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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 66
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 24 février 1998
AFFAIRES COURANTES |
LOI SUR LES NORMES NATIONALE D'APPRENTISSAGE |
Projet de loi C-363. Présentation et première lecture |
M. Steve Mahoney |
PÉTITIONS |
Le fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique |
M. Paul Szabo |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL |
Projet de loi C-19. Deuxième lecture |
M. Jay Hill |
M. Steve Mahoney |
M. Yves Rocheleau |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Antoine Dubé |
M. Art Hanger |
M. Michel Guimond |
M. Garry Breitkreuz |
M. Art Hanger |
Mme Diane Ablonczy |
M. Guy St-Julien |
M. Peter Stoffer |
M. Steve Mahoney |
M. Leon E. Benoit |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Jean Dubé |
M. Rob Anders |
M. Leon E. Benoit |
M. Paul Crête |
M. Charlie Penson |
M. Ghislain Fournier |
M. Ted White |
M. Art Hanger |
M. Rob Anders |
M. Gary Lunn |
M. John Nunziata |
M. Lee Morrison |
M. John Reynolds |
M. Werner Schmidt |
M. Roy Bailey |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
ELI ET LAURETTA MARTIN |
M. Lynn Myers |
LE CONGRÈS DES JEUNES RÉFORMISTES |
M. Chuck Strahl |
L'ESTONIE |
Mme Sarmite Bulte |
LE NOUVEAU-BRUNSWICK |
Mme Claudette Bradshaw |
LE CANCER DE LA PROSTRATE |
M. Ted White |
LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE |
Mme Elinor Caplan |
LE STREPTOCOQUE DU GROUPE A |
M. Steve Mahoney |
LE SÉNAT |
M. Art Hanger |
M. ANDRÉ NADEAU |
M. René Laurin |
LES JEUX OLYMPIQUES DE NAGANO |
Mme Raymonde Folco |
LES EX-TRAVAILLEURS DE LA MINE BC |
M. Claude Drouin |
DON CHERRY |
Mme Monique Guay |
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
LE TRANSPORT AÉRIEN |
M. Nick Discepola |
ANNIE PERRAULT |
M. David Price |
RICHMOND HILL |
M. Bryon Wilfert |
LE RECENSEMENT CANADIEN |
M. Deepak Obhrai |
QUESTIONS ORALES |
L'ÉCONOMIE |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Preston Manning |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Deborah Grey |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Deborah Grey |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE FONDS DU MILLÉNAIRE |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Stéphane Dion |
LA ROUTE TRANSCANADIENNE |
Mme Angela Vautour |
L'hon. David M. Collenette |
M. Yvon Godin |
L'hon. David M. Collenette |
LA PAUVRETÉ |
L'hon. Jean J. Charest |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'hon. Jean J. Charest |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ÉCONOMIE |
M. Grant McNally |
M. Tony Valeri |
LA FISCALITÉ |
M. Rahim Jaffer |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE PROJET DE LOI C-28 |
M. Stéphane Bergeron |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Stéphane Bergeron |
Le très hon. Jean Chrétien |
LA FISCALITÉ |
M. Darrel Stinson |
M. Tony Valeri |
M. Jim Pankiw |
M. Tony Valeri |
DON CHERRY |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Sheila Copps |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Sheila Copps |
LES JEUNES |
M. Inky Mark |
M. Tony Valeri |
LA FISCALITÉ |
M. Ted White |
M. Tony Valeri |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES |
M. Jacques Saada |
L'hon. Lloyd Axworthy |
LA DETTE |
M. Eric Lowther |
M. Tony Valeri |
LA FISCALITÉ |
M. Reed Elley |
M. Tony Valeri |
LES PÊCHES |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Gilbert Normand |
L'IMMIGRATION |
Mme Libby Davies |
L'hon. Lucienne Robillard |
L'ÉCONOMIE |
M. Scott Brison |
M. Tony Valeri |
M. Scott Brison |
M. Tony Valeri |
L'AIDE AUX SINISTRÉS |
Mme Sophia Leung |
L'hon. Lyle Vanclief |
LA DÉCLARATION DE CALGARY |
Mme Val Meredith |
L'hon. Stéphane Dion |
LES VICTIMES DE L'HÉPATITE C |
Mme Pauline Picard |
L'hon. Allan Rock |
LES ÉTUDES POSTSECONDAIRES |
Mme Wendy Lill |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Jean Dubé |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA JUSTICE |
M. Andrew Telegdi |
Mme Eleni Bakopanos |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Le débat sur le budget |
M. Peter MacKay |
Le ministre des Affaires intergouvernementales |
Mme Val Meredith |
Le débat sur le budget |
M. John Solomon |
Les questions |
M. Peter MacKay |
Le débat sur le budget |
M. Randy White |
M. John Nunziata |
L'hon. Don Boudria |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL |
Projet de loi C-19. Deuxième lecture |
M. Roy Bailey |
Mme Val Meredith |
M. Jim Abbott |
M. Ken Epp |
M. John Nunziata |
M. Rick Casson |
M. Bob Mills |
M. Bill Gilmour |
M. Chuck Strahl |
M. John Nunziata |
M. John Duncan |
M. Philip Mayfield |
LE BUDGET |
L'exposé financier du ministre des Finances |
L'hon. Paul Martin |
Motion |
M. Preston Manning |
Motion |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 66
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mardi 24 février 1998
La séance est ouverte à 10 heures.
Prière
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
LOI SUR LES NORMES NATIONALE D'APPRENTISSAGE
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-363, Loi tendant à exiger l'établissement de normes de formation et d'accréditation pour les métiers qui forment des apprentis.
—Monsieur le Président, cette mesure a pour but de faciliter l'établissement de normes d'apprentissage et de certification nationalement reconnues. Dans cet objectif, le ministre créera des organisations au sein desquelles seront représentés le gouvernement et les diverses parties intéressées. Un rapport annuel sera déposé au Parlement et renvoyé d'office à un comité permanent.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois, et l'impression en est ordonnée.)
* * *
PÉTITIONS
LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, en cette journée historique de la présentation du budget, j'ai l'honneur de présenter un pétition signée par un certain nombre de Canadiens.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur vie et que les familles des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions sont souvent laissées sans moyens financiers suffisants pour respecter leurs obligations.
Les pétitionnaires soulignent également que, lorsque l'un d'eux est tué dans l'exercice de ses fonctions, le public pleure sa mort et désire apporter un appui tangible aux membres survivants de sa famille pour les aider à traverser une période difficile. Ils demandent donc au Parlement d'établir un fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, au profit des familles des agents tués dans l'exercice de leurs fonctions.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, on répondra aujourd'hui à la question no 58.
.[Texte]
Le ministre de la Défense nationale peut-il indiquer combien d'emplois civils et militaires seront supprimés par suite des lignes directrices de planification du ministère de la Défense nationale de 1998, quand ils seront supprimés et s'ils seront remplacés par recours au secteur privé?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Le Guide de planification de la défense de 1998 ne prescrit aucune nouvelle réduction dans l'effectif militaire ni dans le personnel civil. Le document exige toutefois la poursuite des compressions imputables aux stratégies ministérielles visant à réaliser les réductions budgétaires antérieurement imposées, ainsi que l'atteinte des niveaux d'effectif d'environ 60 000 militaires et 20 000 civils établis dans le Livre blanc sur la défense de 1994.
Les forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale sont tenus de remplir les missions qui leur sont confiées par le gouvernement dans le Livre blanc sur la défense de 1994, et ce, selon les moyens les plus rentables et dans les contraintes financières existantes. Le ministère étudie de nouvelles initiatives qui pourraient avoir des répercussions sur l'emploi lié aux fonctions de soutien existantes au ministère de la Défense nationale et au sein des forces canadiennes. Notre approche et notre étude des différentes possibilités qui s'offrent à nous comprennent la diversification des modes de prestation des services. Elles seront caractérisées par la consultation et la participation équitables de toutes les parties intéressées, notamment les cadres de direction, les employés, les syndicats, les collectivités locales ainsi que d'autres ministères. La prise de décision à cet égard respectera certains principes établis; l'examen de ces initiatives, de leur analyse à leur mise en oeuvre, pourrait durer jusqu'à 24 mois. Ces dernière comprennent, entre autres, la conclusion de marchés avec le secteur privé, des offres internes, des initiatives de prise en charge par les employés, la création de partenariat et la collaboration entre les secteurs public et privé, de même que la privatisation.
Il est encore trop tôt pour affirmer dans quelle mesure les emplois en seront affectés, mais le ministère de la Défense nationale et les forces canadiennes sont déterminés à tenir des consultations équitables et à faire participer étroitement tous les internvenants.
[Français]
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.
Le président suppléant (M. McClelland): Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 20 février, de la motion: Que le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail (Partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le président suppléant (M. McClelland): Nous reprenons le débat avec le député de Prince George—Peace River. Il lui reste encore cinq minutes environ.
M. Jay Hill: Je croyais qu'il me restait plus, monsieur le Président, mais je m'en remets à votre sagesse. Je suis sûr que vous avez vérifié dans le hansard.
Le président suppléant (M. McClelland): La présidence accordera une certaine indulgence à l'orateur qui reprend le débat après une interruption pour lui permettre de terminer son discours.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je vais essayer aujourd'hui de rester aussi pertinent que possible.
Je sais combien il est important aux yeux de la présidence que les intervenants s'en tiennent à leur sujet lorsqu'ils commentent un projet de loi, et c'est bien ce que j'ai l'intention de faire.
Lorsque j'ai malheureusement été empêché de poursuivre le débat, vendredi dernier, je parlais du projet de loi C-19 et de son rapport avec les agriculteurs et le transport des produits et des denrées agricoles au Canada. J'avais conclu en disant qu'en dépit des affirmations du gouvernement, le projet de loi C-19 ne garantirait pas que le grain arrive à destination. Je vais reprendre là où je m'étais arrêté.
Pas plus tard qu'en 1995, les agriculteurs de l'Ouest ont vu le transport ferroviaire totalement immobilisé. Aujourd'hui, ces mêmes agriculteurs sont hantés par la possibilité très réelle d'une autre grève ou d'un lock-out au printemps car l'accord qui avait mis fin à la grève de 1995 est arrivé à expiration en décembre. Le projet de loi C-19 ne contribue en rien à empêcher que cela ne se produise.
Comme je l'ai découvert pendant le débat sur le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, dont l'adoption a été imposée à la Chambre en ayant recours à la clôture, les agriculteurs ne sont pas une priorité pour le gouvernement actuel. Les libéraux ne leur accordent ni l'attention ni les mesures législatives de fond qu'ils méritent.
À maintes reprises, nous avons été témoins d'arrêts de travail dans les secteurs nationaux du transport et de la manutention du grain. En 1987, un différend de cinq jours a opposé les compagnies ferroviaires et les syndicats. Plus tard cette même année, un arrêt de travail de 42 jours mettant en cause la Prince Rupert Grain Ltd. et la Grain Workers Union a entraîné de lourdes pertes financières. En 1991, un différend opposant le ministère des Transports et le syndicat de la fonction publique a duré 16 jours. Comme je l'ai dit plus tôt, en 1995, un différend entre les compagnies ferroviaires et les syndicats a résulté en un arrêt de travail de 20 jours.
À chaque fois, le gouvernement fédéral a réagi en adoptant une mesure législative rappelant les grévistes au travail. C'est une approche bouche-trou du maintient des services essentiels. Pas plus la direction que les syndicats ne sont encouragés à négocier de bonne foi. Les deux parties en viennent à compter sur le Parlement pour mettre fin à leur conflit de travail, méthode qui perpétue la discorde et garantit qu'un autre conflit de travail est à l'horizon. Ce sera certainement le cas au printemps si les cheminots et la direction ne parviennent pas à s'entendre. Et pour les producteurs de grain, ce sera malheureusement un spectacle par trop familier.
Ces interruptions qui immobilisent notre système de transport ont de graves conséquences pour notre réputation internationale d'expéditeur fiable de denrées agricoles. En ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture, je puis dire que...
Des voix: Oh, oh!
M. Jay Hill: Monsieur le Président, que je me fais chahuter par mes vis-à-vis, ce qui est chose courante à la Chambre.
Les agriculteurs sont très conscients de ces graves conséquences et les Canadiens savent fort bien que lorsque ces arrêts de travail se produisent, notre réputation internationale en souffre beaucoup. Nous voulons tous nous protéger contre cela.
À plusieurs occasions, les lois de retour au travail semblaient être la seule solution pour mettre un terme à un conflit et venir en aide à ceux qui perdaient des milliers ou des millions de dollars à cause d'un arrêt de travail. Or, ce n'est pas la seule solution à notre disposition.
Les réformistes n'ont pas pour habitude de simplement critiquer une politique. Nous essayons, de façon proactive, de trouver des solutions de rechange concrètes et de proposer des mesures législatives qui entraîneront des changements de fond. Dans le cas des arrêts de travail, nous sommes persuadés que l'arbitrage des propositions finales est le meilleur espoir de parvenir à un règlement. Ce mécanisme exige que les deux parties agissent de bonne foi et réduit certaines des séquelles laissées par une grève ou un lock-out.
J'espère que les ministériels vont prendre le temps d'écouter alors que je donne des détails sur ce processus—c'est une solution de rechange excellente aux lois de retour au travail—et qu'ils la trouveront intéressante.
Une loi de retour au travail mine le processus de négociation collective. L'arbitrage des propositions finales n'a lieu que lorsqu'un syndicat et un employeur ne peuvent en venir à un accord. En somme, les deux parties doivent s'entendre là-dessus et recommander le recours à un arbitre ou à un groupe d'arbitrage. Le syndicat et l'employeur doivent remettre à l'arbitre une liste des questions sur lesquelles ils ne peuvent s'entendre et une liste de celles sur lesquelles ils sont parvenus à un accord. Pour les points encore en litige, l'arbitre reçoit de chaque partie une offre finale de règlement. Il choisit alors l'une des deux offres finales. Sa décision est exécutoire pour les deux parties.
Les deux parties sont donc forcées de faire des offres raisonnables. Elles vont vouloir que l'arbitre choisisse leur offre, sous peine d'être assujetties à l'offre faite par l'autre partie. Ainsi, pour se donner une meilleure chance que l'arbitre accepte leur offre, je crois que le syndicat et l'employeur vont essayer d'être plus raisonnables.
Cette notion est simple et elle évite des arrêts de travail prolongés ou des lois de retour au travail. Elle peut améliorer à long terme toute la nature du processus de négociation collective. Les syndicats et les employeurs vont devenir plus conscients de la réalité de l'arbitrage des propositions finales et ils seront plus enclins à négocier généralement de bonne foi. De ce fait, les syndicats et les employeurs vont prendre les négociations plus au sérieux au lieu de se livrer à des manoeuvres politiques ou d'utiliser les médias à leurs fins comme c'est souvent le cas dans le cadre des arrêts de travail à l'heure actuelle, lorsqu'il y a menace d'une loi de retour au travail.
À ce stade-ci, je voudrais faire une petite digression et expliquer la situation aux téléspectateurs de façon plus simple, en utilisant une analogie. En affaires, il existe une pratique courante chez les associés dans une entreprise. Je suis persuadé que vous la connaissez bien, monsieur le Président. Vous avez été en affaires pendant un certain nombre d'années au sein de diverses entreprises. Je suis persuadé que vous pouvez comprendre ce dont je vais parler.
La réalité, c'est que lorsque des gens s'associent, ils se préoccupent parfois de ce qui pourrait se produire à l'avenir. Ils concluent ce qu'on appelle généralement un accord d'achat forcé. Comment cela fonctionne-t-il? Si un jour on est confronté à une impasse lorsqu'un des associés veut mettre fin à l'association, soit en vendant sa part à l'autre, soit en demandant que la firme soit vendue, cette clause protège celui qui reste propriétaire de l'entreprise.
Pour cela, il faut faire une proposition raisonnable. Si on demande un prix trop élevé pour la moitié des parts, dans l'hypothèse d'une entreprise appartenant à parts égales aux deux associés, la clause d'achat forcé permet à l'autre associé de dire: «Tu demandes trop, alors je te propose que tu me paies ce prix là. Dans ce cas, ce n'est pas moi qui te rachète, mais c'est toi qui me rachètes.» C'est un peu comme cela que fonctionne l'arbitrage des propositions finales. Il oblige les deux parties en litige à se montrer raisonnables. Il les force à en venir à un compromis car l'on craint que si on ne présente pas la proposition la plus raisonnable, c'est la proposition de l'autre partie qui va être acceptée.
J'utilise cette analogie parce que beaucoup d'agriculteurs que j'ai l'honneur de représenter connaissent bien la clause d'achat forcé et son fonctionnement. Cette comparaison pourrait les aider à mieux comprendre ce dont nous parlons quand nous évoquons l'arbitrage des propositions finales et quand nous faisons valoir comment ce processus pourrait obliger les deux parties à se montrer plus raisonnables et à trouver un compromis.
Quelque 10 p. 100 de la main-d'oeuvre relève de la compétence du gouvernement fédéral. La législation fédérale et le Code canadien du travail s'appliquent à 700 000 employés. Le gouvernement fédéral peut et doit, à mon avis, donner l'exemple en matière de relations de travail. Les avantages qui peuvent découler du recours, par le gouvernement fédéral, à l'arbitrage des propositions finales pourraient se faire sentir dans l'ensemble de la main-d'oeuvre du Canada.
Comme je l'ai mentionné, le projet de loi C-19 comporte un certain nombre de lacunes. Ce qui m'inquiète par-dessus tout c'est qu'il n'y a rien dans cette mesure législative qui protège les agriculteurs contre les terribles conséquences des arrêts de travail. Il y a bien d'autres aspects de ce projet de loi qui ne sont pas moins préoccupants.
Ainsi, l'article 109.1 confère au Conseil canadien des relations industrielles le pouvoir d'obliger un employeur à remettre à des recruteurs syndicaux les noms et adresses des travailleurs à distance. J'ai du mal à croire que le gouvernement puisse envisager une mesure législative de ce genre, dans la société d'aujourd'hui, alors que nous sommes censés être au courant des risques pour la sécurité et la vie privée des particuliers.
On ne devrait jamais risquer de porter atteinte aux droits des particuliers, notamment en permettant à un organisme ou une personne de procéder à un contact non sollicité.
Un des amendements du Parti réformiste au projet de loi C-19, présenté par mon collègue, aurait au moins donné aux employés la liberté de choisir entre la divulgation et la non divulgation de leur nom et de leur adresse. C'est un droit fondamental et je suis surpris de devoir même le défendre dans cette Chambre. Nous devrions y penser.
Il y a beaucoup d'autres possibilités pour que les travailleurs extérieurs aient accès aux renseignements et activités du syndicat sans allez aussi loin. Ce n'est certainement pas la façon de procéder. Il n'y a pas trace de justice et d'équilibre dans un projet de loi qui menace des droits personnels comme le respect de la vie privée et la sécurité.
Je voudrais maintenant passer à un autre point, lui aussi contenu dans ce projet de loi, qui m'inquiète beaucoup. Aux termes de cet article, le ministre ne garantira pas aux travailleurs canadiens relevant de la compétence fédérale le droit de participer à des votes secrets pour déterminer qui les représentera. Selon l'article, il n'a pas une telle obligation. Pensons-y un moment. Les travailleurs n'ont pas droit à un vote secret. Ce projet de loi est une attaque contre la démocratie, et cela me révolte. Cela me rappelle un autre projet de loi.
Comme je l'ai dit au début, monsieur le Président, en ce qui concerne votre désir que l'on s'en tienne au sujet, je ne voudrais pas trop digresser, mais c'est très similaire à un projet de loi dont on a récemment forcé l'adoption, le projet de loi C-4 qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du blé et dont j'ai parlé brièvement dans mes remarques de ce matin. Pourquoi cela me rappelle-t-il le projet de loi C-4? La démocratie à retardement n'est pas de la démocratie, la liberté à retardement n'est pas de la liberté. C'est le cas du projet de loi C-4.
Dans le cas du projet de loi C-4, le gouvernement et le ministre responsable ont eu l'occasion d'agir et de donner aux agriculteurs une certaine liberté. Qu'avons-nous constaté? Que la démocratie a été subvertie et refusée.
J'ai demandé au ministre s'il avait l'intention de rester à ne rien faire et de regarder les agriculteurs aller en prison parce qu'ils défendent un aspect fondamental de la démocratie et de la liberté, le droit de vendre leur propre produit. L'adoption du projet de loi C-4 le laisse croire fortement.
De même, le projet de loi C-19 permet au Conseil canadien des relations industrielles d'accorder l'accréditation à un syndicat sans preuve de l'appui de la majorité des employés si «le conseil est d'avis que, n'eut été la pratique déloyale ayant donné lieu à la contravention, le syndicat aurait vraisemblablement obtenu l'appui de la majorité des employés de l'unité».
Pensez donc. Cela constitue une atteinte à la démocratie. Il n'y aurait pas de vote secret et le Conseil canadien des relations industrielles pourrait décider de façon arbitraire d'accorder l'accréditation à un syndicat, sans qu'il y ait une indication claire que les employés concernés désirent être représentés par ce syndicat. Cela demande réflexion.
Ni le Conseil canadien des relations industrielles ni aucun autre organisme ne peut prendre une décision qui reposerait sur de la pure spéculation. Si un employeur a eu recours à une pratique déloyale en matière de relations industrielles, le conseil devrait le sanctionner et non pas priver les travailleurs de leur droit démocratique fondamental de voter sur l'opportunité d'une représentation syndicale. Je souscris entièrement à cette conception.
Monsieur le Président, vous me faites malheureusement signe que mon temps de parole est terminé. Il est étonnant de constater à quel point le temps passe vite lorsqu'on parle d'une mesure comme le projet de loi C-19, qui porte atteinte à la démocratie.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je trouve curieux que le député adopte une position apparemment contradictoire. D'une part, il présente l'arbitrage des propositions finales comme la solution à tous les problèmes du mouvement ouvrier, une solution qui mettrait fin aux grèves et éliminerait la négociation collective. Chaque partie devrait s'en remettre à la bonne foi de l'autre, sans plus. Par ailleurs, le député parle de protéger les droits démocratiques des travailleurs, qu'il affirme représenter. Je trouve ces deux positions plutôt contradictoires.
La négociation collective au sein du mouvement ouvrier est une tradition éprouvée, qui permet aux travailleurs d'avoir leur mot à dire et de négocier pour protéger leur avenir et leurs familles.
En fait, le Parti réformiste voudrait dépouiller les travailleurs d'un droit démocratique, tout en se présentant comme le champion des droits démocratiques, car il veut que les travailleurs se prononcent sur l'accréditation syndicale, même si 90 p. 100 d'entre eux ont déjà signé des cartes d'adhésion.
En Ontario, Mike Harris lui-même n'a pas osé aller jusque-là. J'aimerais connaître le point de vue du député au sujet de ce que je viens de dire.
M. Jay Hill: Monsieur le Président, je suis heureux d'ajouter mes observations.
L'audace du député d'en face est sans bornes. Elle est tout simplement incroyable. Voilà le gouvernement qui réagit à des conflits de travail en adoptant une loi obligeant les employés à retourner au travail. Pour avoir une idée de la méthode autocratique et descendante qu'utilise le gouvernement libéral, il suffit de se reporter à la période qui a précédé les fêtes. Elle n'est pas si loin. Certes, le député devrait se rappeler le conflit de travail à la Société canadienne des postes. Les libéraux se sont assis sur leur postérieur et n'ont fait absolument rien, alors qu'ils savaient que ce conflit allait se déclarer. Ils le savaient. Tout le monde dans le pays savait que le conflit se préparait, mais les libéraux n'ont rien fait. Ils savaient qu'en fin de compte ils adopteraient tout simplement une loi obligeant les employés à retourner au travail.
Voilà la réponse du député sur la façon de respecter la démocratie et les droits des travailleurs.>
Malgré ce qu'en pense le député, l'arbitrage des propositions finales renforcerait le processus de négociation collective.
Une voix: Il le détruirait.
M. Jay Hill: Il ne le détruirait pas. Il est honteux de voir ce que le gouvernement libéral ferait à l'égard des relations de travail et ce qu'il essaie de faire dans ce projet de loi.
Le député me demande de faire une observation. Je prends la parole pour en faire une et il dit en avoir entendu assez, parce qu'il n'aime pas ce qu'il entend. Laissez-moi finir. C'est moi qui ai la parole. Nous sommes à la période des questions et des observations.
Le président suppléant (M. McClelland): Le député a soulevé beaucoup de passion. Un grand nombre de députés désirent prendre la parole. Nous devons poursuivre.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je veux demander à mon collègue du Parti réformiste ce qu'il pense du fait qu'il n'y a pas, dans ce projet de loi, de dispositions antiscabs telles que celles adoptées par le Québec, dans l'harmonie, en 1977.
Dans une situation où il n'y avait pas de consensus parce que c'est un sujet très délicat, on a vu que même en 1985 avec l'élection du Parti libéral de M. Bourassa, celui-ci a refusé de céder aux représentations faites par M. Scowen, un de ses députés qui fut ministre à une certaine époque.
Plus tard, en 1991, le Conseil du patronat, malgré le fait qu'il ait reçu un avis favorable de la Cour suprême, a fait marche arrière compte tenu de l'harmonie et de la paix sociale qui règnaient au Québec depuis 1977 avec l'avènement de la Loi antiscabs.
Je voudrais porter à son attention cette lettre que j'ai reçue d'un de ses concitoyens de la Colombie Britannique, M. Dave Cort de Cranbrook, qui dit ce qui suit:
[Traduction]
Le droit de respecter les piquets de grève est un simple droit auquel tous les citoyens privés peuvent recourir s'ils le désirent. Cependant, si on travaille pour une société ferroviaire au Canada, on est privé de ce droit et on doit affronter humiliation et dénigrement jour après jour, chaque fois qu'il y a une grève. Tant que le Code canadien du travail ne sera pas modifié, il obligera les travailleurs à franchir les piquets de grève.
[Français]
J'aimerais donc avoir l'avis de mon collègue sur le fait que le gouvernement n'a pas le courage, cette fois-ci, d'amender le Code canadien du travail en ce sens.
[Traduction]
M. Jay Hill: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses observations et sa question. Il a fait valoir des arguments valables, qui n'ont rien à voir avec le commentaire venu d'en face. Contrairement aux libéraux qui participent au débat sur ce projet de loi très important, le député a de toute évidence réfléchi à la question.
Il mentionne n'avoir relevé dans le projet de loi aucune disposition précise touchant les briseurs de grève. C'est un terme que je déteste. Il est très méprisant.
Si je comprends bien, le projet de loi confère au Conseil canadien des relations industrielles, ou CCRI, le véritable pouvoir de trancher la question des travailleurs de remplacement. Cela nous préoccupe parce que le Conseil subira une pression incroyable de la part des syndicats. Les syndicats diront que le recours aux travailleurs de remplacement devrait être interdit en cas de grève, au risque de mettre l'entreprise dans une situation intenable, au point de devoir fermer ses portes.
En disant cela, je ne parle pas au nom des entreprises, mais bien des travailleurs mêmes. Il suffit de regarder ce qui s'est passé à Edmonton, où l'abattoir a dû fermer. Au bout du compte, qui ont été les victimes? Les travailleurs qui ont perdu leur emploi.
Quand j'interviens sur cette question, ce n'est pas seulement parce que je me préoccupe de l'entreprise et de ses actionnaires, mais surtout parce que j'ai à coeur l'intérêt des travailleurs.
Mme Brenda Chamberlain (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle au député que, le 2 juin dernier, les Canadiens ont décidé que les libéraux formeraient le gouvernement.
Les Canadiens nous ont parlé du projet de loi C-19 pendant la campagne électorale. Ils y sont très favorables. Étant donné que le député a sûrement entendu les mêmes commentaires que nous, sa charge impétueuse contre cette mesure me laisse songeuse.
Un agriculteur de l'ouest du Canada m'a écrit ce qui suit: «Le projet de loi C-19, en particulier l'article 87.7, représente un premier pas important pour empêcher que les conflits de travail perturbent les exportations de grain de nos ports. Je vous prie de favoriser l'adoption rapide du projet de loi C-19, sans que l'article 87.7 ne soit amendé. Cette mesure aura un effet très positif sur l'avenir de l'industrie céréalière de l'ouest du Canada.»
J'invite le député à agir au nom de ses électeurs.
M. Jay Hill: Monsieur le Président, c'est absolument étonnant, et même stupéfiant, de voir à quel point les députés libéraux peuvent déformer les faits et le contenu de la législation.
Si la députée avait été à la Chambre au moment de ma très brève intervention de vendredi, elle saurait que j'ai reconnu qu'il y a, dans la population, des gens qui exercent des pressions auprès des députés fédéraux pour qu'ils adoptent cette mesure. Mais pourquoi le font-ils? Selon leurs propres aveux, parce que c'est mieux que rien. J'ai dit au début de mon intervention que l'opposition officielle voulait avoir une mesure qui serait bien meilleure, et non pas simplement mieux que rien.
Cette mesure nous préoccupe grandement. La vérité, c'est que ce projet de loi ne fait rien pour aider à acheminer le grain de la ferme jusqu'au port. Les faits passés bien que c'est à cette étape que le problème se pose. Les libéraux ont présenté le projet de loi C-19, qui définit précisément la manière de régler un différend survenu au port, et le présentent comme si c'était une solution universelle et définitive. C'est absolument ridicule, et la députée le sait.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je vous indique que je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de Beauport—Montmorency—Orléans. Mon discours durera donc dix minutes.
Nous étudions le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail, partie I. Ce projet de loi fait suite à un autre projet de loi qui est mort au Feuilleton, le projet de loi C-66, parce que l'actuel premier ministre a décidé, le printemps dernier, six mois avant l'échéance traditionnelle de quatre ans, de déclencher des élections, prenant ainsi de court certains partis d'opposition. Il voyait ce qui se passait dans les Maritimes et, sentant que la Loi sur l'assurance-emploi ne recevait pas l'appui désiré, il a préféré prendre les partis politiques par surprise. Il a ainsi laissé beaucoup de projets de loi mourir au Feuilleton, dont celui-là.
Il a peut-être bien fait au plan électoral, puisqu'il a pu conserver une majorité, même si le nombre de députés libéraux a diminué.
Malgré ce délai, le projet de loi C-19 souffre du même mal que la décision de déclencher des élections, c'est-à-dire que c'est un projet inachevé et incomplet.
Sur de nombreux aspects, le critique en la matière pour notre parti, le député de Trois-Rivières, a indiqué qu'il y avait beaucoup d'améliorations, beaucoup de points positifs. Cependant, il y a de graves lacunes.
Quelles sont ces principales lacunes? Premièrement, le projet de loi laisse de côté les employés de la Gendarmerie royale et ne tient pas compte de leur souhait d'être assujettis à ce Code et d'être syndiqués.
Cela ne répond pas non plus aux attentes des fonctionnaires fédéraux de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Au lieu d'être assujettis au Code canadien du travail, ils sont plutôt assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Je me permets d'ouvrir une parenthèse. Les employés de la fonction publique fédérale, contrairement à ceux du Québec, ne jouissent pas du même type de sécurité d'emploi. Ce n'est pas une sécurité d'emploi aussi étanche, puisqu'on constate par exemple que les coupures faites dans la région de Québec par le ministère de la Défense laissent beaucoup de gens de côté. Il y a énormément de laissés-pour-compte, car ces coupures avaient été effectuées en vertu d'un programme de trois ans qui se termine à la fin du mois de mars et il n'y a pas de programme de remplacement, donc pas de préretraite.
Que fait-on actuellement? On est en train de privatiser la fonction publique. Cette dernière a tenté de continuer à offrir les services gouvernementaux, mais par la sous-traitance, ce qui est une drôle de façon de faire. Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui, mais c'est pour montrer que, finalement, le Code canadien du travail ne s'applique malheureusement pas à ces gens-là.
La raison pour laquelle nous, du Bloc québécois, nous objectons aujourd'hui à une partie des modifications apportées au Code canadien du travail, c'est parce qu'elles ne répondent pas aux désirs des Québécois. Pour les autres régions du Canada, je laisse aux autres partis le soin de prendre part au débat. En ce qui nous concerne, nous défendons les intérêts du Québec, même si le Code canadien du travail ne concerne que 10 p. 100 des travailleurs syndiqués au Québec.
Au Québec, il y a trois catégories de travailleurs. Il y a d'abord les non-syndiqués, qui ne sont évidemment pas protégés par des conventions collectives. Pour eux, cela ne change rien. Il y a ceux qui sont régis par le Code québécois du travail, lequel a des dispositions empêchant l'utilisation de travailleurs de remplacement, communément appelés des scabs. Et voilà que les autres 10 p. 100 des travailleurs québécois seront assujettis au Code canadien du travail.
Qui sont-ils? Ce sont les gens qui travaillent dans les banques, dans le domaine du transport interprovincial et international, il va sans dire, les aéroports et toutes les compagnies de transport aéroportuaire, toutes les compagnies aériennes, le domaine de la radiodiffusion, des télécommunications, des opérations portuaires, les débardeurs et la manutention des grains.
J'aimerais m'arrêter aux deux dernières catégories, parce qu'actuellement, dans la région de Québec, il y a une grève qui dure et qui perdure pour différentes raisons au port de Québec. Les torts ne sont pas nécessairement tous du même côté, mais il est admis que depuis que les mesures antiscabs sont appliquées au Québec, les grèves—il faut bien retenir cela—durent moins longtemps, c'est-à-dire 35 p. 100 moins longtemps qu'auparavant. Les mesures antiscabs sont donc un moyen pour limiter la durée des grèves. Ce n'est pas pour augmenter, mais bien pour limiter la durée des grèves, ce qui est un élément très important.
J'écoutais le député réformiste exprimer son point de vue. Bien qu'il ne soit pas en faveur, il disait qu'il ne faut pas que les grèves durent trop longtemps. Alors, les mesures antiscabs ont justement l'avantage d'empêcher que les grèves durent indûment. Je rappelle que certaines grèves ont duré longtemps au Québec, comme celle des travailleurs d'Ogilvie, parce qu'ils sont dans le domaine des grains.
Cela m'amène à l'autre question. Pourquoi les grains et pas les pommes de terre? Pourquoi pas le beurre? Pourquoi pas d'autres produits alimentaires jugés essentiels, comme le lait? Pourquoi le grain? Nous, Québécois, importons du grain, parce que nous ne sommes pas autosuffisants en matière de grain. On importe, c'est une façon de parler, c'est-à-dire qu'on reçoit du grain de l'Ouest pour finalement l'expédier au niveau international par les ports du Québec, notamment à cause de la Voie maritime du Saint-Laurent, mais aussi parce qu'on transforme le grain pour l'élevage des porcs, des bovins, etc.
Alors, qu'est-ce que cela a fait à Québec? Il y a eu des cas de violence. L'absence de mesures antiscabs n'affecte pas seulement la durée des grèves, il y a aussi des gestes de violence. L'idée n'est pas d'appuyer les gestes de violence, il faut les désapprouver, je pense, mais il reste que quand une grève dure longtemps et lorsqu'il y a l'utilisation possible ou réelle de scabs, on constate presque chaque fois des problèmes de violence dans les relations de travail. Lorsqu'une grève se termine après qu'il y ait eu des gestes de violence, cela laisse des séquelles possiblement physiques, mais plus que cela, c'est néfaste au plan des relations de travail.
Ce n'est pas tout de régler un conflit de travail, il faut bien le régler. Il faut que les parties, et c'est là l'avantage d'avoir un accord négocié, en viennent à une convention collective que les deux parties respectent après une négociation. Le climat de travail après coup est meilleur et la productivité est meilleure. L'entreprise s'en porte mieux au plan des profits et les travailleurs s'en portent mieux, parce que si l'entreprise fait des profits, elle peut négocier de meilleurs bénéfices pour ses travailleurs, de meilleures conventions collectives.
C'est cela, l'objectif que devrait viser le Code canadien du travail. Au lieu de cela, on conserve pratiquement le statu quo concernant ces mesures et on laisse continuer quelque chose que, depuis 1977 au Québec, même les patrons n'endurent plus, c'est-à-dire l'utilisation de travailleurs de remplacement.
[Traduction]
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur ce projet de loi. C'est l'un des projets de loi les plus débilitants qu'on ait jamais présentés à la Chambre.
Alors que tous les pays du monde rejettent maintenant le concept du syndicalisme obligatoire, c'est-à-dire l'obligation de se joindre au syndicat en place, le Canada fait le contraire. Quelque 101 pays ont adopté des lois qui interdisent le fonctionnement en atelier fermé ou la syndicalisation obligatoire. Le Canada et l'Australie sont les deux seuls pays à faire le contraire. Ce projet de loi est à contre-courant par rapport à la législation du reste du monde.
J'ai écouté la dissertation du député du Bloc, dans laquelle il parlait du Québec. Tout ce qui vient du Bloc ne concerne que le Québec. Il n'y a rien dans le discours bloquiste qui intéresse le reste du pays. Pourtant, c'est un parti d'opposition. Je veux poser une question à ce député du Québec au sujet de sa Charte des droits et libertés.
Le Québec a une Charte des droits et libertés, dont l'article 10 affirme que toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence. À l'article 13, on lit que nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination, qu'une telle clause est réputée sans effet.
Ce projet de loi viole les droits de la personne, notamment en prévoyant que les noms des employés qui travaillent hors du lieu de travail habituel doivent être communiqués au syndicat. Le député a traité ces personnes de scabs. Je ne suis pas d'accord. Je pense que ces gens essaient de gagner décemment leur vie. Ils comblent des postes vacants...
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Lévis a la parole pour répondre aux observations.
[Français]
M. Antoine Dubé: Monsieur le Président, je suis obligé de respecter les opinions du député réformiste parce que, effectivement, il dit que nous, du Bloc québécois, défendons les intérêts du Québec. Je ne m'en défends pas, il a tout à fait raison.
Le Bloc québécois est là avant tout pour défendre les intérêts du Québec. Il n'a présenté des députés qu'au Québec—vous avez remarqué qu'on n'a pas présenté de candidats en Ontario ou dans l'Ouest—tout en gardant le dialogue avec les gens des autres provinces, comme celles de l'Ouest.
On voit tout de suite qu'il y a une différence. Je ne dis pas que mon collègue ne représente pas bien son coin de pays, mais on voit qu'il y a une différence de mentalité. J'ai toujours dit qu'il y a deux pays dans ce pays-là, et le député du Parti réformiste est en train de me le démontrer une fois de plus. Au Québec, c'est différent.
Par contre, je n'aime pas qu'on dise que lorsqu'on donne plus de droits aux travailleurs en termes collectifs, que c'est une régression. Je crois plutôt que lorsqu'on respecte davantage les droits individuels, c'est une évolution. Ce n'est pas la tendance qu'on observe dans le monde occidental. Les 101 pays, je ne sais pas où il les prend, mais en général, on remarque que les États qui font partie de l'OCDE, notamment, ont de plus en plus de mesures sociales.
Lorsqu'il parle de la Charte des droits du Québec, il omet certains articles. On pourrait aussi mentionner la Charte des Nations unies. Oui, à la liberté d'expression, mais oui aussi à la liberté d'association. C'est un droit fondamental pour des travailleurs dans une entreprise de se regrouper en syndicat pour défendre collectivement leurs droits individuels. Autrement, individu par individu, ils n'y arriveraient pas.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Orléans, BQ): Monsieur le Président, dès le départ, je vous dirai qu'il me fait énormément plaisir d'intervenir sur ce projet de loi, particulièrement à deux chapitres.
Avant d'être élu député, en 1993, j'ai travaillé pendant seize années en relations du travail. J'ai été à même de constater, à travers mes expériences personnelles, comment un régime de relations du travail se doit d'être bâti pour, avant tout, avoir des relations harmonieuses dans les organisations. C'est ce que l'on vise.
On vise avant tout à ce que les parties s'entendent et à ce que les parties prévoient des mécanismes pour régler leurs différends. C'est un peu comme dans un couple ou dans un ménage; toutes les fois qu'il y a une chicane, s'il fallait qu'il y en ait un des deux qui sorte le contrat de mariage et qui dise que ce n'est pas écrit dans le contrat de mariage, ou qu'en vertu du contrat de mariage, l'autre n'a pas besoin de cela ou qu'il n'en a pas le droit, etc., ce ne serait pas drôle.
On ne se promène pas toujours dans les organisations avec la convention collective dans nos poches. C'est une question de GBS, comme on dit chez nous, de «gros bon sens», et on essaie de s'entendre. Malheureusement, il y a parfois des accrochages; comme dans un couple, quand il arrive que les accrochages soient majeurs et qu'on doive envisager la séparation.
Donc, ce que je veux dire, c'est que le Québec, malgré ce qu'en pense mon collègue, le député de Calgary-Nord-Est qui invoque certains textes de loi, est à l'avant-garde en matière de relations de travail. Cela, ce n'est pas uniquement moi qui le dis. Je suggère à tous ceux qui nous écoutent de lire les traités de relations de travail. Que ce soit des professeurs de l'Université York à Toronto ou de l'Université Simon-Fraser en Colombie-Britannique, tout le monde reconnaît qu'en matière de régime de relations de travail, le Québec est à l'avant-garde. Que voulez-vous, est-ce qu'il faudrait s'en excuser? Serait-il préférable qu'on traîne dans le wagon de queue? On est à l'avant-garde.
La deuxième province la plus avant-gardiste en matière de relations de travail au niveau provincial, c'est la Colombie-Britannique. Je pense que la Colombie-Britannique a fait élire, de mémoire, 24 ou 25 députés du Parti réformiste lors des dernières élections. Mes chiffres ne sont pas exacts, mais il y a un fort contingent de députés réformistes qui viennent de la Colombie-Britannique, une autre province qui est à l'avant-garde.
Donc, j'ose espérer que les députés réformistes, qui doivent, comme nous, être «connectés» à leurs électeurs, véhiculeront des idées représentées par la majorité de leurs électeurs. Dès le départ, je tenais à faire cette mise au point pour illustrer le cadre dans lequel mon intervention portera.
En deuxième lieu, j'aimerais souligner un cas qui est devant nous et qui est une preuve flagrante d'une opération de désinformation de la part de nos amis d'en face, les libéraux. En fin de semaine, à titre de porte-parole en matière de transport, j'ai reçu chez moi des appels téléphoniques de travailleurs et de travailleuses régis par le Code canadien du travail. J'ai aussi reçu des lettres par fax à mon bureau. En gros, je vous rapporte certains commentaires qui me sont parvenus.
Je vous en cite un extrait: «Le Bloc québécois a évoqué à la Chambre cette semaine qu'il n'appuyait pas le projet de loi C-19, principalement parce qu'il n'allait pas assez loin pour légiférer contre les briseurs de grève.» C'est vrai. «Le message du Bloc québécois a été bien entendu cette semaine.» C'est vrai. «Il n'est plus nécessaire de retarder ce projet de loi à la Chambre». C'est vrai.
Il y a aussi cet autre commentaire: «Je suis inquiet devant le fait que le Bloc québécois ait encore l'intention de faire parler quatre à cinq intervenants à la Chambre lors de la prochaine reprise de la deuxième lecture prévue pour aujourd'hui, le mardi 24 février. Si vous devez absolument intervenir à la Chambre à ce stade-ci, s'il vous plaît, n'empêchez pas la deuxième lecture de se terminer le mardi 24. Inutile de retarder un projet de loi.»
J'ai plein de communications que j'ai reçues par fax.
C'est un cas évident. J'ai demandé à ces travailleurs au téléphone, en fin de semaine, ce qui se passait, pourquoi ils nous appelaient. Le Bloc québécois ne fait pas de filibuster sur le projet de loi C-19. Nous sommes ici simplement pour traduire une position qui fait l'unanimité dans le monde des relations de travail au Québec. Pour preuve, je vous cite les mémoires de trois centrales syndicales qui ont été présentés lors des audiences tenues en 1995 devant le comité permanent responsable de la question des relations de travail pour examiner cette réforme de la loi.
Le mémoire de la CSN dit ceci: «Rappelons tout d'abord qu'au Québec, l'adoption de dispositions antibriseurs de grève ne faisait pas consensus lors de leur promulgation. Ces craintes se sont avérées non fondées, à tel point qu'aujourd'hui, les dispositions antibriseurs de grève ne sont plus remises en question, de sorte qu'on peut dire qu'elles font consensus au Québec.»
Le mémoire de la FTQ souligne ceci: «Il est essentiel que les travailleurs et les travailleuses sous juridiction fédérale puissent enfin bénéficier des dispositions antibriseurs de grève. Le Code fédéral doit être amendé pour couvrir l'ensemble de ceux et celles qui oeuvrent dans les sociétés d'État et dans les entreprises privées.»
Le Congrès du travail du Canada, dans son mémoire, dit être: «[...] du ferme avis que le recours par l'employeur à des travailleurs ou travailleuses de remplacement pendant les grèves et les lock-out impose des tensions inutiles et nuisibles aux relations syndicales et patronales.» C'est dommage, je suis obligé de leur répondre par l'entremise de la télévision, parce que j'ai été incapable de les joindre.
Je trouve pour le moins indécent la campagne de désinformation des libéraux. Ils ont réussi à mettre dans la tête de ces travailleurs que c'était le Bloc qui retardait l'adoption du projet de loi C-19. On n'est pas d'accord avec le projet de loi, mais on ne fait pas de filibuster.
On n'est pas d'accord avec le projet de loi, parce qu'il ne comporte pas, notamment, de dispositions antibriseurs de grève. Il y a cinq ou six points avec lesquels nous sommes en désaccord. Mon collègue, le député de Trois-Rivières, les a très bien illustrés hier. Mais pourquoi dit-on qu'on n'est pas d'accord avec ce projet de loi parce qu'il ne contient pas de disposition antibriseurs de grève?
Au Québec, on a une belle devise. Notre devise, c'est: «Je me souviens». «Je me souviens» du conflit de la United Aircraft, maintenant la Pratt & Whitney, à Longueuil, en 1976. «Je me souviens» des nombreux et interminables conflits où il s'est littéralement donné des claques sur la gueule à la Société canadienne des postes, dans les 30 ou 35 dernières années. «Je me souviens» du conflit, en 1973, au poste de radio CJMS à Montréal. «Je me souviens» du conflit chez Nationair où on engageait des briseurs de grève pour pouvoir effectuer les vols.
«Je me souviens» du conflit de la Minoterie Ogilvie, où les travailleurs et les travailleuses de la CSN devaient faire face à une multinationale qui s'était juré de les écraser. «Je me souviens» d'un conflit à la Banque royale—la pauvre Banque royale qui a fait quelques milliards de profits en 1997—dans la ville de Kénogami, dans les années 1980-1982. Ce conflit a duré près d'un an et demi.
