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HUMA Rapport du Comité

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           III.          PRÉOCCUPATIONS SOULEVÉES AUX AUDIENCES

A.             Conditions d’admissibilité

        Deux éléments essentiels de la réforme de 1996 étaient l’application de la couverture à la première heure de travail et l'introduction de conditions d’admissibilité ainsi que d’une structure de prestations fondées sur les heures. La réforme a éliminé ainsi la notion d’assurabilité minimale, considérée comme responsable du « piège de l’emploi à 15 heures », et devait donner plus de flexibilité aux travailleurs occupant des emplois atypiques (p. ex. travailleurs à plusieurs emplois, longues heures de travail par semaine, etc.).

        Aux termes de la réforme, les 12 à 20 semaines d’admissibilité requises ont été transformées en 420 à 700 heures sur la base d’une semaine de 35 heures. L’admissibilité pour les entrants et les rentrants a été fortement accrue, passant de 20 semaines à 910 heures, dans le but de réduire le recours à l’AE et d’encourager les travailleurs, les jeunes surtout, ayant une faible participation au marché du travail à créer des liens plus solides. Cette nouvelle condition, a-t-on dit au Comité, a des effets tant positifs que négatifs. Par exemple, les réformes de l’AC/AE dans les années 1990 auraient eu un effet positif sur la durée d’emploi et la scolarité des jeunes de 18 à 29 ans dans les provinces de l’Atlantique. Il est difficile d’isoler les facteurs qui expliquent cette tendance, mais on a affirmé au Comité que la réforme de 1996 était partiellement responsable de ces résultats positifs. On l’a par ailleurs mis en garde contre l’élimination du facteur « utilisation » qui pourrait entraver cette tendance positive.

Les réformes des années 90, de 1994 et de 1996, ensemble, ont entraîné une augmentation considérable de la durée annuelle du travail pour les jeunes Canadiens de 18 à 29 ans. La plus forte augmentation du temps de travail s’est produite dans le Canada atlantique rural, où, en 1997, on a travaillé presque quatre semaines de plus qu’en 1987. Le pourcentage des jeunes prestataires, dans les régions tant urbaines que rurales, a énormément diminué. Dans le Canada atlantique rural, il a diminué de 18 points de pourcentage, passant de 43 à 24 %. Les jeunes ont considérablement augmenté leur niveau de scolarité. Dans le Canada atlantique urbain, les taux de scolarité sont passés de 20,9 à 32,7 %, ce qui est supérieur à la moyenne nationale. Quant aux jeunes du Canada atlantique rural, ils ont augmenté leur scolarité de 16,1 à 24,5 %. (Professeur Rick Audas, Université du Nouveau-Brunswick8)

        Selon certains témoins, il est plus difficile de devenir admissible aux prestations dans le système fondé sur les heures que dans l’ancien régime basé sur les semaines. Aussi certains demandent-ils que les conditions soient assouplies sensiblement (p. ex. que l’on instaure un minimum universel de 350 heures). Si le nouveau régime est jugé plus sévère, c’est peut-être que, selon l’ancienne règle, pour qu’une semaine soit reconnue, il suffisait qu’elle comporte 15 heures de travail assurables ou qu’elle ait procuré une rémunération équivalente à 20 % du maximum hebdomadaire assurable. D’autre part, la semaine de 35 heures utilisée comme base de calcul dans le système fondé sur les heures est peut-être un autre facteur. En 1996, la moyenne des heures travaillées réellement dans les emplois à plein temps était de 39,2 heures, contre 16,4 heures dans les emplois à temps partiel. Selon une étude de DRHC, le système fondé sur les heures n’a guère modifié l’admissibilité prise globalement. En revanche, il a eu des conséquences différentes selon les groupes : l’admissibilité a augmenté parmi les hommes, alors qu’elle a diminué chez les femmes et les jeunes[1]. Les travailleurs à plusieurs emplois sont avantagés eux aussi, car certains étaient incapables de réunir suffisamment d’heures hebdomadaires avant la réforme de 1996.

        La plupart des membres du Comité estiment qu'il est possible de modifier l’exigence d’admissibilité de l’AE, surtout dans le cas des entrants et des rentrants. Selon de nombreux témoins, celle-ci nuit à l’admissibilité des femmes, parmi lesquelles l’incidence des emplois à temps partiel est beaucoup plus élevée que chez les hommes et qui ont tendance à entrer sur le marché du travail et à en sortir plus fréquemment que leurs homologues[2]. C’est pour cette raison que le gouvernement a récemment baissé l’exigence applicable aux prestations spéciales, en la ramenant de 700 à 600 heures (y compris pour les entrants et les rentrants) et qu’il propose, dans le projet de loi C-2, de revoir la définition des « personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active » en calculant une durée de participation à la main-d’œuvre plus longue pour les personnes qui ont perçu des prestations de maternité ou parentales au cours des quatre années précédant la période de rétroactivité, actuellement fixée à deux ans.

        Comme nous l’avons dit plus haut, l’admissibilité fondée sur les heures réduit l’admissibilité chez les femmes et les jeunes. D’après le Comité, ce résultat proviendrait principalement de l’exigence de 910 heures applicable aux entrants et aux rentrants, un seuil qui dépasse largement l’ancienne règle des 20 semaines appliquée à ce groupe*. La sévérité de la nouvelle règle vise à réduire la dépendance à l’égard de l’AE, mais d’après ce que le Comité a appris, certaines considérations fiscales auraient également joué. En outre, le Comité remarque que l’exigence d’admissibilité applicable à ce groupe est sensiblement plus faible pour les prestations spéciales que pour les prestations ordinaires. Cette différence nous préoccupe, car elle entraîne un traitement injuste des entrants et des rentrants qui deviennent admissibles aux prestations ordinaires. En effet, lorsqu’un entrant ou un rentrant se qualifie pour des prestations spéciales, celles-ci peuvent être utilisées pour déterminer si cette personne est admissible aux prestations ordinaires.

[…] je ferais certainement des changements au niveau des critères d’admissibilité à l’assurance-emploi pour les nouveaux arrivants. Les gens les plus pénalisés sont les jeunes, les femmes et les travailleurs précaires. Accumuler 910 heures d’emploi assurables, c’est quasiment impossible. (Mme Lyne Poirier, consultante, Comité de chômeurs du Saguenay ? Lac-St-Jean[3])

Je suis d’avis que la loi dans son ensemble fonctionne assez bien. Je suis d’avis que l’assurance-emploi est d’une importance fondamentale pour notre pays. […] Je pense que les 910 heures constituent un obstacle énorme. Cela n’a rien à voir avec les modifications structurelles de la réforme de 1996. Vous pourriez éliminer cela en une minute. (Professeur Alice Nakamura, Université de l’Alberta[4])

        Compte tenu des possibilités d’injustice à l’égard des entrants et des rentrants et du fait que, selon lui, la politique destinée à réduire la dépendance à l’égard de l’AE déborde largement le groupe visé, le Comité estime que le seuil de 910 heures devrait être réduit. Le Comité croit également que le gouvernement devrait réexaminer l’exigence d’admissibilité aux prestations ordinaires et spéciales et éliminer toutes les iniquités que celle-ci pourrait comporter.

Recommandation 1 :

Le Comité recommande que :

  • le gouvernement envisage de réduire le seuil d’admissibilité des entrants et des rentrants, en le ramenant de 910 à 700 heures. En fondant le calcul sur une semaine de 35 heures, cette exigence serait équivalente à la règle des 20 semaines qui s’appliquait à ce groupe avant la réforme de l’AE*.

  • le gouvernement envisage de rajuster l'exigence d’admissibilité qui est actuellement de 420 à 700 heures pour mieux tenir compte des problèmes de chômage des travailleurs saisonniers**.

  • le gouvernement envisage de réduire davantage l'exigence d’admissibilité aux prestations spéciales***.

        Le Comité est également préoccupé par l’actuelle définition de l’entrant ou du rentrant, notamment à cause de la redéfinition envisagée dans le projet de loi C-2, qui exclurait les personnes ayant reçu des prestations de maternité ou parentales au cours des quatre années précédant la période de rétroactivité, actuellement fixée à deux ans. D’après la définition actuelle, la personne est considérée comme un entrant ou un rentrant si, au cours des 52 semaines précédant la période de référence, elle n’a pas réuni 490 a) heures d’emploi assurables; b) heures pour lesquelles des prestations ont été versées, selon une norme de 35 heures pour chaque semaine de prestation; c) heures réglementaires liées à un emploi dans la population active; ou d) heures appartenant aux trois catégories précédentes combinées[5].

