenir? Si nous intervenons sans fondement juridique, cela posera un problème.
Cet été, j'ai eu le privilège d'assister aux débats de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à Copenhague. Nous y avons débattu une résolution concernant le Kosovo. Un vif débat a opposé ceux d'entre nous qui voulaient s'assurer qu'il y aurait des moyens d'intervention et ceux qui insistaient davantage pour que toute intervention repose sur un fondement juridique.
L'OSCE a finalement adopté une résolution prévoyant la prise de mesures militaires au Kosovo, avec l'approbation explicite d'une résolution pertinente du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Je me suis opposé à cet aspect de la résolution lorsqu'il a été soulevé à la réunion de l'OSCE. Je m'oppose à la même démarche que nous adoptons ici ce soir. Le ministère des Affaires étrangères en a expliqué la raison dans ses observations. Si nous comptons sur une résolution claire des Nations Unies et sur son approbation par les Russes et les Chinois, il est fort probable que cela ne se produira pas.
À cet égard, le député de Red Deer a dit que nous devons examiner cette question en tant que députés qui croient en une société mondiale régie de plus en plus par la règle de droit. Les principes humanitaires que nous cherchons à appliquer ce soir sont ceux-là mêmes qui contribueraient à créer un certain ordre mondial auquel nous voudrons souscrire afin d'avoir une règle de droit qui conviendra à tous. Cette règle de droit serait similaire à celle que nous respectons tous à la Chambre et nous permettrait de bâtir une communauté internationale un peu comme nous avons bâti notre merveilleuse société canadienne. Il ne faut pas l'oublier.
Même si la résolution du Conseil de sécurité est importante et que l'autorité de l'ONU puisse s'éroder dans le cas où l'intervention se ferait sans son approbation, la réalité est que si nous laissons la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU nous empêcher d'agir, l'ONU perdra l'autorité qu'elle exerce dans le monde au point où elle ne serait plus pertinente.
Mon avis correspond, je crois, à l'opinion exprimée par la plupart des intervenants ce soir. Nous devons nous préparer à passer à l'action. Nous devons nous préparer et agir de façon crédible et résolue. Seules notre crédibilité, notre détermination et notre capacité d'intervention inciteront les autorités yougoslaves à battre en retraite, à négocier, à prendre une décision. Sinon, la crise s'éternisera et cette région connaîtra des problèmes pires que ceux qu'elle vit actuellement.
Aujourd'hui, j'ai rencontré l'ambassadeur de la Macédoine. Il m'a recommandé de ne pas agir trop hâtivement dans ce dossier. Il a soutenu que notre intervention pourrait être inefficace si l'OTAN agit trop précipitamment. Je lui ai demandé ce qu'il arriverait si nous laissions la situation perdurer pendant encore une année. Je lui ai demandé ce qu'il adviendrait des collectivités et des populations qui vivent au bord de l'intenable.
Voici ce qui se produira. La crise s'éternisera et durera encore des années. Ce n'est pas 200 000, mais bien 400 000 réfugiés que nous verrons. Tôt ou tard, il faudra intervenir. Si nous n'agissons pas maintenant, la pire chose qui puisse arriver, c'est que nous serons forcés d'agir dans un an lorsque des milliers de vies auront été perdues et que la situation se sera fortement aggravée. C'est toujours comme ça. Nous sommes forcés d'agir.
Nous devons faire face à la réaction de la Russie, de la Turquie et de la Grèce. Tout cela est vrai. Le risque de ne pas agir est pire que la menace d'agir. Nous devons agir afin de préserver l'ascendant moral de notre situation dans le monde, où nous devons protéger les droits de l'homme contre des États qui sont déterminés à priver leurs propres citoyens de l'exercice de leurs droits.
J'ai lu un peu d'histoire pour préparer mon discours. Le comte Bismarck, qui est devenu par la suite le prince Bismarck, était le chancelier de l'Empire germanique de l'époque. Il a dit en 1890: «S'il y a une autre guerre en Europe, ce sera à cause d'un incident stupide dans les Balkans.» Le débat de ce soir ne porte pas sur un incident stupide, mais sur une tragédie humaine. Nous sommes à l'aube du XXIe siècle et rien n'a changé.
Nous nous devons d'agir en tant que parlementaires et citoyens du monde pour que le monde change. Engageons-nous ce soir à la Chambre à agir de concert pour que les choses changent. Engageons-nous à garder vivant l'esprit de la Chambre ce soir, soit que tous les députés souhaitent que nous passions à l'action. Incitons notre gouvernement à être positif, à agir, à mettre fin à la tragédie humaine à laquelle nous sommes confrontés. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, nous devrons le faire plus tard, et ce sera pire.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, j'attache une grande importance aux commentaires du député de Toronto-Centre—Rosedale. Ils sont toujours très intelligents et très constructifs. J'aimerais lui poser quelques questions et lui lancer un défi, en sa qualité de président du Comité permanent des affaires étrangères, car il exerce de l'autre côté une influence peu négligeable dans le domaine des affaires étrangères.
Comme il l'a si bien dit, et de façon très juste, le problème est l'inaction. Depuis 1990, les violations flagrantes des droits de la personne n'ont suscité que peu de réactions. Et pourtant, il y a des solutions. Les solutions consistent à modifier la façon dont nous définissons ce qu'est un conflit et la façon dont nous abordons les conflits. Essentiellement, ça se résume à prévenir les conflits et à déterminer quels sont les signes précurseurs d'un conflit ainsi que les mesures nécessaires pour régler les conflits.
En sa qualité de président du Comité des affaires étrangères, le député pourrait-il recommander ce qui suit au ministre des Affaires étrangères?
Premièrement, nos devrions inviter, ici à Ottawa, des pays de même obédience pour mettre au point une stratégie concertée et unifiée en matière de prévention des conflits, qui serait ensuite mise en oeuvre, selon les cas, sous l'égide des Nations Unies, de l'OSCE, de l'OUA, de l'OEA ou de tout autre organisation.
Le député est-il prêt à travailler en coulisse pour faire appuyer la motion que j'ai proposée en ce sens ainsi que la motion M-477, que j'ai proposée aujourd'hui afin que notre pays exerce des pressions sur les Nations Unies pour faire inculper Slobodan Milosevic pour crimes contre l'humanité et afin que les réfugiés qui se trouvent dans les régions voisines du Kosovo puissent avoir accès sans entraves au Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et aux autres ONG à vocation humanitaire?
M. Bill Graham: Madame la Présidente, comme d'habitude, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a bien réussi à sa façon à nous exposer le défi auquel nous sommes confrontés. Je ne puis relever le défi à tous les égards, mais je puis certainement dire que je soulèverai auprès du comité directeur du Comité des affaires étrangères la question dont il a parlé et notamment la recommandation d'inculper M. Milosevic. Son parti y est représenté d'excellente façon par le député de Red Deer, et le député lui-même est un membre associé de notre comité.
J'ai eu l'occasion au cours du week-end de rencontrer Mme Arbour, notre représentante à Bruxelles. Elle accomplit un travail merveilleux comme représentante du Canada au Tribunal sur les crimes de guerre. Nous soulèverons cette question auprès d'elle également. Nous avons vu les Canadiens se rallier autour de ces questions. Nous avons vu l'appui extraordinaire que le Canada a obtenu de la part des autres pays sur la question des mines antipersonnel. Nous avons la possibilité de rassembler les pays qui pensent comme nous.
Je crois que le député reconnaîtra le mérite du ministre des Affaires étrangères, qui s'est occupé très activement de ce dossier. Notre ministre des Affaires étrangères n'est pas un homme tranquille. C'est un activiste, comme nous le savons depuis le débat sur les mines antipersonnel. Je suis convaincu qu'il fait tout ce qu'il peut pour trouver une solution à la situation et rassembler tous les États animés des mêmes sentiments.
Le secrétaire parlementaire est à la Chambre ce soir et prendra la parole sur la motion. Il s'occupe lui aussi activement du dossier et tâche de rallier les pays qui pensent comme nous. Il sera sûrement en mesure d'en dire davantage à ce sujet quand il interviendra tout à l'heure.
Au sein de notre comité, nous ferons de notre mieux pour répondre à toutes les suggestions du député, surtout parce qu'il s'agit d'une question qui nous rassemble. Nous pouvons travailler ensemble d'une façon non partisane pour résoudre ce problème humanitaire. Les Canadiens peuvent apporter une qualité spéciale dans ce débat sur la scène mondiale. Je remercie le député de ses questions.
M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, je dois dire, après avoir écouté les échanges qui ont eu lieu ce soir, que c'est un honneur de participer à ce débat. Parfois, lorsque nous faisons face à des crises et que nous pouvons faire fi de nos différences sectaires à la Chambre, nous nous élevons à un niveau supérieur. C'est un privilège de participer à ces brefs moments.
Bon nombre des choses que je vais dire seront peut-être une répétition de ce qui a déjà été mentionné ce soir, mais je pense qu'elles méritent d'être signalées et soulignées. Depuis mars dernier, les forces de sécurité de la République fédérale de Yougoslavie ont mené une campagne de violence et de répression contre la population civile du Kosovo.
