FOPO Rapport du Comité
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LA SURPÊCHE ÉTRANGÈRE : IMPACTS ET SOLUTIONS CONSERVATION SUR LE NEZ ET LA QUEUE DES GRANDS BANCS ET LE BONNET FLAMAND Dans son rapport de décembre 2001 sur les problèmes que vivent les pêcheurs et les transformateurs de crevettes de Terre-Neuve et du Labrador, le Comité note que la quantité de crevettes capturées sur le Bonnet Flamand dépasse largement le total autorisé des captures (TAC) recommandé par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO). En mars 2002, le chalutier-usine congélateur russe Olga a été arraisonné pour avoir censément rejeté du pétrole en mer au sud-ouest de Terre-Neuve. On a découvert par la suite que l’Olga transportait 49 tonnes de morue dans ses cales et les représentants fédéraux ont aussi allégué que l’Olga avait pêché illégalement la crevette sur les Grands Bancs en décembre 2001. Le capitaine de l’Olga et un des officiers de bord ont été accusés d’avoir commis des infractions liées à la pollution; cependant, l’Olga a été autorisé à quitter Terre-Neuve avec sa cargaison illégale intacte parce que le Canada n’a pas le pouvoir nécessaire pour appliquer les règlements relatifs aux infractions de pêche au-delà de la limite de sa zone de 200 milles1, 2. En vertu des règles de l’OPANO, c’est l’État d’immatriculation qui doit porter des accusations. Bien que les Russes aient promis de le faire, nous n’avons aucune garantie qu’ils tiendront parole. Ces incidents font ressortir la tendance des membres de l’OPANO à contrevenir aux mesures établies par l’organisme et destinées à conserver les stocks de poisson de fond fragiles dans les zones de pêche de notre plateau continental, au-delà de la limite des 200 milles du Canada. Les prises accidentelles excessives3 d’espèces visées par un moratoire et, pis encore, la pêche dirigée semblent devenir des pratiques de plus en plus Le non-respect des mesures de conservation empêche le rétablissement des stocks fragiles de poisson de fond, des stocks qui chevauchent la limite entre la zone canadienne et la haute mer. Le problème ne se limite pas aux eaux internationales. La surpêche au-delà des 200 milles menace le rétablissement de stocks qui se trouvent dans la zone économique exclusive (ZEE) du Canada, en deçà de la limite des 200 milles. Tandis que les bateaux de quelques autres pays pêchent apparemment sans restriction en accordant peu d’égard à la protection des stocks chevauchants, les bateaux et les usines du Canada demeurent inactifs. Ainsi, le 9 mai 2002, Fisheries Products International (FPI) a annoncé la fin de sa pêche à la limande à queue jaune cinq semaines avant l’échéance prévue, à cause des prises accessoires de plie canadienne, espèce sous moratoire. La décision, prise conjointement par FPI, l’Union des pêcheurs de Terre-Neuve et le ministère des Pêches et des Océans (MPO), touche environ 10 bateaux, 100 pêcheurs et 600 travailleurs d’usine. De nombreuses solutions ont été mises de l’avant pour régler ce problème. La plus sévère propose l’extension unilatérale par le Canada de sa compétence sur les zones de pêche situées au-delà de la limite des 200 milles, sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand. À l’autre extrémité de l’éventail des propositions se situent ceux qui croient que la meilleure solution est de travailler à améliorer la situation au moyen du cadre actuel. Et il y a la solution intermédiaire : la gestion axée sur la conservation. Étant donné l’importance de la question, le Comité permanent des pêches et des océans a entrepris une étude sur les répercussions de l’extension de la ZEE du Canada au Nez et à la Queue des Grands Bancs ainsi qu’au Bonnet Flamand. La surpêche étrangère n’a guère retenu l’attention dans l’ensemble du pays depuis le conflit entre le Canada et l’Union européenne (UE) au milieu des années 1990, mais elle a fait l’objet d’un débat de longue date à Terre-Neuve et au Labrador. En effet, le problème n’est pas nouveau, pas plus que les solutions proposées. En 1990, une Étude indépendante sur l’état des stocks de morue du Nord, mieux connue sous le nom de « rapport Harris », recommandait que « le Canada conclue une entente internationale lui accordant la gestion de tous les stocks de poissons indigènes du plateau continental canadien qui se déplacent hors de la limite des 200 milles ». À défaut d’atteindre cet objectif, le rapport recommandait que le Canada « prenne des mesures unilatérales en vue d’acquérir les droits de gestion conformément aux dispositions du Traité [sic] sur le droit de la mer5 ». À peu près à la même époque, l’Institut canadien des océans, dans un rapport préparé à l’intention du Conseil canadien des pêches, a mis de l’avant une série de solutions comprenant, notamment, des modifications à la Convention de l’OPANO qui tiendraient compte des préoccupations canadiennes et de l’extension unilatérale de la juridiction fonctionnelle6. Le Comité a tenu des audiences à Ottawa auxquelles ont participé des représentants du ministère des Pêches et des Océans et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Les membres du Comité se sont aussi rendus à St. John’s (Terre-Neuve et Labrador), en mars 2002, pour entendre des témoins représentant le gouvernement de la province de Terre-Neuve et du Labrador, l’Assemblée législative, des municipalités, des associations de pêcheurs, des particuliers ayant des intérêts de longue date dans ce domaine et une connaissance spécialisée des problèmes. La question à débattre ne consistait pas à déterminer si le statu quo était acceptable; il ne l’est pas. La question était donc plutôt de savoir comment le Canada devrait traiter un manque de plus en plus flagrant de respect pour les mesures de protection et de conservation dans la zone de réglementation de l’OPANO. Le moment d’entreprendre une telle étude est tout à fait à propos. Cette année marque le 25e anniversaire de l’extension de la compétence du Canada jusqu’à 200 milles, en 1977. L’OPANO elle-même a presque un quart de siècle et 2002 sera également l’année du dixième anniversaire du moratoire imposé au plus important stock de poisson du Canada et l’une des plus grandes ressources naturelles du monde, la morue du Nord. Le 9 mars 1995, les agents des pêches du ministère des Pêches et des Océans et une équipe d’intervention d’urgence de la GRC arraisonnaient et saisissaient le bateau de pêche espagnol Estai. Le bateau a été appréhendé dans les eaux internationales, après s’être libéré de ses filets et avoir tenté de s’enfuir. L’Estai s’est arrêté seulement après que des coups de feu eurent été tirés par le travers de l’étrave. Il a été escorté au port de St. John’s (Terre-Neuve), où son capitaine a été accusé par le tribunal provincial de Terre-Neuve