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HUMA Rapport du Comité

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CHAPITRE V

OBLIGATIONS DES EMPLOYEURS

1. Rapports

La Loi sur l’équité en matière d’emploi (article 18) dispose que les employeurs du secteur privé soumis à la réglementation fédérale doivent présenter à Développement des ressources humaines Canada (DRHC), au plus tard le 1er juin de chaque année, un rapport sur la composition de leur effectif de l’année précédente. Ils doivent notamment fournir des renseignements sur le nombre total de salariés, ainsi que sur le nombre d’employés membres de groupes désignés en fonction de la branche d’activité, du lieu de travail, de la situation d’emploi, de la catégorie professionnelle, de l’échelle de rémunération, des recrutements, des avancements et des cessations de fonctions. Après avoir regroupé ces données, DRHC s’en sert pour préparer un rapport annuel qui doit être déposé au Parlement avant le 31 décembre et qui compare la représentation des membres des groupes désignés avec leur disponibilité au sein de la population active. Les employeurs du secteur privé qui négligent de présenter leur rapport annuel sont passibles d’une amende pouvant atteindre 50 000 $.

En application de l’article 21 de la Loi, le président du Conseil du Trésor doit soumettre à chaque exercice un rapport analogue sur la situation de l’équité en matière d’emploi dans la fonction publique (ministères et organismes visés par la partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique).

Outre les employeurs susmentionnés, 15 « employeurs distincts » sont aussi tenus de déposer un rapport aux termes de la Loi. Le paragraphe 4(c) précise qu’il s’agit des employeurs de l’administration publique fédérale qui sont indiqués à la partie II de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui comptent au moins 100 salariés. Sont notamment visés l’Agence des douanes et du revenu du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, Parcs Canada et le Bureau du vérificateur général. Bien que les rapports annuels de ces employeurs distincts soient présentés au Secrétariat du Conseil du Trésor, ils sont déposés au Parlement sans être analysés ni regroupés.

a) Égalité et points de comparaison

Des témoins ont indiqué au Comité que tous les employeurs devraient être tenus de présenter leurs rapports sur la même base. La Commission canadienne des droits de la personne et d’autres témoins ont recommandé que les ministères et organismes fédéraux produisent leurs rapports pour les mêmes groupes professionnels (au nombre de 14) que les employeurs du secteur privé. À l’heure actuelle, les employeurs distincts qui sont aussi des organismes fédéraux doivent présenter leurs rapports en fonction de ces 14 groupes. Les ministères et organismes fédéraux le font à partir de  six catégories professionnelles. Le Comité est favorable à l’uniformisation complète des rapports, sachant comment il est difficile autrement de comparer les progrès et le rendement entre des employeurs du secteur public et entre les secteurs public et privé.

Nous savons également qu’aucun organisme n’est chargé du contrôle, de l’analyse ou de l’uniformité des rapports des employeurs distincts dans l’administration publique fédérale. Aucun rapport annuel n’existe pour évaluer le rendement de ces employeurs. Le Comité abonde dans le sens de la Commission canadienne des droits de la personne qui estime que la situation des employeurs distincts devrait être clarifiée du point de vue des rapports et qu’ils devraient être traités de la même manière que les autres employeurs fédéraux et les employeurs du secteur privé.

Soucieux de l’uniformité et de l’équité, le Comité est d’avis que tous les organismes tenus de présenter des rapports en vertu de la Loi devraient être obligés d’offrir des données comparatives.

Recommandation 9

Le Comité recommande que tous les employeurs, y compris les ministères et organismes fédéraux (énumérés aux parties I et II de l’annexe I de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique), de même que le Parlement et la Bibliothèque du Parlement, soient tenus de présenter leurs rapports sur l’équité en emploi au ministre du Travail. Après avoir regroupé ces rapports, en incluant une comparaison entre les secteurs public et privé, le ministre du Travail devrait être chargé de leur dépôt au Parlement. Par souci de clarté, tous les rapports acheminés au ministre devraient comporter des renseignements conformes aux instructions réglementaires.