Même si le gouvernement yougoslave a toujours prétendu que ses actions étaient dirigées uniquement contre les séparatistes armés d'origine albanaise du Kosovo, la stratégie qu'ont toujours adoptée les forces de sécurité a consisté à détruire et à incendier des villages, à piller des maisons et à s'en prendre directement à des civils innocents. De nombreux rapports, y compris ceux produits par l'équipe canadienne qui a fait partie de la mission d'observateurs diplomatiques au Kosovo, ont démontré les abus commis par les forces de sécurité. Il est évident qu'il y a eu de graves atteintes au droit humanitaire international, aux droits de la personne reconnus et au droit des conflits armés. La communauté internationale reconnaît le droit d'un État souverain de se défendre contre une insurrection armée, mais l'offensive menée par le gouvernement yougoslave au Kosovo a nettement dépassé les limites du comportement acceptable.
Ces atrocités ont des répercussions qui sont ressenties bien au-delà du Kosovo, dans une région qui a été déchirée par la guerre et morcelée par des dirigeants qui ont, sans honte, misé sur les peurs des gens. En encourageant le conflit, les actions du gouvernement yougoslave victimisent encore les faibles et empêchent les Balkans de progresser et de réaliser leur intégration.
Le déplacement des civils albanais du Kosovo et la polarisation des communautés qui ont découlé du conflit ont des répercussions directes non seulement sur la Serbie et le Monténégro, mais également sur les pays voisins, ainsi que l'Albanie, l'ancienne république yougoslave de Macédoine et la Bosnie.
Les conséquences de ce conflit se font sentir dans tout le sud de l'Europe. La communauté internationale n'est tout simplement pas prête à laisser le gouvernement du président Milosevic mener à bien cette campagne de violence et d'oppression qui conduit rapidement à une crise humanitaire aux proportions terribles.
Alors que l'hiver approche rapidement, quelque 50 000 personnes, y compris des enfants et des personnes âgées, sont soit sans-abri, soit trop effrayées pour retourner dans ce qui reste de leurs maisons. À moins que le gouvernement yougoslave ne retire complètement ses forces de sécurité de la région et n'entreprenne immédiatement un véritable dialogue sur une large autonomie pour le Kosovo, ces gens vont commencer à périr et ce qui est maintenant une crise humanitaire va devenir rapidement une catastrophe. Malgré de nombreux avertissements et plusieurs occasions de mettre fin à cette campagne de violence, le président Milosevic continue de défier la volonté de la communauté internationale.
Les prétentions selon lesquelles les forces de sécurité ont cessé leurs opérations au Kosovo sont loin de suffire et elles viennent beaucoup trop tard. Les forces militaires et policières qui ont tué intentionnellement des civils, qui ont détruit des maisons et des biens et qui ont créé délibérément une crise humanitaire n'ont, pour la plupart, pas encore quitté le Kosovo et demeurent capables de reprendre leurs opérations de destruction immédiatement ou presque.
Plutôt que de respecter le droit humanitaire international et les ententes sur les droits de la personne en retirant ses forces de sécurité qui ont été utilisées pour s'en prendre aux civils, le président Milosevic a plutôt permis à ses forces de terminer leur offensive et de déplacer des milliers de gens avant de donner un signe qu'il était prêt à se plier aux exigences de la communauté internationale.
Encore là, le président Milosevic a fait le minimum pour devancer les mesures prises contre lui.
Le président Milosevic et le gouvernement yougoslave ont eu amplement le temps d'empêcher ce conflit et d'y mettre un terme ou, à tout le moins, d'en atténuer les effets. Au lieu de cela, ils ont adopté une politique de tactiques très sévères qui n'a fait qu'aggraver la situation au plan humanitaire et que polariser les collectivités au Kosovo, rendant un règlement d'autant plus difficile à obtenir. Pour avoir volontairement rejeté toute entente et poursuivi la violence, le président Milosevic doit maintenant endosser la responsabilité de la situation à laquelle le monde est confronté au Kosovo.
Depuis le déclenchement des hostilités, l'OTAN s'est entièrement occupé d'appuyer les efforts de la communauté internationale pour mettre un terme à ce terrible conflit. L'Alliance a constamment montré au gouvernement yougoslave et au président Milosevic qu'elle est prête à agir de façon décisive. En tant qu'important gardien de la stabilité en Europe, l'OTAN ne peut pas tolérer que se poursuive cette crise humanitaire.
La communauté internationale convient clairement qu'on ne peut pas laisser le gouvernement yougoslave poursuivre sa politique visant à créer sciemment une crise humanitaire parmi ses administrés. L'OTAN est prête à agir pour faire cesser cette politique en accord avec la volonté de la communauté internationale.
Ces dernières années, le Canada a joué un rôle important dans les Balkans. Après plusieurs années de maintien de la paix au sein des forces des Nations Unies en Bosnie, nous faisons désormais partie de la force de stabilisation dirigée par l'OTAN. Pour rétablir la paix là-bas. La communauté internationale reconnaît que l'OTAN s'est montrée essentielle non seulement en rétablissant la paix en Bosnie, mais encore en contribuant à maintenir cette paix et en donnant à ce pays une situation plus stable et plus normale.
Il y a plusieurs mois que les combats ont commencé au Kosovo. Le président Milosevic a fait puis violé de nombreuses promesses de cessez-le-feu et de négociation sérieuse. Le temps des tergiversations et des lamentations est terminé. L'OTAN doit maintenant agir. Elle doit faire quelque chose pour mettre fin à la violence, pour montrer qu'un règlement pacifique négocié doit survenir et pour s'assurer que les milliers de personnes déplacées peuvent recevoir l'aide des organisations humanitaires et rentrer un jour chez elles. Le Canada est prêt à participer à ces importants efforts.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, je me demande si le secrétaire parlementaire pourrait nous faire connaître son point de vue sur la situation au Conseil de sécurité à la lumière de l'intervention plutôt convaincante et informée du député de Rosedale, qui semble accorder beaucoup d'importance au rôle que le Conseil de sécurité peut jouer dans la situation au Kosovo et aux difficultés internes qu'il devra surmonter étant donné la possibilité que la Russie impose son droit de veto sur toute résolution.
M. Julian Reed: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.
Les députés savent que le Canada a toujours préféré que le Conseil de sécurité adopte une résolution disant au monde ce qu'il doit faire devant la situation au Kosovo.
Nous sommes très déçus que, si une telle résolution était discutée, la Russie, et peut-être aussi la Chine, puissent s'y opposer. Par conséquent, l'option que nous préférerions ne pourra pas être retenue. Il reste qu'une crise humanitaire se déroule sous nos yeux.
L'hiver est déjà là et les choses empirent d'heure en heure au Kosovo. Par conséquent, le Canada est prêt à agir avec l'OTAN.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur le commentaire du secrétaire parlementaire.
Lorsque le ministre a pris la parole, le secrétaire parlementaire était présent. Le ministre a déclaré que, dans le rapport du secrétaire général sur la situation au Kosovo, il était clairement établi que les conditions que le Conseil de sécurité avaient imposées pour améliorer la situation n'avaient pas été respectées.
Le secrétaire parlementaire reconnaîtrait-il que, s'il n'y a pas de résolution officielle, il reste clair que, compte tenu de la situation aux Nations Unies même, l'OTAN et le Canada peuvent affirmer qu'il ne faut plus attendre, mais agir, et que le secrétaire général lui-même, par ses observations, a laissé entendre que la situation justifiait une intervention d'urgence? Pourrait-on présenter les choses ainsi?
M. Julian Reed: Monsieur le Président, le rapport du secrétaire général montre que le monde est horrifié par la situation actuelle. Depuis que le secrétaire général a fait savoir que M. Milosevic n'avait pas l'intention de se plier à la résolution du Conseil de sécurité, il apparaît évident que même si l'OTAN est l'organisme appelé à intervenir concrètement, le monde entier appuiera son action.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le Président, le secrétaire général des Nations Unies a publié un rapport qui rejette en grande partie sur les autorités yougoslaves la responsabilité de la crise humanitaire qui sévit actuellement au Kosovo.
La situation humanitaire au Kosovo est désastreuse: on y dénombre des centaines de milliers de personnes déplacées ou réfugiées, certaines sans abri et privées des ressources essentielles. Le plus choquant est qu'une bonne partie de ces problèmes est imputable aux mesures prises par le gouvernement yougoslave contre sa propre population.
Le rapport fait état d'une politique délibérée des autorités yougoslaves visant à chasser les citoyens de leurs maisons et, dans de nombreux cas, de leur pays.
Nous demandons à la Yougoslavie et au président Milosevic, en sa qualité de chef d'État qui a les moyens d'agir de façon décisive, de tenir leurs obligations en vertu du droit international et de permettre une solution juste.
Nous tenons le président Milosevic et tous les dirigeants yougoslaves pleinement responsables des actions de leurs forces de sécurité et nous les exhortons à collaborer avec le tribunal criminel international au sujet des actions commises dans l'ancienne Yougoslavie.
Les actions des forces de sécurité sont précisément ce qui alimente l'extrémisme et la violence au sein de la population albanaise du Kosovo. Le gouvernement yougoslave devrait plutôt faire preuve de leadership en créant les conditions nécessaires à un véritable dialogue pour parvenir à une solution politique et mettre un terme à la crise humanitaire.