        D’une manière générale, les témoins approuvent l’intention du gouvernement de prolonger la période de rétroactivité pour les femmes qui quittent le marché du travail pour élever des enfants, mais ils se demandent pourquoi la définition du rentrant serait assouplie pour les personnes qui ont des responsabilités familiales mais non pas pour les autres travailleurs qui peuvent prouver une participation très solide au marché du travail. Quelques témoins estiment que la définition actuelle des entrants et des rentrants ne reflète pas certaines réalités du marché du travail. Par exemple, lorsqu’ils sont déplacés, les travailleurs âgés dont les compétences sont désuètes connaissent souvent de longues périodes de chômage avant de trouver un nouvel emploi. Malgré des années et des années de participation à la population active, le temps passé au chômage, du moins dans ce contexte, n’est pas calculé dans les heures réglementaires de participation au marché du travail. L’accroissement du travail hors norme a également créé des difficultés pour beaucoup de personnes (notamment des femmes) qui travaillent à temps partiel et qui parfois ne peuvent échapper à la définition de l’entrant ou du rentrant, même si elles ont cotisé pendant des années.

Recommandation 2 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage de modifier la Loi sur l’assurance-emploi de manière à y prévoir une définition de l’entrant ou du rentrant qui exclue les personnes pouvant prouver une longue participation au marché du travail. Cette nouvelle définition devrait exclure aussi celles qui ont touché au moins une semaine de prestations de maladie au cours des quatre ans précédant l’actuelle période de rétroactivité de deux ans.

B.         Droit aux prestations

        La structure de l’admissibilité aux prestations a également été modifiée lors de la réforme de 1996. L’ancien système a été remplacé par un régime fondé sur les heures, tandis que la durée maximale des prestations a été ramenée de 50 à 45 semaines. Selon le nouveau système, ceux qui ont des horaires hebdomadaires lourds ont droit à plus de prestations que selon l’ancien système fondé sur les semaines, puisque ce dernier considérait une semaine de 15 heures au même titre qu’une semaine de 45 heures. Selon l’analyse de DRHC, l’admissibilité moyenne est demeurée sensiblement la même qu’auparavant. Mais, comme c’est le cas pour le seuil d’admissibilité, les effets du nouveau système varient selon les groupes. Par exemple, selon DRHC, l’admissibilité a augmenté parmi les hommes, qui font habituellement de plus longues semaines que les femmes, parmi les travailleurs plus âgés et ceux de la région Atlantique, où les heures de travail sont plus élevées en raison de la prédominance des emplois saisonniers. DRHC estime que les travailleurs saisonniers travaillent cinq heures de plus par semaine. En revanche, l’admissibilité chez les femmes a diminué, en raison surtout de leur participation moins importante au travail saisonnier et de leur présence plus grande parmi les travailleurs à temps partiel[6].

        En moyenne, la durée des prestations a décliné un peu depuis la réforme de 1996, chutant de 23,3 semaines en 1995-1996 à 21 semaines en 1998-1999. De plus, seulement un prestataire sur cinq environ épuise la totalité des prestations ordinaires auxquelles il a droit, soit une baisse de 14 % depuis les réformes. Selon DRHC, l’amélioration des conditions du marché du travail représente un facteur important de la réduction de la durée moyenne des prestations au cours de cette période[7].

        Malgré certains éléments tendant à prouver que la période de référence moyenne des travailleurs saisonniers a augmenté après la réforme de 1996, un nombre important de témoins se plaignent du problème de l’écart (appelé aussi « trou noir »). Cette situation survient lorsque le travailleur est incapable d’obtenir un nombre suffisant de semaines de prestations pour faire le pont d’une saison de travail à l’autre. Les industries saisonnières sont indispensables pour l’économie et du Canada et de nombreuses régions du pays*. Le Comité incite donc le gouvernement à redoubler d’efforts pour collaborer avec les industries saisonnières et leurs effectifs afin d’améliorer les perspectives d’emploi.

On ne parle pas, non plus, du fameux trou noir du printemps. Et pourtant, madame la présidente, dans votre comté, ou à proximité de votre comté, il y a une usine où on produit des bicyclettes; il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui se trouvent dans des situations très difficiles parce que la durée des prestations auxquelles elles ont droit n’est pas suffisante. Ces gens-là se trouvent dans des situations très précaires. On a de l’argent pour corriger ces situations dans le régime d’assurance-emploi. En tout cas, pour le CSD, il ne fait aucun doute que les surplus permettraient de corriger de telles situations. (M. François Vaudreuil, président, Centrale des syndicats démocratiques[8])

        Il y a quelque temps, la durée d’admissibilité maximale aux prestations de maternité/parentales a été portée de 25 à 50 semaines, soit 5 semaines de plus que la durée maximale des prestations ordinaires. Cette augmentation de durée des prestations spéciales est bien accueillie par la plupart de nos témoins, mais certains réclament un traitement comparable pour les prestations ordinaires. Cela n’a rien d’étonnant, puisque la durée maximale des prestations ordinaires dépassait autrefois celle des prestations spéciales, du moins jusqu’au début de 2001. De plus, on comprend mal que l’admissibilité aux prestations maximales soit moindre pour les prestations ordinaires, puisque celles-ci ont toujours été liées à l’objectif premier de l’AE/AC, à savoir remplacer la rémunération perdue en raison d’un chômage involontaire.

Recommandation 3 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage de rajuster l’Annexe I de la Loi sur l’assurance-emploi de manière à assurer une durée d’admissibilité maximale aux prestations de 50 semaines, comme c’est le cas pour les prestations de maternité/parentales combinées. Par rapport à l’Annexe I, on devrait envisager d’augmenter les prestations au-delà du seuil horaire minimal d’admissibilité afin d’inciter les gens à travailler pour une période plus longue que les heures minimales donnant droit aux prestations. L’augmentation maximale prévue par la nouvelle Annexe I devrait être de cinq semaines de prestations quelle que soit la combinaison d’heures d’emploi assurables et de taux de chômage régionaux. De plus, l’Annexe I devrait aussi être rajustée de façon à atténuer le problème du « trou noir ».

        Plusieurs témoins sont d’avis que les chômeurs âgés devraient avoir droit à une période plus longue de prestations, car ils n’ont plus accès à un soutien du revenu comparable à celui assuré dans le cadre du Programme d’adaptation des travailleurs âgés, pour combler l’écart entre le début du chômage et la retraite. Ce problème a également été étudié dans un rapport intitulé Préparer l’avenir : Rapport provisoire sur les travailleurs âgés déposé par ce Comité en juin 1999. En dépit de son caractère passif, le soutien du revenu est réellement la seule solution pour de nombreux travailleurs âgés peu qualifiés et sans emploi, qui habitent dans des régions où les débouchés sont extrêmement limités. Et, faute de mesures de création d’emplois financées par l’État, beaucoup n’ont d’autre choix que d’avoir recours à l’assistance sociale.

Recommandation 4 :

Le Comité recommande que Développement des ressources humaines Canada étudie la possibilité d’accorder des périodes de prestations plus longues aux travailleurs âgés mis à pied qui ne possèdent pas les compétences nécessaires pour trouver un nouvel emploi et pour lesquels il ne s’avère pas rentable d’investir dans l’acquisition de nouvelles compétences*.

C.         Les rémunérations hebdomadaires moyennes et le dénominateur

        Une nouvelle méthode de calcul des prestations hebdomadaires a été instaurée en 1996 pour encourager les assurés à travailler plus longtemps que la période minimale nécessaire pour devenir admissibles. Auparavant, la moyenne hebdomadaire des rémunérations assurables était calculée en fonction du nombre de « semaines travaillées pendant la période de référence » (selon les conditions minimales hebdomadaires). Aujourd’hui, la moyenne est établie d’après le plus élevé des deux nombres suivants : le nombre de semaines au cours desquelles un prestataire a reçu des rémunérations au cours des 26 dernières semaines de la période de référence (également appelée période de base), et le dénominateur lui-même (c.-à-d. de 14 à 22, selon le taux régional de chômage). Essentiellement, le dénominateur est égal à l’équivalent en semaines du seuil d’admissibilité minimale en heures (en calculant 35 heures par semaine) plus deux. L’objectif de la réforme était d’encourager les gens à travailler plus longtemps que le minimum exigé pour être admissibles. Peu après sa mise en œuvre, on a découvert que la nouvelle méthode comportait des éléments dissuasifs inhérents. Le gouvernement a donc mis en place deux types de projets pilotes en vue de déterminer la meilleure façon de traiter les semaines de faible rémunération qui excèdent le dénominateur. Ces projets ont été prolongés en 1998 et doivent se terminer en novembre 2001. Parmi les rares témoins qui ont évoqué ces projets pilotes, certains semblent favorables à l’adoption permanente de la « méthode de l’exclusion », qui consiste à ne tenir compte que des semaines d’emploi assurables pour lesquelles les rémunérations hebdomadaires sont les plus élevées.