«Je me souviens» de la grève actuelle dans le port de Québec. «Je me souviens» aussi de la grève récente des pilotes d'Air Alliance qui ont travaillé pour faire reconnaître leurs droits, alors que l'employeur louait des avions sur le marché privé et, sous leur nez, effectuait des vols. C'est pour cela que je dis aux pilotes d'Air Alliance que nous sommes conscients que le projet de loi C-19 corrigera des choses, mais nous sommes conscients également que nous avons, comme parlementaires, un rôle à jouer, soit celui de dénoncer les injustices et de rappeler les promesses des libéraux. Ce gouvernement a un double langage: un langage quand il est dans l'opposition et un autre quand il est au pouvoir. Il parle des deux côtés de la bouche en même temps.
Nous, nous parlons d'un seul côté. Nous voulons faire valoir la position et les droits des travailleurs et des travailleuses du Québec. Il est inadmissible que les 115 000 personnes qui ont, j'allais dire, la malchance de travailler sous la juridiction du Code canadien du travail ne puissent bénéficier des mêmes dispositions que les travailleurs et travailleuses qui sont couverts par le Code québécois du travail.
Pourquoi ces travailleurs relevant du Code canadien du travail devraient être considérés comme des citoyens et des citoyennes de deuxième ordre? C'est totalement inadmissible.
Entre autres, nous sommes conscients que pour les pilotes d'Air Alliance qui ont un différend avec les pilotes d'Air Canada, ce projet de loi va les aider. C'est pour cela qu'il est hors de question que le Bloc québécois le retarde indûment. Nous avons un travail, comme parlementaires, et nous espérons que le projet de loi suivra son cours. Le projet de loi sera renvoyé au comité où on entendra des témoins qui présenteront des mémoires et on ne fera rien pour le retarder.
Avant tout, que veut-on? On veut une paix et une harmonie sociales dans les entreprises québécoises.
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le Président, au nom des électeurs de ma circonscription, j'aimerais poser trois questions au député.
Au moins deux projets de loi ont été déposés au cours de la dernière semaine, deux projets de loi ministériels qui sont extrêmistes et qui créent une polarisation entre les régions au lieu de les rassembler. Le discours qu'on vient d'entendre est un bon exemple d'une région opposée à une autre à cause d'un projet de loi, comme ça a été le cas avec le projet de loi C-4. J'aimerais présenter trois exemples et trois questions pour illustrer mes dires.
Le gouvernement libéral a fait disparaître il y a quelques années la subvention du Nid-de-Corbeau dans le but de promouvoir la diversification des cultures. On nous présente maintenant le projet de loi C-19 qui va tout à fait à l'encontre de ce principe. La diversification commence maintenant à se faire sentir. Les agriculteurs commencent à cultiver autre chose que les grains traditionnels. Ils se tournent par exemple vers le cubage du foin et de la luzerne. Ils en font des cubes. Comme ce n'est pas prévu par la loi, cela n'encourage pas les agriculteurs à tenter de diversifier leurs cultures, parce que la loi ne le reconnaît pas. Je ne sais pas si c'est un oubli de la part du gouvernement, mais c'est une question qui préoccupe les gens de ma circonscription au plus haut point.
Il ne devrait pas y avoir seulement quelques produits couverts par la loi. On devrait y retrouver tous les produits. Les agriculteurs ne cultivent plus seulement des grains. Le gouvernement devrait en tenir compte. Ne devrait-on pas inclure tous les produits?
Le deuxième point soulevé par le député a trait aux briseurs de grève comme certains députés du Bloc les appellent...
Le président suppléant (M. McClelland): Je suis désolé d'interrompre le député, mais nous ne disposons que de cinq minutes pour les questions et commentaires. Quelqu'un d'autre désire prendre la parole. Nous devons donner le temps au député de répondre.
M. Michel Guimond: Monsieur le Président, le député a eu le temps de parler seulement de luzerne, mais j'aurais aimé par contre—je ne suis pas étonné, monsieur le Président, vous devez gérer le débat—mais j'aurais aimé qu'il me pose une question sur les briseurs de grève.
Je peux vous dire que la disposition sur les briseurs de grève m'intéressait beaucoup plus que son allusion à la luzerne, et au fait d'introduire de la luzerne dans d'autres types de grain, ou qui pourrait régir les dispositions du Code du travail. Mais je vais seulement répondre rapidement à la première partie de son commentaire.
Il y a eu trois projets de loi présentés la semaine dernière qui démontrent une polarisation entre les régions du Canada. C'est vrai qu'il y a de nombreuses dispositions qui visent à créer une polarisation entre les régions du Canada, et c'est pour cela que le Québec, de toute façon, considère que votre pays, ce n'est pas nécessairement le nôtre. C'est pour cela que nous disons que le système actuel ne fonctionne pas.
Il y a une spécificité au Québec et c'est pour cela que l'on devrait envisager de nouvelles discussions en vue d'avoir un nouveau partenariat entre les deux États souverains qui seraient le Québec et le Canada. Cette polarisation est de plus en plus évidente et le gouvernement libéral actuel tend à le démontrer.
Nous avons hâte à la veille du prochain référendum, trois jours avant la tenue de celui-ci, que les gens du reste du Canada viennent nous dire qu'ils nous aiment. Cela va être très intéressant. On va tous faire ressortir les preuves de polarisation depuis 1995, et ensuite, on va dire «On vous aime». Oui, mais «On vous aime à genoux, les Québécois.»
Le président suppléant (M. McClelland): Une question de 30 secondes, suivie d'une réponse de 30 secondes.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Vous demandez l'impossible, monsieur le Président, mais j'essaierai.
Il y a un aspect qui n'a pas été abordé dans aucune des interventions jusqu'à présent, à savoir les attributions et les pouvoirs du Conseil canadien des relations industrielles et le rôle qu'il jouera dans le contexte général des relations du travail.
Le conseil est constitué dans une large mesure comme la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il est indépendant du ministre. Étant donné que le conseil est indépendant du ministre, qui rendra compte des décisions qu'il prendra?
[Français]
M. Michel Guimond: Monsieur le Président, je ne suis pas complètement en désaccord avec la position du député. Je pense qu'elle aurait avantage à être articulée lors de l'étude article par article de ce projet de loi. Je trouve son commentaire intéressant.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Je remercie les deux députés de leur échange succinct.
[Français]
M. Guy St-Julien: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
Je me suis levé pour poser une question, mais vous constaterez que du côté gauche, deux députés réformistes ont pris la parole. J'aurais voulu poser une question au député, mais le temps manque. J'aurais aimé parler des briseurs de grève.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Le député d'Abitibi sera le premier à avoir la parole lorsque viendra le moment de poser des questions à la députée de Calgary—Nose Hill. Reprise du débat.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-19 visant à modifier le Code canadien du travail. J'espère que les Canadiens qui suivent nos délibérations à la télévision se rendront particulièrement compte de ce que le gouvernement essaie de nous faire avaler en l'occurrence. Il s'agit d'un débat très important qui aura d'énormes répercussions pour les travailleurs canadiens, pour les unités de négociation qui les représentent, pour les entreprises et les créateurs d'emplois et, par conséquent, pour le bien-être de notre société et spécialement pour les droits et libertés démocratiques dont nous pensions jouir au Canada et auxquels les libéraux s'attaquent sérieusement dans cette épouvantable mesure législative.
Le projet de loi viole tout à fait les valeurs canadiennes fondamentales et prive les travailleurs canadiens de moyens fondamentaux de protection. Cela inquiète énormément l'opposition officielle et, je l'espère, tous les partis d'opposition. J'espère que les députés ministériels interviendront pour exiger le retrait de cette mesure législative jusqu'à ce qu'on ait remédié à ses lacunes afin d'éviter le tort permanent qu'elle pourrait causer à notre mode de vie et à nos droits et libertés démocratiques.
Il existe une différence réelle entre le projet de loi et l'examen que le groupe de travail Sims a fait du Code canadien du travail et qui est censé être à la base de la mesure à l'étude. Il a effectué son travail d'examen en 1995 et a produit un rapport intitulé «Vers l'équilibre».
Le gouvernement libéral aime bien le mot «équilibré» et, dans ce cas-ci, il l'associe à sa quête d'une législation du travail équilibrée. Nous sommes plutôt saisis d'une mesure législative affreusement déséquilibrée, qui nuira énormément aux travailleurs canadiens, à ces gens mêmes que le code du travail est censé protéger. Nous ne pouvons tolérer cela.
Non seulement ce projet de loi violera les droits des travailleurs, mais il sera absolument préjudiciable au bien-être économique de notre pays. Comme nous le savons tous, c'est sur l'activité industrielle que repose la concurrence de l'économie canadienne.
Le Canada étant peu peuplé, nous devons compter particulièrement sur de fortes exportations, industries, entreprises de développement, bref, sur tous les genres d'activités économiques susceptibles d'accroître la richesse de notre pays. Le gouvernement s'est beaucoup targué des efforts qu'il prétend consacrer à la création de nouveaux débouchés. Nous avons beaucoup entendu parler des expéditions d'Équipe Canada, des missions commerciales pour améliorer les possibilités d'exportation des sociétés canadiennes.
Nous sommes saisis aujourd'hui d'un projet de loi fort susceptible de renverser complètement la tendance de ce que le gouvernement libéral appelle sa stratégie de création d'emplois et de débouchés.
Il se peut fort bien que les emplois actuels soient exportés, mais pas simplement nos produits, nos services, nos connaissances ou notre technologie. Les emplois potentiels, ceux qui auraient pu être créer au Canada, ne se concrétiseront jamais.
Si le climat des relations de travail qui existe au Canada incite les entreprises et les services à aller s'établir ailleurs, il est très difficile de renverser ces décisions.
Je n'ai pas à rappeler aux jeunes qui suivent le débat que le taux de chômage des jeunes atteint presque 17 p. 100 au Canada. Le taux de chômage global est encore plus élevé. Il y a des Canadiens qui ont désespérément besoin des emplois auxquels ce projet de loi sur les conditions de travail va beaucoup nuire.
Nous recherchons la sécurité pour nos familles et nous-mêmes, et nous voulons protéger notre avenir. La meilleure manière d'obtenir cette sécurité, cette qualité de vie, cette paix de l'esprit, est d'avoir un emploi stable et un revenu stable. Voici cependant que nous sommes saisis d'un projet de loi qui va amener les entreprises à y penser à deux fois avant de poursuivre leurs activités au Canada, avant de prendre de l'expansion et avant même de s'implanter au Canada.
Pas étonnant que notre pays soit victime d'un très grave exode des cerveaux, au profit de pays qui abordent les relations de travail d'une manière beaucoup plus équilibrée que nous. Le projet de loi vise à déséquilibrer complètement le traitement de ces questions. Nous ne pouvons pas laisser faire sans protester vigoureusement et sans exhorter le gouvernement libéral à repenser cette mauvaise mesure législative.
Il y a dans cette mesure législative au moins six points, et probablement davantage, qui seront préjudiciables aux Canadiens et à leurs perspectives d'emploi et nuiront aux intérêts des travailleurs canadiens, justement ceux-là que ce type de projet de loi est censé protéger.
Je pourrais parler de chacun de ces points plus longtemps que toute la période qui m'est allouée. Je sais que mes collègues seront nombreux à en parler en détail, mais je voudrais traiter rapidement chacun de ces points pour que les Canadiens aient une certaine idée des raisons qui motivent notre profonde inquiétude et une réaction aussi défavorable.
Tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, les libertés et le processus démocratiques au Canada sont gravement minés par les dispositions du projet de loi. Il n'exige pas le vote par scrutin secret pour élire les représentants des travailleurs canadiens. C'est à peine croyable: les travailleurs canadiens, dans les secteurs de ressort fédéral, n'ont pas le droit de voter secrètement pour choisir leurs représentants. Cela viole le droit à la liberté d'association garanti par la charte, car on ne peut pas vraiment être libre à moins de pouvoir exprimer son opinion tout à fait librement.
Il faut que les travailleurs canadiens jouissent d'une liberté réelle si on veut qu'ils aient le droit de choisir librement un syndicat pour les représenter dans leurs négociations collectives avec l'employeur. La seule façon de garantir cette liberté de choix est le processus démocratique, c'est-à-dire un vote par scrutin secret chaque fois surveillé par le conseil. Ce droit vraiment fondamental qui fait partie des traditions, des valeurs et des croyances canadiennes est scandaleusement absent de ce projet de loi.
En outre, cela mine complètement la légitimité de nos unités de négociation. Il y a au Canada des unités de négociation et des syndicats qui ont à coeur l'intérêt supérieur des travailleurs, qui veulent les protéger et les défendre. Pourtant, s'ils ne sont pas légitimement choisis en fonction des traditions démocratiques de notre pays, leur légitimité est mise en doute. Les voeux des employés ne seront pas validés de la façon la plus fondamentale. Les syndicats ne seront pas sûrs de l'appui et de la légitimité qu'ils ont. Les syndicats n'auront aucun moyen de savoir si les travailleurs les appuient.
Le projet de loi prévoit un système de cartes d'accréditation, à savoir qu'un syndicat peut être accrédité si les organisateurs syndicaux arrivent à faire signer suffisamment de cartes par les travailleurs. Imaginez ce que ce serait si les députés étaient élus de cette manière. Imaginez ce que ce serait s'ils faisaient du porte-à-porte et demandaient aux électeurs de signer une carte sur laquelle on pourrait lire ceci: «Je voterai pour vous.» Imaginez que le candidat qui ferait signer le plus de cartes serait élu député. Aurions-nous au Canada le sentiment d'avoir exprimé légitimement notre voeu quant à la personne que nous voudrions voir nous représenter en disant oui ou non au candidat A, B ou C qui se présenterait à notre porte? Trouverions-nous cela démocratique?
Voilà comment, d'après les libéraux, les travailleurs canadiens devraient se choisir une unité de négociation. Cela va à l'encontre de toutes nos traditions. C'est un simulacre absolu des principes démocratiques.
Je signale que dans les provinces canadiennes où un scrutin secret surveillé est obligatoire, le niveau d'accréditation est très élevé. Cela valide les syndicats au lieu de les empêcher de faire leur travail, qui est de représenter les travailleurs canadiens.
Par exemple, en Alberta, en 1993 et 1994, le conseil a traité 205 demandes d'accréditation. Là-dessus, 116 ont fait l'objet d'un scrutin et 74 p. 100 ont été agrées. C'est conforme à ce qui est arrivé en Alberta les autres années. En fait, 100 p. 100 des travailleurs ont participé à 33 p. 100 des scrutins. La participation moyenne au scrutin était de 70 p. 100.
Les travailleurs canadiens veulent choisir de façon libre, juste et démocratique les personnes qui vont les représenter, mais les libéraux les en empêchent par ce projet de loi. C'est scandaleux.
Ce projet de loi pose un énorme problème de protection de la vie privée. Comme l'ont signalé d'autres intervenants, le conseil peut, grâce à ce projet de loi, forcer les employeurs à fournir le nom et l'adresse de leurs employés qui travaillent ailleurs que sur place à d'éventuels organisateurs syndicaux et cela, à l'insu des travailleurs et sans leur consentement. Les employeurs pourraient aussi se voir ordonner de permettre une communication par des moyens électroniques avec les travailleurs, encore une fois, sans que ceux-ci le sachent à l'avance ou y consentent.
C'est un gouvernement qui prétend se soucier de protection de la vie privée qui a présenté ce projet de loi. C'est tout à fait renversant. Le ministre de la Justice précédent avait promis qu'il y aurait, avant l'an 2000, une loi fédérale «qui protégera efficacement les renseignements personnels que détient le secteur privé».
Pendant la dernière législature, le Comité permanent de la Chambre des communes sur les droits de la personne a consacré la majeure partie d'une année à étudier la protection de la vie privée et s'est rendu dans plusieurs villes pour entendre de nombreux témoins représentant tous les points de vue sur la question.
En avril, lorsque le Parlement a été dissous pour la tenue des élections, le comité a publié son rapport intitulé La vie privée: où se situe la frontière, qui était tout simplement époustouflant par sa portée et sa profondeur. Le comité y reconnaissait la valeur fondamentale de la protection de la vie privée pour la société canadienne et affirmait que ce n'était pas «un luxe pouvant être sacrifié aux avantages économiques et sociaux». Un membre du comité a décrit le droit à la vie privé comme étant un droit essentiel à la liberté d'association, notamment dans les syndicats, à la liberté de parole et à notre autonomie même.
Ce rapport constituait on ne peut plus clairement un engagement ferme du gouvernement en faveur de la protection de la vie privé. Cependant, comme c'est si souvent le cas avec les libéraux, ils prennent des mesures qui sont en complète contradiction avec les belles paroles qu'ils citent avec tant de fierté.
Celui qui ne fait pas ce qu'il dit a un sérieux problème de crédibilité. Le gouvernement n'a aucune crédibilité lorsqu'il se dit attaché à la protection de la vie privée, parce qu'il ne l'a absolument pas assurée.
En fait, M. Phillips, le commissaire à la protection de la vie privée, a déclaré au comité du Sénat qui a étudié la première version du projet de loi qu'il contenait des dispositions tout à fait inacceptables.
Comment les renseignements personnels visant les travailleurs canadiens seront-ils protégés si l'opposition et les députés du parti ministériel qui ont à coeur la protection des renseignements personnels et le principe de liberté de chacun n'obligent pas le gouvernement à repenser ce projet de loi insatisfaisant? Le projet de loi laisse à désirer du début à la fin.
Il y a notamment la partie qui prévoit une accréditation par mesure de représailles lorsqu'un employeur a contrevenu à des dispositions du Code du travail, ce qui confère automatiquement la victoire à l'autre partie. Le conseil qui doit se prononcer sur ce genre de question n'a pas de comptes à rendre et, jusqu'à tout récemment, il était dirigé par quelqu'un dont le jugement est si mauvais qu'il a dépensé 700 $ de l'argent des contribuables simplement pour des dîners dans des villes comme Paris. Ce sont là les gens qui prennent des décisions au nom des travailleurs canadiens, décisions qui ne sont fondées sur rien de plus que de pures hypothèses. C'est tout à fait inacceptable.
Il y a toute l'idée des travailleurs de remplacement. Nous ne devrions pas nous illusionner: les syndicats voient dans la disposition à ce sujet une interdiction complète des travailleurs de remplacement, étant donné le dossier antérieur du conseil. Où est l'équilibre?
Encore une fois, les entreprises constateront qu'elles n'ont absolument aucun recours pour continuer de fonctionner pendant que les négociations collectives sont en cours. Elles auront l'impression que le fait de faire des affaires au Canada n'est pas assorti d'un équilibre des pouvoirs satisfaisant ni de protections et de garanties suffisantes pour qu'il soit intéressant pour elles de s'installer au Canada.
Qui perd dans tout cela? Ce sont les travailleurs et les jeunes Canadiens qui sont les perdants parce que nous avons à offrir un climat fort peu hospitalier à ceux dont nous avons le plus besoin, c'est-à-dire les créateurs d'emplois et ceux qui mettent à profit les perspectives économiques. Nous leur lions les mains et nous leur imposons des tracasseries administratives à n'en plus finir, mais nous nous attendons à ce qu'ils nous procurent de bons emplois assortis de revenus intéressants. Il n'en sera rien.
Par ailleurs, en vertu des mesures proposées dans le projet de loi, les syndicats n'auront plus à faire rapport de leur situation financière. Ces organismes gèrent des millions de dollars qui proviennent des travailleurs. Malgré cela, ils n'auront absolument aucun compte à rendre, et les travailleurs ne pourront s'appuyer sur aucun règlement ni disposition pour avoir l'assurance qu'il y a un équilibre des pouvoirs discrétionnaires conférés à des individus qui peuvent, en toute légitimité, obliger des travailleurs à verser des dollars durement gagnés à un organisme qu'ils n'ont même pas choisi librement. Certains de ces travailleurs ne voulaient peut-être même pas adhérer au syndicat, mais celui-ci n'a aucun compte à rendre.
J'aimerais avoir plus de temps pour parler d'autres dispositions que je trouve très contrariantes, c'est-à-dire celles qui, dans les faits, permettront au ministre, par décret du conseil, et en l'absence de débat démocratique et de discussion ouverte, de suspendre la procédure d'appel d'offres ouvertes dans le secteur assujetti à la réglementation fédérale. Qu'est-ce qui pourrait être plus préjudiciable au processus de négociation collective et à la liberté d'action dans notre pays que la disposition stipulant qu'il ne peut y avoir de processus de soumission libre dans les contrats du secteur régi par les lois fédérales?
Je demande aux députés de se rendre compte que ce projet de loi viole non seulement les principes démocratiques et les droits individuels fondamentaux des travailleurs, mais encore ces mêmes libertés et droits légitimes des entreprises et des travailleurs qui donnent toute sa vigueur à la vie économique au Canada.
Nous n'aurons de cesse jusqu'à ce que ces graves problèmes soient réglés. C'est un projet de loi à rejeter, car il fait du tort aux travailleurs canadiens. Il viole leurs droits. Il limitera les possibilités économiques dont pourraient profiter les travailleurs et tous les Canadiens. Nous ne pouvons pas nous croiser les bras et attendre que cela se produise.
[Français]
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire un commentaire et poser une question à ma collègue concernant les briseurs de grève.
Avant son intervention, j'ai écouté le député bloquiste de Beauport—Montmorency—Orléans concernant les briseurs de grève au Canada. Il disait: «Je me souviens». Il a mentionné plusieurs grèves qui ont eu lieu au Canada et auxquelles ont participé des briseurs de grève.
Il a oublié la dernière grève au Canada, celle de la Société canadienne des postes. Le ministre du Travail a refusé d'utiliser des briseurs de grève. Voilà le leadership d'un ministre canadien qui est à l'écoute des travailleurs.
Est-ce que la députée peut nous dire si elle est d'accord que, pendant un arrêt de travail, les parties patronales ou syndicales devront maintenir les services nécessaires afin de prévenir des risques imminents et graves pour la santé et la sécurité du public, et que de telles dispositions soient incluses dans ce projet de loi, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de briseurs de grève, comme la loi québécoise l'interdit actuellement, parce qu'il faut maintenir de bonnes relations entre les patrons et les syndiqués?
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le Président, au cours de la grève des postes, le gouvernement disposait d'une arme bien plus puissante que le recours aux briseurs de grève. En effet, il a adopté une loi de retour au travail pour mettre un terme à la grève. Si ce n'est pas là briser une grève, je me demande bien ce que c'est.
Ce qu'il faut dans ce domaine, c'est un équilibre. Le seul recours d'une entreprise qui ne peut poursuivre ses activités pendant une grève légale est soit de faire faillite, comme cela vient tout juste d'arriver chez Aliments Maple Leaf Inc., soit de céder à toutes les demandes du syndicat, même si elles sont déraisonnables ou préjudiciables financièrement.
Est-ce que c'est ça que veut le député, que l'une des parties au litige ait les mains complètement liées et qu'elle n'ait aucun recours? Est-ce que c'est ça le genre d'équilibre que recherchent les libéraux ou sont-ils en train de nous dire que, si les choses tournent mal, ils adopteront une loi de retour au travail et qu'il ne faut pas s'inquiéter outre mesure?
C'est complètement hypocrite de leur part, et cela n'est pas de nature à rendre plus harmonieuses les relations de travail au Canada.
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, écoutez donc le Parti réformiste parler des syndicats.
Ayant moi-même oeuvré dans le milieu syndical pendant nombre d'années et faisant partie des Travailleurs canadiens de l'automobile depuis 18 ans, je dois avouer que je suis vexé d'entendre le Parti réformiste dire que les syndicats ne sont pas démocratiques. En fait, ils sont probablement les organisations les plus démocratiques au Canada. Ils sont peut-être même plus démocratiques que cette Chambre.
J'ai travaillé avec eux. Je peux garantir que le Congrès du travail du Canada, par exemple, qui regroupe 2,3 millions de travailleurs syndiqués, est l'organisation la plus démocratique dans notre pays. Si les députés ne croient pas cela, je les encourage à passer un week-end avec des travailleurs syndiqués pour comprendre exactement ce qui ne va pas.
L'une des choses les plus nuisibles pour le processus de négociation collective et les plus déplaisantes pour les syndiqués, c'est lorsque les employeurs ont le droit d'embaucher des briseurs de grève. La députée a mentionné que les revendications des syndicats sont déraisonnables, mais elle n'a pas mentionné que certains employeurs imposent des exigences déraisonnables à leurs employés.
Nous devons débattre ce point en tenant compte de ces deux faits. Dans le domaine de l'arbitrage ou des relations de travail en général, domaine dans lequel j'ai oeuvré pendant de nombreuses années, le recours ou la menace de recours à des briseurs de grève ou à des lois de retour au travail détruisent le moral des syndiqués de la base. C'est absolument inacceptable que le recours à des briseurs de grève soit encore permis. Mon parti et moi-même voterions certainement en faveur de toute mesure législative visant à interdire le recours à des briseurs de grève ou à des lois de retour au travail.
À mon humble opinion, ce qui est susceptible de violer les principes syndicalistes c'est le Parti réformiste. Nous sommes le seul parti fédéral à la Chambre à avoir des employés syndiqués. Notre personnel a une association, située à Ottawa, qui négocie ses droits. Aucun autre parti officiel à la Chambre ne permet à ses employés de s'organiser et de se syndiquer. Nous encourageons nos employés à s'organiser et à se syndiquer.
J'aimerais beaucoup voir le Parti réformiste encourager ses employés à faire de même afin qu'ils puissent se négocier une rémunération équitable.
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le Président, le député aurait dû écouter ce que j'ai dit. J'ai dit que ce projet de loi est tout à fait antidémocratique, qu'il viole les principes démocratiques.
Un syndicat peut agir de façon très démocratique. Je suis heureuse d'apprendre que mon collègue a eu l'expérience d'un syndicat qui fonctionne de façon démocratique. Si un syndicat n'est pas choisi selon les règles de la démocratie, quelle légitimité possède-t-il, peu importe la façon dont il agira par la suite?
Le député a parlé des exigences abusives d'employeurs. Les abus ne sont pas le privilège des employeurs et de la direction. Malheureusement, ce peut aussi être le cas des unités de négociation, des syndicats. Comment éviter aux travailleurs d'être écartelés entre ces deux intérêts opposés? En adoptant une loi pondérée.
Je comprends que le député souhaite que ses patrons syndicaux et les syndicats qui sont les principaux bâilleurs de fonds de son parti puissent avoir toute liberté d'agir comme ils l'entendent. Je puis comprendre que mon collègue défende les syndicats et ses patrons syndicaux, mais qui se préoccupe des travailleurs?
Qui veillera à ce que les travailleurs, qui veulent garder leurs emplois et de bonnes relations de travail avec ceux-là même qui leur offrent des opportunités économiques, puissent jouir de libertés raisonnables et détenir des atouts dans le processus de négociation collective?
L'unité de négociation doit demeurer libre, agir de façon équitable et être en mesure de défendre les besoins des travailleurs. L'employeur, qui veut être en mesure d'assurer un emploi à long terme et des débouchés économiques à ses employés, doit aussi posséder des atouts dans la négociation. Nous cherchons un moyen équilibré de protéger les intérêts des travailleurs canadiens, et pas seulement ceux des patrons syndicaux du NPD.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, de nombreux travailleurs canadiens seront sans doute fort étonnés de voir le Parti réformiste prendre leur défense. La chose est difficile à croire.
Le député affirme que ce projet de loi vise à interdire l'utilisation de travailleurs de remplacement. Ce n'est pas vrai. Il y est prévu de protéger le droit des entreprises de poursuivre leurs activités. Toutefois, si une entreprise décide d'avoir recours à des travailleurs de remplacement pour venir à bout d'un syndicat, le conseil aura le pouvoir de le lui interdire.
Le député tente de perpétuer l'idée que, d'une façon ou d'une autre, le projet de loi vise à interdire complètement le recours aux travailleurs de remplacement, alors que c'est précisément le contraire.
Pour ce qui est des principes démocratiques, si entre 35 et 50 p. 100 des employés signent des cartes d'adhésion, le conseil devra tenir un vote. C'est ce qu'ils réclament. S'il y a une indication claire que les travailleurs souhaitent l'accréditation d'un syndicat et que plus de 50 p. 100 d'entre eux ont signé des cartes, le conseil pourra décider d'accorder l'accréditation sans tenir de vote.
Soyons bien clairs. S'il y a la moindre indication que des organisateurs syndicaux ont recours à des pratiques déloyales, qu'ils intimident les travailleurs afin de les amener à signer des cartes, le conseil pourra refuser l'accréditation ou exiger la tenue d'un vote général. Le député devrait dire toute la vérité pour qu'on sache bien de quoi il est question.
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le Président, je sais qu'il est difficile pour les députés néo-démocrates et libéraux qui ont des préjugés non fondés et des idées fausses au sujet du Parti réformiste d'en reconnaître les mérites.
Je peux garantir aux Canadiens que l'opposition officielle entend bien protéger les intérêts des travailleurs, peu importe les mythes et les idées fausses répandus par les députés d'en face.
Nous comprenons pourquoi ils veulent tout voir en noir et blanc. Ce n'est tout simplement pas le cas. Les réformistes sont des travailleurs. Ce sont des syndiqués. Pratiquement la moitié des syndiqués du pays ont voté pour le Parti réformiste au cours des dernières élections fédérales. Nous entendons bien les protéger, et c'est exactement ce que nous essayons de faire.
Le rapport Sim s qui est à l'origine de toute cette mesure législative dit de façon explicite que:
Par contre, il peut être nécessaire de faire appel à des travailleurs de remplacement pour maintenir la viabilité d'une entreprise quand les conditions économiques sont difficiles et les exigences syndicales inacceptables.
On ajoute:
C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles que les employeurs ont recours aux travailleurs de remplacement dans un but peu avouable.
C'est ce que disait le rapport du gouvernement. Il faut s'assurer qu'on n'interdise pas les travailleurs de remplacement. Étant donné l'historique du conseil, c'est ce à quoi cette mesure législative va conduire. Ce sera tout à fait injuste pour les travailleurs du pays et leur causera d'énormes torts.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi C-19, qui vise à modifier partie I du Code canadien du travail.
Dans mon exposé, je vais décrire brièvement le projet de loi C-19, même si les députés qui sont intervenus avant moi l'ont déjà très bien fait. Je vais parler un peu des syndicats et de leur rôle au Canada. Je vais ensuite m'attarder surtout sur les répercussions de cette mesure législative sur le secteur céréalier. Je vais parler plus particulièrement de ses répercussions sur les agriculteurs et leur famille et m'attarder notamment sur ce qui manque dans cette mesure législative, qui aura des effets négatifs incroyables pour les agriculteurs et leur capacité d'avoir accès aux marchés et de gagner leur vie.
D'autres orateurs avant moi ont bien décrit le projet de loi lui-même. Certains ont très bien réussi à signaler certaines de ses lacunes. La députée de Calgary—Nose Hill a montré qu'il s'agissait d'une mesure importante qu'on ne doit pas prendre à la légère et qu'il faut reconsidérer. Elle a relevé de façon admirable certaines des principales lacunes de cette mesure.
Je vais commencer par parler un petit peu des syndicats. À l'instar de ma collègue de Guelph—Wellington, j'ai reçu plusieurs lettres sur ce projet de loi. Une des choses qui m'ont vraiment inquiété dans beaucoup de ces lettres, c'est qu'on critiquait les syndicats. Beaucoup de gens trouvent que les syndicats n'ont absolument pas leur place dans le secteur céréalier. C'est regrettable.
Je tiens à dire très clairement que les syndicats jouent un rôle très utile. Ils sont nécessaires. Si les syndicats disparaissaient de certains secteurs, des entreprises pourraient alors exploiter leur main-d'oeuvre. C'est une préoccupation. Il est regrettable que des gens soient maintenant contre les syndicats du seul fait que quelques syndicats agissent de façon irréfléchie. C'est un important sujet d'inquiétude.
Pour que les syndicats s'améliorent, qu'ils deviennent plus efficaces et qu'ils soient mieux acceptés, certaines choses doivent se produire. D'abord, il faut établir un meilleur équilibre entre les syndicats et les employeurs, ce que, malheureusement, ce projet de loi ne fait pas. Celui-ci n'accorde pas non plus la protection dont ont besoin les innocentes tierces parties.
Certes, le projet de loi traite dans une certaine mesure du grain dans les ports et du transport du grain à partir des ports, de sorte qu'il influe de façon favorable, quoique faiblement, sur les agriculteurs, mais il ne les protège pas suffisamment, tout comme il ne protège pas assez l'industrie forestière et l'industrie minière. Il ne protège aucun des tiers qui subissent les inconvénients des conflits de travail. Ces tiers n'ont pas voix au chapitre dans les négociations patronales-syndicales, mais ils sont durement touchés par les arrêts de travail.
Il faut protéger davantage ces tiers. Tout à l'heure, je parlerai d'un groupe en particulier, les céréaliculteurs, qui sont d'innocentes tierces parties victimes de tout différend à cause duquel le grain entreposé dans les ports ne peut être chargé à bord des navires.
Je voudrais maintenant parler des agriculteurs et de la façon dont ils sont touchés par les arrêts de travail. Nous avons débattu à quelques reprises depuis notre arrivée à la Chambre des projets de loi concernant des conflits de travail. Depuis 1956, neuf importants arrêts de travail ont touché le secteur du grain. Le premier est survenu en 1956, suivi d'autres arrêts en 1972, 1974, 1975, 1982, 1986, 1988, 1991 et 1994. Plus d'une douzaine d'autres conflits de travail touchant la manutention et le transport du grain ont été réglés par une loi de retour au travail.
Au cours de l'arrêt de travail de 1998, 30 p. 100 des exportations de grain du pays ont été paralysées. Combien de manutentionnaires de grain syndiqués ont paralysé 30 p. 100 des exportations de grain? Soixante-neuf manutentionnaires de grain étaient insatisfaits de leurs conditions de travail et ont paralysé 30 p. 100 des exportations de grain. Ce conflit a eu des effets néfastes pour les céréaliculteurs, qui ne pouvaient acheminer leur grain sur le marché. J'estime que cela illustre la gravité de la situation, la gravité du projet de loi et la gravité des vices de ce projet de loi, qui ne changera pas grand chose en définitive.
J'ai grandi sur une ferme céréalière et je me souviens d'être allé à l'école pendant des arrêts de travail et d'avoir parlé avec mes amis. Mes amis à l'école, qui ont aussi grandi sur une ferme, étaient assez pauvres pour la plupart. Telle était la situation, mais les gens ne s'en plaignaient pas. Nous pouvions certes subvenir à nos besoins essentiels. Cependant, mes voisins et mes amis, durant les arrêts de travail, ressentaient les effets néfastes d'une façon évidente. En effet, ils ne pouvaient pas acheter les chaussures ou les vêtements neufs dont ils avaient besoin. Dans bien des cas, leurs parents devaient faire des miracles pour parvenir à nourrir la famille.
Ces arrêts de travail ne sont pas sans lien avec la réalité. Ils ont des conséquences dans la vie des gens. Cette mesure ne fait pas ce qu'il faut pour empêcher que les arrêts de travail aient de telles conséquences dans la vie des agriculteurs et d'autres qui sont captifs des relations patronales-syndicales.
L'article 87.7 du projet de loi fera une petite différence. La secrétaire parlementaire du ministre du Travail a parlé d'une lettre concernant cet article qu'elle avait reçue d'un agriculteur. Cet article vise à garantir que le grain acheminé au port sera chargé sur un navire. Ce n'est pas entièrement vrai, parce qu'une partie de plus en plus importante de nos récoltes passe par des installations de manutention en vrac et, dans ce cas, cet article ne s'applique pas. Si l'on fait affaire avec des installations de manutention en vrac, rien n'exige que le grain soit chargé à bord d'un navire.
En outre, la définition du mot grain est la même dans cette mesure que dans la Loi sur les grains du Canada.
Le député de Yorkton—Melville a mentionné que cela ne changerait rien pour une grande partie des marchandises agricoles.
Les agriculteurs tentent de diversifier leur production. Le gouvernement les a encouragés en ce sens. Ils ne peuvent plus compter uniquement sur le blé. Les agriculteurs ont fait du bon travail. Ils ont commencé à cultiver toutes sortes de produits différents. Autrefois, dans les Prairies, on trouvait principalement du blé, de l'orge et de l'avoine, ainsi qu'un peu de seigle et de lin. Maintenant, en valeur marchande, les récoltes de canola rivalisent en importance avec celles de blé. On remarque aussi beaucoup d'autres produits, comme les pois, les lentilles et la luzerne. Le député a mentionné que la luzerne était emballée en cubes et vendue surtout dans les pays asiatiques. Cette marchandise n'est absolument pas visée par le projet de loi parce que, selon la Loi sur les grains du Canada, ce n'est pas un grain.
Les agriculteurs ont diversifié leurs cultures. Ils ont fait ce qu'il ont cru bon de faire. Pour récompense, ils ont cette mesure qui fait que leurs nouveaux produits, qu'ils cultivent pour que leur subsistance soit assurée à chaque année, ou presque, ne bougeront pas, où qu'ils soient dans le réseau. Advenant un conflit de travail, ils n'auraient pas les revenus découlant de ces récoltes tant qu'une entente ne serait pas conclue entre les parties patronale et syndicale. Il faut beaucoup de temps pour remettre le système en marche une fois qu'il a été ainsi immobilisé.
Ces gens sont punis pour avoir bien travaillé, pour avoir pris les moyens de mieux subvenir aux besoins de leur famille et pour assurer la viabilité de leur entreprise.
Je me reporte à la lettre que la secrétaire parlementaire a reçue d'un agriculteur de l'Ouest qui appuie ce projet de loi. Elle a cité cette lettre pour montrer que nous devrions appuyer le projet de loi. Toutefois, une partie de la citation n'était pas tout à fait positive. L'agriculteur disait «C'est un premier pas valable». Pour moi, cela montre qu'il reste encore beaucoup à faire. Or, c'est tout ce qu'elle trouve comme argument pour nous convaincre de l'appui qui existe en faveur de ce projet de loi.
Quand je serai au gouvernement, je ne me satisferai pas d'un premier pas. Nous devons faire plus.
C'est ce que le Parti réformiste propose depuis quatre ans. Nous avons examiné la première loi de retour au travail en 1994. Je crois que c'était ma deuxième intervention à la Chambre des communes; il y avait seulement quelques semaines que nous étions là. Nous avons parlé de mettre fin aux arrêts de travail dans l'ensemble du système de la manutention du grain, et non pas seulement de veiller à ce que le grain qui se rend aux ports soit chargé sur les bateaux, ce qui est le seul effet de cette mesure législative.
Ce que nous avons proposé, c'est de recourir à l'arbitrage des propositions finales pour mettre fin aux arrêts de travail. Nous en avons parlé à plusieurs reprises à la Chambre et je crois que c'est un processus nécessaire pour mettre fin aux arrêts de travail comme ceux qui se produisent fréquemment dans le secteur de la manutention du grain.
On devrait surtout avoir recours à ce type de négociation collective quand une tierce partie se trouve captive du syndicat et du patronat. Dans ce cas, des milliers et des milliers de producteurs céréaliers le sont, et pourtant ils n'ont pas leur mot à dire dans les négociations. Ils n'ont pas leur place à la table des négociations.
Ce genre de situation concerne le transport du grain, mais c'est la même chose pour le transport du charbon, de la potasse et des produits forestiers; nombre de secteurs de ressources naturelles sont captifs et touchés, non pas indirectement, mais de façon très directe. Les personnes dans ces secteurs dépendent de l'acheminement de ces produits vers les ports pour leur subsistance, pour leurs revenus.
Pourtant, dans ce projet de loi, le gouvernement dit que, dans le cas d'un seul produit, le grain, tel que défini dans la Loi sur les grains du Canada, il s'assurera qu'il sera expédié jusqu'aux ports. La députée de Guelph—Wellington a ensuite l'audace de dire combien les libéraux ont fait du bon travail et de mentionner une lettre dans laquelle l'auteur, un agriculteur, a dit qu'il s'agissait d'un premier pas. C'est tout à fait inacceptable et, à mon avis, la députée devrait espérer davantage de son gouvernement.
Encore une fois, non seulement le Parti réformiste critique le projet de loi, en souligne les aspects qu'il juge inacceptables et qui pourraient être améliorés, mais il présente également des solutions de rechange.
Je voudrais parler de la solution de rechange que proposent les réformistes en ce qui concerne l'acheminement des produits. Les producteurs sont des expéditeurs captifs et, pourtant, ils n'ont aucune place à la table des négociations. Ce que nous proposons, c'est le recours à l'arbitrage des propositions finales.
Je vais passer ce processus en revue. Une grève a pour objectif de forcer un règlement. Si les membres d'un syndicat décident de faire la grève de temps à autre, c'est pour forcer l'adoption d'une solution. En fait, avec l'arbitrage des propositions finales, il incombe aux deux parties de s'entendre, de parvenir à une solution. L'arbitrage permet donc à la négociation collective de suivre son cours jusqu'au règlement du conflit. Tant le syndicat que la direction peuvent y recourir. L'arbitrage ne privilégie aucune partie au détriment de l'autre, il peut apporter une solution permanente et il s'agit d'un mécanisme efficace de règlement des différends.
Il importe de noter que l'arbitrage des propositions finales, malgré la façon dont les députés de certains partis le présentent très fréquemment, ne privilégie aucune partie au détriment de l'autre. L'arbitrage n'est aucunement un moyen dont disposent les entreprises pour s'en prendre aux employés. Il est utile autant à une partie qu'à l'autre.
Voici comment il fonctionne. Si le syndicat et l'employeur ne peuvent s'entendre au terme de leur convention collective, ils remettent au ministre le nom d'une ou de plusieurs personnes qu'ils recommandent en tant qu'arbitre ou groupe d'arbitrage. Le syndicat et l'employeur doivent ensuite présenter à l'arbitre ou au groupe d'arbitrage, selon ce qu'ils ont choisi, une liste des questions sur lesquelles ils se sont entendus.
Ces questions ne nécessitent pas d'autres négociations, puisqu'ils sont parvenus à une entente. Dans bien des cas, avant qu'une situation ne dégénère en grève, bon nombre des questions ont été réglées, de sorte qu'elles ne font plus partie du processus de négociation.
Ils présentent également à l'arbitre ou au groupe d'arbitrage une liste des questions qui sont toujours en litige. Dans le cas de ces questions, chaque partie est tenue de présenter une proposition finale de règlement. L'arbitre ou le groupe d'arbitrage doit choisir l'offre finale soumise par le syndicat ou celle soumise par l'employeur, ce qui permet d'éviter complètement tout arrêt de travail.
Cela semble être une solution plus complète au problème que de dire simplement que, si on achemine le grain jusqu'à la côte et si on le charge sur les navires, les autres aspects du système peuvent rester paralysés. Cela peut prendre des mois avant d'arriver à régler la situation, et c'est habituellement le cas. On peut perdre des ventes, et on en perd toujours d'ailleurs, au point où le Canada est maintenant considéré comme un fournisseur non fiable de grain et d'autres produits qui sont souvent touchés par des arrêts de travail.
À mon avis, cela me semble être une solution beaucoup plus raisonnable au problème. C'est la solution que nous préconisons depuis maintenant quatre ans, une solution que le gouvernement n'a pas examinée sérieusement, du moins je ne le crois pas, et je pense qu'il devrait le faire.
Je termine en disant que les agriculteurs et les autres expéditeurs captifs méritent un mécanisme plus efficace en tant qu'expéditeurs captifs, en tant que personnes qui n'ont pas leur place à la table, même si le processus de négociation a une incidence directe sur leur gagne-pain. Ils méritent mieux que cette mesure législative. Ils méritent un système d'arbitrage des offres finales, et c'est ce que le Parti réformiste leur donnera lorsqu'il en aura la chance, si le gouvernement actuel n'a pas la sagesse de le faire avant.
Mme Brenda Chamberlain (secrétaire parlementaire du ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir un moment pour répondre au député. Il m'a citée plusieurs fois relativement à une lettre que j'ai lue. Je pourrais lui lire une centaine de lettres.
J'ai assisté à des audiences avec le ministre du Travail à Vancouver. J'ai entendu ce que les agriculteurs avaient à dire. Certains d'entre eux avaient la larme à l'oeil lorsqu'ils m'imploraient d'adopter cette mesure législative parce que c'était important pour eux.
Il est difficile pour moi de comprendre le député lorsqu'il dit qu'il défend les intérêts des gens, qu'il veut les protéger. Je parle ici des gens ordinaires, des agriculteurs de sa circonscription. Je n'en reviens pas qu'il puisse ainsi repousser une lettre du revers de la main. Je ne comprends pas. Ce sont les gens mêmes qu'il prétend vouloir protéger.
J'ai ici un extrait d'une autre lettre. Celle-ci vient d'un agriculteur de la circonscription du député. La lettre dit ceci: «Divers groupes ont utilisé le grain comme un ballon politique pour arriver à leurs propres fins. Cette révision montre que le gouvernement reconnaît l'importance d'un approvisionnement constant et fiable en grain pour nos clients internationaux. Je vous exhorte à appuyer le projet de loi, en particulier l'article 87.7.»
Je peux seulement dire à la Chambre que ce sont là les choses que j'entends de la bouche des agriculteurs. Lorsque ceux-ci insistent sur l'importance que cette question revêt pour eux, je crois que nous devons répondre. C'est ce que le gouvernement libéral essaie de faire.
Le député a mentionné que, dans l'autre lettre dont j'ai cité un extrait, on disait que c'était une première étape importante. Nous devons parfois marcher avant de courir. C'est ce que nous essayons de faire, mais nous essayons de le faire de façon prudente et équilibrée. Nous croyons que c'est un bon projet de loi.
M. Leon E. Benoit: Monsieur le Président, je remercie la députée de ses observations et questions et je la remercie d'avoir cité une autre lettre.
À mon avis, si les agriculteurs avaient la larme à l'oeil, c'est parce qu'ils risquent un jour ou l'autre d'être les victimes de ces arrêts de travail à répétition. Tel était le sens de mes propos.
Quand j'étais jeune, c'étaient mes amis et voisins. Je n'ai en aucune façon repoussé le contenu de cette lettre du revers de la main. Le point que j'ai voulu souligner, c'est que la députée en faisait une interprétation assez libre quand elle affirmait que son auteur estimait que cette mesure législative réglait tous les problèmes. C'est de la foutaise. Il n'en est rien.
Au sujet de l'autre lettre qui dit que les agriculteurs souhaitent pouvoir compter sur un système fiable pour assurer l'approvisionnement de leurs clients en céréales, je suis entièrement de cet avis. Or, tel n'est pas l'objectif de cette mesure législative. Elle vise simplement à faire en sorte que le grain qui atteint la côte soit chargé à bord des navires. Mais ce n'est là qu'une petite partie du trajet que doit accomplir le grain. Il doit d'abord être transporté de l'élévateur à la côte. Et c'est là que, plus souvent qu'autrement, le problème surgit. À quoi bon adopter des mesures visant à assurer le chargement des navires alors que, dans bien des cas, le grain ne parvient jamais jusqu'à la côte à cause d'un arrêt de travail ou de quelque chose du genre?
