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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 94
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 avril 1998
AFFAIRES COURANTES |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Comptes publics |
M. John Williams |
PÉTITIONS |
Les armes nucléaires |
M. Stan Keyes |
L'hépatite C |
M. Grant Hill |
L'Accord multilatéral sur l'investissement |
M. Reed Elley |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
M. George Proud |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LES CRÉDITS |
Jour désigné—La suppression de la pauvreté |
M. Gilles Duceppe |
Motion |
M. Charlie Penson |
M. Gordon Earle |
M. Stéphan Tremblay |
Amendement |
M. Yvon Godin |
M. Julian Reed |
M. Stéphan Tremblay |
M. Reed Elley |
M. Charlie Penson |
L'hon. Andy Mitchell |
M. Benoît Sauvageau |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
Mme Marlene Catterall |
Motion |
LES CRÉDITS |
Jour désigné—La suppression de la pauvreté |
Motion |
M. Bill Blaikie |
M. Antoine Dubé |
M. Dick Harris |
M. Scott Brison |
M. Paul Mercier |
M. Paul Crête |
M. Benoît Sauvageau |
M. Paul Crête |
Mme Suzanne Tremblay |
M. Benoît Sauvageau |
M. Steve Mahoney |
M. Ghislain Lebel |
M. Benoît Sauvageau |
M. Paul Crête |
M. Charlie Penson |
Mme Christiane Gagnon |
M. René Canuel |
Mme Raymonde Folco |
Mme Christiane Gagnon |
M. Charlie Penson |
L'hon. Ethel Blondin-Andrew |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Bev Desjarlais |
M. Eric Lowther |
LE RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA |
Le Président |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL |
M. Carmen Provenzano |
L'HÉPATITE C |
M. Gurmant Grewal |
LES ACCIDENTS DE TRAVAIL |
Mme Raymonde Folco |
L'HÉPATITE C |
M. Benoît Serré |
L'HÉPATITE C |
M. Reg Alcock |
L'HÉPATITE C |
M. Jake E. Hoeppner |
L'HÉPATITE C |
Mme Elinor Caplan |
L'HÉPATITE C |
M. Mac Harb |
L'HÉPATITE C |
M. Howard Hilstrom |
L'HÉPATITE C |
M. Steve Mahoney |
MONSEIGNEUR JUAN GIRARDI |
Mme Maud Debien |
LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL |
M. Pat Martin |
L'HÉPATITE C |
Mme Marlene Jennings |
L'HÉPATITE C |
M. Rick Borotsik |
LE JOUR DE COMPASSION POUR LES PERSONNES TUÉES OU BLESSÉES |
Mme Hélène Alarie |
L'HÉPATITE C |
M. Philip Mayfield |
QUESTIONS ORALES |
L'HÉPATITE C |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
M. Preston Manning |
L'hon. Herb Gray |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Herb Gray |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Herb Gray |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Herb Gray |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Herb Gray |
Mme Pauline Picard |
L'hon. Herb Gray |
Mme Pauline Picard |
L'hon. Allan Rock |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Allan Rock |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Allan Rock |
Mme Elsie Wayne |
L'hon. Herb Gray |
Mme Elsie Wayne |
L'hon. Herb Gray |
M. Grant Hill |
L'hon. Allan Rock |
M. Grant Hill |
L'hon. Allan Rock |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. Odina Desrochers |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
M. Odina Desrochers |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
L'HÉPATITE C |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Herb Gray |
M. Reed Elley |
L'hon. Allan Rock |
LA BIRMANIE |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
L'HÉPATITE C |
Mme Val Meredith |
L'hon. Allan Rock |
M. Jim Pankiw |
L'hon. Allan Rock |
LA PÊCHE AU CRABE |
L'hon. David Anderson |
L'OBSERVATOIRE DE NEUTRINOS DE SUDBURY |
M. Raymond Bonin |
L'hon. John Manley |
L'HÉPATITE C |
M. Deepak Obhrai |
L'hon. Allan Rock |
M. Inky Mark |
L'hon. Allan Rock |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
L'hon. Herb Gray |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
L'hon. Allan Rock |
Mme Diane St-Jacques |
L'hon. Herb Gray |
Mme Diane St-Jacques |
L'hon. Allan Rock |
LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE |
M. Alex Shepherd |
L'hon. Ronald J. Duhamel |
L'HÉPATITE C |
Mme Diane Ablonczy |
L'hon. Allan Rock |
LA MINE BC DE BLACK LAKE |
M. Jean-Guy Chrétien |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE |
M. Yvon Godin |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
L'HÉPATITE C |
M. Scott Brison |
LES FORCES ARMÉES CANADIENNES |
M. David Pratt |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
L'HÉPATITE C |
M. Keith Martin |
L'hon. Allan Rock |
M. John Nunziata |
L'hon. Allan Rock |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LES CRÉDITS |
Jour désigné—L'élimination de la pauvreté |
Motion |
M. Eric Lowther |
M. Paul Szabo |
M. Benoît Sauvageau |
L'hon. Gilbert Normand |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Monique Guay |
M. Guy St-Julien |
Mme Monique Guay |
Mme Caroline St-Hilaire |
Mme Monique Guay |
M. Guy St-Julien |
M. Gordon Earle |
M. Bernard Bigras |
M. Guy St-Julien |
Mme Libby Davies |
M. Guy St-Julien |
M. Bernard Patry |
M. Benoît Sauvageau |
M. Mac Harb |
M. Benoît Sauvageau |
Mme Libby Davies |
M. Yvon Godin |
M. Yvan Bernier |
M. Mac Harb |
M. Yvon Godin |
M. Paul Szabo |
M. Maurice Godin |
Jour désigné—L'hépatite C |
Motion |
Rejet de l'amendement |
Rejet de la motion. |
LA LOI SUR LE NUNAVUT |
projet de loi C-39. Deuxième lecture |
Adoption de la motion. |
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION |
Projet de loi C-216. Deuxième lecture |
Rejet de la motion |
L'ÉTIQUETAGE DES JOUETS |
Motion |
Rejet de la motion |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (1998) |
Projet de loi C-32. Deuxième lecture |
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LES COOPÉRATIVES DE LOGEMENT |
M. Gilles Bernier |
Motion |
M. Réal Ménard |
M. John Cummins |
M. Jerry Pickard |
Mme Louise Hardy |
Mme Libby Davies |
M. Gilles Bernier |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LA BOSNIE |
Motion |
L'hon. Lloyd Axworthy |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
M. Bob Mills |
M. Daniel Turp |
M. Chris Axworthy |
M. David Price |
M. André Harvey |
M. Leon E. Benoit |
M. Bill Graham |
M. George Proud |
M. Réal Ménard |
M. Ted McWhinney |
M. John Richardson |
M. Keith Martin |
M. Robert Bertrand |
M. Jim Gouk |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 94
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mardi 28 avril 1998
La séance est ouverte à 10 heures.
Prière
AFFAIRES COURANTES
[Français]
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.
* * *
[Traduction]
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE
COMPTES PUBLICS
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le 8e rapport du Comité permanent des comptes publics.
Le comité déclare qu'il a étudié et adopté les crédits du budget principal des dépenses pour 1998-1999 concernant le bureau du vérificateur général du Canada.
* * *
PÉTITIONS
LES ARMES NUCLÉAIRES
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur et le privilège de présenter à la Chambre une pétition certifiée conforme à l'article 36 du Règlement par le greffier des pétitions.
Les électeurs de Halmiton-Ouest demandent que le Parlement appuie la préparation immédiate, et l'adoption d'ici l'an 2000, d'une convention internationale qui comporterait un calendrier exécutoire pour l'abolition de toutes les armes nucléaires.
L'HÉPATITE C
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une pétition fort à propos à présenter. Elle vient de personnes qui estiment que les dispositions sur l'indemnisation des victimes de l'hépatite C sont inacceptables.
Ils demandent au gouvernement d'offrir la même indemnisation à toutes les victimes, ainsi que le proposait le principal expert canadien en matière d'approvisionnement en sang, Horace Krever.
Ces personnes sont de la région d'Ottawa. Le flot de pétitions commence aujourd'hui.
L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter, au nom de centaines d'électeurs de ma circonscription, Nanaïmo—Cowichan, une pétition sur l'Accord multilatéral sur l'investissement, demandant que le Parlement impose un moratoire sur les négociations de l'AMI jusqu'à ce que l'on ait eu des audiences publiques dans l'intérêt de tous les Canadiens.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, on répondra aujourd'hui à la question no 81.
.[Texte]
Étant donné que les anciens combattants qui ont servi dans la marine marchande canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale ne reçoivent pas les mêmes prestations que les anciens combattants de l'armée, de la marine ou de l'aviation, quelles mesures le ministre des Anciens combattants a-t-il prises pour faire en sorte qu'ils puissent toucher des prestations équivalentes?
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants, Lib.): Les anciens combattants de la marine marchande sont admissibles à tous les avantages présentement offerts aux anciens combattants et ce, depuis 1992. Conséquemment, le ministre des Anciens combattants n'a pas à prendre des mesures «pour faire en sorte qu'ils puissent toucher des prestations équivalentes.»
[Français]
M. Peter Adams: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.
Le vice-président: Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Français]
LES CRÉDITS
JOUR DÉSIGNÉ—LA SUPPRESSION DE LA PAUVRETÉ
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) propose:
Que cette Chambre réitère l'engagement de 1989 sur la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000, presse le gouvernement d'agir et forme un comité parlementaire spécial réunissant des représentants de tous les partis et ayant pour principal objectif d'examiner la capacité des parlementaires à réduire l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation des marchés parce que:
1) malgré la croissance économique des dernières années, l'écart entre les riches et les pauvres continue de s'accroître;
2) la mondialisation des marchés influence grandement la capacité des États à développer leur économie selon leurs priorités;
3) la mondialisation et les accords internationaux qui l'encadrent, notamment l'Accord multilatéral sur les investissements, tel que rédigé actuellement, risquent de limiter certains pouvoirs des États et en conséquence des représentants élus en cette Chambre.
—Monsieur le Président, je veux d'abord vous aviser que je partagerai le temps de parole qui m'est alloué avec le député de Lac-Saint-Jean.
Aujourd'hui, on négocie à Paris l'entente portant sur les accords multilatéraux sur l'investissement. C'est la date butoir, c'est aujourd'hui qu'est l'échéance. Il semble heureusement—je dis bien heureusement—qu'il n'y aura pas d'entente, mais nous savons tous que les négociations reprendront sous une forme ou sous une autre.
Discuter de cet accord, discuter de l'AMI, c'est soulever toute la question de la mondialisation de l'économie. Le Bloc québécois a demandé au gouvernement, à deux ou trois reprises, un débat spécial sur cette question, et chaque fois, le gouvernement a refusé de débattre de cette question.
La semaine dernière, le député de Lac-Saint-Jean a soulevé, avec, disons-le, beaucoup d'éclats, cette question. Mais au-delà du geste, voilà une question fondamentale, parce que discuter de l'AMI, de la globalisation de l'économie, c'est soulever la question de l'écart entre les riches et les pauvres.
Depuis 20 ans, il y a eu un accroissement important de la population à faible revenu au Canada, population qui représentait 14,2 p. 100 de l'ensemble de la population canadienne en 1975 et qui atteignait, en 1996, 17,9 p. 100. À l'échelle planétaire, on observe que 20 p. 100 des individus les plus riches ont vu leur part du revenu mondial passer de 70 p. 100 à 85 p. 100 entre 1960 et 1991, alors que de l'autre côté, la part des 20 p. 100 des plus pauvres passait de 2,3 à 1,4 p. 100. Il y a un club très privé de 358 milliardaires—non pas millionnaires, mais milliardaires, donc 1 000 fois un million de dollars—qui possèdent un montant égal à 45 p. 100 du revenu de la population mondiale, pendant que la pauvreté se répand.
Face à cette situation alarmante, deux attitudes sont possibles. L'une pourrait être de se croiser les bras, de baisser pavillon, de ne rien dire ou même d'accélérer ce mouvement, ce qui est pire. L'autre, c'est de se retrousser les manches et de tenter de combattre le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres. C'est l'option qu'a retenue le Bloc québécois en soulevant ce débat, en le présentant dans sa plate-forme. C'est le geste qu'a posé le député de Lac-Saint-Jean et c'est la question qu'il a soulevée. C'est également le combat qui m'anime et qui m'a toujours animé depuis les tout débuts de mon engagement social et politique.
On ne peut malheureusement en dire autant de l'actuel gouvernement libéral. Sa récente réforme de l'assurance-emploi aura eu pour effet de jeter dans la pauvreté un nombre accru de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Ces engagements, supposément en vue d'enrayer la pauvreté des enfants, ne sont restés que de vulgaires slogans électoraux, bassement racoleurs. Les libéraux ont pourtant une marge de manoeuvre budgétaire, économique, financière fort importante, c'est-à-dire 21 milliards de dollars de plus que les prévisions faites en 1997, un surplus, cette année, non prévu encore une fois.
Le ministre des Finances a des difficultés de calcul. Il y a 4,4 milliards de dollars de plus et il n'avait prévu aucun surplus pour cette année. Alors, plutôt que d'utiliser cet argent pour diminuer l'écart entre les riches et les pauvres, on le voit dilapider des sommes d'argent dans l'achat de sous-marins au coût de 750 millions de dollars et intervenir dans des champs de compétence des provinces, notamment en investissant 2,5 milliards de dollars dans les bourses du millénaire.
On le verra cet après-midi. Malgré toutes les déclarations des députés libéraux qui disent vouloir défendre les victimes de l'hépatite C, le gouvernement refuse de mettre de l'argent dans cela, alors qu'il est en discussion avec les magnats du sport professionnel pour conclure un pacte fiscal avec ces équipes dont les athlètes reçoivent des millions de dollars. C'est très édifiant!
Parler de mondialisation, ce n'est pas que parler de théorie et d'idéologie. Il y a des chiffres concrets. Les chiffres parlent. En 1997, les exportations mondiales de marchandises ont atteint 5 295 milliards de dollars américains et les services commerciaux, de leur côté, se sont chiffrés à 1 295 milliards de dollars américains. C'est donc une réalité que l'on observe à tous les jours.
Est-ce que cela veut dire que nous sommes contre la mondialisation et la globalisation des économies? Certes pas. Mais parler de mondialisation ne doit pas se limiter à parler d'argent. On doit fixer des règles équitables et justes pour tous les pays et pour les peuples de tous ces pays. Il faut parler des droits sociaux et des droits humains. C'est cela qu'on doit faire quand on parle de mondialisation.
L'AMI est la plus récente tentative de regroupement, dans un accord international, de disciplines multilatérales dans les trois domaines clés relatives aux règles concernant l'investissement direct étranger, à savoir, la protection de l'investissement, la libéralisation de l'investissement et le règlement des différends.
L'AMI constitue un bel exemple d'un manque de pouvoirs des institutions démocratiques, parce que le gouvernement fédéral, plutôt que d'avoir un débat public ouvert, ici, dans ce Parlement, et partout dans la population, a préféré négocier derrière des portes closes. Il aurait pu aborder ce débat controversé sur la place publique.
C'est ce qu'on dénonce. On demande au gouvernement d'arrêter de faire fi de la volonté de la population, d'être à l'écoute des groupes, particulièrement des plus démunis, d'être à l'écoute des parlementaires de tous les partis. C'est en ce sens qu'on exige un tel accord, et on refusera que le Canada signe tout traité portant sur les ententes multilatérales sur les investissements, tout traité qui ne comporterait pas des dispositions quant aux lois sociales, aux lois du travail, à l'environnement et à l'exemption culturelle.
On ne veut pas d'un monde standardisé, américanisé, où la seule culture devient la culture américaine, où les seuls téléromans seraient des Dallas à répétition. On ne veut pas de ce monde, ni au Québec et, j'en suis sûr, ni au Canada.
On ne peut accepter non plus dans cette entente cette disposition de protection des investissements durant 20 ans. Aujourd'hui, le président élu de la Birmanie, pourtant en exil, est en visite ici à Ottawa. Ce pays, où il n'y a aucune règle démocratique, où la junte militaire domine, pourrait signer des ententes ignobles avec de grosses compagnies, portant sur une période de 20 ans, protégées pendant 20 ans, et le jour où enfin, et je suis convaincu que cela arrivera, la démocratie renaîtra en Birmanie, le gouvernement élu par le peuple et pour le peuple serait forcé de respecter ces ententes. C'est inacceptable.
Quand on parle du danger de perte de pouvoirs politiques par les parlementaires, par les institutions démocratiques, c'est ce que cela veut dire. On n'acceptera pas non plus que de telles ententes soient signées dans le cadre de l'OCDE, le club des riches. On ne peut pas accepter que les riches déterminent les conditions de vie de tous les peuples de tous les pays du monde. De telles ententes doivent inclure l'ensemble des pays et qu'on en discute à l'Organisation mondiale du commerce. C'est la place privilégiée pour en discuter.
Certains diront que dans ce contexte de globalisation, il n'y a pas de place pour les petits pays. C'est pourtant tout à fait l'inverse. On observe que les frontières économiques tombent et, en même temps, un certain nombre de pays qui naissent chaque année.
Dans ce nouveau contexte, la souveraineté du Québec désigne simplement la capacité politique, économique et juridique du peuple québécois de décider lui-même des conditions de son interdépendance avec les autres peuples. S'il était vrai que les petits pays soient impuissants face à la mondialisation, comment expliquer que des pays dont la population se situe entre 4 et 15 millions d'habitants—je pense à l'Autriche, au Danemark, à la Norvège, aux Pays-Bas, à la Suède, à la Suisse—performent mieux que le Canada en matière socioéconomique.
Ces exemples démontrent éloquemment qu'à l'heure de la mondialisation galopante, les petits pays peuvent faire des choix différents en fonction de leurs besoins, des besoins de leur population, qu'ils peuvent avoir un secteur public important, des politiques sociales progressistes, tout en ayant un taux de chômage plus faible que celui du Canada et un produit intérieur brut par habitant plus élevé que le Canada. Voilà des éléments de la réalité.
La question n'est donc pas d'être contre la mondialisation, mais plutôt de définir un cadre établissant les liens qui vont unir de façon équitable et juste les pays de cette planète. La question, pour tous les peuples du monde, c'est de déterminer comment ils peuvent participer pleinement aux grands ensembles économiques.
Parlant de la Communauté économique européenne, et de la France bien sûr, François Mitterrand disait que pour participer à un ensemble, il faut être avant tout soi-même. C'est ce que veulent les souverainistes. C'est là que loge le projet de souveraineté du Québec et c'est de cette façon que les souverainistes abordent la question de la mondialisation.
[Traduction]
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté les observations que le chef du Bloc a faites au sujet de l'AMI et de ses répercussions possibles sur le Canada, notamment dans le domaine culturel.
Étant donné que certaines dispositions de l'ALENA régissent déjà les quelque 70 p. 100 des investissements étrangers au Canada qui proviennent des États-Unis et que l'industrie de la culture est déjà soustraite à l'ALENA, même si les États-Unis ont le droit de répliquer en adoptant des mesures similaires à celles que nous prenons en matière de culture, le député n'est-il pas d'avis que notre culture est menacée principalement par les États-Unis, avec lesquels nous avons déjà une entente qui demeurera en vigueur, peu importe que nous ratifiions l'AMI ou non?
Comment le chef du Bloc protégerait-il la culture? Comment pense-t-il que l'AMI touchera à la culture, puisque nous avons déjà signé l'ALENA et que les grandes forces qui pourraient menacer notre culture sont aux États-Unis avec lesquels nous avons un accord qui demeurera en vigueur pour un certain temps? Annulerait-il l'exemption culturelle prévue dans l'ALENA?
[Français]
M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, la question me surprend un peu, parce que je pense que le danger est effectivement l'inverse, à savoir qu'une telle entente multilatérale sur l'investissement, celle qu'on appelle communément l'AMI, pourrait au contraire avoir des effets sur l'ALENA et sur l'Organisation mondiale du commerce.
Le club des riches, comme on l'appelle, l'OCDE, pourrait imposer cette entente, par la suite, de façon bilatérale, à plusieurs pays, faisant en sorte que l'OMC soit ensuite chapeautée par une telle entente et que l'ALENA soit forcé de suivre. C'est là que se trouve le danger.
Je rappelle à mon collègue que n'eut été du Québec dans les débats portant d'abord sur le libre-échange, par la suite sur l'ALENA et encore dans la dernière ronde de négociations de l'Organisation mondiale du commerce, c'est le Québec qui, appuyé par beaucoup de pays européens d'ailleurs, a poussé cette nécessité de l'exemption culturelle, de la protection de l'identité culturelle.
Or, cette prescription inscrite dans l'ALENA a été un gain, mais encore, c'est insuffisant. Rappelons-nous cette situation cocasse, paradoxale, je dirais malheureuse pour le Canada, où on a eu ce débat autour de l'achat, par des intérêts américains, de la maison Ginn Publishing, une maison d'édition. Pas un parti «canadian», ici à la Chambre, n'a dénoncé le fait qu'une des principales maisons d'édition canadiennes passe aux mains des Américains.
C'est le Bloc québécois, un parti souverainiste qui veut avoir son propre pays, qui s'est levé pour défendre les intérêts canadiens.
C'est pour cela qu'on veut avoir un débat. Je pense qu'il serait temps que de l'autre côté de la Chambre, ainsi que du côté du Parti réformiste, on cesse de penser que les multinationales, et que l'économie prise dans un contexte, sans aucune relation avec les autres valeurs humaines, représentent un veau d'or. C'est une erreur majeure. D'autres l'ont fait avant vous, et j'espère que de moins en moins le feront après vous.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, je suis très fier aujourd'hui de commenter cette motion très importante. Il est nécessaire de réduire l'écart entre les riches et les pauvres.
[Traduction]
D'ailleurs, les observations faites par le député sont justes. Les gouvernements ne cherchent pas vraiment à réduire l'écart entre les riches et les pauvres.
On n'a qu'à prendre l'exemple de ma province, la Nouvelle-Écosse, où les gouvernements, en exonérant certaines entreprises du remboursement de leurs dettes, vont jusqu'à remettre 47 millions de dollars à de grandes sociétés comme Michelin. Par contre, je traite personnellement le cas d'une famille autochtone qui vit dans une maison valant moins de 20 000 $ et qui risque d'être chassée de son logis par la SCHL en raison d'une saisie hypothécaire. Encore une fois, cela illustre nettement la différence et l'écart entre les riches et les pauvres et les priorités que se fixe le gouvernement.
Je n'ai pas vraiment de question à poser, mais je voulais faire quelques observations. Je félicite le député d'avoir proposé cette motion. À mon avis, il s'agit d'une motion très importante, qui mérite d'être sérieusement débattue par l'ensemble des députés.
[Français]
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, dans un processus de remise en question du pouvoir des parlementaires, j'ai sorti mon fauteuil de cette Chambre afin de provoquer un débat de société sur le paradoxe, souvent issu du nouveau contexte économique, qu'est la mondialisation. Ce paradoxe, c'est celui de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres malgré la croissance économique des dernières années.
Ce geste visait aussi à provoquer une réflexion au sein de la population en général sur les enjeux que représente cette nouvelle réalité de l'économie mondiale qu'est la mondialisation des marchés. Cet appel à la réflexion permettra, je le souhaite, une mobilisation de la population afin que nous, parlementaires de tous les partis politiques, puissions présenter à la population des solutions concrètes afin d'assurer le bien-être collectif.
Nous avons pu d'ailleurs assister récemment à l'émergence d'une telle mobilisation, résultat d'une réflexion populaire. En effet, aujourd'hui même, l'Accord multilatéral sur l'investissement aurait dû recevoir l'assentiment des 29 pays membres de l'OCDE. À la suite de la mobilisation populaire des citoyens de plusieurs pays signataires, cet accord est remis en question.
Cet accord qui, selon certains, se destinait à être la constitution de l'économie mondiale, n'est qu'une des nombreuses facettes qui compose le phénomène de la mondialisation. Lorsque la population se mobilise, les accords dont l'acceptation est présentée comme impérative et inévitable peuvent être remis en question.
Mon geste s'inspirait grandement de cette campagne de mobilisation populaire et visait à signaler à la population que des décisions la concernant directement sont prises sans consultation réelle au préalable.
Je désirais amener la population à s'intéresser à ces décisions. Mon action répondait à un besoin, puisque les gens se sont mobilisés en grand nombre. Aujourd'hui, je rentre dans ce Parlement fort de centaines d'appuis de la part de la population en général, et de partout, et d'organismes de toutes sortes.
J'ai le sentiment que la population veut des solutions concrètes, car elle a répondu favorablement au message que je voulais porter par l'entremise de mon action, somme toute provocatrice.
Je sens que la population se pose des questions sur le phénomène de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres à l'intérieur de notre société et ce, dans un contexte de mondialisation.
C'est un questionnement que je partage, et en ce sens, j'entreprendrai des consultations avec les intervenants intéressés à ce débat afin que la population fasse connaître ses préoccupations et suggère des solutions adéquates et pertinentes.
Ces consultations, qu'elles proviennent de groupes de réflexion, d'assemblées de cuisine ou de toutes sortes d'autres manifestations, viseront, dans un premier temps, à alimenter le débat au sein de la population et, dans un deuxième temps, permettront aux parlementaires que nous sommes d'avoir des outils efficaces afin d'orienter le débat sur les façons d'aborder ce nouveau débat de société.
J'ose espérer qu'en plus de ces consultations, la population se mobilisera afin de signer la pétition que j'ai mise en circulation et qui demande qu'un comité parlementaire soit créé dans le but d'examiner notre capacité, en tant que parlementaires, à réduire les écarts entre les riches et les pauvres dans le nouveau contexte de la mondialisation des marchés et de suggérer des solutions concrètes.
Je désire ajouter que je ne doute pas de l'assentiment de la population. D'ailleurs, comme je le disais plus tôt, les appuis en ce sens démontrent qu'une bonne partie de la population croit en l'urgence d'un tel débat. À cet effet, un de mes objectifs est d'apporter à la Chambre, pour commencer, les signatures de 50 000 personnes sur cette pétition.
Je viens de faire part de deux objectifs concrets: celui de faire participer la population à ce débat et celui de faire en sorte que les parlementaires puissent dégager des pistes de solutions efficaces. Cela dit, afin que les parlementaires puissent dégager ce genre de pistes, il est nécessaire de savoir sur quel genre de questions ceux-ci se pencheront dans le cadre d'un comité parlementaire.
À cet effet, voici quelques suggestions pour l'élaboration des lignes directrices visant l'étude en comité. Outre l'examen des enjeux de la mondialisation et de l'influence sur les décisions des parlementaires, il serait sans doute important de faire la conciliation entre les impératifs de la croissance économique et ceux du développement social dans un contexte de compétitivité internationale.
Afin d'en connaître un peu plus sur les institutions internationales, il serait sans doute pertinent d'examiner la légitimité démocratique de celles-ci et de comprendre efficacement les conséquences de leurs décisions respectives sur la marge de manoeuvre que nous, parlementaires, tentons de dégager à l'échelle nationale. Est-ce que ces mêmes institutions auraient besoin d'être réformées comme plusieurs intervenants le suggèrent et de la manière dont nous le voulons? C'est ce que nous devrions étudier.
Je crois utile d'explorer davantage les politiques sociales contemporaines prises par les parlementaires de différents pays dans le contexte de la mondialisation et d'examiner l'intégration des clauses dites sociales dans les différents accords multilatéraux internationaux. J'estime que l'AMI nous invite à y réfléchir sérieusement. Comment pourrions-nous avoir un contrepoids démocratique et efficace au plan international qui pourrait servir à promouvoir, à protéger et à sauvegarder les acquis sociaux des États nations?
Partout dans le monde, des suggestions et des pistes de solutions sont émises pour contrer les effets négatifs de la mondialisation et, surtout, pour l'adapter à l'humain plutôt que d'adapter l'humain à la mondialisation. Dans son dernier budget, le ministre des Finances déclarait qu'à des problèmes fondamentaux, il fallait des solutions fondamentales. Je dis qu'à des problèmes internationaux, des solutions internationales s'imposent.
J'assure les députés que ce comité pourrait faire en sorte que nous, dans ce Parlement, ayons une attitude avant-gardiste sur la scène internationale et qu'avec des solutions concrètes, nous pourrions résoudre la question du pouvoir de nos sièges respectifs dans ce contexte de mondialisation.
Afin de soutenir et de marquer l'importance de cette motion, je propose l'amendement suivant:
Que la motion soit modifiée en ajoutant, entre les mots «d'agir» et «se forme», ce qui suit: «rapidement».
De plus, afin de démontrer à la population tout l'intérêt que nous, parlementaires, avons pour la question de l'écart entre les riches et les pauvres, je demande le consentement unanime de cette Chambre afin que cette motion puisse faire l'objet d'un vote.
Le vice-président: L'amendement est recevable.
Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que la motion et l'amendement puissent faire l'objet d'un vote?
Des voix: Oui.
[Traduction]
Une voix: Est-ce qu'il s'agit de l'amendement et de la motion?
Le vice-président: Oui. La Chambre est-elle d'accord pour que l'amendement et la motion fassent l'objet d'un vote?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: Il n'y a pas consentement. La question porte sur l'amendement. Reprise des questions et observations. Le whip du Bloc québécois.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
À moins que je ne fasse erreur, vous avez demandé une première fois le consentement unanime et celui-ci a été accordé. Vous l'avez demandé une deuxième fois et cette fois, il n'a pas été accordé. Je prétends que le consentement avait été accordé.
Le vice-président: Non. Quand j'ai posé la question pour la première fois, le secrétaire parlementaire du ministre des Transports a demandé: «Pour l'amendement?» J'ai répondu: «Pour la motion et l'amendement. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'ils fassent l'objet d'un vote? C'est pour les deux.»
M. Louis Plamondon: Vous êtes là pour servir la Chambre, pas les libéraux.
Le vice-président: Je crois que la décision de la Chambre est que la motion ne peut pas, à ce moment, faire l'objet d'un vote. On peut poser la question encore une fois et je suis certainement capable de le faire. Comme on le sait, une telle demande est un événement fréquent dans cette Chambre.
M. Stéphane Bergeron: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le Président, il est très clair, et peut-être que les «bleus» pourront le démontrer tout aussi clairement, que vous avez demandé, dans un premier temps, le consentement unanime de la Chambre et que celui-ci a été accordé.
À la suite de ce consentement, nous avons effectivement entendu le secrétaire parlementaire vous poser une question, mais c'était subséquent à l'obtention du consentement unanime de la Chambre qui vous a été donné.
Le vice-président: Je vais poser la question encore une fois. Est-ce qu'il y a consentement unanime de la Chambre pour que la question fasse l'objet d'un vote?
Des voix: Oh, oh!
[Traduction]
Une voix: Vous êtes au service de la Chambre et non des libéraux.
[Français]
Le vice-président: Oui, je suis ici pour servir la Chambre. Je suis le serviteur de la Chambre.
Des voix: Oh, oh!
[Traduction]
Le vice-président: Le député n'est pas d'accord, mais je crois que la situation est claire. J'ai posé la question. Le secrétaire parlementaire a répondu en posant une question; j'ai alors répondu à la question du secrétaire parlementaire et formulé la question pour que la Chambre la saisisse clairement. Il demandait des éclaircissements au sujet de ma question sur la possibilité que la question fasse l'objet d'un vote, et j'ai répondu.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, je réitère qu'au moment où vous avez demandé le consentement unanime, vous l'avez obtenu. Le secrétaire parlementaire qui était près des rideaux s'est avancé après que le consentement eut été donné. Il a demandé si le consentement portait sur l'amendement ou sur la motion elle-même.
Vous aviez obtenu ce consentement, monsieur le Président. Si vous décidez de changer la décision de cette Chambre, cela donne un très piètre exemple du type de débat qu'on peut avoir, entre parlementaires, sur la question de la mondialisation, si les règles sont changées en cours de route.
[Traduction]
M. Stan Keyes: Monsieur le Président, ce qui est clair, selon moi, c'est que, lorsque vous avez posé la question pour la première fois, le secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor a dit non. Lorsque vous êtes intervenu pour poser la deuxième question, j'ai demandé des éclaircissements parce que je n'avais pas entendu l'interprétation. Je voulais savoir si on avait demandé le consentement unanime pour que la motion fasse l'objet d'un vote, et je vous ai remercié de cette précision. Vous avez posé la question, et j'ai dit non. La motion ne peut faire l'objet d'un vote, et cela ne va pas changer.
[Français]
M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, voilà une deuxième version des faits. Vous dites: «On a dit oui.» Personne n'a entendu le secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor. Tantôt, c'était oui. Là on vient d'avoir une nouvelle version disant: «Quelqu'un avait dit non.» Peut-être que quelqu'un avait pensé non. On est ici pour penser, je l'espère, mais aussi pour parler. Or, voilà une deuxième version.
J'espère que la décision va être respectée au sujet d'accorder le consentement unanime. Si ce n'est pas le cas, voilà, comme le disait mon collègue, un piètre exemple des débats que l'on a ici.
Si vous maintenez la décision, j'espère qu'ils expliqueront pourquoi ils sont contre et pourquoi ils ont une attitude de béni-oui-oui qu'ils vont suivre lors du vote de ce soir sur l'hépatite C. C'est la même attitude de gens irresponsables.
Le vice-président: S'il y a le consentement unanime de cette Chambre pour une proposition, il faut que la Chambre comprenne la question posée. L'honorable secrétaire parlementaire a indiqué exactement ce que j'ai dit; il n'a pas compris la question que j'ai posée à la Chambre. Il a indiqué le manque de clarification sur ce point.
Le consentement unanime n'est prononcé que lorsque le Président de la Chambre a indiqué, après avoir posé la question, qu'il y a le consentement unanime et que la question est décidée.
Je n'ai pas fait une telle déclaration ou rendu une telle décision à cause du fait que j'ai reçu la question. Le sujet est très clair et il est maintenant clos.
Nous passons aux questions et commentaires.
M. Louis Plamondon: J'invoque le Règlement, monsieur le Président.
Le vice-président: Si c'est sur le même point, je ne veux pas entendre d'autres arguments. J'ai entendu assez d'arguments sur cette question.
M. Louis Plamondon: Monsieur le Président, je n'interviendrai que pour dix secondes. Lorsque nous avons demandé le consentement unanime, le secrétaire parlementaire était absent. Il ne peut donc pas dire qu'il s'y est opposé. Donc, il y a eu consentement unanime.
Je voudrais préciser maintenant que je ne vous donne pas le consentement unanime pour redemander un nouveau vote.
[Traduction]
M. Ovid L. Jackson: Monsieur le Président, j'étais à la Chambre à ce moment-là et j'ai dit non, mais peut-être pas assez fort. Mais j'ai bel et bien dit non et j'ai fait signe de la tête. J'étais donc présent à la Chambre.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, je vous suggère sincèrement et respectueusement d'écouter les enregistrements et de lire les «bleus» pour effectivement confirmer que vous avez obtenu le consentement unanime de cette Chambre, lequel a été nié par la suite, mais le consentement, vous l'aviez. Et il n'est pas normal que vous redemandiez le consentement jusqu'à ce que vous ne l'obteniez plus.
M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, je pense que le secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, qui n'était pas assis à sa place, vient de l'admettre. Il n'a pas parlé, il a fait signe non de la tête.
Il vient d'admettre qu'il n'a pas parlé, qu'il a fait un signe de la tête, et jusqu'à ce jour, on doit se servir de sa tête avant de parler, j'en conviens, mais quand vient le temps de donner, oui ou non, son consentement, on le fait en parlant, pas en gesticulant. Il vient de dire qu'il a fait cela.
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. C'est la fin de l'argument.
Nous avons ici un cas où il n'y avait évidemment pas de consentement unanime.
Une voix: Il y a eu consentement.
Le vice-président: Non, il n'y a eu pas de consentement jusqu'à ce que la Présidence ait indiqué que la question était décidée. Je n'ai pas rendu une telle décision. Je n'ai pas donné une telle indication à cause du fait que je n'ai pas obtenu un consentement unanime clair.
Quand le secrétaire parlementaire a posé sa question et que j'y ai répondu, il a indiqué qu'il ne donnait pas son consentement, et cela a mis un terme à la chose. Ce débat est terminé.
Je cède la parole à l'honorable député d'Acadie—Bathurst.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter mon collègue de Lac-Saint-Jean. Je dirai dans mon langage qu'il a eu les «guts» de sortir de la Chambre des communes avec son fauteuil pour commencer un débat sur le problème de la pauvreté au Canada. Il y a des enfants qui vont à l'école sans avoir mangé.
Je dois donc me lever pour le féliciter. J'espère que les médias donneront une autre tournure à cette question, qu'ils cesseront de parler du fauteuil et qu'ils commenceront à parler des pauvres du pays.
Ma question à mon collègue est la suivante. Ne trouve-t-il pas que depuis que le Canada a signé l'Accord de libre-échange et l'ALENA, alors qu'ils se dirige vers la signature de l'AMI, on a plus que jamais de banques alimentaires au Canada?
Je vous garantis que ce n'est pas de la Banque Royale dont on parle. Il s'agit des banques alimentaires où des familles sont obligées d'aller y chercher de la nourriture parce qu'elles n'ont plus d'argent. La caisse de l'assurance-emploi a atteint des milliards de dollars, alors qu'il y a des Canadiens qui crèvent de faim.
Alors, j'aimerais avoir une réponse de mon collègue de Lac-Saint-Jean.
M. Stéphan Tremblay: Monsieur le Président, tout d'abord, je suis fort heureux de voir que je reçois des appuis non seulement du Bloc québécois, mais aussi d'autres partis. J'espère que mes collègues d'en face et de tous les partis se saisiront de cette question. Qui plus est, même s'ils ne le font pas maintenant, je pense que le temps me donnera raison et que nous devrons éventuellement nous pencher très sérieusement sur cette question.
Par rapport à la question que mon collègue d'Acadie—Bathurst m'a posée, la raison fondamentale pour laquelle j'ai sorti ce fauteuil, c'était pour entamer un débat de société. Je n'ai jamais dit que j'avais les réponses à tout. Là où je vais me concentrer et mettre des efforts, c'est vers la population et les parlementaires pour insister sur la nécessité d'avoir un débat à ce niveau, c'est-à-dire sur les conséquences de la mondialisation des marchés sur le pouvoir politique.
Si tel est le cas, si on en arrive à la conclusion que la mondialisation des marchés restreint le pouvoir des parlementaires d'ici mais également des autres pays, il sera urgent que la population se saisisse de cette question et qu'elle comprenne les nouveaux enjeux auxquels elle fait face.
Je l'ai dit régulièrement cette semaine, s'il est vrai qu'il existe une perte de pouvoir politique, cela veut dire qu'on est soi-disant en perte de démocratie. Cela veut donc dire que nous sommes tous concernés, autant les partis politiques à la Chambre que la population en général.
Je n'ai pas la réponse à toutes les questions, loin de là. Mais ce que je sens, c'est qu'il y a une absence de débats et de points de vue des parlementaires et de la population. C'est cela qui m'inquiète davantage.
Bien entendu, on peut étudier les conséquences directes de la mondialisation, et il y en a plusieurs. Mais là où je crois qu'il faut en venir, et rapidement, c'est à un débat complet. À partir de là, nous nous pencherons sur des détails spécifiques, sur les conséquences, les enjeux et surtout sur les pistes de solution que nous devrons entamer pour faire en sorte que cette mondialisation des marchés soit encadrée et qu'elle soit bonne pour les citoyens de ce pays et d'ailleurs.
Voilà le défi auquel on fait face. Comme je le disais, c'est un message compliqué et un débat qui ne fait que commencer. Il s'agit probablement une lutte qui va durer 10 ans. C'est la raison pour laquelle il faut s'en saisir le plus rapidement possible.
J'espère qu'en parallèle avec la population qui se saisira, je l'espère, davantage de ces questions, les parlementaires ici, à la Chambre, seront à l'écoute des intérêts de la population et feront en sorte qu'on arrive à des pistes de solution plus concrètes.
[Traduction]
M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire une observation au sujet de mon jeune collègue, le député de Lac-Saint-Jean. Je suis très heureux qu'il ait rapporté son siège et qu'il continuera de siéger à la Chambre.
J'étais à la Chambre quand il a manifesté sa frustration en quittant les lieux avec son siège. J'y ai vu la frustration d'une personne dans la vingtaine dont l'idéalisme n'a pas encore été tempéré par le réalisme que confère l'âge.
Je lui dirais de ne jamais renoncer à son idéalisme. Qu'il le maintienne à tout jamais. Avec les années qui passent, il constatera que l'idéal est toujours tempéré par la réalité.
C'est frustrant de faire le constat que la pauvreté semble augmenter dans le monde. Je ne crois pas que l'on puisse isoler la pauvreté chez les enfants de la pauvreté en général. Pour moi, qui dit pauvreté des familles dit également pauvreté des enfants. Les deux vont de pair. Il n'existe donc pas de formule magique permettant d'éliminer la pauvreté chez les enfants d'un coup de plume ou au moyen d'un chéquier.
Je voudrais également me prononcer sur certains arguments qui sont avancés dans le cadre de ce débat, arguments qui vont à l'encontre de certains éléments qui sont précisément de nature à atténuer la pauvreté chez les enfants et à contribuer à l'essor des économies dans le monde. Pour mettre les choses en perspective, il faut se pencher sur le passé et sur la condition qui était celle des humains avant que les pays ne commencent à interagir entre eux.
C'est au cours des années cinquante que le Canada a commencé à nouer des relations officielles avec d'autres pays avec lesquels il avait fait le commerce dans le passé, surtout sous le régime colonial dans lequel nous vivions à l'époque. Les premiers accords d'investissement ont vu le jour dans les années 50. Jusqu'à maintenant, je crois savoir que le Canada a conclu avec d'autres pays 54 accords bilatéraux sur l'investissement. Il existe dans le monde 1 600 accords bilatéraux sur l'investissement.
L'idée qui sous-tend l'Accord multilatéral sur l'investissement est fort simple. Il s'agit de permettre à un plus grand nombre de pays de marcher d'un même pas. Nous espérons que le jour où ce cadre aura été établi, l'Organisation mondiale du commerce, qui regroupe 132 pays, verra qu'il est judicieux de fonctionner en vertu d'un cadre commun.
Tout va bien pour le Canada parce qu'il a pour principal partenaire commercial les États-Unis. Les deux pays se comprennent réciproquement et ils s'efforcent, en dépit de quelques ratés, de faire preuve d'une certaine équité l'un envers l'autre. Nos échanges commerciaux peuvent donc se passer d'un AMI et d'accords supplémentaires. Cependant, alors que d'autres pays sur terre, des pays pauvres, cherchent à améliorer leur niveau de vie et à mettre fin à la pauvreté, nous nous rendons compte que le fait pour ces pays d'avoir des règles communes les aidera et nous aidera aussi.
Par ailleurs, je dois dire que nous reconnaissons, je pense, que les gouvernements fermés ne fonctionnent pas bien dans un village planétaire. En fait, ils échouent lamentablement. Prenons, par exemple, la Corée du Nord, un gouvernement communiste totalitaire qui s'est isolé et refuse pratiquement de communiquer avec le reste du monde. La famine, la pauvreté dans ce pays sont telles que la Corée du Sud, son ennemi par excellence, lui envoie maintenant de l'aide pour essayer, à sa façon, de l'aider en cette période de crise.
En revanche, les gouvernements ouverts y gagnent. Leur richesse et leur base économique augmentent et ils sont donc mieux en mesure de s'attaquer à la pauvreté qui, dans une certaine mesure, existe dans tous les pays du monde. Elle existe au Canada, en France, en Europe, en Asie, et partout ailleurs. Nous le reconnaissons.
La solution n'est pas l'argent. La solution est de trouver un dénominateur commun et d'établir la base économique qui permettra à ces pays de prospérer. C'est pourquoi nous recherchons ces accords, pour pouvoir établir les règles de façon à ce qu'une entreprise canadienne n'ait pas peur d'investir dans un autre pays.
Prenons par exemple cette firme de Nouvelle-Écosse qui a formé un partenariat avec la compagnie Aeroflot et le gouvernement russe pour construire un hôtel l'année dernière. Un conflit a surgi parce qu'il n'existe pas d'AMI avec la Russie, parce que nous n'avons pas d'accord bilatéral avec ce pays.
Ces gens se sont alors retrouvés seuls dans un dédale administratif complexe et ils ont fait face à de nombreux problèmes. C'est un désavantage important pour une compagnie ou un investisseur potentiel qui veut s'établir à l'étranger et qui ce faisant vient en aide à l'économie de ce pays et contribue à la création d'emplois et à la croissance d'un pays qui n'est pas le sien.
Cette interaction est un élément positif pour chacun d'entre nous. La mondialisation apporte davantage de pouvoirs à tous les pays qui veulent bien en tirer profit. Je reconnais que cela crée également des incertitudes. On craint souvent l'ingérence au niveau culturel et à d'autres niveaux. Chacun des pays qui a participé aux négociations de l'AMI a ses préoccupations et ses réserves. C'est tout à fait normal. Il est bien normal que l'on veuille tenir le débat culturel à l'écart de l'accord. Nous l'avons déjà dit. Nous avons été très clairs à ce sujet. Nous avons dit que si certains pays insistent pour que ces éléments soient inclus dans l'entente qui les concerne, nous prévoirons des clauses de réserve s'appliquant à notre pays. C'est un critère essentiel, et ça ne cause pas vraiment de problème.
Pendant les quelques quarante ans où ces ententes ont eu cours, aucune compagnie n'est venue prendre le contrôle sur les politiques de ce pays. Aucune organisation multilatérale n'a jamais écrasé le Canada. Si on recherche vraiment un exemple de pays où l'industrie et les grandes organisations peuvent avoir une incidence sur les politiques, il suffit de se tourner vers Washington et de voir comment fonctionne ce gouvernement. Des membres quasi honoraires des grandes compagnies adoptent en réalité des politiques qui avantagent ces compagnies. C'est une chose qui ne se produit pas au Canada. Cela ne s'est jamais produit au Canada et cela ne se produira pas tant que les Canadiens y verront.
Le niveau de nos exportations a considérablement augmenté depuis que nous avons commencé à signé des accords. Le nombre des emplois créés s'est également accru. Nous aimerions bien que cette situation se poursuive, mais nous le voulons pour nous-mêmes, ce qui semble bien être un sentiment intéressé. Il s'agit toutefois également de générosité. Nous voulons que cette situation se poursuive pour tous les pays du monde et pour tous les peuples du monde et nous sommes prêts à avoir recours à tous les outils dont nous disposons pour tenter de faire disparaître la pauvreté, particulièrement celle dont souffrent les enfants.
[Français]
Le vice-président: Le député de Terrebonne—Blainville a la parole pour des questions et commentaires.
M. Paul Mercier: Monsieur le Président, voyant que mon collègue de Lac-Saint-Jean veut prendre la parole, je lui cède ma place.
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je me dois de répondre à quelques éléments soulevés dans le discours du député d'en face.
Il a parlé de mes illusions, qu'à mesure que je vais vieillir, je devrais perdre mes illusions. Est-ce que c'est ça, sa réponse? Je devrais donc baisser les bras aujourd'hui, parce que je vais perdre mes illusions dans 20 ans? Je ne pense pas. Je me sens concerné par l'avenir.
Je pense qu'il y a des débats intéressants qui doivent être faits maintenant. Il y a de nouvelles manières de procéder, justement pour faire ces débats de société. Ce n'est pas en me fiant sur ce qui s'est fait dans le passé, constamment, que je vais baisser les bras et me dire: «Non, on n'a pas le choix.»
C'est à cela que j'ai voulu réagir. C'est un des éléments majeurs sur lequel j'ai voulu réagir, soit le fait de dire: «Écoutez, on n'a pas le choix. On n'a pas le choix devant l'inévitable économique, devant la mondialisation des marchés. Chers citoyens, vos gouvernements n'ont plus aucun pouvoir.» Je refuse de le croire.
Je pense que si la population se mobilise, si elle croit qu'on peut faire de la mondialisation un instrument pour tous, en particulier pour ceux de ma génération, je pense qu'on peut changer des choses.
On peut m'accuser d'être un idéaliste, de croire en quelque chose d'utopique, mais au moins je vais lutter, je vais me bagarrer. C'est cela que je veux faire. Je veux me bagarrer, mais dans l'intérêt de la population.
Quand je reçois huit appuis sur dix pour le geste que j'ai posé, un geste qui, en soi, remettait en question une des valeurs fondamentales de notre société, c'est-à-dire la démocratie, je pense qu'il y a lieu de se poser certaines questions.
Je ne veux pas discuter précisément de l'Accord multilatéral sur l'investissement, mais bien plus de la manière dont cela s'est fait, en catimini. En fin de compte, on était en train de récrire la constitution économique mondiale, mais personne ou pratiquement personne ne le savait, en tout cas certainement pas la population, ni moi, en tant que parlementaire, en tant que représentant de la population. Nous avons été informés du contenu de l'Accord multilatéral sur l'investissement sur le tard.
Je pense que lorsqu'il y a un débat de société aussi large qui doit se faire, la population doit en être informée. Même si c'est un débat qui est complexe et long, j'en conviens, cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas s'y attarder dès maintenant.
Je n'ai donc pas l'intention de baisser les bras. Je pense que la seule chose qui soit inévitable... Non, en fait, il n'y a rien d'inévitable. Réflexion faite, il n'y a rien d'inévitable. Tout ce qui rend les choses inévitables, c'est de baisser les bras.
[Traduction]
M. Julian Reed: Monsieur le Président, j'espère que le député n'a pas mal interprété mes propos. Je lui ai dit, non pas de renoncer en quoi que ce soit à son idéalisme, mais de reconnaître avec le temps que la politique est l'art du possible et que nous cherchons à nous diriger vers une voie et qu'il faut bien souvent se battre pour y arriver.
Je suis heureux que le député accepte le principe de la mondialisation. Des représentants de la Banque mondiale ont comparu devant le comité aujourd'hui. Ils ont parlé, entre autres, du développement rural et de la pauvreté, qui préoccupent très vivement la Banque mondiale. Ils recommandent notamment une plus grande libéralisation mondiale du commerce des produits agricoles, condition nécessaire pour faire en sorte que les pays puissent compter sur les marchés internationaux, plutôt que sur des politiques d'autarcie, pour assurer la sécurité de leurs approvisionnements alimentaires.
M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, une des grandes préoccupations des Canadiens dans toute cette question, c'est le secret qui entoure cet accord et les discussions qui ont lieu derrière des portes closes.
Ce n'est que l'année dernière, pendant la campagne électorale, que nous avons entendu dire que cet accord se prépare depuis plusieurs années. Qu'y a-t-il de si secret dans cet accord pour qu'il ne soit pas dévoilé publiquement à la population canadienne?
M. Julian Reed: Monsieur le Président, le processus de négociation de l'AMI puise ses racines dans les processus de négociation de tous les accords commerciaux bilatéraux qui sont conclus depuis de nombreuses années. Depuis le tout début, on pouvait obtenir les renseignements par l'entremise de l'OCDE, mais aucun journaliste n'a suivi le dossier, personne ne l'a examiné jusqu'à ce qu'une ébauche paraisse sur Internet en mai dernier. Une ébauche n'est pas un texte, mais on l'a interprétée comme tel. Ce qu'elle ne renfermait pas à l'époque, c'est une liste de réserves formulées non seulement par le Canada, mais aussi par tous les pays de l'OCDE. Ce sont là les fondements de la négociation.
Le vice-président: Je suis désolé d'interrompre le secrétaire parlementaire, mais son temps est écoulé.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion présentée par le Bloc en cette journée d'opposition, bien que j'aie quelques difficultés à comprendre précisément ce que demande ce parti.
Je constate qu'il a lié la pauvreté des enfants à la mondialisation des marchés et à l'Accord multilatéral sur l'investissement; j'entends traiter de ces questions comme telles. La motion me semble cependant poser un problème au départ car je ne crois pas que ces deux questions soient liées.
Il m'apparaît évident que les libéraux gèrent mal l'économie. On trouve encore de la pauvreté là où elle ne devrait plus exister au Canada. Je crois également que la pauvreté chez les enfants ne peut être dissociée de celle des familles. Aussi, si les personnes qui composent les familles avaient des emplois bien rémunérés, cela contribuerait grandement à éliminer le problème.
Je crois aussi que les libéraux gèrent mal l'AMI. Le ministre se trouve aujourd'hui à l'OCDE, à Paris, pour donner le coup de grâce à l'AMI, pendant que le premier ministre est à Cuba, où il discute de la signature d'un accord d'investissement avec ce pays.
Cuba a exproprié tous les investissements canadiens et étrangers et le premier ministre parle maintenant de signer un accord d'investissement avec ce pays et de geler l'Accord multilatéral sur l'investissement, qui aiderait beaucoup de sociétés canadiennes et, partant, beaucoup de travailleurs canadiens et leurs enfants, en créant de nombreux emplois bien rémunérés. Il y a là un problème.
Le député de Calgary-Centre insistera davantage sur la question de la pauvreté des enfants et sur les solutions qui existent, mais je voudrais néanmoins soulever quelques points.
Le Parti réformiste croit qu'il est important que toutes les familles canadiennes puissent avoir des emplois intéressants et bien rémunérés. Ce serait possible si nous avions un gouvernement compétent. Il est tout à fait déplorable que des Canadiens gagnant 15 000 $ par année soient tenus de payer de l'impôt au Canada. C'est une situation tout à fait inacceptable. Cette catégorie de personnes regroupe quelque 2,6 millions de Canadiens qui, croyons-nous, ne devraient pas figurer sur le rôle d'imposition, mais avoir la possibilité de conserver une partie de leur revenu si durement gagné.
Je voudrais parler du rôle du gouvernement. Le Nouveau Parti démocratique et le Bloc voudraient nous faire croire que le gouvernement doit jouer un rôle interventionniste. Le Parti libéral l'a fait dans le passé. Depuis une trentaine d'années, les Canadiens vivent sous un gouvernement interventionniste et dans un régime de sociologie appliquée. Certains voudraient voir le Canada se replier sur lui-même et s'isoler du reste du monde. Ils voudraient que nous revenions aux lourdes barrières tarifaires qui existaient du temps de Sir John A. Macdonald. Je ne crois pas que nous servirions bien les intérêts du Canada en agissant ainsi. L'exemple de la région de l'Atlantique montre bien l'inefficacité de ce genre de politique.
Avant la Confédération, plusieurs régions du Canada se tiraient très bien d'affaire. Les provinces de l'Atlantique entretenaient des relations commerciales très profitables avec les États de la Nouvelle-Angleterre. Cette région était située à proximité d'un corridor commercial naturel.
Il y a eu la Confédération, et sir John A. Macdonald a établi sa politique nationale de droits élevés, politique visant à orienter la circulation des produits et services d'est en ouest et vice versa. Quel effet cela a-t-il eu sur le Canada atlantique? Au bout d'un certain temps, il est devenu dépendant de différentes mesures comme l'assurance-chômage, les subventions au titre du développement régional et l'aide sociale, parce qu'il était saigné à blanc par le Canada central. Dès leur instauration, les barrières ont eu pour effet d'empêcher un commerce efficace avec les États de la Nouvelle-Angleterre.
À mon avis, il a été prouvé partout dans le monde que les barrières ne fonctionnent pas. Tout pays qui a unilatéralement démantelé ses barrières commerciales en a bénéficié. Par conséquent, nous devons favoriser un climat plus propice pour que les entreprises canadiennes se portent bien. Par la même occasion, les travailleurs dans ces entreprises canadiennes se porteront bien eux aussi et auront des emplois rémunérateurs.
Notre comité a étudié la situation de petites et moyennes entreprises dans le contexte du commerce international. Certains témoins ont dit qu'au Canada, le climat n'est absolument pas propice pour les entreprises. Des témoins ont expliqué que si nous ne sommes pas concurrentiels à l'échelle internationale, c'est parce que nous payons des impôts très élevés. Les Canadiens restent les individus les plus taxés du G-8. Nous avons beaucoup de réglementation dont il est difficile de venir à bout. Un témoin nous a dit qu'il est plus facile pour son entreprise de faire des affaires en déménageant son siège social de l'Ontario en Illinois et en réexpédiant ensuite ses produits au Canada. Il est plus facile d'expédier ses produits de l'étranger que d'une province canadienne à une autre. C'est tout simplement inacceptable.
À mon avis, c'est parce que nous avons eu des gouvernements interventionnistes que notre dette atteint 600 milliards de dollars, dette qui oblige les contribuables canadiens à consacrer le tiers de chaque dollar de recette fiscale qu'ils versent à Ottawa simplement pour payer les intérêts sur celle-ci. C'est comme si l'on se creusait un trou dans le sol. Ces genres de gouvernement qui sont intervenus dans l'économie et dans nos vies personnelles sont à l'origine de la situation actuelle.
Il nous suffit de penser simplement à toutes les entreprises qui ont été privatisées au cours des dernières années, qui profitaient des largesses du gouvernement et qui avaient besoin d'énormes subventions chaque année pour exister. Le CN, Air Canada, Petro-Canada sont toutes des entreprises rentables maintenant. Or, elles venaient toutes puiser dans les deniers publics.
Les aéroports canadiens fonctionnent de façon indépendante et s'en tirent fort bien. Les administrateurs d'un petit aéroport, à Peace River, qui a été cédé à la collectivité il y a deux ans, m'ont dit qu'ils s'en sortaient fort bien et qu'ils réalisaient des profits. Avant cela, cet aéroport avait besoin de fonds publics à hauteur de 400 000 $ par année pour poursuivre ses activités.
On doit à ce gouvernement interventionniste le Programme énergétique national et l'AEIE, l'Agence d'examen de l'investissement étranger, qui a découragé les investissements au Canada. Le gouvernement est intervenu non seulement dans l'économie, dans nos vies personnelles, mais également dans des domaines de compétence provinciale comme l'éducation, le logement, le tourisme et la formation de la main-d'oeuvre, ce qui a causé des dédoublements.
Comment se fait-il que dans un pays aussi merveilleux que le Canada, nous ayons des régions où le taux de chômage est de 60 p. 100? C'est tout simplement inacceptable. C'est l'endettement qu'on doit aux gouvernements interventionnistes qui est la cause de tout cela. Je le répète, 2,65 millions de personnes gagnent moins de 15 000 $ par année et doivent quand même payer des impôts au gouvernement fédéral. C'est inacceptable. Nous devons mettre de l'ordre dans nos affaires, en premier lieu.
La sociologie appliquée du passé nous a donné l'assurance-emploi. Vingt-cinq régions différentes du pays sont admissibles à cette assurance-emploi, en fonction de critères différents. Depuis 30 ans, les taux d'assurance-emploi au Canada sont de 5 p. 100 supérieurs à ceux des États-Unis, année après année. On peut le démontrer graphiquement. Ils montent et descendent, mais demeurent à 5 p. 100 au-dessus de ceux des États-Unis. Comment expliquer cela? C'est attribuable à l'ingénierie sociale des gouvernements interventionnistes.
Cela m'amène à l'aspect de la motion d'aujourd'hui qui porte sur la mondialisation, dans le cadre de l'AMI. Je crois, à l'instar de notre parti, que le Canada a besoin d'un régime libéralisé sur le plan du commerce et des investissements, s'il veut prospérer.
Pour la première fois, en 1998, le montant des investissements canadiens à l'extérieur du Canada a dépassé le montant des investissements étrangers au Canada. C'est une tendance qu'on constate depuis quatre ou cinq ans. Cela reflète une nouvelle confiance des Canadiens dans la possibilité de s'implanter sur le marché mondial.
Il y a 30 millions de personnes sur le marché canadien qui pensent que ce marché est trop petit et qui veulent profiter du marché mondial. Nous avons beaucoup de choses à offrir. Si nous devons commercer avec ces pays comme nous le faisons, dans bien des cas, il faudra que les Canadiens fassent des investissements.
Quelles multinationales canadiennes investissent à l'étranger? Ce sont des entreprises d'ici. Elles emploient des Canadiens ici chez nous. Les caisses de retraite des Canadiens investissent dans ces entreprises. Elles sont cotées à la bourse. Des fonds mutuels, des REER, sont investis dans ces entreprises canadiennes. Il est dans notre intérêt qu'elles s'en sortent bien. Elles ont besoin de la protection offerte par certaines règles fondamentales en matière d'investissement. Nous pouvons les protéger de plus d'une façon.
Il faut laisser mourir l'AMI. Le ministre du Commerce international semble prêt à le laisser plonger dans un coma profond à l'OCDE. Nous pouvons signer des accords bilatéraux sur l'investissement pour atteindre les mêmes objectifs. Nous l'avons fait souvent dans le passé. Nous avons également un accord sur l'investissement avec les États-Unis et le Mexique, l'ALENA qui régit déjà 70 p. 100 des investissements au Canada. Cela ne va pas changer, que nous ayons l'AMI ou non.
Nous pouvons poursuivre dans cette voie. Il existe quelque 1 600 accords sur les investissements dans le monde. Ce serait beaucoup plus simple d'en avoir un seul, que tout le monde pourrait considérer comme la règle pour les investissements, comme ce fut le cas des règlements sur le commerce des biens pendant 50 ans. Si nous ne voulons pas le faire, nous ne sommes pas obligés.
Dans un geste symbolique, le député de la circonscription de Lac-Saint-Jean a sorti son siège de la Chambre des communes, l'autre jour, et a fait un peu parler de lui de cette manière. Ce geste est plus éloquent qu'il n'en a l'air. Cela en dit long au sujet d'un parti qui veut se séparer du Canada et dresser des frontières autour du Canada, un parti qui prône une politique d'isolement. Cela ne fonctionne tout simplement pas.
De grands changements se produisent au Canada. Nous avons tous de la difficulté à nous adapter aux changements, mais nous ne pouvons pas arrêter une partie de notre vie et décider que nous resterons à l'âge de 30 ans. Le changement, c'est une chose que nous subissons tous constamment. Le commerce et l'investissement, c'est comme la bicyclette. Si on cesse de pédaler, on tombe. Je ne crois pas que cela serait très utile.
Je ne peux pas appuyer la motion, même si elle touche certains aspects, comme la pauvreté chez les enfants, qu'il faudrait absolument régler, au moyen d'emplois payants.
Des voix: Bravo!
L'hon. Andy Mitchell (secrétaire d'État (Parcs), Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député avec intérêt. C'est bon de voir qu'il a son petit clan d'admirateurs.
L'intervention du député révèle qu'il existe, entre son parti et ce côté-ci de la Chambre, une très importante différence que les Canadiens devraient connaître. Il a parlé des contribuables canadiens et de la nécessité de réduire le fardeau de l'impôt. C'est ce qu'a fait le ministre des Finances dans ses derniers budgets et c'est ce qu'il continue de faire. Nous constatons ainsi l'incapacité du Parti réformiste de faire la différence entre les contribuables et les Canadiens.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Andy Mitchell: J'entends les députés d'en face. Ils ne se rendent pas compte qu'il y a littéralement des millions de Canadiens qui ne sont pas des contribuables et qui ont besoin d'aide tout autant que s'ils payaient des impôts. Que faire de ceux qui sont incapables de travailler ou de trouver du travail? Je sais que les réformistes croient que tous les Canadiens peuvent trouver du travail s'ils le veulent, mais cela ne fait aucun cas des Canadiens handicapés et de ceux qui sont incapables de s'intégrer au marché du travail.
Autrement dit, le Parti réformiste n'est pas au service de tous les Canadiens. Il choisit qui il veut aider. Il s'intéresse à ceux qu'il veut aider, mais ne s'adresse pas à tous les membres de la famille canadienne.
C'est fondamental dans tout ce que le député a dit dans son intervention. Il ne fait aucun cas de certaines catégories importantes de la société canadienne, et ne veut s'occuper que des gens dont les besoins correspondent justement à l'aide qu'il veut donner.
M. Charlie Penson: Monsieur le Président, l'intervention du député était fort intéressante. Il a fait remarquer, avec raison, qu'il y avait de grandes différences entre le Parti réformiste et le Parti libéral qui est au pouvoir. Je suis content qu'il le comprenne enfin. Ces différences sautent aux yeux.
Je tenais à faire remarquer que, d'après nous, il ne revient pas au gouvernement d'intervenir dans l'économie. Bien sûr, le gouvernement a un rôle à jouer, mais c'est de favoriser l'établissement d'un climat pour que nos entreprises ainsi que leurs employés et leurs actionnaires se débrouillent bien tant à l'échelle nationale qu'internationale. Nous sommes également convaincus que le gouvernement doit être le gardien d'initiatives telles que les programmes environnementaux et les lois sur la concurrence, afin que ces questions soient bien gérées pour les Canadiens.
Concernant l'impôt, le député a soulevé un point intéressant. Il a déclaré que nous ne faisions pas la distinction entre les contribuables et les Canadiens. À mon avis, quand vient le temps de payer les impôts, les Canadiens non plus n'y voient pas une grande différence. Ils constatent qu'ils sont les contribuables qui payent le gros prix et qui veulent un allégement fiscal.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord, je dois dire que je suis désolé de la tournure que prend ce débat et de voir comment les réformistes peuvent le faire dévier. Les libéraux reprennent cela pour dire: «Nous autres, on est les meilleurs au monde, on est beaux, bons et fins».
Mon collègue de Lac-Saint-Jean a voulu amorcer un débat non partisan sur une problématique mondiale très présente et qui est simplement redéfinie dans notre motion.
Le député réformiste a commencé son discours en disant: «On ne sait pas trop ce que les députés du Bloc québécois veulent». Donc, on peut penser qu'il n'est pas d'accord avec ce que nous voulons, mais il ne sait pas ce qu'on veut. Si on écoute son discours, on s'aperçoit qu'il est assez incohérent.
Dans un deuxième temps, je vais lui expliquer ce qu'on veut et je vais lui demander s'il est d'accord. La motion est relativement simple et elle se lit ainsi: «Que cette Chambre réitère l'engagement pris en 1989 de supprimer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000 et presse le gouvernement d'agir en formant rapidement un comité parlementaire qui va étudier ce sujet.»
Les libéraux avaient pris cet engagement dans leur premier livre rouge et s'était prononcé en faveur de celui-ci. Ce que nous voulons, c'est éliminer la pauvreté. Nous voulons créer un comité parlementaire pour étudier cette question. Je demande à mon collègue réformiste s'il est d'accord avec cela.
[Traduction]
M. Charlie Penson: Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il y ait un désaccord. Nous voulons éliminer la pauvreté au Canada, mais nous avons des méthodes différentes pour y parvenir.
Les bloquistes, les libéraux et les néo-démocrates semblent croire que le gouvernement n'a qu'à manier les leviers du pouvoir pour intervenir dans l'économie. Depuis 30 ans que nous voyons ce genre d'intervention et que nous constatons son échec.
Il y a déjà belle lurette que le taux de chômage est de deux chiffres. Le régime de pensions du Canada a besoin d'une transfusion massive de fonds, une augmentation de 72 p. 100, pour pouvoir durer. Les soins de santé donnent lieu à d'énormes problèmes. Le gouvernement fédéral a réduit de six milliards de dollars les paiements aux provinces au titre des soins de santé.
Le gouvernement devrait peut-être ne pas tant intervenir dans l'économie et le secteur des affaires, et laisser les entreprises faire ce qu'elles font le mieux, soit créer des emplois rémunérateurs. Nous devons être en mesure de soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Quant à la mondialisation qui est certes en train de se produire, je doute que nous puissions ou voulions arrêter ce mouvement. Le monde est plus petit et nous devons en profiter.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Monsieur le Président, à la suite de discussions tenues entre les représentants de tous les partis, je crois que vous trouverez le consentement unanime pour la motion suivante:
Que le vote par appel nominal prévu pour aujourd'hui à la fin de la période prévue pour les Affaires émanant du gouvernement sur l'amendement du député de Langley—Abbotsford à la motion de l'opposition du député de Macleod soit réputé rejeté avec dissidence;
Et que les autres votes par appel nominal prévus pour aujourd'hui à la fin de la période prévue pour les Affaires émanant du gouvernement se tiennent dans l'ordre suivant: la motion principale de l'opposition du député de Macleod, la motion portant deuxième lecture du projet de loi C-39, la motion portant deuxième lecture du projet de loi C-216, la motion M-85, et la motion portant deuxième lecture du projet de loi C-32.
Le vice-président: La whip adjointe du gouvernement a-t-elle le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: La Chambre a entendu le teneur de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
LES CRÉDITS
JOUR DÉSIGNÉ—LA SUPPRESSION DE LA PAUVRETÉ
La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, le NPD appuie la motion proposée par le Bloc québécois. Nous nous réjouissons de l'attention suscitée autour de la question de la mondialisation et nous reconnaissons au député de Lac-Saint-Jean le mérite d'avoir provoqué le débat. Cependant, contrairement à ce qu'il a dit dans son intervention, le débat ne fait pas que commencer; il a cours depuis un certain temps, depuis environ 1987, l'année qui a précédé la conclusion de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.
Je suis très heureux d'entendre ce que le député avait à dire. Je m'accorde avec lui pour dire qu'on assiste à une nouvelle prise de conscience chez les jeunes, chez les membres de sa génération. Ils savent à quel point se rassemblent dans le contexte de ce modèle de mondialisation des forces qui contribueront à façonner un avenir que bien peu de jeunes veulent envisager.
C'est un avenir qui laisse entrevoir une économie à faible rémunération pour un très grand nombre de jeunes Canadiens. Je l'ai constaté dans mon travail de recherche sur l'AMI au cours des derniers mois lorsque j'ai parcouru le pays pour prendre la parole sur les campus et ailleurs. J'ai parlé de l'accord multilatéral sur l'investissement aux étudiants en leur faisant comprendre qu'il s'agissait du tout dernier stade du modèle de mondialisation que le NPD rejette et que je souhaite voir rejeter de la part des jeunes. Il y a une nouvelle conscience chez les jeunes de niveau universitaire et d'autres niveaux qui savent qu'ils doivent se méfier de ce modèle de mondialisation.
Le député de Lac-Saint-Jean a dit espérer que le temps lui donne raison au sujet de cette motion, même si tout le monde n'est pas d'accord avec lui pour le moment. Sans malice, je lui dirai que je pense la même chose depuis un certain temps. Je me rappelle avoir fait une intervention similaire en 1987 lorsque j'ai dit que le temps finirait par prouver que nous avions raison à propos des mauvais côtés du libre-échange.
Je pense que nous entrons dans l'une de ces périodes où les gens—et je ne parle pas du député—qui étaient tout à fait en faveur de ce modèle, qui a pris corps dans l'ALE, l'ALENA et l'OMC, ont maintenant des réserves à son égard.
Les réserves viennent non seulement de la gauche où les gens ont toujours craint les effets de la mondialisation, mais de gens de la droite et du centre qui se demandent si les répercussions d'un marché mondial entièrement libre ne vont pas beaucoup plus loin que ce qu'ils avaient envisagé quand ils ont commencé à promouvoir ce modèle de mondialisation.
Je suis très heureux de voir cette motion devant la Chambre aujourd'hui. J'ai remarqué qu'elle commençait par une référence à une motion adoptée par la Chambre, en 1989, qui avait été proposée par l'ancien chef des néo-démocrates, le député d'Oshawa, Ed Broadbent, à l'occasion de son départ de la Chambre.
Je pense que le fait qu'il soit question de cette motion au début de la motion du Bloc souligne une chose que beaucoup savent, c'est-à-dire qu'il existe une certaine affinité entre le NPD, et avant cela, le CCF, et la tradition social-démocrate du Québec. Aujourd'hui, elle est représentée par le Bloc québécois, mais auparavant elle l'était non seulement par le Bloc québécois, mais aussi par l'ensemble des Québécois.
On ne peut nier que le Québec a eu une influence déterminante sur le genre de pays qu'est devenu le Canada au fil des ans. Notre nature social-démocrate nous vient en grande partie du Québec. Dans le Canada anglophone, cette tradition est incarnée dans le NPD.
Ces deux forces agissant en synergie, souvent synthétisées au niveau fédéral par un gouvernement libéral, ont donné le genre de pays qui est en train d'être démantelé par le modèle de mondialisation dont a parlé le député du Lac-Saint-Jean et que nous, les néo-démocrates, critiquons depuis un certain temps.
Ce débat me donne l'occasion, en tant que leader du NPD à la Chambre et porte-parole de mon parti en matière de commerce, de réfléchir aux relations qui existent entre le NPD et les nationalistes québécois, pas seulement les nationalistes au sein du Bloc québécois, mais également les nationalistes à l'extérieur du Bloc qui ne sont pas forcément souverainistes ou séparatistes. Nous avons toujours eu beaucoup d'affinité du fait que nous partageons les mêmes valeurs social-démocrates.
Ce qui s'est passé au cours des dernières années, surtout depuis la création du Bloc, mais depuis le début du débat sur le libre-échange, c'est que nous avons été en désaccord avec le Bloc Québécois, et pas seulement au sujet de la séparation, de toute évidence. Nous sommes fédéralistes et ils sont souverainistes. Ils comprennent cela. Nous le comprenons aussi. Tout le monde sait à quoi s'en tenir.
Cependant, les problèmes viennent de l'accord de libre-échange, de l'ALENA, de l'OMC et maintenant de l'AMI, qui tendent vers la mondialisation. Je me réjouis de la motion, car elle nous donne la possibilité de réfléchir à ce modèle de mondialisation. Il va à l'encontre de la social-démocratie. Il entrave la capacité des gouvernements de créer, de préserver et de maintenir les valeurs de la social-démocratie.
Nous avons toujours trouvé étrange, frustrant et même irritant à l'occasion de voir les Québécois de différentes affiliations politiques souscrire au libre-échange et à l'ALENA. Je dis cela en toute sincérité. Je ne cherche pas à provoquer de débat entre partis. J'essaie de nous donner à tous la possibilité de réfléchir à la question. Récemment, ils n'ont même pas pris la peine de présenter un rapport minoritaire sur l'AMI.
