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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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36e Législature, 1ère Session


HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 56

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 10 février 1998

. 1005

VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLe projet de loi S-3—Décision de la présidence
VLe Président

. 1010

VAFFAIRES COURANTES
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Peter Adams
VLA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU
VProjet de loi C-312. Présentation et première lecture
VM. Inky Mark

. 1015

VPÉTITIONS
VLe fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique
VM. Paul Szabo
VLes remèdes et les suppléments à base d'herbes médicinales
VM. Chuck Strahl
VL'âge du consentement
VM. Chuck Strahl
VLes balades en voiture volée
VM. Chuck Strahl
VL'accord multilatéral sur l'investissement
VM. Bill Blaikie
VLes armes nucléaires
VM. Bill Blaikie
VL'âge du consentement
VM. Philip Mayfield
VLes remèdes et les suppléments à base d'herbes médicinales
VM. Philip Mayfield

. 1020

VLes armes nucléaires
VMme Libby Davies
VLe régime de pensions du Canada
VMme Libby Davies
VL'Accord multilatéral sur l'investissement
VMme Libby Davies
VM. Yvon Godin
VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Peter Adams
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—L'avenir du Québec
VM. Gilles Duceppe
VMotion

. 1025

. 1030

VM. Preston Manning

. 1035

VM. Michel Bellehumeur

. 1040

. 1045

VAmendement
VM. Paul Crête

. 1050

VL'hon. Stéphane Dion

. 1055

. 1100

. 1105

. 1110

VM. Réal Ménard
VM. Ghislain Lebel

. 1115

VM. Ghislain Lebel
VM. Preston Manning

. 1120

. 1125

VL'hon. Jean J. Charest

. 1130

VM. Bill Blaikie

. 1135

. 1140

VM. Yves Rocheleau

. 1145

VL'hon. Jean J. Charest

. 1150

. 1155

VM. René Laurin

. 1200

VM. Pierre Brien

. 1205

. 1210

. 1215

VM. Michel Guimond

. 1220

VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1225

VM. Paul Mercier

. 1230

VMme Marlene Jennings

. 1235

. 1240

VMme Madeleine Dalphond-Guiral
VM. Jean-Paul Marchand

. 1245

VMme Claudette Bradshaw

. 1250

. 1255

VM. Yves Rocheleau

. 1300

VM. Paul Mercier
VMme Madeleine Dalphond-Guiral

. 1305

. 1310

VL'hon. Sheila Finestone

. 1315

VM. Daniel Turp

. 1320

VM. André Harvey

. 1325

VL'hon. Sheila Finestone
VM. Steve Mahoney

. 1330

. 1335

VM. Jean-Paul Marchand

. 1340

VM. Claude Drouin

. 1345

. 1350

VM. Odina Desrochers
VMme Val Meredith
VM. Yves Rocheleau

. 1355

VM. Rahim Jaffer
VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLES OLYMPIQUES D'HIVER DE 1998
VM. Andrew Telegdi
VLE BUDGET
VMme Val Meredith
VLE PROTOCOLE RÉGISSANT LES DRAPEAUX
VM. Carmen Provenzano

. 1400

VLE PROJET DE LOI C-28
VM. Gilles-A. Perron
VLA SEMAINE DE LA CITOYENNETÉ ET DU PATRIMOINE
VM. Stan Dromisky
VL'IRAK
VM. Bill Blaikie
VLE DÉVELOPPEMENT RURAL AU QUÉBEC
VM. Guy St-Julien
VLE MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE
VMme Elsie Wayne

. 1405

VL'AVORTEMENT
VM. Garry Breitkreuz
VMARIE LAURIER
VM. Bernard Patry
VLES LANGUES OFFICIELLES
VM. Maurice Godin
VL'ÉCONOMIE
VMme Aileen Carroll
VLE SÉNAT DU CANADA
VM. Rob Anders

. 1410

VLE QUÉBEC
VM. Peter Adams
VLA RÉGION DE MAGOG-ORFORD
VM. Denis Paradis
VLE SÉNAT DU CANADA
VM. Rahim Jaffer
VLE SERVICE D'ASSISTANCE CANADIEN AUX ORGANISMES
VM. John McKay
VLE SYSTÈME SCOLAIRE DE TERRE-NEUVE
VM. Norman Doyle

. 1415

VQUESTIONS ORALES
VL'IRAK
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Preston Manning
VLe très hon. Jean Chrétien
VL'ÉCONOMIE
VM. Monte Solberg

. 1420

VL'hon. Paul Martin
VM. Monte Solberg
VL'hon. Paul Martin
VLE PROGRAMME FÉDÉRAL D'INDEMNISATION
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1425

VM. Pierre Brien
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Pierre Brien
VLe très hon. Jean Chrétien
VL'IRAK
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VL'hon. Jean J. Charest
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1430

VL'hon. Jean J. Charest
VLe très hon. Jean Chrétien
VLE SÉNAT
VMme Deborah Grey
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Deborah Grey
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
VMme Francine Lalonde
VLe très hon. Jean Chrétien

. 1435

VMme Francine Lalonde
VLe très hon. Jean Chrétien
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VLE PROJET DE LOI C-28
VM. Yvan Loubier
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Yvan Loubier

. 1440

VLe très hon. Jean Chrétien
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VMme Deborah Grey
VL'hon. Jane Stewart
VMme Deborah Grey
VL'hon. Jane Stewart
VL'IRAK
VM. Daniel Turp
VL'hon. Lloyd Axworthy
VLES PÊCHES
VM. Joe McGuire
VL'hon. Pierre S. Pettigrew

. 1445

VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. Myron Thompson
VL'hon. Jane Stewart
VM. Myron Thompson
VL'hon. Jane Stewart
VLES SOINS DE SANTÉ
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock
VLA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS
VMme Libby Davies
VL'hon. Pierre S. Pettigrew
VLES SOINS DE SANTÉ
VM. Peter MacKay
VL'hon. Allan Rock

. 1450

VM. Peter MacKay
VL'hon. Allan Rock
VLES COLLECTIVITÉS RURALES
VM. Claude Drouin
VL'hon. Lyle Vanclief
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. Preston Manning
VL'hon. Jane Stewart
VLE FONDS DU MILLÉNAIRE
VM. Paul Crête
VL'hon. Pierre S. Pettigrew

. 1455

VLES FONDS D'INVESTISSEMENTS DES TRAVAILLEURS
VM. Pat Martin
VL'hon. Paul Martin
VLA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT
VM. Gilles Bernier
VL'hon. Paul Martin
VLA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION
VMme Sophia Leung
VL'hon. Lucienne Robillard
VLES AFFAIRES AUTOCHTONES
VM. John Duncan
VL'hon. Jane Stewart

. 1500

VLA FÊTE DU CANADA
VMme Suzanne Tremblay
VL'hon. Sheila Copps
VRECOURS AU RÈGLEMENT
VCertains propos tenus au cours de la période des questions
VM. Mike Scott
VL'hon. Jane Stewart
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLES CRÉDITS
VJour désigné—L'avenir du Québec
VMotion
VM. Rahim Jaffer

. 1505

. 1510

VM. André Harvey
VM. Claude Bachand

. 1515

VM. John Herron

. 1520

VM. Daniel Turp

. 1525

VMme Val Meredith

. 1530

. 1535

VM. Mac Harb
VL'hon. David Kilgour

. 1540

. 1545

. 1550

VM. Michel Bellehumeur

. 1555

VM. Réginald Bélair

. 1600

. 1605

. 1610

VMme Francine Lalonde

. 1615

. 1620

VMme Karen Redman
VM. Réginald Bélair

. 1625

VMme Hélène Alarie

. 1630

VM. Paul Crête

. 1635

VM. Paul DeVillers

. 1640

. 1645

VM. Brent St. Denis

. 1650

VM. Réal Ménard

. 1655

VM. Jacques Saada

. 1700

. 1705

VM. Paul Crête

. 1710

VM. Gordon Earle

. 1715

. 1745

(Vote 70)

VRejet de l'amendement

. 1750

. 1755

(Vote 71)

VRejet de la motion

. 1800

VM. Paul Bonwick
VLe Président
VINITIATIVES PARLEMENTAIRES
VLOI SUR L'ARBITRAGE DES PROPOSITIONS FINALES DANS LES
VProjet de loi C-233. Deuxième lecture.
VM. Dale Johnston

. 1805

. 1810

. 1815

VMme Brenda Chamberlain

. 1820

VM. Pat Martin

. 1825

. 1830

VM. Jim Gouk

. 1835

. 1840

VM. Dale Johnston

. 1845

VMOTION D'AJOURNEMENT

. 1850

VL'éducation
VM. Yvon Godin
VM. Julian Reed

. 1855

VLe commerce
VM. Lynn Myers
VM. Julian Reed

. 1900

VLa production laitière
VM. Jean-Guy Chrétien
VM. John Harvard

. 1905

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 56


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 10 février 1998

La séance est ouverte à 10 heures.



Prière


 

. 1005 +

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE PROJET DE LOI S-3—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Chers collègues, je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé par le député de Langley—Abbotsford, le 2 février 1998, au sujet du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières.

[Français]

En premier lieu, je remercie le leader du gouvernement à la Chambre des communes, le député de Winnipeg—Transcona, le whip de l'opposition officielle, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, de même que le député de Nanaïmo—Alberni et, comme de raison, le chef de l'opposition à la Chambre de leurs contributions utiles sur ce sujet.

[Traduction]

Dans son argumentation, le leader parlementaire de l'opposition à la Chambre s'est inquiété de la présentation de projets de loi d'intérêt public au Sénat. Il a ensuite soutenu que le projet de loi S-3, qui a d'abord été présenté au Sénat et adopté par ce dernier et qui est maintenant au Feuilleton de la Chambre, devrait être considéré comme une mesure financière et que, pour cette raison, il aurait dû être d'abord soumis à la Chambre des communes.

Avant d'aller plus loin, je veux clarifier deux points. Pour ce qui est de la présentation de projets de loi au Sénat, je me permets de rappeler aux députés la décision que j'ai rendue le 9 octobre 1997, à la suite d'une question de privilège soulevée par le même député sur exactement le même sujet. À l'époque, j'ai indiqué que, selon notre pratique, les projets de loi pouvaient être d'abord présentés au Sénat ou à la Chambre des communes.

Deuxièmement, permettez-moi d'apporter une petite correction à une observation faite par le leader parlementaire de l'opposition officielle. Il a rappelé que le projet de loi S-3 avait d'abord été présenté à la Chambre comme projet de loi C-45 de la législature précédente. En réalité, le projet semblable de la législature précédente était le projet de loi C-85 et non C-45.

Je vais maintenant traiter de la question de fond en matière de procédure soumise à la présidence. Le député affirme que les deux projets sont en substance semblables. Aussi, soutient-il, puisqu'une recommandation royale était annexée au projet de loi C-85, une recommandation royale devrait également être annexée au projet de loi S-3.

[Français]

En réponse à cet argument, le leader du gouvernement à la Chambre a affirmé que le projet de loi S-3 ne comporte pas, et ne doit pas comporter, de recommandation royale puisqu'il ne constitue pas une loi de nature financière.

[Traduction]

Les mesures qu'on appelle financières sont celles qui imposent des taxes ou celles qui affectent des crédits, que ce soit en vertu de l'adoption des créduts annuels ou en vertu de lois qui autorisent des dépenses. Les projets de lois affectant des fonds publics doivent être assortis d'une recommandation royale qui détermine «l'objet de la dépense, le but visé et les conditions et réserves», comme le dit le commentaire no 596 de la sixième édition de Beauchesne, à la page 189.

 

. 1010 + -

J'ai soigneusement examiné le projet de loi S-3 et je conclus qu'aucune des quatre parties à ces dispositions législatives n'impose de taxes ou n'affecte d'argent pour quelque fin que ce soit.

Dans les dispositions législatives de 1987 qui créaient le Bureau du surintendant des institutions financières, il était pourvu à la responsabilité de surveiller les régimes de pensions du secteur privé de régime fédéral. Il apparaît assez clair que les pouvoirs du surintendant sont étendus en vertu du projet de loi S-3. Il pourrait bien découler des dépenses supplémentaires de cette augmentation des pouvoirs du surintendant.

S'il est nécessaire d'augmenter les ressources en raison de ces nouveaux pouvoirs, il devra être pourvu à l'affectation de fonds par une loi de crédits puisque je ne vois aucune disposition financière dans le projet de loi S-3.

Pour ces motifs, je conclus que le projet de loi S-3 ne requiert pas de recommandation royale et ne contrevient pas au paragraphe 80(1) du Règlement. Je conclus donc que le projet de loi S-3 est recevable à la Chambre.

En préparant la présente décision ou toute autre décision, la présidence étudie les arguments présentés à la lumière du Règlement de la Chambre, des précédents et de la pratique que nous avons établis dans le passé. Bien que je ne puisse pas toujours arriver à la même conclusion que le député qui soulève un recours au Règlement, je partage avec tous les députés l'objectif commun de faire en sorte que les délibérations se déroulent à la Chambre de manière ordonnée, conformément à nos règles et à notre pratique.

Je ne me prononce pas en faveur ou contre un député ou un parti. La présidence rend des décisions afin d'appliquer le Règlement et les pratiques de la Chambre. Pour ce faire, je continue de dépendre de la vigilance et de l'aide de tous les députés. Je remercie le leader parlementaire de l'opposition d'avoir soulevé cette question à la défense des privilèges de la Chambre.



AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

*  *  *

[Traduction]

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

 

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-312, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (proportion des dons déductibles de l'impôt).

—Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter un projet de loi intitulé «Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (proportion des dons déductibles de l'impôt)». Ce projet de loi vise à mettre les dons de charité sur un pied d'égalité avec les dons à des partis politiques en matière d'impôt, à tout le moins pour le premier montant de 1 150 $. Après quoi, les crédits d'impôt pour dons de charité resteraient les mêmes.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

*  *  *

 

. 1015 + -

PÉTITIONS

LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition signée par un certain nombre de Canadiens dont des électeurs de la circonscription de Mississauga-Sud que je représente.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur vie et que dans bien des cas, les familles des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions sont souvent laissées sans moyens financiers suffisants pour respecter leurs obligations.

Les pétitionnaires soulignent également que lorsque l'un d'eux est tué dans l'exercice de ses fonctions, le public pleure sa mort et désire apporter un appui tangible aux membres survivants de sa famille pour l'aider à traverser une période difficile. Ils exhortent donc le Parlement à établir un fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui recevrait des dons et des legs destinés aux familles de policiers et de pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions.

LES REMÈDES ET LES SUPPLÉMENTS À BASE D'HERBES MÉDICINALES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je présente aujourd'hui plusieurs pétitions.

La première pétition est signée par 124 Canadiens de la Colombie-Britannique. Les pétitionnaires s'inquiètent de la façon dont le gouvernement réglemente les remèdes à base d'herbes médicinales. Ils sont d'avis que ces remèdes sont traités trop sévèrement.

L'ÂGE DU CONSENTEMENT

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition porte sur l'âge du consentement. Je voudrais présenter cette pétition au nom de mon ancienne collègue, l'ancienne députée de Port Moody—Coquitlam, qui a joué un rôle clé en lançant le mouvement pour faire passer l'âge du consentement de 14 à 16 ans.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer que les parents ont le devoir d'élever leurs enfants de façon responsable, selon leur conscience et leurs croyances, et l'invitent à conserver l'article 43 du Code criminel.

LES BALADES EN VOITURE VOLÉE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, dans la dernière pétition que je souhaite présenter, les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier le Code criminel pour accroître les peines minimale et maximale prévues pour les balades en voiture volée et pour faire porter la responsabilité financière aux délinquants ou à leurs parents ou tuteurs dont la négligence a contribué à la commission de l'infraction.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter deux pétitions ce matin.

La première concerne l'accord multilatéral sur l'investissement. Les pétitionnaires affirment que cet accord laisse fondamentalement à désirer en ce sens qu'il cherche à protéger les droits des investisseurs sans prévoir une protection semblable pour les travailleurs par l'entremise de normes du travail fondamentales obligatoires et ils ajoutent que cet accord est antidémocratique parce qu'il est exécutoire pendant 20 ans et qu'il lie ainsi les mains de plusieurs Parlements et futurs gouvernements.

Ainsi, les pétitionnaires exhortent le Parlement à rejeter le cadre actuel de négociation de l'accord multilatéral sur l'investissement et à demander au gouvernement de rechercher un accord tout à fait différent aux termes duquel le monde pourrait parvenir à un régime de commerce mondial fondé sur des règles, qui protège les travailleurs, l'environnement et la capacité des gouvernements d'agir dans l'intérêt public.

LES ARMES NUCLÉAIRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, cette pétition concerne une décision rendue par le tribunal international de la justice le 8 juillet 1996, par laquelle le tribunal a déclaré à l'unanimité qu'aux termes de l'article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, nous avons l'obligation de poursuivre en toute bonne foi, et de mener à terme, des négociations sur la réalisation de tous les aspects du désarmement nucléaire, sous le plus strict et le plus efficace contrôle international.

Ainsi, les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'appuyer l'élaboration immédiate, et la conclusion avant l'an 2000, d'une convention internationale établissant un échéancier exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.

L'ÂGE DU CONSENTEMENT

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je présente aujourd'hui deux pétitions.

La première concerne la modification du Code criminel et demande que l'âge du consentement à des activités sexuelles soit haussé de 14 à 18 ans. Cette pétition est signée par 231 personnes, des habitants de ma circonscription et d'autres régions du Canada à l'ouest de l'Ontario.

LES REMÈDES ET LES SUPPLÉMENTS À BASE D'HERBES MÉDICINALES

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par 115 personnes qui réclament la modification des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues touchant les remèdes et les suppléments à base d'herbes médicinales.

Les pétitionnaires proviennent de la région de 100 Mile House et du lac La Hache.

 

. 1020 + -

LES ARMES NUCLÉAIRES

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais présenter trois pétitions à la Chambre aujourd'hui.

La première vise l'abolition des armes nucléaires. Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer la négociation et la signature d'ici l'an 2000 d'une convention internationale qui établirait un calendrier ayant force exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, la deuxième pétition demande au Parlement d'annuler le projet de loi C-2 qui augmente considérablement les cotisations versées au RPC, réduit les prestations et modifie les arrangements financiers du RPC au profit des courtiers et des banquiers de Bay Street.

Les pétitionnnaires demandent également à la Chambre d'instituer un examen national du système des pensions de retraite au Canada.

L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): La troisième pétition, monsieur le Président, a trait à l'Accord multilatéral sur l'investissement. Elle prie le Parlement de rejeter le cadre actuel des négociations sur l'AMI et d'ordonner au gouvernement de d'obtenir un accord tout à fait différent qui permettrait au monde d'accéder à un régime de commerce mondial réglementé qui protégerait les travailleurs, l'environnement et la capacité des gouvernements d'agir dans le meilleur intérêt du public.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, je désire présenter une pétition dans laquelle les signataires, des citoyens canadiens, attirent l'attention de la Chambre sur le fait que l'AMI est fondamentalement vicié dans la mesure où il tend à protéger les droits des investisseurs sans accorder une protection similaire aux travailleurs par des normes du travail fondamentales exécutoires. Ils soulignent aussi que l'AMI est antidémocratique dans la mesure où il liera pendant 20 ans les Parlements et gouvernements successifs.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de rejeter le cadre actuel de négociation de l'AMI et d'ordonner au gouvernement de tenter d'obtenir un accord entièrement différent permettant d'instituer un régime de commerce mondial fondé sur des règles, qui protège les travailleurs et l'environnement et permette au gouvernement d'oeuvrer dans l'intérêt public.

*  *  *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 54. .[Texte] M. Reed Elley:

    Depuis l'établissement de la TPS, à combien le gouvernement estime-t-il, à l'égard des comptes de TPS en souffrance à la fin du dernier exercice financier, a) le nombre total de comptes en souffrances, b) le montant total des sommes impayées, c) le nombre total de poursuites intentées contre les titulaires de ces comptes, y compris les litiges en cours, d) les frais judiciaires et frais de perception engagés à cet égard, et e) le nombre total de saisies effectuées par Revenu Canada pour percevoir les sommes impayées?

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre du Revenu national, Lib.): Depuis l'établissement de la TPS et concernant les comptes de TPS en souffrance depuis le 31 mars 1997, soit la fin du dernier exercice financier: a) le nombre total de comptes en souffrance—approximativement 718 000; b) le montant des sommes impayées—2 288 658 000 $

Depuis l'établissement de la TPS (tous les chiffres sont estimatifs basés sur l'inscription manuelle des bureaux locaux): c) le nombre de poursuites intentées contre les titulaires de ces comptes—3 879. Ce chiffre comprend le nombre de mesures judiciaires prises, y compris celles toujours en suspens; d) frais judiciaires—499 224 $; frais de perception—non disponibles. Les frais judiciaires comprennent les frais des représentants légaux et toutes autres dépenses afférentes, tels que les frais d'inscription pour mandats.

Avec l'adoption du projet de loi C-2, Loi sur le ministère du Revenu national, sanction royale 12 mai 1994, les ministères de l'Impôt et de Douanes et Accise ont été unifiés, et les opérations de la TPS ont été fusionnées avec les autres gammes de produits. Donc, les frais de perception spécifiques à la TPS à partir de 1995-1996 ne sont plus disponibles comme dans le passé. Le ministère de la Justice fournit également un soutien à Revenu Canada. Toutefois, les coûts reliés spécifiquement aux activités de perception ne sont pas suivis de près.

e) nombre de saisies effectuées—1 081

[Français]

M. Peter Adams: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—L'AVENIR DU QUÉBEC

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) propose:  

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.

Le Président: Je vais relire la motion. Elle se lit comme suit: «Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.»

[Traduction]

M. Duceppe, appuyé par Mme Debien, propose:

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.

Chers collègues, je lis les deux versions de la motion parce qu'il manque un mot dans la version anglaise; une correction sera apportée dans le Feuilleton.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, je vous indique tout d'abord que je partagerai mon temps de parole avec le député de Berthier—Montcalm.

Nous sommes ici, aujourd'hui, pour discuter d'un sujet d'une importance primordiale pour les peuples canadiens et québécois, la reconnaissance, par la Chambre des communes, du droit du peuple québécois de décider seul de son avenir.

La semaine dernière, un consensus s'est dégagé au sein de la société québécoise, un consensus s'élevant contre le renvoi à la Cour suprême par le gouvernement fédéral, un renvoi par lequel le fédéral tente de soumettre la volonté démocratique du peuple québécois à la Cour suprême, à sa Cour suprême.

Ce consensus regroupe des Québécois de tous les horizons politiques, tant fédéralistes que souverainistes. Déjà, au mois de décembre dernier, le groupe Pro-Démocratie lançait un appel à la mobilisation pour dénoncer cette attaque en règle contre les institutions démocratiques du Québec.

Dans ce groupe non partisan, on retrouve des personnalités telles que Jean-Claude Rivest, sénateur conservateur, André Tremblay, ancien conseiller constitutionnel de Robert Bourassa, Pierre Paquette, secrétaire général de la CSN, Claude Corbo, ex-recteur de l'Université du Québec, Marco Miccone, auteur, et Monique Vézina, présidente du Mouvement national des Québécoises et des Québécois et ancienne ministre fédérale.

 

. 1025 + -

Il s'agit d'un consensus historique. Je choisis le mot «historique», parce que depuis plus de 30 ans, peu importe les débats politiques, cette question cruciale a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de notre société, un consensus tiré de la naissance même du Canada, bâti sur le concept des deux peuples fondateurs.

Déjà, en 1977, René Lévesque s'exprimait clairement sur ce droit en réponse aux attaques du premier ministre Trudeau, et je le cite: «Il ne saurait être question que l'avenir du peuple québécois puisse être décidé par quiconque, sauf les Québécois eux-mêmes.»

Cet énoncé fut repris dans une résolution de l'Assemblée nationale pour répondre à une loi-cadre référendaire déposée par le Parlement fédéral en 1978. Cette résolution adoptée en mai 1978 se lisait comme suit: «Que les membres de cette Assemblée réitèrent sans équivoque et avec fermeté leur adhésion au principe selon lequel seuls les Québécois sont habilités à décider de leur avenir constitutionnel selon les dispositions et les règles que cette Assemblée jugera bon d'adopter.»

Ce consensus historique s'est exprimé à plus de trois reprises au Québec depuis cette résolution: en 1980, lors du premier référendum sur la souveraineté; en 1992, lors du référendum sur l'entente de Charlottetown; et, en 1995, lors du dernier référendum. À trois reprises, le gouvernement fédéral avait accepté ce consensus québécois, en participant de plein gré aux campagnes référendaires et en acceptant même que le Québec consulte sa population sur la base de la Loi référendaire québécoise lors de Charlottetown.

Mais voilà qu'aujourd'hui, le gouvernement fédéral, son premier ministre en tête, tente de nier cette réalité, ce consensus qui rallie tous les principaux acteurs de la société québécoise.

C'est contre ce recul historique que Claude Ryan et Daniel Johnson se sont élévés, la semaine dernière. Ces deux anciens chefs du camp du non, au cours des deux référendums sur la souveraineté, ont simplement réitiré leur appui et leur profond attachement à la démocratie québécoise et canadienne. Pour eux, comme pour des millions de Québécoises et de Québécois, le débat sur la souveraineté du Québec n'est pas une question juridique mais bien une question politique, une question de démocratie.

Pour eux, comme pour des millions de Québécoises et de Québécois, le débat sur la souveraineté du Québec, c'est la voix du peuple québécois exprimée démocratiquement qui prime et non pas la décision de neuf juges nommés par le gouvernement fédéral.

Pour eux, comme pour des millions de Québécoises et de Québécois, le débat sur la souveraineté du Québec se situe bien au-delà d'une question juridique.

Il y a un fossé qui sépare le peuple québécois du gouvernement fédéral, gouvernement fédéral qui tente de soumettre la volonté souveraine d'un peuple à celle d'une cour de justice, de soumettre notre volonté à une Constitution que l'Assemblée nationale n'a jamais acceptée, qui nous a été imposée unilatéralement par Ottawa.

Pour les démocrates du Québec, la volonté souveraine d'un peuple se situe au-dessus des constitutions. Le ministre des Affaires intergouvernementales, lui, s'évertue à vouloir soumettre le vote des Québécois à la Constitution de 1982.

Pour les démocrates, c'est le peuple qui décide des constitutions et non les constitutions qui s'imposent aux peuples. Sans peuple, il n'y a pas de constitution. Nous plaçons la voix démocratique du peuple québécois au-dessus de la Constitution canadienne, tandis que le fédéral et son ministre des Affaires intergouvernementales tentent de soumettre le peuple québécois à cette Constitution qui ne fut jamais acceptée par l'Assemblée nationale du Québec.

Et l'outil qu'il ont choisi, c'est la Cour suprême pour s'attaquer à ce droit fondamental des Québécoises et des Québécois. La Cour suprême, leur Cour suprême, leur «rule of law», leur prétention coloniale dépassée!

Comme le soulevait un expert international, le président de la Commission du droit international des Nations unies, M. Alain Pellet, nous assistons à une des pires tentatives de manipulation politicienne par un gouvernement. Le premier ministre tente d'utiliser la Cour suprême comme outil politique et partisan.

C'est une attaque de plein front contre les institutions québécoises sur un droit fondamental du peuple québécois et surtout, sur des principes démocratiques chers, tant aux Canadiens qu'aux Québécois.

 

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La motion devant nous aujourd'hui nous permettra de faire tomber les masques. C'est aujourd'hui que nous saurons si certains élus de cette Chambre sont capables de passer de la parole aux actes.

En 1991, le Nouveau Parti démocratique disait, et je cite: «Le Nouveau Parti démocratique reconnaît le droit à l'autodétermination des Québécois. Les néo-démocrates respecteront le résultat de l'exercice démocratique de ce droit.» S'ils s'engagent à respecter le résultat référendaire, c'est donc que les néo-démocrates considèrent que c'est le résultat du vote des citoyens qui compte et non celui des neuf juges de la Cour suprême.

Toujours en 1991, l'assemblée générale du Parti progressiste-conservateur du Canada adoptait la résolution suivante, et je cite: «Il est résolu que la reconnaissance du droit des Québécois et des Québécoises à l'autodétermination soit confirmée.» Les conservateurs considèrent donc également qu'il s'agit d'une question politique, puisqu'ils disent explicitement que c'est le droit des Québécoises et des Québécois, pas le droit de neuf juges nommés par le gouvernement fédéral, de décider de l'avenir du Québec. Les néo-démocrates et les conservateurs devront donc être conséquents avec la volonté démocratique de leurs propres militants et appuyer aujourd'hui la motion proposée par le Bloc québécois.

Finalement, pour ce qui est des réformistes, s'ils votent contre notre motion, ce ne sera pas la première fois qu'ils s'en prendront au Québec. Hier, ils ne reconnaissaient pas aux Québécois le droit de se porter candidats. Aujourd'hui, s'ils votent contre la motion débattue, ils nieront aux Québécois le droit de choisir librement de leur avenir.

Quant aux libéraux, bien qu'eux-mêmes n'aient jamais reconnu explicitement le droit du Québec de décider démocratiquement de son avenir, même s'ils ont participé au référendum, il reste que le Parti libéral du Québec, lui, l'a déjà fait à quelques reprises.

Le message que nous lançons ici à la Chambre des communes en présentant cette motion, c'est un message qui s'adresse à tous les parlementaires du Québec et du Canada, un message sans équivoque que ni les juges, ni le gouvernement fédéral, ni le reste du Canada ne décideront de l'avenir de tout un peuple.

Je ne saurais terminer sans rappeler les propos de mon père, Jean Duceppe, qui, le 25 juin 1990, lors de son dernier discours, affirmait, et je le cite: «Une chose est certaine: à compter de maintenant, l'avenir du Québec ne se décidera plus à Terre-Neuve, au Manitoba ou ailleurs, mais au Québec, par les Québécoises et les Québécois.»

[Traduction]

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser une question simple au chef du Bloc. Il a dit que le peuple était au-dessus de la Constitution, que la voix populaire l'emportait sur la Constitution. Pourrait-il dire à la Chambre où se situe le principe de la primauté du droit dans cette conception? En des termes plus clairs, est-ce que le respect de la primauté du droit sera l'un des principes fondamentaux du nouveau Québec qu'il envisage?

[Français]

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, je remercie le chef du Parti réformiste d'avoir posé cette question. J'ai dit dans mon discours qu'on a vu, en 1982, que la prédominance de la loi, «the rule of law» comme ils disent, est la «rule of law» du Canada et non du Québec. On n'a pas daigné demander au Québec s'il acceptait la Constitution de 1982. Tous les partis au Québec, fédéralistes et souverainistes confondus, n'ont jamais accepté cette Constitution.

J'aurais aimé voir quelle aurait été la réaction, par exemple, du chef du Parti réformiste si, en 1982, la Constitution avait été rapatriée sans l'accord de l'Alberta. Pensons-y deux minutes. Je suis convaincu que le chef du Parti réformiste aurait dénoncé un geste unilatéral. Quand les fédéralistes viennent nous parler ici de geste unilatéral, ils sont les champions des gestes unilatéraux depuis 1867, toujours à l'encontre du Québec. On les a vus.

Alors qu'aujourd'hui on me demande si, au Québec, ce sera un régime de droit, je vous dis oui, et ce sera un régime de droit authentique, pas hypocrite comme on a vu les fédéralistes faire en violant sciemment la Loi référendaire du Québec par leur «love-in» à la veille du référendum du 30 octobre 1995.

 

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On les a vus venir nous dire: «On vous aime», en violant les principes même de la loi référendaire. «On vous aime», en français, en anglais, en multiculturel, dans toutes les langues. On n'est même capable de parler le français à Nagano. Ces discours hypocrites, on en a plein le casque, monsieur le Président.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce matin, la Chambre est saisie d'une motion des plus importantes, sans doute la plus importante sur laquelle elle aura à se pencher au cours de la 36e Législature, étant donné que cette motion touche les fondements mêmes de notre système politique, à savoir la démocratie et le droit d'un peuple de s'exprimer librement.

Nous recherchons, par notre motion, à faire reconnaître le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir. Devant le détournement de la démocratie que tente d'imposer le gouvernement libéral d'en face, on ne pouvait rester cois. On ne pouvait consentir à la manoeuvre qu'ils sont en train de faire au niveau de la démocratie.

Tous les partis de cette Chambre ont la responsabilité civique et politique de s'élever contre cette manoeuvre dangereuse d'Ottawa. Comme le disait le chef du Bloc québécois précédemment, les autres partis en cette Chambre auront à se prononcer. Autant le Parti réformiste, le Parti conservateur que le NPD devront se prononcer sur cet élément extrêmement important qu'est la démocratie. Et on verra, au moment du vote, où ces partis logent. Est-ce qu'ils logent avec le gouvernement d'en face, qui tente d'utiliser la Cour suprême à des fins politiques?

S'ils votent contre ce principe, ils se feront complices et acteurs du projet machiavélique du gouvernement. Leurs mains seront souillées par leur négation d'un principe reconnu internationalement, le principe de la démocratie.

Cependant, au Québec, on a compris l'enjeu. On a vu et entendu, au cours des dernières semaines, des hommes et des femmes de tous les horizons politiques dénoncer le geste que tente de poser le gouvernement d'en face. Je vais en nommer quelques-uns, compte tenu du temps qui m'est alloué: Claude Ryan, président du comité du non lors du référendum de 1980 et ancien chef du Parti libéral du Québec; Daniel Johnson, président du comité du non en 1995 et chef actuel du Parti libéral du Québec; des sénateurs, en autres, Jean-Claude Rivest; d'anciens ministres conservateurs comme Monique Vézina; des journalistes, qui ne sont pas toujours de notre côté, mais qui ont dénoncé vigoureusement les gestes que le fédéral est en train de poser. Il y a même des gens d'Église, dont monseigneur Blanchette, évêque de Rimouski et le cardinal Jean-Claude Turcotte, dont le message était unique, dont le message était le même: «C'est au peuple québécois de décider de son avenir».

Libéraux, conservateurs, civils, séculiers, religieux, anciens ministres, sénateurs et même actuels politiciens, tous ont en commun leur sens de la démocratie. Le consensus est né au Québec, le consensus est là au Québec. Que le gouvernement d'en face en prenne acte. «La démocratie, c'est plus important que tout le reste» criait haut et fort Claude Ryan, le 4 février 1998, et il avait raison. La question de l'avenir du Québec n'est pas une question juridique mais politique. Ce n'est pas un débat de juristes, d'avocats ou de juges, mais un débat démocratique que le peuple québécois est capable de faire.

En regardant les agissements du fédéral, je pense qu'on peut dire qu'il est révoltant et choquant de voir l'utilisation qu'il veut faire de la Cour suprême du Canada. Je ne suis pas le seul à le penser.

Je me limiterai à citer un passage du président de la Commission des droits internationaux de l'ONU, qui n'est pas un souverainiste du Québec ou quelqu'un à la solde des Québécois. Je ne pense pas que personne va mettre en cause sa crédibilité et son savoir-faire en droit international. Il a dit, dans le mémoire déposé à la Cour suprême du Canada par l'ami de la Cour, «Je suis profondément troublé et choqué par la façon partisane dont les questions sont posées et je me permets de suggérer qu'il est du devoir d'une cour de justice de réagir face à ce qui apparaît clairement comme une tentative trop voyante de manipulation politicienne.» Ça, c'est fort.

 

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Cependant, si l'avocat Pellet avait examiné les décisions de la Cour suprême du Canada, s'il avait regardé toute l'histoire de la Cour suprême du Canada, il aurait vu que ce n'est pas la première fois que le gouvernement d'Ottawa agit en proxénète avec les juges de la Cour suprême dans le dossier constitutionnel et dans le partage des juridictions.

On dit, au Québec: «On ne mord pas la main qui nous nourrit.» Pour les juges de la Cour suprême, sans doute qu'ils se disent: «On ne contredit pas ceux qui nous nomment et ceux qui nous entretiennent.»

Les éminents juristes de la Cour suprême du Canada, ou plutôt les vaillants serviteurs du pouvoir central, n'ont toujours, et depuis bien des lunes, travaillé qu'à dénaturer le pacte confédératif de 1867.

Ernest Lapointe, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, en 1925—ce n'est pas d'hier—disait ce qui suit, et j'invite le ministre des Affaires intergouvernementales à écouter très attentivement cette citation: «Le pouvoir fédéral est l'enfant des provinces, il n'en est pas le père.» C'est une phrase qui se comprend très bien. Cependant, avec le temps, on a vu que les juges de la Cour suprême, avec la complicité du gouvernement fédéral, ne l'entendent pas ainsi.

L'impasse du droit dans laquelle on est à l'heure actuelle, parce qu'il y a en a une impasse du droit, encore là, c'est un consensus à travers le Québec, est à son plus haut niveau, mais il ne date pas d'hier.

Ce n'est pas seulement une image lorsqu'on mentionne que la Cour suprême est comme la tour de Pise, qu'elle penche toujours du même côté. Cela peut être prouvé. On n'a qu'à examiner les décisions de la Cour suprême du Canada pour s'en rendre compte.

Les Québécois n'ont rien à attendre de la Cour suprême du Canada. C'est une cour partiale, lorsqu'il s'agit de protéger le Canada et de centraliser les pouvoirs.

À la suite du rapatriement de la Constitution, René Lévesque disait, en 1982: «Alors, ce que ça fait pour le Québec, c'est tout simplement de rendre à peu près impossible la résistance à une centralisation forcée, chaque fois qu'on voudra la pratiquer.» Malheureusement, l'histoire lui a donné raison.

Depuis 1982, on a assisté à une consolidation systématique du pouvoir et des prérogatives du gouvernement fédéral au détriment des compétences constitutionnelles des provinces. Cette tendance n'est pas uniquement attribuable à la volonté politique d'Ottawa, mais aussi et surtout aux nombreuses décisions de la Cour suprême du Canada.

Un survol, au niveau des statistiques, sur l'ensemble des causes entendues par la Cour suprême en provenance des cours d'appel provinciales, entre 1987 et 1996, met à jour un fait étonnant. Près de six jugements sur dix en provenance du Québec sont infirmés, tandis que la moyenne nationale pour l'ensemble des provinces est d'environ quatre jugements sur dix. Cela doit être ça, pour les juges de la Cour suprême, «un traitement spécifique pour une société distincte».

Dans l'histoire du Canada, 1981 est une année très noire, puisque c'est alors que la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur la décision du fédéral de rapatrier unilatéralement la Constitution. C'était le point de départ, le coup d'envoi pour les fédéralistes de centraliser le plus possible les pouvoirs.

En 1981, les juges de la Cour suprême disaient que le gouvernement fédéral avait le droit, malgré l'opposition des provinces, de demander à Londres un rapatriement qui affecte les pouvoirs des provinces, mais violerait une convention constitutionnelle en le faisant. Le rapatriement unilatéral de la Constitution de Trudeau et de l'actuel premier ministre du Canada était donc, aux yeux de la plus haute cour canadienne, légale mais illégitime en vertu d'une convention constitutionnelle.

Aujourd'hui, avec les trois questions que le fédéral propose, et sur lesquelles on veut que les juges se prononcent, les juges n'auront même pas à examiner les conventions constitutionnelles, puisqu'ils se limitent à la Constitution du Canada de 1882.

Le temps va très vite, vous me signalez qu'il ne me reste qu'une seule minute. J'aurai éventuellement l'occasion de préciser ma pensée et de citer plusieurs jugements, passant d'Hydro-Québec à d'autres décisions relatives aux travaux intergouvernementaux, pour s'apercevoir que, de plus en plus, le fédéral centralise avec la bénédiction, avec la complicité de la Cour suprême, les pouvoirs au niveau fédéral, au niveau central.

 

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Je veux proposer un amendement à la motion présentée par le Bloc québécois en ce jour désigné:  

    Que l'on modifie la motion en ajoutant les mots «et à lui seul» entre les mots «au peuple québécois» et «de décider».

Également, à la lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui, entre le texte français de la motion présentée par le Bloc québécois et sa traduction anglaise, il s'est glissé plusieurs erreurs de traduction, involontairement j'espère. On peut la lire et voir qu'il y a une forte distinction entre ce qui est indiqué dans le texte anglais et le texte français.

Pour une meilleure compréhension de cette Chambre, j'ai fait une traduction de cette motion et j'aimerais la déposer afin qu'elle soit conforme, en anglais et en français, à l'esprit dans lequel nous l'avons déposée.

Le vice-président: Je remercie l'honorable député de Berthier—Montcalm d'avoir déposé la correction déjà reconnue par le Président de la Chambre plus tôt ce matin.

En outre, l'amendement est acceptable.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir commenter le discours du député de Berthier—Montcalm et celui du chef du Bloc québécois.

Aujourd'hui, c'est effectivement un moment historique qui a été très bien démontré dans les deux discours. L'appel qui a été lancé aux représentants des autres partis est important, parce qu'il y a eu, en 1982, une brisure très significative au Canada et il y en aura une encore plus évidente si jamais, aujour'hui, les autres partis qui ont été élus ici, dans cette Chambre, décident de voter contre cette motion et décident que la Cour suprême aurait préséance sur la décision des Québécois.

En ce sens, j'aimerais que le député de Berthier—Montcalm puisse bien faire comprendre à l'ensemble de la population canadienne et à l'ensemble des Québécois la nécessité de donner priorité à la démocratie. Qu'est-ce que les Québécois et les Canadiens devraient comprendre de façon particulière de notre motion pour que le jugement de la population soit clair et net, et que l'ensemble de la population canadienne, qui a déjà vu les trois résultats référendaires depuis 1980, puisse être certaine qu'ici en cette Chambre, qui est un symbole de démocratie, on puisse avoir un geste posé par tous les partis qui aille dans le sens du respect de cette démocratie?

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le Président, je remercie le député pour cette question. Cela me donne l'occasion de compléter un peu mon argumentation.

Effectivement, ce qu'on veut, par notre motion, c'est faire reconnaître qu'il existe au Québec un consensus très large sur une question très importante, celle de la démocratie.

 

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Lorsqu'on voit des gens comme Claude Ryan, un adversaire politique en 1980 et le président du comité du non, parler du premier référendum québécois sur la souveraineté du Québec, lorsqu'on le voit s'élever, à l'heure actuelle, pour faire reconnaître un principe très important, celui de la démocratie, lorsqu'on le voit à côté de personnes comme Lucien Bouchard ou le chef du Bloc québécois, c'est très important.

Lorsqu'on voit également Daniel Johnson, l'actuel chef du Parti libéral du Québec, qui sera dans quelques semaines, dans quelques mois, je ne sais trop, en face du premier ministre dans un débat électoral, prendre position, cette semaine, sur une question importante de la démocratie, je pense que tous les partis politiques de cette Chambre doivent comprendre que s'ils votent contre la motion du Bloc, ils vont voter contre le consensus québécois bien établi. Plus que cela, pour les conservateurs et le NPD, ils vont même voter contre des résolutions légitimement adoptées par leurs membres lors de congrès.

C'est au peuple québécois de décider de son avenir. Ce n'est pas une question juridique, c'est une question politique. Ce n'est pas une affaire de juges et d'avocasseries, c'est une question qui appartient au peuple québécois mature. On a vu, lors des derniers référendums, qu'il sait faire cela adéquatement, de façon structurée.

J'en profite également, pendant qu'on me donne l'occasion de répondre à cette question, pour ajouter un point extrêmement précis. À cause de la contrainte de temps, je n'ai pu le mentionner dans mon exposé.

Avec les décisions jurisprudentielles de la Cour suprême du Canada, il s'est dessiné, depuis quelques années, un principe nouveau. On disait tantôt qu'on avait des inquiétudes par rapport à ce que la Cour soulevait. Elles se sont confirmées, puisque cette nouvelle jurisprudence constitutionnelle n'est pas uniquement circonscrite autour de l'enjeu du partage des compétences entre les provinces mais, à cause de certains arrêts, on énonce l'intention manifeste de la Constitution d'établir un seul et même pays.

Cela n'est nulle part dans la Constitution canadienne. C'est une interprétation des juges. Tellement, que dans le renvoi qui est devant les juges de la Cour suprême à l'heure actuelle, la procureur générale du Canada invoque même cela dans son mémoire lorsqu'elle dit, en répliquant au mémoire de l'ami de la Cour dans le renvoi sur la sécession du Québec, qu'il est de l'intention manifeste de la Constitution et le désir des provinces fondatrices de s'unir en fédération pour former un seul et même Dominion.

Je pense qu'on n'a pas le même concept de ce que les Québécois veulent. Je pense qu'on ne comprend pas la signification réelle, depuis toutes ces années, de la notion des provinces fondatrices, des deux peuples fondateurs.

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, laissez-moi d'abord remercier le chef du Bloc québécois de me donner l'occasion de clarifier une fois de plus, pour le bénéfice du Bloc québécois, les raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada a demandé à la Cour suprême des clarifications légales touchant une déclaration unilatérale d'indépendance.

Permettez-moi cependant de déplorer les charges tout à fait déplacées des deux porte-parole du Bloc à l'encontre d'une des cours les plus respectées à travers le monde dont les jugements sont cités partout par les principales autorités judiciaires.

Je pourrais d'ailleurs donner un ensemble de citations à l'appui de la compétence de la plus haute cour du pays. Je n'en ferai qu'une seule, et je cite: «J'ai pratiqué le droit pendant 20 ans. Je peux rendre témoignage que la justice au Canada est entre bonnes mains et que nous avons des juges qui sont responsables et conscients de leurs obligations.»

J'ai cité un ancien ministre fédéral, aujourd'hui premier ministre du Québec, l'honorable Lucien Bouchard, le 1er septembre 1988.

Je pourrais ajouter ceci, et je le cite encore: «Moi, je suis pour la primauté du droit dans tous les cas. Il faut respecter les droits. Je crois que dans une société de droit, s'agissant en particulier de premiers ministres, il est tout à fait inconcevable qu'on puisse laisser planer la menace d'une intervention brutale à l'encontre du droit.»

Je viens de citer l'actuel premier ministre du Québec, le 21 septembre 1996. Je voudrais rendre service à ce premier ministre et l'empêcher de continuer à prétendre qu'il peut, en effet, avoir un acte dramatique en dehors du droit. Car telle est bien notre intervention à la Cour suprême.

 

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Nous n'avons jamais dit qu'il était question de retenir les Québécois dans le Canada contre leur gré; nous avons dit le contraire. Notre pays ne serait pas le même s'il ne reposait pas sur l'adhésion volontaire de toutes ses composantes.

Ce qui est en cause, c'est la prétention de l'actuel gouvernement du Québec qui prétend détenir un droit—il faut arrêter de nous dire que ce n'est pas une question juridique, c'est eux qui prétendent détenir un droit—en fonction du droit international de s'autoproclamer gouvernement d'un État indépendant à partir d'une procédure de consultation populaire qu'il aurait fixée et interprétée seul.

Nous croyons que ce droit n'existe pas. Quand on a un désaccord sur une question de droit, on s'adresse au plus haut tribunal ou à un tribunal, et on obtient ainsi une clarification que tout le monde devrait accueillir comme un éclaircissement nécessaire en démocratie. Je dis qu'il n'est pas démocratique de refuser d'entendre une clarification juridique et de demander au peuple de décider sans connaître les conséquences et l'environnement juridiques de cette décision.

Si nous disons, au Canada, que nous ne pouvons pas retenir une de nos populations contre sa volonté clairement exprimée, ce n'est pas parce que nous y sommes poussés par un droit international ou un droit canadien—du moins, c'est ce que nous pensons et nous verrons bien ce que la Cour en dira—mais bien parce que cela fait partie de notre culture politique au Canada. Cela fait partie de nos valeurs. Nous avons le sentiment que notre pays ne serait pas le même, comme je l'ai dit tout à l'heure, s'il ne reposait sur l'adhésion volontaire de toutes ses composantes.

Donc, le débat ne porte pas sur la volonté des populations. Le débat porte sur la procédure par laquelle cette volonté s'exprimerait. Nous pensons que cette procédure doit être claire, limpide, transparente, reposant sur une volonté que tout le monde peut constater.

Par ailleurs, si une population canadienne devait cesser de vouloir être canadienne, ce qui permettrait la sécession, qui, à notre avis, serait une chose très triste, ce n'est pas que cette population s'autoproclamerait un peuple et entendrait annexer d'autres populations contre leur gré à cette sécession. Car je demanderais à ce moment-là aux gens du Bloc québécois si c'est une question purement politique qui n'a rien à voir avec le droit. À ce moment-là, ils seront d'accord pour voter en faveur de la motion suivante, j'en suis sûr: «Que la Chambre reconnaisse le consensus cri en vertu duquel il appartient au peuple cri et à lui seul de décider librement de son avenir». Est-ce que les Cris seraient moins un peuple?

Vous voyez bien qu'ils seraient les premiers à dire: «Ah non, eux, ils n'en ont pas le droit. Nous, nous en avons le droit et nous avons le droit de les annexer à notre nous, mais eux, ils n'en ont pas le droit.» On se retrouve là avec un argument de deux poids deux mesures qui n'a aucune base morale et, à notre avis, aucune base légale. On verra ce que la Cour en dira pour ce qui est de la base légale.

La culture politique que les Québécois et les autres Canadiens partagent fut très bien résumée, je pense, par le philosophe français Ernest Renan, à l'effet qu'un pays repose sur le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. Nous croyons que les Québécois, dans des conditions de clarté, diront toujours qu'ils veulent continuer la vie commune au sein de cette grande fédération qu'ils ont faite avec les autres Canadiens.

Ce que je viens de dire devrait être clair et reconnu depuis longtemps. Le 26 septembre 1996, quand le procureur général de l'époque, aujourd'hui ministre de la Santé, a expliqué pourquoi nous allions à la Cour suprême pour le renvoi, il a déclaré ceci à la Chambre:

    Les principales personnalités politiques de toutes nos provinces et le public canadien ont convenu depuis longtemps que le pays ne restera pas uni à l'encontre de la volonté clairement exprimée des Québécois. Notre gouvernement est d'accord avec cette position. Cette manière de penser découle en partie de nos traditions de tolérance et de respect mutuel, mais elle existe aussi parce que nous savons instinctivement que la qualité et le fonctionnement même de notre démocratie exigent l'assentiment général de tous les Canadiens.

Et il ajoutait:

    L'enjeu n'est pas de savoir si un pays démocratique comme le Canada peut retenir une population contre son gré, bien sûr que non. L'enjeu vient de la prétention erronnée du gouvernement du Québec selon laquelle il pourrait seul et de façon unilatérale décider du processus pouvant mener à la sécession et en changer à volonté, selon ses intérêts politiques à court terme. Les Québécois, de même que leurs concitoyens des autres provinces, seraient sérieusement affectés par l'éclatement de notre pays. Chaque citoyen a le droit d'être certain que le processus suivi est clair, mutuellement acceptable et juste pour tous.

 

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Cette position que je viens d'énoncer, que mon collègue a déjà énoncée en septembre 1996, n'est pas nouvelle. Elle a été énoncée par le premier ministre du Canada, à la veille du référendum de 1980, quelques jours avant, le 14 mai 1980, par le très honorable Pierre Elliott Trudeau que je cite: «C'est ça qu'il faut dire aux tenants du oui. Si vous voulez l'indépendance, si vous votez oui, vous n'aurez pas l'indépendance, parce que vous l'avez fait conditionnelle à l'association, conditionnelle à faire en même temps l'association. Si vous voulez l'association, votre oui ne signifie rien, parce qu'il ne lie pas les autres provinces qui refusent de s'associer avec vous. Alors ça, voyez-vous, c'est ça l'impasse où cette question ambiguë, cette question équivoque nous a plongés.» C'était donc le 14 mai 1980.