et du Labrador de quatre infractions à la Loi sur la protection des pêches côtières du Canada (pêcher un stock chevauchant en contravention avec les mesures de conservation et de gestion prévues par les règlements; omettre d’arrêter son bateau malgré le signal d’un bateau de l’État; jeter par-dessus bord ou détruire, après le signal d’arrêt, une partie des engins de pêche de l’Estai; et entraver volontairement l’action d’un garde-pêche qui agit dans l’exercice de ses fonctions). Cet incident a constitué le point de rupture des frustrations accumulées par le Canada à propos des activités de pêche illégales sur le Nez et la Queue des Grands Bancs de Terre-Neuve et son refus de tolérer davantage ce genre d’activité. Un peu plus tôt au cours de la saison, à la réunion de février 1995 de la Commission des pêches de l’OPANO, l’UE avait proposé initialement d’obtenir 75 p. 100 du TAC de 27 000 tonnes de flétan noir7 (turbot) (pour l’ensemble de la zone d’application de la Convention), tandis que le Canada en recevrait 13 p. 100. La proposition du Canada prévoyait 62,2 p. 100 pour le Canada et environ 12,6 p. 100 pour l’UE. Celle-ci avait aussi manifesté son désaccord avec la décision de l’OPANO, prise l’automne précédent, de réduire le TAC de 60 000 à 27 000 tonnes. La rencontre de février s’est terminée par l’acceptation d’une proposition faite par Cuba de fractionner le TAC : Canada — 60,4 p. 100; UE — 12,6 p. 100, Japon — 9,6 p. 100, Russie — 11,9 p. 100, autres — 5,6 p. 100. L’UE a par la suite déposé un avis d’opposition suivant les règles de l’OPANO et a entrepris de pêcher suivant le dernier quota qu’elle avait proposé au cours des négociations de février 1995 (18 630 tonnes, soit 69 p. 100). L’arrestation de l’Estai a déclenché une guerre diplomatique entre le Canada et l’UE. Le Canada a prétendu que l’Estai avait pêché en utilisant une doublure illégale dans ses filets dont le maillage était de 80 mm, ce qui lui permettait de capturer de très petits poissons; que 80 p. 100 de ses prises de flétan noir étaient de moins de 38 cm; que le navire comportait une cale cachée contenant une grande quantité de petits flétans noirs et environ 26 tonnes de plies canadiennes capturés illégalement; enfin, que l’Estai avait tenu des registres de pêche parallèles. Les accusations ont été carrément niées par les représentants de l’UE qui ont affirmé avec insistance que les allégations canadiennes étaient fabriquées de toutes pièces par le ministre des Pêches, Brian Tobin, au profit des médias. L’UE a accusé le Canada de « piraterie » et d’agir comme s’il faisait des Grands Bancs une dernière zone pionnière, un « Wild West ». Cependant, les dénégations de l’Union européenne ont commencé à sonner creux quand le Canada a récupéré le filet coupé par l’Estai et la doublure illégale. (Le filet a par la suite été exposé à la vue de tous à l’extérieur de la salle de la Conférence des Nations Unies sur les stocks chevauchants.) Tandis que l’UE condamnait le Canada au niveau diplomatique, les mesures prises par le Canada recevaient un solide appui populaire, particulièrement au Royaume-Uni, qui avait sa part de récriminations à l’égard de la flottille de pêche de l’Europe continentale. Le Canada et l’UE sont par la suite parvenus à une entente, le 15 avril 1995, au sujet de la conservation et de la protection des stocks de poisson qui chevauchent la limite des 200 milles du Canada. Cette entente prévoyait un nouveau régime d’application obligatoire auquel étaient soumis tous les bateaux canadiens ou européens pêchant dans des zones précises relevant de l’OPANO. Les principaux éléments de l’entente comprenaient :
En échange, le Canada renonçait à 40 p. 100 de son quota de flétan noir pour 1995 en faveur de l’UE. L’entente établissait le TAC de 1995 pour le flétan noir dans la zone en question. Les quotas étaient établis à 10 000 tonnes pour le Canada, par rapport aux 16 300 tonnes précédemment attribuées, à 5 013 tonnes pour l’UE à compter du 15 avril (la quantité de flétan noir déjà capturée par les bateaux de l’UE étant diplomatiquement omise), et à 7 000 tonnes pour les autres. Cette nouvelle répartition du TAC correspondait en fait aux pourcentages suivants : Canada — 37 p. 100, En outre, les accusations portées contre le capitaine de l’Estai ont été retirées. Les cautionnements de 500 000 $ pour le bateau et de 8 000 $ pour le capitaine ont été remboursés et l’Estai a obtenu l’autorisation de récupérer 180 tonnes de poisson confisqué. À ce moment, l’entente a été considérée comme une victoire du point de vue de la conservation et on a même proclamé que l’OPANO avait adopté « un ensemble de mesures de surveillance et d’application de la loi qui sont les plus exigeantes de celles de tous les organismes de gestion de la pêche dans le monde8 ». Ceci dit, la victoire s’est révélée sans grande substance et de courte durée, bien que le comportement des membres de l’OPANO et de l’UE se soit réellement amélioré pendant un certain temps après la mise en œuvre de l’entente. Celle-ci a cessé depuis de s’appliquer puisque la plupart de ces mesures ont été adoptées par l’OPANO à sa réunion annuelle de septembre 1995. Avant l’incident de l’Estai, en juin 1994, le projet de loi C-29 modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières (LPPC) visait à procurer au gouvernement le pouvoir d’adopter des règlements visant la conservation des stocks chevauchant la limite des 200 milles du Canada, en haute mer, au-delà de la dite limite. La LPPC modifiée et ses règlements d’exécution donnaient au Canada le pouvoir d’arraisonner et de saisir des bateaux qui pêchaient en enfreignant les mesures de conservation à l’extérieur de la limite des 200 milles. À l’origine, les règlements adoptés en vertu de la Loi s’appliquaient seulement aux bateaux battant pavillon de complaisance ou aux bateaux apatrides, mais, en mars 1995, soit au cours de la semaine qui a précédé la saisie de l’Estai, le Canada a modifié le Règlement sur la protection des pêches côtières (RCPC) pour faire en sorte que la pêche du flétan noir par les bateaux portugais ou espagnols sur les Grands Bancs de Terre-Neuve soit une infraction. (La désignation de l’Espagne et du Portugal a depuis été abrogée.9) L’ACCORD DE PÊCHE DES NATIONS UNIES L’autre événement crucial survenu peu après cette période turbulente et lourde de conséquence pour la conservation des stocks de poisson du Nez et de la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand, a été la signature, à New York, le 4 décembre 1995, de l’Accord de pêche en haute mer des Nations Unies (APNU)10. Le Canada a joué un rôle important dans l’élaboration de l’APNU dont le ministre des Pêches et des Océans, Brian Tobin, a salué l’adoption comme constituant « un moyen