Ces résultats ne pourront être atteints qu'en cessant immédiatement l'offensive et les activités répressives de la police et des forces militaires et en posant des gestes de bonne foi envers les Albanais du Kosovo, notamment en s'engageant à offrir une autonomie réelle et significative à cette province.
D'autre part, nous invitons fermement les Kosovars albanais à revenir à leur politique antérieure d'engagement pacifique et à poursuivre leurs objectifs légitimes à l'intérieur des frontières de la république fédérale de Yougoslavie.
Bien que les Canadiens comprennent le mécontentement et la colère des Kosovars, en particulier compte tenu du peu de cas que les autorités yougoslaves ont fait des doléances légitimes des Kosovars, la violence n'aboutira pas à une solution viable des problèmes auxquels le Kosovo et le reste de la région font face.
Le Canada appuie depuis fort longtemps les efforts diplomatiques déployés en vue d'apporter une solution pacifique à cette région. L'Organisation pour la sécurité et la coopération a bien tenté de jouer un rôle constructif en Yougoslavie mais elle a essuyé d'incessantes rebuffades.
L'émissaire américain, M. Hill, poursuit ses efforts en vue de négocier un accord sur l'autonomie. La communauté internationale cherche fébrilement une solution mais, pour ce faire, il nous faut la collaboration des belligérants.
Dernièrement, les problèmes au Kosovo se sont transformés en une grave crise humanitaire dont les principales victimes sont des civils. Mais cette crise n'est pas une création ex nihilo. La situation actuelle est intimement liée aux facteurs et aux personnages qui ont créé les conditions favorables à la dissolution violente de l'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie et à l'éclatement de la guerre en Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine qui a fait des milliers de victimes.
Des politiciens irresponsables des Balkans ont des années durant opposé voisins contre voisins dans un seul but: maintenir leur pouvoir à tout prix et ce prix, c'est la population qui le paie. Les souffrances de leurs citoyens, qu'ils soient d'origine albanaise, serbe ou autre, effleurent rarement l'esprit de ces dirigeants. Les liens ethniques cèdent vite le pas aux intérêts des politiciens de cet acabit. C'est que de jouer avec la peur des gens leur a semblé une tactique des plus efficaces. C'est effectivement une tactique à laquelle ils recourent très fréquemment.
Les Canadiens trouvent ce comportement répréhensible. L'origine ethnique importe peu quand on a faim, froid, peur et qu'on vit dans une situation de danger physique extrême. Les victimes innocentes sont toujours innocentes, quelles que soient leur religion, leur langue ou leur ethnie. En termes simples, il n'y a pas de culpabilité collective où des individus seraient tenus responsables des crimes, réels ou perçus, des membres de leur ethnie. Toute solution durable passe par la reconnaissance de ce fait.
Le Canada a joué un rôle constructif dans toute l'ancienne Yougoslavie depuis que nous avons envoyé pour la première fois les gardiens de la paix dans la région au début de la décennie. Nous avons payé un coût élevé, notamment en ce qui concerne les 16 soldats qui ont perdu la vie dans la région. D'autres Canadiens essaient, par l'entremise d'organisations non gouvernementales ou d'organismes internationaux, d'aider les habitants de la région ouest des Balkans à trouver leurs propres solutions pacifiques et durables à ces nombreux défis.
Les contribuables canadiens ont été généreux en faisant en sorte que le processus de paix apporte des avantages tangibles aux gens ordinaires. En retour, nous avons énormément profité de l'immigration en provenance de l'ancienne Yougoslavie, qui établit un pont entre nos deux pays.
Nous n'avons pas l'intention de nuire aux intérêts légitimes de qui que ce soit dans la région. Cependant, il nous incombe de faire entendre nos voix lorsque nous voyons des dizaines de milliers de gens souffrir et être victimes de façon répétée de violations des droits de la personne et, dans bien des cas, perdre tout ce qui leur était cher.
Lorsque, sous prétexte de combats et d'une insurrection armée, on met de côté le droit humanitaire international et les normes internationales en matière de droits de la personne d'une façon qui va à l'encontre de la lettre et de l'esprit du droit international, nous ne devons pas rester insensibles aux répercussions que cela a pour chacun d'entre nous.
Les députés doivent donc condamner le plus fermement possible la philosophie qui sous-tend les actions de tous les combattants qui commettent des atrocités contre des civils au Kosovo.
Que ces actions soient le fait des forces serbes ou des insurgés kosovars, il n'en demeure pas moins qu'elles ne conduiront jamais à une solution juste et pacifique pour les habitants du Kosovo.
Nous sommes tous vivement préoccupés par le sort des personnes déplacées au Kosovo et des réfugiés du Kosovo qui fuient vers l'Albanie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine. Le Canada contribue aux efforts des Nations Unies, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance et de la Croix-Rouge et continuera de faire sa part.
Il faut parvenir à une solution stable dans l'intérêt de tous les groupes ethniques. Il n'y a qu'une seule source pour parvenir à la justice, à la réconciliation et à une paix durable. Même si et nos partenaires dans la communauté internationale et nous-mêmes ne cherchons pas à imposer nos propres solutions, nous ne pouvons rester neutres devant les souffrances des gens et la menace que la crise actuelle fait sur la paix et la sécurité internationales.
Par l'entremise des Nations Unies et de l'OTAN, nous devons agir pour aider à mettre un terme aux souffrances et pour parvenir à une solution durable à ces problèmes très complexes. Le temps presse.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier la députée de Barrie-Simcoe—Bradford pour son évaluation réfléchie et sensible de la situation.
Je pense qu'elle a introduit ce soir dans le débat un élément dont ont en fait parlé peu de députés, soit la nécessité d'une réconciliation parce que, comme nous le savons, la violence entraîne la violence.
D'après les Nations Unies, s'il est clair que la responsabilité incombe en majeure partie au gouvernement yougoslave puisque c'est lui qui a la force du pouvoir, il ne faut pas oublier qu'il y a une autre partie au conflit, l'Armée de libération du Kosovo.
Si elle n'a pas le même degré de responsabilité, l'ALK a la responsabilité de retourner à la table des négociations, et de veiller à ce que la paix civile soit rétablie.
Quand on cherche à détruire un État ou une société, cela ne va pas sans violence. C'est une leçon que notre pays ne doit pas oublier. C'est une leçon pour toutes les sociétés et je pense que la députée a bien attiré notre attention là-dessus.
La députée pense-t-elle qu'il existe un moyen pour les Canadiens d'aider l'Armée de libération du Kosovo et les Kosovars eux-mêmes a comprendre qu'ils pourraient très bien vivre dans une région autonome à l'intérieur d'un État fédéral comme nous avons réussi à le faire dans notre société où nous arrivons à régler ces problèmes civilement, pacifiquement? Y a-t-il quelque chose que nous pourrions demander à notre gouvernement de faire, que ce soit par l'intermédiaire de l'ACDI ou d'un autre organisme, afin de donner à ces pays une leçon, une leçon fondée sur notre propre expérience, qui leur permettrait de faire exactement ce qu'a suggéré la députée? Une réconciliation pacifique des deux parties s'impose si nous voulons régler ce terrible problème humanitaire.
Mme Aileen Carroll: Monsieur le Président, je remercie le député de Toronto-Centre—Rosedale de nous avoir brossé le tableau de la situation. Il cerne très bien le dilemme dans lequel nous sommes.
À certains égards, nous, Canadiens, ne sommes plus prisonniers de notre histoire. Comme nous n'avons pas le même bagage que certains pays d'Europe, nous sommes davantage libres de prendre des risques et, ce faisant, nous avons créé un fédéralisme qui est empreint de tolérance, qui évolue et qui nous permet de résoudre les dilemmes qui se posent à nous.
Le Canada a une réputation au plan international. On l'a déjà qualifié de puissance moyenne et l'ancien premier ministre Pearson a montré de façon magnifique qu'une puissance moyenne peut faire de grandes choses.
Je crois que nous avons toujours énormément de crédibilité auprès de la communauté internationale. Nous devons être des promoteurs de paix. Nous devons être des modèles de tolérance et témoigner de notre histoire lorsque nous tentons de montrer l'exemple à une région aussi troublée que les Balkans.
Mais, en fait, les deux camps doivent se parler par l'intermédiaire de l'ACDI et d'organisations internationales et de nos associations parlementaires, qui nous permettent de témoigner de ce que nous croyons et faisons tous les jours. Je crois que nous pouvons arriver à quelque chose. Je ne veux absolument pas avoir l'air naïve. L'histoire dure longtemps. Les haines semblent durer encore plus longtemps, mais je crois qu'on peut effectivement y remédier avec ce qu'on apporte à la table. Mais nous devons être disposés à aller aussi à la table et à prendre des risques.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, le débat qui nous occupe ce soir traite d'un problème international très sérieux qui est reconnu par le gouvernement de notre pays, par les Nations Unies, par l'OTAN et sans aucun doute par bon nombre d'autres pays au monde. Nous avons beaucoup entendu parler ce soir de la brutalité et de la souffrance au Kosovo. On nous a dit que de 200 000 à 300 000 personnes n'ont plus de foyer et sont brutalisées au cours de campagnes de terreur entreprises par les forces serbes dans cette province. La terreur est censée obtenir la soumission du peuple en réponse à une sédition ou sédition présumée devant mener à l'indépendance.