        Selon les données de DRHC, seulement 2 % environ des prestataires au pays n’ont pas obtenu les deux semaines complètes de travail de plus que l’exigence d’admissibilité minimale, de manière à maximiser les prestations auxquelles ils sont admissibles[9]. Même si nous ne disposons pas d’une ventilation régionale de ces données, nous savons que la proportion des prestataires admis avec des périodes d’emploi brèves est plus grande dans les régions où le chômage est le plus élevé[10]. De nombreux témoins s’opposent au dénominateur, car ils jugent cet élément du programme injuste et punitif, puisqu’il pénalise les travailleurs qui satisfont aux conditions minimales d’admissibilité en diminuant encore leurs prestations hebdomadaires, déjà réduites par le truchement d’autres réformes, par exemple la réduction des rémunérations hebdomadaires assurables maximales. De plus, le dénominateur sape la méthode fondée sur les heures, censée profiter aux travailleurs dont l’emploi exige des semaines ouvrables concentrées. Par exemple, même si le travailleur accumule 490 heures ou plus d’emploi assurables au cours d’une période de 12 semaines, la moyenne de ses rémunérations sera établie au moyen d’un dénominateur de 14 (en supposant un taux régional de chômage supérieur à 13 %), en dépit du fait que l’équivalent hebdomadaire des semaines réellement travaillées (sur la base d’une semaine de travail de 35 heures) est égal ou supérieur à 14.

Recommandation 5 :

Le Comité recommande que :

  • le gouvernement revoie la possibilité de supprimer le dénominateur. Nous estimons que le fait d’accorder des prestations pendant une période plus longue aux personnes qui dépassent les conditions minimales horaires d’admissibilité constitue une incitation à travailler plus longtemps. Et cette incitation serait renforcée si le gouvernement restructurait l’Annexe I de la Loi sur l’assurance-emploi, comme il est expliqué plus haut.

  • le gouvernement envisage d’inscrire dans la loi la façon dont les « semaines de faible rémunération » sont traitées actuellement.

        Le Comité a également été informé d’un autre inconvénient associé à la période de base maximale actuellement utilisée pour établir la moyenne des rémunérations servant au calcul des prestations hebdomadaires. Selon cette méthode, seules les 26 dernières semaines de la période de référence sont prises en compte. Par conséquent, il peut arriver que des travailleurs ayant travaillé le même nombre d’heures et ayant reçu une rémunération totale identique pendant la même période de référence se retrouvent, au bout du compte, avec des prestations hebdomadaires très différentes. C’est le cas, par exemple, si un travailleur gagne une rémunération relativement plus élevée (plus faible) au cours de la première (deuxième) moitié de la période de référence, par rapport à un autre travailleur qui a des rémunérations plus faibles (plus fortes) au cours de la première (dernière) moitié de la période de référence*.

J’aimerais dire quelque chose, Monsieur le Président, au sujet du dénominateur. C’est un moyen de diminuer les prestations de 60 ou 70 % des personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi. Prenons, par exemple, un pêcheur qui déclare 60 ou 70 heures par semaine et qui doit pêcher le homard pendant 10 semaines. Il voit son revenu diminuer sensiblement, puisque chez nous, c’est le dénominateur 14. C’est quelque chose qui ne devrait même pas exister. On devrait calculer le taux des prestations d’après le nombre de semaines travaillées sur 52 semaines. La période de base de 26 semaines est extrêmement pénalisante également pour ces gens qui travaillent dans l’acériculture au printemps et qui pourraient, à l’automne, s’occuper dans un autre petit métier afin de combler le nombre de semaines. Lorsqu’ils reprennent le travail au printemps, les semaines travaillées à l’automne ne comptent même plus dans leur dénominateur s’ils n’ont pas réussi à se qualifier pour l’assurance-emploi avec leur travail de l’automne. Donc, le dénominateur a été fait carrément pour diminuer. On dit qu’il faut étendre l’accessibilité. Je suis bien d’accord, mais lorsque l’accessibilité est ouverte, on vient leur imposer un dénominateur sur les 26 dernières semaines, ce qui fait qu’ils ont accès au régime mais reçoivent un montant absolument minable. (M. Gaétan Cousineau, Coalition Gaspésie ¾ Les Îles, Matapédia, Matane[11])

        Le Comité estime que le dénominateur et la période de base maximale sont injustes et que cette dernière comporte un élément qui peut dissuader de travailler.

Recommandation 6 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage d’adopter la période de référence comme période servant à l’établissement de la moyenne des rémunérations. Il faudrait que seules les semaines de rémunération élevée soient prises en compte et que la moyenne des rémunérations soit établie d’après un nombre de semaines équivalent (selon une semaine de 35 heures) au nombre minimal d’heures applicable pour se qualifier.

D.         Le taux des prestations

        Avant la réforme de l’AE de 1996, deux taux étaient appliqués aux rémunérations hebdomadaires moyennes assurables pour calculer les prestations hebdomadaires. Le premier taux, 55 %, s’appliquait à la plupart des assurés, et le second, 60 %, aux prestataires ayant des rémunérations assurables faibles et des personnes à charge. Dans le cadre de la réforme de 1996, ce dernier taux a été remplacé par un paiement mieux ciblé, le supplément familial. Contrairement au dispositif antérieur, il est fondé sur le revenu familial annuel et tient compte du nombre d’enfants de la famille du prestataire. De plus, ce complément de revenu peut atteindre un niveau réel beaucoup plus élevé que le mécanisme antérieur ne le permettait, puisqu’en 2000, il a atteint un niveau maximal de 80 % des rémunérations hebdomadaires assurables moyennes.

        De nombreux témoins souhaitent que le taux des prestations soit augmenté (pour se situer entre 60 et 66 %)*. Néanmoins, a-t-on rappelé au Comité, il importe de trouver l’équilibre entre la satisfaction des besoins des chômeurs admissibles et l’incitation à travailler.

        D’après les dernières données disponibles, le supplément familial a augmenté les prestations hebdomadaires moyennes des prestataires admissibles de 43 $ par semaine en 1999-2000. Les prestations hebdomadaires moyennes se sont ainsi établies à 254 $ en 1999-2000, soit environ 38 % de plus qu’avant la mise en place de l’AE[12]. De plus, les données de DRHC indiquent également que seulement 12 % environ des personnes qui ont perdu leur emploi connaissent une baisse dans leurs dépenses de consommation une année plus tard. Cette donnée, selon un représentant de DRHC, serait un important moyen de juger si le niveau des prestations est suffisant ou non.

Ce sont là des questions importantes lorsqu’il s’agit de faire en sorte que le revenu soit adéquat. Bien sûr, lorsqu’on envisage le problème du taux des prestations, nous devons songer d’une part à assurer un soutien suffisant aux personnes qui en ont besoin. Mais, d’autre part, il faut également que les incitations à travailler soient efficaces. C’est pourquoi nous avons créé le supplément familial, lequel, comme vous l’avez souligné, a augmenté tous les ans, sans exception, ces dernières années. (Mme Wilma Vreeswijk, directrice générale intérimaire, Politiques du marché du travail, Développement des ressources humaines Canada[13])

        Les membres du Comité sont partagés sur la question du taux des prestations; certains ne sont pas favorables à une augmentation du taux pour l’instant, alors que d’autres souhaitent que le gouvernement étudie la possibilité de le porter à 60 %.

E.             Champ d’application

1.             Protection des travailleurs à faible revenu

        Avant la réforme de 1996, les travailleurs ayant moins de 15 heures d’emploi assurable ou gagnant moins de 20 % du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable ne pouvaient pas cotiser au régime d’AE. Comme il a été dit précédemment, la première heure de travail est maintenant prise en compte aux fins de l’AE, mais afin de réduire l’impact de cette mesure sur les travailleurs à faible revenu, ceux qui gagnent moins de 2 000 $ par année ont droit au plein remboursement de leurs cotisations. Pour certains, ce niveau de remboursement est insuffisant du fait qu’il laisse échapper beaucoup de monde (dont les étudiants) qui gagnent plus de 2 000 $ par année, mais qui n’accumulent pas assez d’heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations.

        Selon les derniers chiffres, au-delà de 1,2 million de personnes avaient droit à un remboursement de cotisations en 1998. Toutefois, seulement 838 620 en ont fait la demande[14]. Le fait que près du tiers de ceux qui avaient droit à ce remboursement aient omis d’en faire la demande nous paraît préoccupant; il est pratiquement impossible pour quiconque gagne moins de 2 000 $ d’être admissible à l’AE. Afin de réduire la complexité administrative et faire en sorte que tout le monde, et non seulement ceux qui demandent un remboursement de cotisations en remplissant une déclaration d’impôt sur le revenu, soit traité également, des témoins ont proposé que le gouvernement accorde une exemption annuelle de base à l’égard des cotisations à l’AE sur la première tranche de 2 000 $ de revenu. Cette solution est non seulement plus juste pour les travailleurs à faible revenu, mais elle l’est aussi pour les employeurs qui sont actuellement tenus de cotiser au nom de travailleurs qui reçoivent un remboursement de cotisations. Ce dernier point est abordé dans la recommandation 12.