Lors du dernier référendum, que disait le premier ministre de l'époque, qui est d'ailleurs toujours notre premier ministre? Le 19 septembre 1995, à la Chambre, le premier ministre du Canada a déclaré:

    D'ailleurs, peut-être que je pourrais expliquer au chef de l'opposition ceci. Je voudrais lui citer un document du gouvernement de M. Lévesque, qu'il connaît bien. En 1977, dans un document qui s'intitulait La consultation populaire au Québec, on disait: «Les référendums auraient un caractère consultatif.» Je suis d'accord. Le document dit: «La première loi contraignante de la vie politique en démocratie est celle de la majorité clairement exprimée.» Je suis d'accord. Et le document continue: «Ce caractère consultatif des référendums...», on aurait dû écrire référenda, en tout cas, «...fait qu'il serait inutile d'inclure dans la loi des dispositions spéciales à l'égard de la majorité requise ou du taux nécessaire de participation.

On pourrait demander au Bloc de respecter la Loi québécoise sur les consultations populaires. Le 19 septembre toujours, le premier ministre ajoutait:

    Monsieur le Président, je pense que tout le monde sait que la Constitution canadienne, je tiens à la faire respecter.

Le 20 septembre, le premier ministre ajoutait:

    Monsieur le Président, j'ai répondu à toutes ces questions-là au cours des deux derniers jours. J'ai d'ailleurs cité le programme de René Lévesque qui parlait du concept voulant qu'un référendum, c'est une consultation et qu'il faut respecter les lois et la Constitution d'un pays, et qu'il fallait une volonté clairement exprimée.

Si nous acceptons que le Canada puisse être brisé, ce n'est pas parce que nous y sommes poussés par un droit, c'est en fonction de notre culture politique propre que d'autres démocraties très respectables ne partagent pas. L'Australie, dans sa Constitution, se déclare un Commonwealth fédéral indissoluble. Est-ce une mauvaise démocratie? Sans doute que non, mais selon la définition du Bloc, oui, elle serait au ban des nations.

La Belgique, article 167 de sa Constitution: «Nulle session, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.»

Le Danemark a refusé aux îles Féroé de se séparer après un référendum gagné à 50,7 p. 100. Le Danemark est-il au ban des nations démocratiques? Non.

La République tchèque: «Le territoire de la République tchèque forme un tout indivisible dont les frontières peuvent être modifiées seulement par une loi constitutionnelle.»

La Finlande, autre pays multilingue: «Le territoire de l'État de Finlande est indivisible.»

J'ai toute une liste de démocraties qui ont décidé qu'elles étaient indivisibles.

Je conclus en disant qu'il est absurde de dire qu'on peut décider seul. Donc, l'amendement est absurde, parce qu'une sécession se négocie. Les Québécois ne peuvent décider seuls du partage de la dette.

M. Michel Bellehumeur: Oui, monsieur.

L'hon. Stéphane Dion: Par contre, je demande le consentement unanime de la Chambre pour proposer le sous-amendement suivant:

    Que la motion soit modifiée en ajoutant, après le mot «avenir», ce qui suit: «dans le respect de l'état de droit et de la démocratie pour tous.

 

. 1105 + -

La présidente suppléante (Mme Thibeault): L'amendement proposé par le ministre est de fait un amendement de substance à la motion principale. Ce qui est présentement devant la Chambre est l'amendement proposé par le député de Berthier—Montcalm. Donc, tout sous-amendement doit être lié à cet amendement.

Je dois donc rejeter l'amendement proposé par le ministre sur le plan de la procédure.

L'hon. Stéphane Dion: Madame la Présidente, je demande le consentement unanime pour que l'amendement soit quand même acceptable.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Est-ce que le ministre a le consentement unanime de la Chambre pour que cet amendement soit acceptable?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): L'honorable député de Joliette invoque le Règlement.

M. René Laurin: Madame la Présidente, la demande du ministre n'équivaut-elle pas à contester votre décision, puisque vous avez déclaré que l'amendement était irrecevable?

Si l'assemblée, du consentement unanime, vous demandait de le déclarer recevable, cela équivaudrait à vous dire que vous n'avez pas eu raison.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Il y a eu une demande de consentement unanime. On va s'en tenir là.

M. Bob Kilger: Madame la Présidente, je désire intervenir simplement à titre de clarification.

Tout d'abord, c'est un débat très important dont on est saisis aujourd'hui. Par contre, je crois qu'il est très conforme aux règles de ce Parlement, de cette démocratie, de notre institution, de demander le consentement unanime sur n'importe quel sujet, à n'importe quel moment.

Ce n'est pas une question de remettre en question la décision de la Présidence. C'est entièrement faux. C'est tout simplement une question de demander le consentement unanime qui, malheureusement, a été rejeté. Nous avons toujours accepté les décisions de la Présidence et des parlementaires de tous les partis de cette Chambre respectueusement.

 

. 1110 + -

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, j'ai un service à demander au ministre et une question à lui poser.

Je ne peux concevoir que le ministre se lève à la Chambre et remette en cause la qualité démocratique du peuple québécois. Vous allez convenir avec moi qu'il faut un méchant front de troupeau de boeufs pour dire au peuple québécois qui, à deux reprises, avec une participation massive dans le cadre d'un exercice référendaire, a signifié sa volonté de participer, par consensus référendaire, à des exercices que commandait son gouvernement. Que ce ministre se lève à la Chambre et qu'il remette en cause la qualité démocratique des consultations qui ont été tenues au Québec, je ne l'accepte pas.

Il y a un fait qui s'impose et qui n'échappe pas au peuple québécois, c'est que le ministre, et le gouvernement auquel il participe, le ministre est un homme seul, un homme esseulé. Cette volonté qu'il a de s'attaquer à la démocratie profonde du peuple québécois est vouée à l'échec, parce que des gens comme Claude Ryan se sont levés debout. Elle est vouée à l'échec, parce que des gens comme l'ancien recteur de l'UQAM, Claude Corbo, se sont levés debout. Ils disent non, ce n'est pas possible que ce soit la Cour suprême qui décide, parce que ce dont on parle, c'est le droit du peuple du Québec à décider librement, de façon éclairée, de la seule façon dont cela puisse se faire, c'est-à-dire par un exercice référendaire qui émanera de l'Assemblée nationale.

Tous les parlementaires de cette Chambre, particulièrement ceux du côté du gouvernement, qui ne veulent pas se rendre à cet exercice-là, violent le droit à la démocratie que le peuple du Québec veut faire entendre.

Ce que je demande au ministre, c'est s'il sera assez intègre pour reconnaître que c'est un homme seul et esseulé, et que toutes les forces vives du Québec, tous ceux qui ont participé au cours des dernières années aux différents exercices référendaires, lui ont dit non, que ce n'est pas à la Cour suprême de décider. Ce ministre peut-il se lever et dire qu'il est seul, qu'il s'est trompé et qu'il reconnaît que les Québécois ont le droit de décider dans un cadre référendaire? C'est cela, la démocratie.

L'hon. Stéphane Dion: Madame la Présidente, il faut en effet respecter la Loi québécoise sur les consultations populaires. C'est un minimum. Cette loi dit qu'un référendum est une consultation et qu'à la suite de la consultation, on évalue le résultat.

La question est de savoir si le gouvernement de tous les Canadiens a une capacité de libre appréciation du résultat. C'est ce qui est en jeu. Il me semble que dans n'importe quelle démocratie au monde, cela irait de soi. Ce sont les principes mêmes de la démocratie, à savoir qu'aujourd'hui, les Québécois sont aussi des Canadiens et, pour eux, la possibilité de perdre le Canada ne doit procéder que d'une volonté très clairement exprimée et reconnue comme telle. Cela ne peut pas être quelque chose qu'un gouvernement provincial décide de lui-même, parce qu'à ce moment-là, on donne à ce gouvernement provincial la possibilité de sortir le Québec du Canada à partir d'une procédure qu'il aurait fixée et interprétée seul.

Je demande au député, qui se dit respectueux de la démocratie, s'il y a une seule démocratie au monde qui a accepté cette procédure—j'ai hâte de les entendre—et s'il y a beaucoup de partis politiques qui siègent dans des démocraties et qui votent contre l'État de droit et la démocratie pour tous.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je voudrais demander au ministre qui vient...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député de Winnipeg—Transcona invoque le Règlement.

[Traduction]

M. Bill Blaikie: Madame la Présidente, je suis convaincu que si vous vous référez à la tradition, à la pratique et à l'esprit de la procédure régissant la période des questions et observations, vous constaterez que les questions et observations doivent provenir de tous les partis et que la règle, lorsqu'elle a été établie, visait à faire en sorte que les députés de partis autres que celui de la personne qui vient de prendre la parole aient préséance.

Les députés du Bloc québécois en sont à une deuxième question consécutive. Je pense qu'il faudrait laisser la chance à d'autres.

 

. 1115 + -

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a parfaitement bien évalué la situation, mais malheureusement il ne s'est pas levé avant l'autre député.

M. Jim Gouk: Comment avez-vous pu ne pas le remarquer?

M. Bill Blaikie: Je ne suis pas particulièrement petit. Dois-je monter sur mon bureau?

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je regardais dans une seule direction.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je voudrais savoir du ministre s'il ne trouve pas un peu drôle quand même que les juges de sa Cour soient, en dernier ressort, appelés à se prononcer. C'est un peu comme dans un cas de divorce, finalement. On parle de divorce ici.

C'est un peu comme si un couple avait un différend lors d'une procédure de séparation et que l'un des deux époux disait à l'autre: «C'est ma mère qui va trancher le débat. C'est ma mère qui va décider qui a raison entre nous deux.» C'est un peu cela.

Ne trouve-t-il pas que ses juges, nommés par lui, payés par lui, qui sont à son service, risquent d'être biaisés un peu dans la décision qu'ils sont appelés à rendre, décision qui devrait normalement, s'ils ont bien compris leur mission, satisfaire leur ministre?

C'est là-dessus que le peuple québécois en a actuellement et il n'a pas résolu cette problématique dans son discours précédent. Je voudrais qu'il soit plus explicite là-dessus.

L'hon. Stéphane Dion: Madame la Présidente, je crois avoir répondu à mon honorable collègue par des citations à l'appui de la compétence, en fait, de la grande compétence du système judiciaire canadien, y compris la Cour suprême, faites par son chef, le premier ministre du Québec.

Donc, bien sûr qu'on a une cour reconnue à travers le monde, qui est l'une des plus citées. L'avis qu'elle aura à rendre sera considéré par les experts juridiques et les cours à travers le monde parce que c'est une décision qui a aussi des effets dans d'autres pays et ce sera considéré comme quelque chose de très important.

Je suis sûr que les juges ont à coeur d'être honnêtes et compétents.

L'autre chose qu'il faut dire, c'est qu'il ne faut pas croire qu'on demande à la Cour de décider si c'est bien ou mal de faire sécession. On ne demande pas à la Cour de dire que les Québécois vont rester dans le Canada, même si c'est contre leur volonté. On lui demande de nous dire si le gouvernement péquiste, le gouvernement actuel du Québec est autorisé, en droit, de prétendre qu'il détient la capacité de s'autoproclamer gouvernement d'un État indépendant à partir d'une procédure de consultation populaire qu'il aurait fixée et interprétée seul.

Il ne faut pas confondre les enjeux simplement pour des raisons politiciennes. C'est un enjeu trop important.

Supposons que la Cour donnait un avis qui serait, en effet, favorable à la thèse du gouvernement du Canada. C'est une information dont tout le monde bénéficiera. On ne va pas prendre des décisions graves sans avoir une information.

Supposons que vous êtes un chef syndical et que vous dites à vos membres: «La grève est légale, on peut la faire», et que vous savez que la grève n'est peut-être pas légale, vous n'agissez pas de façon démocratique envers vos membres.

Or, c'est actuellement ce que le gouvernement du Québec demande de faire, soit de dire aux Québécois...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je m'excuse d'interrompre le ministre, mais le temps est écoulé.

[Traduction]

M. Bill Blaikie: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je voudrais simplement déclarer que je ne crois pas que la présidence ne m'a pas vu. Je crois plutôt qu'elle a choisi de ne pas m'accorder la parole. Je pense que la présidence avait le droit, après avoir reconnu que mon interprétation des règles était juste, de m'accorder la parole à moi et non pas au député de Chambly. C'est la deuxième fois que la présidence agit ainsi, et je trouve ça très regrettable.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Reprenons le débat.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens sur cette motion qui soulève la question de l'avenir du Québec.

[Français]

L'opposition officielle est extrêmement soucieuse de l'avenir des Québécois. Nous désirons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que cet avenir sera le meilleur possible.

[Traduction]

À mon avis, la motion dont nous sommes saisis est incomplète. Elle mentionne les droits des Québécois, sans faire de réserves. Elle semble laisser entendre que le droit des Québécois de décider de leur propre avenir est un droit absolu mais, en réalité, aucun droit n'est absolu.

 

. 1120 + -

Tout droit a ses limites. Les droits sont limités par ceux des autres. Mon droit de montrer le poing s'arrête au bout de votre nez. Par conséquent, la motion que nous examinons est incomplète. Les mots manquants sont assujettis à la suprématie du droit et au principe du consentement démocratique.

L'opposition officielle soutient que les Québécois ont le droit de décider de leur propre avenir, certes, mais ce, conformément à la suprématie du droit. Dans le cas du Canada, cela signifie conformément à la Constitution du Canada, qui est la loi suprême de notre pays.

Que ça plaise ou non au Bloc ou au PQ, la Constitution du Canada est la loi du pays. Cette loi ne renferme aucune disposition explicite prévoyant la sécession d'une province. La seule façon dont une province pourrait légalement se séparer serait d'adopter une modification constitutionnelle qui devrait ensuite être adoptée par cette Chambre et approuvée par les autres provinces.

L'argument voulant que la loi actuelle ne prévoit pas de sécession unilatérale nous semble clairement évident. Cependant, s'il faut lui donner plus de légitimité au moyen d'une confirmation par la Cour suprême du Canada, qu'il en soit ainsi. C'est pourquoi nous sommes en faveur de renvoyer cette question devant la Cour suprême afin qu'elle décide.

Les députés bloquiste diront qu'ils n'ont pas l'intention de respecter la suprématie du droit sur la question de savoir si une province a le droit de se séparer, mais je les implore d'agir avec beaucoup de précaution.

Une fois qu'on dit, surtout lorsqu'on est législateur, qu'on respecte la suprématie du droit, sauf en ce qui concerne telle ou telle chose, on ouvre une porte qu'on pourrait bien ne jamais pouvoir refermer. Si vous enseignez aux gens qu'il y a des exceptions à la primauté du droit et que, lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec la loi, ils peuvent la violer en toute impunité plutôt que de la modifier, vous vous engagez dans une voie très dangereuse.

C'est pourquoi j'ai demandé à l'honorable chef du Bloc, après son discours, s'il croyait à la primauté du droit sur le territoire d'un nouveau Québec. Il m'a répondu que oui. Pourtant, si les bloquistes disent aux Québécois qu'il y a des exceptions à la primauté du droit, que répondront-ils à certains citoyens du Québec qui leur diront plus tard qu'ils n'aiment pas leurs lois, qu'ils entendent les violer et qu'ils ont le droit de le faire unilatéralement, car on leur a dit que c'était acceptable.

Le droit des Québécois de décider de leur propre avenir est également assujetti au principe du consentement démocratique. Les réformistes ont été très clairs sur ce point. Nous voulons que les Québécois demeurent dans le Canada. Nous souhaitons ardemment un Canada uni pour le XXIe siècle.

Nous croyons qu'on peut unir le Canada en réformant la fédération en fonction du principe de l'égalité et en rééquilibrant les pouvoirs. Cependant, nous avons également déclaré que si une majorité de Québécois, répondant à une question claire dans le cadre d'un référendum tenu de façon honnête, décidaient de se séparer, le gouvernement aurait alors pour obligation de négocier les termes de la sécession et les Canadiens devraient à ce moment-là se prononcer sur ces termes.

Avant que les bloquistes ne se félicitent trop du fait que nous souscrivions au principe du consentement démocratique, permettez-moi de signaler que c'est une arme à double tranchant. Si nous affirmons que les Québécois ont le droit de décider de leur propre avenir dans le cadre d'un référendum, cela devrait s'appliquer à tous les Québécois, y compris ceux qui veulent rester au sein du Canada.

Le bulletin de vote d'un référendum sur la sécession devrait, pour être juste envers tous les intéressés, poser les deux questions suivantes et je n'hésite pas à proposer le libellé de celles-ci: Le Québec doit-il se séparer du Canada et devenir un pays indépendant n'ayant aucun lien juridique spécial avec le Canada, oui ou non? Et, si le Québec se sépare du Canada, votre collectivité devrait-elle se séparer du Québec et continuer de faire partie du Canada, oui ou non?

Si un vote majoritaire sur la première question est suffisant pour déclencher la négociation d'une sécession, un vote majoritaire sur la seconde question, dans un district ou une municipalité en particulier, entraînerait la partition du Québec, un changement des frontières du Québec en fonction du droit des Québécois, dans ce cas une minorité de Québécois, de décider de leur avenir. Autrement dit, si le Canada est divisible tant que le processus suivi respecte la primauté du droit et le principe du consentement démocratique, le Québec est alors divisible selon le même processus et les mêmes principes.

 

. 1125 + -

En conclusion, je tiens à dire que c'est parce que la sécession du Québec nuirait non seulement au Canada mais également au Québec, parce que le Canada dans son ensemble et le Québec également souffriraient en définitive d'une sécession et de la partition, que nous recherchons une troisième voie au-delà de la séparation et du statu quo fédéraliste. Nous prions instamment les Québécois d'envisager cette troisième voie et de parvenir à un nouveau consensus autour de cette dernière car c'est la meilleure garantie d'un avenir sûr et prospère.

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Madame la Présidente, nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui débattre de cette motion à la Chambre des communes.

Je profite de l'occasion pour poser quelques questions au chef du Parti réformiste, afin de comprendre clairement quelle est sa position sur certaines questions.

Je citerai d'abord un article écrit par son conseiller principal, un certain Ezra Levant, que nous croisons presque tous les jours ici à la Chambre. Cet article, paru le 30 octobre 1995 dans le Sun de Calgary, est intitulé «Dix raisons de voter oui».

Je veux aujourd'hui donner l'occasion au chef du Parti réformiste de préciser sa position, parce que, si j'ai bien compris, cet article reflète la position du Parti réformiste du Canada. Si tel n'est pas le cas, le chef du Parti réformiste a le choix. Il peut congédier son conseiller principal, qui a exprimé cette opinion et qui ne s'est pas rétracté, ou admettre que c'est la position du Parti réformiste.

Je me permets de citer ce que M. Levant a dit, au nom du Parti réformiste, sur les raisons qui devraient inciter les réformistes à voter oui au référendum. Sa deuxième raison, c'est que cela mettrait un terme au bilinguisme et au multiculturalisme. Dans le troisième paragraphe, il affirme: «En nous débarrassant du Québec, nous serions plus forts pour contenir les autres groupes ethniques séparatistes du Canada, les autochtones.» Selon lui, les autochtones sont des groupes ethniques séparatistes qui demandent que nous leur donnions le statut de première nation. M. Levant poursuit en disant: «Viendrait ensuite le Comité canadien d'action sur le statut de la femme» et ensuite, les groupes écologistes radicaux.

M. Levant poursuit au nom du Parti réformiste. Au paragraphe 4, il affirme: «Nous devrions mettre un terme à la corruption au Parlement. Depuis des décennies, le plus gros produit d'exportation du Québec à Ottawa, ce sont les politiciens qui viennent au Parlement y pratiquer des politiques de favoritisme à l'ancienne. Les promesses de pavage de routes ne nous manqueront pas.» Je vois que les députés réformistes sont d'accord avec ces propos. C'est ce qu'ils semblent montrer par leur attitude.

J'ai une deuxième brève question à poser au chef du Parti réformiste. En 1990, à l'ouverture des bureaux de son parti à Montréal, le chef du Parti réformiste a déclaré: «Si des députés du Parti réformiste étaient élus au Québec, ils travailleraient en faveur du séparatisme si c'étaient là les voeux exprimés par leurs électeurs.»

Le chef du Parti réformiste peut-il nous expliquer comment il concilie ses idées et sa position populiste voulant qu'un député défende uniquement les idées de ses électeurs? Comment explique-t-il qu'il accepterait des députés réformistes défendant le séparatisme à Ottawa?

Je cite maintenant un article paru le 21 juillet 1994 dans le Star de Toronto: «À notre avis, les souhaits des électeurs doivent être déterminants dans la manière dont votent les députés. Si l'un de nos membres est élu député au Québec, nous attendrons de lui qu'il défende les intérêts du Québec.»

Ce sont deux questions directes adressées au chef du Parti réformiste.

M. Preston Manning: Madame la Présidente, tout d'abord, je trouve incroyable que le chef du Parti conservateur mette l'accent dans ce débat sur des articles parus dans le Sun de Calgary et le Star de Toronto.

Le premier article a été rédigé par M. Levant, bien avant qu'il travaille pour nous. Le député le sait pertinemment, les positions qui y sont exprimées ne représentent pas la position officielle du Parti réformiste. Reste que l'occasion est tout indiquée pour faire connaître nos positions.

J'ai été on ne peut plus clair là-dessus. Notre principale position est la suivante: nous voulons faire en sorte que notre pays soit uni comme jamais il ne l'a été auparavant et mettre fin au climat de division que nous devons aux vieux partis qui, pendant 30 ans, ont fait de la question de l'unité nationale leur cheval de bataille, avec les résultats que l'on sait.

Deuxièmement, nous croyons que le meilleur moyen de travailler à l'unité nationale est de trouver un nouvel équilibre des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces.

 

. 1130 + -

Les sondages et notre propre expérience le confirment. S'il y a un concept qui a le vent en poupe, tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec, c'est bien la réforme de la fédération.

À notre avis, c'est précisément sur ce principe qu'il nous faut miser pour rendre le pays plus uni encore. Nous mettons actuellement tout en oeuvre pour assurer le rééquilibrage des pouvoirs, tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec, et pour offrir au Québec une troisième option qui n'est ni le statu quo fédéraliste dans lequel les deux partis traditionnels nous enferment depuis 30 ans, ni la séparation que préconise le Bloc qui a recruté beaucoup de ses membres grâce à cette idée.

[Français]

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Madame la Présidente, s'il existe une constante pour le NPD concernant le sujet de la motion devant la Chambre aujourd'hui, c'est bien notre appui soutenu depuis notre formulation, en 1961, au fédéralisme coopératif qui reflète la dualité canadienne et la place distincte du Québec au sein de la fédération.

Comme le disait Tommy Douglas, en 1967, à propos du premier rapport de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme:

    La Constitution canadienne doit créer une égalité entre les communautés d'expressions anglaise et française du Canada, mais elle doit aussi créer les conditions nécessaires permettant l'égalité des chances entre ces deux communautés. Afin d'en arriver à une telle égalité, des arrangements particuliers doivent être conclus avec le gouvernement du Québec dans le but de négocier un nouveau partage des responsabilités fédérales et provinciales.

[Traduction]

Depuis son congrès de fondation en 1961, le NPD a toujours été manifestement en faveur de la notion des deux peuples fondateurs.

M. Randy White: Cela me paraît un débat.

M. Bill Blaikie: C'est un débat. Accordez-moi votre attention un instant. J'ai parlé en français et voilà les réformistes qui ne savent plus où ils en sont.

M. Randy White: Aucun respect.

M. Bill Blaikie: Je disais donc que depuis la fondation du NPD en 1961, nous avons toujours soutenu haut et fort la thèse des deux peuples fondateurs, tout en reconnaissant qu'il y a d'autres peuples fondateurs au Canada, soit les autochtones. Depuis lors, nous avons souscrit, en principe et en pratique, à diverses formes de fédéralisme asymétrique.

Je me souviens du débat sur le rapatriement de la Constitution— si l'affaire est si pressante à leur yeux, je me demande, madame la Présidente, pourquoi les bloquistes ne tiennent-ils pas leur réunion de caucus à l'extérieur de la Chambre de façon à ce que je puisse m'entendre penser. Je parle de vous, Bellehumeur.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Bill Blaikie: Nous avons toujours appuyé certaines formes de fédéralisme asymétrique et nous avons également toujours appuyé le droit du Québec à l'autodétermination. Bon nombre des résolutions citées un peu plus tôt par les députés du Bloc dans leurs discours de lancement du débat reflétaient d'ailleurs précisément la position adoptée par le NPD par le passé et d'autres positions défendues jusqu'à maintenant en rapport avec la compétence ultime des Québécois pour décider librement de leur avenir.

Je croyais qu'il y avait consensus à ce sujet. Je ne comprends pas vraiment ce que les bloquistes veulent dire quand ils affirment qu'il y a maintenant un nouveau consensus au Québec en rapport avec cette question et que Claude Ryan a soudainement apporté quelque chose de neuf au débat.

 

. 1135 + -

Il me semble qu'au cours des référendums de 1980 et de 1995 et des débats qui les ont accompagnés, les premiers ministres en poste et les autres chefs politiques au Canada ont toujours reconnu qu'en fin de compte, l'avenir du Québec au sein du Canada était une question politique et non juridique et qi'il appartiendrait aux Québecois de décider de leur avenir au sein du pays. Il serait inacceptable de déroger à ce principe.

Les questions à l'étude, que le Bloc n'a malheureusement pas précisées dans l'énoncé de sa motion, consistent à déterminer le rôle et le but de la Cour suprême dans cette affaire et la place occupée par la primauté du droit. Ce sont là des questions de procédure qui doivent être clarifiées. Le Bloc a tort de ne pas aborder dans sa motion certaines de ces questions de procédure. J'ai entendu certains députés parler de ces préoccupations.

Ces députés parlaient de référendum et de transparence du processus et d'autres choses du genre. Ils demandent à un grand nombre d'entre nous et à un grand nombre d'autres députés, et il se pourrait bien qu'on le fasse, de voter pour une motion qui est muette sur les questions de procédure.

C'est cela qui nous inquiète. Ce n'est pas que nous craignons de laisser les Québécois décider librement leur avenir—ils peuvent bien décider un jour de quitter le Canada—ou que nous nous opposons à ce principe. Nous sommes d'avis qu'une telle éventualité représenterait une tragédie sans pareille. Nous n'avons toutefois jamais dit que les Québécois devraient être forcés de rester Canadiens contre leur gré.

Tout comme des négociations ont précédé l'entrée du Québec dans le Canada, il me semble raisonnable de demander qu'après avoir décidé librement de quitter le Canada au cours d'un processus clair et juste, le Québec ait à négocier son départ avec le reste du Canada. Le reste du Canada aurait son mot à dire sur la façon dont cela se ferait, non sur la question de savoir si cela devrait se faire ou non. Cela n'est que juste, me semble-t-il, compte tenu surtout qu'il restera des questions à régler concernant l'auto-détermination des peuples autochtones à l'intérieur du Québec. Il s'agit d'un territoire qui ne faisait pas partie du Québec au moment de son entrée dans la Confédération.

Ce sont là des questions raisonnables. On ne les soulève pas comme autant de menaces et elles ne diminuent en rien la liberté des Québécois de décider de leur avenir. Ce sont des questions raisonnables en matière d'équité et de processus, que les députés du Bloc québécois soulèveraient dans tout autre contexte s'ils ne se préoccupaient pas à ce point de se faire du capital politique à propos de ce qui se passe à la Cour suprême.

Je comprends qu'ils puissent protester contre le fait que le gouvernement fédéral peut parfois donner l'impression d'avoir procédé de manière irrégulière en faisant ce renvoi à la Cour suprême. Dire qu'il y a des questions à trancher en matière de processus, ce n'est pas approuver de manière générale la façon dont le gouvernement libéral traite ce dossier.

J'ai écouté les récriminations que la Cour suprême inspirait au député du Bloc québécois. Cela m'a fait regretter encore davantage que nous n'ayons pas réussi à faire adopter l'accord du lac Meech.

Cet accord visait notamment à modifier la structure de la Cour suprême pour qu'elle ne puisse plus faire l'objet de telles accusations, aussi injustifiées soient-elles, en changeant la façon dont les juges y sont nommés.

Elle n'aurait compté que trois juges choisis par le Québec, les autres étant choisis à partir de listes provinciales. Toutes les provinces, pas seulement le Québec, auraient pu ainsi avoir davantage le sentiment que le tribunal appelé à se prononcer en derniers recours sur les questions fédérales-provinciales était une institution à la formation de laquelle tous les paliers de gouvernement avaient participé grâce au processus de nomination des juges.

 

. 1140 + -

Mais on en a décidé autrement et c'est à cause de cet échec, et de celui d'autres dispositions de l'accord, que nous sommes dans la situation politique actuelle. C'est ainsi que nous avons des députés bloquistes, qui doivent leur présence ici à l'échec de l'accord du lac Meech.

J'invite mes collègues du Bloc à nous fournir aujourd'hui plus de détails sur le processus et nous indiquent comment le processus reflète les principes de leur motion, avec laquelle nous sommes d'accord, et dans quelle mesure on trouvera une réponse aux questions qui ont été soulevées à propos du processus.

Le peuple canadien pense qu'il a un rôle à jouer dans tout cela, rôle qui ne consiste pas à donner des ordres au Québec ni à l'obliger à rester contre sa volonté. Cependant, si le Québec décide de se séparer du Canada, les Canadiens veulent avoir leur mot à dire quant à la nature et aux modalités de la séparation ainsi qu'aux relations avec le Québec après la séparation.

Ce qui nous amène aux concepts de partenariat, de souveraineté-association, etc., auxquels le reste du Canada devrait vraisemblablement faire face, si un jour on en venait à cela.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Madame la Présidente, premièrement, je veux remercier notre collègue du Nouveau Parti démocratique pour ses paroles pleines d'ouverture d'esprit face à la question du Québec. On reconnaît le Nouveau Parti démocratique historiquement, mais j'aimerais quand même demander si lui, son groupe de parlementaires et son parti politique sont conscients de la gravité de la situation et de l'ampleur de la question relativement au renvoi à la Cour suprême et de tout ce qui concerne la question constitutionnelle qui traîne dans le décor depuis 30 ans.

Est-ce que les députés du Nouveau Parti démocratique et de cette Chambre en général—et j'interpelle les Québécois de l'autre côté de la Chambre—sont conscients que tout ce processus nie, dans un premier temps, l'existence du peuple du Québec pour mieux l'identifier comme une simple province comme les autres?

Deuxièmement, sont-ils conscients que toute la question constitutionnelle, qui traîne dans le décor depuis 30 ans, est remise aujourd'hui entre les mains de neuf juges inféodés au parlementarisme canadien, inféodés aux institutions canadiennes et nommés par elles, payés par elles, sans aucune consultation avec les provinces, surtout pas le Québec, et que ces juges seront bientôt appelés à se prononcer sur l'avenir du Québec et de ses institutions démocratiques face à une Constitution que l'assemblée législative québécoise n'a jamais reconnue et qu'elle a, au contraire, dénoncée en 1982.

Ce que nous disons, et nous aimerions avoir l'opinion franche et précise du Nouveau Parti démocratique là-dessus, à savoir que c'est le peuple québécois seul qui a le droit de décider, parce qu'il existe. Le processus ici consiste à nier l'existence du peuple du Québec. Est-ce que le peuple du Québec a seul le droit de décider de son avenir?

[Traduction]

M. Bill Blaikie: Madame la Présidente, on peut comprendre que moi-même et d'autres députés qui ne faisons pas partie du Bloc québécois ne voyions pas la gravité de la question dont la Cour suprême est actuellement saisie ou que nous ayons une conception différente de la gravité de cette question.

D'après moi, le jugement de la Cour suprême n'aura aucune répercussion sur la liberté politique des Québécois de décider de leur avenir. Sauf erreur, la question dont la Cour suprême est saisie porte sur le processus d'une séparation.

Je crains que les députés du gouvernement fédéral et peut-être même tous les députés n'essaient de rattraper le temps perdu. Trop longtemps, les fédéralistes ont fermé les yeux sur ce qui arriverait, si jamais il y avait un vote en faveur de la séparation. Au Canada, nous avons traité ce dossier comme s'il s'agissait d'un jeu de société, en quelque sorte. Il y a eu un référendum et des débats, mais, les fédéralistes ont toujours cru que les séparatistes ne gagneraient jamais un référendum. À cause de cette confiance, nous avons traité à la légère les questions concernant les mesures à prendre en cas d'une victoire des séparatistes au référendum. Nous avons toujours cru que cette victoire était impossible.

 

. 1145 + -

En octobre 1995, on a frôlé la séparation et, tout d'un coup, les fédéralistes ont mis fin au jeu de société en déclarant qu'il ne s'agissait plus d'une distraction. Il y avait désormais une réalité à envisager.

Il nous faut peut-être approfondir les questions concernant les mesures à prendre, si jamais la séparation l'emportait lors d'un autre référendum. À mon avis, c'est ainsi que nous en sommes arrivés au renvoi devant la Cour Suprême.

Je tiens simplement à ce que ce soit clair; dans l'esprit des députés, cette mesure est d'ordre juridique. Elle n'a rien à voir avec l'ultime question politique concernant la manière dont le Québec décidera librement de rester dans le Canada, si nous réussissons à élaborer de nouvelles dispositions capables de satisfaire le Québec qui veut être reconnu et traité comme une société distincte ou unique au sein du Canada, ou, en cas d'échec, de se séparer du Canada.

D'après le NPD, la réponse consiste en partie à rebâtir le consensus social-démocratique qui a déjà existé au Canada. Le problème vient notamment du fait que, depuis 10 ou 15 ans, le gouvernement canadien est de droite alors qu'il s'était longtemps situé à gauche du centre. C'est en partie ce qui préservait l'unité du pays.

Nous avons été témoins de l'affaiblissement de nos institutions nationales et des liens qui nous unissaient, par suite du libre-échange. Je garde un vif souvenir de l'époque de l'accord du lac Meech, où les conservateurs chantaient les louanges du Canada tout en le démolissant avec leurs initiatives de libre-échange, de déréglementation et de privatisation. S'ils avaient réfléchi à leurs autres politiques, ils auraient peut-être pu atteindre leurs objectifs. À la place, ils détruisaient le pays d'une main tout en essayant de le sauver de l'autre.

[Français]

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Madame la Présidente, c'est pour moi un honneur et un plaisir de prendre part à ce débat en cette journée d'opposition pour débattre de cette motion présentée par le Bloc québécois à la Chambre des communes sur un enjeu qui a beaucoup accaparé l'énergie, le temps des hommes et des femmes politiques du Canada depuis les trente dernières années.

Je veux d'abord régler la question de cette motion. La motion, tel qu'elle se lit, dit ceci:

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois [...]

    [...] et à lui seul, de décider librement de son avenir.

C'est une question que mon parti a déjà traité à plusieurs reprises. Elle a fait l'objet de deux référendums dans notre histoire récente, en 1980 et en 1995. D'emblée, je n'ai aucune difficulté à dire, de la part de mon parti et de mon caucus, que nous pouvons appuyer cette motion.

Pour nous, cela ne représente pas une grande difficulté. Mais je veux aussi être très franc parce que, sur cette question, il faut surtout avoir un discours de vérité. Le problème, dans ce débat, ce n'est pas ce que la motion dit, c'est ce que la motion ne dit pas.

Ce ne sont pas les mots de la motion auxquels les gens s'objecteraient. C'est tout ce qui entoure la motion, incluant ses conséquences et les modalités, ainsi que le ou les processus que certains voudraient mettre en place dans l'éventualité où on en arriverait à un scénario de brisure. Le vrai problème est là. Alors, la motion, c'est beau, et oui, nous sommes capables de l'appuyer. Nous n'avons pas de problème de principe et cela ne fait pas l'objet de grande difficulté pour nous.

Mais en même temps, cela nous amène à poser les autres questions. On peut dire à l'avance, parce qu'on ne veut pas donner de fausses impressions, que les réponses, on n'en connaît pas beaucoup. Cela fait partie du problème. Et cela également, il faut le dire franchement. C'est toujours dans un esprit de dire les choses comme elles sont. On n'est pas sans savoir que nous nous opposons au renvoi à la Cour suprême proposé par le gouvernement libéral.

 

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Tout d'abord, il faut répéter qu'un renvoi à la Cour suprême exercé par le gouvernement fédéral, ou un renvoi à une cour d'appel, parce que les gouvernements provinciaux ont le même pouvoir, c'est là une mesure d'exception, une mesure extraordinaire et qui est utilisée rarement et avec beaucoup de prudence par les gouvernements.

Il y a une raison pour cela. On n'invoque pas et on n'entraîne pas le judiciaire dans un débat politique sans en assumer également les conséquences. Il y aura des conséquences très réelles pour la cour et pour le Canada, en invoquant, en privatisant en quelque sorte—si on veut ironiser un petit peu—ces problèmes politiques en les envoyant à la Cour suprême.

La raison pour laquelle on n'a jamais pensé que c'était une bonne idée, est celle-ci: tout d'abord, sur le fond, la Cour suprême ne va rien nous dire qu'on ne sache pas déjà à l'avance. Premièrement, sur la question du droit, parce qu'on marche toujours dans une société où on respecte la règle du droit, sur le plan du droit il n'y a rien dans la Constitution canadienne qui prévoie la brisure du pays.

Sur le plan juridique, si jamais on en arrivait à un scénario de brisure, c'est le vide, c'est le néant, c'est le trou noir. Je le dis et je le répète, ça agace bien des gens quand je le dis. Mes collègues du Bloc réagissent déjà et, je le sais, chaque fois que je le dis ça fait ricaner des gens, sauf que c'est la vérité.

M. René Laurin: Pas encore. Vous êtes drôle.

L'hon. Jean J. Charest: Oui, vous trouvez ça drôle. Vous, vous trouvez ça drôle, mais je ne pense pas que les Québécois, eux, qui en subissent les conséquences, trouvent cela drôle. C'est ça le problème.

Sur le plan du droit international, il faut aussi dire les choses comme elles sont. Cela m'amuse d'entendre les gens à gauche et à droite, d'un côté ou de l'autre, citer les grands principes de droit international. Moi je voudrais bien savoir qui mettra en vigueur les jugements dans le droit international. Quelle autorité au juste va-t-on invoquer, pour dire qu'on va mettre le jugement en vigueur?

Sur le plan du droit international, il n'y a pas de règle. Je regrette, mais au sens où on l'entend, je vais être précis—on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de règles, il y en a—mais au sens où on l'entend, où il y a une règle et quelqu'un dirait: «Voilà un principe de droit, un jugement, et on va le mettre en vigueur», ça n'existe pas. Bien, il y a de grands principes et on peut nager là-dedans jusqu'à la fin de nos jours.

Il y a une autre règle. Ultimement il y a la règle de la force, c'est le plus fort qui gagne. C'est ça la vérité. Je n'en parlerai pas davantage parce que je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est pas le scénario que quiconque souhaite, mais le bon sens. C'est ce que la Cour suprême peut nous dire.

Ce qui me désole le plus, par contre, c'est que cette espèce de recours à la Cour suprême c'est valoriser, c'est dire tout haut que les scénarios de brisure sont tellement probables que le chef de gouvernement, et le gouvernement qui gouverne le Canada, lui, en est venu à la conclusion qu'il faut contempler ce scénario.

Comme dans n'importe quelle relation, il faut dire franchement aussi que si on passe tout notre temps à parler des scénarios de brisure, on finira effectivement par y arriver.

La même chose est vraie pour un pays que pour un couple et que pour des gens qui sont en affaires. En ce sens-là, je pense que le gouvernement actuel ne respecte pas l'esprit des engagements référendaires de 1995 lorsqu'il met en valeur ce scénario de brisure.

Nous avons mis sur la table un certain nombre d'idées qui permettraient de faire avancer le débat.

[Traduction]

Depuis le référendum de 1995, nous avons dit très clairement que nous nous opposons à ce renvoi à la Cour suprême. Nous pensons que ce n'est pas une bonne idée. Soit dit en passant, il est vrai qu'un grand nombre de Canadiens hors-Québec estiment que c'est une bonne idée. Cependant, bien des gens s'imaginent que cela va régler le problème alors que ce n'est pas le cas. C'est un problème politique.

Quelques options s'offrent à nous. J'ai écrit au premier ministre du Canada et à ses homologues provinciaux au moins deux fois l'an dernier pour leur faire des suggestions au nom de mon parti et de ses membres qui croient qu'il y a des solutions et qu'un consensus pourrait être dégagé.

En fait, tout cela nous déçoit parce que nous savons qu'il existe une réelle volonté de changement dans notre pays, volonté qui se manifeste dans toutes les régions, en Alberta, en Ontario, dans la région de l'Atlantique et au Québec. Cette volonté de changement est compatible avec ce que les gouvernements québécois demandent aussi depuis 30 ans. Les changements sont à notre portée si nos dirigeants sont en mesure de le comprendre et de sauter sur l'occasion.

 

. 1155 + -

J'ai écrit au premier ministre du Canada et à ses homologues provinciaux notamment au sujet du rééquilibrage de la fédération et de la limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. J'ai recommandé des modifications institutionnelles. Notre pays a acquis une certaine maturité au point où nous pouvons modifier certaines de nos institutions.

Mon parti et moi croyons qu'il faudrait conclure un nouveau pacte, que nous devrions renouveler l'union sociale et économique du Canada. Dans le cadre d'un nouveau pacte, nous pourrions nous mettre d'accord sur des normes nationales en matière de santé par exemple. Nous pourrions nous engager à fournir des services à la population. Nous pourrions mettre l'accent sur la prestation de services plutôt que sur les gouvernements qui fournissent les services. Dans un tel pacte, nous pourrions prévoir un financement stable.

Le secteur de la santé est sans doute le meilleur exemple. Depuis quelques années, le budget du système de santé a été décapité. Le système de santé doit donc être reconstitué, réparé. Voici un bon point de départ, pour le bien de nos parents, de nos grands-parents et de nos enfants, qui méritent d'avoir un bon système de santé.

La réforme du Sénat et la reconnaissance du Québec font partie des idées que nous avons mises de l'avant. Nous avons tenu les pires débats sur ces questions. Le Parti réformiste a fait preuve de cynisme dans ces débats et, depuis 10 ans, il mousse sa popularité en dénonçant le Québec et la société distincte. Il a fait campagne là-dessus aux dernières élections.

Maintenant, le concept de caractère unique est sur la table. Le ministre et le gouvernement libéral ont dit que caractère unique et société distincte signifiaient exactement la même chose. On voit mal comment le Parti réformiste va se tirer de ce mauvais pas.

Une voix: Comme c'est profond!

L'hon. Jean J. Charest: Le député réformiste dit que c'est profond. Je peux simplement déplorer que le député et son parti se soient employés à semer la division dans ce dossier. J'ai cité un article du conseiller principal du Parti réformiste du Canada et de son chef.

M. Jim Gouk: Il était étudiant au niveau collégial à l'époque et il ne travaillait pas pour notre parti.

L'hon. Jean J. Charest: Un des députés dit qu'il était étudiant à l'époque et qu'il ne travaillait pas pour le parti. Nous assistons donc à des dénégations importantes. M. Levant a dit:

    Pareil divorce serait douloureux, mais après environ un an de rajustement, la situation serait probablement meilleure qu'elle ne l'est actuellement. Voici dix raisons pour lesquelles l'Alberta s'en porterait mieux.

J'en citerai trois.

    Nous pourrions supprimer le bilinguisme et le multiculturalisme. Si nous mettions le Québec à la porte, peut-être aurions-nous alors le courage de nous attaquer à un autre problème, celui des autres séparatistes ethniques du Canada, les autochtones qui exigent la reconnaissance des premières nations. Nous pourrions ensuite nous occuper du Comité canadien d'action sur le statut de la femme et des environnementalistes radicaux.

La quatrième raison qu'il évoque pour se débarrasser du Québec, c'est celle qui vise à mettre un terme à la corruption au Parlement. Faut-il se surprendre que nous soyons là où nous en sommes aujourd'hui?

En terminant, je dois dire que nous n'avons rien contre la motion à l'étude. Ce qui nous préoccupe grandement, ce sont les conséquences qui en découlent et ce qui n'est pas mentionné dans la motion.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Madame la Présidente, c'est avec beaucoup de satisfaction que nous avons entendu le chef du Parti conservateur dire qu'il n'a aucun problème à appuyer la motion du Bloc québécois. Et là où il se pose des interrogations, c'est ce sur quoi la motion n'intervient pas. Il parle de réalité, il parle de vérité.

Je voudrais lui rappeler une vérité qui est encore là, qui est encore bien présente, soit la réalité de l'impasse constitutionnelle. Depuis trente ans, au Québec, tous les partis demandent des changements en profondeur à la Constitution canadienne. Tous les partis, sans exception, l'ont réclamé. À ce moment-là, on espérait pouvoir vivre avec le Canada, pouvoir demeurer dans ce pays, dans cette Constitution, en étant respectés, en étant heureux d'y demeurer. Malheureusement, le Canada anglais se comportait comme si le Québec ne voulait pas perdre le Canada.

Jamais, jusqu'à maintenant, le Canada s'est comporté comme s'il ne voulait pas perdre le Québec. On a toujours inversé les rôles, on ne nous a pas pris au sérieux. Même le Rapport Charest, dont l'auteur vient de terminer une intervention à la Chambre, ramenait tous les pouvoirs à Ottawa. On n'écoutait pas le Québec. On n'écoutait pas les revendications des gens. On avait l'air, dans les discours, de dire qu'on nous comprenait, mais on imposait tout le temps, par la voix de la majorité, les visées fédéralistes et centralisatrices.

 

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Qu'est-ce qui se passe dans la réalité quand une loi est abusive ou injuste? Il arrive que les gens ne la respectent pas. On l'a vu dans le cas de la contrebande. Parce que les taxes étaient tellement élevées, il n'y avait presque plus de citoyens qui respectaient cette loi. On a compris, ce ne fut pas très long, et on a changé la loi. On a diminué les taxes pour que les gens puissent être heureux et fiers de respecter cette loi, ce qu'on n'a pas fait à propos de la Constitution.

Les Québécois se sont dit, depuis 30 ans, malheureux de vivre avec cette Constitution et ont réclamé des changements. Chaque fois que les Québécois, dans les deux référendums, ont dit oui au Canada, ils ont dit oui, parce qu'ils espéraient profondément des changements substantiels dans la Constitution. Ils ont été trompés. Ces changements-là ne sont jamais venus.

Aujourd'hui, le Canada se réveille, parce qu'on a eu un référendum à 49,4 p. 100. Ils se sont dit, comme le représentant néo-démocrate l'a dit: «Mais ce n'est plus un jeu. Ils sont sérieux, ces Québécois.» Si, demain matin, cela devenait vrai, peut-être que le Canada se demanderait s'il est prêt à perdre le Québec. Le Québec, lui, a fait sa réflexion, et de plus en plus de Québécois réalisent qu'ils ne sont pas heureux de vivre dans ce pays dans les conditions actuelles.

Est-ce que le reste du Canada veut retenir le Québec de force, même s'il n'est pas heureux d'y vivre, pour justifier un caractère d'unité, comme le disait le chef du Parti réformiste? Est-ce cela? On veut retenir le Québec malgré lui, car ce qui est important, c'est qu'on ait l'air unis? La réalité, c'est celle-là.

Je demande au chef du Parti conservateur s'il ne reconnaît pas que c'est cela, la réalité, qui nous amène à vouloir être souverains au Québec.

L'hon. Jean J. Charest: Madame la Présidente, il me fait plaisir de répondre au député de Joliette et de participer à un échange avec lui. Tout d'abord, sans vouloir le flatter, je crois déceler dans ses propos le cri du coeur de quelqu'un qui ne souhaite pas la brisure du Canada.

M. René Laurin: C'était cela.

L'hon. Jean J. Charest: Oui, il dit que c'était cela. Il refléte peut-être le sentiment de beaucoup de Québécois et de Québécoises qui veulent que ce pays fonctionne, qui veulent que le Canada fonctionne.

M. René Laurin: La réalité, c'est qu'il ne fonctionne pas.

L'hon. Jean J. Charest: Ils veulent que cela fonctionne. Le député sait, tout comme moi—et on va se dire les choses comme elles sont—que la majorité des gens de sa circonscription souhaiteraient que le Canada fonctionne. C'est leur premier choix. Il le sait, et je le sais. Cela, c'est important de le dire et c'est important de le dire aux gens de l'extérieur du Québec aussi pour ne pas leur laisser l'impression que la majorité des Québécois, parce qu'il y a un gouvernement souverainiste à Québec, veulent la brisure du Canada. Ils ne la veulent pas.

Soyons plus précis. Parlons de la majorité des francophones. C'est eux qui votent, qui sont interpellés par le débat. La vaste majorité des francophones au Québec se sentent profondément canadiens et veulent que le Canada fonctionne.

Là où je suis en désaccord avec le député de Joliette, c'est que je ne fais pas l'évaluation de mon pays à partir de l'élément réducteur de la Constitution. Je pense que mon pays, le Canada, avec 300 ans d'histoire passées et 300 ans d'histoire à venir, c'est plus que des amendements constitutionnels. C'est un partenariat qui s'est fait entre les anglophones et les francophones très tôt dans notre histoire. Cela a permis à notre langue et à notre culture de survivre. Cela a permis, à l'époque, à l'empire britannique de garder ce bout de terre en Amérique du Nord. C'est un partenariat qui a évolué pour faire une fédération, un partenariat économique et social qui reflète des valeurs qui sont celles de tous ceux et celles qui vivent ici, qu'ils soient francophones ou anglophones. C'est dans cette perspective que je fais, moi, mon évaluation de mon pays.

À ce compte, je terminerai en disant qu'à mon avis, le Canada, pour les francophones et les anglophones, peu importe nos échecs constitutionnels, est un grand, grand succès auquel je tiens, pour moi et pour mes enfants.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir, à mon tour, de m'exprimer sur cette motion du Bloc québécois qui est devant cette Chambre aujourd'hui, qui réaffirme, parce que ce consensus n'est pas nouveau au Québec, que c'est aux Québécois de décider librement de leur avenir.

 

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Vous me permettrez, dans un premier temps, de faire un court commentaire sur le discours du chef du Parti conservateur qui se réjouit des échecs constitutionnels. Il y a beaucoup de gens qui, à chaque échec, tirent la conclusion qu'à un moment donné, le système ne devient plus modifiable. C'est ce qui a amené un nombre grandissant de Québécois à appuyer la souveraineté.

Plusieurs l'ont fait, parce qu'il leur apparaît naturel qu'un peuple ait tous les outils pour gérer et maîtriser son avenir. D'autres l'ont fait par la force des choses, voyant l'incapacité du système politique actuel de répondre à leurs aspirations, que ce soit par la formule que Robert Bourassa avait développée autour de la société distincte ou autres. Ces gens se sont butés à une porte fermée, vraiment fermée, même cadenassée.

On le voit, on va d'échec constitutionnel en échec constitutionnel. La différence entre le député de Sherbrooke et les députés d'ici, c'est qu'à un moment donné, il faut en tirer une conclusion. On ne peut pas en parler éternellement. Et moi, je souhaite ne pas être ici à 55 ans en train de parler, encore une fois, du dernier échec constitutionnel et de ce qu'on devrait faire dans la prochaine ronde de négociations pour ne pas en arriver à un échec.