Cette situation risque de poser un dilemme pour bon nombre de pays. Au Canada, nous ne tolérons pas la sédition armée. Nous ne cessons de recommander au reste du monde des moyens pacifiques d'exercer l'autorité politique. Nous regrettons bien sûr l'utilisation des armes au Kosovo, mais le pire danger à l'heure actuelle n'est pas la tentative armée d'obtenir l'indépendance du pays, mais bien le règne de terreur instauré par les autorités policières. Ce règne de terreur se manifeste par des meurtres. Pire encore, des meurtres qui visent à transmettre un message.
Nous avons déjà pris connaissance de ce genre de messages, discuté de ce genre de meurtres. Des meurtres qui transmettent un message. Les victimes sont soumises à des mutilations et l'intention des autorités est de susciter un niveau de crainte suffisant pour anéantir la volonté et le courage des victimes et de leur groupe. Nous avons vu des situations de ce genre au cours des mois passés en Bosnie et en Croatie.
Ceux d'entre nous qui avons eu l'occasion de nous rendre dans les Balkans après la dissolution de l'ancienne république yougoslave ont pu constater l'horreur de villages détruits et incendiés. De gentils petits villages ont complètement disparu. Les habitants sont partis. Certains d'entre eux sont morts et d'autres ont été dispersés. C'est une situation tragique.
Il suffit que je mentionne le Rwanda, comme un autre point de référence pour nous tous. Dans ce cas, le monde n'a malheureusement pas pu agir assez vite, et je ne crois pas que personne ici veuille laisser ce genre de scénario se produire de nouveau alors que nous avons les moyens de réagir.
Donc, ce soir, il semble que tous les députés qui ont pris la parole, ou la plupart d'entre eux, soutiennent l'idée d'un effort international pour contrer ces forces du mal. Il semble que tous les parties appuient l'idée d'une intervention internationale en réponse à ces forces du mal, et notre gouvernement semble prêt à agir sur la scène internationale pour tenter d'écraser ces forces, d'améliorer la situation des victimes et d'arriver à une meilleure solution politique pour les années à venir.
Une chose me laisse perplexe depuis un bout de temps, en tant que profane devant les relations internationales, la théorie des manoeuvres politiques. Quand on s'asseoit avec un adversaire pour négocier, on doit commencer par décider si cet adversaire dit la vérité ou non.
J'ai l'impression que toutes nos organisations internationales agissent sans faire de manoeuvres politiques. Elles présument simplement que la partie avec laquelle elles négocient dit la vérité. Il est arrivé à quelques reprises qu'on voie sans l'ombre d'un doute que ce n'était pas le cas.
Si l'on peut se lancer dans des manoeuvres politiques sans égard à la moralité ni aux questions de vie ou de mort, on peut se demander pourquoi il ne serait pas possible de mentir sur la scène internationale, pourquoi ne pas tricher, pourquoi ne pas tuer? Le but visé, c'est d'atteindre notre objectif. Si l'on y parvient, la manière importe peu. J'ai constaté cela et, en tant que législateur, je n'ai pas de solution.
C'est très frustrant de voir nos institutions internationales être victimes de pays ou de groupes d'intérêts qui ne font qu'user de manoeuvres politiques et de nombreuses tactiques. Je pense que nous nous améliorons dans notre capacité de détecter les manoeuvres trompeuses. Il est parfois difficile de traiter son adversaire de fourbe quand on a à négocier avec lui. Comme nos institutions et les personnes qui y travaillent de bonne foi sont incapables de le faire, nous perdons des vies innocentes dans le processus. Nous perdons un temps précieux, et c'est une grande tragédie.
Je n'ai pas de solution. Dans le dossier du Kosovo, comme nous avons déjà acquis une expérience antérieure, remontant à quelques mois seulement, avec les parties en cause, nous sommes davantage capables de dire les choses telles qu'elles sont.
J'espère que nous réussirons mieux à dire les choses comme elles sont, en traitant de menteur celui qui ment, et j'espère que nous y parviendrons très rapidement. Plus vite nous pourrons en arriver à ces conclusions, mieux nous pourrons réagir.
L'ONU est une organisation énorme, parfois lourde, mais c'est tout ce que nous avons sur notre planète pour nous rassembler. En cas d'impasse résultant d'un veto, comme on en a évoqué la possibilité ici ce soir, il est tout à fait possible que l'ONU ne puisse pas être en mesure d'autoriser une réaction précise à la situation au Kosovo. Nous avons alors la chance d'avoir l'OTAN. Cet organisme est disposé à réagir, avec une autorisation indirecte des Nations Unies, et le Canada joue un rôle au sein de l'OTAN.
Dimanche dernier, je visitais une exposition d'arts et de sciences islamiques dans la région de Scarborough, à Toronto. Un homme m'a abordé sans se présenter. Je n'ai même pas obtenu son nom. Il m'a supplié de faire quelque chose pour le Kosovo, en disant que nous devions faire quelque chose. C'est un homme qui avait manifestement une expérience personnelle de la situation dans les Balkans. C'est du moins ce que j'ai compris. Je ne doute pas de la sincérité de l'exhortation qu'il m'adressait. C'est un néo-Canadien, mais un Canadien véritable, et je ne doute pas que notre gouvernement canadien doive agir.
Comme député, je ne le laissera pas tomber, ni lui ni le reste de mes électeurs. Je ne tournerai pas le dos aux habitants victimisés du Kosovo. J'appuie l'initiative de notre pays en faveur d'une intervention pour faire en sorte que le gouvernement serbe cesse ses activités diaboliques et inhumaines au Kosovo et pour permettre à l'aide humanitaire de parvenir aux sans-abri du Kosovo. J'espère que cette initiative se concrétisera d'ici quelques heures.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser une question concernant la déclaration faite par Trent Lott, leader de la majorité au Sénat américain, lorsque l'administration Clinton a informé le Congrès des mesures que les États-Unis entendaient prendre.
En résumé, il s'est dit surpris pas la déclaration de l'administration Clinton, parce qu'il n'y avait pas vraiment de plan et que le plan B n'existait pas. Je me demande si le député de Scarborough—Rouge River serait préoccupé par la déclaration de M. Lott, étant donné qu'il appuie les Américains et que la situation touche un peu le Canada. S'il n'y a vraiment pas de plan, quelle est au juste la situation du Canada?
M. Derek Lee: Monsieur le Président, la question est excellente. D'après ce qu'on entend dire, il se pourrait qu'il n'y ait pas de plan B si l'opération censée obliger les forces serbes à se retirer échouait. D'après ce que je comprends des propos du ministre et de mes lectures sur le sujet, l'initiative a pour objet d'imposer un prix aux forces militaires qui font des ravages au Kosovo et de continuer à exiger ce prix à ces militaires et à ces policiers jusqu'à ce qu'ils acceptent de négocier de bonne foi, en toute honnêteté.
Je ne peux imaginer qu'une opération militaire puisse être conçue ou envisagée ici sans qu'il y ait un plan de secours ou d'urgence. Les premières étapes supposeraient probablement la contribution de matériel et peu de risque pour le personnel militaire chargé des opérations. Cependant, il s'agit d'une situation internationale complexe. Je n'ai assisté à aucune séance d'information. Des députés seront peut-être informés avant que les Forces canadiennes soient opérationnelles. Selon l'expérience que j'ai acquise en suivant ce genre de situation, nos forces et celles de l'OTAN sont très professionnelles, et les habitants des pays membres, qu'ils soient Canadiens, Britanniques, Américains, Français ou autres, refuseraient de mettre leurs militaires dans une situation aussi dangereuse sans un plan de secours approprié.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le Président, je veux faire une observation et conclure en posant une question à mon collègue, relativement à la volonté de courir des risques et d'intervenir même lorsque nous ne pouvons maîtriser tous les résultats. Comme je l'ai expliqué lundi dernier, à la période des déclarations de députés, nous sommes nombreux à craindre les risques inhérents à une intervention militaire.
Je me souviens qu'étant enfant, en 1958, j'avais regardé les blindés entrer dans Budapest et que j'avais demandé à mon père si nous allions aider. Je ne me souviens pas de sa réponse, car il n'en avait probablement pas. En 1968, c'est en tant que diplômée que j'ai encore une fois vu les blindés entrer à Prague pour en chasser le gouvernement Dubchek. Tant d'espoirs et d'aspirations ont alors été anéantis.
Je crains l'inertie que l'on constate derrière tout cela, peut-être même l'inertie de l'Europe actuellement. Voici ce que j'ai appris en discutant avec certains collègues européens. On m'a dit que c'est compliqué. C'est effectivement une situation complexe et compliquée, et il est vrai qu'une intervention comporte des risques, mais je crains que nous ne devions encore, par le biais de la télévision, observer au Kosovo les scènes que celles dont nous avons été témoins ailleurs en 1958 et en 1968. Je crois que le député sera d'accord avec moi et je veux savoir si, à son avis, c'est un risque que nous devons courir cette fois-ci.