permanent, pratique et applicable de faire cesser la surpêche en haute mer ». L’APNU était certainement une réalisation importante mais, comme l’entente Canada-UE et l’adoption subséquente de mesures par l’OPANO, on attend toujours qu’il réalise ses promesses. L’APNU vise à fournir des mesures de conservation compatibles en deçà et au‑delà des 200 milles et que les mesures prises au-delà ne nuisent pas à celles qui sont en vigueur en deçà de la limite. En vertu de l’APNU, les mesures de conservation établies par les organisations de pêche régionales (comme l’OPANO) seraient en général exécutoires pour tous les membres. L’APNU permet aux membres d’organisations de pêche régionales de prendre des mesures d’exécution contre les bateaux qui pêchent en haute mer lorsque l’État d’immatriculation est incapable ou refuse de le faire. Il prévoit aussi un mécanisme de règlement des différends obligatoire et exécutoire. Cependant, de l’avis du Comité, l’APNU a été tout à fait inefficace. L’APNU est entré en vigueur le 11 décembre 2001, après avoir obtenu les 30 ratifications nécessaires. Le Canada a ratifié l’Accord le 3 août 1999, après l’adoption du projet de loi C-27 modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières afin de permettre au Canada d’appliquer les dispositions de l’APNU en vertu de ses lois nationales. Jusqu’à maintenant, sur les 18 membres de l’OPANO, seuls le Canada, l’Islande, la Norvège, la Russie et les États-Unis ont ratifié l’APNU. Les autres États de l’OPANO ne l’ont pas encore fait, bien qu’il semble que l’UE et ses États membres se soient politiquement engagés à le ratifier ensemble, en tant que groupe. Étant donné que les dispositions de l’APNU ne s’appliquent pas aux États qui ne l’ont pas ratifié, le Canada ne peut prendre de mesures contre ces États en vertu de l’APNU. L’ORGANISATION DES PÊCHES DE L’ATLANTIQUE NORD-OUEST L’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO) a été créée par la Convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique Nord‑Ouest, le 1er janvier 1979, à la suite de sa ratification par sept signataires11. L’OPANO a pour mandat de conserver et de gérer les stocks de poisson dans la zone d’application de la Convention et à l’extérieur de la limite des zones de 200 milles des États côtiers, dont le Canada, les États-Unis, la France (pour Saint-Pierre-et-Miquelon) et le Danemark (pour le Groenland). Ses objectifs sont de promouvoir l’utilisation optimale, la gestion rationnelle et la conservation des ressources halieutiques de la zone de la Convention. L’OPANO s’efforce d’atteindre ses objectifs en encourageant la recherche scientifique et la coopération entre les parties contractantes12. L’OPANO a remplacé une organisation antérieure, la Commission internationale pour les pêcheries de l’Atlantique Nord-Ouest (ICNAF), qui avait existé pendant près de 30 ans. La structure de l’OPANO comprend un conseil général, un conseil scientifique, une commission des pêches et un secrétariat. Chacun de ces organismes constitutifs joue un rôle précis et exerce des fonctions particulières, établis dans la Convention et les règles de procédure. Le Conseil général s’occupe de la structure générale et de l’administration de l’Organisation, y compris des relations extérieures et de la composition. Le Conseil scientifique offre une tribune d’échange d’information scientifique, rassemble, tient à jour et diffuse des données statistiques, fournit des conseils aux États côtiers, sur demande, et à la Commission des pêches. Cette dernière est chargée de la gestion et de la conservation des ressources halieutiques dans la zone de réglementation13. Enfin, le Secrétariat assure un soutien opérationnel à l’OPANO. Le siège social de l’OPANO se trouve à Dartmouth (Nouvelle-Écosse). L’OPANO effectue des évaluations des stocks fondées sur des données scientifiques qui sont ensuite utilisées pour établir le total autorisé des captures (TAC). Celui-ci est à son tour fractionné en quotas attribués à chacune des parties contractantes. L’OPANO établit des mesures de conservation telles que la taille minimale des prises et du maillage, des règles concernant les prises accidentelles, le marquage des bateaux et des engins et les exigences de compte rendu. En vertu d’un système de surveillance et d’inspection international mixte, l’OPANO se charge de la surveillance, coordonne les inspections et les mesures de contrôle, y compris les observateurs, les dispositifs de suivi par satellite et les inspections à quai. Le Canada assume actuellement près de 40 p. 10014 des coûts de soutien de l’OPANO. La part canadienne globale des stocks gérés par l’OPANO dans les sous‑zones 3-4 est de 48 p. 100. Mais, les pêcheurs canadiens ne capturent qu’une maigre part des prises totales dans le territoire réglementé hors de la limite des 200 miles15. Par ailleurs, l’UE, qui fait pourtant une contribution financière relativement limitée à l’OPANO (3,3 p. 100 en 1999) capture une grande partie du flétan noir dans la zone réglementée (70 p. 100 en 2000)16. La Russie bénéficie de la plus grande proportion du TAC de sébaste (47 p. 100), pendant que l’Estonie (25 p. 100), l’Icelande (18 p. 100), et les îles Féroé (16 p. 100) bénéficient de la plus grande proportion du TAC de crevettes. Malgré son mandat admirable, l’OPANO n’a pas répondu aux attentes établies par la Convention. Le MPO a déjà identifié les problèmes de l’OPANO dans le passé (avant l’APNU) :
Beaucoup de témoins qui se sont présentés devant le Comité ont cité la procédure d’opposition comme la plus grande faiblesse de la Convention de l’OPANO. Cette procédure, en vertu de l’article XII, permet aux membres de se soustraire aux propositions d’allocations de la Commission des pêches, en déposant une opposition auprès du Secrétaire général (le principal administrateur du Secrétariat). L’UE, en particulier, a eu recours de façon répétée à la procédure d’opposition pour fixer unilatéralement des quotas qui dépassent de beaucoup ceux qui sont recommandés par la Commission, sans tenir aucun compte des principes de conservation ou d’équité. De 1986 à 1991, l’UE s’est attribuée elle-même des quotas unilatéraux dépassant parfois très généreusement ceux fixés par l’OPANO (plus de 400 p. 100 en 1988 et 500 p. 100 en 1989). Ensuite, l’UE, selon ses propres données, les a dépassés, encore une fois par une marge substantielle au cours de certaines années. Cela ne donne pas toute l’ampleur du problème, puisque selon les évaluations canadiennes, les prises de l’UE ont été considérablement sous-déclarées en 1990 et 1991. Le cas sans doute le plus grave concerne le stock de morue de 2J3KL à l’égard duquel l’OPANO n’avait pas accordé de TAC à l’UE; néanmoins, l’UE s’est fixé des quotas généreux et a capturé des dizaines de milliers