Plus tôt, mon collègue de Joliette disait que cela dure depuis 30 ans. Je vous dirai que cela fait cinq ans que l'on dit que cela fait 30 ans. On est rendus à 35 ans. À force d'en parler, on finit par ne pas ajouter les années.

Quel est l'enjeu qui est devant nous face à cette stratégie fédérale? C'est finalement qui pourra décider de l'avenir des Québécois et de l'avenir du peuple québécois. Pour Ottawa, pour le gouvernement fédéral en particulier, on peut voir que sa stratégie n'est pas unanime. Le Parti conservateur a clairement dit qu'il ne l'appuyait pas. On aurait toutes sortes de raisons de croire que le Nouveau Parti démocratique ne l'appuierait pas non plus, suite à des résolutions déjà adoptées à leurs congrès politiques.

Pour le gouvernement fédéral, cet avenir doit être défini par d'autres que les Québécois. Par qui? Par des juges de la Cour suprême? Par les gens des autres provinces? Parce que finalement, la question qu'ils posent aux gens de la Cour suprême c'est ceci: Si les Québécois ne peuvent pas le faire, qui peut le faire?

On sait très bien sur quel terrain ils veulent nous amener: une formule habituelle d'amendement constitutionnel où ce serait l'unanimité des provinces. Donc, finalement, ce serait d'assujettir l'avenir du peuple québécois à l'accord d'une province, et là, je vous laisse choisir. Mais vous voyez bien que cela n'aurait pas de sens que les gens de l'Île-du-Prince-Édouard, et je n'ai rien contre eux, ou les gens de Terre-Neuve, de l'Alberta ou de la Saskatchewan, détiennent un droit de veto sur l'avenir du Québec. Cela n'a pas de sens, cela n'a pas de fondement, et à sa face même, il me semble que cela ne devrait même pas être envisagé.

Quelle est cette stratégie d'Ottawa? On joue sur deux tableaux. D'un côté, c'est la ligne dure du ministre Dion, celui-là même qui nous avait dit, durant la dernière campagne référendaire, qu'il faudrait faire souffrir les Québécois pour éviter qu'une situation comme celle-là se reproduise, qu'on s'excite un peu d'affirmer nos aspirations profondes. Eh bien là, il met son plan à exécution, tantôt en jouant sur la partition, tantôt en allant devant la Cour suprême pour nous dire que la question de la souveraineté n'est pas légale dans le cadre constitutionnel actuel, et il multiplie ses interventions incendiaires à gauche et à droite.

De l'autre côté, on laisse les provinces vouloir démontrer l'espoir que les changements sont possibles. C'est à peu près le discours que le chef du Parti conservateur souhaite continuer à véhiculer. Qu'est-ce que cela donne comme tableau? Il faut le regarder. Au Québec, personne ne parle de la déclaration de Calgary. Mais c'est le grand processus de réforme constitutionnelle qui est mis de l'avant au Canada à l'heure actuelle.

Ce sont environ sept paragraphes qui affirment que le Québec a un caractère unique, qu'on s'empresse de baliser à quatre ou cinq reprises, par la suite, en disant que toutes les provinces sont égales. Il y a là une contradiction profonde. Si le Québec est distinct, et donc, à ce moment-là, différent, il pourrait, dans une formule quelconque qu'il voudrait voir renouvelée, avoir des outils propres pour défendre ses aspirations. On est muet là-dessus. On leur dit dans un texte: «Vous êtes uniques, mais cependant, vous allez être traités comme tout le monde.» Donc, vous êtes uniques, c'est un constat, point à la ligne, et on ne fait rien de plus.

On a toutes les misères du monde à vendre cela. On le fait en cachette, par Internet, un petit questionnaire dans le Publi-sac pour que personne ne le voit. Il ne faut pas en parler trop, mais on va le faire adopter au Parlement, un vendredi après-midi, si possible, pour que les gens ne parlent pas trop.

 

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De cette façon-là, on pourrait dire aux Québécois, sur un ton un peu moins fort que celui du référendum: «Regardez, on vous aime encore». Cela permettrait à Daniel Johnson, le chef des fédéralistes au Québec—en tout cas, en titre—de pouvoir faire campagne au Québec et dire qu'il y a une volonté ailleurs d'apporter des modifications.

De fois en fois, on recommence à plus petit que la dernière fois. On fait partie d'une société distincte, une clause interprétative dans la Constitution, un partage des pouvoirs différent, et l'Accord du Lac Meech, qui comprenait un certain nombre de choses qui étaient données au Québec. Bien sûr, cela ne répondait pas aux aspirations de tous les Québécois, mais il y avait des éléments à l'intérieur de cela.

Non, cela n'a pas fonctionné, nous sommes repartis avec moins la fois suivante, on en a offert moins aux Québécois. Après cela, il y a eu l'Accord de Charlottetown, rejeté par tous les Québécois. Comme cela n'a pas fonctionné, on a essayé avec encore moins. Ensuite, on se demande comment il se fait qu'il y a de plus en plus de souverainistes au Québec ou de gens qui ont tiré la conclusion que ce système ne fonctionne pas. Donc, on joue sur les deux fronts.

Maintenant, notre cher ministre des Affaires intergouvernementales, dans tout cela, a lancé un débat philosophique. C'est un ancien professeur d'université qui veut régler une question académique profonde, à savoir si la démocratie s'exerce dans le cadre du droit ou le droit dans le cadre de la démocratie. Il est parti là-dessus et il veut faire vérifier et valider sa thèse par la Cour suprême.

Les fondements mêmes de la démocratie—et nous sommes tous ici des produits de la démocratie—c'est que ce sont les gens qui décident eux-mêmes de leur avenir. Ce n'est pas à nous, à partir de toutes sortes de contraintes qu'on voudrait imposer et en les mettant dans une camisole de force, de dire que les gens ne peuvent pas décider de leur avenir. Qu'est-ce qui est en jeu quand on parle d'une déclaration unilatérale de souveraineté? C'est le fait que les Québécois, après un exercice éminemment démocratique, c'est-à-dire un référendum qui aurait été gagnant, où une majorité de gens se seraient prononcés en faveur de la souveraineté, décideraient d'enclencher le processus pour réaliser la souveraineté.

J'ajoute qu'il y a une étape là-dedans et Ottawa est muet là-dessus. On a toujours dit, du côté des souverainistes, et tout le monde est de bonne foi, que nous allons négocier avec Ottawa et nous prévoyons un délai d'un an. C'était même dans un projet de loi qui était un avant-projet de loi à l'Assemblée nationale et qui disait tout cela. On prévoyait donc un mécanisme de transition. Ottawa présume que cela ne fonctionnera pas parce que la déclaration unilatérale de souveraineté arrive à la fin de cette négociation s'il y a eu un échec. Donc, Ottawa part en disant qu'on ne sera pas capables de s'entendre, qu'on ne voudra pas négocier, etc. Il y a donc là de la mauvaise foi.

Ottawa reconnaît qu'il ne respecterait pas la volonté démocratique des Québécois. Le ministre peut bien nous faire croire, de temps en temps, qu'il la respecterait dans la mesure où cela s'exercerait dans le cadre du droit. Ce n'est pas vrai, parce que lui travaillerait à définir comment il négociera avec le Québec. Il ne serait pas en train de préparer l'étape suivante, il préparerait la première étape. Que les Canadiens discutent entre eux de la façon dont se fera la négociation avec le Québec, qui sera là pour les Canadiens, cela ne me dérange pas. Je comprends que le Parti libéral a un problème, et je serais surpris que ce soit le premier ministre actuel qui soit le négociateur du Canada, énormément surpris. Ils n'oseront pas mettre ce débat-là sur la table.

Donc, sa stratégie est très claire, c'est d'arriver avec un jugement de la Cour suprême qui dirait que la Constitution du Canada ne permet pas l'accession du Québec à la souveraineté de façon unilatérale et que c'est illégal. Là, on verra les Guy Bertrand sortir de leur placard et dire que nous sommes des bandits, des révolutionnaires en pantoufles, et tout le reste. C'est lui d'ailleurs l'inspirateur. C'est lui qui a lancé cette stratégie d'Ottawa, encouragé et soufflé dans le cou par le chef du Parti réformiste et finalement repris au vol par le ministre des Affaires intergouvernementales.

Je conclus, dans la minute qui me reste, en disant que le Bloc québécois n'est pas tout seul à dénoncer cette situation. Je n'aurai pas le temps de vous lire toutes mes citations, mais je vais vous nommer des gens qui disent la même chose que nous: le cardinal Jean-Claude Turcotte; M. Claude Ryan, l'ancien chef du camp du non des fédéralistes, en 1980; M. Daniel Johnson, l'ancien chef des fédéralistes du camp du non, en 1995 et qui, jusqu'à preuve du contraire, est encore chef du Parti libéral du Québec, ce serait donc encore lui le chef des fédéralistes au Québec; M. Lucien Bouchard; M. Alain Dubuc; le député de Sherbrooke; le député de Laurier—Sainte-Marie, chef du Bloc québécois; M. Alain Pellet, président de la Commission du droit international des Nations unies; M. Gordon Wilson, conseiller constitutionnel du premier ministre de la Colombie-Britannique. Il y a beaucoup de gens. Il y a un consensus qui est même plus que québécois, qui est en train de se faire ailleurs qu'au Québec, même sur la scène internationale.

Il faudrait donc que le gouvernement fédéral se rende à l'évidence: sa stratégie d'utiliser la Cour suprême et de la manipuler, il devrait mettre ça de côté, revenir de bonne foi et laisser les Québécoises et les Québécois décider eux-mêmes librement de leur avenir, comme tout le monde le souhaite, et que le débat porte là-dessus dans les prochaines années.

 

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M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Orléans, BQ): Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Témiscamingue pour un survol très rapide, trop rapide, le temps nous manquant. Je tenterai d'être bref dans ma question pour justement lui donner amplement de temps pour répondre.

Dans cette foulée, j'aimerais que mon collègue insiste davantage sur un point primordial dans ce renvoi à la Cour suprême. Est-ce qu'il est admissible, est-ce qu'il est acceptable, en démocratie, en 1998, qu'un gouvernement demande à une cour, sa Cour, nommée par lui, neuf juges nommés par le gouvernement fédéral—et pour s'en convaincre, on n'a qu'à regarder les liens des deux derniers juges nommés à la Cour suprême, les liens très étroits, très tricotés serrés avec le Parti libéral—est-ce qu'il est normal, est-ce qu'il est acceptable, en 1998, dans une démocratie comme le Canada, d'accepter qu'une cour fédérale composée d'un banc de neuf juges nommés par ce gouvernement puisse se substituer à la volonté démocratique d'un peuple de 7 millions de Québécois et de Québécoises?

M. Pierre Brien: Madame la Présidente, la question de mon collègue est tellement claire que juste à l'écouter, il me semble que la réponse devient évidente.

Cela n'a pas de bon sens de remettre notre avenir, parce que c'est de notre avenir dont il est question, nous, les Québécois, entre les mains de neuf juges. On a parlé du mode de nomination; on sait que les juges sont nommés par le premier ministre. D'ailleurs, deux des juges ont été nommés après qu'on savait qu'il allait y avoir un renvoi sur cette question devant la Cour suprême.

Si on regarde les relations entre ces gens-là, on voit que c'est très incestueux, et c'est le moins qu'on puisse dire. Neuf juges, dans leur grande sagesse basée sur la Constitution du Canada, décideraient ce que, nous, Québécois, on peut faire, ce qu'on pourrait choisir comme avenir.

Pensez-y. Lors du dernier exercice démocratique au Québec, le taux de participation, si ma mémoire m'est fidèle, était de près de 93 p. 100. Donc, 93 p. 100 des gens se sont exprimés, des gens en âge de voter. Ce sont des millions de Québécois qui sont allés se prononcer, qui se sont exprimés à la suite d'un débat où le fédéral a pu répandre tout ce qu'il dit tout le temps: «La question n'est pas claire; l'enjeu, c'est ci, l'enjeu, c'est ça.» Aujourd'hui, ils reconnaissent peut-être que leur campagne n'était pas efficace, parce que là, ils disent: «Ah, les gens n'ont pas compris.» Moi, je pense que les gens ont très bien compris.

Cela a été un long débat, qui n'est pas nouveau au Québec. Les gens comprennent bien les enjeux. À la suite de cette campagne, 93 p. 100 sont sortis et ils ont dit: «On va aller voter, on va aller s'exprimer.»

La majorité a voté non. On respecte la volonté de ces gens-là. Personne n'a enclenché la souveraineté. Ce qui n'empêche pas que, nous, on croit que c'est la meilleure solution, et on continue de la défendre.

On a été ré-élus sous la bannière du Bloc québécois comme députés souverainistes à Ottawa. Les gens auront à se prononcer dans une élection au Québec, à savoir s'ils vont élire des souverainistes ou des fédéralistes. Cela fera aussi partie du décor. Donc, les gens sont pleinement conscients.

Finalement, on mettrait dans la balance, d'un côté, 7 millions de personnes, de l'autre côté, neuf, et on voudrait que cela fasse le poids? Voyons! À sa face même, cela n'a aucun bon sens et je suis convaincu que les Québécois comprennent bien cela. C'est pour cela que les libéraux provinciaux du Québec, c'est pour cela que le Parti québécois, le Bloc québécois, le Parti conservateur, des évêques, un cardinal, des gens d'affaires, des gens de tous les horizons viennent dire que cela n'a pas de bon sens.

Il reste, pour défendre cette stratégie-là, le premier ministre du Canada et le ministre des Affaires intergouvernementales qui entraînent tout le gouvernement dans leur folie et, avec eux, la personne qui est la plus sympathique à l'égard de la cause des Québécois, le chef du Parti réformiste. Imaginez le beau tandem qui est en train de nous organiser notre avenir. Ces gens-là manipuleraient la Cour et viendraient nous imposer un carcan et, nous, on va acheter cela tout bonnement? Non, pas du tout!

 

. 1220 + -

Calmement, d'une façon pacifique, on va continuer d'expliquer ce qui se passe, et on s'aperçoit que les gens de tous les milieux réagissent; de plus en plus de voix se joignent à ceux et celles qui s'opposent déjà à ce renvoi et cela va aller en s'accroissant au fil des jours, j'en suis convaincu.

Donc, pour répondre à la question de mon collègue, la réponse est évidente: cela n'a pas de bon sens en 1998, et cela n'aurait pas plus eu de bon sens si cela avait eu lieu il y a 25 ans, 30 ans ou 5 ans, car en démocratie, les citoyens sont libres de décider leur avenir. C'est bon pour tous les peuples, y compris le peuple québécois.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, à titre de députée de Jonquière, démocratiquement élue le 2 juin dernier pour représenter la population de mon comté à la Chambre des communes, je désire appuyer la motion déposée par le député de Laurier—Sainte-Marie et chef du Bloc québécois, concernant l'avenir du peuple du Québec et réaffirmer ma conviction que seul le peuple québécois a le droit de décider de son avenir, et qu'en conséquence, l'actuel renvoi à la Cour suprême sur la souveraineté du Québec constitue un détournement de nos valeurs démocratiques.

J'ai consacré plusieurs années de ma vie à oeuvrer dans les milieux communautaires et politiques, et tout au long de mes expériences et aussi loin que je puisse me souvenir, j'ai constaté l'attachement des Québécoises et des Québécois envers les valeurs démocratiques de notre société.

Les référendums successifs auxquels nous avons été conviés à ce jour ont toujours suscité une forte participation et témoigné de la volonté de notre peuple de décider seul de son avenir.

Ainsi, à la veille des jours d'audience de la Cour suprême sur la légitimité d'une déclaration unilatérale d'indépendance du Québec, il m'apparaît primordial d'interpeller toutes les Canadiennes et les Canadiens de bonne volonté et de leur souligner, une fois de plus, que le gouvernement Chrétien a fait fausse route en s'adressant au pouvoir juridique pour résoudre une question essentiellement politique, soit le choix d'un peuple de décider librement de son avenir et d'assumer sa destinée.

Je ne suis pas juriste et je n'ai pas l'intention de me perdre dans des démonstrations juridiques. Mes éminents collègues du Bloc québécois se chargent brillamment aujourd'hui de faire la preuve de la futilité de l'exercice auquel se prête actuellement la Cour suprême.

Je désire plutôt faire appel au sens commun qui rejoint spontanément le sentiment d'une majorité de Québécoises et de Québécois, tant fédéralistes que nationalistes, envers ce que je qualifie de détournement de la démocratie.

Nous sommes de nouveau témoins d'une démarche qui s'inscrit parfaitement dans le plan B que le gouvernement Chrétien a concocté pour maintenir le Québec dans la fédération canadienne. Mais cette fois, cette démarche qu'est le renvoi à la Cour suprême m'apparaît des plus pathétiques en consacrant la défaite du gouvernement Chrétien dans le défi qui lui a été posé en ce qui a trait au renouvellement de la fédération canadienne.

La stratégie du gouvernement Chrétien était d'ébranler l'opinion publique québécoise sur la légalité d'une décision unilatérale de sécession. Au lieu de cela, il récolte présentement le désaveu des Québécoises et des Québécois qui se lèvent de partout pour affirmer haut et fort leur droit à l'autodétermination. Fédéralistes et souverainistes, tous s'entendent pour s'opposer aux prétentions fédérales quant au droit à l'autodétermination. Tous s'entendent pour dire que c'est au peuple québécois de décider.

Le gouvernement fédéral fait présentement face à un fort consensus, un front commun qui rallie toutes celles et tous ceux qui ont à coeur de défendre nos valeurs démocratiques et les institutions que nous nous sommes données au Québec pour exprimer nos choix de société. L'incursion fédérale en Cour suprême a reçu une fin de non-recevoir, notamment de la part des Claude Ryan et Daniel Johnson qui ont tour à tour dirigé les forces fédéralistes lors des deux derniers référendum.

Ce faisant, ils ont confirmé une rupture fondamentale entre le Parti libéral du Québec et les libéraux fédéraux.

 

. 1225 + -

En rejetant la substance même de l'argumentation juridique du gouvernement Chrétien, Claude Ryan et Daniel Johnson ont rejeté d'avance la décision de la Cour suprême.

Par ailleurs, nous avons assisté à la formation de regroupements non partisans de souverainistes et de fédéralistes, comme le groupe Pro-Démocratie, auxquels se sont jointes des personnalités, comme par exemple Mme Monique Vézina, MM. Jean-Claude Rivet, Pierre Paquette et André Tremblay, pour ne nommer que ceux-là.

En amont du mouvement qui a toujours été plus palpable dans toutes les couches de la société québécoise, le groupe Pro-Démocratie se fait fort de réprouver et de dénoncer l'initiative du gouvernement fédéral en ces termes, et je cite: «Nous partageons la conviction que le débat constitutionnel est avant tout politique et qu'il doit être résolu par des moyens politiques. Les décisions des populations établissent et fondent le droit constitutionnel. Ce n'est pas le rôle du droit constitutionnel de se substituer à la prérogative de la population de choisir son régime politique».

D'autres personnalités, comme le cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque de Montréal, monseigneur Bertrand Blanchette, archevêque du diocèse de Rimouski ont souligné que la Cour suprême n'a pas à décider de l'avenir du peuple québécois, reprenant en cela la prise de position des évêques du Québec et du Canada en faveur du principe de l'autodétermination lors du centenaire de la Confédération, en 1967.

Je tiens à le souligner une fois de plus, toutes ces personnes considèrent que c'est au peuple Québécois à décider.

Aujourd'hui, disons-le ouvertement, l'heure est à la méfiance généralisée au Québec vis-à-vis du plus haut tribunal du pays. Chacun et chacune d'entre nous nous rappelons qu'en 1980, dans la célèbre cause touchant le droit de veto que croyait avoir le Québec, la Cour suprême a conclu que le gouvernement fédéral pouvait amender la Constitution avec l'appui d'une majorité substantielle des provinces.

Cette impasse constitutionnelle dure depuis quinze ans. Le Québec a appris qu'à l'intérieur du régime existant aucun compromis n'est acceptable à la majorité anglo-canadienne.

Depuis quinze ans, les acteurs politiques sont prisonniers de cette majorité et sont incapables de renouveler le régime fédéral.

Le gouvernement fédéral n'a rien trouvé de mieux que de nous relancer dans l'arène juridique afin de tenter de cadenasser l'expression démocratique de tout un peuple.

Avec cette nouvelle cause, la cour se dirige vers une nouvelle impasse. Est-ce qu'elle doit s'en surprendre? La Cour suprême se porte à la défense des institutions desquelles elle est issue, quoi de plus naturel.

Finalement, elle n'est que l'expression de la volonté centralisatrice d'un gouvernement fédéral et témoigne du cul-de-sac devant lequel se trouve la fédération canadienne. Le fait est que le gouvernement Chrétien est à court d'arguments face à l'avancement du mouvement souverainiste.

Le recours à la Cour suprême est, pour reprendre les mots du premier ministre du Québec, monsieur Lucien Bouchard, un geste d'impuissance. Davantage, ce recours à la Cour suprême résulte de l'évolution de l'opinion publique canadienne qui se cristallise autour de la doctrine de l'égalité de provinces. Le refus de tout statut particulier pour le Québec autre que symbolique est parfaitement insignifiant.

Quand je vois le consensus qui s'exprime à l'intérieur de la société québécoise sur nos valeurs démocratiques et la défense de nos institutions, je suis plus confiante que jamais sur notre capacité à relever les défis qui se posent à nous dans l'édification de notre pays.

J'invite chacun et chacune d'entre vous qui m'écoutez par le truchement de votre télévision à faire connaître votre opposition à cette initiative du gouvernement Chrétien.

Notre lutte ne sera pas achevée avant que nous nous soyons donnés un pays pour l'an 2000, car ce qui est essentiel à nos yeux, c'est le droit de décider de notre avenir. Soyons fiers d'être Québécois.

Le vice-président: Il est important que tous les députés réfèrent à leur titre et non à leur nom, s'il vous plaît.

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, c'est Montesquieu, je crois, qui considérait au XVIIIe siècle comme un fondement dans la démocratie la séparation des trois pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire.

Nous sommes en présence d'un renvoi par l'exécutif demandant au judiciaire d'interpréter la voie constitutionnelle.

 

. 1230 + -

Ce serait parfait si ce n'était que la Constitution a été unanimement rejetée par le peuple auquel on prétend imposer son interprétation par la Cour. L'esprit de la Confédération, c'est qu'elle est fondée par deux peuples, les peuples fondateurs. La Constitution de 1982 émane d'un seul de ces deux peuples qui l'impose à l'autre, qui peut l'imposer à l'autre parce qu'il est majoritaire.

Ma collègue est-elle d'avis, comme moi, que le processus auquel nous assistons n'est donc rien d'autre qu'une manifestation de plus de la domination que le reste du Canada prétend exercer sur le Québec?

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le Président, je remercie le député de Terrebonne—Blainville. Je suis complètement d'accord avec le député.

Je pense que c'est vrai. Le gouvernement canadien a complètement ignoré, dans ce renvoi à la Cour suprême, qu'il y avait deux peuples fondateurs. Il y a le peuple canadien et le peuple québécois. Le fédéral prouve, par les trois questions qu'il pose à la plus haute instance, à la Cour suprême, qu'il est mauvais joueur par son utilisation abusive de cette Cour.

Je peux dire en cette Chambre que le fédéral a, comme toujours, pipé les dés en renvoyant la cause de la souveraineté du Québec devant la Cour suprême du Canada.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, la capacité des Québécois de décider de leur avenir est au coeur de la motion présentée aujourd'hui par le Bloc québécois. Ce principe et le principe du respect de la démocratie et l'état de droit sont aussi chers aux députés du gouvernement qu'à nos collègues de l'autre côté de la Chambre. Ce sont ces principes d'ailleurs, de choisir notre avenir, exercés lors des référendums de 1980 et 1995, qui feront l'objet de mes propos.

Ces principes, dont les tenants et aboutissants sont discutés aujourd'hui, ont déjà permis aux Québécois de choisir le Canada. En l'exerçant, nous, les Québécois, avons refusé de renoncer aux identités québécoise et canadienne qui se complètent et qui s'enrichissent mutuellement plutôt que de limiter l'horizon des Québécois. Une chose est incontestable: à deux reprises, nous, les Québécois, avons exercé notre droit de décider de notre avenir et, à deux reprises, nous avons choisi de rester dans le Canada et cela, bien qu'on ait tenté de cacher l'option derrière une question confuse.

Plusieurs raisons militaient en faveur de ces choix que nous avons faits. À chaque fois, le Canada s'est avéré un choix logique puisqu'il a toujours permis aux Québécois de faire rayonner leur culture et leur langue. La dualité linguistique du pays et son caractère multiculturel ouvrent aux Québécois et aux autres Canadiens les portes des marchés mondiaux. Ces composantes de l'identité canadienne sont de précieux atouts pour l'avenir.

À l'aube du nouveau millénaire qui verra s'épanouir les pluri-identités et réussir les pays qui auront relevé avec succès le défi de la cohabitation des cultures, je suis confiante que nous, les Québécois, choisirons de nouveau le Canada.

[Traduction]

À chaque occasion, les Québécois ont constaté que le Canada nous offre une qualité de vie exceptionnelle. À chaque occasion, nous avons été fiers de la réputation exceptionnelle de notre pays dans le monde entier. À chaque occasion, nous avons compris que le Canada a l'une des économies les plus développées du monde entier et que nous, Québécois, avons contribué grandement à sa prospérité.

[Français]

Si les Québécois ont décidé à deux reprises de choisir le Canada c'est que, conscients du riche passé que nous partageons avec nos concitoyens du reste du pays, nous sommes aussi résolument tournés vers l'avenir. Nous savons que dans cette nouvelle économie où il faut savoir combiner la force des grands ensembles et la souplesse des petites unités et réunir à la fois la solidarité nationale et l'autonomie régionale, notre union fédérale nous est essentielle.

 

. 1235 + -

Chaque fois, ils ont tenu compte du fait que les Canadiens sont parvenus, avec le temps, à tisser un important filet de sécurité sociale. Les valeurs de compassion et de solidarité qui sous-tendent la fédération canadienne sont partagées par les citoyens des quatre coins du pays. Ce sont ces valeurs qui nous ont permis de nous serrer les coudes dans les moments difficiles.

Ai-je besoin de rappeler la rapidité avec laquelle l'ensemble du pays a réagi afin d'aider ceux et celles affectés par la tempête de verglas. Au-delà des différences de langue et de culture, par-delà les distances, ces valeurs sont partagées. Ces valeurs partagées tissent la toile de fond de l'identité canadienne.

Chaque fois, enfin, les Québécois ont dit non à la sécession et oui au Canada. Nous avons trop investi dans la créativité de ce pays pour y renoncer. Ce qu'est devenu le Canada, ils y ont contribué d'une façon exceptionnelle en enrichissant, de leur culture et de leur façon d'être, notre patrimoine collectif.

Ce qui fait la force du Canada, ce sont les valeurs qui inspirent notre identité. Avec raison, l'ouverture, la solidarité et le respect des droits individuels sont fréquemment mentionnés. Ce sont ces mêmes valeurs dont est imprégné notre cheminement collectif.

[Traduction]

La volonté des Québécois de demeurer au Canada a toujours fait l'objet d'un consensus. Ce consensus a été évalué à deux occasions et il est resté ferme les deux fois. À chaque occasion, les Québécois ont dit oui à la composante canadienne de notre identité. Je suis certaine que nous ferons à nouveau de même si, pour la troisième fois en moins de 20 ans, les Québécois doivent encore se prononcer sur l'option sécessionniste.

[Français]

La campagne de 1995, et certaines révélations survenues depuis, ont démontré à quel point le processus référendaire s'apparentait à une triste opération de manipulation et de malhonnêteté intellectuelle. Ce constat a mené le gouvernement canadien à mettre de l'avant des initiatives visant à clarifier les enjeux d'une sécession.

Chacun des députés de cette Chambre se rappelle les circonstances qui ont entouré la publication du livre tristement célèbre de Jacques Parizeau intitulé Pour un Québec souverain. Les Québécois, comme l'ensemble des Canadiens, ont été estomaqués d'apprendre que le délai d'un an pour les négociations, auquel on faisait toujours référence, n'était que de la poudre aux yeux et que M. Parizeau n'entendait nullement s'y soumettre. Il voulait, au contraire, nous entraîner, nous, les Québécois, dans une aventure qui n'avait pourtant rien d'un jeu, si grand soit-il.

Heureusement, lorsque la trappe à homards s'est refermée, le 30 octobre 1995, nous, les Québécois, ne nous y trouvions plus. La stratégie du camp sécessionniste repose sur la politique de l'autruche et l'ambiguïté. Notre gouvernement, lui, fait le pari de la clarté. Une éventuelle sécession aurait d'énormes répercussions sur les Québécois, comme sur l'ensemble des Canadiens.

Il est donc primordial de s'assurer que le processus référendaire se fera selon des règles définies, précises et acceptées par tous.

Ce débat, s'il y a lieu, doit se tenir dans le calme et la sérénité. Nous ne pouvons écouter, sans réagir, le député bloquiste de Richelieu déclarer cyniquement que son parti est voué à la destruction du fédéralisme. Nous ne pouvons non plus rester indifférents devant ce lamentable appel à l'intolérance lancé par le député bloquiste de Louis-Hébert qui affirmait, en 1995, que seuls les Québécois et Québécoises de souche devraient voter au référendum.

Enfin, nous ne pouvons accepter la déclaration disgracieuse prononcée par M. Jacques Parizeau, le soir du 30 octobre 1995. La liste des propos irresponsables tenus par les sécessionnistes est longue, mais je n'ai pas le temps de m'y attarder.

 

. 1240 + -

Je peux toutefois ajouter que les grandes déclarations de foi démocratique du Bloc seraient plus acceptables si ceux qui les prononçaient étaient plus crédibles.

En dépit de l'opposition dogmatique du Bloc, notre pays progresse et évolue. Il y a à peine quelques semaines, pour ne donner que cet exemple, le Parlement canadien et l'Assemblée nationale ont adopté une résolution de modification constitutionnelle qui permet au gouvernement du Québec de procéder à l'établissement de commissions scolaires linguistiques.

Les sécessionnistes ont appuyé ce changement, démontrant ainsi qu'il nous est possible, quand ils le veulent bien, de travailler ensemble au mieux-être collectif. Si l'intérêt des Québécois passait avant les intérêts partisans de la cause, le gouvernement du Québec travaillerait de concert avec nous bien plus souvent qu'il ne le fait.

La grande majorité des Québécois sont fiers d'être Québécois et fiers d'être Canadiens. Ils ne veulent renoncer à aucune de ces deux composantes de leur identité et surtout pas dans la confusion ni dans le non-respect de la démocratie et contre l'état de droit.

En conclusion, on ne peut pas voter en faveur de cette motion soumise par le Bloc, un parti qui se prononce contre l'état de droit et contre la démocratie pour tous. En tant que Québécois et Canadiens, on ne peut pas voter en faveur de cela.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine a parlé, durant son exposé, à propos du référendum de 1995, d'une vaste opération de manipulation intellectuelle. Je voudrais lui poser deux questions. Je suis convaincue qu'elle a toute la capacité intellectuelle d'y répondre de façon brillante.

Ma première question est celle-ci: Comment ma collègue qualifie-t-elle les millions de dollars dépensés par Option Canada, qui n'a pas hésité à fouler au pied la Loi référendaire et les mesures qui réglaient le financement des partis politiques dans un cadre référendaire?

Deuxième question: Comment qualifie-t-elle les déclarations d'amour et les promesses bidon qui ont été énoncées haut et fort par les ténors du fédéralisme, le premier ministre du Canada en tête, assisté par d'autres ténors qui sont également ici dans cette Chambre?

Alors, j'attends la réponse de ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine. Je suis sûre qu'elle va me faire l'honneur de répondre clairement à cette question.

Mme Marlene Jennings: Monsieur le Président, nous avons déjà vécu deux référendums au Québec, en 1980 et en 1995.

Une voix: N'oublie pas 1992.

Mme Marlene Jennings: Chaque fois, la question était confuse et par la suite, malgré la confusion qui régnait, la majorité des Québécois ont voté contre.

Si on respectait la démocratie, il n'y aurait pas de troisième référendum, parce que la volonté, la capacité des Québécois de choisir leur avenir, s'est déjà exprimée à deux reprises, dans la confusion, mais la réponse a été très claire. Majoritairement, nous avons dit: «On veut rester au Canada. On veut continuer à sauvegarder notre identité canadienne et notre identité québécoise.» Nous avons répondu: «On veut rester au Canada.»

Je trouve lamentable que les sécessionnistes continuent à dire qu'on doit encore avoir un autre référendum quand la volonté a clairement été exprimée.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, je considère que la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine méprise la compréhension des Québécois et des Québécoises en disant que le peuple québécois n'a pas compris les deux questions qui lui ont été posées en 1980 et en 1995.

 

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C'est sûr qu'ils ont bien compris. Dans le fond, il faut se rappeler le fait qu'il y a eu des promesses faites de la part des ténors fédéraux, à ce moment-là M. Trudeau et ensuite M. Chrétien, qui n'ont pas été tenues, faut-il le rappeler, envers le Québec. Le Québec a depuis toujours voulu se faire respecter au sein du Canada, et on lui a refusé cela aussi en ne reconnaissant pas le caractère distinct du Québec. Il me semble qu'il y a quand même certaines bases importantes de frustrations de la part du Québec qui nous amènent justement à vouloir sortir du Canada.

De vouloir reprendre le référendum, ce n'est pas antidémocratique et cela n'embrouille pas le débat. C'est tout à fait démocratique. C'est le fédéral qui, encore une fois, malgré toute l'exigence faite dans le passé de respecter le Québec, ne le respecte pas et qui a soumis une question à la Cour suprême, méprisant la compréhension de la population et de la volonté du Québec à se prononcer librement.

Il me semble que la députée pourrait, elle aussi, reconnaître que le processus par le passé n'a pas été antidémocratique, n'a pas voulu embrouiller les choses, n'a pas été malhonnête. On n'a pas voulu manipuler. Au contraire, on a été très clairs, on continue de l'être et on le sera jusqu'à ce qu'on soit...

Le vice-président: À l'ordre! Il ne reste seulement que 20 secondes de la période de cinq minutes prévue pour les questions et commentaires.

Mme Marlene Jennings: Monsieur le Président, il y avait une confusion qui entourait toute la question dans le référendum de 1995. Je vous cite un récent sondage de CROP qui a eu lieu en juillet 1997: 44 p. 100 des Québécois qui ont voté oui en 1995 pensaient qu'après une victoire du oui, le Québec ferait encore partie du Canada. Alors, c'est le meilleur exemple de la confusion qui régnait à ce moment-là.

Une des choses, c'est qu'il faut avoir une question claire. Je demande donc aux sécessionnistes pourquoi ils ne poseraient pas une question comme on a posé en Arménie, en 1991: «Êtes-vous d'accord pour que la République d'Arménie soit une république démocratique indépendante de l'URSS?». C'est assez clair...

Le vice-président: Je regrette, mais le temps prévu pour les questions et commentaires est terminé.

La parole est maintenant à l'honorable secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale.

[Traduction]

Mme Claudette Bradshaw (secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale, Lib.): Monsieur le Président, notre pays est respecté dans le monde entier pour son engagement à l'égard de la liberté individuelle et des valeurs démocratiques et pour la primauté du droit qui les garantit.

En effet, le président argentin, Carlos Menem, a dit aujourd'hui que le Canada est un pays qui en est venu à symboliser la persévérance, la démocratie, la solidarité et la tolérance.

Le Canada est un pays remarquable. Je crois que, au XXIe siècle, il sera encore plus fort et plus uni. Pourquoi? Parce que les Québécois vont continuer de choisir de faire partie d'un pays qu'ils ont tellement contribué à bâtir.

La plupart des Québécois sont fiers tant de leur identité canadienne que de leur identité québécoise et ne veulent pas avoir à choisir entre les deux. Toutefois, si les Québécois décidaient un jour de quitter le Canada, je voudrais à l'instar d'eux-mêmes, sans doute, qu'ils fassent un choix clair et sans équivoque. Je ne voudrais pas que les Québécois cessent d'être solidaires de leurs concitoyens canadiens dans une atmosphère de confusion où il n'y aurait aucune règle de base mutuellement acceptable.

[Français]

Je crois fermement que les Québécois choisiront de demeurer Canadiens parce que le Québec bénéficie de son appartenance au Canada et qu'il en constitue un élément fondamental. La province a prospéré au sein du Canada, en particulier depuis la Révolution tranquille. L'économie du Québec comprend des secteurs de pointe prospères, comme les industries de l'aérospatiale et de la biotechnologie et des produits pharmaceutiques.

 

. 1250 + -

Le gouvernement fédéral a fait sa part pour aider ces secteurs qui aident à leur tour l'ensemble du Canada à soutenir la concurrence internationale. Par exemple, les instruments comme le crédit d'impôt à la recherche et au développement et la Société pour l'expansion des exportations ont appuyé les secteurs de la haute technologie à prendre de l'expansion alors que les investissements stratégiques considérables du gouvernement fédéral continuent de stimuler la croissance qui peut créer des emplois bien rémunérés pour les jeunes Québécois.

Le Québec au sein du Canada possède également une culture dynamique, vivante et unique. La province compte plus de 100 compagnies théâtrales, 100 éditeurs, 20 compagnies de danse et 25 orchestres et chorales, dont un grand nombre reçoivent de l'aide du gouvernement fédéral pour se produire au pays et dans le monde entier.

[Traduction]

Le Québec est prospère à l'intérieur du Canada et le Canada est prospère grâce au Québec, mais il y a toujours de nouveaux défis à relever. Dans bien des cas, cet engagement a fait que le premier ministre fédéral collabore avec les premiers ministres provinciaux. Comme le dit souvent le ministre des Affaires intergouvernementales, les Canadiens ont aujourd'hui besoin de provinces fortes, d'un gouvernement fédéral fort et de relations solides entre les deux.

Je pourrais citer de très nombreuses initiatives de politique sur lesquelles les différents ordres de gouvernement ont récemment collaboré. Je vais me contenter d'en citer deux, à savoir: la prestation fiscale pour enfants et le nouveau partenariat en matière de formation de la main-d'oeuvre pour le marché du travail.

[Français]

Les statistiques démontrent qu'un enfant canadien sur cinq environ vit dans la pauvreté, proportion qui est tout simplement inacceptable. Comme l'a dit le théologien luthérien, Dietrich Bonhoeffer, on juge la moralité d'une société à la façon dont elle traite ses enfants. Nos enfants sont notre avenir. Lorsqu'un enfant va à l'école le ventre vide pour apprendre, nous y perdons tous.

[Traduction]

En mai 1996, le gouvernement fédéral a offert à ses partenaires provinciaux et territoriaux la possibilité d'assumer l'entière responsabilité des mesures de formation professionnelle financées par le compte d'assurance-emploi ou, s'ils préféraient, d'élaborer un nouveau partenariat de base pour la gestion de la formation.

L'accord Canada-Québec sur la formation professionnelle démontre, selon le premier ministre Chrétien, que les gouvernements du Canada et du Québec peuvent travailler ensemble à la recherche de solutions pratiques adaptées aux véritables problèmes des Québécois. Comme un cadre du Conseil du patronat du Québec n'a pas tardé à le reconnaître, l'accord démontrait qu'il était possible de conclure des ententes administratives dans les secteurs clés sans avoir à modifier la Constitution du Canada.

[Français]

En fait, les ententes sur la formation de la main-d'oeuvre et la nouvelle prestation nationale pour enfants illustrent ce qu'on peut accomplir et ce qu'on peut accomplir dans le cadre des ententes administratives, et de l'exercice ou du non-exercice des pouvoirs sans changer une virgule à la Constitution.

Toutefois, cela ne signifie pas que notre Constitution est ou devrait être immuable. Au contraire, notre Constitution n'est pas non plus une camisole de force qui nous empêche de la changer. Il s'agit plutôt d'un cadre qui permet des changements ordonnés et en temps opportun, et elle traduit, au fil du temps, ce que nous sommes en tant que Canadiens.

La capacité de notre Constitution de changer au gré de l'évolution des besoins des Canadiens nous a été démontrée récemment lors de la modification constitutionnelle demandée par le gouvernement du Québec, qui lui permettrait de confessionnaliser les conseils scolaires de la province pour créer des conseils linguistiques. Il est très clair que tous les Québécois étaient unanimes à dire que les conseils scolaires confessionnels reflétaient la réalité du Québec en 1867. Mais aujourd'hui, les conseils scolaires linguistiques correspondent davantage aux valeurs et aux réalités sociologiques des Québécois. Le Parlement et l'Assemblée nationale ont conjugué leurs efforts au moment opportun en recourant à l'article 83 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour procéder à une modification bilatérale.

 

. 1255 + -

[Traduction]

La modification constitutionnelle, j'en suis sûre, permettra au Québec de s'épanouir davantage au sein du Canada. Elle permettra aux Québécois d'avoir un système scolaire plus fort qui répond mieux à leurs besoins.

En fait, le gouvernement du Québec a conclu que c'était une mesure tellement positive que la ministre de l'Éducation, Pauline Marois, a proposé de féliciter le ministre des Affaires intergouvernementales pour avoir «livré la marchandise».

Je ne doute pas que le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien continuera de livrer la marchandise aux Québécois et à tous les Canadiens. Tous ces changements, à la fois constitutionnels et non constitutionnels, montrent bien que notre fédération est capable de répondre aux aspirations des Québécois.

Bien sûr, nous avons nos défis. Quel pays n'en a pas? Mais nos défis peuvent être surmontés par la négociation et grâce à notre longue tradition d'accommodement. Nous devons voir nos difficultés dans une juste perspective.

Nous sommes confrontés à de sérieux défis, mais ce sont les défis d'un pays prospère ayant des institutions démocratiques fortes et une société civile vibrante. Aucun de ces défis ne devrait conduire à la rupture du pays. En fait, chaque année, des milliers de personnes d'autres pays demandent à immigrer au Canada pour venir partager nos problèmes.

[Français]

Nous ne devons pas oublier que l'identité du Canada fait l'objet de débats et de discussions depuis la création de la fédération. Bien entendu, ce débat est devenu particulièrement vif au cours des dernières décennies, mais la consolidation de l'unité nationale est une tâche permanente.

À ceux qui choisissent de se complaire dans les humiliations réelles ou imaginaires d'hier en les ruminant, nous leur répondons avec notre vision de l'avenir, un avenir où le Canada continuera d'être une source d'influence pour le monde, une source de fierté pour ses citoyens.

[Traduction]

Le vice-président: Encore une fois, je tiens à rappeler aux députés de ne pas nommer les députés par leur nom, ou tout autre nom, mais bien par le nom de leur circonscription.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je veux simplement demander à la députée ce qu'elle pense de la déclaration de sa collègue de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine qui parlait de la confusion relative à la question référendaire posée aux Québécois en 1995.

Je vais lui lire la question de 1992 concernant l'accord de Charlottetown et ensuite, celle de 1995. J'aimerais savoir où est la confusion là-dedans. Le peuple québécois s'est prononcé à 94 p. 100 en 1995. Je vais lire la question posée par le gouvernement fédéral en 1992: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Cela, c'est le référendum sur l'Accord de Charlottetown en 1992.

Et en 1995, la question posée par le gouvernement du Québec était: «Acceptez-vous que le Québec devienne souverain après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente du 12 juin?»

J'aimerais savoir si notre collègue de l'Acadie partage le point de vue de sa collègue de Notre-Dame-de-Grâce sur la confusion qui aurait présidé à ces deux questions. Pour nous, c'est très clair. Le peuple québécois s'est exprimé clairement en 1995 et quand il aura une question semblable devant lui, bientôt on l'espère, ce sera un oui massif.

Mme Claudette Bradshaw: Monsieur le Président, je remercie le député de m'appeler son amie de l'Acadie. C'est vrai que comme Acadiennes, nous sommes les amies des Québécois et des Québécoises. Mais j'aimerais raconter mon histoire de la soirée du référendum.

J'étais assise dans ma cuisine avec mes enfants, mon mari et mes amis. Mes amis voulaient être avec nous lors de la soirée du référendum. Ils sont venus souper à la maison et on a suivi les résultats du référendum ensemble au petit écran. Je puis vous dire que lorsqu'on regardait le vote, on a eu peur, parce qu'on voulait que les Québécois et les Québécoises sachent, hors du Québec, comment on se sentait.

Je vais répondre à votre question. Je dois vous dire que mes enfants et moi, tout comme mes amis, étions tous d'accord pour dire que la question n'était pas claire et précise lors du dernier référendum.

 

. 1300 + -

Je ne pense pas que ce soit la même question. Je dois vous dire qu'on en a discuté ce soir-là et on sentait que les Québécois et les Québécoises n'avaient pas une question claire et précise pour savoir que ceux qui votaient avec le parti séparatiste se séparaient du Canada. Pour ce fait-là, ce n'était pas clair, mais je pense que le livre que M. Parizeau a écrit après le référendum était clair, et ce qui allait arriver, c'est qu'ils auraient voté pour sortir du Canada.

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, il y a quelque chose qui me paraît prêcher contre la logique dans la position de nos collègues d'en face.

D'une part, ils disent que les questions des deux derniers référendums n'étaient pas claires et, d'autre part, ils se réfèrent aux réponses qui ont été données à ces questions pour dire que les Québécois ont décidé qu'ils voulaient rester dans le Canada. De deux choses l'une: ou bien la question est confuse, ou bien elle ne l'est pas.

Si elle est confuse, la réponse l'était aussi et il ne faut pas se prévaloir des 50 p. 100 moins trois-dixième. Si elle n'est pas confuse, qu'on ne dise plus qu'elle l'est.

Mme Claudette Bradshaw: Monsieur le Président, je pense que la réponse pour mon ami c'est que les Québécois et les Québécoises ont dit clairement dans les deux derniers votes que, oui, ils voulaient rester dans notre beau pays et qu'ils voulaient rester Québécois et Québécoises comme ils veulent être des Canadiens et des Canadiennes.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, je vous informe que je partagerai mon temps de parole avec le député de Beauharnois—Salaberry.

Aujourd'hui, la journée d'opposition du Bloc québécois revêt une signification et une importance majeures. En effet, la motion présentée par le chef de mon parti et amendée par mon collègue de Berthier—Montcalm se lit comme suit: «Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois, et à lui seul, de décider librement de son avenir.»

Pour les Québécoises et les Québécois, l'enjeu est fondamental puisque ce débat porte essentiellement sur la démocratie et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais de quels peuples s'agit-il donc? Je le dis avec fierté: il s'agit du peuple québécois, celui qui, naïvement peut-être, avait cru au pacte de 1867 alors qu'il était l'un des deux peuples fondateurs du Canada d'alors.

Cent trente et un ans plus tard, c'est du droit à l'autodétermination du Québec dont il est question, droit dénié par le gouvernement fédéral, comme en fait foi son renvoi à la Cour suprême. Que s'est-il donc passé pour que la réalité du peuple québécois soit devenu pour le gouvernement fédéral quantité négligeable?

Au cours des 30 dernières années, les relations entre l'État fédéral et le Québec n'ont pas toujours été caractérisées par le beau fixe. Permettez-moi seulement de revenir brièvement sur certains événements importants pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui.

Quatre ans après l'élection du Parti québécois, en 1976, le Québec tient, en 1980, une première consultation sur l'avenir du Québec au sein de la fédération canadienne. Pour tous les partis en présence, l'issue est claire et tous reconnaissent et acceptent les règles du jeu de la démocratie.

Suite à la défaite du «Oui», le Québec a respecté la décision de ses citoyens et a continué à agir à l'intérieur de la Constitution du Canada. Deux ans plus tard, en 1982, le gouvernement fédéral de Trudeau décide, dans un grand élan d'indépendance, de renouveler et de rapatrier la Constitution. Malgré le désaccord du Québec et en dépit des belles mais vides promesses de 1980, le gouvernement fédéral rapatrie unilatéralement la Constitution.

À cette occasion le gouvernement avait, par ordre de renvoi cette fois encore, demandé à la Cour suprême de légitimer un rapatriement unilatéral sans avoir l'accord de toutes les provinces. La réponse satisfait les attentes du gouvernement fédéral d'alors. Le rapatriement sans l'accord de toutes les provinces est légal. Mais est-il moral? C'est une autre affaire.

Trudeau et ses sbires n'ont que faire de ces nuances. Pour lui, la nouvelle Constitution de 1982 sera la bonne, et tant pis si le Québec ne la reconnaît pas.

 

. 1305 + -

Le hic, c'est que ni les souverainistes, ni les fédéralistes québécois n'ont reconnu et ne reconnaissent la Constitution de 1982.

En 1992, après des années de négociations aussi ardues qu'inutiles, il y a eu le référendum pancanadien sur les accords de Charlottetown. Au Québec, cette question est encadrée par la Loi québécoise sur les consultations populaires. Encore là, tous les partis reconnaissent les règles du jeu et personne n'émet le moindre doute sur la légitimité de cet exercice démocratique. Le référendum de 1992 rejette sans équivoque les accords de Charlottetown: au Canada, parce que ces accords donnent trop de pouvoirs au Québec, et au Québec, parce que ces mêmes accords sont en deçà des demandes traditionnelles du Québec.

En 1995, le Québec tient son second référendum sur l'avenir du peuple québécois. Cette consultation est toujours encadrée par la Loi québécoise sur les consultations populaires. Une fois de plus, les règles du jeu sont reconnues par tous. Et les enjeux sont clairs. Personne, pas plus le premier ministre du Canada que les autres, ne remet en question la légitimité du droit des citoyens et citoyennes du Québec de se prononcer sur leur avenir.

Tous se rappellent le résultat du référendum de 1995: le camp du oui, le camp du changement, recueille pratiquement 50 p. 100 des suffrages, et 94 p. 100 des électeurs inscrits ont participé à cet exercice hautement démocratique.

N'ayant rien à offrir au Québec, le gouvernement fédéral met sur pied ce qu'on appelle désormais le plan B, le plan de la peur, le plan de la négation de l'existence du peuple québécois. Un des principaux éléments de cette stratégie est le renvoi à la Cour suprême visant à nier le droit du Québec à choisir lui-même son avenir.

Pourtant, depuis les années 1960, la population du Québec a toujours pensé qu'elle pouvait elle-même décider de son avenir et a toujours agi dans ce sens. Les référendums qui se sont tenus au Québec en sont des exemples éloquents. Avec son renvoi à la Cour suprême, le gouvernement confie à neuf juges, qu'il a lui-même nommés, le droit de décider de l'avenir du Québec. Voilà un geste antidémocratique et illégitime. Quand un gouvernement demande aux juges de prendre des décisions politiques, la démocratie est toujours en péril.

Le gouvernement fédéral se sert de la Cour suprême pour faire cautionner son plan B de la même façon que le gouvernement Trudeau a fait entériner le rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982. Le résultat du coup de force de 1982 a été de faire l'unanimité au Québec contre la reconnaissance de cette Constitution. Et c'est au nom de cette Constitution que le gouvernement fédéral agit aujourd'hui envers le peuple québécois, ne reconnaissant ni la légitimité de l'Assemblée nationale, ni le libre arbitre de la population qu'elle représente, en un mot, en niant au Québec son droit à l'existence.

Comme en 1982, le gouvernement fédéral a créé le vide autour de lui et des positions qu'il défend. Le renvoi à la Cour suprême fait consensus au Québec: seul le peuple québécois a le droit de se prononcer sur son avenir et nulle cour ne peut s'arroger le droit de décider pour lui.

En effet, même les plus convaincus des fédéralistes du Québec se sont prononcés contre cette tactique du gouvernement. M. Claude Ryan, ancien chef du Parti libéral du Québec et dirigeant du camp du non en 1980, a été très clair sur ce renvoi: «C'est au Québec et à lui seul qu'appartient le droit de décider de son avenir.»