M. Derek Lee: Monsieur le Président, je pense que nous devons courir le risque. Si nous nous engageons militairement, nous devons être prêts à garantir un endiguement militaire. Il y a de bonnes chances que nous puissions atteindre cet objectif. Quant aux risques sur le terrain après l'intervention, il faut dire que nous avons affaire à des gens qui semblent se livrer uniquement à des manoeuvres politiques ou à des tactiques de diversion armée.
Je ne dis pas qu'ils ne font que cela, mais nous ne voyons aucune autre explication à leurs tactiques. Si l'OTAN mène une opération ciblant expressément sur ce qu'ils font, il faudra, pour qu'elle soit couronnée de succès, recourir à la psychologie. Malgré les risques que la députée a soulignés, on peut espérer que cela suffira à mettre un terme aux opérations militaires serbes, car ils s'appuient sur la puissance militaire. Il est à espérer que les militaires serbes ne soient pas capables d'aller beaucoup plus loin que là où ils sont rendus actuellement, s'ils font face à une force militaire suffisante.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat très important que nous avons ce soir. J'appuie sans réserve une action internationale visant à mettre fin aux souffrances des habitants du Kosovo.
Il est indéniable que le Canada a une obligation envers ses alliés, tout particulièrement envers l'OTAN. Par ailleurs, le Canada peut tirer fierté de sa participation à des missions internationales et du soutien qu'il apporte à ses alliés, de même qu'aux régions aux prises avec de graves conflits et des souffrances.
Si l'OTAN décide de prendre des mesures militaires, je ne crois pas que le Canada puisse s'en dissocier. Moralement, nous devons agir contre le nettoyage ethnique. Malheureusement, la région dont nous parlons a une histoire remplie d'horribles conflits et le Canada a toujours joué un rôle, parfois mineur, mais un rôle tout de même. Nous avons l'obligation morale d'agir lorsque l'on assiste à des actes systématiques de meurtre et de torture contre des civils innocents.
Il ne fait aucun doute que la communauté internationale ne peut pas rester sans rien faire pendant que les forces serbes commettent des atrocités flagrantes contre les Kosovars et violent leurs droits humains. En dernier ressort, nous devons soutenir nos alliés. Le Canada ne peut pas se soustraire à ses responsabilités à cet égard.
Néanmoins, il subsiste de graves questions quant à une intervention militaire possible et cela nous préoccupe beaucoup. Nous devons poser ces questions parce que nous avons une obligation envers les militaires canadiens qui iront risquer leur vie.
Quelles sont ces questions? Est-ce que tous les efforts diplomatiques déployés pour résoudre la crise ont échoué? Quels sont les dangers et les répercussions possibles d'une intervention militaire? Une intervention bénéficierait-elle d'un véritable appui au sein de la communauté internationale? Existe-t-il un plan efficace d'intervention militaire? Quel serait exactement le rôle du Canada? Ce rôle est-il réaliste compte tenu des ressources militaires dont dispose le Canada? Qui commandera les troupes canadiennes?
Je vais maintenant reprendre ces questions et les étoffer un peu. Est-ce que les efforts diplomatiques ont échoué? Nous verrons, mais il semble que pour le moment la réponse soit oui. Les Serbes tardent à respecter toutes les exigences énoncées dans la résolution 1199 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 23 septembre. L'histoire a démontré que la menace d'une intervention militaire massive était souvent ce qui amenait les agresseurs à la table de négociation. Je pense que nous pouvons tous espérer que tel sera le cas.
Cependant, nous ne pouvons être certains que les Serbes obtempérerons. Aussi malsain qu'il puisse être, l'attachement de la Serbie pour le Kosovo a de profondes racines historiques. En effet, c'est au Kosovo que les Serbes ont perdu leur indépendance aux mains des Turcs, en 1389. Vu cet attachement, les Serbes n'abandonneront sans doute pas la partie s'ils ne sont soumis qu'à des frappes aériennes symboliques. La triste réalité, c'est qu'il se pourrait bien qu'ils se préparent à une lutte longue et probablement difficile.
En ce qui concerne la deuxième question, il est évident que l'on craint vivement que le conflit ne gagne les pays voisins. Le Kosovo est un pays charnière qui a toujours été considéré comme la clé de la stabilité ou de l'instabilité des Balkans. L'OTAN doit faire tous les efforts possibles pour que la guerre soit circonscrite à la Yougoslavie et qu'elle n'embrase pas les États voisins.
Nous devons nous faire à l'idée que les Serbes risquent d'essayer d'étendre le conflit. Autrement dit, nous devrions envisager le pire scénario. Il se pourrait qu'ils attaquent les troupes de l'OTAN, y compris les Canadiens qui servent en Bosnie. L'OTAN doit être prête à faire face à cette possibilité.
La réponse à la troisième question semble claire. Le fait même que ce sera une opération placée sous l'égide de l'OTAN implique qu'elle bénéficiera d'un appui multinational. Toutefois, le 5 octobre, le conseil des ministres de l'Union européenne ne s'est pas entendu sur l'envoi au Kosovo d'une force à déploiement rapide. De toute évidence, les membres européens de l'alliance ne sont pas tous convaincus.
Existe-t-il un plan d'action militaire réaliste? Je pense que c'est la question de fond à laquelle on n'a pas encore répondu et c'est pourquoi je l'ai posée aux ministériels, plus précisément au député de Scarborough—Rouge River. Il est vrai que le député n'a sans doute pas été mis au courant. Il existe sans doute un plan, mais les Canadiens devraient le savoir. Il se peut que nous envoyions des Canadiens dans une zone de conflit. Pourquoi les Canadiens ne sauraient-ils pas exactement à quoi s'en tenir sur la tournure possible des événements?
Le leader de la majorité au Sénat des États-Unis, Trent Lott, a déclaré avoir été ébranlé par la séance d'information du gouvernement Clinton sur ses plans la semaine dernière. Il a dit qu'il n'y avait pas de plan véritable, ni de plan de rechange si le premier tournait mal.
Le plan, s'il en est, prévoit-il seulement des raids aériens ou une combinaison de raids aériens et d'attaques au sol? Si des troupes terrestres sont nécessaires, il faudra s'attendre à un bien plus grand nombre de pertes. Des troupes terrestres seraient-elles nécessaires dans le cadre d'une mission de maintien de la paix par la suite? Combien de temps resteraient-elles? Le Conseil de sécurité de l'ONU approuverait-il ce plan?
Si les six à dix CF-18 déjà stationnés à Aviano doivent participer aux raids, s'agit-il des mêmes appareils qui ont été récemment modifiés pour porter des munitions à guidage de précision ou d'appareils modifiés et non modifiés? Ces appareils sont-ils compatibles avec le système qu'utilisent maintenant les Américains et les Britanniques? Nos avions vont et viennent. Ont-ils tous été modifiés au point où ils peuvent être intégrés au programme en place?
Il y a une myriade de questions sans réponse. Le gouvernement peut-il répondre à ces questions? Je n'ai pas entendu grand-chose à cet égard. Le débat a été plus philosophique.
Or, la préparation est essentielle. Le gouvernement a-t-il demandé à l'OTAN ce qui sera requis? Il est impossible de savoir si nos militaires ont la capacité de faire le travail, car nous ne savons pas quel travail ils feront. Si des troupes terrestres sont envoyées, comment le seront-elles? Combien de troupes terrestres pouvons-nous envoyer? Les ressources de l'armée canadienne sont déjà utilisées au maximum.
Malgré les assurances données dans le Livre blanc sur la défense de 1994, nous ne pouvons pas envoyer outre-mer une brigade prête au combat. Tout ce que nous pouvons envoyer, c'est un groupe-bataillon. Même cela causerait de sévères tensions sur nos capacités, compte tenu des tâches actuelles. De quel équipement disposons-nous? Je pourrais énumérer tout ce que nous n'avons pas. Quel équipement pouvons-nous envoyer là-bas pour appuyer nos troupes?
Un certain nombre de questions demeurent sans réponse. Il reste que nous devrons, en dernière analyse, appuyer l'alliance et nos troupes une fois que nous nous serons engagés à le faire. Nous devons toutefois être clairs et réalistes quant au rôle du Canada. Ce rôle devrait être énoncé à la Chambre et divulgué à la population du pays.
Nous ne devons pas envoyer de troupes sans avoir d'abord réfléchi aux aspects pratiques de la mission. Nous devons soutenir nos alliés, mais nous devons aussi soutenir nos troupes.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai bien aimé les propos éclairés du député de Calgary-Nord-Est, porte-parole du Parti réformiste en matière de défense.
Nous avons eu l'occasion de voyager ensemble en Bosnie et d'examiner ces questions. Il est très bien informé, mais qu'il me permette de lui dire que, à mon avis, il semble vouloir gagner sur les deux tableaux dans ce débat.
Il dit qu'il appuie avec réserve une intervention, mais il énonce ensuite une série de conditions, ce qui lui permet de dire que si un problème se présente, il nous aura prévenus. Faisons une intervention, mais voici les problèmes qui se posent, et si les choses ne se passent pas comme nous le voudrions, nous pourrons dire que nous vous avons prévenus.
Je crois que le député a plus de jugement que cela. Je l'ai écouté et je voudrais qu'il réponde à ma question. Je comprends que toutes les questions qu'il a soulevées sont des questions pertinentes que nous devrions nous poser, notamment une aggravation du conflit dans les régions avoisinantes, la nature véritable des ressources dont nous disposerons et les installations du Canada.