Ce que nous voulons, ce sont des mesures qui touchent l'ensemble du système de transport des céréales, y compris dans les régions où les agriculteurs qui souffrent le plus de la situation n'ont pas droit au chapitre. Voilà ce que nous voulons, voilà ce que nous réclamons. Les lettres sont importantes, certes, mais sachons les interpréter comme il faut.
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de Lakeland de sa présentation.
Au Parti PC nous avons beaucoup de réserves, mais cette partie de la loi n'a pas été révisée depuis 25 ans. Je pense que nous sommes très près et qu'avec plus de consultations nous pourrions parvenir à de bonnes solutions.
J'ai deux questions à poser au député. Nous avons des réserves au sujet des travailleurs de remplacement, tout comme le député, et au sujet des travailleurs extérieurs et du fait que leur certification n'exige pas une majorité des votes des employés. Comme nous l'avons mentionné la semaine dernière, je pense, dans notre présentation en leur nom et au nom des autres partis d'opposition, nous avons des réserves à ce sujet.
J'ai une question sur les arrêts de travail dans les ports. Nous appuyons l'article qui empêcherait les conflits de travail susceptibles d'entraver le mouvement des grains dans les ports. Est-ce que le député peut imaginer cet article s'appliquant aussi aux élévateurs de l'Ouest et de l'Ontario? Les producteurs de pommes de terre et le secteur des pâtes et papiers pourraient être touchés également.
Un autre article du projet de loi, l'article 7, qui donne au CCRI le pouvoir de modifier les droits d'ancienneté, touche les pilotes. Le conseil a le droit de déterminer la question de l'ancienneté. C'est inquiétant pour les pilotes, car c'est l'ancienneté qui détermine leur progression et leur promotion, d'une façon radicalement différente de ce qui se fait ailleurs.
Donner au conseil le pouvoir de modifier des pratiques utilisées partout au monde dans le secteur de l'aviation pourrait créer des problèmes indus. J'aimerais aussi connaître le point de vue du député à ce sujet.
M. Leon E. Benoit: Monsieur le Président, je demande au député de m'excuser, mais je n'ai pas saisi sa dernière question. Je l'encourage à la répéter plus tard.
En ce qui concerne l'article 7, qui garantirait que le grain arrivé au port soit chargé à bord des navires, nous sommes certainement en faveur de cette disposition.
Comme l'a dit le député, nous aimerions pousser les choses beaucoup plus loin. C'est pourquoi nous proposons l'arbitrage des propositions finales. Une telle mesure assurerait qu'il n'y ait pas d'arrêt de travail entre le moment où le grain arrive au silo local, ou à l'endroit où il est entreposé, et celui où il est chargé sur le bateau, et elle permettrait au processus de négociation collective de suivre son cours.
C'est ce que permet ce processus, ce qui est important car nous ne voulons pas interrompre les négociations collectives. Nous croyons que c'est extrêmement important.
L'arbitrage des propositions finales garantit la conclusion d'un accord sensé sans qu'il y ait d'arrêt de travail. Chaque partie sait que l'autre va présenter une offre raisonnable puisque chacune sait que l'arbitre ou le jury va choisir l'une ou l'autre, et que ce ne sera pas un cocktail des deux comme c'est maintenant le cas dans bien des règlements forcés.
Ce sera toute l'une ou toute l'autre. Donc les deux offres présentées seront très raisonnables et très proches. Quelle que soit celle qui sera choisie, je pense que les deux parties seront contentes.
Nous encourageons ce genre de mécanisme. Il va beaucoup plus loin. Il ne s'applique pas uniquement au grain, car ce ne serait pas juste. Je suis bien sûr du côté des producteurs de grain. J'ai grandi dans ce genre d'environnement. Mes voisins et mes amis étaient et sont toujours des céréaliculteurs. Il faut appliquer cette solution aux autres secteurs qui sont eux aussi touchés par ce problème. La mesure législative fait de la discrimination injuste à cet égard aussi.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pourquoi le député croit-il que le NPD est maintenant un parti qui représente les dirigeants des gros syndicats plutôt que les travailleurs de ce pays?
Les organisations syndicales recueillent à l'heure actuelle plus d'un milliard de dollars au chapitre des cotisations obligatoires. Ce sont de grandes corporations, en fait, parmi les plus importantes au pays. Nous remarquons bon nombre de dirigeants syndicaux au sein des rangs néo-démocrates.
Le député peut-il nous expliquer pourquoi le NPD a perdu le contact avec les travailleurs, pourquoi il représente maintenant plutôt les dirigeants syndicaux et pourquoi il est anti-démocratique?
Ce parti ne croit plus à la nécessité d'obliger la tenue d'un vote postal secret pour le choix des dirigeants syndicaux au pays. Il ne croit pas au choix démocratique. Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique a enlevé le droit de vote par scrutin secret pour les questions d'accréditation.
Pourquoi le NPD est-il contre les travailleurs? Pourquoi ce changement?
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, c'est là une excellente question. Tommy Douglas doit se retourner dans sa tombe en voyant ce que les députés néo-démocrates sont en train de faire dans ce domaine. Lui, il croyait à la démocratie.
La démocratie ne fait toutefois plus partie des mouvements syndicaux. Le Nouveau Parti démocratique semble protéger les dirigeants syndicaux, comme le député vient de le souligner.
On ne retrouve pas dans ce projet de loi l'équité du vote. Au moment de la création d'un syndicat, tous devraient avoir une chance juste et démocratique d'exprimer leur volonté. Il est évident que le Nouveau Parti démocratique a rejeté ce que bon nombre des membres fondateurs de ce parti auraient appuyé quant à l'importance de la démocratie.
Ce parti était autrefois une organisation de base populaire, mais c'est maintenant devenu le parti des grands dirigeants syndicaux. C'est pourquoi plusieurs employés syndiqués votent maintenant pour le Parti réformiste. Ce mouvement va continuer et s'agrandir.
Le président suppléant (M. McClelland): Le temps alloué aux questions et observations est maintenant expiré, de même que les cinq premières heures du débat. Nous allons maintenant passer à la période de débat de 10 minutes sans période de questions et observations.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, à la lecture du projet de loi C-19, on s'est demandé pourquoi le gouvernement, qui en est à son deuxième mandat, qui a présenté ce projet de loi dans une Législature antérieure, présente une réforme aussi inachevée.
Pourquoi le gouvernement fédéral, qui a eu le temps de voir sur le terrain, par exemple, ce que les travailleurs de la Minoterie Ogilvie ont vécu, parce qu'il n'y avait pas de loi antibriseurs de grève—on l'a vu au cours de la dernière Législature—n'a-t-il pas répondu aux préoccupations que ces travailleurs, d'autant plus qu'au Québec, c'est un débat qui est fini depuis à peu près 20 ans?
On a une pratique au Québec; il y a une loi antibriseurs de grève, comme il y en a une en Colombie-Britannique, qui fait qu'on s'est rendu compte que le nombre de conflits, la durée des conflits, la difficulté des conflits avait diminué, parce qu'on a créé une espèce d'équilibre dans le système de négociation.
On s'attendait à ce que le gouvernement, aujourd'hui, dans ce projet de loi, qui est quand même le résultat d'une réflexion de longue durée—des réformes du Code canadien du travail, il n'y en aura pas à tous les matins—effectivement, on apporte les corrections qu'il aurait fallu pour en faire vraiment un code qui donne des chances égales aux parties dans la négociation.
Je comprends aussi, par le débat qu'il y a aujourd'hui à la Chambre, que dans le Canada, il y a plusieurs sociétés différentes, plusieurs façons de voir les choses. Pour les Québécois, le débat actuel est un peu, je dirais, irréel, c'est-à-dire que la question des briseurs de grève, il y a longtemps que c'est réglé au Québec. Le Conseil du patronat lui-même a décidé de ne pas aller en appel d'un jugement, parce qu'il a vu qu'au niveau de la paix sociale, la situation était satisfaisante et qu'on avait un modus vivendi acceptable et que les parties étaient heureuses de ce que cela donnait.
Donc, on aurait dû voir dans cette réforme-là des éléments pour permettre d'avoir véritablement une mesure antibriseurs de grève, parce que ce qu'on retrouve là-dedans, c'est très faible et c'est quasiment hypocrite. Les entreprises ne pourraient, selon le projet de loi, être mises en question pour l'embauche de briseurs de grève, sauf si cela touche la représentatitivé du syndicat.
Donc, n'importe quel employeur, dans ce cadre-là, sera justifié de dire: «Mes briseurs de grève, je les engage, mais jamais je ne mets en question la représentatitivé du syndicat. Regardez les syndicats; ils sont là sur la ligne de piquetage. Je les respecte. Je les respecte tellement que je fais entrer du monde régulièrement pour travailler à leur place». Le nouveau système permettrait, bénirait cette situation-là. Je pense que c'est inacceptable.
À mon avis, c'est une raison fondamentale pour voter contre le projet de loi, parce qu'on ne retrouve pas là un des éléments auxquels on peut s'attendre et qui serait essentiel pour avoir une réforme adéquate.
Il y a d'autres éléments aussi dans le projet de loi qui ne sont pas très intéressants. Par exemple, à l'article 108, on permet au ministre de s'ingérer dans la négociation. On accorde au ministre la possibilité d'organiser un scrutin sur les dernières offres patronales lorsqu'il y a un imbroglio ou un accrochage dans la négociation.
Cela viendra changer les règles du jeu. Cela mettra une pression indue, à mon avis, sur le ministre, et permettra aussi à la partie patronale de mettre sur la table les propositions qui sont un peu moins généreuses que celles qui leur auraient permis d'arracher un accord à la partie syndicale. Car, pour en arriver à la négociation souhaitable d'une convention collective, il faut que le jeu des parties et la force relative de chacune permettent d'en venir à des ententes qui fassent l'affaire des deux parties et qui soit un compromis intéressant.
Là, le compromis sera mis de côté du fait que le patron pourra ne pas offrir tous les avantages, puisqu'il peut inciter le ministre à organiser un scrutin. À ce moment-là, c'est de l'ingérence directe dans la vie syndicale et cela peut avoir comme effet, à moyen terme, la détérioration de la vie syndicale et des relations de travail à l'intérieur d'une entreprise.
Il y a aussi un autre aspect qui nous apparaît insuffisant. Dans le projet de loi, on évite de prévoir un transfert de rôles administratifs du ministre au service fédéral de médiation et de conciliation. On ne retrouve pas ces mesures dans le projet de loi et cela contribue à permettre au ministre de faire une interprétation subjective des situations. C'est donc un autre élément important.
J'en donnerai un dernier qui m'apparaît très significatif. Le gouvernement a refusé d'accepter qu'il y ait des listes transmises, autant par la partie syndicale que par la partie patronale, pour la nomination de membres d'un comité de relations de travail. À ce niveau, cela reflète le manque de concertation auquel on pouvait s'attendre. Si on avait accepté que les parties puissent proposer des listes communes, les gens qui ont, d'un commun accord, été désignés à la fois par la partie patronale et par la partie syndicale et qui doivent rendre des décisions arbitrales ou de tout ordre concernant les relations de travail, peuvent avoir une assise beaucoup plus solide.
Le ministre n'a pas retenu cette position. Il a plutôt préféré garder son droit discrétionnaire de nommer les gens, mais sans nécessairement avoir l'accord des deux parties. C'est certain qu'en cas de désaccord, on aurait pu permettre que le ministre fasse des choix. Toutefois, lorsqu'il y aurait eu possibilité d'avoir un accord entre les parties syndicale et patronale sur la nomination de certaines personnes, on aurait sûrement à ce moment-là atteint un poids beaucoup plus grand, une crédibilité encore plus grande pour les agents qui sont affectés aux relations de travail.
En conclusion, il y a dans cette loi beaucoup d'éléments qui auraient dû être fouillés plus à fond. On n'en est pas au premier mois de ce gouvernement. Cela fait déjà plus de quatre ans qu'il est au pouvoir. Il a vu sur le terrain comment les relations de travail se vivaient. Il s'est déjà prononcé, entre autres, lorsqu'il formait l'opposition, en faveur des mesures antibriseurs de grève qu'il n'a pas eu le courage d'inclure dans le projet de loi.
On voit très bien que des lobbys ont été écoutés par le gouvernement. On voit là les effets pervers du mode de financement de nos partis politiques. En tout cas, on peut présumer que c'est ce qui a permis à certaines portes de s'ouvrir pour qu'on puisse, dans le projet de loi, garder le trou béant, permettre que des situations se reproduisent, des situations pénibles, des situations difficiles pour les travailleurs, pour leurs familles et aussi pour les employeurs.
Cela laisse des séquelles importantes lorsqu'il y a des briseurs de grève qui sont embauchés et lorsqu'on permet légalement que ces gens-là puissent entrer au travail au détriment de ceux qui ont déclenché la grève. Je pense que le gouvernement fédéral aurait eu avantage à tenir compte, beaucoup plus qu'il ne l'a fait, de la situation du Québec où la loi antibriseurs de grève existe depuis plus de 20 ans. Il y a une baisse des conflits de travail, la durée des conflits est moindre et on a créé un équilibre supérieur avec la loi antibriseurs de grève. C'est un exemple que le Canada aurait dû suivre.
Ce sera pour les travailleurs du Québec, lorsqu'ils auront à faire le choix de la souveraineté d'ici quelques années, un des éléments à considérer. Lorsque tous les Québécois seront couverts par le même code du travail, ils auront la chance d'avoir des avantages supérieurs à ceux qui sont donnés par le Code canadien du travail, parce que la société québécoise est différente et parce qu'elle a décidé d'avoir des relations distinctes entre les travailleurs et les employeurs.
Dans le projet de loi du gouvernement fédéral, on ne retrouve pas cette composante importante de la société québécoise, une des pierres d'assise sur lesquelles toutes les relations du monde du travail se trouvent. Je pense que les travailleurs qui sont couverts par le Code canadien du travail et qui travaillent présentement au Québec seraient tous prêts à accepter qu'il y ait dans la loi fédérale les mêmes conditions que celles prévues dans la loi québécoise.
C'est un peu aberrant, car au Québec, on aura trois types différents de couverture pour les travailleurs: le Code canadien du travail, les gens qui ne sont pas syndiqués et le Code québécois du travail pour les autres travailleurs. Surtout lorsqu'on voit que le Code canadien s'applique à des secteurs sur lesquels on ne pourrait pas s'entendre, comme la Minoterie Ogilvie, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un effort, reprendre la discussion et s'assurer qu'on aura, dans le Code canadien du travail, des mesures qui seront aussi généreuses et aussi fonctionnelles que celles qu'on retrouve dans le Code québécois du travail?
[Traduction]
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de participer au débat sur les modifications proposées au Code canadien du travail dans le projet de loi C-19.
Le projet de loi traite d'un certain nombre de questions importantes que je voudrais aborder, notamment le fait que les syndicats peuvent être accrédités sans que la majorité des travailleurs ne soient consultés ou n'aient l'occasion de voter. Par ailleurs, le nom des travailleurs à distance peut être diffusé sans leur consentement. Le projet de loi ajoute l'article 87.7 à la loi, afin que le grain qui se trouve déjà au port puisse être chargé en moins de 72 heures, malgré l'existence possible d'un conflit de travail.
Ce qui est encore plus important, ce que je tiens à souligner aujourd'hui, ce sont les lacunes du projet de loi. Je reviendrai aux autres questions sous peu. Je veux faire remarquer essentiellement que, dans le cadre de cette réforme du Code canadien du travail, le gouvernement rate l'occasion de traiter d'un certain nombre de questions qui sont essentielles si nous voulons garantir la livraison de nos produits au marché.
Comme je suis porte-parole de mon parti en matière de commerce international, je sais à quel point il est important, pour préserver sa crédibilité, de livrer rapidement et à temps les produits au marché, afin qu'ils puissent être expédiés aux pays qui ont besoin de nos biens et de nos services. Malheureusement, ce n'est pas vraiment le cas de nos jours. Je pense que le régime de négociations patronales-syndicales actuel, qui existe depuis déjà quelque temps, ne fonctionne pas bien du tout.
Trop souvent, les conflits de travail mènent à l'interruption des services ou à des lock-out et ce sont des tierces parties qui en souffrent beaucoup. Je pense en particulier aux céréaliers. C'est un domaine que je connais très bien. Il y a eu, au cours des dix dernières années, un certain nombre d'interruptions de services qui ont fait beaucoup de tort au secteur céréalier. Mon collègue, le député de Prince George—Peace River en a parlé, mais je tiens à le signaler à nouveau.
En 1987, un arrêt de travail est intervenu entre les sociétés ferroviaires et leur syndicat. On a perdu cinq jours. Plus tard, dans la même année, un arrêt de travail de 42 jours est intervenu entre le terminal céréalier et les travailleurs du grain. Les pertes financières ont été lourdes. En 1991, un conflit de travail de 16 jours a opposé le ministère des Transports et le syndicat de la fonction publique. Il y a aussi eu, en 1995, un arrêt de travail de 20 jours du transport ferroviaire.
Il ne s'agit pas là simplement de statistiques. Il s'agit de préoccupations bien réelles pour les gens qui ont un produit à livrer au marché. Il s'agit aussi d'une préoccupation bien réelle pour des pays comme le Japon qui espèrent prendre livraison d'un produit qu'ils ont acheté et pour lequel ils ont envoyé des navires à des ports comme ceux de Prince Rupert et de Vancouver, mais qui ne peuvent pas prendre possession du produit qu'ils ont acheté à cause d'un conflit de travail. Ces problèmes ouvriers nous font perdre plus de jours de travail et plus de productivité que tout autre pays industrialisé, à l'exception de l'Italie. Nous ne faisons tout simplement pas assez. En fait, nous n'arrivons jamais à compenser cela.
Les frais de surestaries découlant de grèves aux terminaux de Vancouver et de Prince Rupert ont coûté quelque 50 millions de dollars l'an dernier aux céréaliculteurs de l'Ouest. Ces producteurs de céréales et d'oléagineux ont déjà du mal à joindre les deux bouts parce que les prix du marché ne sont pas très élevés. Ils ne peuvent certes pas se payer des arrêts de travail avec lesquels ils n'ont rien à voir. Ils n'ont rien à voir avec eux et pourtant, leur produit est empêché d'atteindre le marché et cela leur entraîne des coûts énormes. Des occasions sont perdues, mais les surestaries coûtent à elles seules plus de 50 millions de dollars.
Cela signifie que les agriculteurs doivent payer pour que les bateaux attendent dans le port de Vancouver pendant que nous démêlons un système archaïque de relations patronales-syndicales au Canada. Au plan commercial, cela nuit à notre crédibilité.
Quand je travaillais dans l'industrie du canola, les représentants des Japonais qui achetaient du canola au Canada ont dit à maintes reprises qu'ils allaient chercher d'autres fournisseurs. Je sais qu'ils l'ont fait parce que la Canada commence à avoir la réputation d'être un fournisseur auquel on ne peut pas se fier. Le produit leur plaisait, la qualité leur convenait, et ils en tiraient une bonne huile de cuisson. Mais ils ne pouvaient supporter les interruptions d'approvisionnement. Cela nous a coûté très cher.
Permettez-moi de revenir sur un ou deux points du projet de loi que j'ai mentionnés tout à l'heure.
Le gouvernement libéral a raconté au secteur céréalier qu'il lui avait rendu un fier service en ajoutant dans le Code canadien du travail une disposition qui permettra aux sociétés céréalières de continuer à charger les navires dans les ports même s'il y a grève ou lock-out. Cette disposition est bonne, mais ce n'est qu'une demi-mesure.
Si nous ne pouvons pas acheminer les grains jusqu'au terminal—et aucune modification n'a été apportée au Code canadien du travail pour garantir cet acheminement—, il ne s'agit que d'une demi-mesure. Elle ne va tout simplement pas assez loin. Les grandes perturbations des dix dernières années ont empêché le transport des grains et des oléagineux vers les terminaux. Ce n'était pas la peine de s'inquiéter du chargement à bord des navires.
C'est une tactique de diversion. J'avoue qu'il y a là une petite concession, mais le gouvernement laisse passer l'occasion de régler un grave problème.
Un aspect du projet de loi est profondément troublant. Il concerne la démocratie. Les libéraux proposent une modification très importante, un processus qui permettra à des syndicats de se faire accréditer sans avoir l'appui de la majorité des employés. C'est foncièrement mal. Cela porte atteinte aux droits démocratiques des travailleurs et des habitants du Canada et cela viole des principes fondamentaux de notre société.
Il n'y aura plus de scrutins secrets, un droit fondamental dont jouissait chaque Canadien. Nous avons le droit de voter secrètement en faveur d'un projet de loi ou contre celui-ci. Que ce soit dans le cadre d'un plébiscite ou d'un vote à la Chambre des communes, dans les assemblées législatives provinciales ou au sein des conseils municipaux, le vote secret est un droit fondamental. Selon les modifications proposées au Code canadien du travail, l'idée du vote secret ne tiendrait plus. C'est une lacune fondamentale du projet de loi ainsi qu'une raison de ne pas appuyer celui-ci.
Il y a un autre point qui se rapproche de cette question et qui est tout aussi inquiétant. Les noms des travailleurs peuvent maintenant être divulgués à ceux qui font des campagnes d'accréditation, et ce, sans que les travaillent soient au courant ou aient donné leur consentement. Je trouve cela inacceptable. Il me semble que si l'on demande à une personne d'adhérer à un syndicat, elle devrait savoir que son nom est divulgué. C'est un principe démocratique fondamental.
Je m'inquiète aussi de ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. Ce dernier ne traite pas des problèmes patronaux-syndicaux concernant l'acheminement des produits vers les marchés. Il ne traite pas de l'arbitrage des offres finales. Dans le secteur céréalier, il subsiste encore une situation dont nous avons été témoins à maintes occasions à la Société canadienne des postes, situation où le Parlement finit par ordonner le retour au travail des grévistes.
Nous estimons qu'il devrait y avoir un processus de négociation patronale-syndicale en cours jusqu'à ce qu'il y ait une interruption des services attribuable à une grève ou à un lock-out. Il devrait toutefois y avoir, à partir de ce moment-là, un processus plus éclairé. Dans un tel processus, les représentants de chaque partie reconnaîtraient n'avoir pu arriver à une entente au cours d'une période de négociation de 18 mois et présenteraient alors leurs offres finales, en attendant de savoir qui obtiendrait gain de cause. De toute façon, c'est ce qui finit par se produire. Le gouvernement ordonne aux employés de rentrer au travail et, de toute façon, met en oeuvre l'arbitrage des offres finales.
Faisons donc cela avant de subir de trop nombreux jours de perte de productivité précieuse découlant d'un arrêt de travail. La solution de l'arbitrage des offres finales qui est proposée par le député de Wetaskiwin, notre porte-parole en matière de travail, est une excellente initiative en vue d'établir un processus syndical-patronal plus éclairé au Canada.
[Français]
M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que j'interviens dans le débat en deuxième lecture du projet de loi C-19.
L'élaboration de ce projet de loi constitue le résultat d'un long processus de réforme du Code du travail. Toutefois, j'insiste pour dire que l'intention louable du ministre de réformer le Code de manière à le rendre conforme aux attentes tant des parties syndicales que patronales ne représente, après analyse, qu'une vision cosmétique des choses. En termes simples, le ministre du Travail, tout comme le gouvernement qu'il représente, ne possède qu'une approche restreinte de ce que sont les relations de travail.
Ce que le gouvernement ose qualifier de réforme en profondeur du Code canadien du travail ne représente, à mes yeux, rien qui vaille la peine d'être considéré. Étant moi-même syndicaliste, je tiens à dire que je parle en toute connaissance de cause. Et j'avoue sincèrement que l'énergie qu'a déployée le gouvernement libéral pour arriver à présenter ce projet de loi me laisse très perplexe.
Je ne peux concevoir qu'un gouvernement ayant la prétention de faire de l'emploi l'élément clé de sa plate-forme électorale puisse ignorer, dans sa réforme, l'adoption de mesures antiscabs. Le recours aux travailleurs de remplacement lors de conflits de travail représente à mes yeux l'acte le plus odieux qu'il nous soit permis d'imaginer. Les droits des travailleurs qui aspirent à de meilleures conditions de travail sont brimés par ces basses tactiques, et le gouvernement libéral ferme les yeux sur cette question.
Je me demande à qui sert véritablement cette réforme du Code du travail. Sans vouloir insinuer quoi que ce soit, il m'apparaît cependant clair que le ministre du Travail, en présentant une telle mesure législative, sert des intérêts supérieurs à ceux des travailleurs et des travailleuses. Le Parti libéral du Canada qui représente la haute finance et les grandes entreprises ne peut s'astreindre à présenter un projet de loi visant à améliorer les conditions des gens ordinaires.
Vous connaissez comme moi le dicton voulant qu'on ne mord pas la main qui nous nourrit. Eh bien, c'est dans cette optique qu'a été élaboré le projet de loi C-19. Les libéraux ne pourraient se permettre de présenter un projet de loi qui irait à l'encontre des désirs des grandes entreprises, puisque ce sont elles qui remplissent les coffres de la grosse machine électorale libérale. Comme je le disais tantôt, l'intérêt véritable du ministre du Travail est davantage de défendre les acquis des bailleurs de fonds de son parti que de prendre la défense des honnêtes travailleurs et de respecter leurs droits.
Bien sûr, l'article 42 du projet de loi prévoit l'interdiction de recourir aux services de travailleurs de remplacement. Mais le ministre fixe un cadre interprétatif dans lequel il suggère que le recours aux scabs ne peut s'effectuer dans le but établi de miner la capacité de représentation d'un syndicat.
À mon sens, cette proposition revient à dire qu'on peut faire de façon détournée ce que l'on ne peut faire directement. C'est là le propre du gouvernement libéral de jouer avec le sens des mots et de faire en sorte que la loi soit si compliquée que son interprétation devient quasi impossible.
Si le ministre du Travail et le reste du Cabinet avaient voulu démontrer, de manière probante, leur volonté de réformer le Code du travail, la question des travailleurs de remplacement aurait été abordée de front sans avoir recours aux faux-fuyants qui minent la crédibilité du projet de loi C-19.
Le Bloc québécois a à coeur les droits des travailleurs et la défense de leurs intérêts. Mon prédécesseur dans cette Chambre avait d'ailleurs présenté un projet de loi en ce sens. Mais la logique libérale pousse le ministre à ne pas considérer les questions de fond et à mettre de l'avant des mesures législatives tape-à-l'oeil pour donner l'impression de bouger sur des dossiers chauds.
Dans le même ordre d'idées, si le ministre et l'ensemble du gouvernement fédéral avaient voulu réformer adéquatement cet aspect du Code du travail, ils auraient pu s'inspirer de la loi antiscabs adoptée en 1977 par le gouvernement de M. René Lévesque. La clarté de la loi, lors de conflits de travail, réduit substantiellement les risques de dérapage des négociations et surtout, les actes disgracieux, voire violents. On n'a qu'à se rappeler le triste épisode du conflit chez Ogilvie. À cet égard, le refus du gouvernement fédéral de considérer la question démontre que le ministre a manqué le bateau et que le projet de loi actuel n'est qu'un mince pas en avant pour les travailleurs.
Le projet de loi C-19 aborde aussi une foule de sujets tout aussi importants que les dispositions relatives aux travailleurs de remplacement soit, entre autres, la création du Conseil des relations industrielles qui remplacera le Conseil canadien des relations de travail. Cet aspect majeur de la réforme ne répond même pas aux attentes des centrales syndicales. En effet, à maintes reprises, les syndicats ont exprimé la volonté de voir les membres nommés à partir de listes qui seront déposées, comme cela se fait au sein d'autres instances gouvernementales.
À mon avis, ce n'est qu'à ce moment que nous pourrons nous assurer que les décisions du Conseil canadien des relations de travail ne seront jamais remises en cause. En effet, par le passé, il est arrivé que les nominations ne reflétaient pas tout le talent, l'expertise et la connaissance qu'on est en droit d'attendre des gens qui siègent à ce tribunal quasi-judiciaire. Dans ces cas, il est prévisible que toute décision le moindrement controversée serve de prétexte pour remettre en cause la compétence et la partialité de certains membres du Conseil.
Évidemment, le ministre dit qu'il va consulter. Il est vrai que lorsque l'on fait des nominations de cette portée, c'est important, mais l'équilibre serait beaucoup mieux servi si le ministre pouvait s'inspirer des listes présentées, à la fois par le patronat et par le syndicat, pour répondre aux vacances qui peuvent survenir à l'un ou l'autre des moments de la vie du Conseil. Mais, une fois de plus, dans un semblant d'action, le ministre laisse tout le monde sur son appétit, se réservant encore tous les pouvoirs de nomination avec tous les inconvénients que cela peut amener.
Le dernier point que j'aimerais aborder, avant de conclure, concerne une autre omission majeure touchant la revendication de l'Alliance de la fonction publique. Cette dernière demandait à ne plus être assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais plutôt d'être couverte par le Code canadien du travail.
Pourquoi l'Alliance de la Fonction publique et ses travailleurs et travailleuses ont-ils présenté une revendication comme celle-là? Parce que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est ainsi faite qu'elle ne leur donne pas le pouvoir de négocier des dispositions aussi importantes que la sécurité d'emploi prévue par une loi autre que celle sur les relations de travail. C'est également vrai pour la protection contre les changements technologiques, la classification des postes, les nominations, l'avancement et les mutations.
Une telle modification, allant dans le sens de la demande de l'Alliance de la fonction publique, aurait aussi eu l'avantage d'éviter une situation inéquitable envers une catégorie de travailleurs québécois. On retrouvera trois catégories de travailleurs qui seront, selon le cas, protégés par la Loi québécoise qui ne permet pas l'embauche de briseurs de grève, ceux qui ne sont pas syndiqués du tout, et ceux qui le sont, mais sous le coup du Code canadien du travail, syndiqués, mais sans protection contre l'embauche de scabs.
En conclusion, le projet de loi C-19 se veut une belle occasion ratée, encore une fois, par le ministre du Travail. C'est l'occasion manquée de donner aux travailleurs une véritable protection contre l'embauche de briseurs de grève. C'est l'occasion manquée de se rendre à la demande de l'Alliance de la Fonction publique du Canada de ne plus être assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Le ministre aurait aussi pu mettre fin à une situation discriminatoire envers certaines catégories de travailleurs québécois qui, dépendant de la loi qui régit leurs conditions de travail, n'auront pas droit à la même protection.
Bref, comme je l'ai déjà mentionné, on ne mord pas la main qui nous nourrit. C'est sûrement ce que le ministre du Travail avait en tête au moment d'élaborer les lignes du projet de loi C-19. Il se garde bien d'enlever quelque avantage que ce soit à ceux qui, année après année, contribuent si généreusement à la caisse libérale.
Le projet de loi C-19 n'est que du tape-à-l'oeil. Les travailleurs ne sont pas dupes et le Bloc québécois non plus. Personne ne peut donner son appui à un projet de loi qui, malgré les belles paroles du gouvernement à leur endroit, en fait aussi peu pour sauvegarder et améliorer les droits des travailleurs.
[Traduction]
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, en intervenant aujourd'hui sur le projet de loi C-19, je reprends le thème présenté par mes collègues ce matin. J'ai pensé qu'une des meilleures façons de le faire serait peut-être de commencer par lire une lettre que j'ai reçue d'un électeur. C'est ce qu'un de nos vis-à-vis libéraux a fait ce matin et je vais faire exactement la même chose.
Cette lettre m'est venue d'un électeur très inquiet qui a effectué une recherche approfondie sur le projet de loi C-19, dont l'aspect démocratique le préoccupe.
Il m'écrit donc ce qui suit:«Le 6 novembre 1997, le ministre du Travail a présenté le projet de loi C-19 qui renferme la plupart des modifications proposées dans le projet de loi C-66. Malheureusement, la version révisée présente les mêmes défauts que celle qui l'a précédée. Par conséquent, les améliorations qui auraient été apportées au Code du travail sont complètement annulées par des dispositions qui maintiennent des règles antidémocratiques et de nouvelles mesures qui nuiront à la compétitivité des entreprises canadiennes assujetties aux lois du travail fédérales.» Le projet de loi C-66 a été présenté à la dernière législature.
Cette lettre fait clairement ressortir trois défauts et fait allusion à de nombreux autres. Je vais m'arrêter sur deux ou trois de ces défauts. Le ministre n'a pas suivi les recommandations qu'avait formulées le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à la suite de son étude du projet de loi C-66, dont la Chambre a déjà été saisie. Selon ces recommandations, les lois fédérales devraient prévoir un scrutin secret permettant aux travailleurs de dire s'ils veulent être syndiqués.
Les lois du travail de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve prévoient la tenue de scrutins secrets obligatoires. Seuls les néo-démocrates de la Colombie-Britannique ont supprimé ce droit aux scrutins secrets, quand ils sont arrivés au pouvoir dernièrement. Le fait que l'on retire ce droit à la tenue d'un scrutin secret a outré les habitants de la province, non seulement les gens d'affaires, mais aussi les représentants syndicaux.
Franchement, je m'étonne que les néo-démocrates de la Colombie-Britannique et de la Chambre des communes, qui disent promouvoir la démocratie, restent silencieux quand on retire aux travailleurs syndiqués le droit démocratique de participer à des scrutins secrets.
Il est difficile d'imaginer quelque chose de moins démocratique que le fait d'empêcher des travailleurs syndiqués de participer à des scrutins secrets. Ces travailleurs sont ainsi exposés aux pressions de dirigeants et de représentants syndicaux trop zélés qui défendent ardemment une cause et qui utilisent notamment la peur pour forcer leurs membres à se prononcer d'une certaine manière.
Imaginez un peu si nous faisions les élections provinciales et fédérales de cette façon. Le Canada pourrait être la cible de sanctions et de critiques de tout le monde libre si nous choisissions nos élus par un scrutin qui n'est pas secret.
Les députés libéraux vont voter comme leur ordonne leur whip, mais je me demande comment ils parviennent à dormir le soir étant donné le caractère antidémocratique du projet de loi. Les députés néo-démocrates devraient être révoltés. Ils devraient trépigner de rage devant une telle attaque contre la démocratie et les syndiqués. Hélas, par leurs interventions pendant le discours du député réformiste de Calgary—Nose Hill de ce matin, ils ont bien montré qu'ils ne tiennent même pas à essayer de défendre les droits des travailleurs qu'ils prétendent représenter.
Comme un de mes collègues l'a déclaré tout à l'heure, Tommy Douglas doit se retourner dans sa tombe devant ce que les néo-démocrates font aujourd'hui. Tommy Douglas représentait ma circonscription au milieu des années 1960. Il a remporté le plus fort pourcentage de votes jamais obtenu dans la circonscription de North Vancouver—Burnaby. Il avait obtenu 52,4 p. 100 des voix.
Le deuxième pourcentage a été obtenu par un réformiste lors des élections de 1997, avec 49,9 p. 100 des voix. C'est encore trois points derrière Tommy Douglas, mais cela montre une progression intéressante dans ma circonscription. La circonscription était néo-démocrate au milieu des années 1960, elle a ensuite été libérale pendant une courte période, puis est redevenue néo-démocrate, est ensuite devenue conservatrice et est maintenant réformiste. Il n'est pas inintéressant de souligner que le Parti réformiste a remporté le plus fort pourcentage de voix depuis l'époque de Tommy Douglas dans cette circonscription. Il doit se retourner dans sa tombe devant l'attitude du NPD qui refuse de défendre les droits des travailleurs.
Se pourrait-il que le NPD aime le projet de loi parce qu'il garantit à toutes fins utiles l'accréditation forcée des syndicats, ce qui sera suivi par le prélèvement obligatoire des cotisations syndicales sur la paie des travailleurs et, en bout de ligne, des rentrées dans les coffres du NPD? Peut-être le NPD n'est-il pas aussi démocrate qu'il aime bien le prétendre. Peut-être les lettres NPD sont-elles là pour «Non, pas de démocratie»?
Je reviens à la lettre parce que c'est un document branché sur la réalité, qui ne provient donc pas de la Chambre des communes. Le projet de loi C-19 y est qualifié de «mesure législative élaborée à la hâte et imposée de force». Il n'y a aucune raison d'adopter le projet de loi à toute vapeur. Le code du travail a été revu il y a 25 ans. Aucune nécessité ne commande l'adoption précipitée de telles dispositions.
Il y a d'autres objections dans la lettre, notamment celle-ci:
Le nouveau projet de loi donne au Conseil canadien des relations industrielles le pouvoir d'accorder une accréditation à un syndicat qui n'a pas l'appui de la majorité quand il est d'avis que, n'eut été la pratique déloyale de travail, le syndicat aurait vraisemblablement obtenu l'appui de la majorité des employés d'une unité.
Franchement, aucun syndicat ne devrait obtenir une accréditation sans avoir procédé à un scrutin secret. Si la façon dont s'est déroulée la procédure menant au scrutin présente des problèmes, il faudrait les résoudre par d'autres moyens. Il est complètement ridicule de priver les travailleurs du droit de vote au scrutin secret et de punir l'employeur. Je ne puis concevoir pourquoi ni comment le gouvernement a pu penser que cela était le moindrement justifié.
La lettre poursuit:
Ni le Conseil canadien des relations industrielles ni aucun autre organisme n'a le pouvoir de remplir rationnellement une tâche en s'appuyant sur rien de plus que de folles conjectures. Si un employeur s'est rendu coupable d'une pratique déloyale de travail, le Conseil devrait en punir l'employeur, non priver les travailleurs de leur droit démocratique de se prononcer sur la pertinence de la représentation syndicale.
On a pu constater les risques liés à ce genre de disposition législative lorsque le Conseil des relations de travail de l'Ontario, faisant fi de la volonté des travailleurs, a accordé aux Métallurgistes unis d'Amérique l'accréditation comme agent de négociation des employés d'un magasin Wal-Mart de Windsor. Les employés avaient refusé par 151 voix contre 43 d'être représentés par ce syndicat.
Qu'on imagine ce qui se passerait si les scrutins se tenaient de cette façon au Canada. Qu'on imagine ce qui se passerait si, lors d'élections fédérales, le directeur général des élections, mécontent des résultats dans une circonscription, pouvait décider de déclarer comme député un autre candidat que celui qui avait recueilli le plus de voix, sans tenir compte du droit des électeurs, pour remédier à une injustice dont avait été entachée à ses yeux la campagne électorale.
C'est absolument révoltant. Si cela se produisait dans le contexte véritable d'élections fédérales, le directeur général des élections ordonnerait la tenue d'un autre scrutin et rendrait ainsi le pouvoir aux électeurs qui ont le droit de vote au lieu de le leur enlever. Voilà un autre bon exemple qui montre à quel point cette disposition du projet de loi est épouvantable.
Je rappelle à la Chambre que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a présenté son rapport sur le projet de loi C-66 le 25 avril 1997. Le gouvernement a donc eu tout le temps nécessaire pour examiner le document et y réfléchir.
Le comité émet, dans son rapport, des réserves au sujet de la façon dont la Commission des relations de travail de l'Ontario a récemment appliqué une disposition semblable dans le cas de la compagnie Wal-Mart. L'auteur de la lettre partage les réserves du comité, étant pleinement conscient des dangers que cette disposition représente pour les valeurs démocratiques si chères aux Canadiens.
Avant de terminer, je voudrais inviter tous les députés à combattre d'arrache-pied ce projet de loi, parce qu'il piétine les droits démocratiques des travailleurs canadiens. Il viole des éléments fondamentaux de la liberté de vote dans notre société. Ce projet de loi donne à penser que les cartes sont une indication fiable de la volonté des travailleurs d'accepter l'accréditation d'un syndicat et que le seul fait d'amener quelqu'un à signer une carte constitue une preuve suffisante que cette personne appuiera également la création d'un syndicat à l'occasion d'un vote. C'est tout à fait ridicule.
Une fois que le projet de loi aura été adopté, les syndicats n'auront plus à rendre compte de leur situation financière. C'est inconcevable. Ils se retrouveraient dans la même situation que les organismes de charité, dont la Chambre commence à reconnaître la nécessité d'examiner le cas. On sait que les organismes de charité n'ont aucun compte à rendre quant à la façon dont ils dépensent leur argent et n'ont aucune responsabilité envers les personnes qui financent leurs activités.
Je pourrais continuer de parler du projet de loi encore longtemps, mais je constate que mon temps de parole est écoulé. Je laisse à mes collègues le soin de poursuivre la charge.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole, non seulement pour poser des questions mais pour compléter par des observations certaines des questions que j'ai posées plus tôt.
Nous devons revoir la législation relative à la syndicalisation au Canada de façon beaucoup plus approfondie que nous ne l'avons fait dans le passé. Tous les pays du monde industrialisé, à l'exception du Canada et de l'Australie comme je l'ai déjà fait remarquer, ont aboli la syndicalisation obligatoire et le paiement obligatoire de cotisations syndicales. La plupart de ces autres pays ont adopté des lois qui protègent les droits et libertés de chaque travailleur.
Il est étonnant que le Canada ne se soit pas engagé sérieusement dans la même voie. Après avoir écouté les députés du Bloc, ceux du NPD et ceux du Parti libéral, qui est à l'origine du projet de loi à l'étude, je constate que le gouvernement n'a nullement l'intention d'adopter une politique en ce sens. Pourtant, nous aurions de bonnes raisons économiques de donner cette orientation à notre législation du travail
J'ai posé, plus tôt, au député bloquiste une question au sujet de la Charte québécoise des droits et libertés. Je sais que cette charte n'a peut-être pas de répercussions directes sur le projet de loi dont nous sommes saisis, mais ce dernier soulève tout de même une question relative à la charte.
La Charte québécoise des droits et libertés protège les droits fondamentaux suivants. Les députés bloquistes ont parlé au nom de leur province à ce sujet, mais la question se pose pour le reste du pays car la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît aussi le droit d'association comme une liberté fondamentale. Les gens devraient pouvoir décider s'ils veulent être syndiqués ou pas et être assujettis ou non aux règles et règlements du syndicat.
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne établit ces droits:
Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence...
À l'article 13, on dit:
Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination. Une telle clause est réputée sans effet.
L'article dit de plus:
Il est important de reconnaître que la liberté d'association garantie par le paragraphe 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés comprend la liberté de ne pas être forcé de se joindre à un syndicat en particulier sous peine autrement de perdre son emploi.
J'ai examiné le projet de loi C-19, et je note qu'on met beaucoup l'accent sur la création du Conseil canadien des relations industrielles. Il semble que les libéraux aiment ce type de conseil. En fait, ils retirent au ministre la responsabilité de s'occuper des principaux problèmes qui surgissent dans ce domaine. Dans ce cas-ci, le conseil est un organisme quasi judiciaire. Il ressemble à d'autres organismes quasi judiciaires que le gouvernement libéral aime créer.
Ce conseil sera l'arbitre final ou celui qui prendra la décision finale. Il n'y aura aucun recours pour un employeur si 35 ou 40 p. 100 de ses employés décident de se syndiquer.
Le ministre du Travail se lavera les mains de toute cette affaire, comme tous les autres ministres le font lorsqu'ils peuvent compter sur ces beaux organismes quasi judiciaires au sein de leur portefeuille. Ils disent alors à leurs concitoyens qu'il s'agit d'un organisme quasi judiciaire qui est indépendant de toute ingérence politique.
Les libéraux ont déjà fait leurs petits choix quant à savoir qui siégera à ce conseil. Les membres prendront les décisions qu'ils veulent et il n'y aura aucun recours pour les gens insatisfaits. C'est vraiment un simulacre de justice.
Les membres du conseil sont déjà choisis; ils n'auront même pas à être citoyens canadiens. Pourtant, ils siégeront presque comme des juges et prendront des décisions qui auront des répercussions sur les gens sur le marché du travail. On devrait exiger que les membres du conseil soient au moins des citoyens canadiens. Ils auront le pouvoir de prendre des décisions, un peu comme un juge, même s'ils n'ont pas nécessairement à suivre les règles de la preuve.
Ainsi, ils prendront des décisions en ce qui concerne l'accréditation, par exemple. Si un syndicat veut obtenir l'accréditation, le conseil pourra lui accorder cette accréditation même s'il n'a pas l'appui d'une majorité des employés. L'employeur n'aura encore là pas grand chose à dire. Ou encore, le conseil devra prendre une décision suite à une demande du syndicat et déterminer ce que l'employeur doit faire des travailleurs à domicile qui n'appartiennent pas au syndicat. L'employeur pourrait avoir à envoyer une liste de ces travailleurs, leur nom, leur adresse, sans même obtenir le consentement de l'employé, du travailleur à domicile.
Cela dépasse de beaucoup les cadres du mandat que tout conseil devrait avoir. J'ai vu comment ça se passe dans les syndicats quand les choses s'enveniment. Ils peuvent même mettre la sécurité de ces personnes ou de leur famille en danger. Je ne crois pas que cela soit convenable du tout. Si quelque chose devait en fait arriver, qui défendrait ces travailleurs à domicile? Qui? Je ne le sais vraiment pas.
C'est là en soi un manquement au respect de la vie privée et une infraction au droit de l'employé à domicile de demeurer anonyme s'il le désire. Aucun conseil ne devrait avoir le droit de communiquer ces renseignements à qui que ce soit.
En terminant, j'aimerais faire une brève comparaison. Je voudrais soulever la question du respect de la vie privée dans les cas où les noms et adresses de certaines personnes sont communiqués à un représentant syndical, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur la sécurité de ces personnes.
J'en tiens le gouvernement libéral responsable. Il n'hésite pas à communiquer le nom des agresseurs sexuels qui pourraient être libérés de prison et qui constituent une menace pour la sécurité des enfants et des habitants d'une communauté.
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Avec tout le respect que je dois au député et à la Chambre, nous parlons actuellement du Code canadien du travail et non des agresseurs sexuels.
Le président suppléant (M. McClelland): Voilà une intervention fort sensée. Reprenons le débat.
M. Art Hanger: Monsieur le Président, si le député néo-démocrate avait écouté, il aurait compris que je faisais une comparaison entre la protection qu'il faut accorder à certains travailleurs qui verraient leurs noms divulgués à des représentants syndicaux et l'attitude malheureuse du gouvernement qui refuse d'en faire autant à l'égard de ceux qui menacent la sécurité de nos collectivités en diffusant les noms des agresseurs sexuels afin d'éviter que nos enfants ne deviennent leurs proies.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, allô, c'est le syndicat à l'appareil, voilà une suggestion pour le début du nouveau scénario à prévoir. Le projet de loi C-19 autorise les organisateurs syndicaux à se procurer les listes de travailleurs à domicile.
Que fait-on de toutes ces personnes qui travaillent à contrat ou ne sont pas assujetties au processus d'accréditation? Leurs noms et adresses ainsi que les données sur la façon de les contacter vont désormais être remis aux organisateurs syndicaux, et ceux-ci auront accès à d'autres données émanant des ordinateurs des entreprises en question.
Vous vous demandez sans doute, monsieur le Président, avec le consentement de qui? Avec le consentement des organisateurs syndicaux bien sûr, mais certainement pas avec le consentement des employés ni avec le consentement des employeurs.