Dans les notes rédigées à l'intention de l'amicus curiae, M. Ryan dit ce qui suit, et je cite: «Sur le droit à l'autodétermination, interprété comme pouvant impliquer entre autres options le choix en faveur de la souveraineté, il existe au Québec un consensus large et profond entre les principales formations politiques et la grande majorité des acteurs politiques oeuvrant sur la scène québécoise. Tous sont d'accord pour reconnaître que l'avenir du Québec, quelle que soit l'option devant être retenue, relève, en dernière analyse, de la volonté souveraine du peuple québécois.»

L'actuel chef du Parti libéral du Québec et chef du camp du non lors du référendum de 1995, M. Johnson, a fait sienne l'analyse de M. Ryan, ajoutant sa voix au large consensus manifesté dans la population québécoise. Le droit à l'autodétermination du Québec relève d'un débat politique et non pas de décisions juridiques. Une mesure de nature légale ne pourra jamais empêcher un peuple de décider démocratiquement de son avenir.

 

. 1310 + -

Depuis la semaine dernière, le ministre des Affaires intergouvernementales se gargarise de déclarations étonnantes au sujet du renvoi à la Cour suprême. Après avoir clamé bien haut la primauté du droit, il reconnaît, à la suite des déclarations de M. Ryan, que la démocratie prime, mais que le droit est essentiel. Pour nous, la primauté de la démocratie est un fait et le droit à l'autodétermination du Québec ne peut être récusé. Parce qu'ils respectent la démocratie et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, parce qu'ils respectent les Québécoises et les Québécois, les neuf juges de la Cour suprême refuseront de répondre aux questions du gouvernement fédéral.

Maurice Maeterlinck écrivait, et je cite: «Il n'y a rien de plus beau qu'une clé, tant qu'on ne sait pas ce qu'elle ouvre.»

Le gouvernement fédéral a remis une clé à la Cour suprême dans le but d'enfermer le peuple québécois, mais il ne savait pas ce que cette clé ouvrait. On le voit maintenant avec le consensus québécois: il n'y a pas de clé pour enfermer le peuple québécois, il n'y a pas de clé pour enfermer la démocratie.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours de ma collègue. Je voudrais lui poser deux questions simples. Premièrement, faudra-t-il demander une fois, deux fois, trois fois à la population du Québec de se prononcer, et lorsque la population aura exprimé sa volonté, la députée l'acceptera-t-elle? C'est ma première question.

Ma seconde question concerne la façon dont vous apprenez aux gens à faire le décompte des votes et la manière dont vous inculquez la démocratie aux jeunes. Apprenez-vous aux gens à respecter ce qui est exprimé sur le bulletin de vote ou leur apprenez-vous plutôt à rejeter 86 000, 100 000 ou je ne sais combien de dizaines de milliers de votes en ayant recours à la désinformation, à un mauvais décompte, ce qui oblige à recompter les votes je ne sais combien de fois?

Parlez-moi de cette société si démocratique qui pose une question ambiguë, dit non deux fois et effectue un décompte erroné des voix. Est-ce ainsi qu'on conçoit la démocratie au Québec?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, je suis vraiment en train d'hésiter. Si je suis l'exemple de mes collègues d'en face qui ne répondent pas aux questions qu'on leur pose, ce serait facile, je pourrais pérorer avec élégance, et ma foi, avec peut-être un peu d'humour.

Si je décide de répondre aux questions de ma collègue, je vais probablement démontrer ce que j'appelle de la maturité et un respect à l'endroit des parlementaires.

On aura compris qu'entre ces deux choix, le choix pour moi est clair, aussi clair qu'il l'était en 1995, aussi clair qu'il l'était en 1980, aussi clair qu'il l'était en 1992.

La première question de ma collègue portait sur le nombre de fois. Ce que j'ai envie de lui dire—et cela va sûrement lui rappeler des souvenirs—c'est qu'il y a un auteur classique qui disait: «Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez.»

Je crois fondamentalement que le peuple québécois existe. Je crois fondamentalement que le peuple québécois a le droit d'avoir un État, de le gérer à sa manière dans le respect des conventions internationales, dans le respect de ses voisins immédiats et de ses voisins un peu plus éloignés. C'est ce que je crois fondamentalement.

À partir du moment où cette croyance est quelque chose qui m'anime—ce n'est pas pour rien que je suis ici aujourd'hui—je pense que je n'ai pas le droit, pas plus que ma collègue d'en face, de dire: «Eh bien, après deux fois, ce sera assez; après trois fois, ce sera assez; après dix fois, ce sera assez.»

«Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage.» J'ai confiance que le peuple du Québec va enfin saisir la chance extraordinaire qu'il a d'entrer dans le concert des nations avec le prochain référendum, parce que nous aurons notre pays pour l'an 2000.

La deuxième question de ma collègue porte sur la démocratie. Elle porte sur la démocratie, sur la façon de calculer les votes.

 

. 1315 + -

J'ai presque envie de faire un commentaire. Il faut vraiment être bien atterré, il faut vraiment être bien inquiet pour se questionner, pour mettre en parallèle la valeur de la démocratie au Québec et quelques décisions malheureuses effectuées en toute bonne foi par des scrutateurs qui vivaient un stress que l'on retrouve normalement dans tous les bureaux de scrutin.

Monsieur le Président, vous comme moi avez probablement eu l'occasion d'assister à des dépouillements de scrutin, d'assister en tant que scrutateur, peut-être, en tant que secrétaire ou en tant que représentant du oui, du non ou du peut-être, et de savoir ce qui se passe. Il y a de l'électricité dans l'air, il y a de la tension et tout le monde veut faire de son mieux. Mais vous savez, et je n'ai qu'à voir mes collègues d'en face, il est évident que ce n'est pas parce qu'on veut faire de son mieux que des fois on fait toujours les bonnes choses. La preuve est en face: ils veulent bien faire de leur mieux, mais des fois ça ne marche pas trop bien. Alors la démocratie, au Québec, n'est pas en péril. La démocratie est une de nos valeurs fondamentales, et j'ai confiance en la maturité des Québécois et des Québécoises.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au nom du Bloc québécois dans le cadre d'un débat qui est le prélude à une mobilisation politique des Québécois pour illustrer le consensus qui émerge à nouveau au Québec et en vertu duquel il appartient—comme le dit la motion que notre parti dépose aujourd'hui devant cette Chambre—au peuple québécois, et à lui seul, de décider librement de son avenir.

Si le gouvernement du Canada a choisi de saisir la Cour suprême de questions qui concernent l'avenir du Québec et de formuler trois questions qui ont choqué et troublé le président de la Commission du droit international des Nations unies, Me Alain Pellet, et je le cite, «par la façon partisane dont elles sont posées», ce n'est pas parce que ce gouvernement voulait éclairer l'état du droit et se faire champion de l'état du droit ou de la «rule of law» comme le prétend le ministre des Affaires intergouvernementales.

Non, cette manoeuvre est politicienne. Elle est si politicienne cette manoeuvre qu'elle risque d'entacher la crédibilité de cette même Cour ainsi prisonnière de la légalité, selon l'éminent juriste Jacques-Yvan Morin. Cette stratégie vise principalement à infléchir l'opinion des Québécois et à les inciter à ne pas choisir au moment venu la voie de la souveraineté parce qu'elle serait illégale.

Mais au Québec nul n'est dupe, même pas les alliés fédéralistes tels Daniel Johnson et Claude Ryan, dupes d'une tactique, d'une telle tromperie, une tromperie qui, comme le prétend Hannah Arendt, et je la cite, «n'entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend».

Elle vise sans doute aussi cette stratégie à infléchir l'opinion d'une communauté internationale, d'États qui seront invités par le Canada, au moment où il croit approprié, à ne pas appuyer une démarche dont la Cour suprême aura pu dire qu'elle était entachée d'illégalité. Mais les États de cette communauté internationale ne seront pas non plus dupes, ne le sont d'ailleurs pas aujourd'hui de ce stratagème fédéral aussi peu subtil. Les États sauront prendre acte un jour de la volonté du peuple québécois de se doter d'un pays, de devenir un membre à part entière de la communauté internationale des États dans son ensemble.

 

. 1320 + -

Les États reconnaîtront le Québec souverain, un Québec qui aura réaffirmé, comme il l'affirme déjà depuis des décennies, qu'il entend respecter la Charte des Nations unies et les autres instruments internationaux auxquels le Canada a souscrit, qu'il garantira à la communauté anglophone et aux nations autochtones les droits dont ils ont besoin pour s'épanouir dans un Québec souverain et qu'il assumera tous les engagements pertinents relatifs à la stabilité du continent et du monde.

Le Bloc québécois s'est employé et continuera de s'employer à mettre à nu cette tactique judiciaire qui ne fait point honneur à la démocratie canadienne, et il intensifiera son dialogue avec les représentants des États, tant à Ottawa qu'à l'étranger, pour leur expliquer avec courtoisie et avec patience pourquoi les Québécois choisiront très bientôt la souveraineté, pourquoi les Québécois ne veulent plus de l'impasse canadienne, pourquoi ils veulent se donner un État français et de culture québécoise.

Lorsqu'il s'agira de décider seul de son avenir, le Québec aura de son côté, comme il l'a toujours eue d'ailleurs, la légitimité. Le Canada, du moins celui du ministre des Affaires intergouvernementales et de sa cour—avec un petit «c»—croit avoir de son côté la légalité. Il dit du droit qu'il est essentiel, mais laissez-moi ouvrir une parenthèse.

S'il était si essentiel, encore faudrait-il qu'il soit compris. Le ministre des Affaires intergouvernementales, la semaine dernière, nous a fait la démonstration qu'il ne comprenait pas le droit international. Lorsqu'il parlait des actes unilatéraux du Canada, il disait des choses qui révèlent son incompétence en la matière, une incompétence que nous mettrons à nu, que nous continuerons de mettre à jour.

Ce qui est essentiel, pourtant, ce n'est pas le droit. Ce qui est essentiel, et le gouvernement du Canada l'apprendra bientôt à ses dépens, c'est la démocratie, c'est la volonté du peuple. Il y a aujourd'hui un consensus large dont la communauté internationale prendra acte, un consensus large sur le fait que c'est au peuple à décider, et ce sera au peuple québécois, à nouveau, un jour prochain, de décider.

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Monsieur le Président, dès le départ, je tiens à souligner que, par la voix de notre chef, ce matin, nous appuyons la motion de nos collègues du Bloc québécois.

C'est dommage, parce qu'une fois de plus, le Parti libéral du Canada aura réussi à polariser le débat canadien entre les Québécois et l'ensemble des Canadiens. C'est dommage, parce qu'au moment où tous les Canadiens vivent des crises successives extrêmement graves depuis un an et demi—et avant de poser officiellement ma question à mon honorable collègue, je dis que c'est dommage parce qu'au moment où cet item-là n'est pas à l'agenda d'aucun Canadien actuellement, nos priorités sont définitivement ailleurs.

J'aimerais demander à mon collègue, étant donné que les Canadiens ne nous envoient pas de message pour nous dire, «Dépêchez-vous de parler de la Constitution à la Chambre des communes, c'est urgent», s'il ne pense pas que cet item-là est alimenté depuis 30 ans par des politiciens irresponsables qui ont fait des erreurs historiques, particulièrement depuis 20 ans, à l'encontre des objectifs de l'ensemble des Canadiens et aussi de l'ensemble des Québécois.

Dans un sondage paru il y a quelques semaines, on voyait que 80 p. 100 des Québécois, parmi ceux qui ont voté oui, ont leur ultime convoi et sont fatigués du débat constitutionnel.

Est-ce que c'est un dossier qui est exclusivement et abusivement traité par des politiciens? J'aimerais l'entendre sur cette question-là.

M. Daniel Turp: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question.

Je dirai d'abord que les politiciens irresponsables sont ceux qui, depuis au-delà de 30 ans, proposent des réformes du fédéralisme qu'ils ne réussissent jamais, mais jamais, à mener à terme.

 

. 1325 + -

Ce n'est pas comme si les Québécois et plusieurs de leurs gouvernements n'ont pas cherché, eux, à participer à des réformes visant à modifier la fédération dans le sens des attentes des Québécois. Ce sont ces politiciens qui aujourd'hui sont responsables de la division et, d'accord avec vous, les libéraux du Canada sont sans doute ceux qui doivent encourir la plus grande des responsabilités, et notamment ce premier ministre Trudeau dont on apprend aujourd'hui, et nous n'en sommes pas malheureux, qu'il baisse en popularité au Québec. Ce sont ces libéraux qui ont créé l'impasse et qui continuent de maintenir des positions qui mènent à l'impasse.

Les politiciens souverainistes, qui ont des défauts mais qui ont des qualités, ont certainement la qualité d'avoir voulu trouver une alternative, une alternative dans le fédéralisme qui est dans l'impasse et qui continue de l'être. Notre alternative, depuis que René Lévesque a créé le Parti québécois, et celle proposée aux Québécois, la souveraineté, est d'offrir au Canada, en toute amitié et tout respect avec le peuple qui est celui qui fait le Canada, une offre de partenariat ou d'association économique.

Nous l'avons fait et nous continuerons de le faire en privilégiant la voie démocratique et en invitant les Québécois à réfléchir sur leur avenir et, après mûre réflexion, à décider de leur avenir. Les Québécois ont le droit de décider de leur avenir, ils l'ont décidé une fois en 1980, une deuxième fois en 1982, une troisième fois en 1995, et ils auront encore le loisir et la liberté de décider de leur avenir, espérons-le bientôt, pour que le Québec soit doté d'un pays en l'an 2000.

Le vice-président: Questions et commentaires, avec une question très courte. La parole est à l'honorable députée de Mont-Royal.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, vous m'avez demandé de poser une question très courte et je la pose à mon collègue, avec tout le respect que j'ai pour lui et le droit qu'il a de présenter ses idées et de les défendre. Est-ce que le député pourrait me dire pourquoi il n'a pas voulu accepter l'amendement du ministre des Affaires intergouvernementales d'inclure dans la motion devant nous le respect de l'état du droit et de la démocratie pour tous. Pourquoi n'a-t-il pas voulu en traiter et l'accepter?

M. Daniel Turp: Je m'adresse à vous, monsieur le Président. Je n'y étais pas, madame ma chère collègue, mais je crois comprendre que l'amendement n'a pas été accepté parce qu'il a été considéré comme irrecevable par la Présidence.

[Traduction]

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de partager mon temps de parole avec le député de Beauce.

[Français]

Monsieur le Président, je veux donner un message aux Québécois de la part des gens de ma circonscription: nous voulons que vous demeuriez au sein du Canada. Nous croyons que vous contribuez à notre pays par votre caractère unique.

[Traduction]

L'avenir du Québec est très important pour les résidents de ma province et de ma circonscription. Après tout, la population de l'Ontario et du Québec a une longue histoire de partenariat et d'amitié. L'Ontario et le Québec ont toujours été les deux moteurs de la croissance au Canada. Aujourd'hui nos deux provinces sont liées l'une à l'autre par un réseau complexe de liens familiaux, amicaux, professionnels et commerciaux.

[Français]

Beaucoup de Québécois francophones ont joué un rôle important dans la vie de ma province, y compris Richard Monette, directeur artistique du Festival de Stratford et Yves Landry, président du conseil d'administration, président et directeur général de Chrysler Canada. En même temps, le Québec a bénéficié des talents de Franco-Ontariens, notamment Paul Desmarais de Power Corporation. Ces individus incarnent la magnifique synergie qui existe entre les deux provinces.

[Traduction]

La présence du Québec dans le Canada revêt également une importance toute particulière pour la communauté franco-ontarienne, qui enrichit ma province.

 

. 1330 + -

Permettez-moi de citer certains de leurs accomplissements. L'écrivain François Paré et le dramaturge Jean-Marc Dalpé se sont tous deux vu décerner le Prix littéraire du gouverneur général. Le Festival franco-ontarien d'Ottawa, LeFranco, est la première manifestation culturelle du genre en Amérique du Nord. L'économie de l'Ontario est soutenue par plus de 7 500 entreprises, compagnies et sociétés francophones. Économiquement, l'Ontario et le Québec sont les provinces du Canada entre lesquelles il existe les liens les plus étroits.

Selon les chiffres publiés récemment par Statistique Canada, des données de 1996, près de 60 p. 100 des exportations interprovinciales du Québec sont allées en Ontario et plus de 70 p. 100 de ses importations sont venues de cette province. Quelque 40 p. 100 des exportations de l'Ontario sont allées au Québec et quelque 50 p. 100 de ses importations sont venues de cette province. Le Québec est bien le deuxième partenaire commercial de l'Ontario et vice-versa.

Pour toutes ces raisons sociales, culturelles et économiques, il est très important pour les Ontariens que le Québec reste au sein du Canada. En tant qu'amis, nous ne voulons pas que les Québécois se séparent du Canada dans une atmosphère de confusion, en l'absence d'un processus mutuellement acceptable et d'un cadre pour veiller à ce que les choses soient équitables et claires.

Cependant, j'ai confiance que les Québécois continueront d'opter pour la citoyenneté canadienne. J'ai confiance qu'ils continueront d'oeuvrer à l'édification de la fédération avec les Ontariens et leurs concitoyens de la Colombie-Britannique, des Prairies, de l'est et du nord du Canada, car il n'y a pas de doute, ensemble les Canadiens forment une combinaison gagnante.

L'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick a dit, dans son très émouvant discours d'adieu, que le Canada est un pays assez civilisé pour traiter les enjeux les plus délicats de la manière la plus pacifique possible, un pays qui a permis à des centaines de milliers et même des millions de personnes de réaliser leurs rêves et leurs aspirations, et un pays où les gens veulent venir vivre.

L'une des raisons qui font que le Canada est si attirant pour les gens du monde entier, c'est que nous veillons à l'épanouissement de notre formidable diversité et que nous célébrons même cette diversité. Dans un monde où beaucoup de pays sont déchirés par des conflits ethniques et régionaux, ce n'est pas rien. Dans un pays comme le nôtre, où les distances sont énormes et où les habitants viennent des quatre coins du globe, il est essentiel de respecter notre diversité.

Peu de Canadiens nieraient que les premières nations, les Inuit et les Métis ainsi que les groupes ethniques établis ici depuis longtemps, ou depuis peu, apportent tous une contribution importante, quoique différente.

J'ai été heureux de voir que l'énoncé de principe rédigé à Calgary par neuf des premiers ministres du Canada reflétait bien cet aspect de la réalité canadienne, outre le fait qu'il établissait l'égalité des personnes et des provinces. Il ne faut toutefois pas confondre égalité et uniformité. Les premiers ministres ont, bien sûr, signalé que, dans ce contexte, ils reconnaissaient le caractère unique du Québec au sein du Canada. Il semble que ce soit un signal que les Québécois peuvent reconnaître.

Un sondage réalisé par la maison Environics peu de temps après la publication du texte de la déclaration de Calgary a révélé que plus du quart des Québécois qui appuient actuellement la séparation changeraient d'idée si les neuf autres provinces adoptaient une résolution reconnaissant le caractère unique du Québec.

Cela montre bien que les principes définis à Calgary peuvent rapprocher les Canadiens d'un océan à l'autre. C'est ce que nous et le gouvernement du Canada entendons faire. Nous souhaitons rapprocher les Canadiens de manière à ce qu'ils continuent à bâtir un pays qui se démarque, afin que tous puissent bénéficier de l'effet de nos forces réunies quand nous devrons relever les défis du prochain millénaire.

De plus en plus, les technologies de pointe en communication transforment le monde en village planétaire tel que l'envisageait Marshall McLuhan, notre illustre compatriote.

 

. 1335 + -

Avec ses deux langues officielles et ses habitants de différentes origines et cultures, le Canada est de mieux en mieux placé pour faire concurrence aux autres pays dans ce nouveau contexte global.

La puissance économique n'est, bien sûr, pas la seule raison de ne pas diviser le pays. Ensemble, nous avons construit une union sociale forte qui exprime bien notre engagement face au partage et notre sens de la communauté nationale. Ensemble, notre présence dans le monde et sur la scène mondiale est plus forte.

Comme je l'ai mentionné précédemment, il y a tout un ensemble d'éléments qui lient les Canadiens les uns aux autres à divers niveaux. Nos réalisations sur le plan économique ne sont pas négligeables et il est clair que si nous étions séparés, notre économie n'aurait pas la force qu'elle a aujourd'hui.

Il ne fait aucun doute que le Canada est à l'heure actuelle un modèle à suivre et plusieurs organismes et experts internationaux s'entendent pour le dire. Selon l'OCDE, l'économie du Canada et la croissance que le pays connaît au chapitre de l'emploi devraient dépasser celles de tous les autres pays du G7 en 1998.

La banque d'investissement Credit Suisse First Boston a annoncé qu'elle prévoyait que le gouvernement du Canada aurait bientôt droit à un rehaussement de sa cote de crédit. Le Forum économique mondial met le Canada au quatrième rang pour ce qui est de la concurrence mondiale. Il se base pour ce faire sur plusieurs facteurs comme le niveau des finances du pays, notre infrastructure et la base de notre technologie.

L'Economist Intelligence Unit de Londres prévoit que notre contexte commercial devrait passer au troisième rang mondial au cours des cinq prochaines années. Comme l'a fait remarquer Charles Baillie, président de la Banque Toronto-Dominion, au plan économique, les Québécois peuvent survivre sans les autres provinces, et l'inverse est également vrai. Mais, a-t-il ajouté, depuis quand nos normes et nos aspirations ne visent-elles que notre simple survie? Le Canada signifie beaucoup plus que la survie, beaucoup plus que cela pour tous ses habitants, y compris les Québécois.

Je sais que les Québécois voient plus loin que la simple survie. Je sais qu'ils désirent continuer de s'épanouir en tant que seule majorité francophone sur ce continent.

Dans la motion dont nous sommes saisis, les députés du Bloc nous disent qu'ils ne sont pas d'accord avec les principes démocratiques et la primauté du droit de leur propre province du Québec, de ma province, l'Ontario et en fait de tout notre pays. C'est pour toutes ces raisons que je ne peux appuyer la motion.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à mon honorable collègue de Mississauga-Ouest, région que je connais très bien d'ailleurs.

J'ai un frère, Maurice Marchand, qui demeure dans le comté de Mississauga-Ouest et qui, comme moi en tant que Franco-Ontarien, connaît très bien le sort réservé aux francophones de l'Ontario.

Contrairement à ce que mon honorable collègue vient d'admettre ou veut nous faire croire, les francophones n'ont pas été bien traités en Ontario. C'est tout à fait le contraire. D'ailleurs, dans l'histoire du Canada, s'il y a une province qui est particulièrement responsable pour l'abus et le non-respect des droits des francophones hors Québec, c'est bien l'Ontario, qui a interdit l'enseignement du français pendant près de 50 ans et qui, seulement depuis quelques années, accorde aux francophones le droit de gérer leurs propres écoles. C'est un autre sujet que j'aurais bien aimé aborder. C'est un sujet un peu à côté, mais qui est lié à la question du Québec.

Cela démontre, encore une fois, le non-respect de la langue française au Canada, et c'est encore la même chose qui arrive avec le Québec. Le Canada n'arrive pas à trouver les moyens de respecter l'intégrité et le caractère unique du Québec. On ne respecte pas ce caractère unique, malgré le fait que le Québec a manifesté, depuis de longues années, le besoin d'une certaine reconnaissance.

Dans le passé, il y a eu plusieurs référendums. On a fait des promesses au Québec de changer le fédéralisme qu'on n'a pas tenues. Le député de Mississauga-Ouest essaie de nous faire croire, comme plusieurs députés de l'autre côté de la Chambre, que la Constitution canadienne et le fédéralisme ont évolué. C'est vrai, mais ne pense-t-il pas que dans cette évolution, le gouvernement fédéral s'est endurci envers le Québec?

Le renvoi à la Cour suprême, pour empêcher les Québécois d'exprimer librement leur volonté et leur choix de devenir un État indépendant, n'est-il pas, encore une fois, une preuve que le gouvernement fédéral s'est endurci envers le Québec plutôt que de vraiment respecter les revendications qui ont été faites de la part du Québec depuis plusieurs années?

 

. 1340 + -

[Traduction]

M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, je suis persuadé que si le frère du député vit dans ma circonscription, il y a de bonnes chances pour qu'il ait voté pour moi. Si c'est le cas, je l'en remercie.

Le député a parlé de certains événements historiques en Ontario. Cependant, il n'a pas reconnu certains des gains que nous avons réalisés, surtout au cours des dernières années.

Je faisais partie du gouvernement de David Peterson, en Ontario. Nous avons procédé à plusieurs modifications dans la province pour reconnaître l'importance de la collectivité francophone.

Cela n'a pas été chose facile. Beaucoup de gens se demandaient pourquoi nous devions avoir des panneaux bilingues sur nos routes, en Ontario. Je prétends qu'on ne trouvera pas de panneaux bilingues sur les routes du Québec. C'est un cas intéressant de deux poids deux mesures.

Nous avons fait fi de ce problème parce que nous croyons dans le Canada et nous croyons que le Québec fait partie du Canada.

Je tiens à signaler également qu'il y a un certain nombre d'écoles francophones et de cours d'immersion en français en Ontario. De nombreuses personnes de ma circonscription insistent pour que leurs enfants fassent toutes leurs études élémentaires en français. Je souhaiterais l'avoir fait. Ainsi, lorsque j'essaie de parler français à la Chambre, je serais bien meilleur qu'aujourd'hui. En réalité, l'Ontario reconnaît l'importance de la collectivité francophone.

En fin de compte, le député et d'autres membres de son parti refusent de reconnaître qu'ils se sont clairement prononcés aujourd'hui contre les principes démocratiques au Québec, en Ontario et au Canada. Ils se sont prononcés contre la primauté du droit au Québec, en Ontario et au Canada. C'est la raison pour laquelle nous n'appuierons pas cette motion. Cependant, nous voulons que les Québécois demeurent au Canada.

[Français]

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux, comme député québécois, de participer à ce débat sur l'avenir du Québec au sein du Canada.

La motion soumise à notre attention m'apparaît significative à plus d'un titre, puisqu'elle met en relief nos valeurs démocratiques. Ce n'est pas tous les jours que nous avons l'occasion d'échanger sur cette question entre parlementaires et c'est pourquoi ce débat revêt à mes yeux une importance particulière.

La position de notre gouvernement face à l'éventualité d'un troisième référendum au Québec en moins de 20 ans a toujours été claire. Nous ne voulons pas nier aux Québécois la capacité de faire le choix de quitter le Canada, s'ils croient que c'est la meilleure chose à faire.

Ce que nous avons toujours dit, c'est que le processus référendaire doit être clair et permettre aux Québécois de comprendre pleinement ce qui est en jeu. Que l'on soit pour ou contre, la sécession du Québec entraînerait inévitablement de sérieuses conséquences dans tous les domaines de l'activité humaine, non seulement pour les Québécois, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens. Voilà pourquoi le processus doit être clair. Voilà pourquoi nous voulons nous assurer que ce sera le cas.

Les députés du Bloc nous reprochent parfois de vouloir nier aux Québécois le droit de décider eux-mêmes de leur avenir. Rien n'est plus faux. Depuis toujours, les Canadiens se sont distingués par leur sens de la démocratie et de la liberté. Ce pays a été bâti sur l'ouverture et la tolérance. Le respect et la réalisation de cet idéal valent aux Canadiens une réputation des plus enviables sur la scène internationale. Cet héritage que nous ont légué nos ancêtres fait intimement partie de notre identité et il n'y a sans doute rien auquel nous tenons plus, comme Québécois et comme Canadiens, que ce qui nous distingue du reste du monde.

Comme l'a dit avec raison le ministre des Affaires intergouvernementales, le Canada ne serait plus le Canada s'il ne devait plus reposer sur l'adhésion volontaire de toutes ses composantes. Personne n'est retenu contre son gré dans ce pays. Accuser notre gouvernement de vouloir agir de la sorte, c'est ne rien comprendre à notre position, ou plutôt faire mine de ne pas comprendre.

Nous respectons la démocratie, mais à la différence de certains de nos amis d'en face, nous sommes aussi pour la clarté. Nous ne voulons pas que les Québécois perdent leur pays sur un malentendu.

 

. 1345 + -

Nous ne voulons pas que l'on fasse de l'expérience démocratique une mauvaise blague. Le citoyen a le droit de comprendre ce qu'il a à perdre en optant pour la sécession du Québec. Son choix, il devra le faire en toute connaissance de cause.

Les députés bloquistes se demanderont sans doute pourquoi nous sommes si prudents à leur endroit, puisque nous avons déjà participé à deux autres campagnes référendaires à l'issue desquelles les Québécois ont toujours exprimé leur volonté de demeurer Canadiens. La réponse est simple: depuis 1995, plusieurs faits rendus publics ont nettement démontré que le processus référendaire n'avait pas été suivi dans un souci de respect de la démocratie.

Rappelons les déclarations controversées de Jacques Parizeau au sujet d'une déclaration unilatérale d'indépendance. En effet, l'entente tripartite signée le 12 juin 1995 entre MM. Parizeau, Bouchard et Dumont comportait des aspects douteux. Conclue en pleine panique devant la probabilité d'une défaite cuisante, elle a eu pour effet d'embrouiller les Québécois en leur faisant miroiter la possibilité d'une association économique et politique avec le Canada et à laquelle M. Parizeau lui-même n'avait jamais cru.

En effet, nous sommes obligés de constater que la démarche proposée par les leaders sécessionnistes—pour utiliser un euphémisme—n'a pas toujours été d'une limpidité parfaite. Et comment! Depuis des années, des enquêtes d'opinions révèlent qu'une question claire sur l'indépendance du Québec obtient un soutien moindre que si on y ajoute des notions floues et utopiques, telles qu'«association» et «partenariat».

Constamment, les scénarios d'association et de partenariat sont présentés comme des certitudes, alors que tous les gouvernements fédéraux et ceux des autres provinces qui se sont succédé au fil des ans n'ont jamais réservé rien d'autre à l'option souverainiste qu'une fin de non-recevoir.

À ce sujet, les résultats du dernier référendum se veulent des plus révélateurs. Quelques mois avant le 30 octobre 1995, un sondage indiquait que 80 p. 100 des Québécois, dont 61 p. 100 des partisans du oui, se disaient fiers d'être à la fois Québécois et Canadiens. Pourtant, 49 p. 100 des Québécois votaient en faveur de la souveraineté le jour venu.

D'autres résultats nous éclairent également sur l'ambiguïté entretenue sciemment par les leaders sécessionnistes quant à leur option. Selon un sondage réalisé à la toute fin de la campagne référendaire, 80 p. 100 des Québécois qui se proposaient de voter oui pensaient que si le oui l'emportait, le Québec continuerait d'utiliser automatiquement le dollar canadien. Près de 80 p. 100 des gens croyaient que les liens économiques avec le Canada demeureraient inchangés, 50 p. 100 croyaient qu'ils continueraient à utiliser le passeport canadien, alors que 25 p. 100 croyaient que le Québec continuerait d'élire des députés au Parlement fédéral. Un autre sondage nous apprenait par ailleurs que près d'un partisan du oui sur cinq pensait qu'un Québec souverain pourrait rester une province du Canada.

On s'en souvient sans doute, la question référendaire du 30 octobre 1995 s'appuyait sur l'entente tripartite du 12 juin 1995. Contrairement à 1980, alors que la question avait été rendue publique cinq mois avant le référendum, le gouvernement péquiste n'a fait connaître celle de 1995 que six semaines avant le vote.

L'entente Parizeau-Bouchard-Dumont était extraordinaire à sa façon. Une fois le projet sécessionniste approuvé par la majorité de la population, le gouvernement s'engageait à ne pas proclamer la souveraineté avant un an, afin de mener à bien les négociations sur le fameux projet d'association économique et politique avec le reste du Canada. Mais, comme le disait plus tard M. Parizeau, rien ne l'empêchait de décider seul si les négociations n'allaient nulle part et qu'il pouvait donc décider unilatéralement, quand bon lui semblait. Bel exemple de transparence et de respect de la population.

Je ne veux pas m'attarder ici sur la remarquable impraticabilité du projet souverainiste de 1995, mais simplement souligner la confusion qu'il a générée dans la population québécoise. Une question ambigüe et alambiquée a failli entraîner la brisure du Canada. Nous ne voulons pas que le sort de notre pays dépende d'un jeu de passe-passe ou d'une pirouette de nature sémantique.

Nous sommes pour la clarté, pas pour la confusion. L'exercice démocratique ne remplit pas véritablement sa mission si on cherche à embrouiller l'électeur plutôt que de l'éclairer. Il doit comprendre les conséquences de son vote, et le rôle d'un gouvernement est précisément d'y voir.

Nous sommes pour la démocratie, mais nous avons aussi confiance dans le jugement des Québécois. Nos concitoyens ont pris une part prépondérante à l'édification de ce pays. Chaque période de l'histoire, ils y ont laissé leur marque, leur dynamisme et leur détermination. Le Canada leur fournit un champ d'application encore plus vaste et les Québécois excellent dans une foule de domaines.

 

. 1350 + -

Ce que mes ancêtres, les vôtres et tous ceux qui sont venus habiter ce grand pays nous ont légué, c'est une volonté ferme de construire notre avenir sur des bases solides, celles de la solidarité, de la compassion, de la liberté et du respect de la différence.

Ces valeurs, nous les avons concrétisées, notamment dans nos programmes sociaux et dans les gestes d'entraide que nous posons lorsqu'une région du pays est frappée par une catastrophe naturelle. Ces valeurs, nous les avons inscrites dans notre Charte canadienne des droits et libertés. C'est un pays comme celui-là que je veux transmettre aux prochaines générations de Québécois et de Canadiens.

Le droit des Québécois de décider de leur avenir est au coeur même des initiatives du gouvernement du Canada visant à clarifier les enjeux d'une éventuelle sécession du Québec du Canada. Oui, je suis confiant en l'avenir du Canada et je crois fermement que, dans un processus démocratique respectueux de tous les principes qui sous-tendent notre fédération, les Québécois vont décider de garder ce pays qu'ils ont tellement contribué à construire.

Nous ne pouvons pas appuyer cette motion après que le Bloc québécois ait refusé de reconnaître la primauté du droit et de la démocratie pour tous. Un tel refus n'est pas pour les Beaucerons, ni les Québécois, ni même les Canadiens.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je suis franchement surpris d'entendre le député de Beauce nous parler aujourd'hui de statistiques à partir du référendum de 1980 et à partir du référendum de 1995, alors que son parti et l'ensemble de ses collègues s'apprêtent à appuyer ce qui va se passer à la Cour suprême qui veut enlever ce droit aux Québécois. Je me demande de quelle façon il pourra, d'ici peu, s'exprimer sur la démocratie et l'autodétermination des Québécois.

On constate que les libéraux fédéraux sont de plus en plus seuls dans cette aventure. On n'a qu'à se rappeler les positions de M. Claude Ryan et du chef du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson. Ils semblent de plus en plus se distancer des députés libéraux fédéraux. Il existe un consensus québécois qui juge que ce renvoi est tout à fait inutile, illégitime et irrespectueux de nos valeurs démocratiques.

Le député peut-il me dire qu'il reconnaît qu'il est maintenant seul, avec ses alliés réformistes et Guy Bertrand, à défendre la ligne dure du plan B dénoncé par le Parti québécois, le Bloc québécois, le Parti libéral du Québec, les experts internationaux, les Québécoises et les Québécois?

M. Claude Drouin: Monsieur le Président, je voudrais faire remarquer au député d'en face que je ne suis pas seul, parce que la majorité des Québécois sont de notre côté en disant que le tout devrait être clarifié pour être sûrs d'avoir une base solide, parce qu'on ne fera pas la division du pays sur des sous-entendus et des questions piégées.

C'est pour cela qu'on doit faire face à la Cour suprême pour avoir la clarté du droit et je suis convaincu que les Québécois et Québécoises vont appuyer notre geste.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais demander à mon vis-à-vis pourquoi le gouvernement n'a pas voulu soumettre aux Québécois la déclaration de Calgary proposée par neuf des dix premiers ministres du pays. Pour quelles raisons le gouvernement libéral n'a-t-il pas profité de cette occasion de s'adresser aux Québécois pour savoir au juste ce qu'ils pensent des sept points que le reste du pays est disposé à envisager en ce qui concerne la question de l'unité?

[Français]

M. Claude Drouin: Monsieur le Président, cette question-là a été soulevée par les provinces et doit être réglée de concert avec les provinces. On aurait préféré que le gouvernement du Québec le fasse. Malheureusement, il n'a pas voulu le faire jusqu'à maintenant. Espérons qu'il va changer d'idée et soumettre cela aux Québécois et aux Québécoises.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je veux revenir sur la question de mon collègue de Lotbinière qui m'apparaît très pertinente.

Je veux demander au député de Beauce s'il est conscient de l'isolement, de l'esseulement du Parti libéral du Canada au Québec, notamment de son ministre des Affaires intergouvernementales. On sait que cet ancien chef du Parti libéral, M. Ryan, et M. Johnson, l'actuel chef, deux anciens chefs du camp du non, nous ont affrontés avec le plus d'honnêteté possible, avec tout le talent qu'on leur connaît, tant en 1980 qu'en 1995.

 

. 1355 + -

Quand on sait que M. Jean-Claude Rivest, sénateur conservateur et ancien conseiller spécial du premier ministre libéral, M. Bourassa, qui était un fédéraliste, s'est tenu debout et a dit, à un moment donné, que jamais plus le Québec ne vivrait ce qu'il venait de vivre au lendemain de Charlottetown, que M. André Tremblay, conseiller constitutionnaliste spécial de M. Robert Bourassa, à Charlottetown, en 1992, et que le cardinal Turcotte—c'est la cerise sur le sundae—, malgré des fonctions très délicates, on le sait, a le courage de prendre position dans le débat sachant la hargne dont il serait victime, où est le Parti libéral du Canada au Québec actuellement si ce n'est avec Alliance Québec, tout simplement, comme appui? J'aimerais connaître la réplique du député de Beauce.

M. Claude Drouin: Monsieur le Président, je pourrais répéter ce que j'ai répondu à son collègue précédemment, mais quand on me nomme 12 personnes et qu'on me dit que c'est la majorité, j'ai des problèmes avec cela.

Quand on cite M. Ryan, j'aimerais qu'on le cite au complet. Il dit qu'il aimerait avoir une question claire. Est-ce que ce sera possible pour vous d'avoir une question claire et honnête? Ils ne sont pas capables.

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, avant que nous ne commencions les déclarations, je m'adresse au député d'Edmonton—Strathcona. Si vous avez demandé la parole, je vous l'accorderai maintenant et vous serez le première à parler après la période des questions.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, j'attendrai après la période des questions.

Le Président: Comme il est 14 heures, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES OLYMPIQUES D'HIVER DE 1998

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter l'athlète canadien Kevin Overland, de Kitchener, qui a remporté la médaille de bronze au 500 mètres en patinage de vitesse, très tôt ce matin. La course qui lui a valu la médaille de bronze n'aura duré que 71,86 secondes, mais je suis sûr ces quelques instants resteront pour toujours gravés dans sa mémoire.

Kevin participera à l'épreuve de 1 500 mètres jeudi et à la course de 1 000 mètres dimanche.

La soeur de Kevin, Cindy, qui est également membre de l'équipe de patinage de vitesse canadienne, participera demain à sa première course, soit le 3 000 mètres. Leur père, Ernie, est entraîneur et leurs soeurs, Amanda et Kate, s'entraînent en vue de faire partie un jour d'une de nos équipes nationales.

Au nom des citoyens de Kitchener—Waterloo, je joins ma voix à celles des Canadiens des quatre coins du pays pour féliciter Kevin ainsi que le médaillé d'argent Jeremy Wotherspoon, de Red Deer en Alberta, qui ont récolté des médailles pour le Canada et réalisé leurs rêves olympiques. Je souhaite bonne chance à Cindy.

À tous les participants aux Jeux olympiques, bravo!

*  *  *

LE BUDGET

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement présentera sous peu son budget 1998-1999.

Il sera intéressant de voir, entre autres, ce que le gouvernement libéral entend faire de l'éventuel excédent budgétaire. Il semble pour le moment que les libéraux envisagent de consacrer la moitié de l'excédent aux programmes de dépenses gouvernementales de façon à les accroître, et de répartir le reste entre l'effort de réduction de la dette et l'allégement du fardeau fiscal.

Mais la question est de savoir ce que les Canadiens souhaitent, eux. J'ai consulté mes électeurs à cet égard et leur opinion va diamétralement à l'encontre du plan libéral. Le choix commun des 2 000 sondés de la circonscription de South Surrey—White Rock—Langley se répartit comme suit: 55 p. 100 de l'excédent devraient servir à réduire la dette, 36 p. 100 devraient se traduire en allégements fiscaux et moins de 9 p. 100 devraient être affectés aux programmes de dépenses gouvernementales.

Une fois de plus, les priorités budgétaires des libéraux sont loin de correspondre à celles des Canadiens ordinaires.

*  *  *

LE PROTOCOLE RÉGISSANT LES DRAPEAUX

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour proposer un important changement au protocole concernant la mise en berne des drapeaux devant les immeubles fédéraux.

Actuellement, les drapeaux ne sont mis en berne que pour honorer la mémoire d'un nombre restreint de dignitaires.

 

. 1400 + -

Toutefois, en reconnaissance de la contribution importante qu'apportent les fonctionnaires fédéraux à nos collectivités et au pays, j'invite la ministre du Patrimoine canadien à permettre la mise en berne des drapeaux devant les installations fédérales où les fonctionnaires pleurent la disparition d'un collègue.

Plusieurs fonctionnaires fédéraux dans ma circonscription de Sault Ste. Marie ont demandé que le protocole soit modifié et j'appuie entièrement leur proposition. À mon avis, une telle mesure serait rendre un juste hommage pour exprimer notre reconnaissance et notre respect envers les hommes et les femmes qui, à l'écart des médias dont les représentants élus font l'objet, fournissent quotidiennement aux Canadiens des services indispensables.

*  *  *

[Français]

LE PROJET DE LOI C-28

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Monsieur le Président, depuis une semaine, nous posons des questions sérieuses au ministre des Finances à propos du projet de loi C-28. Au lieu de nous donner des réponses claires, nous avons eu droit à des insultes et à des déclarations contradictoires du ministre des Finances, du conseiller en éthique et même du vice-président de la Canada Steamship Lines.

On a l'impression d'être en train de jouer à «Battleship» avec le gouvernement. Lorsqu'on a essayé G6, le premier ministre s'est levé et a dit: «Non». Le lendemain, on a essayé B-3, et le vice-premier ministre a dit: «Non». Mais on pense qu'avec C-28, le ministre des Finances devrait se lever et nous dire: «Touché, coulé!».

Nous avons droit à des réponses. Les libéraux devraient cesser de nous mener en bateaux.

*  *  *

[Traduction]

LA SEMAINE DE LA CITOYENNETÉ ET DU PATRIMOINE

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, nous célébrons de nouveau la semaine de la citoyenneté et du patrimoine, qui regroupe la Semaine nationale de la citoyenneté, le Jour du drapeau et la Fête du patrimoine. Cette année, nous centrons spécialement l'attention sur les jeunes Canadiens. Diverses activités conçues à leur intention se tiendront d'un bout à l'autre du pays.

Nous avons donc l'occasion cette semaine de faire valoir les valeurs que nous partageons, en tant que Canadiens, et de rendre hommage aux traditions durables qui ont servi à fabriquer notre tissu social.

J'invite tous les parlementaires à saluer les personnes et les organisations qui ont collaboré à l'établissement du programme des événement spéciaux de leur collectivité.

Ces événements sont une occasion de renforcer les liens dynamiques qui existent entre tous les Canadiens.

*  *  *

L'IRAK

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, certains ont déclaré que le Canada n'a pas le choix et qu'il doit accéder aux demandes des Américains concernant l'Irak, étant donné l'intégration marquée de notre économie à celle des États-Unis depuis le libre-échange. En fait, il est même pathétique de voir les libéraux accepter, voire défendre les restrictions imposées à la politique canadienne qu'ils ont déjà dénoncées, de concert avec le NPD.

Sous la direction des libéraux, le Canada est devenu un pays sans choix. Tandis que l'autre budget fédéral et les autres propositions de changement suscitaient de l'espoir, le Canada des libéraux ne peut décider librement de son propre avenir. Si l'obstacle ne vient pas des Américains, il vient des prêteurs et des détenteurs d'obligations ou de l'ALENA, ou encore de l'OMC, et bientôt il viendra de l'accord multilatéral sur l'investissement.

Sous la direction des libéraux, la mondialisation est un mal qui nous étouffe de plus en plus, mais que nous accueillons bien, même s'il nous empêche d'être nous-mêmes.

Pour le NPD, la mondialisation doit nous permettre de devenir une collectivité vraiment mondiale, dont les valeurs s'épanouissent au lieu de flétrir. Nous devons créer une économie mondiale qui n'est pas seulement un marché conçu en fonction des stratégies des multinationales pour réaliser des profits.

*  *  *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RURAL AU QUÉBEC

M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, désormais, les nouvelles politiques et programmes du gouvernement fédéral seront scrutés à la loupe afin d'en connaître l'impact dans le milieu rural.

Cette annonce a été faite hier, à Rimouski, par le ministre fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, en compagnie du secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire) (Pêches et Océans), et député libéral de Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, devant les participants de la Conférence de solidarité rurale du Québec.

Le président de Solidarité rurale, M. Jacques Proulx, a qualifié cette intention de «grande victoire pour le Québec rural». Cette volonté de s'aligner dans cette direction fera du gouvernement canadien un partenaire privilégié pour assurer l'avenir du développement rural au Québec.

De cette façon, le gouvernement canadien s'assure d'un développement local avec une vision globale.

*  *  *

[Traduction]

LE MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, un comité sénatorial a entendu diverses associations d'anciens combattants qui ont toutes déclaré qu'on ne les avait pas consultées au sujet du projet d'expansion du Musée de la guerre prévoyant d'y ajouter une salle d'exposition consacrée à l'holocauste. On aurait pu éviter la récente controverse autour de ce projet si l'on avait consulté les anciens combattants.

Le ministre des Anciens combattants a été remarquablement absent tout au long de cette controverse, alors qu'il lui incombe d'intervenir et de veiller à ce qu'on procède à des consultations appropriées.

 

. 1405 + -

Il faut féliciter le sous-comité sénatorial des affaires des anciens combattants d'avoir pris l'initiative de permettre à nos anciens combattants de se faire entendre. Il est clairement ressorti de ces audiences que les anciens combattants veulent que le Musée de la guerre soit séparé du Musée des civilisations et du ministère du Patrimoine canadien.

J'invite le ministre des Anciens combattants et le gouvernement à écouter nos anciens combattants et à faire le nécessaire pour prendre le contrôle du Musée de la guerre et le placer sous l'égide exclusive du ministère des Anciens combattants.

*  *  *

L'AVORTEMENT

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, environ un million de bébés ont perdu la vie depuis dix ans. Le Parlement est-il horrifié? Non. Les médias soulèvent-ils une tempête de protestations pour que le gouvernement fasse quelque chose? Non.

Grâce à la Cour suprême du Canada et à la faiblesse des politiciens, le Canada n'impose absolument aucune restriction aux avortements depuis dix ans. Non seulement rien n'empêche une femme d'obtenir un avortement entre le moment de la conception jusqu'à celui où un enfant peut émerger vivant de la filière génitale, mais le gouvernement a forcé les contribuables à payer pour le massacre de ce million de bébés.

J'ai présenté une motion qui permettrait au moins de mettre fin au financement public des avortements, une mesure qu'appuient les deux tiers des Canadiens.

Ma motion d'initiative parlementaire, la motion no 268, réclame la tenue d'un référendum national exécutoire, en même temps que les prochaines élections, pour demander aux électeurs s'ils acceptent que le secteur public finance des avortements non nécessaires du point de vue médical.

J'exhorte tous les députés qui estiment important de sauver la vie de dizaines de milliers de bébés innocents à appuyer la motion et à m'aider à convaincre la Chambre de faire en sorte qu'elle puisse faire l'objet d'un vote.

*  *  *

[Français]

MARIE LAURIER

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, dans la foulée des présents Jeux olympiques, il ne faudrait surtout pas oublier nos jeunes athlètes canadiens qui rêvent d'atteindre ces sommets. C'est ainsi que j'aimerais souligner aujourd'hui le succès remporté par une jeune athlète de 14 ans de mon comté de Pierrefonds—Dollard, Marie Laurier.

En effet, lors du Championnat canadien de patinage artistique qui s'est tenu à Hamilton du 5 au 12 janvier derniers, Marie Laurier remportait la médaille d'or dans la catégorie Juniors Dames. L'an dernier, elle s'était aussi distinguée en remportant le titre canadien Juniors en couples, à Vancouver. Il faut dire que Marie n'a jamais ménagé ses efforts et les résultats le confirment.

Nous pouvons être fiers de nos jeunes athlètes qui ne cessent de travailler pour se tailler une place de choix tant au niveau national qu'international. À ce stade, l'habileté et la concentration nécessaires pour réussir exigent une préparation et un entraînement presque surhumain. Nos athlètes ont beaucoup de mérite.

Marie, je te souhaite bonne chance dans tes projets futurs et plein succès lors des prochaines compétitions.

*  *  *

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, le Canada affichait à la face du monde entier son vrai visage bilingue à Nagano. «C'est inacceptable», s'écrie la ministre du Patrimoine canadien. «C'est regrettable», renchérit le ministre des Affaires étrangères.

Pourtant, l'été dernier, avec les anciens combattants, le major Brossard, attaché militaire en France, réclamait du français lors de l'exposé historique sur les bunkers allemands.

À Vimy, au mois de novembre 1997, devant 300 Français, lors des discours du ministre des Anciens combattants, de la ministre du Patrimoine canadien et du secrétaire d'État aux Parcs, une Française me demandait: «Pourquoi n'avez-vous pas d'interprètes? Vous n'êtes pas ici comme conquérants.» Madame, vous êtes en présence du bilinguisme canadien.

Le jour où le Québec deviendra souverain, vous verrez ce que cela signifie, respecter sa minorité. Pour le moment, le bilinguisme canadien se résume à «mesdames et messieurs» et «merci beaucoup».

*  *  *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le Président, deux rapports publiés récemment s'ajoutent au nombre croissant de documents concernant les pressions économiques et sociales que subissent de nombreux Canadiens.

Un rapport comparatif publié par Industrie Canada, intitulé Keeping up with the Joneses, indique que le revenu personnel réel par habitant est presque 25 p. 100 moins élevé au Canada qu'aux États-Unis.

Un second rapport produit par l'Institut Vanier pour la famille indique que la famille canadienne moyenne a besoin de 77 semaines de travail, à deux salariés, s'entend, rien que pour couvrir ses dépenses annuelles de base.

La compétitivité croissante du milieu de travail, qui exige souvent des heures supplémentaires, et le manque de souplesse des employeurs à l'égard des obligations familiales arrivent en parallèle avec des attentes accrues à l'égard d'une participation plus marquée des parents aux activités et à l'éducation des enfants.

Dans une société qui s'inquiète de l'intégrité de la famille, il y a sûrement un rôle pour le gouvernement...

Le Président: La parole est au député de Calgary-Ouest.

*  *  *

LE SÉNAT DU CANADA

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, quel mois pour le sénateur Andy Thompson! Il a lui aussi essuyé une tempête de verglas lorsqu'il a renversé son pina colada en dansant la macarena. Pire, il a dû échanger le beurre de cacao contre un manteau d'hiver pour pouvoir se présenter au travail dans le Nord glacé.