Il semble cependant s'amorcer un certain revirement dans les rangs du Bloc et j'en suis très heureux.
Je crois que le modèle de mondialisation que représentent l'ALE, l'ALENA, l'OMC et l'AMI n'est pas, de notre point de vue, un modèle qui crée la justice, et ce n'est pas tout simplement parce que nous sommes sociaux-démocrates. On voit que ce mouvement a accru la pauvreté et élargi les disparités entre les riches et les pauvres à l'intérieur des pays, entre les pays et entre le nord et le sud et le reste.
Nous devrions aussi être sceptiques à l'égard de ce modèle de mondialisation parce qu'il constitue une menace à la souveraineté des gouvernements, à leur pouvoir d'intervenir, de façonner, de contenir, de réglementer, de faire toutes ces choses que nous avons été capables de faire dans l'économie au fil des années pour créer un Canada plus social démocrate, pouvoir que les bloquistes voudraient certainement avoir à leur disposition pour façonner l'économie du Québec si celui-ci devenait indépendant.
J'espère que ce débat nous donnera l'occasion d'entendre ce que les députés du Bloc ont à dire à ce sujet. Nous n'avons jamais vraiment compris pourquoi les bloquistes ont cette vision de l'économie mondiale et pourquoi l'ancien chef du Bloc, qui est maintenant premier ministre du Québec, a parlé de la fin d'une idéologie, qui a été remplacée par le commerce. Il a dit cela à la Chambre le 15 mars 1994.
Le commerce est lui-même une idéologie, particulièrement le libre-échange qui n'est pas assujetti à la réglementation gouvernementale ni à des normes fondamentales en matière de travail. C'est là une idéologie, et il y a une idéologie à débattre dans tous les différents modèles d'évolution du commerce mondial.
En faisant semblant qu'il ne s'agit pas ici d'un débat idéologique, on jouerait exactement le jeu que le gouvernement veut que nous jouions. Ce n'est cependant pas le cas des réformistes. Je crois qu'ils reconnaissent qu'il s'agit ici d'un débat idéologique, et ils montrent d'ailleurs très clairement de quel côté ils sont.
Je suis heureux que le Bloc ait présenté cette motion. Je suis impatient d'entendre ce qu'ils ont à dire et de lire leur documentation pour voir comment ils concilient ce qu'ils disent aujourd'hui avec certaines de choses qu'ils ont dites dans le passé. Je suis impatient de travailler en collaboration avec eux et avec d'autres qui voient la véritable menace que présente ce modèle de mondialisation non seulement pour la justice sociale, mais aussi pour la souveraineté de tous les gouvernements, qu'ils soient fédéralistes ou autres.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le discours du leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique est intéressant et soulève certaines questions. Notamment, il oppose une contradiction que nous vivons, en tant que souverainistes québécois, par rapport à la mondialisation et à notre adhésion au traité de libre-échange avec les États-Unis d'abord, et ensuite, avec le Mexique.
Je ne veux pas parler au nom du député de Lac-Saint-Jean, il est capable d'exprimer ses points de vue, mais il n'y a pas nécessairement une opposition. La mondialisation est un fait social incontournable. Qu'on le veuille ou non, il y a un mouvement qui est amorcé en ce sens.
Cependant, comme nous sommes des sociaux-démocrates, il faut se poser la question suivante: Est-ce que, comme sociaux-démocrates à l'intérieur de différents partis, soit du Bloc québécois ou du NPD, devant la mondialisation, nous pouvons contribuer au débat pour que ce mouvement de mondialisation des marchés soit plus civilisé, pour qu'on puisse voir cela dans une perspective nationale pour les intérêts internes. C'est le devoir d'un parlementaire et d'un député de le faire.
Je pense que l'on peut aussi apporter une contribution quant aux conditions de travail, notamment dans des pays comme le Mexique, et quant au respect de certaines règles d'environnement qui s'appliquent à l'ensemble de la population du globe. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
Je pense que l'appel lancé par le député de Lac-Saint-Jean va dans ce sens, voulant que les gens qui aient à décider des questions économiques et aussi politiques—parce que l'appel est aussi lancé aux parlementaires—respectent finalement les conditions des citoyens qui, eux, veulent qu'elles soient respectées.
Je me souviens très bien qu'à l'époque où les députés du Parti québécois disaient oui au libre-échange, ils savaient en même temps qu'il y avait des conséquences à cette transition et qu'il faudrait des mesures afin que certaines industries puissent s'y ajuster.
Le vice-président: L'honorable député de Winnipeg—Transcona peut répondre à ces commentaires.
[Traduction]
M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Certes, la mondialisation est un fait incontournable. Toutefois, on peut se demander quel genre de mondialisation on veut. Voulons-nous une mondialisation qui n'ait pour seul effet l'établissement d'un marché mondial auquel les gouvernements et les sociétés sacrifieront leurs valeurs sociales et économiques ainsi que leurs normes en matière d'emploi et d'environnement pour attirer des investissements? Ou voulons-nous une mondialisation tenant compte du bien-être de la population?
J'estime que cela soulève la question du gouvernement mondial. Contrairement aux accusations portées par le député de Peace River contre le NPD, nous n'avons jamais proposé d'isoler le Canada, d'ériger des barrières tarifaires ni de retourner à l'époque de sir John A. Macdonald. Nous avons plutôt proposé que le marché mondial soit régi par un gouvernement mondial, tout comme les marchés nationaux avaient coutume de l'être par les gouvernements nationaux. C'est la voie de l'avenir, et non un retour en arrière. Nous proposons un moyen qui assurera une justice économique et sociale mondiale, et l'AMI n'est pas la solution.
L'AMI est une réplique de l'ALENA, à une bien plus grande échelle. J'estime que c'est un élément dont doivent tenir compte ceux qui étaient en faveur de l'ALENA...
Le vice-président: Le député de Prince George—Bulkley Valley a la parole pour poser une brève question.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je m'étonne de l'irresponsabilité et de la naïveté du député de Winnipeg—Transcona. Je voudrais lui rappeler que nous vivons dans un pays de 30 millions d'âmes qui produit bien plus en une année que nous ne pourrons jamais consommer. Par conséquent, il est absolument nécessaire que le Canada fasse du commerce avec les autres pays et qu'il participe aux échanges mondiaux. C'est le commerce mondial qui alimente l'économie de notre pays.
Pour le cas où le député ne le saurait pas, sans l'ALENA et l'ALE, l'économie canadienne serait dans un état lamentable parce que notre marché intérieur est limité.
M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, je suppose qu'il s'agit d'une de ces questions où, peu importe ce qu'on dise, les réformistes entendent seulement ce qu'ils veulent entendre. Je n'ai jamais dit que le Canada n'avait pas besoin de commercer. Je n'ai jamais dit que nous ne voulions pas faire partie du marché mondial. Je n'ai rien dit de tout cela. Ou bien les députés réformistes ont les oreilles bouchées, ou bien ils ne veulent pas démordre de leur point de vue, qu'importe ce que les gens disent.
J'ai dit que le marché mondial devait être réglementé d'une certaine manière de façon à ce qu'il y ait une justice sociale et économique. Ça ne veut pas dire que nous ne commerçons pas. Ça veut dire que nous commerçons d'une façon particulière.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais féliciter le député du Lac-Saint-Jean pour l'intention de cette motion. Si nous ne sommes pas d'accord sur les moyens, nous sommes d'accord sur la fin, l'éradication de la pauvreté au Canada. Les progressistes conservateurs reconnaissent que la libéralisation du commerce est l'un des meilleurs leviers pour éradiquer la pauvreté au Canada et dans le monde.
C'est à un gouvernement progressiste conservateur que le Canada doit d'être devenu partie à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis en 1988 et à l'ALENA en 1993. En fait, parlant de transparence, d'ouverture et d'engagement, je rappelle aux députés que les élections fédérales en 1988 ont reposé sur l'Accord de libre-échange avec les États-Unis. Quelle comparaison avec le secret qui entoure l'AMI et l'absence totale de consultations en ce qui concerne la participation du Canada.
Une voix: Quelle est la position des libéraux dans ce débat?
M. Scott Brison: La Parti libéral a toujours été inconstant dans sa politique commerciale. Le ministre du Commerce international a dit récemment que le Parti libéral était le premier à s'inquiéter des conséquences de l'Accord de libre-échange de 1988. En fait, les libéraux étaient en 1988 à la tête du mouvement d'opposition au libre-échange. Aujourd'hui, ils sont follement amoureux du libre-échange. En fait, ils sont tellement en faveur du libre-échange qu'ils n'estiment pas important de négocier ou d'engager les Canadiens dans les discussions. Les choses en sont rendues à ce point.
Nous devons prendre nos engagements au sérieux. Les libéraux sont de nouveau des partisans du libre-échange. Devant la montée de l'opposition populaire, le gouvernement prend position contre l'accord sur l'investissement multilatéral, ou à tout le moins indique publiquement ses réserves alors qu'en fait, en privé, il ne comprend pas suffisamment bien en quoi consiste l'AMI pour pouvoir s'y opposer.
Le Parti progressiste conservateur croit qu'un bon accord multilatéral sur l'investissement pourrait être avantageux pour tous les Canadiens. Nous refusons cependant qu'un accord soit signé à tout prix, sans négociation ni consultation des Canadiens. L'absence de consultation publique au Canada au sujet de l'AMI est consternante. La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui nous aide à mettre en lumière une partie du problème créé par l'absence de consultation.
Il est important de tenir un débat public sur ce genre de question. Ce serait la meilleure façon de réfuter certains des arguments avancés par quelques-uns des opposants et des défenseurs les plus ardents de l'AMI. Il existe un terrain d'entente entre ces deux extrêmes. C'est pour cette raison que le Parti progressiste conservateur a demandé au sous-comité chargé d'étudier l'AMI de déposer le projet d'accord au Parlement 15 jours avant sa ratification par le Cabinet. Cette idée fait suite au projet de loi que le ministre des Affaires étrangères d'Australie, M. Alexander Downer, a déposé au Parlement australien en 1996. Cette pratique est devenue le modèle australien de négociations des traités.
La motion présentée par le Bloc fait valoir qu'un accord comme l'AMI affaiblirait les droits législatifs. C'est pourquoi le Parti progressiste conservateur a recommandé que le sous-comité chargé d'étudier l'AMI effectue une étude exhaustive des répercussions qu'aurait l'accord sur les programmes fédéraux, provinciaux et municipaux.
La motion du Bloc impute à la mondialisation des marchés l'élargissement de l'écart entre les riches et les pauvres dans le monde. La mondialisation n'est pas ce qui contribue le plus à cette dangereuse détérioration. La mondialisation des marchés n'est pas complètement mauvaise ni entièrement bonne. Comme la plupart des autres choses, elle comporte des risques et ouvre des débouchés.
Les Amériques et l'Europe ont reconnu les avantages des droits syndicaux et des lois sur le travail des enfants, mais elles sont devenues suffisamment riches pour absorber les coûts qui en découlaient. Sans la libéralisation des échanges commerciaux, qui est le moteur de la création d'emplois, les travailleurs des pays sous-développés n'auront jamais les mêmes possibilités.
La libéralisation des échanges commerciaux est le meilleur moyen dont disposent les pays en voie de développement pour atteindre un niveau de vie décent, ce même niveau de vie que nous tenons pour acquis au Canada. Les opposants du libre-échange soutiennent que la mondialisation des marchés fait fuir la main-d'oeuvre vers les marchés où les coûts sont moins élevés. En fait, la majeure partie des investissements étrangers circulent entre pays riches ou entre les pays riches qui sont à la recherche de marchés, et non pas entre les économies qui offrent une main-d'oeuvre à bon marché.
La mondialisation force les économies pratiquant le libre-échange à accroître la flexibilité de leur main-d'oeuvre. Ainsi, elles peuvent réagir plus rapidement et s'adapter en transférant les personnes et les ressources des industries en déclin vers celles qui progressent.
Cette motion ne devrait pas porter sur la crainte qu'inspire la libéralisation du commerce et ses effets supposés sur l'écart entre les riches et les pauvres. Le libre-échange n'a jamais été la cause de cet accroissement de l'écart et il n'y a guère d'études de fond ou de données crédibles pour appuyer l'argument de la motion.
Si l'on compare les exportations du Québec en 1988, avant l'ALE, à celles de 1996, on constate qu'elles sont passées de 16 milliards à 40 milliards. Ces exportations sont extrêmement importantes pour le Québec et ces chiffres ont contribué à stabiliser le niveau de l'emploi au Québec, pas à le déstabiliser.
Si nous sommes sérieux au sujet de la pauvreté chez les enfants, nous devrions peut-être travailler de concert à créer une économie qui fonctionne, dans un pays qui fonctionne. Nous savons quel est le coût du séparatisme et du débat sur le séparatisme, nous savons quel est leur impact sur les enfants et l'ensemble de la population du Québec. Lorsque l'on parle de pauvreté chez les enfants, il faut prendre garde de ne pas blâmer le mauvais démon.
On doit rappeler aux députés du Bloc que leurs cousins péquistes, à Québec, ont juré de rester dans l'ALENA si le Québec venait à se séparer. Ils savent très bien que l'ALENA a profité au Québec comme il a profité au Canada.
Ce qui a contribué le plus à l'écart entre les riches et les pauvres, c'est la transition mondiale des économies fondées sur les ressources et la fabrication, à des économies fondées sur la technologie de l'information et la connaissance. Cet écart entre les riches et les pauvres a été accentué à un moment critique, lors de ce changement de paradigme essentiel, par les compressions dans les transferts au titre de la santé et de l'éducation effectuées par le gouvernement libéral, à Ottawa.
Une nouvelle étude publiée récemment précise qu'après les modifications apportées à l'assurance-chômage, seulement 36 p. 100 des Canadiens sans emploi touchent, à l'heure actuelle, des prestations d'assurance-emploi. La réduction de 35 p. 100 dans les sommes versées par le gouvernement libéral aux provinces au titre des soins de santé, de l'assistance sociale et de l'éducation touche de façon disproportionnée les plus démunis. Elle nie aux Canadiens les plus pauvres l'égalité des chances, ce qui est essentiel.
Nous croyons dans le système de la libre entreprise. Nous croyons que c'est le meilleur système pour tous les Canadiens. Si nous voulons que ce système soit durable, tous les Canadiens doivent avoir accès aux leviers de la libre entreprise. Ils ont besoin d'un régime de soins de santé solide, ainsi que d'un bon système d'enseignement.
Le capitalisme débridé n'est pas viable. Il en va de même du socialisme débridé. Un système équilibré de libre entreprise, avec un bon régime de soins de santé et un bon système d'enseignement, est le meilleur système pour tout le monde. On peut prétendre que Marx avait tort au sujet du communisme débridé, mais il avait peut-être raison au sujet du capitalisme débridé.
Nous devons veiller à ce qu'une approche équilibrée qui combine une baisse du fardeau fiscal, une mondialisation des débouchés commerciaux, ainsi qu'un bon régime de soins de santé et un bon système d'éducation, profite non seulement aux Canadiens, mais également aux enfants du monde entier.
Les compressions que le gouvernement libéral a infligées aux Canadiens ordinaires et aux plus démunis gênent l'accès des jeunes Canadiens aux débouchés offerts par une économie mondiale axée sur la connaissance, alors que nous entrons dans le XXIe siècle.
Si nous voulons vraiment nous attaquer à la pauvreté chez les enfants au Canada, j'ai certaines propositions à faire. Je répète que nous devrions appuyer et continuer de chercher des solutions à ce problème. Le gouvernement devrait travailler en ce sens.
Nous devons mettre en oeuvre un politique commerciale progressiste et une politique économique intérieure basée sur la libre entreprise, qui est progressiste également. La combinaison de ces deux politiques permettra, tout d'abord, de s'assurer que les Canadiens ont la chance de participer à l'économie mondiale et ensuite, qu'ils ne sont pas gênés dans leurs efforts par l'ingérence du gouvernement qui leur nie la possibilité de participer de façon efficace à l'économie mondiale.
Je propose également que nous unissions nos efforts dans tout le Canada pour parvenir à un accord sur l'unité nationale qui fonctionne et met un terme à ce débat interminable sur l'unité nationale. Il faut déployer des efforts pour éliminer les énormes coûts que doivent supporter les Canadiens et les Québécois ordinaires à cause du mouvement séparatiste, depuis 20 ans.
Il faut commencer à collaborer pour bâtir dans tout le Canada et, bien entendu, dans le monde entier, des ponts économiques qui profiteront aux jeunes du Canada et du monde entier.
Si nous travaillons sérieusement à la réalisation de ces objectifs, nous en profiterons tous. En fait, tous les Canadiens s'en porteront mieux si on adopte une politique constructive venant de tous les côtés de la Chambre.
[Français]
M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, j'ai entendu mon collègue évoquer Marx et je suis heureux qu'il l'ait fait, parce que je dois dire que c'est sur une déclaration de Marx que je fonde moi-même mon discours et c'est l'un des arguments pour lesquels j'appuie évidemment la motion du Bloc québécois. Je m'explique.
Marx ou Engels—je pense que c'est Marx—disait que l'écart entre les riches et les pauvres ne ferait que s'accroître en régime capitaliste. Là où s'est instauré le régime qu'il a fondé, le communisme, on a vu que, tout au contraire de ce qu'il espérait, cet écart entre les riches et les pauvres ne faisait que s'accroître avec la richesse démesurée qu'a connue la nomenklatura.
Quand je constate ce qu'a répété le chef de notre parti plus tôt, c'est-à-dire que dans notre régime capitaliste, l'écart entre les riches et les pauvres s'accroît aussi, j'ai l'impression qu'on pourrait se demander si ce n'est pas là quelque chose qui est lié à l'humanité ou à l'égoïsme humain, où les puissants font ce qu'ils peuvent pour devenir de plus en plus riches, quitte à écraser les pauvres. On pourrait croire que c'est une fatalité.
J'appuie la motion du Bloc qui vient d'être présentée, parce que j'estime que pour éviter que le capitalisme ne donne raison à la prédiction de Marx, il faut que ce débat sur la croissance soit accompagné d'un débat sur la participation de chacun aux fruits de la croissance.
C'est pourquoi, sans être marxiste, afin que la prédiction de Marx ne se réalise pas, je donne mon appui à la motion.
[Traduction]
M. Scott Brison: Monsieur le Président, je remercie le député de son intervention.
Je me préoccupe au plus haut point de l'écart énorme qui existe entre les riches et les pauvres. Aux États-Unis, c'est ce qu'on appelle le concept de la communauté fermée. Des gens habitent des résidences cachées derrière de hautes clôtures, ils envoient leurs enfants à l'école privée et ont leurs propres hôpitaux de luxe et leurs services de sécurité. Ils vivent derrière des clôtures qui les isolent en fait du public en général. Ils ne s'intéressent pas vraiment à ce qui se passe à l'extérieur de leur communauté.
Un capitalisme qui ne pourrait compter sur des interventions pertinentes de l'État dans les domaines de la santé et de l'éducation serait certes invivable. J'ai dit de Karl Marx qu'il pourrait bien avoir raison en ce qui a trait au capitalisme absolu, mais qu'il avait tort en ce qui a trait au communisme. On peut bien sûr avancer que les écarts entre riches et pauvres n'existent pas dans le système communiste puisque tout le monde est pauvre. Toutefois, je ne crois pas que ce soit un système bien efficace non plus.
Je félicite de nouveau le député du Lac-Saint-Jean d'avoir lancé ce débat qui nous donne l'occasion de traiter de certaines initiatives stratégiques d'une façon concrète et philosophique et de nous pencher sérieusement sur cette question.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Monsieur le Président, je pense que l'on peut avoir consentement unanime pour que cette motion fasse l'objet d'un vote.
Le vice-président: Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que la motion à l'étude fasse l'objet d'un vote à la Chambre?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de mon collègue et j'aimerais lui citer quelques chiffres sur la question des petits pays face à la mondialisation.
En 1997, le taux de chômage au Canada était, à un moment donné, de 10,3 p. 100. En Autriche, ce taux est de 3,6 p. 100; au Danemark, 8 p. 100; en Norvège, 5,4 p. 100, aux Pays-Bas, 6,8 p. 100 et en Suisse, 3,6 p. 100. La taille des pays n'est donc pas reliée aux effets de la mondialisation.
On n'a jamais dit que la mondialisation en soi était mauvaise. Ce qu'on veut, c'est que la mondialisation soit harnachée, contrôlée par les parlements de telle façon qu'elle bénéficie aux citoyens et non simplement à ceux qui peuvent faire du profit. Les bénéfices sont importants pour les compagnies, mais il est aussi important que les gouvernements s'assurent d'une répartition de la richesse.
Quand mon collègue dit qu'il trouve bizarre que des souverainistes du Québec soient pour le libre-échange, il faut se rappeler que c'est le Québec qui a amené le Canada au libre-échange parce qu'il avait des intérêts fondamentaux à le faire, parce que le développement du Québec passait du nord au sud.
Le député ne pourrait-il pas admettre, finalement, que ce n'est pas la taille des pays, mais bien la façon dont ils sont gouvernés et les outils de développement qu'ils se donnent qui sont importants pour qu'ils puissent bien se placer au niveau du développement international?
[Traduction]
M. Scott Brison: Monsieur le Président, même si le Québec s'est montré très favorable au libre-échange, je dois dire que je viens d'une province qui participait déjà au libre-échange avant la Confédération. Nous avons contribué au dossier et sommes d'accord avec le député sur cette question.
Les plus petits pays ont à certains égards davantage à gagner de la libéralisation des échanges commerciaux que les plus grands. On en a d'ailleurs fait la preuve dans bon nombre de domaines, par exemple pour ce qui est de l'accès aux marchés plus importants, ce qui constitue un avantage dont le Canada ne saurait se passer.
Pour ce qui est de l'appui démontré au Québec en ce qui a trait au libre-échange, je suis persuadé que cet appui existe et qu'il continuera d'exister parce que ce programme a permis de tripler le montant des exportations depuis 1988.
J'apprécie l'intervention du député. J'espère que nous pourrons poursuivre cette discussion ailleurs.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, à ce moment-ci du débat, il est très important et très opportun de citer la motion, parce qu'on a entendu toutes sortes de choses jusqu'à maintenant, bien qu'il y a eu très peu de débats, soit un ou deux intervenants de chaque parti.
La réponse de mon collègue du Parti réformiste confirme la pertinence d'appuyer cette motion présentée par le chef du Bloc québécois. J'appuie cette motion et je vais la lire pour que le débat ne dévie pas trop souvent. Il a déjà dévié après quelques présentations.
La motion se lit comme suit:
Que cette Chambre réitère l'engagement de 1989 sur la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000, presse le gouvernement d'agir et forme un comité parlementaire spécial réunissant des représentants de tous les partis et ayant pour principal objectif d'examiner la capacité des parlementaires à réduire l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation des marchés...
Cette motion ne laisse pas sous-entendre que nous sommes contre la libéralisation du commerce ou que nous sommes contre l'Accord multilatéral sur l'investissement, au contraire. Elle ne sous-entend rien de tel.
Cette motion propose aux parlementaires de se saisir, tous partis confondus, d'une problématique très présente. Les libéraux ont écrit dans leur livre rouge, version I, qu'ils allaient éliminer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Ce qu'on demande, c'est de former un comité pour voir si l'échéancier semble valable, si nous atteindrons cet objectif qui est louable et souhaitable pour tous et pour toutes.
J'aimerais que chaque intervenant libéral dise, dans son discours, pourquoi on s'oppose à ce qu'on proposait précédemment. C'est assez particulier de le comprendre. Lorsque les libéraux, les néo-démocrates ou les députés des autres partis à la Chambre disent: «Le Bloc québécois est donc contre la libéralisation des marchés. Le Bloc québécois est donc contre l'AMI», il est utile de se rappeler l'esprit et le texte de la motion présentée par le Bloc québécois.
Dans cette motion, on souligne, au troisième point: «la mondialisation et les accords internationaux qui l'encadrent, notamment l'Accord multilatéral sur l'investissement, tel que rédigé actuellement [...]». Je crois que les paroles du ministre du Commerce international, présentement à Paris, le démontrent. Nous ne sommes pas contre l'Accord multilatéral sur l'investissement mais, tel qu'il est rédigé actuellement, le Bloc québécois ne donnerait jamais son appui à un gouvernement pour signer un tel accord, parce que cet accord risque—on ne dit pas que cet accord limite—mais qu'il risque de limiter certains pouvoirs des États et, en conséquence, ceux des représentants élus de cette Chambre.
Ce qu'on veut, c'est que soit formé un comité composé de parlementaires. Je serais très surpris que les parlementaires veuillent se défiler devant leurs responsabilités. C'est pourquoi je suis surpris de voir que les libéraux ne veulent pas donner leur accord pour qu'on puisse discuter de cette question en comité et, entre autres, de l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Je rappelle que je vais partager la période de 20 minutes qui m'est allouée avec ma collègue de Rimouski—Mitis.
Je vais préciser mon discours sur l'Accord multilatéral sur les investissements. Mon collègue de Lac-Saint-Jean a bien démontré, dans sa sortie et lors de ses interventions, qu'au niveau de la mondialisation, la question de l'écart entre les riches et les pauvres intrigue et inquiète beaucoup de personnes au Québec et partout au Canada et, on l'a vu, partout dans le monde. C'est quoi au juste, cet accord? D'où vient-il? Quel en est le but? Quels sont les objectifs de cet accord?
On a entendu beaucoup de craintes légitimes. Beaucoup de craintes se sont élevées face à la signature d'un accord comme l'Accord multilatéral sur l'investissement. Les négociations ou les discussions sur cet accord ont débuté en 1995 sous les auspices de l'OCDE. L'OCDE, est-il utile de le rappeler, est le club des pays riches, tel qu'on l'appelle dans notre vocabulaire. C'est le club des pays riches, communément ainsi appelé par les ONG. Ce sont 29 pays qui composent l'OCDE.
C'est vrai qu'il y a eu quelques consultations, mais on peut dire que, dans l'ensemble, les négociations se sont déroulées en catimini.
Lorsque 29 pays riches négocient en catimini des accords pour faciliter les investissements, il est tout à fait légitime que s'élève un vent d'interrogation, même un vent de contestation au sein des populations concernées par ces 29 pays, ou des pays qui veulent se joindre au groupe des 29 pays les plus favorisés.
Il est important aussi de rappeler que l'Accord multilatéral sur l'investissement, pour nous Canadiens, regroupe à peu près 90 p. 100 du chapitre XI de l'ALENA, chapitre que l'on retrouve sur l'investissement. Donc, on ne tomberait pas complètement dans du nouveau; 90 p. 100 de l'AMI peut être trouvé au chapitre XI de l'ALENA.
Pourquoi avoir institué des discussions sur tel genre d'accord? Il y a deux raisons principales. D'abord, cet accord vise à établir des règles et à réglementer—vous excuserez la redondance—le secteur de l'investissement, étant donné qu'il existe à l'heure actuelle plus de 1 300 accords d'investissement bilatéraux, 1 300 dont 50 sont signés par le Canada. Exemple: l'ALENA, et 49 autres.
Ce qu'on voulait c'est simplifier, réglementer et faciliter le transfert et les investissements du Canada vers l'étranger et de l'étranger au Canada.
Cet accord vise également à tirer parti des avantages de la mondialisation. Il y a des désavantages mais il y a aussi quelques avantages, c'est-à-dire l'accroissement des investissements et, comme nous le souhaitons, s'il est modifié tel que nous le demandons, il devrait favoriser le développement économique.
Voici donc entre autres les deux raisons pour lesquelles nous avons appuyé le principe. Mais, je le répète, dans sa forme actuelle, nous ne pouvons pas appuyer sa signature.
Au Bloc québécois, depuis les débuts, nous avons été en faveur de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis. Le chef de notre parti l'a rappelé tantôt. On était en faveur de l'élargissement de cet accord avec l'ALENA, le chef du Bloc québécois l'a également répété.
On a aussi été en accord de principe avec la continuation des négociations, mais on s'est mis en porte-à-faux sur une signature dans le texte actuel. On n'est pas comme les libéraux qui, en 1988, s'opposaient en disant que des accords multilatéraux c'était la pire des catastrophes et des calamités qui puissent toucher les Canadiens, et qui les multipliaient au lendemain d'une élection. On est cohérents dans notre position et nous allons le rester.
Ceux et celles qui suivent et qui ont regardé l'évolution de la position du Bloc dans ce dossier ont pu voir les très grandes réserves que le Bloc avait à ce sujet. Entre autres, et la députée de Rimouski—Mitis va le rappeler tantôt, nous avions comme réserve l'adoption d'une clause d'exception culturelle dans cet accord, ce qu'on n'avait pas encore ce matin, et c'est la raison pour laquelle on s'opposerait à une signature dans son état actuel.
Le Bloc québécois veut le maintien du droit des États à prendre ou à maintenir des mesures favorisant la protection de l'environnement et des normes du travail. Si on ne retrouvait pas dans un accord multilatéral et si on ne retrouvait pas dans les accords internationaux de règles favorisant la protection de l'environnement et des normes du travail, nous ne signerions pas un accord comme celui-là et nous ne donnerions pas notre appui à la signature d'un tel accord.
Nous voulons aussi qu'un tel texte spécifie l'interdiction des États d'abaisser leurs normes nationales en matière de santé, de sécurité environnementale et de sécurité du travail, afin d'attirer des investissements étrangers.
Nous voulons aussi que dans un accord comme celui-là des lois comme la loi Helms-Burton soient inefficaces, inexistantes et inappliquées parce que c'est contre le principe du commerce. Nous voulons aussi qu'il y ait une préséance des lois, des règlements et des procédures nationales en matière d'immigration, et nous voulons bien sûr que les juridictions provinciales soient reconnues dans leur entièreté dans un accord comme l'Accord multilatéral sur l'investissement et les autres accords. Si on n'a pas cela, on ne signera pas et on ne donnera jamais notre appui là-dessus.
En ce qui concerne l'abaissement des normes de santé et de sécurité du travail, voilà deux libellés où on peut voir qu'il y a vraiment une attention particulière à apporter. Il y a deux versions dans l'accord concernant cette partie des normes de santé et de sécurité du travail. Dans une version on dit qu'une partie «ne devrait pas» abaisser ses normes en matière de santé, de sécurité et d'environnement; dans l'autre version, on dit qu'une partie «ne doit pas» abaisser ses normes en matière de santé et de sécurité. Entre «ne devrait pas» et «ne doit pas» il y a tout un monde de différence. Si on se retrouvait avec une version du style «ne devrait pas» ou «nous souhaitons», là-dessus nous ne donnerions pas non plus notre accord.
L'exception culturelle est aussi une condition sine qua non avant que l'on signe ou que l'on donne un appui à un tel accord, ainsi qu'une définition plus claire entre l'expropriation et l'indemnisation dans un cas d'expropriation.
Le respect du rôle des provinces est aussi très important avant de donner notre appui.
Le Bloc québécois, les libéraux et les réformistes ont signé un rapport dans lequel on demandait à ce que l'accord, avant sa signature, soit remis aux parlementaires, tel que le demande mon collègue de Lac-Saint-Jean, pour que les parlementaires puissent exercer leur rôle de vérificateurs et de représentants de la population.
Nous demandons, nous exigeons que le texte de l'accord, avant sa signature—dans un futur, souhaitons-le, éloigné, tant et aussi longtemps que ce ne sera pas réglé—que ce texte, donc, revienne devant le sous-comité. Nous demandons aussi, maintenant que l'OCDE n'est pas la place pour négocier cet accord, que ce soit retransmis à l'OMC afin que tous les pays du monde puissent participer à son élaboration.
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours de mon collègue.
Dans la motion, on parle de former rapidement un comité parlementaire spécial représentant tous les partis. J'aimerais que mon collègue donne son opinion sur le fait que toute la question de la mondialisation a pris un envol au cours des dernières années et aujourd'hui, le cri du coeur qu'a lancé le député de Lac-Saint-Jean, c'est la prise de conscience qu'il y a toutes sortes des transactions et d'accords qui sont en préparation.
On parle de l'accord du libre-échange pour l'ensemble des Amériques. On a eu l'ALENA, on a l'AMI. Il y a aussi l'ensemble des organises comme le FMI, le Fonds monétaire international et l'OMC. Qu'en est-il des citoyens dans tout cela? Quelle est la place que les citoyens s'attendent à ce que leurs parlementaires prennent? Qu'est-ce qu'ils s'attendent à ce que les parlementaires disent et prennent comme décisions dans les gouvernements pour s'assurer que la mondialisation serve au bénéfice de tous les citoyens et non seulement au bénéfice de ceux qui veulent faire de l'argent avec ces phénomènes?
M. Benoît Sauvageau: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question, car cela me permet de préciser un certain aspect de la motion qui a été présentée à la Chambre ce matin.
Dans un premier temps, il est utile de rappeler, à propos du rôle des parlementaires, que lorsque les libéraux étaient dans l'opposition, ils exigeaient un débat spécial concernant l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Ils n'exigeaient pas une journée consacrée à l'opposition, comme les réformistes l'ont demandé, mais un débat spécial.
La campagne électorale de 1988 a porté principalement sur l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? L'accord de libre-échange avec le Chili s'est négocié en catimini par des négociateurs et des fonctionnaires non élus. Quel a été le rôle des parlementaires? Adopter la loi de mise en vigueur de cet accord. On n'a pas pu discuter d'une virgule de cet accord.
Au sujet de l'accord de libre-échange avec Israël—Israël-Palestine, on peut y avoir des conditions assez particulières, n'est-ce pas—quel a été le rôle des parlementaires dans cet accord? Adopter la loi de mise en oeuvre. Ce sont des fonctionnaires non élus qui ont négocié cet accord et ses conditions. Les Canadiens et Canadiennes aujourd'hui sont devant le fait accompli et doivent vivre avec ces accords.
Ce qu'on demande, dans un premier temps, comme mon collègue l'a dit, c'est d'être de plus en plus présents à ces accords multilatéraux. Que les parlementaires aient un rôle à jouer. Que les parlementaires, dans un premier temps, étudient la pertinence de voir de quelle façon ils peuvent accroître leur rôle comme représentants de leurs citoyens dans cette multiplication d'accords. C'est ce qu'on doit faire.
Je me permets d'interroger à nouveau les libéraux pour savoir pourquoi, comme parlementaires, ils refusent d'assumer leur rôle. Pourquoi refusent-ils de reconnaître l'engagement qu'ils ont pris, noir sur blanc, dans le livre rouge? Pourquoi refusent-ils qu'un comité soit formé ou, à tout le moins, pourquoi refusent-ils de se prononcer?
S'ils ne veulent pas exercer leur rôle de parlementaires—j'en vois plusieurs parmi nous qui se sont fait réélire—pourquoi sont-ils ici? On est ici pour exercer un rôle de parlementaire comme représentants de nos citoyens, mais on s'oppose à respecter nos engagements. On s'oppose à exercer notre rôle de parlementaire et on se cache, on ne veut pas parler.
J'aimerais qu'ils répondent aussi à ces questions lors de leurs discours. Effectivement, il est très utile et très important de conserver un intérêt très attentif, très présent à la suite de tous ces accords négociés, souvent en catimini, par des négociateurs fonctionnaires non élus et où les parlementaires sont mis trop souvent devant le fait accompli.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le Président, j'interviens à mon tour sur la motion de l'opposition présentée par le Bloc québécois qui demande la création d'un comité pour examiner la capacité des parlementaires à réduire l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation des marchés.
À titre de porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine canadien, j'aborderai ce sujet sous l'angle de l'AMI, qui est le fameux Accord multilatéral sur l'investissement, mais dans sa dimension culturelle ou l'impact que cet Accord pourrait avoir dans le domaine de la culture, parce que cet Accord, tel qu'il est conçu présentement, représente un réel danger pour les secteurs culturels du Canada et du Québec.
On ne peut songer à une libéralisation massive qui conduirait à l'abandon pur et simple des politiques et des mesures de soutien au secteur culturel sans connaître d'abord l'importance économique de ce secteur.
Les activités culturelles au Canada fournissent environ 900 000 emplois directs et une estimation d'environ 300 000 emplois indirects, pour un grand total de 1,2 million. Ces emplois représentent 9,2 p. 100 du marché du travail. Les activités culturelles contribuent directement à l'activité économique pour un montant de 29 milliards de dollars, soit 4,7 p. 100 du Produit intérieur brut, ou indirectement pour 42 milliards de dollars, soit 6,8 p. 100 du Produit intérieur brut. On ne peut donc considérer le secteur culturel comme mineur et en faire un pion que l'on peut sacrifier sur l'échiquier des grands accords commerciaux internationaux.
Au fil des ans, le Canada a mis en place des mesures dont l'objectif était de soutenir une production artistique domestique. Les principales mesures adoptées ont été: la limite à la propriété étrangère; l'imposition de quotas de contenu canadien; les subsides; l'aide à la distribution et à l'exportation; les crédits d'impôt; et la mise en place de sociétés d'État.
Malgré leur étendue, ces mesures ont à peine permis au Canada d'avoir accès à une part de son marché intérieur. En effet, les produits culturels canadiens occupent une place marginale sur le marché. Par exemple, 92 p. 100 des films présentés sur nos écrans sont d'origine étrangère, 60 p. 100 des livres vendus au Canada et au Québec sont américains, 88 p. 100 des enregistrements sonores mis sur le marché ont un contenu étranger. Comme on peut le constater, nous sommes loin d'être protectionnistes en matière culturelle. Nous ne voulons que garder un espace pour permettre aux créateurs d'ici de s'exprimer.
Il est donc évident que sans ces mesures de soutien, les artistes canadiens et québécois n'auraient même pas cet accès minime à leur marché.
Il est à noter que les Québécoises et les Québécois se distinguent de leurs compatriotes canadiens puisque dans certains secteurs ils ont une préférence pour leurs auteurs et leurs productions. Mais face à une déréglementation complète, les conglomérats étrangers pourraient inonder le marché de produits tellement peu dispendieux que même cette préférence ne permettrait pas de préserver un contenu québécois.
Les partisans du néo-libéralisme disent souvent que le Canada est un exportateur de produits culturels et que, par conséquent, il serait avantageux de libéraliser le commerce de la culture. Ces gens oublient que pour commencer, il faut d'abord avoir quelque chose à vendre. Dans le secteur culturel, il est essentiel d'avoir un marché intérieur sûr pour développer des produits que l'on pourra ensuite exporter. Ce sont les différentes politiques gouvernementales qui ont permis de stimuler et d'encourager la création et la production d'oeuvres culturelles pour les Canadiens qui ont eu indirectement pour effet de créer des biens et services propres à l'exportation dans le domaine culturel.
Si l'on détruit cette base de création culturelle au Canada et au Québec, il subsistera probablement une industrie culturelle, mais elle ne sera en rien le reflet des identités canadienne et québécoise. Nous deviendrons des producteurs de produits culturels américanisés que nous vendrons chez nous comme à l'étranger.
L'AMI inclut le droit d'auteur dans sa définition de ce qu'est un investissement. Comme c'est toujours le dernier accord commercial qui a préséance sur les autres, l'AMI viendrait affaiblir le droit d'auteur en invalidant les gains réalisés dans les accords précédents, comme la Convention de Rome, la Convention de Berne, le Traité international sur la propriété intellectuelle. L'AMI mettrait fin aux sociétés de gestion collective qui défendent les droits des artistes. Ce serait le triomphe de l'approche «business» des Américains sur la notion de droits des créateurs.
Ce problème a été clairement compris par la Commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias du Parlement européen qui déclarait en janvier 1998, et je cite:
Incorporer les questions de propriété intellectuelle dans un accord général réglementant les investissements revient à adopter une approche extrêmement minimaliste de toute l'idée de propriété intellectuelle. C'est la raison pour laquelle l'AMI ne doit pas être étendu à ce domaine et devrait accepter les accords internationaux déjà en vigueur qui sont le résultat de négociations techniques, longues et complexes.
Nous déplorons vivement qu'il n'y ait pas une position canadienne en matière culturelle, mais des positions multiples et changeantes, selon l'humeur du ministre du Commerce international, le public auquel il s'adresse ou les pressions qu'il subit, notamment les coups de téléphone de la secrétaire américaine au Commerce.
Ainsi, le ministre affirme parfois, comme il l'a fait le 12 février dernier, qu'il n'y aura pas de signature de l'accord s'il ne contient pas d'exemption culturelle. Mais le lendemain, déjà, il faibli. Le 13 février, il dit qu'il se contenterait d'une clause de réserve s'il n'obtenait pas l'exemption culturelle complète. Le ministre maintient ce double discours dans sa réponse au rapport sur l'AMI du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux.
Y a-t-il une distinction entre une clause d'exception et une clause de réserve? Oui, et toute une. Une clause de réserve est insuffisante et inacceptable. Les réserves ont un statut juridique inférieur. De plus, accepter une réserve au lieu d'une exception serait une concession majeure et sans précédent dans les ententes multilatérales et bilatérales.
La clause d'exception générale a l'avantage de ne pas identifier un pays en particulier, mais tous les pays ont droit à la même exception, alors qu'une simple réserve va pointer du doigt le pays qui se protège. Une réserve indique que cette protection est un irritant appelé éventuellement à disparaître.
Les réserves sont limitées par deux principes: le statu quo et le démantèlement. Le principe du statu quo implique que les seuls changements permis aux mesures sous réserve seraient ceux qui rendraient ces mesures plus conformes à l'accord. Il serait donc impossible de créer de nouvelles mesures de protection culturelle, que ce soit dans les secteurs traditionnels ou dans les nouveaux médias résultant de progrès technologique. Le principe de démantèlement consiste à éliminer progressivement toutes les mesures non conformes énumérées par chacun des pays. Une fois qu'une mesure est abandonnée par un pays, il l'abandonne pour toujours, il ne peut la remettre en vigueur.
Si on accepte de signer un AMI qui ne contiendrait pas une clause d'exception générale en matière culturelle, il faut être conscients qu'on mettrait une croix sur le peu de contenu culturel typiquement canadien ou québécois qui reste accessible à la population. Sans expression de notre propre culture, il ne peut subsister d'identité canadienne ou québécoise.
L'enjeu est également démocratique, car sans un espace culturel proprement canadien et québécois, il est impossible de maintenir un espace public pluriel par lequel les citoyens et les citoyennes peuvent participer à la vie culturelle, elle-même nécessaire à la vie publique. Il faut laisser une place à l'expression démocratique des citoyens et des citoyennes qui aille bien au-delà de la simple relation producteur-consommateur.
En ce qui concerne l'AMI, la ministre doit être intraitable. Pas d'exception culturelle générale, pas d'AMI. Une réserve est inacceptable. La ministre du Patrimoine doit jouer un rôle actif dans le suivi des négociations internationales pour que la culture en soit exclue, au même titre que la défense nationale. Et les libéraux, s'ils ont le moindrement à coeur l'avenir de leur propre pays, feraient beaucoup mieux de s'intéresser à l'AMI qu'aux séparatistes, parce que l'AMI les menace davantage.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, je félicite ma collègue de Rimouski—Mitis pour son excellent discours et le point qu'elle a soulevé relativement à la clause d'exception culturelle dans l'Accord multilatéral sur l'investissement, mais aussi l'ensemble des accords. Aussi, comme sa conclusion l'a rappelé aux collègues libéraux et aux collègues «canadian», il est très important de ne pas se préoccuper que de nous, mais d'eux aussi pour leur avenir.
J'aimerais interroger ma collègue de Rimouski—Mitis sur la grande surprise que j'ai eue ce matin d'entendre les discours incohérents, et la position incohérente des collègues libéraux.
J'aimerais qu'elle nous donne son opinion sur ce qu'on a entendu, parce qu'elle a écouté très attentivement les discours elle aussi, comme nous le faisons. Comment les libéraux, qui ont écrit dans leur livre rouge qu'ils voulaient l'élimination de la pauvreté des enfants et des familles en général pour l'an 2000, peuvent s'opposer aujourd'hui à une motion qui réitère l'engagement de 1989 de supprimer la pauvreté d'ici l'an 2000?
J'aimerais aussi entendre ce qu'elle pense de la position des parlementaires libéraux lorsqu'on demande la création d'un comité formé de réformistes, de libéraux et de députés du Bloc québécois, comité qui serait représenté majoritairement par des libéraux, parce qu'inutile de le rappeler, ils sont majoritaires en cette Chambre et forment le gouvernement, et que ceux-ci s'opposent à la création de ce comité.
Comment, selon elle, pensent, réfléchissent, si c'est possible, les libéraux lorsqu'ils s'opposent à une motion demandant l'élimination de la pauvreté pour l'an 2000, ainsi qu'à la création d'un comité de parlementaires pour nous positionner sur cette question? J'aimerais entendre son opinion là-dessus.
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le Président, de mon point de vue, il est bien évident que la situation que nous vivons présentement est un peu inquiétante.
Effectivement, on demande la création d'un comité spécial qui étudierait une question extrêmement importante. Mon collègue de Repentigny a mentionné qu'il s'est passé beaucoup de choses depuis 1993 alors qu'on a signé toutes sortes d'accords où les parlementaires n'ont pas été impliqués. Ce sont des personnes qui n'ont aucun compte à rendre à personne qui ont négocié pour nous des ententes et ils ne sont même pas venus nous demander notre avis. Cela est inacceptable.
J'utiliserai ce que j'ai vécu ce matin comme exemple. On a formé un sous-comité au Comité du patrimoine canadien pour étudier la question du sport au Canada. Quand on recevait des témoins du sport amateur, il n'y avait personne, la salle était pratiquement vide. Il n'y avait pas de journalistes, donc pas de couverture médiatique, et pratiquement pas de libéraux. Le président du comité était présent, forcément, ainsi qu'un ou deux membres libéraux, et j'étais seule de l'opposition.
Ce matin, on manquait de banquettes pour asseoir les députés, car c'était la Ligue Nationale de Hockey qui venait pleurer devant nous pour nous dire qu'ils sont une industrie en bien mauvaise position parce qu'ils ne font pas assez de profits. M. Corey nous a dit que Molson n'avait fait que cinq millions de dollars de profits l'an dernier. Je lui ai dit que c'était bien dommage, qu'il y avait des joueurs dans son équipe qui faisaient plus d'argent que lui.
C'est là où est le drame, on n'essaie pas de s'asseoir et de discuter de ce que l'on fait. Je n'ai aucune objection à ce que les entreprises fassent du profit, elles sont là pour cette raison, mais il faut qu'elles paient leur part de taxes et d'impôts. Quand on paie des impôts, c'est parce qu'on fait de l'argent.
J'ai vu des gens de mon comté pendant le congé de Pâques ainsi qu'hier pendant toute la journée. Ils m'ont dit: «On ne paiera pas encore pour Montréal, Mme Tremblay, j'espère que vous allez vous opposer à cela. On paie encore pour le Stade olympique et il faut maintenant qu'on paie pour le centre-ville. Nous n'avons pas de jobs. Lorsque sont apparus certains différends concernant le bois d'oeuvre, nous nous sommes présentés quatre ou cinq fois devant les cours administratives de l'ALENA. Nous avons toujours eu gain de cause mais rien n'a été mis en application. Nos travailleurs forestiers ont de la difficulté.»
L'ALENA sert aussi pour les équipes de hockey. Qu'elles aillent d'abord se défendre devant l'ALENA des subventions abusives que les municipalités, les États et le gouvernement fédéral américains donnent aux équipes de hockey. Qu'on ne vienne pas nous demander de leur donner de l'argent.
[Traduction]
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, c'est plutôt intéressant d'entendre un membre du Bloc québécois poser pareille question aux députés libéraux. Je crois que la question était: «Pourquoi êtes-vous ici?» Je pense que c'est bien ce qu'il a dit. Je trouve que c'est une question extraordinaire de la part d'un bloquiste. Le fait est que les députés de ce parti se sont eux-mêmes interrogés sur la pertinence de leur présence dans cette enceinte suite aux résultats du dernier référendum. Des députés de ce parti ont fait valoir qu'ils devraient démissionner, reprendre leur billes et rentrer chez eux, ce à quoi je ne verrais pas d'inconvénient.
Pour être juste, je dois admettre que j'ai eu le sentiment que la députée qui vient tout juste de terminer son exposé a exprimé des points de vue très intéressants. Elle a parlé du succès remporté par l'industrie culturelle canadienne.
Certes, nous avons réussi, en tant que gouvernement, en tant que pays et en tant que nation, à appuyer nos exportations culturelles. Prenons le cas du plus grand succès commercial de toute l'histoire, si je ne me trompe pas, le film Titanic; eh bien, c'est l'oeuvre d'un réalisateur canadien et le thème du film est interprété par la merveilleuse et talentueuse Céline Dion. L'une des plus grandes vedettes de l'heure en Europe est un Canadien, Bryan Adams. Il y a bien des choses dont nous avons raison d'être fiers en ce qui concerne les arts et la culture au Canada.
La députée a avancé des arguments très valables et j'ai cru par moments qu'elle parlait en faveur de certains programmes gouvernementaux.
Puis on est passé à l'autre extrême. Les députés bloquistes ont du caméléon en eux. Ils changent d'avis au gré de l'humeur du moment. On a parfois du mal à les suivre. J'ai entendu ce matin un bloquiste affirmer qu'ils étaient des socio-démocrates. J'imagine que ça veut dire NPD en français. Ça ne m'était pas encore venu à l'esprit, mais telle semble bien être leur philosophie.
Ce qu'on attend des bloquistes, ce qu'ils devraient faire, c'est débattre de la question à l'étude, qui revient essentiellement à se demander quel genre de société nous devons avoir pour pouvoir essayer d'éliminer la pauvreté chez les enfants.
La pauvreté chez les enfants n'est pas le fruit du hasard. La pauvreté chez les enfants est le corollaire de la pauvreté des familles. Il semble plus politiquement rentable de s'intéresser aux enfants. Que dire des parents? Que dire des mères et des pères qui ont des emplois à temps partiel et vivent dans la pauvreté?
Le Parti réformiste semble avoir une solution: de généreuses réductions d'impôt pour tout le monde, et surtout pour ses amis, qui auront droit à des diminutions d'impôt énormes, alors que les pauvres, que les réformistes prétendent défendre, ne toucheront rien ou à peu près rien. La solution des réformistes au problème de la pauvreté chez les enfants est au mieux à courte vue; elle est carrément erronée.
Permettez-moi de revenir à la question du Bloc québécois et du type de société que nous voulons avoir. Voulons-nous une société divisée par des clivages selon nos différences? Une société dans laquelle nous restons rivés sur le problème de l'unité nationale en insistant sur nos différences? Bien sûr, il y a des différences, mais je crois que notre message devrait être: vive la différence et vive le Canada.
Si le Bloc québécois utilisait certaines de ses idées dans des débats constructifs à la Chambre, il serait peut-être étonné des appuis qu'il recueillerait. J'ai l'impression qu'une partie du débat que nous avons entendu traduit une assez bonne réflexion et a fait ressortir des points et des préoccupations valables.
À mon sens, le principe de la motion que le jeune député a proposée aujourd'hui, maintenant qu'il a décidé de rapporter son siège et de se joindre à nous, n'est pas mauvais. Il existe des disparités entre riches et pauvres, et nous devrions nous efforcer de les éliminer. Nous avons des familles et des enfants pauvres, et nous devons essayer de régler ce problème de pauvreté.
Dans le dernier budget, notre gouvernement a proposé des mesures concernant, par exemple, les crédits d'impôt pour la famille, le financement de l'éducation et la stratégie d'emploi pour les jeunes. Nous avons fait un certain nombre de choses pour combattre la pauvreté. Ce n'est pas assez, je l'admets, et je crois que le ministre des Finances et le premier ministre l'admettront également.
Quand on considère les choses dans le contexte global de l'administration du Canada, ce beau et grand pays dont nous formons le conseil d'administration, il faut établir des priorités. Nous devons prendre des engagements pour garder les taux d'intérêt et le taux d'inflation à la baisse et à leurs planchers records actuels. Bien sûr, le député n'est pas d'accord. Il me fait signe du pouce. Je ne m'attends pas à un signal approbateur de la part de quelqu'un dont le seul but dans la vie est de détruire notre merveilleux pays. En fait, un tel geste de sa part m'inquiéterait.
On ne peut même pas parler d'une chose comme la mondialisation ou l'AMI sans que les députés d'en face réagissent de façon hystérique, comme Maude Barlow qui ronge son frein et fait des manifestations un peu partout, excitant les gens et diffusant de l'information fausse aux quatre coins du pays; les députés d'en face utilisent les négociations sur l'AMI pour servir leurs fins politiques. C'est malheureux.
Le libre-échange et la mondialisation sont là pour rester. Nous ne pouvons pas être isolationnistes. Les députés peuvent bien chahuter. Je n'ai jamais parlé autrement. Nous ne pouvons pas être isolationnistes.
Le Bloc aimerait qu'il y ait des frontières autour de la province qu'il représente, ce qui ne ferait que l'isoler. Le plus grand partenaire commercial de la province de l'Ontario est la province de Québec.
Je pense que le commerce interprovincial est un enjeu très important. Il y a des barrières au commerce interprovincial qui devraient être éliminées. Nous devrions travailler en ce sens, ensemble, en tant qu'administrateurs du Canada. Je pense que nous pouvons prendre cette orientation.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas éviter de négocier avec les pays étrangers. C'est obligatoire. Regardons où se trouve le premier ministre aujourd'hui, et depuis deux jours. C'est représentatif d'un problème intéressant. Les Américains ne veulent pas signer l'AMI, parce qu'ils n'aiment pas que nous allions à l'encontre de la loi Helms-Burton. Ils veulent agir de manière isolationniste. Ils n'ont pas d'objection à faire des échanges avec la Chine. Ils n'ont pas d'objection à faire des échanges avec un pays dont les agissements sur le plan des droits de la personne sont sans doute les pires du monde, mais ils ne veulent pas d'échanges avec la petite île de Cuba.
Pourtant, nous voyons ce que notre premier ministre est parvenu à faire pour adoucir les relations avec Cuba et pour obtenir un règlement au sujet de la compagnie d'assurance La Confédération. Nous devons tenir ces discussions et procéder à ces négociations pour intervenir dans l'économie mondiale.
Nous devons nous mettre à la tâche. Examinons le document de l'AMI. Nous ne devons ni renoncer à nos normes en matière de main-d'oeuvre et d'environnement, ni abandonner nos exigences en matière de santé et de sécurité. Le gouvernement actuel ne le permettrait pas. Le simple fait que de telles propositions soient abordées provoque une réaction telle que certains mettent des oeillères et refusent même de discuter.
Nous devons tenir des négociations concernant la mondialisation et le commerce international si nous voulons un jour être en mesure d'augmenter notre part du marché pour les 30 millions de Canadiens. Nous ne pouvons pas le faire en restant chez nous. Le commerce interprovincial fait problème, mais la mondialisation s'installe pour de bon. Les Canadiens devraient s'en réjouir et être confiants de pouvoir livrer concurrence à l'échelle mondiale, tant sur le plan des affaires que sur celui des arts et de la culture.
J'ai confiance et je sais que notre gouvernement est confiant aussi.
[Français]
M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec un intérêt certain les propos du précédent intervenant, et je suis obligé de constater que c'est une aberration.
Ce collègue est libre-échangiste; il favorise les échanges commerciaux au niveau mondial. Mais est-ce qu'il sait seulement, par exemple, qu'Unibroue au Québec, cette mini-brasserie qui fait l'orgueil des Québécois en produisant une bière de qualité qu'elle vend à la grandeur du monde, est incapable de vendre une seule bouteille de bière en Ontario à cause des tarifs et des structures que l'Ontario s'est donnés pour empêcher les producteurs québécois, et j'imagine ceux des autres provinces aussi, d'assaillir son marché?
Je veux dire au député que n'eut été de la clientèle québécoise qui achetait ses automobiles de Ford, de Chrysler et de GM en Ontario, en payant presque le double de ce que ces mêmes produits valent aux États-Unis, s'il n'y avait pas eu de mesures protectionnistes, il y a longtemps que l'Ontario aurait piqué du nez et que son industrie automobile serait complètement moribonde.
Je veux bien faire du commerce, je veux bien faire des échanges, mais il faut qu'on parte de bases identiques et que les coûts de revient soient identiques à cause de l'engagement des gouvernements à respecter certains droits.
Comment peut-on vendre un produit de soudure, par exemple, alors qu'un soudeur ici doit porter des vêtements spéciaux, son atelier doit être chauffé, son salaire minimum doit être respecté, alors qu'au Venezuela, j'ai vu un soudeur travailler en culotte courte, pieds nus, sur le coin de la rue, avec un fond de bouteille en guise de masque? Comment peut-on être concurrentiels dans de pareils cas?
Je voudrais que mon collègue me l'explique, lui qui semble être le détenteur et le dépositaire des vérités absolues aujourd'hui à la Chambre.
[Traduction]
M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, en fait, je suis d'accord avec la préoccupation exprimée au sujet des microbrasseries au Québec. C'est ridicule.
Le problème, c'est qu'au fond, la distribution de la bière en Ontario est entre les mains des grandes brasseries. C'est à ce niveau qu'il faut régler le problème. Ces brasseurs contrôlent le système de distribution. Les produits de la microbrasserie du député, qui se trouve au Québec, ne peuvent figurer sur la liste de Brewers Retail. On ne les vend pas chez le dépanneur ou à l'épicerie comme ailleurs au Canada. C'est vraiment un problème. Le député soulève un bon argument. Le Québec et l'Ontario devraient discuter des moyens à prendre pour venir à bout de cette injustice.
Les achats de la province de Québec auprès des entreprises de l'Ontario dépassent de plus de neuf milliards de dollars les achats de l'Ontario au Québec. Notre balance commerciale est excellente. Nous avons vraiment intérêt à collaborer avec le Québec. Nous avons une marge de manoeuvre à cause de cette balance commerciale. Je voudrais bien que ces questions soient mises sur la table.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, mon collègue de Mississauga-Ouest a bel et bien dit qu'il y avait neuf milliards de dollars de surplus. Je n'ai pas vérifié les chiffres, mais sûrement qu'ils vont vouloir les conserver après la souveraineté du Québec...
Une voix: Sûrement.
M. Benoît Sauvageau: Un surplus de neuf milliards de dollars, c'est très intéressant pour eux.
Son discours nous a permis de voir l'importance, la pertinence et l'exactitude de la motion et du débat lancé par le député de Lac-Saint-Jean. Comment rester insensible devant autant d'ineptie, autant d'incohérence et autant de folie dans un même discours de dix minutes? Cela mériterait peut-être une place dans le livre de records Guinness, je ne sais pas, mais je n'ai jamais entendu de telles choses.
Dans un premier temps, au sujet de l'élimination de la pauvreté chez les enfants, le Canada a signé un accord à New York pour l'élimination de la pauvreté. À New York, ils étaient là.
Deuxièmement, dans leur livre rouge, ils parlent de l'élimination de la pauvreté chez les enfants. Il est député du Parti libéral.
Troisièmement, j'aimerais lui demander s'il y a plus ou moins d'enfants pauvres depuis qu'il est ici? Pourquoi se dérobe-t-il devant son rôle de parlementaire et refuse-t-il de créer un comité pour qu'on parle précisément de ces choses?
[Traduction]
M. Steve Mahoney: Monsieur le Président, ce que le gouvernement a fait concernant l'économie est bien clair. Notre tout dernier budget a révélé comment nous avons remis le pays sur la bonne voie. Nous avons éliminé le déficit de 42 milliards de dollars. Tout cela est absolument indispensable pour le succès des programmes qui contribueront à éliminer la pauvreté. Cela permettra de créer des emplois. C'est ainsi que nous parviendrons à éliminer la pauvreté.
À la différence des députés d'en face, qui semblent être des sociaux-démocrates, ou des socialistes en français, nous croyons au travail en partenariat avec les provinces, avec les territoires, avec le secteur privé, avec les responsables de la formation et avec les établissements d'enseignement, pour assurer des possibilités d'emploi à tous les Canadiens. Cela permettra d'éliminer la pauvreté.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur cette motion. Cette motion demande «d'examiner la capacité des parlementaires à réduire l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation des marchés». Pourquoi en sommes-nous venus à avoir ce genre de débat?
Un des principaux acteurs est le député de Lac-Saint-Jean qui a lancé son cri du coeur en disant: «Je suis un élu, je veux agir, je veux être capable d'avoir une influence qui permettra à mes concitoyens d'avoir une voix dans toute cette transformation qu'on voit dans le monde, où on entend parler continuellement de dollars, d'effets sur l'investissement et sur l'efficacité financière.»
La question que le député a posée est la suivante: Est-ce que ces changements sont favorables aux citoyens de mon pays? Est-ce que ce sont des changements qui visent le mieux-être collectif? C'est la question qui est posée. Est-ce que moi, comme élu, je puis avoir une influence suffisante pour qu'on puisse harnacher la mondialisation?
Tout le monde est favorable à l'accroissement des échanges. On se rend compte que le nombre de guerres dans le monde diminue, que cela permet d'avoir de plus grands marchés économiques et permet aussi à de petits pays de tirer avantage de la situation. On n'a plus besoin de grands espaces politiques, on a tout simplement besoin de grands espaces économiques.
En contrepartie, comment peut-on s'assurer que cette mondialisation ne se fasse pas au détriment de certaines personnes? Pour illustrer cette situation, je vais poser deux questions. Premièrement, est-ce que c'est vrai ou faux que le revenu annuel de plus de 250 millions des plus pauvres de la terre équivaut aux avoirs nets des six personnes les plus riches au monde? La réponse est: vrai. Ce n'est pas surprenant quand on considère que près du tiers de l'humanité vit dans la pauvreté absolue et gagne moins de 1 $ US par jour.
Deuxièmement, est-ce qu'il est vrai ou faux qu'à mesure que le monde s'enrichit, l'écart entre les riches et les pauvres s'amenuise? C'est faux, il ne s'amenuise pas. L'écart a plus que doublé en un peu moins d'une génération. Pourquoi? Parce que pour chaque tranche de 100 $ de croissance économique, 86 $ vont au cinquième le plus riche du monde et seulement 1,10 $ va au cinquième le plus pauvre.
Ce sont des questions et des réponses qui nous amènent à réfléchir. Cette situation n'est pas le résultat du hasard. C'est le résultat de gens qui se sont occupés de leurs intérêts, qui ont voulu que leurs intérêts économiques soient pris en compte et que les échanges économiques s'accroissent. Il y a eu des accords comme l'ALENA et la mise en place d'organismes comme l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et le Fonds monétaire international. Tous ces organismes défendent leurs intérêts.
Mais quelle est notre responsabilité en tant que parlementaires? Notre responsabilité est d'être l'espoir démocratique des citoyens. Quand quelqu'un de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, où il y a un abattoir de porcs, me dit: «Il me semble tout à coup qu'il y a moins de jobs. Qu'est-ce qui se passe?» Il faut voir le lien avec la mondialisation. Quelque part, en Asie, il y a eu une crise économique. Cette crise économique a des impacts sur le marché, entre autres, le marché de la consommation du porc, et cela a comme conséquence que dans un village de mon comté, il y a moins d'emplois.
Ce sont ces questions auxquelles je dois, en tant qu'élu, trouver la façon de modifier, de changer, de corriger. Par exemple, cela n'a l'air de rien, mais, présentement, dans le projet de loi C-36, il y a une proposition qui permettra d'accroître les sommes que le gouvernement fédéral peut envoyer au Fonds monétaire international pour lui permettre de faire face aux crises internationales. Cela paraît très beau à première vue, mais est-ce que ce n'est pas encourager les spéculateurs à créer des crises, parce qu'ils empochent l'argent et, en bout de ligne, ce sont les États et le Fonds monétaire qui seront obligés de compenser et de trouver des façons de sortir de cette crise?
Ce sont des questions de cet ordre qui sont importantes. Ce sont des questions qui sont mises sur la table par la motion et qui sont de première importance. Maintenant que c'est l'entreprise privée qui a la responsabilité de créer la richesse, nous avons l'importante responsabilité de la répartition de celle-ci.
Là-dessus, la performance des dernières années n'est pas très évidente. Dans la motion, il y a un rappel historique. En 1989, cette Chambre a adopté une motion pour la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Si on veut supprimer la pauvreté d'ici l'an 2000, on a un bout de chemin à faire. Ce matin, le Conseil national du bien-être social a déposé au Comité permanent des finances un rapport dans lequel il dit: «Il y a environ un million et demi d'enfants pauvres au Canada. Approximativement deux tiers de ces enfants, soit environ un million, appartiennent à des familles relevant de l'aide sociale.»
Si le Parlement canadien devait passer son examen aujourd'hui sur la façon dont il a fait face à la disparition de la pauvreté des enfants, il aurait échoué. Il n'aurait pas réussi son examen, parce qu'il n'a pas les résultats qui confirment cet engagement.
Devant l'apathie que l'on rencontre du côté de la majorité libérale en particulier et le fait que l'on ne veuille pas voter sur une telle motion, qu'est-ce que ça va prendre aux parlementaires pour qu'ils se décident à bouger là-dessus?
Le député de Lac-Saint-Jean a relevé ce défi en demandant aux parlementaires de tous les partis politiques de s'engager à trouver des solutions. On n'est pas encore rendus à ce débat. On ne fait que demander aux parlementaires de s'engager à trouver des solutions et on ne peut trouver cet accord du côté de la majorité. Il va donc falloir trouver une façon encore plus frappante pour obtenir des résultats.
On a fixé un objectif, on a parlé de 50 000 signataires pour la pétition qui est en cours pour nous permettre d'examiner ces positions. Les libéraux sont silencieux, on ne les entend pas débattre de cette cause. Ils ne veulent même pas ouvrir les yeux pour en faire un débat et permettre qu'il y ait un comité parlementaire de formé à ce sujet. À ce silence, on va présenter la signature de milliers de personnes s'y opposant. On a déjà 50 000 signatures et s'il en faut plus, on ira en chercher.
C'est un problème qui est présent partout. Durant la dernière fin de semaine, dans toutes les activités où je participais, je discutais avec des gens de l'à-propos de la question du fauteuil. Personne ne mettait en question le fait que la lutte à la pauvreté est la façon de s'assurer que la mondialisation ne vienne pas nous manger tout rond. Tout le monde considère que c'est un enjeu important auquel il faut trouver des solutions. Je n'ai pas toutes les solutions à ce problème. Je ne sais pas encore si la fusion des banques va être une bonne chose et je ne sais pas encore de quelle façon cela devra se faire.
Je tiens à ce que le débat, qui a été entamé par le député de Lac-Saint-Jean, se fasse. Il faut que l'on se pose ces questions, parce que sinon on arrivera en l'an 2005 ou 2010 sans avoir trouvé de solutions. Nous ne serons plus dans ce Parlement, parce que nous aurons trouvé une autre solution, mais nous allons nous retrouver devant la même réalité que l'on vit aujourd'hui.
En 1989, il y a neuf ans, bientôt 10, on voulait s'engager à la suppression de la pauvreté d'ici l'an 2000. Aujourd'hui il reste encore 1,5 million d'enfants pauvres au Canada. Il ne faudrait pas que l'on soit encore dans 10 ans devant les mêmes résultats ou dans une situation pire, qui se serait détériorée, et devant une situation qui soit inacceptable.
Je vais conclure là-dessus. Comment peut-on atteindre ce résultat? Les gens nous disent: «Vous êtes naïfs.» La naïveté peut amener le changement. Avec de la naïveté, de l'organisation politique et la volonté de réussir des choses, on met les problèmes sur la table, on en débat et on trouve des solutions gagnantes.
Mais ce qu'il ne faut jamais faire, c'est ce que le premier ministre a fait. Après avoir tenté d'étrangler un manifestant, il a maintenant essayé de ridiculiser le plus jeune député de la Chambre sur une question fondamentale, où ce député demandait: «Qu'est-ce qu'on peut faire pour diminuer les écarts entre les riches et les pauvres? Comment peut-on s'assurer que la mondialisation n'aura pas des effets négatifs, mais positifs?»
Le premier ministre devra porter le poids de l'histoire sur ce geste. Je pense qu'il savait très bien ce qui se faisait. Il est très conscient de son impuissance et de sa non-volonté à régler cette question. La réaction que le premier ministre, les libéraux et tous les parlementaires de cette Chambre devraient avoir est de dire: «Oui, effectivement, c'est une question importante qui a été soulevée par le député de Lac-Saint-Jean.»
C'est une question primordiale et les parlementaires doivent jouer un rôle fondamental. C'est là-dessus, entre autres, que la population du Québec et du Canada va juger les députés. Ont-ils bien géré le pays, ou ont-ils décidé d'être des spectateurs qui vont «zapper» avec leur télécommande en regardant comment les autres décident pour eux et comment la vie sera organisée à l'avenir.
[Traduction]
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, après avoir écouté l'intervention du député du Bloc québécois, je me demande s'il pourrait dire à la Chambre quel aspect de la mondialisation cause du tort au Canada. Est-ce l'accord de libre-échange avec les États-Unis? Est-ce l'ALENA conclu avec les États-Unis et le Mexique? Est-ce l'Organisation mondiale du commerce, dans le cadre duquel nous avons négocié avec 132 autres pays membres, ou est-ce l'AMI?
Le député pourrait-il nous dire précisément quel aspect de la mondialisation souffre des accords que le Canada a signés?
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le Président, il y a un exemple concret qu'on peut donner très rapidement, c'est l'Accord multilatéral sur l'investissement. Si jamais on négocie un tel accord sans qu'il y ait une exception de fond sur la question de la culture, ce serait inacceptable et très dangereux, et pour le Québec et pour le Canada.
Si on se ferme les yeux sur la façon dont les différents pays traitent leurs employés ou les questions environnementales, on va permettre de développer des sous-marchés ou des situations où il y va y avoir une compétition indue. Les gens vont être traités de façon inégale pour permettre d'aller chercher les capitaux et de satisfaire ces exigences. Ce sont des éléments de la mondialisation qu'il faut harnacher.
Il n'y a pas de contradiction. S'il y a des gens qui le savent au Canada, ce sont les Québécois. Nous avons été les artisans de défense pour que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis soit signé. On était favorables à ce que cet accord soit signé, mais il fallait s'assurer que cela se fasse dans des conditions acceptables.
Lorsqu'on arrive avec un capital important—l'AMI, entre autres, en est un exemple—il faut que les gens dans les pays du Sud qui profitent de ces projets d'investissement aient des chances égales, et que cela se fasse dans des conditions acceptables.
Il faut s'assurer aussi que les gains de productivité qu'on obtient par la mondialisation soient répartis entre les citoyens. Si ce sont toujours les mêmes qui profitent des revenus, on a un problème majeur.
On a eu le même problème à la fin du XIXe siècle, avant la révolution industrielle. Des enfants de 10 ou 12 ans travaillaient dans des mines et dans des usines de textile. Certains disaient que cela n'avait pas de bon sens; il y a eu un mouvement syndical qui s'est levé et il s'est développé des façons d'humaniser ces comportements.
Aujourd'hui, à la veille du XXIe siècle, on a le même défi, parce qu'effectivement, si le revenu annuel de plus de 250 millions des plus pauvres de la terre équivaut aux avoirs nets des six personnes les plus riches du monde, c'est qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce système. Comme élu, j'en suis responsable, comme chacun des élus de cette Chambre.
[Traduction]
M. Charlie Penson: Monsieur le Président, j'ai écouté le député bloquiste parler de la nécessité d'exceptions culturelles. J'essayais de trouver quel domaine était le plus préoccupant.
Le député a dit qu'à moins que le Canada n'obtienne une exception culturelle dans le cadre de l'AMI, il connaîtra de graves problèmes. Nous avons déjà un accord sur l'investissement et un traité avec les États-Unis et le Mexique appelé ALENA. Nous bénéficions d'une exception culturelle en vertu de l'ALENA, mais le député reconnaît-il que l'exception culturelle prévoit que les États-Unis peuvent user de représailles équivalentes pour toute mesure protectionniste que nous prenons?
Étant donné que la plupart des porte-parole du monde de la culture semblent croire que la menace vient des États-Unis, je m'interroge sur la logique à cet égard, car l'ALENA va rester en place peu importe ce que nous faisons à propos de l'AMI. Le député n'accorde-t-il pas trop d'importance à l'AMI? L'ALENA va rester en place et cet accord a de toute façon la priorité en termes d'accord culturel avec les États-Unis.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur le Président, il faut se souvenir qu'un des objectifs visés par l'ALENA, c'était d'obtenir des tribunaux de décision pour certaines situations.
Par exemple, il y a eu la question du bois d'oeuvre, entre autres, entre le Canada et les États-Unis. On ne voyait pas comment s'en sortir pour régler une telle question entre deux pays distincts. Dans l'Accord de libre-échange, on a défini des règles, des structures de décision et des modes de consultation pour qu'il puisse y avoir arbitrage à certaines occasionsà certains moments appropriés.
Voilà une façon d'harnacher les accords internationaux de telle façon à ce qu'on s'assure que dans le futur, les décisions soient prises de façon correcte et humaine.
Les autres conditions sont également importantes. Il est important pour le Québec de s'assurer qu'il y aura une clause de protection des responsabilités et des juridictions des provinces. Tant qu'on fait partie du Canada, si jamais un accord comme l'AMI était signé et qu'il n'y avait pas de clause qui protégeait les juridictions des provinces, ce serait un encouragement aux députés d'en face d'utiliser la même pratique qu'il y a eue avec le gouvernement conservateur d'aller intervenir dans tous nos champs de juridiction. De plus, ils pourraient le faire avec l'appui d'accords internationaux en disant: «Ce sont les accords internationaux qui nous obligent à intervenir en éducation et ailleurs.»