Recommandation 10

Le Comité recommande que tous les ministères et organismes fédéraux présentent leurs rapports pour les mêmes groupes professionnels que les employeurs du secteur privé. Si, après l’étude des exigences touchant les rapports qui doit être terminée au plus tard le 1er janvier 2004 (voir la recommandation 11), le gouvernement modifie la base à partir de laquelle les données sur les groupes professionnels sont présentées, la nouvelle formule devra s’appliquer uniformément à tous les employeurs.

Bien que les employeurs n’aient pas demandé qu’on modifie l’obligation de présenter un rapport annuel, certains ont fait valoir que les exigences de la Loi s’avéraient un fardeau considérable qui ne leur procurait pas vraiment d’avantages. Ils ont recommandé qu’on examine la question attentivement dans l’optique d’axer les ressources sur les résultats.

… de la part de nos membres et de la part du Ministère pour faire en sorte que moins de temps soit consacré à faire un rapport qui, finalement, reste sur les tablettes. (Mme Hélène Gendron, présidente du Sous‑comité sur l’équité en emploi, et première chef, Équité en emploi et langues officielles, Radio‑Canada/CBC, Employeurs des transports et communications de régie fédérale)48

En revanche, un grand nombre de témoins ont recommandé le maintien du système de rapports annuels. Certains employeurs ont indiqué au Comité qu’ils avaient mis en place des systèmes de compte rendu qui faisaient partie intégrante de leur travail courant, mais qu’ils n’aimeraient pas que la préparation des rapports statistiques devienne une tâche plus complexe. Par ailleurs, d’autres témoins, comme la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et certains représentants de groupes désignés désirent que les employeurs présentent davantage de données et d’analyses que ce à quoi ils sont tenus présentement aux termes de la Loi.

Le Comité convient qu’il est délicat de concilier deux aspects des exigences concernant les rapports et vérifications : garantir la reddition de comptes tout en limitant le fardeau administratif. Nous sommes aussi conscients que la plupart des employeurs ont investi des ressources pour mettre en place un système de compte rendu qui, s’il était modifié, occasionnerait des coûts supplémentaires pour eux et pour les contribuables.

Les ressources des entreprises sont limitées et doivent servir à instaurer des changements plutôt qu’à consacrer du temps à répondre aux demandes d’information du gouvernement. (M. John Crockett, consultant)49


Nous recommandons de modifier l’article 18 de la Loi pour permettre aux employeurs du secteur privé, s’ils le souhaitent, de présenter un rapport tous les deux ans plutôt que tous les ans. Il faudra ensuite constituer un groupe de travail représentant les diverses parties prenantes pour trouver des moyens de modifier les rapports pour qu’ils perdent leur prépondérance. Toute la question des exigences en matière de rapports est alourdie par une foule de problèmes indirects et de nombreuses considérations concernant les parties prenantes. (M. Philip McLarren, président, McLarren Consulting Group Inc.)50

Le Comité est d’avis qu’il vaudrait la peine d’analyser certains aspects des rapports. Il semble reconnu, par exemple, qu’il faudrait davantage de renseignements sur les personnes membres de plus d’un groupe désigné. Cependant, d’ici à ce que le décor soit planté, le Comité n’est pas prêt à recommander que les employeurs fassent des rapports sur ce genre de représentation. Cette question a été abordée ailleurs dans le présent rapport.

En outre, des employeurs qui ont témoigné ont signalé avoir réussi à accroître la représentation des groupes désignés grâce à différents projets et interventions (par exemple, programmes de sensibilisation, apprentissage, activités de recrutement, formation, etc.).