Car tel est le bon plaisir du Conseil canadien des relations industrielles. Je voudrais insister là-dessus, si vous me le permettez. Pour désigner ce nouveau monstre, le projet de loi remplace le nom du Conseil canadien des relations du travail par celui de Conseil canadien des relations industrielles.
Qu'est-ce à dire? Qu'est-ce que cela va changer concrètement? On va conférer au conseil un peu plus de pouvoir et restreindre quelque peu son obligation de rendre des comptes. Résultat, il va engendrer encore plus d'abus. Tel est l'objectif visé, avec tous ces tribunaux, tous ces conseils et toutes ces commissions.
On cherche à libérer le ministre de son obligation de rendre des comptes et à empêcher les députés, y compris les députés libéraux, d'obliger ces organismes quasi judiciaires et d'autres organismes gouvernementaux à rendre des comptes. Oui, ils seront ainsi moins tenus de rendre des comptes. Les députés auront moins la capacité de freiner ces organismes qui, eux, auront de plus en plus de pouvoir.
Je voudrais parler de certaines des choses que pourra faire le Conseil canadien des relations industrielles. D'abord, il pourra accréditer un syndicat sans que la majorité des employés aient pris part à un vote, c'est-à-dire sans que ce syndicat ait l'appui de la majorité.
Si l'on y pense un peu, on constate que l'idée qu'il n'est pas nécessaire que la majorité des employés votent en faveur d'un syndicat pour qu'il soit accrédité est une violation fondamentale des principes démocratiques.
Je vais parler de certaines des décisions importantes qui ont été rendues à propos de cette question et qui démontrent qu'un système basé sur les cartes de membres n'est pas fiable. Le Conseil canadien des relations de travail l'a dit lorsqu'il a été confronté à deux syndicats qui prétendaient avoir l'appui de la majorité dans une unité de négociation. Les gens peuvent se reporter au cas du Syndicat des travailleurs en communication du Canada contre le Syndicat des communications Canada, en 1979.
La carte de membre n'est pas plus fiable lorsque la lutte est entre la représentation syndicale et la non représentation. C'est un bel exemple. Deux syndicats prétendaient représenter la majorité des titulaires de carte. Chaque syndicat disait qu'en vertu du système des cartes il était le représentant élu. Voilà une preuve flagrante que le système des cartes ne fonctionne pas. Deux syndicats peuvent abuser du processus et prétendre avoir l'appui de la majorité. C'est un des défauts les plus fondamentaux du système des cartes.
L'autre défaut fondamental c'est qu'il y a une différence d'opinion fondamentale sur ce qui constitue un appui majoritaire acceptable. Pour illustrer cet aspect je vous renvoie à la récente décision du conseil des relations de travail de l'Ontario au sujet des United Steelworkers of America, qui se prétendaient l'agent de négociation des travailleurs de Wal-Mart Canada. Les travailleurs avaient rejeté la représentation par un syndicat par une majorité de 151 à 43. Je veux dire que 151 employés ne voulaient pas de syndicat et 43 voulaient bien être représentés par les United Steelworkers of America. Pourtant, le conseil des relations de travail de l'Ontario a décidé que ce syndicat représenterait les employés.
Non seulement la concurrence entre syndicats peut violer cette disposition, puisque plusieurs syndicats peuvent prétendre avoir suffisamment de cartes pour représenter les employés, mais il y a aussi des syndicats qui deviennent représentants des employés alors que la majorité n'en voulait pas, sans la tenue d'un vote légitime. En quoi est-ce démocratique? Ce projet de loi ne répond pas à plusieurs critères fondamentaux auxquels il devrait répondre. Et pourtant, les libéraux vont adopter cette mesure législative qui accordera des pouvoirs de ce genre à l'organisme gouvernemental qu'il se propose de baptiser Conseil canadien des relations industrielles.
Donner des pouvoirs de ce genre n'est pas logique. J'espère que ce que je vais dire sera répété. Si un organisme gouvernemental ou quasi judiciaire demande des pouvoirs, c'est pour les utiliser. Ce cas rappelle étrangement la Commission canadienne du blé. Cet organisme réclame des pouvoirs qu'il va utiliser à tort et à travers. J'ai donné deux parfaits exemples de la manière dont des organismes quasi judiciaires similaires ont abusé de ce genre de pouvoirs, le Conseil canadien des relations industrielles ne fera pas exception, tenez-le vous pour dit.
Les députés libéraux d'en face vont devoir expliquer à leurs électeurs, tant du côté patronal que syndical, pourquoi ils ont adopté ce projet de loi. Ces électeurs vont arriver dans leurs bureaux pour leur dire: «Voyez ce qui m'est arrivé. Voyez ce que ce monstre que vous avez créé avec votre vote a fait de mon entreprise, ce qu'il a fait de mon poste.» Ces députés vont devoir se justifier.
Non seulement les libéraux n'exigent pas que le consentement soit accordé à la majorité, et non seulement éliminent la notion de vote secret, qui est fondamental dans une démocratie, mais une fois de plus les organisateurs syndicaux recevront des renseignements sur les travailleurs à distance, sans même l'autorisation de ces derniers qui n'auront pas leur mot à dire dans tout cela. Ce projet de loi ne renferme aucune disposition prévoyant qu'on leur demande leur autorisation. Cela se fera contre leur gré.
J'ai entendu des gens parler aujourd'hui à la Chambre de préavis de grève ou de lock-out. Ils faisaient allusion à la manutention du grain. Ils ont dit qu'un préavis de grès ou de lock-out de 72 heures protégerait le transport du grain au Canada. Si seulement les syndicats respectaient la loi et ne déclenchaient jamais de grèves sauvages, mais malheureusement nous avons trop souvent vu les syndicats violer la loi et déclencher une grève sauvage sans même en avoir obtenu le mandat des travailleurs en bonne et due forme.
Nous avons vu les syndicats aller à l'encontre de l'avis de leurs propres membres et les obliger à faire la grève. Cela est dû au fait que les pénalités prévues pour avoir enfreint la loi ne sont pas assez sévères. Il n'est pas prévu que l'on puisse saisir les biens des syndicats. Il n'existe pas de disposition permettant de mettre en prison un chef syndical qui envoie ses membres sur le piquet de grève sans qu'il y ait eu un vote en bonne et due forme à ce sujet.
Une fois de plus le gouvernement libéral a échoué. Il a échoué parce que son projet de loi ne contient pas de garanties suffisantes. Il a dit aux agriculteurs de l'Ouest que cette mesure législative contenait une disposition garantissant que leur grain ne serait pas immobilisé dans les ports. Malheureusement, cette déclaration est loin de la vérité. Il essaie d'embobiner les agriculteurs canadiens.
Le gouvernement ne peut pas le garantir, car ce projet de loi n'a aucun mordant. Comme il n'a aucun mordant, le gouvernement ne pourra pas l'appliquer et des grèves sauvages seront déclenchées. Pratiquement aucune disposition ne pourra les empêcher. Les céréales pourront encore être retenues.
Le projet de loi C-19 interdit en fait les travailleurs de remplacement. Les députés libéraux et néo-démocrates diront sûrement que ce n'est pas le cas, car cette situation ne se produira que lorsque la capacité de représentation sera touchée. Cependant, nous constatons que d'autres organismes quasi judiciaires qui ont rendu des décisions sur ces questions ont déterminé que la capacité de représentation s'applique à n'importe quelle situation.
Ainsi, là encore, lorsqu'un organisme quasi judiciaire demandera à obtenir un pouvoir, il s'en servira et en abusera. Par conséquent, nous pouvons parier notre dernier dollar que les travailleurs de remplacement ne pourront pas franchir les piquets de grève et que l'entreprise ne pourra pas poursuivre ses activités. Les employeurs ne pourront même pas recourir à des employés non syndiqués pour poursuivre leurs activités pendant un lock-out ou une grève. Le gouvernement libéral devrait avoir honte.
D'autres aspects du projet de loi m'énervent également. Il y a, entre autres, le fait que les définitions sont très vagues. Cette situation donnera des pouvoirs importants au Conseil canadien des relations industrielles.
Des bureaucrates ont conçu le projet de loi et les libéraux n'ont pas lu avec précision ce qu'il signifiera. Ils n'en ont pas examiné les subtilités. Ils ne reconnaissent pas que les bureaucrates ont rendu le projet de loi vague à certains égards, de façon à accorder davantage de pouvoirs à l'organisme quasi judiciaire, pouvoirs dont il pourra ensuite abuser.
Je voudrais aborder un autre aspect qu'on a mentionné aujourd'hui, à savoir toute la notion de représentation d'une majorité d'électeurs ou de membres d'un syndicat. Quarante-six pour cent de tous les foyers syndiqués de l'Alberta veulent un syndicalisme volontaire. Ils croient qu'ils devraient avoir le choix d'adhérer ou non à un syndicat et d'y verser des cotisations. Soixante-deux pour cent des Albertains sont en faveur de cette notion.
Les députés néo-démocrates professent qu'ils veulent représenter la majorité de leurs électeurs, mais ce sont ces députés qui forment le parti qui ne représente que les grands syndicats. Il s'agit là d'un secteur de plus d'un milliard de dollars et le NPD ne représente que l'échelon supérieur du mouvement syndical. Il ne représente plus les travailleurs.
Ce projet de loi ne prévoit pas de votes secrets aux élections syndicales. Il ne renferme aucune disposition permettant un choix démocratique. La liste est interminable. Le projet de loi comporte des lacunes. Il faut le réexaminer. Il ne devrait pas être adopté dans sa forme actuelle.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de Wetaskiwin pour ses remarques au sujet de ce projet de loi, de même que le député de Calgary-Ouest qui vient de soulever les problèmes que pose cette mesure législative.
Personnellement, je me concentrerai dans mon discours sur une certaine solution et sur les raisons qui font qu'elle peut fonctionner. Les ministériels prétendent que cette solution ne marchera pas. Je leur dirai pourquoi ils ont tort. Cette solution permettra d'épargner à ce pays des milliards de dollars par an. Je leur demande d'être attentifs. Ils ont probablement déjà entendu parler de la solution que je propose à la Chambre. Cette solution, c'est l'arbitrage des propositions finales.
J'ai exercé le droit du travail. Avant cela, j'ai travaillé comme agent des relations industrielles pour une compagnie de produits forestiers où nous étions confrontés quotidiennement à ces problèmes. Pendant cinq ans, j'ai pris part au processus de négociation.
Pour résumer, l'arbitrage des propositions finales a lieu lorsque deux parties, la partie A et la partie B, ayant présenté leur meilleure offre se heurtent à une impasse. Si elles n'arrivent pas à un règlement négocié, l'arbitre se voit obligé de choisir une seule offre, celle de A ou celle de B, et non une qui soit entre les deux. Il doit choisir l'une des deux offres.
L'arbitrage des propositions finales ne nuit pas au processus de négociation. En fait, il l'aide. Plus d'accords seront négociés entre les syndicats et les employeurs avec ce type de processus que sans. Une fois qu'on se sera rendu compte de tous les avantages que présente ce processus, je crois qu'il sera très bien accueilli.
Les parties savent ce qui va arriver en l'absence de règlement négocié. Elles viendront donc à la table des négociations munies d'une offre raisonnable, se rapprochant de ce qu'elle devrait être. Au lieu de se présenter à la table en revendiquant 35 $ l'heure alors qu'elles seraient disposées en réalité à régler pour 20 $, les paries vont commencer par présenter une revendication très raisonnable en sachant qu'en cas d'impasse, l'arbitre est forcé de choisir l'une ou l'autre des deux propositions. Si leur proposition dépasse de beaucoup ce qui correspondrait vraiment à un règlement convenable, l'arbitre sera forcé de choisir la proposition de l'autre partie. C'est fondamental.
J'ai entendu exprimer des critiques du côté ministériel selon lesquelles les négociations ne portent pas uniquement sur la question salariale, mais sur beaucoup d'autres questions. Tout y passe, depuis les régimes de soins médicaux, les régimes de retraite, les avantages sociaux, les conditions et les heures de travail jusqu'aux taux de salaire et de rémunération. Je ferai remarquer aux députés d'en face que c'est l'offre globale que l'arbitre doit choisir, l'offre A ou l'offre B, pas quelque chose entre les deux.
La partie syndicale ou la partie patronale se présentent à la table avec une offre globale, qui ne se limite pas uniquement à la question salariale. Les deux parties se présentent donc à la table avec une offre globale qui se rapproche autant que possible du raisonnable car, en cas d'impasse, elles voudront que l'arbitre choisisse leur propre offre. Si l'offre de l'une des deux parties est très éloignée du raisonnable, elle ne sera évidemment pas choisie.
Je voudrais exposer une analogie pour montrer que cela fonctionne bien. En Colombie-Britannique, les tribunaux civils ont un système à peu près similaire. Le principe de fonctionnement est le même. Deux personnes qui veulent se poursuivre mutuellement intentent un procès en cour supérieure. Disons que quelqu'un poursuit l'autre pour obtenir des dommages-intérêts de 100 000 $. La personne poursuivie refuse de payer ce montant et offre de payer un montant de 60 000 $ pour régler le litige à l'amiable. Les parties se rencontrent avant de passer devant le juge et échangent diverses propositions de règlement. Si elles ne réussissent pas à s'entendre sur un règlement avant de se présenter devant le juge, ce dernier doit trancher et la partie dont la proposition s'écarte le plus du montant décidé par le juge doit payer une amende correspondant aux frais judiciaires de l'autre partie.
Autrement dit, si la personne poursuivie pour un montant de 100 000 $ fait une proposition de règlement de 60 000 $ qui est refusée et que le juge établit le montant de la réclamation à 59 000 $, la partie qui a refusé l'offre de l'autre devra payer les frais judiciaires de cette dernière puisque c'est celle-ci qui avait raison. Cette analogie a peut-être semé la confusion dans l'esprit de certains, mais il reste que cela force les avocats qui font des offres de règlement à se montrer aussi raisonnables que possible par rapport à la décision qu'ils pensent qu'un juge pourrait rendre. De la sorte, les deux parties se rapprochent et parviennent très souvent à un règlement. Le même principe jouerait dans l'arbitrage des offres finales.
Si nous adoptons ce genre de mesure, les syndicats et les entreprises se présenteront à la table avec des propositions très raisonnables, parce qu'ils voudront éviter de se faire imposer une offre. Si l'une des parties fait une offre qui s'éloigne par trop d'une position moyenne, l'arbitre devra forcément choisir l'autre offre.
Que les députés ministériels écoutent bien ceci. Au cours de l'année écoulée, les grèves, la perte de productivité et d'occasions d'affaires nous ont coûté des milliards de dollars.
Il nous faut une loi qui aidera les entreprises et les syndicats à parvenir à un règlement négocié. J'insiste sur ce fait, car il ne s'agit aucunement de priver qui que ce soit du droit à un règlement négocié. Tout ce qui change, dans l'ensemble du processus, c'est la dernière étape: ou bien un arbitre impose un règlement, si on en arrive là, ou bien il y a un mécanisme en place.
Ce mécanisme obligerait l'arbitre, comme je l'ai expliqué, à choisir une des positions ou l'autre. Les parties se rapprocheraient donc, et ce serait bien préférable. Le mécanisme est si simple, et il serait tellement avantageux pour notre économie. Notre économie est en croissance, mais elle croîtrait encore plus rapidement. Nous perdons des milliards de dollars.
J'invite les députés ministériels à réexaminer le projet de loi. Il modifie le Code canadien du travail, mais le gouvernement laisse passer l'une des mesures les plus importantes qui puissent aider les syndicats et les entreprises et, mieux encore, les contribuables et les Canadiens, à éviter de laisser filer des occasions.
Comme l'on dit des députés qui m'ont précédé, le projet de loi va contre le principe de la démocratie en ce qui concerne le mode de scrutin et les travailleurs de remplacement. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement aborde toutes ces questions. Il sera agréable d'apprendre où il veut en venir.
Je le répète, nous proposons une solution de rechange constructive. Les députés ministériels prétendent que ce mécanisme ne fonctionnera pas parce qu'il y a plus que des questions d'argent en jeu. Mais justement, le mécanisme n'est pas limité aux questions d'argent. L'arbitrage des offres finales—peu importe l'expression qu'on utilise—porte sur l'ensemble des propositions faites par les parties. La formule a été mise à l'essai ailleurs, et elle a fait ses preuves. Elle forcera les parties à se rapprocher d'une position moyenne. Je demande au gouvernement d'envisager cette solution.
M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir faire quelques observations au sujet du projet de loi C-19.
Ce projet de loi a été présenté à la dernière législature. Comme il y a eu des élections en juin, les modifications proposées au Code canadien du travail sont mortes au Feuilleton, et les voici de nouveau à la Chambre.
J'ai écouté très attentivement les commentaires formulés par un certain nombre de députés. Je partage certaines de leurs préoccupations. Les observations du député de Saanich—Gulf Islands au sujet du concept d'arbitrage des offres finales m'ont particulièrement impressionné.
Avant d'aborder cette question, je veux faire part de mes propres préoccupations concernant ce projet de loi. Nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-19, qui sera ensuite renvoyé au comité. Je suis sûr que des intéressés des quatre coins du pays voudront intervenir à l'étape du comité. On espère que certaines faiblesses de ce projet de loi seront corrigées à l'étape de l'étude du comité et que le gouvernement sera disposé à écouter les préoccupations qui seront exprimées.
Je remarque que la secrétaire parlementaire du ministre du Travail est à la Chambre aujourd'hui. Je sais qu'elle travaille très fort en tant que députée, qu'elle a l'esprit large et qu'elle est ouverte à l'idée de changements qui amélioreraient le projet de loi. Je suis sûr qu'elle ne se contentera pas d'essayer de justifier les clauses déficientes du projet de loi, mais qu'elle jouera un rôle de chef de file en amenant le gouvernement et particulièrement le ministre à corriger certaines de ces faiblesses.
En tant que démocrate croyant dans les principes de la démocratie, je crains que ce nouveau Conseil canadien des relations industrielles puisse, dans certaines circonstances, accréditer un syndicat même quand la majorité des travailleurs d'une unité de négociation s'opposent à son accréditation. Cela n'a aucun sens.
Si nous vivons dans une société démocratique, si nous croyons aux principes démocratiques, ces principes doivent absolument s'appliquer en milieu de travail. Si la majorité des travailleurs d'un endroit particulier s'opposent à la formation ou à l'accréditation d'un syndicat, cela ne devrait pas se faire. Franchement, je suis surpris également de constater que certains députés qui parlent souvent de choix, de démocratie et d'imputabilité s'opposent à ce principe très fondamental de la démocratie, qui consiste à écouter ce qu'a à dire la majorité d'un groupe. J'ai certaines réserves en ce qui a trait à la disposition du projet de loi qui permet l'accréditation d'un syndicat lorsque cette accréditation n'est réclamée que par une minorité de travailleurs.
Le vote secret est également important. Nous savons tous que, dans le cadre de campagnes d'organisation syndicale et dans certaines circonstances, les membres d'une unité de négociation ont peur de dire ce qu'ils pensent, d'exprimer leurs désirs. Il me semble que le vote secret empêcherait des gens d'exercer une coercition dans certaines circonstances.
Voilà deux des principales questions qui m'inquiètent. Je suis sûr que le secrétaire parlementaire saura apaiser mes craintes.
Pour revenir aux observations faites par le député de Saanich—Gulf Islands, qui préconise une solution constructive, soit l'arbitrage des propositions finales, je sais que son avis est partagé par de nombreux députés.
L'un des problèmes associés aux relations de travail au Canada, et d'autres pays connaissent les mêmes problèmes, tient à la nature accusatoire de ces relations. C'est nous contre eux. Au fil des ans, le système a évolué au point où les employeurs luttent désormais contre leurs employés. On s'y prend mal. À ce stade-ci de l'histoire de notre pays, de l'histoire des relations de travail au Canada, nous devrions trouver des mécanismes et des méthodes qui nous permettraient d'atténuer la nature accusatoire des relations de travail.
Le projet de loi insiste pourtant sur la nature accusatoire des relations de travail. À l'alinéa 9(1)c) de la loi, on parle de la constitution et de l'organisation du Conseil canadien des relations industrielles. On précise qu'il se compose «d'un maximum de six autres membres nommés à temps plein dont trois représentent les employés et trois les employeurs».
Dans la composition du conseil, l'idée de confrontation est encore accentuée, les syndiqués étant dans un camp, et la partie patronale, dans l'autre. Ce n'est pas une situation saine. En fin de compte, ce sont les travailleurs et le public qui en souffrent et qui sont pénalisés. Les torts que des entreprises subissent dans certaines circonstances et à l'occasion de certaines grèves sont irréparables. Nous savons que certaines entreprises ont dû littéralement fermer leurs portes à cause d'un conflit de travail.
Le principe de l'arbitrage des offres finales vise à ce que, dans notre pays, les relations patronales-syndicales soient moins axées sur l'idée de confrontation. Comme le député l'a souligné, il continue d'y avoir des négociations. C'est très important. Les deux parties négocieront. Lorsqu'elles se trouvent dans une impasse, au lieu de fermer les portes de l'usine ou de recourir à l'arme ultime dont dispose le syndicat, la grève qui n'aide personne, les deux parties sont obligées de soumettre à l'arbitrage leurs offres finales. Comme l'a dit le député, cela suppose que les deux parties soient raisonnables. Elles doivent l'être dans les positions qu'elles défendent. Si elles ne le sont pas, elles risquent de voir le comité d'arbitrage choisir les offres présentées par l'autre partie.
Nous savons tous que l'un des principes fondamentaux de la négociation consiste à demander beaucoup plus que ce que l'on s'attend à obtenir, dans le but d'arriver, à un moment donné, à un terrain d'entente commun. Cette solution élimine les positions ridicules défendues par les parties syndicales et patronales. Ces dernières doivent présenter des offres globales.
C'est tout à fait sensé, parce qu'on évite ou que l'on supprime ainsi de très nombreuses grèves. Il est ici question d'un infime pourcentage de la main-d'oeuvre. Le code ne vise que les secteurs assujettis à la réglementation fédérale. Il ne s'applique pas aux industries assujetties à la réglementation provinciale. L'idée de l'arbitrage des offres finales pourrait s'appliquer non seulement aux industries assujetties à la réglementation fédérale, mais aussi à celles qui doivent se conformer à la réglementation provinciale.
J'espère que le gouvernement prendra en considération cette proposition présentée par des députés réformistes et par d'autres Canadiens. Elle est tout à fait sensée. Elle est dans l'intérêt de la population. J'espère que, lors de l'étude en comité, le gouvernement aura compris que nous devons trouver des mécanismes et des moyens de débarrasser les relations de travail au Canada de leur caractère de confrontation.
M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Monsieur le Président, sachant d'où vient ce projet de loi, j'ai été très surpris d'y trouver quelques points mineurs qui sont très valables et que j'appuie.
L'un de ces points est la nécessité de donner un préavis de 72 heures en cas de grève ou de lock-out. Cela permettrait aux expéditeurs de denrées périssables de prendre des mesures pour ne pas perdre leurs produits et cela permettrait aux navires de quitter le port au lieu d'être pris là en cas de grève portuaire. J'aime ces dispositions du projet de loi.
J'aime aussi la disposition prévoyant le maintien des services dans les secteurs vitaux lorsque la santé ou la sécurité du public sont menacées. Toutefois, à part ces dispositions que je viens de mentionner, je n'ai pas trouvé grand-chose de bon dans ce projet de loi. Il contient même certaines dispositions qui me mettent dans tous mes états parce que, peu importe comment on le regarde, ce projet de loi viole les droits des travailleurs canadiens.
Il y a d'abord la question de la protection des renseignements personnels. Aux termes de ce projet de loi, durant une campagne d'accréditation, les employeurs seront obligés de donner aux organisateurs syndicaux une liste contenant les noms, adresses et numéros de téléphone de leurs employés, sans le consentement de ces derniers.
Le commissaire canadien à la protection de la vie privée, M. Phillips, a qualifié cette façon de procéder d'inacceptable. Mais cela n'a pas incité le gouvernement à reculer. Quiconque croit que le fait d'avoir son nom sur une liste ne constitue pas une menace pour un travailleur n'a qu'à regarder ce qui s'est passé il y a quelques semaines en Colombie-Britannique lorsque tous les signataires d'une demande de révocation ont été obligés de donner leurs noms et adresses. Il y a, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, des cas documentés de travailleurs qui ont peur de signer des demandes de révocation parce que leurs noms et adresses iraient directement au syndicat. Attention! nous savons où vous habitez. Ce n'est pas de cette façon que les choses sont censées fonctionner au Canada.
Une autre caractéristique antidémocratique du projet de loi c'est que des votes secrets ne seront plus exigés avant l'accréditation. Bien au contraire. Le fait de remplir des cartes suffira amplement. Si vous avez fait signer suffisamment de cartes vous êtes accrédité. Pas de vote, pas de problème. «Si vous ne signez pas la carte, n'oubliez pas que nous savons peut-être où vous habitez.» Ce n'est pas comme cela que les syndicats sont censés fonctionner. Cela ressemble aux façons de faire des Teamsters pendant leur époque sombre, avant que les travailleurs ordinaires reprennent les rennes de leur syndicat.
La situation empire. Le projet de loi permettra au Conseil canadien des relations industrielles d'accréditer un syndicat sans même l'accord de la majorité des travailleurs touchés. J'imagine qu'il ne faut pas s'en étonner puisque ce projet de loi a été rédigé par le même parti politique qui a amené Hal Banks au Canada pour faire rentrer nos matelots dans le rang il y a quelques années. Démocratie, quand tu nous tiens.
Comme le député de York-Sud—Weston l'a déclaré, le projet de loi perpétue le rapport d'opposition dans les relations de travail. En fait, il accentue ce rapport. Le gouvernement aurait dû présenter un projet de loi visant à instaurer des relations de travail dignes du XXIe siècle, pas à les ramener au XIXe.
Le projet de loi devrait contenir des dispositions sur l'arbitrage des offres finales. Je suis convaincu, monsieur le Président, que vous connaîtrez mieux l'arbitrage des offres finales que quiconque au Canada avant la fin du débat. Très peu d'entre nous ont négligé de mentionner cet outil de négociation, car il est important. Il s'agit d'un moyen de garantir que les travailleurs et la direction restent raisonnables. C'est un moyen d'adoucir le processus de négociation. Il faut se débarrasser de la mentalité d'affrontement qui veut qu'il faille à tout prix faire souffrir l'autre pour obtenir quelque chose.
Les personnes ordinaires, réfléchies et raisonnables peuvent s'asseoir à la même table. S'ils aboutissent dans une impasse, chaque partie présente ses offres finales. Les offres représentent ce que les parties peuvent faire de mieux. C'est la solution la plus acceptable à leurs yeux. Les parties s'en remettent à l'arbitre. Il choisit. Sa décision met fin au conflit, du moins jusqu'aux négociations suivantes. Voilà la façon civilisée de fonctionner. Cette méthode ne change pas d'un iota les droits des travailleurs ou de l'employeur, mais elle avantage la population en général et, du point de vue financier, elle avantage vraiment les travailleurs.
Ces derniers ne sont pas tenus à l'impossible. Ils n'ont pas à dépendre uniquement de l'indemnité de grève semaine après semaine pour constater, au bout du compte, que leurs efforts ont été inutiles. L'affaire est réglée. C'est terminé. Tout le monde en sort un peu mécontent, mais avec une solution acceptable.
Voilà, à mon avis, la voie de l'avenir en matière de relations de travail. Je pense que nous y arrivons. L'idée finira bien par dominer dans les relations patronales-syndicales au Canada. Je ne peux qu'espérer que cela ne tarde pas trop et je regrette sincèrement que ce projet de loi ne prévoit aucune disposition de ce genre pour les travailleurs assujettis aux lois fédérales.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, je suis certainement heureux d'intervenir après mon collègue dans le débat sur le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui.
Toutes ces mesures législatives renferment de bonnes dispositions. Ce projet de loi est essentiellement identique au projet de loi C-66 qui a été rejeté au Sénat après avoir donné lieu à de vifs débats.
Dans la partie qui porte sur l'application du Code, le Conseil canadien des relations du travail devient le Conseil canadien des relations industrielles. C'est simple et bien. Il s'agit d'un changement de nom. J'ignore combien il nous en coûtera sur le plan administratif, mais l'idée a germé dans l'esprit de quelqu'un et, même si elle coûte probablement très cher, elle ne fait pas tellement de tort.
Les mandats du président et du vice-président sont réduits et passent de dix à cinq ans. Nous pouvons accepter cela. Il est certainement préférable de raccourcir la durée des nominations gouvernementales que de les prolonger.
Il y aura un maximum de six membres permanents, dont trois représentant les employeurs et trois représentant les employés. Cela a de l'allure. Puis il prévoit ceci: «et autant de membres à temps partiel que le Cabinet estimera nécessaire». Cela me terrifie certes quand on voit une candidate libérale défaite comme Anna Terrana nommée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Combien de candidats ont été défaits aux dernières élections, combien de personnes rendent des services au gouvernement et risquent d'être nommées comme membres à temps partiel de ce conseil? Pour elles, ce ne sera qu'une bonne façon de faire quelques dollars de plus.
Je remarque que, outre modifier la partie I du Code canadien du travail, ce projet de loi réorganise ou rebaptise le Conseil canadien des relations du travail et permet à Statistique Canada d'abandonner la méthode actuelle pour l'établissement des statistiques syndicales. Tout ce qui réduit le pouvoir de Statistique Canada ne saurait être vraiment mauvais non plus. Je le répète, il y a du bon et du mauvais dans tout projet de loi, mais ce projet de loi se distingue nettement par ses mauvais côtés.
L'article sur les droits syndicaux prévoit que le CCRI peut accréditer un syndicat sans l'appui de la majorité des employés. Cette disposition, qui existe dans un certain nombre de codes provinciaux, a été invoquée récemment en Ontario pour accréditer le syndicat des employés de Wal-Mart en dépit du fait que la majorité des employés avait voté contre.
Une mesure législative de ce genre est plus qu'épeurante. Je viens d'une province très fortement syndicalisée où beaucoup de syndicats travaillent très dur et font du bon travail. J'ai déjà été moi-même propriétaire d'un restaurant dont les employés étaient syndiqués. Cette entreprise fonctionnait très bien. Toutefois, lorsque je vois qu'une majorité ne peut pas avoir ce qu'elle veut, cela m'effraie. Lorsque je vois une minorité l'emporter sur la majorité, cela me fait peur.
Certes, la Chambre ne serait plus la même si les votes s'y déroulaient comme on le propose dans ce projet de loi. Nous sommes tous élus avec une majorité, avec au moins une voix de plus que notre plus proche adversaire. C'est ce qui compte et c'est ce que devrait prévoir ce projet de loi.
Ce qui m'effraie dans ce projet de loi, c'est que le CCRI peut ordonner à un employeur de communiquer à un représentant syndical le nom et l'adresse des employés à distance. Cette disposition a été resserrée, mais il n'est toujours pas question d'obtenir le consentement des employés visés. Cette disposition me renverse complètement.
Les Canadiens qui nous regardent aujourd'hui doivent sûrement se demander pourquoi personne de l'autre côté de la Chambre, pourquoi personne du côté socialiste ne conteste cette disposition.
Je ne peux tout bonnement pas comprendre qu'on permette qu'un nom soit communiqué sans la permission de la personne qui le porte.
Mon collègue qui a parlé avant moi a bien expliqué ce qui est arrivé en Colombie-Britannique avec la loi de retour au travail. Nous avons entendu des journalistes dire que bien des travailleurs hésitaient beaucoup à signer la liste parce que leurs noms seraient rendus publics. Quand nous votons, notre nom n'est pas rendu public. Le vote secret est un de nos privilèges et de nos droits à tous. Or, en vertu de ce projet de loi, on va permettre à quelqu'un de dresser une liste de noms et d'adresses et de visiter les personnes inscrites sur la liste pour leur dire quoi faire. C'est incroyable qu'un gouvernement présente ce genre de mesure législative.
Je ne puis m'empêcher de faire un parallèle entre ce projet de loi et d'autres questions. Je suis le porte-parole de mon parti pour l'immigration. J'ai posé une foule de questions à la ministre à la Chambre. Je l'ai questionnée au sujet d'un important chef de gang entré illégalement en Colombie-Britannique.
Le gouvernement a fini par le prouver. Il a engagé un consultant pour qu'il se rende à Los Angeles afin de déterminer comment le chef de gang en question est entré au Canada. Il a admis qu'il était effectivement entré au Canada. Après que le gouvernement eut dépensé tout cet argent pour savoir pourquoi ce chef de gang était entré illégalement au Canada, j'ai posé une question à la ministre dans cette enceinte: «Quand allez-vous vous débarrasser de lui? Il est propriétaire d'une grande maison à Vancouver. Sa famille y vit. Il est entré illégalement au Canada. Il est un criminel.» La ministre m'a répondu qu'elle ne pouvait répondre à la question à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Cet homme vivait dans l'illégalité au Canada. Il était un escroc. Des coups de feu ont été tirés d'une voiture devant sa maison. Cependant, la ministre ne peut rien dire à la population à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
En vertu du projet de loi dont nous sommes saisis, un employeur sera forcé de divulguer aux représentants syndicaux une liste de noms et d'adresses d'employés. Qu'en est-il de leur droit à la protection des renseignements personnels? Nous ne violons pas la vie privée d'un des pires escrocs du monde, qui n'est même pas citoyen canadien, mais nous n'hésitons pas à violer celle de nos concitoyens en permettant que leurs noms et adresses soient transmis à un dirigeant syndical. Nous devrions avoir honte que pareille disposition figure dans le projet de loi.
Il y a quelques semaines, j'ai posé une question à la ministre au sujet de deux Haïtiens qui ont violé une jeune fille à Montréal. Je lui ai demandé si ces Haïtiens allaient être expulsés. Elle m'a dit qu'elle ne pouvait répondre à cette question en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Ces deux hommes ont violé une femme. Nous ne pouvons pas obtenir d'informations sur eux à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Or, dans ce projet de loi—et je le répéterai encore—, le CCRI peut ordonner à un employeur de communiquer au représentant syndical une liste de noms et d'adresses des employés qui travaillent à distance.
Quelle sorte de droits ont ces citoyens? Quelle sorte de droits ont les immigrants reçus? Leurs noms peuvent être communiqués à n'importe qui, que ce soit un représentant syndical ou un parti politique. La prochaine chose que nous allons faire, c'est demander que tout soit rendu public. Nos noms seront publiés, quoi qu'on fasse. Nous allons tous devenir fous, mais le courrier se rendra.
Dans ma circonscription, le maître de poste me disait: «Si vous ne voulez pas de courrier non adressé, mettez une étiquette sur votre boîte à lettres et vous n'en recevrez plus.» C'est mon droit. Si je ne veux pas de courrier non adressé, j'ai le droit de ne pas en recevoir. Mais dans ce cas-ci, quelqu'un peu venir voir l'employeur et lui dire: «Donnez-moi la liste de vos employés, j'envisage de syndiquer votre entreprise.» C'est contraire aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Je ne comprends pas pourquoi les députés de la majorité ne disent rien. Nous avons posé la question et elle sera posée de nouveau au cours de ce débat. Comment pouvons-nous permettre que quelqu'un aille dans une compagnie et demande le nom et l'adresse des employés? Comment pouvons-nous permettre que l'employeur puisse donner cette liste sans enfreindre la Loi sur la protection des renseignements personnels? On utilise cette loi pour protéger les fraudeurs et les voleurs.
Il y a un article que je voudrais vous citer et qui concerne un mandat émis au Canada. Cet article de Tom Godfrey est paru dans le Sun de Toronto. Il dit:
La GRC a élargi sa chasse à un immigrant violent qui a reçu la citoyenneté canadienne en dépit du fait qu'il avait été emprisonné au Texas pour avoir tué un homme.
Fitzroy Ellworth Dixon, 31 ans, immigrant reçu originaire de la Jamaïque fait l'objet d'un mandat d'arrêt national depuis décembre, a déclaré le Sgt Paul McIsaac. La police a intensifié ses recherches hier et a publié une photo du fugitif.
McIsaac a déclaré que Dixon avait été condamné au Texas, en 1992, pour trafic de drogues et homicide involontaire et qu'il avait été incarcéré pendant cinq ans.
«Apparemment, il aurait tué un homme d'un coup de feu au cours d'une bagarre au sujet d'une question de trafic de drogues» a déclaré McIsaac.
Toujours selon McIsaac, Dixon est sorti de la prison fédérale en mai 1994 et son expulsion en Jamaïque a été ordonnée. Dixon, au lieu d'attendre aux États-Unis l'exécution de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet, est retourné au Canada et a demandé la citoyenneté canadienne, en se gardant bien, semble-t-il, d'évoquer son dossier criminel et son séjour prolongé à l'extérieur du pays.
Dixon s'est vu octroyer la citoyenneté canadienne en février 1996 et la police n'a découvert son passé criminel que le jour où il a été arrêté à Toronto pour vol en décembre. Il a été reconnu coupable puis libéré sur parole.
J'ai posé des questions au sujet de M. Dixon. Mais, à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il a été impossible de parler de lui.
Les gens qui écoutent pourraient avoir peur car un mandat d'arrêt a été émis contre cet homme. Je suis heureux cependant de pouvoir faire savoir à la population qu'il a été arrêté à Toronto, hier, et j'espère que la ministre verra à l'expulser. Mais quand on pose des questions à ce sujet, on se heurte à la Loi sur la protection des renseignements personnels. On ne peut pas parler de M. Dixon, ce meurtrier, ce trafiquant de drogues, à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Or, que dit cette mesure législative? Le Conseil canadien des relations industrielles peut obliger un employeur à remettre à un représentant syndical les noms et adresses des travailleurs à distance. On devrait considérer comme un outrage le fait que quelqu'un puisse même songer à présenter une telle mesure législative à la Chambre des communes.
Tout le monde le sait, il ne se passe pas un jour à la Chambre des communes sans que nous combattions pour les libertés fondamentales, pour le droit à la vie privée. Personne ne devrait être autorisé à obtenir des renseignements personnels tels que mon nom, mon adresse, mon lieu de travail. Ce n'est le droit de personne. J'ai le droit à ma vie privée quand je rentre à la maison. Si je veux publier mes nom et adresse, pas de problème.
Même en tant que parlementaire, on peut utiliser l'adresse de son bureau de circonscription. On n'a pas à faire figurer celle de son domicile. Bon nombre de députés le font, mais ça les regarde, c'est leur droit. Avec cette mesure législative on s'en prend aux droits de tous les Canadiens.
En terminant, je sais que je reviendrai là-dessus, car on présentera sûrement des amendements.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-19, qui modifie le la partie I du Code canadien du travail. D'excellentes interventions ont été faites ce matin.
Je ne puis m'empêcher de penser à ce qui m'est arrivé lors de la dernière campagne électorale. J'ai frappé à une porte et un jeune homme m'a ouvert. Nous avons commencé à parler des prochaines élections. Je lui ai demandé s'il allait voter cette fois-ci. Il m'a répondu: «Oui, c'est la première fois que je vais voter et j'en suis terriblement fier. Je tiens vraiment à voter.»
Nous avons parlé des divers partis représentés. Ce jeune était bien informé et terriblement content de pouvoir voter. Il était tout feu tout flamme à l'idée de participer aux prochaines élections. Cette mesure législative nie le droit de vote aux travailleurs canadiens.
Le but de la législation du travail est de créer un climat d'harmonie entre les employeurs et les employés, un climat d'harmonie qui aura pour résultat d'augmenter la productivité et l'efficacité, et de créer le type de biens et de services dont notre société a besoin. C'est ça le but de ce projet de loi.
Pour une raison ou autre, cette mesure législative s'appuie sur des principes qui ne sont pas propices à créer un climat d'harmonie, mais sur des principes qui favorisent l'affrontement, l'invasion de la vie privée, des principes en contradiction flagrante avec la démocratie. Une mesure législative de ce genre jette le discrédit sur le gouvernement.
Cette mesure législative ne se limite pas à nier le droit de vote. Elle permet à un conseil quasi judiciaire qui n'a aucune obligation redditionnelle, que ce soit sur le plan politique ou administratif, de faire cela. Le projet de loi dit, et je cite: «Le Conseil—c'est-à-dire le Conseil canadien des relations industrielles—est autorisé à accorder l'accréditation même sans preuve de l'appui de la majorité des employés de l'unité.» N'est-ce pas absolument époustouflant?
Peut-on imaginer le directeur général des élections du Canada dire aux gens que bien qu'ils n'aient pas voté pour les libéraux, ce sont les libéraux qui vont former le gouvernement? Ce serait terrible. Il est difficile d'imaginer une chose pareille.
C'est substituer au vote une carte d'adhésion. Mon collègue de West Vancouver vient de dire à quel point il est facile d'intimider des gens en se présentant à leur porte et en leur demandant de signer une carte de membre. On nous a également parlé du conflit qui peut se produire lorsque deux syndicats essaient chacun d'obtenir l'adhésion d'employés et qu'ils utilisent le même processus pour prouver qu'ils sont les gagnants. C'est le genre de situation dans laquelle nous nous trouvons à ce stade-ci.
Chose intéressante, le projet de loi prévoit qu'on doit tenir un vote secret lorsque les membres décident de déclencher une grève ou qu'un groupe d'employeurs veut mettre des employés en lock-out. N'est-il pas intéressant de savoir que ce qui va toucher ma vie en tant que syndiqué peut être accessible à tout le monde, mais que lorsque je décide de me prononcer en faveur ou non d'une grève, ce doit être dans le cadre d'un vote secret? Ce sont des principes tout à fait contradictoires.
Je veux m'arrêter sur une question que le député de West Vancouver a si bien abordée dans son intervention, c'est-à-dire le respect de la vie privée. Cette liste de noms est maintenant obligatoire. À quoi va-t-elle servir? À envoyer de l'information? À inviter quelqu'un à devenir membre de ce groupe en particulier? À être inondé d'envois de gens dont on ne veut pas entendre parler? Il n'y a aucune façon de savoir à quoi va servir cette liste.
Nous savons que si on accorde le pouvoir d'avoir accès à cette information, la façon dont on va l'utiliser est tout à fait imprévisible. On précise très clairement dans la loi dans quelles circonstances on peut utiliser cette liste de noms. On dit qu'on peut utiliser cette liste dans le cadre d'une campagne de recrutement ou en vue de la négociation ou de l'application d'une convention collective, du règlement d'un grief ou de la prestation de services syndicaux aux employés. C'est ce à quoi elle devrait servir.
Cependant, rien ne nous garantit que ce sera le cas. On peut s'en servir à d'autres fins. On a maintenant donné l'accès à des renseignements à caractère privé. Dès que cette information est rendue publique, ceux qui l'ont en main peuvent l'utiliser comme bon leur semble. Cela est inquiétant. Les risques d'abus et de mauvaise utilisation sont très grands.
Penchons-nous sur une autre disposition qui porte sur la même chose. Il s'agit de l'article 54 du projet de loi, où l'on dit ce qui suit:
Il est entendu que les documents ci-après ne peuvent être communiqués sans le consentement de leur auteur:
Tous les documents ne peuvent pas être rendus publics et la loi assure une certaine protection contre l'atteinte à la vie privée. Les documents suivants sont protégés:
(a) les notes, les avant-projets d'ordonnance ou de décision du Conseil ou d'un de ses membres, ou d'un arbitre ou d'un président de conseil d'arbitrage nommés par le ministre en vertu de la présente partie;
(b) les notes ou les avant-projets de rapports de personnes nommées par le ministre en vertu de la présente partie pour aider au règlement des désaccords ou des différends, ou de personnes autorisées ou désignées par le Conseil pour aider à régler des plaintes ou des questions en litige devant le Conseil.
On peut faire valoir à juste titre qu'il s'agit d'information confidentielle dans le processus de négociation. Ces renseignements sont de nature privée et doivent demeurer confidentiels. Pourtant, qu'y a-t-il de plus secret, de plus privé et de plus confidentiel que mon nom, mon adresse, mon lieu de résidence et les noms des membres de ma famille? Tout cela me semble aussi important que les notes et avant-projets d'ordonnance du processus de négociation. C'est une lacune du projet de loi.
Parlons maintenant d'un autre sujet, les travailleurs de remplacement. Le paragraphe 42(2.1) stipule:
Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour son compte d'utiliser, dans le but établi de miner la capacité de représentation d'un syndicat plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation, les services de toute personne qui n'était pas un employé de l'unité de négociation...
Il y a une demi-heure, un député libéral a dit que cette disposition ne peut être invoquée que dans le cas où l'employeur a recours à des travailleurs de remplacement dans le but délibéré de miner l'autorité du syndicat. Le député a soutenu que si un employeur veut utiliser des travailleurs de remplacement à cette fin, cela devrait lui être interdit et que ce projet de loi est donc une mesure sacro-sainte, tout à fait pure et sublime. N'est-ce pas là une magnifique interprétation de cet article?
Comment quelqu'un pourra-t-il jamais prouver hors de tout doute et sans équivoque qu'une personne a été embauchée à la seule fin de détruire un syndicat? C'est tout à fait irresponsable et ridicule. Voilà la protection. Elle comporte cependant une échappatoire tellement énorme qu'un poids lourd pourrait s'y infiltrer sans que personne ne s'en rende compte. C'est pourtant ce que fait ce projet de loi. Cette disposition est tout à fait inacceptable. Je ne crois pas que ce soit une bonne disposition, mais, même si elle l'était, son libellé la rend tout à fait inapplicable.
Parlons des comptes que le conseil devra rendre. Un député libéral a souligné que le conseil avait des comptes à rendre et devait remettre au ministre un rapport annuel. Que contiendra ce rapport? Des statistiques accompagnées d'une analyse des données. Intéressant, n'est-ce pas? Il dira au ministre combien de membres il y a eu au fil des ans. Le conseil n'aura pas à dire combien d'argent il a arraché à qui, ni pour quelles dépenses, ni pour qui. Il n'y a absolument aucun compte à rendre. Il est insensé de prétendre que le rapport annuel oblige le conseil à rendre des comptes. Il n'en fait rien. Nous élevons à ce sujet de vigoureuses protestations.
Je veux terminer sur une note positive. Nous souhaitons que l'harmonie règne entre les employeurs et les employés. Cela nous rendra plus concurrentiels. Nos entreprises prospéreront et engageront des jeunes. Pour parvenir à cette fin, mes collègues réformistes et moi avons préconisé une mesure que les députés doivent maintenant connaître par coeur, pour peu qu'ils aient écouté: l'arbitrage des offres finales. Voilà ce qu'il nous faut, voilà ce qui garantira l'harmonie dont nous avons besoin. Elle permettra d'éviter la confrontation qui finit par des luttes et amènera plutôt les parties à travailler d'un commun accord.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, il est dommage que ce projet de loi qui a été présenté par mon collègue précède l'exposé budgétaire. Je puis donner à la Chambre l'assurance que bien des Canadiens accorderont plus d'importance à l'adoption de ce projet de loi qu'au budget, important lui aussi, qui sera déposé aujourd'hui. C'est que de ce projet de loi dépendra le déroulement des négociations sur le marché du travail.