Le Régime de pensions du Canada et la Régie des rentes du Québec offrent une exemption annuelle de base, en ce sens que la première tranche de 3 500 $ de revenu est exempte de cotisation. Cette exemption annuelle de base rend ces deux programmes moins régressifs. Nous proposons que les cotisations à l'assurance-emploi soient également assorties d'une exemption annuelle de base de 2 000 $, ce qui rendrait le régime d'assurance-emploi lui aussi plus progressif. Nous détaillons dans notre mémoire le coût et les avantages d'une telle exemption ainsi que la facilité avec laquelle elle pourrait être administrée. (Mme Joyce Reynolds, directrice principale, Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires[15])

 

Recommandation 7 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage d’augmenter l’actuel seuil de revenu donnant droit au remboursement des cotisations d’AE à 3 000 $ et de transformer ce remboursement en une exemption de base annuelle.

2.          Les travailleurs indépendants

        Plusieurs témoins se sont dits préoccupés par la récente augmentation du nombre de travailleurs indépendants et par le fait qu’un nombre croissant d’entre eux n’ont pas droit à la protection de l’AE. À l’exception des pêcheurs indépendants, les travailleurs indépendants ne sont pas assurables en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi[16]. La raison principale de cette décision est le problème de « risque moral » découlant du fait que les travailleurs indépendants ont la possibilité de décider s’ils acceptent ou non du travail ou de créer les conditions nécessaires à l’obtention de prestations. Les administrateurs du programme se retrouveraient donc dans une situation délicate lorsque viendrait le temps de faire une distinction entre les travailleurs indépendants qui sont en chômage volontaire et ceux qui sont en chômage involontaire. Le problème de risque moral est considéré comme étant moins grave dans le cas des prestations spéciales, étant donné que les conditions y ouvrant droit permettent aux administrateurs du programme d’exercer un plus grand contrôle sur l’accès à ces prestations.

Recommandation 8 :

Étant donné l’incidence grandissante du travail indépendant sur le marché du travail au Canada, le Comité recommande que le gouvernement envisage la création d’un cadre pour étendre l’application du régime d’AE, tant pour les prestations ordinaires que spéciales, aux travailleurs indépendants.

         Un autre aspect relatif au travail indépendant a été soulevé pendant nos audiences. Il a trait au problème créé par ce que certains appellent les travailleurs à deux revenus (c.-à-d. ceux qui sont travailleurs indépendants, mais qui occupent aussi un emploi rémunéré à différents moments au cours de l’année). Dans bien des cas, ces travailleurs ne peuvent obtenir l’AE lorsqu’ils perdent leur emploi rémunéré parce qu’étant travailleurs indépendants, ils sont incapables de prouver qu’ils sont sans emploi, condition indispensable à l’obtention de prestations de l’AE.

Compte tenu des salaires extrêmement faibles que touchent la plupart des membres du secteur culturel par leurs seuls travaux culturels — le revenu moyen dans le secteur culturel oscille aux alentours de 13 000 $ par année — un grand nombre d'entre eux se tournent vers d'autres sources de revenus. Les musiciens d'orchestres symphoniques peuvent enseigner, les acteurs peuvent travailler comme barman, etc. Il continue d'exister une certaine ambiguïté quant à la possibilité pour les artistes autonomes et les travailleurs culturels d'avoir accès aux avantages sociaux, comme l'assurance-emploi, même s'ils sont obligés de payer des cotisations au moyen de retenues sur leur salaire. De plus, il n'existe aucun système de compensations pour rembourser aux personnes autonomes les cotisations d'assurance-emploi qu'elles ont payées. (Mme Philippa Borgal, directrice associée, Conférence canadienne des arts[17])

 

Recommandation 9 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage d’élargir l’application du régime d’AE aux travailleurs qui cumulent travail indépendant et emploi rémunéré. Si le gouvernement décide de ne pas le faire, un remboursement des cotisations devrait être accordé à ceux qui ont un emploi assurable mais qui ne peuvent pas présenter de demande de prestations en raison de leur statut de travailleurs indépendants*.

F.          La formation aux termes de la partie II

3.1              Il ne fait guère de doute qu’il est de plus en plus important de posséder les bonnes compétences sur le marché du travail d’aujourd’hui. Cette réalité a été reconnue dans le récent discours du Trône, par l’accent mis sur les compétences et l’apprentissage.

Se donner une main-d’œuvre qualifiée exige un effort national. Avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec les organismes non gouvernementaux, le gouvernement du Canada veillera à ce que tous les Canadiens, jeunes et vieux, puissent atteindre leurs objectifs en matière d’apprentissage. D’ici cinq ans, il faudra faire en sorte qu’au Canada au moins un million d’adultes de plus profitent des possibilités d’apprentissage[18].

        Le Comité a appris que la réforme de l’AE de 1996 avait contribué à renforcer la motivation à investir dans la formation, en particulier chez les jeunes dans des régions à travail saisonnier. D’autres témoins ne partagent toutefois pas ce point de vue et sont d’avis que certains des changements stratégiques devant accompagner le transfert aux provinces et aux territoires de la formation au marché du travail font défaut, en particulier pour ce qui est de l’admissibilité à la formation au terme de la partie II et des fonds consentis aux apprentis pendant leur délai de carence de deux semaines.

1.             L’accès à la formation (partie II)

        En vertu de la réforme de l’AE de 1996, le gouvernement a créé ce qu’on appelle couramment les prestations de la partie II (autrefois désignées comme les « utilisations productives de l’AC »). Les prestations de la partie II sont conçues pour aider les personnes admissibles à s’adapter grâce à des mesures actives comme l’octroi de subventions salariales, l’acquisition de nouvelles compétences ou l’aide au travail indépendant. En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, seuls les « participants assurés » (c.-à-d. ceux à l’égard de qui une période de prestations a été établie ou a pris fin au cours des 36 derniers mois et ceux qui ont reçu des prestations de maternité/parentales au cours des 60 derniers mois) peuvent recevoir des prestations de la partie II. Plusieurs témoins ont indiqué que cette définition ne tient pas compte des besoins d’adaptation de bon nombre de chômeurs et devrait par conséquent être élargie.

Mais l'avenir réside dans la formation, et l'accès aux fonds de formation professionnelle est lié à l'admissibilité à l'assurance-emploi. Celle-ci est à son tour liée à la rémunération assurable provenant de la participation réelle au marché du travail. Les chômeurs à l'Île-du-Prince-Édouard se heurtent à des obstacles structurels à l'emploi et sont souvent exclus de possibilités de formation. (M. Felix MacDonald, trésorier, Prince Edward Island Federation of Labour[19])

Tout d'abord, je crois qu'il faut souligner que l'accès au financement pour la formation dans le cadre du programme de l'assurance-emploi est extrêmement limité. En fait, il n'a jamais été aussi limité. Je pense que c'est un argument qu'il faut faire valoir. Je considère que l'accès à la formation et aux études dans le cadre du programme d'assurance-emploi doit être élargi. À l'heure actuelle, il faut toucher de l'assurance-chômage et être au chômage pour être admissible à la formation dans le cadre de l'assurance-emploi. J'ai discuté de cette question autant avec les employeurs que les travailleurs; ils sont extrêmement préoccupés par cette situation. Il est absolument impossible pour un employeur et un groupe de travailleurs, qui travaillent collectivement, d'arriver à avoir accès au financement de l'assurance-emploi pour améliorer leurs compétences, leur employabilité ou pour conserver un emploi. Le programme de l'assurance-emploi ne permet aucune proactivité en matière de formation. (Mme Elaine Price, présidente, Newfoundland and Labrador Federation of Labour[20])

        Depuis le début de 2001, l’AE offre un total combiné de 50 semaines de prestations de maternité et parentales. Plusieurs témoins appuient cette décision stratégique, mais certains ne sont pas d’accord avec l’idée de recourir à l’AE pour offrir ce soutien. D’autres ont fait valoir au Comité qu’en raison de la longue période de prestations actuellement associée au congé de maternité/parental, les employeurs risquent d’avoir de la difficulté à conserver un effectif compétent. Pour remédier à cet éventuel problème, des témoins proposent que les employeurs qui ont du mal à trouver des travailleurs pour remplacer ceux en congé de maternité/parental reçoivent une certaine aide financière aux termes de la partie II pour arriver à satisfaire leurs besoins de compétences.

Nous avons fait une enquête auprès de nos membres pour connaître leur opinion sur les prestations de grossesse et les congés parentaux. Un grand nombre d'entre eux sont fermement convaincus que si les parents et les enfants peuvent passer beaucoup de temps ensemble et forger de solides liens affectifs dès le début de leur vie, l'expérience ne peut que s'avérer bénéfique. Nous avons également noté que les employeurs sont réticents à l'idée d'avoir à se passer des services d'un employé pendant une période pouvant aller jusqu'à un an. Certains craignent d'avoir à former un remplaçant, puis de devoir remettre à niveau les qualifications de l'ancien employé lorsqu'il reprend son poste. La plupart des petites entreprises ont des budgets très serrés qui n'autorisent pas le financement de programmes de formation. (Mme J. Arsenault, présidente, Chambre de commerce du Grand-Summerside[21])

 

Recommandation 10 :

Le Comité recommande que :

  • le gouvernement envisage d’accroître les fonds destinés à la formation afin d’aider les employeurs qui ont de sérieuses difficultés à trouver des travailleurs suffisamment compétents pour remplacer ceux qui reçoivent des prestations de maternité/parentales.