Cela est essentiel pour nous, et nous croyons qu'à l'avenir, et je conclus ainsi, l'évaluation qu'on va pouvoir faire du futur de la mondialisation, ce n'est pas seulement sur le produit brut créé, mais sur la répartition de la richesse pour ceux qui vivent dans les différents pays qui sont couverts par les différents échanges économiques.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Je me suis un peu fourvoyé dans la rotation. Nous céderons la parole à la députée de Québec, puis à celle de Laval-Ouest, pour ensuite revenir à la rotation habituelle.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le travail est un droit, l'emploi une nécessité, et la pauvreté est une atteinte à la dignité humaine, une injustice à nos savantes institutions et un accroc aux libertés fondamentales.
C'est à la lumière de ces constats que le Bloc québécois appuie le plus jeune député de cette Chambre, le député de Lac-Saint-Jean, dans sa démarche visant à mettre sur pied un comité parlementaire pour étudier la question du rôle et du pouvoir des États en ce qui concerne la redistribution de la richesse.
Un débat de cette envergure ne peut être partisan. C'est donc avec confiance que je m'adresse à mes concitoyens et à mes collègues de cette Chambre pour les inviter à participer activement à la démarche proposée par le Bloc québécois.
J'aimerais m'arrêter quelques instants pour prendre connaissance de la motion, qui se lit comme suit:
Que cette Chambre réitère l'engagement de 1989 sur la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000, presse le gouvernement d'agir et forme un comité parlementaire spécial réunissant des représentants de tous les partis et ayant pour principal objectif d'examiner la capacité des parlementaires à réduire l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation des marchés parce que:
1) malgré la croissance économique des dernières années, l'écart entre les riches et les pauvres continue de s'accroître;
2) la mondialisation des marchés influence grandement la capacité des États à développer leur économie selon leurs priorités;
3) la mondialisation et les accords internationaux qui l'encadrent, notamment l'Accord multilatéral sur l'investissement, tel que rédigé actuellement, risquent de limiter certains pouvoirs des États et en conséquence des représentants élus en cette Chambre.
D'entrée de jeu, je veux rappeler la mémoire de l'un des grands penseurs de ce siècle, Fernand Dumont, qui, dans Raisons communes disait: «Les problèmes ne disparaissent pas parce que nous en avons trop parlé; ils subsistent parce que nous ne les avons pas résolus.» Dire qu'il a raison est un euphémisme.
En effet, l'accroissement de la pauvreté nous est rappelé quotidiennement dans nos circonscriptions par les personnes mêmes qui en souffrent. L'accroissement de la pauvreté nous est rapporté chaque jour par les médias et par les députés à la Chambre des communes. Le Bloc québécois en a fait, depuis son élection en 1993, son cheval de bataille. C'est une préoccupation constante au sein de notre députation.
Les statistiques, quant à elles, sont intraitables. Elles illustrent que malgré la croissance économique, l'écart entre les riches et les pauvres continue sa course effrénée. Une étude du Forum national sur la sécurité de la famille conclut qu'entre 1981 et 1991, chez une personne sur cinq ayant les revenus les plus bas, soit des revenus de 25 000 $ et moins, les revenus totaux ont chuté de 400 millions de dollars. En ce qui concerne les personnes dont le revenu moyen se situait entre 39 000 $ et 54 200 $, les revenus ont chuté de 2,7 milliards de dollars, alors que chez une personne sur cinq, parmi les plus hauts salariés, soit ceux gagnant 74 000 $ et plus, les revenus ont augmenté de 6,6 milliards de dollars.
Qu'en est-il ailleurs? En 1992, 20 p. 100 des Américains les plus riches disposaient d'un revenu 11 fois supérieur aux 20 p. 100 les plus pauvres, comparativement à sept fois et demi en 1969. À l'échelle planétaire, on observe que 20 p. 100 des individus les plus riches ont vu leur part du revenu mondial passer de 70 p. 100 à 85 p. 100 entre 1960 et 1991, tandis que la part des 20 p. 100 les plus pauvres passait de 2,3 p. 100 à 1,4 p. 100.
Mais au-delà des chiffres, il y a la souffrance. Derrière ces chiffres, il y a des enfants qui ont faim et des parents désespérés de ne pouvoir leur donner le nécessaire. Derrière ces chiffres, il y a des jeunes qui remettent en cause la possibilité d'avoir des enfants, tellement la situation financière est précaire. Avons-nous le droit de nous taire et de continuer à rédiger, dans nos législations, ce qui, en termes clairs, constitue l'exclusion sociale et économique d'une part importante de notre richesse collective?
Nos chercheurs d'emploi ne doivent pas être réduits à des ressources productives. Ils sont des êtres humains désireux de participer activement à la croissance économique. C'est dans cette perspective que doit s'inscrire notre réflexion sur la mondialisation des échanges commerciaux et, de façon particulière, l'Accord multilatéral sur l'investissement.
La mondialisation est plus qu'une théorie ou une idéologie. C'est une réalité qu'on observe à tous les jours. Qu'on le veuille ou non, se hausser au niveau d'un environnement international changeant et tourné vers le savoir est devenu la principale préoccupation des stratégies industrielles et des politiques économiques nationales.
Le Bloc québécois est conscient de cette réalité. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec le principe de l'AMI qui, essentiellement, vise à définir un cadre juridique pour diminuer l'incertitude liée à l'investissement dans un pays étranger par l'obligation d'adopter les mêmes mesures pour les entreprises nationales et étrangères, favoriser l'investissement et, d'un même élan, la croissance économique.
Mais avant de donner notre appui à cet accord, il faut faire toute la lumière sur l'aspect de l'Accord multilatéral sur l'investissement. J'aimerais soulever un des aspects qui me préoccupent au plus haut point, celui de l'appauvrissement et de l'écart entre les riches et les pauvres.
La clause sociale est l'aspect le plus important pour moi aujourd'hui et j'aimerais le souligner. Je sais qu'il y en a d'autres revendiqués par le Bloc et par la population, mais la clause sociale est celle qui permettrait d'avoir un meilleur contrôle pour que l'écart entre les riches et les pauvres ne s'accentue pas.
Les organisations syndicales de l'OCDE réclament, depuis 1994, l'inclusion, dans tous les accords commerciaux, d'une clause sociale engageant les pays à respecter les sept conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail. On parle ici du respect de la liberté d'association, du droit aux négociations collectives, de l'interdiction du travail forcé, de l'interdiction d'user de discrimination en matière d'emploi, pour ne nommer que celles-là.
Je sais que dans l'Accord multilatéral sur l'investissement, on rappelle bien dans le préambule du rapport l'attachement des pays signataires à la Déclaration de Rio en 1992. Mais comment prendre un tel engagement au sérieux de la part de certains pays, quand on sait que les États-Unis n'ont ratifié qu'une seule des sept conventions et que le Canada n'en a signé que quatre?
On peut être inquiets de cet accord qui pourrait être signé sans qu'une clause sociale ne soit incluse dans l'Accord sur l'investissement. Nous demandons donc plutôt de faire en sorte que de telles négociations sur l'investissement débutent au sein de l'Organisation mondiale du commerce. On voudrait que ce soit négocié au sein de l'Organisation mondiale du commerce, parce que c'est plus représentatif. Il y a 130 pays qui y siègent, plutôt que ce qui se passe présentement au sein de l'OCDE où il n'y a que 29 pays.
Le Bloc québécois veut plus de transparence, et je pense que la population appuie la démarche du Bloc québécois. Nous voulons plus de transparence, parce qu'on sait que la population est très concernée et qu'elle n'a pas été mise à profit pour donner son opinion sur ce qui va probablement être signé à l'automne.
Il faut plus de transparence. Il faut que cet accord donne plus de retombées locales et qu'il y ait des garanties, qu'on apporte un bénéfice net aux pays impliqués dans l'augmentation des flux de capitaux. On sait que s'il y a augmentation des flux de capitaux, il faudra que les populations soient les premières servies. On sait très bien qu'il y a des problèmes quant à certains accords qui ne seraient pas respectés. On sait que des sorties de capitaux pourraient être catastrophiques pour les pays impliqués par cet accord. On sait donc qu'on va fragiliser l'économie nationale.
Il faut des garde-fous pour qu'il n'y ait pas d'abus. Il faut que cette entente soit bénéfique pour les citoyens et pour les citoyennes. J'appuie avec force et conviction la motion déposée ce matin.
Depuis que j'ai été élue, la pauvreté des enfants et l'appauvrissement de la population sont au coeur de toutes mes discussions et des discours que j'ai faits à la Chambre des communes.
M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Monsieur le Président, je ne reprendrai pas les chiffres qu'on vient de donner. Ils sont véridiques et tout le monde peut les consulter. Cependant, je vais citer quelques exemples dans mon comté.
J'apprenais hier que deux jeunes, à Bonaventure, ont assassiné une vieille personne. Plusieurs personnes disent que les jeunes sont comme ça, mais ce n'est pas vrai. Nous avons une responsabilité en tant que parlementaires et très souvent nous ne la prenons pas.
Est-ce qu'il faudrait poser des gestes comme ceux posés par Martin Luther King? Tout le monde en parle après des années. Qu'est-ce qu'il a fait? Il s'est impliqué directement. Est-ce qu'il faudrait faire comme Mgr Romero ou comme Terry Fox?
Qu'est-ce qu'il faut faire? On s'aperçoit que, comme parlementaires, même si nous sommes nécessaires, il est difficile de faire passer une idée et de faire ouvrir les intelligences et les coeurs.
Mon collègue de Lac-Saint-Jean que je félicite aussi, dont je suis particulièrement fier, nous pose une question. Il pose une question, je dirais, non partisane: Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour les jeunes? Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour les plus vieux? Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour nos concitoyens et concitoyennes chacun dans nos comtés? C'est ce que l'on veut, nous sommes élus pour cela.
Je ne voulais pas être passionné, je voulais être très calme, aujourd'hui, dans le sens qu'il faut que cela se fasse au-dessus de toute partisanerie politique. Il faut que cela fasse appel à notre intelligence et à notre coeur, il faut dégraisser un peu nos porte-monnaie, il faut que cela commence peut-être par nous.
Toutefois, que pourra-t-on faire s'il n'y a pas un débat, s'il n'y a pas un véritable comité pour que l'on puisse peser le pour et le contre et, surtout, quels moyens on pourrait prendre, d'ici deux ans, pour atténuer un peu cette situation?
Le premier ministre dit souvent que le Canada est un pays riche. Oui, il est riche. La richesse est là, mais qui l'a, la richesse? Vingt p. 100 des personnes qui crèvent de faim viennent de nos comtés, et cela fait mal.
Je demande à ma collègue, concrètement, d'ici l'an 2000—mon collègue parlait de dix ans—mais d'ici l'an 2000, est-ce qu'il y a quelques moyens que l'on pourrait prendre pour au moins venir en aide à la population? Il y a des signatures de pétitions, bien sûr, mais est-ce qu'il y aurait autre chose?
Mme Christiane Gagnon: Monsieur le Président, quand tout à l'heure j'ai dit que la mondialisation c'était plus qu'une théorie ou une idéologie, c'est une réalité que l'on observe tous les jours. Mon collègue mentionnait toute la tristesse et le désoeuvrement que l'on retrouve souvent dans la population, en tout cas auprès de ceux qui ne peuvent avoir droit à un salaire décent, faute d'emploi.
Effectivement, le fait que l'on apporte cela à la Chambre des communes, qu'il y ait un débat et que la population puisse y participer, cela serait souhaitable. Je pense que l'on est en train de signer un accord dont la population n'avait pas été saisie et que, même nous comme députés n'en avions pas été saisis.
Ce débat devra descendre dans la population. J'invite la population de mon comté à me faire part de leur opinion sur cet accord. Il faudra informer davantage la population sur tous les enjeux que pourrait susciter cet accord.
Je vous ai parlé tout à l'heure du flux des capitaux. Les capitaux pourraient partir. Cela arrive quand, pour «x» raisons, on ne répond pas aux ententes qui ont été signées. À ce moment-là c'est la population qui va subir les conséquences très graves d'un retrait de capitaux des investisseurs.
Il faut donc que cela soit fait avec un très grand sérieux. Je suis heureuse de voir que l'on puisse discuter de l'AMI. On pourrait remettre cela dans des débats au sein de nos circonscriptions. On verra comment, au fil des mois, cette entente sera digérée par la population et quelles sont les réserves qui pourraient être mises de l'avant par les différents pays.
Il faut aussi respecter les spécificités des pays. Ici même au Canada, on sait qu'il y a des provinces qui ont des spécificités, et dans l'entente on ne le mentionne nullement.
Il faut vivre avec cette mondialisation des marchés, mais il faut aussi tenir compte du rythme des pays à évoluer et à être de concert avec cette grande mondialisation.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole en réponse à la motion du Bloc québécois.
Je prendrai les prochaines minutes pour souligner que notre gouvernement, par l'entremise de son plus récent budget, a pris des mesures ciblées et efficaces afin de protéger et améliorer la situation des Canadiens et des Canadiennes à revenu faible et moyen.
Le budget de 1998 amorce un processus d'allégement fiscal général qui prend la forme de deux grandes mesures et qui assure le maintien des allégements ciblés à l'intention de ceux qui en ont le plus besoin et dans les secteurs où les retombées seront les plus grandes.
Au cours des trois prochaines années, le mesures contenues dans le budget se traduiront par un allégement fiscal cumulatif de sept milliards de dollars dont bénéficieront principalement les contribuables à revenu faible et moyen.
L'allégement fiscal sera d'abord modeste, car le dividende budgétaire qui permet de l'accorder sera lui-même modeste. Nous ne consentirons pas de réductions fiscales qui compromettront la santé financière que nous venons de rebâtir, ni les priorités des Canadiens, comme les soins de santé, l'éducation et les pensions publiques.
C'est pourquoi, conformément aux priorités du pays, le gouvernement réduira, en tout premier lieu, les impôts de ceux qui sont le moins en mesure de les supporter, c'est-à-dire les Canadiens à revenu faible et moyen.
La première des deux mesures générales d'allégement fiscal vise à hausser le montant de revenu en franchise d'impôt que touchent les Canadiens à revenu modique. À l'heure actuelle, le montant personnel de base non imposable est de 6 456 $, tandis que le montant pour conjoint et l'équivalent du montant pour conjoint ne peuvent dépasser 5 380 $.
Le budget propose d'augmenter de 500 $ ces montants pour les Canadiens à faible revenu, ce qui entraîne en fait une majoration du revenu non imposable de 500 $, dans le cas des contribuables célibataires gagnant moins de 20 000 $, et de 1 000 $ dans celui d'une famille touchant moins de 40 000 $.
Grâce à cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er juillet 1998, près de 400 000 particuliers à revenu modique ne paieront plus du tout d'impôt et 4,6 millions de contribuables supplémentaires en paieront moins. La réduction d'impôt sur le revenu se chiffrera à 85 $ pour les célibataires et à au plus 170 $ pour les familles.
Le budget propose en outre d'éliminer entièrement la surtaxe générale de 3 p. 100 pour les contribuables gagnant jusqu'à environ 50 000 $. Cette surtaxe, une taxe sur une taxe instaurée en 1986 pour aider à réduire le déficit, sera réduite pour les contribuables dont le revenu se situe entre 50 000 $ et 65 000 $ environ.
Cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er juillet 1998, fera en sorte que près de 13 millions de déclarants ne paieront aucune surtaxe fédérale en 1999, et qu'un million de déclarants supplémentaires paieront une surtaxe considérablement moins élevée.
Ces deux mesures accordent un allégement fiscal très progressif étant donné que, en pourcentage de l'impôt actuel, les réductions les plus importantes sont consenties aux contribuables touchant les revenus les moins élevés. À titre d'exemple, l'allégement fiscal d'un célibataire qui gagne 30 000 $ s'élèvera à 3 p. 100, tandis que celui d'un contribuable touchant 50 000 $ par année sera de 2,4 p. 100.
Les familles dont le revenu est de 30 000 $ verront leur impôt diminuer de 31 p. 100, tandis que celles gagnant 50 000 $ obtiendront une réduction de 3,3 p. 100. Par conséquent, l'impôt fédéral sur le revenu d'une famille touchant 30 000 $ passera à 300 $, soit environ 1 p. 100 de son revenu.
Poursuivant sur la lancée des budgets précédents, le budget de 1998 propose un allégement fiscal ciblé à l'appui de ceux qui sont dans le besoin.
Dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, un crédit d'impôt sera accordé pour la première fois au titre des paiements d'intérêt sur les prêts étudiants.
Cette mesure sera étendue à tous les étudiants et profitera à plus d'un million de personnes. Par exemple, pour un étudiant ayant une dette type, cette mesure se traduira par une réduction de l'impôt fédéral et provincial de près de 530 $ la première année, et d'au plus 3 200 $ sur une période de remboursement de dix ans.
Le budget propose également plusieurs mesures qui permettront aux Canadiens de parfaire leurs compétences, notamment l'extension du crédit pour études aux étudiants à temps partiel. Ainsi, un étudiant à temps partiel, inscrit à deux cours admissibles, pourra réaliser une économie d'impôt de 120 $. Cette mesure réduira les frais associés aux études et facilitera l'éducation permanente pour plus de 250 000 étudiants à temps partiel.
En reconnaissance des dépenses liées aux études et pour favoriser l'éducation permanente, le gouvernement permettra dorénavant aux étudiants à temps partiel de demander la déduction pour frais de garde d'enfants. Cette mesure, qui touchera environ 50 000 étudiants à temps partiel, permettra au père ou à la mère de deux enfants qui est inscrit à deux cours d'épargner environ 550 $ d'impôt.
Ensemble, ces deux mesures feront plus que tripler les économies d'impôt réalisées par un étudiant à temps partiel type ayant deux enfants, passant de 300 $ à près de 1 000 $ par année.
Pour appuyer l'éducation permanente, le budget propose également d'autoriser les Canadiens à effectuer des retraits exonérés d'impôt de leurs REER afin de financer des études et de la formation à temps plein.
Les contribuables pourront retirer en franchise d'impôt jusqu'à concurrence de 10 000 $ par année, sans dépasser 20 000 $, sur une période de quatre ans. Pour préserver les revenus de retraite, les contribuables devront rembourser ces retraits sur une période de dix ans.
Les mesures de soutien aux familles caractérisent également le budget. Il s'agit notamment d'une hausse de la déduction pour frais de garde d'enfants, qui passe de 5 000 $ à 7 000 $ pour les enfants de moins de sept ans, et de 3 000 $ à 4 000 $ pour les enfants de sept à 16 ans. Un père ou une mère ayant deux enfants d'âge préscolaire verra son impôt réduit de 1 600 $. Cette mesure prend en compte les frais de garde d'enfants qu'assument les parents travaillant à temps plein et profitera à 65 000 familles ayant des enfants.
Le budget de 1998 renferme une autre mesure de soutien aux familles. Il bonifie de 850 millions de dollars supplémentaires la majoration de 850 millions de dollars de la Prestation fiscale canadienne pour enfants annoncée dans le budget de 1997 et qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 1998. Cette bonification sera instaurée en deux étapes: la première prévoyant une hausse de 425 millions de dollars par année à compter de juillet 1999 et la seconde, une hausse identique entrant en vigueur en juillet 2000.
Le gouvernement prévoit en outre instaurer un crédit aux aidants naturels qui réduira de 600 $ l'impôt fédéral et provincial combiné des Canadiens prenant soin d'un père âgé ou d'une mère âgée ou d'un membre handicapé de la famille. Environ 450 000 aidants naturels, qui normalement n'auraient pas droit au crédit pour personne déficiente à charge, bénéficieront de cette aide. De plus, une exonération de la TPS et de la TVH sera accordée à l'égard des dépenses encourues pour offrir des services de soins temporaires à une personne qui, en raison de son incapacité ou de son handicap, est très peu autonome.
Pour favoriser l'embauche des jeunes de 18 à 24 ans, les employeurs ne verseront pas de cotisations d'assurance-emploi à l'égard des nouveaux emplois qu'ils créeront pour les jeunes en 1999 et en l'an 2000.
Avant de terminer, je veux ajouter que je partagerai le temps qui m'est alloué avec la ministre.
De concert avec la réduction des cotisations patronales d'assurance-emploi, qui sont passées à 2,70 $ par tranche de 100 $ de gains le 1er janvier 1998, il s'agit d'une étape importante en vue de faciliter la création d'emplois pour les jeunes Canadiens.
Pour rendre plus équitable le traitement réservé aux travailleurs indépendants et aux entreprises constituées en société, le budget propose qu'à compter de cette année, les travailleurs indépendants canadiens puissent déduire de leur revenu d'entreprise les cotisations qu'ils versent à des régimes d'assurance-maladie et d'assurance pour soins dentaires.
En terminant, je voudrais ajouter que la mondialisation pose certes des défis importants à notre société. Les progrès technologiques des deux dernières décennies éclipsent en un clin d'oeil ceux du dernier siècle. Le budget libéral de 1998 prend acte de ce phénomène en proposant des allégements fiscaux ciblés et en bâtissant une économie solide...
Le vice-président: Je regrette d'interrompre l'honorable députée, mais son temps de parole est expiré.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je suis un peu étonnée du discours de la députée, car je pensais que le débat portait sur l'AMI et sur l'écart entre la richesse et la pauvreté. Ce que j'ai entendu, c'est plutôt la présentation du budget. C'est comme si le ministre des Finances avait fait son discours sur le budget.
C'est souvent ce genre de pétage de bretelles qu'on entend de la part des députés de l'autre côté de la Chambre quand vient le temps de discuter et d'avoir un débat. Ils se pètent toujours les bretelles comme si on vivait dans le plus beau pays du monde et qu'on n'avait aucun problème, ici, au Canada.
Pourquoi y a-t-il eu une augmentation de la pauvreté des enfants? Ce n'est certainement pas à cause de toutes les mesures prises par le gouvernement. Je vais continuer dans la même lignée que la députée d'en face. Si elle veut citer les mesures contenues dans le budget, eh bien, je peux faire une critique du budget.
Que pense-t-elle de la non-indexation des prestations fiscales pour enfants, des tables d'imposition personnelle, de la restriction des critères d'admissibilité pour l'assurance-emploi, des coupures dans le Transfert social canadien qui ont fait très mal à la population? Cela a fini par appauvrir la population. Je n'ai pas entendu la députée, une seule fois, s'inquiéter au sujet d'un pacte en cours de signature. Où est son inquiétude au sujet des différents articles. La députée n'a mentionné aucun article qui l'inquiète.
Je fais deux critiques de son allocution. Premièrement, je pense qu'on n'a pas à se péter les bretelles de telle façon. Deuxièmement, j'aurais aimé qu'elle me dise quels sont les articles qui l'inquiètent tout particulièrement dans l'AMI?
Mme Raymonde Folco: Monsieur le Président, je veux bien répondre à la députée. Ce qui m'étonne de sa critique, c'est qu'elle ne semble pas comprendre le rôle que joue le gouvernement au Canada.
Le gouvernement a le rôle d'aider la population. Comment le fait-il? Il le fait en particulier et surtout à travers son budget. Le budget est l'élément le plus important parce que, nous le savons tous, il contrôle toute la répartition de l'argent aux différents ministères.
Ce que j'ai essayé de faire dans le discours que je viens de présenter à la Chambre, c'est justement de démontrer comment notre gouvernement est responsable, comment notre gouvernement s'attarde sur les populations les plus démunies, sur les jeunes qui veulent poursuivre des études mais qui n'ont pas d'argent pour le faire. C'est notre responsabilité, pour les jeunes, pour les familles ayant peu de revenu, qui ont des salaires très, très faibles, c'est notre responsabilité, en tant que gouvernement canadien, de répondre à leurs besoins et c'est exactement ce que j'ai essayé de démontrer.
[Traduction]
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, le débat d'aujourd'hui est intéressant.
La députée libérale qui vient de prendre la parole a mentionné beaucoup de faits et elle a, dans certains cas, parlé du budget. Nous devrions examiner cela un peu.
Le problème dont il est actuellement question est celui de la pauvreté des enfants et de la mondialisation. Pour ce qui est de la pauvreté, la députée reconnaît-elle que quelque chose aurait dû être prévu dans le dernier budget pour les quelque 2,5 millions de Canadiens qui paient encore des impôts au gouvernement fédéral et dont le revenu annuel est inférieur à 15 000 $? En réalité, le budget de l'exercice 1997-1998 qui vient de prendre fin le 31 mars aurait comporté un excédent supérieur à 4,5 milliards de dollars si le gouvernement n'avait pas décidé de le dépenser.
Je vois que la députée reçoit certains conseils d'une de ses collègues. C'est très bien. Peut-être qu'à elles deux, elles pourront trouver une solution.
Il me semble que le moment aurait été opportun pour accorder un certain répit fiscal aux Canadiens à faible revenu et pour rayer leur nom du rôle d'imposition. Ce qu'il faut, ce sont de bons emplois rémunérateurs. Ceux qui n'ont pas la chance d'en avoir un ne devraient pas, de surcroît, avoir à payer de l'impôt fédéral sur un revenu très bas de 15 000 $ ou moins.
La députée partage-t-elle mon avis à cet égard?
[Français]
Mme Raymonde Folco: Monsieur le Président, en réponse au commentaire du député, je tiens à souligner que la question de la pauvreté est une question très grave qui concerne ce gouvernement de façon tout à fait fondamentale.
N'oublions pas que nous avons enlevé, dans le budget, 400 000 payeurs d'impôt, donc des personnes qui ne paieront pas d'impôt l'année prochaine. Ces personnes sont justement celles auxquelles le député fait référence, c'est-à-dire des personnes qui ont des salaires extrêmement bas.
Notre tâche fondamentale et notre grande priorité a été, cette année, de réduire le déficit. Nous seulement nous l'avons réduit, mais nous l'avons complètement éliminé. Cela a été une tâche monumentale, et j'en suis très fière. Nous aimerions faire plus...
Le vice-président: Je regrette, mais la période de questions et commentaires est expirée.
[Traduction]
L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Enfance et Jeunesse), Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole sur la motion du député.
Le chef du Bloc québécois a saisi la Chambre d'une motion d'une portée plutôt grande. Pour ma part, je me limiterai à la partie de la motion qui traite de l'élimination de la pauvreté des enfants, domaine qui m'intéresse de très près en tant que secrétaire d'État à l'Enfance et à la Jeunesse.
Certes, les parents ont la responsabilité première de prendre soin de leurs enfants, mais ils ne sont pas seuls dans cette entreprise capitale. Le développement normal des enfants requiert l'attention et la collaboration des parents, des gouvernements provinciaux et territoriaux de même que du secteur privé et des bénévoles. Le gouvernement du Canada est sans aucun doute prêt à faire sa part.
Je suppose que le député était présent à la Chambre au moment de la lecture du discours du Trône au mois de septembre dernier. Si c'est le cas, il sait que le gouvernement du Canada travaille avec ses partenaires provinciaux et territoriaux à la mise sur pied d'un système national de prestations pour enfants efficace et complet. Au cours du discours du Trône, le chef du Bloc québécois aurait entendu le gouvernement réitérer son engagement de veiller à ce que tous les enfants canadiens aient les meilleures occasions possibles de réaliser leur plein potentiel.
Il convient de mentionner qu'il faut vraiment illustrer cela par une seule et simple donnée. Quatre-vingt-cinq pour cent des parents célibataires sont des femmes. Soixante-cinq pour cent d'entre eux vivent dans la pauvreté. D'autres groupes sont également touchés; c'est le cas des autochtones et des enfants et des jeunes handicapés.
Dans le discours du Trône, le gouvernement a ajouté qu'il se préoccupait déjà du bien-être des enfants, notamment en augmentant de 850 millions de dollars sa contribution à la prestation fiscale pour enfants au cours de son mandat. Ce n'était pas des mots creux.
Il est regrettable que certains députés trouvent le budget quelque peu répréhensible. La plupart des mesures qu'il prévoit pour le développement humain s'adressent aux familles et aux enfants dans le besoin.
Le gouvernement a clairement exprimé ses intentions en répétant qu'il avait augmenté de 850 millions de dollars les fonds consacrés à la prestation fiscale pour enfants. Et ces 850 millions de dollars sont en sus des 850 millions de dollars déjà prévus dans le budget de 1997. C'est déjà une augmentation par rapport à ce que nous avions prévu initialement.
Le gouvernement remplira son engagement d'une manière responsable sur le plan budgétaire. Les 850 millions de dollars prévus dans le budget de 1997 seront engagés à compter du 1er juillet de cette année. Le nouveau financement sera divisé en deux; 425 millions de dollars seront engagés en juillet 1999 et le reste, 425 millions de dollars, en juillet 2000. L'effort total du gouvernement du Canada pour lutter contre la pauvreté des enfants s'élève donc à 1,7 milliard de dollars.
Cet investissement montre très clairement que le gouvernement du Canada met ainsi tout en oeuvre, dans la mesure de ses moyens, pour éradiquer la pauvreté infantile au Canada. Ce sont là des mesures concrètes. Entre temps, pendant que nous travaillons avec nos partenaires à planifier ces nouvelles stratégies, le gouvernement administre déjà un certain nombre de programmes d'aide aux enfants et aux familles. J'aimerais attirer l'attention des députés sur certains de ces programmes.
Le programme appelé Visions des services de garde a été créé en 1995. Il s'agit d'un programme national de recherche sur le développement de l'enfant et les services de garde administré par Développement des ressources humaines Canada. Ce programme appuie des projets de recherche et d'évaluation sur les services actuels de garde d'enfants.
Le budget de 1997 a accru de 100 millions de dollars sur les trois prochaines années les ressources de deux programmes communautaires qui aident des enfants à risque. Ce sont le Programme d'action communautaire pour les enfants et le Programme canadien de nutrition prénatale.
Je suis au milieu d'une tournée nationale qui m'amènera dans toutes les provinces et les territoires pour consulter les intervenants auprès des jeunes et des enfants. J'ai pu voir de très nombreux programmes de haut calibre qui remportent beaucoup de succès et qui ont été mis sur pied en tenant compte des priorités locales. Hier, j'étais à Québec et à Verdun où j'ai rencontré des intervenants.
Le Programme d'action communautaire pour les enfants, qui répond à la convention des Nations Unies sur les droits des enfants, aide des groupes communautaires à s'occuper de la santé et des besoins sociaux des enfants à risque de 0 à 6 ans. Ce programme permettra à des collectivités de tout le Canada de concevoir des projets adaptés aux besoins de leurs enfants et de fournir divers services comme des services de prêt de jouets, des programmes de stimulation précoce, des services d'éducation et de soutien des parents ainsi que des services intégrés fournis dans des centres de ressources familiales et des centres de développement des enfants.
Grâce à une stratégie nationale sur l'enfance et à des programmes comme le Programme de nutrition prénatale de Santé Canada, nous pouvons commencer à nous attaquer à des problèmes comme le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcool sur le foetus.
Il serait souhaitable de prendre les mesures voulues pour mettre sur pied un comité consultatif national sur ces questions et aussi pour lancer quelques projets pilotes bien ciblés pour délimiter certaines questions comme celles se rapportant aux jeunes contrevenants.
En ma qualité de secrétaire d'État chargée de l'Enfance et de la Jeunesse, j'ai amorcé des discussions avec des jeunes, des travailleurs de la rue et des professionnels de la santé afin de trouver des solutions aux problèmes liés aux enfants de la rue.
L'un de ces problèmes tient au fait que, faute d'adresse domiciliaire, les jeunes de la rue ne peuvent s'inscrire à aucun programme de formation, ils ne peuvent profiter d'aucun service ou programme gouvernemental. C'est très important. On devrait mettre sur pied un mécanisme grâce auquel les jeunes de la rue pourraient fournir suffisamment de renseignements à divers établissements d'enseignement et être autorisés à s'y inscrire.
Nous devons aussi nous préoccuper de la sécurité des jeunes de la rue. Ces jeunes étaient et sont toujours les enfants de quelqu'un, et les enfants de notre pays. Même si nous ne pouvons pas y parvenir du jour au lendemain, nous devrions veiller à leur garantir une certaine forme de sécurité, mettre à leur disposition des centres où ils auraient tout le loisir de prendre des décisions. Dans certains cas, ces jeunes ont eux-mêmes des enfants. La sécurité constitue donc un enjeu majeur.
L'initiative de garderie pour les enfants des premières nations et des Inuit aide à procurer aux collectivités des premières nations et des Inuit des services de garde de qualité et de quantité comparables à celles des services de garde fournis à l'ensemble de la population. Le gouvernement du Canada a prévu 72 millions de dollars sur trois ans pour offrir 4 300 places nouvelles et 1 700 places améliorées. Il s'est aussi engagé à verser 36 millions de dollars chaque année pour maintenir ce programme.
Pour assurer l'efficacité de ces programmes et des autres programmes éventuels, une collecte de données récentes sur la condition sociale des enfants canadiens s'impose. Pour ce faire, Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada sont à mener une enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. C'est une étude à long terme dans le cadre de laquelle on rend visite aux personnes visées tous les deux ans, de la naissance à l'âge adulte. On arrive ainsi à une vision intégrée de leur vie. Les données que nous recueillons nous aident à planifier de futurs programmes.
En plus des initiatives que j'ai mentionnées, nous collaborons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour élaborer le Programme national de l'enfance, une stratégie complète destinée à améliorer le bien-être de nos enfants. Le programme aura pour objectif de veiller à ce que tous les enfants aient la meilleure chance possible de se développer pleinement en tant que personnes en santé, qui réussissent bien et apportent une contribution à la société dont ils font partie.
Dans le cadre de ce programme national, nous allons étendre aux enfants vivant sur des réserves le programme Bon départ destiné aux autochtones. Nous allons déterminer dans quelle mesure les enfants canadiens sont prêts à apprendre et nous allons établir des centres d'excellence pour le bien-être des enfants. Ensemble, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux collaboreront pour bien développer le Programme national de l'enfance, une des initiatives sociales les plus importantes depuis 30 ans.
Il y a de nombreux autres programmes dont je pourrais parler. J'ai eu l'occasion de visiter, hier, à Verdun, un centre pour les enfants et les jeunes appelé Toujours ensemble. C'est un centre merveilleux et j'encourage nos vis-à-vis à visiter cet endroit. Il témoigne des excellentes initiatives que les gens prennent lorsqu'ils reçoivent les ressources financières voulues de la part des divers ordres du gouvernement.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, dans un premier temps, j'ai écouté attentivement le discours de la députée de Laval-Ouest ainsi que celui de la ministre. Je pense que quand on se défend pendant 20 minutes alors qu'on n'est pas accusé de rien, c'est peut-être qu'on a quelque chose à se reprocher. Nous ne les accusons de rien, mais ça fait 20 minutes qu'ils se défendent. Il y a quelque chose qui n'est pas clair.
La ministre disait que la motion du Bloc québécois était tous azimuts et toute mêlée. Pour éclairer sa lanterne, je vais lui rappeler. On veut créer un comité spécial pour étudier la disparité entre les riches et les pauvres. Cela ne semble pas trop compliqué.
J'ai deux questions très simples à poser à la ministre. Premièrement, depuis que le gouvernement libéral est au pouvoir, est-ce qu'il y a plus ou moins d'enfants pauvres? Je ne juge pas ses politiques. Deuxièmement, pourquoi s'oppose-t-elle à la création d'un comité spécial de tous les partis pour étudier la problématique de l'écart entre les riches et les pauvres?
[Traduction]
L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, je ne suis pas quelqu'un qui s'oppose beaucoup. Je suis en faveur de ce que le gouvernement ne cesse de faire. Ainsi, tout au cours des budgets successifs depuis 1993, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y a deux domaines dans lesquels nous n'avons pas réduit le financement, où nous avons bâti des programmes régulièrement. On a mis en vigueur et élargi les programmes visant les enfants et les jeunes.
Je tiens à préciser que je n'ai pas parlé de confusion. J'ai dit que la question avait une grande portée, qu'elle touchait des points comme l'Accord multilatéral sur l'investissement et la mondialisation des marchés, qui nuisent à la capacité du gouvernement de développer l'économie du pays conformément à ses priorités. Ce sont là de grandes suppositions et des questions d'une grande portée qui ne se rapportent pas directement à mon mandat. Mon mandat porte sur les enfants et la jeunesse. Ainsi, je voulais parler d'une chose qui est reliée à mon mandat, soit l'élimination de la pauvreté chez les enfants.
Examinons un peu le discours du Trône et le budget, ainsi que tous les programmes que nous avons mis en oeuvre, comme le programme de nutrition prénatale et le plan d'action communautaire pour les enfants. J'ignore si notre vis-à-vis s'en est donné la peine, mais je me suis adressée aux gens de la base, aux diverses collectivités non seulement dans les circonscriptions libérales, mais à d'autres endroits. J'ai vu les programmes qui existent. Ils sont excellents. Je conseille à notre collègue de m'imiter.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, je voudrais poser quelques questions à la députée.
J'aimerais savoir ce qu'elle pense du fait que le gouvernement n'a pas fixé d'objectifs en ce qui concerne la réduction du chômage. J'aimerais connaître sa réaction en ce qui concerne les transferts pour la santé et l'éducation qui influent directement sur la pauvreté. Personne ne dit qu'un niveau d'instruction accru est l'une des meilleures armes pour combattre la pauvreté.
Que pense la ministre des coupures dont a fait l'objet l'assurance-emploi et qui touchent grandement les travailleurs saisonniers autochtones qui ne satisfont plus aux critères et sont obligés de faire appel à l'aide sociale alors qu'ils essaient d'avoir une meilleure estime d'eux-mêmes?
Comme ses autres collègues l'ont dit aujourd'hui, nous ne pouvons traiter isolément la question de la pauvreté chez l'enfant, et je crois que tout le monde s'en rend compte. Que pense la députée d'isoler la pauvreté chez l'enfant de la pauvreté en général?
L'hon. Ethel Blondin-Andrew: Monsieur le Président, je remercie la députée de ses questions.
Nous n'avons pas l'habitude de nous fixer des objectifs que nous ne pouvons pas atteindre. Nous avons tout fait pour essayer de réduire le chômage, et nous avons réussi. Le taux de chômage dépassait dix pour cent, nous l'avons ramené à moins de dix pour cent. Comme quoi, nous avons fait quelque chose.
Nous avons aussi donné aux gens la possibilité de s'en sortir en en éliminant le déficit, en plus de faire notre possible pour aider les pauvres. Nous ne mettons pas continuellement les contribuables à contribution. Ça se passe de commentaires.
Nous pouvons certes parler chiffres, mais nous ne pouvons arriver à rien si nous ne faisons pas un effort concerté, ce que nous avons toujours fait.
J'encourage la députée à lire le budget. C'est un budget en faveur de l'éducation. Je ne sais pas si elle s'en souvient, mais les médias ont appelé le ministre des Finances le ministre de l'Éducation précisément à cause du budget qu'il a présenté au Parlement. J'invite la députée à regarder tous les programmes de subvention et le fonds des bourses d'étude du millénaire. Il en a été beaucoup question à la Chambre, mais ils étaient nécessaires.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion dont nous sommes saisis. J'ai trouvé amusant, en suivant le présent débat à la télévision, de lire les mots «suppression de la pauvreté», au bas de l'écran. Je me suis dit que certaines personnes allaient croire que nous avons atteint un tel niveau d'arrogance à la Chambre que nous tenons pour acquis que nous allons supprimer la pauvreté.
Je voudrais faire certaines observations au sujet de la motion. Elle propose d'éliminer l'écart entre les riches et les pauvres et de supprimer la pauvreté des enfants en ayant recours à l'intervention gouvernementale.
Certains y verront de nobles objectifs, mais le Parti réformiste demeure perplexe devant la façon dont le Bloc et d'autres députés proposent d'atteindre ces objectifs. La méthode est souvent plus déterminante que de nobles objectifs.
Certains voient la solution à ces problèmes dans l'accroissement du nombre de programmes et de projets de création d'emplois du mégagouvernement, l'augmentation du protectionnisme, de la bureaucratie, des impôts, de l'endettement et une action plus ciblée du gouvernement fédéral. Ces gens prônent encore l'ancienne conception du gouvernement.
C'est parce que ce système n'a pas fonctionné que le Parti réformiste propose des solutions différentes. Nous avons vécu l'âge des mégaprogrammes gouvernementaux, mais cela a été un échec. Ces mesures n'ont certainement pas permis d'éliminer les problèmes. La motion du Bloc est censée y remédier. Au lieu d'éliminer la pauvreté et de combler l'écart entre les riches et les pauvres, que nous a donné le régime de mégagouvernement auquel le Bloc semble vouloir revenir?
En voici quelques exemples: une dette de 600 milliards de dollars, la fiscalité la plus lourde des pays industrialisés, l'utilisation du tiers des recettes fiscales pour payer l'intérêt sur la dette nationale, la précarité des emplois pour de nombreux Canadiens, l'incapacité pour près d'un jeune sur cinq ayant reçu une formation de trouver de l'emploi et l'exode de nos cerveaux les plus brillants vers des pays étrangers qui leur offrent de meilleures possibilités.
Nous pourrions faire mieux, mais nous n'y arriverons pas avec le même genre de gouvernement ou un appareil gouvernemental encore plus lourd. Ce système de mégagouvernement que semblent prôner le Bloc et d'autres à la Chambre a fait en sorte que les particuliers et familles à revenu unique paient maintenant plus d'impôt, dans l'espoir de récupérer une partie de cet argent par le truchement de programmes gouvernementaux.
Même après le dernier budget, les particuliers qui gagnent au moins 7 000 $ par année doivent encore payer de l'impôt. Ces personnes ne peuvent certainement pas être considérées comme riches. Pourtant, elles sont contraintes de céder une partie de leur revenu au mégagouvernement qui imaginera peut-être à leur intention quelque programme exigeant une bureaucratie encore plus lourde.
Une personne qui gagne 29 000 $ par année doit payer environ 20 p. 100 de son revenu en impôt fédéral, assurance-emploi et cotisations au RPC. Ce total n'inclut pas la TPS que les libéraux aiment tant, ni les taxes provinciales.
Un mégagouvernement nous fait des mégapropositions et nous présente des mégaprogrammes qui ne s'adaptent pas facilement aux besoins des particuliers. Vu la diversité des besoins des régions du Canada, l'approche «big brother» ne rejoint pas les besoins des gens.
Un bon exemple de cela est celui de la prestation fiscale pour enfants. On peut être d'accord avec le fait qu'il est bon de reconnaître qu'élever un enfant coûte cher, mais on peut contester la façon dont le gouvernement reconnaît ce fait. Il est important d'admettre qu'élever des enfants est une responsabilité. Comme le disait le juge La Forest de la Cour suprême:
Depuis des temps immémoriaux le mariage est fermement implanté dans notre tradition juridique, elle-même un reflet de vieilles traditions philosophiques et religieuses. Mais, en fin de compte, sa raison d'être transcende tout cela et est fermement ancrée dans les réalités biologiques et sociales qui font que le couple a la capacité unique de procréer, que les enfants sont le produit de cette relation et qu'ils sont habituellement élevés par ceux qui vivent cette relation.
La famille est une relation importante. La prestation fiscale pour enfants revient à prendre, aujourd'hui, de l'argent aux familles avec enfants par le biais de l'impôt puis à leur envoyer un chèque un an plus tard. Un an après la déclaration et le paiement des impôts. Ne serait-il pas plus simple de réduire leurs retenues à la source et d'éliminer toute la bureaucratie qui administre ce programme? Laissons l'argent aux familles dans le mois où elles le gagnent, au lieu de leur rendre un an plus tard.
Il y a une famille dans ma circonscription, la famille Lucas, qui m'a raconté l'histoire qui leur est arrivée à la suite d'une erreur dans leur prestation fiscale pour enfants. Revenu Canada leur a remis un chèque de 1 000 $ en leur disant: «Nous ne vous avons pas versé assez au titre de la prestation fiscale pour enfants.» C'est une famille pauvre qui débute, le couple a un enfant et en aura bientôt un deuxième. Ce millier de dollars était une bénédiction pour eux. Ils l'ont dépensé immédiatement pour s'acheter des choses dont ils avaient besoin.
Trois mois plus tard, les Lucas ont reçu une lettre de Revenu Canada disant qu'on leur avait versé trop d'argent et qu'ils devaient rembourser les 1 000 $. Inutile de vous dire que cela a causé un stress considérable chez ces gens. Après nombre d'appels téléphoniques et de recours ils ont été autorisés à rembourser par mensualités. Cela a créé tout un stress pour la famille. En analysant toute l'affaire, ils se sont rendu compte qu'ils étaient loin d'être les seuls à s'être retrouvés dans un tel dédale administratif. Plusieurs autres familles ont vécu une situation du même genre au pays. C'est le summum de la bureaucratie administrative lorsque les fonctionnaires perdent tout contact avec les répercussions qu'ils entraînent pour les gens ordinaires.
Ces complexités ne font qu'ajouter au fardeau déjà lourd des impôts et autres tracasseries administratives que les familles doivent supporter. Non seulement les impôts sont devenus la plus importante dépense inscrite au budget familial, mais les formulaires de déclaration de revenus sont devenus si complexes qu'il est presque indispensable de payer un spécialiste pour les remplir. Le texte de la loi compte 600 pages plus 700 pages d'interprétation. Le volume qui contient la Loi de l'impôt sur le revenu et les interprétations connexes est plus épais que la plupart des annuaires téléphoniques au pays. Au tout début, ce n'était qu'un petit document de 36 pages qui expliquait ce fonds spécial mis sur pied pour venir en aide aux efforts de guerre. La démocratie a dépassé les limites dans ce pays et ce sont les familles qui en font les frais. Ce qui me semble le plus important, c'est qu'au cours des dernières années, un grand nombre des interventions du gouvernement ont été faites au détriment des familles.
Quelle est la vision du Parti réformiste dans tout cela? Les réformistes ont déjà souligné que l'ancienne vision du mégagouvernement ne menait nulle part. C'est celle qui nous force à travailler pendant la moitié de l'année uniquement pour payer notre facture d'impôts. Le gouvernement actuel avait fait miroiter l'espoir de la création d'emplois et de la justice sociale. C'est ce qu'il avait promis, mais il n'a livré que chômage chronique, pauvreté chronique et criminalité chez les jeunes. Le gouvernement avait promis l'unité du pays grâce à la mise sur pied de programmes et de normes au niveau national, mais n'a réussi à livrer que désaccords, désunions, manque de responsabilité, double emploi et gaspillage.
La vision du gouvernement actuel banalise la contribution de l'individu, de la famille et de la communauté en laissant sous-entendre que ce n'est que grâce aux programmes, aux dépenses et à la propagande du gouvernement que notre pays peut rester uni.
La vision du Parti réformiste présente un pays qui compte davantage sur ses habitants que sur son gouvernement. C'est une vision qui laisse moins de place au gouvernement et réduit le niveau des impôts, mais qui s'appuie davantage sur l'initiative, le dynamisme et la diversité des Canadiens et qui compte sur la collaboration des individus, des familles et des collectivités pour assurer la croissance, la progression et l'unité. Cette vision permet aux familles et aux collectivités de tirer profit du fruit de leur labeur.
La meilleure façon de lutter contre la pauvreté infantile est de se pencher sur les besoins des familles. On pense par exemple à la création d'emplois pour les parents et pour les jeunes. La réduction des impôts et de la bureaucratie pourrait être un facteur important à ce chapitre. Les enfants sont membres d'une famille et sont confiés à leurs parents. Ce ne sont pas des agents libres sans aucuns liens.
Le Parti réformiste estime que le mieux que l'on puisse faire pour aider les familles, c'est simplifier et réduire le fardeau que les pouvoirs publics leur imposent et confirmer qu'elles apportent une importante contribution au bien-être du pays. Mieux encore, le Parti réformiste souligne qu'il faut respecter davantage l'autonomie de la famille. Nous ne devons pas miner les relations familiales en semant la discorde entre les parents et leurs enfants ou entre les maris et leurs femmes par une plus grande intervention des pouvoirs publics dans les relations familiales. Ce n'est pas la solution.
Ce ne sont pas que mes propres observations. Ces idées sont énoncées dans le programme du Parti réformiste. Nous affirmons dans nos documents que les parents ont le devoir d'élever leurs enfants de façon responsable selon leur propre conscience et leurs propres principes. Personne ni aucun gouvernement ou organisme n'a le droit d'intervenir dans l'exercice de cette fonction, tant que les parents ne font pas preuve d'abus ou de négligence.
Plutôt que de dire qu'il faut accroître la taille de l'État et, par voie de conséquence, les impôts, le Parti réformiste est d'avis qu'il faut la réduire et laisser aux contribuables le soin de dépenser leur argent, car ils sont les mieux placés pour répondre à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Les enfants sont mieux servis par ceux qui sont le plus proches d'eux, soit leurs parents et non les pouvoirs publics. Les parents savent mieux que quiconque comment répondre aux besoins de leur famille.
Je voudrais parler du coup de publicité du député bloquiste qui est sorti de la Chambre avec son siège en guise de protestation. Il est intéressant qu'il ait agi de la sorte afin de protester contre l'incurie du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté infantile et l'écart entre les riches et les pauvres...
Le Président: Le député dispose encore de plus de neuf minutes, mais comme il est presque 14 heures et que j'ai un rapport à déposer, je me demande si vous voudriez bien interrompre votre intervention. Je vous redonnerai la parole dès la reprise du débat.
* * *
[Français]
LE RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA
Le Président: J'ai l'honneur de déposer sur le Bureau le Rapport supplémentaire du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, volume I, en date d'avril 1998.
[Traduction]
Conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, ce document est renvoyé d'office de façon permanente au Comité permanent des comptes publics.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui, 28 avril, la Journée nationale de deuil à la mémoire des travailleurs tués ou blessés au travail. À cette occasion, le drapeau du Canada est en berne sur la colline du Parlement ainsi que dans les villes et villages de tout le pays.
Selon le Congrès du travail du Canada, environ 1 000 travailleurs meurent chaque année en raison de leur travail. Un million d'autres travailleurs sont blessés au travail ou contractent une maladie professionnelle quelconque. Les lois du travail fédérales et provinciales ont fait beaucoup pour protéger les travailleurs canadiens mais, comme les chiffres l'indiquent, les blessures et les décès sur les lieux de travail restent dramatiquement fréquents.
En cette journée officielle, je veux offrir mes sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu un être cher des suites d'un accident du travail, et mes voeux de rétablissement à ceux qui ont été blessés au travail. Le nombre de Canadiens tués ou blessés au travail doit être réduit. Je demande aux députés d'y penser, aujourd'hui et tous les jours de l'année.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, quel est le véritable objet du vote de ce soir? Ce sont les gens qui ont contracté l'hépatite C sans y être pour rien, des gens qui souffrent, comme Mark Bulbrook, de Hamilton, en Ontario; James Lodge, de Victoria, en Colombie-Britannique; Karen Neilson, d'Oyen, en Alberta; Leona Martens, d'Alamed, en Saskatchewan; Pat Lyons, de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique; Dale Strohmaier, d'Edmonton, en Alberta; David Smith, de Victoria, en Colombie-Britannique; Ronald Thiel, de Saanich, en Colombie-Britannique; Louise Schmidt, de Maple Ridge; Geraldine Clements, de Naramata, en Colombie-Britannique; Rita Wegscheidler, de Penticton, en Colombie-Britannique; Brad Baldwin, de Dalmany, en Saskatchewan.
Ce sont toutes des personnes qui ne profiteront pas de l'offre d'indemnisation des victimes de l'hépatite C. Ces gens méritent une indemnisation égale à celle de toutes les autres victimes du sang contaminé, parce qu'ils souffrent tout autant que ceux qui recevront l'indemnisation.
Le Président: La députée de Laval-Ouest.
* * *
[Français]
LES ACCIDENTS DE TRAVAIL
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, chaque année des milliers de familles canadiennes voient leurs vies bouleversées du jour au lendemain à la suite d'un accident d'un des leurs, survenu sur les lieux de travail. Ces drames qui frappent trop de familles canadiennes impliquent des coûts sociaux et économiques énormes dans notre société.
Nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité pour tous les gouvernements de s'assurer que soient scrupuleusement appliqués les lois et règlements en matière de santé et de sécurité du travail. Dans une société comme la nôtre, ce grand nombre d'accidentés du travail nous paraît inacceptable.
Le défi de notre société consiste à assurer à toutes nos travailleuses et travailleurs des conditions de vie professionnelles saines et sécuritaires.
Pourquoi ne pas se fixer un objectif de société, celui de la tolérance zéro en matière d'accidents de travail, et ce, dans la perspective d'un plus grand respect et de dignité à l'égard des millions de travailleuses et travailleurs du Canada.
* * *
[Traduction]
L'HÉPATITE C
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Monsieur le Président, ce soir, la Chambre votera sur une motion du Parti réformiste qui dénonce l'offre du gouvernement de verser de 1,1 milliard de dollars d'indemnisation aux victimes de l'hépatite C.
Cet accord a été signé par les dix provinces et les deux territoires, et par des gouvernements de toutes les allégeances politiques.
Aujourd'hui, je défie les quatre partis d'opposition d'être honnêtes avec les Canadiens. S'ils veulent blâmer le gouvernement fédéral, ils doivent aussi dénoncer publiquement leurs homologues provinciaux.
Je défie le chef du Parti réformiste et le chef du Parti conservateur de dénoncer publiquement, aujourd'hui, leurs amis Mike Harris et Ralph Klein. Je défie aujourd'hui le chef du Nouveau Parti démocratique de dénoncer publiquement Roy Romanow et Glen Clark.
[Français]
Et je défie le chef du Bloc québécois aujourd'hui, publiquement, de condamner son chef Lucien Bouchard.
Le Président: Je cède la parole au député de Winnipeg-Sud.
* * *
[Traduction]
L'HÉPATITE C
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour appuyer la décision prise par le ministre de la Santé et par ses partenaires provinciaux et territoriaux concernant l'indemnisation des victimes de l'hépatite C.
Je tiens notamment à reconnaître le leadership, fondé sur des principes solides, dont le ministre de la Santé a fait preuve malgré les critiques nettement partisanes et opportunistes que les députés d'opposition lui ont adressées à la Chambre.
La solution de facilité consisterait pour le ministre à verser tout simplement une indemnité à ceux qui adressent une réclamation au gouvernement. Comme le ministre l'a fait remarquer, cependant, lui et ses homologues provinciaux et territoriaux sont les gardiens du système de santé du Canada. Cela leur impose une responsabilité accrue, celle de s'attaquer aux questions difficiles auxquelles ils sont confrontés et de prendre les bonnes décisions.
Les députés d'opposition semblent croire que la moralité est du côté de ceux qui préconisent la solution la plus facile et la plus opportune, soit d'offrir aujourd'hui une indemnisation générale sans réfléchir aux conséquences pour demain.
Il est clair cependant que la véritable moralité...
Le Président: Le député de Portage—Lisgar.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Monsieur le Président, sur quoi porte vraiment le vote de ce soir? Il a trait aux personnes mêmes qui souffrent de l'hépatite C, aux malades, aux personnes qui ont besoin de l'aide du gouvernement, des personnes comme Laurie Stoll, de Maple Ridge, en Colombie-Britannique; Joyce Smith, de Mission, en Colombie-Britannique; Ed Wheeler, de Prince Albert, en Saskatchewan; Theresa Robertson, de Peterborough, en Ontario; Allan Ordze, d'Edmonton, en Alberta; Lisa Holtz, d'Edmonton, en Alberta; Ed Neufeld, de Winkler, au Manitoba; M. Wish, de Winnipeg, au Manitoba; Verla Sherhols, de Kanata, en Ontario; Cheralynn Adie, d'Ottawa, en Ontario; Étienne Saumure, de Gatineau, au Québec; Don Jamieson, de Toronto, en Ontario; Joan Laing, de Calgary, en Alberta.
Ce sont des personnes qui vivent dans notre voisinage partout au Canada. Tous les députés doivent se rappeler ces personnes qui souffrent au moment de voter ce soir.
* * *
L'HÉPATITE C
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, il a été abondamment question des raisons sur lesquelles le gouvernement s'est appuyé pour convenir, avec d'autres, de l'indemnisation proposée aux victimes de l'hépatite C.
Depuis que la commission Krever a remis son rapport, le gouvernement fédéral a travaillé d'arrache-pied pour trouver une solution à ce problème épineux. Lorsque le juge Krever a présenté les faits aux différents gouvernements, il est apparu clairement que de nombreuses personnes qui ont été infectées par le virus de l'hépatite C entre 1986 et 1990 ne l'auraient peut-être pas été si les choses s'étaient faites différemment.
C'est au début de 1986 que la méthode de dépistage fondée sur le dosage de remplacement a été utilisée pour la première fois à l'échelle nationale, aux États-Unis. Ne pas tenir compte de cette date repère nous mènerait à un raisonnement qu'il serait impossible de soutenir pour l'octroi d'aide. Même après 1986, les connaissances scientifiques sur l'hépatite C restaient incertaines et elles continuent d'ailleurs d'évoluer.
Ceux qui disent que les gouvernements devraient tout simplement faire fi de ces dates repères préconisent peut-être un genre de mesure rétroactive qui finirait par s'appliquer à tout préjudice subi par des Canadiens, au chapitre des soins de santé.
Si on laissait cela se produire sans en discuter à fond et sans tenir compte des conséquences...
Le Président: La parole est au député d'Ottawa-Centre.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, l'accord que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont conclu pour indemniser les personnes atteintes de l'hépatite C n'est pas parfait. Aucune somme ne saurait alléger les souffrances des personne infectées.
Appuyer l'accord actuel, c'est agir de manière responsable en aidant les personnes infectées entre 1986 et 1990. Quant à celles qui ne sont pas visées par l'accord actuel, nous avons à leur endroit la responsabilité collective de trouver des façons de répondre à leurs besoins.
Le régime de soins de santé du Canada est l'un des meilleurs du monde et il comprend des mécanismes de protection pour ceux qui, autrement, ne pourraient se payer les services qu'il offre. Voilà pourquoi il est impératif de travailler avec les provinces afin d'améliorer les services et d'assurer une meilleure qualité de vie aux personnes atteintes. Tant qu'il restera une victime qui souffre, nous n'aurons pas terminé notre travail.
Je félicite le ministre de la Santé de son courage et de sa détermination à faire ce qu'il convient.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le Président, sur quoi porte le vote de ce soir? Ce vote porte sur des personnes, sur des personnes qui pourraient être nos voisins de palier, nos enfants, nos conjoints ou nous-mêmes.
Les victimes de l'hépatite C sont des personnes ordinaires, comme Jean Drapeau, de Laval, au Québec; Steve Kemp, de Toronto, en Ontario; Mike McCarthy, de Sebringville, en Ontario; Kim Kingsley, de Goderich, en Ontario; Neil Van Dusen, du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse; Jeremy Beaty, de Mississauga, en Ontario; Abraham Weizfeldt, de Montréal, au Québec; Charles Duguay, de Sault Ste. Marie, en Ontario; Derek Marchand, de Tottenham, en Ontario; Sherry Fitger et son mari, Don Fitger, de Calgary, en Alberta; William Harrison, d'Edmonton, en Alberta.
Ce soir, tous les députés ont la possibilité de faire ce qu'il faut faire et de prendre position en faveur des droits des victimes.
Nous exhortons tous les députés, peu importe leur affiliation politique, à exprimer leur soutien aux personnes auxquelles le gouvernement a fait subir un préjudice.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, lorsque les ministres de la Santé du Canada ont annoncé un programme d'indemnisation des victimes de l'hépatite C, ils ont reconnu que les tests de dépistage étaient disponibles mais non utilisés au Canada entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 1990. C'est là l'élément clé du programme d'indemnisation.
La motion du Parti réformiste ne tient aucun compte de cet élément lorsqu'elle affirme que le gouvernement devrait «indemniser toutes les personnes qui ont contracté l'hépatite C». Le Parti réformiste préconise ainsi l'instauration d'un régime d'assurance sans égard à la responsabilité pour le système de santé du Canada.
Cela est une question tout à fait distincte de l'enquête sur le système de gestion du sang. C'est une question qui doit être évaluée selon son mérite propre et je dois dire franchement que le débat sur la question n'a pas encore eu lieu.
L'assurance-maladie est une responsabilité provinciale. Je ne suis au courant d'aucune initiative visant à établir un régime d'assurance sans égard à la responsabilité pour le système d'approvisionnement en sang ou le système de santé en général. L'assurance sans égard à la responsabilité n'est pas une caractéristique de notre système de santé et ne devrait pas être introduite par défaut...
Le Président: La députée de Laval-Est.
* * *
[Français]
MONSEIGNEUR JUAN GIRARDI
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, c'est avec tristesse que nous apprenions, hier, le décès de Mgr Juan Girardi, archevêque auxiliaire du Guatemala et ardent défenseur des droits de la personne.
Assassiné sauvagement, Mgr Girardi venait de publier un rapport dans lequel il dénonçait et rendait compte, une fois de plus, du véritable holocauste souffert par le peuple guatémaltèque durant une guerre civile de plus de 36 ans. On craint que cet assassinat ne compromette la paix fragile signée entre les factions, il y a un an et demi.
Le Bloc québécois tient à rendre hommage à cet homme courageux qui a su alerter la communauté internationale des horreurs du conflit armé guatémaltèque.
Une fois de plus, la longue marche vers le respect des droits de la personne est entachée du sang d'innocentes victimes qui paient de leur vie un droit fondamental.
Au peuple guatémaltèque, nous offrons toutes nos sympathies.
* * *
[Traduction]
LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui les drapeaux sont en berne à la Chambre des communes par respect pour les travailleurs tués ou blessés au travail.
Le 28 avril est la Journée internationale de compassion pour les personnes tuées ou blessées au travail. Plus de 70 pays marquent l'événement. L'an dernier, les Nations Unies ont organisé des cérémonies de commémoration à leur siège social, à New York.
Le Canada est un pays civilisé et développé, où pourtant trois autres travailleurs mourront au travail aujourd'hui ainsi que demain et après-demain. En réalité, 1 000 Canadiens meurent au travail chaque année et presque un million d'autres doivent s'absenter par suite d'accidents de travail ou encore de maladies professionnelles.
Les travailleurs canadiens se lèvent le matin pour gagner leur vie et non pour s'exposer à des blessures ou des amputations afin de respecter une cadence de production arbitraire. Pourquoi n'arrivons-nous pas à mettre un terme au carnage sur les lieux de travail? Quand l'industrie et le gouvernement s'engageront-ils à faire respecter décemment les lois en matière de santé et de sécurité?
Notre caucus s'engage à travailler...
Le président: La députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine.
* * *
[Français]
L'HÉPATITE C
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Monsieur le Président, j'ai personnellement été touchée par la maladie de l'hépatite C. Une amie d'enfance est décédée, il y a environ deux mois, de l'hépatite C.
Comme les nombreux Canadiens et Canadiennes qui suivent cette question de près, je suis profondément inquiète des attentes qu'en est venu à inspirer notre système d'approvisionnement en sang et des répercussions d'attentes si élevées sur l'ensemble de notre système de soins de santé.
La médecine n'est pas infaillible. La science n'est pas infaillible. Certains traitements, certains médicaments et certains matériels comportent davantage de risques que d'autres. Le sang est un don de vie, mais le sang est aussi un produit biologique naturel comportant un risque inhérent très élevé.
Le système de soins de santé, y compris le système d'approvisionnement en sang, fait de son mieux pour réduire les risques dans l'intérêt de ceux qui l'utilisent.
Les gouvernements et les autres intervenants ont la responsabilité de réagir lorsque des torts peuvent ou...
Le Président: Je cède maintenant la parole à l'honorable député de Brandon—Souris.
* * *
[Traduction]
L'HÉPATITE C
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, la question de l'hépatite C ne concerne pas que des Canadiens sans visage et sans nom touchés non seulement par cette maladie tragique, mais aussi par l'épouvantable politique du gouvernement.
L'hépatite C concerne nos voisins, nos fils et nos filles ainsi que des gens que nous côtoyons quotidiennement au travail et dans notre quartier.
Dernièrement, une de ces personnes a écrit au ministre de la Santé:
Vous devez entendre ces paroles sincères. Je vis chaque jour avec une victime de l'hépatite C et ne pensez pas qu'il soit facile de vivre avec quelqu'un dont les jours sont comptés, parce que l'hépatite C a détruit son foie. Chaque jour, je le vois baisser [...] et je me prépare à vivre son décès sans pouvoir l'approcher physiquement. Il est extraordinaire de penser que mon mari ait pu travailler toute sa vie pour aider à financer le régime de soins de santé au Canada. Ce régime l'a infecté et, à 47 ans, il ne reçoit aujourd'hui qu'une prestation d'invalidité de 700 $ par mois. Vous lui avez ôté la santé et la volonté de vivre, et maintenant vous le privez de sa dignité.
Je demande simplement aux gens d'en face d'écouter attentivement ces mots et de voter pour la compassion ce soir.
* * *
[Français]
LE JOUR DE COMPASSION POUR LES PERSONNES TUÉES OU BLESSÉES AU TRAVAIL
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le Jour de compassion pour les personnes tuées ou blessées au travail.
Désignée par le Parlement, observée par plus de 70 pays et par la Confédération internationale des syndicats libres, cette journée souligne la gravité des maladies professionnelles, des accidents et des décès en milieu de travail.
Pour les seuls domaines de juridiction fédérale, il se produit un accident de travail à toutes les deux minutes: 57 000 travailleuses et travailleurs se blessent chaque année, dont plus d'une cinquantaine mortellement.
Dans le domaine agricole au Canada, entre 1991 et 1995, 503 décès sont survenus à l'occasion d'activités reliées à la pratique de l'agriculture, une des occupations les plus dangereuses en Amérique du Nord.
L'écart est grand entre les lois existantes en matière de santé et sécurité au travail et leur application. Il est inadmissible qu'encore aujourd'hui, tant de travailleuses et travailleurs perdent leur vie en tentant de la gagner.
* * *
[Traduction]
L'HÉPATITE C
M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, le vote de ce soir concerne des êtres en chair et en os comme Ronald Thiel, de Saanichton, en Colombie-Britannique. Cet homme a contracté l'hépatite C à cause du sang contaminé quand on a remplacé une de ses valvules cardiaques en 1983.
Son foie est gravement atteint. Il a dû cesser de travailler à l'âge de 53 ans. Il a été victime de nombreuses complications médicales qui lui ont rendu la vie misérable. Il écrit ceci: «Je sais que je vais mourir avant mon heure, mais je n'ai pas l'intention de descendre au tombeau sans combattre cette injustice de toutes les forces qui me restent.»
M. Thiel parle au nom de toutes les victimes de l'hépatite C exclues du programme d'indemnisation quand il cite ces propos empruntés à Shakespeare:«Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas? Si vous nous faites du tort, ne nous vengeons-nous pas?»
Le gouvernement ne saurait échapper à sa responsabilité. Les victimes du scandale du sang contaminé et les Canadiens réclameront justice un jour. Mais combien ne serait-il pas plus honorable, plus noble de la part du Parlement s'il indemnisait ceux qui souffrent aujourd'hui même, plutôt que d'attendre de se faire tirer les oreilles par les tribunaux.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
L'HÉPATITE C
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, les députés auront la possibilité de voter ce soir pour l'indemnisation de toutes les personnes qui ont contracté l'hépatite C après avoir reçu du sang contaminé.
Le ministre de la Santé affirme que le gouvernement n'a pas à accepter la responsabilité pour les personnes qui ont été contaminées avant 1986, parce qu'il n'y avait alors aucun moyen de détecter la présence du virus de l'hépatite C dans les réserves de sang. Pourtant, le juge Krever a dit qu'il existait un test de dépistage que le gouvernement aurait pu utiliser dès 1981, mais qu'il ne l'a pas fait.
Je demande encore une fois, au nom de la justice, pourquoi le gouvernement refuse de laisser simplement les députés voter ce soir en faveur des victimes.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous parlons ici d'une entente conclue entre le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Si les partis d'opposition gardent le silence et ne reprochent pas aux gouvernements provinciaux d'avoir adhéré à cette entente, ils devraient logiquement se garder de critiquer le gouvernement fédéral d'en avoir fait autant.
J'invite le Parti réformiste et les partis d'opposition à revoir leur position. Ils comprendront alors pourquoi nous nous opposons à la motion.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le ministre répond à une question que je n'ai pas posée.
Les véritables arguments viennent du ministre de la Santé, qui persiste à dire qu'en indemnisant les victimes de l'hépatite C, le gouvernement ouvrirait la voie à une multiplication des contestations judiciaires, mais cet argument est également sans fondement.
Il aurait été possible de prévenir la contamination du sang par le virus de l'hépatite C. Il s'agit ici d'indemniser des personnes qui ont été infectées à cause de la négligence prouvée du gouvernement.
Encore une fois, au nom de la compassion et de l'équité, pourquoi le gouvernement refuse-t-il de permettre aux députés de voter en faveur des victimes?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comment se fait-il que, depuis les dernières élections, les députés du Parti réformiste ont voté en bloc sur toutes les mesures dont la Chambre a été saisie, sauf à trois reprises?
Chose certaine, les réformistes devaient avoir une approche plus cohérente, notamment au sujet d'une mesure comme celle dont nous sommes présentement saisis.
M. Preston Manning (chef de l'opposition, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a non seulement perdu la tête, mais il n'a plus de coeur.
Il oblige des libéraux qui sont entrés en politique pour construire une société juste à être injustes. Il contraint des libéraux qui veulent faire preuve de compassion à voter contre la compassion. Il force des libéraux qui reconnaissent ce qui est juste à voter contre la justice.
Pourquoi le gouvernement oblige-t-il ses députés à voter contre la justice et la compassion et contre ce qu'ils savent en leur âme et conscience être juste?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, pourquoi le chef du Parti réformiste verse-t-il des larmes de crocodile au sujet des députés libéraux, alors qu'en fait il s'intéresse uniquement à ses propres intérêts et à ceux de son parti?
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est faux et le gouvernement le sait.
Ce sont toutes les victimes de l'hépatite C qui ont contracté cette maladie à cause de la négligence du gouvernement, et seulement à cause de la négligence du gouvernement, qui versent des larmes actuellement.
Bon nombre des députés libéraux d'arrière-ban se sont engagés dans la vie politique parce qu'ils s'intéressaient vraiment au sort de leurs compatriotes. Ils ont vraiment pensé qu'ils pourraient faire du bien en venant à Ottawa.
On en rira peut-être, mais je vais quand même poser ma question au gouvernement. Quand, au fond, les gens savent ce qu'il faudrait faire, pourquoi se contentent-ils de porter un petit ruban et de dire: «Vous me tenez à coeur, mais juste assez pour figurer au revers de ma veste»?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes ici pour faire de notre mieux et agir comme il convient. C'est la position de tous les députés à la Chambre.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement parle d'agir comme il convient. Il sait exactement ce qu'il faut faire pour agir comme il convient: indemniser toutes les victimes du sang contaminé. C'est ce qu'il a fait pour le VIH. C'est ce qu'il a fait, éventuellement, pour les victimes de la thalidomide. Il pourrait le faire aujourd'hui, parce qu'il sait, au fond, que c'est que qu'il conviendrait de faire.
Encore une fois, le gouvernement peut-il nous dire pourquoi il se cache derrière des détails juridiques et administratifs? Pourquoi ne fait-il pas ce qu'il convient en permettant à ses députés de voter en faveur des victimes de l'hépatite C?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, pourquoi la députée ne dit-elle absolument rien de la position des gouvernements provinciaux sur cette question? Leur position est exactement la même que celle du gouvernement fédéral.
Je le répète, si les députés ne peuvent pas critiquer les gouvernements provinciaux, alors, logiquement, par souci de crédibilité, et quel que soit le point de vue, ils ne devraient pas critiquer le gouvernement fédéral.
Si les gouvernements provinciaux ont raison là-dessus, le gouvernement fédéral ne peut pas avoir tort.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, habituellement, lors des débats parlementaires, ce sont les partis d'opposition qui insistent pour que certaines questions deviennent des questions de confiance.
Or, sur la motion de ce soir, c'est le premier ministre lui-même qui a soulevé la question de confiance, et ce contrairement aux conventions qui, de façon générale, n'en prévoient que sur les grandes orientations budgétaires.
Comment le gouvernement peut-il s'entêter à faire du vote sur l'hépatite C une question de confiance, si ce n'est pour museler certains de ses députés qui, eux, voudraient...
Le Président: Le vice-premier ministre a la parole.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable député a tort. Dans notre système, ce n'est pas à l'opposition de dire si une motion est une motion de confiance, c'est au premier ministre.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, prenons un exemple. Lors du vote portant sur l'amendement concernant les commissions scolaires, le premier ministre a décidé que ce serait un vote libre parce qu'étant un vote de conscience.
Comment se fait-il que le vote sur l'amendement portant sur les commissions scolaires soit un vote de conscience, alors que celui portant sur l'indemnisation des victimes de l'hépatite C n'en est pas un? Que le vice-premier ministre nous explique cela.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la situation n'est pas la même. La situation est différente et c'est pourquoi le vote d'aujourd'hui est basé sur la question de confiance.
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, le vice-premier ministre aurait laissé croire aux députés libéraux récalcitrants à la possibilité de la mise en place d'un nouveau programme de compensation pour les victimes laissées pour compte. Or, le ministre du Développement des ressources humaines a écarté cette possibilité, le ministre de la Santé également, de même que le premier ministre.
Est-ce que le vice-premier ministre aura le courage d'admettre qu'il a évoqué la possibilité d'un nouveau programme, uniquement pour calmer les députés comme celui de Gatineau et s'assurer qu'ils votent contre leurs convictions?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas annoncé un nouveau programme, ce n'était pas mon intention d'annoncer un nouveau programme.
Nous sommes ici pour rejeter l'attaque sur l'accord entre le gouvernement fédéral et toutes les provinces, y inclus le Québec, portant sur cette question difficile.
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement persiste à traiter différemment les victimes de l'hépatite C de celles du VIH, sous prétexte que cela coûterait trop cher.