Les exigences en matière de rapport ont pour effet d’accorder trop d’importance aux nombres et pas suffisamment à l’élaboration de systèmes, de procédures et de pratiques susceptibles d’influer de façon importante sur ces chiffres. Dans toute la Loi, on met l’accent sur l’importance des mesures correctives, à commencer par l’énoncé de l’objet de la Loi. Le moment est venu d’ajouter aux rapports numériques des incitatifs et des directives sur la façon de modifier les pratiques pour rendre efficace l’équité en matière d’emploi. (M. Philip McLarren, McLarren Consulting Group Inc.)51

De nombreux témoins nous ont indiqué que l’équité en emploi devrait signifier plus que de recueillir et d’analyser des données statistiques. De fait, l’article 5 de la Loi est explicite à ce sujet :

L’employeur est tenu de réaliser l’équité en matière d’emploi par les actions suivantes :

 a)détermination et suppression des obstacles à la carrière…
 b)instauration de règles et d’usages positifs et prise de mesures raisonnables d’adaptation pour que le nombre de membres de ces groupes (désignés)… reflète leur représentation52.

Les statistiques constituent un moyen et non une fin. Étant donné que nous croyons qu’il faudrait mettre davantage l’accent sur les mesures qualitatives, nous estimons qu’il serait bénéfique d’exiger plus de données sur ces mesures. Dans les faits, de nombreux employeurs fournissent déjà ces renseignements avec l’information qu’ils présentent chaque année. Le Comité est toutefois d’avis que ces renseignements ne sont pas utilisés à aussi bon escient qu’ils pourraient. Pourquoi ne pas permettre, par exemple, aux employeurs de présenter une année des statistiques sur la représentation puis, l’année suivante, un compte rendu sur leurs mesures et programmes qualitatifs? Le Comité pense que cette formule pourrait donner un aperçu plus complet des progrès et réalisations que ne le font les rapports statistiques annuels.

Recommandation 11

Le Comité recommande que la Direction générale du travail de Développement des ressources humaines Canada, en consultation avec la Commission canadienne des droits de la personne, effectue une étude sur les exigences concernant les rapports en application de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Cette étude devrait mettre à contribution la totalité des parties prenantes, les ministères et organismes gouvernementaux (y compris les employeurs distincts), les groupes désignés, les syndicats et les représentants des salariés, ainsi que les employeurs du secteur privé soumis à la réglementation fédérale. Elle devrait porter expressément sur l’obligation de faire rapport aux termes de la Loi, la faisabilité d’exiger des rapports statistiques aux deux ans, et la possibilité de faire déposer les rapports sur les mesures qualitatives tous les deux ans. Cette étude devrait être remise au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes au plus tard le 1er janvier 2004.*

2. Clarifier les exigences de la Loi

Plusieurs témoins, dont la CCDP, ont indiqué que des employeurs étaient confus quant à la portée de certaines exigences figurant à la partie 1 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, et que celles-ci devraient être clarifiées.

a) Mesures spéciales

En application de l’article 2 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, l’équité en emploi ne se limite pas seulement à accorder un traitement identique aux personnes, mais aussi à prendre des « mesures spéciales » et des aménagements adaptés aux différences. Étant donné que l’expression « mesures spéciales » figure dans l’objet de la Loi, on pourrait alléguer que le sens qu’on lui donne pourrait servir à interpréter le mot « mesures » ailleurs dans la Loi. L’article 10 de la Loi définit le contenu du plan d’équité en matière d’emploi de l’employeur, plan qui doit préciser les « règles et usages positifs » à instituer à court terme pour favoriser les groupes désignés sous-représentés du point de vue du recrutement, de la formation, de l’avancement et du maintien en fonction; doivent aussi être décrites les « mesures » à prendre par l’employeur à court terme pour supprimer les obstacles à l’emploi. Le Comité voit mal comment les règles et usages positifs à court terme, de même que les mesures ou mesures spéciales, pourraient s’exclure mutuellement. Néanmoins, nous reconnaissons que la référence restreinte aux « mesures spéciales » et l’allusion aux « mesures » à l’alinéa 10(1)b) de la Loi, combinées à l’interprétation que fait la CCDP de cette disposition, selon laquelle il s’agit de mesures spéciales, sont des sources de consternation. Il serait utile à notre avis de clarifier cette question.