de tonnes chaque année. Les frustrations accumulées, attribuables à l’attitude toujours récalcitrante de l’UE, à l’incapacité de l’OPANO de limiter la surpêche et à l’incursion de parties non contractantes et non réglementées dans les pêcheries, ont culminé en 1994, avec l’adoption du projet de loi C-29. Dans une grande mesure, c’est le recours à la procédure d’opposition par l’UE qui a mené à l’incident de l’Estai. Il importe de savoir que les TAC fixés par l’OPANO le sont d’après des données scientifiques recueillies par tous les pays qui participent à la pêche en dehors de la limite des 200 milles. L’OPANO s’efforce ensuite collectivement de fixer des quotas et d’établir des plans de pêche durable. C’est pourquoi un déni aussi flagrant des quotas de l’OPANO au profit d’intérêts égoïstes était si odieux. Le cumul des échecs de l’OPANO a entraîné une surpêche importante, menant au déclin des stocks de poisson. Face à ces difficultés, le Canada a élaboré une stratégie à trois volets qui comprenait des initiatives diplomatiques, une campagne d’information et une démarche juridique qui a fini par mener à l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants (APNU). Le problème de la surpêche étrangère dans la zone réglementée par l’OPANO s’est soldé par l’adoption du projet de loi C-29 qui concerne les parties non contractantes de l’OPANO et, en 1995, par le différend Canada-UE à propos du flétan noir. EFFICACITÉ DÉCROISSANTE DE L’OPANO Pendant des années, le MPO a perçu positivement les progrès faits au sein de l’OPANO comme en font foi les titres des communiqués de presse suivants : Brian Tobin accueille favorablement les mesures d’application de la loi dans les pêches 15 septembre 1995 L’OPANO reconnaît le processus décisionnel canadien pour la morue du Nord 16 septembre 1996 Le Canada est satisfait des progrès accomplis à la réunion annuelle de l’OPANO 19 septembre 1997 L’OPANO confirme le programme de surveillance totale par des observateurs 18 septembre 1998 Dhaliwal annonce que le Canada a réussi à faire adopter des mesures de gestion axées sur la conservation à la réunion de l’OPANO 17 septembre 1999 Le Canada fait des progrès à l’assemblée annuelle de l’OPANO 22 septembre 2000 En février 2002, le MPO reconnaît enfin son insatisfaction face à l’OPANO. Décisions issues de la réunion récente de l’OPANO décevantes pour le Canada 5 février 2002 Après l’entente Canada-UE en 1995, on a constaté certaines améliorations à la gestion, à la conservation et à l’application des règlements dans la zone réglementaire de l’OPANO. Par exemple, en 1995, seulement cinq infractions aux mesures de conservation et d’application des règlements de l’OPANO ont été signalées. La tendance depuis est en hausse constante. En 2001, 26 infractions ont été signalées. Bien que ce nombre représente une amélioration par rapport à la situation d’avant 1995, alors qu’il atteignait en moyenne 45 par année, la tendance n’en est pas moins inquiétante. De plus, nous craignons que ce nombre ne représente que la pointe de l’iceberg. Par exemple, il semble que ce soit tout à fait par hasard que la pêche illégale pratiquée par le bateau russe Olga ait été décelée. Les témoins du MPO ont exposé franchement les problèmes du Canada à l’OPANO : Nous avons aussi vu des pêches dirigées d’espèces visées par des moratoires, dont j’ai fait mention plus tôt. Certains bateaux pratiquent même réellement une pêche dirigée et nous disposons de preuves, dans des rapports d’observateurs, venant étayer l’ampleur de cette pratique. Nous avons vu des situations où des parties ont dépassé leur quota. Depuis quelque temps, nous voyons aussi de fausses déclarations des prises par des bateaux qui capturent des crevettes dans la division 3L. Le nombre d’incidents liés à l’utilisation d’engins avec un petit maillage augmente de plus en plus et nous constatons, dans certains cas, des parties qui n’ont pas fourni de rapports d’observateur. Patrick Chamut Bon nombre des autres témoins qui se sont présentés devant le Comité n’ont pas été tendres dans leur évaluation de l’OPANO : Je pense que si vous regardez ce qui s’est produit à la dernière réunion de l’OPANO, en janvier [2002], il devient évident que l’OPANO ne travaille pas au profit tout au moins du Canada et en particulier de Terre-Neuve et du Labrador. L’honorable Gerry Reid L’OPANO est une organisation qui a échoué désespérément dans ses tentatives de réglementer et de gérer les stocks en bordure de notre plateau continental. Jim Morgan, porte-parole L’OPANO est réellement une organisation extrêmement inefficace quand vient le temps de faire respecter ses propres règlements par ses membres. Alastair O’Rielly, président L’OPANO est totalement inefficace telle qu’elle est actuellement structurée. Earle McCurdy, président L’OPANO est une organisation inutile à cause de sa procédure d’opposition. Gus Etchegary, porte-parole Je peux vous dire que l’OPANO n’est pas efficace et que l’OPANO ne sera pas efficace. John Efford, propriétaire La raison pour laquelle elle n’est pas efficace est que l’application des règlements est laissée aux États membres. De toute évidence, ceux-ci croient qu’ils peuvent librement les enfreindre. Ils peuvent décider des quotas et participer. Les défenseurs de la conservation peuvent être désavantager numériquement par rapport à ceux qui sont là pour défendre leurs propres intérêts. L’Organisation a échoué à deux niveaux : elle a échoué parce que l’établissement des règles n’est pas conforme aux conseils scientifiques; ensuite, parce que l’application des règles est laissée aux pays qui enfreignent ces règles à leur profit, et qui ne les appliquent pas. De toute évidence, s’ils peuvent agir de façon aussi flagrante qu’ils l’ont fait, s’ils peuvent très bien ne pas déposer de rapports et continuer à pêcher, comment voulez-vous qu’on la prenne au sérieux? Jack Harris, chef Les stocks de poisson de fond de la zone de la Convention de l’OPANO continuent d’être décimés : ainsi, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques formule le commentaire suivant dans un rapport de 2001 sur la morue du Nord de 2J3KL : Actuellement, le stock est considéré de façon générale comme étant à son plus bas niveau jamais enregistré21. La plupart d’entre eux ne se sont pas rétablis. Pourtant, malgré les moratoires imposés à la pêche dirigée d’un certain nombre de stocks de l’OPANO (morue de la division 3NO, sébaste de la division 3NL, plie grise de la division 3NO, plie canadienne de la division 3LNO), les prises augmentent sous forme de prises accidentelles dans d’autres pêches. L’effort de pêche de certains de ces stocks (morue de la division 3NO, plie canadienne de la division 3LNO, par exemple) approche des niveaux qui seraient considérés comme acceptables