Chose extrêmement curieuse, la Loi sur la protection des renseignements personnels revêt soudain une signification différente. Lorsque nous avons adopté le projet de loi C-4, portant sur la Commission canadienne du blé, il fallait absolument la respecter. Il s'agit d'une société du secteur public, rattachée au gouvernement, mais nous l'enfermons dans le plus grand secret. Il fallait respecter le secret.
Nous voici maintenant devant une mesure qui fait fi de la vie privée. Cela dépend de qui on veut avantager. Lorsqu'on veut avantager un organisme gouvernemental, un secteur d'activité du gouvernement, on invoque la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par contre, si on veut détruire quelque chose, cette loi ne compte pour rien.
Je recommande aux travailleurs et aux compagnies de bien étudier ce projet de loi. S'il devait être adopté, ce que nous de ce côté de la Chambre espérons bien ne pas voir arriver, j'espère qu'ils pourront revenir au gouvernement pour lui faire comprendre que cette nouvelle loi enfreint un principe humain qui existait au Canada depuis 1867 et qu'on est en train de faire disparaître. Le gouvernement prétend qu'il ne voit rien de tel dans ce projet de loi.
Ce conseil sera composé de 6 membres permanents, soit trois représentants des employés et trois des employeurs. Et qui décidera du nombre de membres à temps partiel qu'il convient de nommer? Fait intéressant, c'est le ministre. Et combien de membres pourra-t-il ainsi nommer? Vingt, vingt-cinq? On verra bien quelle sera sa décision politique.
Nous avons donc d'un côté la partie patronale et de l'autre, la partie syndicale. Et vingt personnes sont envoyées par le gouvernement pour faire pencher la balance. C'est le gouvernement qui décidera alors de pencher du côté de l'employeur ou du côté des employés. Est-ce juste? Je ne comprends pas comment le gouvernement peut dire qu'il s'agit d'un projet de loi non sectaire quand il permet une ingérence plus grande encore que tout ce que nous avons pu voir jusqu'à maintenant au chapitre des relations de travail.
Les syndicats m'ont appuyé au moment de l'élection du 2 juin. Ils m'a appuyé parce qu'ils avaient compris que sans le genre de politique que les réformistes tentent d'établir, leur avenir était loin d'être assuré.
Je me reporte à la disposition qui prévoit que le conseil peut mettre fin à un arrêt de travail lorsque la santé et la sécurité du public sont menacées. Le plus gros syndicat de ma circonscription représente les travailleurs des industries du charbon qui fournissent du charbon à la Saskatchewan Power Corporation. Ils n'ont pas le droit de faire la grève. Ils pourraient laisser passer l'avis de 72 heures parce que le fait de fournir de l'électricité serait considéré comme servant l'intérêt de la sécurité du public. Les travailleurs syndiqués qui extraient le charbon ne pourraient jamais faire la grève et ne se retrouveraient donc jamais dans une forte position de négociation parce que le gouvernement n'aurait qu'à déclarer que cela ne servirait pas les meilleurs intérêts du public. Nous retirons le droit de grève au plus gros syndicat de ma circonscription. Et on prétend qu'il s'agit d'un projet de loi progressiste?
Le Président: Il vous reste un peu de temps. Vous pourrez reprendre la parole après la période des questions, si vous le désirez.
[Français]
Comme il est presque 14 heures, nous passons maintenant aux déclarations de députés.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
ELI ET LAURETTA MARTIN
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur que de prendre la parole à la Chambre des communes aujourd'hui pour rendre hommage et offrir mes félicitations à Eli et Lauretta Martin, qui viennent de célébrer leur 70e anniversaire de mariage.
M. et Mme Martin, qui sont tous deux nonagénaires, habitent dans leur propre maison à Elmira, dans la circonscription de Waterloo—Wellington.
M. et Mme Martin ont une longue et distinguée carrière dans les secteurs de la vente au détail et des services. En outre, tous deux ont fait beaucoup de bénévolat dans leur collectivité. Ils ont enseigné à leurs enfants qu'il est important de travailler dur et de faire des compromis dans une relation.
Je demande à tous les députés de la Chambre de se joindre à moi pour féliciter Eli et Lauretta Martin à l'occasion de leur 70e anniversaire de mariage. Nous leur souhaitons de nombreuses autres années de bonheur ensemble.
* * *
LE CONGRÈS DES JEUNES RÉFORMISTES
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, j'arrive du congrès des jeunes réformistes. Les participants ont dressé la liste des dix principales raisons pour lesquelles les organisateurs du Parti libéral et du Parti conservateur ont peur du congrès des jeunes réformistes.
Dixièmement, ils ne savent pas comment traiter avec des gens qui se soucient de la politique gouvernementale et pas seulement du pouvoir.
Neuvièmement, selon eux, un jeune est quelqu'un qui devrait être vu, mais qui ne devrait pas être entendu.
Huitièmement, ils craignent les nouvelles idées.
Septièmement, parce qu'ils ne savent que faire de quatre jeunes, encore moins de 260.
Sixièmement, parce que, lorsque les jeunes réformistes parlent de sénateurs à venir, ils parlent d'une équipe de hockey, et non d'une bande de partisans du Parti libéral à la mine patibulaire, parqués dans le firmament du favoritisme.
Cinquièmement, parce que les jeunes réformistes veulent un budget équilibré qui offre un espoir réel, au lieu d'être une tentative manifeste pour acheter leurs votes.
Quatrièmement, parce que, lorsque les libéraux et les conservateurs voient un congrès des jeunes réformistes, ils songent à un Parlement composé de 260 députés réformistes.
Troisièmement, parce que le congrès national des jeunes réformistes signifie un congrès réunissant des jeunes de toutes les régions et de tous les coins de notre magnifique pays.
Deuxièmement, parce que le Bureau du premier ministre n'a pas encore appris comment utiliser du gaz poivré dans un congrès.
Et la première raison pour laquelle les organisateurs du Parti libéral et du Parti conservateur ont peur d'un congrès des jeunes réformistes, c'est qu'un congrès des jeunes réformistes fait bouger les choses d'un océan à l'autre.
* * *
L'ESTONIE
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, des milliers de Canadiens d'origine estonienne et les Estoniens du monde entier sont fiers de célébrer le 80e anniversaire de l'indépendance de leur pays.
Dominée depuis le XIIIe siècle par les Danois, les Allemands, les Polonais, les Suédois et les Russes, l'Estonie est devenue un État moderne le 24 février 1918.
Toutefois, elle n'a pu savourer longtemps son indépendance, car dès le début de la Seconde Guerre mondiale elle a été de nouveau occupée par les armées russes et allemandes.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'occupation de l'Estonie par l'Union soviétique s'est poursuivie, occupation que le Canada a refusé de reconnaître et qui a duré jusqu'au 20 août 1991, jour où l'Estonie est enfin redevenue indépendante.
C'est entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1991 que la plupart des Canadiens d'origine estonienne sont arrivés au Canada à titre de réfugiés politiques.
Ami de longue date de l'Estonie et des autres pays baltes, le Canada est fier de la contribution passée et présente des Canadiens d'origine balte.
* * *
LE NOUVEAU-BRUNSWICK
Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, la Chambre a célébré le 33e anniversaire de l'unifolié. Aujourd'hui, nous célébrons le 33e anniversaire du drapeau de la grande province du Nouveau-Brunswick.
[Français]
C'est le 24 février 1965 que le drapeau du Nouveau-Brunswick était adopté par proclamation royale, à peine quelques jours après la proclamation du drapeau canadien.
En tant que Néo-Brunswickois, nous sommes fiers du drapeau de notre province et nous le sommes tout autant de notre drapeau canadien. C'est également avec fierté qu'en 1965, nous avons vu, non pas un mais deux drapeaux battre pavillon côte à côte, et ce, au cours de la même semaine.
[Traduction]
Le drapeau du Nouveau-Brunswick arbore nos armoiries qui ont été adoptées en 1868. Le navire symbolise notre passé tout en étant une source d'inspiration pour l'avenir.
Ce drapeau témoigne du fait que le Nouveau-Brunswick est ouvert sur le monde et de plus en plus lié à l'économie mondiale.
[Français]
Je demande à tous les députés de cette Chambre de se joindre à moi pour rendre hommage au Nouveau-Brunswick...
Le Président: La parole est maintenant à l'honorable député de North Vancouver.
* * *
[Traduction]
LE CANCER DE LA PROSTRATE
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, les employés de la deuxième plus grande compagnie de téléphone au Canada, BC Tel, ont ramassé, en quelques mois à peine, plus de 240 000 $ pour la recherche sur le cancer de la prostate.
La collecte de fonds pour la recherche sur le cancer de la prostate est leur projet spécial pour 1997-1998 et j'ai l'honneur de reconnaître leurs efforts exactement deux semaines avant que les députés et les sénateurs n'aient la chance de participer sur la colline à une séance d'information sur le cancer de la prostate.
Un homme sur huit sera un jour atteint du cancer de la prostate, et presque autant d'hommes meurent chaque année du cancer de la prostate que de femmes meurent du cancer du sein.
J'exhorte tous les députés, tous les sénateurs et tous les représentants des médias à venir, le 10 mars prochain, entendre le chercheur-urologue Martin Gleave et, dans le cas des hommes, à passer le test de dépistage de l'antigène prostatique spécifique qui sert à déceler le cancer de la prostate et qui sera offert ce jour-là.
Merci aux employés de BC Tel pour leur collecte de fonds et merci à la société Abbott Diagnostics de parrainer en partie la séance d'information et le test qui seront offerts sur la colline.
* * *
LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, ma déclaration vise à répondre aujourd'hui aux personnes qui militent contre la nomination de Neal Sher au poste de conseiller auprès de la section des crimes de guerre du ministère de la Justice.
Notre gouvernement a eu le courage de faire ce que peu d'autres ont fait, à savoir s'engager à expulser et à priver de la nationalité canadienne les personnes reconnues coupables de crimes de guerre.
Le Canada ne doit pas être vu comme un refuge pour les criminels de guerre nazis ni pour toute autre personne soupçonnée d'avoir commis des crimes de guerre, que ce soit il y a 50 ans ou la semaine dernière.
Les actions sont plus éloquentes que les paroles et, en nommant un homme qui a fait ses preuves, Neal Sher, le gouvernement passe à l'action.
La nomination de Neal Sher au poste de conseiller spécial auprès de la section des crimes de guerre du ministère de la Justice est bonne pour la réputation internationale du Canada et j'espère que M. Sher réussira à accomplir un travail très important pour le Canada et les Canadiens.
* * *
LE STREPTOCOQUE DU GROUPE A
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour informer les députés et les Canadiens de la mort tragique d'un jeune garçon de ma circonscription. Kyle Martin, qui n'avait que cinq ans, s'est soudainement trouvé malade à l'école.
On l'a transporté à une clinique locale, puis à l'hôpital Credit Valley. Après plusieurs heures d'attente à l'urgence, Kyle a été transporté par avion-ambulance à l'hôpital pour enfants malades, où il est décédé.
La vie d'un enfant heureux et en bonne santé avait été emportée par une bactérie, le streptocoque du groupe A, qui a causé un choc toxique. Ce streptocoque est apparenté à la bactérie mangeuse de chair, dont on ne connaît ni la cause ni le traitement.
Le père de Kyle et d'autres membres de la collectivité ont établi le Fonds Kyle-Martin, à la Members Savings Credit Union de Toronto. Cet argent sera consacré à de la recherche effectuée à l'hôpital Mount Sinai.
La réaction de la collectivité a été incroyable. Je demande aux députés de se joindre à moi pour exprimer leur sympathie à la famille et pour faire un don au Fonds Kyle-Martin. Tâchons de contribuer à faire cesser les ravages de cette terrible maladie.
* * *
LE SÉNAT
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, nous avons, à notre Sénat, un sénateur qui trouve choquante l'idée d'un Sénat élu. Il a dit qu'il démissionnerait si l'on déclenchait des élections au Sénat.
Nous avons, à notre Sénat, un sénateur qui dit croire que de telles élections ne sont pas souhaitables, parce que cela signifierait que le premier ministre ne pourrait plus y nommer ses amis.
Nous avons, à notre Sénat, un sénateur qui dit qu'il n'aurait pas l'énergie nécessaire pour faire une campagne électorale, le cas échéant.
Nous avons, à notre Sénat, un sénateur qui dit qu'il ne représente pas sa région, mais plutôt son parti.
Je demande au premier ministre Klein de continuer ses démarches en faveur d'élections au Sénat, et je souhaite une retraite heureuse au sénateur Ghitter.
* * *
[Français]
M. ANDRÉ NADEAU
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, le 19 février dernier prenait fin l'une des plus prestigieuses et difficiles courses de chiens de traîneaux au monde, la Yukon Quest, à laquelle participait le Québécois André Nadeau, citoyen de Sainte-Mélanie dans le comté de Joliette.
D'une distance de 1 647 kilomètres, cette course amène les compétiteurs de White Horse, au Yukon, à Fairbanks, en Alaska. Les mushers et leurs chiens doivent lutter contre des froids polaires et des blizzards effroyables et franchir des sommets atteignant jusqu'à 4 000 mètres.
André Nadeau en était à sa première participation. Il a terminé en deuxième place en un temps de 11 jours, 15 heures et 13 minutes, soit environ quatre heures après le gagnant. Trente-huit attelages de 14 chiens avaient pris le départ. André Nadeau a détenu la tête de cette course jusqu'à ce que le vétéran, M. Lee, le devance dans les tout derniers kilomètres.
Je veux souligner cet exploit d'endurance et de courage et offrir toutes mes félicitations à André Nadeau, ainsi qu'à ses aides, Louise et Michel, sans oublier ses 14 chiens.
* * *
LES JEUX OLYMPIQUES DE NAGANO
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, acclamons tous nos héros! Les jeux de Nagano ont pris fin et le Canada a fait des prouesses en remportant un total de 15 médailles. Nos athlètes sont allés vivre le rêve olympique au Japon.
Une jeune fille de Sainte-Dorothée, de la circonscription de Laval-Ouest que je représente, a réalisé son rêve olympique. Tania Vicent s'est méritée une médaille de bronze en patinage de vitesse sur courte piste dans le relais sur 3 000 mètres.
Au nom de mes commettants et commettantes, je tiens à féliciter Tania et à la remercier, au nom des Canadiens et des Canadiennes de partout au Canada, pour la performance extraordinaire à laquelle elle nous a donné droit. Nous sommes tous fiers d'elle.
* * *
LES EX-TRAVAILLEURS DE LA MINE BC
M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement canadien a annoncé, hier, un programme d'aide pour les anciens travailleurs de la mine BC de Black Lake dans la région de Thetford Mines.
Le programme utilisé, les «subventions salariales ciblées», est entièrement financé par le gouvernement du Canada au coût de 1 750 000 $. Ce dernier versera à tous les employeurs intéressés à faire appel aux travailleurs qui ont été mis à pied une partie du salaire pouvant atteindre jusqu'à 60 p. 100 de leur salaire, sans plafond salarial.
Dans le passé, plusieurs ex-travailleurs des chantiers maritimes Davie, situé dans le comté de Lévis, ont profité de ce programme. Il leur a permis de retourner sur le marché du travail et de retrouver leur fierté à participer à la croissance économique.
Le gouvernement du Canada est non seulement sensible au sort des travailleuses et travailleurs qui perdent leur emploi, mais s'acharne à trouver des solutions qui puissent redonner la fierté et la qualité de vie aux Canadiennes et aux Canadiens qui traversent des périodes difficiles aux plans économique et humain.
En terminant, je veux souhaiter la meilleure des chances aux ex-travailleurs de la mine BC.
* * *
DON CHERRY
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, les insultes de Don Cherry à l'endroit des Québécois sur les ondes de CBC ne semblent pas émouvoir outre mesure le vice-président de la section anglaise de Radio-Canada, qui considère que M. Cherry est payé pour exprimer ses opinions.
Que de tolérance tout à coup face au respect de l'éthique à Radio-Canada, alors qu'une décision bien différente a déjà été prise, en décembre 1989, à l'endroit de Pierre Bourgault, dont les propos n'étaient pas jugés convenables lors d'une émission d'affaires publiques.
La question n'est pas de justifier ou d'approuver les interventions de qui que ce soit, mais plutôt de se demander s'il y a un seul code d'éthique à Radio-Canada.
[Traduction]
Les propos méprisants à l'endroit des Québécois que Don Cherry a tenus à la radio sont inacceptables et ne devraient pas être tolérés par la SRC. Que tous les habitants du Canada anglais qui partagent le point de vue de Don Cherry veuillent bien répondre à la question suivante: Qu'est-il advenu des gens qui aimaient tant le Québec en octobre 1995?
* * *
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, distribuons les pompons et les tutus aux réformistes. Ils trépignent et se trémoussent de joie à la pensée d'être les meneurs de claque des libéraux dans les négociations de l'AMI. «C'est un A, c'est un M, c'est un I, c'est un AMI», clament en choeur les réformistes. «Tenons un débat sur l'AMI, mais à la condition que les opposants ne se fassent pas entendre», chantent-ils en choeur.
Hier, le député réformiste de North Vancouver a admis qu'il préférait le régime de soins de santé privé de la Floride au régime public de sa province. Au Canada, les pauvres peuvent obtenir des soins médicaux. Le député de North Vancouver rejette le régime public en le qualifiant de régime socialiste infect ne méritant aucune protection dans l'AMI.
Ce qu'il faut, pourtant, c'est de l'argent frais dans les services de santé pour que tout le monde ait rapidement accès à de bons soins. Nous devons dénoncer l'AMI, qui tuera notre régime de santé privé. Il faut que le Parti réformiste cesse de manger dans la main des libéraux et assume ses responsabilités d'opposition officielle. Appuyez les investissements dans l'assurance-maladie et dénoncez l'AMI.
* * *
[Français]
LE TRANSPORT AÉRIEN
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Monsieur le Président, hier, Air Canada et Canadien vantaient les mérites de la libéralisation des services aériens canado-américains.
Cette mesure est venue modifier le ciel nord-américain et a eu des impacts positifs pour Air Canada qui a accru ses activités transfrontalières. Air Canada exploite maintenant plus de 1 300 vols par semaine sur 72 lignes reliant le Canada et les États-Unis.
La libéralisation a engendré de multiples retombées pour le Canada et l'économie canadienne. Elle a contribué à la création d'emplois depuis janvier 1995.
Le Canada s'ouvre rapidement à toute forme de libéralisation qui puisse bénéficier à l'ensemble du pays. Tout en étant prudents face à l'introduction de telles mesures, nous devons rester ouverts à tout ce qui touche les relations entre le Canada et les autres pays.
En somme, de telles mesures suscitent de l'intérêt dans toutes les communautés internationales, un contraste évident par rapport aux souverainistes qui préconisent le repli sur soi...
Le Président: Le député de Compton—Stanstead a la parole.
* * *
ANNIE PERRAULT
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour lire une lettre de félicitations à Annie Perreault.
«Chère Annie,
«C'est avec une très grande fierté que je vous ai vue monter sur la plus haute marche du podium, le 19 février dernier. J'ai suivi les Jeux olympiques avec un immense intérêt. Non seulement notre pays était-il représenté par nos meilleurs athlètes, mais la circonscription de Compton—Stanstead comptait une déléguée très spéciale, Annie Perreault.
«Je vous félicite pour vos médailles tant méritées. Enfin, vous voyez ces nombreuses années d'efforts récompensées. Votre talent et votre volonté font de vous un modèle pour tous les aspirants aux Jeux olympiques.
«Merci, Annie, d'avoir si dignement représenté notre pays. Pour les semaines et les mois à venir, je vous souhaite de profiter de toutes les opportunités que votre exploit vous apportera.
«Chère Annie, vous êtes une grande Canadienne.»
* * *
[Traduction]
RICHMOND HILL
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, il y a 125 ans, à Richmond Hill, se tenait la première assemblée du conseil municipal. À cette époque, la rue Yonge était une route de gravier, l'immeuble le plus élevé de la ville était une église neuve et le véhicule à quatre roues le plus rapide était une voiture tirée par un cheval.
Depuis ce temps, le petit village de Richmond Hill a grandi et est devenu la municipalité qui connaît la croissance la plus rapide du Canada. Le village ancien se retrouve encore au coeur de la collectivité, qui s'étend sur 99 milles carrés dans la région de York.
Au nom de la ville, je vous invite, monsieur le Président, à venir participer à l'un ou l'autre des événements prévus tout au long de l'année.
En tant qu'ancien échevin municipal, je suis fier de prendre la parole à la Chambre pour féliciter la ville de Richmond Hill à l'occasion de son 125e anniversaire.
* * *
LE RECENSEMENT CANADIEN
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, un jeune Canadien a pleuré lorsque la ministre d'État au multiculturalisme a pris la parole pour défendre le recensement raciste de son gouvernement.
Des millions de Canadiens partagent la peur de ce jeune. En dépit de tous les efforts du gouvernement, les citoyens du Canada veulent être reconnus comme étant des Canadiens.
Dix-neuf pour cent des répondants se sont fièrement déclarés Canadiens, le plus fort contingent provenant du Québec.
Le Canada est une terre d'immigration. Il est, par définition, une société multiculturelle riche de sa diversité et de sa tolérance. Le recensement et la volonté du gouvernement de mettre de l'avant des politiques qui ne font que diviser les collectivités manquent de vision et constituent une menace de plus à l'unité nationale et à l'édification du pays.
Écoutez les gens et laissez les Canadiens être des Canadiens.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
L'ÉCONOMIE
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a déjà dit ceci: «Nous progressons vers l'équilibre budgétaire. Une fois rendus à ce stade...»
Des voix: Bravo!
Le Président: Nous allons recommencer. Le chef de l'opposition a la parole.
M. Preston Manning: Il a dit ceci: «Une fois rendus à ce stade, nous consacrerons chaque milliard de dollars de l'excédent budgétaire pour moitié à la baisse des impôts et à l'allégement de la dette nationale...»
Le premier ministre peut-il nous affirmer sans tergiverser que cette promesse sera respectée dans le budget d'aujourd'hui?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il est 14 h 15. Dans deux heures quinze minutes, le député pourra confirmer ce qu'il a dit plus tôt, soit que nous semblons avoir réussi à équilibrer notre budget.
Encore une fois, je sens de la jalousie de la part du chef de l'opposition.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, vous remarquerez que le premier ministre n'a pas répondu à la question.
Le premier ministre tergiverse, il se défile. Il agit exactement comme il l'avait fait avant le budget où nous devions voir l'abolition de la TPS.
Pourquoi le premier ministre a-t-il aujourd'hui exactement le même comportement qu'avant le budget où il a manqué à sa promesse d'abolir la TPS?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, afin d'être certains que le député ne le manquerait pas, nous avons écrit ceci en lettres foncées dans la marge de la page 24: «Au cours de son mandat, un nouveau gouvernement libéral consacrera ses excédents budgétaires pour moitié à la baisse des impôts et à l'allégement de la dette nationale et pour moitié aux dépenses de programmes pour répondre à nos besoins sociaux et économiques.» C'est très clair.
Lorsque nous aurons un excédent, il sera d'environ un milliard de dollars. Évidemment, lorsque nous le diviserons en deux, au cours de notre mandat, il y aura 500 millions de dollars d'un côté et 500 millions de dollars de l'autre.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, ce comportement a quelque chose de très familier. Le premier ministre sort le livre rouge et cite des passages qui ne sont pas vraiment là, qui sont plutôt dans la marge. Il qualifie, il ajoute, il soustrait.
Pourquoi le premier ministre a-t-il aujourd'hui exactement le même comportement qu'avant le budget où il a manqué à sa promesse d'éliminer, de supprimer et d'abolir la TPS?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il arrive parfois que nous ne puissions pas faire les choses exactement comme nous l'avions prévu. Nous avons dit que nous atteindrions l'équilibre budgétaire sur une période de cinq ans, et nous l'avons fait en quatre ans.
Je crois que je vais téléphoner au ministre des Finances pour lui demander de changer son budget au cas où nous atteindrions l'équilibre budgétaire cette année. Nous devrions peut-être attendre à l'an prochain pour satisfaire le chef de l'opposition.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, les seules personnes qui sourient aujourd'hui sont les libéraux bien dressés de l'arrière-ban. S'ils sourient c'est qu'ils sont les seuls bénéficiaires de l'excédent budgétaire. Cet excédent qui était censé appartenir à tous les Canadiens et aux contribuables fatigués est devenu la propriété exclusive des gros dépensiers.
Pourquoi le gouvernement a-t-il une fois de plus renié les promesses faites dans le livre rouge et consacré une grosse portion de cet excédent à des dépenses nouvelles au lieu de réduire la dette et les impôts?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je préfère avoir des gens bien dressés que pas dressés du tout. J'espère que le ministre des Finances a de l'argent à mettre dans la formation car le Parti réformiste aurait bien besoin d'une formation supplémentaire en matière de finances publiques.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre avait promis de répartir l'excédent moitié-moitié entre les dépenses et la réduction de la dette et des impôts. Il le sait pertinemment, les Canadiens le savent pertinemment. L'excédent devrait revenir aux contribuables maintenant, mais ils ne vont rien recevoir. Le premier ministre s'excuse, mais ce ne sera pas pour cette année.
Comment se fait-il que le premier ministre puisse se lever en cet endroit, hausser les épaules, grimacer et chanter: «Un jour au cours de notre mandat»? Quand ce jour viendra-t-il?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je peux voir que le succès du gouvernement énerve les réformistes fous. Je comprends qu'ils soient frustrés; pourtant, nous essayons d'être aussi agréables que possible. Nous finirons bien par les dresser.
* * *
[Français]
LE FONDS DU MILLÉNAIRE
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, dans le dossier du Fonds du millénaire, rien n'indique que le gouvernement a l'intention de respecter la compétence du Québec qui administre un régime de prêts et bourses infiniment plus élaboré que les autres provinces, et ce, depuis plus de 30 ans.
Pourtant, en décembre 1995, le gouvernement a adopté une motion sur le caractère distinct du Québec, s'engageant à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.
Pourquoi le premier ministre, qui affirmait que cette motion signifiait quelque chose, s'entête-t-il à vouloir dédoubler, par un nouveau programme pancanadien uniforme, mur à mur, le régime particulier du Québec?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous croyons qu'une des grandes priorités pour tout le monde au Canada, c'est de préparer notre jeunesse à faire face aux difficultés du XXIe siècle.
Comme nous avons mieux fait que prévu dans notre situation fiscale pour l'année 1997-1998, nous avons décidé de mettre un certain montant d'argent de côté pour créer le Fonds du millénaire, de telle sorte que les jeunes Canadiens, y inclus les jeunes Québécois, peuvent fréquenter les universités qui sont dirigées par les gouvernements provinciaux pour se préparer à prendre leur place dans le XXIe siècle.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il faut quand même le faire. D'ici 2002, ce gouvernement aura coupé dix milliards de dollars pour l'éducation postsecondaire et il vient nous parler d'un nouveau programme, un nouveau programme qui est dénoncé non seulement par le gouvernement du Québec, mais également par le Parti libéral du Québec, les étudiants, les professeurs, les recteurs d'universités. Ils soutiennent tous que ce nouveau programme ne correspond pas aux besoins du Québec.
Face à cet autre consensus du Québec, pourquoi le premier ministre s'entête-t-il, contre toute logique, à refuser au Québec un droit de retrait complet avec pleine compensation, comme les ententes avaient été conclues avec Jean Lesage dès les années 1960?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis content de voir que l'honorable député reconnaît que les bourses du Québec sont de l'argent qui vient du gouvernement fédéral administré par les provinces. J'espère qu'ils vont le dire aux étudiants.
Nous avons l'avantage à ce moment-ci de pouvoir aider les étudiants. Lorsque nous avons eu une réunion des premiers ministres des provinces au mois de décembre dernier, les provinces nous ont demandé de faire un effort spécial pour aider les étudiants concernant leur taux d'endettement et pour leur permettre de continuer à aller à l'université. C'était le désir exprimé par les premiers ministres des provinces à la réunion fédérale-provinciale...
Le Président: La parole est maintenant à l'honorable députée de Québec.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.
Dans son discours du Trône de janvier 1994, le gouvernement fédéral affirmait, et je cite: «[...] qu'il s'efforcera de clarifier le rôle du gouvernement par rapport aux autres paliers de gouvernement, d'éliminer le double emploi et le chevauchement».
Doit-on comprendre que la seule façon originale qu'ait trouvée le fédéral de clarifier son rôle, d'éliminer les chevauchements et le double emploi, c'est de créer un programme mur à mur de bourses du millénaire, en plein dans le champ de compétence des provinces?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je pense que la députée n'a pas encore entendu l'exposé budgétaire du ministre des Finances. Elle saute à des conclusions en disant que le Fonds du millénaire est carrément un dédoublement de ce que fait le gouvernement du Québec.
Ce que je peux dire, c'est que, comme le premier ministre le soulignait, il n'y aura pas de dédoublement avec ce que le gouvernement du Québec fait déjà. Je suis très heureux que l'opposition nous donne l'occasion de rappeler que le système de prêts étudiants du Québec est largement financé par le gouvernement du Canada depuis 1964.
Une voix: Ce sont nos impôts.
M. Michel Bellehumeur: Ce n'est pas un cadeau, ce sont nos impôts.
L'hon. Pierre S. Pettigrew: Alors, je pense que nous allons continuer à faire du bon travail.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, il y a des limites à jouer avec les mots et les concepts.
Le ministre n'admet-il pas que le programme de bourses s'adresse directement aux étudiants, qu'il relève donc du domaine de l'éducation, que ce champ de compétence est exclusivement provincial et que le Québec possède déjà ses programmes de prêts et bourses? Qu'est-ce que le fédéral a à voir là-dedans?
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, l'éducation est de compétence provinciale et le gouvernement du Canada ne se mêle pas d'éducation.
L'aide financière aux étudiants est une compétence partagée depuis très longtemps et nous sommes plusieurs ici dans cette Chambre à en avoir profité. Il n'y a donc rien de nouveau.
Pour améliorer la compétitivité du Canada, les deux paliers de gouvernement doivent travailler ensemble, et c'est ce que nous ferons.
* * *
[Traduction]
LA ROUTE TRANSCANADIENNE
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Monsieur le Président, je pose une question au nom des électeurs de ma circonscription, en particulier ceux de River Glade, Salisbury et Petitcodiac.
Le ministre des Transports va-t-il immédiatement interdire au gouvernement du Nouveau-Brunswick d'imposer un péage sur la section de la route transcanadienne entre Moncton et River Glade, section qui est déjà construite et qui a été payée par les contribuables du Canada et du Nouveau-Brunswick?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la réponse est non. Comme je l'ai déjà expliqué à la Chambre, la part du gouvernement fédéral, aux termes de l'entente de partage des coûts, a été déduite des coûts que vise à récupérer le péage.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.
Les personnes du Nouveau-Brunswick ont déjà payé cette autoroute avec leurs taxes. Maintenant, ils devront encore payer plus pour enrichir Doug Young et ses amis. Le 2 juin dernier, Doug Young a été mis à la porte et il a réussi à entrer encore par la porte arrière. Assez, c'est assez.
Le gouvernement va-t-il finalement arrêter le patronage et jeter l'idée de l'autoroute payante dehors, une fois pour toutes?
[Traduction]
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le simple fait que le NPD pose ces questions trois semaines après qu'il en a été question à la Chambre des communes montre sa pertinence dans la société canadienne.
L'ancien ministre des Transports n'a rien fait de mal et il n'y a rien de répréhensible dans cette entente. À l'avenir, nous devrions voir s'il y a lieu d'inclure la question du péage dans les accords entre le gouvernement fédéral et les provinces.
* * *
[Français]
LA PAUVRETÉ
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, le gouvernement a beau se taper dans le dos aujourd'hui pour l'équilibre budgétaire, quoique les ministres des Finances provinciaux ne le féliciteraient probablement pas.
Des voix: Bravo!
L'hon. Jean J. Charest: J'aimerais savoir si les députés libéraux ont l'intention d'applaudir le fait qu'il y a davantage de pauvreté au Canada depuis que leur gouvernement a été élu, qu'il y a davantage d'enfants sous le seuil de la pauvreté au Canada, depuis qu'ils ont été élus.
Est-ce qu'ils ont l'intention d'applaudir cela, ou est-ce que le premier ministre n'a pas plutôt l'intention d'augmenter l'exemption de base de 10 000 $ pour que deux millions de Canadiens à faible revenu puissent arrêter de payer de l'impôt et qu'on puisse enfin aider les pauvres au Canada?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Parti progressiste-conservateur aura sa réponse dans quelques heures.
Je veux cependant lui dire que nous avons injecté 850 millions de dollars depuis le 1er juillet dernier pour aider les familles pauvres ayant des enfants. Notre programme prévoit injecter un autre montant de 850 millions au cours de ce mandat.
Nous sommes très préoccupés par la pauvreté des familles et des enfants au Canada. C'est une priorité que nous avons incluse dans le discours du Trône et qui sera reflétée nécessairement dans le budget du ministre des Finances.
L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, en toute honnêteté, le premier ministre devrait reconnaître aussi que les 850 millions de dollars ne font que remplacer les fonds qui ne sont pas là à cause de la désindexation.
[Traduction]
Je voudrais poser une question sur les emplois, parce que si nous voulons aider les Canadiens, nous devrions avant tout essayer de créer des emplois.
Nous avons rappelé à maintes reprises qu'aux États-Unis, il y a des impôts moins élevés, une croissance plus forte et plus d'emplois. Au Canada aussi, soit en Alberta, il y a des impôts moins élevés, une croissance plus forte et plus d'emplois.
Le premier ministre s'engage-t-il à réduire les impôts afin de créer des emplois pour les Canadiens?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les désindexations sont le fait du gouvernement conservateur qui a précédé le gouvernement actuel.
Ensuite, je reconnais que les emplois nous préoccupent beaucoup. Parce que nous avons remis de l'ordre dans les finances du pays, l'économie va beaucoup mieux.
Par exemple, nous savons tous que plus d'un million de nouveaux emplois ont été créés en quatre années d'un gouvernement libéral, alors que c'était l'objectif que le chef du Parti conservateur, au cours de la campagne électorale, s'était fixé pour les cinq années à venir. Nous y sommes parvenus en quatre ans.
* * *
L'ÉCONOMIE
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Monsieur le Président, contrairement au premier ministre, j'ai consulté les habitants de ma circonscription pour savoir comment on devrait dépenser un éventuel excédent budgétaire: 87 p. 100 des répondants sont d'avis qu'on devrait consacrer au moins la moitié de l'excédent à l'élimination de la dette.
Ma question s'adresse au premier ministre. Il a fait une promesse aux Canadiens, pas une promesse à la légère, mais la promesse ferme de consacrer la moitié de l'excédent à l'élimination de la dette et à la réduction des impôts.
Comment pouvait-il faire cette promesse alors qu'il savait très bien qu'il gaspillerait tout l'excédent à de nouvelles dépenses?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, il y aura, à 16 h 30, présentation du budget à la Chambre.
Je suis persuadé que le député sera ici pour écouter l'exposé budgétaire, pour changer. J'ai bien hâte d'entendre le député parler en faveur des mesures budgétaires du gouvernement lorsque la Chambre débattra du budget au cours des prochains jours.
* * *
LA FISCALITÉ
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, ma famille et moi exploitons un petit café situé près de l'Université de l'Alberta; je suis donc bien placé pour connaître les problèmes du chômage chez les jeunes. La plupart de nos employés sont des étudiants, mais lorsque les cotisations sociales augmentent, je dois trouver des moyens de réduire les dépenses. Cela veut habituellement dire qu'un jeune travailleur de plus se retrouve sans emploi.
Quand le ministre va-t-il comprendre que les cotisations sociales tueuses d'emplois privent les jeunes de leur avenir? Quand le gouvernement va-t-il comprendre le bon sens?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que les cotisations sociales ont été réduites. Nous les avons en effet réduites de 1,4 milliard de dollars à compter du 1er janvier lorsque nous avons réduit les cotisations au régime d'assurance-emploi versées par les employeurs et par les employés.
* * *
[Français]
LE PROJET DE LOI C-28
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, dans le dossier de l'armateur législateur, nous apprenions, la semaine dernière, qu'on avait sollicité l'avis du conseiller en éthique du premier ministre seulement après que cette affaire ait été révélée par le Bloc québécois.
Ma question fort simple au premier ministre: Que vaut l'avis d'un conseiller en éthique qui n'est sollicité qu'après le fait?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on essaie d'attaquer le ministre des Finances plutôt que d'essayer d'attaquer ce que le ministre des Finances fait. C'est pourquoi les députés du Bloc québécois, depuis la reprise des travaux de la Chambre, n'ont posé qu'une seule question sur l'économie.
Ils se sont appliqués à une seule chose: détruire la crédibilité du ministre des Finances. Ils n'ont pas réussi, et ils ne réussiront pas.
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, j'invite le premier ministre à se présenter plus souvent à la Chambre pour entendre nos questions sur l'économie.
Le premier ministre est-il en train de dire, au fond, que la réputation de l'homme qui, dans quelques minutes, va présenter le budget fédéral, ne repose en fait que sur le simple avis d'un fonctionnaire nommé par lui, payé par lui, qui ne rend de comptes qu'à lui et qui, au fond, ne dit bien que ce qu'on veut bien qu'il dise?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on attaque maintenant le conseiller en éthique qui est allé devant le comité de la Chambre expliquer sa position et dire ce qu'il a fait.
Ils ne peuvent pas attaquer le ministre des Finances dans ce qu'il fait. J'ai vérifié; ils n'ont posé, je pense, qu'une seule question sur l'économie depuis la reprise des travaux de la Chambre. Ils essaient de détruire le ministre des Finances.
Je répète encore une fois que le ministre des Finances est un homme intègre et honnête, et il a la confiance du premier ministre. Il fera un excellent exposé sur son budget aujourd'hui, et ce n'est pas la campagne de salissage qui lui enlèvera son mérite.
* * *
[Traduction]
LA FISCALITÉ
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, Florence Shannon, de Tappen, localité située dans la circonscription d'Okanagan-Shuswap que je représente, est une dame âgée. Elle paie tellement d'impôts et vit avec une si petite pension qu'elle écrit au premier ministre par mon entremise. Je cite:
Je vous remercie de me dicter comment je dois dépenser mon argent. Cela veut dire que je n'ai pas votre permission de posséder quoi que ce soit. Je vous remercie de faire de mes dernières années sur cette terre un véritable enfer.
Le premier ministre dira-t-il à Mme Shannon et aux autres personnes âgées pourquoi il traite l'excédent budgétaire réalisé grâce aux contribuables comme s'il s'agissait de son propre argent?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, mettons les choses au clair. Au sujet des impôts, notre gouvernement n'a aucune leçon à recevoir du Parti réformiste.
Nous formons le gouvernement qui, avec l'appui des Canadiens, a résorbé un déficit de 42 milliards de dollars et c'est la seule raison pour laquelle nous sommes en mesure aujourd'hui de parler d'un excédent budgétaire possible. C'est grâce aux mesures prises par notre gouvernement et nous poursuivrons sur notre lancée.
M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, si le budget du pays est dans le noir aujourd'hui, c'est parce que celui des contribuables canadiens est dans le rouge.
Une de mes électrices, Robyn McGregor, est une mère seule qui a du mal à joindre les deux bouts à cause de la politique des impôts élevés que pratique le gouvernement. Nathan, son fils de 11 ans, a besoin de soins dentaires, mais sa visite chez le dentiste devra attendre, à cause des impôts trop élevés.
Pourquoi est-ce si facile pour le premier ministre de refuser tout allégement fiscal à des contribuables comme Robyn, lui qui sanctionne les dépenses extravagantes de ses ministres?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'invite le député à être présent à la Chambre à 16 h 30 afin qu'il puisse se lever et applaudir au budget que le gouvernement déposera et au discours que le ministre des Finances prononcera.
* * *
[Français]
DON CHERRY
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.
Les médias ont rapporté abondamment les propos insultants de Don Cherry à l'endroit des Québécois sur les ondes de CBC.
Est-ce que la ministre du Patrimoine canadien est en désaccord avec les propos de M. Cherry? Et si elle est en désaccord, entend-elle intervenir auprès de la société d'État pour exprimer ce désaccord?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je connais bien M. Don Cherry et je ne suis pas toujours d'accord avec lui, surtout quand il parle de Jean-Luc Brassard, qui a quand même été un champion mondial et qui est reconnu mondialement depuis un très jeune âge comme un des meilleurs skieurs.
Cela dit, je veux lui poser une question. Comme le Canada a gagné 15 médailles, ce qui est en fait un record de toutes ses performances aux Jeux olympiques, pourquoi le Bloc québécois ne se réunit pas pour féliciter les athlètes canadiens pour ce qu'ils ont fait aux Jeux olympiques?
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je suis bien prêt à lui pardonner. Depuis la semaine dernière, nous faisons des déclarations de députés pour féliciter les athlètes. Mais elle était à Nagano, ce n'est pas de notre faute.
La ministre esquive donc facilement cette question quand elle-même, au lendemain du référendum, disait que Radio-Canada devrait changer de discours et être plus fidèle à sa mission.
Est-ce qu'elle ne considère pas qu'elle devrait intervenir pour exprimer vivement son désaccord, parce que là, c'est le temps de défendre le Québec?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit clairement que je ne suis pas d'accord avec les propos de M. Don Cherry. Mais c'est aussi vrai que si j'intervenais auprès de Radio-Canada pour lui dire quoi dire, le Bloc québécois et le député seraient les premiers à nous critiquer pour faire de l'ingérence à la Société Radio-Canada.
* * *
[Traduction]
LES JEUNES
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.
Kyle est un électeur de ma circonscription. Il a 21 ans et il est actuellement sans emploi. C'est un travailleur saisonnier de la construction et il a contracté 25 000 $ de dettes d'études. Comment Kyle peut-il assurer sa subsistance, sans parler du remboursement de ses prêts étudiants? Kyle veut terminer ses études et il ne peut attendre le fonds commémoratif de celui que les médias appellent le petit gars de Shawinigan.
Comment le ministre des Finances mettra-t-il plus d'argent dans les poches de Kyle que dans les siennes?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, dans moins de deux heures, le ministre des Finances présentera son budget, et il se pourrait qu'on y trouve la réponse à toutes ces questions.
Je me contenterai de dire ceci, monsieur le Président. Il s'agit d'excellentes nouvelles pour le gouvernement, mais de mauvaises pour l'opposition.
* * *
LA FISCALITÉ
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, comme de nombreuses autres circonscriptions urbaines du Canada, North Vancouver compte un grand nombre de petites entreprises dont les propriétaires travaillent 14 heures par jour, sept jours par semaine, pour remplir les coffres du ministre des Finances. Souvent, ces chefs d'entreprises ramènent à la maison, pour subvenir aux besoins de leur famille, moins que ce qu'ils versent au gouvernement en impôts sur le revenu des sociétés et en cotisations sociales.
Pourquoi le premier ministre distribue-t-il à ses ministres plus d'argent pour des dépenses énormes et inconsidérées, alors qu'il devrait accorder un allégement fiscal aux petites entreprises qui créent de l'emploi au Canada?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas combien de fois je devrai répéter la même chose aux députés de l'opposition avant qu'ils comprennent.
Dans moins de deux heures, le ministre des Finances prendra la parole à la Chambre et lira le discours du budget. C'est ce qu'il va faire. Je le répète, il s'agira d'excellentes nouvelles pour les Canadiens, mais peut-être de moins bonnes nouvelles pour les députés de l'opposition.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.
Ce matin, Statistique Canada confirmait une fois de plus la baisse importante du nombre de prestataires d'assurance-chômage. Entre 1996 et 1997, le nombre de chômeurs n'a baissé que de 4 p. 100. Pourtant, le nombre de personnes qui ont reçu des prestations d'assurance-chômage a chuté, lui, de 17 p. 100.
Qu'attend donc le ministre pour mettre fin aux mesures les plus néfastes de sa prétendue réforme de l'assurance-chômage?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, nous avons été engagés dans une réforme importante du système d'assurance-emploi. Le nombre de participants au système a en effet baissé d'une façon qui nous préoccupe, comme gouvernement, parce que, en effet, les chiffres qui sont annoncés confirment qu'il y a une tendance de ce côté-là.
Ce que je peux dire, c'est que j'ai déjà demandé à mon ministère de nous éclairer sur ce qu'était ce chiffre. S'ils ont des réponses du côté de l'opposition, ils sont bien chanceux. Je crois que la nature de ces chiffres n'est pas précisée. Ce ne sont pas uniquement les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi qui l'expliquent. Il y a d'autres éléments que je veux comprendre avant de prendre une décision.
* * *
[Traduction]
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
Le Canada a de nouveau l'occasion d'être représenté au Conseil de sécurité de l'ONU. Le ministre peut-il expliquer à la Chambre comment les députés peuvent, de façon impartiale, aider le Canada dans cette entreprise?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, on a pu constater, dernièrement, à quel point la contribution du Conseil de sécurité est importante pour le règlement pacifique des conflits. Nous croyons que le Canada peut être très utile au sein du conseil.
Nous avons vu que les députés ont joué un grand rôle dans le monde entier en discutant avec leurs homologues de l'utilisation des mines antipersonnel. J'espère que nous pouvons compter sur l'engagement de chaque député pour favoriser l'élection d'un représentant canadien au Conseil de sécurité, afin que nous puissions contribuer au maintien de la paix et de la sécurité. J'espère que tous les leaders verront à ce que ce principe soit appuyé.
* * *
LA DETTE
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, les habitants de ma circonscription, Calgary-Centre, s'inquiètent en pensant à la lourde dette que nous laisserons à nos enfants. Le gouvernement a fait augmenter cette dette de 100 milliards de dollars. Ne l'oublions pas.
J'ai demandé aux habitants de ma circonscription ce qu'ils feraient si ils étaient ministre des Finances. Dans 70 p. 100 des cas, ils m'ont répondu que la grande priorité était l'amortissement de la dette.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'accorder la priorité à l'amortissement de la dette et préfère-t-il accroître les dépenses, comme s'il ne pouvait s'en passer?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens attendent depuis près de 30 ans ce que le ministre des Finances pourrait bien annoncer aujourd'hui. Les députés d'opposition peuvent certainement attendre encore deux heures. Soyons précis. Il faut attendre que la grande aiguille soit sur le six et la petite, sur le quatre. Autrement dit, ce sera à 16 h 30. J'espère que les députés seront ici pour entendre le ministre des Finances.
* * *
LA FISCALITÉ
M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, les libéraux se vantent, mais ils se vantent aux dépens des contribuables, et tous les Canadiens en sont bien conscients.
Dans ma circonscription et un peu partout au pays il y a des familles qui ont du mal à joindre les deux bouts. Année après année, elles sont à même de constater qu'une partie grandissante de leur revenu va à l'impôt. Ce sont ces gens-là qui ont permis d'équilibrer le budget, pas les libéraux. Ce sont eux qui acquitteront l'hypothèque que leur auront léguée libéraux et conservateurs. Les Canadiens méritent une réduction.