Le principal message que je veux vous transmettre aujourd’hui est que pour fonctionner efficacement, la Loi sur l’équité en matière d’emploi doit comprendre des mécanismes intégrés afin qu’employeurs et employés handicapés puissent compter sur des soutiens réels et hautement spécialisés. En effet, selon l’article 2 de la Loi, il faut appliquer le principe selon lequel l’équité en matière d’emploi va au-delà du traitement identique de tous, car elle exige des mesures spéciales et des aménagements adaptés aux différences. Je pense qu’il faut investir davantage dans ces mesures spéciales et ces aménagements. (M. Gary Birch, directeur exécutif, Fondation Neil Squire)53

Recommandation 12

Le Comité recommande que la Loi soit modifiée de manière à clarifier l’expression « mesures spéciales » et à inclure l’obligation d’intégrer ces mesures dans le plan d’équité en emploi des employeurs.

b) Aménagements

Les articles 5 et 10 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi obligent les employeurs à établir des règles et usages en faveur des membres de groupes désignés sous-représentés au sein de leur effectif. En revanche, la Loi n’explique pas expressément ce que les employeurs doivent faire pour se conformer à cette exigence.

La Loi actuelle oblige les employeurs à prendre des « mesures raisonnables d’adaptation » en faveur des membres des groupes désignés. Cette disposition, en plus d’être vague et imprécise, ne protège pas adéquatement les personnes handicapées qui ont besoin, dans leur milieu de travail, de mesures d’adaptation qui répondent à leurs besoins… L’ACM propose qu’on modifie la Loi sur l’équité en matière d’emploi et qu’on remplace la prise de « mesures raisonnables d’adaptation » par « l’obligation de prendre des mesures d’adaptation non susceptibles de causer un préjudice injustifié ». (Mme Joanne Green, directrice des ressources humaines, Assemblée des chefs du Manitoba)54

Plusieurs témoins ont recommandé de remplacer l’expression « mesures raisonnables d’adaptation » par « l’obligation de prendre des mesures d’adaptation non susceptibles de causer un préjudice injustifié ». Ce second libellé est analogue à celui employé à l’article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette dernière inclut l’obligation de prendre des mesures d’adaptation non susceptibles de causer un préjudice injustifié aux exigences professionnelles justifiées ou aux motifs justifiables que peuvent invoquer les employeurs, et elle restreint à la santé, à la sécurité et aux coûts les facteurs d’évaluation de la contrainte excessive.

Même si le libellé des mesures d’adaptation dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi ne correspond pas point pour point à ce qu’on trouve dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est important de souligner que l’article 6 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi précise clairement que les employeurs ne sont pas obligés de subir un « préjudice injustifié » lorsqu’ils prennent des mesures en faveur de l’équité en emploi.

Certains témoins ont jugé que l’expression « mesures raisonnables d’adaptation » était trop vague et devait être définie. Or, cela n’est peut-être pas nécessaire, à la lumière de la tendance de la jurisprudence en la matière. Dans la décision qu’elle a rendue récemment dans l’affaire Colombie-Britannique c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 R.C.S. 3 (désignée sous le nom d’arrêt Grismer), la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’obligation des employeurs de prévoir des mesures d’adaptation pour les employés dans le processus de suppression des obstacles à l’emploi. La Cour a indiqué clairement que les employeurs qui conçoivent des normes pour le milieu de travail doivent être conscients des différences entre les personnes et des différences qui caractérisent des groupes de personnes. Autrement dit, ils doivent intégrer les conceptions de l’égalité à ces normes. La Cour a reconnu qu’il fallait tenir compte de certains facteurs pour évaluer l’obligation d’un employeur de composer avec un employé tant qu’il n’en résulte pas pour lui une contrainte excessive (coût, interchangeabilité relative des employés et des installations, perspective d’atteintes réelles aux droits d’autres employés). La Cour a ajouté qu’aucun de ces facteurs n’était consacré, sauf dans la mesure où ils sont inclus ou écartés expressément par la Loi. Finalement, la Cour a souligné qu’il fallait toujours faire preuve de souplesse et de bon sens dans le contexte des faits propres à chaque cas.