 

. 1410 + -

Des centaines de Canadiens m'ont écrit qu'ils voulaient que ce «mucho grande» Sénat soit aboli. Ils veulent pouvoir élire leurs représentants à la Chambre haute.

Nous n'avons pas à tolérer de tels «amigos» absents. Le premier ministre a aujourd'hui le choix: respecter la volonté des Canadiens et reconnaître des élections sénatoriales ou continuer à nommer des «cucarachas» libérales au Sénat.

*  *  *

LE QUÉBEC

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, la situation culturelle et linguistique du Québec est spéciale parce que les francophones doivent continuellement lutter pour s'assurer une place en Amérique du Nord.

Le week-end dernier, à l'émission 60 Minutes diffusée par CBS, on a mal interprété la réalité québécoise en affirmant que la province de Québec voulait devenir une enclave francophone. Rien n'est moins vrai. Les responsables de l'émission ont manqué d'objectivité et ont manqué une occasion de faire du journalisme professionnel.

Je demande que les faits soient examinés pour ce qui est de la description de la situation sociale et linguistique du Québec. On devrait prendre le temps de montrer les deux côtés de la médaille sur une question qui est tellement importante pour les francophones du Québec.

*  *  *

[Français]

LA RÉGION DE MAGOG-ORFORD

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, j'annonçais, vendredi, au nom de mon collègue le secrétaire d'État responsable du Bureau fédéral de développement régional pour le Québec, une contribution de 15 000 $ à la Chambre de commerce de Magog-Orford pour identifier des moyens concrets afin d'inciter nos voisins américains à venir magasiner chez nous, dans Brome—Missisquoi.

Nous devons dire à nos voisins du Vermont qui sont 300 000 à moins d'une heure de la frontière, qu'avec le taux de change de notre argent canadien en relation avec l'argent américain, avec le remboursement de la TPS et de la TVQ, puisqu'il s'agit d'exportation pour nous, avec la diminution des tarifs douaniers, ils peuvent retrouver chez nous d'excellentes occasions d'affaires, d'autant plus qu'ils bénéficient gratuitement des plus beaux paysages des Cantons de l'Est, dans mon beau comté de Brome—Missisquoi.

Welcome fellow Americans.

*  *  *

[Traduction]

LE SÉNAT DU CANADA

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui, la Chambre haute aura l'honneur d'accueillir l'infâme sénateur Thompson maintenant de retour. Nous devrions tous nous mettre en quatre pour nous assurer qu'il se réadapte bien. Nous devrions commencer par lui rappeler certains de nos usages locaux.

La Chambre haute ne ressemble en rien aux plages du Mexique. Il faut y porter une chemise en tout temps. Les siestes en milieu de journée n'y sont pas encouragées, même si elles ne sont pas rares. Les pages refusent presque systématiquement de servir des daiquiris à la banane, il n'y a pas d'heure prévue pour l'apéro et il faut laisser ses mariachis à la porte.

Nous pourrions aussi offrir à notre sénateur quelques cadeaux pour célébrer son retour: de l'aspirine pour les maux de tête lancinants causés par les margaritas, un paletot d'hiver pour les froides soirées d'Ottawa et un drapeau canadien pour lui rappeler les contribuables canadiens surtaxés qui travaillent d'arrache-pied.

Le sénateur sera peut-être tellement ému par notre générosité qu'il voudra se joindre à la multitude de Canadiens qui réclament une réforme du Sénat.

*  *  *

LE SERVICE D'ASSISTANCE CANADIEN AUX ORGANISMES

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui à la Chambre afin de rendre hommage à cinq habitants de ma circonscription, celle de Scarborough-Est, pour leur importante contribution à la communauté internationale par l'entremise du Service d'assistance canadien aux organismes. Il s'agit de John Goldie, de Jim et Leslie McDonald ainsi que de Roman et Sheila Russek.

John Goldie a rendu les méthodes de construction occidentales accessibles aux habitants de l'Ukraine. Leurs constructions en seront plus sécuritaires. Jim et Leslie McDonald ont aidé un hôpital des Philippines à concevoir des systèmes pour l'élimination de ses déchets médicaux. Quant à Roman et à Sheila Russek, ils ont aidé à revoir l'aménagement d'une usine de fabrication de câbles en Pologne.

Roman, Sheila, Jim, Leslie et John méritent nos félicitations pour avoir contribué à l'édification de la communauté internationale. Le Canada est fier d'eux.

*  *  *

LE SYSTÈME SCOLAIRE DE TERRE-NEUVE

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, les dernières statistiques révèlent que le nombre d'élèves inscrits dans le système d'éducation de Terre-Neuve chute de manière vertigineuse. Cette année, il y a 4 597 étudiants de moins qui sont inscrits, ou 4,3 p. 100. Cette diminution du nombre d'inscriptions est largement attribuable à la migration de familles et de leurs enfants, familles dont les parents vont chercher du travail ailleurs au Canada.

Après presque 50 ans dans la Confédération, ma province affiche encore un taux de chômage qui représente plus de deux fois la moyenne nationale. En un an, 9 200 personnes ont quitté ma province, et ce nombre augmente sans cesse. À cause de cela, des localités entières ont été décimées et, dans de nombreuses régions, il ne reste que des personnes âgées.

 

. 1415 + -

Une société très distincte, celle de Terre-Neuve, risque de disparaître. Les Terre-Neuviens sont très heureux de pouvoir trouver du travail ailleurs, mais la plupart aimeraient que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour leur permettre de résoudre le problème dans un rayon un peu moins éloigné de chez eux.



QUESTIONS ORALES

[Traduction]

L'IRAK

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, hier, le Parlement a discuté de la crise iraquienne jusqu'à tard dans la nuit et le Cabinet en a apparemment discuté ce matin, mais quelques questions cruciales appellent encore des réponses de la part du premier ministre.

Si la diplomatie échoue et que la force doit être utilisée contre Saddam Hussein, les Canadiens veulent savoir quel sera l'objectif militaire général. Les frappes viseront-elles les usines d'armes ou quelque chose de plus gros?

Quelle est au juste la mission générale et comment saurons-nous si elle a été couronnée de succès?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, pour le moment, la position de tout le monde, c'est qu'il faut trouver une solution diplomatique à l'impasse.

Maintenant que les députés ont exprimé leurs vues, le Cabinet a décidé, ce matin même, que le Canada apporterait son soutien. Une frégate et des avions Hercules se rendront dans la région. Il y aura aussi quelques Canadiens dans les avions AWACS américains. Je peux informer la Chambre de ce qu'il a été décidé d'offrir à la coalition.

Pour le moment, les efforts diplomatiques se poursuivent. Il y a quelques minutes, j'ai discuté avec M. Chirac, qui est très actif dans ce dossier. Il m'a parlé de ses activités.

Lorsque viendra le temps de la frappe, si nous devons en arriver là, nous pourrons faire savoir quelles sont les cibles précises de l'opération militaire. Nous n'en sommes cependant pas encore là.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Dans le débat d'hier soir sur l'Irak, monsieur le Président, l'intervention la plus faible a été celle du ministre de la Défense nationale. Tout ce qu'il a dit, c'est que rien n'était exclu, mais que rien n'était décidé.

Si le secrétaire d'État américain à la Défense avait comparu devant le Congrès la veille de l'engagement de forces armées dans une opération militaire et qu'il n'avait rien eu de plus à déclarer que notre ministre de la Défense hier, il aurait été limogé le lendemain matin.

Que fera le premier ministre pour combler le vide qu'il y a à la tête du ministère de la Défense nationale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale est un ministre assez responsable pour attendre une décision du Cabinet avant d'annoncer quoi que ce soit.

Je viens d'expliquer au chef de l'opposition quel est, pour le moment, le plan de la participation du Canada à l'opération. J'ai mentionné une frégate, des avions Hercules et la présence de soldats canadiens à bord des avions AWACS qui surveillent la région.

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a l'obligation morale de confirmer aux Canadiens que les personnes que nous envoyons sur place ont une mission claire, une vision claire de leur rôle et les ressources suffisantes pour faire leur travail.

L'heure n'est plus aux réponses et aux assurances vagues. Le premier ministre dévoilera-t-il les détails du plan d'action et de la mission et précisera-t-il quelles ressources sont prévues, ou allons-nous obtenir les réponses à ces questions de CNN ou de Bill Clinton?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été très clair sur la position du gouvernement. Une frégate sera envoyée sur place. Il s'agit d'un navire très moderne qui est commandé par des officiers compétents.

Les avions Hercules apporteront un soutien au personnel militaire. Ces avions ont déjà servi à maintes reprises et nos militaires savent quoi faire avec ces avions. Évidemment, nos militaires qui sont déjà à bord des avions AWACS continueront de faire ce qu'ils font.

C'est très facile à expliquer, mais, apparemment, le chef de l'opposition a beaucoup de difficulté à comprendre des choses très simples.

*  *  *

L'ÉCONOMIE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, quand on annoncera les candidatures pour les Oscar, nous voulons que le ministre des Finances soit mis en nomination pour Le grand jeu.

Les Canadiens sont submergés par notre dette titanesque, qui s'élève à 77 000 $ par famille. Nous sommes submergés par nos impôts titanesques, qui sont les plus élevés des pays du G7. Les familles canadiennes ont peine à se maintenir la tête au-dessus de l'eau.

 

. 1420 + -

Quand le ministre des Finances lancera-t-il une bouée de sauvetage aux familles canadiennes sous forme de diminutions d'impôts générales et d'établissement de cibles précises pour la réduction de la dette?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, dans des budgets précédents, nous avons prévu des mesures pour les familles pauvres, comme la prestation fiscale pour enfants, une importante initiative. Nous avons réduit les impôts des familles comprenant des personnes handicapées. Nous continuerons dans la même veine.

Il n'y a pas de doute que le principal avantage du rééquilibrage des finances du pays qui a été effectué par les Canadiens sera sûrement que le fardeau fiscal finira par être réduit.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, voilà une prestation digne d'un Oscar. Cela me rappelle un peu Forest Gump.

Les familles canadiennes versent 6 000 $ par année au fisc uniquement pour payer leur part des intérêts sur la dette. Leur revenu disponible a diminué de 3 000 $ depuis 1990.

Au lieu de se voir imposer des augmentations de dépenses titanesques, les Canadiens veulent savoir quand le ministre des Finances présentera un budget prévoyant des diminutions d'impôts générales et, cela va de soi, des cibles pour la réduction de la dette.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement canadien a l'intention, au cours de son mandat, de récompenser les Canadiens pour les énormes sacrifices qu'ils ont consentis pour éponger le déficit.

Je voudrais dire au député et à tous ses collègues, qui ont fait preuve d'une grande patience en posant des questions sur le prochain budget, que nous répondrons à ces questions le mardi 24 février à 16 h 30.

[Français]

Je suis heureux d'annoncer que je présenterai le budget le mardi 24 février, à 16 h 30 de l'après-midi.

*  *  *

LE PROGRAMME FÉDÉRAL D'INDEMNISATION

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, de plus en plus d'analystes, de commentateurs, d'éditorialistes, de même que Daniel Johnson, chef du Parti libéral, ne comprennent pas l'attitude du gouvernement fédéral qui refuse de compenser le Québec pour les dommages subis à son réseau hydroélectrique. Ils mettent tous fortement en doute l'interprétation restrictive que fait le président du Conseil du Trésor du programme d'indemnisation.

Le premier ministre reconnaît-il que les dispositions du programme d'indemnisation du fédéral donnent toute la latitude à son gouvernement pour indemniser le Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu un désastre au Saguenay, il y a eu un désastre au Manitoba et les règles se sont appliquées à la satisfaction et du gouvernement du Québec, et du gouvernement du Manitoba à l'époque.

Les compagnies comme Hydro-Québec ne sont pas admissibles. L'aide du gouvernement est dirigée vers les petites et moyennes entreprises et vers les agriculteurs. Dans aucun cas, au Saguenay par exemple, on n'a donné de l'argent à l'Alcan ou aux papetières qui ont subi des dommages, parce que ce n'est pas pour eux.

La qualification dans ce domaine, c'est clair et net. Les règles ont été établies en 1988 quand Lucien Bouchard était ministre du gouvernement conservateur.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la lecture du manuel de directives nous indique clairement que le gouvernement fédéral a pleine latitude pour indemniser les installations hydroélectriques. Les changements faits en 1988 ne l'ont pas été dans les mots mais dans les numéros d'articles. J'imagine que c'est une subtilité qui échappe au premier ministre.

Cela étant dit, est-ce qu'il va admettre que c'est une décision gouvernementale que doit prendre le gouvernement fédéral dans son choix de compenser ou non pour les dommages subis aux installations électriques. En d'autres mots, la balle est dans le camp du gouvernement. Vont-ils répondre aux demandes?

Le très hon. Jean Chrétien (Saint-Maurice, Lib.): Monsieur le Président, nous appliquerons les règlements qui ont été élaborés par le gouvernement conservateur en 1988, alors que M. Lucien Bouchard était ministre de ce gouvernement.

Je le répète, au surplus, lorsqu'il y a eu des dommages au Saguenay—Lac-Saint-Jean, nous n'avons pas compensé les installations hydroélectriques. C'est clair et net.

Nous ne sommes pas là pour aider les grandes compagnies, nous sommes là pour aider les petits entrepreneurs et les agriculteurs. C'est un système qui a bien fonctionné au Saguenay et au Manitoba, l'an passé, et nous avons l'intention de continuer avec ce qui a bien servi les Canadiens au cours...

Le Président: Le député de Témiscamingue a la parole.

 

. 1425 + -

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, le président du Conseil du Trésor a réaffirmé son refus de compenser le Québec sous prétexte qu'Hydro-Québec est une très grande entreprise capable de financer elle-même le coût de ses réparations. Pourtant, le manuel fédéral des directives rappelle que le fédéral peut compenser les grandes entreprises, et je cite, «dans une circonstance exceptionnelle, si le ministre la trouve justifiée.»

Doit-on comprendre que la catastrophe du verglas et les dégâts causés au réseau hydroélectrique ne constituent pas une circonstance assez exceptionnelle pour que le gouvernement se sente justifié d'agir?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons clairement indiqué au gouvernement de l'Ontario, qui eux aussi ont eu des dommages considérables, que la compagnie Hydro-Ontario ne se qualifiait pas plus que Hydro-Québec. Nous ne compensons pas les grandes compagnies. Nous n'aiderons pas Bell, qui a subi d'énormes pertes aussi au Québec dans la dernière tempête, parce que le régime a été établi de sorte que les entreprises qui peuvent s'assurer doivent assumer leurs propres responsabilités. Les compagnies comme Hydro-Québec et comme Bell ont les moyens de se payer des primes d'assurance pour se couvrir en cas de désastre.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, je suis assez surpris de voir que le premier ministre ne fait pas la différence entre Hydro-Québec et une compagnie privée qui n'appartient pas aux citoyens et aux Québécois. Il y a une grande différence entre les deux.

À partir des principes de base de l'aide fédérale, le gouvernement pourrait compenser en vertu du fait que, premièrement, l'électricité est un service public essentiel; deuxièmement, qu'il y a une clause pour dédommager les grandes entreprises; et, troisièmement, il y a un précédent à Terre-Neuve.

Pourquoi, dans ce contexte, le gouvernement refuse-t-il obstinément de compenser le Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement pense que les compagnies comme Bell, Hydro-Ontario et Hydro-Québec, Hydro-Québec entre autres qui a fait 700 millions de dollars, auraient pu prendre quelques millions de dollars pour se payer une prime d'assurance et ne pas demander de l'argent au gouvernement fédéral.

*  *  *

L'IRAK

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, hier le premier ministre justifiait une intervention militaire contre l'Irak parce que Saddam Hussein viole le cessez-le-feu. Pourtant, en 1991, il affirmait que nous ne devrions pas être impliqués dans une guerre qui ne se déroule pas sous le drapeau des Nations Unies.

Est-ce que le premier ministre a l'intention de suivre les Nations unies ou les États-Unis?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Les deux, monsieur le Président.

[Traduction]

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le général Lewis MacKenzie, lui aussi, est opposé à une agression militaire contre l'Irak. Selon lui, au moins 5 000 enfants iraquiens âgés de moins de 5 ans meurent chaque mois par suite de l'application des sanctions de l'ONU, et le bombardement de Bagdad ne fera qu'empirer les choses.

Quelles sont les autres mesures diplomatiques que le premier ministre et son ministre des Affaires étrangères ont prises au cours des 72 dernières heures pour empêcher ces bombardements insensés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes très actifs sur le plan diplomatique. Je me suis entretenu plus tôt de ces initiatives avec le président français. Je l'ai consulté et nous avons exprimé nos points de vue respectifs. Avec la collaboration des Russes, nous espérons réussir à convaincre Saddam Hussein de respecter les résolutions des Nations Unies.

Demain, le ministre des Affaires étrangères se rendra à New York pour s'entretenir de ces questions avec le secrétaire général des Nations Unies.

[Français]

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, ma question tombe bien compte tenu de la réponse que vient de donner le premier ministre sur la participation du Canada dans une initiative dans le Golfe.

Puisqu'il admet avoir parlé au président américain, au premier ministre de la Grande-Bretagne et, maintenant, au président de la France dans les dernières 72 heures, j'aimerais savoir si dans ces conversations il a demandé, exigé qu'une intervention se fasse sous l'autorité des Nations unies dans le but justement d'apporter une autorité morale supplémentaire à une intervention possible.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai expliqué dans mon discours hier, nous agissons en vertu de la résolution des Nations unies et la résolution sur le cessez-le-feu qui n'est pas respectée par Saddam Hussein.

Saddam Hussein avait accepté au moment du cessez-le-feu de permettre ces inspections qu'il ne veut pas avoir aujourd'hui. Comme il ne respecte pas le cessez-le-feu, la résolution de 1991 est encore valable pour tout le monde en cause.

 

. 1430 + -

[Traduction]

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, si je m'en tiens à la réponse du premier ministre, ni lui ni son gouvernement n'ont demandé que cette intervention s'inscrive dans le cadre d'une nouvelle résolution des Nations Unies, nouvelle résolution qui s'impose puisque, comme le ministre des Affaires étrangères l'a reconnu lui-même hier, il y a des divisions au sein du Conseil de sécurité.

Le premier ministre sait pertinemment que les chances de réussir sont plus grandes et qu'il y a moins de risques de massacrer des êtres innocents et de faire souffrir des enfants, si les Nations Unies adoptent une position ferme et s'entendent sur un plan d'action. Ainsi, le monde et le Canada auraient l'autorité morale voulue pour agir et il y aurait moins de danger que cela ne tourne en guerre.

Pourquoi le Canada ne...

Le Président: Le premier ministre a la parole.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, demain, le ministre des Affaires étrangères se rendra à New York pour discuter de cela et d'autres sujets.

J'ai dit que le président des États-Unis, le premier ministre de la Grande-Bretagne, et les autres qui ont accepté, comme moi, de participer, ont été informés que l'on agissait en vertu d'une résolution valide, qui est en vigueur depuis 1991. Quand Saddam Hussein a violé l'accord de cessez-le-feu, il nous a en quelque sorte autorisés à exiger de lui qu'il respecte la résolution de 1991.

*  *  *

LE SÉNAT

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous attendons aujourd'hui un grand événement. Le sénateur Andrew Thompson devrait être de retour de sa longue sieste au Mexique. Sa visite au Sénat pourrait s'avérer un événement rare et excitant, un peu comme le retour annuel des hirondelles à Capistrano.

Ma question s'adresse au premier ministre. Pourquoi les contribuables canadiens doivent-ils payer le salaire du sénateur? Le gouvernement n'est-il pas d'avis qu'on doit travailler pour gagner son salaire?

Le président: Je ne sais pas si cette question relève de la responsabilité administrative du gouvernement. Je permettrai toutefois au premier ministre d'y répondre s'il le désire.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà dit que le sénateur Thompson devrait faire ce qui s'impose et remettre sa démission. Je ne peux pas le forcer à partir. Si je pouvais le faire, je peux vous assurer qu'il serait parti depuis longtemps. Il faudrait pour cela apporter des modifications à la Constitution. Je ne crois pas que nous devions le faire seulement pour ce motif.

J'espère qu'il fera ce qui s'impose et qu'il remettra sa démission. C'est ce que les Canadiens lui demandent de faire.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la population canadienne exige une réforme du Sénat et je crois qu'au lieu de se contenter de dire qu'il espère que le sénateur offrira sa démission, le premier ministre devrait plutôt cesser de faire des nominations au Sénat. Les sénateurs devraient être élus et pouvoir être révoqués.

Le premier ministre nous dit qu'il ne peut exiger son départ. Les Canadiens, ceux qui doivent payer toutes ces dépenses, aimeraient bien qu'on leur dise pourquoi. Quand donc apportera-t-on des réformes prévoyant l'élection de sénateurs qui auraient des comptes à rendre à la population?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous nous sommes prononcés en faveur d'un Sénat élu de ce côté-ci de la Chambre. Le parti réformiste a voté contre au moment de l'Accord de Charlottetown.

*  *  *

[Français]

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

À la suite de la catastrophe du verglas, la situation d'un très grand nombre de petites et moyennes entreprises de la Montérégie et du centre du Québec notamment est dramatique. De toute évidence, un programme d'aide financière s'impose et la participation fédérale s'impose elle aussi.

Le premier ministre a-t-il l'intention de proposer un programme d'aide identique au Programme d'aide aux entreprises industrielles mis sur pied en Alberta, en 1987, à la suite des tornades et des inondations qui ont affligé cette province?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, au moment où on se parle, le président du Conseil du Trésor ainsi que le secrétaire d'État responsable du développement économique du Québec sont à Montréal pour discuter d'un programme avec les gens d'affaires de cette région qui a été affectée par le verglas, il y a quelques semaines.

 

. 1435 + -

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre est certainement au courant du mandat qu'il leur a donné.

Au nom du principe de l'équité, le premier ministre s'engage-t-il ici à nous rassurer en affirmant que tout ce qui a été mis en oeuvre en Alberta, dans le domaine de l'aide aux entreprises, le sera également pour le Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le programme pour les entreprises que le gouvernement fédéral a accepté pour le Saguenay et pour le Manitoba, au cours des deux dernières années, est, à ce moment-ci, discuté par les deux ministres à Montréal. Évidemment, le programme s'appliquera aussi aux gens d'affaires de l'est de l'Ontario.

*  *  *

[Traduction]

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, Bruce Starlight a écrit à la ministre des Affaires indiennes une lettre confidentielle contenant des allégations de corruption au sujet de la réserve de Tsuu T'ina.

La GRC enquête maintenant sur ces allégations. Au lieu de rester confidentielle, une copie de la lettre de M. Starlight, qui portait le timbre de la ministre, a été transmise au chef sur lequel pèsent les soupçons.

Hier, la ministre a dit que la lettre n'avait pas été transmise par elle ni par un collaborateur de son ministère. Comment peut-elle affirmer cela avec certitude alors que l'enquête n'est même pas encore terminée?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce que j'ai dit, c'est que la lettre n'a été transmise au chef ni par moi-même ni par les voies officielles.

En examinant les faits hier, j'ai constaté qu'il y en avait d'autres que la Chambre devrait prendre en considération.

Premièrement, depuis une semaine, il n'est question que d'allégations et d'insinuations non fondées. Les réformistes portent atteinte à la réputation des fonctionnaires. Ils ont contesté sans aucune preuve la légitimité de conseils et de chefs dûment élus.

Le député a déclaré: «Il est vraiment facile de tirer ces conclusions, mais nous ne possédons aucune preuve.» Aucune preuve.

Pourquoi ne pas attendre la conclusion de l'enquête? Nous nous pencherons alors sur les faits.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, la ministre sait fort bien que ces propos sont cités hors contexte. Il est très clair que M. Starlight a écrit à la ministre.

Sa lettre, sur laquelle figure le timbre de la ministre, se trouve actuellement sur le bureau du chef Roy Whitney. Comment la ministre peut-elle dire qu'elle ne lui a pas été transmise par elle ou un des collaborateurs de son ministère? Comment la ministre peut-elle affirmer que cette lettre confidentielle ne vient pas de son ministère alors que son propre timbre figure sur celle-ci?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai expliqué très clairement la démarche responsable que nous avons entreprise au sujet de cette lettre.

Je dois m'interroger sur les motivations de l'opposition. Cela me rappelle une observation d'un de mes prédécesseurs politiques, sir Wilfrid Laurier, qui a dit un jour qu'il est facile d'entretenir des préjugés.

Dans son ouvrage récent, le philosophe canadien John Ralston Saul dit que l'une des principales responsabilités de ceux qui sont au pouvoir c'est d'éviter les préjugés. À mon avis, c'est pour cette raison que nous formons...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Chers collègues des deux côtés de la Chambre, je vous mets en garde contre la tentation de prêter des intentions, aussi bien dans vos questions que dans vos réponses.

*  *  *

[Français]

LE PROJET DE LOI C-28

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, depuis le début du débat entourant le projet de loi C-28 et la possibilité de conflit d'intérêts impliquant le ministre des Finances, le premier ministre maintient que le Bloc québécois est dans l'erreur.

En même temps qu'il prétend cela, le gouvernement refuse systématiquement que nous fassions appel à des gens susceptibles de faire la lumière sur cette question.

Ma question s'adresse au premier ministre. En adoptant une attitude aussi peu transparente, le premier ministre réalise-t-il que loin de dissiper les soupçons qui pèsent contre son ministre, il les accentue?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les attaques contre l'intégrité du ministre des Finances sont sans fondement, je l'ai dit à plusieurs reprises. Je fais absolument confiance au ministre des Finances.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, hormis les fonctionnaires, la seule personne que le gouvernement accepte de nous rendre accessible est son conseiller en éthique.

 

. 1440 + -

Or, le conseiller en éthique, sauf respect, n'est pas un expert de la planification fiscale internationale, ni un praticien du transport maritime.

Dans ces circonstances, le premier ministre n'est-il pas en train de nous demander de fermer les yeux et de faire un acte de foi aveugle envers lui?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit clairement que j'ai entière confiance au ministre des Finances. Ses entreprises sont entre les mains d'un administrateur, conformément aux directives qu'on a données, et depuis quatre ans et quelques mois qu'il est ministre des Finances, il agit d'une façon absolument impeccable du côté de l'éthique.

*  *  *

[Traduction]

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la ministre des Affaires indiennes vient de dire que le préjugé était à la base de ce comportement. J'ai vécu sur une réserve, j'ai enseigné sur une réserve, et j'ai élevé chez moi cinq enfants indiens qui m'avaient été confiés.

Je demande à la ministre des Affaires indiennes de retirer immédiatement l'insinuation malveillante qu'elle vient de faire à la Chambre des communes.

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je rends hommage à la contribution qu'a faite la députée. Toutefois je me demande pourquoi, alors qu'il existe dans ce pays tellement d'exemples de communautés autochtones en parfaite santé, pourquoi il n'y est jamais fait allusion dans les questions et les commentaires des députés de l'autre côté.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous voulons aider les autochtones de la base qui ont fait confiance à la ministre, qui se sont adressés à elle de façon confidentielle. Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, mais je veux que la ministre me dise de quel côté elle est en ce moment, du côté des bureaucrates et des chefs ou du côté des autochtones de la base dans cette bande?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que les autochtones ont besoin de notre aide à tous. Je rappelle le programme du parti d'en face, qui réduirait le budget de mon ministère de 920 millions de dollars par an. Ce sont des fonds qui sont utilisés pour l'éducation, le logement, l'approvisionnement en eau et l'aménagement d'égoûts, toutes ces choses dont les autochtones ont désespérément besoin.

*  *  *

[Français]

L'IRAK

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Lors du débat d'urgence, hier soir, le ministre des Affaires étrangères s'est engagé, et je le cite: «[...] à maintenir le dialogue et l'échange d'informations pour veiller à ce que le Parlement participe pleinement à la suite des événements.»

Ma question est simple. Est-ce que le ministre envisage de faire participer le Parlement, par un vote à la Chambre comme lors du débat en 1990-1991, où tous les parlementaires pourront se prononcer avant que le gouvernement n'autorise la participation militaire du Canada à...

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député. Le ministre des Affaires étrangères a la parole.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr. Le député n'est pas sans savoir qu'il y a eu, hier soir, un débat ouvert à tous les députés sur la nature de la participation du Canada.

C'est au gouvernement du Canada et au Cabinet qu'il appartient de prendre une décision finale à ce sujet. Il va sans dire que nous ferons de notre mieux pour tenir le Parlement au courant. Une séance d'information a lieu cet après-midi à l'intention des membres du comité permanent.

*  *  *

LES PÊCHES

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. Le ministre peut-il donner aux pêcheurs du Canada atlantique l'assurance qu'ils recevront de l'aide lorsque la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ou LSPA prendra fin en août?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines): Monsieur le Président, je suis heureux d'annoncer que je rendrai public aujourd'hui le rapport de l'examen préparé par Eugene Harrigan et son équipe sur l'après-LSPA. Je tiens à les remercier pour l'excellent travail qu'ils ont fait.

 

. 1445 + -

Le rapport avait pour objectif de déterminer l'incidence de la fin de la stratégie sur les individus, les familles et leurs communautés. Le rapport nous donne une bonne idée, la meilleure que nous ayons eue jusqu'à maintenant, de la réaction que suscitera la fin de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, à la fin d'août. Ce rapport servira de document de base lors de discussions avec mes collègues, les personnes intéressées et les provinces.

*  *  *

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, il y a maintenant 26 jours que nous sommes sans nouvelles de la lettre que Bruce Starlight a envoyée à la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Pouvons-nous espérer avoir bientôt un rapport d'enquête ou devrons-nous attendre que l'affaire sombre dans l'oubli pour de bon, une fois que le budget aura accaparé toute l'attention des médias?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je m'intéresse de près au travail de l'enquêteur. Je veux m'assurer qu'une enquête complète a été faite. Nous ferons connaître les conclusions de l'enquête quand elle sera terminée.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, il y a une chose qui ne devrait pas prendre de temps. La lettre porte le sceau de la ministre. Il y a eu une fuite, la lettre est tombée entre les mains des mauvaises personnes et M. Starlight fait maintenant l'objet de poursuites.

La ministre annoncera-t-elle aujourd'hui que son ministère paiera les frais de cour de M. Starlight? Oui ou non?

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit hier, le ministère n'a pas l'habitude de payer ce genre de choses. Il serait absolument inadmissible que je décide moi-même, avant la fin de l'enquête, s'il convient de le faire.

*  *  *

LES SOINS DE SANTÉ

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Une femme est morte dans une salle d'urgence après quatre heures d'attente. Une autre femme, qui avait été violée à la pointe d'un couteau, a été renvoyée d'une salle d'urgence. Les Canadiens veulent de toute évidence une augmentation du financement des soins de santé pour éviter que des tragédies semblables ne se reproduisent.

Le ministre des Finances va-t-il suivre les propositions contenues dans le budget fédéral de remplacement et les autres propositions de changement et ramener les transferts fédéraux au titre de la santé au niveau de 1995?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous reconnaissons et partageons la volonté des Canadiens d'avoir des services de santé de qualité lorsqu'ils sont nécessaires et là où ils sont nécessaires au Canada. C'est pour cette raison que le gouvernement appuie les principes de la Loi canadienne sur la santé. C'est également ce qui explique que le gouvernement a accru, cette année, le montant minimum des transferts aux provinces, afin de leur permettre de réinvestir dans les soins de santé là où ils sont le plus nécessaires.

Ces mesures reflètent l'importance que le gouvernement accorde aux soins de santé au Canada.

*  *  *

LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, le budget fédéral de remplacement indique également qu'il serait possible de trouver les 1,9 milliard de dollars nécessaires pour lutter contre la pauvreté chez les enfants. Le ministre des Finances a déclaré en décembre, et de nouveau aujourd'hui, que la lutte contre la pauvreté chez les enfants est une priorité. Or, le gouvernement semble vouloir se raviser et réinvestir, encore une fois, les 850 millions de dollars de l'an dernier.

Quel espoir les enfants peuvent-ils avoir lorsque les promesses du gouvernement ne sont rien de plus que des annonces dans les journaux et des mesures réchauffées? Combien d'argent neuf le gouvernement va-t-il consacrer à la prestation nationale pour enfants?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, à compter du 1er juillet prochain, nous injecterons un montant supplémentaire de 850 millions de dollars dans la lutte contre la pauvreté chez les enfants.>Le gouvernement injectera un montant supplémentaire de 850 millions de dollars au cours de la législature actuelle. Il s'agit d'un engagement que nous avons pris.

Nous avons rétabli le CAPE, un très bon programme créé par mon collègue, le ministre des Finances, et nous en avons accru le financement. Le ministère des Affaires indiennes a le programme Bon départ.

Nous faisons de notre mieux et nous entendons faire encore plus dans l'avenir.

*  *  *

LES SOINS DE SANTÉ

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, toujours dans le même ordre d'idées peut-être, je vais poser ma question au ministre des Finances.

Les salles d'urgence de Montréal et de Toronto sont confrontées à une crise. Les patients reposent sur des civières roulantes dans les hôpitaux parce qu'on ne peut leur trouver un lit. Notre système de soins de santé s'effondre parce que le gouvernement a réduit de 6 milliards de dollars les transferts fédéraux aux provinces.

Le ministre des Finances va-t-il garantir à la Chambre qu'on va rétablir ces 6 milliards de dollars pour les soins de santé avant que le gouvernement ne lance de nouveaux programmes?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je pensais avoir précisé clairement que le gouvernement partage les craintes des Canadiens qui veulent qu'on rétablisse et maintienne la qualité des soins de santé au Canada. Nous entendons prendre les moyens voulus pour y parvenir.

 

. 1450 + -

Le député devrait se rappeler que certaines des salles d'urgence débordées et certains endroits qui exigent un réinvestissement sont dans des provinces qui ont déjà des excédents, de l'argent à réinvestir. Si des provinces ont choisi de réduire les impôts plutôt que de procéder à ces réinvestissements, on devrait en tenir compte.

Pour notre part, nous avons relevé le plancher des sommes versées aux provinces et cela montre bien nos priorités.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, nous avons toujours droit aux mêmes inepties. Les ministériels prennent des dollars et rendent des sous.

La crise dans le financement des soins de santé découle des coupes sombres du gouvernement. Le ministre va-t-il garantir aux Canadiens qu'on va mettre en place des normes pour veiller à ce que la qualité des soins de santé ne soit pas menacée? Le ministre va-t-il accepter aujourd'hui de collaborer avec les provinces pour parvenir à s'entendre sur des normes de soins de santé et des mécanismes d'application pour que les Canadiens puissent profiter de la même qualité de soins partout au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous déployons tous les jours des efforts pour réaliser cet objectif même. La semaine prochaine, je vais rencontrer à nouveau mes homologues des provinces et des territoires.

Je peux dire, par contre, à mon collègue que nous ne chercherons pas à garantir des soins de qualité aux Canadiens, comme son parti et lui-même l'ont proposé, en supprimant des transferts de fonds aux provinces et en éliminant complètement l'influence du gouvernement fédéral dans ce domaine. Ce n'est pas la façon de procéder. Nous allons appliquer des solutions libérales. Nous allons agir de façon efficace.

*  *  *

[Français]

LES COLLECTIVITÉS RURALES

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Les collectivités rurales apportent une contribution importante à ce pays, mais elles se sentent souvent négligées et oubliées. Que fait le gouvernement pour que tous les enjeux et défis auxquels sont confrontés des Canadiens des régions rurales reçoivent la même considération que les questions qui préoccupent les citoyens des villes?

[Traduction]

L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, mon collègue a certes fait ressortir l'importance que les régions rurales revêtent pour l'ensemble du Canada. Je suis heureux de signaler que le ministre responsable et le ministère qu'il chapeaute examinent attentivement tout programme ou toute politique soumis à l'étude du gouvernement et du Cabinet du point de vue des régions rurales, afin que les intérêts des régions rurales soient pris en compte dans le processus décisionnel.

*  *  *

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, la ministre des Affaires indiennes tente de faire oublier les critiques dont son ministère fait l'objet en affirmant que le Parti réformiste sabrerait dans ses programmes de dépenses. Je tiens à lui dire pourquoi nous sabrerions dans ses dépenses. C'est parce nous croyons que pas même une fraction des montants que l'on accorde à ce ministère ne bénéficie à l'ensemble de la population autochtone.

La ministre peut-elle dire à la Chambre quelle proportion du budget alloué à son ministère bénéficie à l'ensemble de la population autochtone et quelle proportion ne sert qu'à enrichir les experts-conseils, les libéraux...

Le Président: La parole est à la ministre des Affaires indiennes.

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition m'a fait part de ces doléances, il y a quelques mois. J'ai donc communiqué avec son bureau à au moins deux reprises pour arranger un rendez-vous avec lui afin que nous puissions examiner ces allégations. Il ne m'a pas encore donné signe de vie. C'est à se demander jusqu'à quel point ces dossiers l'intéressent vraiment.

*  *  *

[Français]

LE FONDS DU MILLÉNAIRE

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, vendredi dernier, à propos du projet du Fonds du millénaire, le ministre du Développement des ressources humaines déclarait, et je cite: «Il m'apparaît impérieux qu'il n'y ait aucun dédoublement par rapport à ce que le gouvernement du Québec fait.»

Le ministre admet-il que le seul moyen d'éviter toute espèce de dédoublement avec le programme québécois d'aide financière, c'est tout simplement de remettre directement au gouvernement du Québec les sommes qui lui reviennent plutôt que de mettre en place quelque nouvelle structure que ce soit?

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député du Bloc québécois de me donner à nouveau l'occasion de rappeler à cette Chambre et à nos concitoyens que le système québécois des prêts étudiants est largement financé par le gouvernement canadien et que pour toute amélioration que nous apporterons au système canadien des prêts étudiants, le gouvernement du Québec aura sa part pour le système des prêts étudiants du Québec.

Pour ce qui est du Fonds du millénaire, nous allons nous assurer qu'il n'y aura pas de dédoublements parce que nous voulons travailler en partenariat avec le gouvernement du Québec.

*  *  *

 

. 1455 + -

[Traduction]

LES FONDS D'INVESTISSEMENTS DES TRAVAILLEURS

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, les fonds d'investissements des travailleurs représentent une source importante de capital-risque pour les PME qui veulent prospérer et créer des emplois. Au Manitoba, un fonds de ce genre a fourni 80 p. 100 du capital-risque investi dans la province l'an dernier.

Le ministre des Finances peut-il garantir le maintien de ces fonds, en rétablissant le crédit d'impôt et le plafond des cotisations à leurs niveaux d'avant 1996?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je tiens d'abord à remercier le député pour m'avoir donné préavis de sa question.

Comme le député le sait, les crédits d'impôt concernant les fonds d'investissements des travailleurs ont d'abord été accordés par les gouvernements fédéral et provinciaux pour assurer la mise sur pied solide de ces fonds. Depuis ce temps, de fortes sommes d'argent ont été investies dans ces fonds qui, d'une façon générale, ont été populaires. Les ministres des Finances du gouvernement fédéral et des provinces ont alors jugé qu'ils devraient resserrer leurs généreux crédits d'impôt.

Nous surveillons actuellement la situation.

*  *  *

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Monsieur le Président, le président du Conseil de recherches médicales du Canada, le docteur Henry Friesen, a récemment écrit que la vigueur de la recherche sur la santé était gravement menacée. Elle a vu son financement ramené aux niveaux de 1987, de sorte que 80 p. 100 des demandes de recherche doivent maintenant être rejetées. Le Canada est le seul pays du G7 qui a réduit de cette façon le financement de la recherche médicale.

Cette situation traduit-elle la grande vision du ministre pour l'avenir des soins de santé au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, quand notre parti a formé le gouvernement, il ne fait aucun doute que, sur le plan financier, le Canada était coincé. Nous avons dû prendre des décisions très importantes, dont aucune de gaieté de coeur, pour nous attaquer au gâchis dont nous avions hérité.

Depuis ce temps, nous avons créé la Fondation canadienne pour l'innovation et nous y avons investi 800 millions de dollars.

Nous connaissons bien le dossier. Le ministre de la Santé sait fort bien expliquer l'importance de la recherche médicale et nous allons continuer à l'appuyer.

*  *  *

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. De nombreuses personnes de Colombie-Britannique et du Canada s'inquiètent du rapport et des recommandations concernant la Loi sur la citoyenneté et l'immigration et se demandent en quoi cela changera leur vie. Comment la ministre s'assurera-t-elle que les Canadiens puissent se faire entendre et influer sur les décisions qui feront suite à ce rapport?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le rapport de ce groupe consultatif a été rendu public, le 6 janvier 1998.

D'une certaine façon, on peut dire que les consultations sont déjà commencées, étant donné que plusieurs Canadiens ont répondu à cette demande de consultation, nous écrivent à tous les jours et consultent notre site Internet.

En plus, je vais tenir une vaste consultation au pays qui va commencer à la fin du mois de février, à Vancouver, jusqu'à Halifax, pour entendre le plus grand nombre possible d'intervenants intéressés par les politiques d'immigration. Nous avons même ajouté des journées de consultation, et les comités parlementaires...

Le Président: Je regrette, mais je dois céder la parole à l'honorable député de l'Île de Vancouver-Nord.

*  *  *

[Traduction]

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Monsieur le Président, ma femme et mes enfants ont le statut d'Indien. Lorsque la ministre des Affaires indiennes nous accuse d'être motivés par des préjugés, elle m'insulte et insulte ma famille. Je demande que la ministre retire les déclarations qu'elle a faites en réponse au député de Skeena.

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je comprends la situation du député, mais je dois prendre en considération les autres faits.

Je me souviens très bien des propos de l'ancien député de Capilano—Howe Sound parlant de la vie des autochtones. Hier, à la Chambre, le député de Delta—South Richmond a indiqué clairement la position de son parti en ce qui concerne la question des droits des autochtones. Pour lui, ces droits n'existent pas.

 

. 1500 + -

Une dernière chose. Je me suis souvenue d'un article paru dans le Sun de Calgary le 30 octobre 1995 sous la plume d'un certain Ezra Levant, un conseiller principal...

Le Président: La députée de Rimouski—Mitis.

*  *  *

[Français]

LA FÊTE DU CANADA

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine.

Pour la Fête du Canada, à l'intention des moins de 18 ans, la ministre a organisé un super concours qui se terminera le 27 février prochain. Pour chacun des 12 finalistes des provinces et des territoires, le prix à gagner est une participation aux fêtes du Canada, le 1er juillet prochain.

La ministre pense-t-elle que le prix offert au gagnant n'était pas suffisant pour stimuler la participation des jeunes Québécois et Québécoises à ce concours, puisque la ou le gagnant du Québec sera le seul à pouvoir se mériter en plus un ordinateur?

L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, la députée m'a appris des choses aujourd'hui.

*  *  *

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Au cours de la période de questions, la ministre des Affaires indiennes a affirmé que mes questions étaient empreintes de préjugés.

C'est là une affirmation tout à fait inacceptable de la part d'un ministre et je vous demande d'exiger qu'elle retire ses paroles immédiatement.

Le Président: La ministre a été désignée et elle est présente dans cette Chambre. Elle semble disposée à se lever. Elle a la parole.

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je n'avais aucunement l'intention d'attribuer des intentions au député. Je ne voulais que présenter les faits tels qu'ils m'apparaissaient. Si je l'ai blessé à ce point, c'est avec plaisir que je lui présente mes excuses.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ—L'AVENIR DU QUÉBEC

 

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer, j'aimerais vous informer que je vais partager mon temps de parole avec ma collègue de South Surrey—White Rock—Langley.

 

. 1505 + -

Pour le bénéfice de ceux qui viennent juste de se joindre au débat, j'aimerais lire, pour les fins du compte rendu, la motion présentée par mon honorable collègue du Bloc québécois. La motion se lit comme suit:

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.

Cette motion semble concerner le concept d'autodétermination, un concept qui n'est pas sans controverse, mais qui est généralement accepté comme étant juste et démocratique. Cependant, nous ne pouvons donner notre appui au principe d'autodétermination tant que nous ne comprendrons pas clairement ce qui est désigné par ce concept.

Il est connu que pour les députés du Bloc québécois, l'autodétermination inclut le droit à une déclaration unilatérale d'indépendance. Les forces séparatistes ont indiqué clairement qu'elles refusent de consulter le reste du Canada, même si les décisions prises dans cette province auront un effet profond et durable sur le reste du Canada.

Il est aussi clair que cette motion est en fait une tentative pour discréditer le renvoi à la Cour suprême qui débute lundi prochain. Il y a eu de l'opposition à l'idée que soit discuté s'il y a oui ou non des restrictions légales à la sécession. Le renvoi à la Cour suprême pour obtenir son opinion sur cette question est considéré comme un affront au droit à l'autodétermination. Cela montre clairement que, quand le Bloc québécois et les autres parlent du droit du Québec à déterminer son propre avenir, ils suggèrent que le reste du Canada n'a pas le droit d'y participer d'aucune façon.

Aucun changement aussi profond et irréversible que la sécession du Québec ne peut être fait unilatéralement. On peut certainement argumenter qu'après un vote pour la souveraineté dans lequel une question claire est présentée à la population et dans la mesure où 50 p. 100 plus un de la population est en faveur, le Québec pourra entamer des négociations avec le gouvernement fédéral. Le peuple du Québec a le droit à l'autodétermination pour autant que ces conditions soient remplies.

Il n'y a pas de désaccord concernant le fait qu'il y ait des leaders séparatistes et fédéralistes au Québec qui ont questionné la décision du gouvernement de s'adresser à la Cour suprême pour examiner un problème qui est d'abord de nature politique. Cependant, un accord général au sein de l'élite politique québécoise ne permet pas de conclure qu'il y a un large soutien au niveau de la base parmi la population du Québec.

[Traduction]

Toutefois, selon certains commentaires effectués récemment par l'élite politique du Québec, l'autodétermination et le droit de déposer une déclaration unilatérale d'indépendance sont des droits interdépendants.

Si l'autodétermination comprend le droit de refuser unilatéralement aux Cris du Nord de demeurer Canadiens comme ils le désirent et de continuer de jouir de la protection qui leur a été accordée par l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, alors nous ne pouvons en toute conscience appuyer cette motion.

Il devrait être clairement reconnu que l'autodétermination, telle qu'elle est implicitement comprise par les députés du Bloc, n'a pas l'appui des autochtones du Québec. On ne peut pas les compter parmi ceux que l'on considère généralement d'accord avec le principe de la souveraineté. Définie en termes aussi généraux et comportant des pouvoirs politiques aussi étendus, l'autodétermination viole manifestement les droits des autochtones et n'a pas l'appui de ce groupe de Québécois.

 

. 1510 + -

Si l'autodétermination inclut le pouvoir de refuser unilatéralement à une cinquantaine de municipalités le droit de demeurer canadiennes, nous ne pouvons pas, en toute bonne conscience, appuyer cette motion.

Mes collègues, les députés du Bloc québécois, sont parfaitement et terriblement conscients du fait que des municipalités un peu partout au Québec, ayant chacune leur propre mandat démocratique, ont voté pour continuer à faire partie du Canada si le oui devait malheureusement l'emporter. J'espère qu'on n'inclut pas faussement ces municipalités et les centaines de milliers d'habitants qu'elles représentent dans le prétendu consensus dont parle la motion.

Si l'on croit que le droit à l'autodétermination inclut celui de faire unilatéralement sécession du reste du Canada, il est probable que bien peu de Québécois appuient ce principe. Il existe des façons de sonder l'opinion sur le droit pour le Québec de chercher à se séparer du Canada par des moyens démocratiques et légaux. Par exemple, un moyen démocratique et légitime serait de chercher à obtenir une expression claire d'appui de la part des Québécois à l'occasion d'un référendum sur une question clairement libellée.

Pour procéder de façon légale, il faudrait que le Québec entame des négociations avec le reste du Canada pour établir les conditions de la séparation. La partition, le passeport, la monnaie et la répartition de la dette sont toutes des questions qui exigeraient de franches discussions avant que la souveraineté puisse être proclamée.

Seule une infime minorité de Québécois voudraient faire fi de toute responsabilité légale et morale d'en arriver à une entente sur les conditions de la séparation avant de procéder à une déclaration unilatérale d'indépendance. C'est en réaction à la position de cette infime minorité qu'on a sollicité l'opinion de la Cour suprême.

Le recours judiciaire ne compromet en rien l'auto-détermination à moins que ce concept en soit arrivé à inclure le droit de faire fi de toute obligation légale envers la vaste majorité des Canadiens qui souhaitent que le Québec continue à faire partie du Canada. À mon grand étonnement, il semble que certains députés à la Chambre souscrivent à cette notion d'auto-détermination.

Il y a une meilleure solution à nos problèmes d'unité que de concéder la défaite et de discuter du processus de sécession. Nous pouvons tous travailler ensemble à la Chambre à rééquilibrer la fédération. Voilà ce que nous appelons la troisième voie. Les députés à la Chambre le savent très bien.

Unissons nos efforts pour que le Canada fonctionne bien pour le bien du Québec, de l'Alberta et du reste du Canada. Les députés du Bloc québécois rendent un bien mauvais service au pays en mettant surtout l'accent sur la sécession. Le Canada peut fonctionner. Je souhaite que nous travaillions tous ensemble à réaliser cette fin mutuellement bénéfique.

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Madame la Présidente, avant de poser une question à mon collègue, j'aimerais m'excuser auprès du Parti réformiste d'avoir été élu. Lors de la dernière campagne électorale, le Parti réformiste et son leader recommandaient d'élire des députés dont les chefs ne venaient pas du Québec. Je suis encore davantage fier d'avoir été élu avec le meilleur chef de tous les partis politiques ici au pays.

Étant donné qu'on pense que nous allons régler le dossier constitutionnel par la judiciarisation, j'aimerais demander à mon collègue s'il est toujours d'accord avec la publicité de la dernière campagne électorale dénigrant les hommes politiques du Québec. Cela nous a occasionné la perte d'au moins 25 députés conservateurs au Québec, en polarisant le vote et en insultant tous les Québécois et tous les Canadiens français.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: Madame la Présidente, je crois que nous apprenons tous de nos erreurs. Le message transmis dans ces annonces publicitaires revient simplement à ce que nous disons depuis l'avènement du Parti réformiste, à savoir que l'Ouest veut être de la partie.

On ne transmettra peut-être pas le message de la même façon à l'avenir. Cela reste peut-être à discuter. Cependant, la plupart des gens qui ont vu ce message ont compris que, selon les réformistes, il faut que tous les Canadiens participent au processus constitutionnel et à toute démarche visant à modifier la Constitution. Il faut aussi que, au Canada, le leadership vienne de tous les coins du pays et pas seulement d'une province ni d'une région.

Tel est le message que nous avons tenté de faire passer. Nous avons toujours lutté pour faire valoir que l'Ouest veut être de la partie. Dans ce cas-ci, efforçons-nous de représenter efficacement les régions. Voilà ce que le Parti réformiste désire.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec attention les propos de mon collègue du Parti réformiste. Je pense que c'est un tenant de la thèse fédéraliste, particulièrement sur la question de la partition du Québec.

 

. 1515 + -

Il y a beaucoup de thèses actuellement sur le fait que si le Québec peut se séparer, le Québec est aussi divisible. On fait souvent référence à l'exemple des Cris. C'est un argument que j'invite les fédéralistes à utiliser avec beaucoup de prudence, parce qu'il est extrêmement dangereux.