Pourquoi le premier ministre traite-t-il l'excédent des contribuables comme s'il s'agissait de son propre argent et a-t-il déjà commencé à l'affecter à de nouvelles dépenses?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme les députés de ce côté-ci de la Chambre l'ont répété à maintes reprises, c'est grâce à la détermination et au soutien des Canadiens que notre gouvernement a pu obtenir ces résultats. C'est grâce à leur soutien que nous pourrons aider les Canadiens à aborder le prochain siècle dans la perspective de travailler ferme pour bâtir le Canada en collaboration avec le gouvernement.
Nous n'avons pas de leçons à recevoir du Parti réformiste. Si les réformes fiscales dont ne cesse de parler le Parti réformiste mettent en péril les finances gouvernementales, les Canadiens n'en veulent pas. Nous maintiendrons le cap.
* * *
LES PÊCHES
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, le ministre des Pêches et des Océans a déclaré à notre comité qu'il n'existe pas de zone de protection de 12 milles autour de l'île Langara sur la côte ouest de la Colombie-Britannique pour ce qui est de la pêche commerciale au chalut. Or, les documents de son ministère disent tout à fait le contraire.
Le ministre a également déclaré que l'on ne devrait jamais retirer des contingents à un secteur pour les attribuer à un autre. Or, c'est précisément ce qui s'est produit quand son ministère a privé les pêches de la Colombie-Britannique du saumon chinook pour le donner au Sport Fishing Institute. Mme Velma McColl, qui a travaillé pour cet organisme, occupe maintenant les fonctions d'adjoint du ministre en Colombie-Britannique.
Pourquoi le gouvernement dote-t-il le ministère des Pêches et des Océans d'une politique qui fait l'affaire des amis du ministre en Colombie-Britannique...
Le Président: Le secrétaire parlementaire a la parole.
[Français]
L'hon. Gilbert Normand (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire)(Pêches et Océans) Lib.): Monsieur le Président, le député fait référence à un cas particulier. Je vais devoir obtenir les informations nécessaires avant de pouvoir lui répondre. Il me fera plaisir de lui répondre la prochaine fois.
* * *
[Traduction]
L'IMMIGRATION
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Les audiences relatives à l'examen de la législation sur l'immigration commencent à Vancouver cette semaine. J'ai rencontré les représentants d'un certain nombre d'organisations locales. Les intéressés sont de plus en plus inquiets, car la ministre ne donne vraiment pas suffisamment de temps aux gens pour répondre et se faire entendre.
La ministre va-t-elle donner à la collectivité plus de temps pour se faire entendre et nous garantir que, contrairement à ce que craignent beaucoup de gens, les recommandations ne seront pas adoptées en toute hâte?
[Français]
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de préciser que le rapport qui est soumis à la consultation publique n'est pas un rapport du gouvernement. C'est un rapport qui a été préparé par trois personnes indépendantes du gouvernement et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Deuxièmement, oui, il y aura des consultations publiques. Au début, j'avais annoncé cinq jours de consultations que je vais moi-même mener à l'échelle du pays. Toutefois, devant les demandes pressantes des différents groupes, nous avons doublé le nombre de jours. Il y aura donc des consultations pendant dix jours au pays, ce qui permettra à beaucoup de personnes intéressées par le sujet de se faire entendre sur ce rapport.
* * *
[Traduction]
L'ÉCONOMIE
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui une journée importante pour tous les Canadiens, qui ont fait d'énormes sacrifices.
Des voix: Bravo!
M. Scott Brison: Monsieur le Président, avant que nos chiens savants d'en face ne s'excitent trop, ils devraient comprendre que selon la revue The Economist, c'est, en fait, en grande partie grâce aux changements structurels effectués par le gouvernement conservateur au début des années 90 qu'on peut maintenant compter sur un excédent budgétaire.
Mettons les choses au clair. Les véritables héros sont les gens ordinaires qui ont souffert des compressions libérales dans les domaines des soins de santé et de l'enseignement et qui ont porté le fardeau fiscal le plus lourd de tous les pays du G7. Le premier ministre va-t-il accorder un allégement fiscal du millénaire...
Le Président: La parole est au secrétaire parlementaire.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, dans leur dernier budget, et on peut espérer qu'ils n'en présenteront plus jamais, les conservateurs avaient prévu que les dépenses gouvernementales allaient s'élever à 128 milliards de dollars, cette année. C'est plus que 20 milliards de dollars de plus que ce qu'on aura dépensé, en fait. Combien d'argent le Parti conservateur croit-il qu'il resterait pour des réductions d'impôt si nous nous en étions tenus à son plan?
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, cet après-midi, dans ce budget, on va brosser un tableau de la situation qui ne correspond pas nécessairement à la réalité. Le gouvernement n'aura peut-être plus de déficit, mais les Canadiens seront encore bien endettés. L'endettement des particuliers est en hausse, le taux d'épargne des particuliers est en baisse, le nombre de faillites personnelles augmente, le revenu net des particuliers est en baisse et le premier ministre et les membres de son parti fêtent aujourd'hui.
Le premier ministre va-t-il offrir aux Canadiens un allégement général de leur fardeau fiscal pour qu'ils puissent eux aussi ne plus avoir de dettes?
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, une fois de plus, je voudrais demander au député d'être présent à la Chambre à 16 h 30 pour écouter la lecture du budget.
C'est invraisemblable. Écouter les conservateurs parler d'impôts, c'est comme regarder quelqu'un qui retourne sur la scène de son crime. C'est vraiment incroyable.
* * *
L'AIDE AUX SINISTRÉS
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.
Le député réformiste de Prince George—Peace River a accusé le gouvernement d'avoir une politique d'indemnisation des agriculteurs pour les pertes subies à la suite de la tempête de verglas et une autre politique pour les agriculteurs de la Nouvelle-Écosse, de la région de Peace River, en Colombie-Britannique et en Alberta. Le ministre pourrait-il expliquer clairement à la Chambre la politique canadienne d'aide aux sinistrés?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, c'est très simple.
Il y a à la disposition de tous les agriculteurs canadiens un compte de stabilisation du revenu net, une assurance-récolte et plusieurs programmes connexes.
Quand une province fait appel à l'aide aux sinistrés, comme ce fut le cas au Saguenay, dans la vallée de la rivière Rouge, en Ontario et au Québec récemment, nous la traitons de la même façon que nous traitons les autres provinces. Si l'Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse veulent faire appel à l'aide aux sinistrés, le gouvernement en discutera avec ces provinces, mais jusqu'ici elles ne l'ont pas fait.
* * *
LA DÉCLARATION DE CALGARY
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, hier, lorsque j'ai demandé au ministre des Affaires intergouvernementales quand le gouvernement allait parler aux Québécois des éléments de discussion contenus dans la Déclaration de Calgary, il m'a répondu: «Selon toute l'information que nous avons, y compris les sondages, la Déclaration de Calgary est fortement appuyée au Québec.»
Sur quelles consultations et sur quels sondages le ministre s'appuie-t-il pour être si confiant? Va-t-il publier ces informations?
[Français]
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, voici les résultats d'un sondage Angus Reid du 8 décembre 1997.
«La Constitution canadienne devrait reconnaître le caractère unique de la société québécoise»: au Québec, d'accord, 85 p. 100.
«Il est souhaitable que le Parlement fédéral et les assemblées provinciales reconnaissent le caractère unique du Québec tout en affirmant le principe de l'égalité des provinces»: accord, 80 p. 100.
«Il est possible de réformer la fédération canadienne sur la base de ces deux principes»: accord, 69 p. 100.
[Traduction]
Environics, octobre 1997: «Êtes-vous en faveur de ce que les premiers ministres provinciaux ont proposé?». Au Québec, 61 p. 100 des personnes interrogées ont répondu oui, 39 p. 100 ont répondu non.
* * *
[Français]
LES VICTIMES DE L'HÉPATITE C
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, considérant que le gouvernement fédéral est le principal responsable en matière d'approvisionnement des produits sanguins, considérant que les provinces assument déjà les coûts des soins de santé aux victimes de l'hépatite C, et compte tenu des énormes coupures faites par le fédéral en matière de santé dans les transferts aux provinces, le gouvernement fédéral est-il prêt, dans ses négociations pour le dédommagement des victimes de l'hépatite C, à tenir compte des sommes importantes que les provinces assument déjà en matière de soins aux victimes de l'hépatite C?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, c'est dans le meilleur intérêt des victimes de cette tragédie que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble pour indemniser les victimes.
Je travaille là-dessus. J'ai déjà rencontré mes homologues et j'espère que durant les jours qui viennent, nous serons en mesure de répondre à ces besoins importants.
* * *
[Traduction]
LES ÉTUDES POSTSECONDAIRES
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Monsieur le Président, le financement de l'enseignement postsecondaire pour les sourds, en Ontario, va être intégré au RAFEO. Les étudiants sourds iront rejoindre les milliers d'étudiants qui accumulent des dettes pour s'instruire, sauf que, dans leur cas, ce sera pire. Ils devront dépenser jusqu'à 60 000 $ pour des interprètes de langue gestuelle, pour des preneurs de notes et des frais de scolarité dans des universités spécialisées.
Est-ce que le premier ministre est d'avis que les étudiants handicapés devraient payer davantage pour leur éducation? Si oui, pourrait-il me dire à quelle page et à quel paragraphe du budget on parlera de cela?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas encore les documents budgétaires. Je les aurai dans une heure et 37 minutes.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, en décembre dernier, le gouvernement a maintenu les cotisations à l'assurance-emploi à 2,70 $, même si l'actuaire du fonds de l'assurance-emploi estime que le fonds pourrait opérer avec un taux de 2 $.
Dans son tout premier budget, le ministre des Finances affirmait, et je cite: «Les impôts sur la masse salariale constituent un obstacle à l'emploi.»
Le ministre va-t-il s'inspirer de ses propres paroles et donner aux petites entreprises et aux travailleurs canadiens la réduction des impôts nécessaire à la création d'emplois, une réduction qu'ils méritent?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député conservateur de me permettre d'expliquer qu'il y a deux mois, nous avons baissé les cotisations à l'assurance-emploi de 1,4 milliard de dollars.
Nous avons fait cette baisse à la caisse de l'assurance-emploi pendant quatre années consécutives. Je sais qu'on le comprend mal chez les conservateurs, mais nous sommes responsables au plan fiscal. Nous avons donc à coeur l'intérêt des gens et nous avons l'intention d'être capables, lorsque l'économie aurait éventuellement des difficultés, de ne pas avoir augmenté, comme on le faisait dans le temps des conservateurs, les cotisations au moment où la situation est plus difficile.
* * *
[Traduction]
LA JUSTICE
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice.
En maintenant l'acquittement d'un homme accusé d'agression sexuelle, il y a 11 jours, un juge de la cour d'appel de l'Alberta a fait une observation déplacée sur la façon de s'habiller de la plaignante, laissant entendre qu'elle «avait couru après».
Que va faire la ministre de la Justice pour protéger les femmes de ce pays de ce genre de commentaire odieux et de ce genre de décision qui semble dire que non peut signifier oui?
[Français]
Mme Eleni Bakopanos (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, j'aimerais remercier mon collègue pour cette importante question.
Cependant, je ne peux pas commenter étant donné qu'il y a une possibilité d'aller en appel. Je dois dire que la législation fédérale est claire: non, c'est non.
[Traduction]
Nous devons nous attaquer aux mythes et aux stéréotypes, y compris l'idée qu'une victime, habituellement une femme, doit user de toutes ses forces pour montrer qu'elle n'est pas consentante.
Je peux affirmer aux députés que le gouvernement fera appliquer la loi, y compris celle qui protège les victimes de viol, afin que les victimes ne soient pas aussi victimes du système judiciaire.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LE DÉBAT SUR LE BUDGET
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement porte sur les dispositions relatives au débat qui doit débuter plus tard cet après-midi.
Le Règlement de la Chambre des communes a été rédigé en fonction de la présence de trois partis à la Chambre, alors que les électeurs ont décidé d'y en envoyer cinq.
Je demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter une motion visant à modifier les dispositions relatives à la présentation des amendements et sous-amendements durant le débat budgétaire. Cela permettrait de maintenir la proposition d'amendement réformiste à l'étude jusqu'à la dernière journée du débat budgétaire.
D'autre part, le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et le Parti progressiste conservateur pourraient présenter des sous-amendements pouvant faire l'objet d'un vote.
Le Président: Je crois que nous avons compris l'essentiel de la proposition. Le député a-t-il le consentement de la Chambre pour présenter une motion?
Des voix: Non.
LE MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales tirait visiblement sa réponse de données provenant d'un sondage.
Je demande au ministre de déposer les résultats de ce sondage à la Chambre.
Le Président: Il semble que le ministre ait un document en sa possession. Le page ira le prendre pour qu'il soit déposé à la Chambre.
LE DÉBAT SUR LE BUDGET
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement se rapporte aux dispositions concernant le débat budgétaire qui débutera plus tard cet après-midi, après le recours au Règlement des conservateurs.
Monsieur le Président, on sait que le Règlement de la Chambre des communes a été rédigé en fonction de la présence de trois partis politiques à la Chambre, mais les électeurs canadiens ont décidé, en juin dernier, d'y envoyer cinq partis.
Je demande le consentement unanime de la Chambre afin de déposer une motion visant à modifier les dispositions...
Le Président: Je rappelle au député que la présentation d'une motion se fait en deux étapes. La première étape consiste à obtenir le consentement de la Chambre au dépôt de la motion et la seconde étape consiste à présenter la motion elle-même.
Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre?
Des voix: Non.
LES QUESTIONS
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, au cours de la présente législature, les questions et les réponses sont limitées à 35 secondes. Mais il arrive que, du fait des applaudissements ou du chahut, des députés de notre parti, ainsi que des autres partis, soient interrompus avant d'avoir eu le temps de poser leurs questions.
Je suis certain que la présidence est au courant, mais je lui demanderais de faire preuve d'indulgence lorsqu'une personne se trouve dans l'impossibilité de poser sa question.
Le Président: La requête du député est justifiée. Le leader du Parti réformiste à la Chambre m'a fait part du problème un peu plus tôt.
Je prends sur moi d'accorder un peu plus de temps lorsque les applaudissements se prolongent, ou qu'il n'y a pas d'applaudissements. Je tiens compte du début des applaudissements et j'essaye d'ajuster le temps alloué, aussi précisément que possible en fonction de leur durée. Je permets qu'il y ait un léger dépassement, mais pas trop. La Chambre a convenu de limiter les questions et les réponses à 35 secondes. J'essaye de m'y tenir, mais il faut que vous me laissiez un peu de latitude.
M. Ken Epp: Monsieur le Président, au sujet de ce même rappel au Règlement, il est intéressant de signaler qu'aujourd'hui ce sont les conservateurs qui ont passé le plus de temps à poser leurs questions. La moyenne était de 42 secondes.
Le Président: Il va falloir que je sois comme un arbitre pendant un match de hockey. Je serai le seul autorisé à avoir un sifflet, c'est-à-dire un chronomètre.
LE DÉBAT SUR LE BUDGET
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, nous avons entendu aujourd'hui deux rappels au Règlement exigeant le consentement unanime de la Chambre.
Récemment, le consentement unanime de la Chambre a été demandé cinq fois en une journée sur la même question. La présidence a-t-elle l'intention d'entendre ce rappel au Règlement, qui est identique à celui que viennent de faire le NPD et le Parti conservateur?
Le Président: Il faudrait que la présidence ait un don de clairvoyance pour savoir ce que les députés vont dire. Avant de prendre une décision, je dois écouter ce que le député a à dire.
Pour répondre directement à votre question, j'entendrai autant de rappels au Règlement que le désire la Chambre. À un certain point, quand j'aurai compris de quoi il retourne, je poserai une question. Par exemple, le député a-t-il la permission de présenter une motion? Et on procédera à partir de là.
M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, à mon avis, la question n'a pas été clarifiée. Il est important que le Président la clarifie.
On a fait valoir qu'à l'occasion, étant donné le Règlement de la Chambre, il faut obtenir le consentement unanime pour prendre une initiative en particulier. Lorsqu'une proposition ne reçoit pas le consentement unanime, est-il possible de présenter la même proposition ou la même initiative à plusieurs reprises au cours de la même journée?
Il me semble que, si le consentement unanime est refusé lorsque la question est présentée initialement, l'affaire devrait être close pour cette journée-là. Sinon, nous nous retrouvons dans une situation qui va à l'encontre de l'objet du Règlement, à savoir qu'il faut obtenir le consentement unanime pour prendre telle ou telle mesure.
Si un seul député décide, pour quelque raison que ce soit, de refuser de donner son consentement pour s'assurer qu'une initiative en particulier ne sera pas proposée au cours d'une journée, il devra rester cloué à son siège toute la journée. Cela n'est pas conforme à l'article du Règlement en question.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, au lieu de prolonger le débat sur la question de savoir si nous devrions ou non modifier le Règlement, j'informe respectueusement la Chambre, par votre entremise, que, en avril, nous débattrons le Règlement en général. Les députés voudront peut-être soulever à ce moment-là ces arguments en faveur ou non d'une proposition en particulier.
Le Règlement prévoit ce débat et, conformément à une entente conclue entre les leaders de la Chambre, il est censé avoir lieu à un certain moment en avril.
J'estime que ce serait le moment opportun d'aborder le sujet en question.
Le Président: Je répète que le Règlement de la Chambre a été adopté par la Chambre. Comme vous, je suis lié par le Règlement. Il faut faire preuve d'une certaine équité et d'une certaine souplesse à la Chambre.
Qu'arriverait-il si un député demandait le consentement unanime et qu'il lui soit refusé? Les autres leaders de la Chambre pourraient se réunir, déterminer qu'une erreur a peut-être été commise et présenter la même proposition.
C'est pourquoi je m'accorde, comme à tous les présidents bien sûr, la latitude voulue pour entendre suffisamment de rappels au Règlement pour savoir au moins de quoi il retourne.
J'espère que les députés à la Chambre n'abuseraient pas de la situation, dans le sens où un ou deux ou dix députés présenteraient tous la même proposition. Je crois que nous pourrions trancher une fois que nous saurions où nous en sommes.
J'estime que la Chambre est maître de ses travaux. Nous continuerons d'être aussi souples que possible, toujours conformément à l'esprit du Règlement de la Chambre.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le vice-président: Lorsque le débat a été interrompu pour faire place à la période des questions, le député de Souris—Moose Mountain avait encore cinq minutes pour terminer son intervention.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir finir d'exposer quelques-unes des réflexions que m'inspire le projet de loi.
Le temps est une merveilleuse chose pour permettre aux Canadiens de faire un retour en arrière et consacrer un peu de réflexion à un projet de loi. Bien que nous discutions actuellement de la mesure dont nous sommes saisis, jetons un coup d'oeil sur les mesures adoptées depuis un mois.
Les gens qui réfléchissent sur le RPC se posent maintenant des questions à propos de l'Office d'investissement du gouvernement. Nous venons d'adopter le projet de loi C-4, mais le Sénat a décidé de l'examiner plus attentivement.
Nous devrions avoir un processus de règlement permanent et équitable en place, un processus qui soit toujours à l'abri des désirs ou des caprices du gouvernement.
C'est exactement ce que préconise le Parti réformiste, un processus qui exclura le gouvernement et à l'issue duquel les employés et les employeurs pourront parvenir à un règlement pacifique de leurs conflits.
Je voudrais tirer une conclusion à laquelle se prête l'ambiguïté de certaines dispositions du projet de loi. Le Conseil pourrait autoriser un arrêt de travail même si cela pouvait constituer un risque pour la sécurité ou la santé du public.
En Saskatchewan, des tempêtes de neige peuvent survenir n'importe quand. Il nous en arrive souvent sans même que la météo nous en ait prévenu. Les travailleurs de la voirie peuvent faire la grève parce qu'on ne considère pas que cela met en danger la sécurité ou la santé du public.
Cependant, comme le faisait remarquer mon collègue, le député de Cypress Hills—Grasslands, est-ce que cela ne pourrait pas nuire aux services ambulanciers? Quand les employés de la voirie sont en grève et que les routes sont bloquées, il pourrait arriver que quelqu'un meure en route vers l'hôpital pour y recevoir des soins d'urgence?
Ce genre de mesure législative ne permet pas de régler quoi que ce soit maintenant ni à l'avenir. Nous n'avons pas besoin de l'intervention de l'État. Il nous faut cependant faire en sorte que les deux parties comprennent qu'elles peuvent compter sur l'existence d'un système de règlement juste et équitable, complètement indépendant du gouvernement. Elles pourront compter sur un processus d'arbitrage des propositions finales qui se révélera un outil efficace et qui pourra toujours résoudre tous les conflits de travail que nous déplorions sous les gouvernements précédents.
J'exhorte la Chambre à examiner attentivement le projet de loi: il ne fait rien pour résoudre les conflits de travail au Canada.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'aborder le projet de loi C-19 tendant à modifier la partie I du Code canadien du travail.
Mes collègues ont exprimé à la Chambre certaines réserves que nous avons, en tant que parti, en ce qui concerne la direction que semble prendre ce projet de loi. Je me fais l'écho des opinions qu'ils ont exprimées.
Je n'arrive tout simplement pas à comprendre comment le gouvernement peut en toute conscience retirer à des personnes les droits qui leur sont garantis dans la Charte. Mon collègue de West Vancouver—Sunshine Coast nous a fait part de ses inquiétudes pour ce qui est des noms, adresses et numéros de téléphone qui seront diffusés sans le consentement des premiers intéressés. Je ne sais pas si les gens se rendent compte à quel point cette infraction à la Loi sur la protection de la vie privée est grave.
Nous avons eu de nombreuses discussions avec le commissaire à la protection de la vie privée sur la grande difficulté de protéger les droits des citoyens. Lorsqu'on voit un gouvernement proposer une mesure législative qui vise nettement à enfreindre l'une de ses lois, la Loi sur la vie privée en l'occurrence, il faut se demander vers quelle direction se dirige ce gouvernement.
Les Canadiens devraient avoir l'occasion de se rendre compte que le gouvernement tente de dissimuler certaines choses. Par exemple, il change le nom du Conseil canadien des relations de travail, qui devient le Conseil canadien des relations industrielles. Il change la durée du mandat du président et des vice-présidents, qui passe de dix à cinq ans.
Nous avons été en mesure de constater ce qui se produit lorsque le gouvernement nomme des gens à des postes de ce genre, peu importe la durée du mandat, que ce soit pour un an ou dix ans, et qu'il tente par la suite de les licencier parce qu'ils ne font pas leur travail comme il se doit ou qu'ils ne rendent pas les comptes qu'il faut.
Ce conseil n'aura de comptes à rendre à personne. Quelqu'un remplacera Ted Weatherill. Je ne sais pas si les députés ont déjà oublié cet individu qui n'avait absolument aucun scrupule à se payer un dîner pour deux à Paris au coût de 700 $. Voilà le genre de raisonnement des gens qui géreront ce conseil. Je crois comprendre qu'il sera remplacé par quelqu'un de plus parcimonieux, qui sera conscient du fait qu'il dépensera non pas son argent, mais bien l'argent des contribuables. Il faut espérer que cette personne fera preuve de plus de leadership.
Mais que le gouvernement nomme six membres permanents et autant de membres à temps partiels que le Cabinet le juge nécessaire, cela me fait peur et cela fait également peur aux Canadiens. Nous avons déjà vu des organismes comme la Commission des libérations conditionnelles et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui ont beaucoup grossi grâce au favoritisme. Ce sont des commissions quasi judiciaires qui n'ont de comptes à rendre à personne. On ne peut retirer aucun membre nommé à moins qu'il ne se soit rendu coupable d'une infraction criminelle ou de quelque chose d'aussi grave. On ne peut pas les destituer simplement parce qu'ils sont incompétents.
C'est au Cabinet de décider du nombre de membres qui seront nécessaires. La Chambre ne pourra pas exiger des membres de ces commissions qu'ils rendent des comptes aux contribuables du Canada qui paient leurs salaires. Et dans plusieurs cas, il s'agit de montants importants. On est loin du salaire minimum de 7 dollars de l'heure.
Je suis très préoccupée de voir que le gouvernement continue d'agir comme il l'a fait au cours des quatre ou cinq dernières années. Qu'on continue d'enlever ce genre de responsabilité à l'assemblée élue, soit la Chambre des communes, pour la donner au pouvoir exécutif. En remettant le contrôle et la mise au point des politiques au pouvoir exécutif, le gouvernement retire en réalité l'exercice des pouvoirs des mains du peuple canadien. C'est là une pratique très dangereuse que le gouvernement continue d'adopter.
Si les Canadiens savaient ce qui se passe, ils seraient très inquiets de constater que l'exercice des pouvoirs au Canada n'appartient plus aux élus de la Chambre des communes qui doivent rendre des comptes à leurs électeurs, mais bien aux gens des banquettes ministérielles qui ne sont en fait comptables à personne.
C'est là un autre sujet de préoccupation. Le gouvernement libéral m'en fournit d'ailleurs plusieurs autres. Il s'est engagé dans la mauvaise direction.
Un autre point qui me préoccupe beaucoup est la question de l'accréditation d'un syndicat par le Conseil canadien des relations industrielles sans l'appui de la majorité des employés. Il est parfaitement contraire à la démocratie qu'un conseil, qui n'a de comptes à rendre à personne, intervienne arbitrairement dans une entreprise et déclare que tel syndicat sera accrédité alors que la majorité des employés n'en veulent pas. C'est le comble de l'arrogance.
Je ne pense pas que les Canadiens apprécient cette orientation. Il est inconcevable que soit violé le principe de la démocratie, qui voudrait que ce soit la majorité des travailleurs qui prennent ce genre de décision qui concerne leur gagne-pain.
Le gouvernement fait peser tout le poids du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, c'est-à-dire la Chambre des communes dont les membres sont élus. Il ne respecte pas le droit de tous les Canadiens à la protection de la vie privée. Il manque au principe démocratique voulant que la majorité prenne les décisions. Que pouvons-nous attendre encore du gouvernement? Ce sont là les fondements de la démocratie, mais il ne semble pas s'en soucier ni avoir le moindre respect pour le processus et le principe démocratiques.
Que trouvons-nous dans ce projet de loi? Prenons un propriétaire d'entreprise. Mettons que 30 p. 100 des employés décident qu'ils veulent se syndiquer pour une raison quelconque, peut-être parce que des gens qui connaissent leur adresse et leur numéro de téléphone ont exercé des pressions sur eux. On constate un peu plus tard que l'entreprise a fermé ses portes et est déménagée ailleurs, comme cela est arrivé à Montréal il n'y a pas longtemps. Cela nous fait perdre des emplois.
J'ai peut-être mal compris, mais je pensais que le gouvernement se préoccupait de l'emploi. Quand un gouvernement commence à proposer des lois qui chasseront les entreprises et ceux qui créent des emplois pour les jeunes et les vieux, à quoi cela rime-t-il?
Si le gouvernement continue de proposer sans arrêt des lois qui contraignent les entrepreneurs, par des politiques législatives qui les empêchent d'exploiter leur entreprise de façon rentable ou par une fiscalité trop lourde, Dieu sait combien d'entrepreneurs comme ceux que j'ai rencontrés ces dernières années, avant les élections, vont quitter le Canada et aller s'installer aux États-Unis ou en Amérique du Sud.
Si le gouvernement tient à créer des emplois et à instaurer un climat favorable aux entreprises, à encourager l'investissement et la création d'emplois, il fait fausse route. Il ferait mieux de revoir ce projet de loi et d'apporter des amendements ou encore d'y renoncer complètement. Je lui conseille de le faire dès demain plutôt que d'attendre.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Monsieur le Président, chaque occasion qui m'est donnée de prendre la parole à la Chambre des communes au nom des électeurs de la circonscription de Kootenay—Columbia est pour moi un privilège.
Dans ma circonscription, il y a beaucoup d'employeurs et beaucoup de types d'emplois. Je serais porté à croire qu'il y a de 20 à 25 p. 100 d'employés syndiqués parmi les travailleurs de ma circonscription. Il est donc important de dire comment je perçois le projet de loi et quelles seront, à mon avis, ses répercussions sur les travailleurs.
Il y a des entreprises et des syndicats dans Kootenay—Columbia. Mais le plus important, c'est qu'il y a des gens qui y vivent et y travaillent. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les effets du projet de loi sur les travailleurs syndiqués.
L'article 50 est le plus grand sujet d'inquiétude. Il permet au conseil de passer outre aux règles de protection de la vie privée des travailleurs et d'ordonner à un employeur de communiquer les noms et les adresses de ses employés qui ne travaillent pas dans ses locaux à un syndicat qui veut recruter des membres. On ne devrait pas donner un tel pouvoir au Conseil canadien des relations industrielles. L'article 50 devrait être abrogé.
La protection des renseignements personnels est un sujet important au Canada. Il est inacceptable que les syndicats puissent invoquer l'article 50 pour obtenir les adresses de travailleurs. Pourquoi? Parce qu'il ne s'agit pas uniquement de rapports entre un syndicat et un employeur, mais également de la concurrence entre syndicats désireux d'obtenir une accréditation auprès d'un groupe d'employés. Cette ingérence dans la vie privée des travailleurs de ma circonscription est totalement inacceptable.
Deuxièmement, le conseil est prêt à s'appuyer sur un système de cartes qui, foncièrement, n'est ni fiable ni démocratique, et ce, même si dans une affaire de maraudage syndical, le conseil a dit ceci:
Dans les cas de maraudage syndical, l'expérience nous a appris qu'il faut ordonner la tenue d'un scrutin de manière à ce que les employés puissent choisir librement et en toute confidentialité, dans l'isoloir, quel syndicat ils souhaitent avoir comme représentant.
Cette remarque a été faite dans une affaire opposant le Syndicat des travailleurs en communication du Canada au Syndicat des communications Canada. On pourrait penser que le conseil voit l'utilité d'ordonner la tenue d'un scrutin dans tous les cas, et non pas seulement lorsqu'une lutte oppose des syndicats.
Les remarques du professeur Paul Weiler de l'Université Harvard sont convaincantes. Voici ce qu'il dit:
Un scrutin secret a une valeur symbolique que ne pourra jamais avoir la vérification des cartes. Il dissipe tout doute au sujet de la majorité du syndicat et confère aussi une certaine légitimité au pouvoir de négociation du syndicat, notamment auprès des groupes d'employés qui n'ont jamais été pressentis lors de la première campagne d'organisation du syndicat.
Lorsqu'il s'agit de savoir qui le syndicat représentera ou si le syndicat devrait être accrédité ou voir son accréditation révoquée, il est particulièrement important de tenir un scrutin secret afin que chaque employé puisse faire son choix dans un isoloir sans craindre d'être victime de coercition.
Je ne dis pas que les syndicats ou les organisateurs syndicaux de ma circonscription prendraient des mesures coercitives. Il est toutefois question de l'ensemble du Canada. Une main-d'oeuvre très importante est visée. À un moment donné, il y aura certainement des mesures coercitives injustes et indues qui seront exercées.
Qui plus est, nous vivons dans un pays démocratique où nous pouvons décider qui sera élu pour représenter les électeurs d'une circonscription à la Chambre. Les travailleurs doivent, du même coup, avoir le droit de choisir librement qui les représentera dans leur milieu de travail ou même de décider s'ils veulent être représentés.
Ce qui est probablement le plus difficile à accepter dans le projet de loi, c'est que le Conseil canadien des relations industrielles pourra, si un scrutin a lieu, renverser son résultat. À mon avis, ni le Conseil canadien des relations industrielles ni aucun autre organisme ne devrait pouvoir s'acquitter rationnellement d'une tâche en ne s'appuyant sur rien d'autre que de pures hypothèses.
Cet article du projet de loi vise les employeurs qui seraient engagés dans une pratique déloyale de travail. Encore là, personne n'est parfait. Personne n'est à l'abri de l'erreur. Si des syndicalistes peuvent perdre les pédales, des employeurs peuvent certes aussi le faire à l'occasion. Mais quelle solution propose-t-on?
On propose que le conseil passe outre à la volonté démocratiquement exprimée des travailleurs. Par exemple, on a pu voir les risques qui sont associés à une loi de ce genre lorsque la Commission des relations de travail de l'Ontario a fait fi de la volonté des travailleurs et a accrédité les Métallurgistes unis d'Amérique comme agent négociateur des employés du magasin Wal-Mart à Windsor.
La Chambre devrait savoir que les travailleurs ont voté à 151 voix contre 43 contre la représentation syndicale. S'étant persuadée qu'il y avait eu des pratiques déloyales de travail, la Commission des relations de travail de l'Ontario a tout simplement passé outre à la volonté des travailleurs. Une loi de ce genre est extrêmement dangereuse.
Depuis que j'ai l'honneur d'être le député de Kootenay—Columbia, j'ai reçu beaucoup d'excellentes instances de la part d'employeurs, d'employés, de syndicats et de leurs membres. J'ai ici, par exemple, des représentations de travailleurs membres de la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives. Ils signalent en détail comment au juste, au cours du dernier conflit de travail qui s'est terminé par une loi de retour au travail, ils se sont trouvés Gros-Jean comme devant.
En fait, ils font remarquer que, en un an, les ingénieurs de locomotives vont voir leur revenu diminuer de 8 700 $ par suite de ce règlement.
Je prends très au sérieux ce genre d'arguments, notamment quand ils viennent de syndiqués. Je reconnais que la loi de retour au travail concoctée à la dernière minute par les libéraux renfermait des dispositions désavantageuses pour les travailleurs de ma circonscription.
Le Parti réformiste propose simplement que plutôt que de faire du rapiéçage et de risquer d'autres arrêts de travail—et, malheureusement, il y aura d'autres arrêts de travail dans les chemins de fer, la manutention du grain et d'autres secteurs régis par les lois fédérales—, nous reconnaissions qu'il y aura d'autres arrêts de travail et que ce projet de loi est complètement insatisfaisant, qu'il n'apporte pas de solution; au contraire, il sera à l'origine des problèmes dont j'ai déjà parlé.
Le Parti réformiste préconise plutôt le processus d'arbitrage des propositions finales. C'est une meilleure méthode d'arbitrage obligatoire.
Cette proposition offre une solution inédite à ce problème fort controversé. Elle place les travailleurs et les employeurs sur un même pied, mais, ce qui importe le plus, elle apporte une solution au problème des effets désastreux des arrêts de travail.
J'implore le gouvernement de mettre de côté le projet de loi C-19 pour l'instant ou, à tout le moins, s'il est renvoyé à un comité, d'examiner la solution préconisée par le Parti réformiste, soit l'arbitrage des propositions finales. Ce serait bon pour les travailleurs comme pour les entreprises. Et, ce qui est importe davantage, ce serait bon pour le Canada.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je suis grandement honoré d'intervenir à la Chambre sur une question fondamentale qui revêt une importance capitale pour notre pays, soit les relations de travail des Canadiens.
Il m'arrive souvent de penser que le rôle du gouvernement devrait être de réduire la coercition. S'il est exact que nous vivons dans une société libre et démocratique qui croit à la liberté individuelle, le gouvernement devrait jouer un rôle pour corriger le manque de liberté de certains Canadiens au travail.
J'ai acquis une expérience de travail variée au cours de ma courte vie. J'ai travaillé dans des endroits syndiqués et non syndiqués, et je ne peux pas dire lequel de ces deux types d'endroits est préférable. L'un et l'autre présentent de bons aspects.
Je me rappelle avec plaisir qu'il y a plusieurs décennies, quand j'étais étudiant, j'ai conduit des camions. Les députés savent d'ailleurs que j'ai gardé les allures d'un conducteur de camion. Je garde un excellent souvenir de la firme de la Saskatchewan dont j'ai été employé. Je gagnais un dollar l'heure et j'avais plus d'argent que je ne pouvais en dépenser. Les frais de scolarité étaient raisonnables à l'époque et mon budget annuel était toujours équilibré.
Je m'en suis sorti sans la moindre dette. Quand j'ai commencé à travailler, je n'avais que des impôts à payer. C'était ma façon de rembourser le prêt d'étudiant que je n'avais pas eu, mais que je rembourse toujours. Je suis heureux de le faire, parce que mon niveau d'instruction m'a permis de gagner davantage et de pouvoir acquitter encore plus d'impôts. Je les paye avec plaisir, jusqu'à un certain point.
J'ai travaillé dans un atelier non syndiqué. On nous versait un salaire horaire au taux courant. Je recevais moins que les autres, parce que j'étais étudiant et que je travaillais à temps partiel. Certains collègues gagnaient plus que d'autres. J'ai tiré de grands avantages du fait qu'il n'y avait pas de syndicat. J'ai fourni de gros efforts. Ayant grandi sur une ferme en Saskatchewan, j'avais appris à travailler fort sans me plaindre des longues heures. Je me suis donc fait une bonne réputation auprès du patron.
Comme il avait la flexibilité de ne pas confier tous les voyages aux employés qui avaient le plus d'ancienneté, il m'a confié certains de ces longs voyages. Il savait qu'il pouvait compter sur moi étant donné que j'étais l'une de ces bizarres personnes qui ne buvaient pas. Il savait que, si je partais en voyage, je reviendrais. J'ai donc eu la priorité sur certains autres employés.
S'il y avait eu un syndicat, cela aurait posé des problèmes. Le syndicat aurait dit que ces voyages auraient dû être confié à un autre employé ayant plus d'ancienneté que moi. Notre entreprise était prospère. Je dis notre entreprise parce que j'avais le sentiment d'en faire vraiment partie. J'avais l'impression de contribuer à son succès. Je faisais de mon mieux, et nous avions une bonne relation, une relation où il n'y avait pas de perdant.
Je compare cela aux autres situations où j'ai travaillé là où il y avait un syndicat et où je me faisais envoyer promener parce que j'étais employé à temps partiel. Le syndicat n'était pas là pour m'aider du tout. Il était simplement là pour faire respecter un ordre hiérarchique qui avait été établi au fil du temps et qui ne permettait à personne de gravir les échelons à moins qu'un employé plus vieux et plus expérimenté ne meure ou ne quitte l'entreprise. Cela n'est pas très motivant.
Je ne suis pas contre les syndicats. Un examen de mes antécédents professionnels révélera que j'ai déjà été délégué syndical. J'ai été président d'une section locale dans une entreprise où j'ai travaillé. Nous étions membres forcés du syndicat. Je me souviens d'avoir été très vexé d'apprendre que le syndicat dont nous étions forcés d'être membres se servait d'une partie de nos cotisations pour verser des contributions à un parti politique. Je ne dirai pas de quel parti il s'agissait, mais les députés peuvent probablement le deviner. Les syndicats ont une relation symbiotique avec au moins un des partis politiques dans notre pays, une relation que je n'appuie pas particulièrement.
Le syndicat avait réussi à établir une règle selon laquelle il fallait que je sois membre du syndicat, que je lui verse de l'argent et que j'appuie un parti politique dont l'idéologie était tout à fait contraire à mes vraies croyances.
Je pense que d'autres seraient tout aussi offensés. J'espère très sincèrement que les syndicalistes qui sont de fervents partisans, par exemple, du NPD, seraient très choqués si leur syndicat décidait de faire un don important au parti réformiste. J'espère qu'ils seraient choqués et qu'ils diraient: «Vous ne pouvez pas faire ça. C'est mon argent».
Ce que je veux dire, c'est qu'il faut que nous ayons plus de liberté individuelle. Je pense que, lorsque les forces du marché pourront s'exercer librement, on constatera que les employeurs et les employés parviendront à un équilibre économique favorable aux deux 99,9 p. 100 du temps.
Je me souviens de l'époque avant que nous ne soyons obligés d'être membres du syndicat là où je travaillais. J'étais instructeur dans un institut technique. Il était géré par le gouvernement de l'Alberta. C'était avant que l'appartenance au syndicat ne devienne obligatoire. Quand j'ai commencé, il n'y avait pas de syndicat. Il est arrivé qu'une année, l'institut ait du mal à recruter des instructeurs. L'économie était florissante et l'institut de technologie du nord de l'Alberta avait comme politique de ne recruter que le dessus du panier. C'est comme ça que j'ai été engagé, je suppose. Je me demandais si quelqu'un m'écoutait. L'institut avait donc du mal à trouver des instructeurs qualifiés. Au milieu de l'année, sans aucune négociation, on a annoncé une augmentation de salaire.
Plus tard, nous avons été syndiqués. Le même problème s'est reproduit. L'employeur a dit: «Nous voulons rouvrir le contrat pour relever le barème des salaires». Mais le syndicat a répondu que c'était impossible car le contrat était bon pour deux ans et ne pouvait être rouvert sans que tout soit remis sur la table. Le syndicat a refusé d'ouvrir seulement les dispositions salariales. Je trouve cela totalement absurde. C'est un empiétement sur les droits individuels.
Je viens de donner un ou deux exemples illustrant comment, en étant forcé d'appartenir à un syndicat, on perd sa liberté, on perd son pouvoir de négociation et, dans une certaine mesure, on perd des avantages.
Je vais présenter l'envers de la médaille. J'ai également connu des situations où des personnes avaient été traitées injustement. Pour une raison ou pour une autre, leur contrat n'avait pas été respecté ou elles avaient été maltraitées par leurs superviseurs. Il m'est arrivé, en tant que président de la section locale du syndicat, d'avoir à prendre leur défense. Je pense que si une personne est innocente, elle doit avoir droit à une audience, à un procès, ou à ce qu'on voudra l'appeler, prompt et équitable. Nous nous entraidions mutuellement à cet égard. Il y a du bon là-dedans.
N'en concluez pas que je suis anti-syndicaliste. Ce que je veux faire, c'est rendre les syndicats plus démocratiques.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui renforce les syndicats. Pour moi, c'est bouleverser un équilibre. C'est l'intrusion d'une force anormale dans les relations entre les employeurs et les employés.
J'ai été mêlé à un certain nombre de conflits contractuels. Après que nous ayons été forcés d'adhérer à un syndicat pendant plusieurs années, il a été décidé que notre institut, le Northern Alberta Institute of Technology, serait contrôlé par un conseil d'administration. Mes collègues, 750 d'entre eux, m'ont fait l'honneur de m'élire président fondateur de l'association du personnel enseignant de l'Institut. L'une des premières choses que nous avons faites a été de renoncer à notre droit de faire grève parce que nous nous étions rendus compte que personne ne voulait de ce droit. Si l'on pose les bonnes questions, les travailleurs vous diront catégoriquement qu'ils ne veulent pas du droit de grève. Qu'ils ne veulent pas se retrouver sans travail et sans revenu. Que ce qu'ils veulent, c'est un salaire équitable. C'est être traités de façon équitable. C'est ça que veulent les travailleurs.
Malheureusement, le moyen d'arriver à cette fin, à savoir la grève, s'est en quelque sorte juxtaposé à la véritable raison d'être du syndicat, et maintenant certains syndicalistes et néo-démocrates prétendent que le droit de faire partie d'un syndicat implique le droit de faire grève, alors que ce n'est pas leur objectif primordial. Leur objectif primordial, ce sont les salaires et la sécurité d'emploi.
En ma qualité de président de l'association des enseignants de l'Institut, j'ai constaté qu'avec un mécanisme de règlement des différends, avec délais et arbitrage, tout allait beaucoup mieux.
J'espère avoir encore la possibilité de revenir là-dessus lors de l'examen du projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
Le vice-président: J'ai apprécié les observations du député, mais son temps de parole est écoulé.
M. John Nunziata (York Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, j'ai moi aussi bien aimé les remarques du député. Je demande à la Chambre son consentement unanime pour que le député puisse poursuivre ses remarques à notre grand plaisir.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour que le député de Elk Island poursuive ses remarques?
Des voix: Non.
Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime.
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je suis sûr que tout le monde aurait préféré que mon collègue continue sur sa lancée.
Je voudrais d'abord rendre hommage au député de Wetaskiwin qui a tant travaillé pour notre parti à l'occasion de ce projet de loi et qui nous a aidés à nous préparer au débat d'aujourd'hui.
Le projet de loi C-19 a fait l'objet de discussions, dans ma circonscription en tout cas. Je représente une circonscription qui se spécialise dans l'agriculture, l'élevage, la culture céréalière, l'irrigation des terres sèches, mais surtout les récoltes. Il y a aussi la ville avec ses entreprises manufacturières et ses services. Ce projet de loi suscite des inquiétudes et comporte des lacunes. Mes électeurs et d'autres y voient de l'injustice. Je vais m'adresser à eux.
Quand le député d'Elk Island a évoqué l'époque où il gagnait un dollar l'heure, ça m'a rappelé l'histoire du monsieur qui cherchait un emploi. Le patron lui dit qu'il le paiera selon ce qu'il vaut. Notre homme tourne les talons et quitte les lieux. Le patron lui demande où il va et l'autre lui répond qu'il n'aura pas de quoi vivre à ce compte-là. Bien sûr, il ne s'agissait de mon collègue d'Elk Island.
Nous nous employons à développer le Canada et à intensifier nos échanges commerciaux dans le monde. Dans les Prairies, on se tourne de plus en plus vers le secteur de la transformation de nombreux produits. Il faut ensuite acheminer ces produits vers les marchés par chemin de fer, par camion ou autrement. Si nous voulons passer pour des fournisseurs fiables de nombreux produits, il nous faut prouver que nous savons respecter nos engagements. Et respecter nos engagements, ça veut dire notamment livrer la marchandise à temps.
Il y a un an cet hiver, nous n'avons pas été en mesure d'acheminer le grain vers les marchés, ce qui a créé un tas de problèmes. Ce sont les agriculteurs des Prairies, y compris ceux de ma circonscription, qui ont écopé. Il est important que nous nous dotions d'un système qui nous permette d'être sûrs que ce que nous produisons, ce que nous fabriquons, pourra être acheminé vers les marchés. Nous devons non seulement nous occuper des ports de la côte ouest mais tenir compte également du fait qu'il peut survenir beaucoup de choses à un produit entre le moment où il quitte l'usine ou la ferme et celui où il arrive à ce point. Le projet de loi ne tient pas compte de certains de ces aspects. Le gouvernement devrait le revoir afin de corriger certaines de ces lacunes.
Au sujet de la définition du grain, j'ai reçu une lettre d'une organisation de l'Ouest qui s'occupe de luzerne déshydratée. Les auteurs de la lettre faisaient valoir que le projet de loi stipule, au sujet des navires céréaliers, et je cite: «...maintenir leurs activités liées à l'amarrage, à l'appareillage des navires céréaliers, aux installations terminales ou de transbordement agréées, ainsi qu'à leur chargement, et à leur entrée dans un port et leur sortie d'un port.» Ils s'interrogent au sujet de la signification de cette disposition. Vise-t-elle le grain seulement ou d'autres produits? Ils craignent beaucoup que la luzerne déshydratée ne soit pas visée et, le cas échéant, ils souhaitent que ce produit soit inclus dans la définition de grain.