pour des stocks sains (F0.1)22, mais met en péril le rétablissement de stocks faibles et pourrait même les raréfier davantage. Le Conseil scientifique de l’OPANO lui-même a répété ses préoccupations à propos des prises accidentelles excessives dans des pêches d’autres espèces et a indiqué que les prises accessoires devaient être maintenues au plus bas niveau possible. En fait, il est notoire que certaines prétendues « prises accessoires » résultent en réalité de pêches dirigées. Le fait que les prises accidentelles soient traitées non pas comme une restriction, mais comme un plafond à atteindre, illustre l’absence d’engagement valable de la part des membres de l’OPANO à l’égard de la conservation. En plus des prises accidentelles excessives et de la pêche dirigée d’espèces assujetties à des moratoires, les problèmes de conformité comprennent, comme on l’a mentionné ci-dessus, une hausse importante des infractions depuis 1995, le dépassement des quotas, de fausses déclarations des prises (particulièrement des crevettes de la division 3L), l’utilisation d’un maillage restreint et la non-production par certains membres des rapports d’observateur. Pour ajouter à toutes ces difficultés, on note l’isolement de plus en plus grand du Canada au sein de l’OPANO et l’influence croissante de l’UE. Cette situation a été mise en évidence par les événements qui se sont produits à la récente réunion de l’OPANO, à Helsingor, au Danemark, en janvier 2002. Au cours de cette réunion, les représentants canadiens ont fait un exposé détaillé sur les inquiétudes du Canada à propos des niveaux inacceptables de non-observation des règlements par les membres de l’OPANO dans la zone de réglementation de l’OPANO et de l’incapacité (ou du refus) des membres de limiter les activités de leurs flottilles. Les aspects de la non-conformité soulignés dans la présentation du Canada comprenaient :
Le Canada s’est rendu à Helsingor avec trois grands objectifs :
L’UE s’est opposée aux restrictions concernant la profondeur de la pêche du flétan noir et a appuyé une augmentation de 10 p. 100 du TAC de flétan noir. Bien qu’un certain nombre de résultats positifs aient découlé de cette rencontre (accroissement du maillage pour la pêche des raies, par exemple), les autres objectifs importants du Canada n’ont pas été atteints. La restriction de la profondeur de la pêche du flétan noir a été rejetée et l’assemblée a adopté une augmentation de 10 p. 100 du TAC de flétan noir, qui est passé de 40 000 à 44 000 tonnes, contre les avis scientifiques. Le Canada a été mis en minorité par le bloc de l’UE (UE, Pologne, Estonie, Lettonie, Lituanie) et quelques autres. Il semble que ces quatre derniers pays aient été prêts à appuyer l’UE davantage pour faire progresser leur propre dossier d’adhésion à l’UE que pour défendre la conservation. La réunion de Helsingor met en évidence plusieurs problèmes de l’OPANO, le non-respect des règlements par les flottilles étrangères et la difficulté de faire appliquer des mesures de conservation appropriées. Les résultats de la rencontre ont fait ressortir l’influence de l’UE et ont suscité la crainte que les objectifs de rétablissement des stocks soient compromis et, en fait, que les mesures déjà en place soient érodées. Par exemple, l’exigence de surveillance totale par les observateurs doit être revue en septembre 2002 et on note une forte opposition à son maintien, puisque certains membres la considèrent comme étant à la fois inutile et coûteuse. La surveillance totale par les observateurs était l’un des éléments de l’entente Canada-UE d’avril 1995, qui a été adopté par la suite par l’OPANO, sur lequel le Canada avait insisté et pour lequel il avait payé. Les témoins ont convenu que le programme d’observateur a des lacunes, mais qu’il est en général assez efficace. De fait, il est l’un des outils les plus efficaces, pas nécessairement pour assurer la conformité, mais tout au moins pour en évaluer la portée. Dans certains cas, comme au Canada, par exemple, les observateurs sont des entrepreneurs indépendants; dans d’autres, ce sont des fonctionnaires. Leurs services peuvent aussi avoir été retenus directement par le propriétaire du bateau. C’est la situation la plus problématique, puisqu’ils sont alors susceptibles d’être soumis à des pressions. Les observateurs sont aussi des ressortissants de l’État d’immatriculation du bateau, ce qui pose des risques de partialité. En outre, les conditions sont parfois difficiles pour eux. Ils sont en général isolés sur les bateaux et ne peuvent être en service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour observer tout ce qui se passe. Certains d’entre eux, nous a-t-on dit, participent pleinement aux activités de pêche, ce qui les place clairement en situation de conflit d’intérêt. Malgré tout, nos témoins étaient d’avis que les rapports d’observateurs sont généralement remarquablement honnêtes. Le réel problème est qu’il n’y a habituellement aucune suite à ces rapports. Il n’y a pas de suivi et aucun lien n’est établi avec la conformité. En général, aucune accusation n’est portée à la suite d’un rapport d’observateur, pas plus que les observateurs ne peuvent, par exemple, appeler un navire chargé de l’application des règlements de pêche tandis que le bateau de pêche accomplit une activité illégale. Ils remplissent leur rapport, point à la ligne. Le Comité estime qu’il faudrait prendre des mesures plus sévères à la suite des rapports des observateurs, mais reconnaît que cela soumettrait probablement les observateurs à beaucoup plus de pressions qu’actuellement. Le Comité recommande : RECOMMANDATION 1 Que le gouvernement du Canada mène des discussions avec la Commission des pêches de l’OPANO afin d’établir un mécanisme par lequel les rapports des observateurs seraient plus transparents et seraient soumis en temps opportun. L’incapacité de l’OPANO d’assurer la conservation et le respect de ses règlements par ses membres suscite un débat de plus en plus vif au Canada sur son efficacité et fait réclamer l’élargissement de la compétence canadienne dans la zone actuellement réglementée par l’OPANO ce, afin de protéger les stocks qui chevauchent la limite des 200 milles. LES RÉPERCUSSIONS DE LA SURPÊCHE À TERRE-NEUVE ET AU LABRADOR Nous assistons ici à une famine d’envergure biblique — une destruction considérable. Les conséquences économiques et sociales de cette destruction constituent un véritable défi à surmonter et un fardeau que doit porter le pays, et non seulement ceux qui en sont les victimes. Richard Cashin, président Ces mots, écrits en 1993, sont tout aussi vrais aujourd’hui. Il est difficile de comprendre l’étendue de la dévastation que la perte des stocks de morue du Nord et de presque tous les autres poissons de fond a