J'ai deux questions à poser à mon collègue. Le Québec a des années-lumière d'avance sur le reste du Canada pour ce qui est de reconnaître les nations autochtones. Il y a d'ailleurs une résolution de l'Assemblée nationale qui annonce, qui prévoit et qui reconnaît onze nations autochtones. Est-ce que le Parti réformiste peut unir sa voix à celle du Bloc québécois pour reconnaître, par exemple, les 50 nations autochtones qui se trouvent ailleurs au Canada?

Deuxièmement, si mon collègue est d'accord avec le dossier de la partition à l'effet qu'on peut séparer le Québec et que les Cris peuvent partir avec le nord du Québec, il faudrait que s'applique la même politique actuellement au Canada. Est-ce que les Nisga'as, les Sahtus, les Dogribs et les 600 communautés du Canada peuvent se permettre de partir avec une partie du Canada? Si c'est non, la même chose s'applique pour le Québec.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: Madame la Présidente, ce que j'ai dit exactement durant mon allocution aujourd'hui, c'est qu'il y a des groupes qui veulent non seulement être reconnus, comme le dit le député, mais qui veulent continuer à faire partie du Canada quoiqu'il arrive dans la politique québécoise. C'est quelque chose que le député et le Bloc n'ont pas su voir. Des groupes indiens et des municipalités ont dit qu'ils voulaient demeurer dans le Canada même si le Québec se séparait du reste du Canada.

Le fait est que le Bloc ne s'est pas du tout penché sur cette question. Malheureusement, le Bloc ne nous fournit aucun détail même lorsqu'il est question de sécession.

Quant à la seconde question du député, il demeure, comme je l'ai dit plus tôt à un collègue qui a posé la question, que nous, réformistes, cherchons d'autres solutions. Nous savons qu'il y a des problèmes au Québec. Il y a des problèmes en Alberta et dans tout le Canada. C'est pourquoi nous examinons une troisième option, quelque chose que les fédéralistes et les séparatistes partisans du statu quo n'ont pas mis sur la table. Nous voulons rééquilibrer les pouvoirs au Canada. Nous voulons essayer de collaborer avec les régions pour renforcer la fédération.

J'exhorte mon collègue du Bloc à commencer à examiner des options réalistes pour construire un pays plus fort pour l'avenir.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Madame la Présidente, j'ai des questions à poser au député, qui est, à mon avis, un député très sensé.

Le débat de ce soir exige que nous déterminions quelles seraient les règles de la sécession. Il est d'ores et déjà établi que la décision de la Cour suprême ne nous apprendra rien que nous ne savions déjà. Au bout du compte, il n'existe pas de règles nationales ou internationales qui s'appliquent aux pays qui se divisent. Il n'existe pas 20 règles que nous pourrions mettre sur papier et dire: voici, ce sont les règles qui s'appliquent si le oui l'emporte lors d'un référendum.

Ce genre de débat et le genre de questions que le gouvernement pose à la Cour suprême ont pour effet de privatiser le leadership politique du gouvernement.

J'aimerais à nouveau demander au député, parce que j'estime qu'il est un homme raisonnable et sensé, s'il approuve les annonces comme celles que le Parti réformiste a utilisées lors des dernières élections ou s'il croit que nous ne devrions plus jamais voir de telles annonces.

Je veux aussi demander au député s'il se dissocie des commentaires d'Ezra Levant parus dans le Sun de Calgary le 30 octobre 1995, ce qui aurait pu être la veille de la division du pays. M. Levant disait quelque chose comme: «Dites non aux autres groupes d'intérêts spéciaux. Peut-on s'étonner que le Canada compte tant de groupes d'intérêt particuliers quand, après tout, le Québec retire tant d'avantages en étant un trouble-fête constant? Si nous nous débarrassions du Québec, peut-être trouverions-nous la force de nous attaquer aux autres séparatistes ethnocentriques du Canada comme les autochtones?»

Ce genre d'extrémisme n'ajoute rien aux débats politiques. Je demande au député s'il se dissocie de ces commentaires. S'il était chef de son parti, garderait-il une telle personne à son service?

M. Rahim Jaffer: Madame la Présidente, je croyais avoir répondu très clairement à la question d'un autre député du même parti. Le fait demeure que ces messages publicitaires étaient assez limpides.

 

. 1520 + -

Ces messages seront utilisés de nouveau au cours du débat. Pour ma part, les messages ne m'ont guère plu, mais on doit tirer des enseignements de ses erreurs, comme nous l'ont montré nombre de députés des autres partis.

La clé, c'est que le message était clair. C'est ce que l'Ouest veut. Nous devons essayer de représenter de façon égale d'autres régions du pays au Parlement fédéral. C'est exactement ce que nous allons défendre.

Pour répondre à l'autre question, je trouve intéressant que les conservateurs sortent cela de leur sac à malice. Le fait est qu'Ezra Levant n'était pas membre du parti quand il écrivait pour le Sun, à l'instar de bien d'autres journalistes du pays quand ils écrivent sur la politique. Ils peuvent s'exprimer librement.

J'espère que le député ne propose pas que l'on censure ou que l'on bâillonne les médias. La plupart des députés se battraient contre cela.

Le fait est que, peu importe ce que le député a écrit quand il était journaliste, cela ne reflète pas son travail actuel au sein de notre parti. Je trouve vraiment dommage que le député n'ait pas brossé un tableau plus exact. Le fait est qu'Ezra était journaliste quand il a tenu ces propos.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Y a-t-il des questions ou des commentaires? L'honorable député de Beauharnois—Salaberry a la parole.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Mon collègue devrait maintenant participer au débat.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je dois dire au député que, selon mes informations, le député a eu droit à 10 minutes; la période de questions et observations sera donc de 10 minutes.

Une voix: Cinq minutes.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Non. Dix minutes. Le député avait droit à 20 minutes, avec une période de dix minutes réservée aux questions et observations.

M. Rahim Jaffer: Madame la Présidente, j'ai indiqué au début de mon discours que je partagerais mon temps avec mon collègue.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je crains ne pas avoir entendu cette précision. Nous devrons vérifier les bleus et en reparler plus tard.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Madame la Présidente, je voudrais donner l'occasion à notre ami du Parti réformiste de pratiquer son français dans cette Chambre puisqu'il le fait régulièrement.

Le député du Parti réformiste a sans doute constaté, ces derniers temps, que les fédéralistes se joignent aux souverainistes au Québec pour affirmer que c'est au peuple québécois à décider de son avenir, qu'il appartient, non pas aux juges de la Cour suprême de créer des obstacles à la libre expression des Québécois, mais au peuple, dans un prochain référendum, de trancher cette question.

J'aimerais savoir qu'elle est la position du Parti réformiste sur cette question, à la lumière de ce consensus qui émerge et qui comprend des fédéralistes comme MM. Ryan et Johnson.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: Madame la Présidente, j'ai abordé cette question dans mon discours quand j'ai dit que même s'il a y une sorte de consensus au Québec, le fait demeure qu'il n'y a pas clairement de consensus quant à savoir, avant tout chose, si le Québec jouit des appuis nécessaires pour se séparer du reste du Canada.

Comme le député conservateur l'a fait remarquer, la Constitution, dans son libellé actuel, ne renferme aucune disposition permettant à une province de se séparer de la fédération.

Il est donc évident que nous devons avoir des paramètres pour nous guider. C'est pourquoi nous avons appuyé le renvoi à la Cour suprême.

L'hon. David Kilgour: Madame la Présidente, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mon désaccord sur la motion du Bloc québécois. Dans cette motion, le Bloc demande à la Chambre de reconnaître le consensus...

 

. 1525 + -

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Avant de commencer, mon collègue d'Edmonton—Strathcona a déclaré qu'il partagerait son temps avec moi, la députée de South Surrey—White Rock—Langley, et je suis prête à prendre la parole.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Tout ce que je peux dire à la députée, c'est que nous sommes en train de vérifier les bleus. Par contre, étant donné les circonstances, si la Chambre n'y voit aucun inconvénient, la députée a-t-elle le consentement unanime de la Chambre pour prendre la parole maintenant?

Des voix: D'accord.

Mme Val Meredith: Madame la Présidente, je suis heureuse de l'occasion qui m'est offerte. J'ai passé les trois derniers mois à participer aux travaux du groupe de travail de la Colombie-Britannique sur l'unité, groupe qui se déplace dans la province pour discuter de la question de l'unité canadienne. Je sais fort bien que l'émotivité est très vive lorsqu'on parle de ce sujet.

La motion que le Bloc a présentée invite la Chambre à reconnaître le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois, et à lui seul, conformément à l'amendement adopté, de décider librement de son avenir. À mon avis, la question à laquelle il faut répondre, c'est celle de savoir s'ils peuvent prendre cette décision de leur propre chef, sans prendre en considération l'opinion du reste du pays.

Il me semble que cette motion a été présentée à cause des trois questions dont on a saisi la Cour suprême pour qu'elle formule une recommandation à ce sujet. Je veux simplement préciser la teneur de ces questions afin que cela soit bien clair pour les Canadiens qui suivent nos travaux.

Trois questions ont été soumises à la Cour suprême:

Premièrement, l'Assemblée nationale, la législature ou le gouvernement du Québec peut-il, en vertu de la Constitution du Canada, procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

Deuxièmement, l'Assemblée nationale, la législature ou le gouvernement du Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

Troisièmement, lequel du droit interne ou du droit international aurait préséance au Canada dans l'éventualité d'un conflit entre eux quant au droit de l'Assemblée nationale, de la législature ou du gouvernement du Québec de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

À mon avis, il ne s'agit pas de savoir si le Québec peut ou non soulever la question de la séparation ou si les Québécois sont en mesure de dire, par voie de référendum, s'ils veulent se séparer du Canada. Il s'agit plutôt de déterminer s'ils ont le droit de le faire sans que le reste du pays ne se prononce sur cette question.

Je sais qu'on a déjà fait l'analogie avec le divorce par le passé, mais elle convient parfaitement ici. Un conjoint peut bien dire qu'il veut mettre fin au mariage et réclamer le divorce, mais nous avons des lois pour encadrer cette démarche, et il faut s'y conformer pour que le divorce se fasse.

Il doit y avoir entente sur le partage des biens et des dettes. S'il est impossible de s'entendre à l'amiable, il faut s'en remettre aux tribunaux. L'un des conjoints ne peut pas dire qu'il prend la maison et les enfants et se retire de l'union matrimoniale. S'il n'y a pas d'accord, les tribunaux interviennent et décident s'il est juste qu'un conjoint reçoive la maison ou obtienne la garde des enfants.

S'il n'y avait pas de loi là-dessus, comme dans tous les autres domaines, ce serait l'anarchie qui régnerait. Personne ne le souhaite.

Les Québécois peuvent décider s'ils veulent partir, mais il faut se conformer aux lois. Même l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, a su comprendre la primauté du droit lorsqu'il a rédigé le projet de loi qu'il a présenté en 1994. Je voudrais citer deux articles de ce texte.

À l'article 10, il est stipulé que les lois adoptées par le Parlement du Canada restent en vigueur jusqu'à ce qu'elles soient modifiées ou abrogées par l'Assemblée nationale. Il est évident qu'il croyait dans les lois existantes comme moyen d'assurer un certain encadrement.

Il a reconnu une deuxième chose, et je tiens à le citer: «Dans la mesure où les négociations se dérouleront de façon constructive, l'Assemblée nationale déclarera la souveraineté du Québec après avoir conclu un accord sur un traité de partenariat.» Il a bien dit après avoir conclu un accord.

 

. 1530 + -

C'est très clair qu'il ne parlait pas de déclaration unilatérale quand il a reconnu qu'il fallait conclure un accord avec l'autre partenaire. Je ne crois pas que le Bloc puisse croire que le Québec peut se séparer unilatéralement tout en refusant d'admettre que des régions du Québec pourraient alors se séparer unilatéralement du Québec.

Mon collègue d'Edmonton—Strathcona a soulevé la question des collectivités autochtones et des autres qui ont clairement fait connaître leur volonté de ne pas quitter le Canada et qui, s'ils en avaient la possibilité, choisiraient de rester au Canada. Le fait que le Bloc affirme que le Québec a le droit de se séparer unilatéralement du Canada sans étendre ce droit à certains groupes du Québec, que ce soient les Cris, dans le Nord, ou des municipalités, c'est pour le moins hypocrite.

Une déclaration unilatérale d'indépendance établirait un précédent pour les Cris du Québec, pour l'Outaouais et pour l'île de Montréal, qui pourraient alors voter sur leur propre séparation. Si les séparatistes veulent faire fi de la décision de la Cour suprême du Canada, ils donnent libre cours aux partitionnistes qui voudront faire fi de toute décision d'un tribunal québécois. Si les séparatistes du Québec croient qu'il s'agit d'une décision purement politique qui relève uniquement des Québécois, ils jettent les bases qui permettront aux partitionnistes de soumettre leurs décisions purement politiques uniquement aux habitants des régions visées du Québec.

Il y a un véritable mythe qui veut que le Québec pourrait négocier avec ce qu'on appelle le reste du Canada. Les séparatistes se bercent d'illusions s'ils croient qu'un Québec indépendant serait en mesure de négocier un accord avec le «reste du Canada». Si le Québec se séparait du Canada, rien ne garantit que le reste du Canada demeurerait intact. Personne ne peut prédire ce qui arriverait au lendemain de la sécession, mais aucune des propositions réalistes ne prévoit que les choses seront faciles.

Je tiens à assurer aux séparatistes que, s'ils menaient à bien leur projet de sécession, la Colombie-Britannique serait fort peu encline à accepter le Québec comme partenaire égal. Toutefois, les Britanno-Colombiens sont plus que disposés à accommoder le Québec au sein de la confédération.

Espérons que le Canada n'en viendra jamais au point où le Québec décidera de partir. Espérons que les séparatistes n'obtiendront jamais la majorité. Il est clair pour moi et pour d'autres que les Québécois examinent une troisième option, qu'ils se rendent compte que la séparation n'est pas la réponse pour se débarrasser du statu quo. Il me semble évident que dans tout le pays, y compris en Colombie-Britannique, on est persuadé que le Canada vaut la peine qu'on lutte pour le conserver, vaut la peine qu'on apporte des changements pour que toutes les provinces, toutes les régions, aient davantage leur mot à dire lorsqu'il s'agit de leur avenir.

Quoique imparfaite, la déclaration de Calgary a été présentée à la population canadienne par neuf premiers ministres qui voulaient examiner d'autres options: la dévolution du pouvoir, l'égalité des citoyens et l'égalité des provinces. Espérons que cette tentative par les Canadiens de parler de la question de l'unité d'une façon constructive, dont toutes les régions, y compris le Québec, peuvent bénéficier, portera fruit.

Si j'en juge par mon travail au comité britanno-colombien de l'unité, les Canadiens veulent discuter et faire des compromis. Les Canadiens sont disposés à composer avec les différences qui marquent nos sociétés et notre pays en autant qu'il est entendu que tous les Canadiens sont égaux et que toutes les provinces ont un statut égal au sein de la Confédération.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Avant de poursuivre avec la période de questions et commentaires, j'aimerais apporter une clarification ici.

Nous avons vérifié les «bleus» du hansard et, en effet, le député d'Edmonton—Strathcona nous avait bien dit qu'il partageait son temps de parole. Je pense que cela rectifie la situation.

 

. 1535 + -

[Traduction]

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame la Présidente, il y a trois points importants dont il nous faut tenir compte dans ce scénario général du droit du Québec de se séparer du reste du Canada. Tout d'abord, quand le Québec est entré dans la confédération, il est devenu membre d'un partenariat. À l'époque, il n'y avait aucune disposition prévoyant ce qui se passerait au cas où ce partenariat prendrait fin.

D'abord, l'un des dix membres du partenariat devrait chercher à obtenir le consentement des autres ou du moins celui de la majorité des partenaires avant de pouvoir s'en dissocier.

Le second point a trait à la question des peuples autochtones établis au Québec et qui avaient conclu une entente historique avec le reste du Canada de l'époque. L'entente que ces peuples avaient avec le reste du Canada doit demeurer intacte, peu importe ce qui arriverait au Québec.

Troisièmement, si nous acceptons l'hypothèse selon laquelle le Québec constitue un palier de gouvernement qui a le droit de décider par lui-même de son sort, il nous faudra tenir compte du troisième palier de gouvernement, soit le palier municipal constitué d'entités urbaines, de villes comme celle de Montréal ou d'autres villes de l'ouest du Québec.

Si nous acceptions l'idée que le Québec constitue un palier de gouvernement qui a le droit de décider de son avenir après avoir consulté sa population, la ville de Montréal, en tant que palier de gouvernement, aurait elle aussi le droit de consulter sa population avant de prendre une décision en fonction de cette consultation.

Toute cette question n'a plus de sens, compte tenu de ce qui ce passe dans le monde actuellement. Les frontières tombent les unes après les autres à la vitesse du son. Les peuples du monde ont plus que jamais tendance à s'unir. Les pays de l'Union européenne évolue actuellement vers des unions politiques, monétaires, économiques et sociales où la langue ne sera plus un obstacle. Les rapports entre personnes deviendront l'élément-clé de notre village planétaire.

Dans ce sens, plutôt que de continuer à effrayer les Québécois et les petites, moyennes et grosses entreprises au Québec avec des incertitudes, ne vaudrait-il pas mieux, en tant que Québécois et Canadiens, que nous travaillions ensemble pour bâtir une société qui répond aux besoins de notre peuple? Il n'y a rien que le gouvernement provincial du Québec ne puisse pas faire à l'heure actuelle au sein de la Confédération. Il peut faire pratiquement ce qu'il veut. Il a la main-mise sur l'éducation, la main-d'oeuvre, la santé, l'immigration et le transport.

Que veut faire le gouvernement du Québec qu'il n'est pas capable de faire au sein de la Confédération actuelle?

Mme Val Meredith: Madame la Présidente, manifestement, ce n'était pas une question. Il s'agissait seulement d'un commentaire, mais je suis d'accord avec le député d'Ottawa-Centre.

C'est une question très grave. C'est une question sur laquelle les Canadiens sont capables de se prononcer et veulent se prononcer. Les Canadiens veulent voir cette question réglée. Ils ne veulent pas que l'on discute toujours de l'unité nationale dans 20 ans.

Je demande instamment à mes collègues de nous laisser régler cette question une fois pour toutes.

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Madame la Présidente, comme je le disais plus tôt, le gouvernement s'opposera à cette motion, mais ce n'est pas à cause de son libellé. La motion se lit comme suit:

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.

Ça, ça va. Il s'y opposera parce que le Bloc québécois a refusé, ce matin, de donner son consentement unanime au sous-amendement que nous proposions et qui se lit plus ou moins comme suit: Que le peuple québécois devrait décider de son avenir, mais en respectant la règle du droit et la démocratie pour tous.

 

. 1540 + -

En tant que secrétaire d'État pour l'Amérique latine et l'Afrique, j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens dans des endroits aussi divers que le Pérou, le Honduras, le Brésil, l'Ouganda et le Rwanda. La visite de pays comme ceux-là m'a fait prendre encore plus conscience de la chance que nous avons au Canada d'avoir le niveau de vie élevé et le filet de sécurité sociale que nous avons.

Certaines visites m'ont permis de mesurer l'importance du respect des droits individuels et des valeurs démocratiques, ainsi que de constater le rôle crucial que jouent la règle du droit et un appareil judiciaire indépendant dans le maintien de ces droits et de ces valeurs. Voici le message que je rapporte de ces voyages. Si les Canadiens, qui ne connaissent pas leur chance, n'arrivent pas à aplanir leurs différences et à travailler ensemble à la construction de notre avenir, cela augure mal de l'avenir de beaucoup de peuples dans le monde. Un député d'un pays d'Afrique australe m'a dit, il y a un an, que si ce pays n'arrivait pas à rester uni, il se demandait bien comment son pays y arriverait.

Ayant beaucoup écrit à propos des relations entre l'ouest et le centre du Canada, je sais que ce sera toujours difficile pour les Canadiens d'apprendre à vivre ensemble.

C'est un effort permanent, mais le respect des différences est un point fort de notre pays. En Alberta, ma province, les premières nations et les colons britanniques et français ont appris à vivre côte à côte. Ensuite, des Ukrainiens, des Polonais, des Allemands et des gens de plusieurs autres nationalités se sont joints à eux. Bon nombre des nouveaux arrivants fuyaient la persécution ou la pauvreté dont ils étaient victimes dans leur pays. Nous avons encore accueilli de nouvelles générations d'immigrants plus tard, souvent des pays du Pacifique et, plus récemment, d'Amérique latine et des Antilles.

Ce passé a peut-être rendu les Canadiens plus ouverts à la diversité culturelle que tout autre peuple du monde. C'est ce qui nous a façonnés. Je suis convaincu que nous parviendrons à surmonter les difficultés d'aujourd'hui et à bâtir pour demain un Canada encore plus fort, plus uni et qui assumera totalement sa diversité, car nous sommes ainsi en tant que nation.

On me rappelle que je partage mon temps de parole.

[Français]

Mon portefeuille actuel me sensibilise beaucoup à la présence du Canada sur la scène internationale. Cette présence traduit notre engagement envers les valeurs démocratiques et les leçons que nous avons tirées de la diversité réelle dans notre pays.

Il y a 50 ans, c'était un Canadien, John Humphrey, qui a rédigé la version initiale de la Déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle, comme Eleanor Roosevelt l'avait prédit, a été reconnue comme «la Grande Charte internationale de toute l'humanité». Comme le ministre des Affaires intergouvernementales l'a indiqué récemment devant un auditoire américain, et je le cite:

    Notre tradition démocratique, notre engagement envers la primauté du droit ainsi que notre société bilingue et multiculturelle nous ont bien préparés à aider les pays d'Europe de l'est ainsi que l'ex-Union soviétique à faire la transition vers la démocratie.

En fait, nous faisons tout en notre possible aux quatre coins de la planète pour convaincre les gouvernements de partout d'appuyer les droits de la personne et les valeurs inhérentes aux régimes démocratiques.

[Traduction]

Ne serait-ce pas tout à fait honteux de voir le Canada, qui a servi de modèle à tant d'autres pays, s'écrouler maintenant? Je ne crois pas que cela arrivera. La grande majorité des électeurs du Québec, les Québécois et les Québécoises, continueront à vouloir préparer leur avenir au sein du Canada. Toutefois, s'ils veulent qu'il en soit autrement, ils devront prendre leur décision en pleine connaissance de cause.

Rien ne serait plus triste pour notre pays que de voir le quart de la population nous quitter «dans la confusion et sans que ce soit dans un cadre légal qui nous permette de surmonter nos dissensions, dans des circonstances dangereusement ambiguës et inacceptables en démocratie», pour reprendre les paroles de mon collègue ministériel.

[Français]

Je viens d'une province qui est l'un des moteurs de la croissance et de l'innovation dans l'Ouest canadien d'aujourd'hui. Mais l'Alberta est également le foyer de l'esprit pionnier au Canada.

 

. 1545 + -

Alors, nous, Albertains, apprécions le genre de détermination nécessaire pour vaincre dans des situations difficiles. Je peux donc apprécier les efforts des Québécois francophones, non seulement pour préserver une société majoritairement francophone sur ce continent, mais aussi pour s'épanouir en tant que telle.

[Traduction]

Ce n'est pas rien. C'est maintenant la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'un continent presque entier, c'est-à-dire l'Amérique du Nord moins le Mexique, est plus ou moins unilingue, c'est-à-dire que nous parlons tous une grande langue internationale qui est la langue des affaires et la langue de l'Internet.

Malgré tout, depuis le début de la Confédération, le Québec n'a jamais été aussi francophone que maintenant. En 1997, pas moins de 94 p. 100 des Québécois peuvent s'exprimer en français. C'est un triomphe pour le Québec et c'est un avantage pour tout le Canada.

[Français]

Je sais que la solidarité est une valeur chère aux Québécois et aux Québécoises. Elle est également importante pour les Albertains. Cela pourrait surprendre ceux et celles d'entre vous qui voient l'Alberta uniquement comme un bastion d'individualistes mal dégrossis d'apprendre qu'il s'y trouve un pourcentage plus élevé de bénévoles que dans toute autre province canadienne.

À plus grande échelle, les Canadiens ont un sentiment d'appartenance à la collectivité et ce, d'un océan à l'autre. On peut dire que c'est dans les moments tragiques que transparaît le plus notre croyance dans le rassemblement, comme lors de la dernière tempête de verglas, les inondations au Manitoba et dans la région du Saguenay au Québec et de la tornade qui a soufflé sur ma ville natale, Edmonton, en 1987.

À chacune de ces occasions, les liens d'affection et de sympathie qui lient les Canadiens entre eux étaient très évidents. Pourrait-on trouver geste plus symbolique que les liens qui unissent les Prairies et le Québec dans la décision prise par le responsable du fonds de dégrèvement du Saguenay d'envoyer 1,5 million de dollars aux victimes des inondations de la rivière Rouge au Manitoba?

[Traduction]

Est-ce que nous voulons voir ces liens brisés par la sécession du Québec? Au niveau international, cette solidarité est vitale également. Nos deux langues officielles nous donnent un avantage en matière de concurrence internationale. Ce sont deux des langues de l'Union européenne, un marché que nous cherchons à percer. Les deux sont reconnues par les Nations Unies.

L'anglais est la langue officielle de 56 pays, et le français celle de 33 pays. Notre pays profite de son appartenance au Commonwealth et à la francophonie. Il faut noter aussi que notre image à l'étranger est valorisée par le rôle important que le Canada a joué dans les opérations internationales de maintien de la paix.

C'est un Canadien, l'ancien premier ministre Lester B. Pearson, qui a eu l'idée d'une force internationale de maintien de la paix, ce qui lui a valu un prix Nobel de la paix.

Depuis lors, des milliers de nos compatriotes ont servi dans des missions de maintien de la paix. Nos capacités linguistiques ont été d'un grand intérêt dans des pays comme Haïti, le Cameroun et le Rwanda et elles aident nos troupes à travailler avec les troupes de maintien de la paix d'autres pays.

Notre travail dans ce domaine est bon pour notre image internationale. Le fait que nous soyons un pays uni nous donne un plus grand poids économique. Ensemble, nous sommes suffisamment forts pour faire partie du G7.

Toutes les provinces bénéficient de cela. À l'intérieur, tous les employés profitent du fait que nous faisions partie d'un marché intérieur plus grand. L'importance du commerce international a récemment été soulignée par un économiste qui estime que, compte tenu des distances et de la taille du marché, le commerce interprovincial est approximativement 14 fois plus important que le commerce inter-États aux États-Unis.

Ainsi, le Québec importe des autres provinces des produits et services d'une valeur d'environ 33 milliards de dollars. Notre union économique, nos forces sur le plan international, sont autant d'éléments essentiels pour l'avenir du Canada.

Afin que le Canada soit parfaitement en mesure de relever les défis du prochain millénaire, il nous faut mettre à profit les forces et la diversité du pays tout entier.

Je me suis réjoui de voir les premiers ministres se réunir en Alberta en septembre dernier. Ils ont souligné l'importance de la diversité quand il s'agit d'élaborer des plans d'action et des principes pour le XXIe siècle.

Comme l'a dit le premier ministre de la plus petite province, l'Île-du-Prince-Édouard, la déclaration de Calgary envoie un message positif au Québec en reconnaissant le caractère unique de la province, tout en assurant le maintien d'un cadre qui reflète les idéaux que partagent un grand nombre de Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

On reconnaît ainsi la diversité canadienne tout en insistant sur l'égalité des provinces et des citoyens. La déclaration de Calgary et l'importante campagne de relations publiques à laquelle elle a donné lieu peuvent également contribuer à la réconciliation nationale et à une meilleure cohésion à l'avenir.

 

. 1550 + -

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté avec attention le discours du député qui est un ministre et en plus un avocat. C'est quelqu'un qui connaît extrêmement bien le système judiciaire canadien. J'ai aimé son discours posé, cependant j'aimerais qu'il regarde un peu plus ce qui se passe dans le système judiciaire à l'heure actuelle et surtout l'utilisation que le gouvernement libéral, dont il est ministre, fait de la Cour suprême du Canada.

Je ne sais pas s'il a eu la chance de m'entendre ce matin lorsque j'ai fait mon discours où j'ai tenté de démontrer dans les dix minutes qui m'étaient allouées que depuis 1981 la Cour suprême, avec le rapatriement unilatéral de la Constitution, a été plus un tribunal qui était là pour interpréter la loi. Avec ces jugements, depuis 1981, 1982, les juges de la Cour suprême sont devenus des légistes; ils sont devenus des outils pour le gouvernement fédéral pour centraliser plus de pouvoirs au gouvernement fédéral, ne serait-ce que penser au droit de veto qu'en 1982 on a enlevé au Québec. En 1983, dans le domaine du commerce et de l'économie, il y a des décisions jurisprudentielles extrêmement importantes qui ont été rendues.

En 1989, dans l'arrêt General Motors, on est venu dire aux provinces: «Ce n'est pas votre domaine, tout ce qui est au niveau interprovincial, c'est le fédéral qui a juridiction». Il y a eu des arrêts en 1990 et en 1993. Récemment, dans l'arrêt Hydro-Québec on est venu dire à Hydro-Québec, au niveau des études environnementales, que ça ne les regardait pas et que c'était le fédéral.

Chaque fois que le Québec a été à la Cour suprême du Canada parce qu'il n'avait pas le choix, parce qu'on l'amenait là, ne serait-ce que sur la Loi sur les langues, ne serait-ce que dans des institutions extrêmement importantes du Québec, chaque fois le Québec est sorti de la Cour suprême affaibli, à chaque occasion.

J'aimerais qu'à titre d'avocat, d'homme de loi qui regarde ce qui se passe à la Cour suprême, qu'il me réponde, s'il a étudié les décisions de la Cour suprême. Qu'il m'explique également pourquoi les jugements du Québec, des cours d'appel, des cours supérieures du Québec qui se retrouvent à la Cour suprême du Canada, six fois sur dix sont renversés par le tribunal qui s'appelle la Cour suprême du Canada. Ça c'est pour le Québec. Mais quand ce sont des décisions des cours des autres provinces, c'est seulement quatre fois sur dix que ces décisions sont renversées par la Cour suprême du Canada. Comment cela se fait-il? J'aimerais qu'il m'explique. Comment se fait-il que la Cour suprême traite les Québécois et les Québécoises et aussi tout le système judiciaire québécois de cette façon?

L'hon. David Kilgour: Madame la présidente, je remercie énormément le député de Berthier—Montcalm. Ses remarques sont très éloquentes. Je suis certain et j'espère que les juges vont lire ses propos et j'espère que beaucoup de gens vont y réfléchir. Il sait très bien que dans le cas de l'Allemagne de l'Ouest, il y a une cour constitutionnelle avec, je pense, huit juges: quatre nommés par les landers et quatre nommés par le gouvernement fédéral.

Dans un système fédéral, c'est bien évident quant à moi qu'il faut qu'il y ait une cour nommée par les deux côtés. Je suis certain qu'il a réfléchi sur ce point et je suis certain que les gens de ma région y ont aussi réfléchi. Dans un avenir rapproché, on espère avoir le droit de nommer la moitié des juges par les provinces y compris bien sûr le Québec, et cela pourra donner la perception d'avoir des gens dans les cours qui seront, disons, moins neutres des deux côtés. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de l'honorable député.

 

. 1555 + -

M. Réginald Bélair (Timmins—Baie-James, Lib.): Madame la Présidente, je suis également heureux de participer au débat sur la motion du Bloc québécois. Permettez-moi d'abord de souligner que j'entends voter contre cette motion, mais que je désire également, durant les quelques minutes qui me seront allouées, expliquer pourquoi je souhaite que le Québec ne fasse jamais le pari sécessionniste.

Pour des raisons évidentes, les communautés francophones des autres provinces entretiennent des liens privilégiés avec les Québécois. Nous parlons la même langue et nous partageons d'une façon peut-être plus intime certains aspects de l'histoire de notre pays. En tant que Canadien, mais aussi en tant que francophone, il va de soi que la situation politique au Québec me préoccupe et que je souhaite voir cette province continuer de faire partie de mon pays.

Il existe bien sûr des similitudes entre les Québécois francophones et les francophones d'ailleurs au pays, mais le contexte dans lequel nous sommes appelés à évoluer est néanmoins très différent. Les francophones qui vivent en dehors du Québec sont trois fois minoritaires. Ils le sont sur leur continent, dans leur pays et dans leur province. Les Québécois francophones, eux, sont minoritaires sur leur continent et dans leur pays, mais majoritaires dans leur province.

L'insécurité linguistique et culturelle peut expliquer en partie la volonté de certains Québécois francophones d'opter pour la sécession. Ce sentiment d'insécurité, nous, francophones hors Québec, sommes donc particulièrement bien placés pour le comprendre.

Nous savons cependant que la langue française n'est pas menacée au Québec et qu'elle occupe une place toujours plus importante dans cette province. Les données du dernier recensement en témoignent, le Québec n'a jamais été aussi français et l'avenir des francophones québécois, prometteur. Cette vitalité du français au Québec, nous ne pouvons que nous en réjouir car nous bénéficions, nous aussi, en tant que francophones hors Québec, de ce renforcement de l'espace francophone au pays. Ce qui touche les Québécois nous touche aussi.

[Traduction]

Ma communauté a été dû relever des défis particuliers. L'incertitude que les Québécois ressentent sur les plans linguistique et culturel est encore plus grande au sein de nos collectivités. Nous croyons en la solidarité des francophones du pays et nous avons toujours misé sur l'influence que le Québec pouvait exercer sur le reste du pays pour assurer la vitalité culturelle nécessaire au développement de l'ensemble des collectivités francophones. Voilà pourquoi nous sommes contre la sécession du Québec.

[Français]

L'histoire de notre pays a été empreinte, dès le début, d'une présence française qui a influencé notre cheminement collectif. Notre langue fait partie de notre Constitution. La Loi sur les langues officielles reconnaît et prescrit la dualité linguistique dans toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. Quant à elle, la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que les nombreuses initiatives du gouvernement du Canada destinées à favoriser l'épanouissement de la langue et de la culture françaises, en assure le rayonnement.

Cette reconnaissance officielle, nous la devons à des générations de francophones qui, d'un océan à l'autre, ont affirmé leurs droits. Non pas que justice fut toujours facile à obtenir. Comme toutes les minorités, le cheminement historique des francophones hors Québec n'a pas été exempt de chapitres sombres. Encore aujourd'hui, nous devons faire valoir nos droits linguistiques.

Toutes ces luttes ont fait naître entre les membres de ma communauté des liens de solidarité qui font notre force et notre fierté. Et nous avons confiance en notre avenir et en celui de l'ensemble de notre pays. Le Canada dans lequel je vis n'est plus celui du Règlement 17 en Ontario.

[Traduction]

Les francophones du Canada sont fiers de ce que notre pays a accompli jusqu'ici. Ils ont aidé le Canada à devenir ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire un pays qui privilégie l'ouverture et la tolérance. Ces grandes valeurs humaines s'inscrivent profondément dans les idéaux chers aux Canadiens. Francophones et anglophones ont appris à vivre ensemble et à se respecter mutuellement. Bien sûr, tout n'est pas encore parfait, mais nul ne peut contester que les Canadiens ont acquis un degré de maturité enviable et que les Québécois y sont certainement pour quelque chose. Nous y sommes parvenus parce que nous avons travaillé ensemble et non pas chacun de son côté.

[Français]

Qu'on ne me demande pas de rester indifférent au débat politique québécois. En quittant le Canada, le Québec nous priverait d'une part vitale de nous-mêmes. Personne ne songe à nier aux Québécois leur capacité d'exprimer le choix de se séparer du Canada s'ils devaient un jour se faire de façon éclairée.

 

. 1600 + -

Il est fondamental que ceux-ci connaissent bien les conséquences du geste qu'ils pourraient poser. L'une d'entre elles concerne le sort des minorités francophones des autres provinces.

Il est bien évident qu'en restant dans le Canada, le Québec est d'autant plus à même de contribuer au rayonnement de la francophonie dans toutes les régions du pays. Le Québec joue un rôle crucial dans notre épanouissement linguistique et culturel, comme nous participons nous aussi de notre côté à la consolidation de l'espace francophone canadien.

La meilleure preuve que le Canada n'a jamais été étouffant pour le Québec, c'est que sa langue et sa culture ont pu s'y épanouir, sans compter que le Canada participe au rayonnement international de la culture québécoise parce qu'elle nous représente en tant que Canadiens.

[Traduction]

La langue et la culture françaises constituent des éléments essentiels de l'entité canadienne qui renforcent le caractère unique du Canada. Bien que cette vitalité soit attribuable, comme je l'ai déjà mentionné, à la détermination dont les communautés francophones du pays ont fait preuve, il n'en reste pas moins que la reconnaissance du fait françaisa également joué un rôle important au pays.

Ensemble, les francophones de toutes les régions du pays ont réussi à affirmer le caractère bilingue du Canada et ils ont contribué à lui donner une identité qui s'exprime par une réelle ouverture sur le monde.

Le fédéralisme canadien a beaucoup contribué à la vitalité du fait français] au pays. Le Canada tire profit de sa participation à la francophonie. Le Québec aussi tire profit de ses liens avec le Canada et avec les autres pays du Commonwealth.

Il est vrai que le Québec et le Canada ont tous deux beaucoup contribué à la croissance de notre pays. Cette contribution est attribuable à une vitalité qui est particulière à chacune de nos communautés. Dans toutes les régions, les francophones sont inspirés par le même idéal, celui de voir vivre et s'épanouir une identité qui a profité de leur contribution à notre héritage collectif.

Ai-je besoin d'en rajouter sur la contribution exceptionnelle versée par le Québec à ce rapport? Le Québec ne devrait jamais considérer le Canada comme lui étant étranger parce qu'il y occupe au contraire une place de choix. Le Canada ne serait pas le même sans le Québec. Je suis également d'avis qu'il est juste de dire que le Québec ne serait pas non plus le même sans le Canada. Nous, francophones hors Québec, avons besoin de nos compatriotes du Québec.

[Français]

Nos ancêtres étaient animés d'un grand rêve: faire vivre des communautés francophones dans un pays aussi vaste par ses espaces que par la grandeur de son idéal. Ensemble, nous avons bâti une terre de tolérance où chacun peut être Canadien à sa façon sans s'en excuser. Les Canadiens savent que la diversité se veut une force, non pas une faiblesse. C'est en grande partie à la maturité avec laquelle ils vivent cette diversité qu'ils doivent leur renommée sur le plan international.

Personne ne songe à retenir de force les Québécois dans ce pays. Qu'on me permette toutefois d'être franc à leur endroit: vous commettriez une erreur irréparable en quittant le Canada. Pourquoi renoncer à une partie de ce que vous êtes, de ce que nous sommes? Tout le monde en sortirait perdant. Les Canadiens eux-mêmes en seraient irrémédiablement appauvris, les francophones hors Québec le seraient doublement.

Ensemble, francophones de l'Ouest, des Prairies, des Territoires, du Manitoba, de l'Ontario, de l'Acadie et du Québec, nous avons donné raison à ceux qui, par leurs sacrifices, leurs espoirs et leurs labeurs ont assuré au Canada le destin prometteur qu'entrevoyaient à son égard les Pères de la Confédération.

Ensemble, nous avons fait de ce pays une réussite exceptionnelle.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Madame la Présidente, je tiens tout d'abord à féliciter le député d'en face pour le ton sur lequel il a fait son discours comme francophone hors Québec. C'est toujours émouvant, pour nous du Bloc québécois, d'avoir à nous entretenir avec nos collègues d'en face sur cette question.

 

. 1605 + -

C'est une question qui est à la fois aussi émotive, lorsque notre collègue d'en face nous dit: «Pourquoi les Québécois quitteraient le Canada, un si beau pays, si grand, à l'image de nos ambitions?» «On peut être Canadiens comme on le veut». C'est ce qu'il nous disait dans son discours. On n'a rien contre les francophones hors Québec, on les aime nous aussi. Sauf que la création du Canada, il ne l'a pas mentionné, a été formée par deux peuples. On dit dans l'Histoire du Canada qu'il y a deux peuples fondateurs. Mais ils avaient un territoire d'appartenance, ces deux peuples, et j'en veux pour preuve ce qui était le Haut-Canada et le Bas-Canada, ce qui sont maintenant le Québec et l'Ontario.

C'est à partir de là que s'est créée la fameuse Confédération, en 1867. Après il y a eu des gens qui sont entrés à tour de rôle. La dernière province à entrer, c'est Terre-Neuve. Je n'ai rien contre eux, cela leur a pris deux référendums, puis au troisième ils sont entrés, mais ils se sont consultés entre eux pour entrer. Moi je ne me souviens pas qu'en 1949 mon père m'ait dit que nous ayons été consultés, la population québécoise, pour l'entrée d'une nouvelle province. La question qui est posée aujourd'hui est celle-ci: Comment se fait-il qu'il faudrait que le reste du Canada soit consulté si le Québec veut se séparer, veut redevenir comme il était avant de d'associer avec le Haut-Canada qui était l'Ontario.

Pourquoi le Québec voudrait-il quitter le Canada? Telle est la question, le cri du coeur que nous lance le député d'en face. C'est peut-être que justement on ne se sent pas respectés, peut-être qu'il y a des choses qu'on voudrait avoir et qu'on n'est pas capables d'avoir à l'intérieur du Canada.

La question est la suivante, pour le député: Pourquoi son gouvernement a-t-il choisi le plan B, c'est-à-dire la répression. «Si vous faites ceci, on va vous taper sur les doigts». En termes plus polis, le renvoi à la Cour Suprême nous dit: «On va poser quelques questions, et la façon dont les questions sont posées cela veut dire la même chose». C'est quasiment y répondre, du moins, pour certains d'entre nous.

La question que j'aimerais poser au député est celle-ci: Pourquoi le gouvernement dont il fait partie n'essaie pas plutôt de trouver des solutions pour que les Québécois restent à l'intérieur. Lors du dernier référendum, le premier ministre est venu faire des promesses à Verdun. Qu'en est-il de ces promesses. Sont-elles suffisantes pour que les Québécois restent. Alors plutôt que de dépenser de l'énergie à trouver une astuce juridique pour nous forcer à rester dans le Canada, qu'en est-il des solutions. S'ils n'en n'ont pas, croyez-moi sincère, les Québécois vont continuer sur leur élan et je puis assurer l'honorable collègue que je serai un très bon voisin pour lui dans le futur.

M. Réginald Bélair: Madame la Présidente, j'espère que mon collègue parle au nom de ses collègues du Bloc en disant qu'il reconnaît, au moins, qu'il y a plusieurs affinités entre vous du Québec et les francophones hors Québec parce que finalement, il faut se l'admettre et l'admettre à tous les Canadiens, que nous francophones hors Québec nous venons tous d'une façon ou d'une autre de la province de Québec.

Mon père a émigré dans le nord de l'Ontario—je suis un immigrant francophone—en 1925. Il fut un colonisateur du grand nord ontarien, et il venait de Boucherville, en passant. C'est sûr que nous avons énormément d'affinités. Le message que j'ai lancé dans mon discours initial était celui de ne pas comprendre pourquoi le Québec se séparerait du Canada quand, à mon humble avis, il a su profiter de tout ce que les autres provinces ont pu profiter à cause du Canada parce que nous sommes formons un tout.

 

. 1610 + -

Je suis heureux et fier de dire que je suis la preuve vivante qu'il est possible de vivre au Canada, de faire reconnaître ses droits, de garder sa langue, sa culture et de pouvoir s'épanouir aussi. C'est la raison pour laquelle je dis au peuple québécois: «Pensez-y bien, rester dans le Canada, c'est encore la meilleure solution qui puisse vous être offerte. Pensez aussi aux conséquences.»

J'aurais aimé en parler plus longuement.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, je tenais à participer à ce débat initié aujourd'hui par le Bloc québécois, pour que cette Chambre puisse se prononcer sur le fait que la décision du peuple québécois quant à son avenir dépend de lui et de lui seul.

J'ai entendu aussi, avec une certaine émotion, le collègue qui vient de parler, un francophone hors Québec, s'il me permet de le dire ainsi.

Je voudrais lui dire que ce que le peuple québécois veut, c'est sa capacité collective de décider d'établir ses propres priorités, de se développer, de lutter contre la pauvreté dont le Québec a, bon an mal an, le championnat qu'il dispute avec Terre-Neuve. De nombreux Québécois en ont assez de voir le gouvernement du Québec se bagarrer avec le gouvernement fédéral, se disputer l'argent d'un surplus pour lequel le Québec a payé plus que d'autres, parce que la Loi sur l'assurance-emploi a frappé durement le Québec et les Maritimes, et la réduction des transferts a marqué le Québec plus que d'autres.

Maintenant que le déficit a été vaincu, le gouvernement fédéral veut se servir de cet argent pour donner des bourses. C'est un exemple. Mais la vie politique au Québec est souvent faite de ces luttes qui n'en finissent plus. Si encore cela n'avait commencé qu'il y a six mois et qu'on pensait que dans deux ans, ce serait terminé, mais ce n'est pas ainsi. La vérité, c'est que si on refaisait ici toute l'histoire, le peuple québécois, concentré dans cette province de Québec qu'on nomme l'État du Québec, doit se bagarrer avec, la plupart du temps, des moyens inégaux.

Finalement, ce qu'on veut affirmer aujourd'hui, c'est la force première de cette démocratie qu'il trouve en lui-même. La force première et fondamentale, c'est que c'est le peuple qui peut décider pour lui-même. S'il y a une chose qu'on peut affirmer en cette Chambre, c'est cela. C'est que le droit de ce peuple de décider pour lui-même, il vient avant la Cour suprême qui a été créée par un autre peuple, pour ses fins, qu'on peut respecter. Mais on ne peut pas accepter que cette autre démocratie décide ce que sera la démocratie du peuple québécois.

C'est cela, le fond des choses. Il faut aller au fond des choses. Quand j'entends nos collègues réformistes ou libéraux dire: «Mais si vous, le peuple québécois, vous décidez, alors il faudra que les municipalités se posent des questions.» Les collègues d'en face et d'à côté ne sont pas capables de reconnaître au peuple son droit et vont ensuite en reconnaître un à des municipalités qui sont des créatures administratives d'un gouvernement provincial.

Je le sais, quand j'entends le rêve canadien s'exprimer dans les propos de mon collègue et d'autres, je sais qu'il y a un Canada théorique où les deux langues et les deux cultures s'épanouiraient.

 

. 1615 + -

Ce n'est pas cela, la vérité. Je dirais que la vérité, c'est Nagano, ce sont les batailles qu'on a dû faire pour que les artistes québécois puissent continuer, parce qu'ils sont nombreux, à pouvoir bénéficier des subventions pour aller exposer leur art partout en Europe. La vérité, c'est qu'on a dû subir des coupures importantes dans l'éducation supérieure et que là, on devra se battre pour qu'on ne nous passe pas par-dessus la tête pour avoir deux systèmes de subventions. Et je pourrais continuer.

Le débat d'aujourd'hui s'inscrit dans une trame historique, dans un mouvement. Le peuple québécois et son aspiration à la souveraineté ne sont pas nés d'hier ou spontanément. Ils sont le fruit d'une histoire, mais pas seulement d'une histoire. Notre projet n'est pas «renoteur», non. Il est tourné vers l'avant. C'est le produit, ce que nous sommes, d'un projet socioéconomique, démocratique, qui en a assez de se voir empêché. Les jeunes, plus que les autres, sont dans cette situation qui n'est pas facile. Je l'ai répété, la pauvreté est quelque chose de très partagé au Québec. Les besoins en éducation sont grands et nous sommes tellement nombreux—les gens de ma génération et d'autres aussi—à en avoir assez de perdre notre temps en débats qui ne mènent nulle part.

Je l'ai dit, il y a un Canada théorique, comme le Canada qui dit que c'est le plus beau pays du monde, où les leaders politiques ne tiennent pas assez au plus beau pays du monde pour se demander ce que l'autre peuple voudrait bien pour rester dans le plus grand pays du monde. L'autre peuple, pas une province comme les autres. Qu'est-ce qu'on nous offre? On nous dit de rester, qu'on est dans le meilleur pays du monde comme une province comme les autres et qu'on devrait être bien contents, et en plus, si on pense à partir, qu'on fasse bien attention, parce qu'on nous attend dans le détour.

Ce Canada théorique n'existe qu'en théorie. La vérité, c'est que s'il y avait des Canadiens si préoccupés de ce grand Canada, ils s'en préoccuperaient. Ils diraient que les Québécois, à la fin, sont un peuple. Ils regarderaient les fédérations, non les fédérations uninationales, mais les fédérations multinationales, et ils s'informeraient et s'inquiéteraient. Mais nous sommes devant la situation terrible d'un peuple gouverné par un gouvernement qui ne veut pas regarder les problèmes, parce qu'il s'est commis à dire que c'est le meilleur pays du monde, donc qu'il n'est pas un leader politique capable de regarder ce qui pourrait se faire, et qui, en plus, n'a comme arme que le refus de négocier un éventuel partenariat et, en conséquence, l'utilisation de la menace.

Ce que le Bloc québécois a dit à répétition, c'est que le Canada, avec son actuel leadership, s'en va dans un cul-de-sac et en courant. C'est étonnant de voir qu'il y a si peu de gens ailleurs qu'au Québec qui le lui disent. Je dois dire que je suis très fière que Claude Ryan ait été conséquent avec ce qu'il a fait une grande partie de sa vie. Même si j'étais souvent en désaccord avec lui, il a eu des gestes courageux et il vient d'en avoir un.

C'est la même chose pour Daniel Johnson aussi, le fils. Son père avait écrit, en 1965, «Égalité ou indépendance». Il disait alors: «Égalité entre les deux nations, la canadienne-française et la canadienne-anglaise». Il disait que s'il n'y avait pas d'égalité, cela se comprendrait que les Canadiens français se retrouvent au Québec, qu'ils veuillent obtenir là leur épanouissement, et il n'était pas contre cela. Alors, Daniel Johnson est le fils de ce Daniel Johnson là, et parfois, il s'en souvient. Le deuxième a bien dit que c'est au Québec que la question devrait être décidée.

Ce débat pour nous était fondamental.

 

. 1620 + -

Il appartient au peuple québécois de décider de son avenir et nous regrettons profondément que le gouvernement fédéral ait utilisé la Cour suprême par des astuces, parce que la façon dont la question est posée est extrêmement astucieuse et ne permettra, ni au Canada ni au Québec, de s'en sortir plus facilement, au contraire.

Cette volonté du peuple québécois qui s'est exprimé maintenant plusieurs fois dans notre histoire va s'exprimer encore avec force et, finalement, vous allez nous avoir aidé.

[Traduction]

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais demander à la députée d'en face si elle a des commentaires à faire à ce sujet. Elle a dit que beaucoup de ce dont nous sommes fiers au Canada n'est que de la théorie. Cependant, il me vient à l'esprit deux des plus importants votes auxquels j'ai participé à titre de députée. Dans un cas, il s'agissait de voter sur la question du système scolaire de Terre-Neuve et dans l'autre, de voter sur la question du système scolaire du Québec. Ces votes montraient clairement que ce pays et sa Constitution peuvent évoluer selon les circonstances et pour faire place à une nouvelle nation.

Je demande à la députée d'en face comment elle peut faire de tels commentaires, compte tenu des lois que nous avons adoptées.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Madame la Présidente, je ne peux répondre pour Terre-Neuve, mais je peux répondre pour le Québec et dire qu'il y a très longtemps qu'on voulait faire cette réforme et que si elle a pu passer cette fois-ci à la Chambre des communes—je le crois profondément, je n'engage pas mes collègues—c'est que Terre-Neuve aussi avait un problème et le Québec a pu aussi, dans cette foulée, poser son problème.