Pourquoi le gouvernement fédéral, qui en a largement les moyens, refuse-t-il un traitement juste et équitable aux victimes de l'hépatite C?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous avons utilisé le même principe pour les victimes de l'hépatite C que pour celles du VIH. Nous avons accepté le principe de responsabilité, ou de la faute. Dans le cas des victimes du VIH, clairement, durant l'histoire de l'époque, le gouvernement aurait pu agir pour prévenir ces contaminations et ces infections. Alors, nous avons utilisé exactement le même principe.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé qui, tout comme son collègue, se cache derrière les gouvernements des provinces.
Le ministre de la Santé sait-il qu'en répondant à des questions qui lui étaient posées au Parlement du Manitoba, le ministre de la Santé de cette province, l'honorable Darren Praznik, a presque affirmé que les provinces étaient en quelque sorte prisonnières, un peu comme le sont à l'heure actuelle les députés libéraux d'arrière-ban, de la bonne volonté du ministre de la Santé à ne débloquer des fonds que pour la période de 1986 à 1990? C'est tout ce qui était proposé et les provinces...
Le Président: Le ministre de la Santé.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, tout cela n'a aucun sens.
En ce qui a trait à la question en cause, il y a des gens au-delà des tribunes politiques qui reconnaissent que le gouvernement du Canada a pris les bonnes décisions dans ce dossier. Je parle par exemple des 16 doyens des écoles canadiennes de médecine qui se sont rencontrés la semaine dernière et dont l'exécutif a émis une résolution affirmant que le gouvernement avait tout à fait raison d'offrir un programme d'indemnisation aux personnes infectées entre 1986 et 1990.
C'est une politique publique qui se tient. Nous sommes tous...
Le Président: Le député de Winnipeg—Transcona.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, le ministre n'a rien dit sur le fait que les provinces étaient disposées à dépasser la période de 1986 à 1990 si le gouvernement fédéral acceptait d'augmenter les sommes prévues.
Au lieu de se cacher derrière les provinces et de les blâmer pour une situation qu'elles n'ont pas créée, le ministre serait-il prêt à prévoir plus d'argent et à entreprendre des négociations dans le but d'indemniser les autres victimes?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que l'été dernier aucun gouvernement provincial n'était même disposé à discuter de la question de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C.
La seule raison pour laquelle nous sommes maintenant en mesure d'offrir 1,1 million de dollars à 22 000 victimes de l'hépatite C, c'est que le gouvernement fédéral a pris l'initiative dans ce dossier.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, pendant son voyage à Cuba, le premier ministre montre enfin qu'il se préoccupe des droits de la personne, mais que dire des droits de la personne et des droits des victimes innocentes du sang contaminé, ici même, au Canada? Que dire des droits des élus qui sont prisonniers d'une mauvaise politique libérale?
L'important dans le vote de ce soir sur l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, ce n'est pas de savoir quel parti politique gagnera ou perdra, c'est de faire ce qu'il convient.
Pourquoi le premier ministre ne met-il pas un terme à la torture morale qu'il impose à certains de ses députés en les obligeant à voter contre leur conscience et pourquoi ne les laisse-t-il pas faire ce qu'il convient pour corriger cette injustice?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque les députés voteront ce soir, quel que soit le parti auquel ils appartiennent, je suis certain qu'ils feront ce qu'ils estiment devoir faire.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le vote de ce soir n'engage pas la confiance. Il repose sur une question de conscience morale et de compassion, et si les députés font ce qu'il convient, ils feront preuve de compassion, et nous aurons certainement gain de cause.
Le premier ministre oblige toutefois certains députés libéraux à appuyer des mesures d'indemnisation injustes.
Aucun député du caucus conservateur ne critiquerait le premier ministre ou un député du parti ministériel si l'injustice en question était corrigée ce soir et si une motion était présentée pour que toutes les victimes soient traitées également.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, si ma mémoire est exacte, et le hansard pourra le confirmer, je pense qu'un député conservateur a dit la semaine dernière qu'il s'agissait d'un vote de défiance.
J'invite la députée à revoir le hansard. À mon avis, elle devrait parler avec les députés de son parti.
Je pense que si on donne le choix aux libéraux, et ils ont ce choix, ils préféreront appuyer le premier ministre plutôt que la députée et ses collègues.
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, nous avons reçu beaucoup de courrier sur le dossier de l'hépatite C. J'ai ici une lettre à ce sujet où on demande d'indemniser toutes les victimes de l'hépatite C.
Il est intéressant de savoir d'où provient cette lettre. Elle vient de l'opposition officielle libérale en Colombie-Britannique. Comment se fait-il que les libéraux de la Colombie-Britannique savent ce qui est juste et correct tandis que les libéraux d'Ottawa font de toute évidence fausse route?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député pose ces questions depuis quelques jours déjà. Je l'invite à se souvenir que, en dernière analyse, nous parlons du système de santé public du Canada.
Les députés ministériels sont conscients de ne pas avoir de plus grand devoir moral, de plus grande responsabilité envers tous les Canadiens, y compris les victimes de l'hépatite C, que de faire en sorte que notre système de santé financé par les deniers publics soit là pour eux quand ils en auront besoin.
Il n'y a pas de moyen plus sérieux de mettre ce système en péril que de prendre la voie...
Le Président: Le député de Macleod.
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui même, le vice-premier ministre a déclaré que personne ne critiquait les provinces. Ses cousins de la Colombie-Britannique...
Le Président: Je demande au député de s'adresser à la présidence et de ne pas brandir d'objets.
M. Grant Hill: Je vous demande pardon, monsieur le Président. La question que nous devons poser au gouvernement est assez simple. Pourquoi n'indemnise-t-il pas toutes les victimes de l'hépatite C, comme le réclament ses cousins libéraux en Colombie-Britannique? Pourquoi pas?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la question qui compte dans cette affaire n'est pas la question posée par le député pour des raisons qu'il connaît très bien. La question à poser, c'est celle à laquelle il a refusé de répondre au cours du débat la semaine dernière, soit: est-ce que la population devrait verser des indemnisations en argent à toutes les personnes qui subissent un préjudice en utilisant le système de santé, même si personne n'est responsable de ce préjudice? La réponse est non.
D'ailleurs, comme en fait foi le hansard de jeudi dernier, le député est arrivé à cette conclusion. C'est pour cette raison que le gouvernement fédéral et tous les autres gouvernements du Canada ont pris la bonne décision.
* * *
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.
Le vérificateur général a dénoncé le fait que 66 p. 100 des dépenses d'acquisition de matériel pour l'armée ne correspondaient pas aux besoins réels de celle-ci.
Comment le ministre peut-il expliquer que sur plus de trois milliards de dollars d'achats annuellement, deux milliards de dollars d'équipements ne correspondent pas aux besoins de l'armée?
[Traduction]
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est tout simplement pas le cas. Nous avons moins de ressources. Nous devons apprendre à fonctionner avec des ressources limitées, et c'est exactement ce que font nos militaires.
Il y a effectivement beaucoup d'améliorations à apporter au système, et on a effectué de ces améliorations au cours des dernières années. Nous nous conformons aux recommandations du vérificateur général et nous les mettons en oeuvre pour apporter des améliorations à notre système d'approvisionnement.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, le problème dans ce ministère, ce n'est pas le manque d'argent, c'est la façon dont il est dépensé.
Avant de demander davantage de ressources pour satisfaire ses généraux capricieux, le ministre peut-il nous démontrer qu'il est capable de gérer son ministère en mettant fin aux histoires d'horreur que rapporte encore aujourd'hui le vérificateur général?
[Traduction]
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas si le député a lu le même rapport que moi. J'ai bien lu le rapport du vérificateur général, et je me suis entretenu avec lui.
Comme je l'ai dit il y a un instant, nous effectuons des améliorations et des changements. Nous faisons des analyses très approfondies des besoins d'acquisition des militaires canadiens. Nous n'avons pas tout l'argent nécessaire pour faire tout ce que nous souhaiterions, mais nous achetons le meilleur matériel. Nous tâchons de fournir à nos troupes le meilleur matériel possible pour veiller à ce qu'elles puissent accomplir leur travail.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Monsieur le Président, Christine Campbell a reçu une transfusion sanguine lors d'une opération à la vésicule biliaire en 1985 alors qu'elle avait 29 ans. Elle écrit:
Depuis 13 ans, je souffre d'extrême fatigue, de problèmes intestinaux, de désordres nerveux et de dépression. [...] Je vis dans la crainte de voir empirer mon état de santé. [...] Je n'ai rien demandé de tout cela, mais j'en paie le prix, et je m'estime donc traitée injustement en étant exclue du régime d'indemnisation pour les victimes de l'hépatite C.
Pourquoi le premier ministre force-t-il les députés libéraux à voter contre Christine et sa famille?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je récuse la prémisse de la question du député. Nous ne croyons pas voter contre qui que ce soit, mais en faveur d'un accord qui est raisonnable dans les circonstances, un accord qui traduit l'opinion de toutes les provinces ainsi que du gouvernement fédéral.
M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai reçu une lettre d'une électrice qui me parle de sa vie depuis qu'elle a contracté l'hépatite C après avoir reçu du sang contaminé. Dorothy écrit:
Je suis une victime innocente, comme il y en a des milliers d'autres. Ma vie ne ressemble pas à ce que j'avais imaginé. Tout ce que je voulais accomplir ne se réalisera jamais.
Le premier ministre peut-il expliquer pourquoi il ne met pas les principes avant la politique et le pouvoir, et pourquoi il ne laisse pas ses députés voter de manière à aider les Canadiens qui, comme Dorothy, sont victimes de cette tragédie?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, notre première obligation envers Dorothy consiste à voir à ce qu'il y ait un bon système de soins de santé pour elle lorsqu'elle en aura besoin.
Notre première obligation envers Christine Campbell consiste à maintenir le régime d'assurance-maladie pour les Canadiens.
Notre première obligation envers toutes ces victimes consiste à voir à ce que notre filet de sécurité sociale soit en place pour qu'elles reçoivent des prestations d'invalidité et des soins de santé, et pour qu'il y ait de la recherche afin de mettre au point un traitement.
Nous ne pourrons faire cela si nous optons pour la solution du député, parce qu'elle mettra fin au régime public de soins de santé.
* * *
[Français]
LA BIRMANIE
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre en exil de la Birmanie, M. Sein Win, a comparu ce matin devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et a décrit les violations systématiques des droits de la personne en Birmanie. On a même évoqué au Comité les intentions génocidaires du gouvernement à l'égard des minorités de la Birmanie.
Le ministre des Affaires étrangères ne croit-il pas urgent d'adopter des sanctions encore plus sévères à l'égard de la Birmanie et d'ordonner notamment aux entreprises canadiennes de cesser tout commerce avec ce pays?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, l'été dernier, nous avons annoncé une série de sanctions économiques contre la Birmanie. Nous avons également mis en oeuvre diverses initiatives diplomatiques, en particulier dans le cadre de la réunion de l'ASEAN où nous avons inscrit la question à l'ordre du jour et demandé qu'on s'y attaque.
Au cours de ma rencontre avec M. Win Sein, hier, j'ai déclaré que nous allons inscrire la question à l'ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G8, qui doit avoir lieu dans une quinzaine. Les ministres des Affaires étrangères des huit pays les plus développés dans le monde se pencheront donc sur la question de la Birmanie pour voir ce qui peut être fait pour mettre un terme au régime dictatorial qui règne là-bas.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, pour accentuer la pression sur le gouvernement illégitime et illégal de la Birmanie, le ministre est-il disposé à constituer une mission de parlementaires canadiens, comme le lui recommande aujourd'hui le groupe Les amis de la Birmanie?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous serions certainement disposés à y dépêcher un groupe de parlementaires. Il faut toutefois se demander si la Birmanie les accepterait.
Nous avons fait cette proposition l'été dernier, mais la Birmanie s'y est opposée. Je vais la proposer de nouveau, au nom du député.
* * *
L'HÉPATITE C
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le Président, Doris Corrigan est une femme de 83 ans qui habite Surrey et qui a contracté l'hépatite C à la suite d'une transfusion de sang contaminé qu'on a dû lui faire en 1987 lors d'une opération. Bien qu'elle ait droit à une indemnisation en vertu du plan libéral, elle refuse d'être indemnisée tant que toutes les personnes qui ont contracté l'hépatite C à la suite d'une transfusion de sang contaminé n'auront pas été indemnisées.
Pourquoi le gouvernement revient-il sur sa promesse de permettre la tenue de votes libres à la Chambre des communes et force-t-il les députés de son parti à appuyer des mesures d'indemnisation qui ne sont ni équitables, ni justes?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, tous les gouvernements de ce pays, y compris les gouvernements provinciaux qui gèrent et assurent les services de santé et en sont responsables, estiment que seules les personnes contaminées à la suite d'une faute ou de négligence doivent être indemnisées. C'est exactement ce que nous avons fait.
C'est le bon principe. C'est une bonne politique et tous les gouvernements sont d'accord sur les mesures prises.
M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre n'a pas tenu compte des conclusions du juge Krever et il a créé deux catégories de victimes de l'hépatite C, celles qui seront indemnisées et celles qui ne le seront pas.
Theresa Robertson, de Peterborough, en Ontario, a été infectée en 1984 et elle ne peut travailler. Son foie est endommagé, et les médicaments qu'elle prend ont des effets secondaires sur elle.
Pourquoi le premier ministre a-t-il recours à du tordage de bras pour obliger les députés de son parti à voter contre les intérêts de victimes innocentes comme Mme Robertson?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, Theresa Robertson aura besoin du régime de soins de santé du Canada. Elle aura besoin d'un régime qui est financé publiquement et qui offre les meilleurs soins de santé dans le monde.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Chers collègues, nous écoutons les questions et nous devrions laisser aux ministres ou à toute autre personne la chance de répondre. Je vais de nouveau céder la parole au ministre de la Santé.
L'hon. Allan Rock: Il serait facile de trouver une vaste catégorie de personnes qui ont subi des préjudices ou qui sont malades à cause des risques inhérents au régime de soins de santé.
Cependant, comme nous le répétons à la Chambre depuis quatre semaines, si nous décidons de verser des indemnités à ceux qui deviennent malades, si nous décidons d'indemniser les victimes des risques inhérents à tout régime de soins de santé, alors nous ne pourrons plus offrir le régime public de soins de santé dont nous sommes si fiers.
* * *
[Français]
LA PÊCHE AU CRABE
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.
Le 9 avril dernier, le Comité des glaces, formé de pêcheurs et de fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans, a donné le feu vert au lancement de la pêche au crabe dans la zone 12 du golfe Saint-Laurent. Près de trois semaines plus tard, le ministre n'a toujours pas donné le coup d'envoi de cette pêche.
Qu'est-ce qui fait que le ministre tarde à prendre une décision, pénalisant ainsi des milliers de travailleurs, surtout qu'il sait que des revenus importants sont ainsi perdus et surtout...
Le Président: Je cède maintenant la parole à l'honorable ministre des Pêches et des Océans.
[Traduction]
L'hon. David Anderson (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député semble être parfaitement au courant de la situation de la pêche au crabe dans ce secteur. Il comprendra que la conclusion d'un accord qui concilie les intérêts des différents groupes et individus visés est loin d'être une tâche facile, à plus forte raison si l'on tient compte du déclin de certains stocks de crabe.
Nous nous efforçons de rendre le système juste pour tout le monde. Malheureusement, il faut du temps pour cela. C'est une tâche facile lorsque les ressources abondent, mais difficile lorsqu'elles sont limitées.
* * *
L'OBSERVATOIRE DE NEUTRINOS DE SUDBURY
M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.
Les yeux de la communauté scientifique internationale sont tournés vers le nouvel Observatoire de neutrinos de Sudbury, situé dans la ville de Walden, dans le nord de l'Ontario.
Le ministre peut-il dire à la Chambre en quoi ce partenariat regroupant gouvernements, universités, organismes divers et le secteur privé sera utile aux Canadiens?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'annoncer qu'aujourd'hui et demain nous inaugurerons l'Observatoire de neutrinos de Sudbury. C'est un exemple de recherche scientifique de calibre mondial. Malheureusement, le Parti réformiste ne semble pas le comprendre.
Les personnes intéressées sauront que ce projet permettra de percer quelques-uns des secrets de l'univers. Nous bénéficierons de l'appui de plusieurs universités canadiennes, du gouvernement de l'Ontario et du gouvernement fédéral. On pourra se livrer à la recherche dans cet établissement, à la recherche fondamentale dans tous les sens du terme.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Monsieur le Président, Mme Edith Jameson, de Calgary-Est, m'a téléphoné samedi dernier. Elle a contracté l'hépatite C avant 1986. Son foie est atteint et elle a dû subir une ablation de la vésicule biliaire. Elle m'a dit que sa santé se détériorait et qu'il ne lui restait pratiquement plus d'argent.
Ma question s'adresse au ministre de la Santé. Va-t-il cesser de se comporter en avocat et offrir enfin quelque chose à Edith et à des milliers d'autres personnes comme elle? Il devrait prendre une décision guidée par des principes moraux et par la compassion et non par des motifs juridiques.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que j'agis en prudent gardien de notre régime de soins de santé.
À ce titre, je peux imaginer des centaines de cas très touchants de personnes qui éprouvent de graves difficultés, qui subissent sur toutes sortes de maladies et de préjudices à cause des risques inhérents aux interventions chirurgicales, aux vaccins ou aux nouveaux médicaments prescrits, et qui ont tous des arguments convaincants, qui font appel à nos émotions, pour faire valoir qu'ils ont vraiment besoin de notre aide. C'est la raison d'être de l'assurance-maladie.
Si nous indemnisons financièrement...
Le Président: Je donne la parole au député de Dauphin—Swan River.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le Président, le vote de ce soir porte sur des gens en chair et en os comme Keray Regan, de Vernon, en Colombie-Britannique, qui a contracté l'hépatite C après avoir reçu du sang contaminé en 1986. M. Regan a déclaré qu'il allait continuer de lutter pour toutes les victimes de l'hépatite C.
Le gouvernement dira-t-il à Keray Regan qu'il prendra les mesures qui s'imposent et indemnisera toutes les victimes de l'hépatite C?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je vais dire à Keray Regan, comme je l'ai dit à Dorothy, à Christine Campbell et à toutes les autres victimes dont on a parlé, que nous veillerons à ce qu'il y ait un régime public d'assurance-maladie pour les soigner. Nous veillerons à ce que le filet de sécurité sociale du Canada, tissé par les gouvernements libéraux dans le passé, soit là pour répondre à leurs besoins. Nous allons nous assurer que la politique publique garantit l'avenir de ces services, car, en définitive, c'est notre plus importante responsabilité morale.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, lors d'une manifestation pour les victimes de l'hépatite C, un jeune garçon de 15 ans, Joey Haché, avait ceci à dire au sujet du premier ministre: «Pourquoi transforme-t-il les députés libéraux d'arrière-ban en prisonniers politiques? Pourquoi les force-t-il à voter contre leur conscience?» Joey a contracté l'hépatite à la suite de nombreuses transfusions sanguines et il ignore pourquoi il a été infecté. Ce n'est certes pas sa faute.
Pourquoi le gouvernement force-t-il les députés libéraux à voter contre Joey et tous les Canadiens victimes du sang contaminé?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je demande à la députée pourquoi le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan n'a pas permis un vote libre sur cette question. La position de ce gouvernement est exactement la même que la nôtre. Pourquoi la députée n'adresse-t-elle pas ses critiques à son propre gouvernement néo-démocrate qui adopte la même position, à son assemblée législative, que nous, à la Chambre des communes?
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, nous avons également appris, aujourd'hui, au cours de cette manifestation en faveur des victimes de l'hépatite C, que le bureau d'un député libéral a appelé la famille de la Colombie-Britannique qui fabrique les rubans portés en signe d'appui aux victimes de l'hépatite C et a demandé qu'on lui en envoie 160 pour les députés libéraux, afin qu'ils puissent montrer qu'ils sympathisent avec les victimes. Toutefois, le bureau du député a refusé de payer pour les rubans ou les services de messagerie. Les libéraux veulent arborer ces rubans, mais ne veulent pas les payer. Est-ce censé être un exemple...
Le Président: Je donne la parole au ministre de la Santé.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la députée devrait le savoir, mais je vais lui dire que je portais ce ruban bien avant qu'elle n'en voie un. Je l'ai obtenu de Jeremy Beaty, de la Société canadienne de l'hépatite C, lorsque je l'ai rencontré pour parler de l'indemnisation des victimes. La différence, c'est que le gouvernement a réussi à trouver 1,1 milliard de dollars pour indemniser 22 000 victimes. Cela montre bien que nous sommes sensibles à cette question.
[Français]
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Monsieur le Président, avant et pendant son voyage à Cuba, le premier ministre a condamné Fidel Castro pour son manque de respect envers la démocratie. C'est assez étonnant quand cette critique vient d'un chef qui ne permet pas à son caucus de voter librement sur la motion portant sur l'hépatite C, et surtout quand nous savons que certains de ses députés ont demandé un vote libre parce qu'ils ne sont pas satisfaits du programme de compensation, tel qu'il est offert actuellement.
Je demande donc au vice-premier ministre pourquoi le gouvernement s'empresse de prêcher la démocratie partout dans le monde, quand il ne l'applique pas ici dans sa propre cour.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la démocratie existe ici dans notre pays et en cette Chambre, et la preuve de cela sera le vote de ce soir car je suis confiant que la Chambre va rejeter la motion du Parti réformiste.
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Monsieur le Président, la semaine dernière, on pouvait voir sur la pelouse de la Colline parlementaire, rangée après rangée, des croix représentant les innocentes victimes de l'hépatite C. Ce sont des pères, des mères, des frères, des soeurs, des conjoints et des enfants qui les y ont placées en mémoire de leurs êtres chers qui ont perdu la vie suite à cette horrible tragédie.
Est-ce que le ministre de la Santé va finalement accepter la responsabilité qui lui revient et indemniser toutes les victimes?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous avons accepté notre responsabilité avec les gouvernements, pour les gouvernements du Canada, y compris les gouvernements conservateurs. Nous avons accepté la responsabilité pour l'époque durant laquelle les responsables auraient pu agir pour prévenir les infections.
Ce sont les politiques du gouvernement du Canada, et c'est la politique correcte.
* * *
[Traduction]
LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État aux Sciences et à la Technologie. Au moment où on se parle, une fusée est lancée en sol canadien, à Churchill, au Manitoba, pour la première fois en presque une décennie, en préparation du lancement d'un satellite en orbite polaire.
Comment ces activités amélioreront-elles l'état de préparation technologique du Canada dans le monde changeant des télécommunications?
L'hon. Ronald J. Duhamel (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Monsieur le Président, c'est la première fusée à être lancée, avec succès je dois dire, à Churchill depuis 1989. Le lancement a eu lieu à 7 h 10. La fusée transporte à son bord des appareils destinés à des expériences scientifiques pour l'Agence spatiale canadienne. Un des instruments, du nom d'Active, servira à analyser le plasma thermique dans l'atmosphère.
C'est bon pour les Canadiens. Ils verront quels sont les avantages de l'exploration spatiale. Cela améliorera l'image du Canada en sciences et technologie dans le monde entier.
* * *
L'HÉPATITE C
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, c'est intéressant de savoir ce que le gouvernement considère comme important quand la vie de Canadiens est en jeu.
Mes électeurs Sherry et Don Fitger se sont rencontrés dans un hôpital de Calgary après avoir eu chacun un accident de voiture en 1980 et sont tombés amoureux l'un de l'autre. Mais leur merveilleuse histoire d'amour s'est transformée en un horrible cauchemar. En effet, Sherry et Don viennent d'apprendre récemment qu'ils ont été infectés par l'hépatite C par suite des transfusions de sang contaminé qu'ils ont reçues à ce moment-là. Le régime d'assurance-maladie ne rembourse pas les frais de médicaments à base d'herbes que Don et Sherry trouvent efficaces.
Pourquoi le gouvernement libéral tourne-t-il le dos à d'innocentes victimes du sang contaminé comme Sherry et Don Fitger?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, quand Sherry et Don Fitger ont reçu une transfusion de sang contaminé, il était absolument impossible de détecter, à l'aide de tests scientifiques, quelles de substances contaminantes se trouvaient dans le sang en question.
La députée et ses collègues tiennent à ce que les gouvernements, même s'ils n'en sont pas responsables, indemnisent tous ceux qui subissent des préjudices ou tombent malades à cause des risques inhérents au système médical. Cette façon de procéder n'est ni appropriée ni responsable.
Le comité Prichard a dit en 1990 de ne pas le faire. La commission Krever a dit qu'il n'y avait pas faute, tout comme le comité Prichard, qui a ajouté qu'on ne pouvait indemniser des gens pour un préjudice inévitable. Les doyens des facultés de médecine étaient d'accord là-dessus.
* * *
[Français]
LA MINE BC DE BLACK LAKE
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines admettait que seulement une cinquantaine des 250 ex-travailleurs de la mine BC pourraient bénéficier de ses mesures actives.
Le ministre peut-il faire un pas de plus et contribuer financièrement aux efforts de la compagnie Lab Chrysotile et du Québec en vue d'établir un programme de préretraite pour les 200 autres travailleurs, ceux qui ne peuvent pas bénéficier de ses mesures actives?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'être très clair. Je n'ai en aucun cas dit que seulement 40 ou 50 pouvaient profiter des mesures actives.
Ce que j'ai dit c'est, qu'à ce jour, 40 des 300 mineurs ont déjà été engagés dans deux autres mines. Dix ont pris leur retraite. J'ai dit que 40 à 50 avaient manifesté de l'intérêt pour de la formation qui sera donnée en août et en septembre pour pouvoir avoir un autre travail. Il y en a cinq ou six qui sont placés par le Comité d'aide aux travailleurs grâce aux subventions salariales ciblées, et quatre à cinq sont intéressés à partir leur propre entreprise...
Le Président: La parole est à l'honorable député d'Acadie—Bathurst.
* * *
[Traduction]
LA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, la région de l'Atlantique et la côte gaspésienne sont aux prises avec une crise dans le secteur des pêches. La SPFA tire à sa fin. Des milliers et des milliers de personnes dont des enfants souffriront des conséquences de la suppression de ce programme.
Ma question s'adresse au ministre des Pêches. Le gouvernement va-t-il changer d'avis et prolonger la SPFA comme le réclame Tobin, un de vos bons libéraux?
Le Président: Comme toujours, je vous demanderais de poser votre question par l'entremise de la présidence.
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, la SPFA devait initialement servir à aider temporairement les habitants des collectivités du Canada atlantique qui étaient confrontés à une situation très difficile.
Nous savons maintenant qu'il y a un problème et que le poisson ne revient pas aux niveaux que nous souhaitions et espérions. Le gouvernement, en consultation avec les collectivités et les particuliers touchés, ainsi qu'avec la province de Terre-Neuve, s'emploie très activement à trouver la solution à l'après-SPFA.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, les libéraux sont en route pour Ottawa. Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Combien ce vote sur une simple motion coûtera-t-il aux contribuables Canadiens? Combien en coûtera-t-il de ramener pour le vote tous les ministres, les députés et tout leur personnel en petits voyages d'agrément un peu partout dans le monde? Pourquoi cet argent n'aurait-il pas pu servir à indemniser les victimes de l'hépatite C?
Au lieu d'accumuler des points de grands voyageurs, les libéraux pourraient ainsi gagner des points auprès des Canadiens ordinaires...
Le Président: Je ne vois pas en quoi cette question porte sur les responsabilités administratives du ministre. Le député de Nepean—Carleton.
* * *
LES FORCES ARMÉES CANADIENNES
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.
En 1993, le 2e bataillon Princess Patricia's Canadian Light Infantry, qui servait avec les Nations Unies dans l'ancienne Yougoslavie, s'est distingué par son courage sous les projectiles pendant une mission de maintien de la paix dans la poche de Medak.
Le ministre prendra-t-il des mesures pour reconnaître officiellement le travail remarquable fait par le 2e bataillon dans des circonstances extrêmement dangereuses et pour le remercier au nom de tous les Canadiens pour un travail bien fait?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les militaires canadiens qui ont témoigné devant le Comité de la défense hier ont fait un exposé très émouvant. Je recommande à tous les députés de prendre connaissance de leur témoignage.
Ils ont raconté comment ils se sont distingués sous les projectiles et comment ils ont fait preuve de discipline, de professionnalisme et de beaucoup de courage. Nous pouvons tous être fiers d'eux.
Certains membres du bataillon ont déjà reçu une reconnaissance et une citation par les Nations Unies pour ces événements. Je crois qu'il convient d'accorder une reconnaissance supplémentaire à nos soldats pour un fait d'armes très peu connu. J'approuve cette idée et j'y donnerai suite.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, 80 p. 100 des personnes infectées par l'hépatite C finissent par avoir le cancer du foie, elles deviennent maladives et meurent prématurément. Robert, dans ma circonscription, est une de ces victimes. Depuis qu'il a été infecté, il a perdu sa maison, perdu sa santé et perdu sa vie.
Le premier ministre et le ministre de la Santé ont parlé de justice et de compassion, alors pourquoi le premier ministre oblige-t-il ses députés à voter contre leur conscience, à voter contre Robert et beaucoup d'autres comme lui?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il est essentiel que dans le cas de tragédies comme celle dont souffre Robert, le pays fournisse le meilleur système de soins possible et un système qui réponde aux besoins. C'est pour cela que des indemnités en espèces, payées par le gouvernement, doivent être évitées pour ceux qui ont été infectés sans que quiconque ne soit responsable.
Le député de Macleod était d'accord avec cela jeudi dernier lorsqu'il disait que les gouvernements ne devaient pas verser d'indemnité en espèces aux personnes blessées sans que quiconque ne soit en faute. J'invite le député à considérer la position de son collègue.
M. John Nunziata (York-Sud—Weston, Ind.): Monsieur le Président, j'exhorte tous les députés libéraux d'arrière-ban à faire un sérieux examen de conscience et à prendre position...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Le député de York-Sud—Weston.
M. John Nunziata: ...pour venir en aide à leurs concitoyens malades et mourants.
Le ministre de la Santé a parlé plus tôt du ruban. J'aimerais souligner au ministre de la Santé que ce ruban que les gens portent aujourd'hui est un symbole d'équité et de justice pour toutes les innocentes victimes de l'hépatite C.
J'aimerais que le ministre nous dise s'il aura le courage de porter ce ruban un peu plus tard aujourd'hui?
[Note de la rédaction: M. Nunziata traverse le parquet de la Chambre et dépose un ruban sur le pupitre du ministre de la Santé.]
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Je demande à tous les députés de bien vouloir observer le décorum à la Chambre et de s'abstenir de toutes ces bouffonneries à l'avenir. J'espère que ce genre de chose ne se reproduira plus.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à répondre à la question parce que, pendant les quatre dernières semaines au cours desquelles la Chambre a siégé, j'ai assumé mes responsabilités et j'ai répondu aux questions qui ont fusé de toutes parts sur ce très difficile dossier.
J'ai répondu à toutes ces questions au meilleur de mes connaissances en essayant d'éviter le sectarisme politique et les excuses faciles. J'ai évité un appel d'émotion.
Ce que nous venons de voir, après quatre semaines de questions et de discussions, dégrade la Chambre des communes et tout le processus parlementaire. La conduite du député le déshonore. Il devrait avoir honte.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LES CRÉDITS
JOUR DÉSIGNÉ—L'ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ
La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'apprécie vos efforts et les défis que vous devez relever à la Chambre. Je me rends de plus en plus compte de la difficulté d'être dans votre position.
Pour revenir à la motion du Bloc, je voudrais faire référence à une opération publicitaire à laquelle nous avons assisté à la Chambre il y a quelques jours lorsqu'un député bloquiste a quitté la Chambre en emportant sa chaise en signe de protestation contre l'inefficacité du gouvernement pour ce qui est de lutter contre la pauvreté chez l'enfant et de réduire l'écart entre les riches et les pauvres. Le fait que le Bloc revienne avec cette motion qui propose une plus vaste intervention de la part du gouvernement afin de régler ces problèmes est intéressant.
Continuons d'utiliser cette illustration ou l'analogie avec la la chaise. Nous n'avons pas besoin que d'autres politiciens mettent en place des programmes qui dictent aux familles, par exemple, le genre de chaises qu'elles devraient avoir—ce que semble proposer le Bloc. Le soin de cette décision devrait être laissé aux parents. Redonnons-leur une partie des ressources dont ils disposaient pour qu'ils puissent décider, par exemple, de quel genre et de quelle taille est la chaise dont ils ont besoin.
Ce sont les parents qui sont les mieux placés pour décider du genre de chaise dont a besoin un enfant et pour lui procurer. Les parents, non l'État, savent de quel genre et de quelle dimension sont les chaises dont ont besoin leurs enfants à mesure qu'ils grandissent. En commençant par leur première chaise percée, en passant par la chaise haute, jusqu'au tabouret du bureau de l'étudiant, les parents sont mieux en mesure de prendre ces décisions puisqu'ils sont plus près de leurs enfants.
Les parents savent quand faire les changements, contrairement à l'État omniprésent. Les programmes de l'État omniprésent, qui préconisent une approche du genre taille unique servent à réduire la valeur de l'individu et coûtent plus cher que les services qu'ils offrent. La faculté d'adaptation de l'État est si lente, et n'offre de toute façon que des solutions générales, que l'État ne fait jamais ressortir ce qu'il y a de meilleur chez l'individu.
Une des nombreuses propositions du Parti réformiste pour venir en aide à la famille apporterait des changements au traitement fiscal négatif des familles. Nous accorderions la déduction pour frais de garde d'enfants à tous les parents, y compris ceux qui s'occupent de leurs enfants au foyer, et laisserions ainsi cette décision entre les mains de ceux qui sont le plus près de leurs enfants. Qu'on laisse les parents décider comment élever leurs enfants. Cela semble avoir du bon sens. Nous augmenterions le montant pour conjoint de manière à égaliser les règles du jeu pour les parents qui préfèrent rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants et aider leur famille à répondre aux exigences des conditions de vie difficiles dans lesquelles nous vivons tous.
Pourquoi est-ce une bonne idée? Des travaux de recherche révèlent que c'est bon pour les enfants. Des sondages révèlent que c'est une chose que les parents connaissent intimement et qu'ils désirent. Je parle de sondages.
En 1997, un projet de recherche effectué par la National Foundation of Family Research and Education, la NFFRE, a effectué une méta-analyse générale des recherches actuelles sur le développement de l'enfant. Selon les principales conclusions de cette méta-analyse de la NFFRE, la garde régulière d'enfants par des personnes autres que les parents durant plus de 20 heures par semaine a un effet indubitablement négatif sur le développement social et émotif des jeunes enfants, l'adaptation du comportement et la formation de liens affectifs avec leurs parents. Le rapport concluait en outre que la garde des enfants par leurs parents produisait constamment et sensiblement de meilleurs résultats que la garde régulière par des personnes autres que les parents dans le cas des enfants de moins de cinq ans.
Cette recherche très fiable établit clairement que, dans l'intérêt des nourrissons et des enfants d'âge préscolaire, il est préférable que leurs parents s'en occupent à plein temps. Pour beaucoup d'entre nous, ce n'est pas sorcier, mais le gouvernement n'en continue pas moins d'accorder des incitatifs fiscaux aux parents qui optent pour les garderies publiques et de ne faire aucun cas de ceux qui veulent s'occuper de leurs enfants à la maison. Pour moi, c'est le monde à l'envers. Le message que le gouvernement envoie aux parents, c'est que le travail qu'ils accomplissent ne vaut rien. Voilà qui est très destructif.
De toute évidence, le temps que les parents consacrent à la famille est important et les gouvernements doivent le reconnaître si l'on tient à préserver la santé et le bonheur de nos foyers.
Penchons-nous encore sur les données fournies dans le cadre de sondages et d'études. Selon une enquête menée par la firme de recherche Compass Inc., les parents veulent que leur famille soit la priorité. Quelque 94 p. 100 des Canadiens interrogés dans le cadre de cette enquête ont déclaré que le manque de temps à consacrer à leurs enfants nuisait beaucoup à la vie familiale.
En 1991, un sondage pancanadien mené par le Centre de recherches Decima Ltée devenait le sondage le plus complet jamais réalisé à propos des Canadiennes. La question était: «Si vous aviez le choix, resteriez-vous à la maison pour élever vos enfants ou iriez-vous travailler et les mettriez-vous en garderie?» Évidemment, 70 p. 100 des répondantes ont dit qu'elles préféreraient rester à la maison.
En 1997, la NFFRE a remis au gouvernement de l'Ontario une étude que la province lui avait commandée au sujet de la garde des enfants. Dans une proportion supérieure à 10 pour un, 92 p. 100 des Ontariens ont dit qu'il est préférable pour un jeune de rester à la maison avec un parent plutôt que d'être placé dans une garderie publique. Ils ne considèrent pas les programmes gouvernementaux financés par les contribuables comme la solution idéale en matière de garde des enfants, ni comme un moyen efficace pour combattre la pauvreté chez les enfants.
Et parmi les parents interrogés ayant confié leurs enfants à des soins non parentaux, 77 p. 100 auraient préféré s'en occuper eux-mêmes, en rétrospective.
Qu'on me comprenne bien, personne ne prétend que les parents doivent rester à la maison pour élever leurs enfants. Ce n'est pas ce je dis. Mais il est clair que le gouvernement ne devrait pas les pénaliser quand ils décident de le faire, et c'est pourtant ce qui se passe en ce moment. C'est doublement tragique quand on sait que les sondages révèlent que les parents souhaitent rester à la maison et que les recherches montrent que c'est bon pour la santé de l'enfant. Pourquoi la politique gouvernementale combat-elle à ce point une idée qui est chère aux parents et qui est tellement sensée?
Le Parti réformiste veut que les parents aient le droit de choisir la solution qui, selon eux, répond le mieux aux besoins de leur famille, sans injustice fiscale. Malheureusement, le gouvernement ne semble pas l'entendre de cette oreille. Dans le dernier budget, par exemple, le gouvernement a aggravé l'injustice que subissent déjà les parents qui restent à la maison en augmentant la déduction pour frais de garde d'enfants de 35 p. 100 tout en refusant d'accorder quoi que ce soit aux parents qui restent à la maison. C'est une situation tragique et destructive, qui est préjudiciable aux familles et à certains enfants.
Je signale que la motion du Bloc concerne la pauvreté matérielle des enfants. Je soulignais cependant un fait qui préoccupe de nombreux députés réformistes, à savoir que de nombreux enfants souffrent d'une autre forme de pauvreté, celle qui résulte du manque de temps passé avec leurs parents ou avec le même gardien. Je pourrais citer des études qui font état des torts et des troubles psychologiques qui se manifestent chez des enfants qui changent trop souvent de gardiens.
La motion dont nous sommes saisis prône un type de mégagouvernement interventionniste qui, par la fiscalité et les dépenses, a déjà trop fait pour aggraver ce genre de pauvreté. Nous devons mettre l'accent sur le bien-être de la famille et de l'enfant tout entier au sein de la famille, c'est-à-dire non seulement ses besoins matériels mais également les besoins affectifs que comble la présence de ses parents. Nous devons nous intéresser non seulement à l'enfant mais à l'enfant au sein de sa famille.
Les familles fortes transmettent notre culture, notre langue, notre patrimoine et nos valeurs. Les familles fortes forment les futurs citoyens. Dans ce contexte, faisons ce qu'il faut et rappelons-nous toujours que les gouvernements font de piètres parents, mais que les familles fortes créent de bons gouvernements.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, l'enquête longitudinale nationale de 1996 sur la santé des enfants révèle que 25 p. 100 de tous les enfants au Canada ont un problème lié à la santé, à l'éducation ou un problème d'ordre social. Le député a tout à fait raison lorsqu'il dit que nous devons investir dans les enfants.
Il a parlé de la possibilité d'accorder la déduction pour frais de garde d'enfants aux familles qui élèvent des enfants d'âge préscolaire à la maison, ainsi qu'un crédit d'impôt au dispensateur de soins, ce qui représenterait pour ces parents un avantage équivalent à la déduction.
Jeudi prochain, nous déposerons un projet de loi concernant le partage du revenu entre les conjoints. Il existe de nombreuses façons de faire ce genre de choses.
Le député a omis de parler de ce qui constitue probablement l'une des plus importantes causes de pauvreté chez les enfants au Canada, c'est-à-dire la rupture des familles. L'Institut Vanier rapporte que les familles monoparentales représentent 12 p. 100 de toutes les familles, mais qu'elles comptent environ 46 p. 100 de tous les enfants pauvres. Je pense que ces chiffres correspondent à la réalité.
Nous parlons beaucoup de la pauvreté des enfants, alors que le véritable problème est la pauvreté des familles. L'expression pauvreté des enfants est une expression politique. La pauvreté des familles est une réalité. La famille est en crise au Canada: 30 p. 100 des mariages finissent par un divorce et les unions de fait, qui sont plus d'un million au Canada, connaissent un taux d'échec 50 p. 100 plus élevé que les mariages. Cette situation engendre la rupture des familles et un environnement des plus dangereux pour les enfants.
J'aimerais connaître le point de vue du député au sujet de cette autre importante question que constitue la pauvreté engendrée par la rupture des familles.
M. Eric Lowther: Monsieur le Président, j'apprécie les commentaires du député de l'autre côté. Je conviens que l'accent sur la pauvreté chez l'enfant est déplacé. Nous ferions mieux de nous concentrer sur la situation de la famille canadienne dans l'ensemble si nous voulons vraiment améliorer le sort des enfants. L'une ne va pas sans l'autre. Les deux vont de pair.
Le Parti réformiste partage la préoccupation que pose le stress imposé aux familles par l'économie. C'est en partie la raison pour laquelle nous considérons que notre mandat consiste en partie à veiller à la création d'emplois. Le chef de famille, qui qu'il soit, doit pouvoir trouver un emploi. À notre avis, l'augmentation des dépenses gouvernementales n'est pas ce qui va mener à la création d'emplois. Ce qui va mener à la création d'emplois, c'est la réduction des impôts et de la bureaucratie pour tous les petits entrepreneurs et autres qui créent des emplois. C'est ce qui mènera à une économie plus saine qui à son tour profitera aux enfants de ces familles.
Je voudrais faire une autre précision que nous passons parfois sous silence dans ce débat au sujet du crédit d'impôt et de la reconnaissance accordée aux soins dans des établissements spécialisés, à savoir que nous n'accordons aucune reconnaissance aux personnes qui décident de prendre soin de leur famille à la maison. Le message subtil qui est adressé aux familles qui décident de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants est plus important pour elles que l'impact financier. Cela exige des sacrifices. Je me rends compte que tout le monde n'est pas prêt à faire de tels sacrifices. Le message que nous adressons avec les politiques en vigueur à ceux qui décident d'en faire est que cela n'a aucune valeur. Le gouvernement ne veut pas l'admettre.
En minant la force de ces familles, ces messages subtils sont en partie à l'origine de la désintégration familiale. C'est pourquoi, à mon avis, il est très important de nous soucier non pas seulement de l'impact financier mais aussi du message que nous adressons en ce qui concerne le lien parent-enfant.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Monsieur le Président, à la suite des discussions que nous avons eues pendant la période des questions orales, j'aimerais maintenant demander le consentement unanime pour que cette motion puisse faire l'objet d'un vote.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Le député de Repentigny a demandé que cette motion fasse l'objet d'un vote. Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: Non.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, je veux maintenant poser une question au député réformiste qui est intervenu sur la motion à l'étude et qui n'a pas consenti à ce que cette motion fasse l'objet d'un vote.
Devant le manque de compassion des députés libéraux qui ont dit non à quatre ou cinq reprises aujourd'hui et devant leur manque de compassion face à l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, j'aimerais poser une question à mon collègue réformiste qui nous dit comment nous devrions élever nos enfants, après que son collègue nous ait dit qu'il y avait trop de divorces.
Ces discussions stériles, sans aucun sens commun, sans orientation, ne démontrent-elles pas justement qu'il est nécessaire et imminent que l'on crée un comité parlementaire pour discuter de façon moins partisane et un peu plus réfléchie de l'écart entre les riches et les pauvres dans le contexte de la mondialisation?
[Traduction]
M. Eric Lowther: Monsieur le Président, j'ai une correction à apporter. Je n'ai pas voté non. C'était mon vis-à-vis. J'appuie toujours les votes libres à la Chambre des communes. Je voulais apporter cette clarification.
Pour ce qui est du comité parlementaire, je dirai que cela coûte très cher. À mon avis, et de l'avis de beaucoup de députés, nous pouvons prendre des mesures très simples pour corriger la situation actuelle. Ces mesures ne coûtent rien, elles peuvent faire économiser de l'argent aux contribuables et ont des effets positifs immédiats pour les familles et les enfants sans qu'il soit nécessaire de consacrer des deniers publics au fonctionnement de nouveaux comités et le reste.
[Français]
L'hon. Gilbert Normand (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire) (Pêches et Océans) Lib.): Monsieur le Président, si vous me le permettez, tout d'abord, en bon libéral, je vous demanderais la permission de partager mon temps de parole avec mon collègue, le député d'Abitibi.
Nos collègues de l'opposition ne semblent pas reconnaître l'engagement du gouvernement ni son rendement antérieur pour ce qui est d'améliorer l'économie et de donner à nos jeunes de plus grandes possibilités d'emploi.
Comme nous l'avons dit dans notre plan d'action initial pour le renouvellement de la fédération, intitulé «Pour la création d'emplois; pour la relance économique» et répété dans le document «Bâtir notre avenir ensemble», l'avenir appartient aux sociétés qui ont une économie dynamique, qui veillent à la santé publique, qui favorisent l'épanouissement des enfants et qui investissement dans le savoir, l'enseignement et l'innovation.
Le gouvernement du Canada a clairement indiqué qu'il s'agit là de nos valeurs et de nos priorités. De plus, nous réalisons des progrès dans chacun de ces secteurs. Mes collègues ont déjà donné les grandes lignes de certaines de nos réalisations remarquables à cet égard, de nos résultats exceptionnels pour ce qui est de mettre de l'ordre dans les finances publiques et nos investissements accrus dans la santé et dans nos programmes conçus pour réduire la pauvreté chez les enfants.
Mes remarques porteront donc avant tout sur les efforts déployés pour aider les Canadiens et Canadiennes à acquérir les compétences et les connaissances dont ils auront besoin pour soutenir la concurrence dans un monde en perpétuel changement. Ne nous leurrons pas, le monde est en train de changer, et ce, très rapidement.
La révolution technologique, la société d'information et l'économie mondiale, ce sont là des réalités d'aujourd'hui qui vont au-delà de nos frontières et sur lesquelles nous n'avons pas d'emprise comme État.
Les perspectives économiques du Canada dépendent de plus en plus des compétences et des forces de notre main d'oeuvre. De même, notre qualité de vie dépend de notre capacité de penser, d'innover et de créer dans un monde transformé par l'information et la technologie.
Ceux et celles qui doutent de ce fait fondamental dans la nouvelle économie n'ont qu'à regarder la situation actuelle de l'emploi. Depuis 1981, le nombre d'emplois offerts aux Canadiens qui ont fait tout au plus des études secondaires a diminué de deux millions, tandis que le nombre d'emplois qui nécessitent des compétences plus poussées a augmenté de plus de cinq millions.
Il est clair que les Canadiens qui ont une meilleure éducation ont de meilleures perspectives d'emploi, une meilleure sécurité et un salaire plus élevé. Le taux de chômage est de 15 p. 100 pour les personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires, alors qu'il n'est que de 5 p. 100 pour celles qui ont un diplôme universitaire. La formation permettra de rétrécir l'écart entre les deux groupes.
C'est pourquoi la pierre angulaire de la nouvelle stratégie canadienne pour l'égalité des chances est le Programme canadien de bourses d'études du millénaire. Je tiens à préciser à mes collègues que plus de 100 000 bourses d'études, financées à partir d'un fonds de dotation initial de 2,5 milliards de dollars, seront accordées chaque année à des étudiants à plein temps et à temps partiel durant les 10 premières années du prochain millénaire.
Le Programme canadien de bourses d'études du millénaire investira dans les connaissances et la créativité des jeunes Canadiens et améliorera l'accès des étudiants qui veulent faire des études postsecondaires. Les bourses d'études s'établiront en moyenne à 3 000 $ par année, par étudiant.
Peu importe où ils feront leurs études, un cégep, un collège communautaire, un institut professionnel ou technique ou une université, les étudiants pourront recevoir un montant maximum de 15 000 $ pour une période de quatre années d'études menant à l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat.
La stratégie canadienne pour l'égalité des chances aidera les Canadiens et Canadiennes, qui sont encore à l'école ou qui font déjà partie de la population active, à améliorer leurs connaissances et leurs compétences en vue de favoriser leur avancement professionnel.
Depuis les 20 dernières années, le nombre d'adultes qui retournent à temps plein sur les bancs d'école a triplé. La plupart de ces personnes y sont retournées pour des raisons reliées à l'emploi. La Stratégie facilitera ce retour aux études pour un plus grand nombre de personnes. À partir du 1er janvier 1999, les Canadiens pourront retirer de leurs REER des sommes exemptes d'impôt afin de pouvoir retourner à l'école.
Pour ceux qui ont terminé leurs études mais qui éprouvent des difficultés financières et ont du mal à rembourser leur prêt étudiant, la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances offre une plus grande souplesse et des mesures d'exemption d'intérêt. Les exemptions d'intérêt sur les prêts canadiens aux étudiants signifient que le gouvernement du Canada assument tous les intérêts sur les prêts sur une période maximale de 30 mois après la fin des études. Le seuil du revenu pour l'exemption d'intérêt est fixé à 20 460 $.
On encourage aussi les familles à mettre un peu d'argent de côté chaque mois en vue de payer les études de leurs enfants. La Subvention canadienne pour l'épargne-études leur sera utile à cet égard. Les familles contribuant à un régime enregistré d'épargne-études recevront 20 p. 100 de plus du gouvernement du Canada pour les premiers 2 000 $ de contribution. Une petite somme épargnée dès aujourd'hui pourra ouvrir la voie à un brillant avenir pour un étudiant de niveau postsecondaire.
Ce sont là des mesures qui apporteront des améliorations durables et significatives et seront une lutte très efficace et concrète contre la pauvreté. La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances contribuera énormément à cette lutte à la pauvreté.
Grâce à elle, nous améliorerons l'accès à l'éducation postsecondaire en aidant les étudiants nécessiteux à faire face à l'augmentation des frais d'études. Nous offrirons une aide accrue aux étudiants ayant des personnes à charge ainsi qu'aux étudiants à temps partiel et à ceux qui font de la recherche de pointe ou des études supérieures.
Nous aiderons les étudiants à rembourser leurs prêts d'études. Nous aiderons les familles à économiser pour payer les études de leurs enfants. Nous encouragerons les employeurs à embaucher des jeunes et, enfin, nous ferons bénéficier encore plus d'élèves des avantages de la technologie de l'information.
Notre Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, lancée dans le dernier budget, et notre système d'assurance-emploi sont deux exemples probants de la façon dont le gouvernement fédéral consacre ses énergies à aider les Canadiens à s'adapter aux changements qui surviennent dans le marché du travail des années 1990 et à profiter des possibilités qu'offre la nouvelle économie.
Notre objectif est de fournir aux Canadiens, surtout les jeunes, un plus grand nombre d'occasions de réussir dans la nouvelle économie fondée sur la connaissance. Par conséquent, j'insiste auprès des honorables députés pour qu'ils reconnaissent les actions du gouvernement qui aident à réduire les écarts dans les revenus des Canadiens et font la lutte à la pauvreté.
J'aimerais rappeler une phrase de M. Théodore Roosevelt qui disait que ceux qui préparent l'avenir, ce sont ceux qui font les choses et non ceux qui critiquent comment elles auraient dû être ou ne pas être faites.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'adresser ma question et mes commentaires à l'honorable député recycleur discours en réponse au budget.
Je voudrais, dans un premier temps, lui rappeler quelques chiffres et lui poser une question toute simple.
En 1989, selon le Conseil du bien-être social canadien, il y avait 900 000 enfants pauvres. En 1993, lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, il y avait 1,4 million d'enfants pauvres. En 1996, après trois ans de règne libéral, il y avait 1,5 million d'enfants pauvres.
Je n'ai pas besoin de relire la motion présentée aujourd'hui, mais j'ai écouté avec attention le discours du député et je pense qu'il ne l'a pas comprise. Alors, ma question sera toute simple. De quoi devrait-on parler aujourd'hui en cette Chambre?
L'hon. Gilbert Normand: Monsieur le Président, je pense qu'on parle de partage de richesses. Je dois dire à l'honorable député d'en face que, personnellement, avant de venir en politique ici, j'ai travaillé dans le secteur du développement social. Le fameux sommet qui a lieu à Québec actuellement, j'étais un des organisateurs à ce moment-là, et je peux lui dire que je sais de quoi je parle.
Lorsqu'on veut faire la lutte à la pauvreté, il faut faire du partage de richesses, et le partage de richesses est le rôle du gouvernement fédéral. Mais le gouvernement fédéral n'est pas le seul responsable de tout ce qui se passe dans les communautés. Il y a d'autres paliers de gouvernement et nous voulons travailler avec les autres paliers de gouvernement, surtout celui du Québec.
Je peux même dire à l'honorable député que j'ai personnellement demandé à l'organisateur du sommet qui se tient à Québec actuellement que le gouvernement fédéral puisse participer à ce sommet, mais ce fut refusé.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, si les provinces ont autant de difficultés, c'est à cause des coupures dans les transferts qu'elles subissent depuis plusieurs années. Ce gouvernement les a fait subir à toutes les provinces.
J'aimerais demander à l'honorable député d'en face—j'imagine que son comté doit ressembler à tous les autres—si dans son comté, il n'y a pas de soupes populaires, s'il n'y a pas d'endroits pour accueillir les gens pauvres. Est-ce que cela n'a pas augmenté depuis les dernières années? Est-ce qu'il ne sent pas que la richesse n'est pas distribuée également partout?
Peut-être pourrait-il commenter à ce sujet, à moins que son comté soit tellement riche qu'il n'ait pas besoin de ces services?
L'hon. Gilbert Normand: Monsieur le Président, je ne parlerai pas de richesse ou de pauvreté. Je vais simplement dire que dans mon comté de Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, que je suis fier de représenter d'ailleurs, les gens ont décidé de se prendre en main.
Le fait que les gens des communautés décident de se prendre en main fait souvent que le succès vient de là. Le rôle des gouvernement supérieurs, dont celui de notre gouvernement, est d'aider nos communautés. C'est ce que je dis toujours à mes commettants: «Aidez-vous, apportez des projets et nous serons là pour vous appuyer et vous permettre de vous développer.»
C'est pour cela que dans le comté de Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, ça va bien. C'est vrai qu'il peut y avoir des soupes populaires, mais je peux dire que c'est un comté qui s'est pris en main. Les gens veulent se développer, veulent sortir de leur orbite parce que, de plus en plus, nos industries vont sur les marchés internationaux. C'est justement en les aidant à faire cela que nous faisons la lutte à la pauvreté.
M. Benoît Sauvageau: Monsieur le Président, dans la réponse à la question de la députée de Laurentides, on a eu un soupçon de début d'indice à l'effet que le député libéral de Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet commençait à comprendre de quoi on parlait.
Il me fera plaisir de lui lire la motion, parce qu'il ne l'a pas lue. Il a parlé de toutes sortes de choses, mais il a oublié le sujet de la discussion d'aujourd'hui. La motion se lit ainsi:
Que cette Chambre réitère l'engagement de 1989 sur la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000, presse le gouvernement d'agir et forme un comité parlementaire spécial [...]
On n'accuse personne. On veut juste en parler et on n'avait pas besoin du budget libéral pour cela. Est-ce que le député est d'accord pour que soit formé un comité, composé de représentants de tous les partis, afin qu'on puisse discuter de l'écart entre les pauvres et les riches en cette ère de mondialisation?
L'hon. Gilbert Normand: Monsieur le Président, en réponse au député, je dois lui dire que j'avais lu la motion. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral, seul, soit capable de faire la lutte à la pauvreté. Beaucoup mieux qu'un comité parlementaire, c'est un sommet qui s'adresse à toute la population qui devrait être créé.
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas la première fois que j'interviens à la Chambre pour parler de pauvreté.
La motion du Bloc québécois dit ceci:
Que cette Chambre réitère l'engagement de 1989 sur la suppression de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000 [...]
1) malgré la croissance économique des dernières années, l'écart entre les riches et les pauvres continue de s'accroître;
Nous savons tous que la plupart des Canadiennes et des Québécoises passent au moins une partie de leur vie au foyer à temps plein. Près de la moitié d'entre elles ne sont pas sur le marché du travail et moins d'un tiers de celles qui ont des enfants d'âge préscolaire occupent un emploi rémunéré à temps plein.
Dans la tâche d'élever des enfants, les parents canadiens et québécois semblent pleins de bonnes intentions en ce qui concerne le partage du travail. Mais, pour le meilleur et pour le pire, le travail au foyer reste toutefois un métier de femme. Génétiquement, rien ne dit que le travail au foyer doit être accompli par les femmes. Pourtant, dans la pratique, ce sont les femmes qui se chargent de la plupart des tâches domestiques. C'est pour cette raison que je parle ici de «femme au foyer», ce qui sous-entend, bien entendu, «mère au foyer qui élève des enfants».
Au Canada et au Québec, les femmes au foyer sont au travail à temps plein et font même des heures supplémentaires. Des études ont démontré qu'elles travaillent entre 41 et 60 heures par semaine, selon le nombre et l'âge des enfants.
La femme au foyer est par ailleurs de garde 24 heures par jour, sept jours par semaine. Essayez de trouver un métier aussi exigeant. C'est là où on en vient quand on parle de pauvreté. Il faut commencer par la famille. Nous savons aussi que la femme au foyer travaille avant tout à domicile. Ce sont le mari, les enfants et les autres membres de la famille qui bénéficient le plus directement de son travail.
Toutefois, la liste des bénéficiaires ne s'arrête pas là. C'est pourquoi payer les femmes au foyer stimulerait l'économie parce qu'elles dépenseraient cet argent pour des besoins essentiels, tels de la nourriture plus appropriée et des vêtements plus durables.
Les employeurs tirent aussi parti, sur d'autres plans, des femmes au foyer. Puisque les femmes assurent le fonctionnement de la maison et prennent soin des autres membres de la famille, il devient plus facile pour le mari de se consacrer entièrement à un travail rémunéré à temps plein en dehors du foyer. Je vois l'opposition en face de moi aujourd'hui et le député de Repentigny sourire parce que je parle du salaire de la femme au foyer. On parle de familles, on parle des enfants. Si la femme au foyer demeurait encore au foyer pour prendre soin des enfants, je peux dire qu'il y aurait moins de pauvreté.
Enfin, si l'on se place à un plan plus général, les femmes au foyer sont garantes de l'avenir dans la mesure où elles prennent soin de la prochaine génération. Nous avons besoin, pour nous perpétuer de génération en génération, d'une population dynamique et en bonne santé. Quelle est donc la valeur exacte que l'on doit attribuer au travail de cette femme placée en première ligne, 24 heures sur 24, et ce, pour tout effectuer dans la maison? Si l'on devait inclure le travail au foyer dans le Produit national brut, au Canada, on estime qu'il s'éleverait à 35 ou 40 p. 100 du PNB, ce qui représente au minimum 136 milliards de dollars canadiens. C'est là une somme considérable, et pourtant, la femme au foyer n'a aucun moyen de transformer cette production en argent pour aider les enfants à sortir de cette pauvreté.
Contrairement aux autres travailleurs et travailleuses de notre société, la femme au foyer ne reçoit pas de salaire. Et parce qu'elle n'est pas rémunérée, elle ne bénéficie pas de jours de congé, d'assurance-emploi, d'indemnité en cas d'accident, d'incapacité ou de maladie. Plus grave encore, à long terme, elle ne bénéficie pas d'un régime de pensions. Pourtant, comme tous les autres travailleurs et travailleuses, la femme au foyer atteint, elle aussi, un jour, l'âge de la retraite.
Il est inacceptable que les femmes au foyer soient la proie de l'insécurité financière toute leur vie et, de surcroît, à l'âge de leur retraite, après avoir passé tout leur temps à oeuvrer pour le bien de leur famille et de l'ensemble de la société.
Les mères décident d'aller travailler dans des conditions souvent médiocres, et c'est là qu'on parle de pauvreté. Les femmes qui ont de grosses familles et qui travaillent pour 3 $ ou 4 $ de l'heure ne reçoivent pas un salaire décent. Certaines restent au foyer pour élever des enfants et effectuer toutes les tâches s'y rapportant. Pour celles qui travaillent, c'est un surcroît de travail puisqu'elles sont obligées d'exécuter les tâches du foyer en plus de leur travail qui leur rapporte parfois un salaire de 3 $, 4 $ ou 5 $ de l'heure pour laver des planchers.
Les mères se trouvent rangées dans deux camps: les mères qui travaillent et les mères au foyer, à temps plein. Ces expressions mêmes ont une charge émotive. Si certaines femmes sont des mères qui travaillent, qu'est-ce qu'une femme qui ne travaille pas? S'il y a des mères à temps plein, est-ce que cela veut dire que celles qui ont une carrière à l'extérieur du foyer ne sont des mères qu'à temps partiel?
La femme au foyer, mariée ou non mariée, ne retire aucun bénéfice personnel du Régime de pensions du Canada ou du Régime des rentes du Québec. Les propositions qui visent à partager les crédits de pension entre les conjoints sont bonnes, mais ne tiennent pas compte de la valeur du travail effectué par la femme au foyer puisque la pension totale du couple n'est pas augmentée.
En 1970, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme disait que la femme qui reste à la maison produit autant de biens et de services que celle qui a un travail rémunéré. Et si elle avait un travail rémunéré, nous pourrions aider nos enfants et sortir certaines régions du Québec ou du Canada de la pauvreté. Nous pourrons revoir notre approche et concevoir des lois qui sont avant tout justes pour toutes les familles, qui rendent aux parents leur responsabilité première et leur permettent de choisir la formule qu'ils jugent préférable pour élever leurs enfants.
Voici quelques réflexions sur les aspects juridiques. La Charte des droits et libertés dit que toute personne a un droit égal à la protection et au bénéfice de la loi, sans discrimination. Les lois fiscales actuelles n'accordent pas aux mères un traitement égal. Certaines sont favorisées, mais pas les autres, ce qui va à l'encontre des principes démocratiques de l'égalité des chances.
Si on lit les procès-verbaux de la Chambre des communes, le député néo-démocrate de Kamloops disait, en 1983: «Je vais continuer à demander au ministre de réformer le régime fiscal de façon à favoriser toutes les situations familiales.» Il nous faut un régime qui tienne compte du coût et du travail que suppose l'éducation des enfants, sans égard à l'état civil ou au niveau de revenu, un régime qui accorde aux femmes qui restent au foyer le même statut et la même reconnaissance qu'à celles qui sont sur le marché du travail.
En 1984, un sondage national démontrait que 81 p. 100 des Canadiens étaient en faveur de la participation des conjoints au foyer au Régime de pensions et au Régime des rentes du Québec. Les conjoints au foyer n'ont toujours pas droit à cette pension.
Je dis aux gens, aux députés de cette Chambre, de tous les partis politiques: travaillons ensemble, essayons de trouver une solution concernant le salaire pour la femme au foyer, essayons d'aider les enfants et tentons de sortir ces familles de la pauvreté.
Aujourd'hui, alors qu'on parle de pauvreté, on parle beaucoup de programmes, de toutes sortes de programmes fédéraux et provinciaux, mais le hic qu'il y a dans la motion du Bloc québécois, actuellement, c'est qu'elle parle d'un comité parlementaire. Je préfère une commission royale concernant le salaire de la femme au foyer et la pauvreté, c'est-à-dire la mère au foyer qui élève un ou des enfants.
Je tiens à remercier toutes les personnes présentes aujourd'hui en cette Chambre et je souhaite bonne chance à toutes les femmes. Je demande aussi à tous les hommes qui veulent nous aider, de correspondre avec leur député dans chaque circonscription fédérale, de leur écrire. Pas besoin de timbre, ils n'ont qu'à écrire une lettre à leur député et de mentionner une commission royale pour trouver une façon de sortir ces familles de la pauvreté. Ils n'ont qu'à contacter leur député, peu importe son parti, afin que le message se rende. Même si cela prend des mois, il ne faut pas arrêter. Il faut gagner cette cause pour les femmes ou les hommes au foyer qui élèvent des enfants, afin de sortir ces familles de la pauvreté.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais rappeler au député d'Abitibi qu'il n'y a pas de mère ou de père à temps partiel. On est père et on est mère toute notre vie. Alors, qu'on agisse d'une façon ou d'une autre, on est là et on sera toujours là.
Je suis une mère, une mère monoparentale. Est-ce que le député est en train de me dire qu'il faudrait que toutes les mères retournent au foyer et qu'on les paie pour rester au foyer? Est-ce que le député est en train de nous dire que son gouvernement est prêt à payer toutes les femmes qui restent au foyer pour élever des enfants?
J'aimerais que l'honorable député d'Abitibi me donne une réponse affirmative tout de suite.
M. Guy St-Julien: Monsieur le Président, j'ai eu un peu de difficulté à entendre la question de madame la députée. Dans le contexte de cette motion du Bloc québécois qui parle de pauvreté, je reviens au ministre libéral de la province de Québec qui disait, en 1994, que l'on devrait réformer la société, mettre en place un revenu garanti pour tout le monde, abolir le bien-être social, abolir certains programmes, ainsi de suite, et prendre cet argent et l'investir.
Mais si je reviens à la question de madame la députée, on parle de la pauvreté. Je me souviens qu'en octobre 1997, le gouvernement du Québec avait reçu un prix citron à propos de la lutte contre la pauvreté. D'où vient-il ce prix citron? Je me souviens qu'au mois d'octobre, à Alma, il y avait eu un gala. Je l'ai ici dans mes notes: Une coalition de groupes communautaires de toute la région s'est réunie à Alma et a décerné au gouvernement du Québec, à Lucien Bouchard, dans sa région, le prix citron de la pauvreté. Il faudrait commencer par trouver des solutions chez nous.
On parle de pauvreté sur le plan mondial. Commençons par en parler au plan provincial, parlons des familles, des enfants qui sont pauvres actuellement. Pourquoi le Québec a-t-il obtenu le prix citron, justement à Alma, dans la circonscription du député qui est parti avec son fauteuil? Pensez-y. Commencez par votre travail chez vous.
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que le député d'en face vient de nous dire. De un, c'est important qu'on le dise, il y a beaucoup de confusion. Je n'ai pas très bien compris où il voulait en venir avec cette idée que les femmes devaient retourner à la maison.
Un peu comme ma collègue, la députée de Laurentides, cela m'offusque que l'on parle comme ça. De un, je suis enceinte, je vais avoir des enfants et je n'ai pas nécessairement envie de retourner à la maison.
Je vais quand même donner une chance au député. Peut-être qu'il voulait parler du travail invisible des femmes. S'il reconnaît le travail invisible, je l'invite officiellement à parler à son ministre des Finances pour les prestations aux aînés. Mais il nous parle de pauvreté. Est-il d'accord pour qu'il y ait un comité, oui ou non?
M. Guy St-Julien: Monsieur le Président, c'est un honneur de répondre à cette motion du Bloc québécois qui dit qu'ils veulent un comité parlementaire.
C'est faux. Il faut mettre en place une commission royale sur la pauvreté au Canada, sur le salaire de la femme au foyer, pas seulement un petit comité parlementaire qui va se promener dans des villes désignées par les députés ou un comité parlementaire qui va se renfermer dans la Chambre des communes à huis clos et faire des audiences un peu partout. Ils ne pourront pas faire toutes les villes et villages au Québec, toutes les grandes régions.
Je préfère une commission royale. J'ai bien dit dans mon discours que les mères se retrouvent dans deux camps: les mères qui travaillent et les mères au foyer à temps plein. Ces expressions ont une charge émotive. Si certaines femmes sont des mères qui travaillent, qu'est-ce qu'une femme qui ne travaille pas?
S'il y a des mères à temps plein, cela veut dire que celles qui ont une carrière à l'extérieur du foyer ne sont des mères qu'à temps partiel. On n'a rien contre les femmes qui travaillent. C'est un honneur pour une femme de travailler, mais je peux vous garantir, à un salaire de 7,40 $ de l'heure, 40 heures par semaine, bien des femmes resteraient à la maison pour élever les enfants. Il y aurait moins de pauvreté. Actuellement, au Lac-Saint-Jean, au Québec, des femmes travaillent pour 3 $, 4 $ ou 5 $ de l'heure pour laver des planchers. Ce qu'on veut, c'est une commission royale.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est imparti avec mon collègue de Rosemont.
C'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre concernant la motion de mon parti. Si on lit bien la motion, les questions soulevées par cette dernière sont primordiales.
En tant qu'élus du peuple, parlementaires et démocrates, nous avons le devoir de nous pencher avec sérieux sur des questions aussi fondamentales que la pauvreté et, par le fait même, le phénomène planétaire de la disparité économique sans cesse croissante entre les riches et les pauvres et cela, malgré l'ère de prospérité économique dans laquelle le Canada et une grande partie de la planète vivent actuellement.
À l'aube de l'an 2000 et dans un contexte de mondialisation des marchés, tous ces sujets sont devenus des enjeux essentiels dans les débats d'idées de notre société et de la vie politique.
Or, les problèmes et les défis de société que mon collègue du comté de Lac-Saint-Jean a soulevés, le 20 avril dernier, méritent qu'on s'y attarde d'une façon plus poussée. Voilà pourquoi le Bloc québécois poursuit aujourd'hui à la Chambre le débat, en interpellant les députés de tout acabit, afin de discuter et de tenter de trouver des pistes de solutions aux problèmes et aux changements engendrés par la mondialisation des marchés qui, quelquefois, sont beaucoup trop rapides, ce qui peut soulever certaines préoccupations, dont l'accroissement des inégalités sociales.
Par conséquent, considérant qu'il est très difficile de savoir précisément les effets de tout le phénomène de la mondialisation, le Bloc québécois appuie l'idée du député de Lac-Saint-Jean de former un comité parlementaire.
Il est important de susciter un débat en profondeur. Voilà pourquoi le Bloc québécois est d'avis qu'une telle initiative pourrait grandement aider à une meilleure compréhension des conséquences de la mondialisation.
Ce que mon parti et moi-même tentons d'entreprendre n'est pas une mince tâche, mais combien stimulante. La mondialisation se doit d'être un défi à relever, un défi qui interpelle toute la société. Le Bloc québécois, en parti politique responsable, ouvre aujourd'hui publiquement le débat à la Chambre des communes.
Avant d'aller plus loin, regardons concrètement ce qu'est la mondialisation. Comment pourrait-on la définir? Selon le Fonds monétaire international, le FMI, qui regroupe 182 pays membres, la mondialisation est:
[...] l'interdépendance économique croissante de l'ensemble des pays du monde, provoquée par l'augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontières de biens et de services, ainsi que des flux internationaux de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technologie.
Pourquoi tant de gouvernements ont-ils choisi ou été contraints de s'ouvrir à l'économie mondiale? Parce que l'internationalisation des échanges peut profiter à tous les pays qui y participent.
Ainsi, les pratiques économiques de ces pays, qui se modifient par une spécialisation dans des domaines où ils sont comparativement avantagés et s'engagent dans des échanges commerciaux avec les autres pays, augmentent leur niveau de vie par rapport à la situation où ils devraient produire eux-mêmes tous les produits qu'ils consomment.
Cela étant dit, le commerce international exerce souvent des effets puissants sur la distribution du revenu à l'intérieur d'un pays, de sorte qu'il peut y avoir des gagnants et des perdants. Afin de tenter d'atténuer ces problèmes, il est important de mettre en place des moyens de compensation et d'adaptation à la mondialisation.
Voilà pourquoi il fut décidé de négocier, sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, un Accord multilatéral sur l'investissement.
Même si le Bloc québécois est d'accord avec le principe de l'AMI qui a pour objectif de clarifier les règles du jeu en matière d'investissement et ainsi permettre une libéralisation accrue des investissements et donc du commerce en général, il n'en demeure pas moins que l'AMI, dans sa forme actuelle, comporte des lacunes importantes qui devront être changées si le gouvernement désire avoir non seulement l'assentiment du Bloc québécois, mais aussi celle du Québec.
En tant que porte-parole du Bloc québécois en matière de coopération internationale, je déplore dans cet accord le fait que la majorité des pays, et particulièrement ceux en développement, aient été exclus des négociations qui se termineront dès aujourd'hui à cause du cadre choisi, soit celui de l'OCDE. Il est inacceptable que seulement 29 pays membres, dont tous sont les plus riches du monde, aient droit au chapitre mais pas les autres.
Ce que le Bloc québécois souhaite, c'est que les négociations se poursuivent plutôt au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Le 22 octobre 1997, 132 pays étaient membres de l'OMC, tandis que 34 pays et sept organisations internationales avaient le statut d'observateur. Ainsi, une plus grande partie des pays qui seront touchés par les effets d'un tel accord auraient l'occasion de pouvoir faire entendre leur point de vue au moment où l'accord serait élaboré.
De toute évidence, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la ministre de la Coopération internationale, semble de plus en plus prendre un malin plaisir à faire des pieds de nez aux pays en développement et également aux organisations non gouvernementales.
Je tiens à mettre en garde le gouvernement d'en face. La mondialisation des marchés et l'AMI ne sont pas des panacées à tous les maux de la planète.
En effet, depuis l'arrivée du présent gouvernement, on assiste à un changement important, non seulement dans son attitude envers l'aide au développement, mais aussi dans l'attitude envers le rôle de l'État vis-à-vis de la misère mondiale. Selon le Rapport mondial du développement humain de l'ONU, partout, les inégalités ne font que croître. Alors qu'en 1960, 20 p. 100 des gens les plus pauvres de la planète se partageaient 2,3 p. 100 du revenu mondial, aujourd'hui, leur part atteint à peine 1,1 p. 100.
Pendant ce temps, les 20 p. 100 des mieux nantis s'en sont mis plein les poches. De 70 p. 100 qu'elle était en 1960, leur part s'établit maintenant à 86 p. 100.