Dans son rapport présenté au Comité, la CCDP recommande que les employeurs soient tenus de disposer d’une politique d’adaptation écrite pour chaque groupe désigné aux termes de la Loi. On nous a parlé d’un précédent en ce sens dans le Code canadien du travail relativement à l’obligation d’avoir une politique pour contrer le harcèlement. En outre, la CCDP a fait parvenir aux employeurs intéressés une politique générale d’adaptation conforme aux normes énoncées par la Cour suprême du Canada dans ses décisions rendues dans les affaires Colombie-Britannique c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 R.C.S. 3 et Colombie-Britannique c. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (désignées sous les noms d’arrêts Meorin et Grismer, respectivement). Le Comité accueille favorablement les initiatives de la CCDP en vue d’éduquer et d’appuyer les employeurs prêts à mettre au point des politiques d’adaptation. Nous saluons tout particulièrement sa publication intitulée Une place pour tous : Guide pour la création d’un milieu de travail inclusif qui fournit des lignes directrices claires auxquelles peuvent recourir les employeurs pour concevoir et mettre en branle leurs propres politiques et procédures d’adaptation.

Recommandation 13

Le Comité recommande que le gouvernement modifie la Loi sur l’équité en matière d’emploi en vue de remplacer l’expression « mesures raisonnables d’adaptation » par « l’obligation de prendre des mesures d’adaptation non susceptibles de causer un préjudice injustifié » et que la ministre du Travail étudie la possibilité d’instaurer des mesures législatives afin d’obliger les employeurs à disposer d’une politique d’adaptation et de modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi en conséquence.

c) Étude des systèmes d’emploi

L’article 9 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi oblige actuellement les employeurs à analyser leurs systèmes, règles et usages d’emploi conformément aux règlements afin de déterminer les obstacles en résultant pour les membres des groupes désignés. La CCDP demande que les résultats de cette étude soient documentés. Des employeurs se sont opposés à cette obligation, mais ils ont retiré leurs contestations avant que le Tribunal ne rende une décision. Certains témoins ont indiqué que l’examen des systèmes d’emploi constituait l’élément clé de la réussite de la concrétisation de l’équité en emploi au travail.

L’élément le plus essentiel du processus de planification est sans doute l’examen des systèmes d’emploi. Il permet de cerner les changements à apporter pour supprimer les obstacles auxquels se heurtent les membres des groupes désignés et pour parvenir à la pleine équité en matière d’emploi. Les employeurs sont censés savoir comment désigner les activités qui constituent des obstacles à l’origine de la sous-représentation et des mesures de redressement à prendre. En fait, bon nombre d’employeurs ne savent pas exactement quelles sont les causes systémiques possibles de la sous-représentation, et encore moins comment les supprimer. Nous recommandons que le processus d’examen et de vérification prévoie, à titre de directive, une liste d’interventions qui se sont révélées propices à des changements spectaculaires et suggérons que les déclarants appliquent cette directive pour indiquer les interventions auxquelles ils ont eu recours, les autres tentatives d’intervention et les résultats obtenus — tant positifs que négatifs — par chacune d’entre elles (M. Philip H. McLarren, président, McLarren Consulting Group Inc.)55