Mais il y a une chose qui est extrêmement importante à comprendre. Comme peuple différent, c'est une petite partie des problèmes que nous ressentons justement. Quand on voit l'évolution au Canada et quand on voit l'évolution au Québec, on est obligés de constater que cette évolution, dans de nombreux champs, est non pas différente, mais divergente. C'est légitime que vous évoluiez dans un sens, mais c'est légitime que nous évoluions dans un autre sens.

Nous en avons marre de devoir nous battre sur tout et sur rien, alors que la question de l'emploi est si pressante, de même que la question de la lutte à la pauvreté et la question de l'éducation et du développement économique.

M. Réginald Bélair (Timmins—Baie-James, Lib.): Madame la Présidente, pour le peu de temps qui reste, je serai extrêmement bref.

Est-ce que la députée de Mercier pourrait nous informer de la façon dont le Québec s'y prendrait pour, tout d'abord, remettre au reste du Canada sa part de la dette nationale? Deuxièmement, comment un nouveau gouvernement québécois remettrait-il aussi l'argent qui a été investi dans les édifices, en fin de compte, tout ce qui est fédéral au Québec, incluant la formation professionnelle?

Mme Francine Lalonde: Madame la Présidente, je trouve cette question fort intéressante.

Je vous dirai que nous, au Québec, les souverainistes, cela fait un bout de temps que l'on travaille sur «l'après». Le Bloc québécois a été une partie importante dans cette définition des conditions de «l'après». Nous avons évidemment discuté, comme d'ailleurs cela avait été fait au gouvernement du Québec sous M. Bourassa, lors des travaux de la Commission sur la souveraineté. On a discuté de la façon dont on négocierait.

Pendant la période référendaire, en 1995, chaque foyer québécois avait reçu un petit livre dans lequel on lui disait qu'à la suite du référendum, l'Assemblée nationale ferait une offre de partenariat et, à l'intérieur de l'offre de partenariat, il y aurait, bien sûr, la négociation des actifs, parce qu'il y a une part qui nous revient.

 

. 1625 + -

C'est dans une négociation qui va se faire après, mais rien n'empêcherait qu'on se parle avant de la façon dont cela pourrait se faire. D'ailleurs, nous trouverions normal qu'on commence à s'en parler.

Pour cela, il faut envisager la possibilité, et l'accepter, que cette offre de partenariat qui suivrait la souveraineté permette de régler les différends. N'oubliez pas que ce qu'on veut c'est conserver un espace économique, si les différents traités qu'on aura à signer obligent que des ministres se rencontrent régulièrement, de faire une sorte d'instance politique.

Dans le fond, ce qu'on veut c'est pouvoir réaliser nos projets sans avoir à embêter le reste du Canada, et on veut que le reste du Canada cesse d'empêcher que nous les fassions, que nous travaillions de façon coordonnée, de façon à nous aimer davantage.

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, jamais dans notre société que je considérais démocratique jusqu'à aujourd'hui, je n'aurais pensé intervenir sur le fondement même de la démocratie.

Aujourd'hui, j'aurais honte d'être un Québécois ou une Québécoise députée libérale élue de ce gouvernement. Je me permets donc de porter à l'attention des députés libéraux élus par les Québécoises et les Québécois le consensus établi au Québec.

Malgré leur allégeance au fédéralisme, leurs concitoyennes et concitoyens n'ont jamais nié le droit de décider eux-mêmes de l'avenir du Québec, de leur Québec. J'invite ces députés à respecter leurs électeurs et électrices et le consensus de la population et des principaux intervenants politiques, dont ceux du Parti libéral du Québec, à appuyer la motion déposée en cette Chambre par les 44 députés du Bloc québécois. Je m'adresse directement à eux, à vous, comme partie prenante de la société québécoise

La décision du gouvernement du Québec de donner suite au choix éventuel du peuple québécois en faveur de la souveraineté est une décision politique et non juridique. Jamais une cour de justice ne pourra se substituer à la volonté d'un peuple. Jamais une cour ne pourra imposer à toute une nation une voie qu'elle n'a pas choisie.

D'ailleurs, la sortie publique des anciens chefs du camp du non démontre bien l'existence d'un fort consensus québécois. Je rappelle encore à cette Chambre, parce que je pense que plus le jour avance, mieux il faut rappeler les choses essentielles, les déclarations de MM. Ryan et Johnson.

M. Ryan déclarait: «J'affirme un principe bien élémentaire, c'est la primauté du principe démocratique sur toute autre considération dans l'examen d'une question aussi fondamentale que celle de l'avenir d'un peuple.» Il a même soutenu que ce serait une grande victoire pour la démocratie si la Cour suprême rappelait clairement que le droit à l'autodétermination est fondamental et doit être respecté par tous les moyens.

Quant à Daniel Johnson, le chef de l'opposition à Québec et chef du camp du non lors du référendum de 1995, il soutient que la Cour suprême ne devrait pas nier le droit du Québec à l'autodétermination. Je le cite: «Les Québécois vont décider de ce qui va leur arriver, et cela revient aux Québécois de décider de la question référendaire.»

La cour agirait plus sagement en renvoyant aux politiciennes et politiciens la responsabilité de trouver des réponses démocratiques aux questions qui lui ont été adressées. Les acteurs politiques québécois ont démontré qu'ils étaient capables de conduire le débat sur l'avenir politique du Québec dans le respect des règles démocratiques.

Les acteurs politiques canadiens ont, à plusieurs reprises, respecté la démarche du peuple québécois. Mais suite aux résultats serrés du référendum de 1995, les règles ont changé. Elles n'étaient plus applicables et valides. De là la stratégie fédérale à adopter le plan B, c'est-à-dire la ligne dure.

Il m'apparaît évident que notre avenir ne tient pas dans les mains de neuf juges de la Cour suprême du Canada contre le poids d'un peuple de sept millions d'individus.

 

. 1630 + -

Nous voyons dans cette malversation que le premier ministre et ses acolytes cherchent la victoire à tout prix et ce, principe démocratique ou non. Le plan B se situe entièrement dans une vision unitaire du fédéralisme où l'égalité historique entre les deux peuples fondateurs est bafouée.

En fait, le renvoi sur le droit de sécession du Québec est un processus illégitime, puisque l'objectif réel du gouvernement fédéral n'est pas le prétendu respect de la primauté du droit. C'est sous ce couvert qu'il tente d'engager les juges de la Cour suprême dans ses bassesses partisanes. Ce renvoi est une tentative de détournement de la démocratie. Ce renvoi est une tentative de mise en tutelle de nos institutions démocratiques. Ce renvoi nie l'existence du peuple québécois.

Il est encore temps pour la Cour d'éviter de porter atteinte au processus démocratique et politique québécois et, pour ce faire, les juges de la Cour suprême du Canada doivent refuser de répondre aux questions soumises par le gouvernement fédéral. Je m'adresse plus particulièrement aux juges québécois, le juge en chef Antonio Lamer et les juges L'Heureux-Dubé et Gonthier. Nous les exhortons à refuser de jouer le rôle d'un gouvernement fédéral à court d'arguments et de stratégies face à l'avancement du projet souverainiste.

Si je me lève en cette Chambre pour demander aux juges de la Cour suprême de ne pas répondre aux questions, c'est que le renvoi à la Cour suprême est une démonstration fondamentale de l'incapacité du fédéralisme canadien de répondre aux exigences historiques du peuple québécois.

Parlons d'histoire, la grande et la petite. Rappelons-nous que les gains historiques du Québec se sont faits à l'intérieur de la sphère politique en respectant la démocratie. Qu'on se souvienne de la nationalisation de l'électricité, la Caisse de dépôt, la création des CLSC, les pouvoirs en matière de culture, de langue et d'immigration. Tous ces instruments québécois de développement ne nous ont pas été offerts par la Cour suprême du Canada. Nous les avons acquis en occupant l'espace politique, tout en respectant les règles démocratiques. Notre grande histoire fait en sorte que nous sommes devenus aujourd'hui une démocratie avancée.

Quant à la petite histoire, celle qui va au coeur de Québécoises et des Québécois, elle est la fibre de l'évolution du peuple québécois.

Étant native du Bas-du-Fleuve, ma famille Lizotte occupe toujours les terres ancestrales depuis le 17e siècle. Comme d'autres, elle a accueilli au cours des ans les malheureux rescapés de la grande famine d'Irlande et d'Écosse. Tolérante, généreuse, ouverte. Mon arrière-grand-père était capitaine au long cours; à cette époque, les liens étaient constants avec la mère-patrie de notre peuple fondateur.

C'est dans ce milieu que j'ai grandi et appris à comprendre et à défendre mon peuple. C'est de là qu'est né mon engagement politique. Avec une fierté digne de mes ancêtres, je demande aux juges de la Cour suprême de refuser de répondre aux trois questions et de laisser les Québécoises et les Québécois définir eux-mêmes leur avenir.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir intervenir à la période de questions et commentaires de ce discours de ma collègue de Louis-Hébert. Effectivement, je pense qu'elle est allée au fond des choses dans son discours. Je trouve particulièrement important de rappeler que ce débat a été amené ici, à la Chambre, par des députés souverainistes, des gens qui sont venus à Ottawa avec la prétention que toutes les décisions concernant le peuple du Québec se prendraient par la voie démocratique.

Nous avons obtenu un mandat en 1993, nous en avons même obtenu un second en 1997, après le résultat référendaire. Donc, lorsque les gens nous disent: «Oui, mais vous avez perdu le référendum; vous devriez donc, en démocratie, accepter le résultat.» Nous acceptons très bien le résultat, mais nous croyons que nous pouvons continuer à convaincre les gens, parce que de 1980 à 1995, on est passés de 40 p. 100 à 49,4 p. 100 des voix.

 

. 1635 + -

Donc, on est dans une démarche démocratique et je suis très fier que ce soit nous qui soulevions cette question.

J'ai apprécié l'appel aux députés libéraux fédéraux, particulièrement les nouveaux, ceux qui ne sont pas nés de la génération Trudeau, ceux qui n'ont pas été les artisans de faire de la Constitution canadienne une Constitution de juges. Rappelons-le, lorsqu'il y a eu le rapatriement unilatéral de la Constitution, ce fut fondamentalement pour créer une société de juges, celle de Pierre Elliott Trudeau. Le résultat de cela, c'est cette spirale qu'on a devant nous.

Je poserai donc une question à la députée de Louis-Hébert. Si la majorité libérale dans le Parlement fédéral vote contre notre motion, est-ce que ce ne serait pas une cassure encore plus grande que le rapatriement unilatéral de la Constitution et l'occasion pour les Québécois de juger une fois de plus que le pays dans lequel ils veulent continuer à vivre n'est pas celui qui prend des décisions antidémocratiques comme celle-là?

Mme Hélène Alarie: Madame la Présidente, je crois que mon collègue a soulevé un point très important. Si, aujourd'hui, nous n'avons pas l'assentiment de nos collègues de cette Chambre, nous serons probablement dans une impasse beaucoup plus grande que celle que nous avons connue lors du rapatriement unilatéral de la Constitution, en 1982.

Tenir un discours où on parle de faire des efforts pour un rapprochement et pour une compréhension, c'est une chose, mais se prononcer contre ce qu'il y a de plus élémentaire, soit de permettre à un peuple de se définir et de pouvoir dire ce qu'il entend devenir, je crois que si on passe à côté de cette question, je me demande vraiment quels efforts pourront être faits après pour faire un rattrapage. Je m'attends à ce que nous ayons des jours bien tristes.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Madame la Présidente, je vais vous faire une petite leçon de géographie. Le comté de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, c'est le nez du Québec qui s'avance dans le golfe Saint-Laurent. J'en profite pour appuyer l'exemple de ma collègue du bas du fleuve, qui dit que ses parents ont encore la terre ancestrale depuis les années 1700.

J'attire votre attention sur le nez du Québec et la Gaspésie dans le golfe Saint-Laurent. Tous les habitants du Haut et du Bas-Canada, tous ceux qui habitent la partie ouest de mon comté sont passés devant chez nous, ont remonté le fleuve Saint-Laurent et maintenant, ce sont ces gens-là d'en face qui viennent nous dire quoi faire, qu'on ne peut plus décider de nous-mêmes? Je ne le prends pas et je redonne la parole à ma collègue là-dessus.

Mme Hélène Alarie: Madame la Présidente, je vais compléter l'élan du coeur de mon collègue. Il est vrai...

Une voix: C'est de la frustration.

Mme Hélène Alarie: Non, ce n'est pas de la frustration. Il est vrai que nous avons tout ce qu'il nous faut en main et nous l'avons prouvé par toutes les décisions, par toute l'organisation de notre structure politique au Québec, pour continuer de décider de notre avenir sans attendre que d'autres le fassent à notre place.

M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Madame la Présidente, en réponse à la motion présentée par le Bloc québécois, je veux réaffirmer la position du gouvernement du Canada qui reconnaît aux Québécois le droit de décider de leur avenir. C'est précisément parce qu'il croit en ce droit que le gouvernement du Canada a mis de l'avant certaines initiatives pour s'assurer que le débat sur une sécession possible du Québec se fasse dans la clarté et la transparence. Ce n'est que dans ce cadre que le droit des Québécois de décider de leur avenir prend tout son sens.

 

. 1640 + -

[Traduction]

Il est clair qu'on ne peut maintenir les Québécois au Canada contre leur volonté exprimée clairement et démocratiquement, mais ils ne doivent pas perdre le Canada sans y avoir renoncé clairement. Une question claire, un processus légal et ordonné acceptable par tous, une décision éclairée prise par des citoyens qui ont toute l'information nécessaire et une volonté clairement exprimée sont tous des éléments essentiels pour que les Québécois puissent décider de leur avenir. Se contenter de moins reviendrait à nier aux Québécois la possibilité d'exercer leurs droits démocratiques. La clarté et la transparence sont essentielles pour le gouvernement du Canada.

[Français]

Certaines informations qui sont maintenant rendues publiques nous renseignent sur les véritables intentions du gouvernement du Québec lors du référendum de 1995 et sur la démarche alors envisagée par le gouvernement du Québec, même après un oui faible sur une question nébuleuse.

La déclaration unilatérale d'indépendance, le plan O ou le grand jeu de Jacques Parizeau, ainsi que le fameux partenariat politique et économique que laissait entrevoir la question référendaire, mais que M. Bouchard qualifie maintenant de squelettique ou de sommaire, démontrent bien que le processus pour prendre une décision aussi grave que celle de se séparer du Canada doit être clair et transparent. Le processus d'accession à la souveraineté proposé par le gouvernement péquiste était irresponsable et irréaliste, et les conséquences négatives d'un vote pour la sécession gardées sous silence.

Non seulement le processus doit être transparent, mais les conséquences d'un vote en faveur de la séparation du Québec doivent être bien expliquées aux citoyens. Découvrir qu'on était prêt à risquer plus de 17 milliards de dollars de nos épargnes dans le but chimérique de minimiser la panique des marchés à la suite d'une victoire du oui, alors qu'on nous avait affirmé que les conséquences d'une telle victoire n'auraient pas été alarmantes, voilà qui montre bien que le droit des Québécois de décider de leur avenir doit s'exercer dans la clarté. Briser un pays est une décision qui doit se prendre en toute connaissance de cause.

Les Québécois doivent pouvoir exprimer leur choix en comprenant bien ce à quoi ils renoncent. La confusion créée par les sécessionnistes sur les conséquences d'une séparation du Québec a aussi poussé le gouvernement du Canada à rechercher la clarté et la transparence du processus. Faut-il rappeler que, selon un sondage CROP de juillet 1997, 44 p. 100 des Québécois qui avaient voté oui croyaient qu'après une victoire du oui, le Québec ferait toujours partie du Canada.

Le président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales a réaffirmé l'importance, pour les Québécois, d'avoir toute l'information dont ils ont besoin pour exercer leur droit de s'exprimer sur leur avenir. Le ministre écrivait dans une lettre à M. Ryan, datée du 6 février, au sujet du renvoi à la Cour suprême, et je cite: «Le gouvernement du Canada cherche par ce renvoi à clarifier un point important, celui des aspects juridiques d'une sécession unilatérale. Nous pensons que c'est là une information à laquelle les Québécois et les autres Canadiens ont droit. La décision de faire ou de ne pas faire sécession ne devrait surtout pas être prise sur la base de mythes et de théories fausses.»

[Traduction]

Nous pourrions ajouter que les gouvernements du Québec et du Canada ont tous deux le devoir de prendre les mesures nécessaires pour informer les citoyens de tous les aspects d'une sécession possible du Québec. Je répète que ce n'est qu'à ces conditions que le droit du Québec de décider de son avenir prend toute sa signification.

Le gouvernement du Canada a et aura toujours la responsabilité de respecter le devoir qui incombe à tout gouvernement de bien informer la population.

[Français]

L'actuel gouvernement du Québec a affirmé, à plusieurs reprises, qu'en cas de oui au référendum, même avec une faible majorité, il pourrait séparer le Québec du reste du Canada en déclarant unilatéralement l'indépendance et que ni la Constitution ni les tribunaux n'ont de rôle à jouer dans une sécession. Le gouvernement du Canada est d'avis qu'une telle affirmation est sans fondement en droit.

 

. 1645 + -

En fait, nous sommes plutôt d'accord avec Lucien Bouchard qui déclarait dans son livre Mot à Mot, et je cite:

    Les Québécois, de quelque tendance qu'ils soient, n'ont jamais accepté et n'acceptent pas de vivre en dehors de la Constitution canadienne, alors que nous vivons dans une société de droit. Ça, il faut que tout le monde au Canada le sache.

Une sécession qui s'opérerait dans le cadre du droit poserait déjà d'énormes problèmes. S'il devait être vrai que la sécession unilatérale n'a pas de fondement juridique, celle-ci soulèverait des difficultés pratiques encore plus difficiles à surmonter, comme l'a affirmé le ministre des Affaires intergouvernementales dans sa lettre à M. Ryan.

Dans cette lettre, le ministre soulignait que l'une des conséquences d'une telle instabilité juridique pourrait se retourner contre le gouvernement sécessionniste, et je cite:

    De nombreux Québécois réclameraient le droit de ne pas perdre le Canada dans la confusion, sans cadre juridique reconnu. Le gouvernement du Québec serait mal placé pour exiger de ses citoyens qu'ils respectent ses lois puisqu'il se serait lui-même placé hors du cadre juridique. Nous, Québécois, ne voudrions pas voir notre société plongée dans une telle instabilité.

Aucun individu ni aucun gouvernement ne bénéficierait d'une telle instabilité qui, à son tour, entraînerait une incertitude économique et menacerait la paix sociale.

Les démarches de clarification du gouvernement du Canada ne cherchent aucunement à mettre en doute la légitimité d'une consultation référendaire. L'objectif n'est pas d'empêcher les Québécois de se prononcer sur leur avenir politique, mais plutôt d'obtenir des éclaircissements sur certaines questions de droit, afin de permettre aux Québécois et aux autres Canadiens de mieux connaître la portée de la démarche unilatérale qui est proposée par l'actuel gouvernement du Québec.

[Traduction]

Le principe de la primauté du droit protège notamment les droits démocratiques de la population. Il garantit qu'en plus des choix politiques de l'époque, on respecte tous les principes démocratiques à la base d'une société et garantissant son existence dans un climat ordonné et pacifique.

Le ministre des Affaires intergouvernementales est allé plus loin dans sa lettre à M. Ryan, en déclarant que la loi est nécessaire pour que l'action politique se déroule démocratiquement et non dans l'anarchie.

[Français]

Le gouvernement du Canada s'est engagé à expliquer de façon claire les enjeux d'un éventuel troisième référendum sur l'indépendance du Québec et, notamment, les conséquences d'une sécession unilatérale.

Je peux reprendre à mon compte les propos du ministre des Affaires intergouvernementales lorsqu'il affirme qu'en tant que Québécois, il veut être assuré que ni lui ni ses concitoyens ne perdront leur identité ni leurs pleins droits de Canadiens, dans la confusion, sans cadre juridique pour surmonter nos divisions, dans une dangereuse ambiguïté inacceptable en démocratie.

Je ne peux appuyer la motion mise de l'avant par le Bloc québécois, puisque ce parti refuse de reconnaître la primauté du droit, comme en témoigne son refus de consentir à la modification proposée plus tôt aujourd'hui par le ministre des Affaires intergouvernementales.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce soir: l'honorable député d'Acadie—Bathurst—l'éducation; l'honorable député de Waterloo—Wellington—le commerce; l'honorable député de Frontenac—Mégantic—la production laitière.

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement ce que le secrétaire parlementaire avait à dire. Comme toujours, j'ai été impressionné par sa logique et par la concision de ses arguments contre la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Parmi les bons points qu'il a soulignés, il a précisé très clairement que nous devons toujours nous respecter la primauté du droit, dans ce pays très civilisé qui est le nôtre.

 

. 1650 + -

Il me semble qu'un séparatiste avoué voudrait adopter une stratégie qui lui permette d'atteindre ses objectifs en accord avec les lois du pays. Après tout, dans le cas d'un vote favorable donné en réponse à une question claire, il ou elle voudrait sûrement que la communauté internationale reconnaisse cette décision.

Le secrétaire parlementaire pourrait-il préciser davantage l'importance de la primauté du droit dans toute société civilisée, tout particulièrement compte tenu du fait que nous pourrions, malheureusement pour certains, faire face à un nouveau référendum au Québec sur la question de la séparation? Pourquoi est-il si important de rappeler à tous les Canadiens et à tous les Québécois que nous devons nous conduire en tout temps selon la primauté du droit?

M. Paul DeVillers: Madame la Présidente, le député fait remarquer que le gouvernement veut faire en sorte que ni Québec ni une autre province ne soit privé du droit de choisir sa place dans la Confédération ou à l'extérieur de la Confédération.

La primauté du droit est importante. Il faut procéder de façon ordonnée. Permettez-moi de rappeler ce que l'ancien ministre de la Justice et actuel ministre de la Santé avait déclaré au moment où il procédait à ce renvoi devant la Cour suprême. En parlant de la primauté du droit, il avait déclaré:

    La primauté du droit n'est pas un obstacle au changement. Elle permet cependant de le faire de façon ordonnée. Elle permet aux Canadiens de modifier et d'adapter les institutions qui gouvernent leur pays d'une manière qui reflète nos valeurs, par le dialogue et la recherche du consensus ou du compromis.

Le gouvernement veut des explications. Il n'est pas question de priver le Québec ou une autre province du droit de décider de son avenir. Nous voulons simplement que cela se fasse d'une manière ordonnée.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, pour ce qui est du discours du secrétaire parlementaire, je le sais sincère, mais je crois qu'il a délaissé l'originalité pour être un peu plus sincère, parce que c'est un discours qui sort directement du Conseil privé, rédigé par les rédacteurs qui sont évidemment embauchés à cette fin.

Je voudrais émettre trois commentaires et une question. Quand notre collègue secrétaire parlementaire dit qu'on ne connaît pas les conséquences de la souveraineté, s'il affirme une chose comme celle-ci à l'instant où on se parle, c'est qu'il n'a pas suivi le débat, parce que tous les Québécois savent que le jour où le Québec va devenir souverain, par les voies démocratiques, il n'a jamais été question qu'il en soit autrement, il y aura trois conséquences: le Québec va garder tous ses impôts; le Québec va décider de sa politique internationale et il y aura un seul parlement qui va voter les lois qui vont s'appliquer sur son territoire, et ce sera l'Assemblée nationale. Alors, la prochaine fois que le secrétaire parlementaire sera questionné sur les conséquences de la souveraineté, il pourra répondre ce que tous les Québécois savent.

Ce qui est en cause dans le discours du secrétaire parlementaire, c'est reconnaît-il qu'à la différence de l'Île-du-Prince-Édouard, qu'à la différence du Manitoba, qu'à la différence de la Saskatchewan, les Québécois forment une nation, et que, parce que les Québécois forment une nation, ils ont le droit de décider démocratiquement de leur avenir? Et reconnaît-il que les deux derniers référendums, c'est fondamentalement là-dessus que cela a porté? À partir du moment où le gouvernement fédéral y a participé, cela veut donc dire que son gouvernement reconnaît que les Québécois forment une nation.

J'aimerais entendre l'honorable collègue sur cette question.

M. Paul DeVillers: Madame la Présidente, dans les documents que le gouvernement vient de déposer devant la Cour suprême, il est indiqué qu'il y a plusieurs peuples au Canada comme il y a plusieurs peuples au Québec. Les questions qui ont été posées par le gouvernement à la Cour suprême sont des questions pour essayer, comme je disais en réponse à la question de mon collègue, d'avoir des réponses plus claires sur les conséquences.

 

. 1655 + -

Même dans le discours que mon honorable collègue de l'autre côté vient de critiquer, c'est indiqué qu'il y a des questions, des revendications au sujet de la souveraineté auxquelles il faut répondre. Le gouvernement Parizeau a mis 17 milliards de dollars de côté pour essayer de rassurer les marchés financiers.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Madame la Présidente, nous avons été saisis d'une motion que j'aimerais relire pour être sûr que, dans les termes, il n'y ait pas de confusion.

    Que la Chambre reconnaisse le consensus québécois en vertu duquel il appartient au peuple québécois de décider librement de son avenir.

J'ai certaines réserves que je vais exprimer. Malgré ces réserves, j'aurais été presque enclin à appuyer cette motion. Les réserves, certains les jugent fondamentales. Souvent, c'est purement de la sémantique. Est-ce que le Québec constitue un peuple quand, dans le principe même de peuple fondateur, la définition était beaucoup plus englobante que seulement le Québec? Malgré cette divergence qu'on pourrait débattre, ce n'était pas une raison suffisante pour moi de ne pas appuyer cette motion.

On parle d'un consensus. Le terme consensus est employé à toutes les sauces. On l'utilise, on en abuse, on interprète. Y a-t-il vraiment un consensus au Québec? Là aussi, on pourrait en débattre, mais je suis loin d'en être convaincu. Malgré cela, j'aurais pu être enclin à appuyer la motion.

Nous avons proposé un amendement. L'amendement, c'est dans le respect de l'état de droit et de la démocratie pour tous. Cet amendement a été refusé. Alors, moi, je dis non. On met des valeurs démocratiques de l'avant à l'étranger, au Québec, inclusivement...

M. Yvan Bernier: Madame la Présidente, je voudrais juste que vous rappeliez à l'honorable collègue d'en face que l'amendement auquel il fait allusion a été l'objet, ce matin, d'une décision de la Présidence. Alors, il n'est pas convenable, comme parlementaires, de remettre en question une décision de la Présidence.

M. Paul DeVillers: Madame la Présidente, je veux rappeler à la Chambre que ce matin, le ministre des Affaires intergouvernementales a proposé un amendement. La Présidence de la Chambre a dit que ce n'était pas acceptable. Le ministre a demandé le consentement unanime de la Chambre pour que son amendement soit accepté et le consentement unanime a été refusé. Il ne s'agit pas de remettre en question la décision de la Présidence, mais ce sont les faits.

M. Jacques Saada: Madame la Présidente, la société canadienne et la société québécoise ont une tradition. Cette tradition, c'est la promotion de valeurs démocratiques et là, je vais un peu plus loin que seulement chez nous. Je parle de notre influence dans le monde. Le rôle que le Québec et le Canada jouent à l'étranger est empreint de cette volonté de promouvoir des valeurs démocratiques à l'échelle du monde.

Comment se fait-il que ce qui est bon pour les autres ne soit pas assez bon pour nous? Comment peut-on refuser que tout débat parte d'une prémisse fondamentale incontournable qui est le respect de la démocratie pour tous? Si ce terme-là n'existe pas dans cette motion, je ne peux pas l'appuyer.

 

. 1700 + -

On a dénigré, tout au long des interventions du Bloc québécois aujourd'hui, et ce n'est pas la première fois, la Cour suprême. Je ne fais pas l'argument que le ministre des Affaires intergouvernementales a fait ce matin, mais comment se fait-il, si la Cour suprême est si peu crédible que cela, qu'il y a à peine deux semaines, dans Le Devoir, un ministre du Québec, ancien ministre de la Justice, si je me souviens bien, Serge Ménard, s'est engagé qu'au lendemain d'un référendum gagnant pour les séparatistes, au lendemain d'une déclaration de souveraineté du Québec ou d'indépendance du Québec, il était prêt à rapatrier les trois juges de la Cour suprême qui sont des civilistes.

Il y a une contradiction, deux poids, deux mesures. On prend le même argument et on le contorsionne d'un bord et de l'autre.

On a refusé que soit adopté l'amendement qui porte sur le respect de l'État de droit. À ma connaissance, et si j'ai tort, on me corrigera, l'État de droit n'a que deux alternatives. Si on n'a pas un État de droit, ou bien on a une anarchie ou bien on a une dictature. L'État de droit, c'est fondamental, et l'État de droit est tellement fondamental que, tous partis politiques confondus, on en a fait une assise fondamentale de notre existence depuis des siècles.

Alors qu'on me dise qu'on refuse un amendement où on parle du respect de l'État de droit, cela me dérange profondément, pas seulement comme Québécois, pas seulement comme francophone, pas seulement comme fédéraliste mais, j'allais dire, comme être humain qui propose la stabilité pour les peuples. Il y a fondamentalement une contradiction.

Je reconnais...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): À l'ordre. L'honorable député de Richelieu invoque le Règlement.

M. Louis Plamondon: Madame la Présidente, je pense que vous venez d'entendre ce que l'honorable orateur vient de prononcer. Il vient de remettre en question la décision de la Présidence, et c'est inacceptable. C'est le processus démocratique établi dans cette Chambre.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Ce que l'honorable député de Brossard—La Prairie mettait en cause, ce n'était pas la motion, c'est la décision de la Chambre. C'est par une décision de la chambre que cela a été refusé. Ce n'est pas la décision de la Présidence à ce moment-là. C'est la Chambre qui a refusé, ce n'est pas la Présidence.

L'honorable député de Richelieu invoque le Règlement?

M. Louis Plamondon: Madame la Présidente, il y a eu d'abord une décision de la Présidence, ensuite le consentement de la Chambre qui a été refusé. Donc, le fait de ramener sur le plancher cette décision est une contestation directe de la Présidence. Il y a une mise en cause de la décision de la Présidence. On ne devrait jamais dans un discours remettre en question une décision que la Présidence a prise.

M. Jacques Saada: Madame la Présidente, il me fait plaisir de constater, d'une part, qu'on écoute ce que je dis. Deuxièmement, je voudrais dénoncer toute tentative, pour des raisons techniques douteuses, de ne pas laisser s'exprimer la substance et le contenu de ce que j'ai à dire. Ce muselage, je le refuse.

Je reconnais, et je voudrais que ce soit très clair, la liberté des Québécois à décider de leur avenir, mais toute liberté s'assortit d'obligations. La première est de s'assurer de la sécurité et de la stabilité des populations concernées du Québec, les Québécois dont je fais partie qui se sont prononcés déjà à deux reprises.

J'ai confiance dans le choix des Québécois si une question claire leur est posée dans un contexte de respect de l'État de droit et de la démocratie pour tous. Moi j'ai confiance, et je ne suis pas convaincu que mes adversaires soient prêts à manifester cette même confiance envers leurs concitoyens.

 

. 1705 + -

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Madame la Présidente, j'ai plusieurs questions à poser à mon collègue.

Tout d'abord, il a soulevé la question du consensus, à savoir ce qu'était un consensus suffisant. Est-ce que le fait que le président du camp du non de 1980, M. Claude Ryan, trouve que la politique fédérale en la matière est inacceptable, que le président du comité du non de 1995, M. Daniel Johnson, le chef du Parti libéral du Québec aujourd'hui, trouve que c'est inacceptable, est-ce que cela ne commence pas à faire un consensus intéressant au niveau du Québec?

Deuxièmement, quand on dit «une question claire», c'est faire insulte aux Québécois. Si la question n'avait pas été claire, pensez-vous que 93 p. 100 des gens y auraient répondu? Toute son organisation politique a travaillé à faire voter les gens du côté du non. Cela veut dire que vous êtes en contradiction avec vous-mêmes.

Est-ce qu'il n'y a pas là un message clair? Est-ce que ce n'est pas une insulte à l'intelligence des Québécois de leur dire que la question n'était pas claire et qu'il n'y avait pas possibilité de décider correctement? Les Québécois se sont prononcés en 1980, ils se sont prononcés en 1992 sur Charlottetown, ils se sont prononcés en 1995. Ils connaissent très bien la question politique en jeu. Et c'est faire injure à leur intelligence que d'avoir une attitude semblable.

Troisièmement, ce qu'on reproche à la Cour suprême, ce n'est pas le fait d'être un tribunal. C'est le gouvernement fédéral qui se sert de la Cour suprême comme d'un outil avec trois questions entonnoir pour être certain que les réponses seront d'avance celles qu'il veut avoir.

On fait cela habituellement, parce que dans un ensemble, dans un jeu, on a compris qu'on va perdre la partie. Au lieu de jouer la partie sur la patinoire, on essaie de changer les règles du jeu qui sont sur la table. On a fait la même chose ce matin avec la question de l'amendement.

C'est très important de faire la différence. Ce matin, le ministre n'a pas réussi à présenter son amendement, parce qu'il n'avait pas le droit de le faire selon les règles de la Chambre. S'il n'a pas appris encore comment faire cela, ce n'est pas de ma faute à moi. S'il est incompétent au sujet d'un aspect de procédure parlementaire, s'il y a eu un problème avec la majorité parlementaire, ce n'est pas mon problème à moi.

Mais il ne faut jamais venir dire que cet amendement a été refusé par les gens de ce côté-ci de la Chambre. L'amendement n'a pas été accepté, parce qu'il était irrecevable.

M. Paul DeVillers: Madame la Présidente, ce que le ministre a fait ce matin, c'est utiliser une pratique habituelle de la Chambre. On peut faire n'importe quoi avec le consentement unanime de la Chambre. Cela se fait tout le temps, ce n'était rien d'extraordinaire. Le député met en cause les motifs du ministre, mais c'était quelque chose qu'il avait le droit de faire d'après les règles de la Chambre.

M. Louis Plamondon: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Cela fait deux fois que j'entends une remise en question de la décision de la Présidence. On dit que la Chambre aurait pu renverser une décision de la Présidence; pas sur une recevabilité. Encore une fois, on vient mettre en doute l'intégrité des parlementaires de ce côté-ci et on met en doute l'intégrité de la Présidence.

Il faudrait que l'on ait l'heure juste et que vous disiez à ces députés de parler en fonction de la motion qui est à l'étude, et non pas de l'amendement qui a été jugé irrecevable par la Présidence.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): La question a duré assez longtemps. J'ai déjà tranché, et nous allons reprendre la période de questions et observations au point où on en était.

M. Paul Crête: Madame la Présidente, je suis très heureux de voir qu'effectivement, on a touché un peu le point névralgique de la majorité d'en face. En effet, on revient au texte de la motion. La motion sur laquelle on devra voter est très claire et très nette.

Je demande au député, à titre de député du Québec, quand il retournera dans sa circonscription, quand il aura à se prononcer devant ses concitoyens, devant l'ensemble des Québécois, dira-t-il qu'il a voté contre ce qu'elle aurait dû contenir et non qu'il a voté contre ce qu'elle contient présentement. Il aura à porter cette responsabilité devant tous les Québécois, comme tous les députés du Québec.

J'ai bien hâte de voir la réponse qu'il va donner à cette question. Est-ce qu'il est capable, oui ou non, en son âme et conscience, de dire qu'il porte dans son coeur l'intérêt des Québécois quand il leur nie droit de décider eux-mêmes de leur avenir?

 

. 1710 + -

M. Jacques Saada: Madame la Présidente, je porte beaucoup plus dans mon coeur l'intérêt des Québécois que celui du gouvernement séparatiste du Québec. On me parle d'un consensus qu'on conteste...

M. Louis Plamondon: Ça, c'est un jugement.

M. Jacques Saada: C'est ce qu'on appelle la démocratie, laisser parler les gens quand c'est leur tour de parler. On parle d'un consensus. Est-ce qu'on a oublié de citer le fait que M. Ryan, dont j'accueille d'ailleurs l'apport intellectuel à ce débat avec beaucoup de plaisir, a été très clair sur le besoin d'une question claire avec des règles d'interprétation fondamentalement bien établies? Cela, on n'en parle pas parce que ça ne fait pas son affaire.

L'insulte, c'est d'avoir voulu faire avaler des couleuvres aux Québécois avec une question qui n'était pas claire, une interprétation pas claire et des plans O de Parizeau. C'est ça qui était l'insulte.

Maintenant, ce que je trouve absolument comique, c'est un petit peu l'arrogance qui semble se dégager. Si, de l'autre côté, ils sont si convaincus que cela de gagner la partie, pourquoi sont-ils opposés au principe d'une question claire avec des règles claires d'interprétation et un contexte clair? Pourquoi veut-on tromper les gens si on est si sûrs de cela? René Lévesque doit se retourner dans sa tombe.

[Traduction]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur cette motion.

[Français]

Je vous remercie de me donner l'occasion d'avoir la parole sur ce sujet qui est très important pour tout le monde, le sujet de l'autodétermination.

[Traduction]

Bien sûr, la capacité d'un peuple de décider librement de son avenir est une question importante pour tous les Canadiens et je l'appuie en principe. C'est justement sur l'application de ce principe que nous devons nous arrêter.

Quand un membre d'une famille décide d'un plan d'action pouvant avoir des répercussions importantes sur les autres membres, il est essentiel que les répercussions soient examinées soigneusement. Je suis heureux de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de faire cet examen.

Comme j'ai pu me pencher sur des questions touchant les peuples autochtones, je suis particulièrement préoccupé par la motion, en général, et par l'idée d'un consensus, en particulier.

Qu'en est-il des peuples autochtones du Québec? Une grande partie du nord du Québec est un territoire traditionnellement occupé par des Cris et des Inuit. Environ 15 000 kilomètres carrés du nord de la province sont exclusivement réservés à des peuples autochtones. Par peuples autochtones du Québec, on entend notamment les Inuit, les Cris, les Micmacs, les Malecites, les Algonquins, les Hurons, les Montagnais, les Abénaquis, les Attikameks, les Naskapis et les Mohawk.

Ces peuples doivent absolument connaître les plans que le député et son parti envisagent pour eux, qui occupent traditionnellement les territoires en question. Le libellé de la motion est très général et ambigu. Quels plans feront l'objet de négociations et de discussions avec les peuples autochtones avant et pendant la période où le peuple québécois décidera «librement de son avenir»?

La Loi de l'extension des frontières de Québec de 1912 stipulait que la province devait reconnaître les droits des Indiens de la même manière que le Gouvernement du Canada avait reconnu ces droits. Elle prévoyait aussi que la tutelle des Indiens habitant dans le territoire et l'administration des terres réservées à leur usage restaient à la charge du Gouvernement du Canada. Le Bloc québécois prévoit-il toujours maintenir les principes énoncés ici ou prévoit-il essayer de nier les droits des autochtones du nord du Québec?

Que dire de la position adoptée par les Cris du Québec? Lors du dernier référendum, ils ont pris pour position qu'ils avaient le droit de garder leur territoire au sein du Canada. Cela va au centre de l'une des difficultés que présente la motion. Elle soutient le droit à l'autodétermination pour les Québécois, mais on doit sûrement pouvoir en dire autant pour les peuples autochtones établis au Québec.

Soutenir le droit à l'autodétermination pour le Québec en général et nier ce droit aux autochtones vivant à l'intérieur des frontières du Québec, c'est non seulement contradictoire mais cela ramène le ton des relations avec les autochtones à une époque où, sûrement, aucun des députés à la Chambre ne veut retourner.

La motion invoque le concept ambigu de consensus.

 

. 1715 + -

Comment le député peut-il au juste concilier ce concept avec la notion d'autonomie gouvernementale? La Commission royale sur les peuples autochtones écrit:

    Le droit à l'autodétermination existe pour tous les peuples autochtones du Canada: Premières nations, Inuit et Métis. Il procède des normes émergentes du droit international et des principes fondamentaux de moralité publique. En vertu de ce droit, les peuples autochtones sont autorisés à négocier librement les conditions de leur relation avec le Canada et à se doter des structures gouvernementales qu'ils jugent appropriées à leurs besoins.

Comment cette notion tient-elle compte de l'autodétermination des autochtones?

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Comme il est 17 h 15, je dois interrompre les délibérations et mettre aux voix sur-le-champ toutes les questions nécessaires pour terminer l'étude des crédits.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Convoquez les députés.

 

. 1745 + -

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

Vote no 70

POUR

Députés

Alarie Asselin Bachand (Richmond – Arthabaska) Bachand (Saint - Jean)
Bellehumeur Bergeron Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) Bigras
Borotsik Brien Brison Charest
Chrétien (Frontenac – Mégantic) Crête Dalphond - Guiral de Savoye
Debien Doyle Dubé (Madawaska – Restigouche) Duceppe
Dumas Fournier Gagnon Gauthier
Girard - Bujold Godin (Châteauguay) Guay Guimond
Harvey Herron Jones Keddy (South Shore)
Lalonde Laurin Lebel Lefebvre
Loubier MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Marceau Matthews
Ménard Mercier Muise Perron
Picard (Drummond) Plamondon Power Price
Rocheleau Sauvageau St - Hilaire Tremblay (Rimouski – Mitis)
Turp Wayne  – 54


CONTRE

Députés

Abbott Ablonczy Adams Alcock
Anders Anderson Assadourian Augustine
Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) Axworthy (Winnipeg South Centre) Bailey Baker
Bakopanos Beaumier Bélair Bellemare
Bennett Bevilacqua Blaikie Blondin - Andrew
Bonin Bonwick Boudria Bradshaw
Breitkreuz (Yellowhead) Breitkreuz (Yorkton – Melville) Brown Bryden
Bulte Byrne Cadman Calder
Cannis Caplan Carroll Casson
Catterall Chamberlain Chan Charbonneau
Chatters Chrétien (Saint - Maurice) Clouthier Coderre
Cohen Collenette Copps Cullen
Cummins Davies DeVillers Dhaliwal
Dion Discepola Drouin Duhamel
Duncan Earle Easter Eggleton
Elley Epp Finestone Finlay
Folco Fontana Forseth Fry
Gagliano Gallaway Gilmour Godfrey
Godin (Acadie – Bathurst) Goodale Gouk Graham
Gray (Windsor West) Grewal Grey (Edmonton North) Guarnieri
Hanger Harb Hardy Harris
Hart Harvard Hill (Prince George – Peace River) Hilstrom
Hoeppner Hubbard Ianno Jackson
Jaffer Jennings Johnston Jordan
Karetak - Lindell Karygiannis Kenney (Calgary - Sud - Est) Keyes
Kilger (Stormont – Dundas) Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson Kraft Sloan
Laliberte Lastewka Lavigne Lee
Leung Lincoln Lowther Lunn
MacAulay Malhi Maloney Manley
Manning Marchi Mark Martin (Esquimalt – Juan de Fuca)
Martin (LaSalle – Émard) Martin (Winnipeg Centre) Mayfield McCormick
McDonough McGuire McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West)
McNally McTeague McWhinney Meredith
Mifflin Mills (Broadview – Greenwood) Mills (Red Deer) Minna
Mitchell Morrison Murray Myers
Nault Normand Nystrom Obhrai
O'Brien (London – Fanshawe) O'Reilly Pagtakhan Pankiw
Paradis Parrish Patry Penson
Peric Peterson Pettigrew Phinney
Pickard (Kent – Essex) Pillitteri Proctor Proud
Provenzano Ramsay Redman Reed
Reynolds Richardson Ritz Robillard
Rock Saada Schmidt Scott (Fredericton)
Scott (Skeena) Serré Shepherd Solberg
Solomon Speller St. Denis Steckle
Stewart (Brant) Stewart (Northumberland) Stinson St - Julien
Strahl Szabo Telegdi Thibeault
Thompson (Wild Rose) Torsney Ur Valeri
Vanclief Volpe Wappel Wasylycia - Leis
Whelan White (Langley – Abbotsford) Wilfert Williams
Wood – 201


«PAIRÉS»

Députés

Bertrand Canuel Desrochers Dubé (Lévis)
Longfield Marleau O'Brien (Labrador) Pratt
Tremblay (Lac - Saint - Jean) Venne


 

Le Président: Je déclare l'amendement rejeté.

 

. 1750 + -

Le vote porte maintenant sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

 

. 1755 + -

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

Vote no 71

POUR

Députés

Alarie Asselin Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) Bachand (Richmond – Arthabaska)
Bachand (Saint - Jean) Bellehumeur Bergeron Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok)
Bigras Blaikie Borotsik Brien
Brison Charest Chrétien (Frontenac – Mégantic) Crête
Dalphond - Guiral Davies de Savoye Debien
Doyle Dubé (Madawaska – Restigouche) Duceppe Dumas
Earle Fournier Gagnon Gauthier
Girard - Bujold Godin (Acadie – Bathurst) Godin (Châteauguay) Guay
Guimond Hardy Harvey Herron
Jones Keddy (South Shore) Laliberte Lalonde
Laurin Lebel Lefebvre Loubier
MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) Marceau Martin (Winnipeg Centre) Matthews
McDonough Ménard Mercier Muise
Nystrom Perron Picard (Drummond) Plamondon
Power Price Proctor Rocheleau
Sauvageau Solomon St - Hilaire Tremblay (Rimouski – Mitis)
Turp Wasylycia - Leis Wayne – 67


CONTRE

Députés

Abbott Ablonczy Adams Alcock
Anders Anderson Assadourian Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre) Bailey Baker Bakopanos
Beaumier Bélair Bellemare Bennett
Bevilacqua Blondin - Andrew Bonin Bonwick
Boudria Bradshaw Breitkreuz (Yellowhead) Breitkreuz (Yorkton – Melville)
Brown Bryden Bulte Byrne
Cadman Calder Cannis Caplan
Carroll Casson Catterall Chamberlain
Chan Charbonneau Chatters Chrétien (Saint - Maurice)
Clouthier Coderre Cohen Collenette
Copps Cullen Cummins DeVillers
Dhaliwal Dion Discepola Drouin
Duhamel Duncan Easter Eggleton
Elley Epp Finestone Finlay
Folco Fontana Forseth Fry
Gagliano Gallaway Gilmour Godfrey
Goodale Gouk Graham Gray (Windsor West)
Grewal Grey (Edmonton North) Guarnieri Harb
Harris Hart Harvard Hill (Prince George – Peace River)
Hilstrom Hoeppner Hubbard Ianno
Jackson Jaffer Jennings Johnston
Jordan Karetak - Lindell Karygiannis Kenney (Calgary - Sud - Est)
Keyes Kilger (Stormont – Dundas) Kilgour (Edmonton Southeast) Knutson
Kraft Sloan Lastewka Lavigne Lee
Leung Lincoln Lowther Lunn
MacAulay Malhi Maloney Manley
Manning Marchi Mark Martin (Esquimalt – Juan de Fuca)
Martin (LaSalle – Émard) Mayfield McCormick McGuire
McKay (Scarborough East) McLellan (Edmonton West) McNally McTeague
McWhinney Meredith Mifflin Mills (Broadview – Greenwood)
Mills (Red Deer) Minna Mitchell Morrison
Murray Myers Nault Normand
Obhrai O'Brien (London – Fanshawe) O'Reilly Pagtakhan
Pankiw Paradis Parrish Patry
Penson Peric Peterson Pettigrew
Phinney Pickard (Kent – Essex) Pillitteri Proud
Provenzano Ramsay Redman Reed
Reynolds Richardson Ritz Robillard
Rock Saada Schmidt Scott (Fredericton)
Scott (Skeena) Serré Shepherd Solberg
Speller St. Denis Steckle Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland) Stinson St - Julien Strahl
Szabo Telegdi Thibeault Thompson (Wild Rose)
Torsney Ur Valeri Vanclief
Volpe Wappel Whelan White (Langley – Abbotsford)
Wilfert Williams Wood – 187


«PAIRÉS»

Députés

Bertrand Canuel Desrochers Dubé (Lévis)
Longfield Marleau O'Brien (Labrador) Pratt
Tremblay (Lac - Saint - Jean) Venne


 

Le Président: Je déclare la motion rejetée.

 

. 1800 + -

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Monsieur le Président, je soulève la question de privilège. J'estime qu'un geste du député de Langley—Abbotsford a constitué une entrave et une menace dans l'exercice de mes fonctions de député.

Le député a fait un geste de colère envers moi et plusieurs de mes collègues en pointant le majeur de la main droite. Le député voudra peut-être présenter des excuses pour ce geste grossier et antiparlementaire.

Le Président: La présidence pourrait difficilement faire des vérifications dans le hansard, car ce genre de chose n'est pas consigné. Je n'ai rien vu.

J'espère que les députés s'abstiendront de tout geste qui peut choquer certains de leurs collègues. Je dois dire que les privilèges ne sont pas en cause, mais j'invite tous les députés à faire preuve de la plus grande courtoisie en tout temps.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR L'ARBITRAGE DES PROPOSITIONS FINALES DANS LES OPÉRATIONS DES PORTS DE LA CÔTE OUEST

 

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.) propose: Que le projet de loi C-233, Loi portant règlement des conflits de travail dans les ports de la côte ouest par arbitrage des propositions finales, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de participer au débat sur mon projet de loi, le C-233, qui prévoit un mécanisme permettant de prévenir des grèves et des lock-out coûteux dans les ports de la côte ouest.

En 1994, l'une des premières mesures urgentes que les nouveaux députés ont dû étudier découlait d'un arrêt de travail dans les ports de la côte ouest. Le Parti réformiste a toujours estimé que, lorsque des différends surgissent dans le secteur des transports ou les ports, ce sont les usagers, des tiers qui n'ont rien à y voir, qui finissent par écoper. Depuis notre arrivée, il y a quatre ans, il y a eu trois fois des arrêts de travail dans ces secteurs qui ont nécessité une loi de retour au travail.

En février 1994, le différend entre la British Columbia Maritime Employers Association et l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union a fermé les ports de la côte ouest pendant près de deux semaines. Un an plus tard, en mars 1995, le Parlement a été appelé à mettre fin à un conflit entre les contremaîtres affiliés à ce même syndicat et la Maritime Employers Association. Ce groupe n'avait pas sitôt reçu l'ordre de reprendre le travail que nous avons été appelés à adopter un autre projet de loi pour mettre un terme à un arrêt de travail, cette fois-là dans le secteur ferroviaire.

Chaque fois, le Parti réformiste a pressé le gouvernement d'agir promptement pour protéger le gagne-pain des usagers. Au lieu de traiter chaque interruption de travail de façon spéciale, il serait plus logique de régler d'avance tous les conflits potentiels en établissant une démarche appelée arbitrage des propositions finales.

 

. 1805 + -

Toutefois, le gouvernement ne voit pas la nécessité d'une solution permanente. Pour quelque raison absurde, il rate toutes les occasions de résoudre le problème une bonne fois pour toutes en fournissant aux deux camps les outils qu'il leur faut pour résoudre leurs différends. Au lieu de cela, le gouvernement préfère régler les conflits de travail à la pièce. Cela n'est nulle part plus évident que dans le projet de loi sur le travail qui attend maintenant d'être lu pour la deuxième fois.

En dépit du fait que le Code canadien du travail vise seulement 10 p. 100 de la main-d'oeuvre du Canada, un arrêt de travail dans n'importe quel milieu de travail réglementé par le fédéral a une incidence immédiate, profonde et durable sur tout le pays.