causé, non seulement dans toute la région du Canada atlantique et au Québec, mais tout particulièrement dans les zones rurales et les ports de Terre-Neuve et du Labrador. Le Comité a documenté ces répercussions à quelques reprises depuis 199424, 25. L’année qui a précédé la publication du rapport Cashin, l’honorable John Crosbie, ministre des Pêches d’alors, a déclaré un moratoire de deux ans sur la morue du Nord, le 2 juillet 1992. D’un trait de plume, environ 40 000 pêcheurs et travailleurs d’usine perdaient leur emploi dans le cadre de ce qui a souvent été décrit comme la plus grande mise à pied de l’histoire canadienne. Des dizaines de milliers d’autres travailleurs qui dépendaient indirectement de la pêche ont aussi été touchés. Pour replacer cette calamité dans son contexte, on l’a comparée à l’effondrement complet de l’industrie de la fabrication d’automobiles en Ontario ou à une perte totale des cultures de blé dans les provinces des Prairies. La population du Canada atlantique et du Québec a payé cher l’effondrement des stocks de poisson de fond, mais les contribuables canadiens ont aussi payé un prix substantiel. Depuis 1990, le gouvernement fédéral a mis en place un certain nombre de programmes d’adaptation importants, conçus pour atténuer la crise dans l’industrie du poisson de fond de l’Atlantique. En mai 1990, le gouvernement a mis sur pied le Programme d’adaptation des pêches de l’Atlantique (PAPA). Celui-ci a été suivi par le Programme d’adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord (PARPMN), en 1992, le Programme d’aide pour la pêche des poissons de fond de l’Atlantique (PAPPFA), en 1993, et, enfin, La Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique (LSPA), en 1994, et le volet atlantique du Programme d’adaptation et de restructuration des pêches canadiennes (PARPC). Le coût total de ces programmes atteint quelque 4,2 milliards de dollars26. On pourrait pardonner aujourd’hui à un visiteur de St. John’s, qui croirait que la dévastation causée par l’effondrement des stocks de poisson de fond de l’Atlantique est maintenant chose du passé et que la province de Terre-Neuve et du Labrador est en plein essor. Le boom économique que connaît St. John’s a tendance toutefois à masquer la sombre réalité d’une grande partie du reste de la province, notamment de villages comme Burgeo, Marystown, Twillingate et Trepassey. Les données du recensement de 2001, publiées en mars 2002, montrent que la forte baisse de la population à Terre-Neuve et au Labrador27 est la plus prononcée de toutes les provinces du pays et la plus importante de toute l’histoire de la province; elle est en grande partie attribuable, à la crise de la pêche. L’exode touche cette province plus que toute autre. Ce sont principalement les jeunes qui partent occuper des emplois hors de l’île car la plupart n’ont pas d’avenir dans les villages de la côte. Les conséquences de ce dépeuplement sont très évidentes quand on voit le nombre de maisons vides et placardées dans les petits centres. Le ministre des Pêches et de l’Aquaculture de Terre-Neuve et du Labrador a décrit la région de la côte nord-est de Terre-Neuve en ces termes : C’est simple, la subsistance de 90 p. 100 de ces gens est liée directement ou indirectement à la pêche. Au cours des dix dernières années, le village de Twillingate et l’île de Twillingate, avec leurs 4 000 habitants, n’ont participé à aucune pêche. Vous devriez vous y rendre et constater par vous-même les conséquences pour nos collectivités, voir les maisons placardées et l’absence des jeunes qui sont partis dans les régions continentales parce qu’il n’y a rien ici pour eux. L’honorable Gerry Reid Le maire de Burgeo est encore plus incisif : Les régions rurales de Terre-Neuve se meurent, en particulier, ma propre localité se meurt. Allister Hann Il y a plus de 500 ans que Jean Cabot a posé le pied à Terre-Neuve. La pêche a toujours été l’activité qui amenait les gens à s’établir à Terre-Neuve, c’est elle qui les y a gardés depuis et c’est elle qui a toujours constitué la pierre angulaire de l’économie de Terre-Neuve depuis 450 ans. La prospérité à Terre-Neuve et au Labrador a toujours été fortement liée aux ressources de la mer. La province a maintenant d’autres ressources, notamment le pétrole et le gaz et peut-être même le nickel. Ces ressources vont sans aucun doute apporter une certaine prospérité pendant quelque temps, mais elles finiront par s’épuiser. La pêche, elle, bien gérée, pourrait être maintenue indéfiniment. Là d’où je viens, je ne pense pas que personne se préoccupe qu’on tire ou non même une seule cuillerée de minerai de Voisey’s Bay. Je peux le dire en toute sincérité, parce que, quand bien même il en sortirait des camions complets, les autobus et les camions de déménagement continueront de quitter Burgeo. Cela ne créera pas d’emplois dans nos villes. Certainement pas! Allister Hann EXTENSION DE LA JURIDICTION DU CANADA Quand elle s’est jointe à la Confédération, en 1949, la province de Terre-Neuve a apporté avec elle une ressource remarquable. Depuis, cette ressource a été terriblement mal gérée. Le stock de morue du Nord (aussi appelé stock de morue de 2J3KL), la plus importante ressource halieutique de l’Atlantique Nord-Ouest et aussi l’une des plus riches ressources naturelles du monde a déjà soutenu les grandes flottilles de pêche, non seulement de l’Amérique du Nord, mais aussi de l’Europe, de l’Espagne, du Portugal, de la Russie et d’autres pays. Mais pendant une période limitée de quatre ou cinq ans, à partir de 1989, la biomasse génitrice du stock de morue du Nord a diminué abruptement, jusqu’à 1 p. 100 de son niveau antérieur. D’autres stocks de poisson de fond ont connu un sort semblable et le Canada a finalement déclaré un moratoire pour 14 stocks de poisson de fond. L’effondrement des stocks de poisson de fond de l’Atlantique Nord-Ouest a été attribué à divers facteurs : changement des conditions environnementales, surpêche par les flottilles canadiennes et étrangères, déclarations inexactes des prises, recommandations scientifiques mal avisées et prises de décisions motivées par des considérations politiques plutôt que par la conservation. Le Canada, cependant, a pris des mesures fermes pour conserver et rétablir les stocks de poisson de fond, des mesures qui ont été jugées essentielles, même si elles n’ont pas toujours été bien accueillies. Elles comprenaient des initiatives visant à réduire la capacité de pêche d’au moins 50 p. 100 à long terme et l’adoption de plans de pêche axés sur la conservation. Malgré tout, la plupart des stocks de poisson de fond demeurent faibles et ne se sont pas rétablis. Les moratoires ont été levés pour certains stocks, mais, même pour ceux-là, les TAC demeurent très limités. Il est clair