Certains groupes d’employeurs ont indiqué lors des consultations menées par la CCDP que la principale préoccupation résidait dans le fait que l’étude des systèmes d’emploi n’était pas une science exacte et qu’on risquait d’établir une norme impossible à appliquer si les exigences législatives pouvaient être interprétées comme l’imposition du repérage de tous les obstacles56. Comme nous pendant les audiences, la Commission s’est fait dire que des guides supplémentaires aideraient les employeurs à s’acquitter de leurs obligations aux termes de la Loi concernant l’étude des systèmes d’emploi. Le Comité convient que cette étude devrait être documentée et que la Commission devrait guider davantage les employeurs pour qu’ils puissent plus facilement remplir cette obligation importante sur le plan des rapports.

Recommandation 14

Le Comité recommande que le Règlement sur l’équité en matière d’emploi soit modifié de manière à obliger les employeurs à documenter leur étude de leurs systèmes d’emploi et que la Commission canadienne des droits de la personne établisse des normes claires pour aider ces derniers à effectuer cette étude.

d) Objectifs d’engagement et d’avancement

Conformément à l’article 10 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, les employeurs qui constatent une sous-représentation au sein de leur effectif doivent préparer un plan d’équité en emploi comprenant notamment des objectifs quantitatifs à court terme de recrutement et d’avancement des membres des groupes désignés sous‑représentés. La CCDP préférerait que ces objectifs correspondent minimalement à la disponibilité au sein de la population active. Le Comité n’est pas opposé à un tel point de référence, mais il se demande en réalité si l’on peut s’attendre raisonnablement à ce que les employeurs atteignent ces objectifs d’engagement et d’avancement à court terme, surtout lorsque la sous-représentation est marquée. Le Comité se demande également s’il est raisonnable que la CCDP s’attende à ce que les employeurs fixent des objectifs supérieurs à la disponibilité au sein de la population active, étant donné que ces repères sont censés se rapporter au bassin total de travailleurs possédant des caractéristiques particulières du point de vue du capital humain dans un milieu de travail donné. Il se peut fort bien aussi qu’une proportion importante d’un groupe particulier de travailleurs désignés dans une profession et une région données du pays soit déjà employée, car les points de référence sur la disponibilité englobent à la fois les personnes qui ont un emploi et celles qui n’en ont pas. Quoi qu’il en soit, le Comité n’est pas certain qu’il soit important de disposer d’un point de référence minimum pour les objectifs numériques à court terme, car si un objectif numérique provoquait une sous‑représentation à long terme, la CCDP devrait forcer les employeurs à poursuivre leurs efforts en faveur d’un effectif représentatif. Ceci dit, le Comité admet qu’il y a désaccord sur cette question, car des causes sont devant les tribunaux en attente de décision.

La CCDP a adopté une norme minimale selon laquelle les employeurs doivent fixer des objectifs au moins équivalents au pourcentage concernant les groupes désignés en fonction des données du recensement. Cette norme est peu pratique, la plupart du temps. Les données du recensement conviennent très bien comme points de référence, mais pas comme normes — surtout pas des normes minimales. Nous citons des exemples de ce problème dans notre mémoire écrit. Lorsque les données du recensement sont considérées comme des normes minimales plutôt que des points de référence, les employeurs sont portés à les considérer comme des objectifs ou des quotas maxima. En l’absence de normes minimales, les employeurs peuvent être plus portés à fixer des objectifs supérieurs aux points de référence des données du recensement et, plus important encore, à établir des plans réalistes pour les atteindre. (M. Philip H. McLarren, président, McLarren Consulting Group Inc.)57

Recommandation 15

Le Comité recommande que la ministre du Travail examine la Loi sur l’équité en matière d’emploi pour déterminer s’il est nécessaire de clarifier la portée des objectifs d’engagement et d’avancement qu’exige l’alinéa 10(1)d) de la Loi.*

3. Participation des syndicats

Il ne fait aucun doute pour le Comité que la réalisation de l’équité en emploi est plus complète et efficace lorsque les représentants des employés participent activement à la conception et à la mise en œuvre du plan d’équité. C’est pour cette raison que l’article 15 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi oblige les employeurs à consulter les représentants des salariés et à collaborer avec eux pour l’élaboration, la mise en application, la révision et la diffusion du plan d’équité en emploi aux employés.