  • le gouvernement envisage d’offrir un remboursement de cotisations aux employeurs pour les encourager à offrir des occasions de perfectionnement aux travailleurs. Les dépenses liées à cette initiative ne devraient pas être comprises dans la limite de dépenses fixée par l’article 78 de la Loi sur l’assurance-emploi.

  • le gouvernement envisage de modifier l’article 78 de la Loi sur l’assurance-emploi qui exige que 0,8 % du montant estimé être la rémunération assurable totale soit alloué chaque année aux prestations d’emploi et aux mesures de soutien de la partie II[22].

  • le gouvernement envisage de modifier l’article 58 de la Loi sur l’assurance-emploi afin d’étendre l’accès à la formation aux termes de la partie II et aux autres prestations d’emploi et mesures de soutien grâce à l’application générale d’une période de rétroactivité de cinq ans, sans égard au type de prestations d’AE reçues au cours de cette période.

2.          La formation en apprentissage : le délai de carence de deux semaines

        Plusieurs témoins ont parlé de la question du non-financement pendant le délai de carence de deux semaines applicable aux apprentis inscrits à une formation théorique. Contrairement à ce qui se faisait par le passé, les apprentis n’ont plus droit à des allocations de formation fédérales pendant les deux premières semaines de leur formation théorique, qui correspondent en fait au délai de carence de deux semaines. Le Comité s’est fait dire que cet écart dans le soutien du revenu est un facteur qui décourage grandement les intéressés à poursuivre leur perfectionnement professionnel. Certains font en outre valoir que la politique actuelle va à l’encontre de l’importance accordée aux compétences et à l’apprentissage dans le récent discours du Trône.

Les récessions du milieu des années 80 jusque dans les années 90 n’ont pas encouragé les jeunes à acquérir un métier. L’âge moyen des apprentis au Canada est 30 ans. Ils sont des apprenants et pas des étudiants au sens traditionnel. Il s’agit habituellement de personnes mariées qui se débrouillent seules et qui n’ont pas de prêts étudiants. Ces personnes ont des responsabilités familiales et gagnent un revenu peu élevé comme apprentis. Elles ne décident pas du moment où elles acquerront leur formation technique. (M. Robert Blakely, directeur canadien, Département des métiers de la construction[23])

        Lorsque les apprentis commencent la partie théorique de leur formation en apprentissage, ils sont officiellement mis à pied de façon à leur permettre d’établir une demande de prestations d’AE. Avant la réforme du régime d’AE instaurée en 1996, des allocations de formation étaient versées aux apprentis en vertu de la Loi nationale sur la formation, pendant leur délai de carence de deux semaines. Avec l’adoption de la Loi sur l’assurance-emploi en 1996, la Loi nationale sur la formation a été abrogée. De plus, l’article 16 du Règlement sur l’assurance-emploi traite maintenant les allocations de formation versées aux prestataires qui suivent un cours ou un programme d’instruction ou de formation (vers lequel ils n’ont pas été dirigés par la Commission) comme un revenu qui, par conséquent, doit être déduit des prestations d’AE.

        Bien que les membres du Comité ignorent quel sera au juste l’impact de la politique actuelle sur le bassin d’apprentis au pays, ils sont conscients de l’importance de la formation en apprentissage au Canada et de la façon dont elle peut contribuer à fournir bon nombre de compétences importantes requises pour le travail. Compte tenu des désavantages possibles que comporte la décision d’entreprendre une formation en apprentissage, le Comité croit qu’il faut revoir la politique actuelle concernant les apprentis et le traitement des revenus qu’ils reçoivent pendant leur délai de carence.

Recommandation 11 :

Le Comité recommande que le gouvernement envisage que le délai de carence de deux semaines soit supprimé pour ceux qui participent à une formation approuvée.

G.             Gestion et financement de l’AE

        Presque tous ceux qui ont témoigné devant le Comité pendant ses audiences sur le projet de loi C-2 se sont déclarés insatisfaits de la façon dont le gouvernement utilise les revenus de l’AE. Beaucoup, dont le vérificateur général du Canada, s’interrogent sur la taille excessive de la soi-disant réserve de l’AE. Certains voudraient que le Compte d’AE soit séparé et plus autonome, qu’il opère en dehors du Trésor et sans relation de dépendance avec le gouvernement. Beaucoup estiment aussi que le taux de cotisation est trop élevé, surtout compte tenu du programme relativement plus petit et moins coûteux aujourd’hui en place et de la croissance récente des charges sociales sur les salaires.

        Aux termes de l’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission de l’assurance-emploi du Canada est censée, fixer le taux de cotisation qui permet le mieux, au cours d'un cycle économique, d'assurer un apport de revenus suffisant pour couvrir les débits autorisés et maintenir une certaine stabilité des taux. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi, le taux de cotisation a généré des surplus de fin d’année tels que la « réserve » du Compte d’AE qui devrait excéder 35 milliards de dollars d’ici la fin de 2000-2001. Ce surplus cumulatif est plus de deux fois plus élevé que la limite supérieure de la « réserve » jugée nécessaire par l’actuaire en chef de l’AE pour atteindre les objectifs fixés par la Loi en matière de fixation du taux de cotisation. En fait, le vérificateur général du Canada a déclaré au Comité que, au niveau actuel de la réserve, il lui serait « très difficile de conclure que l'esprit de la loi est respecté[24] ».

        Bien que le paragraphe 3(1) de la Loi sur l’assurance-emploi exige que la Commission évalue la façon dont les particuliers, les collectivités et l'économie s'adaptent aux changements apportés par la Loi, la Commission ne traite guère de la « réserve » ou du taux de cotisation dans ses rapports de contrôle et d’évaluation. Vu l’importance fiscale de la taxe à fins déterminées de l’AE, la Commission devrait, dans son évaluation annuelle de la réforme (c.-à-d. dans les rapports de contrôle et d’évaluation), examiner l’impact des cotisations sur les cotisants et sur l’économie en général. Mis à part cette lacune, certains membres du Comité croient que le contenu de ces rapports laisse grandement à désirer.

        Étant donné la taille de la réserve de l’AE, de nombreux témoins estiment qu’il faudrait abaisser le taux de cotisation. D’autres voudraient que les dépenses d’AE soient portées à un niveau correspondant à celui de la réserve. Et presque tous les témoins qui ont abordé cette question reprochent au gouvernement d’utiliser ces cotisations à des fins étrangères à l’AE. Beaucoup estiment que le gouvernement n’en a pas le pouvoir. On nous a même dit que certains contestaient actuellement devant les tribunaux la constitutionnalité de l’utilisation par le gouvernement de ces cotisations à des fins autres que l’AE[25].

Encore une fois, nous sommes d'avis que de la façon dont sont actuellement traitées les cotisations d'assurance-emploi, elles sont devenues un impôt. Du point de vue d'un économiste, c'est un impôt très régressif. C'est un impôt occulte et, compte tenu des principes d'une saine gestion financière, il ne devrait pas être géré de cette façon. Pour cette raison, nous proposons également d'apporter certains changements structurels, le premier étant d'extraire le compte d'assurance-emploi du budget général, des recettes générales, et de le comptabiliser séparément d'une façon qui tient essentiellement compte des besoins et de ce qui est versé dans le système, en dehors des recettes générales. (M. Jayson Myers, premier vice-président et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada[26])

        Le Comité s’est également fait dire que la « réserve » était d’ordre théorique. Comme cet argent fait partie du Trésor, il est alloué conformément au plan financier du gouvernement. Certains témoins reconnaissent que cet argent a été dépensé, mais veulent qu’on leur assure que les cotisations d’AE n’augmenteront pas en cas de ralentissement économique.

Puisque, comme le reconnaît le gouvernement, l'excédent de l'assurance-emploi est dépensé, que se passera-t-il quand, tôt ou tard, une récession frappera le pays et la demande de prestations d'assurance-emploi grimpera en flèche? Le gouvernement ne doit pas avoir à choisir entre augmenter les cotisations à l'assurance-emploi ou alourdir la dette. Voilà une question sur laquelle votre comité doit se pencher. La Fédération aimerait que la loi offre l'assurance que les cotisations n'augmenteront pas si l'économie ralentit, ce qui pourrait survenir pendant que le gouvernement examine le processus d'établissement des taux de cotisation. (M. Garth Whyte, premier vice-président, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante[27])

        D’autres témoins maintiennent que la réserve constitue un passif pour les cotisants. Ce n’est cependant pas l’opinion du vérificateur général du Canada qui a déclaré au Comité que la réserve ne constituait pas une créance du gouvernement envers les cotisants[28] même si elle rapporte des intérêts facultatifs, encore que théoriques, au Compte d’AE. Tout en se réjouissant de la décision du gouvernement d’examiner le processus de fixation du taux de cotisation, le vérificateur général estime qu’elle ne répond pas à ses préoccupations à lui et à beaucoup d’autres concernant la croissance future de la réserve. Comme le projet de loi C-2 autorise le gouvernement à fixer le taux de cotisation pour 2002 et 2003, un taux qui génère des revenus supérieurs aux dépenses va faire augmenter la réserve.