qu’il faut au-delà des 200 milles un régime de gestion des pêches global, axé sur la conservation, qui soit aussi rigoureux que celui qui existe à l’intérieur de cette limite. S’attendre à une telle parité des normes de conservation n’est pourtant pas déraisonnable. Après tout, c’était la promesse de l’APNU28 qui n’a toutefois pas été remplie : Cette nouvelle convention [des Nations Unies] donne au Canada les moyens de mettre fin de façon permanente à la surpêche étrangère Une fois mise en application, la convention des Nations Unies remplacera le régime actuel de surveillance internationale de la pêche hauturière, qui est nettement insuffisant29. L’honorable Brian Tobin Les régimes de gestion différents qui sont appliqués à l’intérieur et à l’extérieur de la limite des 200 milles ont toujours constitué une épine dans le pied des pêcheurs canadiens. Ceux-ci doivent se plier à des mesures de conservation plus restrictives, telles que les protocoles touchant les petits poissons, des limites de taille minimale plus élevées et des maillages plus grands que ceux qui pêchent dans la zone de réglementation de l’OPANO30. Ces différences soulèvent deux questions fondamentales. L’une est le régime plus libéral qui est appliqué au-delà des 200 milles et qui a nui au rétablissement des stocks chevauchants. L’autre est une question d’équité. Les pêcheurs canadiens et les travailleurs d’usine paient actuellement très cher pour les avantages dont bénéficient d’autres pays qui pêchent au-delà des 200 milles. Ici encore, il est important de bien comprendre qu’une mauvaise gestion des ressources halieutiques dans la zone de réglementation a des répercussions graves sur les ressources à l’intérieur de la zone de 200 milles du Canada. Le statu quo est inacceptable. La situation a mené à des appels de plus en plus virulents pour que le Canada se retire de l’OPANO et revendique, de manière unilatérale, la compétence sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand en étendant sa ZEE au-delà de la limite des 200 milles, afin d’y inclure ces sections du plateau continental. Selon l’évaluation diplomatique, cependant, toute tentative du Canada d’étendre unilatéralement sa compétence sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand se heurterait à de nombreuses difficultés pour quatre raisons principales :
Il ne serait pas surprenant que le soutien international soit limité. Bien peu de pays bénéficieraient directement de l’extension des ZEE sur le plateau continental. De plus, les pays qui pêchent maintenant de façon essentiellement non réglementée sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et le Bonnet Flamand seront peu enclins à accorder leur appui si cette mesure les empêche de continuer à pratiquer une exploitation excessive. L’extension de la juridiction comporte une appropriation ainsi qu’une gestion et une application unilatérales de la loi. Cette mesure pourrait être considérée comme strictement motivée par l’intérêt particulier du Canada et recevrait indubitablement très peu de soutien hors du pays. À l’autre extrémité de l’éventail des mesures, on trouve la vision bureaucratique qui favorise le maintien des efforts dans le cadre existant — « il ne faut pas faire de vagues ». Cette vision est motivée par le fait que, malgré toutes ses lacunes, l’OPANO vaut mieux que rien du tout. Sans elle, affirme-t-on, il n’y aurait aucune restriction à la pêche des stocks chevauchants au-delà des 200 milles — en d’autres mots, ce serait une pêche multilatérale « sans limite », une autre tragédie en puissance pour les ressources d’usage commun. En fait, même sous l’administration de l’OPANO, nous allons déjà dans cette direction. C’est essentiellement ce qui semble être la position du ministère des Pêches et des Océans. De l’avis du Ministère, le défi consiste à trouver des moyens d’améliorer l’efficacité de l’OPANO, quoiqu’il admette qu’il n’y a pas de solution simple. La difficulté qui se pose, c’est que, pendant que le Canada respecte scrupuleusement la lettre et l’esprit de la loi, d’autres enfreignent les règles apparemment en toute impunité, au détriment des pêcheurs canadiens, des travailleurs côtiers et de notre économie. UNE GESTION AXÉE SUR LA CONSERVATION Nous croyons qu’il y a une troisième solution : la gestion axée sur la conservation. Dans le cadre d’un tel régime, le Canada assumerait l’unique responsabilité de la gestion et de la conservation des zones de notre plate-forme continentale qui se trouvent au-delà de la limite des 200 milles : le Nez et la Queue des Grands Bancs et le Bonnet Flamand. Cependant, les intérêts de pêche étrangers ne seraient pas éliminés pour autant; l’accès et les allocations historiques seraient respectés. En 1990, l’Institut canadien des océans avait souligné l’importance de la question : En bref, la conservation des stocks de poisson sur le Nez et la Queue des Grands Bancs ne doit pas être considérée par le Canada comme un moyen d’obtenir une plus grande part du gâteau… De plus, le Canada doit établir clairement que le but de cette mesure unilatérale ne serait pas de revendiquer le droit exclusif de pêcher des stocks chevauchants en haute mer, mais plutôt de préserver les intérêts du Canada et les intérêts de la collectivité internationale, dans le contexte de la conservation de ces stocks32. Essentiellement, l’objet du rôle de gardien serait d’établir un régime de gestion des ressources qui prévoirait des normes comparables de conservation et d’application des règlements pour tous les stocks transfrontaliers, à l’intérieur aussi bien qu’au-delà des 200 milles. En d’autres mots, précisément le genre de régime que promettait l’APNU, mais qui serait appliqué par le Canada plutôt que par l’OPANO. La mise en place d’un tel régime n’imposerait pas aux autres de fardeau plus grand qu’à nous, pas plus qu’il n’exigerait d’eux moins que de nous. En vertu de ce régime, le Canada ferait lui-même les travaux de recherche, fixerait les TAC et mettrait en œuvre et administrerait un régime de gestion axé sur la conservation qui comprendrait des mesures de contrôle et d’application des règlements. Comme l’ont mentionné des témoins, cette démarche serait inévitablement coûteuse33 et le Canada a déjà de la difficulté à assurer une surveillance et une application des règlements appropriées dans la zone de 200 milles. Le Comité croit qu’imposer un régime de gestion axé sur la conservation est nécessaire et raisonnable étant donné l’incapacité de l’OPANO à corriger les problèmes actuels et à discipliner ses membres. Le temps presse et le Comité croit que le dossier doit être traité de toute urgence. Le Comité ne voit aucune objection fondamentale à la mise en œuvre d’une gestion axée sur la conservation. En adoptant la loi C-29 en 1994, le