Nous avons examiné les installations dont nous disposons à la base d'Aviano. Nous admettons tous que nos installations suffisent à peine.
Nous avons beaucoup demandé à nos soldats. Certains d'entre nous ont eu la chance d'être témoins des qualités professionnelles qu'ils ont acquises en Bosnie et de l'immense professionnalisme dont ils font preuve dans les missions qu'ils accomplissent dans le monde. Que ce soit à Haïti ou en Bosnie ou dans bien d'autres pays, nous savons quel rendement fantastique ils donnent. Il ne faudrait pas trop leur en demander. Tout cela est vrai.
Le député sait que l'OTAN examine la situation depuis plus de six mois. Il sait comment fonctionne l'OTAN. Il sait que l'OTAN peut compter sur certains des meilleurs professionnels au monde, dont des Américains, des Britanniques et des Français. L'OTAN examine la situation depuis six mois. Le député ne croit-il pas que les stratèges de l'OTAN examinent les questions qu'il pose à la Chambre ce soir? Ne croit-il pas que les stratèges de l'OTAN sont en mesure de régler ces questions?
Ne croit-il pas que, ce qu'il nous faut à la Chambre ce soir, c'est une détermination à agir et à demander avec force si nous allons résoudre les problèmes dans cette région? Ne croit-il pas également que nous devons faire confiance à nos stratèges, à nos collègues de l'OTAN, et à nos propres soldats, pour qu'ils répondent aux questions de logistique que le député a posées à la Chambre ce soir?
M. Art Hanger: Monsieur le Président, la question du député est très pertinente, mais j'aimerais souligner qu'il y a un élément politique aussi bien qu'un élément pratique à cette question.
Du côté pratique, nous devons nous demander si nous sommes en mesure d'envoyer nos soldats dans un conflit éventuel et de leur offrir la meilleure protection et le meilleur commandement qui soient. De plus, sommes-nous prêts à remplacer nos troupes si le conflit devait durer?
Du point de vue politique, il y a une certaine hésitation de la part de la communauté européenne. Ces pays ont déjà hésité à envoyer une force d'intervention rapide au Kosovo. Pourquoi? Ne veulent-ils pas se mêler à la bagarre? Les Américains commencent à en avoir assez d'engager des dépenses et d'envoyer leurs troupes dans les Balkans. Le débat est vif sur ces questions.
Du côté politique, il est difficile de savoir ce qui va se passer. Nous pouvons très certainement discuter de la question d'un point de vue purement philosophique, mais nous ne devons pas perdre de vue le côté pratique et sauter aveuglément dans la mêlée sans savoir exactement dans quelle direction nous allons, ni quelles sont nos limites.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je pense que les Canadiens sont extraordinaires. Ils ont le plus grand coeur de tous, en dépit du fait qu'ils paient les impôts les plus élevés, mais ce n'est pas de leur faute. Malheureusement, de temps à autre, ils sont victimes de gouvernements bien inefficaces.
Le gouvernement a pour habitude de ne pas étudier convenablement les diverses questions, que ce soit les taxes et impôts, l'économie, la justice ou autre chose. Le député de Calgary-Nord nous a donné quelques exemples de la façon dont nous sautons sans savoir où.
Ce débat exploratoire n'est pas une manière appropriée de traiter de cette importante et triste situation au Kosovo, mais c'est la seule option que le gouvernement libéral laisse aux députés.
La question est très importante et elle est apolitique pour nous, Canadiens. La crise au Kosovo est à son paroxysme. J'espère que le gouvernement libéral va faire preuve d'un peu de leadership. Il est probable qu'il va proposer une stratégie très élaborée pour traiter des initiatives de paix. Nous en parlerons sans doute dans l'avenir, malheureusement, mais pour l'instant nous espérons que le gouvernement va proposer quelque chose pour sensibiliser les Canadiens et leur faire savoir ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et où nous le faisons.
Au Kosovo, vil y a quelque 2,2 millions d'habitants. Ceux-ci sont d'origine albanaise à 93 p. 100, le reste étant essentiellement des Serbes. Pendant le régime communiste en Yougoslavie, le Kosovo avait le statut de province autonome de la république de Serbie. Ce statut, M. Milosevic y a mis fin en 1989.
La région du Kosovo revêt une importance historique pour la Serbie. Les Serbes ont perdu une bataille aux mains des Turcs en Kosovo en 1389 et du même coup leur indépendance. En 1989, le président serbe Milosevic a lancé une campagne nationale pour marquer le 600e anniversaire de cette défaite.
Depuis le printemps dernier, les forces serbes de l'armée yougoslave ont sans relâche agressé et terrorisé la population d'origine albanaise. L'Armée de libération du Kosovo a lutté contre la répression et a perdu du terrain durant tout l'été.
La population civile du Kosovo est dans une situation désespérée. Un quart de million d'Albanais du Kosovo ont été expulsés de leurs maisons qui ont été pillées et incendiées par les troupes du gouvernement yougoslave. Quinze mille personnes se retrouvent sans abri adéquat et risquent de ne pas survivre à l'hiver qui vient.
Le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires étrangères, le député de Red Deer, s'est rendu au Kosovo. Il s'est entretenu avec des enfants terrorisés dans diverses écoles où il a entendu leurs histoires d'horreur.
Les fermes, les champs et les zones résidentielles sont infestés de mines. Certaines mines sont conçues spécialement pour tuer les enfants. En effet, certaines d'entre elles ressemblent à s'y méprendre à des jouets ou à des canettes de boisson gazeuse.
La présence armée serbe demeure une force importante dans cette région. L'usage disproportionné de la force vise à terroriser et à soumettre la population. On leur inflige un châtiment collectif pour leur apprendre que le prix à payer pour appuyer les unités paramilitaires albanaises du Kosovo est trop élevé. Nous devons réagir face à cette terreur.
Nous débattons d'une motion en faveur de la collaboration avec les forces de l'OTAN dans le cadre des mesures militaires qu'elles se proposent de prendre.
Il pourrait y avoir deux plans. Le plan A consisterait en efforts diplomatiques. Je voulais demander tout à l'heure au député d'en face de mettre en lumière les initiatives diplomatiques que le gouvernement a prises pour remédier à la situation. Le gouvernement aurait dû poursuivre résolument de telles initiatives il y a longtemps, quand nous avons vu des signes annonciateurs du problème.
Or maintenant que nous savons que le plan A a échoué, même si le gouvernement ne l'a pas poursuivi résolument, nous pouvons passer au plan B, soit l'intervention militaire. Je comprends pourquoi nous devons le faire. Certains disent que nous devrions le faire; d'autres disent que nous ne devrions pas intervenir militairement.
Je pourrais peut-être raconter une histoire d'âne. Un fermier possédait un âne qui était malade. Le fermier faisait avaler à son âne un remède très amer. Le fils du fermier aidait en tenant l'âne par les oreilles. Ils faisaient avaler de force le remède à l'âne parce qu'ils voulaient le guérir, mais l'âne, lui, pensait qu'ils lui tiraient les oreilles.
C'est ce que nous devons faire. Nous devons tirer les oreilles. Quand les moyens diplomatiques échouent, il faut recourir aux moyens militaires. Le remède amer est le seul qui donnera des résultats dans la situation. Avant de prescrire ce remède amer, nous devons répondre aux questions que posent mes électeurs, et tous les Canadiens d'ailleurs.
Ils veulent savoir pourquoi nous préconisons une solution militaire plutôt qu'une solution diplomatique; quelles mesures le gouvernement a prises; quelles sont les autres solutions possibles que nous pourrions tâcher d'appliquer; quelles sont les possibilités de trouver une solution à long terme; comment nous ferons pour guérir la haine dans le coeur des ethnies? Quelle participation demandons-nous à la Communauté européenne ou à d'autres pays touchés ou voisins pour régler ce problème qui a surgi tout près de chez eux?
Les Canadiens veulent savoir si nous n'allons pas faire plus de victimes encore en bombardant cette région. Ils veulent savoir jusqu'où nous irons, combien cela coûtera, qui paiera et quelle part nous paierons.
Le gouvernement a-t-il évalué les risques avant d'engager les hommes et les femmes des Forces canadiennes? Ont-ils tout le matériel et l'équipement voulus? Quelle est notre stratégie pour régler les problèmes de sécurité régionale? J'ai hâte de connaître les réponses.
À tout bout de champ, des crises graves éclatent dans le monde: Rwanda, Nigeria, Bosnie, Haïti, Iraq, la liste est interminable. Malheureusement, se genre de situation se reproduira encore. Je suis désolé que l'ONU soit dans l'incapacité de réagir rapidement. Nous devons jouer un rôle de leadership.
La Grande-Bretagne, la France, la Russie et les États-Unis d'Amérique, ce dernier pays étant obnubilé par Monica, sont incapables d'agir. Notre pays est en bonne position pour jouer un rôle de médiateur partout dans le monde. Nous sommes membres de l'OTAN, nous siégeons au Conseil de sécurité et nous figurons parmi les pays du G8. Nous participons à de nombreuses missions de maintien de la paix dans le monde entier. J'ai demandé au ministre des Affaires étrangères d'étudier la possibilité de participer ultérieurement à des missions d'édification de la paix plutôt qu'à des missions de maintien de la paix.