Compte tenu du caractère unique du régime fédéral, des sources de rechange ne sont pas souvent disponibles. Il est dans l'intérêt de tous les Canadiens que nous ayons un accès sûr aux services essentiels, pour garder les emplois à l'intérieur de nos frontières et pur établir et maintenir une réputation internationale en tant qu'exportateur de biens.

Notre réputation d'exportateurs et d'expéditeurs fiables reçoit un dur coup chaque fois que des arrêts de travail surviennent dans le secteur vital des transports et des ports. Comme dans le cas d'un boxeur, plus les coups sont fréquents et prolongés, plus il faut de temps pour reprendre le dessus jusqu'au jour où le match est perdu.

En tant que pays commerçant, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du terrain. Aujourd'hui, les clients du monde entier doivent pouvoir compter sur un approvisionnement stable et fiable de marchandises. Dans un bon environnement de travail, les employeurs et les employés doivent tous songer au coût d'une grève ou d'un lock-out.

Les employés devront abandonner leur salaire, vivre sur une maigre paye de grève et subir peut-être des difficultés financières. Les employeurs, par ailleurs, vont perdre des ventes et des revenus. Habituellement, ce sont là des incitatifs suffisamment puissants en faveur d'un règlement négocié.

Cependant, dans les secteurs économiques clés, cette garantie courante ne s'applique pas. Le fait de savoir qu'aucun arrêt de travail ne pourra durer doit être pris en considération dans le processus de négociation. Si elles ne peuvent atteindre leurs objectifs à la table de négociation, trop souvent, les parties à la négociation abandonnent et laissent le gouvernement fédéral et ses arbitres régler le différend à leur place. Malheureusement, ce ne sont pas les employeurs et les employés qui sont les véritables victimes de cette façon de procéder, mais bien les agriculteurs, les producteurs, les importateurs et les exportateurs canadiens.

Il est impossible de légiférer pour ordonner le maintien de saines relations de travail. Aussi, l'arbitrage des propositions finales donne aux parties visées les outils nécessaires pour résoudre leurs différends. Il ne privilégie aucune des parties.

Voici comment cela fonctionne. Si, et seulement si, le syndicat et l'employeur n'arrivent pas à s'entendre avant l'arrivée à échéance du dernier contrat de travail, ils présentent au ministre le nom d'une personne ou de personnes qu'ils recommandent conjointement comme arbitre ou comme membres d'un groupe d'arbitrage. Le syndicat et l'employeur doivent présenter à l'arbitre ou au groupe d'arbitrage une liste des questions encore en litige.

Pour ces dernières, chacune des parties doit faire une proposition finale de règlement. L'arbitre choisit ensuite entre la proposition finale du syndicat et celle de l'employeur; il choisit la position intégrale de l'une ou l'autre partie. La décision de l'arbitre lie les deux parties.

Il faut mettre en place un processus de règlement permanent et juste, qui ne soit pas soumis aux caprices du gouvernement. Les projets de loi ordonnant le retour au travail sont devenus trop prévisibles. Les parties patronales et syndicales comptent là-dessus. Une loi permanente établirait, pour les deux parties, des règles prévisibles ainsi qu'un échéancier à respecter pour les négociations.

Il faut réduire au minimum le risque pour les emplois canadiens. Si l'on ne peut résoudre ces différends, un nombre considérable d'emplois seront perdus dans le secteur des exportations, sans compter les emplois dans les ports qui seront sérieusement compromis lorsque l'on adoptera des solutions de remplacement pour acheminer les marchandises. Si l'on avait recours à des ports américains de la côte ouest qui sont plus fiables, le volume de marchandises à expédier diminuerait et il y aurait des pertes d'emplois dans les ports de la Colombie-Britannique.

Il ne devrait pas y avoir d'arrêt de travail qui occasionne des coûts pour le gouvernement. S'il est vrai qu'une réglementation par les différents paliers de gouvernement est nécessaire, il est cependant inutile de mettre en place des mesures d'urgence chaque fois que des syndiqués et des employeurs ne s'entendent pas sur un accord satisfaisant. Le règlement des différends entre ces deux groupes peut se faire sans interrompre le déroulement normal des processus gouvernementaux.

 

. 1810 + -

Il ne s'agit pas de mettre fin au processus de négociation collective, mais de l'améliorer. Toutes les fois que l'on a recours à une loi de retour au travail, on usurpe le processus de négociation collective.

L'arbitrage des propositions finales n'est pas un nouveau concept. En fait, le gouvernement y a eu recours pour régler le conflit des débardeurs en 1994. À ce moment-là, le ministre du Développement des ressources humaines a déclaré:

    L'imposition du règlement par arbitrage des offres finales devrait amener les deux parties à faire preuve d'une bonne dose de rationalité au moment d'arrêter la position qu'elles entendent défendre devant l'arbitre.

C'est ce que nous disons depuis le début.

Même le gouvernement Mulroney a reconnu les avantages des propositions finales. En effet, il a prévu, dans la Loi sur les transports nationaux de 1987, un mécanisme de règlement des différends relatifs aux prix entre expéditeurs et chemins de fer. Un rédacteur s'intéressant aux transports a décrit cela comme un très utile précédent pour les expéditeurs utilisant les chemins de fer, en ce sens qu'il confirme l'existence d'un recours peu coûteux et expéditif lorsque les fabricants ou les producteurs sont insatisfaits des tarifs de fret.

Le problème, c'est qu'aucun gouvernement n'a encore voulu ajouter l'arbitrage des propositions finales au Code canadien du travail à titre de mécanisme permanent de règlement des différends. La meilleure solution qu'a trouvée le gouvernement est une demi-mesure, proposée dans le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code du travail, qui forcerait les manutentionnaires de grain et les débardeurs à franchir les lignes de piquetage de leurs collègues pour veiller à ce que le grain se trouvant dans le port soit chargé à bord des navires.

Au moment où le Parlement est intervenu en 1994 dans le différend entre la British Columbia Maritime Employers Association et l'International Longshoremen's dans Warehousemen's Union, l'arrêt de travail avait coûté, selon les estimations, 250 millions de dollars en coûts indirects, et il risquait d'entraîner la perte de ventes de 500 millions de dollars. En période de prospérité, c'est un dur coup pour l'économie. En cas de récession, c'est dévastateur.

En ce moment, malgré les difficultés que connaît le dollar canadien et la récente hausse du taux de chômage, les analystes estiment que l'économie est vigoureuse. Pourtant, une grève ou un lock-out prolongés dans les chemins de fer pourraient sérieusement compromettre la reprise.

Les céréales représentent 30 p. 100 du volume du fret au port de Vancouver. L'importance des céréales n'est donc plus à démontrer et je suis le premier à admettre que les céréaliculteurs ont subi plus que leur lot de pertes en raison de conflits de travail contre lesquels ils restent impuissants.

Le ministre était à Vancouver le mois dernier pour supplier les agriculteurs d'appuyer son projet de loi, mais il n'a pas compris. Les agriculteurs ne veulent pas être l'enjeu des conflits de travail des autres. Ils ont déjà assez de difficultés à surmonter entre les conditions météorologiques et la commission du blé.

Encore une fois, la menace d'une grève dans les chemins de fer plane sur nos têtes. En mars 1995, le Parlement a adopté une loi de retour au travail qui imposait aux parties un contrat de travail de deux ans, qui se termine le 31 décembre 1997. Une grève nationale du chemin de fer le printemps prochain n'est pas à exclure. Les négociations avec les 6 500 employés du CN ont été rompues en fin de semaine dernière en dépit de la présence d'un conciliateur fédéral. Un vote de grève est très possible.

La solution que le gouvernement propose aux problèmes des agriculteurs restera sans effet s'il y a une grève du rail. L'arbitrage des propositions finales, tel que décrit dans le projet de loi, donnerait aux agriculteurs, aux producteurs, aux importateurs et aux exportateurs qui utilisent les ports de la côte ouest l'assurance que leurs produits arriveraient chez les consommateurs.

L'arbitrage des propositions finales n'est pas discriminatoire. Ce système ne privilégie aucun produit au détriment d'un autre, contrairement à ce que les libéraux proposent dans leur projet de modification au Code canadien du travail. Le projet de loi est juste envers les importateurs frappés de plein fouet par la dégringolade du dollar canadien. Il est juste pour les céréaliculteurs qui, grâce aux bons offices de la Commission canadienne du blé, ont beaucoup de difficulté à vendre leur grain. Ils méritent qu'on les soustraie à la menace permanente des grèves et des lock-out et à l'incertitude que cela crée. Le projet de loi est juste pour les producteurs et les exportateurs qui expédient leurs produits par les ports de la côte ouest.

 

. 1815 + -

Le temps est venu d'inclure l'arbitrage des propositions finales comme mécanisme permanent de règlement des différends dans le Code canadien du travail.

Mme Brenda Chamberlain (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse de pouvoir participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-233.

J'ai lu le projet de loi de mon collègue avec intérêt et je suis surprise du manque d'équilibre qu'on y constate. Je sais que mon collègue s'efforce toujours de trouver de bonnes solutions. Cependant, j'ai du mal à comprendre pourquoi le député d'en face propose une approche aussi rigide et mécanique en matière de relations de travail, surtout à une époque où la situation économique évolue si rapidement au Canada et ailleurs dans le monde qu'il faut trouver des solutions imaginatives aux problèmes difficiles.

La négociation collective libre et juste des conditions de travail est un des grands principes de nos relations industrielles au Canada. Les députés voudront savoir si le système est parfait. Ce à quoi je répondrai non, mais y a-t-il un système qui le soit?

Notre histoire et notre expérience nous ont montré que les négociations collectives ont bien servi les intérêts des travailleurs et du patronat, et donc ceux des Canadiens en général. La meilleure solution à tout conflit de travail est celle proposée par les parties concernées elles-mêmes, après des concessions de part et d'autre dans le cadre de négociations collectives. Le gouvernement pense que le système devrait demeurer ainsi, avec raison.

Nous nous félicitons de la liberté et de la démocratie dont notre société jouit. Dans une telle société, le gouvernement ne doit pas intervenir et imposer aux gens des solutions. Toutefois, il arrive que les intérêts du pays et le bien-être de l'ensemble de ses citoyens doivent passer avant les droits et libertés de divers groupes.

Personne ne dit le contraire, mais nous disposons déjà des moyens nécessaires pour assurer l'équilibre voulu entre les intérêts du pays et les droits des parties relevant du fédéral qui seraient aux prises avec un conflit de travail.

Le député d'en face acquiesce et me fait signe qu'il est d'accord.

Permettez-moi d'expliquer ce que je veux dire. Actuellement, s'il y a un conflit de travail dans un port, la partie I du Code canadien du travail donne au ministre et au gouvernement différents outils pour venir en aide aux parties. Le but est de faciliter les négociations, de manière à ce que les parties puissent s'entendre et signer un contrat de travail.

Tout d'abord, un agent de conciliation est mis à leur disposition pour les aider dans leurs négociations. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre à cette étape du processus, elles peuvent aussi obtenir l'aide d'un commissaire-conciliateur, au besoin. En tout temps, un médiateur peut être nommé pour faciliter le règlement des points en litige.

Comme les députés peuvent le constater, ce n'est pas l'aide qui manque pour permettre aux parties d'arriver à une entente.

Le préambule du Code canadien du travail est ainsi libellé:

    Les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations du travail fructueuses permettant d'établir de bonnes conditions de travail et de saines relations entre travailleurs et employeurs.

En d'autres termes, au Canada, nous reconnaissons que les syndicats ont amélioré l'existence de millions de leurs membres. Cela signifie que les syndicats ont un rôle important à jouer dans l'économie. Ils ont aussi un rôle important à jouer pour ce qui est de protéger les droits des travailleurs.

Lorsque le groupe de travail Sims a examiné la partie I du Code du travail, il a conclu que la libre négociation collective continue de servir nos intérêts sociaux et économiques.

Autrement dit, les avantages de la libre négociation collective l'emportent habituellement sur les inconvénients occasionnés par les grèves. Si je dis habituellement, c'est qu'il y aura toujours des cas où une grève cause des préjudices indus à l'économie. Je pense que c'est ce que le député de Wetaskiwin avait en tête lorsqu'il a rédigé ce projet de loi. Son parti représente principalement des circonscriptions rurales, où les intérêts agricoles ont une importance dominante. Si les ports ferment, les produits ne pourront pas parvenir à destination à l'étranger.

 

. 1820 + -

Les ports jouent un rôle crucial dans la distribution des produits au Canada et à l'étranger. Aussi, un arrêt de travail prolongé pourrait non seulement créer des difficultés économiques, mais nuire à la réputation de fiabilité du Canada en tant que partenaire commercial.

Je ne vais pas aborder cet aspect, surtout compte tenu des interventions législatives faites dans le passé. Il arrive parfois que l'intérêt national commande qu'on mette fin aux arrêts de travail et l'adoption de lois de retour au travail devient malheureusement nécessaire. Ce genre de loi prévoit, entre autres choses, un mécanisme de résolution des points en litige.

L'arbitrage des offres finales est l'un des nombreux mécanismes qui peuvent être choisis. L'arbitrage des offres finales peut être utile s'il est utilisé pour régler une seule question précise, par exemple le niveau des augmentations salariales. L'application de ce mécanisme à une gamme étendue de questions n'est cependant pas indiquée.

La faiblesse de l'arbitrage des offres finales tient au fait que l'arbitre retient la position d'une seule partie sur l'ensemble des questions. Supposons un conflit de travail où le syndicat demande la fin de l'impartition, une augmentation salariale horaire de 50 cents et l'adhésion à un régime de soins dentaires. La direction offre 25 cents de l'heure, aucun régime de soins dentaires et refuse de mettre fin à l'impartition.

Certains estiment que l'arbitrage des offres finales encourage le compromis, mais ce peut être l'inverse. Quand on sait que l'arbitrage des offres finales fera tout gagner à une partie et tout perdre à l'autre et que ce mécanisme repose sur des offres définitives, les parties ont de très bonnes raisons de demeurer sur leurs positions et de tenter leur chance.

De plus, l'arbitrage des offres finales ne permet pas de solution de compromis, par exemple une augmentation de 35 cents l'heure et l'adhésion à un régime de soins dentaires d'une part, et le maintien de l'impartition d'autre part. Ce serait peut-être la meilleure solution, mais cela ne se passe jamais ainsi. Une des parties obtient tout ce qu'elle veut et l'autre n'obtient rien. Plus le conflit est compliqué, plus la situation est difficile. dans Termium, ni dans le dictionnaire des relations de travail

Comment, par exemple, utiliser l'arbitrage des offres finales pour régler devant un tribunal des différends portant sur les mesures de dotation, les règles de répartition, les procédures de règlement des griefs ou les heures supplémentaires? Quand on tente de régler des conflits de travail complexes par l'arbitrage, une des parties en ressort inévitablement aigrie, et le ressentiment continue d'empoisonner le climat de travail par la suite. C'est un problème très grave.

Au lieu de la satisfaction qu'apporte le règlement des différends par le truchement d'une convention collective, l'arbitrage des offres finales peut engendrer une colère larvée qui finira tôt ou tard par éclater.

Il y a de meilleures solutions. Le projet de loi C-19 qui a été déposé à la Chambre actualise la partie I du Code canadien du travail et améliore le processus de négociation collective des entreprises sous réglementation fédérale. Il établit un juste équilibre entre les droits et les responsabilités des employeurs, des syndicats et des employés et il reflète l'évolution des relations de travail au pays. Il augmente la flexibilité et favorise la résolution des conflits.

Mon collègue dit «très bien», mais peut-être que c'est un pas en avant. Je pense que c'en est un.

Nous avons essayé d'établir un juste équilibre, et je pense que le projet de loi C-233 ne sert pas du tout nos intérêts. Au lieu de chercher à établir un équilibre, il renverse tout. Je demande instamment aux députés de la Chambre de voter contre le projet de loi C-233.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Madame la Présidente, si je comprends bien le projet de loi C-233, le ministre du Travail pourrait, sans soumettre la question à la Chambre, suspendre le droit de grève ou de lock-out dans les ports de la côte ouest, ou s'il y a déjà grève ou lock-out, ordonner à l'employeur de reprendre les opérations et aux employés de retourner au travail. Après quoi, tout sujet faisant encore l'objet d'un différend serait réglé par sélection de la proposition finale et la décision de l'arbitre serait exécutoire sans possibilité d'appel.

 

. 1825 + -

Cela semble simple. Ce projet de loi dit en fait que l'acheminement des biens vers le marché par les ports de la côte ouest est tellement critique pour le bien-être de la nation que les travailleurs dans ce secteur ne devraient pas avoir le droit de l'empêcher en cas de rupture des négociations.

Essentiellement, c'est ce que dit ce projet de loi. Je suis heureux de dire aujourd'hui, au nom du Nouveau Parti démocratique et au nom de tous les travailleurs pour qui la négociation collective constitue le seul recours et le seul espoir d'obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, que je suis contre ce projet de loi.

La droite essaie depuis des années d'ôter le droit de grève aux travailleurs. C'est une lutte permanente. Ce n'est qu'une des tentatives inquiétantes du Parti réformiste pour restreindre les droits des travailleurs. Je ne sais pas ce qui gêne tant les députés réformistes dans le droit des travailleurs à un salaire décent, mais projet de loi après projet de loi, motion après motion, ils essaient de leurs enlever leurs droits et libertés les plus fondamentaux, des droits et libertés qui avaient été instaurés dans l'intérêt de l'équité et de la justice pour les travailleurs de ce pays.

Depuis des temps immémoriaux, ceux qui n'ont pas de pouvoirs au sens traditionnel ont utilisé comme tactique le retrait de leurs services, ils s'en servent comme outil de négociation en vue d'obtenir des avantages sans violence. Dans la Grèce ancienne, l'histoire de Lysistrata nous rappelle que les femmes étaient tellement lasses des expéditions guerrières de leur mari qu'elles ont refusé leurs services d'épouse jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison. L'auteur nous dit qu'en peu de temps les toges des guerriers ont pris l'allure de tentes piquées dans le désert. Il ne fallut pas longtemps avant que l'action des femmes ne commence à avoir l'effet désiré. Les hommes acceptèrent les conseils des femmes et les choses revinrent graduellement à la normale, au grand soulagement de tous. C'est peut-être la première grève connue de toute l'histoire.

Ce que je veux faire ressortir, c'est que le refus de fournir ses services est un moyen légitime et pacifique de protestation. Cela fait partie des droits et libertés les plus fondamentaux des travailleurs. Le caucus du Nouveau Parti démocratique est opposé à toute mesure législative qui porterait atteinte à ce droit fondamental.

Lors de la récente grève des postes on a beaucoup entendu parler de cette sélection d'une des deux offres finales. Le porte-parole du Parti réformiste prétendait à l'époque que toute négociation future entre la Société canadienne des postes et le Syndicat des postiers du Canada devrait être réglée par sélection d'une offre finale. Il semble que ce parti voudrait tout régler de cette façon, car il a une grande confiance dans ce système.

Je ne veux désillusionner personne, mais il n'y a rien de magique dans l'arbitrage des propositions finales ni dans aucun type d'arbitrage d'une tierce partie ayant force obligatoire. Il n'y a certainement là rien de nouveau. En réalité, l'arbitrage des propositions finales présente un intérêt très limité pour ceux qui s'occupent des relations de travail, comme l'a si bien expliqué la secrétaire parlementaire du ministre du Travail. Cette solution comporte bien des limites lorsqu'il faut régler des négociations qui ont plongé dans une impasse.

Les négociateurs ont déjà la possibilité de recourir à l'arbitrage des propositions finales dans toutes les négociations où ils jugent cela pertinent. C'est donc un autre outil qui est à leur disposition et dont ils peuvent se servir. Nous n'avons toutefois pas besoin d'une loi pour préciser que nous pouvons volontairement recourir à une forme d'arbitrage exécutoire, car nous avons déjà cette possibilité.

Il est intéressant de signaler que l'arbitrage des propositions finales a vu le jour dans le milieu du base-ball professionnel, où il est encore largement utilisé de nos jours. Le milieu du base-ball ne s'apparente guère à un milieu industriel, mais il est intéressant d'examiner l'expérience des milieux sportifs professionnels.

La seule façon dont l'arbitrage des propositions finales peut être juste et utile, c'est si les éléments en litige sont très simples et peu compliqués, comme l'a expliqué la secrétaire parlementaire. Par exemple, si tout ce qui reste à régler, ce sont les considérations monétaires, il peut alors être utile de présenter ses propositions finales. L'arbitre choisira alors les propositions de l'une ou l'autre partie.

On s'entend généralement pour dire que l'arbitrage des propositions finales avantage nettement l'employeur lorsqu'il est question de considérations autres que monétaires. Ainsi, il serait fort peu probable que des travailleurs obtiennent des gains de nature non monétaire, par exemple, des modifications aux règles de travail, de nouveaux avantages, une disposition qui reconnaît le congé pour obligations familiales ou toute autre disposition qu'il serait difficile pour un arbitre d'évaluer en regard d'une offre monétaire de l'employeur.

Les arbitres, comme les juges, sont des êtres qui s'appuient sur les usages et les précédents. Ils hésitent à innover dans leurs décisions. Ils croient, et ils ont passablement raison, que c'est par la négociation que nous pouvons créer des modèles renouvelés et innovateurs de relations industrielles, et non par la voie de règlements imposés, quels qu'ils soient.

 

. 1830 + -

Par conséquent, dans un cas portant sur des questions non monétaires complexes, l'arbitre tranchera probablement en faveur de l'employeur. Les employés n'obtiendront jamais les dispositions importantes pour eux. Ayant perdu le droit de grève, ils ne peuvent plus exercer de pressions en privant l'employeur de leurs services.

J'ai essayé d'expliquer ce que je n'aime pas dans le principe de l'arbitrage des propositions finales. Je prendrai maintenant les quelques minutes qui me restent pour expliquer ce que je n'aime pas précisément dans le projet de loi C-233.

Dans ma province, le Manitoba, nous avons eu une loi sur l'arbitrage des propositions finales pendant un certain nombre d'années. En tant que spécialiste des relations de travail et représentant syndical, j'ai eu l'occasion non seulement d'appliquer scrupuleusement cette loi mais aussi de l'utiliser aux fins de mes propres négociations collectives.

Le fait est que, au Manitoba, on utilise très peu l'APF. Durant tout le temps où cette loi a été en vigueur, le conseil des relations de travail du Manitoba n'a reçu que 97 demandes à cette fin. De ces 97 demandes, sept seulement ont vraiment fait l'objet d'un processus d'APF par un arbitre. Quatre cas ont été tranchés en faveur de la proposition du syndicat et trois en faveur de l'employeur. Dans la grande majorité des cas, soit 72 en tout, la demande a été retirée parce que les parties sont retournées à la table des négociations et sont parvenues à un règlement satisfaisant par les voies classiques.

Cela illustre ma première critique à l'endroit du projet de loi C-233: nulle part, dans la mesure proposée, les parties ne sont encouragées à continuer à se rencontrer pour régler leurs différends une fois que le processus d'APF est commencé. Comme je le soulignais, au Manitoba, cela a mené à une entente satisfaisante dans la majorité des cas.

De plus, au Manitoba, l'employeur comme le syndicat peuvent faire une demande au ministre du Travail pour avoir recours au processus d'arbitrage de propositions finales. Le ministre demande alors un vote supervisé des employés de l'unité de négociation pour s'assurer qu'ils sont bien d'accord pour mettre fin à cette étape de la négociation par un tel processus.

Le projet de loi C-233 ne tient aucunement compte de l'avis des parties en cause. C'est le ministre compétent qui imposerait sa volonté aux deux parties engagées dans la négociation.

De plus, la loi du Manitoba précise que les parties ne peuvent demander l'APF que dans deux cas bien précis, c'est-à-dire soit entre 30 et 60 jours avant l'expiration d'une convention collective, ou après plus de 60 jours de grève. Ce processus a été établi dans une optique bien précise. On a reconnu qu'il était de beaucoup préférable pour les deux parties d'avoir recours au processus régulier de négociation libre dans la mesure du possible sans l'intervention d'une tierce partie.

Ainsi, ce n'est que si les deux parties se sont entendues sur le processus d'APF de 30 à 60 jours avant la fin de la convention collective ou si les deux parties sont en grève depuis plus de 60 jours que la loi s'applique.

Nous du Nouveau Parti démocratique ne voyons pas d'un très bon oeil une législation du travail qui impose des délais précis comme le fait le paragraphe 9(3) du projet de loi C-233. Non seulement ce projet de loi prévoit des délais précis, mais encore il impose des pénalités importantes à ceux qui ne les respectent pas. Nous croyons que c'est contraire aux dispositions relatives à la justice que la plupart des agents de relations de travail tentent d'atteindre. Dans ce sens, nous ne voyons pas d'un très bon oeil ni le ton, ni le contenu du paragraphe 9(3).

Bref, le projet de loi C-233 est une proposition dure et abusive qui a peu ou pas du tout de mérite dans le milieu des relations de travail démocratique des années 1990. Il est mal rédigé et comprend de nombreuses erreurs et omissions. Même s'il était mieux écrit, les députés de cette Chambre devraient le critiquer de toutes façons parce qu'il ne fait rien pour promouvoir la cause de l'harmonie des relations de travail au pays. Il pourrait affaiblir davantage les droits des travailleurs en leur enlevant leur droit le plus fondamental de refuser d'offrir un service à titre de mesure pacifique de négociation.

L'arbitrage des propositions finales est une stratégie peu utilisée en raison de ses piètres qualités et de sa valeur douteuse. C'est un processus auquel les parties peuvent déjà avoir recours, mais l'imposition d'un projet de loi aussi rigide que le projet de loi C-233 n'est pas du tout justifiée.

M. Jim Gouk (West Kootenay—Okanagan, Réf.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de loi C-233, car je sais que mon collègue de Wetaskiwin a consacré beaucoup d'énergie et de temps à ce problème, non seulement en ce qui a trait aux ports de la côte ouest mais également en vue d'autres dossiers qui pourraient être réglés par ce moyen.

 

. 1835 + -

La secrétaire parlementaire du ministre du Travail a dit qu'elle avait du mal à comprendre cette mesure. Je vais donc m'efforcer d'apporter quelques explications qui soient de nature à éclairer sa lanterne.

Elle a prétendu que l'arbitrage des propositions finales est un processus par trop partial et qu'il y a toujours une des deux parties qui est mécontente du règlement. Elle devrait demander aux membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes ce qu'ils pensent de la méthode de règlement employée par son gouvernement. Elle devrait les interroger sur leur degré de satisfaction de cette autre méthode.

Elle aura sans doute encore plus de mal à comprendre la teneur des propos du député néo-démocrate qui m'a précédé. Il a évoqué un complot de la droite dirigée par le Partie réformiste. Il a également mentionné que l'arbitrage des propositions finales était en vigueur depuis plusieurs années au Manitoba. Il s'est bien gardé de dire que c'était l'oeuvre du gouvernement néo-démocrate qui est plutôt de la gauche, à ce que je sache. Il n'est pas droite comme le Parti réformiste.

Cette méthode a été employée par le Parti conservateur. Les députés de ce parti siègent à la droite des réformistes à la Chambre. Les néo-démocrates qui occupent l'extrême gauche de la Chambre prétendent que c'est un terrible complot de la droite, alors qu'ils y ont eu recours. C'est le Parti conservateur, dont les députés siègent à la droite des réformistes, qui s'en est débarrassé. Pour sûr, si la secrétaire parlementaire avait du mal à comprendre tout à l'heure, elle doit maintenant être complètement perdue.

Il y a lieu de corriger un certain nombre de fausses impressions. Ce n'est pas la première fois que le député néo-démocrate, comme bien d'autres, use de cette tactique. Je veux parler du vieux préjugé selon lequel le Parti réformiste tente constamment, par le truchement de projets de loi comme le C-233, de priver les travailleurs de leur droit à la libre négociation collective.

À l'instar de la secrétaire parlementaire du ministre du Travail, je ne peux comprendre ce qu'il pense au juste de la négociation collective, lui qui dit avoir participé à ce type de négociations pendant un certain nombre d'années. Les grèves et les lock-outs ne font pas partie de la négociation collective. Ce sont les résultats de l'échec de la négociation collective.

La négociation collective comprend trois choses: la négociation, la conciliation et la médiation. Lorsque ces mécanismes échouent, l'entreprise met les travailleurs en lock-out ou les travailleurs refusent d'offrir leurs services. Il n'est plus question de négociation collective. C'est plutôt l'échec d'une négociation collective.

La grève ou le lock-out est un mécanisme de règlement des différends. C'est une forme de coercition qu'une partie utilise contre l'autre pour la forcer à reprendre l'un des trois véritables éléments de la négociation collective: la négociation, la conciliation ou la médiation. C'est cela la négociation collective. Nous n'avons pas l'intention de retirer à qui que ce soit le droit à la négociation collective.

Les deux députés qui se sont opposés à ce projet de loi ont laissé entendre qu'on ne devrait avoir recours que rarement à l'arbitrage des propositions finales. Prenons le cas de la Société canadienne des postes que les deux députés ont mentionné. Il y a eu une grève en 1987 et le gouvernement a adopté une loi de retour au travail. La grève suivante a été en 1991 et là encore, le gouvernement a adopté une loi de retour au travail. La dernière grève a été en 1997 et le gouvernement a utilisé la même tactique. On peut constater un scénario répétitif, n'est-ce pas?

Au début des années 70, on a eu la première grève dans le secteur du trafic aérien. Le gouvernement a adopté une loi de retour au travail. La deuxième fois, les travailleurs ont tenu un vote de grève. Ils n'avaient même pas encore déclenché la grève que le gouvernement a adopté une loi de retour au travail pour leur imposer un règlement. Cela ne réjouit pas la partie en cause. Et la secrétaire parlementaire du ministre craignait que l'arbitrage des propositions finales n'entraîne une certaine amertume chez l'une des deux parties. J'étais contrôleur aérien à l'époque et je peux lui dire que les méthodes du gouvernement ont considérablement irrité une partie.

Une grève dans les ports a ensuite paralysé le pays en 1994. Le gouvernement a adopté une loi de retour au travail. Il y a eu une grève des chemins de fer en 1995 et le gouvernement a de nouveau légiféré le retour au travail. Le gouvernement a l'habitude d'intervenir dans les conflits de travail au Canada.

Nous sommes donc confrontés à un problème. Nous avons déjà entendu combien la grève dans les ports a coûté. Pour sa part, la dernière grève des postes a entraîné une perte de recettes pour la Société canadienne des postes et une perte de salaires pour les employés. Le NPD s'inquiète beaucoup des droits des travailleurs, mais de nombreux travailleurs ont été ruinés financièrement par suite de la perte de leurs salaires. Le syndicat a perdu énormément d'argent parce qu'il a dû verser des indemnités de grève et assumer le coût des négociations qu'exige le processus.

 

. 1840 + -

Les organisations de bienfaisance et les entreprises qui dépendent des envois postaux ont conjointement perdu de un à deux milliards de dollars, au cours de la dernière grève, parce que le gouvernement a tardé à agir promptement. Il n'avait prévu aucun mécanisme comme celui que propose mon collègue dans le projet de loi C-233 concernant les arrêts de travail dans les ports de la côte ouest.

Dans le port de Vancouver, en Colombie-Britannique d'où je viens, nous avions l'habitude d'expédier du grain, ainsi que de grande quantité de potasse. Une grande partie des expéditions de potasse de la Saskatchewan ne passent plus par Vancouver, mais bien par Portland, en Oregon. Les responsables du port de Portland, en Oregon, ont demandé à traiter ces expéditions, parce qu'ils construiraient des installations et qu'ils verraient à ce que les délais de livraison soient respectés.

On éprouvait de plus en plus de mal à faire du commerce à l'échelle internationale, parce que le gouvernement n'avait prévu aucun mécanisme de règlement équitable pour les deux parties. Comment peut-on être partial quand les deux parties ont autant de pouvoir l'une que l'autre, ni plus ni moins?

Le député néo-démocrate a dit que la situation était terrible du fait qu'elle empêche les deux parties d'en arriver à un règlement. Elles peuvent se mettre d'accord sur une même proposition. Elles peuvent dire qu'elles n'avaient pas l'intention d'aller si loin. Il leur suffit d'aller voir l'arbitre qui rend la décision pour lui présenter une proposition conjointe et le tour est joué.

En fait, ce processus fait comprendre aux employeurs et aux employés que si leurs demandes sont excessives et celles de l'autre partie ne le sont pas, ils perdront. C'est la bonne façon de fonctionner. C'est juste et raisonnable.

Dans le système actuel, les travailleurs perdent leur salaire, l'entreprise perd des recettes, ce qui fait que les travailleurs et l'entreprise y perdent tous les deux; cela coûte des emplois et nuit à l'économie nationale.

Dans le cas du port dont nous avons parlé, les répercussions s'en sont fait sentir jusque chez les céréaliers des Prairies. Dans ma circonscription, à 400 milles du port de la Colombie-Britannique, il y a une fonderie qui a pratiquement dû fermer ses portes parce que tout le minerai était retenu au port.

On ne peut laisser continuer pareille chose. Si le gouvernement pense que nous pouvons avoir un système qui permet simplement aux gens d'entrer bon gré mal gré en grève, ce qui a un effet dévastateur sur l'économie nationale et sur des travailleurs qui n'ont absolument rien à voir avec le secteur en conflit, il lui faut revoir ses priorités.

Un dépanneur dont les employés réclament une augmentation d'un dollar en menaçant de déclencher une grève refuse et leur offre plutôt une augmentation de 50¢ seulement, et les travailleurs se mettent en grève. Quelle conséquence cela a-t-il? Il s'agit d'un conflit économique entre un employeur et ses employés.

Qui d'autre en souffre? Cela peut déranger quelques-uns des voisins qui devront faire leurs achats ailleurs. Les familles des employés en souffriront, mais il s'agit d'un impact lié directement à l'emploi des membres de ces familles. Il peut y avoir de légères répercussions économiques dans la région s'il s'agit d'un grand magasin. Mais surtout, les répercussions s'en font sentir sur les lieux de travail.

Dans le cas du port de Vancouver, les répercussions peuvent s'en faire sentir à une distance de 2 000 milles chez des gens qui n'ont absolument rien à voir avec le port, chez des milliers de personnes travaillant dans toutes sortes de secteurs différents, comme l'agriculture ou d'autres entreprises éparpillées d'un bout à l'autre du pays. L'État a non seulement le droit, mais le devoir d'intervenir.

La mesure à l'étude tâche de remédier à un problème réel que le gouvernement a déjà reconnu lui-même en intervenant à plusieurs reprises dans l'intérêt national quand ce genre de situation s'est présentée.

Il est temps maintenant que le gouvernement reconnaisse que l'ancien système ne fonctionne pas dans l'intérêt des Canadiens et dise qu'il est temps de provoquer une légère évolution en matière de négociation collective.

La négociation collective continuera d'exister. Nous ne ferons que mettre en place un mécanisme plus efficace de règlement final des conflits de travail. Si le gouvernement ne peut pas s'en rendre compte, qu'il cède la place à quelqu'un d'autre qui saura le faire.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté certaines observations de la secrétaire parlementaire et celles du porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de travail. Il faut corriger des idées fausses qu'ils ont en regard de ce processus.

La secrétaire parlementaire a dit que, à son avis, des négociations collectives justes et libres ont toujours été le meilleur moyen d'en arriver à un règlement, ou quelque chose du genre.

 

. 1845 + -

Nous sommes certes d'accord. Nous ne préconisons pas du tout ici une approche très sévère. Ce qui est le plus important ici, c'est que ce processus s'applique également à l'employeur et à l'employé. C'est un outil que tous deux peuvent utiliser également.

Comme je l'ai déjà dit maintes fois à la Chambre, je crois que l'arbitrage des propositions finales remplacerait une loi très sévère de retour au travail. Je vois cela comme un réel progrès.

La loi de retour au travail est devenue une sorte de béquille à cause de laquelle le patronat et les syndicats ne se sentent pas vraiment obligés de négocier franchement et de s'efforcer réellement de régler eux-mêmes leurs différends. Il vaut évidemment mieux que les parties règlent elles-mêmes leurs différends.

Ce que nous offrons ici comme dernière mesure est l'arbitrage des propositions finales qui éviterait le traumatisme, pour ainsi dire, d'une grève ou d'un lock-out suivi d'une loi de retour au travail.

C'est un outil que les deux parties peuvent utiliser également. Si cela avait force de loi, je crois que les deux parties comprendraient que c'est la dernière mesure et elles négocieraient en conséquence. Elles passeraient tout de suite aux derniers éléments de l'affaire.

Mon collègue néo-démocrate a fait état de l'utilisation de l'arbitrage des propositions finales au Manitoba. La loi étant en place, 93 des 97 cas se sont résolus d'eux-mêmes parce que les parties en sont venues à une entente. C'est exactement ce que nous souhaitons qu'il arrive. Dans les 4 à 5 p. 100 des cas où elles ne peuvent pas en arriver à une entente, quelqu'un doit le faire à leur place.

Mon collègue réformiste de la Colombie-Britannique a fait valoir un excellent point. Quand il y a un arrêt de travail chez un épicier local, qu'il s'agisse d'une grève ou d'un lockout, quelques familles qui aiment s'y approvisionner en souffrent, au même titre que les employés et l'épicier. La population de la ville ne crève pas de faim parce qu'elle peut s'approvisionner ailleurs.

Les Canadiens, ceux de l'Ouest notamment, n'ont pas de solution de rechange au port de la côte Ouest. Il n'y a pas d'autre port, et les dirigeants du port de la côte Ouest le savent pertinemment. Ce n'est pas un coïncidence que ces arrêts de travail aient lieu au moment de l'année où les agriculteurs de l'Ouest tentent de vendre leur grain en passant par le port.

La secrétaire parlementaire dit que ce processus ne marchera pas. Au contraire, une foule de précédents dans l'histoire du Canada montrent qu'il marche. Quand le gouvernement adopte des lois de retour au travail, les employés retournent au travail à contrecoeur. Rien n'est réglé. Les problèmes qui ne sont pas réglés doivent l'être et, bien souvent, ils le sont à l'aide de la même méthode que nous proposons maintenant.

Il est des plus regrettables que cette motion ne puisse faire l'objet d'un vote. J'aurais été très heureux qu'elle soit mise aux voix pour voir le résultat du vote.

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Comme aucun autre député ne demande à intervenir dans le débat et que la motion n'est pas désignée comme pouvant faire l'objet d'un vote, la période réservée à l'étude des initiatives parlementaires étant maintenant écoulée, l'article est rayé du Feuilleton.

Y a-t-il consentement unanime pour que la Chambre passe tout de suite au débat sur la motion d'ajournement puisque nous sommes en avance de 10 minutes sur la période consacrée au débat sur la motion d'ajournement?

Des voix: D'accord.



MOTION D'AJOURNEMENT

 

. 1850 + -

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ÉDUCATION

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Madame la Présidente, le 22 octobre, j'ai demandé au ministre du Développement des ressources humaines si le gouvernement libéral allait redonner de l'espoir aux jeunes Canadiens en rendant l'accès à l'éducation postsecondaire une priorité.

Il m'a répondu qu'il allait offrir le plus large éventail possible aux jeunes. La seule option qu'il semble offrir, ce sont des frais de scolarité exorbitants et un avenir rempli d'insécurité pour nos jeunes.

Ce gouvernement n'en fait pas assez pour nos jeunes. Durant les quatre dernières années, tous les Canadiens ont souffert en raison des coupures du gouvernement libéral. Parmi les plus touchés par ces mesures insensibles des libéraux furent les jeunes Canadiens qui se retrouvent en moyenne avec une dette de 25 000 $ en sortant des institutions postsecondaires. Comme si ces dettes incroyables n'étaient pas assez, ces jeunes se retrouvent sans emploi avec un taux de chômage s'élevant à 16,5 p. 100.

Depuis que le gouvernement a mis en vigueur sa Stratégie Emploi-Jeunesse, il y a 48 300 jeunes chômeurs de plus. Clairement, les libéraux ont manqué le bateau en ce qui a trait aux jeunes Canadiens.

La situation est tellement critique, que 78 p. 100 des jeunes Québécois croient que la pauvreté au sein de notre société a augmenté. La majorité d'entre eux pense même que le pire est à venir. Ce gouvernement a enlevé à nos jeunes la chose la plus importante pour assurer leur réussite, leur espoir.

De plus, l'inégalité dans notre société s'accroît de jour en jour. Une minorité de gens bénéficient de la nouvelle économie globale, tandis que la plupart d'entre nous vivons dans l'insécurité. Cette insécurité se fait ressentir particulièrement chez nos jeunes. Un taux de chômage élevé, un système d'éducation qui est inaccessible, sauf pour les riches, un manque d'espoir et un grand sentiment d'insécurité, voilà ce que les libéraux ont donné à nos jeunes.

Les jeunes Canadiens sont la marque de notre avenir. Un investissement dans nos jeunes se traduit par un avenir prometteur pour tous les Canadiens. C'est pourquoi nous avons besoin de financer le système d'éducation postsecondaire. De plus grandes ressources monétaires pour l'éducation postsecondaire signifient une meilleure éducation pour nos jeunes et un système accessible à tout le monde.

J'ai rencontré, la semaine dernière, de jeunes étudiants du Nouveau-Brunswick. Ils sont gravement préoccupés par l'exode vers l'Ouest de nos jeunes de l'Atlantique qui ont de la difficulté à trouver de l'emploi dans leur région. Comme tout le monde, le fardeau de la dette exorbitant est aussi une de leurs préoccupations majeures.

Ce gouvernement doit commencer à écouter les jeunes et à répondre à leurs attentes et à leurs inquiétudes. Les programmes du gouvernement, tels que la Bourse du millénaire, doivent venir en aide à ceux qui en ont besoin. Mais encore plus, le gouvernement doit venir en aide à tous les jeunes Canadiens et Canadiennes en augmentant les transferts aux provinces afin d'assurer que les frais de scolarité restent à un niveau raisonnable.

Les actions du gouvernement libéral ont démontré qu'ils sont plus préoccupés par les intérêts des grosses compagnies que par l'avenir de nos jeunes. Nous avons besoin d'un gouvernement qui fera de la jeunesse canadienne une priorité, qui investira dans leur avenir en investissant dans le système d'éducation postsecondaire.

Le gouvernement libéral doit commencer à travailler pour tous les Canadiens et les Canadiennes, afin d'assurer l'avenir de nos jeunes et de tout le pays.

[Traduction]

M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, je suis tout à fait disposé à reconnaître avec le député que le fonds de bourses du millénaire qui a été annoncé par le premier ministre deviendra un outil majeur. Il aidera les étudiants les plus démunis qui sont admis à des études postsecondaires.

Je rappelle au député que ce n'est pas le gouvernement du Canada qui fixe les frais de scolarité. Tout le système d'éducation est la responsabilité des provinces.

 

. 1855 + -

Nous accordons une aide financière aux étudiants et nous leur facilitons l'accès à l'enseignement postsecondaire dans lequel nous investissons par l'intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Dans le budget de 1997, le gouvernement fédéral a accru l'aide à l'enseignement supérieur et à la formation professionnelle en allongeant la période d'exemption d'intérêt, en améliorant les mesures fiscales et en mettant en oeuvre avec les provinces intéressées un système de remboursement des prêts en fonction du revenu.

Nous avons introduit des subventions pour initiatives spéciales destinées aux étudiants frappés de handicaps permanents, aux étudiants à temps partiels ayant des besoins marqués ainsi qu'aux femmes qui étudient au niveau du doctorat dans certains domaines. Compte tenu de toutes les pressions financières qui pèsent sur le gouvernement depuis quelques années, nous avons reconnu la nécessité de soutenir les étudiants de niveau postsecondaire.

Dans le discours du Trône de 1997, le gouvernement déclarait qu'il voulait aider les jeunes à faire des études et réduire les obstacles à l'enseignement postsecondaire en apportant de nouvelles modifications au Programme canadien de prêts aux étudiants. Il a accru l'aide offerte aux étudiants ayant des personnes à charge...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le temps du député est écoulé.

LE COMMERCE

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, la crise asiatique nous montre bien à quel point les économies du monde sont interreliées. Cette crise nous montre que l'Organisation mondiale du commerce et le commerce en général sont maintenant bien implantés à l'échelle mondiale.

Le Canada a ressenti les effets de la crise asiatique. Même le gouverneur de la Banque du Canada a récemment déclaré que: «La crise asiatique se fera sans aucun doute sentir par un ralentissement de la production canadienne .

Je suis très heureux de voir qu'il y a d'autres facteurs positifs qui devraient atténuer les effets de cette crise. En effet, la croissance chez les principaux partenaires commerciaux du Canada à l'extérieur de l'Asie a été plus forte que prévu. Avec un faible taux d'inflation, des déficits gouvernementaux à la baisse et un taux de chômage en régression, le Canada est en assez bonne santé pour absorber le choc de la crise asiatique. Il est certainement en meilleure santé aujourd'hui qu'au moment de la crise du peso mexicain, il y a deux ans.

Ce qui m'inquiète, cependant, ce sont les effets de la crise en Asie sur les entreprises canadiennes qui font affaires dans cette région du globe. Quelques économistes de niveau international ont lancé une mise en garde en affirmant que la récente crise sur les marchés asiatiques pourrait avoir des répercussions négatives sur les entreprises qui font affaires là-bas.

Que peut faire le Canada pour amoindrir toute répercussion négative possible? Poursuivons-nous nos efforts visant à amener les pays de la région Asie-Pacifique à ouvrir leurs marchés aux entreprises canadiennes? J'aimerais que le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international réponde à ces questions.

M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Madame la Présidente, je puis dire au député qu'il n'a jamais été aussi important d'encourager ces économies à s'ouvrir davantage et, si je puis utiliser le mot fièrement, à devenir plus libérales dans leurs pratiques commerciales. Je suis heureux de dire que les pays asiatiques sont en passe de moderniser davantage leur économie et de surmonter ces effets.

Le problème de la crise financière en Asie est partiellement attribuable au manque de transparence des pratiques commerciales et de la réglementation. Au moment où ils connaissaient une croissance économique dynamique et où le crédit était facilement accessible, ces pays asiatiques ont fait des emprunts imprudents et ont investi dans des marchés immobiliers surchauffés, ce qui n'a guère contribué au renforcement de leur base productive.

Un système de contrôles ainsi que des états financiers et des données comptables plus transparents auraient pu alerter plus rapidement les autorités nationales, les prêteurs d'outre-mer et les institutions financières internationales au sujet de la véritable situation financière, ce qui leur aurait permis de prévenir la crise. Compte tenu des réalités actuelles de la mondialisation, le Canada peut promouvoir le retour à une croissance économique stable, à l'essor du commerce et à la prospérité économique future en encourageant la transparence et la libéralisation. Qui plus est, cela atténuerait la probabilité de chocs financiers de cette nature dans l'avenir.

En appuyant la libéralisation du commerce, on améliorera le climat économique pour les entreprises canadiennes voulant faire des affaires en Asie. C'est ce que le Canada, de concert avec ses partenaires du G7, le FMI et d'autres institutions financières internationales, tente de faire...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je regrette, mais je dois vous interrompre à nouveau.

 

. 1900 + -

[Français]

LA PRODUCTION LAITIÈRE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Madame la Présidente, le 24 novembre 1997, cela fait déjà un bon moment, j'avais posé une question à l'honorable ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire concernant ses intentions de défendre les producteurs laitiers du Canada en vertu de l'importation de plus en plus massive de la crème mélangée au sucre, communément appelée huile de beurre.

À ce moment-là c'est le secrétaire d'État à l'Agriculture et à l'Agroalimentaire qui s'était donné la peine de me remercier, bien entendu, de ma question et de dire qu'il faisait tout son possible. C'était en date du 24 novembre, un mois avant Noël.

Maintenant, près de deux mois après Noël, il s'est écoulé beaucoup de semaines, de temps, et on sent bien que d'année en année les importations d'huile de beurre au Canada doublent. Lorsque nous avions signé les accords de l'OMC, qu'on appelait dans le temps le GATT, en décembre 1993, pour sauvegarder notre industrie dite contingentée qui est le lait, les oeufs et la volaille, on avait établi des tarifs tellement élevés qu'on pouvait décourager quelconque pays à importer au Canada des produits contingentés dont les produits laitiers.

Or, certains importateurs affiliés avec la fameuse compagnie Unilever ont rencontré des officiers supérieurs du ministère du Revenu pour discuter de grille tarifaire et aussi de numéro. Avec la bénédiction du ministère du Revenu, on leur a dit: «Placez seulement 49 p. 100 de beurre, faites-le fondre, mettez-y un 51 p. 100 de sucre, et le tour est joué. Cela vous coûtera 7 p. 100 de tarif à l'entrée au pays au lieu de 284 p. 100».

C'est comme ça qu'on est menés dans ce pays, sous le règne des libéraux, et aujourd'hui nos producteurs agricoles, nos producteurs laitiers ont vu diminuer leurs quotas laitiers de 3 p. 100 l'année passée. C'est 3 p. 100 de bénéfices nets.

Tout récemment les producteurs laitiers du Canada étaient en congrès annuel à Vancouver lorsque le ministre s'est donné la peine d'aller les rencontrer au sortir. Ce pauvre homme s'est déclaré déçu de la position des producteurs laitiers du Canada puisqu'il a institué un genre de tribunal, un tribunal dit consultatif, par le même ministère du Revenu du Canada pour étudier la question tarifaire de l'huile de beurre. C'est pas honteux!

Ce comité dit consultatif remettra probablement dans un an, deux ans, trois ans, je ne sais trop combien d'années encore, son rapport au ministère du Revenu et le ministère du Revenu, avec le ministre en tête, va étudier, évidemment sans que notre ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire lui pousse trop dans le dos, et on va se ramasser avec une autre entente qu'on devra signer puisque dès 1999, donc dans 18 mois, on recommencera la nouvelle négociation pour renouveler cet accord de l'OMC.

On m'a toujours dit qu'en droit, on n'a pas le droit de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement. Les produits laitiers étaient voués à un contingentement...

La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je m'excuse, mais le temps de parole de l'honorable député est écoulé. Le secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a maintenant la parole.

[Traduction]

M. John Harvard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. Je lui sais gré de partager les préoccupations de l'industrie laitière, comme nous le faisons tous de ce côté-ci de la Chambre.

Je tiens à dire bien clairement que notre gouvernement reconnaît les préoccupations de l'industrie laitière devant les importations accrues de mélanges de crème et de sucre que l'on appelle l'huile de beurre. On a fait des efforts pour répondre aux inquiétudes des Producteurs laitiers du Canada, mais il n'a pas été possible de trouver une solution qui ne contrevienne pas à la loi canadienne et qui ne viole pas nos droits et nos obligations internationales.

 

. 1905 + -

La question de l'huile de beurre s'inscrit dans le problème plus vaste des importations de produits laitiers mixtes échappant aux contingents tarifaires. Le gouvernement partage les préoccupations des Producteurs laitiers du Canada devant l'impact de ces produits mixtes sur les producteurs laitiers.

Le gouvernement a donc saisi le Tribunal canadien du commerce extérieur, le TCCE, du problème plus général pour qu'il examine à fond les moyens qui nous permettraient de répondre à ces inquiétudes d'une manière compatible avec nos droits et nos obligations internationales.

Je tiens à faire remarquer que le gouvernement trouve très décevant que les Producteurs laitiers du Canada aient dit qu'ils n'avaient pas l'intention de défendre leur cause devant le TCCE, et nous espérons qu'ils reviendront sur leur décision. Le TCCE doit faire connaître au gouvernement les conclusions de son étude d'ici le 1er juillet 1998.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Thibeault): La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 06.)