Plusieurs témoins, surtout des syndicats, ont recommandé de modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi de manière que les employeurs soient tenus de participer avec les représentants des salariés à la conception et à l’implantation du plan d’équité en emploi. Certains ont aussi suggéré d’obliger les employeurs à négocier l’équité en emploi dans le cadre de la convention collective lorsque les travailleurs sont représentés par un agent négociateur. Plusieurs représentants syndicaux ont fait valoir que les employeurs interprétaient la « consultation » comme une demande d’information aux agents négociateurs et que la « collaboration » n’existait pas. Ils ont été nombreux à recommander des ententes administrées conjointement ou la création de comités mixtes en milieu de travail sur l’équité en emploi, ou les deux.

La Loi confère aux représentants des employés le droit d’être impliqués totalement à chaque étape du processus d’équité en emploi en exigeant des employeurs qu’ils participent à des séances de consultation et qu’ils collaborent avec les représentants des employés. Cependant, notre expérience nous a démontré que la plupart des employeurs n’ont jamais tenu de consultations. Les employeurs devraient être obligés de développer et de mettre en œuvre l’équité en emploi, conjointement avec les syndicats. (Congrès du travail du Canada, mémoire) 58

Certains membres de groupes désignés ont exprimé des réserves quant à la possibilité de modifier la Loi pour confier un rôle plus grand aux syndicats en matière d’équité en emploi. Certains organismes autochtones, dont le Ralliement national des Métis, ont indiqué au Comité que les syndicats « ne sont jamais vraiment intervenus en faveur des Autochtones ou de nos causes ». Ils ont donné des exemples où les syndicats avaient fait obstacle à l’engagement de Métis compétents afin de protéger des titulaires en place59. Ces sentiments sont partagés par des témoins d’autres groupes désignés qui estiment que les dispositions des conventions collectives en faveur de l’ancienneté (qui est protégée par les paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi) nuisent aux membres des groupes désignés. La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec a recommandé de remplacer le terme « ancienneté » qui figure aux paragraphes 8(1), 8(2) et 8(3) par l’expression « mesures négociées au sujet de l’ancienneté ». D’autres se sont dits d’avis que les syndicats devaient travailler plus activement à sensibiliser leurs membres à l’équité en emploi.

Les Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF) se sont dits en faveur de la consultation et de la collaboration avec les syndicats et les représentants des employés. En revanche, ils n’étaient pas favorables à des mesures juridiques ou législatives qui viendraient préciser comment concrétiser ce processus. À leur avis, puisque c’était à eux qu’incombait finalement la responsabilité d’obtenir des résultats, les employeurs étaient les mieux placés pour déterminer la nature et l’étendue de la consultation et les formules de partage de l’information appropriées. Les employeurs ont aussi besoin de souplesse pour mettre en place des mesures de consultation adaptées à leur structure organisationnelle et à leurs besoins.

Dans le rapport et les recommandations qu’elle nous a présentés, la Commission canadienne des droits de la personne a soutenu que plus les syndicats participaient au processus d’équité en emploi, plus les résultats étaient favorables pour la main-d’œuvre.