L'Afrique a subi des baisses de revenu de 30 p. 100 en quelques années. Il y a des pays qui deviennent encore plus pauvres et quelques autres qui retrouvent lentement le chemin de la croissance économique. Cette lente évolution est très inquiétante et elle a lieu partout.
En 1989, il y avait au Canada 3,5 millions de personnes vivant dans la pauvreté. En 1995, ce nombre passait à 5,1 millions, soit une augmentation de 45 p. 100. Durant cette même période, le nombre d'enfants pauvres a augmenté de 54 p. 100, soit de 934 000 à 1 441 000, de 1989 à 1995.
Seulement dans mon comté de Laurentides, les soupes populaires, les épiceries communautaires et autres organismes de ce type poussent comme des champignons. D'ailleurs, dernièrement, j'ai assisté à l'inauguration du Club des petits déjeuners, un organisme qui fournit des déjeuners aux jeunes enfants dans les écoles de mon comté, des enfants qui ne déjeunent pas le matin, parce leurs parents n'en ont pas les moyens.
Ces associations demeurent nécessaires dans ma circonscription, ce qui indique, nul doute, une augmentation croissante de la pauvreté dans mon comté.
Or, considérant ces statistiques très peu réjouissantes, comment expliquer que le Canada soit passé du cinquième au onzième rang des pays de l'OCDE pour ce qui est des déboursés dans l'aide au développement?
Selon l'Organisation des Nations unies, les pays développés comme le Canada devraient consacrer un minimum de 0,7 p. 100 de leur Produit national brut à l'aide au développement. Depuis l'année financière 1993-1994, le gouvernement fédéral a littéralement mis la hache dans l'enveloppe budgétaire de l'aide internationale en coupant plus de 617 millions de dollars dans celle-ci, ce qui veut dire que le gouvernement fédéral ne consacrait que 0,29 p. 100 du Produit national brut à cette fin en 1997-1998.
En agissant comme il le fait, le Canada fuit ses responsabilités internationales envers les plus démunis de la planète et il ne contribue en rien à la réduction de la pauvreté entre pays riches et pauvres.
Pourtant, le gouvernement a le choix d'agir autrement et il ne le fait pas. Il préfère dépenser des millions de dollars, entre autres, pour l'achat de nouveaux sous-marins.
À la lumière de ces faits, il est clair que le problème pour le fédéral n'en est pas un de moyen, mais bien un de priorité.
Le débat est maintenant lancé et le gouvernement fédéral a le devoir d'étudier sérieusement la motion du Bloc québécois. Il en va pour le mieux-être de la population du Québec, du Canada et de toute la planète.
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire un commentaire et poser une question à la députée de Laurentides.
Depuis des mois, la députée se promène dans son comté et au Québec pour dire à la population qu'elle représente le Parti québécois et les Québécois à Ottawa. On a vu dernièrement que plusieurs faisaient le Père Noël au Québec en distribuant des chèques du gouvernement du Québec. Ils ne donnaient pas des chèques à des familles pauvres, mais bien à des familles riches.
Est-ce que la députée a pris connaissance, en octobre 1997, pourquoi le Groupe de solidarité populaire du Saguenay—Lac-Saint-Jean, à Alma, a décerné le prix citron concernant la pauvreté, en 1997, au gouvernement du Québec de Lucien Bouchard, qui a été perçu comme l'institution qui a le plus contribué à l'appauvrissement de la population du Québec?
J'écoutais plus tôt la députée parler de la mondialisation et de tous les autres pays. Je veux qu'elle me réponde immédiatement, comme elle l'a dit plus tôt, est-ce qu'une commission royale sur la pauvreté ou sur le salaire de la femme est meilleure qu'un comité parlementaire à huis clos?
Mme Monique Guay: Monsieur le Président, quand on n'a rien à dire, on dit des niaiseries. Si le gouvernement fédéral n'avait pas autant coupé dans les transferts aux provinces, peut-être qu'on aurait moins de problèmes au niveau provincial.
Des voix: Oh, oh!
M. Benoît Sauvageau: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Si le député d'Abitibi est un homme consciencieux et honnête, qu'il se lève de son siège et qu'il répète les paroles irrespectueuses qu'il a adressées à ma collègue de Laurentides.
Le président suppléant (M. McClelland): Ce n'est pas un recours au Règlement. La parole est à l'honorable députée de Laurentides.
Mme Monique Guay: Monsieur le Président, si vous pouviez lui demander de se taire et d'écouter, ce serait intéressant, parce que j'ai l'impression qu'il ne sait même pas ce qu'est la différence entre une commission royale et un comité parlementaire.
Donc, oui, je parle de l'aide internationale parce que c'est important pour un pays développé comme le Canada d'aider sur la scène internationale. Par contre, dans nos comtés, on vit aussi la pauvreté. Si le gouvernement prenait l'argent qu'il y a dans la caisse de l'assurance-emploi—il y aura bientôt 20 milliards de dollars d'accumulés—et qu'il le donnait en transferts aux provinces, on réglerait nos problèmes sur le terrain.
J'ai même entendu le député d'Abitibi—et je n'en reviens pas qu'on ait des parlementaires comme cela—dire qu'il faille couper l'aide sociale. Voyons donc! Ce sont des femmes qui sont dans la misère, la plupart du temps avec des enfants, qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Oui, il faut leur faire des programmes et les réintégrer au marché. Mais il dit qu'il faut que les femmes restent au foyer et soient payées pour rester à la maison. Voyons donc! Cela n'a aucun sens.
Aujourd'hui, je pense qu'il est important que les députés du Parti libéral étudient cette motion, l'appuient, et votent avec nous pour qu'on ait un comité parlementaire.
[Traduction]
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, encore une fois, c'est avec fierté que j'interviens dans le débat sur la motion, car elle est très importante. Nous voyons chaque jour se creuser l'écart entre les riches et les pauvres.
Comme la députée, je dirai qu'il faudra que les gouvernements mettent de l'ordre dans leurs priorités pour que nous trouvions une solution à la question. Nous les voyons trop souvent adopter les mauvaises priorités et dépenser aux mauvais endroits.
Par ailleurs, j'ai relevé les paroles du député d'Abitibi lorsqu'il a parlé des femmes payées pour rester à la maison. J'ai peut-être mal compris, mais j'ai eu l'impression qu'il croyait que seules les femmes travaillaient à la maison. Je me hâte de souligner qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'hommes à la tête de familles monoparentales. De plus, dans les familles biparentales, beaucoup d'hommes choisissent de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants et des tâches domestiques.
Il est important de parler des familles, mais il faut faire attention de ne pas exercer de discrimination à l'encontre des femmes en abordant les rôles et les responsabilités au sein de la famille.
[Français]
Mme Monique Guay: Monsieur le Président, je remercie le député du Nouveau Parti démocratique pour son appui. Je suis tout à fait d'accord avec lui. On ne peut pas faire de discrimination. Les femmes au foyer, c'est très important pour celles qui choisissent de le faire. Maintenant, je pense qu'il y a autant d'hommes que de femmes qui prennent soin des enfants. Je ne vois pas pourquoi on ferait de la discrimination.
Je réitère la demande pour qu'on nous appuie. On ne demande pas la lune, on demande que soit créé un comité parlementaire pour étudier toute cette question. C'est bon pour tous les partis, c'est non partisan, c'est pour faire une étude en profondeur et pour satisfaire les besoins de ce si beau pays qu'on nous vante, le Canada, et les provinces.
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, il est un peu déplorable de prendre la parole après un discours aussi démagogique qu'est celui du député d'Abitibi. Je vais quand même prendre mon droit de parole.
Dans un premier temps, j'aimerais dire que la semaine dernière, le député de Lac-Saint-Jean a réalisé un coup d'éclat en sortant de l'enceinte de la Chambre des communes et en emportant son siège de député. Ce faisant, notre collègue a voulu dénoncer les inégalités sociales qui s'accroissent malgré l'amélioration sensible de nos performances économiques. Il a sorti son fauteuil pour provoquer un débat élargi sur ce que représente chacun de nos sièges, ici à la Chambre des communes.
De quel pouvoir politique disposons-nous pour réduire l'écart entre les riches et les pauvres? Ne sommes-nous pas les premiers, nous, les élus, à devoir répondre à cette question? Oui, je le crois, et c'est pour cette raison que je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui, pour débattre de l'influence de la mondialisation des marchés et de la prolifération des accords internationaux sur la souveraineté des États, et par conséquent, sur les pouvoirs véritables dont nous disposons en tant que représentants élus de cette Chambre.
Ce débat, nous devons le tenir ici même, car il nous concerne directement. Mais nous sommes ici pour représenter les citoyens qui nous ont élus démocratiquement. En ce sens, chaque perte de pouvoir, chaque limite concrète à notre action de législateur réduit d'autant plus la capacité des citoyens de façonner notre avenir collectif selon leurs valeurs. Pour cette raison, j'appuie le député de Lac-Saint-Jean qui désire voir ce débat s'élargir au-delà des quatre murs de cette Chambre.
Depuis mon arrivée ici, j'ai pu constater sans tarder que la mondialisation affecte énormément la nature de notre travail ici, à Ottawa. Mes collègues ont déjà abordé son effet dans de nombreux dossiers primordiaux. Mais il existe certainement un dossier où l'effet de la mondialisation sur les démocraties nationales est indéniable, c'est celui de l'environnement.
En effet, au cours des dernières générations, la capacité de la race humaine de modifier l'écosystème mondial s'est accrue de façon spectaculaire. L'accroissement en flèche de la population et des progrès technologiques fulgurants en sont les causes. L'activité économique mondiale, par exemple, est plus de 20 fois supérieure à ce qu'elle était en 1900. En conséquence, nombre d'activités humaines grèvent au-delà de ses limites le potentiel de reproduction des ressources de notre planète.
Chaque jour, notre mode de production et de consommation abusif provoque l'extinction d'au moins une centaine d'espèces différentes de plante ou d'animal. Inutile de souligner que ce phénomène préoccupant dépasse les simples frontières nationales. Nous devons donc y trouver des solutions tout aussi internationales que la nature de ce défi.
Chaque année, nous rejetons dans l'atmosphère des milliards de tonnes de CO2 par la suite de notre consommation d'énergie et nous utilisons plus de 40 p. 100 des matières organiques de la planète.
Nous brûlons annuellement à peu près autant de combustibles fossiles que la terre a pu en produire pendant environ un million d'années. Malgré notre désaccord, nous constatons aussi que la pauvreté et la détresse continuent aussi de sévir à l'échelle mondiale.
La ville de Montréal où j'habite est de plus en plus souvent plongée dans le smog urbain. De nombreux Montréalais s'organisent pour solutionner ce problème qui affecte notre qualité de vie, mais ils ne pourront pas y parvenir seuls, puisque près de la moitié de cette pollution provient de nos voisins de l'Ontario et de la Nouvelle-Angleterre.
Mais ils refusent le défaitisme face à l'importance du problème. Nous devons trouver des solutions ensemble pour relever ce défi, comme ceux que posent la détérioration de notre environnement et la multiplication des substances menaçantes pour la santé humaine. Pour y parvenir, nous ne pourrons garder les yeux rivés sur le court terme. Ce qui est requis, c'est un changement fondamental de notre façon de prendre des décisions à tous les niveaux de la société.
Nous devons commencer à intégrer les notions environnementales dans les décisions quotidiennes que nous prenons comme individus, comme gestionnaires et comme législateurs.
Il ne faut pas se leurrer, l'état précaire de notre environnement est le résultat de bientôt deux siècles de négligence. Il n'y aura pas de remède facile. Il y aura d'autres crises, d'autres accidents écologiques. Ce qu'il faut, c'est essentiellement rétablir l'équilibre écologique progressivement rompu depuis des siècles et, singulièrement, depuis les cent dernières années.
Voilà un travail de longue haleine qui requiert l'engagement de tous, depuis tous les gouvernements jusqu'à chacun d'entre nous sur le plan individuel, mais surtout, toute réponse sérieuse au défi environnemental qui met en cause notre façon de vivre aujourd'hui.
L'environnement ne se résume pas aux seuls phénomènes de pollution, d'accumulation de déchets et de produits chimiques ou d'aménagements des sols. Ces problèmes sont essentiellement des effets. La cause première, c'est la manière dont nous envisageons nos relations avec les autres, définissons notre prospérité et choisissons notre mode de vie.
Sur ce point, nous assistons à une révolution des mentalités. Que ce soit par les récents sondages, les tribunes téléphoniques, les lignes ouvertes à la radio, les reportages à la télévision, tous ces signaux concordent. Mes concitoyens et concitoyennes, les jeunes en particulier, s'entendent sur l'importance qu'ils accordent à leur qualité de vie par rapport à la simple accumulation de biens de consommation.
Ils préfèrent la santé à la poursuite d'une expansion économique à tout prix. Ces nouvelles valeurs sont prioritaires. Elles devraient être à la base de la volonté politique de s'engager à consacrer les ressources nécessaires à la sauvegarde de notre environnement, auquel nous tenons tous.
Il est paradoxal que ce gouvernement ait fait appel si souvent à cette opinion majoritaire de la population pour accoucher d'une souris en termes d'engagements à la réduction des gaz à effet de serre et de la préservation de nos outils scientifiques collectifs nous permettant de faire le point sur notre situation environnementale.
Ce gouvernement ne peut se contenter d'agir à la remorque des crises environnementales. Jamais le gouvernement fédéral n'a élaboré de plan d'action à long terme qui tienne compte de la pluralité collective du territoire sur lequel il est appelé à agir.
Jamais ce gouvernement ne s'est demandé sérieusement où il souhaitait en venir dans cinq ans, dix ans et davantage. Pour avoir une volonté politique, un gouvernement doit pouvoir énoncer les buts qu'il désire atteindre par les actions qu'il pose. Pour l'instant, nous devons malheureusement signifier notre inquiétude face à l'absence de vision de ce gouvernement à l'égard de la question environnementale dans le contexte actuel.
L'échec patent de la réduction des gaz à effet de serre par le Canada est éloquent à cet égard. Seul le Québec est sur la voie de respecter ses engagements internationaux à cet égard. Comment le gouvernement fédéral peut-il se limiter aux minces mesures symboliques et facultatives pour atteindre ces ambitieux objectifs de réduction, alors qu'il est évident qu'elles ne mènent à rien si elles ne sont pas accompagnées de mesures actives et de budgets de recherche. Or, le gouvernement libéral, qui se prétend préoccupé par l'environnement, prévoit 10 fois moins de budget par habitant pour la réduction des gaz à effet de serre que nos voisins du Sud.
Pourtant, la situation est si alarmante que plusieurs prédisent que la protection de notre environnement deviendra la préoccupation publique dominante dans un avenir prochain.
Mais pendant que 150 États se réunissaient à Kyoto au Japon pour s'entendre sur des objectifs internationaux de réduction des gaz à effet de serre, les mêmes États négociaient, au cours de l'année, l'Accord multilatéral sur l'investissement qui vise à réduire les barrières aux investissements.
Ces doubles objectifs de réduction sont capitaux pour le maintien de notre qualité de vie à tous. Mais est-ce que les États présents autour de la table disposent des pouvoirs nécessaires pour respecter tous ces engagements? Comment la mondialisation des marchés peut-elle affecter notre capacité de réagir aux menaces environnementales? Quel accord a préséance sur les autres en cas de conflit? La question se pose toujours ici même au Canada.
Jusqu'à maintenant, la seule exception générale contenue dans l'AMI a trait aux questions de sécurité nationale ainsi qu'au maintien de l'ordre public. Il n'y a aucune mention des grands accords internationaux comme celui de Kyoto ou le Protocole de Montréal sur les CFC. C'est pour cette raison qu'avant de donner notre appui définitif à l'accord, nous tenons au maintien explicite du droit des États à prendre ou à maintenir des mesures visant la protection de l'environnement.
En conclusion, comme toux ceux qui m'entourent en cette Chambre, je suis préoccupé par la nature qu'auront notre société et notre environnement dans les 20 ou 30 prochaines années. Si nous pouvons nous entendre sur les notions de développement durable que je viens d'énoncer, il nous faut en faire la promotion à l'étranger, autant lors des négociations commerciales que lors des négociations environnementales. Voici le rôle que je me suis fixé à titre d'élu de Rosemont, en prenant tous les moyens qui sont à ma disposition pour y parvenir.
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire un commentaire et poser une question. J'ai bien écouté le député de Rosemont, qui a fait un très bon discours. En partant, il a dit que j'étais démagogue, mais je trouve cela bizarre. Je ne suis pas prêt à recevoir ses remarques.
J'ai appris à lire quand j'étais jeune. J'ai très bien lu dans un grand quotidien de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du 31 octobre 1997, un article qui disait: «La lutte contre la pauvreté: Québec reçoit un prix citron.» Québec recevait un prix citron à Alma à la suite d'un gala de la solidarité populaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
J'écoutais les autres députés qui riaient un peu de mon discours. J'ai prononcé le même discours, le 3 juin 1993, ici en cette Chambre, et il a été très bien reçu par les députés conservateurs, néo-démocrates et libéraux, mais vous donnerez la réponse après.
Ma question est la suivante: Le député de Rosemont pense-t-il que le gouvernement du Québec va s'attaquer à la pauvreté dans Lac-Saint-Jean à la suite de ce prix citron? Le 3 juin 1993, quand j'ai prononcé ce discours en cette Chambre, le Bloc québécois était absent.
M. Bernard Bigras: Monsieur le Président, si on pose des questions aussi fondamentales aujourd'hui, c'est peut-être à cause du discours redondant de mon collègue d'en face.
En ce qui a trait à la pauvreté, le député devrait s'apercevoir que son propre gouvernement a fait des coupures et a baissé les transferts aux provinces. Je pense qu'il aurait pu voir les premiers engagements.
Je me rappelle de la réforme Axworthy ainsi que de différents phénomènes qui ont vu le jour et qui sont en grande partie dus aux actions ou à l'inaction de ce gouvernement.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): La députée de Vancouver-Est. Je lui demanderais de bien vouloir être brève.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je serai très brève. J'aimerais tout d'abord remercier le député de Rosemont de ses commentaires. Je crois qu'il a établi un parallèle très judicieux entre l'état de notre environnement, l'Accord multilatéral sur l'investissement et la mondialisation.
J'aimerais que le député nous dise s'il reconnaît que l'un des dangers réels de l'AMI est qu'il aura d'importantes répercussions sur les pays en voie de développement et qu'en accroissant les investissements étrangers et la puissance des entreprises multinationales, non seulement il contribuera à étendre la pauvreté dans ces pays, il aura aussi de graves répercussions sur leur environnement physique parce qu'il donnera plus de pouvoirs à ces entreprises pour qu'elles mettent à sac non seulement les ressources naturelles de notre propre pays, mais également celles des pays en voie de développement. C'est là un des objectifs de cet accord qui est négocié par les pays les plus riches du monde.
J'aimerais savoir si le député reconnaît que c'est là un des dangers de cet accord.
[Français]
M. Bernard Bigras: Monsieur le Président, effectivement, je crois que l'Accord multilatéral sur l'investissement changera le portrait de façon fondamentale. C'est la raison pour laquelle le Bloc québécois a émis plusieurs réserves quant à cet accord, autant sur le plan culturel, social, du travail que sur le plan environnemental.
Je pense qu'il faut être à l'écoute des demandes faites par les différents groupes intéressés. Il y a effectivement un danger d'abaisser les normes environnementales sur le plan national, et aussi au Québec. Il faut s'assurer que cette ouverture des marchés n'aura pas pour conséquence de réduire notre qualité d'environnement.
Je pense que pour cela, on doit s'assurer d'avoir un bon débat à la Chambre plutôt que d'écouter le député d'en face dire toutes sortes de platitudes depuis le début.
M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, il dit que je dis toutes sortes de platitudes, mais je vais lui poser une bonne question.
On sait que le député de Rosemont a reçu, au mois de février, une augmentation de salaire en vertu de l'article 67 du Règlement de la Chambre des communes. S'il prétend vouloir aider à combattre la pauvreté, a-t-il refusé cette augmentation de salaire?
J'ai l'honneur d'annoncer au député de Rosemont que j'ai refusé cette augmentation de salaire. C'est dans les annales de la Chambre des communes. L'argent que j'ai refusé sera donné pour le remboursement de la dette publique. A-t-il fait la même chose? Shame!
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Je demande aux députés de s'adresser à la présidence.
[Français]
M. Bernard Bigras: Monsieur le Président, je pense que le député est en train de mélanger les débats.
Ce qui est important de regarder, c'est ce que son gouvernement, ce que les États sont capables de donner comme marge de manoeuvre aux citoyens pour améliorer leur situation. Il ne s'agit pas de faire des constats.
Je pense que l'important, c'est de donner la marge de manoeuvre aux citoyens afin qu'ils améliorent leur situation et non pas de lancer des pierres à chacun dans cette Chambre.
M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je veux faire porter mon intervention sur l'importance pour le Canada de relever les défis que soulève la mondialisation. Le Canada est bien connu pour sa participation active et le leadership qu'il a maintes fois exercé dans l'élaboration du système de commerce international.
La vitalité canadienne est d'ailleurs fort éloquente. Le Canada est l'un des pays du monde les plus axés sur le commerce extérieur, lequel représente plus de 40 p. 100 de notre Produit intérieur brut, la part la plus importante de tous les pays membres du G7. La balance commerciale, favorable au Canada, est passée de 7 milliards de dollars en 1991 à 41 milliards en 1996. La valeur totale des exportations canadiennes de biens et services a atteint un niveau record en 1996, soit 280 milliards de dollars, près du double de ce qu'elle était en 1989.
Par sa politique commerciale, le Canada cherche à favoriser une amélioration continue de la qualité, de la précision et de la portée des règles internationales concernant le commerce et l'investissement.
Au cours des cinquante dernières années, le Canada a joué un rôle de chef de file dans le développement de règles internationales en matière de commerce international. Nous avons contribué à la création du GATT en 1947, puis à l'amélioration progressive de ces règles lors des rondes de négociations successives menant à la conclusion de l'Uruguay Round en 1994. Le Canada ne peut que se féliciter des règles qui existent désormais dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce en matière de commerce des biens et services.
Il est donc tout naturel que le Canada voit d'un oeil favorable que ce système évolue pour englober une question aussi vitale que l'investissement international. Dans le contexte actuel de mondialisation, l'investissement direct étranger va de pair avec le commerce. On ne peut dissocier les deux.
Le rôle du gouvernement dans le développement des échanges commerciaux est d'appuyer les entreprises canadiennes de façon à maximiser leurs chances de réussite sur les marchés étrangers et ainsi d'aider à créer et à conserver des emplois partout au Canada.
Pour les Canadiens, le moment n'a jamais été aussi propice d'exporter et de tirer parti des possibilités d'investissement international. Les marchés s'ouvrent, les barrières commerciales tombent, et les biens et services circulent librement d'un pays à l'autre.
L'investissement étranger au Canada est un moteur de l'emploi et de la croissance. Trop souvent, on accorde trop peu d'attention à l'impact énorme de l'investissement direct étranger sur les emplois et la prospérité au Canada. Trois emplois canadiens sur dix, directs et indirects, sont directement attribuables aux investissements directs étrangers effectués au Canada. Plus de 50 p. 100 des exportations et 75 p. 100 des exportations de biens manufacturés sont directement attribuables aux investissements directs étrangers effectués au Canada.
Chaque tranche d'un milliard de dollars en investissement contribue à créer plus de 45 000 emplois sur une période de cinq ans.
Les investissements directs étrangers véhiculent de nouvelles technologies au Canada et accélèrent l'inclusion de nouveaux procédés dans le processus de production. L'ajout de nouvelles technologies permet aux entreprises canadiennes de conserver, voire d'accroître leur compétitivité, tant sur les marchés mondiaux que domestiques.
Enfin, la libéralisation des marchés financiers et l'assouplissement des restrictions sur l'influx de capitaux étrangers expliquent sans doute la dynamisation remarquable des investissements directs canadiens à l'étranger dans les années 1980.
L'investissement canadien à l'étranger apporte une contribution de plus en plus vitale à notre prospérité économique. Depuis 1996, la valeur de l'investissement direct canadien à l'étranger est plus importante que la valeur de l'investissement direct étranger au Canada.
L'investissement direct canadien à l'étranger a triplé depuis 1986 pour atteindre la somme de 194 milliards de dollars en 1997. Cette croissance de l'investissement direct canadien à l'étranger reflète aussi une nouvelle orientation vers les économies émergentes.
Ces investissements sont une source de redevances et de dividendes substantiels pour les Canadiens et permettent à nos entreprises de mieux soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Les investissements canadiens à l'étranger ont des retombées concrètes au Canada, en termes d'activités de recherche et développement, de croissance et d'occasions d'exporter, ce qui a pour effet de créer des emplois au Canada.
En investissant leurs propres ressources dans les pays ciblés, les compagnies canadiennes manifestent une marque de confiance et, ainsi, se positionnent favorablement pour profiter des débouchés commerciaux potentiels.
Un nombre croissant de compétiteurs canadiens sont fort actifs dans la promotion et l'expansion de leurs entreprises sur la scène mondiale.
Le Canada aimerait voir l'adoption d'un ensemble de règles en matière d'investissement étranger qui soient reconnues à l'échelle internationale, tout comme il existe déjà des règles en matière de commerce international.
Notre objectif est très clair: le gouvernement du Canada veut conclure une bonne affaire au bon moment. Nous ne voulons pas signer n'importe quoi à n'importe quel moment. Aussi, si les pays membres de l'OCDE parviennent à un accord qui satisfasse les intérêts et les valeurs des Canadiens, tout en respectant les particularités et les exceptions que nous avons mises de l'avant, nous croyons qu'un tel accord profiterait au Canada. Mais notre engagement va plus loin. Notre gouvernement a consulté les Canadiens depuis le début des négociations et continuera de le faire.
Nous avons consulté les provinces, les organisations non gouvernementales et, évidemment, le Parlement. À cet effet, je rappelle aux députés de la Chambre des communes qu'en novembre dernier, à la demande du ministre du Commerce international, le Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international tenait des audiences publiques sur l'AMI. En décembre, le Comité a remis son rapport, dont la recommandation principale est de continuer sa participation active aux négociations de l'AMI.
Le Bloc québécois s'est rallié au rapport. Le gouvernement a déposé sa réponse, la semaine dernière. Bref, le gouvernement accepte toutes les 17 recommandations. Au cours de la récente réunion annuelle des ministres de l'OCDE, le ministre du Commerce international a réitéré de façon non équivoque la position fondamentale du Canada dans ces négociations. Les ministres ont accepté de prolonger les négociations, sans fixer d'échéancier précis. Cela correspond tout à fait à la position du Canada de prendre le temps de négocier le meilleur accord possible.
Le gouvernement poursuivra sans relâche ses consultations avec le plus grand nombre possible de groupes, afin que les positions prises par le Canada reflètent l'intérêt de tous les Canadiens.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, il me fait d'autant plus plaisir d'entendre un libéral prononcer un discours sensé si on le compare à ce qu'on a entendu plus tôt, et je voudrais l'en féliciter.
On ne peut pas être d'accord avec tout ce qui a été dit, parce que, dans un premier temps, c'était un peu général. Au moins, cela se tenait. Il y avait un début, une fin et du corps dans ce discours. Je tiens à féliciter le député. Il y a peut-être d'autres collègues libéraux qui pourraient suivre des cours pour savoir comment prononcer un discours, ou à tout le moins le lire pour apprendre quelques petites choses. Cela pourrait être intéressant.
Maintenant qu'on a entendu notre collègue de Pierrefonds—Dollard exprimer sa sympathie à l'endroit de l'Accord multilatéral sur l'investissement, le taux de croissance, nos entreprises canadiennes qui sont florissantes un peu partout, olé, olé!, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, tout le monde est beau, tout le monde est fin, tout le monde est gentil, je pense qu'on doit tout de même honnêtement réaliser qu'il y a quelques petits problèmes quelque part.
Depuis que les libéraux sont au pouvoir, les statistiques nous démontrent qu'il y a eu une augmentation de la pauvreté chez les enfants, donc chez les familles.
La question qu'on se pose, ce n'est pas qui est le méchant et qui est le bon. La question est celle-ci: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de créer un comité parlementaire spécial pour discuter de façon la plus non partisane possible, même si c'est difficile—mon collègue l'a dit—de cette problématique de l'écart entre les riches et les pauvres?
Je voudrais poser une question à mon collègue de Pierrefonds—Dollard, pendant les inepties de celui que je dois aussi malheureusement appeler mon collègue, mon collègue d'Abitibi, celui qui malheureusement lorsqu'il était petit a appris à lire mais n'a pas appris à vivre.
Vous auriez eu de la misère à apprendre deux choses en même temps à la vitesse que ça va chez vous. Mais un jour, peut-être.
Donc, ma question s'adresse à mon collègue de Pierrefonds—Dollard. Pourquoi vous opposez-vous à la motion du Bloc québécois? Et je vous demande de me répondre dans vos propres mots. Sur quoi vous n'êtes pas d'accord?
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Avant de donner la parole au député de Pierrefonds—Dollard, j'aimerais rappeler aux députés d'adresser leurs questions par l'entremise de la présidence pour accélérer le processus.
[Français]
M. Bernard Patry: Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député de Repentigny. Il ne voudrait sûrement pas m'impliquer dans le débat qui l'oppose à mon collègue de l'Abitibi.
J'aimerais tout simplement faire remarquer à mon honorable collègue de Repentigny que la raison est que le gouvernement a déjà commencé à s'impliquer dans la pauvreté. Si vous aviez déjà pu regarder les précédents budgets de ce gouvernement, vous auriez remarqué que la première façon, c'est de juguler le déficit, ce qui a été fait par le présent gouvernement.
Même en jugulant le déficit, ce gouvernement a décidé de commencer par les plus pauvres des plus pauvres, ceux qui n'étaient pas déjà nés. Pour nous, la pauvreté commençait avec les mères qui étaient enceintes, qui n'avaient pas les moyens ni l'argent nécessaire pour manger trois repas par jour. On a commencé en créant des fonds pour ces mères. C'était le début. Il est très intéressant de noter que pour les jeunes dans la pauvreté, les premières années sont les plus importantes.
Donc, la première chose que l'on a faite c'est de s'occuper des mères qui étaient enceintes pour que vraiment les enfants à naître, les futurs Canadiens, soient en bonne santé.
Par la suite, dans le dernier budget du gouvernement, vous aurez remarqué qu'on a des bénéfices taxables et non taxables, des bénéfices qui vont être redonnés aux plus pauvres de la société. Au lieu de faire comme le Parti réformiste qui veut diminuer les impôts pour tout le monde, le gouvernement a décidé de s'impliquer et de donner l'argent aux plus pauvres, aux familles les plus pauvres.
Pour une famille qui a 20 000 $ de revenu et moins, la mère de famille va recevoir 1 600 $ pour le premier enfant et 1 400 $ pour le deuxième, ce qui fait 3 000 $ ou 15 p. 100 du budget d'une famille.
Notre façon de nous attaquer à la pauvreté, c'est vraiment de s'attaquer aux gens les plus pauvres, et ça s'est fait dans le dernier budget. On avait 850 millions de dollars pour l'année 1998. Pour les années 1999 et 2000, on aura respectivement 425 millions de dollars.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je veux féliciter mon collègue pour son discours sage, logique et factuel. Il y a beaucoup de bonnes choses dans son discours.
Je veux seulement rappeler à cette Chambre que si on veut vraiment regarder la question de la globalisation et ses bénéfices, tout ce qu'on a à faire c'est de demander aux gens de la Malaisie, de l'Indonésie, de l'Inde. Ces gens-là sont capables de nous dire clairement que la globalisation a assisté non seulement les populations de ces pays en général mais, en particulier, leur économie.
Je vais demander à mon collègue s'il peut nous donner d'autres exemples où la question de la globalisation a assisté les populations du monde.
M. Bernard Patry: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question.
Ce qui est important dans la globalisation comme telle, ce n'est pas vraiment le terme «globalisation», c'est le fait que pour un pays comme le Canada, cela veut dire des augmentations d'exportations.
Lorsqu'on exporte, à ce moment-là, il faut savoir qu'ici au Canada, près d'un emploi sur deux est relié à l'exportation, surtout dans la province de Québec.
Donc, pour nous, il s'agit d'avoir accès à différents marchés. Lorsque nous aurons accès à différents marchés, il y aura des emplois qui seront créés au Canada. Par la suite, le gouvernement disposera d'une marge de manoeuvre pour pouvoir donner plus d'argent à l'ACDI et pouvoir aider les autres pays du monde. Je pense que c'est très important.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur le Président, j'ai apprécié la réponse de mon collègue de Pierrefonds—Dollard à savoir pourquoi il s'opposait à notre motion. Lorsqu'il a dit que les libéraux avaient réglé tous les problèmes, cela m'a un peu satisfait mais tout de même surpris.
Si je ne m'abuse, ils sont au pouvoir depuis cinq ans. Je ne lui pose pas la question, parce que j'ai la réponse. De 1993, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir, jusqu'à aujourd'hui, les statistiques indiquent que le taux de pauvreté chez les enfants a augmenté de 100 000 durant cette période, passant de 1,4 million à 1,5 million.
Maintenant, est-ce que de par sa réponse, on peut présumer ou comprendre que durant les quatre premières années, ils ont étudié la situation et qu'ils n'ont agi qu'à partir de l'année dernière? Est-ce que c'était de l'inaction pendant quatre ans et un an d'action?
Aussi, est-ce que cela veut dire qu'on n'a plus besoin de parler de ce problème parce qu'il est réglé? Ce qu'on dit, c'est que si le problème n'est pas réglé, on veut tout simplement en discuter ensemble avec les représentants des différents partis et les citoyens canadiens et québécois.
M. Bernard Patry: Monsieur le Président, je remercie le député de Repentigny pour sa question.
En regardant le libellé de la motion du Bloc québécois aujourd'hui, je me suis posé la question suivante. Le Parti libéral du Canada a eu un congrès en mars dernier, ici dans la Capitale nationale, où il y avait des observateurs des autres partis politiques, dont deux observateurs du Bloc québécois. Le Bloc québécois a sûrement examiné les résolutions prioritaires qui ont été adoptées par le Parti libéral du Canada. Il y avait une résolution prioritaire provenant du Québec et je vais me faire un grand plaisir de la lui faire parvenir. Cette résolution portait sur la pauvreté.
[Traduction]
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député d'Acadie—Bathurst.
C'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion du député du Bloc québécois. La motion présentée aujourd'hui est très valable parce qu'elle montre très clairement les liens qui existent entre la pauvreté croissante au Canada et ailleurs dans le monde et le phénomène de la mondialisation, qui s'incarne maintenant dans l'Accord multilatéral sur l'investissement. C'est une motion importante, parce qu'il s'agit de deux enjeux fondamentaux pour le Canada, qui découlent tous deux de politiques adoptées par le gouvernement libéral.
Nous avons maintes fois entendu dire à la Chambre que le gouvernement libéral s'attaquait au problème de la pauvreté. Si l'on regarde les faits, ce qui s'est produit à la Chambre des communes, mais aussi les politiques gouvernementales mises en oeuvre depuis l'adoption à l'unanimité d'une résolution en 1989, on commence à avoir un bon tableau de la situation. En fait, les politiques gouvernementales ont systématiquement opprimé les familles pauvres, les familles de chômeurs ou toute famille vivant sous le seuil de la pauvreté, au Canada, et les ont multipliées.
Depuis 1989, le nombre d'enfants qui vivent dans la pauvreté a augmenté de 538 000. C'est effrayant. Le nombre de banques alimentaires a triplé. Le nombre d'enfants pauvres s'est accru de 47 p. 100 et le nombre de personnes à faible revenu, en 1996, était supérieur de 40 p. 100 à ce qu'il était en 1989, quand la résolution a été adoptée.
Les raisons de cet écart croissant sont évidentes. On peut jeter le blâme sur le gouvernement, dont le programme prévoit des compressions massives dans nos programmes sociaux et des réductions des paiements de transfert de l'ordre de 700 milliards de dollars, qui ont fait du tort aux Canadiens, et surtout aux Canadiens à faible revenu, qui comptent sur ces transferts et ces programmes sociaux assurant le maintien de l'assurance-maladie, de l'aide sociale et du système d'éducation.
Nous avons vu à la Chambre le gouvernement libéral refuser la pleine indexation de la prestation fiscale pour enfants.
C'est une autre raison de l'inégalité croissante au Canada. Nous avons vu le programme d'assurance-chômage vidé de sa substance. Alors que 80 p. 100 des travailleurs ayant cotisé au programme avaient droit aux prestations auparavant, le chiffre aujourd'hui n'est plus que de 30 p. 100 ou un peu plus.
Nous avons vu le démantèlement du programme fédéral de logement. Pas surprenant que nous ayons une pauvreté croissance et une inégalité croissante, puisque le gouvernement fédéral a abandonné les logements sociaux depuis 1993.
Dans ma province de Colombie-Britannique, la perte des subventions fédérales pour le logement a entraîné la perte de 8 000 unités qui auraient été construites si le programme n'avait pas cessé. Pour les familles où le logement est un élément déterminant de la santé et du bien-être, les politiques du gouvernement signifient que plus de familles, de célibataires, de couples et d'enfants vivent maintenant dans des logements qui ne répondent pas aux normes.
Lorsque l'on regarde les niveaux de vie, il est choquant de constater que le Canada est le seul grand pays industrialisé où le niveau de vie a baissé dans les années 90. Entre 1989 et 1996, le revenu moyen des familles canadiennes, compte tenu de l'inflation, a chuté de 2 300 $, soit 3,9 p. 100. On peut comparer cela au revenu réel moyen par habitant aux États-Unis, qui a augmenté de 6,2 p. 100 ou à celui de l'Europe de l'Ouest où, pendant la même période, le revenu réel moyen par habitant a augmenté de 6 à 13 p. 100, selon les pays. Cela montre combien les choses sont graves ici.
Cela signifie qu'en 1996, le revenu des familles canadiennes qui se trouvent dans les 20 p. 100 les plus pauvres a diminué de 3 p. 100, à cause de la baisse des gains et des réductions à l'assurance-chômage et à l'assistance sociale, alors que le revenu des familles qui se trouvent dans les 20 p. 100 les plus riches a augmenté de 1,8 p. 100.>Ces statistiques montrent la disparité croissante et les inégalités croissantes auxquelles nous sommes confrontés.
Même le gouvernement admet que les choses ne vont pas. En 1996, un comité interministériel de 27 hauts fonctionnaires dont le mandat était de déterminer les points sensibles auxquels se heurterait le gouvernement au cours des 10 prochaines années, a publié un énorme rapport. Voici ce que l'on pouvait y lire:
Le premier obstacle sur la voie du nouveau rêve national est la perception des Canadiens selon laquelle le Canada n'est plus le pays où tout est possible, n'est plus une société où l'on peut réaliser ses aspirations et être traité avec justice et dignité. Malheureusement, la majeure partie de la recherche effectuée par les ministères fédéraux au cours des dernières années a tendance à confirmer l'existence d'une classe croissante de gens exclus. Il semble que cette tendance se maintiendra.
Même lorsque le ministre du Développement des ressources humaines était ministre de la Coopération internationale, en 1996, il a parlé de la mondialisation en ces termes:
La mondialisation a aussi une face cachée. Elle oppose d'une part, une économie mondiale intégrée et une prospérité illimitée et d'autre part, le risque que la plupart des habitants du monde soient mis de côté, qu'ils s'appauvrissent et qu'ils deviennent des spectateurs mécontents de la révolution mondiale.
Le gouvernement fédéral n'écoute pas sa propre Commission canadienne des droits de la personne qui a signalé que la pauvreté était une question de droits de la personne.Au lieu de s'attaquer à ces questions, le gouvernement libéral a, depuis trois ans, travaillé en secret pour défendre les intérêts des plus puissants de notre société, ceux qui possèdent et contrôlent les sociétés multinationales.
Il ne fait aucun doute que l'AMI menace notre démocratie. Il aura des répercussions énormes sur notre politique sociale et sur la possibilité pour les gouvernements élus démocratiquement d'établir une politique sociale dans l'intérêt public.
Le gouvernement a échoué sur le plan de la pauvreté non seulement en allant de l'avant avec la négociation d'accords comme l'AMI, mais aussi en étant incapable de s'attaquer à des questions comme la fusion des banques, lesquelles ont pourtant réalisé des profits de 7 milliards de dollars, et la concentration du capital des sociétés, qui n'est pas dans l'intérêt des Canadiens.
À l'assemblée législative de la Colombie-Britannique, il y a à peine deux jours, on a adopté une résolution exhortant le gouvernement fédéral à veiller à ce que l'assurance-maladie et les services sociaux soient entièrement exclus des dispositions de l'AMI et invitant le gouvernement du Canada à ne pas signer le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement.
Ces questions sont liées en ce qui concerne la mondialisation et la pauvreté, car rien ne prouve que l'AMI profitera aux Canadiens. Il ne sera avantageux que pour les grandes sociétés et ne fera qu'accroître les inégalités grandissantes au Canada.
Nous prions le gouvernement de modifier ses priorités, de reconnaître que nous sommes un pays riche et qu'on peut redistribuer la richesse, pour que les Canadiens à plus faible revenu puissent avoir de meilleurs logements, de meilleurs soins de santé, de meilleurs programmes sociaux et un meilleur système d'éducation. On peut réaliser ces choses si le gouvernement modifie ses priorités et cesse de défendre les intérêts des sociétés multinationales par l'entremise de l'AMI.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, je veux d'abord demander le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion puisse faire l'objet d'un vote.
[Traduction]
Le président suppléant (M. McClelland): Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: Non.
[Français]
M. Yvon Godin: Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour exprimer mon appui à la motion proposée par le député de Laurier—Sainte-Marie portant sur la mondialisation et l'écart grandissant entre les riches et les pauvres.
Je veux tout d'abord féliciter le député de Lac-Saint-Jean pour ses efforts de mettre ce très sérieux problème en évidence. Parfois, il faut avoir recours à des moyens non traditionnels pour se faire entendre, mais si notre message est valable, cela vaut la peine de brasser un peu la cage.
Le message que le député de Lac-Saint-Jean veut communiquer est en effet très valable. On nous dit que les indicateurs économiques du Canada sont enviés par tous les pays du G7, mais on oublie le coût qui est relié à cette mondialisation.
Je représente une région du pays où le taux de chômage est effrayant. Dans la péninsule acadienne, celui-ci s'élève à plus de 22 p. 100. Ce 22 p. 100 n'est pas seulement un chiffre, c'est des familles entières qui sont dans la souffrance en raison d'un marché économique qui reste insensible aux difficultés humaines. Ce 22 p. 100 représente une personne sur cinq qui recherche un emploi, mais qui n'en trouve pas. Ce 22 p. 100 fait part d'une souffrance que le Canada ne devrait jamais accepter.
Nous vivons dans un monde où les firmes multinationales ont connu des profits considérables au cours des dernières années. C'est important de bien comprendre que je ne suis certainement pas opposé à ce que des compagnies connaissent des profits. Cela signifie que les gens travaillent. Mais il faut que nous regardions comme il faut quel est le prix à payer pour ces profits.
Il n'est pas acceptable que ces profits se fassent sur le dos des travailleurs et des travailleuses. Il n'est pas acceptable que ces profits viennent gonfler les poches de quelques-uns quand la plupart des Canadiens n'arrivent plus. Il n'est pas acceptable que ces profits créent de la pauvreté dans toute une section de la population. Il n'est pas acceptable que ces profits se fassent sur le dos de nos enfants qui sont les plus directement touchés par cette pauvreté. Il n'est pas acceptable que ces profits empirent la société au lieu de l'améliorer.
Partout dans le monde, les gens reconnaissent les sérieux problèmes qui sont reliés au phénomène de la mondialisation. Nous reconnaissons que le marché mondial laissé à son propre gré augmente les inégalités sociales et engage les pays dans une course qui les conduira à leur perte.
[Traduction]
On parle de spirale vers le bas. Je me demande si l'on comprend bien ce que cela signifie. On assiste, en fait, à une détérioration des conditions de vie et de travail des gens. Le salaire des travailleurs baisse. Leurs conditions de travail se détériorent. Un employé ne peut aller à la salle de toilette parce que son superviseur contrôle tous ses mouvements.
[Français]
Nous devons nous assurer que cette mondialisation bénéficie à toute la population canadienne. Pourquoi les PDG d'entreprises devraient-ils avoir des salaires de un million de dollars lorsque leurs employés subissent des coupures de salaire ou encore perdent leur emploi?
Depuis les sept dernières années, l'écart entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. Citons General Motors par exemple. Les PDG ont vu leurs salaires augmenter en moyenne de 250 p. 100. Les salaires des employés ont augmenté de 33 p. 100, et 25 p. 100 des emplois ont disparu. Pourquoi les bénéfices ne sont-ils pas distribués de façon plus équitable?
Un équilibre doit être atteint pour que le profit de l'un n'implique pas le malheur des autres. La population canadienne veut que son gouvernement assume ses responsabilités et qu'il veille à ce que la mondialisation serve la démocratie, l'égalité et les aspirations humaines.
Nous vivons dans un monde qui veut transférer la balance du pouvoir des mains des parlementaires élus, comme nous, aux mains de compagnies multinationales.
Je fais appel à mes collègues de cette Chambre: ne donnons pas tous nos pouvoirs à des multinationales qui ont seulement leurs profits en tête. C'est la population canadienne qui perd le plus dans tout cela. Ce sont nos commettants qui vont souffrir dans cette course aux profits. Ce sont eux qui seront les victimes de ces inégalités grandissantes.
En tant que parlementaires, nous avons de grandes contributions à faire afin que ces inégalités grandissantes cessent immédiatement. Le gouvernement peut s'engager à fixer des objectifs pour la réduction du chômage.
Cette inégalité grandissante est le résultat de politiques gouvernementales qui refusent d'accorder de l'aide aux Canadiens lorsqu'ils sont dans leur état le plus vulnérable.
Des milliers de Canadiens sont aujourd'hui sans emploi, mais 64 p. 100 d'entre eux ne peuvent pas toucher les prestations qui leur sont destinées. Cette situation est encore plus ridicule quand on considère qu'il y a présentement plus de 20 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi. Cet écart entre les riches et les pauvres existe en partie parce que ce gouvernement refuse de prendre ses responsabilités et de donner aux travailleurs les prestations de l'assurance qu'ils ont payée.
Ce Parlement peut respecter l'engagement de 1989 et supprimer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Cet engagement fut pris suite aux efforts de l'ancien chef néo-démocrate, Ed Broadbent. N'est-il pas triste de constater que dix ans plus tard, nous ne sommes pas plus proche de l'objectif tant convoité?
Nous pouvons faire ce qui est juste et équitable. Travaillons ensemble pour nous assurer que cette inégalité grandissante prenne fin immédiatement. Travaillons ensemble pour que tous les Canadiens bénéficient d'un pays qui soit juste et équitable.
Le président suppléant (M. McClelland): Nous passons aux questions et commentaires avec le député de Bonaventure—Îles-de-la-Madeleine—Pabok.
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le Président, je sais que le nom de ma circonscription est très long, mais c'est un des plus beaux coins du Québec. Le nom complet est Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok. Il s'agit du nom des quatre MRC formant le contour de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, qui se trouvent juste en face.
Il me fait plaisir de prendre la parole dans ce débat aujourd'hui à la Chambre concernant la répartition de la richesse entre les riches et les pauvres, principalement dans le contexte de la globalisation et de la mondialisation des marchés. Cela me fait aussi très plaisir de prendre la parole après mon collègue d'Acadie—Bathurst, car je sais que dans la région qu'il représente, il y a des ressemblances avec ce que l'on vit en Gaspésie.
J'entendais mon collègue parler d'un taux de chômage de 22 p. 100 dans sa région. Je pense que chez nous on n'a rien à lui envier, on est à peu près pareils, sinon un peu plus. Lorsque je parle des frontières avec le Nouveau-Brunswick, où on vit les mêmes choses, cela démontre la pertinence et l'importance du sujet. Il nous faut soulever ces questions, nous qui venons des régions.
On dit souvent qu'on est peu populeux dans nos régions, mais nous sommes des régions exportatrices. Nous sommes donc, au premier chef, durement frappés par la mondialisation des marchés. Quels sont les outils que le Parlement canadien met à notre disposition? On n'en voit pas. Notre collègue de Lac-Saint-Jean a entamé ce débat, et c'est ce qu'il faut retenir.
Quand je parle de régions exportatrices, chez nous en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine ou dans Acadie—Bathurst, au Nouveau-Brunswick, la pêche au crabe est très importante. J'en ai parlé plus tôt et je pense que seul le ministre des Pêches et des Océans n'est pas au courant du problème. On dépend fortement de l'exportation. Ce sont principalement les Japonais qui achètent notre crabe.
Mais quel est le mécanisme pouvant aider cette industrie si jamais il y avait un fléchissement au niveau des prix du marché asiatique? On vit de l'exportation au même titre que le comté de mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques. Son comté serait également affecté s'il arrivait quelque chose avec le marché asiatique par rapport au marché du porc, p-o-r-c. C'est ce dont on veut parler. Quels sont les outils et les instruments qui sont disponibles?
Deuxièmement, quand on parle de la répartition de la richesse, qu'est-ce que le Parlement canadien met à notre disposition? Quels sont les outils dont on dispose pour qu'on puisse aider les gens qui sont dans le besoin et qui sont à la recherche d'un emploi? Comment peut-on dynamiser cela à nouveau?
Toujours dans le contexte de la mondialisation, quels sont les outils de travail qui sont offerts aux pêcheurs qui se prévalent de la SPA, ou le TAGS en anglais? Ils auraient besoin d'outils pour faire face à la musique. Ils exportent leur poisson, parce qu'on n'est pas assez nombreux chez nous pour le manger. On voudrait bien faire autre chose, mais qu'est-ce qui nous est offert? Ce sont des choses dont il faudrait parler.
Je vais conclure, car je veux laisser le mot de la fin à mon collègue d'Acadie—Bathurst. Mais je tiens à féliciter le Ralliement madelinot-gaspésien. Il s'agit d'un organisme de la Gaspésie qui a écrit un manifeste pour forcer les gens à réfléchir sur la répartition de la richesse. Ma collègue de Québec en a fait état à la Chambre, et je suis prêt à soumettre à tous les députés le manifeste écrit par le Ralliement. Ce groupe de personnes, représentant les différentes régions de la Gaspésie, tient également à lancer le débat sur la répartition de la richesse.
Alors, j'aimerais avoir le mot de la fin de mon collègue d'Acadie—Bathurst.
M. Yvon Godin: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok.
Le problème dans notre pays, c'est justement cela. Tout a commencé avec le libre-échange et cela s'est poursuivi avec l'ALENA. En réalité, ces ententes, dans l'éventualité où nous étions pour avoir des échanges économiques avec d'autres pays, auraient dû protéger nos acquis et améliorer la situation des autres pays. Mais c'est le contraire qui se passe. C'est la raison pour laquelle il y a deux semaines, on a été obligés de déposer des plaintes à la Commission du travail du Canada à l'effet que les ententes n'étaient pas respectées.
Alors, imaginez le problème quand on ira sur le plan mondial. Encore une fois, on a un problème dans ce pays et aussi longtemps que le gouvernement ne prendra pas ses responsabilités pour régler les problèmes, il y aura des enfants qui auront faim chez nous. Dans la région de l'Atlantique, ils sont prêts à mettre un terme à la SPA.
[Traduction]
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame la Présidente, je partagerai mon temps avec mon collègue, le député de Mississauga-Sud.
Je ne vois pas pourquoi le député se met en colère. Un peu plus tôt, il est intervenu à la Chambre et a dit craindre que, si l'AMI entrait en vigueur ou si on laissait la mondialisation suivre son cours, les travailleurs ne pourraient plus aller aux toilettes. Je suis vraiment étonné de voir le débat en arriver à ce niveau d'argumentation.
La situation n'est pas aussi mauvaise que les députés du NPD voudraient nous le faire croire. Le Canada est encore considéré comme le meilleur pays dans lequel vivre. Pour la troisième année de suite, en effet, les Nations Unies ont reconnu le Canada comme le pays où il est fait le meilleur vivre. Nous venons en effet au premier rang devant les États-Unis, le Japon, les Pays-Bas, la Norvège et d'autres.
Nous conservons une qualité de vie supérieure à celle de tous les autres pays du G7, ce qui nous donne la meilleure qualité de vie au monde. À ce chapitre, nous nous classons devant l'Allemagne, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Italie. Par ailleurs, le nombre des inscriptions dans les établissements d'enseignement supérieur est plus élevé au Canada que dans n'importe quel autre pays du G7. La situation n'est pas aussi mauvaise que les députés aiment à la présenter.
Je ne veux pas dire que tout cela est attribuable uniquement à l'action du gouvernement. Nous sommes parvenus à tous ces bons résultats collectivement, grâce à tous les niveaux de gouvernement, municipal, provincial et fédéral. Tout cela est possible parce que le gouvernement a pu percevoir des impôts des particuliers et des sociétés pour les investir dans les extraordinaires programmes sociaux dont nous bénéficions et qui sont parmi les meilleurs du monde.
Je tiens à dire aux députés que l'argent ne pousse pas dans les arbres. On ne le cultive pas dans sa cour. Il faut travailler et produire pour générer de l'argent. Les recettes ne seraient pas du même ordre au Canada sans les sociétés qui investissent dans des activités de recherche et développement et dans des produits qui se vendent ici, mais surtout, à l'étranger, sur des marchés de la région Asie-Pacifique, de l'Amérique latine, des États-Unis et d'ailleurs.
J'espère que les députés ne proposent pas que nous fermions nos frontières et que nous nous enfoncions la tête dans le sable en attendant le retour de jours meilleurs, car cela ne se produira pas.
La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui vise à mettre tous les problèmes sur le compte de la mondialisation. Il n'y a pas d'issue. Les gouvernements du monde entier aborderont le prochain siècle de bon gré et en se montrant coopératifs ou bien ils le feront à leur corps défendant. Autrement dit, le monde est en train de changer. Il suffit d'examiner ce qui s'est passé ces dernières années pour constater la révolution et l'évolution qui sont survenues dans le domaine de la technologie de l'information.
Les gouvernements essaient tant bien que mal de se rattraper. Ces dernières années, nous avons pu mettre à contribution les cerveaux canadiens et américains. C'est cet effort qui est à l'origine d'Internet, le mode de communication le plus perfectionné du monde. Demain, nous assisterons à la naissance d'autres technologies devant lesquelles, à plus ou moins brève échéance, les gouvernements seront dépassés.
À mon avis, le gouvernement qui interviendra le plus rapidement pour ne pas être dépassé dans le nouvel ordre mondial servira le mieux la population qu'il représente. Un gouvernement qui pourra composer avec ce qui se passe partout dans le monde et établir des normes qui conviennent à tous les êtres humains est celui qui satisfera les besoins de sa population.
L'Accord multilatéral sur les investissements n'est pas une fin, mais un commencement. C'est le début d'une initiative formidable. Aucun membre de l'Organisation mondiale du commerce ne s'attaque à un autre. Tout se passe très bien. Nous avons enfin un ordre mondial comportant des règles que les pays peuvent suivre pour effectuer des échanges commerciaux. Nous avons enfin un mécanisme qui permet aux pays qui ont un différend de débattre leurs points de vue et d'arriver à un règlement.
Quand nous parlons des règles qui régissent aussi les investissements, il n'y a pas lieu de s'inquiéter parce qu'aucune partie n'en vole une autre. Tout ce que nous disons, c'est que nous voulons qu'il y ait des règles du jeu équitables partout dans le monde, pour tous les pays qui sont membres ou qui deviendront un jour membres de l'Organisation mondiale du commerce et de l'OCDE.
Nous voulons des règles du jeu équitables pour que nous sachions bien de quoi nous parlons. Des milliards de dollars venant des contribuables canadiens sont investis à l'étranger, dans la région Asie-Pacifique et ailleurs. Nous voulons à tout prix protéger ces investissements.
Je n'ai pas peur. Notre économie est l'une des plus dynamiques au monde. Nous ne craignons pas la prise de contrôle, parce que notre pays accueille volontiers les investissements. Nous accueillons les investissements, parce qu'ils créent des emplois.
En termes simples, disons qu'il n'y a aucune crainte à avoir puisque l'Accord multinational sur l'investissement, s'il est signé, n'imposera aucune modification des lois existantes. Les lois canadiennes ne seront pas touchées. Le gouvernement du Canada sera toujours aussi libre de présenter de nouvelles lois ou de modifier les lois existantes, dans la mesure où il accordera un traitement égal à tout le monde. Il y a des exemptions. De nombreuses industries sont exemptées. Il y a des exemptions. Nombre de nos industries sont exemptées.
Je ne comprends pas que l'on veuille blâmer l'Accord multilatéral sur l'investissement, les investissements ou la mondialisation pour toute la pauvreté dans le monde. Demandez donc à la population de la Malaisie, elle vous dira que, grâce aux investissements dans leur pays, le niveau de revenu et le produit intérieur brut du pays ont été multipliés plusieurs fois. Parlez-en à la population de Singapour, de la Corée, de la Chine, de Taïwan, de Hong Kong, de l'Inde, de l'Amérique latine et d'ailleurs dans le monde. Tous vous diront que le commerce, nos investissements dans leurs pays et leurs investissements chez nous ont accru leur bien-être. Nous devons supprimer les barrières commerciales, et non pas en ériger d'autres. Le protectionnisme serait très néfaste.
Madame la Présidente, je vous garantis que je serais le premier à voter contre si cette motion pouvait faire l'objet d'un vote, et je n'en rougirais pas parce que c'est une motion ridicule. Ce n'est pas une motion réfléchie.
Personne n'a réussi à me convaincre qu'à titre de représentant élu je devrais voter pour une mesure qui va à l'encontre des intérêts de la population. L'Accord multilatéral sur l'investissement et la mondialisation finiront par être profitables à la population.
Quelqu'un m'a parlé d'une société qui est allée investir dans la pâte dentifrice en Inde, dans Colgate ou une autre entreprise. Par suite de cet investissement, la qualité de vie des gens travaillant dans la région environnante s'en est trouvée améliorée considérablement. Grâce à cet investissement, nous avons enfoncé un autre clou dans le cercueil de la pauvreté.
C'est un exemple parmi des centaines d'autres où les investissements étrangers ont contribué à l'amélioration de la qualité de vie de la population des pays en cause. L'écart entre les pauvres et les riches a été ainsi diminué.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Madame la Présidente, je me demande pourquoi mon collègue d'Ottawa-Centre se fâche ainsi. Il n'a pas besoin de se fâcher. Il a l'air pas mal sérieux et fâché. Je lui lance la balle de nouveau. Quand je regarde d'où vient mon collègue, d'Ottawa-Centre, je peux comprendre pour quelle raison il défend les intérêts du gouvernement de cette manière. Je suis certain qu'on n'a pas le même problème à Ottawa-Centre qu'à Acadie—Bathurst. C'est pour cette raison que mon prédecesseur, Doug Young, a pris la porte.
J'invite mon collègue de l'autre côté à venir faire un tour à Terre-Neuve puisque le gouvernement veut couper la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Il n'a pas besoin d'aller dans d'autres pays pour savoir qu'il y a de la misère et que des enfants ont faim.
J'aimerais entendre mon collègue là-dessus et savoir ce qu'il pense du fait qu'on voit de plus en plus de gens de l'Atlantique ou du centre de Montréal mendier dans la rue. Même à Ottawa, où des gens mendient, on n'a jamais vu cela avant. À Vancouver, c'est la même chose. C'est cela qui est le problème.
Tout cela, c'est depuis qu'on a adopté l'Accord de libre-échange, l'ALENA, et maintenant, ce sera l'AMI. C'est là qu'est le problème. Il ne faut pas s'enterrer la tête dans le sable, il faut la sortir et voir ce qui est en train de se passer dans notre pays.
[Traduction]
M. Mac Harb: Madame la Présidente, mon collègue vient du Nouveau-Brunswick. Je suis surpris de son manque de confiance à l'égard des habitants du Nouveau-Brunswick qui, avec leur gouvernement, ont changé le cours des choses.
Je félicite le gouvernement du Nouveau-Brunswick, un gouvernement libéral qui est arrivé au pouvoir à une époque où il y avait un énorme écart entre les riches et les pauvres. La croissance économique dans cette province n'était pas suffisante. En l'espace de quelques années, la sensibilité et la vision du gouvernement libéral ont permis de définir une stratégie grâce à laquelle la province du Nouveau-Brunswick a pu attirer des entreprises et des investissements. Je dis bien des investissements. Je sais que mon collègue du NPD déteste le mot investissement.
Il y est totalement allergique. Le Nouveau-Brunswick a connu une croissance économique. Il est maintenant mieux équipé que jamais pour faire face aux défis du siècle prochain.
Le député ne devrait rien voir de négatif à cela. L'investissement a aidé sa province et continuera de le faire. Il devrait inviter d'autres investissements, encourager d'autres entreprises à venir s'établir dans sa province, dire sa volonté de commercer non seulement avec le reste du Canada mais aussi avec le reste du monde. Le monde est son marché.
La mondialisation signifie l'élimination des frontières et un marché de cinq milliards de personnes au lieu du marché actuel de deux ou trois millions de personnes. Elle nous offre davantage de débouchés. Il n'y a pas lieu d'avoir peur. Le monde est meilleur aujourd'hui qu'il ne l'était hier ou avant-hier.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): On a le temps pour une question de 30 secondes. La parole est à l'honorable député de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok.
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Madame la Présidente, en 30 secondes, je partage encore une fois les propos du collègue d'Acadie—Bathurst sur l'étonnement de notre collègue qui vient d'une circonscription un peu plus au centre.
Je dois dire que je trouve ça un peu méprisant dans le cadre du débat que l'on tient aujourd'hui lorsqu'il nous dit que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Ce que les gens de notre région demandent, ce sont des outils pour travailler.
Je voudrais aussi qu'il se rappelle que le Canada s'est développé à partir de l'est, Gaspé, Nouveau-Brunswick, en s'en allant vers l'ouest, et qu'il n'aurait jamais existé si nous autres, on ne serait pas passés avant.
Notre industrie est à terre et on veut avoir des outils. Qu'ils se réveillent.
M. Mac Harb: Madame la Présidente, premièrement, il ne faut pas ramener les batailles de l'histoire de nouveau dans cette Chambre. Tout ce qu'on a à dire c'est que maintenant on vit tous ensemble dans une société civile, et quand on vit dans une société civile et démocratique, il faut qu'on travaille tous ensemble pour développer l'économie de cette société. La façon de développer économiquement cette société civile, c'est à travers le libre-échange.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer au débat sur la suppression de la pauvreté.
Le Canada est aux prises avec cette question depuis de nombreuses années. La Chambre des communes a elle-même adopté une motion visant à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. La pauvreté des enfants est une expression politique, créée pour susciter une certaine sympathie envers cette cause ou cette question. La pauvreté des enfants est, en fait, la pauvreté des familles et c'est de cela dont je discuterai.
Un député du Bloc a récemment parlé, à la Chambre, de l'écart entre riches et pauvres.
La plupart des Canadiens reconnaîtront que nous devrions avoir, au Canada, un environnement qui permette à chacun de réussir selon ses possibilités et de recueillir les fruits économiques de ses efforts, selon ses capacités et son initiative personnelles.
En ce qui concerne la réduction de l'écart entre riches et pauvres, je crois que l'aspect qui nous préoccupe le plus n'est pas le niveau de richesse que les gens peuvent atteindre par leurs efforts, mais la façon d'aider les personnes qui sont dans le besoin. De nombreux députés adhèrent au principe qui veut que l'on vienne en aide d'abord à ceux qui en ont le plus besoin.
À titre de référence, je voudrais expliquer aux députés ce qu'est le SFR, ou seuil de faible revenu. Nous n'avons pas, au Canada, de seuil de pauvreté officiel. Nous utilisons cependant comme point de référence le seuil de revenu faible de Statistique Canada.
À titre d'exemple, Statistique Canada estime que dans une ville comme Ottawa, une personne qui gagne moins de 16 874 $ vit sous le seuil de la pauvreté. Pour deux personnes, le montant passe à 21 092 $, puis à 26 232 $ pour trois personnes et à 31 753 $ pour une famille de quatre personnes composée du père, de la mère et de deux enfants. Je cite ces chiffres uniquement comme point de référence. Ils ne correspondent pas forcément à notre conception de la pauvreté au Canada.
La pauvreté au Canada s'explique par bien des raisons. La plupart des gens reconnaîtront que l'un des éléments clés, ce sont les emplois et la capacité de l'économie canadienne de créer ces emplois pour les Canadiens qui veulent travailler et gagner un revenu pour assumer leurs responsabilités et profiter de tout ce que le Canada a à leur offrir.
Ces 25 dernières années, avec un déficit qui grossissait tous les ans, le Canada a traversé une période financière très traumatisante. La dette nationale ajoute un coût annuel appréciable à nos finances publiques. En 1993, notre déficit s'élevait à 42 milliards de dollars. Évidemment, il a été très difficile pour les gouvernements de trouver les mesures qui auraient pu rétablir notre situation financière tout en permettant la création d'emplois. Il fallait rétablir la santé financière du Canada. Tous les députés savent que, pour la première fois depuis longtemps, le Canada a eu un budget équilibré au cours de l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 1998.
Dans le budget présenté à la Chambre, le ministre des Finances a annoncé quelques initiatives. Il n'y en avait pas beaucoup, mais c'était un bon départ. Il a commencé en assurant à nos enfants la possibilité de faire des études afin qu'ils puissent acquérir la formation et les compétences dont ils ont besoin pour trouver des emplois.
Par ailleurs, les taux d'intérêt au Canada ont diminué pour atteindre leur plus bas niveau en 10 ans. Nous sommes encore à deux ou trois points de pourcentage sous les taux américains. Cela nous permet d'investir et ces investissements créent des emplois. Nous avons donc une situation financière très stable, ce qui a stimulé nos exportations et, en retour, les exportations créent des emplois. Les choses commencent à bouger, quoique pas assez vite.
Les Canadiens ont besoin d'allégements fiscaux. Ils ont besoin de payer moins d'impôts afin d'avoir un revenu disponible plus élevé, ce qui leur permet de consommer, de stimuler la croissance économique et donc la création d'emplois. Nous verrons cet effet d'entraînement se produire.
Chose certaine, il faut discuter de la pauvreté en fonction des réalités économiques, mais je voudrais parler de la pauvreté en tenant compte des réalités sociales. L'Institut Vanier de la famille a déclaré que les familles monoparentales représentent environ 12 p. 100 de toutes les familles, mais qu'elles représentent 46 p. 100 de tous les enfants vivant dans la pauvreté.
Statistiquement, ce n'est pas souvent qu'une femme célibataire devient chef de famille monoparentale. Cela représente environ 3 p. 100 des cas. En fait, l'importance du phénomène des familles monoparentales au Canada est reliée à l'éclatement de la famille. Cela découle du fait que, au Canada, de nos jours, 30 p. 100 des mariages finissent par un divorce. C'est lié au fait que plus d'un million de familles au Canada sont des unions de fait.
Les unions de fait se terminent en rupture deux fois plus souvent que les autres au cours des cinq premières années. Ainsi, quelque 60 p. 100 des unions de fait se terminent en échec durant les cinq premières années. Dans 60 p. 100 des familles, qu'il s'agisse de couples mariés ou de conjoints de fait, il y a des enfants. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous faisons face au problème de la pauvreté chez les enfants et de la pauvreté des familles.
C'est un domaine extrêmement important sur lequel nous devons nous pencher, et il n'y a pas de solution simple. La situation est très complexe en ce qui concerne la dynamique sociale et la force de la famille canadienne. Il y a des considérations économiques. Le stress dans la vie familiale, dans la vie professionnelle et dans la vie en général influence beaucoup la façon dont notre société est en paix avec elle-même et la façon dont nous grandissons et nous nous développons ensemble. C'est un problème très complexe.
J'ai fait quelques recherches sur la situation des enfants. Nous savons que si les enfants se portent bien, il en va de même des familles et, bien entendu, du pays. La santé des enfants va être un élément très important de la stratégie de suppression de la pauvreté et de réduction de l'écart entre les riches et les pauvres. Il faut donc comprendre le développement de l'enfant.
La Fondation Carnegie a effectué l'une des recherches les plus importantes des dernières années, intitulée «Points de départ ». On y disait que la qualité des soins au cours des trois premières années de la vie était ce qui influait le plus sur la santé physique, mentale et sociale de l'enfant. Le développement cérébral se fait si rapidement au cours de cette période que les bases du raisonnement abstrait, de la pensée logique et de la logique générale sont déjà toutes établies à un an.
Cette question comporte de nombreux éléments, mais le développement dès la petite enfance représente un domaine dans lequel nous devons investir beaucoup. Il faut investir dans les enfants et à long terme, nous aurons non seulement des enfants en santé, mais également des familles et, bien entendu, un pays qui se portent mieux.
[Français]
M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté mon confrère qui nous a fait faire un assez long parcours pour nous parler un tout petit peu de la motion que nous avons présentée aujourd'hui qui consistait tout simplement à former un comité parlementaire en vue d'essayer de trouver des solutions à la pauvreté présentement.
Il nous a parlé de l'engagement de 1989, dont le but était d'éliminer la pauvreté pour l'an 2000. Or, il faut constater qu'on a complètement manqué le bateau. Dernièrement, on nous parlait d'environ 1,5 million d'enfants pauvres au Canada.
Il nous parle de l'union de fait. Je ne sais pas ce que cela vient vraiment faire dans la pauvreté. Pour moi, la pauvreté est égale au manque d'emplois. Au lieu de nous parler du déficit il aurait dû nous parler de la dette. La pauvreté est due à une dette de 600 milliards de dollars accumulée au cours des années passées, en raison de dépenses nationales mises en place et dont on n'avait pas besoin. Ce montant de 600 milliards nous coûte 50 milliards d'intérêt par année.
Si on avait 50 milliards par année à investir dans la création d'emplois, on aurait beaucoup moins de pauvres à l'heure actuelle qu'il n'y en a.
J'aimerais revenir tout simplement à la motion de l'opposition. J'aimerais qu'il nous dise s'il est vraiment d'accord avec cette proposition de former un comité parlementaire dans le but de trouver des outils le plus rapidement possible afin d'éliminer la pauvreté.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Madame la Présidente, je comprends les préoccupations du député, et je répondrai directement à sa question.
Le député veut qu'un comité parlementaire examine la question. Mon expérience de parlementaire m'a appris que les comités n'ont pas souvent la possibilité ou les ressources nécessaires pour faire le travail qui leur est confié. En fait, je ne crois pas que nous ayons besoin d'une commission royale sur la famille ou sur les enfants. Je ne crois pas que nous ayons besoin d'un comité parlementaire. Je crois plutôt qu'il faut agir.
Tout le monde à la Chambre devrait comprendre que l'économie jouera un grand rôle dans l'élimination de la pauvreté. L'assainissement des finances de notre pays jouera un grand rôle. En effet, on améliorera ainsi notre économie, on favorisera son expansion, on créera des emplois, on laissera plus d'argent disponible aux Canadiens et on accordera aux familles des allégements fiscaux qui leur permettront d'avoir un budget plus équilibré. Tout cela sera d'une grande aide.
Le député n'a peut-être pas entendu cette partie de mon intervention où j'ai parlé de la rupture des familles canadiennes. Le divorce et la séparation des couples en union libre qui ont des enfants causent un grave problème, car même si seulement 12 p. 100 des familles sont monoparentales, elles regroupent 46 p. 100 des enfants pauvres. C'est un élément du problème qui n'est pas négligeable.
Je veux souligner au député que, si l'on donnait simplement de l'argent aux pauvres, on n'encouragerait pas ces gens à travailler ou à apporter leur contribution à la société et on finirait même par les en dissuader. En fait, on en arriverait presque à une situation où les gens auraient un revenu annuel garanti, avec tous les avantages assurés directement ou indirectement par les différents niveaux de gouvernement.
Un revenu annuel garanti, c'est une solution simple, mais ce n'est pas ce qui règle les problèmes. C'est pourquoi, quand on traite de questions comme la manière d'aider ceux qui en ont le plus besoin, une hausse de la prestation fiscale pour enfants, de l'ordre de 850 millions, suivie d'une autre tranche de 850 millions de dollars l'an prochain, est un bon départ. Est-ce suffisant? Non, absolument pas.
C'est quand même un début qui représente et reflète l'engagement du gouvernement à assainir la situation financière de notre pays pour, à long terme, soulager les Canadiens d'un fardeau fiscal lourd à porter, et à garantir le plus important, soit que nous investissions dans les enfants, qui représentent notre avenir et nos meilleures chances d'avoir des investissements fructueux à long terme.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Comme il est 17 h 30, j'ai le devoir d'informer la Chambre que les délibérations sur la motion sont terminées.
La Chambre passe maintenant à plusieurs votes par appel nominal différés.
Convoquez les députés.
Et le timbre s'étant arrêté:
JOUR DÉSIGNÉ—L'HÉPATITE C
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 avril, de la motion et de l'amendement.
Le Président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, le premier vote par appel nominal porte sur la motion des crédits.
Conformément au même ordre adopté aujourd'hui, l'amendement à la motion des crédits est rejeté à la majorité.
Le vote porte donc sur la motion principale.
(La motion, mise au voix, est rejetée.)