Canada a déjà manifesté sa volonté et sa capacité d’appliquer des mesures de conservation au-delà des 200 milles. Nous croyons qu’une gestion axée sur la conservation pourrait être mise en œuvre par une simple modification de la Loi sur la protection des pêches côtières, qui constituerait un changement à la portée seulement et non à la nature des mesures découlant de C-29. Le Comité recommande : RECOMMANDATION 2 Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des pêches côtières afin de permettre une gestion axée sur la conservation des ressources halieutiques du Nez et de la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand. Le Comité recommande : RECOMMANDATON 3 Que le gouvernement du Canada informe l’OPANO et ses parties contractantes qu’il se retirera de l’Organisation et qu’il mettra en œuvre la gestion axée sur la conservation sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand, au plus tard un an après la réunion de l’OPANO de septembre 2002. Le Comité recommande : RECOMMANDATION 4 Que le gouvernement du Canada mène une campagne ciblée d’information visant à sensibiliser le public aux infractions commises aux mesures de conservation de l’OPANO par des navires battant pavillon de pays membres de l’organisme et pour mobiliser la population afin de mettre un terme à la surexploitation des ressources halieutiques de l’Atlantique Nord‑Ouest. Le Comité est d’avis que le Canada doit prendre des mesures décisives pour signifier son refus de tolérer tout autre abus à l’égard des ressources halieutiques. À cet égard il est d’accord avec la décision du Ministre qui a fermé les ports canadiens aux bateaux de pêche des îles Féroé et de l’Estonie, qui surpêchaient la crevette sur le Bonnet Flamand34. Le Comité recommande : RECOMMANDATION 5 Que le Canada fasse clairement savoir qu’il est prêt à recourir aux dispositions de la loi C-29 à l’égard des membres de l’OPANO qui n’ont pas ratifié l’APNU; en ce qui concerne les membres de l’OPANO qui ont ratifié l’APNU, qu’il est prêt à se prévaloir des dispositions de cet accord pour assurer la conservation. Le Canada devrait confirmer ses intentions en désignant les pays contrevenants dans le Règlement sur la protection des pêches côtières. À Terre-Neuve et au Labrador, de nombreux témoins ont affirmé de diverses façons au Comité qu’ils croyaient que non seulement l’OPANO avait échoué, mais aussi le Canada : En résumé, l’OPANO nous a fait défaut depuis ses débuts en 1978 et le Canada a fait de même. À l’exception de quelques brefs moments de notre histoire, il n’a jamais véritablement existé de volonté politique, à Ottawa, d’éliminer le problème de la surpêche étrangère. L’honorable Gerry Reid, On a aussi l’impression que les gens d’ailleurs au Canada ne sont pas au courant de ce qui se passe dans cette partie du pays et même, s’ils le sont, qu’ils s’en préoccupent peu : C’est là le véritable problème. Je soupçonne que lorsqu’un arbre tombe dans la forêt, personne ne l’entend, et quand des poissons sont capturés sur la Queue ou sur le Nez des Grands Bancs, personne ne s’en préoccupe non plus. Les gens de ce pays n’ont aucun intérêt pour ce qui se passe ici. Trevor Taylor Il est probablement vrai que la surpêche étrangère sur la Queue et le Nez des Grands Bancs n’a pas obtenu toute l’attention qu’elle mérite, ailleurs au Canada. Il est facile de comprendre que les villages de pêche de Terre-Neuve et du Labrador puissent croire que le reste du Canada les a abandonnés. Cependant, le Comité, ne pense pas que ce soit tout à fait vrai. En fait, nous croyons que les Canadiens sont en général horrifiés lorsqu’ils sont mis au courant du comportement outrancier de certaines des flottilles de pêche qui pratiquent leurs activités juste au-delà de la limite des 200 milles du Canada. Rappelons-nous, par exemple, qu’au moment de l’arrestation de l’Estai, le ministre des Pêches avait bénéficié de l’appui massif d’une grande partie des Canadiens de tout le pays. Nous avons fait des recommandations dans le présent rapport, mais nous sommes conscients qu’un rapport n’est pas à lui seul suffisant. Il doit être suivi de mesures. Il faut apporter des changements radicaux dans la démarche et l’attitude du gouvernement fédéral. Le Canada doit prendre des mesures déterminantes face à la surpêche étrangère sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand. Certes, d’autres pays, l’Espagne et le Portugal notamment, ont un lien historique avec la pêche sur les Grands Bancs de Terre-Neuve. Cependant, ce lien ne leur donne pas le droit de décimer les ressources, ni ne pêcher sans respecter les droits des autres pays particulièrement ceux des États côtiers. La situation actuelle frise l’absurde. Toutes les pêcheries de la zone réglementée par l’OPANO se trouvent dans la partie du plateau continental canadien qui s’étend au-delà de notre zone de 200 milles; pourtant le Canada est largement dépassé en nombre au sein de l’OPANO par des États qui n’ont pas de côtes en bordure de l’Atlantique et encore moins de l’Atlantique Nord-Ouest. On nous apprend que le Canada se trouve de plus en plus isolé au sein de l’OPANO, souvent pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la conservation des ressources halieutiques. Si la Commission des pêches de l’OPANO refuse ou est incapable de restreindre les pratiques de pêche des États membres ou de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour promouvoir le rétablissement des stocks chevauchants, le Canada doit alors trouver des solutions sans l’OPANO. Il doit s’efforcer, au sein d’autres tribunes, de forger des alliances avec d’autres États du monde, et il doit travailler à isoler les pays qui exploitent de façon excessive les stocks de poisson non seulement dans la zone de la Convention de l’OPANO, mais à l’échelle mondiale. Nous croyons qu’il est essentiel de persuader le gouvernement canadien de défendre les intérêts de nos ressources halieutiques, de l’industrie de la pêche du Canada atlantique et de la population côtière de Terre-Neuve et du Labrador en particulier. Ce n’est pas un problème qui touche seulement Terre-Neuve et le Labrador. Il mérite le soutien de tous les Canadiens et nous leur demandons de donner cet appui à la promotion d’une stratégie commune en vue de susciter une volonté politique de s’attaquer à un problème très grave. En agissant ainsi, les grandes ressources halieutiques de l’Atlantique Nord-Ouest auront la chance de se rétablir, non pas pour le seul profit du Canada, mais pour celui de tous les pays qui exploitent ces stocks depuis des générations. Il est maintenant temps d’agir.
Source : MPO/OPANO * Haussé à 44 000 t à la réunion spéciale de la Commission des pêches de l’OPANO, en janvier 2002.
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