        La taille de la réserve, le taux de cotisation et l’utilisation des fonds à des fins étrangères à l’AE sont autant de facteurs qui poussent nombre de témoins à souhaiter un plus grand contrôle sur l’AE. Beaucoup voudraient que le Compte d’AE soit indépendant du Trésor et que les cotisants aient leur mot à dire dans la façon dont le taux de cotisation est fixé et les recettes dépensées. Bien que tous les membres du Comité comprennent les motifs de ces revendications, beaucoup estiment que l’établissement d’une relation sans lien de dépendance entre l’AE et le gouvernement, assortie d’un accroissement du droit de regard des cotisants, risque de poser bien des problèmes. Nous sommes nombreux en effet à penser qu’il y a trop de possibilités de conflits entre les cotisants comme en font foi les divergences de vues entre les témoins concernant l’orientation de la future réforme de l’AE. En outre, la plupart d’entre nous estimons avec le vérificateur général que l’AE est à sa place dans les comptes du Canada tant qu’elle relève du gouvernement fédéral. Tout en favorisant une participation plus grande des cotisants à la gestion de l’AE, le Comité hésite à recommander que les employeurs et les employés soient seuls responsables des questions de politique et d’administration.

        Le Comité reconnaît qu’au cours des deux années qui viennent, le gouvernement a l’intention d’examiner le processus de fixation du taux de cotisation et qu’aux termes du projet de loi C-2, il fixerait le taux de cotisation pour 2002 et 2003. Étant donnée la taille de la réserve théorique, le Comité estime que le gouvernement devrait exercer plus de prudence dans la fixation du taux de cotisation pendant cette période de manière à faire augmenter le moins possible la réserve de l’AE.

        Une autre question relative au financement de l’AE soulevée lors de nos audiences concerne le taux de cotisation supérieur des employeurs. L’article 68 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que l’employeur verse 1,4 fois la cotisation de l’employé. La raison en est sans doute que, comme les employeurs ont un contrôle plus grand sur les licenciements, il est normal qu’ils supportent une part plus grande des coûts du programme. Tout en reconnaissant parfaitement que les décisions de licenciement relèvent des employeurs, le Comité estime que les prestations d’AE servent dans bien des cas à maintenir le lien entre les travailleurs et les entreprises pendant les périodes de licenciement. Comme les travailleurs restent dans ces cas-là fidèles à l’employeur en dépit de l’instabilité de l’emploi, on pourrait en conclure qu’ils participent à contrecoeur à la décision de licenciement. Il devient alors difficile de défendre la thèse selon laquelle l’employeur devrait payer des cotisations supérieures. En outre, ces dernières années, les prestations d’AE non liées aux licenciements (comme les prestations spéciales) ont fait augmenter les coûts du programme et, comme l’ont fait remarquer certains témoins, on voit mal pourquoi les employeurs devraient payer davantage pour ces prestations que les travailleurs.

Monsieur le Président, dans un véritable régime d'assurance-emploi, nous ne comprenons pas pourquoi les employeurs ont une contribution 1,4 fois supérieure à la contribution des employés. Nous pensons qu'on devrait, sur une période donnée, rétablir une parité autant dans la composition de la commission que dans la contribution au fonds de l'assurance-emploi. (M. Gilles Taillon, président, Conseil du patronat du Québec[29])

 

Recommandation 12 :

Nous recommandons que le Comité participe au prochain examen du processus de fixation du taux de cotisation et que le processus comprenne également :*

  • un examen de l’impact du financement de l’AE sur les cotisants et l’économie;

  • un examen de l’opportunité ou non pour le gouvernement de modifier la Loi sur l’assurance-emploi de manière à déterminer la taille que devrait avoir une réserve réelle de l’AE pour atteindre les objectifs de fixation du taux de cotisation fixés par la Loi;

  • un examen de l’opportunité ou non d’égaliser les cotisations de l’employeur et des employés;

  • un examen de l’opportunité ou non d’accorder à l’employeur un remboursement de cotisations sur les cotisations remboursées à l’employé;

  • un examen de l’opportunité ou non de porter le plafond de la rémunération annuelle assurable à 41 500 $ et de l’indexer par la suite.

        Bien que la plupart des témoins estiment important d’accorder un soutien du revenu aux bénéficiaires d’un congé parental ou de maternité, certains se demandent si l’AE est le meilleur moyen d’atteindre ce grand objectif. Comme il s’agit du seul programme qui assure un remplacement du salaire aux travailleuses qui sont enceintes et(ou) qui s’occupent d’enfants nouveau-nés ou adoptés, la plupart des membres du Comité estiment que l’AE est le meilleur programme pour atteindre cet objectif. Question connexe, il a été proposé que le gouvernement indemnise les petites et moyennes entreprises qui accordent à leurs employés le congé parental prolongé en les dispensant de payer la cotisation patronale pour les remplaçants. Plusieurs membres du Comité trouvent difficile d’appuyer cette proposition étant donné que les petites et moyennes entreprises paieraient les cotisations au nom des travailleurs en congé si ceux-ci décidaient de rester au travail.

H.             Questions administratives

1.          Les régions économiques de l’AE

        Aux termes du paragraphe 18(2) du Règlement sur l’assurance-emploi, la Commission examine les limites des régions de l’AE au moins tous les cinq ans. Le dernier examen s’est achevé en 2000 et les nouvelles limites sont entrées en vigueur le 9 juillet 2000, le nombre des régions économiques étant alors passé de 54 à 58. Le redécoupage vise à mieux tenir compte de l’évolution des marchés du travail régionaux du pays. D’abord et avant tout, l’examen quinquennal a pour but de garantir que les limites correspondent à la situation du chômage sur les marchés régionaux. Cela est très important, car les estimations du taux de chômage que Statistique Canada produit pour ces régions servent à déterminer les critères d’admissibilité et les droits aux prestations.

        Pendant nos audiences, plusieurs témoins ont trouvé à redire au découpage territorial et à la façon dont les nouvelles limites sont établies. Pour ce qui est du découpage, on nous a fait observer que dans une même région économique, il y avait une grande différence entre les conditions du marché du travail dans les localités autochtones et celles qui règnent ailleurs.

En ce qui a trait au taux de chômage au niveau des régions économiques, une chose est certaine : on n'a pas pu faire d'étude exhaustive, comme on le disait dans le document, mais on peut voir que dans les communautés qu'on connaît, il n'y a pas un seul taux de chômage inférieur à 26 %. Cependant, le taux de chômage qui nous sert d'indicatif pour les normes d'admissibilité s'arrête, je crois, à 13 %. On est toujours au-delà. On pourrait nommer des communautés, mais je crois qu'il suffit de dire qu'on doit étudier l'opportunité d'établir une région économique distincte pour les communautés autochtones. De quelle façon pourrait-on concrétiser cela? Il faut l'étudier. (Mme Madeleine Buckell, conseillère en assurance-emploi, Assemblée des Premières Nations[30])

Cette révision est requise pour que les régions économiques de l'assurance-emploi reflètent la situation du marché du travail, autrement dit pour que les gens qui vivent dans les régions à taux de chômage élevé obtiennent du régime l'aide dont ils ont besoin. Ce règlement s'applique très mal dans les régions éloignées, comme dans les comtés de Charlevoix et de Manicouagan. Nous retrouvons des taux de chômage plus bas dans les principales villes, mais dans la majorité des petits villages, le taux de chômage est extrêmement élevé, et dans les communautés autochtones, on parle de 50 %. Ces dernières ne font même pas partie des statistiques pour calculer le taux de chômage, ce qui a pour effet de désavantager ces individus en les comprenant dans un échantillon qui ne reflète en rien la situation du marché du travail. (M. Michel Bérubé, porte-parole, Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi, Baie-Comeau, Rivière-Saint-François[31])

        Le Comité a par ailleurs appris que, après le redécoupage des régions économiques, le gouvernement a décidé qu’il allait modifier progressivement les limites des régions Bas-Saint-Laurent—Côte Nord et Madawaska—Charlotte. Il en résulte que ceux qui ont déposé leur demande avant l’annonce de la décision sont traités différemment de ceux qui l’ont déposée après.

Je vais vous citer mon cas à moi. On est deux à travailler dans la même entreprise d'acériculture. On avait le même nombre de semaines, soit 15 semaines; on avait le même nombre d'heures; on voyageait ensemble. Donc, on était identiques. J'ai fait ma demande de prestations de chômage deux semaines avant lui parce que j'avais des semaines qui me revenaient de l'année précédente. J'avais 15 semaines de chômage. Vu que j'ai fait ma demande deux semaines avant l'autre, on m'a payé 23 semaines de chômage. Mon dénominateur a été fixé avant le 17 tandis que celui de mon ami a été fixé après le 17 septembre. Pour les mêmes semaines et les mêmes heures, il a eu droit à 32 semaines d'assurance-emploi. Mes prestations sont finies depuis le mois de janvier et lui, il lui en reste encore. Pour moi, tout est terminé. (M. Yvan Lebrun, Regroupement des exclus de l’été 2000[32])

 

Recommandation 13 :

Le Comité recommande que :

  • dans son examen des régions économiques de l’AE, la Commission de l’assurance-emploi du Canada distingue dans toute la mesure du possible entre les marchés du travail à l’intérieur d’une zone donnée.