Vote no 129
POUR
Députés
Abbott | Ablonczy | Alarie | Anders |
Asselin | Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) | Bachand (Richmond – Arthabaska) | Bachand (Saint - Jean) |
Bailey | Bellehumeur | Benoit | Bergeron |
Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) | Bernier (Tobique – Mactaquac) | Bigras | Blaikie |
Borotsik | Breitkreuz (Yellowhead) | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Brien |
Brison | Cadman | Canuel | Casey |
Casson | Chatters | Chrétien (Frontenac – Mégantic) | Crête |
Cummins | Dalphond - Guiral | Davies | de Savoye |
Debien | Desjarlais | Desrochers | Dockrill |
Doyle | Dubé (Lévis) | Dubé (Madawaska – Restigouche) | Duceppe |
Dumas | Duncan | Earle | Elley |
Epp | Forseth | Fournier | Gagnon |
Gauthier | Gilmour | Girard - Bujold | Godin (Acadie – Bathurst) |
Godin (Châteauguay) | Goldring | Gouk | Grewal |
Grey (Edmonton North) | Guay | Guimond | Hardy |
Harris | Hart | Harvey | Herron |
Hill (Macleod) | Hill (Prince George – Peace River) | Hilstrom | Hoeppner |
Jaffer | Johnston | Jones | Keddy (South Shore) |
Kenney (Calgary - Sud - Est) | Kerpan | Konrad | Laliberte |
Lalonde | Laurin | Lebel | Lefebvre |
Lill | Loubier | Lowther | Lunn |
MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) | Mancini | Manning | Marceau |
Marchand | Mark | Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) | Martin (Winnipeg Centre) |
Matthews | Mayfield | McDonough | McNally |
Ménard | Mercier | Meredith | Mills (Red Deer) |
Morrison | Muise | Nunziata | Nystrom |
Obhrai | Pankiw | Penson | Perron |
Picard (Drummond) | Plamondon | Power | Price |
Proctor | Ramsay | Reynolds | Riis |
Ritz | Rocheleau | Sauvageau | Schmidt |
Scott (Skeena) | Solberg | Solomon | St - Hilaire |
Stinson | St - Jacques | Stoffer | Strahl |
Thompson (Charlotte) | Thompson (Wild Rose) | Tremblay (Lac - Saint - Jean) | Tremblay (Rimouski – Mitis) |
Turp | Vautour | Vellacott | Wasylycia - Leis |
Wayne | White (Langley – Abbotsford) | White (North Vancouver) | Williams – 140 |
CONTRE
Députés
Adams | Alcock | Anderson | Assad |
Assadourian | Augustine | Axworthy (Winnipeg South Centre) | Baker |
Bakopanos | Barnes | Beaumier | Bélair |
Bélanger | Bellemare | Bennett | Bertrand |
Bevilacqua | Blondin - Andrew | Bonin | Bonwick |
Boudria | Bradshaw | Brown | Bryden |
Bulte | Byrne | Caccia | Calder |
Cannis | Caplan | Carroll | Catterall |
Cauchon | Chamberlain | Chan | Charbonneau |
Chrétien (Saint - Maurice) | Clouthier | Coderre | Cohen |
Collenette | Comuzzi | Copps | Cullen |
DeVillers | Dhaliwal | Dion | Discepola |
Dromisky | Drouin | Duhamel | Easter |
Eggleton | Finestone | Finlay | Folco |
Fontana | Fry | Gagliano | Gallaway |
Godfrey | Goodale | Graham | Gray (Windsor West) |
Grose | Guarnieri | Harb | Harvard |
Hubbard | Ianno | Iftody | Jackson |
Jennings | Jordan | Karetak - Lindell | Karygiannis |
Keyes | Kilger (Stormont – Dundas) | Kilgour (Edmonton Southeast) | Knutson |
Kraft Sloan | Lastewka | Lavigne | Lee |
Leung | Lincoln | Longfield | MacAulay |
Mahoney | Malhi | Maloney | Manley |
Marchi | Marleau | Martin (LaSalle – Émard) | Massé |
McCormick | McGuire | McKay (Scarborough East) | McLellan (Edmonton West) |
McTeague | McWhinney | Mifflin | Milliken |
Mills (Broadview – Greenwood) | Minna | Mitchell | Murray |
Myers | Nault | Normand | O'Brien (Labrador) |
O'Brien (London – Fanshawe) | O'Reilly | Pagtakhan | Paradis |
Parrish | Patry | Peric | Peterson |
Pettigrew | Phinney | Pickard (Kent – Essex) | Pillitteri |
Pratt | Proud | Provenzano | Redman |
Reed | Richardson | Robillard | Rock |
Saada | Scott (Fredericton) | Sekora | Serré |
Shepherd | Speller | St. Denis | Steckle |
Stewart (Brant) | Stewart (Northumberland) | St - Julien | Szabo |
Telegdi | Thibeault | Torsney | Ur |
Valeri | Vanclief | Volpe | Wappel |
Whelan | Wilfert | Wood – 155 |
«PAIRÉS»
Députés
Le Président: Je déclare la motion rejetée.
* * *
LA LOI SUR LE NUNAVUT
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 avril, de la motion: Que le projet de loi de loi C-39, Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le Président: Conformément à l'ordre adopté le mercredi 22 avril 1998, le prochain vote par appel nominal porte sur la motion de deuxième lecture du projet de loi C-39.
Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, je proposerais que vous demandiez le consentement unanime pour que les députés ayant voté sur la précédente motion, à l'exception du whip en chef du gouvernement, soient inscrits comme ayant voté sur la motion maintenant soumise à la Chambre, les députés libéraux votant oui.
Le Président: Êtes-vous d'accord pour que l'on procède ainsi?
Des voix: Non.
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
Vote no 130
POUR
Députés
Adams | Alarie | Alcock | Anderson |
Assad | Assadourian | Asselin | Augustine |
Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) | Axworthy (Winnipeg South Centre) | Bachand (Richmond – Arthabaska) | Bachand (Saint - Jean) |
Baker | Bakopanos | Barnes | Beaumier |
Bélair | Bélanger | Bellehumeur | Bellemare |
Bennett | Bergeron | Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) | Bernier (Tobique – Mactaquac) |
Bertrand | Bevilacqua | Bigras | Blaikie |
Blondin - Andrew | Bonin | Bonwick | Borotsik |
Boudria | Bradshaw | Brien | Brison |
Brown | Bryden | Bulte | Byrne |
Caccia | Calder | Cannis | Canuel |
Caplan | Carroll | Casey | Catterall |
Cauchon | Chamberlain | Chan | Charbonneau |
Chrétien (Frontenac – Mégantic) | Chrétien (Saint - Maurice) | Clouthier | Coderre |
Cohen | Collenette | Comuzzi | Copps |
Crête | Cullen | Dalphond - Guiral | Davies |
de Savoye | Debien | Desjarlais | Desrochers |
DeVillers | Dhaliwal | Dion | Discepola |
Dockrill | Doyle | Dromisky | Drouin |
Dubé (Lévis) | Dubé (Madawaska – Restigouche) | Duceppe | Duhamel |
Dumas | Earle | Easter | Eggleton |
Finestone | Finlay | Folco | Fontana |
Fournier | Fry | Gagliano | Gagnon |
Gallaway | Gauthier | Girard - Bujold | Godfrey |
Godin (Acadie – Bathurst) | Godin (Châteauguay) | Goodale | Graham |
Gray (Windsor West) | Grose | Guarnieri | Guay |
Guimond | Harb | Hardy | Harvard |
Harvey | Herron | Hubbard | Ianno |
Iftody | Jackson | Jennings | Jones |
Jordan | Karetak - Lindell | Karygiannis | Keddy (South Shore) |
Keyes | Kilgour (Edmonton Southeast) | Knutson | Kraft Sloan |
Laliberte | Lalonde | Lastewka | Laurin |
Lavigne | Lebel | Lee | Lefebvre |
Leung | Lill | Lincoln | Longfield |
Loubier | MacAulay | MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) | Mahoney |
Malhi | Maloney | Mancini | Manley |
Marceau | Marchand | Marchi | Marleau |
Martin (LaSalle – Émard) | Martin (Winnipeg Centre) | Massé | Matthews |
McCormick | McDonough | McGuire | McKay (Scarborough East) |
McLellan (Edmonton West) | McTeague | McWhinney | Ménard |
Mercier | Mifflin | Milliken | Mills (Broadview – Greenwood) |
Minna | Mitchell | Muise | Murray |
Myers | Nault | Normand | Nystrom |
O'Brien (Labrador) | O'Brien (London – Fanshawe) | O'Reilly | Pagtakhan |
Paradis | Parrish | Patry | Peric |
Perron | Peterson | Pettigrew | Phinney |
Picard (Drummond) | Pickard (Kent – Essex) | Pillitteri | Plamondon |
Power | Pratt | Price | Proctor |
Proud | Provenzano | Redman | Reed |
Richardson | Riis | Robillard | Rocheleau |
Rock | Saada | Sauvageau | Scott (Fredericton) |
Sekora | Serré | Shepherd | Solomon |
Speller | St. Denis | Steckle | Stewart (Brant) |
Stewart (Northumberland) | St - Hilaire | St - Jacques | St - Julien |
Stoffer | Szabo | Telegdi | Thibeault |
Thompson (Charlotte) | Torsney | Tremblay (Lac - Saint - Jean) | Tremblay (Rimouski – Mitis) |
Turp | Ur | Valeri | Vanclief |
Vautour | Volpe | Wappel | Wasylycia - Leis |
Wayne | Whelan | Wilfert | Wood – 236 |
CONTRE
Députés
Abbott | Ablonczy | Anders | Benoit |
Breitkreuz (Yellowhead) | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Cadman | Casson |
Chatters | Cummins | Duncan | Elley |
Epp | Forseth | Gilmour | Goldring |
Gouk | Grewal | Grey (Edmonton North) | Harris |
Hart | Hill (Macleod) | Hill (Prince George – Peace River) | Hilstrom |
Jaffer | Johnston | Kenney (Calgary - Sud - Est) | Kerpan |
Konrad | Lowther | Lunn | Manning |
Mark | Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) | Mayfield | McNally |
Meredith | Mills (Red Deer) | Morrison | Nunziata |
Obhrai | Pankiw | Penson | Ramsay |
Reynolds | Ritz | Schmidt | Scott (Skeena) |
Solberg | Stinson | Strahl | Thompson (Wild Rose) |
Vellacott | White (Langley – Abbotsford) | White (North Vancouver) | Williams – 56 |
«PAIRÉS»
Députés
Le Président: Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 avril, de la motion: Que le projet de loi C-216 Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information (sociétés d'État), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le Président: Conformément à l'ordre adopté le mardi 21 avril 1998, le prochain vote par appel nominal différé porte sur la motion de deuxième lecture du projet de loi C-216 inscrit sous les initiatives parlementaires. Le vote porte sur la motion.
Selon la pratique, le vote par appel nominal sera pris rangée par rangée, en commençant par le proposeur. Je demanderai ensuite aux autres députés qui sont en faveur de la motion et qui se trouvent du même côté de la Chambre que le proposeur de bien vouloir se lever. Ensuite, les votes de ceux qui appuient la motion et qui se trouvent de l'autre côté de la Chambre seront enregistrés. Les votes de ceux qui s'opposent à la motion seront enregistrés dans le même ordre.
(La motion mise aux voix est rejetée.)
Vote no 131
POUR
Députés
Abbott | Ablonczy | Alarie | Alcock |
Anders | Assadourian | Asselin | Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) |
Bachand (Richmond – Arthabaska) | Bachand (Saint - Jean) | Bellehumeur | Benoit |
Bergeron | Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) | Bernier (Tobique – Mactaquac) | Bigras |
Borotsik | Breitkreuz (Yellowhead) | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Brien |
Brison | Bryden | Cadman | Canuel |
Casey | Casson | Chatters | Chrétien (Frontenac – Mégantic) |
Crête | Cummins | Dalphond - Guiral | de Savoye |
Debien | Desjarlais | Desrochers | Dockrill |
Doyle | Dubé (Lévis) | Dubé (Madawaska – Restigouche) | Duceppe |
Dumas | Duncan | Earle | Elley |
Epp | Forseth | Fournier | Gagnon |
Gauthier | Gilmour | Girard - Bujold | Godin (Acadie – Bathurst) |
Godin (Châteauguay) | Goldring | Gouk | Grewal |
Grey (Edmonton North) | Guay | Guimond | Harris |
Hart | Harvey | Herron | Hill (Macleod) |
Hill (Prince George – Peace River) | Hilstrom | Jaffer | Johnston |
Jones | Keddy (South Shore) | Kenney (Calgary - Sud - Est) | Kerpan |
Konrad | Lalonde | Laurin | Lebel |
Lefebvre | Loubier | Lowther | Lunn |
MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) | Manning | Marceau | Marchand |
Mark | Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) | Matthews | Mayfield |
McNally | Ménard | Mercier | Meredith |
Mills (Red Deer) | Morrison | Muise | Nunziata |
Obhrai | Pankiw | Penson | Perron |
Picard (Drummond) | Plamondon | Power | Price |
Ramsay | Reynolds | Riis | Ritz |
Rocheleau | Sauvageau | Schmidt | Scott (Skeena) |
Solberg | Solomon | St - Hilaire | Stinson |
St - Jacques | Strahl | Thompson (Wild Rose) | Tremblay (Lac - Saint - Jean) |
Tremblay (Rimouski – Mitis) | Turp | Vellacott | Wayne |
White (Langley – Abbotsford) | White (North Vancouver) | Williams – 127 |
CONTRE
Députés
Adams | Anderson | Assad | Augustine |
Axworthy (Winnipeg South Centre) | Baker | Bakopanos | Barnes |
Beaumier | Bélair | Bélanger | Bellemare |
Bennett | Bertrand | Bevilacqua | Blaikie |
Blondin - Andrew | Bonin | Bonwick | Boudria |
Bradshaw | Brown | Bulte | Byrne |
Caccia | Calder | Cannis | Caplan |
Carroll | Catterall | Cauchon | Chamberlain |
Chan | Charbonneau | Chrétien (Saint - Maurice) | Clouthier |
Coderre | Cohen | Collenette | Comuzzi |
Copps | Cullen | Davies | DeVillers |
Dhaliwal | Dion | Discepola | Dromisky |
Drouin | Duhamel | Easter | Eggleton |
Finestone | Finlay | Folco | Fontana |
Fry | Gagliano | Gallaway | Godfrey |
Goodale | Graham | Gray (Windsor West) | Grose |
Guarnieri | Harb | Hardy | Harvard |
Hubbard | Ianno | Iftody | Jackson |
Jennings | Jordan | Karetak - Lindell | Karygiannis |
Keyes | Kilgour (Edmonton Southeast) | Knutson | Kraft Sloan |
Laliberte | Lastewka | Lavigne | Lee |
Leung | Lill | Lincoln | Longfield |
MacAulay | Mahoney | Malhi | Maloney |
Mancini | Manley | Marleau | Martin (LaSalle – Émard) |
Martin (Winnipeg Centre) | Massé | McCormick | McDonough |
McGuire | McKay (Scarborough East) | McLellan (Edmonton West) | McTeague |
McWhinney | Mifflin | Mills (Broadview – Greenwood) | Minna |
Mitchell | Murray | Myers | Nault |
Normand | Nystrom | O'Brien (Labrador) | O'Brien (London – Fanshawe) |
O'Reilly | Pagtakhan | Paradis | Parrish |
Patry | Peric | Peterson | Pettigrew |
Phinney | Pickard (Kent – Essex) | Pillitteri | Pratt |
Proctor | Proud | Provenzano | Redman |
Reed | Richardson | Robillard | Rock |
Saada | Scott (Fredericton) | Sekora | Serré |
Shepherd | Speller | St. Denis | Steckle |
Stewart (Brant) | Stewart (Northumberland) | St - Julien | Stoffer |
Szabo | Telegdi | Thibeault | Torsney |
Ur | Valeri | Vanclief | Vautour |
Volpe | Wappel | Wasylycia - Leis | Whelan |
Wilfert | Wood – 162 |
«PAIRÉS»
Députés
M. Mac Harb: Monsieur le Président, je voudrais tout simplement m'assurer qu'on m'a bien inscrit comme ayant voté dans le même sens que le gouvernement sur cette question.
Le Président: Votre nom n'a pas été appelé, mais votre vote sera consigné.
Je déclare la motion rejetée.
M. Bill Blaikie: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le député d'Ottawa-Centre a affirmé qu'il désirait voter dans le même sens que le gouvernement sur cette question. J'aimerais rappeler au député que le gouvernement ne devrait pas avoir de position officielle sur cette question puisqu'il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire.
* * *
L'ÉTIQUETAGE DES JOUETS
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 avril, de la motion.
Le Président: Conformément à l'ordre adopté le mardi 21 avril 1998, le prochain vote par appel nominal différé porte sur la motion no 85 inscrite sous les initiatives parlementaires.
J'ai déjà expliqué la procédure pour les projets de loi d'initiative parlementaire.
(La motion, mise aux voix, est rejetée.)
Vote no 132
POUR
Députés
Alarie | Asselin | Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) | Bachand (Saint - Jean) |
Bélanger | Bellehumeur | Bellemare | Bennett |
Bergeron | Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) | Bernier (Tobique – Mactaquac) | Bigras |
Blaikie | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Brien | Caccia |
Cadman | Canuel | Casey | Casson |
Chatters | Chrétien (Frontenac – Mégantic) | Crête | Cummins |
Dalphond - Guiral | Davies | de Savoye | Debien |
Desjarlais | Desrochers | Dockrill | Doyle |
Dubé (Lévis) | Dubé (Madawaska – Restigouche) | Dumas | Duncan |
Earle | Elley | Forseth | Fournier |
Gagnon | Gauthier | Girard - Bujold | Godin (Acadie – Bathurst) |
Godin (Châteauguay) | Goldring | Gouk | Grey (Edmonton North) |
Guay | Guimond | Hardy | Harris |
Hart | Herron | Hilstrom | Hubbard |
Ianno | Jaffer | Kerpan | Konrad |
Laliberte | Lalonde | Laurin | Lebel |
Lefebvre | Lill | Lincoln | Loubier |
Mancini | Manning | Marceau | Marchand |
Mark | Martin (Winnipeg Centre) | McDonough | Ménard |
Mercier | Mills (Red Deer) | Muise | Nunziata |
Nystrom | Obhrai | Pankiw | Paradis |
Penson | Perron | Picard (Drummond) | Plamondon |
Power | Price | Proctor | Riis |
Ritz | Rocheleau | Sauvageau | Schmidt |
Serré | Solomon | Steckle | St - Hilaire |
Stinson | Stoffer | Telegdi | Thompson (Wild Rose) |
Tremblay (Lac - Saint - Jean) | Tremblay (Rimouski – Mitis) | Turp | Vautour |
Vellacott | Wasylycia - Leis | Wayne | Williams – 112 |
CONTRE
Députés
Abbott | Ablonczy | Adams | Alcock |
Anders | Anderson | Assad | Assadourian |
Augustine | Axworthy (Winnipeg South Centre) | Bachand (Richmond – Arthabaska) | Baker |
Bakopanos | Barnes | Beaumier | Bélair |
Benoit | Bertrand | Bevilacqua | Blondin - Andrew |
Bonin | Bonwick | Borotsik | Boudria |
Bradshaw | Breitkreuz (Yellowhead) | Brison | Brown |
Bryden | Bulte | Byrne | Calder |
Cannis | Caplan | Carroll | Catterall |
Cauchon | Chamberlain | Chan | Charbonneau |
Chrétien (Saint - Maurice) | Clouthier | Coderre | Cohen |
Collenette | Comuzzi | Copps | Cullen |
DeVillers | Dhaliwal | Dion | Discepola |
Dromisky | Drouin | Duhamel | Easter |
Eggleton | Epp | Finlay | Folco |
Fontana | Fry | Gagliano | Gallaway |
Gilmour | Godfrey | Goodale | Graham |
Gray (Windsor West) | Grewal | Grose | Guarnieri |
Harb | Harvard | Harvey | Hill (Macleod) |
Hill (Prince George – Peace River) | Iftody | Jackson | Jennings |
Johnston | Jones | Jordan | Karetak - Lindell |
Karygiannis | Keddy (South Shore) | Kenney (Calgary - Sud - Est) | Keyes |
Kilgour (Edmonton Southeast) | Knutson | Kraft Sloan | Lastewka |
Lavigne | Lee | Leung | Longfield |
Lowther | Lunn | MacAulay | MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) |
Mahoney | Malhi | Maloney | Manley |
Marleau | Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) | Martin (LaSalle – Émard) | Massé |
Mayfield | McCormick | McGuire | McKay (Scarborough East) |
McLellan (Edmonton West) | McNally | McTeague | McWhinney |
Meredith | Mifflin | Minna | Mitchell |
Morrison | Murray | Myers | Nault |
Normand | O'Brien (Labrador) | O'Brien (London – Fanshawe) | O'Reilly |
Pagtakhan | Parrish | Patry | Peric |
Peterson | Pettigrew | Phinney | Pickard (Kent – Essex) |
Pillitteri | Pratt | Proud | Provenzano |
Ramsay | Redman | Reed | Reynolds |
Richardson | Robillard | Rock | Saada |
Scott (Fredericton) | Scott (Skeena) | Sekora | Shepherd |
Solberg | Speller | St. Denis | Stewart (Brant) |
Stewart (Northumberland) | St - Jacques | Strahl | Szabo |
Thibeault | Torsney | Ur | Valeri |
Vanclief | Volpe | Wappel | Whelan |
White (Langley – Abbotsford) | Wilfert | Wood – 171 |
«PAIRÉS»
Députés
Le Président: Je déclare la motion rejetée.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (1998)
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 avril, de la motion: Que le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le Président: Le prochain vote par appel nominal différé porte sur la motion de deuxième lecture du projet de loi C-32.
M. Chuck Strahl: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Si la Chambre y consent, je propose que vous demandiez le consentement unanime pour que les députés ayant voté sur le projet de loi C-39 soient inscrits comme ayant voté sur la motion dont la Chambre est actuellement saisie, les députés du Parti réformiste présents votant oui.
Le Président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à procéder de cette façon?
Des voix: D'accord.
Une voix: Non.
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
Vote no 133
POUR
Députés
Abbott | Ablonczy | Adams | Alcock |
Anders | Anderson | Assad | Assadourian |
Augustine | Axworthy (Winnipeg South Centre) | Bachand (Richmond – Arthabaska) | Baker |
Bakopanos | Barnes | Beaumier | Bélair |
Bélanger | Bellemare | Bennett | Benoit |
Bernier (Tobique – Mactaquac) | Bertrand | Bevilacqua | Blondin - Andrew |
Bonin | Bonwick | Borotsik | Boudria |
Bradshaw | Breitkreuz (Yellowhead) | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Brison |
Brown | Bryden | Bulte | Byrne |
Caccia | Cadman | Calder | Cannis |
Caplan | Carroll | Casey | Casson |
Catterall | Cauchon | Chamberlain | Chan |
Charbonneau | Chatters | Chrétien (Saint - Maurice) | Clouthier |
Coderre | Cohen | Collenette | Comuzzi |
Copps | Cullen | Cummins | DeVillers |
Dhaliwal | Dion | Discepola | Doyle |
Dromisky | Drouin | Dubé (Madawaska – Restigouche) | Duhamel |
Duncan | Easter | Eggleton | Elley |
Epp | Finestone | Finlay | Folco |
Fontana | Forseth | Fry | Gagliano |
Gallaway | Gilmour | Godfrey | Goldring |
Goodale | Gouk | Graham | Grewal |
Grey (Edmonton North) | Grose | Guarnieri | Harb |
Harris | Hart | Harvard | Harvey |
Herron | Hill (Prince George – Peace River) | Hilstrom | Hubbard |
Ianno | Iftody | Jackson | Jaffer |
Jennings | Johnston | Jones | Jordan |
Karetak - Lindell | Karygiannis | Keddy (South Shore) | Kenney (Calgary - Sud - Est) |
Kerpan | Keyes | Kilgour (Edmonton Southeast) | Knutson |
Konrad | Kraft Sloan | Lastewka | Lavigne |
Lee | Leung | Lincoln | Longfield |
Lowther | Lunn | MacAulay | MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) |
Mahoney | Malhi | Maloney | Manley |
Manning | Mark | Marleau | Martin (Esquimalt – Juan de Fuca) |
Martin (LaSalle – Émard) | Massé | Matthews | Mayfield |
McCormick | McGuire | McKay (Scarborough East) | McLellan (Edmonton West) |
McNally | McTeague | McWhinney | Meredith |
Mifflin | Milliken | Mills (Red Deer) | Minna |
Mitchell | Morrison | Muise | Murray |
Myers | Nault | Normand | Nunziata |
Obhrai | O'Brien (Labrador) | O'Brien (London – Fanshawe) | O'Reilly |
Pagtakhan | Pankiw | Paradis | Parrish |
Patry | Penson | Peric | Peterson |
Pettigrew | Phinney | Pickard (Kent – Essex) | Pillitteri |
Power | Pratt | Price | Proud |
Provenzano | Ramsay | Redman | Reed |
Reynolds | Richardson | Ritz | Robillard |
Rock | Saada | Schmidt | Scott (Fredericton) |
Scott (Skeena) | Sekora | Serré | Shepherd |
Solberg | Speller | St. Denis | Steckle |
Stewart (Brant) | Stewart (Northumberland) | Stinson | St - Jacques |
St - Julien | Strahl | Szabo | Telegdi |
Thibeault | Thompson (Wild Rose) | Torsney | Ur |
Valeri | Vanclief | Vellacott | Volpe |
Wappel | Wayne | Whelan | White (Langley – Abbotsford) |
White (North Vancouver) | Wilfert | Williams | Wood – 224 |
CONTRE
Députés
Alarie | Asselin | Axworthy (Saskatoon – Rosetown – Biggar) | Bachand (Saint - Jean) |
Bellehumeur | Bergeron | Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) | Bigras |
Blaikie | Brien | Canuel | Chrétien (Frontenac – Mégantic) |
Crête | Dalphond - Guiral | Davies | de Savoye |
Debien | Desjarlais | Desrochers | Dockrill |
Dubé (Lévis) | Dumas | Earle | Fournier |
Gagnon | Gauthier | Girard - Bujold | Godin (Acadie – Bathurst) |
Godin (Châteauguay) | Guay | Guimond | Hardy |
Laliberte | Lalonde | Laurin | Lebel |
Lefebvre | Lill | Loubier | Mancini |
Marceau | Marchand | Martin (Winnipeg Centre) | McDonough |
Ménard | Mercier | Nystrom | Perron |
Picard (Drummond) | Plamondon | Proctor | Riis |
Rocheleau | Sauvageau | Solomon | St - Hilaire |
Stoffer | Tremblay (Lac - Saint - Jean) | Tremblay (Rimouski – Mitis) | Turp |
Vautour | Wasylycia - Leis – 62 |
«PAIRÉS»
Députés
Le Président: Je déclare la motion adoptée.
(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)
Le Président: Comme il est 18 h 50, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LES COOPÉRATIVES DE LOGEMENT
M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC) propose:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la viabilité des coopératives de logement administrées par la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Monsieur le Président, en 1884, Abraham Lincoln a recommandé de ne pas laisser celui qui n'avait pas de maison détruire la maison d'autrui, mais plutôt de lui permettre de travailler avec diligence pour s'en bâtir une, de manière à l'assurer, par l'exemple, que sa maison ne sera pas l'objet de violence.
C'est dans cet esprit que des concitoyens se sont entraidés et que le mouvement des coopératives de logement est apparu au Canada dans les années 30. Soixante ans plus tard, la viabilité des coopératives de logement est gravement compromise à cause de la négligence du gouvernement.
Je voudrais prendre quelques minutes pour expliquer comment cela s'est produit et ce qui pourrait être fait pour corriger la situation. Tout d'abord, je rappellerai brièvement l'histoire des coopératives de logement au Canada et j'expliquerai pourquoi elles ont eu tant de succès par comparaison à d'autres formes de logement social. Je parlerai ensuite du mouvement actuel visant à confier le logement social aux provinces et des répercussions de cette dévolution sur les coopératives. Enfin, je décrirai une solution possible qui pourrait, tout en permettant au gouvernement fédéral de réaliser des économies, sauver les coopératives.
Les coopératives de logement sont apparues dans les années 30, lorsque les Canadiens des Maritimes, du Québec et de l'Ontario ont bâti collectivement des maisons destinées à devenir des propriétés privées. Le mouvement s'est étendu à la construction de coopératives pour étudiants dans les années 40 et de coopératives familiales dans les années 60. Le gouvernement fédéral est intervenu en soutenant financièrement les coopératives de logement au Canada en 1970, par le truchement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La SCHL a décrit les coopératives comme une des grandes réussites dans le domaine du logement au Canada. Son bilan est particulièrement enviable quand on le compare au bilan du gouvernement fédéral à l'égard d'autres formes de logement social.
Permettez-moi de vous expliquer comment fonctionne la formule coopérative. Une coopérative de logement est une formule de logement économique, à but non lucratif, qui appartient à ses membres et est gérée par eux. Les résidents paient des frais de logement et ont le droit d'y résider en permanence tant qu'ils respectent les obligations des membres, à l'élaboration desquelles ils ont contribué.
La propriété conjointe élimine l'insécurité du marché de location en mettant le contrôle du logement entre les mains des membres. Chaque membre dispose d'une voix dans la prise des décisions sur les questions importantes comme les frais de logement, l'élection des administrateurs et les règles et obligations que les membres sont tenus de respecter.
Les membres partagent des objectifs communs dans la gestion de leurs coopératives, et le fait de travailler ensemble crée un sens de la communauté. Les membres des coopératives de logement s'entraident souvent à des égards dépassant leurs besoins de logement. Les coopératives de logement ont contribué à maintenir ou à rebâtir des communautés menacées par le délabrement ou la rénovation urbaine.
À l'intérieur de contraintes budgétaires, les coopératives cherchent à fournir un logement de grande qualité tant à la phase initiale de construction qu'à celle de l'entretien courant. Les coopératives sont tenues de maintenir des réserves de capital pour le remplacement de bâtiments ou de matériel complètement usés.
Comme je l'ai dit, les coopératives sont radicalement différentes des autres types de fournisseurs de logement subventionné. Seules les coopératives s'engagent à embaucher des Canadiens ordinaires et à leur donner le pouvoir de gérer leur propre logement. Les membres acquièrent des habiletés qui les aident à briser le cycle de la pauvreté en leur permettant de réduire leur dépendance à l'égard du soutien de l'État.
Les membres des coopératives ne vivent pas dans des ghettos de personnes à faible revenu, mais dans des communautés de revenus mixtes. Un peu plus de la moitié seulement des quelque 90 000 ménages reçoivent du gouvernement fédéral ou provincial une aide sous forme de loyer proportionné au revenu. Dans les coopératives subventionnées par le fédéral, l'aide est fournie à plus de deux fois plus de ménages, tel que requis par les contrats d'exploitation conclus avec la SCHL, sans coût additionnel pour les contribuables.
Les membres gèrent les subventions de façon économique au nom du gouvernement. Selon la SCHL, les coopératives ont très bien réussi à parvenir à une mixité de revenus sans polarisation des groupes de revenus, et le revenu ne constitue pas un problème pour les membres.
Non seulement les coopératives ont réussi à opérer une intégration sociale, mais elles constituent également la forme de logement social la moins coûteuse de toutes à faire fonctionner. Les coûts de fonctionnement sont inférieurs de 19 p. 100 à ceux des sociétés de logement municipales ou privées à but non lucratif, et inférieurs de 71 p. 100 à ceux des sociétés de logement public appartenant à l'État et gérées par lui. Les contribuables bénéficient aussi de ces économies puisque les coûts de fonctionnement moins élevés réduisent la facture du gouvernement au titre des subventions accordées sous forme de loyers proportionnés au revenu. Parce que les coopératives dépensent moins que les autres fournisseurs de logements et qu'elles réinvestissent leurs excédents, les frais liés aux logements restent bas. Avec le temps, les coopératives ont de moins en moins besoin de subventions gouvernementales.
Cependant, malgré tous leurs succès, les coopératives d'habitation du Canada voient maintenant leur existence sérieusement menacée par leur transfert aux provinces. En mars 1996, après avoir très peu consulté la population, le gouvernement a annoncé qu'il s'emploierait à céder la gestion des ressources fédérales en matière de logement social aux 12 provinces et territoires. Depuis deux ans, des accords ont été signés avec les gouvernements de la Saskatchewan, de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et des Territoires du Nord-Ouest, accords qui prévoient que ces gouvernements seront responsables du logement social, du logement privé sans but lucratif et des coopératives.
Je vois généralement d'un bon oeil le transfert aux provinces de l'administration du logement social. J'ai toujours pensé que le palier de gouvernement qui peut le mieux répondre aux besoins de la clientèle d'un programme devrait s'occuper de la gestion de ce dernier. Cependant, le fait d'inclure les coopératives d'habitation dans ce transfert crée de graves problèmes pour les coopératives et leurs membres.
Pour les membres des coopératives, il y a deux problèmes principaux: la perte d'autorité et la perte de sécurité financière. Actuellement, les membres gèrent leurs affaires, ce qui favorise la fierté collective et le sentiment de propriété. Les nouveaux accords menacent leur autorité de cinq façons.
Premièrement, les contrats actuels entre la SCHL et les coopératives ne sont pas protégés aux termes des nouveaux accords en matière de logement social. Selon le professeur de droit Patrick Monahan, de l'Osgoode Hall Law School, les accords règlent les problèmes et ils apaisent les craintes des provinces et de la SCHL, mais ils n'offrent pas de protection légale exécutoire aux coopératives qui sont propriétaires des logements et qui les gèrent. Dans les faits, ils confèrent aux provinces la maîtrise complète des programmes.
Deuxièmement, les provinces peuvent unilatéralement modifier les accords d'exploitation entre les coopératives et les gouvernements. Selon le professeur Monahan, si les parlementaires d'une province donnée devaient adopter une loi ayant préséance sur pareils accords d'exploitation de projets ou modifiant leurs dispositions, le gouvernement provincial en cause ne manquerait pas à ses obligations énoncées dans les nouveaux accords sur le logement social.
En troisième lieu, les habitants des coopératives de logement n'ont été ni conviés à la table de négociation ni consultés sur les ententes. Les ententes conclues jusqu'à maintenant et celles qui sont en cours d'élaboration ont été discutées à huis clos. Ont été exclus des discussions d'importants intéressés: ceux qui vivent dans des coopératives de logement, qui en sont les propriétaires et qui les gèrent. Ces gens-là sont les principaux partenaires dans l'application harmonieuse de ces programmes, mais ils n'ont pas été consultés.
Les nouveaux accords influeront aussi sur le caractère et la qualité des coopératives financées par le gouvernement fédéral. On s'inquiète vraiment au sein des coopératives de ce que les nouveaux accords ne se traduisent par l'érosion de leur autonomie en tant que propriétaires, notamment en ce qui concerne les décisions de gestion au jour le jour.
La non-protection des droits contractuels existants des coopératives rend ces préoccupations bien réelles. Les membres des coopératives voient comme une invitation à l'ingérence ce que les provinces considèrent comme de la flexibilité dans les accords. Toute lecture attentive de l'histoire du logement coopératif montrera que le degré d'ingérence des pouvoirs publics est inversement proportionnel à l'efficacité de la gestion des coopératives.
Enfin, le fait de classer les coopératives avec les autres formes de logement social, qui sont dévolues aux provinces, entraînera une hausse des coûts. La consolidation du contrôle des programmes à frais partagés, comme le logement social, au sein d'un niveau de gouvernement aura pour effet de réduire les coûts de gestion des programmes.
Cependant, très peu de coopératives de logement recevant de l'aide fédérale ont été fondées dans le cadre de programmes à frais partagés. Le reste sont financées unilatéralement par le gouvernement fédéral. Le transfert de la gestion de ces programmes aux 12 provinces et territoires accroîtra les coûteux cas de double emploi et l'ingérence du gouvernement, au lieu de les diminuer.
Les provinces qui prendront charge des programmes de logement coopératif devront engager d'autres fonctionnaires et investir du temps dans l'apprentissage de la gestion de programmes que la SCHL continuera de surveiller. En Ontario, le gouvernement prévoit de se décharger de ses programmes sur un troisième palier de gouvernement, les municipalités. Dans cette province, trois ordres de gouvernement s'occuperont des coopératives.
Comme si cela ne suffisait pas, les coopératives sont confrontées à une autre menace, la perte de la sécurité financière. Seule la SCHL garantit le financement des coopératives jusqu'à la fin de leurs accords actuels. Les 1,9 milliard de dollars que le gouvernement fédéral consacre maintenant au logement social, ne sont pas garantis parce qu'ils ne sont pas liés aux programmes et aux projets existants.
Les ententes provinciales annoncent une réduction constante de la contribution financière fédérale. L'aide financière du gouvernement cessera en même temps que les programmes et projets en place atteindront la fin de leur cycle de financement et il n'y a aucune assurance que quelqu'un d'autre prendra la relève. Les ententes indiquent un retrait lent mais définitif de l'aide financière fédérale aux Canadiens qui ont besoin de logement.
De plus, les nouvelles ententes sur le logement social n'obligent pas les provinces à assurer le financement. Rien dans ces ententes ne les oblige à prendre cette responsabilité, ni même à continuer de dépenser l'argent qu'elles versent déjà en vertu des programmes de logement à frais partagés. En fait, les accords encouragent les provinces et les territoires à réduire le nombre d'unités de logement social sur leurs territoires respectifs.
L'alinéa 7e) de l'accord signé avec la Saskatchewan stipule:
...pour plus de certitude, le retrait du logement du portefeuille [des programmes visés par l'entente] (par cession, destruction, retrait d'un programme du portefeuille ou autrement) n'entraînera aucune réduction de l'aide financière totale de la SCHL...
Il existe cependant une autre solution. La semaine prochaine, la Fédération de l'habitation coopérative du Canada (FHCC) doit rencontrer le ministre responsable de la SCHL et lui proposer qu'une nouvelle organisation non gouvernementale et sans but lucratif soit constituée pour administrer les ententes sur le logement coopératif.
La création du nouvel organisme permettrait aux gouvernements d'épargner au moins deux millions de dollars par année, plus 50 millions en 20 ans, en réduisant les frais d'administration du programme et favoriserait une meilleure utilisation des subventions fédérales. Cette solution permettrait également d'atteindre l'objectif de décentralisation administrative poursuivi par le gouvernement fédéral, tout en préservant les principaux facteurs de réussite du logement coopératif, à savoir le contrôle exercé par les membres et la gestion décentralisée.
L'organisme proposé adhérerait aux objectifs et principes des programmes actuels et fonctionnerait dans un cadre redditionnel rigoureux. Fait tout aussi important, la proposition de la FHCC perpétuera la réussite d'un système de logements que des milliers de personnes ont durement travaillé à édifier, un système harmonisé qui fonctionne efficacement dans chaque province et territoire.
Récemment, une commission d'étude indépendante financée conjointement par la SCHL et la FHCC a examiné un nouveau projet concernant les secteurs coopératifs et l'a comparé à l'exploitation actuelle de la FHCC en tenant compte des améliorations approuvées par la SCHL.
Le consultant a constaté que, comparativement à l'approche de la SCHL, le projet de la FHCC permettrait au gouvernement d'économiser sur les coûts d'administration du programme et aiderait les coopératives à fonctionner plus efficacement. Lorsqu'une coopérative réussit à réduire ses coûts de fonctionnement, elle peut consacrer davantage de fonds aux personnes qui ont besoin d'un logement, dans le secteur coopératif ou dans le cadre d'autres programmes de logements.
En terminant, je tiens à dire que je souscris à la majeure partie de ce qu'a fait le gouvernement dans le secteur du logement social. Le fait de mettre les coopératives de logement dans le même sac que les autres programmes de logement social et de passer les coûts aux provinces menace de détruire une réussite typiquement canadienne.
Le débat actuel a pour objet d'optimaliser la structure du gouvernement pour qu'il puisse mieux répondre aux besoins des Canadiens. Il existe une solution aisée aux doléances actuelles des provinces et territoires. Je propose que le gouvernement l'examine de près avant d'aller plus loin.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, il me fait grand plaisir de participer au débat devant nous aujourd'hui qui vise à demander au gouvernement de prendre les mesures pour assurer la viabilité des coopératives d'habitation.
Je veux exprimer ma reconnaissance au collègue du Parti progressiste-conservateur qui nous permet de soulever cette question.
Je veux rappeler que dans le comté d'Hochelaga—Maisonneuve que je représente depuis 1993, la réalité des coopératives est très enracinée. Il y a près de 2 000 logements coopératifs.
Je crois qu'il est de notre devoir, en tant que parlementaires, un peu comme le soulignait le collègue, de se rappeler les mérites du logement coopératif. Quand vous êtes membre d'une coopérative, vous êtes impliqué dans votre communauté. Vous êtes impliqué comme gestionnaire. Puisque vous prenez des responsabilités, vous êtes évidemment impliqué au bien-être de la coopérative et cela ne peut qu'avoir un effet positif pour l'ensemble de l'environnement.
On ne peut pas discuter de la question des coopératives, de s'assurer de leur viabilité, donc de mettre en place des ressources pour que dans 20, 30 ou 35 ans, et sur le plan de l'entretien et sur le plan des logements subventionnés, les coopératives soient encore une réalité viable sans se rappeler que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 se sont désengagés du programme des coopératives.
Je crois que les plus militants d'entre nous, les plus engagés en faveur du logement social, se rappelleront que dans les bonnes années, il y avait au gouvernement fédéral trois programmes qui permettaient de construire, d'exploiter et d'offrir un revenu de soutien pour le loyer à ceux qui faisaient partie d'une coopérative. À partir des années 1992, le gouvernement, obéissant à la mode de l'époque, pensant que le logement coopératif ne méritait plus d'aide subventionnée, s'est cruellement désengagé.
Je veux rappeler que le Québec, qui a toujours été extrêmement solidaire du milieu coopératif, compte sur son territoire 29 p. 100 des ménages canadiens en besoin impérieux. Cela veut dire que le Québec, qui représente 25 p. 100 de la population et qui a 19 p. 100 des dépenses qui sont consenties au chapitre du logement social, a un nombre supérieur de familles qui ont besoin d'aide pour le logement coopératif ou toute autre forme de logement social.
Malheureusement, là comme ailleurs, la liste peut être longue. Le gouvernement du Québec, la population du Québec et les contribuables n'ont pas eu le soutien auquel ils auraient été en droit de s'attendre.
Il est important de dire que le gouvernement a annoncé, il y a quelques mois, dans le discours du Trône, qu'il voulait se désengager et négocier avec les provinces le transfert complet de toute la question du logement social.
À priori, pour le souverainiste que je suis, on pourrait dire qu'il y a matière à réjouissance, puisqu'on comprend bien que toute la réalité du logement social interpelle davantage le gouvernement du Québec et, à la limite, celui des municipalités. Pourtant, il y a motif à inquiétude, parce que le gouvernement veut transférer, à toutes fins pratiques, à peu près deux milliards de dollars.
Les gouvernements qui ont signé des ententes avec le gouvernement central—je parle de la Saskatchewan, et j'aurai l'occasion d'y revenir, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et des Territoires du Nord-Ouest—les ont signées à perte. Ce qu'il faut avoir à l'esprit, pour que les négociations soient équitables, pour que ce soit intéressant pour les provinces de signer, il faut évidemment qu'il y ait des sommes d'argent pour maintenir l'exploitation des coopératives, mais qu'il y ait également des sommes d'argent prévues pour l'entretien de ce parc immobilier.
La réalité du logement coopératif a commencé à émerger dans les années 1970. On sera donc en présence d'un parc de logements coopératifs qui, en l'an 2000, 2005 ou 2010, nécessitera des investissements importants au chapitre de l'entretien, de la rénovation et de la réfection.
Ce que demandent la Fédération canadienne du logement coopératif et son homonyme du Québec, c'est que non seulement ce gouvernement négocie avec les provinces pour le transfert de la responsabilité, mais qu'il ait la générosité et la conscience de prévoir que, dans les négociations qui devront s'engager, il faudra également transférer des sommes d'argent, de telle sorte que les provinces qui deviendront responsables de ce parc de logements coopératifs puissent également avoir des sommes d'argent pour l'entretien et la réfection de ce type d'immeubles.
Le gouvernement qui est devant nous est un gouvernement à courte vue, sans envergure, qui gouverne en essayant de pelleter par en avant et de transférer ses responsabilités aux provinces. Pour les deux milliards de dollars qu'on veut négocier, il n'y a pas de sommes d'argent qui nous permettraient de prévoir des travaux à long terme pour le parc immobilier.
C'est assez étrange de voir cela. D'un côté, il y a le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le député de Saint-Léonard—Saint-Michel qui est un homme plutôt débonnaire, qui n'est pas plus excité qu'il le faut en la matière. Le gouvernement du Québec ne négocie plus. Le gouvernement fédéral laisse un peu les choses aller à la va-comme-je-te-pousse, alors que, présentement, il n'y a pas de négociations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.
Pourquoi n'y a-t-il pas de négociations entre ces deux gouvernements? Parce que l'offre qui est sur la table est irréaliste et ridiculement basse et parce qu'on ne veut pas réparer l'injustice historique qui a été commise à l'endroit du Québec qui, je le rappelle, compte sur son territoire 29 p. 100 des ménages ayant des besoins impérieux. Dans les meilleures années, il reçoit 19 p. 100 des subventions.
Bien sûr, la Société d'habitation du Québec et le ministre responsable de l'habitation au Québec, Rémi Trudel, ont évalué le manque à gagner que le gouvernement du Québec a subi au cours des dernières années en n'obtenant pas sa juste part. On parle évidemment de millions de dollars.
C'est notre responsabilité de rappeler au ministre qu'il doit donner des directives claires pour que les négociations reprennent avec le gouvernement du Québec.
On est favorable à ce que le gouvernement du Québec, comme l'ensemble des gouvernements qui voudront récupérer ce champ de juridiction, puisse le faire, mais il n'est pas question de le faire à rabais.
Je tiens à vous parler d'une proposition à laquelle mon collègue a déjà fait allusion, qui est celle d'une agence. Présentement en matière de logements sociaux, il y a la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Cette société gère un certain nombre de conventions d'exploitation, en partenariat avec les coopératives.
Elle fait des études sur le marché immobilier, elle analyse, elle tente de comprendre les grands mouvements, les grandes tendances du marché de l'habitation, pas seulement le marché de la construction, pas seulement le marché immobilier privé, mais également le marché coopératif.
La Fédération canadienne des coopératives d'habitation, qui est certainement le mouvement qui a le plus d'expertise à travers le Canada, a fait une proposition—et je crois qu'ils souhaitent rencontrer le ministre dans les plus brefs délais—une proposition qui, si elle était adoptée, permettrait d'économiser plusieurs milliards de dollars, une proposition qui ferait en sorte qu'un partenaire communautaire comme la Fédération deviendrait le principal gestionnaire des conventions d'exploitation.
Je crois que s'agissant du Canada anglais, c'est une proposition qui mérite d'être considérée. Une fois que le Québec aura récupéré de manière équitable, avec les sommes d'argent qui doivent être mises sur la table, une fois que le Québec aura récupéré cette juridiction et qu'il pourra y avoir une véritable politique de l'habitation, parce qu'il y aura une dotation de ressources en conséquence, il appartiendra au gouvernement du Québec de décider s'il souhaite avoir ce type de partenariat avec une agence communautaire comme celle qui est proposée.
Je termine en disant que de tous les gouvernements provinciaux, c'est présentement le gouvernement du Québec qui a consenti non seulement des budgets pour l'entretien de logements coopératifs et de logements sociaux, mais le Québec est également la seule province qui a mis 40 millions de dollars pour le développement. En conclusion, c'est vous dire combien la réalité du mouvement coopératif a toujours eu un écho favorable au Québec et je souhaite qu'il en soit ainsi pour l'avenir.
[Traduction]
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Madame la Présidente, je félicite le député de Tobique—Mactaquac d'avoir présenté à la Chambre cette motion demandant au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la viabilité des coopératives de logement administrées par la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Les coopératives d'habitation jouent un rôle important. Elles permettent d'assurer aux gens de ma circonscription et de ce pays des logements à un prix abordable. Plus de 250 000 Canadiens sont membres de près de 2 200 coopératives de logement sans but lucratif réparties à travers le Canada. Les gens qui habitent des coopératives sont souvent plus satisfaits de leur logement que ceux qui louent en passant par le marché privé ou qui vivent dans d'autres types de logements sociaux.
Les taux de roulement sont environ la moitié de ceux du marché privé de la location. Environ un tiers des locataires disent qu'ils seraient prêts à déménager dans des coopératives de logement s'ils le pouvaient. Quarante mille ménages canadiens sont inscrits sur des listes d'attente. Les Canadiens qui habitent des coopératives en sont membres; ils ne sont pas locataires. Ils contrôlent leur propre logement au moyen d'un conseil d'administration élu.
La coopérative de logement est unique. Les coopératives sont les seuls logements subventionnés à habiliter les Canadiens ordinaires à gérer leur propre logement. Si les coopératives dépendent dans une certaine mesure de l'aide gouvernementale, elles brisent le cycle de la dépendance en permettant aux Canadiens qui ont besoin d'un logement à un prix abordable de contrôler leur vie. Les coûts d'exploitation sont inférieurs à ceux des autres logements subventionnés. Ils sont de 19 p. 100 inférieurs à ceux des logements municipaux ou privés sans but lucratif et de 71 p. 100 inférieurs à ceux des logements publics appartenant à l'État et gérés par lui.
Les coopératives de logement feraient une contribution importante même si elles n'étaient pas tellement meilleur marché par rapport à des formes comparables de logement subventionné par l'État, en ce sens qu'elles permettent à leurs membres d'apprendre à exploiter et à gérer une coopérative. On trouve, dans les coopératives, deux fois plus de familles monoparentales que dans la population en général et même plus.
On compte au Canada plus de 5 000 logements coopératifs où les Canadiens ayant un handicap ou des besoins spéciaux sont les bienvenus. On considère ces Canadiens comme des membres égaux et on attend d'eux une participation pleine et entière. Les coopératives insistent sur les capacités de chacun, plutôt que sur leurs handicaps.
La majorité des membres de coopératives sont des femmes, et 10 p. 100 de ces logements sont occupés par des femmes de plus de 55 ans. Les femmes collaborent pleinement et équitablement avec les administrateurs élus et le personnel. Près des deux tiers des logements coopératifs sont occupés par des familles avec enfants. Les coopératives aident les collectivités à réaliser un aménagement urbain intelligent et durable et à préserver le caractère historique des quartiers.
Toutes les coopératives jouent un rôle important dans notre pays, qu'ils s'agisse de coopératives de logement, de consommateurs, d'agriculteurs ou de services financiers. En fait, à une époque où les fusions font naître des méga-banques, je crois que les coopératives de services financiers joueront un rôle important en assurant un certain choix aux Canadiens.
Le phénomène des coopératives n'est peut-être nulle part plus important qu'en Colombie-Britannique. Dans les basses terres continentales de la Colombie-Britannique, c'est souvent impossible de trouver des logements à prix abordable. Même un logement modeste peut être extraordinairement cher. On compte près de 15 000 personnes sur les listes d'attente des coopératives d'habitation. Celles-ci jouent un rôle important. Elles comblent un besoin en offrant des logements à prix abordable aux familles, aux personnes âgées et aux ménages à revenu faible ou moyen. Je pense en particulier aux coopératives d'habitation de Steveston, dans ma circonscription, Delta—South Richmond.
Les coopératives sont adaptables et pleines de ressources. Elles chercheront à tenir compte adéquatement des changements raisonnables apportés à la politique gouvernementale. Toutefois, elles craignent pour leur existence. La politique actuelle du gouvernement, conçue pour confier la responsabilité des logements sociaux aux provinces, ne prévoit pas de protection pour les coopératives. Ce plan menace de faire disparaître une entreprise canadienne fructueuse unique en son genre, qui se développe depuis plus de 30 ans. Les membres des coopératives de tout le Canada sont très inquiets en pensant à cette proposition qui touchera 250 000 habitants répartis dans plus de 60 000 maisons et appartements coopératifs.
J'exhorte le gouvernement à changer d'orientation afin de trouver un mécanisme de protection du logement coopératif, dans son empressement à transférer ses responsabilités aux provinces. Le principe d'autogestion des coopératives, unique en son genre, risque de s'abîmer dans le transfert. Les coopératives sont plus qu'une simple forme de logement social. Au nombre des programmes de logements sociaux du gouvernement fédéral, les coopératives constituent le programme le moins coûteux, en raison de l'engagement et de la participation de leurs membres.
À l'avenir, les loyers des coopératives pourraient augmenter considérablement et les immeubles pourraient se dégrader en raison de la baisse du financement fédéral qui pourrait forcer les gouvernements provinciaux en difficulté financière à réduire leurs dépenses pour les logements sociaux. Les risques sont réels, parce que les accords de dévolution aux provinces ne protègent pas comme il faut les accords d'exploitation entre les coopératives et la SCHL, et parce que les dépenses du fédéral sont plafonnées aux niveaux de 1995-1996.
La dévolution est déjà intervenue en Saskatchewan. Le gouvernement de cette province propose des modifications qui, selon les coopératives, vont gravement réduire leur responsabilité et leur autorité en matière de budgets, de changements et de nombre de foyers subventionnés. Si les coopératives sont forcées d'accepter ces propositions, elles devront fonctionner davantage comme des logements sociaux.
Je suis impressionné par le travail effectué par la Fédération de l'habitation coopérative du Canada. Elle a proposé une autre solution non gouvernementale viable pour les coopératives de logements du pays. L'administration des programmes serait confiée à une société de gestion à but non lucratif, indépendante du gouvernement. Cette solution s'appuierait sur les décennies d'expérience et d'auto-gestion réussie et financièrement efficace du secteur coopératif.
Une dotation en personnel et une organisation rationalisées permettraient des économies considérables par rapport à la gestion gouvernementale, qu'elle soit fédérale ou provinciale. Les économies sont évaluées à au moins 2 millions par an pour la seule administration, plus 50 millions sur 20 ans dans les coûts des projets.
La proposition des coopératives, contrairement à la politique actuelle du gouvernement de transfert aux provinces, préserverait les clés du succès des logements coopératifs: le contrôle par les membres et la gestion décentralisée.
En Colombie-Britannique, les deux organisations coopératives appuient la proposition de l'organisation nationale de création d'une agence indépendante du gouvernement. De plus, je crois comprendre que la province appuie la position de nos coopératives et a écrit au gouvernement fédéral pour que les coopératives ne fassent plus partie des discussions sur les transferts. Le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu à ce besoin critique.
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Madame la Présidente, j'aimerais répondre à la motion portant sur le logement coopératif et la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Notre gouvernement comprend l'importance de logements de bonne qualité pour les Canadiens. Nous comprenons l'importance d'aider les Canadiens à satisfaire leurs besoins en matière de logement. Nous savons qu'un logement de bonne qualité, c'est bon pour la collectivité et pour le pays.
Notre gouvernement est déterminé à jouer un rôle moteur au chapitre du logement. Au nom du gouvernement canadien, notre organisme national chargé du logement, la SCHL, travaille en collaboration avec les provinces et les territoires, les offices de logement municipaux et les groupes à but non lucratif qui s'occupent de logements coopératifs, afin d'aider les Canadiens à faible revenu à acquérir un logement convenable et abordable. Nous finançons actuellement plus de 656 000 logements sociaux au pays, pour un montant annuel de 1,9 milliard de dollars.
Nous voulons que ces ressources soient utilisées à bon escient et viennent en aide aux Canadiens les plus démunis. Voilà pourquoi nous avons offert aux provinces et aux territoires la possibilité d'assurer la gestion des logements sociaux existants, à l'exception des logements dans les réserves indiennes. La décision de proposer le transfert de l'administration des ressources en habitation sociale aux gouvernements provinciaux et territoriaux a été prise en vue de clarifier les obligations de chacun dans un domaine où le gouvernement canadien et les provinces interviennent.
Cette initiative avait pour but d'éliminer les chevauchements, d'augmenter l'efficacité et d'offrir aux clients un guichet unique. Il est parfaitement raisonnable de n'avoir qu'un seul ordre de gouvernement qui s'occupe de l'administration des ressources en matière d'habitation sociale au pays. On pourra ainsi faire une utilisation maximale de l'argent des contribuables en rationalisant les arrangements existants et en donnant accès à un guichet unique.
À venir jusqu'à maintenant, on a conclu des ententes avec la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, les Territoires-du-Nord-Ouest et la Nouvelle-Écosse. Les négociations se poursuivent avec les autres gouvernements.
Les coopératives, comme tous les autres groupes de logements sociaux, sont visées par ce transfert de responsabilités aux provinces et aux territoires. J'aimerais préciser qu'il y a des parties des nouvelles ententes qui exigent que les provinces et les territoires assument toutes les responsabilités de la SCHL envers les organismes coopératifs et à but non lucratif et cela force les provinces et les territoires à respecter les droits des organismes coopératifs et à but non lucratif.
J'aimerais également souligner que les contrats d'exploitation actuels conclus avec des tierces parties, y compris des coopératives, continueront d'avoir force obligatoire et ne pourront être modifiés qu'avec le consentement mutuel de toutes les parties en cause. Les droits et obligations de la SCHL en vertu de ces contrats sont bien sûr couverts.
Le Gouvernement du Canada reconnaît que les sociétés de coopératives d'habitation et de logements à but non lucratif participent activement à la gestion de parties importantes du dossier du logement social financé par le fédéral. Ces groupes assurent également un lien important entre le gouvernement et les communautés qu'ils servent.
J'aimerais assurer à mes collègues que la SCHL s'est engagée à trouver des solutions qui permettront de restaurer la santé financière de tous les projets de logements sociaux, y compris les coopératives, dans toute la mesure du possible. Dans tous ces cas, la SCHL travaille de concert avec les groupes parrainant les projets et offre toute l'aide possible à ces projets.
De même, au cours de la dernière année, la SCHL a travaillé en collaboration avec la Fédération des coopératives d'habitation pour mettre sur pied des lignes directrices plus souples et rationnelles, dans le but de faciliter les réparations majeures ou les rénovations comme le remplacement d'une toiture par exemple. Laissez-moi vous assurer que le Gouvernement du Canada n'est pas du tout en train de se soustraire à ses responsabilités en ce qui a trait à l'appui financier qu'il s'est engagé à fournir aux Canadiens à faible revenu qui ont besoin de logement.>Au contraire, nous continuerons d'assumer nos importantes obligations financières au chapitre du logement social, ce qui, comme je l'ai déjà mentionné, nous coûte 1,9 milliards de dollars par année.
Ces nouvelles dispositions devraient grandement aider un nombre important de personnes. Les gens vivant dans des projets d'habitation profiteront bien davantage d'une gestion rationalisée. Les responsables de projets de logement social en profiteront, car ils ne traiteront dorénavant qu'avec un seul ordre de gouvernement, qui sera en mesure de mieux adapter les programmes aux besoins locaux et régionaux en matière de logement social.
Fondamentalement, les Canadiens vont profiter au maximum de la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cette nouvelle approche à l'égard de l'administration des ressources dans le domaine du logement social consiste à établir de solides partenariats et à travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans l'intérêt de tous les Canadiens. Il s'agit de rapprocher le gouvernement des collectivités et des gens dans tout le pays. Il est question de s'assurer que les deniers publics sont utilisés de la façon la plus efficiente possible, et c'est une bonne nouvelle pour tous les Canadiens.
Par l'entremise de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, notre gouvernement est responsable d'un certain nombre de programmes qui aident à s'assurer que les Canadiens sont parmi les mieux logés du monde. En plus de sa contribution importante dans le domaine du logement social, le gouvernement soutient également plusieurs initiatives à court terme conçues pour aider certains groupes à faire les réparations qui s'imposent à leurs maisons. Des programmes comme le Programme d'aide à la remise en état des logements, le Programme de réparations d'urgence et le programme Logements adaptés: aînés autonomes reflètent l'engagement du gouvernement de participer au plus grand nombre possible de projets de logement de qualité.
Le 30 janvier 1998, le gouvernement canadien a annoncé une prolongation de cinq ans de ces programmes au, coût de 250 millions de dollars. Ces programmes vont profiter à jusqu'à 40 000 foyers et créer des milliers de nouveaux emplois dans tout le pays.
Bien entendu, les familles et les particuliers qui profitent de ces programmes apprécient le rôle du gouvernement, à l'instar des partenaires dans le secteur du logement. Cependant, je suis heureux de mentionner l'intérêt et l'appui des gouvernements provinciaux et territoriaux. De plus, on a collaboré avec les municipalités.
La décision du gouvernement de dépenser 250 millions de dollars au cours des cinq prochaines années reflète l'engagement qu'il a pris de rendre les collectivités plus solides et plus sûres, d'offrir un fédéralisme souple grâce à des ententes fédérales-provinciales et de créer des emplois.
L'un des principaux objectifs de cette nouvelle affectation de crédits est d'améliorer la qualité du logement dans les quartiers de gens à faible revenu. Cette initiative combine une bonne politique sociale et une bonne politique économique. Elle montre également à quel point le fédéralisme souple peut fonctionner. À l'heure actuelle, un certain nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux contribuent de façon importante, au financement de ces programmes. Ils sont invités à continuer à le faire et certains ont déjà répondu positivement.
Je sais très bien que, en plus de dégager ces 250 millions de dollars, il faudra faire encore beaucoup dans les années à venir. Cette somme montre bien l'importance du logement pour le gouvernement. Elle démontre également que nous avons réussi à juguler le déficit. Nous avons toujours dit que les compressions financières n'étaient pas une fin mais un moyen d'arriver à un objectif. Nous avons voulu mettre de l'ordre dans les finances publiques afin de pouvoir prendre davantage de mesures dans l'intérêt des Canadiens.
Je tiens à affirmer que notre gouvernement reste déterminé à ce que les Canadiens demeurent le peuple le mieux logé du monde. Pour les Canadiens, un logement, c'est plus qu'un toit sur la tête, c'est un centre de vie. Le logement, au Canada, est une forme importante d'expression personnelle. C'est un élément crucial de la qualité de vie. Les logements sains sont la clé de l'édification de meilleures collectivités de même que la pierre angulaire d'une économie canadienne forte.
Il est très clair que le logement est un des éléments qui nous unissent. De Victoria jusqu'à St. John's, les Canadiens mettent leurs efforts en commun pour avoir l'assurance que tous ont un logement décent.
Qu'il soit bien clair que le gouvernement a l'intention de faire preuve de leadership en matière de logement et d'améliorer notre mode de vie grâce à de bons programmes de logement pour tous les Canadiens.
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Monsieur le Président, en parlant de logement, la plupart d'entre nous pensons à la maison que nous payons durant toute notre vie ou pendant 20 à 25 ans, au moins. Le droit au logement est un droit de la personne. On doit avoir un toit pour se protéger contre les éléments et pour élever sa famille. Pourtant, le logement devient inaccessible à un nombre grandissant de Canadiens à mesure que la pauvreté se répand au pays. À mesure que l'écart se creuse entre les nantis et les démunis, de plus en plus de gens n'auront pas de toit.
Le mouvement des coopératives de logement a accueilli ceux qui autrement n'auraient pas eu de toit et n'auraient pas pu posséder une maison. Depuis 25 ans, ce mouvement a été une solution au problème du logement.
Pendant plus d'un quart de siècle, le mouvement coopératif et le gouvernement du Canada ont travaillé comme partenaires pour créer le secteur canadien des coopératives de logement. La décision unilatérale du gouvernement fédéral de mettre fin à ce partenariat touchera plus de 60 000 unités de logement et un plus grand nombre encore de leurs occupants.
Aucun autre programme de logement n'a généré le fort sentiment d'appartenance qui caractérise les coopératives de logement. Plutôt que de mettre fin à un partenariat aussi précieux, le gouvernement fédéral devrait élaborer de nouveaux partenariats plus solides entre les Canadiens et leurs coopératives de logement. Ce serait une des rares façons d'aider les autochtones des villes. Il existe des coopératives de logement autochtones très solides dans des villes partout au Canada. Elles sont indispensables. Ce changement va compromettre le sentiment de propriété, d'appartenance et de stabilité que les coopératives de logement ont apporté aux personnes âgées, aux mères monoparentales et aux autochtones des villes partout au Canada.
Le plan fédéral de dévolution du secteur du logement menace l'avenir du mouvement coopératif de logement. La coopérative de logement contribue à atténuer la pauvreté, à hausser le niveau de vie et à développer un sens de la communauté. Le transfert des coopératives de logement aux gouvernements provinciaux et territoriaux menace la communauté coopérative stable et bien administrée que les Canadiens ont édifiée au fil des années et l'investissement que les Canadiens ont fait dans ce type unique de bon logement à prix abordable.
Il s'agit d'un type de logement social géré par ses membres qui forment un groupe diversifié sous l'angle du revenu, de la culture et de l'instruction. C'est un outil d'unité nationale en raison du fait que les coopératives de logement représentent des communautés à l'intérieur de communautés d'un bout à l'autre du Canada qui partagent les mêmes principes, les mêmes ententes de fonctionnement et les mêmes structures.
Le gouvernement fédéral doit reconnaître le caractère unique des coopératives de logement et la place qu'elles occupent dans le programme de logement social, et transférer ce secteur du portefeuille à la Fédération de l'habitation coopérative pour qu'elle s'en occupe selon le contrat qu'elle a toujours eu depuis 25 à 30 ans. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec le secteur national des coopératives de logement pour trouver un arrangement qui préservera les éléments fructueux de cette forme de logement.
Les coopératives de logement forment 10 p. 100 des logements subventionnés par le gouvernement fédéral. L'organisme à but non lucratif proposé par la Fédération de l'habitation coopérative du Canada se spécialisera dans la gestion du portefeuille de logements coopératifs. La division de ce portefeuille entre douze gouvernements différents laissera le secteur des coopératives de logement divisé et sans les liens à l'échelle du pays qui sont avantageux pour toutes les coopératives.
Les coopératives appartiennent à leurs habitants qui donnent bénévolement de leur temps à leur communauté. Leurs coûts de fonctionnement sont inférieurs de 19 p. 100 à ceux des sociétés municipales et privées de logement à but non lucratif et inférieurs de 71 p. 100 à ceux des sociétés de logement appartenant aux gouvernements fédéral et provinciaux. En 1992, la valeur du temps fourni gratuitement s'élevait entre 900 $ et 1 400 $ par ménage par année. Les coopératives sont comptables à leurs membres, les résidents. Elles ont donc intérêt à bien se gérer et à maintenir les coûts bas.
Le gouvernement fédéral a pris des mesures pour miner le maintien de la viabilité du mouvement coopératif canadien. La politique mise en oeuvre par le gouvernement libéral viole ses promesses électorales de 1993. En 1993, le ministre des Finances a écrit à la Fédération canadienne des municipalités, à la fédération des coopératives de logement, à la National Housing Coalition, aux partisans du logement coopératif sans but lucratif et à l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. Dans cette lettre, il dit: «Dans notre plate-forme est énoncé un plan pour le gouvernement à la fin des années 90. Si notre engagement envers le logement coopératif sans but lucratif n'y est pas exprimé en toutes lettres, je tiens à vous donner l'assurance que le gouvernement libéral est déterminé à fournir un financement stable et garanti au secteur du logement coopératif sans but lucratif.» Cet engagement n'a pas été rempli.
Il est clair que la promesse libérale en matière de logement social était comparable à la promesse de supprimer la TPS et que le gouvernement abandonne un million de ménages canadiens qui ont besoin d'un logement adéquat. Elle est comparable à l'abandon des victimes de l'hépatite C, des pêcheurs des côtes est et ouest, de notre régime d'assurance-maladie, de nos étudiants qui luttent pour s'instruire, du régime d'assurance-emploi et des chômeurs.
Les Canadiens ont besoin d'un logement. Le mouvement coopératif est prêt à s'en occuper et à fournir un logement à ceux qui en ont besoin, et nous devrions l'appuyer.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Madame la Présidente, nous n'avons pas souvent l'occasion de discuter à la Chambre des besoins en matière de logement. Je remercie donc le député conservateur d'avoir présenté cette motion qui nous permet au moins de discuter un peu d'un aspect fondamental et très important dans le quotidien de tous les Canadiens, c'est-à-dire le droit à un logement acceptable, sécuritaire et abordable.
À l'instar de ma collègue, la députée néo-démocrate du Yukon, je pense que chaque être humain a le droit de se loger convenablement. C'est un droit fondamental. Sans un logement acceptable et sécuritaire, on ne peut pas faire grand-chose, car c'est un aspect fort important.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les autres députés qui ont participé au débat sur cette motion et j'ai été très surprise et étonnée d'entendre des députés du parti ministériel dire à quel point le gouvernement a fait preuve de leadership dans ce dossier. Si le gouvernement fédéral a fait preuve d'autant de leadership en matière de logement, comment se fait-il qu'il ait abandonné le logement social en 1993?
Dans ma province, la Colombie-Britannique, si le gouvernement fédéral avait continué de financer et de développer le logement social, 8 000 unités de logement de plus auraient été construites depuis 1993. Dans ma circonscription, celle de Vancouver-Est, il y a de nombreux complexes d'habitation communautaires qui sont très bien aménagés et gérés, un grand nombre de projets de logement social et de coopératives d'habitation. À mon avis, on ne peut pas évaluer financièrement la stabilité que procurent localement les coopératives d'habitation et les projets de logement social. Ces coopératives et ces projets de logement social contribuent énormément à la stabilité au niveau local.
Dans ma circonscription, celle de Vancouver-Est, surtout dans un quartier comme l'est du centre ville où on dénombre encore 6 000 personnes qui habitent dans des taudis ou des chambres, le fait que le gouvernement fédéral ait refusé de financer les logements sociaux et de fournir des fonds pour des coopératives de logement, qui sont nombreuses dans Vancouver-Est, n'est qu'une preuve de plus que le gouvernement ne tient pas compte des priorités et des besoins réels des simples canadiens en matière de logement.
Dans la seule Colombie-Britannique, il y a environ 20 000 noms sur la liste d'attente des logements sociaux. Ma province est l'un des deux seules qui fournissent encore des logements sociaux, mais elle pourrait faire bien mieux si le gouvernement fédéral participait encore financièrement et était un partenaire déterminé dans le domaine des coopératives de logement.
La dévolution des pouvoirs en matière de logement a eu un effet catastrophique pour les pauvres et contribué à accentuer les inégalités au Canada et à creuser l'écart entre riches et pauvres.
Le gouvernement fédéral cède les compétences en matière de logement aux provinces, mais je pense que ce qui a été très intéressant, c'est que le mouvement des coopératives de logement a fait preuve de beaucoup d'initiative en signalant aux pouvoirs fédéraux et provinciaux qu'il voulait participer à l'autogestion, à l'administration et à l'entretien des ensembles de logement.
Quelle déception que le peu d'empressement du gouvernement fédéral devant cette initiative pourtant très constructive, qui est financièrement solide, socialement responsable, qui assurera la responsabilité et la gestion au niveau local en même temps que la présence de normes et de lignes directrices nationales, ce qui fait vraiment défaut, puisque le gouvernement fédéral a cédé le domaine du logement aux provinces. Nous demandons aujourd'hui au gouvernement fédéral, s'il parle sérieusement lorsqu'il dit faire preuve de leadership dans ce domaine, de dire clairement aux gouvernements provinciaux qu'il est disposé à négocier avec eux une option qui permettra à la Fédération de l'habitation coopérative de présenter sa proposition et de prévoir la gestion des coopératives d'habitation. Cette proposition reçoit un large appui dans ma province, la Colombie-Britannique, le gouvernement provincial l'envisage sérieusement et est disposé à l'examiner. Mais il faut que le gouvernement fédéral participe à cette négociation et dise qu'il s'engage à contribuer au succès de cette initiative de la fédération.
J'ai déjà reçu un grand nombre de messages et de cartes de mes électeurs qui ont la chance d'habiter dans des coopératives de logement. Ils m'écrivent, en tant que députée de leur localité, pour me dire qu'ils appuient la proposition du secteur des coopératives de mettre sur pied un organisme sans but lucratif chargé de gérer les coopératives de logement. J'ai reçu des cartes, par exemple, de la coopérative de Paloma, dans ma circonscription. Un de ses membres m'a écrit: «J'aime beaucoup ma coopérative, car, en tant que femme d'âge moyen qui vit seule, je me sens en toute sécurité, je peux fréquenter l'université, obtenir un diplôme et trouver un meilleur emploi.» Cet environnement stable, sûr, amical et protégé existe grâce aux coopératives de logement.
J'encourage le gouvernement à revoir sa position et à montrer qu'il comprend que le logement est un droit de la personne. J'estime qu'il doit revenir sur sa décision d'abandonner les logements sociaux. Il doit renégocier avec les provinces pour trouver une façon de s'assurer qu'il y a une participation provinciale mais, surtout, une participation fédérale, afin de veiller à ce qu'on développe davantage le logement social et le logement coopératif au Canada.
Le logement coopératif a, sans aucun doute, été une réussite, au Canada. Cependant, l'abandon de ce secteur par le gouvernement fédéral et le transfert des responsabilités dans le domaine du logement coopératif remettent maintenant en question cette réussite, dans une certaine mesure.
Nous sommes heureux d'avoir ce débat aujourd'hui. Il faut tenir davantage de débats sur le logement coopératif et le logement social. Je tiens à dire au gouvernement que, dans ma circonscription, Vancouver-Est, nous avons un besoin désespéré d'un plus grand nombre de coopératives, de projets de logement social. Nous avons des gens qui sont tout près d'être des sans-abri. Certaines personnes vivent dans la rue parce que le gouvernement fédéral a abandonné son rôle dans le domaine du logement social.
Je veux exhorter le gouvernement à réaffirmer son engagement de loger des gens, de fournir des fonds, de négocier avec les provinces et d'examiner sérieusement la proposition de la Fédération canadienne des coopératives d'habitation pour s'assurer que son projet est bel et bien viable.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je donne la parole au député de Tobique—Mactaquac. Son intervention mettra fin au débat.
M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Madame la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les députés réformistes, néo-démocrates et bloquistes d'avoir appuyé ma motion d'initiative parlementaire, car il s'agit d'une question très importante en ce qui concerne le logement coopératif.