Permettez-moi de faire une analogie. Lorsqu'on met une cocotte minute sur le feu, de la vapeur est produite. Pour contenir la vapeur, on applique de la pression sur la cocotte minute. Pour contenir la vapeur, nous essayons d'appliquer de la pression militaire, mais avons-nous jamais pensé de retirer la cocotte du feu? Avons-nous jamais tenté de régler le problème avant qu'il ne se pose? Malheureusement, le gouvernement n'a pris aucune mesure en ce sens. Il n'est pas proactif. Il se contente d'être réactif. Il ne fait rien ou presque rien pour prévenir les conflits dans le monde. Il faut que le gouvernement ait un plan d'action plus vaste en matière de maintien et de rétablissement de la paix. La crise humanitaire est la conséquence de ce qui est essentiellement un problème politique. Nous essayons de résoudre le problème politique au moyen de l'aide extérieure et diverses autres méthodes comme les solutions militaires.
J'appuie nos alliés dans cette intervention au Kosovo pour mettre fin aux souffrances des Kosovars innocents. Je me réjouis à l'idée que le gouvernement...
Le président suppléant (M. McClelland): Le temps de parole du député a expiré.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec tristesse que je me joins à ce débat, car j'ai vu ces derniers temps les images que la télévision nous montre sur les événements du Kosovo.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils s'en mêler? Je pense que beaucoup d'intervenants en ont parlé ce soir. J'en ai entendu beaucoup dire qu'il était temps d'agir, qu'il est de notre devoir d'offrir notre aide et d'empêcher d'autres effusions de sang et d'autres souffrances. Nous devons préparer les ressources pour une intervention éventuelle.
J'ai entendu certains députés dire que nous sommes prêts à agir depuis quelque temps. Nous avons des appareils CF-18 à la base d'Aviano. Il faut faire vite, car l'hiver approche. Nous ne pouvons pas permettre que plus de civils innocents connaissent les atrocités que nous voyons chaque soir à la télévision.
Je voudrais ajouter quelques remarques, car je sais que nombre de mes électeurs d'Etobicoke—Lakeshore viennent de cette partie du monde. Beaucoup regardent chaque soir et constatent l'inertie de la communauté internationale ou du moins son incapacité d'agir. Cela les attriste et ils aimeraient que les Canadiens et leur gouvernement agissent rapidement, mais agissent prudemment de sorte que nos ressources ne soient pas refoulées et que l'aide puissent aller directement à ceux qui en ont besoin.
Ces actions barbares ont des répercussions à l'extérieur du Kosovo. Le déplacement des civils kosovars et albanais, la polarisation des communautés suite à ce conflit ont des conséquences directes, non seulement en Serbie et au Monténégro, mais aussi dans les pays voisins comme l'Albanie, l'ex-Yougoslavie, la République de Macédoine et la Bosnie. Les conséquences de ce conflit empoisonnent toute l'Europe du sud-est. Les habitants de ma circonscription qui sont originaires de cette partie du monde savent ce qui arrive aux familles et aux individus quand les conséquences se font sentir dans l'Europe toute entière.
La campagne de violence et d'oppression qui sévit actuellement, cette crise humanitaire qui se produit sous nos yeux, exige notre intervention. Que pouvons-nous faire en tant que Canadiens? Nous contenter de débattre de la situation? Est-ce là faire quelque chose? Est-ce réellement là l'effort que je fais pour apaiser les peines et les souffrances?
Je pense qu'il est important que la République fédérale de Yougoslavie et en particulier le président Milosevic, en tant que chef d'État ayant la capacité d'agir et le pouvoir de décision, sachent que d'autres ainsi que moi-même lui demandons de remplir ses obligations en vertu du droit international et de prendre l'initiative afin de trouver une solution équitable à ce conflit.
Recourir à la force excessive contre des civils ne sera que contreproductif dans la résistance contre les forces séparatistes armées. Les actions des forces de sécurité sont exactement ce qui alimente l'extrémisme et la violence au sein de la population.
Nous avons vu ce qu'a donné ce genre d'action dans d'autres endroits du monde. Il faut que le gouvernement yougoslave sache que nous avons dit ce soir qu'il devait établir les conditions nécessaires pour un dialogue en vue d'une solution politique et qu'il devait régler cette crise. Il faut qu'il sache que nous avons lancé ici un appel en faveur de l'arrêt immédiat des actions offensives et répressives de la police et de l'armée. Il faut qu'il sache que nous avons aussi demandé ici ce soir le retrait immédiat de ses forces.
Le président Milosevic et toutes les autorités yougoslaves sont responsables des actions de leurs forces de sécurité. Ils doivent savoir que la communauté internationale est horrifiée par les événements qui se produisent actuellement dans leur pays et sous leur autorité.
Il est également crucial qu'ils permettent aux responsables des droits de la personne au Kosovo de poursuivre leur important travail. Nous devons féliciter ces personnes qui sont prêtes à intervenir, ceux qui participent à des missions diplomatiques depuis plusieurs mois, y compris les Canadiens qui y travaillent. Ces personnes, qui font partie de missions diplomatiques et de missions de protection des droits de la personne, doivent être autorisées à faire leur travail et à informer la communauté internationale de ce qui se passe là-bas.
Il est important pour la stabilité en Europe que cette mission des droits de la personne puisse se poursuivre.
Les Nations Unies et la communauté internationale ont exprimé leurs préoccupations et leur indignation. Cela ne me semble pas suffisant. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté deux résolutions demandant la fin du conflit et la solution du problème des personnes déplacées. Qui écoute? Certainement pas ceux qui ont des armes et utilisent la force contre la population.
Le Canada a utilisé tous les moyens à sa disposition pour obtenir une résolution pacifique du conflit par la voie diplomatique. Nous avons tenté, sur diverses tribunes internationales auxquelles nous avons accès, et avec de nombreux amis et alliés, d'amener une solution à cette crise. En dépit des nombreux appels, des discussions, des épreuves que subissent les personnes qui sont exposées aux détenteurs du pouvoir, la situation a continué de se détériorer de jour en jour.
Nous sommes à l'aube d'un nouveau siècle. Nous avons eu, à un moment donné, l'espoir d'une paix universelle. Nous avions cru voir la lumière au bout du tunnel, nous espérions que la paix s'installerait et que les dirigeants et les peuples en mesure de prendre des décisions agiraient de façon à assurer la paix dans le monde.
Quels que soient les moyens à prendre, j'exhorte le Canada à se ranger du côté de la communauté internationale, de l'OTAN et d'autres organismes, pour que nous puissions faire ce qu'il faut pour mettre un terme à cette boucherie horrible dont nous sommes témoins sur nos écrans.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement la députée. Nous parlons ici d'un problème d'ordre humanitaire.
C'est un problème très important, mais il s'y ajoute un autre problème: si nous envisageons de prendre des mesures militaires ou si nous nous engageons à fournir une aide militaire à l'OTAN, nous nous engageons alors à lui fournir des membres des Forces canadiennes.
Il faut se demander si ces forces sont bien équipées. Nos braves membres des Forces canadiennes disposent-ils du matériel dont ils ont besoin?
Je voudrais également que la député nous dise combien cela nous coûtera. Pour combien de temps allons-nous engager nos forces militaires? Quels sont les projets à long terme? La députée peut-elle nous éclairer à ce sujet?
Mme Jean Augustine: Monsieur le Président, lorsque j'ai pris la parole, ce n'était pas à titre de comptable ni en ayant en tête les résultats nets. J'ai pris la parole parce que, comme la plupart des Canadiens, j'ai été bouleversée par le massacre d'êtres humains.
Je pense que le Canada a la responsabilité de prendre position et de participer, indépendamment des coûts financiers et économiques. Je pense qu'il s'agit là d'une question morale. Nous devons décider de nous joindre aux autres. Nous utiliserons les ressources à notre disposition.
Lorsque le ministre de la Défense a pris la parole tout à l'heure, je crois l'avoir entendu mentionner notre capacité actuelle et le nombre d'aéronefs et de militaires canadiens, hommes et femmes, qui se trouvent présentement dans cette partie du monde. Je ne pense pas que le Canada fera cavalier seul, mais il jouera un rôle de soutien et autre pour assurer un règlement rapide du problème.
Il ne s'agit pas d'une opération comptable. Il ne s'agit pas d'examiner les résultats nets, mais de songer aux êtres humains qui sont prisonniers de cette horrible situation.
[Français]
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, j'étais à Montréal, ce soir, mais j'ai tenu à revenir, malgré l'heure tardive—excusez-moi de vous garder ici aussi tard—pour ajouter une voix de plus à cette motion tellement importante du point de vue humanitaire qui nous unit tous dans cette Chambre, sans égard aux partis politiques et à nos querelles habituelles entre partis politiques.
Peu d'entre nous ici, sans doute personne n'a connu ce que sont les conflits raciaux et ethniques, des conflits armés où une majorité se sert des instruments de la guerre pour martyriser, mutiler, tuer et évincer de leurs maisons les membres d'une minorité dont le seul tort est d'appartenir à une différente ethnie ou d'avoir une différente croyance.