Lorsque les consultations sont bien réalisées, elles ont le potentiel d’employer à bien la vaste expérience de la main-d’œuvre diversifiée de l’employeur, d’améliorer considérablement la base d’information à partir de laquelle les décisions sont prises, de puiser à une source précieuse de solutions créatrices et d’augmenter énormément les chances d’appui du plan [d’équité en emploi] qui en découlera. (Commission canadienne des droits de la personne, « Examen législatif de la Loi sur l’équité en matière d’emploi »)60

Si le Comité est d’accord pour qu’on insiste davantage afin que les employeurs consultent les représentants des salariés et collaborent avec eux, il ne croit pas que ces représentants devraient assumer conjointement la gestion de l’équité en emploi ni que les employeurs devraient être forcés à négocier les questions d’équité à l’intérieur d’une convention collective. Primo, les représentants des salariés ne sont pas assujettis aux dispositions de la Loi régissant l’observation, et ils ne devraient pas l’être non plus. Secundo, le Comité ne croit pas être habilité à imposer aux parties négociatrices le contenu de leur convention collective. Il devrait incomber aux employeurs et aux salariés de décider si cette question doit être négociée dans le cadre de la convention collective.

Parallèlement, le Comité a été extrêmement impressionné par les témoins représentant le mouvement ouvrier qui se sont engagés à améliorer l’équité en emploi. Ces représentants ont formulé un grand nombre de suggestions qui, de l’avis du Comité, méritent qu’on s’y attarde. Comme l’ont fait valoir beaucoup de syndicats dans leurs mémoires, cette collaboration pourrait consister essentiellement à mieux informer et éduquer les employés. Nous pensons aussi que les syndicats ont un rôle important à jouer en faisant comprendre aux travailleurs l’importance de répondre aux enquêtes sur l’effectif. Cette question est abordée dans une autre section du présent rapport.

Recommandation 16

Le Comité recommande que la ministre du Travail, en consultation avec les employeurs, les employés et les représentants des salariés, se penche sur les moyens à prendre pour accentuer l’obligation des employeurs de consulter les représentants des salariés, y compris les syndicats. Il faudrait déterminer en particulier si les exigences actuelles concernant la « consultation » et la « collaboration » entre les employeurs et les représentants des salariés qui sont prévues au paragraphe 15(3) de la Loi devraient être intégrées aux fonctions confiées à la Commission canadienne des droits de la personne au chapitre de l’évaluation du degré d’observation chez les employeurs.


48 RHPH, Témoignages (12:05), réunion no 56, 21 mars 2002.
49 RHPH, Témoignages (11:05), réunion no 48, 7 février 2002.
50 RHPH, Témoignages (11:45), réunion no 57, 11 avril 2002.
51RHPH, Témoignages (11:45), réunion no 57, 11 avril 2002.
52 Loi sur l’équité en matière d’emploi, article 5.
*Le NPD n’appuie pas la tenue d’une étude portant expressément sur les exigences concernant les rapports que prévoit la Loi et sur la faisabilité d’exiger des rapports statistiques aux deux ans. Nous croyons qu’une telle étude pourrait éventuellement donner lieu à un affaiblissement de la Loi et des exigences actuelles concernant la présentation de rapports annuels.
53 RHPH, Témoignages (13:15), réunion no 58, 16 avril 2002.
54RHPH, Témoignages (12:15), réunion no 55, 19 mars 2002.
55 RHPH, Témoignages (11:45), réunion no 57, 11 avril 2002.
56 Commission canadienne des droits de la personne, Examen législatif de la Loi sur l’équité en matière d’emploi : Rapport et recommandations présentés au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, 2002, p. 28.
57RHPH, Témoignages (11:45), réunion no 57, 11 avril 2002.
*Le NPD n’appuie pas l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi dans le but de déterminer s’il est nécessaire de clarifier la portée des objectifs d’engagement et d’avancement qu’exige la Loi. Il pourrait en découler une érosion de l’exigence actuelle selon laquelle les objectifs d’équité en matière d’emploi doivent être fixés à un niveau au moins équivalent à la disponibilité de la main-d’œuvre.
58 Congrès du travail du Canada, mémoire, 19 février 2002, p. 10.
59 RHPH, Témoignages (13:00), réunion no 55, 19 mars 2002.
60 Commission canadienne des droits de la personne, (12 avril 2002), p. 43.