Je souhaiterais pouvoir dire la même chose du secrétaire parlementaire, du côté ministériel. C'est vraiment typique. Lorsque nous avons un programme qui fonctionne bien, les libéraux veulent le détruire.
J'ai entendu ce que le secrétaire parlementaire disait. Je ne suis tout simplement pas d'accord. Je crois qu'il y aura des transferts de responsabilité en matière de logement social qui menaceront les coopératives. Nous prétendons qu'il y aura une perte de contrôle.
Je tiens à préciser cinq choses.
Premièrement, les contrats actuels ne sont pas protégés aux termes des nouvelles ententes sur le logement social. Deuxièmement, les provinces peuvent unilatéralement modifier les ententes. Troisièmement, les habitants des coopératives n'ont pas été consultés dans le cadre de ces ententes. Quatrièmement, les ententes ne protègent pas l'autonomie des coopératives. Cinquièmement, les coopératives peuvent être intégrées à d'autres programmes de logement social. J'ajouterais que, sixièmement, il y aura une perte de sécurité financière. point
Je veux signaler deux choses: premièrement, la contribution fédérale diminue alors que le financement actuel expire, et deuxièmement, les nouvelles ententes sur le logement social n'exigent pas que les provinces remplacent cet argent.
Une nouvelle agence sur le logement coopératif, qui sera indépendante, régionale et à but non lucratif, offrira au gouvernement fédéral un moyen abordable de protéger l'investissement public dans le logement coopératif et de s'assurer que les fonds publics affectés aux programmes coopératifs sont dépensés comme prévu et que les dépenses peuvent être justifiées.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): La période pour l'étude des Affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LA BOSNIE
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose:
Que cette Chambre note que le gouvernement du Canada a l'intention de renouveler sa participation à la Force de stabilisation (SFOR) de l'OTAN en Bosnie au-delà du 20 juin 1998, afin de maintenir un environnement sécuritaire pour la reconstruction et la réconciliation ainsi qu'une paix durable pour le peuple de la Bosnie-Herzégovine.
—Madame la Présidente, je suis heureux d'être à la Chambre ce soir pour prononcer, avec mon collègue, le ministre de la Défense, un discours sur ce débat informatif concernant le renouvellement de la participation du contingent canadien en Bosnie.
Je tiens tout d'abord à remercier les députés des comités des affaires étrangères et de la défense, qui se sont rendus en Bosnie pour faire leurs propres évaluations et jugements concernant les activités dans cette région. Je suis heureux de suivre non seulement leur recommandation d'approuver le renouvellement de la participation du contingent, mais j'endosse pleinement leur recommandation concernant la tenue d'un débat parlementaire. Ce soir, mon collègue et moi-même sommes très heureux de donner suite à cette recommandation.
Les conclusions du comité confirment tout à fait ce que j'ai pu constater moi-même il y a quelques semaines lorsque je me suis rendu en Bosnie. Des changements spectaculaires se sont produits dans la région. Durant ma première visite, on m'avait recommandé de porter tous les jours une veste pare-balles et un casque. Cette fois-ci, j'ai dû porter uniquement une veste pare-balles, ce qui m'apparaît comme une amélioration considérable.
Mais surtout, des changements politiques sont en train de se produire, en particulier dans la république de Srpska, où le nouveau gouvernement semble vouloir reconnaître les accords de Dayton et s'y conformer. Nous avons également pu observer des signes de reconstruction économique et constater, dans une certaine mesure, une réconciliation au sein de la population.
Le haut représentant des Nations Unies, M. Westendorp, a dit que la situation en Bosnie est passée de «critique» à «stable». La plupart des gens reconnaissent cependant qu'il faut continuer d'utiliser de l'équipement de vie, en l'occurrence la présence de la communauté internationale.
Je persiste à croire qu'il est indispensable de tenir compte de ce que nous avons réalisé pour déterminer notre ligne de conduite future et définir les priorités et objectifs à établir au cours des prochaines années, si nous voulons que les engagements pris par les Canadiens ces dernières années, sous l'autorité des Nations Unies et de l'OTAN, puissent porter fruit.
Ceci dit, je voudrais exprimer toute ma gratitude aux jeunes Canadiens—hommes et femmes—qui ont servi là-bas et je voudrais en particulier rendre hommage aux 13 membres des Forces canadiennes qui ont sacrifié leur vie au nom de l'engagement du Canada en Bosnie. Cela témoigne de la confiance que l'on peut faire aux Canadiens, en particulier aux membres de nos forces armées, pour s'acquitter du rôle honorable de maintenir la paix. Ils peuvent honorablement se vanter de l'avoir fait dans ce cas-ci.
Il est important, je pense, de faire remarquer que la situation a connu un tournant important ces quelques derniers douze mois.
Si j'avais dû faire un rapport à la Chambre à cette époque l'an dernier, je crois que j'aurais été un peu plus pessimiste quant à l'issue.
Durant les réunions que les ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont eues au printemps dernier sous les auspices de l'OTAN, le mandat a été renforcé. Le nouveau haut-représentant a clairement reçu instruction de prendre une position ferme et résolue pour faire en sorte que les choses se concrétisent, que les accords de Dayton deviennent une réalité.
Depuis, des élections municipales ont eu lieu et je crois bien qu'elles se sont bien déroulées. Les forces de police spéciales ont été maîtrisées. La prise de contrôle des antennes de télévision par les troupes d'escorte a, pour la première fois, permis une certaine liberté des médias, qui peuvent maintenant librement exprimer leurs points de vue. Des troupes de la SFOR ont été dépêchées pour protéger les sites d'enfouissement des victimes d'exécutions en masse et en assurer la sécurité afin que les responsables soient dûment traduits devant les tribunaux pour être jugés pour crimes de guerre.
Il est important, je pense, de reconnaître que cela a eu de grands avantages sur le plan mondial. Les pays commencent à coopérer. Quelque 34 pays font une contribution, ce qui est un exemple pour l'avenir.
Cela a donné à l'OTAN une nouvelle orientation et une nouvelle raison d'être. Cela a montré que les troupes elles-mêmes ne sont pas là uniquement à des fins traditionnelles de maintien de la paix, mais qu'elles participent aussi à toute une série d'activités.
Comme le ministre de la Défense le reconnaîtra à juste titre, non seulement les troupes assurent la sécurité essentielle à l'application des accords de Dayton, mais elles sont aussi un modèle de tolérance et de coopération.
Nos troupes aident à rebâtir les écoles avec des fonds de l'ACDI. Elles aident à faire preuve de fierté civique et d'engagement. Encore une fois, elles sont un facteur important qui permet de progresser vers une plus grande démocratie. Elles montrent que le personnel militaire n'est pas seulement utile dans les situations de conflit et de confrontation mais qu'il peut également servir à la consolidation de la paix.
La Force de stabilisation témoigne du fait que la communauté internationale est prête à intervenir et à fournir un certain niveau de responsabilité. Dans le cadre de nos engagements au sein de la SFOR, nous jouons également un rôle permanent qui est crucial et qui permet d'assurer le maintien d'une certaine stabilité alors que nous nous tournons vers d'autres points chauds dans le secteur.
J'ai effectué une visite de la région du Kosovo et de la Macédoine au cours de mon passage dans les Balkans. Encore une fois, le fait que des casques bleus, dont des Canadiens, sont à la frontière de la Macédoine constitue un moyen de dissuasion important face à la propagation des conflits dans ce secteur. La capacité de la communauté internationale d'intervenir dans le but de prévenir des conflits au lieu de simplement tenter de les résoudre est un bon exemple de ce que nous pouvons faire.
Toutefois, je crois qu'il est important de noter qu'il y a des leçons à tirer de tout cela. Comme on le dit dans les rapports des comités, on en tire des leçons chaque jour qui passe.
Les tâches qui nous attendent sont peut-être les plus difficiles de toutes. Tout ceux que croient que le travail est à peu près terminé ne devraient pas oublier qu'il reste de très importantes tâches à accomplir avant de pouvoir mettre un point final au travail entrepris au moment de la signature des accords de Dayton.
La première et probablement la plus importante de ces tâches est la création d'une atmosphère et d'un niveau de contrôle propices au retour des réfugiés. En effet, il reste toujours des centaines de milliers de personnes qui ont été déplacées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Sans la sécurité assurée par la SFOR, les réfugiés ne pourraient pas retourner chez eux.
Deuxièmement, il reste des problèmes très délicats. Il est essentiel de régler le problème principal, autour de Brcko, en Bosnie, si l'on veut parvenir à réconcilier les différentes factions de la région.
Il est important de maintenir une présence permanente pour que les élections générales qui auront lieu plus tard cette année ne soient pas perturbées ou influencées par ceux qui veulent l'échec des accords de Dayton.
Il est important aussi que l'on maintienne la pression sur les criminels de guerre. Ce qui est intéressant actuellement, c'est que les criminels de guerre inculpés sont en train de se constituer prisonniers, parce qu'ils se rendent compte qu'ils n'ont pas le choix.
À cause de la présence de la SFOR, l'influence et le contrôle de Karadzic baissent régulièrement. Ils ont adopté la notion canadienne de resserrement de la zone de responsabilité et de contrôle, ce qui fait que les criminels de guerre se rendent volontairement aux tribunaux.
Enfin, en ce qui concerne l'avenir, je voudrais mentionner le rôle important que nos forces jouent dans l'initiative canadienne concernant les mines terrestres en Bosnie.
Avec l'accord de mes collègues, le ministre de la Défense nationale et le ministre de la Coopération internationale, nous avons annoncé il y a un mois une initiative de déminage de 10 millions de dollars en Bosnie. Cela permettra une collaboration des militaires, des civils, des ONG et de l'ONU pour procéder à un déminage humanitaire qui s'ajoutera à celui que font les troupes bosniaques elles-mêmes, et fournira aussi de nouvelles terres et de nouvelles possibilités pour les réfugiées qui reviennent. Notre participation permet de réaliser des objectifs multiples. Une fois de plus, dans tous ces domaines, la présence de nos troupes est cruciale.
Avant de laisser la parole à mon collègue, je voudrais souligner l'importance de notre présence, en partie en tant que membre d'une vaste coalition, et en partie comme moyen de démontrer à la communauté internationale que les valeurs, les capacités et les compétences de nos troupes assurent une assistance réelle.
Pour ce qui est de la paix, les seuls à pouvoir réellement résoudre la question de la Bosnie, ce sont les Bosniaques eux-mêmes, mais ils continueront à avoir besoin d'aide. C'est pourquoi nous recommandons à la Chambre qu'elle accepte et accorde une extension de notre mandat.
Sur la foi du débat exploratoire de ce soir, le premier ministre, mon collègue et moi pourrons prendre une décision au sujet de notre contribution future.
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de me joindre à mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, pour amorcer cette discussion, ce soir, au sujet de l'avenir des militaires canadiens participant à la SFOR, ou Force de stabilisation de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.
J'ai constaté de visu la situation de la Bosnie. J'ai visité la région l'automne dernier. J'ai pu constater de mes yeux l'état de destruction et de dévastation causé par six années de guerre. J'ai vu à quel point c'est horrible de vivre dans un lieu parsemé de près d'un million de mines antipersonnel. J'ai appris à quel point les hommes et les femmes des Forces canadiennes travaillent fort pour aider à reconstruire ce pays. J'ai dormi au camp Holpina, du nom d'un soldat canadien tué par une de ces mines. J'ai discuté avec nos militaires pour savoir comment ils allaient. J'étais très fier d'être Canadien en écoutant ces jeunes gens remarquables m'expliquer ce qu'ils faisaient pour aider les gens de Bosnie et de Herzégovine à refaire leur vie.
Depuis ma visite dans ce pays, j'ai rencontré plusieurs de mes homologues de l'OTAN. Je puis vous dire que tous pensent de la même façon au sujet du maintien des services en Bosnie. La SFOR existe grâce à un effort multilatéral. Il en a toujours été ainsi et cela doit continuer. Nous avons tous vu les avantages qu'il y a à nous unir pour ce genre de mission. Nous savons que cela reste important de nos jours, comme ce fut le cas par le passé.
[Français]
Les nombreuses contributions du Canada à la paix en ex-Yougoslavie sont la preuve que cette tradition se porte bien.
[Traduction]
Le Canada a joué un rôle actif dans cette région depuis le début de la guerre, en 1991. Nous avons d'abord participé à la Mission multinationale d'observation de la Communauté européenne en Yougoslavie et à la FORPRONU, de 1992 à 1995, parce que les Canadiens ne pouvaient pas assister impassibles à de tels actes de destruction. Nous ne pouvions pas rester à rien faire quand des crimes étaient commis contre l'humanité.
C'est grâce à notre contribution, avec nos alliés, à la Force de mise en oeuvre du plan de paix, dirigée par l'OTAN, puis à la SFOR, qu'on a réalisé tellement de choses et que ça continue. La SFOR a contribué à éviter les troubles lors des élections municipales, notamment.
La SFOR a soutenu activement le Groupe international de police, sous l'égide de l'ONU, pour assurer la réorganisation de la police civile, ce qui a permis d'améliorer grandement la liberté de mouvement.
La SFOR a collaboré activement avec les forces armées locales pour les encourager à accroître leurs efforts de déminage. C'est ainsi que 20 000 mines ont été enlevées l'année dernière sous la surveillance de la SFOR.
De plus, la SFOR a participé à l'opération Harvest, un programme d'amnistie qui visait à réduire la possession privée d'armes et de munitions illégales. L'opération a eu lieu ce printemps. Le Groupe de combat canadien a joué un rôle vital dans cet exercice de récupération.
Bien des progrès ont été faits, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche. On observe encore des poches de violence dans des villes comme Drvar où nous avons vu que le retour des personnes déplacées peut provoquer des troubles.
Étant donné que le mandat de 18 mois de la SFOR se termine en juin, le moment est venu de faire le bilan de notre participation et de pourvoir au maintien d'une présence militaire internationale.
La situation est actuellement assez stable pour que l'on puisse accorder un peu plus d'importance à la reprise économique, au déminage, aux élections générales qui auront lieu en septembre 1998, à la réforme de la police, au retour de personnes déplacées et à l'établissement des institutions habituelles. Toutefois, à l'instar de nos alliés, nous croyons que tant que les nombreux éléments du processus de rétablissement de la paix n'auront pas été mis en place, seul l'environnement sûr que garantit la SFOR permettra la poursuite des efforts de reconstruction prévus dans les accords de Dayton.
Pour ce faire, il nous faut maintenir notre engagement militaire à son niveau actuel. Le Canada compte en ce moment plus de 1 200 soldats dans la région. Pour que notre contribution soit un tant soit peu significative, nous devons déployer un contingent apte au combat qui soit à peu de la même taille que l'actuel. Ces troupes participeraient au renouveau de la force multinationale en prévenant les hostilités, en stabilisant le processus de paix, bref, en favorisant un environnement sûr et, donc, propice à la mise en place des réformes dont je viens de parler.
Nos alliés estiment qu'un reconduction de la mission de la SFOR, après juin, s'impose. Nous ne sommes pas seuls dans cette entreprise. Nous oeuvrons dans un contexte multilatéral. Nous croyons qu'il est encore de notre devoir de faciliter le retour des réfugiés dans les régions où vivent les minorités, de contribuer à l'installation des gouvernements locaux et d'aider à intensifier l'opération de déminage.
[Français]
Nos alliés sont aussi de l'avis que toute contribution militaire doit avoir des objectifs clairs afin de surveiller le progrès.
[Traduction]
Il devrait y avoir un mandat précis et une disposition prévoyant un examen régulier. C'est pourquoi le renouvellement du mandat des troupes canadiennes n'est possible que s'il existe une stratégie de transition permettant d'évaluer réellement et fréquemment le progrès réalisé, pour que notre attention reste constamment centrée sur la tâche à accomplir et pour que nous puissions déterminer la meilleure façon d'atteindre nos objectifs. Une fois ces objectifs atteints, nous pourrons nous retirer avec le sentiment d'avoir contribué à apporter une paix durable dans une région troublée.
Certains peuvent demander si nous ne préparons pas une autre guerre de Chypre en ne fixant pas une échéance. Mais la situation est différente. En Bosnie-Herzégovine, il y a un plan de paix que toutes les parties ont accepté. Néanmoins, nous devons supposer qu'il faudra quelques années pour résoudre le problème. Nous ne pouvons nous retirer simplement et, pendant un certain temps du moins, les forces de l'OTAN devront rester en place.
Ma visite en Bosnie m'a donné de nombreuses convictions, dont celle que notre travail là-bas est essentiel. Nos soldats font vraiment une différence dans la vie quotidienne de la population. Ils sont fiers de représenter le Canada dans le cadre de cette initiative internationale.
J'ai aussi été convaincu que la participation canadienne à la SFOR est une composante essentielle de cette opération multilatérale de l'OTAN. J'ai aussi acquis la conviction qu'il reste encore beaucoup à faire et que le Canada doit participer à l'effort à fournir.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de nouveau de la Bosnie. Cette occasion semble se présenter tous les six mois.
Les Canadiens se posent beaucoup de questions au sujet de notre présence en Bosnie. Partout où je vais, les gens me demandent d'expliquer pourquoi nous devrions y être présents. Ils posent des questions à propos de l'histoire de la Bosnie. Ils demandent s'il s'agit d'une guerre civile, depuis combien de temps dure ce conflit, quelle y est réellement la situation et quel genre de gens sont ses habitants. Ils méritent des réponses à certaines de ces questions.
Comme les deux ministres qui viennent d'intervenir, j'y suis allé moi aussi. Je me suis rendu sur le terrain, j'ai visité les gens et pris des photos. J'ai changé d'avis plusieurs fois à cause de ce que j'y ai vu personnellement. Le débat donne l'occasion d'exprimer mon point de vue et de le faire officiellement. Je profiterai de l'occasion pour répondre à certaines de ces questions.
Le conflit dure depuis longtemps. Si nous remontions à l'époque des Romains, nous verrions qu'on se battait dans la région. Si nous remontions à l'époque de l'Empire ottoman, nous verrions qu'on se battait toujours dans la région. Nous pourrions parler de l'intervention de très nombreux pays, dont la Russie, l'Allemagne, la Grèce, la France et la Grande-Bretagne. Beaucoup de pays ont participé à l'histoire de la région. L'histoire s'y est jouée. L'assassinat de l'archiduc Ferdinand a déclenché la Première Guerre mondiale. Nous pourrions parler de l'occupation nazie, puis passer au régime de Tito, qui a dirigé le pays jusqu'à sa mort en 1980.
Nous en arrivons ensuite à l'histoire actuelle et à 1991. Deux des éléments les plus puissants de la Yougoslavie, que Tito avant auparavant réussi à garder unie, ont choisi l'indépendance. Lorsque la Croatie et la Slovénie ont décidé de se séparer, cela marqua le début des problèmes modernes, qui pourraient arriver dans notre partie du monde.
Il y a de l'histoire là-bas, une histoire d'agitation et de trouble. À ce stade, le Canada a également offert sa participation, d'abord au sein des forces onusiennes. Le Canada a été l'un des premiers pays à participer. Comme les autres, je dirais que je n'ai vu que dévouement et excellence chez les Canadiens qui ont travaillé auprès des habitants de Bosnie-Herzégovine. J'étais fier d'être Canadien et de voir le drapeau du Canada, surtout sur les chars d'assaut, lorsqu'ils apparaissaient au détour de la route.
Cela m'a rempli de fierté en tant que Canadien. J'ai été encore plus fier de m'entretenir avec certains de nos soldats. Ils m'ont parlé des petits enfants qu'ils avaient aidés, des écoles qu'ils avaient reconstruites et ainsi de suite. C'était réel. On pouvait vraiment ressentir, toucher et constater tout cela.
Beaucoup de gens pensaient à ce moment-là que le Kosovo allait être la prochaine zone à être mise à feu et à sang, mais c'est plutôt en Bosnie que les troubles ont surgi.
L'accord de Dayton de 1995 était censé mettre fin au conflit. Lorsque je suis allé là-bas comme observateur des élections, sur le terrain, en septembre dernier, j'ai eu l'occasion de voir comment fonctionnerait l'accord de Dayton. J'utiliserai ma province à titre d'exemple.
Pendant la guerre, c'était comme si tous les habitants de Red Deer avaient été transportés à Saskatoon. Puis l'accord de Dayton a été signé et on a dit aux gens de Saskatoon que, puisqu'ils habitaient à Red Deer en 1991, ils allaient devoir voter aux élections municipales à Red Deer. Mais ils habitaient maintenant à Saskatoon. Des gens de différentes ethnies et religions habitaient désormais à Saskatoon, mais ils devaient voter aux élections municipales de Red Deer. À cause des problèmes que je viens de vous relater, certains habitants de Saskatoon ont décidé de retourner à Red Deer. C'est là d'où vient le problème.
Comment cela peut-il déboucher sur la paix? Le conflit est permanent, car les gens qui ont élaboré l'accord de Dayton se trouvaient à Dayton, en Ohio, et n'ont pas pris en considération les diverses sensibilités, religions ou ethnies qui existaient là-bas.
Oui, ils sont tous d'origine slave, mais ils appartiennent à trois traditions religieuses, musulmane, orthodoxe et catholique. Ce sont là de grandes différences auxquelles ils sont très attachés, avec beaucoup de passion. À Drvar, on peut comprendre pourquoi les Croates ont attaqué les Serbes qui rentraient chez eux. Cela va continuer indéfiniment.
Je voulais savoir ce qui se passe vraiment dans ce pays. J'ai donc engagé un interprète et loué une voiture, et j'ai visité la Bosnie. J'ai visité des écoles, des mosquées, des églises, des salles communautaires. J'ai discuté avec des agriculteurs. Je suis allé dans les bars, partout où se trouvaient les gens, et j'ai discuté avec eux.
L'un des moments probablement les plus émouvants pour moi a été ma rencontre avec un groupe d'enfants de dix ou onze ans. Je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de leur pays. J'ai des pages de témoignages, mais je crois que quelques observations suffiront. Elles sont très éloquentes. Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants de dix ou onze ans.
Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas se détendre et courir librement parce qu'il y avait des mines partout. Voilà ce qu'est devenue la Bosnie-Herzégovine. Des mines partout. Nous en avons trouvé dans des boîtes de Coke dont le fond avait été retiré et qui avaient une mine plastique à l'intérieur. Elles étaient sur une table de pique-nique, placées pour que quelqu'un les prenne et déclenche l'explosion. Il y en a dans des épis de maïs et sur le bas-côté des routes. Il y en a des millions partout. Imaginez la vie dans un cadre pareil.
«Lorsque je vois un ami à qui il manque une jambe ou une main, cela me fait mal au coeur.» «J'ai hâte de grandir.» «Tout à coup, il y a eu de la chaleur. Ma soeur est tombée sur moi. Quelque chose a explosé. Il y a eu de la fumée et des cris. Des flots de sang. J'ai vu mes parents morts. Je les ai appelés, mais ils ne répondaient pas. Lorsque j'ai voulu boire de l'eau, j'ai vu une tête sans corps. Depuis ce jour-là, moi et ma soeur nous avons du mal à dormir la nuit.» Voilà ce que vivent les enfants en Bosnie-Herzégovine.
Et le reste des gens? Ils sont instruits. Ce sont des gens qui paraissent bien, qui sont aimables. Ils s'inquiètent de leur famille, de l'école, des études, des mêmes choses que nous, mais il y a quelque chose de différent. Ce quelque chose, c'est un sens de l'histoire et un degré de haine que je n'avais jamais vus jusqu'ici.
Il arrivait, lorsque je discutais avec les gens, qu'ils me parlent d'une guerre et me la décrivent comme si elle avait eu lieu la veille. Quelqu'un m'a parlé d'une guerre qui s'est déroulée en fait en 1536, lorsque les Ottomans étaient là. Une autre personne m'a parlé de l'arrivée des Nazis en 1943. C'est comme si c'était arrivé hier, et c'est pourquoi ils haïssent leurs voisins. C'est parce que ces derniers ont participé à cela. Ils ressassent sans cesse ces événements et tous s'en souviennent comme si c'était arrivé hier. Ils sont handicapés par leur histoire.
Je n'oublierai jamais cette petite vieille qui était partie chercher un pain. Je lui ai demandé si je pouvais la photographier parce qu'elle avait un beau visage. Ses traits étaient tirés et je pensais à ce qu'elle avait vu. Elle a dit qu'elle devait retourner à la maison et se changer pour que je puisse la prendre en photo avec un pain. J'ai réussi à la convaincre de prendre sa photo sans qu'elle change de robe.
Je n'oublierai jamais ce vieillard qui, dans un bureau de scrutin, m'a demandé si je venais du Canada. J'ai dit oui. Il m'a demandé si je savais comment faire du slivovitz. C'est de l'eau-de-vie de prune. Venez dans ma cave, je vais vous montrer. Il était si fier. Son eau-de-vie était la meilleure du quartier. On m'a aussi conseillé de ne pas en boire, sous peine de devenir aveugle. C'était un type vrai. Il était fier de cela. Ce type-là était vrai, et on pouvait se demander pourquoi tant de haine. Ces gens-là ont des émotions, ils sont beaux.
À la campagne, c'était la même chose. C'est comme la Suisse. Le seul problème, c'est qu'il y a des mines partout. En parcourant les vallées, on voit partout des maisons détruites, des champs minés, des fossés transformés en tombes. On n'entend pas d'oiseaux chanter dans les champs. Pour quelqu'un qui n'a pas connu la guerre, ce fut toute une expérience que d'en observer de première main les effets en compagnie d'un chauffeur et d'un traducteur.
Devrions-nous rester en Bosnie-Herzégovine? Plusieurs options s'offrent à nous. Partir en est une. Nous pourrions simplement retirer nos militaires parce que le conflit perdure, parce qu'il ressemble à celui de Chypre et qu'il pourrait durer éternellement. Qu'arriverait-il si nous agissions ainsi? J'ai l'impression que si nous retirions nos militaires à midi, à midi trente, la guerre repartirait de plus belle.
Qu'est-ce que cela signifie? Le conflit risquerait de dégénérer. Les Turcs ne sont pas prêts à voir mourir des musulmans. Les Russes ne sont pas prêts à voir mourir des Serbes. Les Allemands ne sont pas prêts à voir mourir des Croates. Il y a aussi les Albanais, les Grecs et les Macédoniens, et la liste de ceux auxquels le conflit pourrait s'étendre dans cette région est longue. Le même exemple vaut pour le Kosovo. Que fera la Grèce? Que fera la Turquie? Il y a tellement de peuples en cause.
Par ailleurs, si nous retirons nos militaires, qu'adviendra-t-il du facteur CNN? Que dire des êtres que nous verrions alors se faire tuer à la télévision? Sommes-nous prêts à cela?
Ce sont des questions compliquées. Ce sont des questions auxquelles nous devons répondre pour prendre une décision.
Nous pourrions aussi diviser le pays en trois parties et déterminer que les Serbes, les Croates et les Bosniaques seraient à tel ou tel endroit. Je pense que c'est ce qui s'appelle de la purification ethnique, mais je ne trouve pas cela acceptable, ni même faisable. Nous ne sommes certainement pas prêts à envisager cette solution.
La troisième solution est une mesure à court terme que je trouve typiquement libérale; elle consiste à simplement prolonger notre mandat sans vraiment proposer de solution. C'est comme dire que l'on a réglé le problème financier même si l'on a une dette de 583 milliards de dollars. C'est comme dire que tout est réglé parce qu'on a équilibré le budget.
Mon collègue va parler de la soutenabilité et des coûts pour nos troupes.
Je vais parler ce soir d'une quatrième solution, et j'espère que le ministre aura le temps de se pencher sur celle-ci. Cette solution consisterait à ce que nous fassions preuve de leadership dans l'élaboration d'une solution, d'un plan à long terme. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Je ne sais pas comment devrait se dérouler le retour des réfugiés ou le traitement des criminels de guerre, mais nous devons trouver une solution qu'il ne faudra pas réexaminer tous les six mois. Je me rappelle que j'étais dans un des couloirs de la Chambre lorsque l'ex-ministre de la Défense a dit que nos militaires ne seraient plus en Bosnie à Noël, qu'il était impossible qu'ils y soient toujours après Noël. C'était en 1996.
Nous devons voir plus grand. Nous devons parler des coûts, des mandats, de la responsabilité, de la durée du séjour, d'un plan. J'aimerais que le gouvernement fasse preuve d'initiative à cet égard, qu'il fasse une certaine planification, qu'il propose pour résoudre un problème comme celui-là une solution qui durera plus de six mois.
Je ne peux pas prendre la parole pour dire que nous ne devons pas rester là-bas. Je peux maintenant associer un visage à la Bosnie-Herzégovine. Je vois là un peuple dont nous nous soucions. Je vois là ce petit homme et son slivovitz. Je vois là des écoliers. Cependant, nous ne pouvons pas simplement espérer que l'accord de Dayton fasse tout. Cet accord n'est pas la réponse et j'ai expliqué brièvement pourquoi.
Finalement, je dirai que j'étais peut-être naïf en venant prendre part au débat exploratoire. Un des premiers discours que j'ai prononcés à la Chambre portait sur la Bosnie-Herzégovine. J'avais travaillé fort pour préparer ce discours, car que je croyais avoir véritablement un mot à dire dans les décisions.
Cependant, le ministre de la Défense a annoncé hier que nous resterons là-bas encore au moins six mois. C'est déjà dans les médias. On n'informe personne de quoi que ce soit ici. Je crois que le grand nombre de personnes présentes témoigne de l'intérêt réel que suscite le débat exploratoire. Nous sommes ici pour que, dans une semaine, le gouvernement puisse dire que nous avons eu un débat approfondi sur la Bosnie où tous les partis ont pu exprimer leur opinion et où nous sommes arrivés à une décision selon une procédure tout à fait démocratique.
Peut-être ce soir n'est pas tout à fait le soir idéal pour parler de démocratie après que nous ayons vu un garçon de 15 ans emmené par nos gardes. J'espère qu'ils ne le mèneront pas en prison. Nous avons eu le vote sur la motion concernant les victimes de l'hépatite C. J'ai un peu l'impression d'agir en hypocrite devant les Canadiens lorsque je dis que je suis ici pour tenter d'apporter quelque chose à la Bosnie-Herzégovine. Je veux aider la population de la Bosnie-Herzégovine. Comment pouvons-nous amener un gouvernement qui ne veut pas de notre avis à nous écouter? J'imagine que je plaide ici pour la démocratisation du Canada. Ce serait nécessaire.
Ce genre de procédure m'écoeure. Il est vrai que mon opinion sera dans le compte rendu, mais j'aimerais bien que le ministre entende ou lise ce que j'ai à dire.
En conclusion, je dirai qu'il nous faut élaborer un plan. Il nous faut parler de l'ensemble de la situation. Ne nous contentons pas de faire ce qui soulage notre conscience. Faisons preuve de leadership et prenons part au processus décisionnel. Parlons du coût en vies humaines et en souffrances. Faisons réellement quelque chose pour la population de la Bosnie-Herzégovine.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Madame la Présidente, j'ai le plaisir, ce soir, de prendre la parole, au nom du Bloc québécois, sur la motion relative au renouvellement de la force de stabilisation de l'OTAN en Bosnie.
J'ai aussi le plaisir d'informer la Chambre, dès le début de ma présentation, que le Bloc québécois appuie cette motion et qu'il est en conséquence d'accord avec l'intention du gouvernement du Canada de renouveler la participation de celui-ci à la SFOR au-delà du 20 juin 1998.
Cette proposition de renouvellement survient d'ailleurs après un premier renouvellement du mandat des forces canadiennes en Bosnie qui a été fait en novembre et décembre derniers. Ce premier renouvellement avait été appuyé par les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du Comité de la défense nationale dont certains membres, dont j'étais d'ailleurs, ont pu se rendre en Bosnie-Herzégovine, l'automne dernier, afin d'évaluer la situation dans ce pays.
Cette visite nous a permis de constater la fragilité, voire la précarité d'un processus de consolidation de la paix auquel contribue non seulement du personnel militaire des pays membres de l'OTAN et du Partenariat pour la paix de l'OSCE, mais également, il faut le rappeler, du personnel civil et policier de nombreux États membres de la communauté internationale.
Les événements survenus il y a quelques jours à peine, le 24 avril 1998 en définitive, démontrent cette fragilité, puisqu'au nord de la Bosnie, dans les municipalités de Derventa et de Drvar, des tensions entre les populations serbe et croate ont donné lieu à une flambée de violence, des échanges et des altercations entre gens de diverses nationalités en Bosnie-Herzégovine.
Des soldats canadiens ont d'ailleurs été appelés à intervenir pour mettre fin à un affrontement à Drvar après que des Croates de Bosnie aient mis feu à des bâtiments et attaqué des véhicules des Nations unies, répondant en cela à des menaces qui avaient été portées à la vie d'un évêque croate ailleurs dans ce pays.
Ainsi, le maintien d'une présence de la communauté internationale s'avère essentielle pour assurer cet environnement sécuritaire dont il est fait état dans la motion dont est saisie cette Chambre. Cet environnement sécuritaire doit être d'autant plus préservé qu'il est nécessaire pour que les efforts de reconstruction et de réconciliation qui sont au coeur des accords de Dayton prennent enfin forme.
La présence de la SFOR contribuera ainsi au maintien d'un climat sûr pour les activités civiles en cours et notamment pour les opérations de reconstruction sociale et économique identifiées dans le plan triennal tel que défini par la Banque mondiale et la Communauté européenne, auxquelles participent des instructeurs en déminage du ministère de la Défense nationale du Canada.
Les activités civiles de consolidation de la démocratie placées, elles, sous l'égide principale de l'OSCE, de promotion et de formation en matière de droits de la personne, de soutien aux réfugiés et aux personnes déplacées qui sont si nombreuses en Bosnie-Herzégovine, ne pourraient, de l'avis du Bloc québécois, se poursuivre sans une présence continue de la SFOR. C'est une force qui tend également à créer des conditions qui permettent aux autres intervenants de la communauté internationale présents en Bosnie-Herzégovine d'exercer leurs activités en toute sécurité, qu'il s'agisse par exemple de la force policière internationale instituée par le Conseil de sécurité de l'ONU, le CICR, l'UNICEF, le Haut-Commissariat pour les réfugiés ou de multiples organisations non gouvernementales, dont CARE Canada dont on a pu constater l'importance des travaux de soutien aux Bosniaques, qui complètent aussi, quant à elles, de façon exemplaire le travail des organisations intergouvernementales en Bosnie.
Pour le Bloc québécois, la reconduction du mandat de la SFOR en Bosnie-Herzégovine devrait également se traduire par un soutien accru au Tribunal pénal international, par un soutien plus significatif à cette juridiction internationale qui joue un rôle fondamental dans les suites du conflit en Bosnie-Herzégovine. Nous croyons que les militaires de la SFOR, et notamment les militaires canadiens dont je salue ici le dévouement, devraient recevoir le mandat de jouer un rôle plus actif en la matière et ne devraient pas hésiter à procéder à l'arrestation des personnes accusées de crime et pour lesquelles la procureure générale du Tribunal, Me Louise Arbour, a fait émettre des mandats d'arrestation.
L'attitude frileuse du premier ministre du Canada sur cette question, qui résulte de certains commentaires qu'il a faits, sans parler de celle de son gouvernement, du gouvernement qui n'a d'ailleurs même pas encore déposé en cette Chambre le projet de loi visant à modifier le Code criminel pour assurer la collaboration la plus entière du Canada aux travaux du Tribunal pénal international, cette attitude frileuse n'est pas acceptable.
Le Bloc québécois exhorte le gouvernement à rectifier son tir et à soutenir, plus qu'il ne l'a fait jusqu'à présent, le Tribunal dans ses efforts pour traduire en justice des personnes présumées avoir commis les pires crimes, des crimes internationaux, qu'il s'agisse de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, ou pire encore, de crimes de génocide.
Il est opportun de se rappeler, dans le cadre des crimes de génocide, qu'on célébrera cette année, en 1998, non seulement l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais aussi le 50e anniversaire de l'adoption de la Convention sur la prévention et la punition du crime de génocide que certaines personnes en Bosnie-Herzégovine ont violé, comme le Tribunal pénal international sera appelé à le juger, s'il peut en effet traduire en justice les personnes accusées de tels crimes par le Tribunal.
Le renouvellement du mandat de la SFOR est d'ailleurs important aussi, peut-être davantage encore, en ce qu'il enverra un message à ceux et celles qui, dans la région des Balkans, pourraient être tentés de récidiver et de menacer à nouveau la paix et la sécurité internationale dans la région.
Je fais allusion aux tensions dans la région du Kosovo, de telles tensions étant exacerbées par le refus de la République de Yougoslavie d'entretenir un véritable dialogue avec les Albanais du Kosovo et de donner suite à la proposition de médiation formulée par la communauté internationale. Les tensions ne favorisent guère le retrait des troupes de la SFOR en Bosnie, et au contraire, militent en faveur de leur maintien.
La communauté internationale devrait d'ailleurs envisager la possibilité d'instituer une force analogue au Kosovo, si la situation dans cette partie des Balkans continue de se détériorer; les affrontements y ont déjà fait au moins 23 morts, la semaine dernière, et les tensions transfrontalières se multiplient.
La présence de la SFOR est donc aujourd'hui plus nécessaire que jamais, comme était nécessaire l'envoi d'une troupe d'interposition en Bosnie-Herzégovine, il y a quelques années, lorsque l'ONU créait la FORPRONU et lorsque la FORPRONU était remplacée par l'IFOR, qui est le prédécesseur de la SFOR dont on veut renouveler aujourd'hui le mandat.
Certains ont reproché alors au Canada d'avoir tardé à agir. Que le Canada ne répète pas aujourd'hui l'erreur de ne pas agir et de faire agir la communauté internationale de façon décisive, de façon rapide. Qu'il ne choisisse pas la même voie de l'ambivalence.
En terminant, je souhaite souligner moi aussi ma déception de voir ce débat se faire à la Chambre alors que personne n'est présent, où à peu près personne n'est présent. Cela me permet de penser que l'examen d'une question comme celle-là devrait mériter une attention plus grande. Non seulement les questions de création et d'institution de forces de stabilisation ou de maintien de la paix devraient faire l'objet d'un examen sérieux au Comité permanent des affaires étrangères, comme cela aura été le cas dans d'autres instances de création ou de renouvellement de forces de maintien de la paix, mais il demeure essentiel, malgré l'absence que je constate ce soir, que les débats se tiennent aussi dans cette Chambre.
Sans doute devrons-nous songer sérieusement à ce que la question de la création et du renouvellement de telles forces soit une question qui doit être encadrée législativement et qu'il soit fait une obligation au Parlement d'être consulté et de donner un avis qui lie le gouvernement en la matière.
La pratique des dernières années semble manquer d'uniformité. Depuis que je suis député à la Chambre, donc depuis le 2 juin dernier, j'ai constaté que dans certaines instances, la question du renouvellement des forces est étudié par le comité, et tantôt, elle est étudiée par la Chambre en séance plénière. Aucun critère ne semble véritablement se dégager en ce qui concerne la question de l'approbation par le Parlement ou de l'un de ses comités du renouvellement ou de la création de telles forces.
Sans doute devrait-on suivre l'exemple de certains États qui confient au Parlement un rôle beaucoup plus important dans la question de ce renouvellement ou de la création de telles forces.
Je pense que cette question mérite d'être étudiée de façon d'autant plus attentive que le débat de ce soir a été préparé par des représentants de l'opposition, sans qu'ils n'aient d'informations valables pour préparer leur position. Le gouvernement n'a pas daigné transmettre d'informations sur le véritable mandat qu'il souhaite conférer aux forces canadiennes, le nombre de soldats qui devraient être envoyés par le Canada, ainsi que d'autres modalités de participation du Canada à cette force, la SFOR, tel qu'il souhaite la renouveler.
En l'absence d'informations valables, les partis d'opposition ne sont pas en mesure de formuler des positions qui soient aussi utiles qu'elles pourraient l'être au gouvernement dans la décision qu'il souhaite prendre.
Enfin, je veux souligner que l'importance de renouveler cette force est essentiellement liée à la question du maintien et de la consolidation de la paix qui existe, mais qui est fragile.
J'aimerais citer une amie que j'ai rencontrée lors d'un voyage à Sarajevo, en Bosnie, une jeune Québécoise qui occupe la fonction de vice-ombudsman de la Bosnie-Herzégovine, qui m'a d'ailleurs fait connaître un ouvrage magnifique dont je vous conseille la lecture. Il s'agit de l'histoire d'un jeune enfant qui se penche et analyse, regarde avec ses yeux d'enfant ce que la guerre a valu à la population de la Bosnie-Herzégovine. En regardant cette guerre et en cherchant à la comprendre, cet enfant pense surtout aux étoiles qu'il voit sur les trottoirs de Sarajevo. Ces étoiles sont nombreuses, entre autres, au marché de Sarajevo, là où de nombreux obus sont tombés et ont fait tant de morts en une nuit, là où la catastrophe avait frappé.
Céline Auclair, cette amie, m'écrivait, au tout début de cette année, le 19 janvier 1998, en se référant à cet ouvrage d'un jeune Français, M. Lecomte, un ouvrage très émouvant qui l'a bouleversée et qui m'a bouleversé aussi, en me disant ceci, et je la cite: «Chaque fois que je rencontre une étoile sur les trottoirs de Sarajevo, je souris maintenant et me surprends à rêver. Beaucoup mieux qu'auparavant où j'enjambais les cicatrices d'obus en percevant l'ombre de la mort.» L'ombre de la mort ne plane plus autant qu'avant sur la Bosnie-Herzégovine.
Il est important que le mandat de la SFOR soit renouvelé pour que l'ombre de la mort ne plane pas davantage aujourd'hui sur ce pays.
[Traduction]
M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part à ce débat portant sur l'intention du gouvernement du Canada de renouveler sa participation à la Force de stabilisation de l'OTAN en Bosnie au-delà du mois de juin 1998, afin de maintenir un environnement sécuritaire pour la reconstruction et la réconciliation ainsi qu'une paix durable pour le peuple de la Bosnie-Herzégovine.
Je suis d'accord. Je crois qu'il est important que le Canada maintienne sa force en Bosnie afin que les efforts déjà déployés pour assurer une certaine stabilité puissent se poursuivre et afin que les Bosniaques soient en mesure de s'engager plus avant dans une existence plus pacifique à court, à moyen et à long terme. Il est important que le Canada continue de faire ce que la grande majorité de la communauté internationale, y compris la plupart des Canadiens, considèrent comme un effort essentiel à l'édification d'un monde meilleur.
C'est à juste titre que le Canada est réputé dans le monde pour son rôle de rétablissement et de maintien de la paix à l'échelle planétaire. Il est important que nous poursuivions ces efforts dans l'intérêt des gens qui vivent dans le pays où nos troupes sont déployées, en l'occurrence la Bosnie, car il est important que nous faisions notre possible pour y rétablir la paix. La Bosnie et les autres points chauds du globe ne sont pas sans avoir une certaine influence sur le Canada. Pour vivre en paix et de façon constructive, nous devons jouer notre rôle dans le monde.
Je voudrais placer ces remarques dans leur contexte et parler de l'approche que le gouvernement fédéral et le Canada ont toujours adoptée à l'égard du rôle de nos forces armées. Le vérificateur général et de nombreux membres des forces armées ont jeté un doute considérable sur la capacité des forces armées du Canada de s'acquitter des responsabilités qui sont censées être les leurs. Cela s'explique principalement du fait que cette Chambre et le gouvernement canadien n'ont pas une idée précise des fonctions que doivent assumer les forces armées.
Quand on ne sait pas où l'on va, il est très difficile de déterminer quelles ressources doivent être mises à la disposition des forces armées et de satisfaire à leurs priorités. Beaucoup de Canadiens ignorent quelles sont les priorités de nos forces armées. Le vérificateur général a fait remarquer à juste titre les difficultés que cela entraîne non seulement pour les membres des forces armées qui se trouvent en première ligne, mais pour d'autres qui sont chargés de prendre des décisions importantes. La place qu'occupe le nouvel équipement, la remise en état de l'ancien ou sa modernisation n'est pas claire parce que nous ne sommes pas sûrs du rôle que nous voulons voir nos forces armées jouer.
La communauté internationale a subi une transformation spectaculaire depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale. La fin de la guerre froide a marqué la fin de près d'un siècle de lutte durant lequel le monde a été déchiré à plusieurs reprises par les différentes alliances rivales des grandes puissances industrielles et militaires. Ces rivalités ont donné lieu à deux guerres mondiales et à la guerre froide. Durant de telles périodes, il est souvent nécessaire de rechercher la sécurité dans les alliances militaires mais il est aussi vrai que l'on est très tenté d'imaginer que la sécurité est exclusivement une affaire de force militaire et de participation à la sécurité collective des alliances militaires.
Le NPD et avant lui le CCF faisaient partie des internationalistes qui ont toujours dit qu'il est important de considérer la sécurité comme quelque chose de plus vaste et de plus profond que la sécurité associée aux alliances militaires collectives. Le CCF souscrivait à l'opinion voulant que le danger provienne non seulement des menaces militaires mais également des tensions sociales et internationales engendrées par l'exploitation et l'inégalité économiques, le commerce international des armes, et la manipulation des petits États par les grandes puissances et leurs rivalités stratégiques avec d'autres grandes puissances. Cette critique demeure valable aujourd'hui.
Durant les années 60, le Nouveau Parti démocratique a conservé la conception du CCF, mais a ajouté la course aux armes nucléaires sur la liste des menaces pour la sécurité. Durant les années 80, les néo-démocrates et les personnes progressistes d'un peu partout dans le monde ont estimé que la pauvreté dans le monde, la dégradation de l'environnement et les violations généralisées des droits de la personne constituaient des éléments indispensables dont les Canadiens qui s'intéressent aux questions de sécurité devraient tenir compte dans toute évaluation de risques.
Cette perspective combinée des relations internationales établie par le CCF et le NPD a abouti, en 1988, à un énoncé de politique étrangère exposant l'intérêt du Canada dans la sécurité commune. Depuis la politique du Nouveau Parti démocratique dans le domaine de la défense et des affaires étrangères s'est principalement inspirée de ce document, qui a également servi à définir le cadre principal de la politique néo-démocrate.
Le Canada, qui ne se voit plus lui-même surtout, et peut-être même pas du tout, comme partie prenante à une alliance collective, doit privilégier, rechercher activement et définir la sécurité commune plutôt que la sécurité collective traditionnelle. Le véritable enjeu pour le Canada se situe dans un monde dirigé selon les règles de la sécurité commune. Le document est un peu vieilli mais il demeure essentiellement le même et peut même être considéré comme plus poignant.
Une politique de sécurité commune mondiale est essentielle à la survie de l'humanité en cette période d'après-guerre froide. Nous ne devons pas renoncer au monde bipolaire de la guerre froide pour tomber dans le monde multipolaire de la concurrence régionale ou des alliances idéologiques, ni revenir à l'anarchie internationale qui a précédé la Première Guerre mondiale. Nous ne devons pas non plus approuver un monde unipolaire dans lequel les Américains jouent le rôle de gendarme mondial.
À la fin de la guerre froide, de nombreux Canadiens espéraient beaucoup que le monde parvienne à réaliser la sécurité commune. Bon nombre de gens ont espéré qu'avec l'abandon de la définition surréaliste voulant que la sécurité internationale repose sur l'équilibre de la terreur nucléaire, on pourrait finalement en arriver à une authentique conception de la sécurité internationale. Une telle notion commune de la sécurité continuerait d'avoir une dimension militaire.
D'un côté, il faudrait mettre au point et maintenir des systèmes de surveillance indépendante mutuelle, des traités prévoyant la réduction des armements et des programmes de partage des informations militaires intégrés dans un nouveau contexte de sécurité mondiale, tout cela préférablement sous les auspices d'une Organisation des Nations Unies réformée et revitalisée. D'un autre côté toutefois, les gouvernements pourraient dépenser davantage pour le développement international, la lutte à la pauvreté et la protection de l'environnement et s'engager de façon constructive dans le développement démocratique des sociétés en voie de développement comme moyen d'atteindre une certaine sécurité internationale, plutôt que de soutenir les régimes autoritaires soi-disant amicaux, comme cela est arrivé si souvent au cours de la guerre froide.
Au Canada, les néo-démocrates voudraient mobiliser cette réserve d'espoirs pour la sécurité internationale, mais nous nous rendons compte qu'il y a des changements importants en vue. La fin de la guerre froide nous a permis de nous éloigner quelque peu de la terrible menace de l'holocauste nucléaire. Les longues années d'assuétude aux grotesques dépenses militaires et à l'accumulation obscène d'armes de destruction massive ont laissé le monde dans un grave état d'intoxication résiduelle.
Les armes nucléaires constituent sans contredit la plus importante menace pour l'avenir de la planète. Le florissant commerce des armes, auquel le Canada participe, permet d'assurer l'approvisionnement en matériel militaire. Des millions d'innocents font face chaque jour à une peste de mines terrestres antipersonnel. Le ministre des Affaires étrangères a d'ailleurs joué un rôle important dans la mise à l'étude de ce dossier. L'intoxication résiduelle ne prend pas uniquement la forme d'armes meurtrières, mais également celle de conflits sociaux qui perdurent par suite de la chute de l'Union soviétique et d'autres anciens États communistes en Europe et de la dégradation de la paix sociale dans plusieurs États africains.
En même temps, la communauté internationale doit répondre à l'évolution technologique et sociale de la guerre. Pour les militaires des pays industrialisés, de nouveaux renseignements et de nouvelles technologies ont conduit à un nouvel arsenal d'armes dites intelligentes qui modifient radicalement la dynamique de la guerre sur les champs de bataille. Lors des récents conflits on a vu que la guerre sociale changeait.
Il est important que le Canada joue un rôle majeur pour aider la communauté internationale à trouver sa voie à travers les dangers militaires propres à l'après-guerre froide et à construire un ordre mondial démocratique où les collectivités et en fin de compte la communauté mondiale pourront contenir et façonner le marché mondial, afin qu'il serve le bien commun.
À cet égard, il est important que les forces armées canadiennes comprennent leur rôle. Le premier mandat de la politique de défense et des forces armées est de garantir l'intégrité territoriale du Canada. Même si nous partageons la plus longue frontière non défendue au monde avec les États-Unis, la géographie du Canada pose des défis notables en ce qui concerne le maintien de la souveraineté territoriale et de l'intégrité environnementale. Nos milliers de kilomètres de côtes présentent un défi en ce qui concerne la prévention des délestages illégaux de déchets dangereux, etc.
Il est important que les forces armées canadiennes soient équipées pour relever ces défis. Le vérificateur général mentionnait certains problèmes à cet égard. Le Canada doit être en mesure de remplir ce premier rôle, celui de défendre l'intégrité du territoire.
En raison de notre engagement envers l'OTAN, le Canada doit être en mesure de faire sa part en ce qui concerne la sécurité transatlantique. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous sommes en Bosnie.
Avant le NPD, le CCN a souscrit à la création de l'OTAN et à la participation du Canada à cette organisation depuis ses débuts et tout au cours des années 50. Au cours des années 60, de nombreux membres de mon parti et de nombreux Canadiens ont émis de plus en plus de critiques à l'endroit de la politique étrangère américaine et de la politique de l'OTAN sur l'emploi en premier des armes nucléaires. Ils ont remis en question la pertinence et la sagesse de la participation du Canada à l'OTAN.
Depuis quelque temps, ce qui ajoute à ces réserves, c'est la domination presque complète de l'OTAN par les États-Unis. Si le Canada participait aux opérations en Bosnie sous les auspices des Nations Unies, nous n'aurions absolument aucune réserve. Cependant, je pense que tout le monde trouve regrettable que cela doive se passer sous les auspices de l'OTAN. On considère généralement alors que c'est une opération dirigée par les Américains.
Nous devons également nous assurer de renforcer les Nations Unies et nous devons aussi veiller à ce que le Canada déploie des efforts pour parvenir à l'élimination des armes nucléaires. Nous devrions également faire de notre mieux pour supprimer le commerce international des armes.
Il y a deux choses auxquelles nous devons porter attention si nous voulons voir si nos forces armées ont les outils voulus pour s'acquitter de leur tâche. Cela s'applique au maintien de la paix en particulier, mais aussi à la prévention des conflits. Je vais parler brièvement de ces deux choses. Les Canadiens sont fiers, à juste titre, de leur bilan en tant que principal participant aux missions de maintien de la paix des Nations Unies et ils veulent s'inspirer des expériences passées et même présentes.
Les tragiques incidents de la Somalie montrent la nécessité d'être vigilants et de maintenir un certain professionnalisme parmi les dirigeants militaires et civils de nos forces armées. Le gouvernement est critiqué à juste titre pour la façon dont il a abordé l'enquête sur la Somalie. Il y a mis un terme rapidement et n'a pas donné suite à toutes les recommandations de la commission. Alors que le Canada traverse cette période, il est essentiel que la population canadienne ait confiance dans l'intégrité de la relation entre les dirigeants civils et militaires des forces armées.
Au moment où le Canada élabore sa politique militaire dans le but d'appuyer les missions de maintien de la paix, auxquelles nous sommes si souvent appelés à participer, il est important de distinguer les nombreux différents types de missions de l'ONU. On les regroupe souvent sous la rubrique «maintien de la paix».
Souvent, on s'aperçoit que nos militaires ne font pas du maintien de la paix, mais établissent la paix entre les belligérants, comme cela a été le cas en Somalie. Si je ne m'abuse, c'est également ce qui se passe en Bosnie dans une certaine mesure. Dans d'autres situations, des militaires sont dépêchés pour fournir des vivres et des refuges sûrs aux civils qui sont victimes de conflits civils ou internationaux, ce qui est manifestement le cas en Bosnie et dans un certain nombre d'autres missions. Dans ces situations où il faut établir la paix et protéger les civils des conflits en cours, les forces armées canadiennes devront maintenir des effectifs qui soient équipés et formés au combat.
Notre planification militaire, qui a été pendant longtemps axée sur la guerre froide, où le maintien de la paix revêtait une importance secondaire, doit s'adapter à la priorité pour nos forces armées d'établir et de maintenir la paix. Il est important que la Chambre et le gouvernement expriment clairement l'engagement du Canada envers l'établissement et le maintien de la paix et veillent par la suite à fournir les ressources, le matériel et les effectifs nécessaires pour bien remplir cette tâche.
Le Canada doit jouer un plus grand rôle dans la prévention de conflits. Le voyage que le premier ministre a fait à Cuba, cette semaine, témoigne peut-être d'un engagement en ce sens. Cette visite indique assurément que le Canada est disposé à se démarquer des États-Unis dans ce dossier important.
En tant que principal fournisseur d'effectifs et de ressources aux missions onusiennes de maintien de la paix, le Canada a toutefois une responsabilité particulière; il doit aspirer à un ordre international, juste, de sécurité commune, axé sur la prévention de conflits.
Par prévention de conflits, on entend s'attaquer aux racines des problèmes, préconiser l'établissement de démocraties et la protection des droits de la personne, favoriser le développement durable pour éviter l'épuisement des ressources, et tendre vers un ordre économique international qui réduira les inégalités et éliminera la pauvreté. Nous n'avons pas obtenu de très bons résultats sur ces derniers points et nous n'avons pas apporté une contribution importante dans ce domaine. Une telle approche à la prévention de conflits n'est pas principalement une question militaire, elle est plutôt une question de prévention.
Si nous devons jouer comme il faut notre rôle dans le monde, nous devons contribuer aussi à l'effort de prévention. Les problèmes intérieurs, concernant les programmes sociaux, les soins de santé et le chômage, nous ont appris que prenons la prévention au sérieux. Nous devrions le faire aussi sur le plan militaire.
Il me reste deux brefs arguments à présenter. Si nous demandons aux Forces canadiennes de remplir ces rôles importants pour rétablir et maintenir la paix, je répète que nous devrons avoir une vision claire des fonctions qui leur seront confiées. Nous devrons appuyer cette vision par les ressources requises pour qu'elle s'accomplisse.
En ce moment, nous n'avons ni cette vision claire ni les ressources nécessaires pour que les forces puissent accomplir les tâches que nous leur confions parfois. C'était mon premier argument.
Le deuxième, c'est qu'il apparaît de plus en plus que le moral dans les Forces canadiennes est au plus bas. Nous ne pouvons certes pas demander aux hommes et aux femmes des forces armées de s'exposer à des risques quand leur moral est si mauvais et quand ils ont l'impression de ne pas être appréciés à leur juste valeur.
Un ancien vice-amiral, Chuck Thomas, a déclaré: «Nous compromettons la vie de nos soldats, mais nous ne leur donnons pas assez d'argent pour faire vivre leurs familles. Les soldats n'ont jamais été riches, mais la situation actuelle est sans précédent.»
Le Comité de la défense parcourt le pays et entend chaque jour des témoins qui disent à quel point il est difficile pour les soldats et leurs familles de boucler leur budget. Nous ne pouvons certes pas penser que ces hommes et ces femmes vont aller risquer leur vie à l'étranger, pour le plus grand bien de la planète, si nous ne leur accordons pas meilleur traitement.
Nous reconnaissons, et le ministre de la Défense nationale semble l'avoir vraiment admis, qu'il y a un grave problème auquel il faut s'attaquer. L'admette, c'est une chose, mais c'en est une autre que de passer aux actes.
Nous sommes confrontés à une situation où nos soldats ne croient pas beaucoup au rôle qu'ils jouent au sein de leur organisation. Ils n'apprécient pas la façon dont on les traite, ils se sentent démotivés tant sur le plan financier que social, et ils voient difficilement pourquoi ils devraient accomplir les fonctions qu'on leur confie, étant donné qu'on ne les apprécie pas à leur juste valeur. En fait, un récent sondage effectué au sein des Forces canadiennes a montré que 83 p. 100 des militaires ont perdu confiance dans leur leadership. Ce n'est pas un très bon signe.
Le dernier point que je veux faire valoir a trait au rapport du vérificateur général, publié aujourd'hui, qui fait part de profondes préoccupations au sujet de la capacité de nos forces de fonctionner dans les circonstances actuelles. Le vérificateur général dit par exemple: «Si le statu quo persiste, les fonds dont le Ministère dispose pour les dépenses en capital ne seront peut-être pas suffisants pour équiper et moderniser la force, comme le prévoit actuellement la Défense nationale.» Il signale quels sont les rôles qu'on attend des forces armées, mais il réclame une révision en profondeur de leur mission et une répartition différente des ressources que nous leur donnons pour faire le travail qu'on exige maintenant d'elles. Il parle de la réduction des fonds qui permettraient de moderniser l'équipement. Il dit que les Forces canadiennes essaient de compenser les lacunes et l'insuffisance du matériel. Il dit aussi: «L'armée de terre a du mal à suivre les progrès technologiques» et «La force aérienne fait face à des problèmes de désuétude».
Rien de cela ne peut inspirer confiance dans la capacité de nos forces armées de faire le travail qu'on exige d'elles. Nous savons tous que ces hommes et ces femmes vont faire ce qu'on leur demande; il reste à déterminer si le gouvernement et les forces armées sont en mesure de remplir leur mission comme il faut.
[Français]
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole, ce soir, avec l'honorable député de Chicoutimi.
[Traduction]
Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui sur la question de savoir si le Canada devrait renouveler la participation des troupes canadiennes à la force de stabilisation de l'OTAN, mieux connue sous le sigle SFOR. Notre parti, lorsqu'il formait le gouvernement, a assuré initialement la participation des troupes canadiennes à la force d'intervention sous l'égide de l'ONU en ex-Yougoslavie, et il appuie maintenant l'intention du gouvernement actuel de renouveler la participation canadienne à la force d'intervention maintenant sous l'égide de l'OTAN au delà de la date limite actuelle du 20 juin.
Qu'on ne s'y trompe pas cependant. Le débat dans lequel nous nous sommes engagés ce soir n'a absolument rien à voir avec la question de savoir si le premier ministre s'intéresse ou non à l'opinion des autres partis. Il a tout à voir avec les apparences.
Après le débat, quand cette question sera soulevée publiquement, le premier ministre dira sûrement qu'il y a eu un débat à la Chambre, que tous les partis y ont participé et que tout le monde a eu son mot à dire.
Ce n'est pas le cas. En fait, je voudrais faire consigner au compte rendu le texte de la motion proposée par le gouvernement, celle dont nous discutons ce soir. Elle s'énonce ainsi:
Que la Chambre note que le gouvernement du Canada a l'intention de renouveler sa participation à la Force de stabilisation (SFOR) de l'OTAN...
«Noter que le gouvernement a l'intention». C'est bien ce que nous faisons ici ce soir. C'est un débat important, et mon parti y fera entendre sa voix.
Je commencerai par faire remarquer qu'il ne devrait pas s'agir d'un débat exploratoire. Si le gouvernement avait du courage, il en aurait fait une motion votable, comme il se devrait. Cependant, le gouvernement n'a ni courage ni compréhension. S'il avait l'un et l'autre, le premier ministre n'aurait pas jugé nécessaire de faire un vote de confiance du vote que nous avons tenu ce soir sur la question de savoir s'il faut indemniser toutes les victimes qui ont contracté l'hépatite C à la suite d'une transfusion de sang contaminé.
Le premier ministre du Canada n'est pas convaincu que son gouvernement fait ce qu'il doit. Il n'a pas le courage de défendre la décision de son gouvernement. Il a dû plutôt avoir recours à l'autorité du whip pour que le parti ministériel respecte les ordres. Ce n'est pas très courageux.
Le moment est bien choisi pour parler de courage. Si on peut dire une chose des hommes et des femmes qui seront touchés par la politique du gouvernement prolongeant la participation canadienne à la SFOR, c'est qu'ils ont du courage. Tout comme nous représentons les Canadiens à la Chambre, ils représentent le Canada dans leur uniforme, portant le fusil et risquant leur vie dans des contrées lointaines que bien des Canadiens ne sauraient pas repérer sur une carte. Ils sont armés de courage. Je suis convaincu qu'ils attendent autant de courage de la part du gouvernement qu'ils servent.
Malheureusement, le gouvernement actuel est décevant sur ce plan. Fallait-il du courage pour obliger les députés ministériels à respecter la discipline de parti dans le vote sur l'hépatite C, ce soir? Non. Fallait-il du courage la semaine dernière, lorsque le Canada s'est abstenu lors d'un vote crucial à l'ONU qui condamnait le recrutement forcé d'enfants soldats en Ouganda? Non. Fallait-il du courage à notre premier ministre pour se tenir aux côtés du dictateur cubain à La Havane, pendant que celui-ci comparait l'embargo américain au meurtre de six millions de Juifs pendant l'holocauste de la Seconde Guerre mondiale, et ne pas souffler un seul mot? Non.
Le gouvernement présente toujours des excuses après coup, mais il ne fait jamais preuve de courage au bon moment. Le ministre des Affaires étrangères, homme très instruit mais qui n'a pas la moindre idée de ce que notre siècle nous a appris, a avoué depuis que cette abstention à l'ONU avait été une erreur. C'est inacceptable.
Notre gouvernement est un poltron qui monte en épingle les décisions faciles et fuit les difficiles. Si nous sommes ici ce soir, c'est uniquement parce que le premier ministre n'a pas le courage de s'adresser aux Canadiens et de leur dire carrément que nous restons en Bosnie plus longtemps que prévu parce que, si nous ne restons pas, nous risquons de perdre tout l'acquis.
Le premier ministre se présentera plutôt devant les électeurs canadiens et dira que le Parlement a décidé de prolonger la participation du Canada. Même s'il s'agit d'une décision du premier ministre—qui est excellente d'ailleurs—il n'a pas le courage de l'avouer, de crainte que certains libéraux ne partagent pas son avis. Il préfère se cacher derrière le débat inutile que nous tenons ce soir pour la forme.
Si je disais que les soldats canadiens apportent avec eux en Bosnie une seule chose, leur courage, je n'exagérerais pas. Le gouvernement a réduit de 30 p. 100 le budget de la défense au cours des cinq dernières années. On commence à en voir les conséquences. Cela a des répercussions sur l'équipement et l'entraînement des forces armées. Comme a pu le constater le comité de la défense, au printemps, lorsqu'il a visité les diverses bases, même la qualité de vie dont devraient jouir, de l'avis de mon parti, nos soldats en souffre.
Pourtant, tandis que le gouvernement s'attend à ce que les soldats canadiens obéissent sur-le-champ lorsque le premier ministre leur donne un ordre et tandis que les membres dévoués de nos forces armées répondront toujours rapidement à l'appel du gouvernement, celui-ci en profite. Il exploite le dévouement de nos soldats envers leur pays.
Je ne peux imaginer pire gaspillage du talent de ces Canadiennes et de ces Canadiens dévoués, car on exploite leur dévouement en refusant de leur fournir l'équipement, la formation et les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail.
Si le gouvernement maintient cette tendance et continue d'exploiter les militaires canadiens, un jour, lorsque le premier ministre leur dira: «Bon, c'est le temps d'y aller», les soldats lui répondront: «Désolés, monsieur, mais nous ne pouvons pas nous acquitter de cette mission.»
La réponse viendra, non pas parce qu'ils ne veulent pas remplir leur mission, non pas parce qu'ils ne veulent pas venir en aide au Canada, mais parce que leur gouvernement les a laissés tomber et qu'ils n'ont plus l'équipement voulu pour faire le travail. Ce jour viendra, et plus tôt qu'on le pense, à moins que le gouvernement ne commence à faire preuve le moindrement de courage et à accomplir son travail fondamental, protéger les Canadiens.
J'exhorte le premier ministre, et je suis convaincu que l'actuel ministre de la Défense nationale l'a fait à huis clos, à cesser d'abuser des forces canadiennes, à faire preuve de courage et de leadership, et à mettre à leur disposition les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail, cette fois-ci en Bosnie.
Nous avons déjà entendu ce soir de bonnes raisons pour lesquelles le Canada doit prolonger sa présence en Bosnie. Du bon travail a été amorcé, et il doit se poursuivre. Partir maintenant équivaudrait à abandonner tout ce qui a été accompli. Mais il y a une autre raison qui n'a pas encore été soulignée à la Chambre, et cela est presque passé sous silence.
Le comité a été saisi de cette question en novembre. Quand je l'ai soulevée en comité auprès des ambassadeurs de l'OTAN, ceux-ci ont été francs avec moi. L'OTAN est en période de transformation. Elle accueillera trois nouveaux membres, et je dois admettre que le premier ministre était d'accord sur l'ajout de nouveaux membres. Mais, en toute honnêteté, je dois dire que le rôle de l'OTAN devra être modifié quelque peu pour qu'elle puisse continuer d'être efficace au cours de la période de l'après-guerre froide.
Le rôle de l'OTAN et la question de savoir si ses cadres doivent être élargis davantage, voire si elle doit continuer d'exister, sont des questions qui seront encore débattues. En fait, elles sont débattues cette semaine au Sénat américain.
Je n'ai pas l'intention d'amorcer un débat là-dessus ce soir, mais il importe de mentionner que pendant que l'on discute de l'utilité actuelle de l'OTAN, tous les yeux sont tournés vers la Bosnie et les forces de l'OTAN stationnées là-bas.
Si l'OTAN devait échouer dans sa mission de mettre en oeuvre l'accord de Dayton, les voix de ceux qui sont en faveur du démantèlement de l'OTAN se feront entendre davantage. C'est pourquoi, ainsi que d'autres l'ont déjà dit ce soir, mon parti est favorable à la décision que le premier ministre a prise de renouveler la participation du Canada à la force de stabilisation de l'OTAN au-delà du 20 juin 1998 afin de maintenir un climat favorable à la reconstruction, à la réconciliation et au maintien d'une paix durable pour la population de la Bosnie.
La seule réserve que mon parti a à formuler sur la motion de ce soir, c'est que le Canada s'attend à ce que les soldats canadiens fassent preuve de plus de courage encore. Nous devrions tous remercier le ciel que les hommes et les femmes qui portent l'uniforme canadien soient à la hauteur de la tâche.
[Français]
M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Madame la Présidente, je remercie particulièrement mon collègue de Compton—Stanstead ainsi que mon collègue de Richmond—Arthabaska de m'avoir donné son temps de parole.
J'attachais beaucoup d'importance à profiter de ma présence ici en cette Chambre pour faire quelques commentaires pour le renouvellement de l'engagement de nos forces armées en Bosnie-Herzégovine.
D'abord et avant tout, c'est par respect pour nos jeunes militaires, dont nous sommes très fiers, qui servent au sein des Forces armées canadiennes. Nous les voyons très souvent nous venir en aide dans des désastres naturels. Ma région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, a eu l'occasion de profiter de leur expertise mais surtout de leur dévouement lors des désastres que notre pays a vécus depuis quelques mois, non seulement dans ma région mais aussi dans la grande région de Montréal et aussi dans l'Ouest.
Par contre, lorsque nous les voyons aider nos concitoyens à l'étranger, particulièrement en Bosnie depuis plusieurs années, nous avons tendance à les oublier. Le moment est propice—le «timing» est bon, si on peut dire—pour essayer d'envisager notre perception des forces armées d'une manière un peu plus positive que celle que tous les parlementaires ont eue au cours des dernières années.
Si vous avez entendu ce soir tous les intervenants à l'occasion de ce débat, je pense que la très grande majorité des parlementaires canadiens sont d'accord pour dire qu'il existe un très grave problème au sein de nos forces armées.
Contrairement à mes collègues qui sont intervenus, je n'ai pas eu l'occasion d'aller visiter nos militaires sur les champs de bataille en Bosnie-Herzégovine, mais j'ai particulièrement apprécié leurs témoignages ce soir.
Ce qui ressort de tous ces commentaires, de tous ces jugements qui ont été portés, c'est qu'on ne peut pas continuer à demander l'impossible aux militaires canadiens. On exige de la part de nos militaires, tant à l'interne qu'à l'étranger, à l'intérieur de l'OTAN, des efforts incroyables pour venir en aide à des pays étrangers qui sont aux prises avec des guerres très féroces. Dans ce contexte, ne serait-ce que pour le maintien de la paix, tout le monde est d'accord pour dire que ça prend un courage assez extraordinaire pour accepter d'aller militer au sein des Forces armées canadiennes à l'extérieur du pays.
Je sais que le comité siège actuellement à travers tout le pays. Vingt-cinq sites militaires seront visités par tous nos collègues de tous les partis en cette Chambre. J'ose espérer que les recommandations qui nous seront faites par le comité ne seront pas mises sur une tablette.
Effectivement, comme le mentionnait mon collègue, l'état d'esprit à l'intérieur des troupes canadiennes est à son plus bas niveau. Malheureusement, ce n'est pas dans le cadre d'un débat très superficiel, strictement pour la routine, comme aujourd'hui, que nous serons en mesure d'apporter une contribution qui pourrait être effective et très importante pour l'avenir des Forces armées canadiennes. Dans le débat de ce soir, on ne fait que prendre note que le gouvernement a l'intention de renouveler notre engagement au sein de l'OTAN pour le maintien de la paix.
Après quelques séances d'information dans les différentes bases canadiennes, je pense que le gouvernement doit déjà commencer à se familiariser avec les recommandations et les suggestions qui nous sont faites par les militaires à travers le Comité permanent de la défense nationale. Je tiens à féliciter tous mes collègues qui participent à ce comité. Ils sont allés à la base de Bagotville et cela a été très apprécié.
Lorsque mon collègue dit que le climat est très mauvais, comme on le sait, il y a une hémorragie considérable actuellement au sein des Forces armées canadiennes. Il y a des causes à cette hémorragie et je pense que le comité sera en mesure de poser un diagnostic très sévère sur notre attitude par rapport aux forces armées.
Il n'est pas normal que l'on continue d'exiger des efforts absolument incroyables à des militaires qui sont obligés de travailler très fort avec des forces étrangères qui sont immensément mieux équipées qu'eux. Nous, nous savons que nous avons les meilleurs militaires au monde sur le plan humain. Ils sont obligés de déployer des efforts illimités pour en arriver à être au même niveau que les militaires de plusieurs autres pays dans le cadre de l'OTAN parce que ces gens-là sont mieux équipés.
On a fait un choix de société important dans plusieurs pays membres de l'OTAN à travers le monde. On a toujours été gênés ici à la Chambre des communes. C'est une des rares fois où tous les partis politiques, presque sans exception, sont d'accord pour dire qu'il n'est pas normal qu'on ne se soucie pas davantage de tout ce qui entoure la qualité de vie de nos militaires canadiens.
On a coupé de 30 à 40 p. 100 au cours des dernières années. Tout le monde est d'accord avec la rationalisation, mais je pense que s'il y a un secteur qui mérite beaucoup de considération, c'est bien le secteur relié à nos militaires canadiens qui ont des mandats extrêmement dangereux à accomplir.
Il est évident que tout le monde est d'accord pour dire que la qualité du matériel en est à sa plus simple expression. Nous connaissons tous des militaires canadiens. Toutes les grandes régions du pays ont des infrastructures militaires. Il faut entendre les témoignages de ces gens pour constater jusqu'à quel point il y a un manque extraordinaire à ce niveau. Je ne sais pas si ce sont de mauvais achats ou si les priorités sont mal définies, mais, somme toute, nos militaires ne sont absolument pas équipés pour faire partie de telles forces internationales.
C'est la même chose pour l'entraînement; c'est aussi la même chose sur le plan salarial. En effet, 20, 25, 30 et même 40 p. 100 des pilotes de certaines escadrilles à travers le pays quittent et s'en vont travailler dans le secteur privé, à raison d'une trop grande différence dans les conditions de travail. Ce n'est pas que nos militaires n'aiment pas leur vocation au sein des forces armées, mais la disparité finit par être trop grande entre le secteur privé, la vie civile et leur existence à l'intérieur des forces armées quant à la qualité de vie.