La question du contrôle gouvernemental du grain a été soulevée la semaine dernière durant le débat concernant le projet de loi C-4. En vertu de ce projet de loi, le gouvernement commercialise le grain des producteurs, sans nécessairement en obtenir le meilleur prix. Cela a soulevé des inquiétudes et le même genre de problème se pose dans le cas du projet de loi présentement à l'étude.
On ne compte plus les arrêts de travail qui sont survenus dans l'industrie du transport. Un arrêt de deux semaines s'est produit en février 1994. Une année plus tard, le Parlement a dû légiférer pour mettre fin à un autre conflit de travail. Deux semaines après, le Parlement adoptait une autre loi pour mettre fin à un autre conflit de travail.
Le Parti réformiste propose l'arbitrage des offres finales pour garder tout le monde au travail, pour obtenir le même résultat que lors de ces conflits de travail, mais à l'avantage de tous. Si le Canada doit vraiment devenir un transporteur et un fournisseur mondial de produits d'ici, nous devrons recourir à cette solution. Nous ne pouvons pas nous permettre des interruptions de travail qui nous empêchent de livrer à nos clients ce que nous produisons. Ça ne peut pas fonctionner ainsi.
Le Canada envoie des missions commerciales partout dans le monde. Les membres de la Chambre de commerce de Lethbridge se sont rendus au Chili et dans d'autres pays pour faire la promotion de produits canadiens. Les Canadiens font montre d'initiative et d'esprit d'entreprise partout dans le monde, mais encore faut-il leur donner les moyens de livrer leurs produits à destination.
Comme je le disais plus tôt, il n'est pas uniquement question de grain ici, mais de tous les produits. J'espère que le gouvernement prendra la chose au sérieux, qu'il examinera le projet de loi de plus près et verra qu'il y manque certains éléments.
On a tenté à de nombreuses reprises de calculer ce que les interruptions de livraison nous ont coûté. Durant la seule année 1994, si l'on tient compte des coûts indirects, les interruptions nous ont fait perdre jusqu'à 500 millions de dollars de ventes de grain. Nous ne pouvons nous permettre de priver l'économie de 500 millions. Nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi permettra de régler tous ces problèmes et c'est pourquoi nous espérons que le gouvernement le réexaminera.
Un autre aspect du projet de loi qui a beaucoup attiré l'attention aujourd'hui est l'accès aux dossiers des travailleurs à distance. Chacun d'entre nous croit fermement que ce qui est à lui est à lui et que personne ne devrait avoir le droit d'accéder à des renseignements qui le concernent, à moins qu'il ne l'ait autorisé. L'introduction d'une disposition contraire dans le projet de loi va à l'encontre d'une chose qui est chère aux Canadiens, c'est-à-dire le droit de conserver pour soi des renseignements personnels.
Toutes ces choses, et le fait que l'accréditation soit possible sans l'appui d'une majorité, sont antidémocratiques. Il reste beaucoup à faire. Le gouvernement ne nous a pas présenté un projet de loi conforme à nos intérêts.
Nous espérons que le gouvernement reprendra ce projet de loi, qu'il l'examinera à nouveau et en présentera une version améliorée.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je sais que vous attendez avec impatience d'autres commentaires sur le C-19.
Parmi les problèmes de cette Chambre, les députés savent exactement sur lequel je vais me concentrer et c'est le mode de fonctionnement qu'adoptent, assez souvent, cette Chambre, les partis politiques, les entreprises et, bien entendu, les syndicats, à savoir du haut vers le bas. J'espère pouvoir démontrer à la Chambre que la population est lasse de cette administration à sens unique, du haut vers le bas, qu'elle supporte dans tous les secteurs de la vie.
La population demande des comptes, de la transparence, une participation de la base à tout ce qui a un impact sur sa vie. Il est certain qu'en matière de droit du travail, une chose qui touche beaucoup de gens, la population a l'impression de ne pas avoir de rôle à jouer. Un projet de loi comme celui-ci n'est pas fait pour la rassurer, pour la convaincre qu'elle peut contribuer aux mesures législatives.
Le gouvernement n'a pas démontré qu'il savait écouter. Cette fin de semaine, il y avait les jeux d'hiver de l'Alberta dans ma circonscription. Il y avait là des milliers de personnes de toute la province. Tout s'est très bien passé. Le seul problème, je suppose, c'est qu'il faisait plus 10 degrés et que nous avons dû apporter de la neige.
Ce que le gens me disaient lorsque je parlais avec eux c'était, d'abord, faites quelque chose au sujet de l'autre endroit. Tout le monde est mécontent de ce qui se passe au Sénat. Ensuite, ils m'ont parlé de la dette, de cette pierre à notre cou et à de celui de nos enfants et petits-enfants. Tout le monde parlait de cela. Troisièmement, venaient les taxes et les impôts. Que va faire le gouvernement...
Mme Brenda Chamberlain: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me demande en quoi cela se rapporte au projet de loi C-19. Le député est en train de discourir sur la dette et le Sénat. Je suis ici pour entendre le débat sur le projet de loi C-19 et les opinions des députés. C'est très important pour nous.
Le vice-président: La secrétaire parlementaire a raison. Je sais que le député de Red Deer connaît bien la procédure et qu'il s'assurera que ses observations portent sur le projet de loi C-19. Je suis persuadé qu'il allait en venir aux faits. J'ai hâte de l'entendre, comme il l'annonçait au début. Écoutons-le.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, j'en arrive certes au projet de loi C-19. Dans le cas d'une question aussi importante que celle-ci, il faut introduire les principaux points qu'on veut soulever.
Il est question d'écouter les gens. Dans le cas du droit du travail, il est évident que le gouvernement devrait écouter les gens.
Que fait le projet de loi C-19? C'est un autre exemple de décisions qui viennent d'en haut, d'une intervention accrue du gouvernement et de la mise en place d'une bureaucratie de plus en plus importante, et les gens en ont assez de tout cela.
J'essayais juste de signaler à notre collègue combien de gens ont soulevé des questions dont le gouvernement ne veut tout simplement rien entendre. Dans une demi-heure, nous aurons probablement un autre exemple de la façon dont le gouvernement n'a pas écouté ce qu'on lui a dit au sujet de la dette et des impôts. C'est ce dont parlent les gens. Ils ne parlent pas d'augmenter les dépenses.
La députée m'a forcé à faire une digression, mais je vais revenir à ce dont je voulais parler, le projet de loi C-19.
Que fait-on de la démocratie? Ce projet de loi permet au Conseil canadien des relations industrielles d'accréditer un syndicat sans qu'il ait l'appui de la majorité des employés. Quel type de démocratie avons-nous lorsqu'un organisme gouvernemental peut accréditer un syndicat même si la majorité des employés ne sont pas d'accord? C'est anti-démocratique. Nous avons maintenant des exemples de situations où le gouvernement agit ainsi.
De plus, ce projet de loi ordonne aux employeurs de dévoiler aux représentants syndicaux le nom des employés qui travaillent ailleurs. Là encore, on n'a pas demandé aux employés leur consentement. Il n'est même pas nécessaire d'obtenir leur permission. C'est une intrusion dans les droits d'une personne en tant que citoyen canadien.
Ce projet de loi ne fait rien pour empêcher les grèves. Il ne fait rien pour aider les travailleurs qui essaient simplement d'améliorer leur sort. Ce sera, là encore, la même chose. On ne fait rien pour mettre un terme à ce à quoi les syndiqués et les citoyens dans leur ensemble s'opposent.
J'ai un exemple dans ma circonscription où on m'a demandé de parler à des syndiqués. Ils m'ont invité, mais ils ont reçu du siège du syndicat l'ordre de s'en abstenir. Ils ont trouvé cela incroyable. Ils croyaient pouvoir inviter qui bon leur semble, mais il n'en est rien. Ils ne peuvent pas inviter un député qui veut s'adresser à eux et les entretenir de questions qui les intéressent. Cette décision est venue des dirigeants du syndicat et les syndiqués étaient furieux. Je ne peux les blâmer. C'est un manque de démocratie. C'est un exemple de décisions venant d'en haut dont j'ai essayé de parler et que j'ai essayé de signaler à la députée.
Qu'en est-il du monde entier? Où nous situons-nous dans le monde? Il est évident que nous devons livrer concurrence sur le marché mondial. Nous sommes confrontés à la mondialisation des marchés.
J'ai eu la chance pendant 35 ans de voyager partout dans le monde. Je me suis rendu dans presque tous les pays. Dans la plupart des endroits où je me suis rendu, j'ai entendu des gens demander si le Canada avait des problèmes ouvriers.
Tout dernièrement encore, au Japon, en Chine et en Argentine, on a voulu savoir si le Canada produisait toujours du grain. S'il se trouvait toujours sur le marché. C'est une question qui fait mal aux agriculteurs de l'Ouest.
Le manque de fiabilité de nos systèmes de transport, de distribution et de vente nuit à notre compétitivité. Le projet de loi C-19 ne fait rien pour régler ce problème. C'est ce que les agriculteurs ont à dire.
Le projet de loi ne touche pas la question des investissements. Lorsque les investisseurs songent à engager des capitaux au Canada, à y faire des affaires ou à conclure des ententes de participation si courantes de nos jours, ils font face à des lois désuètes et ambiguës. Ils nous soulignent ces ambiguïtés et nous disent qu'ils ne se sentent pas à l'aise pour investir au Canada ou pour faire affaire avec des Canadiens dans le cadre d'entreprises communes. Ils ne peuvent compter sur la stabilité de notre main-d'oeuvre. Cela leur cause des problèmes. Cela nous fait mal. Cela met un frein à la création d'emploi et à tout le domaine de l'investissement qui est si important pour les Canadiens.
Quelle est la solution? Il me semble que la meilleure solution serait de revenir à la base. Nous devons écouter les employés. Il ne sert à rien de courir après les syndicats pour déterminer s'ils sont bons ou non. La plupart de leurs membres apportent une importante contribution à nos communautés. Le problème réside dans la nature pyramidale de la législation du travail, le manque de collaboration.
Le gouvernement, les entreprises, les experts et les travailleurs doivent se donner la main pour le bien-être des Canadiens.
M. Bill Gilmour (Nanaïmo—Alberni, Réf.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à décrire ma circonscription, car c'est important aux fins du présent débat.
Nanaïmo—Alberni traverse tout le centre de l'île de Vancouver. Nous avons de la pêche, de l'exploitation forestière et des retraités. Au centre, Port Alberni, qui est largement tourné vers l'exploitation forestière, est une ville ouvrière solide. C'est une ville qui a du coeur. C'est une ville qui a pris de l'expansion grâce au mouvement ouvrier. C'était une localité très néo-démocrate. C'est maintenant une localité très réformiste.
J'ai fait carrière dans l'exploitation forestière. J'ai travaillé dans ce secteur pendant 25 ans. Oui, je faisais partie du patronat, mais le syndicat et le patronat ont construit ensemble une bonne union et une bonne fondation pour cette ville.
Selon ce projet de loi, un syndicat peut être accrédité avec l'appui de moins de 50 p. 100 des employés. Franchement, c'est fou. Je vois que les députés d'en face sont d'accord avec moi.
Cela semble être conforme à l'idée que les libéraux se font de la démocratie. Si l'on a l'appui du tiers des gens environ, c'est la démocratie qui parle et on va l'écouter. Malheureusement, cela ne fonctionne pas dans le reste du Canada.
Le gouvernement est plutôt stupéfiant. Où sont les libéraux de l'Ontario? Il y a des syndicats forts en Ontario. Qu'on songe seulement aux travailleurs de l'automobile.
Je suis stupéfait que ce projet de loi n'ait pas encore suscité la colère des syndicats ouvriers de l'Ontario. Ils devraient tous être contre ce projet de loi, et je suis sûr qu'ils le sont.
Les députés d'en face essaient de déterminer pourquoi les syndicats ouvriers sont en faveur du projet de loi alors qu'ils ne le sont pas. Ils sont manifestement devant un dilemme. C'est très intéressant. Nous aurons dans 25 minutes un débat sur le budget. Je signale que les syndicats ouvriers se composent de gens bien rémunérés.
Ce sont les contribuables. Vous devriez les entendre chuchoter, monsieur le Président. C'est très difficile pour la plupart des Canadiens de suivre le débat, parce qu'il y a un bruit de fond très fort, comme dans un grand poulailler.
Les investissements en Colombie-Britannique sont en jeu. Ils ont besoin d'une base solide. On ne peut pas avoir un gouvernement qui fait fi des syndicats, qui fait fi du potentiel d'investissement d'une province, que ce soit l'Ontario, la Colombie-Britannique ou l'Alberta, parce qu'il le ferait à ses risques et périls. En fait, dans ma province natale, la Colombie-Britannique, nous avons des difficultés parce que le gouvernement provincial néo-démocrate a essayé cela. Il a maintenant beaucoup de mal à attirer des investissements étrangers.
Ce projet de loi est mort au Sénat, ce que la plupart des Canadiens comprendront, j'en suis sûr. Le Sénat a son utilité. Il avait ses raisons d'abroger ce projet de loi. La raison, c'est qu'il ne fonctionnait pas. Nous avons donc été saisis d'un nouveau projet de loi. Qu'en est-il cette fois? C'est passablement le même type de mesure. On a ajouté un peu de vernis à l'ancien projet de loi. Je soupçonne que, si ce projet de loi se rend au Sénat, il n'ira pas plus loin que l'autre.
Le gouvernement doit se rendre compte qu'il doit écouter la population. Même le Sénat ne peut pas accepter ce type de projet de loi. Mais le gouvernement va continuer à essayer, à faire pression. Peut-être que, s'il persiste, il parviendra à lui faire franchir les étapes, mais ça ne fonctionnera pas.
Le gouvernement a essayé cette tactique avec un certain nombre de projets de loi. Pensons au projet de loi sur les espèces menacées, à la dernière législature. Il n'a pas passé. Pourquoi? Les ministériels ne pouvaient pas l'appuyer. Pensons à la conférence sur le réchauffement de la planète, à Kyoto. On peut parler d'échec total, parce que le gouvernement n'avait pas fait le travail de base. C'est typique de ce type de mesure. Le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. Où est le Canada pendant que les autres pays se réunissent? Nous ne sommes pas organisés. Nous n'avons pas fait nos devoirs, et la situation est très semblable pour ce projet de loi.
Selon moi, ce projet de loi a besoin d'être grandement retravaillé. J'espère que le gouvernement sera à l'écoute et qu'il s'en occupera avant de le présenter de nouveau.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de traiter aujourd'hui du projet de loi C-19, qui modifie le Code canadien du travail.
Encore une fois, comme notre parti est le seul à traiter de ce projet de loi, il est intéressant de constater à quel point un si grand nombre d'entre nous ont...
M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Le député veut être précis, mais il vient de faire une déclaration qui n'est tout simplement pas exacte. Il a dit que le Parti réformiste était le seul parti à traiter du projet de loi...
Le vice-président: Je suis désolé, mais, à mon avis, il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais plutôt d'une question à débattre. Je crois que le député de York-Sud—Weston sait cela.
M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, le député de York-Sud—Weston fait valoir un argument valable. Ces dernières minutes, les députés qui ont pris la parole venaient tous du Parti réformiste. Le député de York-Sud—Weston a certes traité de ce projet de loi et je lui en accorde bien du mérite. Je suis désolé d'avoir donné une fausse impression.
Il est intéressant de voir le nombre de députés de ce côté-ci qui ont décidé de traiter de cet important projet de loi sur les relations de travail, qui contient les plus importantes modifications au Code du travail dont nous serons probablement témoins au cours de la présente législature, ainsi que le grand nombre de députés qui ont parlé de la nécessité d'établir un équilibre dans ce projet de loi. Je me joins à ces députés en faisant mon petit laïus.
J'ai été membre du syndicat des travailleurs unis du bois d'Amérique pendant une dizaine d'années. J'ai également passé une période équivalente au sein de la direction de ce syndicat. J'ai donc accumulé 20 ans d'expérience dans l'industrie forestière, la majeure partie du temps dans un milieu syndiqué. Pendant toutes ces années, avant que je me lance dans ma nouvelle carrière, si on peut l'appeler ainsi, l'entreprise pour laquelle je travaillais n'a jamais connu de cas où un grief avait été soumis à l'arbitrage. Je sais ce que c'est que de travailler avec une équipe syndiquée. Toutes mes équipes étaient syndiquées.
Le mot «équilibre» est important. Lorsqu'un projet de loi est présenté à la Chambre des communes, je me demande parfois s'il renfermera un préambule qui nous expliquera pourquoi il a été présenté. Autrement dit, pourquoi ce projet de loi a-t-il été présenté? Qui en est le promoteur? Je voudrais savoir quelles instances ont été faites auprès des ministres, ou quels groupes de pression ou groupes de personnes ont inspiré le projet de loi ou les modifications qui y sont proposées, les ont préconisés et ont lutté pour les faire adopter, bref d'où il vient.
Quand j'examine les dispositions du projet de loi et le résumé que l'on en fait pour voir ce qu'il cherche à accomplir, c'est-à-dire ce que le gouvernement dit qu'il cherche à accomplir, je n'y trouve pas l'équilibre que j'avais espéré trouver dans les modifications que l'on propose d'apporter au Code canadien du travail. J'ai trop vu de manchettes de journaux parlant de trahison libérale à propos du Code du travail, de dernière chance de s'opposer au nouveau Code du travail, de nouvelles règles du Code du travail à l'avantage des syndicats, et ainsi de suite. J'ai lu toute une série d'articles dans les journaux et de la part de gens qui se soucient avant tout de l'équilibre.
Je voudrais parler un peu de la nécessité d'assurer cet équilibre et expliquer pourquoi on ne l'y trouve pas à mon avis dans le projet de loi. Tout d'abord, un des principes sacrés du mouvement syndical réside dans la capacité d'organisation. Cette capacité fait partie des principes fondamentaux de la politique du Parti réformiste. Il s'agit du droit pour les syndicats de s'organiser, de faire grève pacifiquement, de s'acquitter de leur travail de représentation des travailleurs qui leur ont demandé de les représenter. C'est un principe fondamental de la politique de notre parti et sans doute de tous les autres partis à la Chambre.
Or, les modifications proposées au Code du travail changent cet équilibre qui consistait à pouvoir voter au scrutin secret pour décider quel syndicat représenterait les employés d'une unité à la table des négociations; maintenant, il suffira qu'un employé signe la carte du syndicat pour que l'on considère qu'il s'intéresse au syndicat et cela sera considéré comme un fait accompli. Pire encore, quand un vote d'accréditation doit avoir lieu, ces noms seront communiqués sans la permission des employés à quiconque voudra organiser un syndicat ou un atelier syndiqué.
Monsieur le Président, qu'une personne signe son nom sur une carte ou qu'elle vote à l'occasion d'un scrutin honnête, il n'y a rien à redire. Mais quand son nom est communiqué sans sa permission à d'autres personnes qui l'utiliseront pour envoyer des lettres, faire des appels téléphoniques allant même jusqu'au harcèlement, ce n'est pas correct. Je ne peux pas être d'accord avec cette partie du projet de loi.
Il y a aussi l'énorme question de l'accréditation corrective. En d'autres termes, disons qu'un employeur enfreint une partie technique du processus d'accréditation, en affichant quelque chose au babillard alors qu'il n'aurait pas dû le faire ou en affirmant une fausseté dans le bulletin de l'entreprise que certains jugent comme un affront au mouvement syndical, si le conseil juge que le processus n'a pas été respecté, l'accréditation est chose faite. Que 10, 15, 39 ou 49 p. 100 des employés le veulent, ils sont syndiqués. C'est chose faite.
C'est regrettable, puisque la plupart des travailleurs préféreraient voter honnêtement dans un contexte où ils pourraient franchement faire valoir leurs doléances et suivre leur processus d'accréditation syndicale sans crainte d'intimidation ou de harcèlement d'une partie ou de l'autre. Cela fait pencher la balance dans la mauvaise direction.
Le projet de loi ne traite pas correctement toute la question du règlement de grèves dans une industrie qui exerce un monopole. Il y a des améliorations par rapport à ce qui a déjà existé. Par exemple, dans le cas d'un wagon de grain se dirigeant vers Vancouver, dans mon coin de pays, ce projet de loi prévoit un délai pour la livraison du grain, son déchargement à l'installation terminale et son expédition. Le problème, c'est que la grève suivante pourrait s'éterniser, prenant les céréalicuteurs et les Canadiens comme otages en attente d'un règlement.
Qu'il s'agisse d'une grève des postes ou d'une grève des manutentionnaires du grain, nous avons trop souvent vu que lorsqu'un monopole est impliqué, il faut trouver une solution pour régler ces conflits.
Le mécanisme de règlement des conflits que nous avons proposé est en quelque sorte un recours à l'arbitrage des propositions finales qui est juste pour les producteurs, les travailleurs, l'économie canadienne et les Canadiens touchés, qu'ils soient dans l'industrie ou non. Ce projet de loi ne donne pas d'autre solution que de revenir à la Chambre et de légiférer, comme nous l'avons fait dans le cas de la récente grève des postes.
Il serait nettement préférable d'avoir un mécanisme permanent de règlement des différends dans les situations de monopole, car cela permettrait de protéger l'ensemble de la société, travailleurs, producteurs, consommateurs et économie canadienne. Il serait nettement préférable d'avoir un mécanisme permanent que de devoir intervenir chaque fois que survient une grève ou un problème d'importance dans un secteur ou un autre.
Le projet de loi élimine la nécessité pour les syndicats de présenter des rapports circonstanciés sur leur situation financière. Les travailleurs perdent ainsi un bon moyen de savoir quel usage est fait de leurs cotisations syndicales. Ils versent des sommes appréciables aux syndicats. Ceux-ci utilisent cet argent comme ils le jugent utile pour promouvoir leurs intérêts. Les véritables problèmes surgissent lorsqu'il n'y a plus d'obligation de rendre des comptes sur les finances d'une organisation.
L'argent a-t-il servi à promouvoir un autre syndicat? Peut-être les travailleurs appuient-ils de telles dépenses. A-t-il été dépensé pour appuyer un parti politique? Qui sait? Nous avons vu des travailleurs intenter des poursuites contre leur syndicat parce qu'il avait utilisé leurs cotisations syndicales pour financer un parti politique.
Cet argent n'a peut-être pas servi à vous faire élire, monsieur le Président, et peut-être pas moi non plus, mais il a servi à tenter de défaire certains candidats et d'en faire élire d'autres. Je reconnais que ces efforts ont été en grande partie illusoires. Il reste que cela constitue un affront pour le travailleur qui verse 30 ou 40 dollars par mois à son syndicat en supposant que cet argent sera utilisé comme il se doit, mais qui constate un jour qu'il a servi à lutter contre des idées que ce syndicat cherche à faire valoir.
Il faut une loi équilibrée. En milieu de travail, l'équilibre entre les droits est très important. Je le répète, la politique énoncée dans le feuillet bleu fait état de droits raisonnés accordés aux syndicats de s'organiser, de faire la grève pacifiquement, de s'occuper de leurs membres ainsi que des droits économiques de la société canadienne, du droit à la protection des renseignements personnels et des droits des travailleurs qui ne veulent pas que leur argent soit utilisé à mauvais escient. Ce genre d'équilibre ne se retrouve pas dans le projet de loi.
Il est malheureux que le gouvernement n'ait pas protégé le droit à la vie privée. Il est malheureux que l'arbitrage des offres finales ne soit pas offert dans le projet de loi. Il y a bien quelques améliorations, mais elles ne suffisent pas pour arracher le soutien du Parti réformiste et certainement pas pour obtenir mon vote.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-19, qui vise à modifier le code du travail, et plus particulièrement les dispositions concernant la manutention du grain dans les ports.
Auparavant, je travaillais dans un milieu syndiqué de la Colombie-Britannique, cette province étant le secteur de compétence le plus syndiqué au Canada. J'ai passé 20 ans sur la côte de la Colombie-Britannique à travailler dans le secteur de l'exploitation forestière. Les travailleurs syndiqués sont le pivot des localités de la circonscription que je représente, c'est-à-dire Île de Vancouver-Nord. J'apprécie grandement, dans un milieu de travail, l'équilibre entre les parties patronale et syndicale.
J'ai travaillé dans le secteur de l'exploitation forestière. La sécurité y est une grande préoccupation. Il y a, dans ce secteur, des emplois parmi les plus dangereux qui puissent exister. Certains sont très exigeants et dangereux. Le syndicat a sûrement un rôle très important à jouer au chapitre de la sécurité. Rien ne resserre plus les liens entre les travailleurs qu'un grave accident et rien ne peut donner lieu à autant de blâmes par la suite s'il n'y a pas un solide équilibre...
M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'ai le regret de dire qu'il y a un vacarme général à la Chambre qui m'empêche de suivre le débat actuel.
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il est très difficile pour les députés de suivre le débat qui se déroule actuellement à la Chambre.
Je prierais les députés et les membres du public qui sont présents de baisser le ton afin que les députés puissent entendre ce qui se dit.
Il y a un débat en cours et les députés aimeraient bien pouvoir l'entendre.
M. John Duncan: Monsieur le Président, normalement, nous pouvons blâmer nos collègues, mais je pense que, dans le cas présent, la tribune est en train de se remplir de gens qui attendent le discours du budget. Je reconnais les circonstances.
Il y a un autre aspect très important qui concerne ce que j'ai fait dans le passé dans le monde syndical où j'ai travaillé. Nous tenions une sorte d'exercice préliminaire relativement à l'environnement dans les comités environnementaux et les comités mixtes patronaux-syndicaux. J'ai été très actif dans tout cela parce que si tous les intervenants sur le lieu de travail ne participent pas, il est alors impossible d'atteindre les objectifs visés.
Cela deviendra une assise qui nous permettra de mettre en oeuvre de nouvelles pratiques dans l'industrie forestière, comme le traitement approprié des rives de ruisseaux, la construction de routes qui conviennent et une bonne gestion du bassin hydrographique, notamment.
Je reconnais qu'il y a d'excellents lieux de travail et de très mauvais lieux de travail. J'aime croire que j'ai travaillé dans d'excellents lieux de travail.
Il faut penser à ce que représente ce projet de loi. Quels intérêts sont en jeu ici? Il importe que l'on reconnaisse que c'est l'intérêt du public qui est en jeu. Nous ne voulons pas une répétition de ce qui s'est produit dans une foule d'autres territoires au Canada où le climat du travail s'est traduit par des grèves ou des lockouts et à de très stériles luttes de pouvoir.
La région dans laquelle je vis est actuellement victime d'une grève ou d'un lockout, appelez ça comme vous voulez, qui dure depuis sept mois à l'usine de pâte à papier Fletcher Challenge. Le conflit semble insoluble. S'il n'y a pas de règlement en vue, c'est à cause de la nature même du secteur d'activité et aussi de la mésentente entre le syndicat et l'employeur sur d'importantes questions.
Il doit y avoir une meilleure solution. Ce projet de loi, qui concerne les entreprises régies par les lois fédérales et non les lois provinciales, est certainement loin d'être une bouffée d'air frais dans ce domaine.
Le projet de loi favorisera-t-il des relations harmonieuses? Je pense que ce projet de loi ne renferme aucune disposition permettant d'atteindre cet objectif. Garantit-il qu'il n'y aura pas d'arrêts de travail dans le transport vers les ports? Non. Rien dans ce projet de loi n'est prévu à cet égard.
Voici une autre loi vague et ambiguë qui ne fera qu'aggraver le climat d'incertitude qui règne chez les investisseurs, ce dont nous pouvons nous passer, et qui ne favorise guère le développement de relations harmonieuses. Je trouve cela tout à fait contradictoire ou très ironique, étant donné que nous avons discuté hier, à la Chambre, de l'Accord multilatéral sur l'investissement qui, selon les ministériels, est censé accroître la confiance des investisseurs.
Nous ne pouvons avoir des assises idéologiques contradictoires dans le cas présent, mais nous constatons sans cesse que les mesures gouvernementales ne s'appuient sur aucune base idéologique ni aucun principe. Qu'il s'agisse d'un accord multilatéral sur l'investissement ou d'une loi sur le travail ou encore d'une loi sur les pêches ou les affaires autochtones, c'est toujours la même chose. Nous avons toujours droit aux échappatoires des libéraux.
En ce qui concerne ce Conseil canadien des relations ouvrières qu'on transforme et auquel on donne un nouveau nom aux termes de ce projet de loi, j'avais espéré qu'on nous soumettrait des mesures dynamiques, rafraîchissantes, conformes aux besoins actuels, répondant à la nécessité de rendre des comptes et établies de façon démocratique.
Or, qu'en est-il? Il y a un changement important. Nous sommes d'accord pour dire qu'une nomination de dix ans est trop longue. Une nomination probablement inappropriée, mais le délai était certainement inadmissible. On a ramené ce délai de dix à cinq ans. Nous pouvons certes souscrire à cette partie du projet de loi, mais cela ne va pas très loin lorsqu'on voit l'épaisseur de ce projet de loi.
Le Conseil canadien des relations du travail aura des pouvoirs de base. C'est un organisme quasi judiciaire. Il a beaucoup de pouvoirs. Il a tellement de latitude que cela peut conduire à une certaine incertitude sur ce qu'il peut faire ou non.
Le fait que les membres du conseil sont nommés par le Cabinet me dit que le Cabinet peut alors donner à ce conseil l'orientation idéologique qu'il souhaite. Il y aura trois représentants de la direction et de trois représentants syndicaux. Cependant, ce n'est pas vraiment une ligne directrice très rigoureuse lorsqu'on songe à la façon dont le gouvernement peut parvenir à ses fins tout simplement grâce au processus de nomination. Cela s'est déjà vu et nous savons que cela va se répéter à nouveau dans le cas de ce gouvernement.
Qui sait qui les nomme? Connaissons-nous l'étendue de leurs pouvoirs? Oui. Ce conseil peut, en fait, ordonner à un employeur de divulguer à un représentant syndical une liste de noms et d'adresses d'employés qui travaillent à l'extérieur. Je pense qu'il est plus important de respecter ma vie privée et celle des Canadiens que de permettre à ce conseil nommé, qui n'a aucun compte à rendre, d'empiéter sur ma vie privée.
Un autre point m'inquiète. Cela a trait à l'interprétation de la notion de représentation. Nous savons que cela est également laissé au mouvement syndical.
Le Président: Chers collègues, comme il est 16 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude de la motion des voies et moyens no 5 ayant pour objet l'exposé budgétaire.
* * *
[Français]
LE BUDGET
L'EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) propose:
Que la Chambre approuve la politique budgétaire générale du gouvernement.
—Monsieur le Président, je dépose les documents budgétaires, y compris les avis de motions de voies et moyens. Les détails des mesures figurent dans les documents. Je demande que ces motions soient inscrites à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
J'annonce également que le gouvernement déposera, à la prochaine occasion, des projets de loi pour mettre en oeuvre les mesures annoncées dans ce budget.
Le premier ministre, le Cabinet et moi-même tenons à exprimer notre reconnaissance aux membres du Comité permanent des finances et des divers comités du caucus. Le travail acharné qu'ils ont accompli est extraordinaire.
[Traduction]
Je dirai simplement que ce budget est, à bien des égards, le produit de notre caucus.
[Français]
J'aimerais aussi remercier tous ceux et celles qui, de partout au pays et malgré leurs obligations quotidiennes, ont trouvé le temps de nous présenter leurs suggestions sur la forme que devrait prendre ce budget. Ils ont démontré, une fois de plus, les avantages que présente une écoute attentive de la voix du bon sens, celle des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
Voici le premier budget de notre nouveau mandat. Mais, s'il s'agit d'un nouveau mandat, notre mission, elle, n'a pas changé. Nos objectifs demeurent aujourd'hui ce qu'ils étaient quand les Canadiens et les Canadiennes nous ont accordé leur confiance en 1993: premièrement, bâtir un pays qui offre des chances d'emploi et de croissance, un pays où tous et toutes aient des chances égales d'accéder à la réussite; deuxièmement, préserver et renforcer une société marquée au sceau de la solidarité et de la compassion.
Les Canadiens ont toujours su qu'il ne serait pas facile d'atteindre ces objectifs. Les Canadiens étaient conscients que des problèmes fondamentaux appellent des changements fondamentaux. Ils voulaient qu'on établisse clairement les priorités du pays. Et ils voulaient qu'on leur propose un plan à long terme pour les atteindre.
En 1994, ce plan a été mis en place. Cela fait plus de quatre ans que nous l'appliquons. Et nous en voyons aujourd'hui les dividendes. Ce budget marque une nouvelle étape dans la réalisation de ce plan et le précise. Et nous sommes plus que jamais déterminés à l'appliquer.
Ce budget démontrera que l'époque des déficits chroniques est maintenant chose du passé et que nous sommes maintenant sur la voie de la réduction de la dette, sans qu'aucun retour en arrière soit possible. C'est un budget qui augmentera les chances offertes à tous les Canadiens en rendant plus accessibles le savoir et les compétences. C'est un budget où l'on commence à réduire les impôts, d'abord en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, les Canadiens à revenu faible ou moyen.
C'est un budget qui, par ses mesures pondérées, reflète l'équilibre des priorités auxquelles les Canadiens sont attachés, un budget qui reflète les valeurs qui comptent aux yeux des Canadiens. Voilà notre engagement.
[Français]
Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, l'économie du pays était en désarroi.
Le revirement, aujourd'hui, est frappant.
La création d'emplois s'accélère. Au cours des quatre dernières années, le nombre d'emplois a augmenté de plus d'un million. En 1997 seulement, 372 000 nouveaux emplois, tous à temps plein et dans le secteur privé, ont été créés.
En 1993, le taux de chômage se situait à 11,2 p. 100. Il a diminué depuis pour s'établir maintenant à moins de 9 p. 100. Bien que ce taux soit encore trop élevé, la tendance à la baisse est évidente.
Les consommateurs ont repris confiance. La relance économique est maintenant alimentée par une forte demande intérieure.
La confiance des entreprises atteint un niveau record. Les investissements sont en pleine ascension.
Grâce à la diminution des taux d'intérêt et au rétablissement de la confiance, la croissance économique a dépassé 3,5 p. 100 en 1997, et cette année, on prévoit le maintien d'une expansion vigoureuse. Cela voudrait dire les meilleurs résultats économiques du Canada pendant deux années consécutives en plus de dix ans et les meilleurs résultats de tous les pays du G7.
[Traduction]
Nous vivons dans un monde où les choses peuvent changer très vite. À preuve, les événements d'Asie, qui auront certainement des répercussions jusqu'ici. Néanmoins, permettez-moi d'affirmer aux entreprises, aux consommateurs, aux employeurs et aux travailleurs canadiens que jamais, au cours des 25 dernières années, nos perspectives n'ont été aussi favorables. De plus, la croissance économique nous aide à réduire le déficit de manière spectaculaire. La déclaration que je vais faire maintenant, aucun gouvernement canadien n'a été en mesure de la prononcer depuis près de 50 ans.
Nous aurons un budget équilibré l'an prochain. Nous aurons encore un budget équilibré l'année suivante. Et nous aurons un budget équilibré dès cette année.
[Français]
Pour la première fois en cinquante ans, nous allons atteindre trois déficits zéro consécutifs: déficit zéro cette année, 1997-1998; déficit zéro l'an prochain et déficit zéro en l'an 2000. Nous vivons aujourd'hui un tournant de notre histoire.
[Traduction]
Cette réussite, nous la devons aux Canadiens, non au gouvernement.
Dès le début, ce sont les Canadiens qui ont pris conscience des dangers posés par une mauvaise gestion financière et qui ont exigé des mesures fermes. Ce sont les Canadiens qui, unis dans un solide consensus, ont demandé au gouvernement de se retrousser les manches. Et ce sont les Canadiens qui ont démontré toute leur abnégation en supportant les conséquences de décisions qui ont été très difficiles. Les Canadiens peuvent être très fiers aujourd'hui, car cette victoire leur appartient.
Une ère nouvelle nous attend. Et c'est pourquoi nous avons le devoir, envers les Canadiennes et Canadiens, de rappeler les principes qui guideront notre action future.
Premièrement, nous garderons le cap qui nous a menés là où nous sommes aujourd'hui. Nous ferons preuve de frugalité. La bataille contre le gaspillage et l'inefficacité est une lutte perpétuelle. Nous ne laisserons plus jamais le spectre des dépenses excessives hanter notre pays. Nous n'accepterons jamais le retour des vieilles habitudes—l'habitude de croire que, pour mieux gouverner, il faut un gouvernement plus gros, celle de croire que pour régler chaque problème, il faut créer un nouveau programme. Et nous ne verrons plus jamais les Canadiens subir coupure après coupure afin de sortir leur pays du pétrin.
Les Canadiens ont payé cher pour voir un film d'horreur: «Le déficit». Ils ne veulent pas payer pour qu'il y ait un «Déficit II».
Deuxièmement, nous concentrerons nos efforts sur ce qui est essentiel. La priorité fondamentale du gouvernement est d'établir un programme d'action national. Le gouvernement ne doit plus jamais retomber dans le piège qui consiste à essayer de tout faire pour tout le monde, à avoir tellement de priorités qu'il n'en a plus aucune.
Troisièmement, nous devons agir avec constance. Les défis auxquels le pays est confronté sont profondément enracinés. Ils ne se prêtent pas à des solutions rapides. C'est la raison pour laquelle, tout comme au cours des dernières années, chaque budget s'appuiera sur les mesures prises précédemment, de sorte que des initiatives qui peuvent apparaître sur le moment comme de modestes pas en avant se combinent et se renforcent pour donner, au bout du compte, des progrès impressionnants. C'est aux besoins à long terme de la nation que nous devons répondre.
[Français]
Quatrièmement, nous devons travailler en partenariat. On ne peut se permettre de faire cavalier seul. Chacun a son rôle à jouer, qu'il s'agisse des gouvernements, des entreprises, des travailleurs ou du secteur bénévole. Mais il faut travailler ensemble.
Cinquièmement, nous devons agir de manière équilibrée et avec équité. S'occuper d'un pays, c'est beaucoup plus que de s'occuper des comptes, et les Canadiens le savent bien. Le Canada, c'est plus qu'un marché. C'est une collectivité. Notre pays repose sur le partage des risques et le partage des avantages. Il repose sur la solidarité, parce que nous savons que si nous donnons un coup de main aujourd'hui, ce sera notre tour d'être aidés demain. Voilà l'esprit qui a bâti notre pays.
C'est cet esprit qui s'est manifesté pour venir en aide aux victimes des inondations du Saguenay. Il s'est manifesté de nouveau lors des crues de la rivière Rouge au Manitoba. Et nous l'avons encore vu à l'oeuvre, de partout au Canada, quand la tempête de verglas a frappé, le mois dernier.
[Traduction]
L'esprit de solidarité qui anime le Canada n'est pas une qualité qui se manifeste de façon sporadique, à l'occasion de grandes catastrophes naturelles ou de graves perturbations. C'est un esprit permanent. Il est à l'oeuvre dans chacune de nos communautés, dans chaque coin du pays, à toute heure du jour et de la nuit. Et il s'incarne dans les grands programmes nationaux qui en sont venus à définir notre identité présente et celle à laquelle nous aspirons.
C'est pourquoi notre budget prévoit des ressources pour la Stratégie nationale sur le SIDA. C'est pourquoi nous avons établi un fonds de guérison afin de réparer les torts épouvantables causés aux nombreux autochtones qui, dans leur jeunesse, ont été victimes de sévices dans des pensionnats. Et c'est pourquoi nous nous engageons sans réserve à soutenir et à renforcer le système canadien de santé.
En 1995, quand le pays était dans l'impasse financière, nous avons dû prendre des décisions extrêmement difficiles. Nous le reconnaissons. C'est la raison pour laquelle la toute première mesure que nous avons adoptée, quand nos progrès dans la réduction du déficit sont devenus manifestes, a été l'augmentation du plancher des transferts monétaires aux provinces dans le domaine de la santé et pour d'autres programmes, plancher qui est passé de 11 milliards à 12,5 milliards de dollars par année. Il s'agit du plus important poste de dépense dans ce budget. Au-delà des prévisions courantes, entre aujourd'hui et l'an 2002, les provinces recevront 7 milliards de dollars supplémentaires en paiements de transfert du gouvernement canadien pour la santé, l'éducation et l'aide sociale.
La frugalité, la concentration des efforts, la constance, la vision à long terme, le partenariat, l'équité, tels sont les principes qui guident notre plan. Je voudrais maintenant expliquer comment ces principes seront mis en application pour assurer une saine gestion de l'économie nationale.
Dès le départ nous avons affirmé que l'une des priorités essentielles du gouvernement en matière économique était d'avoir une politique monétaire et une politique budgétaire bien coordonnées, qui se renforcent mutuellement au lieu de se nuire. C'est pourquoi, à notre arrivée au pouvoir, le gouvernement et la Banque du Canada ont convenu de maintenir l'inflation dans une fourchette de 1 à 3 p. 100 jusqu'à la fin de 1998. Cette politique a démontré son efficacité. L'inflation est bien maîtrisée. Et elle le restera dans l'avenir.
C'est la raison pour laquelle nous annonçons aujourd'hui que nous prolongerons l'entente actuelle pendant trois années encore. Le Canada s'est maintenant taillé une réputation de pays où l'inflation est faible. C'est une réputation et un acquis que nous allons protéger.
Maintenant, permettez-moi de traiter de la dette publique. Nous avons remporté une grande bataille. Mais nous n'avons pas gagné la guerre. Plus de 25 années de déficit nous ont laissés aux prises avec un fardeau financier beaucoup trop lourd. Chaque dollar consacré aux intérêts de la dette est un dollar de moins pour les soins de santé ou les réductions d'impôt. Il faut réduire le fardeau de la dette. En fait, cette réduction a déjà commencé.
[Français]
La meilleure façon d'évaluer le fardeau que représente la dette nationale est de la mesurer en proportion de l'économie qui la supporte. C'est ce qu'on appelle le ratio de la dette au PIB—ce que nous devons par rapport à ce que nous produisons. Plus ce ratio est bas, mieux la dette peut se gérer.
En 1996-1997, le ratio de la dette au PIB a diminué de façon sensible, pour la première fois en plus de 20 ans. La baisse sera encore plus marquée cette année, et la situation va continuer de s'améliorer au cours des deux prochaines années. Et je peux vous assurer qu'après cela, nous allons continuer de réduire le fardeau de la dette de façon constante, permanente et irrévocable.
Cette réduction sera le fruit d'une stratégie à deux volets.
Tout d'abord, nous allons continuer d'appliquer des politiques qui favorisent une meilleure croissance économique.
Et deuxièmement, nous allons réduire le niveau absolu de la dette.
[Traduction]
Voici notre plan de remboursement de la dette. Premièrement, nous continuerons, comme avant, à présenter des plans financiers sur deux ans, basés sur des hypothèses économiques prudentes. Nous continuerons d'être toujours plus prudents que les prévisionnistes du secteur privé. Au cours des deux premières années de ce plan, nous nous engageons à maintenir l'équilibre budgétaire.
Deuxièmement, nous continuerons d'incorporer à notre plan financier une marge de sécurité, une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars.
Troisièmement, si, comme cela a été le cas au cours des trois dernières années, la réserve pour éventualités ne se révèle pas nécessaire, elle servira directement au remboursement de la dette.
Voilà comment, depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons réduit le déficit, année après année. Voilà comment, à l'avenir, nous réduirons la dette, année après année.
[Français]
En fait, ce processus est déjà en cours.
Deux méthodes sont surtout utilisées pour calculer le déficit.
La première, celle que nous utilisons au Canada, est considérée comme l'une des plus rigoureuses au monde. Elle inclut toutes les obligations assumées par le gouvernement pendant un exercice.
La deuxième, qu'on utilise dans des pays comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, ne comprend que les emprunts du gouvernement sur les marchés financiers.
Selon cette méthode, le Canada a déjà enregistré un excédent financier au cours du dernier exercice.
Et selon cette comparaison internationale, le Canada a la meilleure situation financière de tous les pays du G7.
Ce qui est plus important encore, c'est que cette année, comme l'indiquent les données mensuelles publiées aujourd'hui, nous avons déjà remboursé jusqu'ici pour près de 13 milliards de dollars de la dette empruntée sur les marchés financiers.
[Traduction]
Notre pays offre des chances incomparables, mais il doit aussi offrir des chances égales. Dans la vie, les Canadiennes et les Canadiens ne partent pas tous sur un pied d'égalité. Pour certains, la course est presque gagnée d'avance. Mais pour beaucoup d'autres, le résultat est loin d'être acquis. Les circonstances et les privilèges peuvent entraîner des inégalités considérables. Et quand les Canadiens n'ont pas la chance de réaliser tout leur potentiel, c'est le pays tout entier qui n'a pas la chance d'atteindre le sien.
Certains semblent croire que le gouvernement ne peut et ne devrait rien y faire, que nous devrions simplement nous abandonner aux forces du marché, aux forces du changement, et abandonner ceux et celles qui n'ont pas eu leur chance. Eh bien, nous sommes d'un avis différent.
Tout le monde n'arrive pas à monter dans le train de la croissance économique. Il y a des Canadiens qui, pour diverses raisons, n'ont pas les mêmes possibilités que les autres, mais qui les saisiraient immédiatement, et en profiteraient pour améliorer leur sort, si seulement on leur en donnait la chance. C'est pourquoi, dans ce budget et dans les budgets précédents, nous avons renforcé l'aide aux personnes handicapées, des Canadiens qui ne réclament pas de privilèges particuliers, mais simplement des droits égaux à ceux des autres citoyens. C'est pourquoi nous avons augmenté l'aide aux groupes de bienfaisance, à cause du rôle considérable que joue le secteur bénévole pour venir en aide aux Canadiens et enrichir notre vie collective.
L'égalité des chances est une question d'équité, de justice sociale fondamentale. Mais elle est aussi au coeur du défi que nous devons relever sur le plan économique, le défi de l'emploi.
Pendant 200 ans, la prospérité et le savoir sont allés de pair au Canada. Mais il faut bien comprendre comment fonctionne cette dynamique. En tant que société, nous ne sommes pas instruits parce que nous sommes prospères. Nous sommes prospères parce que nous sommes plus instruits. Et aujourd'hui plus que jamais, pour avoir un bon emploi et pour améliorer son niveau de vie, il faut perfectionner ses compétences, élargir ses connaissances.
[Français]
La création d'emplois, au cours du prochain millénaire, va reposer sur deux grands piliers: une infrastructure d'innovation et une infrastructure de compétences et de connaissances.
Dans un monde en constante évolution, où il faut trouver un emploi, savoir le garder et même en décrocher un meilleur, les Canadiens ne peuvent réussir sans une arme, et cette arme, c'est la compétence, une compétence qu'ils doivent perfectionner au maximum.
L'acquisition de connaissances doit être le pivot de toute stratégie nationale pour l'emploi.
[Traduction]
De façon très réelle, l'acquisition de connaissances doit être le pivot de toute stratégie nationale pour l'emploi.
[Français]
Les données sont très éloquentes.