  • les consultations menées par la CAEC dans le cadre de son examen des régions économiques de l’AE soient plus ouvertes et transparentes.

  • les mesures transitoires de délimitation des régions économiques de l’AE se prennent désormais de manière à mettre tous les demandeurs sur un pied d’égalité, quitte à ce que les règles de transition soient appliquées de manière rétroactive.

2.          Enquêtes et questions connexes

        Lors de son témoignage devant le Comité, le vérificateur général a soulevé le problème des prestations d’AE obtenues frauduleusement sur la foi d’un faux relevé d’emploi délivré par l’employeur. DRHC et l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) sont au courant de la situation depuis des années, mais le problème persiste. Selon le vérificateur général, il y a à cela plusieurs causes, dont le manque de directives législatives sur les décisions et les appels, les retards dans le traitement et la résolution des demandes d’AE soupçonnées d’être abusives ou frauduleuses, le manque de formation et l’absence de poursuites[33]. Il faut trouver une solution au problème.

        Plusieurs témoins se sont dits préoccupés par l’attitude de certains agents de DRHC chargés d’enquêtes en matière d’AE. Ils ont affirmé avoir été traités comme s’ils avaient été coupables, même s’ils n’avaient rien fait de mal. Pour quelques témoins, le comportement de certains agents frisait le harcèlement.

        L’exclusion totale dont sont l’objet à l’heure actuelle les réclamants qui quittent de plein gré leur emploi sans « justification » a été abordée lors des audiences du Comité. Nous savons qu’il existe une jurisprudence énorme sur la notion de « motif valable ». Mais en termes pratiques, la procédure que doit suivre le réclamant pour démontrer qu’il avait un « motif valable » peut poser des problèmes dans certains cas, par exemple dans les cas de harcèlement sexuel. Ce qui préoccupe également bien des membres du Comité est le fait que l'exclusion totale s’applique au réclamant qui quitte son emploi de plein gré, même s’il a accumulé suffisamment d’heures d’un autre emploi assurable pour justifier son droit à des prestations.

Recommandation 14 :

Le Comité recommande que :

  • des mesures immédiates soient prises pour donner suite à la recommandation du vérificateur général que l’ADRC et DRHC actualisent et mettent en œuvre un plan d’action efficace pour empêcher les abus et les fraudes éventuelles en matière d’AE. En outre, le gouvernement devrait envisager de modifier la Loi sur l’assurance-emploi de manière à préciser la façon dont doivent être prises les décisions sur l’assurabilité et résolus les appels dont elles font l’objet.

  • les enquêteurs de DRHC se conduisent toujours de manière respectueuse et honnête lors de leurs enquêtes.

  • le gouvernement envisage de modifier l'article 104 de la Loi sur l’assurance-emploi afin qu’une personne assignée à comparaître ou qui gagne son appel devant la Cour canadienne de l’impôt soit défrayée par le gouvernement fédéral de ses frais de déplacement, ses repas et son manque à gagner.

  • le gouvernement envisage de revoir l'article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi afin d’imposer une sanction moins sévère, dans certaines circonstances, à ceux qui quittent volontairement leur emploi et qui ne sont pas en mesure d’établir une justification.

3.             Assurabilité des membres de la famille employés dans l’entreprise familiale

        Avant 1990, l’emploi d’un conjoint ou d’une personne à charge n’était pas assurable. Cette disposition ayant été jugé discriminatoire, la Loi sur l’assurance-chômage a été modifiée en 1990 afin de permettre au ministre du Revenu d’assurer les travailleurs ayant un lien de dépendance avec l’employeur, pourvu que les conditions d’emploi soient semblables à celles d’un emploi sans lien de dépendance*.

La loi mentionne que les personnes avec un lien de dépendance doivent le déclarer lors d'une demande de prestations. […] Chaque cas a le fardeau de la preuve. Dans son dossier, la personne doit dire qu'elle travaille et qu'elle est une salariée dans l'entreprise familiale. Ce qu'il y a de pire encore, c'est que tous les agents locaux ont obtenu un pouvoir discrétionnaire, ce qui veut dire que la décision qu'ils prennent ne peut quasiment pas être renversée, même par la Cour suprême. Cela a été déclaré officiellement. […] Notre recherche nous permet de conclure qu'il aurait fallu s'attarder non seulement à l'identification des liens qui sont déterminants quant à l'exclusion, mais aussi considérer les éléments qui permettent de conclure à l'assurabilité de l'emploi, malgré le lien de dépendance. (Mme Irène Marais, présidente, Réseau des entreprises familiales[34])

            Le paragraphe 5(3) de la Loi sur l’assurance-chômage n’a pas été modifié dans le cadre de la réforme de 1996, mais il continue de poser un problème à certains travailleurs. Le fardeau de la preuve incombe toujours aux employés de l’entreprise familiale et la Loi elle-même est libellée de manière à suggérer que les travailleurs ayant un lien de dépendance avec l’employeur sont coupables jusqu’à preuve du contraire. La plupart des membres du Comité comprennent qu’il importe de décourager les relations frauduleuses employeur-employé. Cependant, la façon de déterminer la validité des relations employeur-employé où il y a un lien de dépendance semble susceptible d’amélioration, à commencer par le ton de la loi elle-même.

En Gaspésie et dans les Îles, ça fait déjà 12 ans que je plaide devant toutes les instances, jusqu'à la Cour canadienne de l'impôt, où j'ai eu longtemps l'occasion d'aller. C'est évident qu'il y a du harcèlement contre les personnes qui travaillent pour quelqu'un avec qui ils ont un lien de dépendance ou de parenté. Et ça, c'est absolument automatique; ces gens-là font automatiquement l'objet d'une enquête. Malheureusement, lorsqu'il faut se rendre à la Cour de l'impôt, il faut très souvent attendre un an ou un an et demi avant que le dossier soit réglé parce que les juges viennent en région une seule fois par année, particulièrement dans le temps du homard. Les pauvres gens qui ont travaillé et qui sont allés demander de l'assurance-emploi au mois de septembre doivent attendre jusqu'au mois de septembre suivant pour savoir s'ils sont assurables ou non. On le voit régulièrement. Ne vous faites aucune illusion. J'aurais des tonnes et des tonnes d'exemples à vous donner. (M. Gaétan Cousineau, coordonnateur, Coalition Gaspésie/Les Îles, Matapédia, Matane[35])

 

Recommandation 15 :

Le Comité recommande au gouvernement de modifier le paragraphe 5(3) (et, au besoin, l’alinéa 5(2)i)) de la Loi sur l’assurance-emploi afin de supprimer la présomption de culpabilité en cas de lien de dépendance entre l’employeur et l’employé.

4.             Traitement de la rémunération non déclarée

        La réforme de 1996 a modifié la façon de déduire des prestations la rémunération non déclarée. La rémunération non déclarée devait désormais être assignée à une « période d’emploi » plutôt qu’à des semaines civiles. Il pouvait en résulter un versement excédentaire de prestations à l’égard d’une semaine de licenciement où le demandeur n’avait ni travaillé ni été payé. Comme cette façon de procéder a finalement été jugée injuste, on a modifié le Règlement sur l’assurance-emploi en décembre 1999 afin de redéfinir la période d’emploi. Au sens de la nouvelle définition, une période d’emploi ne peut pas englober de semaines de licenciement. Il n’empêche que cette façon de procéder irrite de nombreux demandeurs comme en fait foi le mécontentement de plusieurs témoins à l’égard de la méthode de répartition de la rémunération sur la période d’emploi par opposition à la méthode préférée d’attribution de la rémunération à des semaines civiles en vigueur avant la réforme de 1996.

L'autre élément qui est abordé, c'est ce que stipule le fameux paragraphe 19(3) dont vous avez peut-être entendu parler. Que dit-il? Autrefois, on demandait aux gens de déclarer un montant sur leur carte et on leur disait que s'ils se trompaient, on leur réclamerait ce montant s'ils recevaient des prestations au cours de cette semaine. Le paragraphe 19(3) établit une période d'emploi. Si tu t'es trompé pour une semaine pendant laquelle tu n'as pas reçu de prestation, on te réclamera ce montant pour une semaine où tu as touché des prestations. Donc, les gens se demandent comment il se fait que, parce qu'ils se sont trompés d'une semaine pour laquelle ils n'ont pas touché de prestation, on vient leur réclamer de l'argent pendant les semaines où ils ont droit aux prestations. On établit une période d'emploi. Les gens ne reçoivent pas de prestations sur une période d'emploi; ils les reçoivent pour des semaines précises et ils s'attendent à ce que, si on leur réclame des sommes, ce soit pour des semaines précises. (M. Yves St-Pierre, coordonnateur, Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières[36])

 

Recommandation 16 :

Le Comité recommande au gouvernement de revenir à la méthode d’attribution de la rémunération par semaines en vigueur avant 1996 en abrogeant le paragraphe 19(3) de la Loi sur l’assurance-emploi et le paragraphe 15(4) du Règlement sur l’assurance-emploi.