Nous qui avons le privilège très spécial de vivre dans un pays pacifique entre tous, nous devons trouver et nous trouvons extrêmement difficile de comprendre comment une majorité peut se servir de tant de barbarie pour imposer ses vues à une minorité tout à fait innocente. Nous ne pouvons comprendre comment des conflits raciaux, ethniques, religieux peuvent plonger l'humanité dans une telle noirceur.
[Traduction]
Il nous est extrêmement difficile de comprendre comment des êtres humains peuvent utiliser tous leurs pouvoirs, quels qu'ils soient, pour détruire d'autres êtres humains au nom de la race, de la couleur ou de croyances religieuses.
Nous aurions pu croire que les leçons de la Seconde Guerre mondiale, qui sont encore fraîches à notre mémoire, nous auraient appris que plus de six millions de personnes ont souffert les pires atrocités, les traitements les plus dégradants et inhumains, y compris la mort la plus violente, seulement parce qu'une majorité a décidé qu'une minorité ne méritait pas de vivre sur le même territoire.
Pourtant, en dépit des leçons de la Seconde Guerre mondiale, en dépit des leçons de l'Holocauste, nous assistons encore partout dans le monde à des conflits ethniques qui font des dizaines de milliers de victimes. Des gens meurent au nom de la pureté raciale ou religieuse ou au nom de la supériorité d'une race ou d'une religion sur une autre.
Hier, c'était l'Irlande du Nord, la Bosnie, la Somalie, l'Afghanistan et la Tchétchénie; aujourd'hui, c'est le Kosovo. Dieu fasse que cela s'arrête.
Comment pouvons-nous justifier qu'un million sept cent cinquante mille des deux millions de Kosovars soient évincés de chez eux, tués, brutalisés par la Yougoslavie et son président, Slobodan Milosevic parce qu'ils sont d'une origine ethnique différente?
Le président Milosevic a recours aux armes, à l'assassinat et à l'éviction des Albanais de souche qui aspirent à l'autonomie pour imposer sa dictature comme il l'a fait en Bosnie, au mépris du droit à la vie, de la liberté fondamentale de vivre, de jouir, comme nous tous, d'une qualité de vie, du droit non seulement de vivre, mais certainement de survivre en tant qu'êtres humains.
J'espère que nous ne ferons pas de cela une question partisane. J'ai entendu certains députés parler du manque de leadership et je pense qu'il importe de souligner ce qu'a fait notre ministre des Affaires étrangères. C'est un partisan de la paix. C'est un homme qui s'est battu énergiquement contre les armements et pour l'établissement de la paix dans le monde.
Il est utile de rappeler ce qui a été fait. Au cours de l'été, le Canada a insisté à New York et dans les capitales des pays membres du Conseil de sécurité pour que des mesures énergiques soient prises. En août, notre ministre des Affaires étrangères a écrit au ministre russe des Affaires étrangères de l'époque Primakov pour lui rappeler qu'en tant que membre permanent du conseil et partenaire privilégié du gouvernement de Belgrade, la Russie avait un rôle spécial à jouer afin d'appliquer une pression efficace sur le président Milosevic.
Il a réitéré son message à l'actuel ministre des Affaires étrangères Ivanov, juste avant son voyage à Belgrade le week-end dernier. Cette semaine, nous avons chargé un émissaire d'exhorter les dirigeants de Belgrade et du Kosovo à mettre un terme aux actes de violence, négocier un règlement et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire destinée aux victimes innocentes.
En fait, les mesures prises par le Canada reflétaient les efforts déployés par la communauté internationale. En mars et en septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté des résolutions qui exigent, premièrement, que les forces yougoslaves abandonnent leurs attaques contre les populations civiles, qu'elles cessent de les oppresser et qu'elles se retirent, et, deuxièmement, que les dirigeants yougoslaves commencent à négocier de bonne foi avec le Kosovo et ses dirigeants politiques, en vue d'arriver à un règlement politique pouvant déboucher sur une autonomie importante du Kosovo au sein de la fédération yougoslave.
Quand le premier ministre a assisté à la réunion du G8 à Birmingham, il a fait comprendre aux autres dirigeants, y compris le président Eltsine, la nécessité d'une action concertée au Kosovo. En juin, la Russie, grâce à son influence spéciale sur le régime de Belgrade, a fait venir le président Milosevic à Moscou, où le président Eltsine a réitéré les profondes inquiétudes de la communauté internationale.
Il semble néanmoins que le président Milosevic ait décidé d'agir à son gré, peu importe l'opinion internationale ou les vies humaines qu'il sacrifie de façon expéditive quand il décide d'imposer sa volonté par les armes.
Nous sommes maintenant aux prises avec ce terrible dilemme qui est d'avoir à employer des avions et des instruments de guerre pour faire régner la paix. C'est le paradoxe du monde d'aujourd'hui. Il s'agit certes d'amener éventuellement le président Milosevic à s'asseoir à la table de négociation afin que nous puissions négocier et faire régner la paix. Les habitants du Kosovo mérite autant que nous de vivre. Ils méritent de vivre non seulement dans la situation qui est la leur aujourd'hui, mais aussi en paix. Ils méritent de vivre dans leur maison, de créer leur propre pays si tel est le voeu de la majorité. Ce droit doit être fondamentalement reconnu comme il est reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Voilà pourquoi nous, les députés des cinq partis représentés à la Chambre, avons décidé unanimement d'appuyer cette motion. J'appuie les efforts déployés par notre ministre des Affaires étrangères pour prendre des mesures qui redonneront paix et espoir au peuple kosovar ainsi qu'aux autres peuples du monde qui souffrent. Que la paix s'installe pour tous les peuples de la Terre, notamment ceux de l'Afrique centrale! Nous en avons tellement besoin! Nous voulons la paix parce que, indépendamment de la race, la couleur ou la croyance, nous sommes avant tout des êtres humains.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le député a cité des cas antérieurs où la situation était semblable à celle du Kosovo aujourd'hui. Il a mentionné la Tchétchénie, la Bosnie, Haïti, le Rwanda, l'Iraq et d'autres. Tous les députés qui ont participé à ce débat ont manifesté leur appui à l'égard de nos alliés, dans le cas du Kosovo, que ce soit par l'envoi de troupes ou par tout autre moyen.
Le député ou son gouvernement ont-ils des plans à long terme pour traiter de questions comme celle-là? Allons-nous nous contenter d'un débat d'urgence pour la forme au cours duquel nous allons décider que, pour des raisons humanitaires, nous devons manifester notre appui? Quels sont les plans du gouvernement pour éviter ce genre de conflits dans le monde? Quel rôle le gouvernement est-il prêt à jouer pour faire preuve de leadership, afin que nous puissions savoir comment réagir plus efficacement, à l'avenir, devant des situations de ce genre?
M. Clifford Lincoln: Monsieur le Président, le Canada est un pays parmi tant d'autres. Nous ne sommes certes pas le pays le plus puissant de tous. Dieu merci, nous avons établi un rôle de chef de file, en quelque sorte, en ce qui concerne le rétablissement de la paix et la conciliation pour parvenir à la paix. Cela remonte à l'époque du premier ministre Pearson. On a maintenu cette tradition tout au cours de cette période.
Ce gouvernement et les gouvernements précédents de toutes les allégeances politiques ont essayé de travailler à l'intérieur du cadre des Nations Unies pour parvenir à la paix dans le monde entier. Je rappelle à notre collègue que dans toutes les régions où des conflits surgissent, le Canada joue un rôle de premier plan. L'autre jour, j'ai entendu la présidente de la République d'Irlande nous dire que le Canada avait joué un rôle énorme et que le général de Chastelain avait fait de même en tant que coprésident de l'accord de paix. À l'heure actuelle, il est responsable de la Commission de désarmement de l'Irlande du Nord et joue un rôle essentiel.
Comment le Canada a-t-il apporté son aide? L'autre jour, le président Mandela nous a dit que le Canada avait aidé à changer les choses en Afrique du Sud. Le Canada a peut-être aidé à sa façon à éviter les conflits raciaux et les bains de sang dans ce pays.
Aujourd'hui, nous essayons d'obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Demain, il y aura un vote aux Nations Unies. Nous avons proposé plusieurs solutions pour réformer le Conseil de sécurité pour qu'il y ait une plus grande interaction entre les cinq membres permanents et les autres membres du Conseil de sécurité dont nous espérons faire à nouveau parti pour que nous puissions exercer une influence directe sur les questions de paix. Nous participons à des opérations de maintien de la paix dans tout le monde entier et nous l'avons fait encore récemment dans le cas de la terrible guerre en Bosnie où, encore une fois, nous avons joué un rôle important dans l'établissement de la paix.
Ce que nous essayons de faire aujourd'hui, c'est de travailler en collaboration avec les Nations Unies et avec les membres de l'OTAN. Si nous devons utiliser la force armée pour exercer des pressions sur le président Milosevic, afin de le forcer à négocier, notre ministre des Affaires étrangères, notre premier ministre et notre gouvernement vont à nouveau jouer un rôle essentiel dans le rétablissement de la paix. Nous avons une grande crédibilité dans le monde et nous allons continuer d'exercer notre influence.
Le président suppléant (M. McClelland): Comme aucun autre député ne souhaite intervenir, le débat est terminé.
Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 23 h 31.)