Par exemple, ceux et celles qui sont sortis d'une université, d'un collège ou d'un établissement d'enseignement professionnel avec un diplôme en poche ont un revenu de 45 p. 100 supérieur à celui des gens qui n'ont pas terminé leur secondaire.
Au cours de la dernière récession, ceux qui n'avaient pas dépassé le secondaire ont perdu 640 000 emplois. Par contre, ceux et celles qui avaient un diplôme en ont gagné 450 000.
Ainsi, il n'est pas surprenant de constater que le taux de chômage était de 15 p. 100 pour les personnes n'ayant pas terminé leur secondaire, contre 5 p. 100 seulement pour les diplômés universitaires.
[Traduction]
Mais cela ne se limite pas à l'université, loin de là. Il y a aussi tous les collèges communautaires et tous les instituts d'enseignement professionnel et technique du pays.
La demande de connaissances et de compétences s'étend à tous les métiers, à tous les niveaux, à tous les secteurs—qu'on travaille en usine ou sur une ferme, dans l'industrie du logiciel ou dans la vente, en médecine ou en mécanique. Cela ne se limite pas non plus aux jeunes. Il faut maintenant perfectionner ses compétences et en acquérir de nouvelles en permanence tout au long de sa carrière.
De plus, s'il est vrai que la compétence et le savoir sont la base d'une économie forte, ils sont également la base d'une société solidaire.
L'épine dorsale d'un pays, c'est sa classe moyenne.
Or, il n'existe pas de meilleure façon de réduire l'écart entre riches et pauvres, pas de moyen plus sûr d'assurer une bonne intégration sociale, pas de manière plus efficace de réduire le nombre des laissés pour compte, pas de meilleure solution pour assurer une meilleure qualité de vie aux Canadiens, que de faciliter l'accès aux études supérieures.
En un mot, tous les Canadiens qui veulent apprendre devraient avoir la chance de le faire.
Or aujourd'hui, de Corner Brook à Coquitlam, il y a des dizaines de milliers de Canadiens qui n'ont pas cette chance. C'est un fait que les membres de familles à faible revenu sont sous-représentés dans nos établissements d'enseignement supérieur. Et le fossé s'élargit chaque fois qu'un jeune Canadien se voit privé de l'accès aux connaissances dont il a besoin, non parce qu'il n'en a pas la capacité intellectuelle, mais parce qu'il n'en a pas la capacité financière.
Trop de jeunes renoncent à poursuivre des études supérieures par crainte de s'endetter considérablement. Trop de jeunes qui décident de poursuivre leurs études sont aux prises avec de réels problèmes financiers. Et trop de parents craignent d'être incapables d'épargner suffisamment d'argent pour l'avenir de leurs enfants.
En fait, il est ironique, ou plutôt tragique, qu'au moment même où le pays ne peut se permettre de se passer d'études supérieures, il est plus difficile que jamais d'y accéder financièrement.
[Français]
Maintenant, avant de continuer, j'aimerais souligner une chose.
L'éducation est du ressort des provinces. Ce sont elles qui déterminent les programmes d'études, qui sont responsables des établissements d'enseignement et de la qualité de l'éducation.
Ce n'est pas du contenu de l'enseignement dont nous parlons ici, mais plutôt de l'égalité des chances. Nous parlons d'une responsabilité qui incombe à tous les gouvernements et à tous les secteurs de la société: veiller à ce que le Canada développe et renforce ses atouts dans une économie mondiale de plus en plus compétitive et interdépendante.
Chacun d'entre nous doit faire sa part. Si nous voulons réellement parvenir à l'égalité des chances, nous devons tous travailler en partenariat, un partenariat qui comprend les parents, le milieu académique, le secteur privé, les provinces et le gouvernement canadien. Dans ce partenariat, certains rôles se prêtent à une collaboration étroite, tandis que d'autres sont exercés de manière exclusive.
Depuis des décennies, le gouvernement canadien et les provinces contribuent à donner des chances égales à ceux et à celles qui ont besoin d'une aide financière.
Aujourd'hui, alors que les exigences évoluent, nous devons renforcer et adapter cette aide, afin de faire en sorte que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes aient des chances plus égales de participer à l'économie du savoir, l'économie de demain.
Pourquoi? Parce qu'il y a de grands besoins et parce qu'il s'agit d'une grande cause.
Voici le communiqué publié par le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux à l'issue de leur réunion de décembre dernier, et je cite: «Les premiers ministres se sont entendus sur l'importance de diminuer le fardeau financier des étudiants. Ils ont également accepté que le ministre des Finances et le ministre du Développement des ressources humaines travaillent de façon accélérée et de concert avec les ministres de l'Éducation des provinces et des territoires, de sorte que le ministre des Finances puisse prendre en considération ce travail dans le prochain budget du gouvernement du Canada.»
Nous donnons suite aujourd'hui à ce consensus et à cette demande.
Il s'agit de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, un ensemble de mesures concertées qui s'inscrivent dans la continuité du dernier budget et qui visent un meilleur avenir pour nos citoyens, grâce à un meilleur accès à l'acquisition continue de connaissances et de compétences.
Il y a sept défis à relever.
Premièrement, promouvoir l'égalité des chances en aidant les étudiants dans le besoin à faire face à l'augmentation du coût des études.
Deuxièmement, aider ceux et celles qui ont terminé leurs études à gérer une dette de plus en plus lourde.
Troisièmement, donner aux Canadiennes et aux Canadiens accès aux ressources financières nécessaires pour améliorer leurs compétences tout au long de leur carrière.
Quatrièmement, aider les familles à épargner en vue des études de leurs enfants.
Cinquièmement, fournir un appui aux étudiants des cycles supérieurs, pour qu'ils continuent d'accroître leurs compétences et poursuivent des recherches qui vont bénéficier au pays tout entier.
Sixièmement, aider les jeunes à réussir le passage du monde scolaire au monde du travail.
Et, septièmement, brancher les Canadiens, jeunes et vieux, dans les campagnes et dans les villes, aux nouvelles technologies de l'information et à toutes les connaissances qu'elles offrent.
[Traduction]
La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances que nous exposons aujourd'hui aidera le Canada à relever les sept défis.
D'abord, l'automne dernier, le premier ministre a déclaré dans cette Chambre, et je le cite: «Il ne pourrait y avoir ni plus grand projet canadien en vue du prochain millénaire ni meilleur rôle pour le gouvernement que celui d'aider les jeunes Canadiens à se préparer à entrer dans la société axée sur l'information du siècle prochain.» Il a ensuite annoncé un investissement de taille afin d'offrir des milliers de bourses d'études aux jeunes Canadiens méritants. Dans ce budget, l'engagement et la vision du premier ministre deviennent réalité.
Nous annonçons aujourd'hui le plus important investissement jamais fait par un gouvernement canadien afin de faciliter l'accès aux études postsecondaires pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens. Nous créons la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, une institution privée et indépendante. Le gouvernement dotera la Fondation d'une somme initiale de 2,5 milliards de dollars pour 10 ans. À titre de fondation privée, l'institution pourra recevoir des dons et des legs de tout le pays.
Cet investissement permettra d'offrir plus de 100 000 bourses à des étudiants à revenu faible ou moyen, année après année, pendant la prochaine décennie. Le montant moyen des bourses sera de 3 000 $ par année. Par conséquent, un étudiant bénéficiant d'une bourse pendant quatre ans verra son endettement réduit de 12 000 $, la moitié du montant qu'il aurait dû emprunter autrement.
Ces bourses d'études seront accordées aux Canadiens de tout âge, qu'ils étudient à temps partiel ou à temps plein. Les bourses seront accessibles à tous ceux et celles qui fréquentent un établissement public, non seulement les universités, mais aussi les collèges, les cégeps et les établissements d'enseignement technique et professionnel. Les bourses canadiennes du millénaire profiteront autant aux étudiants du Collège Durham, à Oshawa, ou de l'Institut de technologie du nord de l'Alberta, à Edmonton, qu'à ceux de l'Université de Montréal ou de l'Université Dalhousie.
Beaucoup de Canadiens voudraient pouvoir fréquenter un collège ou une université situé hors de la ville ou de la province qu'ils habitent, une institution de leur choix, mais, aujourd'hui, l'augmentation des coûts rend cela de plus en plus difficile. Nous croyons qu'un plus grand nombre de Canadiens devraient avoir la chance de fréquenter l'établissement qui réponde le mieux à leurs besoins. Nous croyons aussi que les Canadiens devraient avoir la possibilité de mieux connaître leur pays.
C'est pourquoi les bénéficiaires des bourses canadiennes du millénaire qui voudront quitter leur ville ou leur province de résidence pour aller étudier recevront une aide à cette fin.
[Français]
La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire sera un organisme privé, indépendant. Elle sera gérée par un conseil d'administration composé de particuliers. Ce sont eux, et non le gouvernement, qui vont décider de la structure à adopter pour le programme de bourses dans le cadre de leur mandat.
Le conseil des ministres de l'Éducation du Canada, représentant les provinces, et des porte-parole du milieu de l'éducation auront un rôle clé à jouer pour déterminer qui seront les administrateurs. Et nous allons nous assurer qu'une représentation étudiante fasse partie du conseil d'administration.
Une fois établie, la Fondation va consulter, de façon très étroite, les gouvernements provinciaux et le milieu de l'éducation. Le but sera de faire en sorte que la Fondation octroie des bourses aux individus en évitant les dédoublements, en s'appuyant sur les mécanismes provinciaux existants pour l'examen des besoins, et en étant un complément aux programmes déjà en place dans les provinces. Des dispositions législatives vont doter la Fondation d'une souplesse administrative suffisante pour atteindre ces objectifs de partenariat.
Plus précisément, la Fondation aura notamment le pouvoir, en vertu de critères convenus en matière de besoins, de mérite et de mobilité, de passer des contrats avec les autorités provinciales compétentes pour la sélection des bénéficiaires qui recevront des bourses d'études canadiennes du millénaire de la Fondation.
Avant toute chose, il faut élargir de façon marquée l'accès aux études postsecondaires pour les étudiantes et les étudiants à revenu faible ou moyen.
[Traduction]
Cet investissement dans l'avenir de notre pays est le fruit de la victoire que nous avons remportée contre le déficit. C'est un investissement qui, les prochaines années, rapportera plusieurs fois ce qu'il aura coûté. Personne ne l'a mieux exprimé que le premier ministre lorsqu'il a déclaré l'automne dernier:
J'espère que cela aura les mêmes répercussions en faveur de notre économie et de notre pays que celles qu'avait eues pour la fin du XXe siècle l'investissement consenti après la Seconde Guerre mondiale en faveur de l'enseignement postsecondaire pour les soldats qui rentraient au pays [...] Ce n'est peut-être pas un monument fait de mortier et de brique, mais les Canadiens de demain pourront en constater les effets partout où ils tourneront le regard.
Il est inutile de rappeler aux Canadiens que l'endettement des étudiants est devenu un problème de taille. Les étudiantes et les étudiants le savent déjà. Leurs familles s'en inquiètent. Ceux et celles qui ont terminé leurs études doivent y faire face.
En 1990, il y a seulement huit ans, la dette moyenne des étudiants après un programme de quatre ans était de 13 000 $. L'an prochain, elle aura presque doublé pour atteindre 25 000 $. Au début de la décennie, moins de 8 p. 100 des emprunteurs devaient plus de 15 000 $. C'est maintenant le cas de près de 40 p. 100.
Les étudiants ont déjà une hypothèque à supporter avant même de songer à l'achat d'une maison, et, pour nombre d'entre eux, avant même de pouvoir obtenir un emploi. Bien rares sont les étudiants qui n'ont pas de difficulté à rembourser leurs prêts.
Les entreprises peuvent déduire les intérêts qu'elles paient pour leurs achats d'équipement lorsqu'elles investissent dans leur avenir. Nous estimons que les Canadiens devraient avoir droit au même traitement lorsqu'ils investissent dans leur avenir.
C'est pourquoi j'annonce dans ce budget que, pour la première fois, tous les étudiants bénéficieront d'un allégement d'impôt au titre des intérêts qu'ils paient sur leurs prêts étudiants. Ils recevront à cette fin un crédit d'impôt qui pourra être reporté sur cinq ans.
Pour les étudiants qui viennent d'obtenir leur diplôme et qui se sont endettés de 25 000 $, cela signifie une réduction d'impôt de 530 $ pour la première année seulement. Sur 10 ans, la période de remboursement d'un prêt étudiant, cette mesure pourrait représenter un allégement d'impôt de 3 200 $. Cette mesure bénéficiera à un million de Canadiens qui sont en train de rembourser des prêts étudiants.
Cela dit, il y en a qui auront besoin d'une aide supplémentaire pour faire face à une dette trop importante pour leurs moyens. Pour leur venir en aide, nous modifierons les règles afin qu'ils bénéficient d'un allégement supplémentaire d'intérêt sur leurs prêts, et cela, pendant plus longtemps. Jusqu'à 100 000 diplômés qui connaissent des difficultés financières bénéficieront de cette mesure.
Ces mesures seront suffisantes pour la plupart. Il restera quand même un petit nombre de personnes qui, malgré l'allégement d'intérêt, ne pourront pas faire face à leurs dettes. Dans leur cas, après un examen précis de leur situation, le principal du prêt lui-même sera réduit afin que les paiements soient plus abordables. Cette forme d'aide sera envisagée cinq ans après que les intéressés auront terminé leurs études.
Les mesures que nous annonçons aujourd'hui contribueront à éviter que les étudiants canadiens ne soient étouffés sous le poids des dettes. Cependant, pour que les prêts canadiens aux étudiants continuent à venir en aide le plus possible à ceux qui en ont besoin, nous prendrons également des mesures afin que les établissements d'enseignement, tout comme les étudiants, utilisent le programme aux fins prévues.
[Français]
Le coût des études est un obstacle pour beaucoup de Canadiens et de Canadiennes, mais pour certains, c'est une barrière quasi insurmontable. Nous connaissons tous des jeunes qui ont décidé d'avoir une famille assez tôt et qui n'ont pas pu continuer leurs études. Il s'agit, dans bien des cas, de femmes à la tête d'une famille monoparentale.
Un grand nombre d'entre elles voudraient maintenant reprendre leurs études afin d'augmenter leurs possibilités et celles de leurs enfants. Mais justement, à cause de leurs obligations familiales, elles ont des difficultés toutes particulières.
C'est pourquoi, pour améliorer les chances offertes à ces Canadiennes et à ces Canadiens, nous annonçons aujourd'hui que de nouvelles subventions allant jusqu'à 3 000 $ par année seront offertes à plus de 25 000 étudiantes et étudiants dans le besoin qui ont des enfants à charge. Ces subventions vont les aider à poursuivre leurs études à temps plein ou à temps partiel.
[Traduction]
Les Canadiens savent que, pour bien gagner leur vie, ils doivent de plus en plus étudier durant toute leur vie. On assiste à une multiplication du nombre d'étudiants à temps partiel, dont la plupart essaient, non sans difficultés, de concilier travail, vie familiale et études. Nous avons déjà annoncé que les étudiants à temps partiel seraient admissibles aux bourses canadiennes du millénaire et que ceux qui ont des enfants à charge auraient droit à des subventions spéciales.
Nous annonçons aujourd'hui deux mesures supplémentaires pour faciliter les études à temps partiel. Le crédit pour études est l'une des principales formes d'aide fiscale accordée par le gouvernement aux étudiants. Il aide ceux et celles qui fréquentent une université, un collège communautaire ou un établissement d'enseignement professionnel à payer leurs frais de subsistance. Jusqu'ici, ce crédit n'a été offert qu'aux étudiants à temps plein. Nous annonçons aujourd'hui que, pour la première fois, le crédit pour études sera également accordé aux étudiants à temps partiel. Cela bénéficiera à 250 000 étudiants qui ne pouvaient se prévaloir du crédit jusqu'ici.
Ensuite, le budget de 1996 avait permis aux étudiants à temps plein qui ont des enfants d'appliquer la déduction pour frais de garde d'enfants aux revenus de toute provenance. Aujourd'hui, nous étendons le bénéfice de cette mesure aux étudiants à temps partiel; 50 000 étudiants bénéficieront de cette décision.
Grâce à ces deux mesures, l'économie d'impôts réalisée par un étudiant à temps partiel typique, qui a deux jeunes enfants, fera plus que tripler, passant de 300 $ à près de 1 000 $ par an.
Il faut en faire davantage encore. Beaucoup de Canadiens qui sont déjà sur le marché du travail doivent et veulent perfectionner leurs compétences en étudiant à plein temps. Mais souvent, ils n'ont pas un accès suffisant aux ressources financières que cela exige. Nous présentons aujourd'hui une mesure qui les aidera à relever ce défi.
À compter de janvier 1999, les Canadiens pourront retirer, en franchise d'impôt, des fonds de leur REER pour financer des études et une formation à temps plein.
L'un des meilleurs moyens de s'assurer d'un revenu suffisant à la retraite est de gagner un revenu satisfaisant au cours de sa carrière. Il est important, à cette fin, d'avoir la chance d'améliorer ses compétences.
L'employée de bureau qui veut améliorer ses connaissances en informatique, le travailleur d'usine qui veut se recycler comme machiniste, ces Canadiens, et beaucoup d'autres encore, auront maintenant accès à des ressources qu'ils n'avaient pas le droit d'utiliser jusqu'à maintenant.
[Français]
Ce que nous avons annoncé jusqu'ici s'attaque avant tout à des besoins immédiats, vécus aujourd'hui.
Or, il nous faut agir aussi pour les étudiants de demain.
Les quelque 100 000 bourses canadiennes du millénaire qui seront accordées chaque année font partie de la solution. Ce qui doit également faire partie de la solution, c'est le soutien aux parents qui préparent et planifient l'éducation future de leurs enfants.
Les Canadiens épargnent pour leurs enfants de diverses manières. Certains achètent des obligations. D'autres ouvrent des comptes de banque spéciaux. Plusieurs mettent simplement un peu d'argent de côté quand ils le peuvent. Les grands-parents, les tantes et les oncles offrent de l'argent aux anniversaires ou à Noël.
Une façon pour le gouvernement d'aider les Canadiens à épargner pour leurs enfants consiste à soutenir les régimes enregistrés d'épargne-études. L'argent investi dans ces plans peut croître à l'abri de l'impôt jusqu'à ce que l'enfant entre au collègue, dans un établissement d'enseignement professionel ou à l'université.
[Traduction]
Au cours des deux dernières années, nous avons plus que doublé le plafond de cotisations annuelles aux REEE. Nous annonçons maintenant une nouvelle mesure importante.
Aujourd'hui marque le début d'un nouveau partenariat avec les parents. Nous croyons que le gouvernement doit investir aux côtés des parents qui veulent investir dans l'avenir de leurs enfants.
Par conséquent, à compter du 1er janvier de cette année, le gouvernement offrira une subvention canadienne pour l'épargne-études qui viendra s'ajouter aux nouvelles cotisations versées aux REEE. Pour chaque dollar de cotisation, à concurrence de 2 000 $ par année, le gouvernement canadien versera une subvention canadienne pour l'épargne-études égale à 20 p. 100 du total. Elle sera versée directement au régime établi pour l'enfant.
Si les cotisants se voient dans l'incapacité de verser le montant total permis au cours d'une année, ils pourront reporter leur droit de cotisation afin de se rattraper les années suivantes.
Pour illustrer le fonctionnement de la subvention canadienne pour l'épargne-études, prenons l'exemple d'un enfant âgé de trois ans. Si ses parents mettent de côté 25 $ toutes les deux semaines, par exemple, au moyen d'un prélèvement automatique sur leur chèque de paye, même si les fonds étaient investis de façon prudente, leur enfant recevra, à partir de 18 ans, 4 700 $ par année pendant quatre ans pour financer ses études. Et sur ce montant, près de 800 $ par année seront le résultat direct de la subvention canadienne pour l'épargne-études que nous annonçons aujourd'hui.
Grâce aux initiatives que nous prenons, les REEE figureront maintenant parmi les mécanismes d'épargne les plus attrayants qui existent pour financer les études d'un enfant. Nous croyons que les REEE seront bientôt considérés comme aussi essentiels à la planification future que le sont maintenant les régimes enregistrés d'épargne-retraite.
Ils représentent l'une des meilleures décisions que les parents puissent prendre pour leurs enfants, une des meilleures choses que les grands-parents puissent faire pour leurs petits-enfants. C'est l'expression concrète d'un partenariat entre les générations.
Parmi les facteurs les plus déterminants pour notre réussite économique au siècle prochain, on pense évidemment à la recherche-développement, qui exige des efforts importants et largement répartis. En vérité, plus il se fera de recherche-développement au Canada, et plus il y aura d'emplois créés pour les Canadiens. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons créé l'an dernier la Fondation canadienne pour l'innovation, afin d'aider à mettre en place dans nos hôpitaux, nos universités et nos collèges des installations propices à des recherches de calibre international.
Cette année, nous augmentons l'aide aux chercheurs eux-mêmes, afin que les meilleurs et les plus brillants d'entre eux puissent réaliser leurs rêves et leurs projets ici même au Canada, de manière à repousser les limites de la connaissance en médecine, en sciences naturelles et en sciences sociales.
[Français]
Depuis vingt ans, les conseils subventionnaires du gouvernement canadien—le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches médicales du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines—ont apporté une aide capitale aux chercheurs et à leurs projets.
Par exemple, John Polanyi, lauréat du prix Nobel et inventeur du laser chimique, a bénéficié de cet appui tout au long de sa carrière. Et c'est la même chose pour le Dr Fernand Labrie de l'Université Laval, dont les travaux de recherche novateurs sur les enzymes et les hormones ont permis d'ouvrir des possibilités nouvelles pour le traitement du cancer du sein et de la prostate.
La lutte contre le déficit nous a obligés à prendre beaucoup de décisions difficiles. L'une d'elles était la réduction des crédits accordés aux conseils subventionnaires. C'est pour cela que je suis très heureux d'annoncer aujourd'hui qu'à compter du 1er avril, les budgets de ces organismes seront rétablis à leur niveau de 1994-1995. Dans les années à venir, ces ressources augmenteront davantage. En fait, à la fin de l'an 2001, ils auront reçu plus de 400 millions de dollars de ressources supplémentaires et leurs budgets seront plus élevés que jamais.
[Traduction]
Le chômage des jeunes demeure un problème grave dans notre pays. Comme nous venons de le voir, la réponse réside en bonne partie dans la poursuite des études. Il reste que nos jeunes sont encore trop souvent confrontés à un dilemme qu'ils connaissent trop bien, hélas: pas de travail sans expérience, et pas d'expérience sans travail.
Pour contribuer à régler ce problème, le gouvernement a lancé la Stratégie emploi-jeunesse en février de l'année dernière. Dans le cadre de cette stratégie, plus de 120 000 emplois d'été liés à la carrière et plus de 50 000 stages sont créés, sur une période de deux ans.
C'est évidemment dans le secteur privé que sont créés la majorité des emplois. Et beaucoup d'employeurs se montrent à la hauteur en embauchant et en formant un plus grand nombre de jeunes. Il reste cependant beaucoup à faire. Il faut que beaucoup plus d'employeurs contribuent eux aussi à relever le défi.
Nous présentons aujourd'hui deux mesures qui, selon nous, aideront le secteur privé et d'autres dans ce domaine. Ces mesures, combinées aux initiatives annoncées aujourd'hui et aux décisions déjà prises, s'inscrivent dans le cadre d'un effort qui, à notre avis, doit s'élargir au pays tout entier pour s'attaquer de front au problème du chômage chez les jeunes.
D'abord, nous annonçons qu'au cours des deux prochaines années, les cotisations patronales d'assurance-emploi seront éliminées à l'égard des nouveaux emplois que les employeurs créent pour des Canadiens âgés de 18 à 24 ans.
Ensuite, nous savons que ce sont les décrocheurs scolaires qui ont le plus de mal à se trouver un emploi. Ces jeunes ont grand besoin d'acquérir des compétences, et le meilleur moyen pour cela est souvent une formation en cours d'emploi.
Aujourd'hui, Service jeunesse Canada aide plus de 5 000 jeunes Canadiens sans emploi à prendre de l'expérience en travaillant dans des entreprises locales et des projets communautaires. Un an après avoir terminé cette expérience, 85 p. 100 des participants avaient trouvé un travail ou étaient retournés aux études.
Dans ce budget, nous faisons plus que doubler les ressources consacrées à ce programme afin d'aider les jeunes, en particulier ceux et celles qui sont âgés de 20 à 24 ans et qui n'ont pas terminé leur secondaire. Des subventions salariales allant jusqu'à 10 000 $ seront fournies pour leur permettre d'acquérir l'expérience professionnelle qui est la clé d'un emploi à long terme.
[Français]
L'informatique est maintenant devenue une connaissance de base au même titre que la lecture, l'écriture et le calcul. L'accès à l'ordinateur permet d'avoir accès à la planète. Il y a deux initiatives qui mettent à la disposition des Canadiens cette technologie et ces connaissances.
Premièrement, grâce au programme Rescol lancé par le gouvernement, il y a quatre ans, l'Internet fait son entrée dans la salle de classe pour jouer un rôle éducatif essentiel dans toutes les écoles du Canada. Cet accès à une masse considérable de connaissances, en quelques secondes à peine, permet aux élèves de mieux apprendre, et aux professeurs, de mieux enseigner.
Rescol rend également possible le don de milliers d'ordinateurs aux écoles de tout le pays, aidant ainsi nos enfants à découvrir l'ordinateur à l'âge où l'on apprend plus facilement.
Deuxièmement, le Programme d'accès communautaire permet au Canada d'être «branché»: 5 000 localités et bibliothèques le sont déjà, et 5 000 autres sont en voie de l'être.
Le but de ces deux programmes est de donner à chaque citoyen, où qu'il habite, qu'il soit riche ou pauvre, à l'école ou non, accès au même réservoir de connaissances.
C'est pour cela, afin d'accélérer encore la réalisation de cet objectif, que le gouvernement a décidé d'augmenter sensiblement les ressources consacrées à la fois à Rescol et au Programme d'accès communautaire. Ce sera également vrai pour CANARIE, une initiative canadienne à la fine pointe de la recherche mondiale en matière de réseaux de communication du futur.
Grâce à ce vaste consortium regroupant les secteurs public et privé, le Canada pourra mettre en place le réseau intérieur d'information le plus rapide au monde et accessible aux écoles, aux collectivités et aux entreprises. À l'aube de l'économie de l'information, le Canada bénéficiera ainsi d'un avantage important sur le reste du monde.
[Traduction]
J'aimerais résumer tout ce que la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances offre aux Canadiens.
Aux étudiants des collèges, des universités ou des établissements d'enseignement professionnel, la Stratégie offre un ensemble complet de bourses, de subventions d'études, de prêts étudiants et de crédits d'impôt. Aux diplômés qui ont des prêts étudiants à rembourser, elle offre un nouveau crédit d'impôt pour faciliter le remboursement de leurs dettes et de nouveaux allégements s'ils sont en difficulté financière.
Aux travailleurs qui veulent actualiser leurs connaissances et leurs compétences, que ce soit en étudiant à temps plein ou à temps partiel, à l'université, au collège ou dans un établissement d'enseignement professionnel, la stratégie offre un soutien accru qui sera désormais accessible aux étudiants de tout âge, en plus de la possibilité de retirer des fonds d'un REER de manière à accroître leur capacité financière.
Aux parents et grands-parents, la stratégie offre la subvention canadienne pour l'épargne-études, qui fera des REEE le meilleur moyen d'économiser en vue des études des enfants.
Aux étudiants des cycles supérieurs et aux chercheurs, la stratégie offre un soutien accru à leurs importantes activités, par l'intermédiaire des conseils subventionnaires.
Aux jeunes qui ont du mal à s'intégrer au marché du travail, elle offre des possibilités nouvelles d'acquérir une expérience concrète.
Et aux enfants, comme aux collectivités des quatre coins du pays, elle offre un nouvel accès aux technologies informatiques et aux réseaux d'information.
La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances repose sur un principe fort simple: tous ceux et celles qui veulent vraiment faire des études doivent en avoir la chance, peu importe leur revenu. C'est leur droit. C'est aussi notre devoir. C'est là une responsabilité que nous assumons aujourd'hui.
Je viens d'évoquer le rôle que joue l'éducation pour assurer l'égalité des chances. Mais il ne faut pas se leurrer. La capacité d'apprendre ne commence pas à l'école. Elle dépend des soins et de l'attention que les enfants reçoivent dès leur plus jeune âge. Le fait est que l'égalité des chances est synonyme d'un bon départ dans la vie. C'est la raison pour laquelle, au cours de l'année écoulée, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont commencé à mettre en place un système national de prestations pour enfants qui jouera un rôle clé dans la lutte contre la pauvreté chez les enfants, afin qu'ils puissent prendre un bon départ dans la vie.
Dans un premier temps, nous avions prévu 850 millions de dollars dans notre dernier budget pour augmenter les prestations fédérales pour enfants. Ces fonds commenceront à être accordés en juillet de cette année, au moyen de la nouvelle prestation fiscale pour enfants. Elle renforcera l'aide fournie à plus d'un million d'enfants et à leur famille.
Le printemps dernier, nous avions déclaré que, dès que nous en aurions les moyens, nous en ferions davantage. Nous tenons aujourd'hui cet engagement. Dans le cadre du régime national de prestations pour enfants, nous affectons 850 millions de plus pour améliorer la prestation fiscale canadienne pour enfants au cours des deux prochaines années: 425 millions en juillet 1999 et 425 millions encore en juillet de l'an 2000. Les détails de cette mesure seront annoncés après discussion avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Nous croyons que le gouvernement doit appuyer toutes les familles canadiennes qui veulent des soins de qualité pour leurs enfants. Nous savons que la grande majorité des Canadiennes et Canadiens sur le marché du travail font partie d'une famille où les deux parents doivent travailler et que, pendant ce temps, ils veulent que leurs enfants bénéficient des meilleurs services de garde possibles. Nous savons aussi que ces services coûtent cher et que leur coût augmente.
C'est pourquoi, dans ce budget, nous augmentons le montant maximal de la déduction pour frais de garde d'enfants, qui passe de 5 000 $ à 7 000 $ pour les enfants de moins de 7 ans et de 3 000 $ à 4 000 $ pour les enfants âgés de 7 à 16 ans. Pour un parent qui gagne 45 000 $ et débourse 14 000 $ pour la garde de deux enfants d'âge préscolaire, cette mesure représente une économie de 1 600 $ par année. L'augmentation de la déduction maximale pour frais de garde d'enfants apportera une aide bien nécessaire à 65 000 familles canadiennes comprenant des enfants.
L'une des caractéristiques qui définissent une société solidaire est la volonté et la capacité collectives d'assurer un revenu de retraite sûr à ses aînés. L'une des initiatives les plus importantes jamais prises au Canada a été la décision, il y a plus de 30 ans, d'établir le Régime de pensions du Canada.
Le RPC en dit long sur les valeurs de notre pays. Il incarne le principe du partage des risques et la sécurité des prestations.
L'an dernier, notre gouvernement et les provinces, à titre d'administrateurs conjoints du régime, ont étudié la question et convenu d'un ensemble de réformes permettant de préserver le RPC; le projet de loi garantissant ce résultat a été adopté par le Parlement. Le RPC est désormais en sécurité.
Nous pouvons maintenant affirmer à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes âgés de 60 ans que le RPC sera là pour répondre à leurs besoins. Nous pouvons affirmer à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes âgés de 40 ans que le RPC sera là pour répondre à leurs besoins. Et nous pouvons déclarer avec confiance à tous les jeunes Canadiens et Canadiennes, dont beaucoup ne croyaient pas que les régimes publics de pension survivraient que le RPC sera là aussi pour répondre à leurs besoins.
Au cours des mois qui viennent, nous passerons à l'étape suivante dans le dossier des pensions. Nous présenterons un projet de loi pour instituer la Prestation aux aîné(e)s qui, au cours des premières années du prochain siècle, remplacera le système actuel de Sécurité de la vieillesse et de Supplément de revenu garanti, le deuxième pilier de notre système de revenu de retraite.
La Prestation aux aîné(e)s protégera entièrement les pensions de toutes les personnes âgées actuelles et de toutes celles qui approchent de l'âge de la retraite. Elle assurera à tous ceux et à toutes celles qui sont dans le besoin un montant de prestations au moins égal, sinon supérieur, à celui qu'elles recevraient dans le système actuel. Nous avons consulté les aînés et des groupes intéressés au sujet des détails de cette réforme. Ils ont fait valoir quelques points très importants concernant les mesures proposées initialement en 1996. Nous leur avons prêté une oreille extrêmement attentive, et nous tenons le plus grand compte de leur point de vue.
En ce qui concerne maintenant la fiscalité, je tiens à rappeler tout d'abord notre objectif. Notre but est de réduire les impôts, d'aller chercher moins d'argent dans les poches de tous ceux et celles qui, au Canada, travaillent dur pour gagner leur vie.
La politique fiscale d'un gouvernement doit constituer un élément essentiel de sa politique économique et sociale générale. La politique fiscale de notre gouvernement est parfaitement claire.
Premièrement, nos ressources financières sont limitées. Par conséquent, la priorité doit être d'offrir des réductions d'impôt ciblées, qui répondent aux besoins économiques et sociaux les plus cruciaux.
Deuxièmement, lorsque nos finances nous le permettront, des réductions générales d'impôt seront accordées, en priorité aux Canadiens à revenu faible ou moyen.
Troisièmement, le régime fiscal doit être équitable. Cela signifie que les Canadiens doivent payer des impôts en fonction de leur capacité contributive et que nous devons veiller à ce que tous les impôts dus soient bel et bien acquittés.
[Français]
Dès le début, nous avons accordé des allégements fiscaux ciblés en faveur de ceux et celles qui en avaient le plus besoin et où l'impact était le plus grand.
Ainsi, dans nos budgets antérieurs, nous avons augmenté l'aide fiscale aux étudiants, aux organismes de bienfaisance, aux personnes handicapées et aux enfants de parents ayant un emploi peu rémunéré. Dans ce budget, nous poursuivons cette approche.
Plusieurs des mesures que nous avons annoncées dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances seront mises en oeuvre au moyen du régime fiscal, tout comme l'aide accrue qui est prévue au titre de la prestation fiscale canadienne pour enfants et de la déduction des frais de garde d'enfants.
Aujourd'hui, nous annonçons également d'autres mesures fiscales qui ciblent des groupes particuliers.
Tout d'abord, le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui travaillent à leur compte augmente de jour en jour. Beaucoup d'entre eux exploitent une entreprise non constituée en société. Cependant, à la différence des entreprises qui le sont, ils ne peuvent pas déduire les cotisations qu'ils versent à leurs régimes complémentaires d'assurance dentaire et médicale. C'est injuste. C'est pour cela qu'à partir de cette année, les travailleurs indépendants pourront déduire ces cotisations de leur revenu d'entreprise.
[Traduction]
Nous savons aussi qu'un nombre sans précédent de Canadiens—et surtout de Canadiennes—s'occupent aujourd'hui d'un membre de leur famille qui habite avec eux, bien souvent un parent âgé ou un enfant handicapé. Les soins qu'ils fournissent sont irremplaçables.
Pour en tenir compte, le gouvernement institue un nouveau crédit d'impôt fédéral allant jusqu'à 400 dollars. Cette mesure bénéficiera à plus de 400 000 aidants naturels. Si l'on combine cette mesure à l'exonération de TPS et de TVH proposée dans ce budget pour les soins de relève, notre objectif est d'accroître l'aide fédérale aux Canadiennes et aux Canadiens qui s'efforcent de répondre aux besoins croissants de soins des membres de leur famille souffrant d'une infirmité ou d'un handicap.
Enfin, comme nous l'avons vu depuis un an lors des inondations et de la tempête de verglas, des milliers de Canadiennes et de Canadiens fournissent des services extraordinaires à titre de bénévoles dans nos communautés, surtout rurales, comme l'a souligné le caucus, et assurent des services d'urgence essentiels, comme des services de pompiers et de premiers soins. Ces bénévoles donnent un sens bien concret à ce qu'on appelle le civisme. Pour tenir compte du rôle joué par ces bénévoles, nous doublons l'indemnité non imposable aux pompiers volontaires, qui passe de 500 $ à 1 000 $, et nous l'étendons à tous les autres bénévoles des services d'urgence, à compter du 1er janvier de cette année.
Maintenant que les comptes sont équilibrés, il est possible d'envisager des mesures fiscales d'application plus générale. Il est bien évident que, au départ, ces mesures devront être modestes, car le dividende financier qui permet de les offrir est modeste lui aussi. Nous ne pouvons compromettre le redressement récent des finances du Canada, ni les priorités du pays comme la santé, l'éducation ou les régimes publics de pension.
Il est tout aussi évident que la justice fondamentale nous oblige à penser d'abord aux Canadiennes et Canadiens à revenu faible ou moyen. Il faut donc commencer par ceux et celles qui sont le moins en mesure de payer des impôts.
Premièrement, les crédits d'impôt personnels rendent le régime fiscal plus équitable en soustrayant à l'impôt un revenu de base. En juillet de cette année, nous augmentons le revenu que peuvent gagner les Canadiens célibataires à faible revenu de 500 $—et de 1 000 $ pour une famille—avant de commencer à payer de l'impôt. Grâce à cette mesure, 400 000 personnes ne paieront plus un sou d'impôt fédéral.
Deuxièmement, en 1986, le gouvernement précédent avait imposé à tous les Canadiens une surtaxe générale, un impôt sur l'impôt, de 3 p. 100 qui devait, selon lui, aider à réduire le déficit. Le déficit a augmenté. La surtaxe est restée.
Nous annonçons aujourd'hui l'élimination du déficit. Et aujourd'hui, pour 13 millions de Canadiens à revenu moyen, nous annonçons l'élimination de la surtaxe.
[Français]
Nous annonçons aujourd'hui l'élimination du déficit. Nous annonçons également, pour 13 millions de Canadiennes et de Canadiens, l'élimination de la surtaxe de 3 p. 100.
[Traduction]
À compter du 1er juillet, les contribuables gagnant entre 50 000 $ et 65 000 $ verront leur surtaxe diminuer, et 83 p. 100 de tous les contribuables, ceux qui gagnent jusqu'à 50 000 $, verront leur surtaxe disparaître.
Ces deux dernières mesures combinées diminueront les impôts de 14 millions de Canadiennes et de Canadiens—c'est-à-dire 90 p. 100 de tous les contribuables. Dans l'ensemble, la diminution générale d'impôt et les mesures fiscales ciblées que nous annonçons aujourd'hui, en faveur principalement des Canadiens à revenu faible ou moyen, représentent 7 milliards de dollars sur trois ans.
Ces mesures fiscales ne sont qu'un début. Nous les renforcerons quand nous en aurons les moyens. Nous le ferons en tenant compte en priorité des besoins économiques et sociaux de la nation. Nous le ferons de manière mesurée et responsable. Une chose est certaine: dès que nous pourrons nous le permettre, nous réduirons encore davantage les impôts.
[Français]
Voilà notre budget. Voilà la deuxième étape du plan que nous avions mis en place en 1994. Il se fonde sur trois axes.
Premièrement, lors de nos budgets précédents, nous avons réduit le déficit. Avec ce budget-ci, nous l'éliminons et commençons à réduire notre dette. Dans les budgets à venir, nous allons maintenir le cap.
Deuxièmement, nous investissons dans l'avenir des Canadiens. Plus de 80 p. 100 des nouvelles sommes d'argent que nous mettons à contribution répondent aux plus hautes priorités des Canadiennes et des Canadiens: l'accès au savoir et aux compétences et le soutien à la santé et à l'éducation, grâce à l'augmentation des transferts fédéraux aux provinces.
De surcroît, nous allons accomplir tout cela en exerçant un contrôle ferme et vigilant sur les dépenses publiques. Ainsi, dans ce budget, les dépenses de programmes, exprimées en fonction du PIB, tomberont à leur plus bas niveau en cinquante ans.
Troisièmement, nous avons réduit les impôts. Aujourd'hui, nous continuons de le faire et, dès que le pays pourra se le permettre, nous irons encore plus loin.
[Traduction]
Ce plan n'est pas un thème qui guiderait seulement un budget ou le programme d'une année. Il a inspiré notre démarche dès le début, et il inspirera notre démarche dans l'avenir.
À l'heure de la conclusion, je voudrais non pas résumer les mesures prévues dans ce budget, mais décrire les défis qu'elles visent à relever.
Nous ne pouvons affirmer aujourd'hui que notre tâche est terminée. Loin de là. Si les Canadiens ont réussi un revirement financier spectaculaire, il reste des choses plus importantes encore à réaliser. Ce n'est pas le moment de nous endormir sur nos lauriers. Ce n'est pas le moment de baisser les bras.
Le fait est que, en cette ère de mondialisation et de changements technologiques, nous entendons constamment parler d'abaissement des barrières, d'ouverture de nouveaux marchés. Tout cela est vrai et nous ouvre des perspectives extraordinaires. Mais le fait est que, en même temps, les Canadiens en sont venus à craindre de perdre leur capacité de façonner leur propre destin, à voir leur pays un peu comme une embarcation fragile, naviguant sur des eaux mauvaises et inhospitalières.
[Français]
En cette ère de restructuration et de compressions, les Canadiens en sont venus à se demander ce qui est arrivé à ces liens qui unissaient autrefois la croissance de l'économie et la croissance de leurs revenus.
Après des décennies de déficits, ils redoutent que leur système de santé, leurs pensions, leur système d'éducation deviennent l'ombre de ce qu'ils avaient été, c'est-à-dire des vestiges fragiles au lieu des piliers solides sur lesquels ils pouvaient compter.
Eh bien, le temps est arrivé de façonner ensemble un nouveau destin.
[Traduction]
La mondialisation et les changements technologiques sont des réalités, non une religion. Ce sont des faits, non une foi. Ce serait commettre une très grave erreur que d'en arriver à croire que la mondialisation économique prive les gouvernements de leur rôle et de la responsabilité qu'ils ont d'assurer l'égalité des chances et la sécurité du pays.
En cette époque de grands changements, nos programmes fondamentaux, nos institutions fondamentales, nos valeurs fondamentales sont plus importants que jamais. Ils assurent notre cohésion. Ils donnent aux Canadiennes et aux Canadiens la sécurité et la confiance auxquelles ils ont droit. Ils donnent à notre pays les moyens de réussir.
Nous croyons que le programme d'une nation tire sa force de son équilibre, et non de positions extrêmes. C'est grâce à cette approche que nous avons équilibré le budget, non malgré elle. Nous avons réussi justement parce que nous avons opté pour une approche visant à équilibrer notre budget.
Il ne s'agit pas de faire des compromis ni de plaire à tout le monde à la fois. Il s'agit de répondre aux besoins variés d'une nation moderne. Il s'agit de gérer le présent tout en préparant l'avenir. Nous ne croyons pas que notre société et notre économie doivent subir passivement les forces de la mondialisation. C'est le changement qui doit être à notre service, pas le contraire. Voilà les termes dans lesquels se pose le défi.
[Français]
Certains pays disposent de ressources naturelles abondantes, d'autres ont une capacité technologique impressionnante, tandis que d'autres possèdent des ressources humaines performantes. Nous, au Canada, pouvons compter sur les trois.
C'est pourquoi notre objectif doit être de faire du Canada non pas un participant anonyme à l'économie moderne, mais un chef de file, un pays qui permet à ses citoyens d'avoir accès au plus haut niveau de vie et au plus large éventail de possibilités qui soit.
[Traduction]
Nos responsabilités futures sont bien claires. Nous devons équilibrer le budget. Mais nous devons aussi produire des budgets qui soient équilibrés. Nous devons travailler non seulement à bâtir une économie de croissance, mais aussi à préserver une société d'équité. Le défi consiste aujourd'hui à traduire ces valeurs en actions et ce, sous des formes nouvelles, adaptées à un siècle nouveau. Il s'agit de transformer les chances offertes à quelques-uns en chances pour tous.
Tels sont les objectifs de ce budget. Tels sont les buts que nous chercherons à atteindre au cours de chacune des années à venir. Car telles sont les fondations sur lesquelles on bâtit une grande nation.
Des voix: Bravo!
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, dans trois minutes environ, je proposerai l'ajournement du débat budgétaire jusqu'à demain. Toutefois, je m'en voudrais de ne pas dire que nous devons nous féliciter d'avoir, pour la première fois en 28 ans, un budget fédéral équilibré.
Certains députés d'en face, dont la plupart se sont opposés à l'équilibre budgétaire pendant toute leur carrière parlementaire, semblent croire que ces félicitations leur reviennent. Ils s'illusionnent.
Je ne serais pas étonné de voir le ministre des Finances revenir demain avec un bras en écharpe et l'épaule disloquée parce qu'il se sera donné trop de tapes dans le dos.
Les chiffres du budget montrent clairement que le gouvernement fédéral a atteint l'équilibre budgétaire essentiellement aux frais des contribuables canadiens, qui se privent depuis longtemps et qui versent maintenant au gouvernement fédéral plus de 30 milliards de dollars par année de plus que lorsque le gouvernement actuel est entré en fonction.
Si les contribuables canadiens sont ceux qui ont le plus contribué à réaliser l'équilibre budgétaire, ils devraient être les principaux bénéficiaires d'un budget équilibré.
On s'attendrait à ce qu'un gouvernement reconnaissant, un ministre reconnaissant utilisent l'excédent budgétaire pour satisfaire les priorités des contribuables, à savoir la réduction de la dette et l'allégement des impôts. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Les députés n'ont jamais entendu ce que je vais dire, mais ils vont l'entendre maintenant. Ce budget se résume à l'absence de tout effort sérieux pour réduire la dette. Les dépenses vont augmenter de 11 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années. J'invite les députés libéraux à écouter la dernière partie de mon argumentation car on ne leur en a pas parlé en caucus. Le budget prévoit des réductions d'impôts de 7 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, mais le montant total des impôts que paieront les contribuables augmentera de 46 milliards pendant la même période.
Autrement dit, le ministre donne 900 $ à la famille moyenne, mais il lui en reprendra 6 000 $ au cours des trois prochaines années, en espérant que les contribuables ne s'en apercevront pas. Ils s'en apercevront.
L'opposition officielle a l'intention et le devoir de divulguer pleinement, au cours des prochains jours, la trahison des contribuables que représente ce budget et de proposer d'autres mesures qui feront de la réduction des impôts et de la réduction de la dette les véritables priorités de la trente-sixième législature.
Nous avons très hâte de participer au débat au cours duquel les Canadiens pourront entendre l'autre version de l'histoire. Nous laisserons cependant au gouvernement le temps de savourer son heure de gloire, en attendant de lui faire voir les faiblesses de son budget. Aussi, je propose:
Que le débat soit maintenant ajourné.
Des voix: Bravo!
(La motion est adoptée.)
Le Président: Conformément au paragraphe 83(2) du Règlement, la motion est adoptée et la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, 14 heures.
(La séance est levée à 18 h 01.)