5.             Amélioration des services aux prestataires

        Au cours de nos audiences, divers témoins ont parlé du besoin d’un meilleur service. Il est à noter que DRHC a exprimé son intention d’accélérer le traitement des demandes et l’octroi des prestations. Selon son budget des dépenses pour 2001-2002, le Ministère se donne un délai de 28 jours pour le versement des prestations à partir du début de la période des prestations du demandeur. Dans la vaste majorité des cas, cet objectif est respecté. Mais le Comité est préoccupé par le fait que certains prestataires attendent beaucoup plus longtemps avant de recevoir leur premier versement. On a dit au Comité que le Ministère pouvait fournir un service plus professionnel et plus courtois et, à cet égard, le Comité appuie les efforts de DRHC de mettre en place une stratégie plus globale pour l’amélioration de la qualité, en particulier pour ce qui est d’établir les priorités de formation du personnel.

Recommandation 17 :

Le Comité recommande que DRHC améliore ses services à la population, et notamment qu’il fournisse des services plus rapides, plus appropriés et plus courtois à la clientèle de l’AE.


8      RHPH, Témoignages, réunion no 5 (15 h 40), 28 février 2001.

[1]      CAEC, p. 19. 

[2]      Cette question a été soulevée dans une récente décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB 51142) relativement à l’appel d’une infirmière diplômée dénommée Kelly Lesiuk. Cet arrêt laisse entendre que la différence entre les exigences d’admissibilité applicables aux prestations spéciales et aux prestations ordinaires entraîne une injustice pour les femmes qui doivent travailler à temps partiel parce qu’elles sont pourvoyeuses de soins primaires.

*      Le NPD considère que l’exigence pour les entrants et rentrants devrait être de 350 heures.

[3]      RHPH, Témoignages, réunion no 12 (15 h 45), 15 mars 2001.

[4]      RHPH, Témoignages, réunion no 15 (17 h ), 21 mars 2001.

*      Bien que le Bloc Québécois considère que cette réduction de 910 à 700 heures est un pas dans la bonne direction, il croit que la notion « de personne qui devient ou redevient membre de la population active » doit être complètement abolie, afin d’éliminer aussi la discrimination pour les régions à haut taux de chômage.

**    Le Bloc Québécois croit qu’un statut particulier devrait être créé pour les travailleurs saisonniers et qu’un seuil unique d’amissibilité de 420 heures devrait être établi pour cette catégorie de travailleurs.

***   L’Alliance canadienne croit fermement qu’un examen complet des conséquences financières pour le fonds de l’AE, pour les cotisations des employeurs et pour les cotisations des employés doit être effectuée avant que cette recommandation puisse être appliquée.

[5]      Selon l’article 12 du Règlement sur l’assurance-emploi, les heures réglementaires comprennent, entre autres toute semaine pour laquelle le prestataire a reçu une indemnité pour un accident du travail, toute semaine au cours de laquelle il a reçu un versement au titre d’une subvention pour le soutien du revenu dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique (autre qu’un versement de subvention à titre de soutien pour retraite anticipée); toute semaine où le prestataire suivait un cours vers lequel il avait été dirigé par la Commission; et toute semaine de chômage résultant d’un arrêt de travail attribuable à un conflit collectif.

[6]      CAEC, p. 19.

[7]      Ibid., p. 19.

*      Le NDP déplore que le gouvernement ne reconnaisse pas le travail saisonnier et les conséquences de ce type d’activité économique. Le NPD soutient que le gouvernement devrait augmenter le nombre de semaines de prestations et ainsi reconnaître les travailleurs/euses qui oeuvrent dans ces industries saisonnières.

[8]      RHPH, Témoignages, réunion no 11 (12 h 55), 15 mars 2001.

*      L’Alliance canadienne estime que la solution pour les travailleurs plus âgés déplacés se trouve du côté d’un accès accru à la formation plutôt que dans la prolongation des prestations. En augmentant la durée des prestations pour les travailleurs plus âgés, le système d’AE s’apparenterait davantage à un programme social qu’à un régime d’assurance, ce qu’il devrait être selon nous.

[9]      CAEC, p. 18.

[10]    Les périodes « brèves » d’emploi sont les périodes correspondant tout juste ou étant jusqu’à deux semaines supérieures aux conditions minimales d’admissibilité. Voir CAEC, Annexe 2, p. 2.5.

*      Le NPD soutient que ce calcul est injuste. Selon le NPD, le nombre d’heures requis pour être admissible aux prestations d’AE devrait être les heures des meilleures semaines dans une période de 52.

[11]    RHPH, Témoignages, réunion no 14 (16 h 20), 21 mars 2001.

*      Le NPD appuie l’idée d’un taux de prestations de 66%.

[12]    CAEC, p. 11.

[13]    RHPH, Témoignages, réunion no 19 (12 h 05), 24 avril 2001.

[14]    CAEC, p. 46.

[15]    RHPH, Témoignages, réunion no 4 (11 h 35), 27 février 2001.

[16]        L’élargissement de la portée du régime d’AC, en 1956, pour englober les pêcheurs indépendants devait être une mesure temporaire, leur assujettissement devant prendre fin avec la mise en œuvre d’un nouveau programme de protection contre les incertitudes dans l’industrie de la pêche (voir G. Dingledine, Exposé chronologique : L’évolution de l’assurance-chômage de 1940 à 1980, préparé pour Emploi et Immigration Canada, ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1981, p. 70).

[17]    RHPH, Témoignages, réunion no 10 (17 h 55), 14 mars 2001.

*      L’Alliance canadienne estime que les recommandations concernant le travail autonome demandent une étude plus approfondie. D’emblée, l’idée de faire participer les travailleurs indépendants au système semble bonne, mais l’intégration des nouvelles modalités dans la structure existante requiert une planification soignée et une analyse complète des implications financières.

[18]    Discours du Trône, 30 janvier 2001, pages 9 de 24.

[19]    RHPH, Témoignages, réunion no 7 (10 h 35), 13 mars 2001.

[20]    RHPH, Témoignages, réunion no 7 (11 h 50), 13 mars 2001.

[21]    RHPH, Témoignages, réunion no 13 (11 h 45), 20 mars 2001.

[22]    Selon une information du plus récent Rapport sur les plans et les priorités de DRHC, le gouvernement compte dépenser 2,2 milliards de dollars au titre des prestations d’emploi et des mesures de soutien en 2001-2002, soit 0,62 % du revenu assurable total évalué à 356,7 milliards de dollars.

[23]    RHPH, Témoignages, réunion no 3 (11 h 40), 22 février 2001.

[24]    RHPH, Témoignages, réunion no 15 (15 h 35), 21 mars 2001.

[25]    RHPH, Témoignages, réunion no 11 (13 h 20), 15 mars 2001.

[26]    RHPH, Témoignages, réunion no 6 (11 h 40), 1er mars 2001.

[27]    RHPH, Témoignages, réunion no 4 (11 h 25), 27 février 2001.

[28]    RHPH, Témoignages, réunion no 15 (16 h 10), 21 mars 2001.

[29]    RHPH, Témoignages, réunion no 6 (11 h 25), 1er mars 2001.

*      Le Bloc Québécois croit que l'étude des points suivants devrait aussi être effectuée : porter de 55 à 60 % le taux moyen des prestations, l'abolition du délai de carence, la rétroaction de l'abolition de la règle d'intensité au 1er janvier 1997 et que soit permis à tous les demandeurs de se prévaloir de l'exemption de 25 % des gains admis.

[30]    RHPH, Témoignages, réunion no 13 (12 h 45), 20 mars 2001.

[31]    RHPH, Témoignages, réunion no 11 (11 h 35), 15 mars 2001.

[32]    RHPH, Témoignages, réunion no 14 (15 h 25), 20 mars 2001.

[33]    Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 34, décembre 2000, paragraphes 34.25 à 34.44.

*      Le NPD soutient que cette section de la Loi sur l’assurance-emploi est encore discriminatoire.  Les dossiers des personnes ayant un lien de parenté sont directement acheminés à l’Agence des douanes et du revenu afin d’être examinés. Selon le NDP, cette attitude semble indiquer que le gouvernement les juge fraudeurs avant même d’en avoir fait la preuve.

[34]    RHPH, Témoignages, réunion no 8 (15 h 45), 13 mars 2001.

[35]    RHPH, Témoignages, réunion no 14 (16 h 15), 20 mars 2001.

[36]    RHPH, Témoignages, réunion no 11 (11 h 45), 15 mars 2001.