Je trouve qu'on a—et j'inclus tous les gouvernements antérieurs—considérablement abusé de nos jeunes militaires ici au pays. Je pense que le temps devient de plus en plus propice pour que l'on ait une discussion ici, à la Chambre des communes, qui serait, j'en suis persuadé, essentiellement constructive sur notre façon de voir l'importance des forces armées et le genre de contribution que nous serions prêts à apporter pour leur permettre d'être une des forces armées les plus efficaces à travers le monde. Actuellement, on demande l'impossible aux forces armées.
Lors de la dernière campagne électorale, notre parti avait suggéré, et c'était un de nos engagements majeurs, une unité spéciale d'intervention, un genre de corps d'élite qui aurait intégré les trois forces armées, ce qui veut dire entre 14 000 et 16 000 militaires. Cela nous aurait peut-être permis de mieux préparer à peu près le quart de nos militaires canadiens pour des interventions internationales et aussi pour des interventions à l'intérieur de notre propre pays.
Il faut lire attentivement les chapitres trois et quatre du Rapport du vérificateur général. Malheureusement, je n'ai pas le temps d'en lire les principaux extraits, mais le rapport souligne que le Parlement devrait pouvoir déterminer si les ressources de la Défense nationale correspondent aux objectifs du Canada en matière de défense. C'est un rapport que j'ai eu l'occasion de regarder assez attentivement et nous aurions tous intérêt à bien écouter les recommandations du vérificateur général, et ce, au-delà de toute partisanerie politique. On est en train de demander des choses absolument impossibles à nos militaires, tant sur le plan personnel qu'au plan opérationnel. Donc, j'espère que le rapport du comité permanent permettra à tous les parlementaires ici présents d'en arriver à une conclusion qui nous rendra un peu plus reconnaissants envers le service que nous rendent tous nos militaires.
[Traduction]
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de m'avoir accordé la parole.
Je veux lire la motion, car je crois qu'il est important de nous arrêter à certaines tournures dans sa formulation. Il s'agit d'une motion présentée par le ministre des Affaires étrangères.
Que cette Chambre note que le gouvernement du Canada a l'intention de renouveler sa participation à la Force de stabilisation (SFOR) de l'OTAN en Bosnie au-delà du 20 juin 1998...
Nous sommes presque en mai. Nous avons un débat exploratoire à la Chambre parce que la décision a été prise et annoncée il y a déjà quelque temps. Nous discutons de la question de savoir si le Canada prolongera son engagement au-delà du 20 juin 1998. C'est une farce. Dans quelle perspective temporelle le gouvernement planifie-t-il? Il ne planifie apparemment pas. Je crois que cela explique certains des problèmes que je soulèverai au cours de mon intervention.
J'aborderai trois questions. Premièrement, le Canada est-il en mesure de renouveler son engagement pendant encore six mois et même plus?
Deuxièmement, combien cela coûtera-t-il si notre engagement en Bosnie devient un engagement à très long terme? Quel en sera le prix pour les hommes et les femmes qui font partie de nos troupes là-bas?
Troisièmement, qu'est-ce qui doit changer pour que le Canada puisse dépêcher une force militaire si les Canadiens décident de la soutenir à long terme? C'est à ces questions que je m'arrêterai ce soir.
Je voudrais aussi faire un commentaire sur le débat lui-même et sur le contexte dans lequel il se déroule.
Tout d'abord, est-ce que le Canada peut fournir une force militaire? La réponse est oui. Il est question d'un engagement de six mois et d'une force d'environ 1 200 hommes et femmes. Donc, oui, le Canada peut fournir une telle force pendant cette période. Nous avons des hommes et des femmes à Petawawa qui ont reçu la formation et se préparent à partir en juin. Ils feront un excellent travail et le Canada respectera son engagement de six mois.
S'il est plutôt question d'une dizaine ou d'une vingtaine d'années, ce qui sera probablement nécessaire pour que la situation se stabilise dans cette région, alors la réponse est non, pas avec le peu de soutien que le gouvernement actuel a témoigné à nos militaires, ces hommes et ces femmes qui s'acquittent si bien de leurs fonctions. La réponse est non, pas avec le maintien d'un effectif d'au moins 1 200 militaires qui pourrait bien être nécessaire si la situation dégénère dans cette partie du monde. Cela pourrait certainement arriver.
La réponse est non, pas avec les obligations que le gouvernement a actuellement envers d'autres parties du monde. La réponse est non, pas avec le peu d'empressement que le gouvernement actuel a montré lorsqu'il a fallu fournir du matériel adéquat. La réponse est non, pas avec le nombre de membres des Forces armées canadiennes qui ne cesse de diminuer.
Quant à savoir si le Canada peut s'acquitter de sa mission au-delà du mandat de six mois dont il est question aujourd'hui, la réponse est oui. Il peut le faire et il le fera. Il le fera malgré le peu de soutien que le gouvernement témoigne aux membres de nos Forces armées, certainement pas grâce à lui. Il le fera grâce aux femmes et aux hommes exceptionnels qui font partie des Forces armées canadiennes. C'est quelque chose que l'on apprend en visitant les différentes bases militaires de notre pays. Les hommes et les femmes qui font partie des Forces armées canadiennes sont extraordinairement bien préparés sur le plan des compétences personnelles et de la formation et ils sont très déterminés. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Ils vont s'acquitter de leur mission parce qu'ils sont comme ils sont, pas parce qu'on leur fournit les instruments nécessaires à leur travail.
Par ailleurs, il conviendrait de se demander le prix que devront peut-être payer les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes si nous prolongeons toujours notre participation tous les six mois? Ceux d'entre nous qui ont visité différentes bases avec le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants ont commencé à comprendre quel pourrait être ce prix.
Le prix sera inacceptable compte tenu de ce que deviendront nos forces armées et leur capacité de jouer leur rôle, à savoir défendre la souveraineté de notre pays, intervenir dans les cas de désastres naturels comme les inondations et les tempêtes de verglas, et faire face aux troubles civils comme ceux que nous avons vus à Oka et ceux qui pourraient très bien se produire ailleurs au Canada au cours des prochaines années. Je n'ai pas le temps d'entrer davantage dans les détails, mais le prix à payer s'est manifesté de plusieurs façons.
En ce qui concerne le moral, d'abord. De façon générale, nous avons constaté, d'une base à l'autre, que le moral des hommes et des femmes de nos forces armées n'est pas très bon. Une baisse de moral encore plus marquée pourrait très bien être le prix à payer. Des familles sont déchirées à cause du manque d'engagement et en raison de ce qui se passe depuis quelques années et continuera de se produire si les choses ne changent pas, si nous persistons à poursuivre ce genre d'engagement à l'étranger et au Canada.
Nous avons clairement constaté une chose. Les hommes et les femmes sont heureux de servir. Lorsqu'on leur demande s'ils sont prêts à aller en Bosnie, ils répondent par l'affirmative, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu'ils touchent un supplément de traitement dont leurs familles ont désespérément besoin. Leur solde n'est pas suffisante. Ces militaires acceptent d'aller en Bosnie parce qu'ils se sont enrôlés dans les forces armées précisément pour servir leur pays et qu'ils ont ainsi la possibilité de le faire. Ils acceptent d'y aller parce qu'ils savent qu'ils ont reçu la meilleure formation qui soit pour ce genre de mission et qu'ils sont prêts à faire partie d'une force prête au combat, que notre pays mérite et dont il a désespérément besoin pour défendre sa souveraineté. Ils y vont pour ces raisons, en dépit du prix qu'eux et leurs familles risquent d'avoir à payer et doivent payer. Nous l'avons vu.
La troisième question dont je voudrais parler concerne les changements à apporter pour permettre au Canada de tenir ses engagements, si les Canadiens décident que c'est ce que nous devons faire. Les Canadiens n'ont jamais été consultés à ce sujet. J'aborderai cet aspect à la fin de mon discours et lorsque je discuterai des conditions qui s'appliqueront.
En termes très généraux, quels changements faut-il apporter pour permettre au Canada de tenir ses engagements? Plus précisément, que devront faire le gouvernement actuel et les futurs gouvernements pour doter le Canada d'une force militaire fiable et de qualité supérieure?
Premièrement, ils doivent montrer leur détermination à modifier la structure de nos forces armées et de leur leadership. Je ne dis pas que tous les dirigeants des forces armées sont incompétents. Il y a certainement des militaires et des dirigeants militaires qui sont on ne peut plus compétents. Les gouvernements doivent montrer leur détermination à modifier le leadership et la structure des forces armées, à séparer les militaires de la fonction publique.
Deuxièmement, il faut prendre des engagements financiers. On a réduit le budget de nos forces armées. Il est passé d'environ 12,5 milliards de dollars, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à cette question, en 1992, à 9,3 milliards de dollars maintenant. On a trop sabré dans ce budget.
Troisièmement, le gouvernement doit démontrer deux choses. Tout d'abord, qu'il croit que nous avons besoin d'une armée forte, prête au combat. Ensuite, qu'il croit que les hommes et les femmes qui servent dans nos forces armées font de l'excellent travail et qu'ils sont extrêmement compétents. Le gouvernement doit prendre des mesures qui reflètent cela.
Je voudrais poser la question suivante. Quand, pour la dernière fois, un premier ministre du Canada a-t-il déclaré que notre pays avait vraiment besoin de forces armées et que l'existence même du Canada dépend de la présence d'une bonne armée?
Quand pour la dernière fois un premier ministre est-il intervenu à la Chambre ou ailleurs pour dire que les hommes et les femmes membres de nos forces armées font de l'excellent travail?
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je suis désolée, mais le temps de parole du député est écoulé.
Le député de Toronto-Centre—Rosedale.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je suis le débat à la Chambre ce soir et il est très clair que la Chambre est tout à fait en faveur de prolonger la présence de nos troupes en Bosnie, de renouveler leur mandat.
La communauté mondiale fait face à un énorme défi en Bosnie, en ce moment. Lorsque nous regardons ce qui se passe au Kosovo, nous savons à quel point il est important pour nous de veiller à ce que cette mission en Bosnie soit une réussite, car la paix en Europe de l'Est en dépend, et nous, Canadiens, jouons un rôle important pour ce qui est de garantir cette paix, cette sécurité, ce développement de la société civile que les accords de Dayton laissent présager.
Le porte-parole néo-démocrate a déclaré que le mandat de nos troupes et le rôle que le gouvernement leur a confié ne sont pas clairs. Le porte-parole conservateur a dit, pour sa part, que le moral de nos troupes est faible. Notre collègue réformiste vient de dire non à un engagement qui serait trop long.
Je suis en désaccord avec toutes ces opinions. J'ai eu l'honneur de me rendre en Bosnie et l'honneur de m'adresser à nos troupes là-bas. Nos militaires savent en quoi consiste leur rôle. Leur moral est élevé, car les défis auxquels ils font face tous les jours sont des défis qu'ils ont choisis. Ils ont d'énormes responsabilités exigeant des compétences militaires, mais également des qualités humaines, la capacité de rassembler les gens, de traiter des questions politiques délicates, de déminer des maisons, de travailler au niveau de l'état-major, de contrôler des mouvements et des arrangements entre les troupes de quelque 23 nations. Cela fait ressortir les meilleures qualités de tous les Canadiens: leur bilinguisme, leur biculturalisme, leur multiculturalisme, leur tolérance, leur capacité d'encourager les gens à agir de concert et à travailler ensemble.
Ce que nous faisons en Bosnie, tout comme le rôle de nos troupes dans tout le processus, est extrêmement important. Permettez-moi simplement de rappeler quelques éléments. Il y a eu tout d'abord les élections en Bosnie. Comme les députés le savent, la communauté internationale, par l'intermédiaire de l'OSCE, a investi énormément dans les élections en Bosnie, car elles sont indispensables au succès de tout le processus de paix. Les élections municipales qui s'y sont tenues en septembre 1997 ont revêtu une grande importance, étant donné que le pouvoir est tellement décentralisé dans la région. Les élections tenues dans la République serbe les 22 et 23 novembre 1997 ont établi le premier gouvernement vraiment multi-ethnique en Bosnie. Des élections générales doivent se tenir cette année, en septembre 1998, qui constitueront la deuxième série d'élections à se tenir en vertu du plan de paix de Dayton.
Le Canada a joué un rôle important dans ces élections. Nous avons prêté assistance à l'OSCE en assurant la préparation technique des élections, un processus auquel nous avons consacré plus de 6 millions de dollars. Avec d'autres experts, notre directeur général adjoint des élections a contribué à former les groupes nécessaires pour assurer le succès de ces élections. Elles ne seraient pas couronnées de succès et pourraient même ne pas avoir lieu si ce n'était de la présence de nos troupes et de celles de nos alliés dans la région.
[Français]
Il y a un deuxième élément. Il y a, dans l'ex-Yougoslavie, environ 3,5 millions de réfugiés, de personnes déplacées et touchées par la guerre qui ont besoin d'aide. Les conditions actuelles en Bosnie, sur le plan de la sécurité et de l'économie, rendent difficile le retour des réfugiés.
Le Canada a prôné un effort concerté pour identifier ceux qui peuvent et ceux qui veulent rentrer dans leur foyer maintenant et pour s'assurer qu'on leur accorde une attention et une assistance prioritaires. Il a fourni près de 65 millions de dollars pendant la durée du conflit, et plus de 17 millions de dollars depuis la fin de la guerre pour l'assistance humanitaire en ex-Yougoslavie.
La présence de nos troupes est essentielle pour la garantie du succès de cette opération.
[Traduction]
Troisièmement, il y a le logement et la reconstruction de l'infrastructure en ex-Yougoslavie et en Bosnie. On calcule que la moitié de toutes les unités de logement en Bosnie ont subi des dommages durant la guerre et que 6 p. 100 ont été complètement détruites. Le Canada verse une contribution au fonds des Nations Unies pour les abris et le matériel d'urgence et a fourni des abris d'urgence dans toute l'ex-Yougoslavie. Dans le cadre de l'ACDI, le Canada a établi un service spécial chargé d'aider les entreprises canadiennes de construction actives sur les marchés bosniaques et croates.
Nous avons de nombreuses ONG qui sont actives dans le logement là-bas. Nos militaires ne font pas que maintenir un climat stable propice à la reconstruction, ils participent également personnellement.
Ce fut une expérience passionnante pour nous que de parler à nos soldats là-bas. Ils ont en fait donné un coup de main en nettoyant et en peinturant les hôpitaux et les écoles. Ils avaient travaillé dans l'hôpital que nous avons visité. Les médecins étaient là quand l'hôpital a rouvert ses portes. Nos troupes ont ressenti une grande satisfaction, qui n'a eu d'égale que la gratitude de la population locale à la vue de leur hôpital qui était de nouveau ouvert grâce à leur aide bénévole, qui s'ajoutait à leurs autres responsabilités déjà lourdes.
Les infrastructures qui doivent être reconstruites en Bosnie le seront grâce non seulement à la sécurité qu'assurent nos troupes, mais encore aux efforts personnels qu'elles déploient à cet effet.
Un quatrième élément tout aussi important de notre présence est celui de l'élimination des mines terrestres. Selon les prédictions initiales, il pourrait falloir 70 ans pour éliminer les trois millions de mines héritées du conflit dans l'ex-Yougoslavie. Le Canada a joué un rôle de chef de file en demandant des efforts accrus dans le déminage et en faisant pression en faveur d'une meilleure coordination des efforts des gouvernements et des donateurs en cette matière.
Nous considérons le déminage comme une priorité pour des raisons humanitaires, notamment pour garantir la sûreté des enfants qui retournent à l'école après des années de conflit et favoriser le retour des réfugiés. Le déminage facilitera également la reconstruction des infrastructures nécessaires au renouveau économique. Nous avons contribué financièrement à ce processus, en plus de fournir des hommes et des efforts.
La convention sur les mines antipersonnel est pour nous l'une des raisons d'être fiers de nos récents efforts diplomatiques. La Bosnie est l'un des territoires où le succès de la convention, du moins sur la question du déminage, sera mis à l'épreuve. La présence de nos militaires est essentielle, non seulement pour garantir la stabilité nécessaire à la réalisation de ce très important objectif, mais aussi pour aider à l'exécution de ses éléments techniques.
Enfin, j'aborde la question de la santé. Dans un milieu ravagé par la guerre, il est extrêmement important de refaire la santé de la population. Encore une fois, nous avons eu l'occasion, durant notre séjour, de visiter quelques hôpitaux. Nous avons visité l'hôpital du centre-ville de Sarajevo, qui a été bombardé et où les médecins ont opéré dans des conditions incroyables, durant la guerre.
En tant que Canadiens, nous contribuons à la reconstruction axée sur la communauté en Bosnie. L'université Queen est là-bas, assurant la prestation d'un programme autofinancé de physiothérapie qui atteint une clientèle d'environ 40 000 blessés de guerre et assure la formation de quelque 200 travailleurs de la santé.
Il y a d'autres programmes de reconstruction, trop nombreux pour que je les énumère. Cependant, je veux parler à la Chambre d'un programme important, le projet international MAP, qui a permis de fournir à la Bosnie des médicaments choisis, pour une valeur d'environ 2 millions de dollars. Les membres du comité étaient présents quand ceux-ci ont été distribués. Une partie de ces médicaments a été remise à la présidente de la République serbe, pour la remercier, ainsi que son gouvernement, des efforts faits pour assurer la paix et la coopération avec les troupes de la SFOR postées dans sa région.
Tous ces facteurs importants, le retour des réfugiés, la sécurité civile, le rétablissement d'un gouvernement sensé, l'aide dans le secteur de la santé, la reconstruction des écoles et des collectivités, dépendent de la présence de nos militaires, nos jeunes hommes et femmes qui donnent un coup de main là-bas. Ces militaires ne font pas qu'assurer la sécurité de la population. D'une façon chaleureuse et typiquement canadienne, ils collaborent avec les gens de ces collectivités pour veiller à ce qu'ils retrouvent la maîtrise de leur vie ébranlée.
Ces militaires méritent notre appui. Je crois qu'ils veulent rester en poste. Je crois qu'ils veulent vraiment terminer leur mission. Nous, en tant que membres de la communauté mondiale, avons le devoir de faire en sorte qu'ils puissent poursuivre leur travail de maintien de la paix et de la stabilité dans une région très importante pour nous tous. C'est un devoir envers nous-mêmes, pour la stabilité en Europe, et envers nos militaires qui ont une mission à remplir là-bas.
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'appuyer ce soir le maintien de la participation des forces canadiennes à la mission de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine une fois la mission actuelle arrivée à son terme, le 20 juin de cette année. Cette force de suivi aura pour tâche d'empêcher toute reprise des hostilités dans la région instable des Balkans. Son but est de fournir un soutien général pour l'application des dispositions civiles de l'accord de paix de Dayton.
Tous nos principaux alliés et les organisations internationales qui oeuvrent dans la région sont d'accord quant à la nécessité d'avoir une force de suivi. On considère la sécurité établie et maintenue par la SFOR dans la région comme essentielle pour l'effort de reconstruction en Bosnie-Herzégovine.
J'encourage mes collègues à appuyer la participation du Canada pour les raisons suivantes. Premièrement, le travail de la SFOR en Bosnie-Herzégovine n'est pas terminé, pas plus que celui des Forces canadiennes.
Deuxièmement, le Canada a pour tradition de répondre à l'appel de la communauté internationale lorsque la sécurité mondiale est menacée.
Troisièmement, nous avons cette longue et honorable tradition de participer aux opérations multilatérales. Nous avons servi sous les drapeaux des Nations Unies et de l'OTAN dans le cadre d'opérations mettant en jeu des groupes de nations qui partagent les mêmes intérêts.
Quatrièmement, le maintien de notre participation à la SFOR est conforme à la politique canadienne de défense. Nous croyons en particulier dans l'importance de la sécurité collective et dans la nécessité de continuer de la préserver.
Cela fait maintenant des années que le Canada investit du temps, des ressources et du personnel en vue de promouvoir la paix et la sécurité dans les Balkans. Nous avons toujours joué un rôle essentiel dans le cadre de notre collaboration avec la Communauté européenne au système de surveillance de la FORPRONU, de 1992 à 1995, de l'IFOR, de 1995 à 1996, et maintenant de la SFOR.
Toutefois le but de la mission n'est pas uniquement de mettre fin aux hostilités. Les ramifications civiles des opérations militaires doivent entrer en ligne de compte dans une région où les racines des querelles sont si profondes.
Les plans et opérations militaires de la SFOR ont été élaborés en tenant compte de la situation et des activités civiles. Jusqu'à maintenant, tout au long des opérations militaires, il a fallu améliorer la sécurité publique, lutter contre le crime organisé et la corruption et promouvoir une attitude équilibrée de la part des médias. La séparation des factions en présence n'a pas été le seul objectif. C'est pourquoi il est si important de poursuivre la mission. Les dispositions de l'accord se rapportant à la vie civile doivent être appliquées.
Par exemple, le retour de centaines de milliers de réfugiés appartenant aux minorités ethniques pose de graves problèmes. La lutte politique entre les différents groupes ethniques continue de miner les efforts de consolidation de la paix. En d'autres mots, les parties en présence ne sont pas prêtes à assumer seules la responsabilité de leur avenir commun. Il est clair qu'elles ne peuvent pas compter sur la présence indéfinie de la communauté internationale, mais, pour le moment, elles ne sont pas prêtes à faire les choses seules.
Étant donné la flambée de violence qui a presque conduit à la guerre au Kosovo en mars et les émeutes de Drvar il y a quelques jours à peine, nous devons reconnaître que l'instabilité continue de hanter la Bosnie-Herzégovine et, par extension, toute la région des Balkans.
En somme, il est capital que le Canada prolonge sa participation à la Force de stabilisation. Cela est conforme aux efforts que nous avons déployés pendant de nombreuses années pour établir la paix dans cette région du monde en instaurant la stabilité voulue pour la mise en oeuvre de l'accord de Dayton.
Si nous examinons la situation en Bosnie dans la perspective historique du rôle du Canada dans les affaires internationales, nous ne pouvons qu'arriver à cette conclusion. Le fait est que ces dernières années, chaque fois que la communauté internationale a demandé au Canada d'aider à préserver la paix, la liberté et la démocratie, notre pays a répondu à l'appel. Aujourd'hui, nous avons l'intention de continuer cette honorable tradition dans la mesure de nos moyens.
Traditionnellement, le Canada a porté sa part de responsabilité dans les points chauds du monde où la sécurité était menacée. Le Canada a participé aux deux guerres mondiales, à la guerre de Corée, à la guerre du Golfe et à beaucoup d'opérations de maintien de la paix.
La grande expérience du Canada en matière d'opérations multilatérales lui a valu de faire une contribution importante à la sécurité internationale, notamment en Somalie, en Haïti, en Afrique centrale, au Moyen Orient, dans le golfe Persique et, bien sûr, dans les Balkans.
En même temps, les forces canadiennes ont réussi à tenir leurs engagements envers l'OTAN. Lors de toutes les opérations, au Canada ou à l'étranger, les hommes et les femmes de nos forces armées ont démontré leur capacité de remplir remarquablement toutes les missions qu'on leur confiait.
La participation du Canada à la SFOR est conforme à la longue tradition canadienne de faire tout notre possible pour assurer le respect de la vie et de la dignité humaine, au Canada comme à l'étranger.
Dans le livre blanc sur la défense de 1994, le Canada s'engageait à continuer à participer activement aux efforts multilatéraux visant à accroître la sécurité collective. Cela reflète nos intérêts nationaux, puisque les Canadiens considèrent que leur propre sécurité ne saurait être dissociée de celle de nos alliés. Toutefois, selon le livre blanc sur la défense de 1994:
La coopération multilatérale n'est pas seulement une tradition pour le Canada, c'est aussi l'expression de ses valeurs à l'échelle internationale.
De même dans le rapport de 1994 du comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada on dit:
Pour défendre, dans le monde entier, les valeurs sur lesquelles repose la société canadienne, il faut alors être prêt à investir des ressources et à engager des troupes canadiennes. Sinon, on peut se poser des questions sur la sincérité de nos intention.
J'aimerais m'attarder davantage sur notre participation, non seulement à cette mission mais également aux nombreuses autres missions que nous avons accomplies ces dernières années. Malgré une réduction des ressources financières et des effectifs, nos troupes ont dû, comme on dit, faire plus avec moins.
J'ai fait partie en 1994 du comité mixte spécial sur la politique de défense. J'étais d'avis alors, et je le suis toujours, que notre participation aux missions internationales s'impose. Je l'ai dit alors et je le répète maintenant: il nous faut mettre davantage l'accent sur les ressources. Nos troupes s'acquittent de leur mandat, mais à quel prix?
Comme on l'a mentionné ce soir, le Comité permanent de la défense nationale se penche actuellement sur la qualité de vie des militaires canadiens. Ces derniers nous ont raconté plein d'anecdotes sur la piètre qualité des services que leur dispense le ministère de la Défense nationale. À mon avis, quand il s'agit d'effectuer des compressions, l'armée est une proie facile. Mais il nous faut tenir compte des répercussions qu'un tel exercice peut avoir sur le personnel, tant à la salle d'arme que sur le terrain.
Je ne dis pas que l'on a trop sabré jusqu'ici, mais je dis que nous approchons du point de non-retour. Nous devons faire en sorte que nos troupes disposent du matériel nécessaire à la réalisation de leurs missions, soit. Mais ce n'est pas suffisant: il nous faut mettre à la disposition des militaires les services de soutien dont ils auront besoin, ainsi que leurs familles, dans le cadre de leurs missions.
J'encourage mes collègues à souscrire à la participation canadienne au sein de la SFOR, tout en sachant manifester leur gratitude envers nos forces armées dans leur ensemble. Nous demandons à ces hommes et à ces femmes de mettre leur vie en péril pour nous et pour d'autres à travers le monde. Nous devons leur rendre la pareille en répondant à leurs attentes, c'est-à-dire en leur assurant à eux et à leurs famille une qualité de vie satisfaisante.
Enfin, il nous faut tenir compte des inconvénients que pourrait nous valoir la décision de ne pas participer à la SFOR. En refusant de renouveler sa participation à cette force, le Canada irait à l'encontre des valeurs que les forces canadiennes ont pour mission de défendre dans le monde.
Qui plus est, étant donné que le Canada serait peut-être le seul membre de l'OTAN à ne pas participer à la nouvelle force, sa réputation s'en trouverait fort ternie aux yeux de nos alliés.
En terminant, j'exhorte mes collègues à appuyer la participation du Canada à la SFOR.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de vous féliciter à nouveau pour l'amélioration quotidienne de votre français. Vous savez que c'est avec grand plaisir que je participe au débat parce que c'est toujours un moment de consensus en cette Chambre lorsqu'on aborde les questions de politique étrangère.
Je veux rappeler à ceux qui se joignent à nous que ce dont on discute ce soir en débat spécial, puisque ce n'est quand même pas usuel que la Chambre siège au-delà de 19 h 30, c'est de la nécessité que le Canada poursuive son implication pour une opération de maintien de la paix en Bosnie.
Vous serez d'accord pour dire que lorsqu'on fera l'histoire de ce siècle, on se rappellera bien sûr du génocide arménien, de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de la guerre du Vietnam, mais on se rappellera certainement de cette tension très caractérisée qui a mené à l'éclatement de la République de Yougoslavie. Pour les gens de ma génération, particulièrement pour les gens qui ont étudié en sciences politiques comme moi, lorsqu'on pensait spontanément à la Yougoslavie, on pensait à Tito. Il y avait cette conviction que le modèle yougoslave était un modèle de confédération rotative, qui avait bien réussi un équilibre toujours explosif entre différentes communautés nationales. Le temps nous a permis de comprendre que finalement, le modèle yougoslave était éminemment fragile.
Je veux rappeler que le Bloc québécois, depuis qu'il est à la Chambre des communes, c'est-à-dire depuis octobre 1993, s'est toujours prononcé favorablement et avec enthousiasme à toutes les opérations de maintien de la paix, opérations en Haïti, en Somalie, au Rwanda, en République centrafricaine.
On le fait avec la conviction que c'est une façon généreuse de vivre les relations internationales, que c'est un modèle alternatif d'utilisation des forces armées que celui où on envoie des militaires se préoccuper du maintien de la paix.
Évidemment, dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, la situation a été un peu différente. Il faut se rappeler que c'est un foyer de tensions qui a commencé en 1992. Il y a eu la FORPRONU et ensuite, une force de stabilisation de la paix. Ce n'est qu'à un troisième niveau d'opération, en 1995, que nous sommes intervenus pour le maintien de la paix.
Ceux qui s'intéressent à la politique étrangère comprennent bien que le Canada a de l'expertise en matière de maintien de la paix. On n'est pas peu fiers, au-delà de nos convictions souverainistes, de rappeler que c'est Lester B. Pearson, ancien chef du Parti libéral, lui-même récipiendaire du prix Nobel de la paix à la fin des années 1950, qui fut le premier à proposer dans l'ordre international, toujours sous les auspices des Nations unies, cette possibilité de déployer des militaires une fois qu'un cessez-le-feu était survenu à l'intérieur d'un foyer de tensions très caractérisé.
Pour ceux qui nous écoutent, on pourrait avoir le réflexe de se demander pourquoi un pays comme le Canada, qui n'a pas de tradition d'engagment militaire, où le service militaire n'est pas obligatoire, qui n'a jamais été directement impliqué dans la guerre, qui n'a pas de tradition belliqueuse ou belligérante, s'intéresserait-il à ce qui se passe à l'extérieur?
Lorsque mes concitoyens me posent la question, spontanément, l'exemple que je donne, c'est la situation de la Bosnie-Herzégovine qui, depuis le début des années 1990, a produit à travers le monde 3,5 millions de réfugiés. Évidemment, dans un contexte de mondialisation, lorsqu'il y a des réfugiés qui sont en quête d'un nouveau toit, lorsqu'on produit des réfugiés politiques à la suite d'une situation de guerre, cela a une conséquence nationale.
Ce sont des pays comme le Canada, la France, l'Italie, l'Allemagne qui ont accueilli ces réfugiés politiques. Nous croyons, comme formation politique, qu'il est important de faire un effort additionnel en termes d'équipements, puisque bien sûr, on se rappellera qu'au moment du pont de Sarajevo, depuis l'Europe et l'Amérique, il y a eu une mobilisation canadienne. C'est un avion Hercule qui a permis le ravitaillement. Il y a donc eu une contribution du Canada au niveau du matériel, de l'effectif militaire—à peu près 1 300 personnes—et une contribution du Canada au niveau de l'aide internationale.
L'ACDI et différentes agences de coopération internationale ont investi, à même les deniers publics, parce que les Canadiens paient des impôts et que le gouvernement et le Parlement sont d'accord pour une implication humanitaire, près de 80 millions de dollars. Cet argent a été acheminé par l'entremise de différentes agences depuis le début des années 1990.
S'il nous fallait un exemple pour nous convaincre comment tout ce qui se passe en Bosnie est fragile, comment on n'est pas dans une situation où c'est acquis, comment il est important que l'OTAN poursuive ses efforts sous la supervision des Nations unies, parce que c'est de cela dont on parle, il faudrait se rappeler que depuis 1992, 50 p. 100 des logements en Bosnie ont été détruits.
L'évaluation qui a été faite par les Nations unies nous a permis de comprendre que c'est 4 milliards de dollars américains qui devront être investis, au cours des prochaines années, pour parachever la construction et la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine.
C'est une paix réelle, c'est certain, mais c'est une paix fragile. Elle est fragile pour un certain nombre de raisons. D'abord, les accords de Dayton, qui ont été conduits sous les auspices des Américains, en Ohio, ont fait de la Bosnie-Herzégovine une république confédérée où il y a finalement deux États, la Serbie et la République serbo-croate. Ce mélange, cette unification et la nécessité de construire et d'établir des institutions nationales ne sont pas parachevés.
Il y a présentement un certain nombre d'indices qui nous permettent de comprendre, comme observateurs étrangers, que la paix, pour réelle qu'elle soit, est fragile.
Je vais donner quelques exemples. Il y a bien sûr les Croates de Bosnie qui, bien qu'ils aient appuyé ouvertement, formellement, officiellement et publiquement les accords de Dayton, l'ont fait avec cet espoir, sans doute légitime, mais qui pourrait, poussé à son paroxysme, menacer les efforts de paix.
Les Croates de Bosnie, qui ont appuyé les accords de Dayton, rêvent malgré tout, de façon peut-être un peu secrète, d'être rattachés à la Croatie. C'est une réalité qui nous permet de comprendre combien la paix est fragile.
Il y a, bien sûr—et vous le savez, monsieur le Président, parce que je sais que vous êtes un observateur attentif et vigilant de la scène internationale—toute la question du Kosovo. Le Kosovo est une république de la Serbie qui a eu pendant très longtemps le statut de province autonome et qui, malheureusement, a vu ce statut être remis en cause à un point tel qu'il y a eu des mouvements militaires qui ont été déployés par l'autorité centrale.
Le Kosovo est un foyer de tensions, parce qu'il est constitué à 90 p. 100 d'une population albanaise qui a plus d'affinités avec l'Albanie nationale qu'avec l'État dans lequel on l'a intégré.
Alors, la conjugaison de tous ces facteurs fait que nous sommes avisés, comme parlementaires, de souhaiter un prolongement de l'action de l'OTAN, et non seulement de l'action de l'OTAN, mais encore une fois, je le rappelle, sous les auspices des Nations unies, avec un haut commandement, car je crois que la mission de l'OTAN et des Nations unies est très claire. C'est une mission préventive pour s'assurer que le moindre potentiel d'hostilité doit être tué dans l'oeuf.
Les germes de potentialité de conflit doivent être réprimés pour s'assurer que ce qui prévaut depuis 1995, finalement, trouve un caractère plus durable et que tous ceux qui croient pour la fin de ce siècle aux efforts de paix dans les Balkans puissent continuer, tels le Canada, le Québec, la France et l'Italie, à investir des ressources pour la coopération internationale, l'aide humanitaire, pour que plus jamais, l'éclatement et l'expérience de l'ex-Yougoslavie ne se reproduisent.
[Traduction]
M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, il se fait tard. Il y a déjà eu certains commentaires sur la longueur du débat et du côté de l'opposition, on a même fait des remarques désobligeantes sur la qualité du débat. Je ne voudrais pas m'engager dans cette voie, mais j'aimerais tout de même revenir sur le commentaire du député de Beauharnois—Salaberry qui a prétendu que le Parlement ne jouait pas un rôle assez important dans le présent débat et dans ce dossier en général.
Le Parlement a fait un grand pas en avant avec le présent gouvernement, bien que certaines de ces mesures avaient été entreprises au cours de la dernière législature. Le gouvernement s'est engagé à donner l'occasion aux députés de participer à un débat chaque fois qu'il était question d'engager les forces canadiennes dans des activités de type militaire à l'étranger, que ce soit sous les auspices des Nations Unies ou d'un autre organisme. Il ne s'agit pas de prendre des décisions, mais le fait de permettre la tenue d'un débat au Parlement constitue une mesure sans précédent.
Le gouvernement a respecté cet engagement depuis les tout débuts, en 1994 je crois. On a même perfectionné le processus à un point tel qu'en cas d'urgence, comme ce fut le cas au cours de la relâche parlementaire de l'été dernier, lorsqu'il a fallu décider de la prolongation de notre mandat à Haïti, j'ai personnellement communiqué, en ma qualité de secrétaire parlementaire, avec les porte-parole officiels de tous les partis d'opposition pour leur demander leur approbation provisoire. Ils l'ont accordée.
Nous avons fait un pas en avant. Le Parlement est engagé et je crois que le débat qui se tient ce soir en est la preuve.
Il convient de souligner que le gouvernement actuel a hérité directement d'obligations envers les Nations Unies qui avaient été prises par le gouvernement précédent, celui de M. Mulroney. Cet engagement faisait suite à une demande formulée par le secrétaire général des Nations Unies de l'époque, M. Boutros Boutros Ghali.
Bien que la SFOR soit un type d'opération différent de ce à quoi le gouvernement de M. Mulroney nous a engagés, l'héritage est clair et je considère que l'une des erreurs les plus importantes du gouvernement Mulroney a été de ne pas insister sur l'engagement des Canadiens au sein des équipes de prise de décisions. Nous n'avons pas fait partie du groupe de contact. Nous n'en faisions pas partie au début et nous n'en avons pas fait partie depuis, et dans une certaine mesure, nous donnons suite à des macro-décisions qui ont été prises par d'autres. Ce n'est pas une chose qu'on recommanderait aux gouvernements à l'avenir.
Si on remonte dans l'histoire à laquelle le député de Red Deer a fait allusion en des termes généraux, on peut dire qu'on hérite aussi du passé. Comme le disait Santayana dans son célèbre aphorisme, nous héritons également la non-observation des leçons de l'histoire, et les leçons du passé n'étant ni suivies ni comprises, les décisions n'ont donc pas été sages. Mais ces décisions n'ont pas été les nôtres.
À la désintégration de l'empire ottoman, les grandes lignes du découpage de la péninsule des Balkans ont été arrêtées par le Congrès de Berlin, en 1878; deux guerres mondiales et deux guerres des Balkans qui ont encore été plus sanglantes sur un théâtre plus restreint ont confirmé ces grandes lignes. Tout le reste s'est résumé à quelques modifications mineures et à des rajustements territoriaux.
En 1878, il y avait Bismarck. Il n'y avait pas l'équivalent d'un Bismarck en 1989-1990, lorsque le mur de Berlin s'est effondré que la guerre froide a pris fin.
L'un des problèmes, en un sens, est que, en 1989-1990, les hommes d'État européens ont été trop pressés, de l'avis des historiens, de reconnaître les États qui ont émergé des restes de la Yougoslavie.
Je crois que leur erreur n'a pas été la reconnaissance de ces nouveaux États. Il était très clair que la Slovénie et la Croatie devaient être indépendantes. Mais ils s'en sont tenus aux frontières internes historiques fixées par Tito au moyen de constitutions successives, à compter de 1944. Elles étaient conçues pour assurer un équilibre démographique et géographique, mais elles ne tenaient pas compte des frontières historiques antérieures sous l'Autriche-Hongrie et la Serbie, pas plus que des concentrations ethnoculturelles.
Dans une très grande mesure, on avait semé les conflits ultérieurs qui ont éclaté en 1991-1992, le problème des échanges de populations ou des rajustements constitutionnels radicaux pour lesquels personne n'était présent. C'était là un exemple de l'application erronée de la doctrine d'uti possidetis et je crois que nous en voyons quelques-unes des conséquences.
Cependant, cela ne veut pas dire que les faits comme tels ne peuvent pas acquérir une qualité normative et je pense qu'il faut rappeler à cet égard la visite que le président Chirac a faite à Sarajevo plus tôt ce mois-ci. Le président Chirac est l'un de ceux qui avaient le plus de réserves au sujet des dispositions prises en 1989-1990 dans les conditions de reconnaissance, mais il reprend essentiellement les propos d'un philosophe allemand, M. Jellinek en matière de droit, c'est-à-dire la force normative des faits. De nouvelles frontières ont été créées et il est maintenant temps, après huit ans d'expérience, de tenter de les faire fonctionner. Nous arrivons dans ce contexte.
Au moment où nos soldats retournent en Bosnie et que leur mandat est prolongé, nous devons reconnaître qu'il ne s'agit pas pour le Canada d'une mission classique de maintien de la paix, aux termes du chapitre 6 de la Charte; toutefois, ce n'est pas non plus une mission aux termes du chapitre 7, la mission de maintien de la paix assortie de tous les pouvoirs juridiques de recourir à une force armée. Il s'agit d'une mission intermédiaire de consolidation de la paix. Par conséquent, il devient difficile de délimiter les compétences de nos soldats.
Nous devons avancer avec précaution, car, en un sens, le rôle de consolidation de la paix n'est pas défini, à savoir, ce qu'il est possible de faire ou non.
Nous sommes assujettis aux lois générales de la guerre, mais nous avons essentiellement pour mandat de prêter main-forte dans des questions limitées, soit maintenir le processus électoral ou tenter de faire revivre les villes, ce que nous faisons très bien. Je pense qu'il s'agit probablement de la plus grande justification, mis à part la continuité historique. Nous avons déjà envoyé des soldats là-bas et nous ne pouvons pas laisser le travail inachevé, ce qui constitue la plus grande justification pour continuer.
Je fais remarquer ici avec grand plaisir, comme certains orateurs précédents l'on fait, je crois, que nos soldats canadiens—qui seront peu nombreux—joueront un rôle énorme dans le déminage. Nous nous rappelons tous le traité sur les mines terrestres auquel le Canada a tant contribué. C'est nous qui avons pris cette initiative. Le Canada est allé de l'avant, malgré l'hésitation ou l'opposition de superpuissances et de grandes puissances, et 121 pays l'ont signé. Il reste encore de 300 000 à un million de mines en Bosnie, dans 18 000 champs de mines. À l'heure actuelle, la SFOR enlève 22 000 mines par année. Nous espérons porter ce nombre à 100 000, mais cela représente un défi de taille. Je pense que tous les Canadiens seront très fiers de savoir qu'il s'agit là de l'une des responsabilités de nos soldats qui se trouvent actuellement en Bosnie.
En proposant à la Chambre qu'elle approuve les décisions prises, non pas sur le plan juridique, mais qu'elle appuie cette prolongation avec enthousiasme, nous nous sommes attelés à cette tâche de bonne foi. Nous n'aurions pas créé certaines conditions si nous avions participé aux décisions dès le départ. Mais nous continuons de bonne foi. Nous avons une mission à remplir et nous sommes très fiers, à mon avis, de ce que nous faisons.
M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de participer au débat d'aujourd'hui et de discuter du rôle que les Forces canadiennes ont joué dans l'ex-Yougoslavie.
À titre de secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et de membre du Comité de la défense nationale, j'ai pu visiter les Balkans déchirés par la guerre à deux occasions. J'ai vu directement l'excellent travail de nos militaires.
Tous les députés savent que l'ex-Yougoslavie est un pays déchiré par la guerre, un pays où des familles sont désunies et où les droits de la personne sont massivement violés.
Ils savent aussi que les Forces armées canadiennes forment une organisation militaire qui jouit d'une excellente réputation à l'échelle internationale. Je suis certain que le respect que les Forces canadiennes inspirent dans le monde entier s'est accru par suite de leur participation aux missions dans l'ex-Yougoslavie.
Depuis 1991, les Forces armées canadiennes ont fait de leur mieux pour aider la communauté internationale à régler le conflit dans les Balkans. Elles ont joué un rôle de premier plan à ce chapitre.
Les militaires canadiens ont contribué à empêcher que le conflit ne s'étende à d'autres parties de la région et ne devienne plus violent. Ils ont aussi accepté de sauver d'innombrables vies en aidant à la distribution de secours humanitaires et en empêchant des attaques plus massives contre les civils.
Notre contribution militaire a pris la forme d'interventions terrestres, aériennes et maritimes. Le mandat des forces de l'ONU et de l'OTAN a évolué au cours du conflit, tout comme le travail accompli par le personnel canadien. Les fonctions allaient des tâches traditionnelles de maintien de la paix et d'interposition à des rôles qui constituent davantage un défi et qui mettent à l'épreuve les compétences et la formation de nos militaires.
En juin 1992, lorsque le mandat de la Force de protection des Nations Unies ou FORPRONU a été élargi, un bataillon canadien s'est acquitté de la tâche dangereuse qui consistait à rouvrir l'aéroport de Sarajevo. C'était le début de l'opération du pont aérien humanitaire, le plus important jamais réalisé. Entre 1992 et 1996, les forces de l'air ont effectué environ 1 900 vols à Sarajevo, transportant presque 30 millions de kilogrammes de produits alimentaires et des fournitures médicales, et réalisant 1 100 évacuations médicales, toujours dans des conditions difficiles et souvent dangereuses.
Les troupes canadiennes ont aussi été les premières à être déployées dans l'ex-Yougoslavie et la République de la Macédoine. Au printemps de 1993, les Canadiens ont été envoyés dans la petite enclave de Srebrenica, en Bosnie, dans le cadre d'une première tentative pour créer une zone de sécurité de l'ONU. En septembre 1993, dans la poche de Medak, les soldats canadiens ont été pris dans l'échange de feu en tentant d'établir une zone tampon entre les opposants.
Les opérations dans l'ex-Yougoslavie ont posé à nos dirigeants militaires de nombreux et difficiles problèmes, mais ils ont réagi d'une façon magnifique. Quatre de nos soldats ont servi en tant que commandants adjoints des forces de la FORPRONU et un autre, le major-général Lewis Mackenzie, en tant que chef d'état-major du commandant des forces. Ils ont tous reçu des louanges de la communauté internationale pour leur courage et leur engagement.
J'ai surtout parlé de nos forces terrestres, mais nos forces aériennes et maritimes ont aussi joué un rôle dans l'ex-Yougoslavie.
De 1992 à 1995, dans le cadre de l'opération Interdiction de vol, les forces canadiennes ont fourni le personnel navigant pour les vols de surveillance de l'embargo imposé par les Nations Unies. Aujourd'hui, les militaires des forces aériennes jouent un rôle d'importance dans les missions de surveillance aérienne. Dans le cadre de l'opération Bison qui est en cours, nos soldats aident à contrôler l'aérotransport tactique de la force de stabilisation de l'OTAN.
L'an dernier, six de nos CF-18 ont contribué à assurer une couverture aérienne au-dessus de la Bosnie-Herzégovine, faisant respecter une zone d'interdiction de vol. Ils étaient prêts à aider au besoin les troupes terrestres. Sauf erreur, les soldats canadiens ont été réconfortés de savoir que des chasseurs canadiens patrouillaient en haut.
La marine canadienne a elle aussi rendu des services inestimables. Entre 1992 et 1996, onze navires canadiens et quatre avions de patrouille maritime de type Aurora ont patrouillé l'Adriatique pour faire respecter l'embargo militaire et les sanctions économiques imposées par l'ONU. Voilà une participation importante de la capacité maritime de la marine canadienne.
Le succès des opérations canadiennes en ex-Yougoslavie n'est pas passée inaperçu auprès de la communauté internationale. Quand la force de mise en oeuvre du plan de paix a été mise sur pied en 1995, les Forces canadiennes ont été invitées à établir un quartier général de brigade dans le secteur britannique, ce qui témoigne clairement du respect qu'elles s'étaient acquis auprès de nos alliés de l'OTAN. Le commandant britannique a plus tard déclaré qu'il n'avait que des éloges à faire à l'égard de l'approche efficace et professionnelle dont les Canadiens ont toujours fait preuve.
Les responsables civils de l'ONU ont eux aussi adressé de grands éloges aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes. Dans une lettre adressée au Globe and Mail en juillet dernier, l'ancien dirigeant de la mission humanitaire de l'Organisation mondiale de la santé en Yougoslavie a écrit que l'armée canadienne a eu une conduite très professionnelle et a toujours allié la discipline à l'humanité, au tact et—faut-il le dire—au courage dans une situation extrêmement difficile.
Nous avons actuellement 1 200 militaires en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la Force de stabilisation de l'OTAN, la SFOR. Leur mission est double: veiller au respect des aspects militaires de l'accord de Dayton et contribuer à préserver la sécurité de l'environnement nécessaire à la consolidation de la paix.
Leurs responsabilités opérationnelles consistent notamment à assurer la sécurité locale de certains points vitaux, à déployer des forces des deux côtés de la ligne de cessez-le-feu et à identifier les principaux risques de points chauds. C'est un travail difficile, dangereux, mais ils l'exécutent avec un professionnalisme qui a toujours été la caractéristique des Forces canadiennes.
Je manquerais à mon devoir si je ne rappelais pas le sens humanitaire des hommes et des femmes des Forces canadiennes qui servent en ex-Yougoslavie. Pendant leur séjour là-bas, ils ont participé à de très nombreuses activités dont la réparation d'écoles, d'hôpitaux et de routes et des soins médicaux. Permettez-moi de donner un exemple précis.
À l'été de 1994, l'équipage de la frégate NCSM Halifax a procuré une aide très précieuse à un camp de réfugiés en Slovénie. Les marins ont donné 50 sacs de jouets et de vêtements pour les réfugiés. Huit marins ont assuré un entretien général dans le camp, faisant des travaux de plomberie, de charpente, de peinture et de réfection de toits.
Ce que la plupart des Canadiens ne savent pas, c'est que les membres des Forces canadiennes font une grande partie de ce travail humanitaire—c'est le cas des marins du NCSM Halifax—pendant leurs heures libres. Ils ne sont pas obligés de le faire. C'est leur choix. Ils choisissent de donner leur aide. Cela en dit long sur leur compassion et leur dévouement.
Les militaires canadiens ont dû affronter de dures épreuves en ex-Yougoslavie dont le mauvais temps, le danger constant des tireurs embusqués et des tirs d'artillerie, les prises d'otages. Treize ont sacrifié leur vie à la cause de la paix. Mais ils ont tenu bon et, dans bien des cas, ils ont fait plus que leur devoir et accompli des actes de bravoure.
En juillet 1992, le sergent J.S. Forest du Royal 22e régiment a secouru deux femmes gravement blessées malgré le tir nourri des tireurs embusqués. Pendant que le capitaine Joseph Bélisle visait les tireurs, le sergent Forest a rampé vers les victimes et les ramenées en lieu sûr. Toujours sous le feu des tireurs, les deux soldats ont placé les femmes à bord d'un véhicule militaire. Les deux hommes ont été décorés de la Médaille de la bravoure.
Il y a aussi le sergent Thomas Hoppe. Il a reçu la Croix du service méritoire pour son commandant sous le feu à un poste d'observation situé entre les forces serbes et musulmanes en Bosnie, en juillet 1994.
Un mois plus tard, le sergent Hoppe a de nouveau fait preuve d'une grande bravoure. Lorsqu'il s'est rendu compte que des tireurs embusqués tiraient sur trois jeunes garçons qui jouaient dans un cimetière de Sarajevo, il s'est élancé en direction des enfants et les a entraînés dans un véhicule blindé de transport de troupes. Il a reçu la médaille de la bravoure pour ces actes héroïques. Le sergent Hoppe est le seul membre des Forces armées canadiennes à s'être vu remettre ces deux médailles depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Le Canada jouit de la réputation bien méritée de se trouver au bon endroit quand ça compte. Si le Canada veut continuer de jouer un rôle actif sur l'échiquier mondial, il est essentiel que nous maintenions cette réputation. Cela signifie que nous devons contribuer aux efforts de la communauté internationale en vue d'accroître la sécurité internationale en continuant par exemple de participer aux missions de maintien de la paix telle la SFOR.
Les forces canadiennes ont fait beaucoup dans l'ancienne Yougoslavie depuis leur premier séjour en 1991. Leur participation a réellement compté. En Bosnie-Herzégovine, leur participation est toujours très importante. Bien qu'on ait accompli beaucoup, la situation n'est pas encore stable. Prenons la bonne décision et maintenons la présence de nos forces canadiennes dans la SFOR jusqu'à ce que la situation soit plus stable.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui à ce débat. Il nous rappelle ce que nous avons fait il y a quatre ans, au début de notre premier mandat au Parlement. Bon nombre d'entre nous ont fait leur premier discours à la Chambre dans le cadre d'un débat d'urgence qui avait eu lieu à peu près à la même époque et qui portait sur la crise en Bosnie.
Même si de nombreux députés ont parlé de cette question à la Chambre de manière éloquente, nous avons lamentablement échoué. Des tyrans étaient prêts à violer, à tuer, à piller et à exercer leurs pouvoirs à titre de dirigeants pour opposer des frères et pour causer le pire génocide jamais vu en Europe et dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Les effusions de sang ne sont pas terminées.
L'accord de paix de Dayton prévoit le morcellement de l'ex-Yougoslavie. Il garantit l'existence de la Bosnie.
Par la force, nous avons réussi à garder ensemble les Serbes, les Croates et les musulmans de Bosnie. Ce n'est que par la force que nous y sommes parvenus. Il y a une chose que les députés doivent comprendre: c'est que la Bosnie reste ainsi uniquement en raison de la force d'intervention internationale qui lui est imposée. Si cette force se retirait, la Bosnie serait de nouveau plongée dans le même bain de sang qui existait il y a quatre ans. Le massacre continuerait. Les décideurs des plus hauts niveaux dans le monde le reconnaissent. Il faut que nous le reconnaissions aussi.
J'appuie tout à fait la présence de nos militaires en Bosnie pour l'instant. Cependant, à moins de souhaiter assister à un autre conflit comme celui de Chypre, car la même chose se produira en Bosnie, nous devons reconnaître que l'avenir à long terme de la Bosnie réside uniquement dans son morcellement pacifique.
L'accord de paix de Dayton, c'est comme la fameuse histoire où l'on essaie de colmater la brèche dans un barrage en y mettant son doigt. Cet accord a servi à empêcher un nouveau conflit au moment où il a été conclu, ce que nous avons évité en ayant recours à la force. Nous avons beaucoup contribué à prévenir d'autres bains de sang. À l'avenir, on ne pourra prévenir aucun conflit, à moins que la Bosnie se divise en trois groupes distincts et que nous soyons prêts à nous installer là-bas indéfiniment. Tant de sang a été répandu que le souvenir ne s'effacera jamais dans la population. Par conséquent, si nous nous retirons, si la SFOR se retire, la tuerie recommencera.
Nous le voyons à l'heure actuelle. Encore une fois, Slobodan Milosevic a commencé à lutter contre les Albanais, au Kosovo. Il a aussi déclaré la guerre au président serbe en Bosnie. De plus, il soulève divers problèmes et livre une guerre froide au leader du Monténégro. Ce n'est qu'un exemple des conflits qui s'annoncent dans les Balkans et nous avons à peine réussi à maintenir le couvercle sur la marmite.
À moins d'être prêts à rester là-bas indéfiniment, nous devons entreprendre des négociations pour que la Bosnie se divise pacifiquement et non sous la menace de fusils AK-47. Nous pouvons faire beaucoup.
Si nous acceptons que la Bosnie doit se diviser pacifiquement pour qu'il y ait une paix durable, j'exhorte le ministre à collaborer avec ses homologues de l'OSCE, des Nations Unies et des groupes de contact pour que des efforts soient déployés afin que la Bosnie se divise pour de bon de façon pacifique, selon les groupes ethniques qui y habitent.
Nous devons aussi nous rendre compte de la présence d'autres problèmes. La Yougoslavie présente peut-être le cas le plus criant en Europe de l'histoire récente. Un conflit comme celui qui se déroule en Yougoslavie est comme une bombe à retardement qui prend des années à exploser. Le génocide qui s'est produit dans l'ex-Yougoslavie montre clairement que nous n'avons tiré aucune leçon des camps de concentration de Dachau et d'Auschwitz. Nous avons encore prouvé que nous sommes impuissants à faire face à un conflit imminent. Pourtant, nous disposons d'outils pour régler ce problème.
Le ministre des Affaires étrangères s'est bâti ces deux dernières années un certain capital grâce à ses efforts en vue d'interdire les mines terrestres et de faire respecter les droits de la personne en Chine, ainsi que grâce à d'autres initiatives. Il peut maintenant s'attaquer avec d'autres pays au problème plus vaste de la prévention des conflits.
Il y a en médecine un adage qui dit qu'il vaut nettement mieux prévenir que guérir. Il est nettement moins coûteux, nettement plus efficace et infiniment plus humanitaire de prévenir un conflit que de le gérer une fois qu'il a éclaté.
J'ai présenté à la Chambre des communes une motion d'initiative parlementaire, demandant au ministre des Affaires étrangères de convoquer les pays d'optique commune à Ottawa ou ailleurs, comme nous l'avons fait en ce qui concerne les mines terrestres, pour identifier les signes avant-coureurs des conflits et proposer des outils afin d'y mettre fin. Si nous pouvons créer ce noyau de pays d'optique commune, d'autres pays viendront s'y joindre.
Il est clairement dans l'intérêt de tout pays de réagir et de ne pas laisser éclater des conflits dans leur sphère d'influence. Un conflit qui se produit à l'autre bout du monde nous retombera dessus sous la forme soit de réfugiés et de pressions sur nos politiques sociales, soit de pressions sur nos budgets de défense et d'aide.
Il importe également de souligner que si un conflit éclate, tout l'incroyable et inestimable travail accompli héroïquement par les soldats canadiens sera réduit à néant en l'espace de quelques jours, semaines ou mois.
Si nous améliorons le Fonds monétaire international, celui-ci pourra être utilisé comme un outil, non seulement une carotte, mais aussi un bâton. L'argent est le nerf de la guerre. Sans argent, aucun despote ne pourra se lancer dans une guerre. La plupart des pays qui vivent sous la menace d'une guerre aujourd'hui ont besoin de l'argent du FMI. Ce dernier peut empêcher les despotes d'utiliser cet argent en gelant leurs actifs.
Le FMI peut utiliser son pouvoir comme carotte pour fournir des fonds à des groupes modérés qui sont prêts à travailler ensemble avec des groupes disparates pour construire des ponts de tolérance et de compréhension. Il pourrait récompenser ceux qui s'engagent dans le maintien de la paix et ceux qui ont le courage de s'opposer aux despotes et leur dire qu'ils ne les laisseront pas transformer leur pays en enfer, qu'ils ne les laisseront pas précipiter leur pays dans la guerre civile, qu'ils ne les laisseront pas dresser frère contre frère, qu'ils ne les laisseront pas causer la mort de leurs concitoyens.
Nous jouissons d'une position inhabituelle en tant que nation. Le Canada a un rôle inhabituel à jouer au sein de la communauté internationale. Nous pouvons faire office de négociateur pour inciter les pays à prendre tous ensemble des mesures multilatérales afin de modifier le FMI et de l'utiliser comme un outil pour la paix.
L'ONU a besoin d'une renaissance. Elle était efficace au moment de sa création à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais elle n'a plus la capacité de réagir aux menaces contre la sécurité auxquelles notre pays et la communauté internationale seront confrontés dans l'avenir.
Une réforme des Nations Unies s'impose. De nombreux pays partagent ce sentiment, mais ils cherchent un chef de file. Nous pouvons jouer ce rôle. Il y a des raisons pratiques, extrêmement importantes et convaincantes sur le plan économique, pour se mêler de la réforme de ces institutions. La guerre frappe tout le monde. Elle est coûteuse pour nous, pour les pays en cause et pour tout le monde. Tout le monde paie.
Je demande aux ministériels de collaborer avec d'autres députés pour que nous puissions utiliser l'influence du Canada pour transformer ces organisations multilatérales en outils de paix pouvant répondre à ces menaces à la sécurité, sur les plans militaire, environnemental ou autre.
En conclusion, l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, le Burundi, la Birmanie, l'Inde, le Kenya et l'Indonésie représentent tous des menaces à la sécurité, à l'avenir. Nous devons nous attaquer à ce problème maintenant, dans l'intérêt de tout le monde. J'exhorte le ministre des Affaires étrangères à travailler avec nous à cette fin.
[Français]
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole devant la Chambre des communes en faveur de la participation continue du Canada à la force de stabilisation, ou SFOR, en Bosnie-Herzégovine.
Je me réjouis particulièrement de cette occasion car en ma qualité de président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, en novembre 1997, j'ai eu le privilège de diriger une délégation de huit membres du Comité de la défense et des affaires étrangères lors d'une visite en Bosnie.
Nous avons constaté de nos propres yeux les éléments de la politique d'édification de la paix en Bosnie et à la contribution du Canada à sa mise en oeuvre. Le maintien de la paix est assuré grâce à notre participation militaire à la force de stabilisation dirigée par l'OTAN.
Des projets de reconstruction sont réalisés avec l'aide de l'Agence canadienne de développement international, d'organisations canadiennes non gouvernementales et des Forces canadiennes. De plus, des initiatives de démocratisation sont menées en collaboration avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le Groupe international de police et d'autres organismes.
En nous basant sur tout ce que nous avons vu, nous avons conclu que des progrès considérables ont été accomplis en Bosnie depuis presque deux ans, c'est-à-dire depuis la signature de l'Accord cadre général sur la paix, connu sous le nom de l'Accord de Dayton.
Nous avons été fiers de voir et d'apprendre que le Canada avait joué un rôle majeur à l'égard des aspects militaires et civils de cet accord de paix. Étant donné les efforts considérables déjà déployés et les progrès réalisés, tous les membres de notre délégation étaient d'avis qu'une présence militaire internationale serait nécessaire en Bosnie après l'expiration du mandat actuel de la SFOR, en juin 1998.
[Traduction]
Notre groupe s'entendait pour dire que le Canada devait demeurer parmi les chefs de file dans cet effort international.
Je vais dire à la Chambre ce que nous avons vu et comment cela nous a conduits à notre conclusion. Nous nous sommes, tout d'abord, arrêtés à Aviano, en Italie. C'est à partir de cette base aérienne américaine que six chasseurs canadiens CF-18 ont participé à plus de 250 missions opérationnelles visant à faire respecter la zone d'exclusion aérienne, au-dessus de la Bosnie, l'année dernière.
D'Aviano, nous nous sommes rendus en Bosnie où, au cours des trois jours suivants, nous avons visité les quatre principaux camps militaires canadiens. Nous avons commencé par le camp Black Bear, à Velika Kladusa, où nous avons été breffés en détail sur les opérations militaires dans le secteur qui est sous la responsabilité des troupes canadiennes. Ce secteur a pratiquement la superficie de l'Île-du-Prince-Édouard.
Étant donné, notamment, les difficultés présentées par le terrain très montagneux dans cette région, les troupes canadiennes dans ce secteur doivent surmonter d'importants obstacles au niveau des communications et du transport.
[Français]
Il n'est pas facile de décrire la fierté qu'on éprouve à constater comment nos soldats canadiens réussissent à relever ces défis. Nous avons été frappés par le niveau élevé de professionnalisme et la grande fierté qui règne parmi les militaires canadiens qui servent dans la région. Nous avons été impressionnés aussi par leur compréhension de la mission et par leur engagement à cet égard.
Nous étions tous convaincus que si plus de Canadiens et de Canadiennes connaissaient ce que nous avons vu là-bas, eux aussi éprouveraient une très grande fierté.
Nous avons aussi été frappés par les dangers que représente cette mission. L'un des premiers briefings auquel nous avons assisté a porté sur la sensibilisation aux mines. Nous avons vu des mines pratiquement indétectables enfouies dans un petit champ de mines utilisé aux fins de l'entraînement. On nous a montré l'équipement que portent les sapeurs qui participent aux activités de déminage. Les procédures qui permettent d'éviter ou de neutraliser les mines nous ont été expliquées en des termes qui portent à réflexion.
Il ne s'agissait pas uniquement d'apprendre à détecter et à neutraliser les mines, mais aussi à vivre avec cette menace insidieuse et omniprésente.
[Traduction]
On nous a dit de ne pas quitter la partie asphaltée de la route, en sortant d'un véhicule. On nous a dit de ne pas marcher dans l'herbe à l'extérieur des villages. On nous a dit que les champs des agriculteurs étaient ensemencés avec des mines plutôt qu'avec du grain, et nous avons vu des milles et des milles de ruban jaune déroulé dans le paysage, pour délimiter les terrains où pourraient se trouver des mines.
On nous a dit aussi qu'il y avait probablement un million de mines qui gisent en Bosnie. Nous avons été émus de voir l'impact effrayant que leur présence peut avoir dans la vie de tous les jours. C'est difficile pour les Canadiens, qui vivent dans un pays tellement riche et libre, de comprendre l'horreur de la situation.
[Français]
Après ce voyage, nous étions convaincus que le Canada devait maintenir sa participation à la SFOR en Bosnie. J'étais aussi très fier des efforts qu'a déployés le Canada pour débarrasser le monde des mines terrestres antipersonnel.
Permettez-moi de vous dire ce que nous avons encore vu en Bosnie. À Drvar, nous avons visité une école que des sapeurs canadiens ont aidé à reconstruire dans le cadre d'un de nos projets de rétablissement. Nous avons aussi constaté l'énorme travail de reconstruction qu'il faudra entreprendre pour réparer l'infrastructure de ce pays, pour rétablir ce que la guerre a dévasté: les hôpitaux, les sous-stations électriques, les ponts, les routes. Il faudra des années.
Partout où nous sommes allés, les habitants nous ont dit combien ces projets étaient importants. Ils nous ont aussi demandé de remercier la population canadienne et d'exprimer leur gratitude pour ce que les Canadiens et les Canadiennes ont accompli afin d'aider à rebâtir leur pays.
[Traduction]
Les aspects militaires des accords de Dayton ont été un franc succès. Les combats ont cessé dans la mesure où les forces ont veillé à prévenir les troubles lors des élections municipales et dans la mesure où le Groupe international de police de l'ONU a joui d'un bon soutien pour la réorganisation de la police civile. La SFOR continue à contrôler les entrepôts d'armes et à participer à beaucoup d'autres projets d'aide au rétablissement.
[Français]
Toutefois, les progrès en vue de démocratiser la Bosnie ont été des plus lents. Les principales questions à régler sont l'incapacité de centaines de milliers de personnes déplacées et de réfugiés à rentrer chez eux et la présence d'individus accusés de crimes de guerre.
Nous avons vu pourquoi il est si difficile pour les gens de rentrer chez eux. Malgré de petits travaux de reconstruction dans certains endroits, la campagne est bondée de maisons en ruines. De village en village nous avons vu des maisons détruites par les bombardements durant la guerre et nous avons en avons vues d'autres qui ont été détruites afin d'empêcher leurs occupants de rentrer chez eux.
C'est pour ces raisons que je suis heureux d'apporter mon appui inconditionnel à une présence continue des Forces canadiennes en Bosnie.
[Traduction]
M. Jim Gouk (West Kootenay—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, tout en écoutant le dernier orateur, je me demandais pourquoi je suis ici ce soir. J'étais à la maison, sur le point d'aller au lit. J'ai dû veiller tard ces quelques derniers jours. Je suis un de ces députés qui doivent se déplacer de l'Ouest et les aller-retour constants finissent par être fatigants.
Je suis ici en partie à cause d'un sentiment de culpabilité, qui n'a cependant rien à voir avec les militaires. Ce sentiment est lié à une chose qui s'est produite ici ce soir et qui est pourtant en rapport avec la tenue du débat actuel.
Mon sentiment de culpabilité provient du vote que nous avons tenu sur un autre sujet, l'indemnisation de personnes qui vivent une tragédie. Ces personnes et nous-mêmes avons perdu ce vote. En quittant la Chambre des communes, je me suis rendu à une réception, où j'ai pris une consommation et un bon repas. Je suis ensuite retourné à la maison. J'étais assis, sur le point d'aller au lit et je me suis dit, tout à coup, que la vie est très injuste. Je suis ici après être allé à une réception et avoir pris un bon repas. Pour moi, la vie continue comme avant. Il n'en va pas de même de ces personnes qui vivent une tragédie et qui n'ont reçu aucune aide du Parlement ce soir.
J'étais sur le point de fermer la télévision, mais en passant d'une chaîne à l'autre j'ai syntonisé la chaîne parlementaire pour voir si elle diffusait le débat actuel. Je me suis dit qu'il était bien ironique de tenir ce genre de débat ce soir après le vote qui avait eu lieu plus tôt. J'ai commencé à m'interroger sur les raisons de la tenue du débat sur la Bosnie.
Est-ce vraiment ce que nous faisons, car la décision est déjà prise. Ce n'est pas comme si le gouvernement nous demandait notre avis. Il a déjà pris sa décision. Alors, pourquoi sommes-nous ici?
Le gouvernement libéral a pris la décision de tenir le débat sur la Bosnie, qu'on pourra qualifier de débat de pure forme ou autrement, simplement pour faire diversion au vote de ce soir, qui l'a mis dans l'embarras. Après ce qu'il a fait, le gouvernement voit dans le débat actuel l'occasion de se lancer des fleurs. Il se dit qu'il peut être fier, qu'il peut faire rejaillir sur lui la fierté de nos troupes de maintien de la paix tout simplement en les autorisant à demeurer là-bas. Eh bien, non; ce n'est pas le cas. Je ne pourrais aller me coucher en pensant que j'aurais permis une telle chose.
Nous avons entendu le ministre de la Justice expliquer à la Chambre pourquoi il n'allait pas indemniser les personnes qui ont contracté l'hépatite C avant 1986. Il a dit que le gouvernement ne devait en aucune façon indemniser ces victimes et qu'il n'avait pas l'obligation d'indemniser les personnes qui souffraient d'un problème qui ne résultait pas d'une négligence de la part du gouvernement.
Or, la Bosnie ne résulte pas d'une négligence de la part du gouvernement. La haine ne résulte pas d'une négligence de la part du gouvernement. Chypre ne résultait pas d'une négligence de la part du gouvernement, tout comme c'est le cas partout ailleurs où nous avons envoyé des troupes. Les deux opérations Tempête du désert, la première et la presque deuxième, ne résultaient pas non plus d'une négligence de la part du gouvernement. Mais quand il y avait des gens dans le besoin, le gouvernement canadien est intervenu.
Ce soir, il y avait des gens dans le besoin, mais le gouvernement canadien n'est pas intervenu. Il est intervenu lors de l'inondation au Saguenay. Était-ce la faute du gouvernement? Il est intervenu lors de l'inondation au Manitoba? Était-ce la faute du gouvernement canadien? Et la tempête de verglas?
Il est odieux de voir que les libéraux osent aborder cette question à la Chambre ce soir pour faire oublier le vote de tout à l'heure. C'est faire peu de cas de la bonne réputation de nos troupes. Je trouve cela tout à fait dégoûtant.
J'ai une unité de réserve dans ma circonscription, l'escadron de campagne 44, un escadron de génie. Cette unité a servi en Bosnie. Elle a aidé lorsqu'il y a eu des catastrophes naturelles. Elle a fait un nombre incalculable de tâches charitables et utiles dans ma région et partout dans le monde.
Il y a peu de temps, j'ai reçu une lettre d'une objecteur de conscience de ma circonscription. Elle s'oppose à l'armée et au fait qu'une partie des impôts qu'elle paie y soit consacrée. Elle voulait savoir s'il y avait moyen de verser ses impôts dans quelque fonds spécial plutôt qu'à l'armée.
Je lui ai écrit en lui disant que je comprenais sa position, sa haine de la guerre, que j'aimerais que nous la détestions tous autant, mais, que parfois, il fallait défendre des gens qui deviennent des victimes sans qu'ils n'aient rien fait pour cela. Je lui ai dit que nos militaires avaient une longue tradition d'actions non violentes, par exemple, dans les missions de maintien de la paix et les secours en cas de catastrophes naturelles au Canada. C'est sur cela que nous devrions mettre l'accent, mais cela ne devrait pas détourner l'attention de ce qui s'est passé à la Chambre ce soir.
Aidons vraiment les militaires et faisons quelque chose de bien, plutôt que de pontifier sur le rôle de l'armée et sur la fierté que nous éprouvons à l'envoyer là-bas. Certains disent que cela nous grandit puisque, après tout, ce ne sont que des troufions alors que ce sont nous, dans notre magnanimité, qui les envoyons là-bas. Nous devrions plutôt nous pencher à la Chambre sur leur manque d'équipement, sur leur manque d'entraînement et sur les fermetures de bases militaires.
Certaines des meilleures bases militaires du Canada ont été fermées. Nous avions une base qui avait été presque reconstruite à neuf à Chilliwack, mais elle a été fermée et le personnel a été transféré en Alberta, sur une base où il n'y a pas suffisamment de place pour loger tout le monde. Il va falloir y construire de nouvelles installations.
Ce que le gouvernement fait dans le secteur militaire n'a aucun sens, pourtant il pense que les députés devraient venir ici et déclarer que nous sommes très bons parce que nous avons soutenu envoyé des troupes en Bosnie.
Je ne sais pas si prendre la parole aujourd'hui sert à quelque chose. J'aurais peut-être aussi bien fait d'aller me coucher et rattraper le sommeil perdu. Mais je ne pouvais pas, il me paraissait important de vider mon sac.
Je n'en espérais pas davantage de la ministre de la Justice. Je n'en espérais pas davantage du premier ministre ou du whip du gouvernement. Mais j'espérais plus de certains députés de l'arrière-ban. Je sais qu'ils étaient opposés au projet de loi du gouvernement. Je sais que certains sont d'une grande intégrité.
J'ai souvent dit dans mes réunions publiques qu'Ottawa n'est pas ce que l'on pense. Je tenais à peu près le langage suivant: «En tant que député réformiste, je vais dire ce soir quelque chose qui paraîtra étrange venant de ce côté. Il y a beaucoup de bons députés libéraux à Ottawa. Ce ne sont pas les personnes qu'il faut blâmer, c'est le système.» Je ne le redirai pas, car ce n'est pas vrai. Ce soir, effaçons tout.
Je connais des députés dans cet arrière-ban qui étaient contre, qui estimaient que les victimes de l'hépatite C, du sang contaminé, avaient droit à une indemnisation, mais ils se sont laissés tordre le bras. Ils ont fait fi des victimes. Ils ont fait fi de leur électeurs. Ils ont fait fi de leur devoir envers le pays.
Ils ont la témérité de venir ici et de laisser entendre que nous sommes bons, que nous sommes merveilleux, parce que nous envoyons des troupes en Bosnie. N'est-ce pas que le moment est mal choisi? Juste après un vote qui était prévu et pour lequel le gouvernement allait essuyer beaucoup de critiques. Leur timing est incroyable. Quelle étrange coïncidence que cela se produise ce soir.
Je ne peux pas le croire. À mon avis, les Canadiens ne peuvent pas le croire. J'espère que les libéraux ont longuement sondé leur conscience à ce sujet. S'ils pensent réellement ce qu'ils ont dit ce soir à propos des militaires, j'espère qu'ils agiront de manière à ce qu'ils aient du matériel, des bases et une formation.
S'ils veulent les envoyer affronter le danger, qu'ils leur donnent les moyens appropriés pour le faire. S'ils veulent s'enorgueillir de quelque chose, ils devraient s'assurer, malgré le vote de ce soir, de venir en aide à ces victimes, aux personnes qui comptaient sur eux et qu'ils ont laissées tomber.
Le président suppléant (M. McClelland): Comme il n'y a plus d'orateurs, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain à 14 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 22 h 48.)